Le: Le A 4 A 2 1 Ÿ SEC 4 AS à RL 3 Ware 4 ù ae ; AT CR { CS LE 4 - S i) F ri FL : | AS a —! 7} D127 e 21 = k LL Y ES 1 ET ES À = & Fr, = Ÿ | 2(£ A — = ’ ; TNQ à - / — > > : ANNUAIRE NÉCROLOGIQUE. AAA POUR 1822. - AVIS. Les personnes qui auraient des renseignemens à donner pour l'Annuaire Nécrologique de 1823, sont prices de vouloir bien les adresser , FRANCS DE PORT, 4 l’EÉditeur de l'Annuaire Nécrologique ( Bureau de la Revue pores pédique) , rue d’Enfer-Saint-Michel , n° 18. ANNUAIRE NÉCGROLOGIQUE pour 1820, première Année , in-8”, 4 portraits. 5 fr. 00 SECONDE ANNÉE , 1821 , 4 portraits. 7 fr. 50 TROISIÈME ANNÉE , 1822, 4 portraits. 7 fr. 00 tir IMPRIMERIE DE COSSON. ANNUAIRE NÉCROLOGIQUE, COMPLÉMENT ANNUEL ET CONTINUATION DE TOUTES LES BIOGRAPHIES , OU DICTIONNAIRES HISTORIQUES ; Contexawr la vie de tous les hom mes remarquables par leurs actes ou leurs productions, morts dans le cours de chaque année , à com- mencer de 1820. — ORNÉ DE PORTRAITS. RÉDIGÉ ET PUBLIÉ LTRAEX PAR. A: MAHOIN + 220 [TE - LP4 t AE CE PCI ND EUTE CADET AAA AAA AAA PAIN IIIe ANNÉE (1822). PAS AAAAAN NANAAA AN AAANAAAAAARA ANA PARIS, PONTHIEU , LIBRAIRE , PALAIS-ROYAL , GALERIE DE BOIS, N° 202. 1823. Pad: { SE ARS PIE. NE ù Pt gite | x + ANS à . CPE Eu ‘4 1.2 œ en AT Par Que LUET ME Fix pi IRIRIL e _ nr (7? CAR AAA PACE AQU dE CU TELE NUE ixi ë à - jf" à Mon etM Sa" \ TNA si ; : t : 2 , ‘g 2 H « Se AT AS ND A w vs AA FA ROLL 2 " 4 ' fit Le SR CR : 179 ES \ ; LAIT aa ” TE SO TFAOR 29 E 4007208 p si ns s , - L Es toy 0: - D } vs { + » 1. x ‘a Pu ? M MATE rai Ro Ag DE AT À gi PACE Ce L DEEE PE AA 1 À x 4 400 no Da M TT ; OSLANRE (PAIE ANAL er Mie } i x FE UE Ads led pur pe eh als ce v ÿ ; î 2 A7 Da sit x Lead) «Re #: à ir . : Fe ’ TA 4 Ag 1PÉREA ATRACRA x d ñ s L \ ce 4 L 1 + ‘ L AAA AA AAA AAA AAA AAA AAA ERA AAA AA MAMA A EU AAA MAR RE AVERTISSEMENT. LATE A rad PE YOR —R=—— SOFAR ICA& < RARMEN. Panvenus à la troisième année de la publication de ce recueil , nous profitons encore une fois de l’occasion d'in- diquer quelques-unes de ses difficultés , qui doivent servir jusqu’à un certain point d’excuse à ses imperfections. Quelques parties de cet Annuaire peuvent sembler arides aux gens qui ne lisent que pour leur amusement ; il leur est facile de les laisser à l’usage de ceux qui lisent pour une utilité plus positive : peut-être qu'un jour ils éprou- veront, à leur tour, l’avantage de ces nomenclatures et de ces indications , sèches et minutieuses en apparence , mais qu’on apprécie au moment où l’on sent le besoin de les consulter. Dans les articles d’un intérêt plus général, on a continué d’apporter le plus grand soin possible à repro- duire avec fidélité tout ce qui est connu de curieux et d’authentique, touchant les personnes qu'ils concernent. Parmi les articles d’une étendue et d’une importance secondaire, il en est un grand nombre qu'on ne trou- verait dans aucune autre collection, et qui cependant ne méritaient pas d'être négligés, puisque ceux dont ils traitent ont, ou publié des écrits qu’on doit rencontrer à _ É instant dans les bibliothèques , ou laissé dans le 2 monde des traces quelconques de leur existence, qui <# peuvent d’un moment à l’autre éveiller la curiosité. © La partie étrangère de notre Annuaire est déjà plus Œ complète que l’année précédente; nous espérons qu'elle & 4 BAR de M®° Balard, intitulé F'elléda , et imité des Martyrs de M. de Chäâteaubriand. BARBANÇOIS ( Crarres- Hériox , marquis de), naquit au château dé Villegongis, en Berry, aujourd’hui département de l’In- dre, le 17 août 1560. Grand pro- priétaire et agriculteur éclairé , il a beaucoup fait pour l’avancement du premier des arts, dans l’exploi- tation d’une culture de sept cents hectares. Il fut un des premiers en France , à faire venir d’Espa- gne des beliers mérinos. En 1809 il obtint un des prix proposés par la Société centrale d’agriculture de Paris, pour les irrigations intelli- gentes et fructueuses. Le perfec- tionnement de la charrue , l’amé- lioration des bêtes à laine, les sciences physiques dans leurs rap- ports avec l’agriculture , tels fu rent les objets des méditations, des expériences’ et des écrits de M. de Barbançois. Il est décédé en son château de Villegongis, le 17 mars 1822. On a publié : Notes sur la vie de M. de Barban- gois, présentées à la Société d’agri- culture de l’Endre , le 1®% sep- tembre 1822. Châteauroux , Mi gné , 1623, in-6, d’une feuille trois — quarts, signée Bonneau. M. Bonneau dit, que M. de Bar- bançois a écrit sur la (législa- tion, la politique , Les finances, sur léducation ; pour que les filles n’apportassent aucune dot à leurs maris, sur les moyens de crédit et les ressources de La France, sur La charrue ; mais ces indications va- gues et incomplètes ne sont pas suffisantes pour dresser une biblio- graphie de cet auteur. Celle qui suit est extraite de Ja Bibliogra- BAR phie de la France , rédigée par M. Beuchot (1823, p. 246 et 280). Liste desouvrages de Charles-Hélion de Barbançois. Ÿ I. Mémoire sur les moyens d’a- méliorer les laines et d’augmenter Le produit des bêtes à laine, dans le département de l'Indre. Château- roux, Bayvet,an XII (1804), in-8. — On en trouve un extrait dans le 1°" cahier des Ephémérides de la Société. d'agriculture du départe- ment de l’Indre. Il. Petit Traité sur les parties les plus importantes de lagri- cullure en France. Paris , Gré- goire , 1812, in-8. : IIT. Principes généraux sur l’ins- truction , rédigés par demandes et réponses, pour servir à l’instruction des jeunes gens ; par M. le mar- quis de B***. Paris, M"° Huzard, 1916 , in-8. — 2° édit. dans la- quelle les Principes sont suivis de la pétition présentée par l’auteur en 1018, pour lerétablissement des anciennes écoles centrales des dépar- temens, in-8. de 5 feuill. et demie. IV. Les Majorats dans la Charte, ou Réponse à la brochurede M.Lan- Juinais , intitulée : la Charte, la Liste civile et les Majorats , par C. B. V. { Charles Barbançois- Villegongis ). [bid. 1819 , in-8. V. Lettre adressée à M. de la Metherie , rédacteur du Journal de Physique. Paris , veuve Cour- cier et Grégoire, 1817, in-8. de cinq feuilles. — Cette lettre contient un Essai sur le fluide élec- trique. VI. Deux Lettres écrites en1819, à M. le président de l’Académie des Sciences , la première rela- tive à un système sur l'électricité, BAR remise au mois de juillet ; la seconde relative à un tableau synoptique des sciences , remise au mois d’octobre. Paris , Barrois aîné , 1019 , in-0. Quelques ouvrages de M. de Barbançois,sont contenus ou ana- lisés dans les Ephémerides de lIn- dre, citées ci-dessus (n. TI), savoir : 1°. Extrait du Mémoire sur les moyens d'améliorer les races indi- gènes des bêtes à laine du dépar- tement de l'Indre, par lintroduc- tion de race étrangère ( Dans le I* cahier , p. 33-42). 2°, Extrait d’un Rapport sur le meilleur mode de distribution de beliers mérinos ; offerts par M. Amelin (Xd. , ibid. 42-44 ). 3°. Rapport sur l'état de ses travaux agricoles, dans son éta- blissement rural de Willegongis ( Id. IV 22-42 ). 4°. Notice sur le second essai de l’inoculation du claveau, fait à V'il- legongis en 1810 (Id. V , 54-58). Le procès-verbal du premier es- sai, estimprimé dans le deuxième cahier , pages 30836. 5°. Notice sur les meilleurs moyens de conserver les pommes de terre (Id. VII, 94-99). 6°. Notice sur le tournis des mou- tons , appelé Vourderie , dans le département de l'Indre (1d. VIIT, 70-75 ). 7°. Mémoire relatif aux avan- tages qui résultent du mode de cul- ture et de l’emploi des charrues de M. le marquis de Barbancois , et aux moyens d'en propager l’usage (Id. X ,21-39 ). 6°. Discours prononcé à la séance générale du 6 septembre 1817 (1d. X. 29-32). | 9°. Extrait de sa classification des terres ( Id. 54-171 ). 10°. Rapport sur un moyen pra- BAT 5 tique d'empêcher la coulure de la vigne et hâter la maturité du rai- sin ( mentionné seulement däns id. X,490 ). 11°. Rapport relatif aux divers concours sur les pommes de terre, extrait d’un Rapport présenté à La Société d'agriculture de Paris, par M. Challan (1d. XIII, 80-085 ). M. Bonneau , dans ses notes, dit aussi que M. de Barbancois a laissé des manuscrits précieux sur la physique, la médecine et la phi- losophie; j'ajouterai qu’il en a aussi laissé un sur les Etats-Généraux. On trouve aussi des lettres ou articles de M. de Barbançois, dans les Annales de l’agriculture fran- caise, de MM. Tessier et Bosc, entre autres: Leitre de M. le mar- quis de Barbancois, à M. le Pré- sident de la Société royale et centrale d'agriculture, sur une manière de conserver les grains par une dispo- sition analogue à celle proposée par M. Dartigues. Tome IX , seconde série, Annales d’agriculture.(Tome X VI, 2° série). Cette Lettre a été tirée à part. Paris, juillet 1827, in-6. de 38 pages, avec une planche. BATZ ( Prerre-Louis, baron de), issu d’une race ancienne, et dont on trouve la notice parmi celles des grands feudataires de la France (1), naquit en 1955. IL étoit revêtu de la charge de grand sénéchal du pays et duché d’AI- bret, lorsqu'il fut élu député de la noblesse de cepays , aux Etats— Généraux de 1789. Il ent une grande part à la rédaction des ca- (1) Ari de vérifier les dates. Edit. in- fol.,t. II, p. 281 , art. Lomagne. 6 BAT hiers de son Ordre , et prononça à cette occasion divers discours qui furent publiés dans le temps. On lui avait donné M. le comte d'Artois pour premier collégue de députation ; mais malgré les efforts de M. de Batz, ce prince, pour se conformer aux intentions du Roi, crut ne devoir point ac- cepter l'honneur de cette élec- tion. M. de Batz siégea au côté droit de l’Assemblée constituante, et ce ne fut pas sans quelque dis- tinction ; il s’y occupa presque uniquement des finances. Il pro- posa , en juillet 1590 , de ne re- connaître comme dettes de l’Etat, que les dettes admises par l’as- semblée , et. vota en septembre suivant, contre lémission des assignats qu’il compara aux bil- lets de Law. 11 dénonça Pe- rier , administrateur des eaux de Paris , comme débiteur de vingt millions envers l'Etat. Ap- pelé par limpartialité de la ma- jorité, dans des comités dont il devait combattre les plans , 1l de- vint même président de la sec- tion du comité de liquidation, chargé du contentieux , et fut son organe pour un rapportimportant touchant la dette publique; enfin, par une contradiction assez bi- zarre , 1l attacha son nom aux protestations des 12 et 15 sep- tembre 19791, contre les actes de l’assemblée, après y avoir pris pourtant, comme on vient de le voir , une part assez active. Il paraît qu’apres la session , M. de Batz sortit de France; mais il y rentra bientôt pour servir la cause des Bourbons et de la mo- narchie. 1] est nommé dans les papiers écrits de la main de Louis XVI, saisis aux Tuileries BAT apres le 10 août, dans l’armoire de fer, et qui sont maintenant dans les archives particulieres du roi. On y lit ces mots, à la date du 1® juillet 1992. » Retour et » parfaite conduite de M. de Batz, » à qui je redois 512 mille fr. » M. de Batz sortit de nouveau de France après le 10 août, mais il était de retour à Paris au mois de janvier 1703. Il conçut d’abord le projet de délivrer Louis XVI, tandis qu’on le conduirait à l’e- chafaud, A cet effet , 1l avait es- sayé de former une association de jeunes gens, qu'il croyait de- voir l’assister au nombre de deux mille ; mais des mesures sévères avaient été prises pour faire échouer toutes les tentatives. La fatale voiture arrive à la porte Saint-Denis : placé sur la hauteur du boulevard de Bonne-Nouvelle, M. de Batz l’entrevoit au milieu d’un cortège formidable. H a cherché vainement dans les rues latérales , d’où devait partir l’at- taque , des coffipagnons de son entreprise : elles sont desertes. Désespéré de cet abandon, et d’être force de reculer à l’appro- che de la voiture, ses espérances renaissent à la vue'de deux grou- pes , tres-faibles à la vérité ; deux jeunes gens s’en détachent et viennent le joindre : suivi par eux, et par Devaux son secrétaire , il s’ouvre un passage qu’on ne dis- pute point ; il s’elance avec eux malgré la défense expresse, au travers de la haie ; chacun d'eux met le sabre à Ja main , et le brandissant , ils s’écrient tous les quatre , à plusieurs reprises : » A » nous Français ? à nous , ceux » qni veulent sauver leur roi. » Nul dans les rangs ne répond à ce cri BAT courageux, M. de Batz et ses amis qui n’aperçoivent aucun mouve— ment en leur faveur , repassent au travers de cette haie d’hom- mes armés ; 1ls appellent les deux groupes ; Ceux-ci accouraient : à l'instant, l’un des corps de ré- serve, averti par une vedette, fond sur M. de Batz et sur ses compa- -gnons ; les deux jeunes gens veu- lent se jeter dans une maison ; ils furent massacrés ; M. de Batz et Devaux disparaissent : ce der- nier porta depuis sa tête sur l’e— chafaud. Tel est en substance le récit de M. Eckard (1), dont les détails paraissent avoir été fournis par M. de Batz lui-même, et qui sans doute ne s’écartent guère de l’exactitude, puisqu'ils sont reconnus et confirmés dans les interrogatoires judiciaires , subis postérieurement par De- vaux, L'activité de M. de Batz s’em- ploya successivement en faveur des divers prisonniers de la fa- mille royale ; il s’insinua dans l'intimité de plusieurs membres influens de la Convention et de la commune de Paris, et dut plus d’une fois avoir l’air de s’associer à leurs principes et à leur lan— gage. Il avait , tant dans Paris que dans les environs, diverses re- traites sûres ; 1l paraît que la plus habituelle pour lui , était chez Cortey , épicier, rue de Riche- lieu, et capitaine de la force ar- mée de la section Lepelletier. Cet homme sincèrement devoué à (1) Mémoires historiques sur Louis XVII. 3° édit., p. 117 et suiv. Nous ayons emprunté au même ouvrage la plus grande partie des faits qui rem- phissent cet article, BAT " / M. de Batz , avait su capter la confiance du nomme Chrétien , juré du tribunal révolutionnaire, et principal agent des comités dans cette section : c'était par lui que Cortey avoit été mis du petit nombre des commandans à qui l’on confiait la garde de la Toùr, lorsque leur compagnie faisait partie du détachement de service au Temple. M. de Batz comptait entierement aussi sur un muni— cipal nommé Michonis. C’est à l’aide de ces deux personnes qu’il tenta d’enlever la famille royale. A cet effet, Cortey le comprit un jour , sous un nom suppose , dans le contrôle des hommes de garde qu'il conduisait au Temple, et lintroduisit parmi eux dans la Tour. Quand M. de Batz eut ob- servé le régime de la prison et ses localités , il arrêta son plan ; Mi- chonis l’approuva et se chargea de diriger tout dans l’intérieur. En même temps M. de Batz es- sayait de s’assurer dans les sec- tions , d’une trentaine d’hommes hardis , avec qui nulle confidence n’était nécessaire avantle moment de l’action. L’exécution ne pou- vait avoir lieu qu’un des jours où Cortey et Michonis seraient l’un et l’autre en fonctions. Ce jour arrive , Cortey avec son détache- ment dans lequel est M. de Batz, entre au Temple : il distribue le service de inaniere que les trente hommes doivent être en faction aux portes de la cour et de l’es- calier ; ou de patrouille , de mi- nuit à deux heures du matin. De sou côté, Michonis a su prendre ses mesures pour être charge de la garde de nuit, de l'appartement des princesses. C’est donc de mi- nuit à deux heures que les postes . 5 BAT importans seront occupés par les libérateurs de la famille royale. Michonis doit revêtir les prison- niers d’amples redingotes, dont quelques hommes initiés par M.de Batz se sont comme surabondam- ment munis, pour leur garde. Les princesses sous ce déguisement et une arme au bras, seront pla- cées dans une patrouille , au mi- lieu de laquelle 1! sera facile d’en- velopper le jeune Louis XVII. Cette patrouille sera conduite par Cortey , aux ordres duquel seu- lement , en sa qualité de com- mandant du poste de la’ Tour, la grande porte peut s'ouvrir pen- dant la nuit. Au dehors, tout est préparé pour l’évasion la plus ra- pide : le moment décisif appro- che, il est onze heures... Tout à coup le concierge Simon arrive, il reconnaît Cortey. » Si je ne te » voyais pas 1C1, lui dit-il, jene » serais pas tranquille. » À ces mots , joints à quelques autres indices , M. de Batz s'aperçoit que tout est découvert ; il veut sacri- fer Simon , et tenter de suite l’e- vasion , à force ouverte. Mais re- fléchissant que le bruit de l’arme à feu causera un mouvement gé- néral , qu'il n’est point maître des postes de la cour et de l’escalier, et que s'il échoue , il aggrave le sort de la famille royale , il s’ar- rête. Sous le prétexte de quelque bruit entendu à l’extérieur, Cor- tey s’est empressé de faire partir une patrouille, et M. de Batz qu’il y a compris , s'éloigne du Tem- ple. Ce ne fut qu’assez long- temps apres cette tentative queles comités de gouvernement furent informés qu’elle avait été dirigée par M. de Batz : elle ne fut pas la dernière. Il paraît certain que BAT M. de Batz noua un projet pour faire évader la reine de la Con— ciergerie. Les détails de celui-ci ne sont pas bien connus , hor- mis ce qui suit : dénoncé comme ayant promis un million pour le succes de l'évasion de la reine, M. de Batz trouva le moyen de faire arrêter ses dénonciateurs, et l’attention qu'il eut de ne révéler à personne l’ensemble de ses des- seins, rendit les révélations si incomplettes , que Senart, secré— taire des comités de gouverne- ment, avoue que tout ce qu'ils ont pu savoir à ce sujet se réduit à ceci : des gendarmes étaient gagnés ; au renouvellement des postes , la reine manqua de par- ler à celui qui, ayant deux re- dingotes l’une sur l’autre, de- vait lui en donner une et la faire sortir de la Conciergerie. On ajoute que Burlandeux, officier de paix, alternativement fidèle à M. de Batz et son dénonciateur, avait offert d'attendre la reine au sortir de la Conciergerie , pour la conduire en tel lieu que M. de Batz désignerait ; mais que M. de Batz avait eu de fortes raisons d’écarter cette proposition, et de confier cette mission délicate au jeune Roussel, qui périt l’année suivante, avec tous ceux que les comités envelopperent dans la con- juration dite de. Batz ou de l’e- tranger. Le 26 prairial an IT (14 juin 1794), Elie Lacoste, au nom des comités de salut public et de sû- reté générale réunis, fit un long rapport à la Convention sur cette nouvelle conspiration. « Un vaste plan, disait-il , était tracé par les puissances coalisées et par les émi- grés ; les conjurés étaient dissé- BAT minés sur tous les points de la France, et les objets principaux de ce plan étaient l'enlèvement de la veuve Capet, la dissolution de la Convention, et la restauration de la monarchie. Tous les leviers des- tinés à renverser la République étaient mus par un seul homme, que faisaient agir tous les {yrans coalisés... , le baron de Batz. Pour l'exécution de l’entreprise , ce Ca- tilina moderne tenait ses confe- rences secrètes dans un lieu de plaisance appelé l’Ermitage de Charonne, aux portes de Paris. De là partait la correspondance avec les agens éloignés : on avait soin de Ja colorer d’un vernis patrio- tique. De Batz s’était d’abord en- touré des princes de Rohan-Ro- chefort, de Saint-Maurice et de Marsan, etc. Le chef de la conspi- ration avait pensé qu'il ne sufli- sait pas d’y voir des personnages dont le nom était une garantie de leur zèle et de leur dévouement, il avait cru qu’un des moyens d’as- surer le-succes était de s’assurer des conventionnels , connus par leur ardent jacobinisme, et pour qui rien n'était sacré, pourvu qu’on püt satisfaire leur avidité. Il avait choisi Danton, Lacroix, ainsi que Chabot, Bazire et autres dont la cupidité était connue, et qu’il faisait agir diversement pour mieux parvenir à son but. Lad- miral et Cécile Renaud étaient les instrumens dont l'étranger s’était servi pour enfoncer les poignards. Rien n’était plus facile qued’ache- ter ces vils intrigans, ces assas— sins, puisque Batz et ses complices réunissaient environ vingt mil- lions, etc. , etc.» (Moniteur du 27 prairial an If). A la suite de ce rapport dont il est facile d’appré- BAT 9 cier l’incohérence, les personnes qui y sont nommées porterent la tête sur l’échafaud, et parmi ces royalistes et ces révolutionnaires, si étrangement réunis par le ma- chiavélisme des iyrans de cette époque , M. de Batz lui seul par- vint à se soustraire à la mort, bien qu’il soit certain qu'il ne sortit point de Paris, tout le temps du régime terroriste. Cette circon- stance a donné lieu aux plus fä- cheuses insinuations ; maisil n’est guere possible d’y ajouter le moin- dre crédit, depuis la publication dans l’ouyrage de M. Eckard (Mé- moires historig. sur Louis XV IT, pag. 479 et suiv.) des pièces au— thentiques puisées aans les archi- ves du Tribunal révolutionnaire, et qui démontrent la chaleur avec laquelle M. de Batz fut poursuivi par les comités de gouvernement et le prix qu'ils attacherent à s’em- parer de sa personne. Aussitôt que la presse eut reconquis sa liberte, M. de Batz publia ou fit publier un écrit, qui réduisait à leur juste valeur les fables odieuses du rap- porteur de la Convention. M. de Batz, àquison activité ne laissait jamais de repos, ne tarda point à être compromis dans de nouvelles intrigues ; arrêté à la suite des événemens du 13 vende- miaire an IV (Soctob. 1705), il fut enfermé dans la prison du Plessis; il fut dénoncé par Tallien, au Con- seil des Cinq-Cents (séance du 21 prair. an 1V, ojuin1706), comme un des chefs de la police, et des plus vils suppôts de la royauté, après avoir été l’un des agens de la terreur. Le ministre de la police démentit le lendemain l’assertion de Tallien, et déclara que, loin d’avoir jamais employé M. de 10 BAT Batz, 1l avait donne au Bureau central l’ordre précis de le recher- cher et de l’expulser de Paris. Sur ces entrefaits le baron était par- venu à s'échapper de prison, etil “passa immédiatement en pays étranger , où 1l paraît qu'il conti- nua à se méler d’intrigues politi- ques et despéculations financières. Sous le gouvernement consulaire M. de Batz rentra en France et fut signalé de nouveau à la police comme agent de la maison de Bourbon; mais il eut l’adresse d’échapper à toutes les surveillan- ces , et vecut soit à Paris , soit en Picardie, tantôt usant de beau- coup de précautions pour éviter tous les regards, tantôt se mon- trant sans crainte dans les lieux les plus fréquentés , avec tout l’exté- rieur de l’opulence. On dit qu'il avait obtenu quelques entrevues du ministre de la police, Foucheé, qui lui avait garanti sa sécurité. Apres la Restauration M. de Batz fut nomme maréchal-de-camp et chevalier de Saint-Louis; plus tard (1816 et 1617), 1l obtint le commandement du départe- ment du Cantal. Il est mort d’une attaque d’apoplexie , dans sa terre de Chadieu pres Clermont (Puy-de-Dôme ), le 10 janvier 1822. C’était un homme singulie- rement actif , ingénieux , souple, fécond en ressources, hasardeux de sa personne et de celle de ses agens ; mais son activité prenait habituellement le caractere de l'intrigue et son influence ne s’est jamais exercée au-dessus d’une ré- gion assez médiocre. Liste des ouvrages de P. L. de Batz. I. La Conjuration de Batz, où BAT la Journée des Soixante. 1595, in-6 de 1060 pages, sans nom de ville ni d’imprimeur , tiré à petit nombre. M. Beuchot (Bibliographie de la France 1822 ; pag. 63), attribue cet ouvrage à M. de Batz, d’après des renseignemens dus à M. Ec- kard, Cependant le même M. Ec- kard, dans ses Mémoires sur Louis XV IT, pag. 413, s'exprime en ces termes : « L'auteur de cet ouvrage, en s’emparant de plusieurs frag- mens de celui que M. de Batz avait composé sur le même sujet, et dont il avait même livré quelques feuil- les à l’impression , établit, etc. »; ce qui dit assez clairement. qu’il aurait existé deux écrits sur le même sujet , l’un imprimé et l’au- ire inédit, et que c’est du dernier seulement que M. de Batzest l’au- teur. Il paraît que celui-ci avait pour titre : De la Journée appelée des sections de Paris, ou des 12 et 15vendémiaire an1v (octobre 1795). Il. Histoire de la maison de France el de son origine; du royaume et de la principauté de Neustrie. Paris, Mame, 1815, in-8 de 80 pages, y compris l’e- pître d’édicatoire. — Tiré seule- ment à douze exemplaires, en grand papier vélin. Ce n’est que l'introduction de l'Histoire. « Quoique le corps en- tier de l'ouvrage , dit M. de Batz, soit composé, il a besoin encore d’être soigneusement revu, avant d’être livre au public. » IT. Cahiers de l'Ordre de la no- blesse du pays et duché d’Albret , dans les sénéchaussées de Castelja- lou, Castelmoron, Nérac et Tar- tas , en 1789. Paris, Cosson , 1820, in-5 de 46 pag. . Cette brochure , dont M. de BAV Batz a été l'éditeur, n’est guere remplie que de pièces émanées de lui. BAVEREL (Jean-Pierre), prè- tre ,est mort à Besançon le 18 sep- tembre 1822, à soixante-dix-huit ans. On a de lui : . I. Réflexions d’un vigneron de Besancon, sur un ouvrage qui a pour titre : Dissertation qui a rem- porté le prix de l’académie de Besançon , en 1977, sur les causes d’une maladie qui attaque plu- sieurs vignobles de la Franche- Comte ; par le P. Prudent , capu- cin. De l'imprimerie de Barnizier (Vesoul, Poirson), 1778 , in-8. de 32 pages. Les confrères de M. Prudent dénoncerent cette brochure au parlement de Besançon , qui eut le bon esprit de sentir que l’affaire en question n’était pas de sa com- pétence, et ne pouvait être jugée que par le public et par l’expe- rience.: IL. Observations sur l’ouvrage du P. Prudent, touchant les maladies des vignes de Franche-Comté. Be- sançon , 1779, inÿ5 de 39 pages. IIL. (Avec l’abbé Clerget, curé d’Oxans, députée à l’Assemblée constituante). Coup-d’æil philoso- phique et politique sur la main- morte. Londres (Besançon), 1785, in-8. IV.(Ayec Malpé, capitaine d’ar- üllerie , tué à l’armée en 18r2). Notices sur les graveurs qui nous ont laissé des estampes marquées de monogrammes , chiffres, rébus, lelires initiales , etc. Besancon, 1905, 2 vol. in-8. Les manuscrits de l’abbé Bave- rel ont été acquis par la biblio- thèque publique de Besançon. Ils BEL 11 contiennent 1° Notices sur les gra- veurs francais; 2° Recherches sur les livres ornés d’estampes; 3° Dis- sertations sur l’histoire ancienne et moderne du comté de Bourgogne , son parlement, ses familles nobles, ses chapitres , abbayes, prieurés, etc., etc. (Extrait de la Bibliogra- phie de la France, redigée par M. Beuchot , 1822, pag. 783.) BEISSON (EmiEwnE), graveur , né à Aixen Provence, le 1odecem- bre 1759, est mort à Paris le 28 fevrier 1820. Il a gravé plusieurs planches qui honorent son talent, notamment les jeunes Athéniens et Athéniennes tirant au sort, d’a- pres son compatriote J, F.P. Pey- ron, et dans le Musée francais, publié par Robillard-Péronville et Laurent, la Vierge au donataire , d'apres Raphaël, et la sainte Cé- cile, d'apres le même maitre : cette derniere figure à l'exposition du cabinet des estampes de la bi- bliothèque du roi. BELMONDI ( .....), ancien directeur des contributions di- rectes, chef des bureaux du ca- dastre au ministere des finances, né dans les environs de Lyon, est mort à Paris dans un état d’alie- nation mentale, le 19 mai 1822, âgé d’environ quarante-huit ans. On a de lui : I. Code des contributions direc- tes , ou Recueil méthodique des lois, ordonnances, réglemens, instruc- tions et décisions sur cette matière. Paris , Delaunay, tome 1®, 1817, in-8. — 2° édit. 1818 ; — t. II, 1819, in-8; — tom. LI, 1820, In-ÿ. . IL. #7. Cigogne. Paris , Chanson (1819),1n-5 , 10 pag. {anonyme ). BER C’estun pamphlet contre M. Bri- cogne, à l’époque de ses attaques contre M. Louis, alors ministre des finances. Belmondi a travaillé, dans le Journal de Paris, à la rédaction du compte rendu des séances de la Chambre des Députés, pendant les sessions de 1817, 1818 et 1816. 12 BERENGER(LAURENT-PIERRE), né à Riez en Provence, le 28 no- vemb. 1749, entra chez les Orato- riens , et professa les belles-lettres et l’éloquence dans plusieurs mai- sons de cette congrégation. Il était professeur de rhétorique au collége d'Orléans, lorsqu'ayant publié une piece satyrique in- titulée les Boulevards de province, il vit s’élever contre lui de tres— vives réclamations , que la publi- cation d’une fable et du conte de la Poule (VW. les Mémoires de Bachaumont) ne fit qu’augmenter. Les personnes qui s’y croyaient désignées obtinrent un arrêt du Conseil qui supprima le Journal politique, où ces pieces étaient insérées. M. Bérenger fut même contraint de renoncer à sa chaire, mais il se retira avec le titre de professeur émérite et avec une pension. La révolution qui éclata peu de temps après ne le trouva pas indifférent. Le 2 octobre 1789, 1] présenta un don civique à l’As- semblée constituante , avec l’ab- dication de son titre de censeur royal. Il fat compris pour 2000 liv. dans le décret de gratification de la Convention nationale, du 3 jan- vier 1705, et nommé correspon— dant de l’Institut, lors de sa for— mation en 1706. Successivement professeur à l'Ecole centrale, au Lycée de Lyon, et inspecteur de BER l’Académie de la même ville, Bérenger a écrit, pour toutes les circonstances politiques , des vers qui ont duré autant qu’elles. Il avaitéte particulierement lié avec M. de Fontanes, et paraissait croire que celui-ci n'avait point assez fait pour sa fortune. Béren- ger fut un écrivain aussi médiocre que fécond ; deux de ses ouvrages, les Soirées provençcales et la Morale en action ,; ont obtenu néanmoïns une sorte de;popularité, qu’ils doivent moins à leur mérite qu’à l’activité et aux heureuses combi- naisons du libraire. Bérenger est mort à Lyon, le 26 septembre 1022 , âgé de soixante-treize ans. M, Dumas, secrétaire perpétuel de l’Académie de Lyon, a pro- noncé son éloge dans la séance publique de cette Académie, du 1°" juillet 1823. Liste des ouvrages de L. P. Bérenger. I. Le Nouveau Régne , poëme présenté à Monsieur. 1754 , in-8. IT. J. J. Rousseau justifié en- vers sa patrie Londres, 1775, in-8 (anonymed. — Reimprimé dans le 18° volume du Rousseau de Poinçot. III. Le Tribut de l’amitié, ou Epitre à feu M. de la Serre. 17578, in-8. IV. L'Hiver, Epitre àmes livres; piece couronnée par l’académie de la Conception, à Rouen (dans les recueils de cette académie). 1701. V. Le Portefeuille d’un Trou- badour, ou Essais poétiques de M. B.; suivis d’une lettre à W. Grosley sur les Trouvères ou les Troubadours. Marseille et Paris, 1782, in-8. BER VI. Eloge de M. de Reyrac. 1753, in-8. VII. La Morale en action, ou Élite de faits mémorables et d’a- necdotes instructives, propres à faire aimer la vertu , et à former les jeunes gens dans l’art de la narration. 1783 et 1787 ,in-12. — Dédié à M. de Barentin, alors garde des sceaux. Ouvrage souvent réimprimé ; et notamment en 1780, avec beau- coup de changemens et sans la dédicace à M. de Barentün, qui n’était plus garde des sceaux. — Orléans, 1791, in-12.— Lille, Le- leux , 1817, in-12. — Traduit en espagnol, par Cécilio de Corpos, éd. publiée par René-Jos.Masson. Paris, Masson et fils, 1823, 2 vol. in-18.—Le P. Guibaud, de l’Ora- toire, a publie, en 1787, un livre sous lemême titre, qu’il destinait à faire suite à celui de M. Bé- renger, et qui en effet a éte réim- primé quelquefois avec lui (Foy. ci-apres le n° XVII). VIII. Voyage en Provence. 1783, in-8 (Way. ci-après les n° IX et X). IX. Œuvres ( Poésies, Contes et Voyage en Provence). 1785, 2 vol. in-19. X. Les Soirées provencales , ou Lettres de M. L. P. Bérenger, écrites à ses amis, pendant ses voya- ges à sa patrie. 1786 , 3 vol. in-12. — 3° édition, revueetaugmentee. Marseille , Masvert , 1819, 1 vol. in-12.. : Cet ouvrage est proprement une nouvelle édition , mais fort augmentée , du Woyage en Pro- vence (n° VIII). il est aussi réimprimé dans le Recueil amu- sant de voyages en vers et en prose, faits par différens auteurs BER 13 (Paris, 1783-87), dont Bérenger a été l'éditeur , conjointement avec le libraire Couret de Villeneuve ; collection qui vient d’être repro— duite pour la troisième fois (Paris, ‘Briand , 1916, 5 vol. in-18). Les Soirées provencales ont été tradui- tes en allemand , par A. H. Otth. Reichard. Gotha, 1787, in-8. XI. Le Peuple instruit par ses propres vertus, où Cours complet d'instruction et d’anecdotes recueil- lies dans nos meilleurs auteurs. 1707, 2 vol. in-8.— Nouvelle édi- tion, 1805, 3 vol. in-12. — Tra- duit en Allemand, Bamberg, 1589, in—8. XII. Ecole historique et morale du soldat et de l’officier, à l'usage des troupes de France et des écoles militaires. 15838 , 3 vol in-12. XIII. Le Mentor vertueux, mo- raliste ct bienfaisant. Lyon, 1788, in-12 (anonyme).—Paris, Belin, 1808 , in-12. XIV. Esprit de Mably et de Condillac, relativement à la morale el à la politique. Grenoble et Paris, 1799, 2 vol. in-8. XV. D’Anacharsis, ou Lettres d’un Troubadour sur cet ouvrage. 1760, in-8. XVI. Nouvelles pièces intéres- santes, servant de supplément à tout ce qu’on a publié sur les Etats- généraux et sur l’éducation des princes destinés à régner ( ano- nyme). 1790, 2 vol in-8. « On trouve, à la fin du second volume, une pièce aiusi intitulée : Les quatre Etats de la France, poëme patriotique, traduit libre- ment du chancelier de l'Hôpital. Ce titre èst supposé. L'ouvrage est de Bérenger, qui avait prié un professeur de Bourges, nommé Monzon, de le meitre en vers A PER :, Jatins. Le professeur en fit la pro- messe ; mais 1} est mort vers l’an- née 1797, sans lavoir remplie. » (Dictionnaire des Anonymes, par M. Barbier. 2° édition; tome Il, pag. 475, n° 12541.) XVII. La Morale en exemples, ou Elite d’anecdotes , de préceptes et de discours propres à former la jeunesse à la vertu et à l'art décrire (anonyme). Lyon et Paris, Nyon jeune, 18or, 3 vol. in-12. XVIII. Fablier de la jeunesse et de lPâge mûr. Lyon, Bruysset et Paris, Leclere, an IX, 4801, 2 vol. in-12. XIX. Nouveau Magasin des pe- tits enfans , ou Choix de dialogues, de contes , de drames tirés des au- teurs sacrés et profanes , etc. 1802, 2 vol. in-12. XX. Fablier en vers à l'usage de l'enfance et de la jeunesse. 1802, in-12. XXI. 4 l'abbé Delille, pour Pen- gager à rentrer en France; épitre en vers. 1802, in-4. : XXII. L’arrivée de Bonaparte à Lyon, cantatille. 1802, in-4. XXIIT. Recueil de prières con- tenant toutes celles qui se trouvent dans la Bible, pour faire suite au Psautier de La Harpe, 1803, in-12. XXIV. Aux Anglais; vatici- nation ( stances). 1811, in-8. XXV. La terreur et les terro- ristes. 16r4 , in-8. XXVI. Poésies de société et de circonstances, la plupart connues de Pauguste famille des Bourbons, et imprimées dans différens recueils. Eyon , Brunet ,4817, in-8. . M. Ersch ( France, lilléraire , . tom. IV, päg. 42), dit que Béren- ger atraduit le Mariage des Fleurs, de D. de la Croix, qui se trouve à la suite de la quatrième édition BER des Démonstrations élémentaires de Botanique, Lyon, 1795; qu'il a écrit des Contes dans la maniere d’Aristeénèete , insérés dans le Wa- nucl des boudoirs ; enfin ; on trouve de ses vers dans l’Æ{/manach des Muses depuis 1776, et dans un grand nombre de journaux et re- cueils httéraires. M. Bérenger a été l’éditeur de la premiere édition du Précis his- torique de Pinfanterie légère , par le général Duhesme, Lyon, 1806, in-6 (réimprimé en 1814 sous le le titre d’Essai). La préface de editeur porte sesinitiales L. B, B. On a aussi de lui un Recueil de Poésies républicaines , que nous n’avons pas sous les yeux, mais dont l’existence ne paraît point douteuse. BER THOLLET ( Craunr- Louis), chimiste , naquit à Tal- loire , en Savoie, le 9 décem- bre 1748 (1). Après s’être fait (1) M. Campan, le mari de la femme de chambre de Marie-Antoinette (7. l’art.Campax ci-après) , était originaire de la vallée de Campan; en Béarn, dont il avait pris le nom, mrais son nom véritable était Berthollet. Voici ee qu'on lit à ce sujet, dans umécrit de Mme Campan, cité par M. Barrière. « Du eôté des Berthollet, un des mem- bres les plus distingués de l'Institut doit être de la même famille ; maïs par dignité et par éloignement pour les gens qui approchaient la cour et qui étaient en faveur , il dit à Paris, en 1788, à plusieurs personnes, qu'il était parent d’un Berthollet-Campan, placé près de la reine à Versaïlles, mais qu’il n’était point disposé à l'aller en- trenir de sa parenté, dans la crainte de passer pour un aderateur du crédit et de la fortune. ( Memoires de M=° Campan, t. 1°", p. xvij.) BER recevoir docteur en médecine à Vuniversité de Turin, il vint à Paris et y pratiqua son art avec assez de distinction pour être nommé l’un des médecins du duc d'Orléans , aïeul du prince actuel. La chimie, qu’il n’avait d’abord cultivée que comme une branche des études médicales , devint son occupation exclusive et sa passion dominante. Lavoisier , Fourcroy, Guyton — Morveau, Berthollet, commencerent ensemble à cette époque, et consommerent succes- sivement par la suite, cette fa- meuse révolution de la chimie, qui a changé la face du monde scientifique ; par eux fut renversé l'empire du phlogistique , et la chimie pneumatique prit nais- ‘ sance. Cessavans publierentlalan- gue chimique que toute l’Europe parle aujourd’hui : langue vrai- inent analytique et philosophique, où la plupart des mots sont des définitions, ou les composés ana- logues sont classés au moyen de terminaisons semblables, et où les degrés de proportion sont marqués par des désimences diverses, à la maniere des degrés de comparai- son dans les langues grecques et latines. Un chimiste savant a re- tracé le tableau des découvertes et des travaux de M. Berthollet, dans les termes suivans : « Des recherches précieuses que M. Bertholletavaitfaitessur l’azote acidifié (acide nitrique etnitreux), furent bientôt suivies de l’analise de lammoniaque. Il détermina avec tant de precision la nature et les proportions des élémens de cet alcali , que depuis aucune cor- rection n’a pu être proposée. » En retrouvant l’ammoniaque daüs les produits des substances BER 15 animales , il fat conduit à donner la présence de l'azote dans les corps organisés , comme caractère dis- tinctif de l’animalité, Il fit faire par là le plus grand pas , le pas le plus important à la chimie ani- male. » Peut-être la théorie des hy-— dracides peut-elle dater du mo- ment où la connaissance des prin— cipes de l’ammoniaque fit voir l’hydrogene donnant à l’azote les propriétés de base salifiable que l’oxigene communiquait aux mé- taux. » Schéele avait publié sur l’a- cide prussique et sur ses diverses combinaisons , si utiles aux arts, des observations fines et curieu- ses , mais isolées et incompletes. M. Berthollet remplit les lacunes que son prédécesseur avoit lais- sées , et réunit les phénomènes par une explication claire et natu- relle. Ici, encore, il fit recon- naître un Composé acide, dans lequel l’oxigène ne se trouvait pas. Malgré les objections qui s’éleve- rentde toute partcontre ce que l’on regardait comme un blaspheme , on fut contraint de se rendre à l’évidence ; et le doute resté dans les esprits y prépara des lors une voie à la vérité. » Les recherches de M. Ber- thollet sur les combinaisons du soufre avec l'hydrogène vinrent bientôtapres ébranler de nouveau les esprits. Ici , ilne fut plus pos- sible d'admettre la présence de l’oxigene dans un composé qui d’ailleurs jouissait de toutes les propriétés caractéristiques des aci- des. On y trouvait, au contraire, cet autre corps que l’on avait déjà vu alcahfier l'azote, et qui existait aussi dans la composition de l’a- 16 BER cide prussique. Cependant l’habi- tude repoussait cette innovation , et l’on s’effarouchait à l’idée de faire partager à l'hydrogène ce pouvoir acidifiant qu’on avait at- tribue exclusivement à l’oxigene. I1 fallut de nombreuses années pour qu'on s’y accoutumäât, et même la découverte de corps jus- que là inconnus fut à peine ca- able de faire recevoir la théorie des hydracides. » C’est encore Schéele qui avait découvert l'acide muriatique oxi- géné; mais ce fut M. Berthollet qui le fit bien connaître , et qui acheva ce que le chimiste suédois n’avait qu'ébauché. Ce fut lui et lui seul qui nous donna ces procé- dés de blanchiment répandus au- jourd’hui par toute l'Europe, et qui doublent la valeur d’une des principales richesses de notre sol. Ce fut lui aussi qui nous indiqua les moyens de donner à notre chanvre l'apparence du coton, à une époque où ce produit de l’A- sie et de l’Amérique était chez nous d’un prix exhorbitant. » L'emploi de l’acide muria- tique oxigéné pour le blanchi- ment était plutôt un service 1m— mense rendu à l’industrie qu’une découverte glorieuse pour Ja science. Il en fut tout autrement des expériences qui‘eurent pour objet les combinaisonsde ce même acide avec les alcalis. La chimie put s’en applaudir ; mais l’huma- nité dut s’en effrayer. Heureuse- ment le danger de manier ces ter- ribles produits empêcha les usages funestes qu’on eùt pu en vouloir faire. » D’autres expériences de M. Berthollet, sur Ja détonation de l’oxide d’or ammomiacal firent BER mieux connaître ce redoutable composé, bien moins effrayant encore que l’argent fulminant qu’il découvrit bientôt après. C’est sans doute aux lumières qu'il acquit sur la composition de ces deux substances, que nous devons ces belles et utiles recherches sur les oxides salifiés, qui rendent déjà de si grands services à nos arts ma— nufacturiers , et qui leur en pro- mettent encore de bien plus im portans. » Avant lui, l’art de la teinture n’offrait qu’un recueil de recettes mal conçues et de procédés ab- surdes. Il débrouilla cette espèce de chaos ; 1l simplifia les procédés ; enfin, il donna des regles à un art que, jusqu’à lui, la routine et. le hasard avaient seuls dirigé. » M. Berthollet a moins écrit qu’opcré, ou du moins plusieurs de ses découvertes ont été modes tement vonsignées dans ces re- cueils peu connus des gens du monde et que les sayans presque seuls connaissent et consultent. Cependant des 1780, l’Académie des sciences le reçut dans son sein: il avait alors trente deux ans. En 1792 il fut nomme membre de la commission des monnaies. En 1704, il devint membre de la commission d'agriculture et des arts. Vers le même temps, il fut fait professeur de chimie à l’Ecole polytechnique et à l’Ecole nor- male. En 1795, époque de la fon- dation de l’lustitut, il fut inscrit des premiers sur la liste de cecorps savant. En 1706, il fut envoyé en Italie par le Directoire, pour pré- sider au choix des objets d’arts et de sciences qui devaient être trans- férés à Paris. On lui avait donné pour collègue le célèbre Monge, BER depuis long-temps son ami : 1l était impossible de confier cette opération à des main&plus pures et plus habiles. Bonaparte , qui eut alors occasion d'apprécier ces deux savans, les emmena avec lui dans son expédition d'Egypte. Ils y déployerent toutes les res— sources du génie et du zele, pour procurer à une armée 66— parée de sa patrie par des mers où les Anglais dominaient, ce qui était nécessaire à l’existence des soldats et au succès de la guerre. Ramenés tous deux en France par le général en chef, ils fu- rent nommés , l’un et l’autre, par le premier Consul, membres du Sénat conservateur. Berthoilet recut successivement le titre de comte et la décoration de grand. officier de la Légion-d'Honneur. En mai 1804, il obtint la senato- rerie de Montpellier, dont le chef- lieu était à l’ancien archevéché de Narbonne, et où il vint résider quelquefois. Le 14 mai 1806, il présida le collége électoral des Pyrenées orientales, et reçut, le 3 avril 1813, la grand’croix de l’ordre de la Réunion. Berthollet fut du nombre des sénateurs qui, des le 1° avril 1814, voterent la déchéance de Bonaparte, et l’c- tablissement d’un gouvernement provisoire. Nommé pair de France le 4 juin 1814, il ne fut point porté sur la liste des pairs des cent jours, ce qui assura , au retour de Louis XVIII, sa réintégration dans cette éminente dignité. La liaison personnelle qui avait existé entre Bonaparte et Berthollet, et la faveur constante dont il avait Joui auprès de l'Empereur , a fait penser à celui-ci, depuis ses re- vers, qu'il avait lieu d’être of- - BER 17 fensé de la conduite politique de M. Berthollet. À ce sujet on lit ce qui suit dans le Mémorial de Sainte- Hélène, par M. de Las Cases : « Berthollet ayant éprouvé des pertes et se trouvant gêné , l’Em- pereur , qui l’apprit , lui envoya 100,000 écus , ajoutant qu’il avait à se plaindre de lui, puisqu'il avait ignoré que lui, Napoléon, était toujours au service de ses amis. Eh bien ! Berthollet, lors des désastres , a été très-mal pour l'Empereur, qui en fut vraiment affecté dans le temps, répétant plusieurs fois : « Quoi! Berthol- let! mon ami Berthollet ! Berthol- let, sur lequel j'aurais dû tant compter! » Au retour de lile d’Elbe , Berthollet sentit se réveil- ler ses sentimens pour son bien- faiteur. Il se hasarda à reparaïtre aux Tuileries , faisant dire par Monge à l'Empereur, que s’il n’en obtenait un regard , il se tuerait à la porte en sortant ; et l'Empereur ne crut pas pouvoir lui refuser un sourire en passant devant lui (To- me II, p. 807). Le 4 janvier 18.6, M. Berthol- let prononça un discours aux funé- railles de Guyton-Morveau , son collégue à l’Institut et l’un des col- laborateurs de sa vie, qui, dans la Convention , avait vote la morte Louis XVI. Cette démarche, dans les circonstances où l’on se trou-— vait, fit quelque bruit et fut con- sidérée comme hardie. Depuis , M. Berthollet a voté habituelle- ment à la Chambre des pairs avec les défenseurs des principes con- stitutionnels , mais son opposition fut toujours silencieuse et circon— specte. Il fit pourtant parler de lui une fois, à l’occasion d’un cordon de Saint-Michel , qui lut 2 15 fut donné vers 1820 , et qu’il ren- voya au ministre. Il y a lieu de craindre que ce ne füt par un motif de vanité assez triste, et que le pair de France ait cru sa dignité compromise par le modeste ruban des savans et des artistes. i ‘année suivante, M. Berthollet accepta une place dans l’Académie de médecine instituée par le Gou- vernement ; il était encore corres- pondant de la Société royale de Londres et des plus illustres so- cités étrangères. Peu de temps apres son retour d'Egypte, M. Berthollet avait éta- bli sæ demeure au village d’Ar- cueil. C’est là, qu’entoure d’une élite de jeunes adeptes de la science , éleves qui tous sont de- venus des maîtres, il fit, ou plu- tôt fit faire sous sa dictée, sous ses yeux, plusieurs de ses plus belles expériences; car la nature, qui l’avait doue d’un génie si in— ventif, lui avait refusé l’adresse des mains ; en sorte que, pour es- sayer les procédés les plus délicats et obtenir les résultats les plus précis, il eut besoin d’avoir re- cours à des mains étrangeres. C’est à Arcueil encore qu'il composa son immortel ouvrage de la Statique chimique, dont 1l avait concu l’i- dée et jeté les premières bases en Egypte; ouvrage où 1l entreprit le premier d'expliquer les phéno- mènes chimiques par les mêmes lois générales qui expliquent le mouvement des corps célestes, où 1] parvint à soumettre au calcul les effets de l’affinité, qu'il appelle une autre attraction ; ouvrage en- fin qui lui a mérité d’être nomme par ses contemporains le Newton de la chimie, M, Berthoilet est mort à Paris, BER BER le 6 octobre 1822, âgé de soixante- quatorze ans. Une constitution ro- buste et “a vie régulière pou— vaient lui faire encore espérer plu- sieurs années de vie, lorsqu'un nombre considérable de clous, à la suite desquels se manifesta un anthrax d’une grosseur énorme , vinrent l’éprouver par des dou- leurs atroces, qu’il supporta long- temps sans se plaindre et sans en prévenir les siens. Epuisé par la souffrance, il futemporté en moins de trois jours, par une fièvre ady- namique. En 1811, M. Berthollet perdit un fils unique, qui, déjà as- socié à ses travaux, promettait un digne héritier de ses talens. Ce jeune homme, vaincu par quelque idée funeste, s’asphyxia volon- tairement ; et telle fut encore sa ‘présence d’esprit et son dévoue- ment à la science, qu'il a tenu note de ses sensations jusqu’au- pres de son dernier moment : cet étrange écrit a éte publié dans les Annales de Chimie. Deux fois M. Berthollet a ruiné sa fortune au service de la chimie. Il eût pu vendre à haut prix le secret du blanchiment des substances vége- tales par l’acide muriatique oxi— géné ; il aima mieux publier gra- tuitement ce qui lui avait coûté tant de travaux et de dépenses : tout le profit qu'il en retira fut un petit ballot d’étoffes de coton blan- chies par ce procédé, qu’un manu- facturier anglais lui envoyaen pré- sent. Ce procédé, exécuté en grand dans les manufactures, y a fait in- troduire les noms de berthollet, berthollimètre, bertholler, berthol- leur, berthollerie, blanchisserie ber- thollienne (Voy. la Description du berthollimètre , par M. Descroi- zilles, dans le Journal des Arts ét BER Manufactures, tom. 1, p. 258). Parmi les nombreux procédés dont les arts sont redevables à cet 1llus- tre chimiste, il faut encore comp- ter sa méthode pour donner au lin, au chanvre , et même à toutes les filasses de rebut, l’apparence du coton , décrite dans le Journal de PEcole polytechnique, et dans le Bulletin de la Société d’Encoura- gement (t. I, p. 67), et son pro- cédé pour conserver l’eau douce sur les vaisseaux, en charbonnant l’intérieur des tonneaux. Le ca- ractere personnel de M. Berthol- let, ses habitudes sociales, ne mériterent jamais que des éloges. il ne dut point sa fortune poli- tique à l'intrigue, mais à son mé- riteetàad’heureuses circonstances; elle ne changea rien à la simpli- cité de ses manieres et à la facilité de ses relations. La chimie fut toujours l’occupation principale de sa vie; et il aima et protégea tous ceux qui la cultiverent. MM. Gay-Lussac et Thénard ont parlé tour à tour sur la tombe de M. Berthollet; M. Chaptal a honoré sa mémoire à la tribune de la Chambre des pairs (séance du 10 février 1823, Moniteur du 24); M. Auger lui a consacré une Notice dans le Journal des Débats du 23 novembre 1822 ; enfin M.J.S.E. Julia, élève distingué d’un si illustre maître, a lu à la Société royale academique des sciences , une Notice historique sur M. le comte Berthollet, publiée dans la Reoue médicale ; et à part, avec quelques augmentations , in-8, 12 pages. On trouve le portrait de M. Ber- thollet dans la collection des mem- bres de l’Institut, par M. Jules Boilly; dans celle des pairs et dé- BER 19) putés défenseurs de la charte et de la loi des élections, par A. Tardieu. Son buste a été modelé, apres sa mort, par M. Gayrard. Liste des ouvrages de CI. L. Berthollet. I. Observations sur Pair. 1756, in-12. Il. Précis d’une Théorie sur la nature de lacier, sur ses prépara- tions, elc. Paris, 1789, in-8. II]. Elémens de l’art de la T'ein- ture. 1791, in-0. — 2° édit. , re- vue, corrigée el augmentée, avec une description de l’art du blanchi- ment par l’acide muriatique (avec À. B. Berthollet, son fils). Paris, 1804 , 2 vol. in-8. — trad. en ane glais, par W. Hamilton, 2 vol. in-9. — en allemand, par J. F. A. Gœttling. lena, 1792, in-8. IV. Description du blanchiment des toiles et des fils, par lacide murialique oxigéné, et de quelques autres propriètés de cette liqueur, relatives aux arts. 1795 , in-8. V. Recherches sur les lois de Pafjinité. 1801, in-8. — Trad. en allemand, par E. G. Rischer. Ber- lin , 1802, in-8. — en anglais, par M. Farrel. Londres, 1604, in-8. VI. Essai de Statique chimique. 1603, 2 vol. in-8.— Trad. en an- glais, par B. Lambert. Londres, 1804, 2 vol. in-8: — en italien, ar Dandolo. Come, 1804, in-8. M. Berthollet a eu part aux ou- vrages SUiVans : 1°. Méthode de Nomenclature chimique, proposée par de Morveau, Lavoisier, Berthollet et de Four- croy. Paris, 1787, Im-8. 2. Essai sur le phlogistique et la constitution des acides, trad. de l’anglais de Kirwan , avec des notes BER par Morveau, Lavoisier, Berthol- let , etc. Paris, 1788, in-8. 3°. Instruction sur Part de la teinture, par Doërner., traduit de l’allemand, par C....., augmentée de notes, par MM. Desmarets et Berthollet. Paris, 1701, in-8. 4°.Système de chimie de Thomp- son, trad. de l'anglais, par M. Rif- fault. Paris, 1809, 9 vol. in-8. M. Berthollet a enrichi cette traduction de notes et d’un dis- cours préliminaire. On a imprimé son Cours géné- ral de chimie, dans le recueil des séances de l'Ecole normale (trad. en allemand par Bourguet dans les Beschoft der neufrank naturfors- cher), et son Cours de chimie des substances animales , dans le Jour- nal de l Ecole polytechnique. M. Berthollet a publié des mé- moires ou articies dans les Mé- moires de l’Académie des Sciences, dans ceux de l’Institut de France, de l’Institut d'Egypte, dans les Annales de chimie, dans les Mé- moires de la Société d’ Arcueil, etc. Dans la séance du Conseil des anciens du 26 ventose an 1v (16 mars 1796}, M. Lacuée lut un Mémoire de M. Berthollet, tou- chant la fabrication des monnaies, dont le Conseil s’occupait alors, dans lequel il démontre que toute l’Europe, à l'exception de l’An- gleterre, fait payer un droit de monnayage. Enfin , M. Berthollet fut un des commissaires, conjointement avec MM. Vincent et Taunay, du Rap- port fait à lEnstitut, par Guyton- Morveau , sur la restauration du tableau de Raphaël, connu sous le nom de la Vierge de Foligno. 1802, in-/ BERTON ( JEAN-BAPTISTE ) , 2.0 BER Ë maréchal-de-camp, naquit en 1774 , à Francheval pres Sédan, département des Ardennes, d’une famille bourgeoise, jouissant d’une assez grande aisance. Après avoir faitses premieres études à Sédan, il entra, à l’âge de dix-sept ans, à l’Ecole militaire de Brienne, au moment où Bonaparte la quittait. Berton sortit de Brienne à l’épo- que de la formation de l'Ecole d'artillerie de Châlons, où il fit son apprentissage. La guerre ayant éclaté en 1792, Berton fut nomme sous-lieutenant dans la légion des Ardennes. Il fit avec ce corps les campagnes des armées de Sambre- et-Meuse , et obunt le grade de capitaine. Le général Bernadotte le fit passer dans son état-major. Berton le suivit d’abord en Hano- vre, à Austerhitz et en Prusse, durant les campagnes de 1806 et 1807. Le maréchal Bernadotte ayant été blessé au pont de Span— dau , le maréchal Victor prit,le commandement de son corps d’ar- mée. Berton rendit , à Friedland, d’importans services, pour les- quels le maréchal Victor lui pro- mit de solliciter le grade de colo- nel. Envoyé en Espagne , Berton se distingua particulièrement à la bataille de Spinosa. Le maréchal Victor le présentaà Napoléon , en 1808, à la revue de Burgos, en disant : « C’est le premier chef d’escadron de mon corps d'armée, pour la valeur et les talens ; je vous demande pour lui un ré- giment. V. M. peut être per- suadée qu'elle ne saurait le met- tre en de meilleures mains. » Na- poléon répondit: « Je n'ai point de corps à donner aujourd’hui, je le fais major...» et après quelques instans ; « Je n’ai point de régi- j 9 71 RE L É EN ÉDesdon’. BER | ment libre, mais je vous fais adju- dant-commandant : vous êtes un bon officier, jeme souviendrai de vous.» Berton futnommé quelque temps apres, chef d'état-major de M. de Valence. Ce général ayant été forcé , pour raison de santé, de quitter son commandement, Berton fut attaché à l’état-major du quatrieme corps, sous les or- dres du général Sébastiani. Il donna de nouvelles preuves de sa bravoure à la bataille de Tala- veira et à celle d’Almanacid. Il enleva , dans cette dermere, la position la plus élevée du double piton sur lequel est assise la ville; à Ocaña , il montra une habileté, un sang-froid et une intrépidité si remarquables , que le prince So- bieski , à côté duquel il venait d’être blessé, l’embrassa en pré- sence- du régiment et lui dit : « Je ferai savoir à ma nation la maniere dont vous venez de vous conduire à la tête de ses enfans, je demanderai pour vous la croix du mérite militaire : les Polonais seront fiers de la voir briller sur la poitrine d’un brave tel que vous, » Berton avait conduit dans cette attaque les lanciers polo- nais à l’ennemi. Le corps du gé- néral Sébastiani ayant été dirigé sur le royaume de Grenade, Ber- ton, à la tête d’un détachement de mille hommes du cinquieme corps ; fut chargé d'occuper Ma- laga, où sept mille hommes de Varmée espagnole s'étaient ren- fermés , après Poccupation de Sé- ville par les troupes françaises. Il s'empara de Malaga, et fut nommé gouverneur de cette place par le maréchal Soult. Il parait qu'il remplit ce poste avec sagesse et intégrilé. Sa petit troupe sou- BER 21 tint quelques engagemens assez heureux ; maïs après la perte de la bataille des Arapiles, 11 fallut évacuer Andalousie. La guerre n’offrit plus depuis , qu’une suite de retraites plus ou moins dé- sastreuses, qui fournirent pourtant au colonel Berion , de nouvelles occasions de faire connaître son mérite. Il fut nomme maréchal- de-camp , par décret du 30 mai 1813. C’est en cette qualité qu’il commanda une brigade, avec beaucoup de distinction , à la bataille de Toulouse , le ro avril 1814. Apres la Restaura- tion, le général Berton fut mis en demi-solde , mais il reprit de l’activité des le 20 mars 1815, et assista à la bataille de Water loo , où 1l commandait une bri- gade du corps du général Excel- mans, composée des 14°et 17° de dragons. De retour à Paris, après la seconde Restauration, il futarrêté, détenu cinq mois à l'Abbaye, et renvoye libre sans avoir subi de jugement. Aussitôt que l'éveil de la liberté permit à chacun de prendre un rang , le général Ber- ton choisit le sien daus l’opposi- tion. On le vit à la société des amis de ja liberté de la presse ; il publia un écrit qui fait honneur à ses connaissances militaires, mais qui prouve que ses idées politi- ques étaient peu exactes. Ces écrits ou des pétitions adres- sées aux Chambres, le firent rayer des contrôles de l’armée par le ministre de la guerre ( M. de La- tour-Maubourg). Devenu l’objet de la surveillance de la police, il publia un pamphlet extrémement violent contre M. Mounier, qui la dirigeait alors , et ne tarda pas à s'engager dans un complot con- 22 BER tre le gouvernement , qui se ter- mina pour lui de la manière la plus funeste. Parti de Paris au mois de jan- vier 1822, le général Berton se rendit à Brest, à Renneset enfin à Saumur, où il entra en relation avec plusieurs personnes de ces villes et des environs. Dans la nuit du 20 fevrier , Berton quitta Saumur et se rendit à Thouars, où il avait des intelligences, entre autres personnes, avec le com- mandant de la garde nationale, et l’adjoint au maire. Le 24 fe- _vrier à quatre heures du matin, le général Berton, revêtu de son uniforme, arbore la cocarde et ie drapeau tricolore dans la ville de Thouars , proclame un gouver- nement provisoire , où 1l place les noms de cinq membres de l’oppo- sition de la Chambre des Députés, fait et publie des proclamations, et enfin, secondé d’un certain nombre depersonnes, s'empare de l'autorité et pourvoit au remplace- ment ou à la confirmation des fonctionnaires publics. Berton an- nonçait qu’un mouvement sem blable devait avoir heu simulta- nément par toute la France, et prenait le titre de général com- mandant de l’armée nationale de l'Ouest. Il paraît que le cri do- minant fut celui de vive La liberté: quelques personnes y mélèrent celui de vive Napoléon IT+ Enfin, une colonne , formée selon l’acte d'accusation , de quinze hom- mes à cheval et de cent vingt hommes à pied, se mit en mar- che, tambour battant et banniere déployée, vers la ville de Sau- mur ; ils furent joints en route par quelques personnes des villages eavironnans. Maloré le grand BER nombre d'individus qui sont en— trés dans le complot, dit l’acte d’accüsation , les autorités de Saumur étaient dans la plus pro- fonde sécurité, L’ennemi était déjà arrivé à Montreuil, qui en estéloigné des trois lieues, qu’elles en ignoraient la nouvelle, tandis que dedistance en distance, il trou- vait des émissaires qui lui faisaient connaître les dispositions prises pour le recevoir. Cest de Mon- treuil, où la troupe de Berton ar- riva à trois heures apres midi, que les premiers avis furent expédiés aux autorités de Saumur, par le brigadier de la gendarmerie. Aussitôt quelques mesures de de- fense furent prises dans cette ville. Cependant la troupe de Berton de- passale pont Fouchard.Apres quel- ques pourparlers avec le maire, le général repassa le pont, le barri- cada et établit des postes, afin de n'être point surpris : les choses res- tèrent dans cet état pendant plu- sieurs heures.Des communications eurent lieu entre les insurgés et les habitans ; Berton et le maire eurent une conference : la garde nationale demeura rangée en ba— taille. Les autorités de Saumur tinrent un conseil de guerre, où il fut décidé que l’on attendrait le jour pour charger l'ennemi. Ber- ton occupa sa position jusqu’à minuit environ. Il fut instruit de la détermination du conseil et donna des ordres pour effectuer sa retraite. La ville de Saumur est munie d’un château-fort où se trouvait un dépôt d'armes consi- dérable ; il était occupé par une école de cavalerie , composée de sous-officiers de tous les régimens de larmée , qui a été dissoute après ces événemens. Le général ; BER donna le signal de la retraite ; il la fit avec ordre, en montrant une sécurité qui ne peut s’expli- quer que par la confiance que lui inspira l’inaction de forces bien supérieures aux siennes. Berton, après s’être couché à Montreuil, s’y être rafraichi avec ses troupes, continua sa marche jusqu’à Brion. Son intention était de se replier sur Thouars, mais déjà on y avait pris des mesures pour y empé- cher son retour. Il fallut se sépa- rer ; plusieurs des chefs prirent la fuite : Berton erra dans les dépar- temens des De evres_et de la Charente-Inférièure. L'acte d’ac— cusation affirme que cette tentative fut l’œuvre d’une société secrète appelée les Chevaliers de la Liberté ou Carbonari , que cette société est dirigée par un comité dont le siége est àParis,etque Bertonétait l'agent principal de ce comité dans les départemens de l'Ouest. Si le premier complot ourdi à Saumur par Delon, Sirjan, elc., eüt réussi, il devait se mettre à la tête des re— belles il est désigné dans la pro- cédureinstruite àNantes contre les Carbonari, qui avaient projeté le renversement du Gouvernement, comme devant prendre la direc- tion du monvement, aussitôt qu'il aurait éclaté. C’est encore lui que l’on indiquait, au mois de mars 1822, pour prendre le comman-— dement des militaires de La Ro- chelle, qui avaient comploté une révolte. Cependant Bertonavait disparu. Les journaux annonçaient qu'il était passé en Espagne, lorsqu'on apprit tout à coup qu'il venait d’être arrêté le 17 juin, au lieu nommé Laleu, commune de Saint- Florent , dans la maison decam- L L BER f._ »3 pagne de M. Delalande , notaire du lieu, par un sous-officier de carabiniers nommé Wolfel ( de- puis.1l a été fait officier), qui s’y prit de la manière suivante. Selon lui sa fidélité aurait été tentée par des personnes de Saumur, dans les -projets desquelles il feignit d’en- trer pour mieux decouvrir leurs desseins , dont 1l tenait son chef (M. le colonel Breon , aujourd’hui maréchal-de-camp) informé. Bien- tôt1l futmisenrelationavecBerton qui se tenait caché auprèsde Sau- mur; il lui amena successivement des militaires de son corps, au nombre de trois.Un jour, revenant de la chasse ensemble, etrentrant dans la maison de M. Delalande, où 1ls devaient diner avec quelques autres personnes ,, tout à cou Wolfel couche en joue le géné- ral, en lui disant : « Vous êtes prisonnier. Les trois autres cara= biniers en firent autant ; le géné- ral dit à Wolfel : « Je ne m’at- tendais pas à cela de votre part, vous qui venez de m’embrasser.» Wolfel le menaçca de faire feu sur lui au moindre mouvement ; ensuite .1l sortit pour aller cher- cher un détachement de carabi- niers, quiavait été aposté à peu de distance de la maison. C’est alors qu'il vit arriver un individu à che- val, nommé Maguan ; il lui or- donna de s’arrêter, lui déclarant que s’il avançait, il tirerait, Wol- fel prétend qu’à cet avertisse- ment Magnan parut vouloir por- ier la main à ses pistolets, et à linstant il déchargea les siens et l’étendit raide mort. Il rentra aus- sitôt dans la chambre où se trou- vait Berton et lui ordonna de dé poser ses armes. Le général, con- tünue Wolfel , sortit de sous son 2* 24 BER gilet, un poignard et un pistolet, qu'il posa sur une table, et lui- même se plaça près d’un lit qui se trouvait là, ayant à côté de lui Baudrillet et Delalande. Peu après des cuirassiers arrivérent et ame- nèrent le général Berton prison- nier , dans le château dé Saumur. La Cour royale de Poitiers in- struisit une procédure contre le général Berton etcontre cinquante- cinq personnes, accusées d'avoir participé avec lui à l'insurrection de Thouars. Un arrêt de la Cour de cassation, rendu sur le réquisitoire du ministère public, pour cause de suspicion légitime , transféra le jugement de cette affaire, de la Cour d’assises des Deux-Sévres, à celle de Poitiers. Quelques dé- bats préjudiciels eurent lieu : l’accusé récusait la Cour d’assises comme incompétente ; et, con— formeément à l’article 33 de la Charte, demandait à être jugé par la Cour des pairs : cette prétention ne fut point admise. La composi- tion du jury, que la législation actuelle attribue aux agens du Gouvernement, avait fait imagi- ner d'appeler en témoi gnage quel- ques-uns de ceux qui le compo- saient. Cette maniere indirecte d'étendre les récusations fut re- poussée par la Cour. Le général Berton avait choisi pour défenseur M: Mérilhou , du barreau de Pa ris : l’autorisätion prescrite par le décret de 1810 lui fut relusée parle garde-des-sceaux (1) ( M. de Pey- (1) M. Mérilhou offrit de venir dé- fendre le général comme ami et sans qualité d'avocat ; à ce titre il suffisait d'obtenir l'agrément du président de la Cour d'assises : cet agrément lui fut refusé. BER ronet). Au défaut de M° Méril- hou , le général appela M° Mes- nard , du barreau de Rochefort ; l'autorisation lui fut également refusée ,en même temps qu’on dé- cidait qu’elle lui était nécessaire, ce qui fut contesté par lui. Berton ayant refusé de faire un autre choix , la Cour d’assises de Poitiers lui nomma d’oflice M° Drault , du barreau de cette ville. Le géné- ral Berton qui ne connaissait point cet avocat, ét qui surtout ne vou- lait pas le récevoir des mains de ses jugés ,.refusa d’accepter son mimistere. La Cour enjoignitnéan- moims à l’avoéat de défendre le général ; mais M° Drault refusa énergiquement cette mission, à cause de quoi un arrêt le raya du tableau : cet arrêt a été cassé depuis pour defaut de forme, par la Cour suprême. Dans I cours des débats l’accusé articula les plaintes suivantes : « On m’a mis au secret le plus rigoureux ; on m'a tenu dans des ténebres conti- nuelles, comme un voyageur que l’on conduit dansune caverne pour V’assassiner. Je n’ai pu communi- quer avec M° Drault que le 10 de ce mois ( les débats s’ouvrirent le 26). Le 11 seulément j'ai obtenu la permission de lui passer des no- tes. Lors de mon interrogatoire, M. le président n’a dit que l’avo- cat qu'on me nommerait d’oflice viendrait dans ma chambre con- férer avec moi; que les gendar- mes se retireraient à quelque dis- tance et me laisseraient maître de communiquer avec mon défen— seur. Malgré cette promesse, jen’ai pu voir M° Drault qu'à travers deux grilles dont les barreaux sont tres- rapprochés ; je ne l’ai pu qu’as- sisté du geôlier et de deux gen- "7 BER darmes. M. le président a eu la bonté de modifier cet ordre et de prescrire à mes gardiens de se re- tirer à quelque distance , en ob- servant toutefois de ne pas me laisser recevoir des papiers. Le 13 août je remis à M° Drault quelques notes : le concierge Champion était à côte de moi: il avait la tête placée dans la porte, presque sur mes épaules. Comme je l'ai écrit à M. le président, j'ai le malheur d’avoir l’ouie un peu dure , et M° Draultne pouvait dans ces circon- stances me parler bas. Jamais on n’a interprété le code d’instruc- tion criminelle comme on l’a fait à mon égard, jamais on n’a ima-— giné de pareils subterfuges. Le 29 du mois dernier (juillet), M. le président m'a fait prévenir que mon pourvoi contre l'arrêt de la chambre des mises en accusation devait être consigné sur le registre -du greffe. Le 3 de ce mois M° Drault voulut me passer ses notes, le concierge s’en estemparé, en disant qu'il avait ordre d’en agir ainsi.Ces notes furent portées chez M. le procureur-général, qui dé- fendit de me les communiquer. Je fis mon pourvoi d’apres des articles de loi que je ne connai- sais pas : M° Drault fut obligé de venir le lendemain m'en faire changer la rédaction... Je déclare à la Coùûr que jusqu’à ce jour, je n’ai eu aucune véritable communica- tion avec mon défenseur. »—« Le geolier et les gendarmes , ajoutait M° Drault, ne se tenaient pas pssez éloignés de nous pour que je pusse parler assez bas pour n’être pas entendu... Je dois dire en on ame el conscience que ce mode de communication n’a paru j! peu propre à remplir le vœu de BER 25 la loi, si dangereux pour moi et pour l’accusé , que je n’ai cru pou- voir lui faire aucune question. Tout ce que je lui ai dit je l'ai dit à tres-haute voix, parce qu’une réponse mal saisie, mal inter- prêtée , pouvait compromettre les intérêts des accusés. » Ces plaintes furent l’occasion d’un débat qui parut en constater l'exactitude , et que M. le président termina en soutenant que le mode de com- munication appartient exclusive- ment au président et au procu- reur-genéral. Nous devons ajouter que les accusés étaient conduits à l’audience dans des chariots fer- més, où ils se plaignaient de man- quer d’air; qu'ils y étaient atta— chés avec des cordes; qu’en une occasion l’un d’eux en fut retire blessé ; que les nombreux soldats qui les entouraient faisaient fer— mer les portes des maisons qui se trouvaient sur leur passage ; que les fils du général Berton éprouvérent des entraves de plus d’un genre pour obtenir la per- mission de venir à Poiliers, avant et apres la condamnation du gé- néral ; et enfin qu’on ne leur ac- corda pas même la iriste faveur d’assister chaque jour au proces de leur père. Dans la séance du 11 septembre M° Draultse levaetdit: « M. le président , je suis chargé par le fils du général Berton de vous prier de lui donner le moyen de pénétrer jusque dans la salle de l'audience : ce jeune homme est consigne sur la place Saint Di- dier. — M. le président : Je ne le puis , il a déjà assisté à la séance- d'hier... ! » Le systeme de défense du géné- ralBerton pendantl’auditiondeste- moins , Consista à soutenir qu'il ne 26 : BER 4 s’était pas positivement insurgé et n’avaitpoint fait acte d’usurpation de l’autorité souveraine ; que son but aurait éte non le changement de dynastie, ou le changement de la forme du gouvernement , mais seulement le redressement des griefs allégués contre l’adminis- tration actuelle. Ce systeme peu soutenable , laissait beaucoup de prise à l'accusation , et chargeait quelques-uns des co-accusés ; aussi le général se vit bientôt réduit à Fabandonner. On va l’entendre lui-même presenter sa défense, que sa longueur et ses digressions nous forcent à ne présenter que par extrait. « Messieurs les jurés, j’ai été long-temps le maître de ne pas paraître devant vous; j'aurais pu m’embarquer pour l'Espagne aussi facilement que l’ont fait les offi- clers qui étaient avec moi; long- temps après leur départ, j'ai eu encore à ma disp osition un bâäti- ment pour m'y conduire. Plu- sieurs personnes dans le pays où j'étais, m’engageaient continuelle- ment à m'y rendre, entre autres une dame qui avait fait d’avance les frais et les préparatifs de mon voyage; mais jai pensé que fuir loin de la France était in- digne de moi , et que je commet- trais une lâcheté en quittant son territoire , pendant qu’un certain nombre de mes co-accusés étaient dans les fers. De grands intérêts particuliers m’appelaient pourtant en Espagne. Ce que je dis , mes- sieurs , ne vous étonnerait pas Si j'avais l'honneur d’être mieux connu de vous. J’ai eu même l’in- tention de me constituer prison nier avec les autres accusés , afin de pouvoir faire connaître la vérite DER à messieurs les juges, et je l’eus fait, si un autre homme que M. Mangin eût ete procureur-géné- ral près cette cour... » On n’a rien épargné, mes- sieurs, pour tàcher de nous avilir à vos yeux : les épithètes les plus offensantes, peu généreuses envers des accusés, de la part d’un magis- trat revêtu d’aussiéminentes fonc- lions, ont montré un caractere irascible et peu de dignite. Le courage que l’on croit déployer lorsqu'on est certain de ne courir aucun risque , de n’être expose à aucun danger , n’est qu’une fanfa- ronade ridicule ; et quand M. le procureur-général s’est cru auto- rise , sur un faux rapport, à se ser- vir envérs nous du mot de l/ächeté, nous l’avons méprisé...… ù » M. le procureur-général, par un jugement anticipé , m'a qua lifié d’ex-général, sur son acte d’ac- cusalion, sans connaître la caté- gorie dans laquelle je me trouvais. J’ai été mis à la solde de reforme au 1* août de l’année derniere, ce qui ne diminue que les appoin- temens , mais cela n'’ôte pas le grade: on peut même être mis tout à coup en activite... » Au fond de ma tranquille re-— traite, où je gémissais sur la de- tention de mes co-accusés , j’aieu Poccasion de lire des journaux ; et, n’ayant pas trouvé le nom de Grandménil parmi ceux des hom- mes arrêtés ou fugitifs,j'aicraint qu'on ne cherchât de nouveau à exciter les habitans des campa- gnes surtout, à faire des tentatives inutiles et dangereuses, pour dé- livrer leurs concitoyens. : » Je désirais pouvoir revenir dans lé département de Maine- et-Loire , dans les environs de, BER Thouars, y voir quelques citoyens notables, afin qu’ils pussent d’a- bord faire connaître aux prison- niers que je ne m'étais pas sauvé en Espagne, comme l'avaient au— aoncé tous les journaux; et le pre- mier fut celui des Débais, qui m'avait fait embarquer pres de La Rochelle. En second lieu, je vou lais détromper ceux qui n’étaient point compromis et les empêcher de se compromettre, et c’est ce que j'aurais fait ; j'aurais rendu un plus grand service que ne l’a fait le marechal-des-logis Wolfel, en devenant un des suppôts de la police. » J’ai su que Grandménil avait envoyé quelqu'un à marecherche, qui n’a pu me trouver, mais qui avait pu acquérir des présomptions que j'étais dans la Saintonge. Il y est venu lui-même : par la téna- cité de ses recherches, il a trouve moyen de me faire parvenir une lettre, par laquelle il me priait de le recevoir. J’y consentis ; il me parla de suite de toutes les arres- tations qu’on avait faites ; je ne les croyais pas aussi nombreuses. Il vit la peine que cela me causait ; il me parla alors de Fesprit de quelques maréchaux-des-logis des carabimiers; je lui répondis que tout ce qu’il me disait ne m’appre- nait autre chose,sinon qu'il allait au moins cette fois là se faire ar— réter , s’il n'en compromettait pas d’autres, et qu’un régiment qui avait à peu pres , comme tous les autres , cinquante sous-officiers et autant d’ofliciers , n’était pas à la disposition de quelques individus; qu'il devait en croire mon expe- rience mihtaire. Il me supplia de venir voir cela par moi-même ; je lui répondis que je le voulais bien, BER 27 si on me promettait de suivre mes conseils ; il me le promit , et cet homme avaitbeaucoup d’influence dans les campagnes. Quelques jours après j'entrepris ce voyage, qui pouvait me donner l’occasion de calmer les esprits s’il était né- cessaire; d’empêcher les gens trop crédules de se compromettre , en même temps que j'aurais pu faire connaître que je n'avais pas quitté la France... » Je reviens à l’acte d’accusa- tion dressé par M. le procureur général , et je déclare qu'ilesi faux en principe et dans ses conséquen- ces, et par les suppositions etin- ductions qu’ilrenferme. » Le mouvement qui eut lieu à Thouars le 24 février dernier, n’avait pas pour but de renverser le gouvernement du roi, et était encore bien moins dirigé contre S. M., puisqu'il était l’œuvre des chevaliers de la liberté, dont le premier acte de leurs statuts est le maintien et La conservation du roi et de Pauguste famille régnante , le soutien de la Charte, avec l'enga- gement de combattre les ennemis de la liberté, qui sont ceux de la Charte. Je ne me rappelle pas bien si ce sont là les propres mots de ce premier article, mais je suis sür que tel en est le sens; 1l m'a été lu à Saumur , en présence de beaucoup de chevaliers de la h- berté, qui m'ont juré d’y persister entierement et m'ont fait pro- mettre d'y adhérer; personne de nous n’a dû ui pu parler de gou- vernement provisoire en France. » IH n’est pas vrai que je sois le chefde cette entreprise ; ilne m'est pas plus permis de m’en faire les honneurs que de m’attribuer celui d’avoir fait arborer les trois cou 28 BER leurs nationales , que S. M. Louis X VIII a portées , qui ont depuis flotté avec gloire dans les quatre parties du monde, et sous lesquel- les le nom français s’est immor- talisé: aucune puissance dela terre ne peut détruire ces vérités. La résolution était prise d’arborer les trois couleurs , et je n’avais pas le droit d’en décider autrement. » Le mouvement qui a eu lieu à Thouars n’a point été préparé par moi ; il a pu être déterminé par ma présence ; il aurait pu avoir lieu sans moi. Je n’y ai rien orga- nisé, je n’y connaissais personne, j'y ai trouvé ce qui y existait. On ne crée pas de semblables choses dans un jour ni dans un mois; mais c’est le fruit d’un grand et long mécontentement. Il faut s'être communiqué long-temps et sou— vent les mécontentemens récipro- * ques, pour en venir au point de prendre un parti. J’ai laissé cha- cun libre d’y participer ou de se retirer, ce que les uns ont fait. Les proclamations dontilestques- tion dans l'acte d’accusation ne n'étaient pas connues. Je ne les ai point lues; j'ignore qui les a faites, qui les a apportées à Thouars, ou, si elles ont été faites dans cette ville ; elles ne sont point signées par moi , et je n’en suis pas l’au- teur. La plupart des accusés, ici présens,n’étaient point sur la place quand on les y a lues. » M. le procureur-général pré- tend en outre que mon nom est cité dans une procédure instruite à Nantes contre des carbonari, et dans une insurrection militaire de La Rochelle, du mois de mars der- nier, deux choses dont je n’ai eu connaissance que par son acte d’ac- cusation. Ou est la preuve de ces BER assertions erronées ? quelques dé- lations , peut-être soufflées aux oreilles de quelques malheureux incalpés, afin de leur faire espérer leur grâce, qu’on attache pour les tromper, au prix honteux d’une fausse dénonciation, dont on adou- cit l'expression en l’appelant révé- lation... » Je ne suis point chevalier de la liberté; si je l’élais, je serais loin de le désavouer, et j'ignore ce que c’est que les carbonari, dont M. le procureur - général m'avait parlé lors de mon inter— rogatoire, et que par son acte d'accusation il semble confondre avec les chevaliers de la liberté... » Nous avons été conduits de- vant vous, messieurs, dans des cages montées sur quatre roues, enchainés deux à deux, traver- sant deux haies de soldats, pré- cédés et suivis par des pelotons d'infanterie et de cavalerie , tan- dis que les rues aboutissant à celles qui conduisent de la prison au palais, sont en outre barrées par des troupes. Vu les mesures extraordinaires de sûreté , la gen- darmerie , qui voyait sa respon- sabilité tres-à couvert, prit sur elle de nous ôter les fers ; le général Malartic ordonna qu’on nous les remit ; on fit des repré- sentations à la Cour sur les acci- dens qui pouvaient en résulter ; elle ordonna un traitement plus humain. On nous Ôta une seconde fois nos fers ; le même général ordonna alors de nous attacher avec des cordes , ce qui a eu lieu jusqu’aujourd’hui. » M. le procureur - général Mangin a fermé l'entrée de la pri- son à mes enfans, venus exprés de Paris pour me voir ; avec une BER permission du ministre de la guerre qui les autorisait à rester trois jours à Poitiers ; et ils etaient partis , l’un d'Avignon, l’autre de Nantes, pour aller solliciter cette ermission à Paris. On m'a re- fusé la consolation d’embrasser mes deux fils. Veuillez bien re- marquer , messieurs , que mes fils avaient une permission d’un des ministres du roi, spécialement pour venir me voir et rester trois jours à Poitiers , afin de pouvoir juger toute l’étendue de la dicta- ture de M. le procureur - général du roi, qui n’a pas voulu per- mettre que je les visse. Cette épreuve , messieurs ; m'a Causé bien du chagrin ; et c’est ce que l’on voulait. Mes enfans ont dû retourner de suite à Paris, avec une douleur égale à la mienne ; mais indépendamment de l’ordre du ministre de la guerre, 1ls ob- tinrent bien vite celui du minis- tre de l’intérieur , tenant le porte- feuille de la justice , pour com- muniquer avec leur père. M. le procureur-général n’a pas pu s’y refuser cette fois-ci, n1 leur faire faire antichambre dans la cour, comme la premiere fois ; on s’est contenté de faire prendre des me- sures surabondantes , des précau- tions de surveillance, pendant que mes deux fils étaient à mes côtés, sous les verrous. M. le pro- cureur-général n’a pas voulu per- mettre qu’ils dinassent une seuie fois avec moi... » Je ne puis répondre à tout ce que vous a dit hier M. le procu- reur-général ; c’est ce qu’il avait déjà dit dans son acte d’accusa- tion. Il m’a de plus noté comme un collaborateur de /a Minerve ; c'est m’accorder trop de mérite ; BER 29 que de m’associer aux écrivains qui rédigeaient cette feuille pé- riodique. Je me rappelle d’y avoir fait insérer trois lettres , l’une pour réfuter des injures que lord Stanhope avait vomies contre la nation française ; l’autre en re- ponse à l’Ermite de la Province, qui avait rendu compte de la ba- taille de Toulouse, et elle avait pour but de faire connaître une action d'éclat , la plus intrépide, faite par un nommé Vincent, ma- réchal-des-logis au 22° régiment des chasseurs. La troisième était en faveur du général Cambronne, que des journaux avaient attaqué. Je n'ai jamais eu d’autres rapports avec la Minerve ; chacun pouvait y faire insérer des lettres. » M. le procureur-général vous a présenté le prétendu Comité di- recteur, sur des preuves morales, comme le Vieux de la Montagne, qui faisait partir du mont Liban un homme pour aller assassiner saint Louis, et qui, sur d’autres rapports avantageux à ce monar- que , envoya un second émissaire pour donner contre-ordre. Il vous a parlé de son indulgence , mes- sieurs , et 1l vous demande beau- coup de sang. S1 votre conscience vous dit qu'il faut en verser, je ferai bien volontiers le sacrifice du mien; j'en ferais surtout le sacrifice avec joie , s’il pouvait rendre la liberté à tous ceux qui m'ont suivi jusqu’à Saumur. Vous . pouvez les épargner , messieurs ; aucun sentiment intérieur ne doit vous en faire de reproche ; je dé- sirerais , en Ce cas, pouvoir four- nir à moi seul assez de sang pour apaiser la soif de ceux qui en paraïssent si altérés. Pendant vingt ans , jen. ai versé sug quel- » 30 BER ques champs de bataille ; jy ai épargné celui des émigrés lors- qu'ils se battaient contre nous. J'en ai sauvé , comme bien d’au- tres de mes compagnons d’armes l’ont fait ; et cette générosité avait ses danger®* Je n’ai jamais fait couler une goutte de sang fran- çais. Celui qui me reste est pur ; il est tout français. » J’ai exposé long-temps ma vie avec gloire pour mon pays. Si je devais la perdre par la mair de mes concitoyens , je leur présen- terais encore ma poitrine avec le même courage que j'ai toujours montré devant les ennemis de la France. Nos noms, messieurs , seront inscritsensemble dans l’h1s- toire : la France et l’Europe nous jugeront sévérement et sans par- tialité. Quoi qu’il puisse arriver, mon cœur na rien à craindre, et ma devise , comme elle a toujours été , sera celle-ci : «Dulce et decorum est pro patrid mort.» M. Mangin, procureur-géné- ral, qui avait été chef de division au ministère de la justicesous l’ad- ministration de 1819, soutint l'accusation avec beaucoup de vé- hémence ; il inculpa même gra- vement plusieurs membres de l’opposition de la Chambre des Députés , qui avaient été nommés dans les débats. Ceux-ci deruan- dèrent à la Cour de cassation l’au- torisation de réclamer une répa- ration des tribunaux; ils n’ob- tinrentpas cetteautorisation, mais la Cour suprême admit dans son arrêt, la possibilité de juger peu mesurées les expressions du pro- cureur-général de Poitiers. Après dix-sept jours de débats, le jury BER fit connaître sa déclaration, à la suite de laquelle Berton et cinq de ses co-accusés furent condamnés à mort (1). Trente-deux furent condamnés à l’emprisonnement. En dépeignant le tableau qu’offrit ce moment terrible, le narrateur des débats nous signale la circons- tance suivante : « Sauzaïs 5e jette dans les bras de son avocat, l’embrasse les larmes aux yeux. M. le général Malartic prévient aussitôt les défenseurs que, par ordre de M. le président, il est défendu à toutes personnes d’ap- procher des prévenus , ni de leur parler. M°. Bréchard : Quoi, M. le général , même aux avocats? — M. de Malartic : Oui, mon- sieur, même aux avocats, par ordre de M.leprésident(2).»Le gé- néral Berton se pourvut en cassa- tion contre l’arrêt de sa condam- nation. MM. Isambert et Mérilhou plaidèrent le pourvoi. Le premier s’exprimait en ces termes : « Nous avons mis à profit le délai de hui- taine que la Cour a bien voulu nous accorder. M. Ch. Berton, fils du général, a obtenu le len- (1) Le colonel Alix avait été déclaré coupable de complot far le jury, à la majorité de sept voix contre cinq ; mais la majorité de la Cour se rétünit à la minorité du jury, pour le sauver de la mort. [1 a été condamné à ciuq ans de détention, comme non-révélateur. (2) M. de Malartic a été nommé comte, « en témoignage, dit M. le duc de Bellune, ministre de la guerre, du zèle, de lactivité, de la prévoyance, avec lesquels H a dirigé le service de la place de Poiliers, pendant le jugement du général Berton » ( Lettre du 11 oc- tobre 1822). LL BER demain, à la préfecture de police, ün passe-port pour Poitiers. Ses premières recherches sur l’âge de M. Boisnet, le septième jure, n’ont rien produit. Il les conti- nuait avec toute l’activité qu'un fils peut mettre pour sauver la vie de son père, quand Vautorité mi- litaire a cru devoir le mettre en surveillance, sous prétexte qu'il était militaire, etque, s’il exhibait un passe-port régulier , il n'était porteur d'aucun congé. M. Berton fils est présent à l’audience ; 1l nous autorise formellement à ar- ticuler les faits suivans : M. le général Maïartic, commandant le département, la consigné à domicile sous la surveillance des gendarmes , sous le prétexte qu’il était militaire, avec défense de communiquer au dehors. M. Ber- ton répondit qu’il avait été placé en congé illimité, ce qui le met- tait hors des cadres de l’armée ; que dès-lors il était rentré dans la vie civile, et qu’à cette fin un passe-port régulier lui avait été délivré par l'autorité civile. Ces difficultés ont forcé M. Berton fils à revenir à Paris, sans avoir pu se procurer la preuve de l’âge du juré. » L'avocat imdiquait ensuite les moyens de l’accuse, qui déclarait s'inscrire en faux contre le proces- verbal des débats tenus devant la cour d'assises de Poitiers, et porter plainte contre les membres qui la composaient, spécialement contre M. le procureur-général, qu’il disait avoir agi par inimitié con- tre lui , et à l’egard duquel, ajou- tent les conclusions, « cette inimi- tié est prouvée notamment par les insultes portées au malheur de l'accusé pendant la durée des dé- BER 37 bats , et par les accusations de lächeté , tout-à-fait étrangères à l'accusation.» M° Mérilhou plaida ensuite avec beaucoup de cha- leur les moyens de cassation ; mais la plainte ne fut point ad- muse , ét le pourvoi en cassation fut rejeté. Cette décision parvint à Poitiers parestafette, dans la nuit du 4 au 5 octobre. L'arrêt fut lu aux con- damnés le 5, à sept heures du matin. À huit heures on com mença les apprèts de l’execution. Le greflier s’étant présenté à la prison pour donner lecture aux condamnées Berton et Caffé de l’ar- rêt de la Cour de cassation qui rejette leur pourvoi, Berton, apres avoir entendu les premieres phra- ses , interrompit le greffer en lui disant : « C’est bon, c’est bon; en voilà bien assez. » Il se plaignit au geôlier de ce qu’on n’avait pas fait venir un barbier qu’il avait demandé pour se faire raser. L’exé- cuteur arriva ensuite pour arran— ger les vêtemens et la chevelure du général, de maniere à faciliter l'exécution : il coupa tout le collet de habit, et rasa les cheveux du coû : « Ne pouviez-vous pas, lui » dit le général, vous contenter » de rabattre le collet de mon » habit, sans le couper ‘ainsi? » À onze heures on le fit passer dans la cuisine de la prison, où l’attendaient deux missionnaires. Des qu’il les apercçut , le général leur dit : « Messieurs , dispensez- » vous de m’accompagner. Je sais » aussi bien que vous tout ce que » Vous pourrez me dire; je n’ai » pas besoin de votre ministère. » Une petite charrette découv?rte l’'atiendait dans la cour de la pri- son ; Berton y fut placé , les mains 2*+ 39 V''IPER liées derrière le dos ; un mission- naire était à sa droite et umautre à sa gauche : l’exécuteur était derriere lui pour le soutenir. Ber- ton l'avait chargé de ce soin, at- tendu , disait-1l, que n'ayant pas les bras libres, le mouvement de la charrette aurait pude renverser. Les ecclésiastiques placés à ses côtés lui adresserent quelques pa- roles; maïs, d’apres son refus obstiné de les écouter, 1ls cesse- rent de lui parler, et se tinrent jusqu’au lieu de l'exécution, la tête appuyée dans les deux mains (1). Berton , qui par sa taille élevée (1) Nous suivons le récit de la plu- part des journaux et relations de l'é- poque ; nous devons dire néanmoins que ces circonstances ont donné lieu à la correspondance suivanté, que nous plaçons sous les yeux du lecteur : A M. le Rédacteur du Journal des Débats. Poitiers , 15 octobre 1822. «Monsieur, j'ai eu pendant un mois defréquens entretiens avec le général Berton. Il n’a jamais refusé les secours de la religion ; il me promettait de remplir tous les devoirs qu'elle impose, si son arrêt de mort était confirmé par la Cour de cassation. Le jour de l’exé- cution de Berton , je me rendis de grand matin à la prison avec M. Bau- douin , prêtre missionnaire. Je lui ex- osai la nécessité du sacrement de pénitence , et lui rappelai la promesse u’il m'avait faite sisouvent de mourir en chrétien. Il m'écouta en silence, m'embrassa, et accepta le confesseur que je lui présenta. » Berton s'est confessé deux fois, avant son départ de la prison. Lorsque le moment de marcher à la mort fut arrivé, Berton devint d’une faiblesse extrême : la päleur de son visage , l'al- técation de tous ses traits, le rendaient méconnaissable. J’ai accompagné le gé- néral jusqu'à l'échafaud , ayec M. Bau- BER dominait les deux missionnaires , promenait à droite et à gauche des regards, assurés. Arrivé au lieu du supplice, il franchit avec fermeté les degrés de l’échafaud, cria : Wive la liberté ! vivela France! et reçut le coup fatal (1). Ses deux # douin. Il nenousa point dit de le laisser tranquille, ni aucune parole désobli- geante. » Je suis, etc. » LAMBERT, vicaire général de Poitiers. » À M. le Rédacteur du Courrier français. « Monsieur, c’est avec un profond étonnement que nous avons vu , dans le numéro du Journal des Débats de ce jour , la lettre de M. l'abbé Lambert , vicaire général de Poitiers. » Nous concevons aisément que M. le vicaire général cherche à donner à son zèle tout l'éclat et toute la publicité possibles ; mais il est une douleur légi- time qu'il aurait dü respecter, etil nous semble qu’il y a bien peu de charité chrétienne dans la phrase de sa lettre qui tend , en démentant la voix publi- que, à faire croire que le général Berton a montré une faiblesse extrême, et à flétrir ainsi les derniers momens de notre infortuné père. » Dans cette circonstance , il ne reste pas même à M. le vicaire général l’ex- cuse de ne poing nous connaître , lui qui nous cri à Poitiers, le 6 octobre, « Qu'il faisait (des vœux pour que la justice des hommes ne fit point retom- ber tôt ou tard les fautes du père sur la tête des fils. » Agréez , etc. » À. Berror , Cu. BERTON. » Paris, 19 octobre 1822. » (1) Voici le tableau des exécutions à mort, à cause de conspiration ou embauchage pour les rebelles, pen- dant l'année 1822 : Srrjan, Sous- officier , fusillé à Tours, par ju- gement d'un conseil de guerre ; ET" Le BER fils étaient partis de Paris aussitôt apres le rejet du pourvoi, espe- rant pouvoir embrasser leur pere; V’allée, capitaine en retraite, guillo- tiné à Toulon le 4 mai, par arrêt de la cour d'assises du Var; Adolphe Mail- dard, adjudant de l'ex-garde, fusillé à Bayonne le 17 août, par jugement du deuxième conseil de guerre dela r1° di- vision militaire ; Caron, lieutenant- colonel en retraite , fusiilé à Strasbourg le 1°r octobre, par arrêt du conseil de guerre de la division militaire ( voyez l’article Caron, ci-après); Berton, maréchal-de-camp, âgé de cinquante- trois ans , guillotiné à Poitiers ; Gurl- lame Saugé, propriétaire, guillotiné à Thouars, âgé de cinquante-six ans; François Jaglin, ancien militaire , âgé de tiente-un ans, guillotiné à Thouars ; Pierre Caffé, ancien chirurgien major, membre de la Légion-d'Honneur, âgé de quarante-quatre ans, s'est soustrait à l'exécution , le matin même du sup- plice, en s'ouvrant l'artère crurale. Bories, Pommier, Raoulx, Goubin, tous quatre âgés de vingt-cinq à vingt- neuf ans, sous-ofhciers dans le 45° de - ligne, guiliotinés à Paris,au moisde sep- tembre, par arrêt de la Cour d'assises de cette ville. Des portraits lithogra- phiés de ces derniers, et des relations de leur mort également lithographiées, ont circulé clandestinement. Ont pareillement été condamnés à mort, mais ont obtenu commutation de peme: Roger, écuyer, à Metz, comme complice de Caron ; Duret, cul- tivateur , et Baudrillet , à Orléans ; Henri Fradin, adjoint au maire de Thouars, et François Sénechault , pro- priétaire de Thénezai, comme com- plices de Berton. \ Des condamnations À mort par con- tumace, ont été prononcées en plus grand nombre, savoir : onze à Poitiers, sept à Colmar. Il a été prononcé aussi d'autres condamnations capitales , à Nantes, à Saumur, sans parler des con- damanations à des détentions plus ou moins longues, dont le nombre est con- sidérable. BER 33 mais lorsqu'ils sont arrivés à Poi- tiers , 1l avait cessé de vivre. Ces jeunes gens , qui étaient officiers de cavalerie, ont jugé convenable de donner leur démission. On leur a refusé la permission qu'ils ont sollicitée, de placer une pierre au lieu où reposent les ossemens de leur père. Le général Berton était officier de la Leégion-d'Honneur et chevalier de Saint-Louis. Une note , insérée dans quelques jour- naux français peu apres sa con— damnation , annonça que « le gé- » néralBertonayant cessé d’appar- » tenir à l’Orde royal de l’Épée, » de Suède , son nom vient d’être » rayé de la liste des chevaliers » de cet ordre. » Ona publié àParis, vers l’époque du proces, deux portraits lithogra- phies du général Berton. Cet évé-. nement a donné lieu encore aux publications suivantes : Relation circonstanciée de laf- faire de Thouars et de Saumur, précédée d’une notice biographique sur le général Berton, par Charles Laumier. Paris, Plancher, 1822, in-8 , 3 feuilles. Cette brochure ; publiée avant l'arrestation du général Berton, renferme plusieurs inexactitudes. Procès de la conspiration de T'houars et Saumur. Poitiers , Ca- üneau , 1822, in-8 de 468 pages. L'imprimeur de cette relation avait été condamné contradictoi- rement, pour cause d’infidélité et mauvaise foi, par la Cour d’assises de Poitiers, bien qu’il eût fait défaut ; mais un arrêt de la Cour de cassation a infirmé cette sen- tence , à cause de cette violation de la loi. Procès des conspirateurs de 3 5 \'AVBER T'houars et de Saumur. Cour d’as- sises de la Vienne. Poitiers, Bar- bier, in-8, 22 feuilles. — M. Bar- bier est l’imprimeur de la préfec- ture. Cour de cassation. Mémoire pour le général Berton. Paris, Constant- Chantpie, 1822 , in-/4, 6 feuilles. Liste des ouvrages de J. B. Berton. 1. Précis historique, militaire et critique des batailles de Fleurus et deWVaterloo, dans les campagnes de Flandres, en juin 1815; de leurs manœuvres caractéristiques et des mouvemens qui les ont précédées et suivies; avec une carte pour l’intel- ligence des marches. Paris, Delau- nay, 1016, in-6, 5 feuilles un quart. IT. Commentaire sur l’ouvrage, en dix-huit chapitres , précédé d’un Avant-propos, de M. le général J. J. Tarayre, intitulé : De la force des gouvernemens, ou du rapport que la force des gouver- nemens doit avoir avec leur na- ture et leur constitution. Paris, Magimel, 1819, in-8, 12 feuilles et demie. III. À MM. les membres de la Chambre des Pairs, et à MM. les Députés des départemens au Corps législatif. Paris, Guiraudet , 1821, in-8 , une demi-feuille. C’est une pétition pour récla- mer contre la mesure par laquelle le général avait été raye des con- trôles de l’armée. IV. Considérations sur la po- lice ; Observations touchant les bruits qu’elle répand ; précédées d’une Lettre à M. le baron Mou- nier , directeur général de la police du royaume. Paris, Denugon , 1920 , in-8, 4 feuilles. BER La Lettre à M. le baron Mounier, a été réimprimée plusieurs fois, savoir: 2° édition, sous ce titre, Lettre sur la mort de Napoléon. — 9° édition, corrigée et augmentée. Paris , Dupont, 1821. — 6° édi- tion, augmentée d’un Avis du bud- Jet du baron Mounier sous l'empire, eld’un extrait du Morning Chroni- cle, du 21 juillet 1821. in-8 , trois quarts de feuille. — Quelqu'un a publié : Observations sur un écrit de M. le général Berton. Paris, le Normant , 1820 , in-8, de deux feuilles. Le genéral Berton a donné des articles à la Minerve française, aux Annales des faits et sciences mili- laires ; publiées chez M. Panc- koucke en 1819, et à l'ouvrage intitulée , Victoires et conquêtes des Français ; depuis 1789, publié par le même libraire. Son nom se trouve cité plusieurs fois dans cette dernière compilation. : BERVIC ( CHarLEs-CLÉMENT- BaLvay), graveur, naquit à Paris en 1756. Il se livra de bonne heure à l’étude de l’art qu'il a exercé avec tant de distinction, et eut pour premier maître Georges Wille, dont les ouvrages sont en- core estimés aujourd'hui. M. Ber- vic s’appropria la maniere bril- lante de son maître , mais il lui devint bien supérieur par le goût et le sentiment. La pureté et la délicatesse de son burin , l’arran- gement et l’harmonieux effet de ses tailles, feront de tout temps l'admiration des connaisseurs ; aucun autre graveur , SOUS ce rap- port, n’a plus approché de la per- fection. «Son nom ne sera jamais prononcé, a dit M. Quatremere de Quincy , sans rappeler une des ne BER plus belles époques de la gravure en France. » M. Bervic fut recu à l’Académie de peinture comme agrégé, en 1704, et obtint un logement aux galeries du Lou- vre. Nommé membre de l’Institut, section de gravure , le 28 février 1803 , il a été successivement de- coré des ordres de la Légion- d'Honneur , de la Réunion et de Saint — Michel. La lenteur ordi- naire de son travail, et l’affaiblis- sement de sa vue, dans les dix der- nieres années de sa vie , l’avaient comme enlevé aux beaux-arts, etmême fait passer pour mort dans quelques biographies. M. Bervic est décédé à Paris le 23 mars 1822, âgé de soixante-six ans. M. Qua- tremère de Quincy , secrétaire perpétuel de la classe des beaux- arts de l’Institut, a prononcé un discours sur sa tombe : il est im- primé dans le Journal des Savans du mois d’avril 1822. Le portrait de M. Bervic est lithographié dans la collection des membres de l’In- stitut, publiée par M. Jules Boilly. On a publie : Catalogue d’un choix précieux d’estampes de célèbres gra- veurs anciens et modernes, etc., après le décès de M. le chevalier Bervic, par F:-L. Regnaud-De- lalande. Paris, 1822, in-8, 3 feuilles et demie. Liste des ouvrages de Ch.-Cl. Bervic. I. Le Repos ; la Demande accep- tée ; deux sujets d'apres Lépicié. Ce fut le premier ouvrage de l’au- teur , et des lors sa réputation fut établie. IT. Portrait de Linné , d’apres Roslin. II. Portrait de M. Senac de Meilhan , d'apres Duplessis. BER 35 IV. Portrait de M. de Vergen- nes, d’après le dessin de Bervic lui-même , exécuté d’après na- ture. V. Louis XVI, restaurateur des libertés publiques ; portrait en pied , grande dimension , d’après Callet, dédié à l A Ssemblée natio- nale. Ce portrait, savamment his- torié, offre une tres-belle estampe, qui a toujours conservé un prix élevé. Les épreuves en sont d’ail- leurs rares , la planche ayant été brisée au bout de quelques années, par les ordres du gouvernement révolutionnaire. VI. L’Innocence, d'apres M. Mérimée , publiée par la Société des Amis des arts. VII. Saint-Jean, d'apres Ra- phaël; petite estampe, dans la Galerie de Florence. VIII. L’Éducation d’ Achille, d’apres M. Regnault. IX. L’Enlèvement de Déjanire, d’après le Guide. Ces deux articles, supérieure- ment exécutés, ont obtenu la plus brillante popularité ; on les trouve dans la plupart des cabinets ornés avec luxe. X. Le Groupe du Laocoon , dans le Musée francais , de Robil- lard-Péronville et Laurent. Cette estampe , qu’on regarde comme l’un des chefs-d’œuvre de l’art de la gravure , et qui est certaine- ment celui de l’auteur, l’occupa pendant dix années. L’artiste a su y concilier deux genres de beauté trop souvent incompatibles, la vigueur du ton et de l’effet gené- ral , avec le fini le plas précieux dans les détails. Les estampes de Bervic , que la postérité placera à côte des Drevet et des Nanteuil, 36 étaient déjà extrêmement recher- chées de son vivant: elles ne peu- vent manquer d’acquérir désor- mais le plus haut ‘prix. BOM BOMBELLES ( Marc-Manie, marquis de), évêque d'Amiens, naquit à Bitche , «en Lorraine , le 8 octobre 1744. Entré jeune au service , il commanda une compa- gnie dans les hussards de Ber- chiny , et fut successivement am- bassadeur de France en Portugal et à Venise. C’est en cette qualite qu’il refusa de prêter le serment prescrit par l’Assemblée consti- tuante à tous les fonctionnaires publics, ce qui l’obligea de cesser ses fonctions, mais lui valut une pension de 1000 ducats de la part de la reine de Naples. La Biogra- phie des hommes vivans , prétend qu'il ne cessa pas pour cela d’être employé par le roi; et le Moniteur du 1% août 17992, le signale comme dirigeant des intrigues à Stockholm. M. de Bombelles prit ensuite du service dans l’armée de Condé , dontil fit toutes les cam- pagnes jusqu’au licenciement. En 1905 ,il publia à Francfort , un écrit en faveur de la monarchie, intitulé : {a France avant et depuis la révolution. M. de Bombelles avait épousé mademoiselle de Mac- kau , fille de Madame la baronne de Mackau, sous-gouvernante des enfans de France, et qui, élevée avec Madame Elizabeth , était devenue son intime amie. Ayant perdu sa femme en 1800 , il se re- tira en Silésie, entra dans l’état ecclésiastique et obtint du roi de Prusse un Canonicat de Breslaw, puis une prévôté qui lui donnait Je titre de prélat. Il ne rentraen BOU France qu’apres la Restauration, en 1814; fut nommé en 1816 pre- mier aumôOmier de Madame la du- chesse de Berry , puis évêque d’Amiens l’année suivante ; mais il ne fut sacré qu’en 1810. Il avait porté la parole dans plusieurs cé- rémonies religieuses , notamment à la bénédiction des drapeaux des légions en garnison à Paris , le 28 mai 1816. M. de Bombelles est mort à Paris, à l'Elysée Bourbon, le 5 mars 1822, à deux heures et demie du matin. Son corps a été transféré à Amiens et déposé dans le caveau de ses prédécesseurs. Durant sa carriere militaireil était parvenu au grade de maréchal de camp, et avait obtenu les dé— corations de Saint-Louis et de Saint-Lazare. Il avait eu de son mariage trois fils et une fille ; les fils ont pris du service dans la di- plomatie autrichienne; l’un d’eux, qui se destinait à l’état ecclésias— tique, est mort depuis le retour de son père en France. Madamela marquise de Travanet, auteur de la romance du Pauvre Jacques, est sœur de M. l’abbé de Bom- belles. Le portrait de M. de Bom- belles a été lithographie par Pin- gret. Paris, Engelmann, 1622, petit in-fol. BOURBON ( Louise - Manie- THÉRÈsEe-BaTkiLoe d'OrLÉans, du- chesse de), naquit à Saint-Cloud le o juillet 1550. Elle était fillede Louis-Philippe, duc d'Orléans, petit-fils du régent; et de Louise- Henriette de Bourbon-Conti. Sa beaute fit une vive impression sur le duc de Bourbon-Condé (M. le duc de Bourbon, prince de Condé actuel), à peine sorti de l’en- BOU fance, et moins âgé qu’elle de trois anuées. L'amour du jeune duc pour cette princesse , les soins qu’il lui rendit, et l’impatience qu'il témoigna d’être son époux, fournirent à Laujon le sujet de son opéra-comique, l’Amoureux de quinze ans, qui fut joué sur le theâtre de Chantilly pendant les fêtes du mariage ; et, l’année d’a- pres (le 18 août 1571). sur le ‘ théâtre de la comédie italienne. On avait résolu de faire voyager le duc de Bourbon , une année ou deux, avant de le réunir à son épouse ; mais 1l trompa la vigi- lance de ses surveillans, et enleva sa femme du couvent où elle habi- tait, Ils furent mariés le 24 avril 1770 (M. le duc de Bourbon avait alors seize ans , et Madame la du- chesse dix-neuf) et le 2 août 1772, il naquit de ce mariage un fils, qui fut l’infortune duc d'Enghien. Un accident, qui faillit devenir funeste , signala la naissance de cet enfant , lequel fut d’ailleurs le seul fruit de cette union : il vint au monde noirâtre, sans mouve— ment , presque asphyxié, et après avoir causé à sa mére de grandes souffrances, pendant pres de qua- rante-huit heures. On l’enveloppa de linges trempés dans l’esprit de vin , pour ranimer chez lui la cha- leur vitale. Une étincelle vola sur ces langes inflammables; le feu y prit, et ne fut arrêté que par la présence d’esprit de l’accoucheur et du médecin. | En 1778 Madame la duchesse de Bourbon, ayant été rencontrée au bal masqué de l'Opéra par M. le comte d'Artois , eutavec luiune scene tres-vive , qui donna lieu à un duel entre son époux et le frère du roi. Nous allons rapporter , BOU 35 d'apres M. le baron de Bezenval, toutes celles des circonstances de cette affaire qui sont personnelle- ment relatives à Madame la du- chesse de Bourbon. « Lorsqu’on maria Mademoiselle d'Orléans à M. le duc de Bourbon, on mit au- pres d’elle, en qualité de dame de compagnie, Mademoiselle de Ron- cherolles , qui venait d’épouser M. de Canillac.. M. le duc de Bour- bon en devint bientôt amoureux, et se conduisit en conséquence. Madame la duchesse de Bourbon s’en aperçut. Au lieu d'employer ou la retenue, rôle ordinaire des femmes délaissées , ou les moyens doux pour ramener son mari, elle se laissa aller à des démarches d'éclat, quireduisirent les choses au point que Madame de Camillac fui obligée de se retirer d’aupres d’elle, et que cette dissension do- mestique devint le sujet de l’en- tretien de tout Paris. A l’excep- tion d’un petit nombre d’amis et de gens intéressés , tout le monde blâma Madame la duchesse de Bourbon, qui pouvait avoir raison dans le fond , mais qui avait tort dans la forme. » Madame de Canillac resta quelque temps à la cour sans faire parler d’elle.... Enfin M.lecomte d'Artois parut s’occuper d’elle , et abandonner quelques fantaisies qui avaient fait du bruit : tous les yeux se porterent sur ce nouvel objet. Madame la duchesse de Bourbon ne fut pas des dernieres à le remarquer. Elle joignait à une grande antipathie pour Ma- dame de Canillac, la mortification de la trouver encore sur son che- min : car M. le comte d’Artois avait paru, dans son début dans le monde , penser à elle; de ma- 38 BOU nière qu’elle éprouva la petite ja- lousie commune à toute femme, et la haine personnelle qu’elle avait contre Madame Canillac fut poussée à son comble par ce nou- vel avantage. » Ce fut dans ces dispositions quese trouvant au bal de l'Opéra du mardi gras de l’année 1776, elle reconnut M. le comte d’Ar- tois qui donnait le bras à Madame de Canillac, tous les deux mas- qués jusqu'aux dents. Elle s’atta— cha sur leurs pas, et se permit tous les propos embarrassans et piquans que la liberté du bal etle déguisement autorisent. Madame de Canillac, aussi embarrassée qu’on le peut être , profita de la facilité de ne point répondre pour ne se point compromettre, et quitta le bras de M. le comte d’Ar- tois , qui chercha de même , mais inutilement, à se dérober dans la foule. Enfin, s’étant assis, Ma- dame la duchesse de Bourbon se mit à côté de lui, et poussant les choses à bout, elle prit la barbe du masque de M. le comte d’Ar- tois. En le levant avec violence , les cordons qui l’attachaient se casserent. Hors de lui, furieux, il saisit dela main celui de Madame la duchesse de Bourbon, le lui écrasa sur le visage, et profitant de la premiere surprise, il la quitta sans proférer un seul mot. » Cet événement ne fit aucune sensation dans le premier moment. M. le duc de Chartres étant alle le lendemain chez sa sœur, elle lui raconta ce qui lui était arrivé , ne faisant qu’en rire,comme d’une de ces ridiculités dont le bal de l'O- péra abonde...... On ne sait si ce fut de son propre mouvement, ou excitée par de mauvais conseils, BOU que cette princesse, le jeudi au soir, ayant beaucoup de monde à souper chez elle, dit en pleine table que M. le comte d’Artois était le plus insolent des hommes, et qu’elle avait pensé appeler la garde au bal de l'Opéra pour le faire arrêter. Afin de colorer cette incartade qu’on lui a reprochée , elle a dit qu’elle ne s’était permis ce propos qu'après avoir été infor— mée que M. le comte d’Artois avait raconté son aventure à sou— per, chez la comtesse Jules de Polignac , en la nommant , ce qui était faux. Le propos du souper de Madame la duchesse de Bourbon se répandit bientôt dans lemonde, et y fit une grande sensation... Quoique Madame la duchesse de Bourbon ne füt pas aimée, être en opposition avec la famille royale fut cause que tout le monde se déclara pour elle, les femmes surtout... etc. (1) ». M. de Bezen- val passe ensuite au récit du duel et des petites négociations qui le précéderent; mais il est bon de se souvenir en le lisant, aussi bien qu’en parcourant les détails que nous venons de transcrire , que le narrateur était, par sa position à la cour, entierement dévoué à l’une des deux parties. Deux ans avant cetévénement, c’est-à-dire à la fin de 1780, les deux époux s'étaient séparés , et la position de M. le duc de Bour- (1) Voyez les Mémoires du baron de Besenval , dans la Collection publiée par MM. Berville et Barrière. Paris , Baudouin frères, 1821, in-80. T.I!, p. 50 et suiv. BOU bon, lors du duel dont nous ve- nons de parler, en parut d'autant plus singulière et chevaleresque. Leur union , d’abord si heureuse, eut le sort des passions trop vio- lentes pour durer long-temps. Dans sa retraite, Madame la du- chesse de Bourbon se livra à des idées de mysticisme singulière- mentexaltées. La Révolution n’in- terrompit point cette nouvelle di- rection , et divers passages des écrits de la princesse attes- tent que les principes de l’éga- lité ne choquerent point trop les nouvelles idées qu’elle s’était fai- tes. S'il fallait ajouter foi aux mé- moires d’un nommé Sénart, agent du Comité de sûreté générale, du- rant l’année 1793, le medecin de Madame la duchesse de Bour- bon, nomneé Lamothe, et quel- ques-uns de ses gens ,auraient eu des relations avec une 1illuminée nommée Catherine Théo, et qui se faisait appeler la Mère de Dicu. Sénart va jusqu’à dire que le char- treux D. Gerle, qui se donnait pour le prophète de la mère de Dieu, venait prècher des réunions qui avaient lieu dans l’hôtel de la princesses( Voy. les Martyrs de.la Foi, pendant la Révolution fran- caise, etc., par M. Pabbé Aimé Guillon; tom. I, 1821 ,in-8, p. 240 et suiv.). L’Æmi de la Re- ligion et duRoi(1822.,t. XX XIII, p. 85), dit que lorsque la préten- due prophétesse Labrousse vint à Paris, en 1790, elle fut logée chez la duchesse de Bourbon, où elle tenait des réunions, avec des évêques constitutionnels. Il ajoute que la même princesse paraît avoir fait les frais de l’édition du recueil des prophéties de La- brousse, qu’on publia à Paris vers BOU 39 la même époque (Foy. l’art. La- BROUSSE , CI-après). Voici encore un renseigne- ment que nous avons recueilli d’un témoin beaucoup plus grave, M. l’abbé Lambert. « Madame la duchesse de Bourbon, dit-il, fut la premiere à la venir consoler, (Madame la duchesse d'Orléans) dans son affliction , à l’occasion de la mort du duc de Penthièvre, ar- rivée dans les premiers mois de 1703 , et demeura quelques jours à Bisy ; elle apporta, et fit présent à sa sœur , de deux ouvrages de sa composition , en deux volumes chaque. Ces livres imprimés à ses frais , contenaient des erreurs d’un genre tout-à-fait nouveau. Déjà ils avaient paru avant mon départ de Paris pour Anet ; et à la prière de M. l’abbé de Floirac, j'avais fait le relevédetout ce qui s’y trou vait de contraire à la foi. C’est sur ce relevé qu’était intervenue une censure dés deux ouvrages, très-bien faite, parfaitement en mesure avec les circonstances au milieu desquelles nous nous trou- vions, et dans laquelle la Sor— bonne s’était surpassée (2). » Au mois de mai 1793, Madame la duchesse de Bourbon fut enfer- mée au fort Saint-Jean , à Mar— seille , avec le reste de sa famille. Dans la séance du 28 brumaire an Il (18 novembre 1793), la Con- vention entendit la lecture d’une lettre de l'agent de la princesse, contenant l’état de ses biens, qui se montaient alors à onze millions; (1) Voyez Mémoires de famille, his. toriques , lütéraires et religieux , par l'abbé Lambert, dernier confesseur de S. 4. S. Mgr. le duc de Penthièvre, etc. Paris, Painparré , 1822, in-8o, p. 59. 4c BOU le sort de ses créanciers et de ses serviteurs une fois assuré, elle ne se réservait, disait-elle , sur le surplus , que ce qui est nécessaire à ses besoins, et abandonnait le reste aux veuves et aux orphelins des défenseurs de la patrie ; elle demandait en même temps qu'il lui fût permis de se retirer dans tel lieu de la République qu’elle “voudrait choisir. Apres la chute du système terroriste, un décret du 10 floréal an III (29 avril 1705), ordonna , sur les biens sequestrés de Madame la Duchesse de Bour- bon, le paiement d’une somme de 18000 livres ; enfin, la loi du 19 fructidor an V (5 septembre 1797), prononça son expulsion du terri- toire de la République, en lui ac- cordant une pension annuelle de 50,000 fr. Madame la duchesse de Bour— bon se rendit immédiatement en Espagne, avec Madame la du- chesse d'Orléans, sa belle-sœur (Voyez son article Annuaire nécro- logique de 1821, page 255 }). Apres un voyage pémble, elle passa la frontiere de Catalogne, où elle se vit d’abord dans une situation qu’on aurait peine à se figurer. « Les déportés se trouve rent tellement aux expédiens, que la duchesse de Bourbon, en arri- vant en Espagne , commença par être obligée d'emprunter à un Es- pagnol qu’elle n'avait jamais vu : que de là, elle fut pendant envi- ron dix mois, logée,nourrie, éclai- rée, chauffée, par les soins du ca- pitaine général , qui lui mettait de temps en temps une once d’or dans la main ». Ce dernier fait paraîtrait incroyable , s’il n’était attesté par un fidele compagnon de l'exil, le conventionnel Rouzet (Foy. son BOU article Annuaire nécrologique de 1820 , pag. 106), dansun ouvrage intitulé : Explication de l’énigme du roman intitulé : Histoire de la Conjuration de Louis — Philippe d'Orléans ; à Vérédishtal ( vers 1800) 3 parties, en 4 vol. in-8. (3° partie, tom. IV, p. 264). On remarque encore le passage sui- vant dans le même vol. (p. 279). « Madame de Bourbon se signale aujourd'hui plus que jamais par sa soumission aux décrets de la Providence , ainsi qu’aux moyens que la bonté divine voudra adop- ter pour la dégager de l’enveloppe terrestre et l’appeler à une autre vie. Elle laisse également au Ciel à régler le sort de son mari et de son fils. Tout entiere aux œuvres de la charité chrétienne , etentie- rement confiante en la toute-puis- sance qui lui a inspiré de guérir des malades, Madame de Bourbon n’est, pour ainsi dire, plus qu’une sœur grise, qui recoit dans sa mai- son de campagne , aupres de Bar- celone , jusqu'a deux cents ma-— lades par jour, qu’elle panse et soulage, lorsqu'ils sont dans le be- soin. Il n’est pas douteux que ces actes luiseraientencore plus agréa- bles dans son pays , où son imagi- nation la ramenerait peut-être à son goût pour la peinture, la mu-— sique, etc. » Madame la duchesse de Bourbon fixa sa résidence en Catalogne , en un lieu nommé Soria , aux environs de Barce- lonne. Elle ne quitta pas cette ville pendant tout le temps qu’elle fut occupée par les armées françaises, depuis 1809, et n’eut point à se plaindre des procédés qui furent suivis à son égard. C’est même du- rant cette occupation qu’elle im- prima les deux volumes suivans : BOU Correspondance entre Madame de B... et M.R. (Ruflin}), sur leurs opinions religieuses ; t. [r. (Bar- celone ) 1812 , in-8. de 46 et 484 pag.; plus quelques préli- minaires. Suite de la Correspon- dance entre Madame de B... et M. R... et divers petits Contes moraux de Madame de B...,iom. I}, 1812, in-8 de 129 pag. « Si j'ai fait imprimer cette correspondance , dit l’auteur , c’est par la difficulté que j'ai éprouvée en voulant en faire faire plusieurs copies ; ce qui eût été fort long et fort dispen- dieux. J’en ai fait tirer un tres- petit nombre d’exemplaires pour donner à mes amis, et les plan— ches en sont détruites » (Tome II, pag. 41). Ces deux volumes, peu connus en France , sont différens de ceux dont parle l’abbé Lam- bert, cites plus haut. Ils ont été mis à l'index à Rome. Nous ai- mons à croire que ce n’est point pour le passage suivant,qui mérite d’être cité. Il est extrait de la let tre XI, écrite au mois d'août 1800. « Voici ma chimère en fait de gouvernement ; mais je désespère qu’elle se réalise jamais. » 1°, Rendre les hommes ver-— tueux et libres ; mais soumis aux lois humaines comme à Dieu. » 2°, Qu'ils aient tous le néces- saire pour vivre , et que les lois le leur assurent lorsqu'ils sont dans l'impossibilité physique de se le procurer, soit par eux-mêmes, soit par leurs enfans. » 30. Qu'il n’y ait de distinction parmi eux que celle que doit établir la vertu, l'esprit, les talens et l’ins- truction. » 4°. Donner à chaque homme, par des établissemens publics, les moyens de parvenir au degré ou BOU 4e au genre d'instruction que ses fa= cultés naturelles pourraient lui permettre. » 5°, Qu'il y ait liberté de reli- gion , cependant que celle de Jésus-Christ soit la dominante ; qu’elle soit enseignée publique= ment par des ministres zélés et purs , qui n'ayent d'autre règle que l'Evangile , et d’autre chef que Jésus-Christ; qu’ils soient en un mot des apôtres , uniquement conduits et guidés par la foi et la charité, comme dans les pre- miers temps du christianisme. » 6°. Que les lois répriment le luxe, la licence, les divertisse- mens dangereux pour les mœurs, les fortunes considérables ; qu’il soit honteux d’être trop riche, et de se mettre sur un pied fort au- dessus des autres. Enfin, que la crainte du mépris arrête tout désir sur cela. | » 7°. Îl est nécessaire qu'il y ait des serviteurs et des maîtres, et que celui qui reçoit le salaire sente qu'il devient , deslors , l’in- férieur de celui qui le paye , et qu’il lui doit respect €t obéis- sance , sans que celui qui est son maitre puisse l’exiger avec ri gueur et dureté. » 8°, IT est essentiel que la vieil- lesse soit en honneur parmi les. jeunes gens ; que les pères et les meéres soient respectés par les enfans ; que la convenance des cœurs décide des mariages , mais jamais la fortune. » 9°. Que tous les états soient également honorables et honorés, tant qu’on s’y comporte avec pro- bité , justice et decence. » 10°. Les lois doivênt punir le crime , mais sans donner la mort , afin que le coupable puisse faire 42 BOU pénitence et se repentir. Pourvu qu'il soit soustrait de la société et ne puisse plus la troubler , la jus- tice des hommes est remplie ; Dieu seul doit disposer de la vie. » 110. Il est important que les juges soient incorruptibles, et que l'argent ni les protections ne puis- sent rien sur leurs décisions. » 12°. Que tous les citoyens soient nes soldats, mais seule- ment pour défendre Ja patrie, jamais pour attaquer celle d’au- trui; que ce soit un peuple connu pour être pacificateur plutôt que guerrier. » 13°. Pour ne point introduire les besoins factices du luxe et de la mollesse, il est essentiel que les métiers n’employent que les pro- ductions du pays, autant que faire se pourra; car pour former un peuple vertueux, il faut le rendre frugal , tempérant, simple , la- borieux , chaste et juste. » 14°. Mais pour parvenir à ce but , il faut que ceux qui le gou- vernent soient les premiers à don- ner l’exemple de toutes ces ver- tus, et n’aient d’autres gardes qui les entourent que l’amour de leurs concitoyens , et leur inaltérable justice pour tous , sans excep- tion. » 15°. Je voudrais que le choix s’en fit par le peuple, d’apres une liste sur laquelle seraient les noms des gens les plus vertueux et les plus capables de bien gouverner, et que cette liste füt faite par les ministres du culte, que je sup- pose des êtres plus divins qu’hu- mains. » 16°. Quant au mode de ce gouvernement , je n’ai point d'i- dée sur cela , étant trop ignorante BOU pour oser prononcer sur celui qui est le meilleur ; mais il me sem- ble que, pourvu, qu'il mette en vigueur toutes les regles que je viens d'établir , ce gouvernement serait nécessairement bon, quelle qu’en püt être la forme ; car en formant un peuple vertueux, il serait facile à gouverner au-de- dans , et s’attirerait le respect au-dehors, de toutes les autres na- tions» (Correspondance, lettre XI, tom. I*, pag. 64—67). Et sur ce que M. Ruffin lui faisait d’objections à ce sujet, la princesse insistait en ces termes : « Je m’attacherai de plus en plus à ma chimère de gouverne- ment , quelque impossible qu’elle puisse paraître, et quelles qu’aient été les suites de la Révolution. Je ne blämerai jamais le but qu’on s’é- tait proposé , mais les moyens qu’on a employés. Abandonner un but vertueux et reconnu pour tel, par la seule difficulté d’y parve- nir , n’est que le produit d’une âme lâche, pusillanime ou égoiste, qui ne m'inspirerait ni confiance ni estime » ( Lettre X , tome I°", pag. 118 ). « Vous devez savoir, mon cher ange, écrit-elle au même (Lettre LXVI, tom. I‘, pag. 371),qu’au nombre de ceux que mon cœur regrette est ce bon Saint-Martin, au soin duquel j'avais voulu vous adresser. Je ne puis vous expri- mer à quel point , depuis sa mort, j'éprouve que son esprit s’unit au mien, et en développe les fa- cultés pour comprendre ses écrits. Mais il vous serait facile de vous procurer le livre même, qui est intitulée: Le ministère de l’ Homme- Esprit. Si vous vouliez m’obliger dans les choses qui touchent le plus BOU sensiblement mon cœur , vous vous le procureriez , et permet- triez à mon amie de vous en ren- dre le montant. Vous liriez avec attention cette introduction ; et si elle excitait votre curiosité, vous pourriez alors poursuivre le livre ou le laisser de côté , si votre temps ou votre santé ne vous permettait pas une lecture de ce genre. Promettez-moi de faire cet effort sur vous-même, en vertu de cet attachement dont vous m’assurez dans chacune de vos lettres , auquel 1l m'est si doux de croire , et que je partage avec encore plus de réalité, puis- que le mien est fondé sur l’éter- nité heureuse à laquelle je vou- drais faire participer votre âme. » Ailleurs , elle joint les livres de Madame Guion à ceux de Saint- Martin, et puis elle ajoute : «Quant à moi, je proteste qu'ils font mon bonheur , et je trouve au fond de mon cœur , et dans toutes les circonstances de ma vie, les ve-— rités qu’ils développent avec tant d’esprit et d'intelligence» (Léttre LXX VI, tom. I*", pag. 419). M. Ruffin , à qui Madame la duchesse de Bourbon confiait ses idées politiques et religieuses , est lemilitaire français qui fut chargé de l’accompagner jusqu’à la fron- tière d'Espagne, après le 18 fruc- tidor. Ses bons procédés envers la princesse exilée, et ses qualités personnelles, lui gagnèrent l’ami- tié la plus intime de Madame la duchesse de Bourbon, ainsi qu’elle leraconteelle-même, dans l’avant- propos historique qu’elle a placé en tête de sa correspondance. Ce commerce épistolaire dura de- puis le mois d’octobre 1709 ius- qu'au 29 janvier 1812 , et peut- BOU 43 être au delà, s’il faut s’en rap- porter à la note finale, conçue en ces termes : « Nous sommes for- » cés de terminer ici la correspon- » dance , quoiqu’elle subsiste tou- » jours, entre Madame de B..….. » et son bon ange; maïs dans quel- » ques années nous pourrons en » donner la suite, lorsque nous » aurons plus de matériaux.» Le bon ange Michel, est la dénomi- nation que M. Ruflin avait reçue de la princesse , et qu'il avait adoptée pour signature dans cette correspondance. Celle-ci roule presque tout entiere sur un genre fort bizarre de mysticisme charnel, s’il est permis d'employer cette expression , auquel on s’efforce vainement de convertir M. Ruf- fin. ‘Un des moyens employés, c’est de lui procurer la connais- sance du fameux M. de Saint- Martin. S'il est facile de signaler dans cetie correspondance des erreurs d'esprit, il est bien plus facile encore et surtout bien plus doux , d’y reconnaître une excel- lence et une générosité de cœur singulièrement digne d’éloges. Même à l’époque du 18 fructi- dor , Madame la duchesse de Bourbon témoignait le plus grand regret d’être forcée à quitter la France. Ses vœux pour qu'il lui soit permis d'y rentrer ne ra- lentissent jamais leur ardeur, quoique si longtemps trom- pés.»... Oui, je dois concevoir, dit- elle, plus d’espérance que jamais de mon retour en France, et sû- rement je ne suis pas celle qui sent le moins vivément le bon- heur de la paix qu’elle vient de faire (celle d'Amiens) ; car j’aien horreur tout ce qui tient à la guerre et à la destruction volon- 44 BOU taire de l’humanite. Mais la ren- trée des émigrés avant la mienne, me fait craindre que Bonaparte, ainsi que tous les grands hom- mes , n’ait son petit coin de fai- blesse , et qu’il n’en soit pas assez exempt pour consentir à rendre justice à ceux d'entre les... qui ont été constamment fideles à leur patrie : le temps m’appren- dra si je me trompe. Je n'ose donc me livrer entièrement à l’es- pérance, ainsi qu’à la joie que me causerait le bonheur de revoir mes amis » ( Lettre XVII , tom. I‘, pag. 93 ). Je pense tout comme vous sur la justice de mon rappel ;, et je trouve que c’est une chose qui manque à la gloire de Bonaparte, à moins que par une conséquence plus naturelle, que celle de nous accoler aux émigrés , l’on ne nous tienne hors de la France , que parce qu’on les a fait rentrer ; je n'aurais rien à dire à cela, puisqu’en effet notre conduite a ete différente. Quant -à moi, je n’ai jamais pensé qu'il füt juste de nous accoler , comme vous dites, à leur sort » ( Lettre XXXI, pag. 206). Il est beau , il est attendrissant d'entendre plus loin Madame la duchesse de Bourbon , combattre les préventions dont M. Ruffin s’était laissé surprendre, contre les doctrines philanthropiques du 18° siècle. « Ne vous endurcissez pas sur le sort des malheureux nè- gres, qui n’est que trop réel, parce que Raynal gagna à cette traite cent mille francs (1). Est-ce parce (1) Nous n'avons pas besoin de dire ue c’est ici une allégation hasardée , que M.Ruflin avait accueillie beaucoup trop légèrement. BOU qu'un homme dont la plume sa vante sait attendrir votre cœur sur une injustice atroce, sans en être lui-même touché, que vous renonceriez au beau sentiment de la pitié qui vous eût fait voler au secours de ces malkteureux. Et pouvez-vous éteindre celte cha- leur divine , en vous disant : Ray- nal a acheté et vendu des nègres. Non, mon bon ange, si celte chaleur était en vous celle de la pure et divine charité, elle sub- sisterait toujours dans votre cœur; mais sans haine , sans désir de vengeance envers les instrumens de cette injustice. Vous brüleriez du désir qu’elle füt anéantie et réparée autant que possible: mais vous ne vous permettriez jamais de répandre le sang pour venger les victimes. Telle est la morale de cette religion pure que je vous préche,etc.»(Lettre XIX, tom. I°° pag. 113). C’est avec la même chaleur qu’elle défend contre les préventions de M. Ruflin , le Cours de morale religieuse de M."Necker. Madame la duchesse de Bourbon envoie en cadeau à son correspondant, le Génie du christianisme, à l’époque de sa publication ; elle juge cependant que c’est un livre plus amusant qu’utile, et lui préfère beaucoup Pascal, pour lequel elle mani- feste un grand enthousiasme. Elle cite aussi un écrit du P. Lambert, intitulé : Manuel du simple fidèle, ce qui permet de croire qu’elle n’était pas éloignée des principes religieux de l’école dePort-Royal. On éprouve un sentiment bien pénible, quand on lit dans les lettres de Madame la duchesse de Bourbon, l’eloge de celui qui n'était pas encore le meurtrier de BOU son fils. La lettre qui suivit la nouvelle de cet affreux malheur est plus remarquable encore, sous un certain rapport, qu’on n’aurait osé s’y attendre. « Ah ! mon en- fant , souffrez que je vous donne ce nom cruel, et cher à mon cœur ; je viens d'en perdré un selon la chair, faites que j’en ren- contre un autre en vous, selon l'esprit ! Hélas , j’engendrai le premier dans la douleur : il fut élevé loin de moi pour ma dou- leur ; il suça des principes qui m'ont causé bien des douleurs, et je le perds par la suite de ces principes , dans les plus mortelles de toutes les douleurs. Vous fûtes, mon cher ange, dans les pre- miers instans de notre connais— sance un adoucissement à ma douleur ; votre belle âme se fit sentir à la mienne. Vos lettres ont souvent suspendu mes dou— leurs ; la dernière est une espèce de baume appliqué sur la plaie saignante de mon cœur; j espère qu’un jour le vôtre en fera dis- paraître toutes les douleurs ; car quelle serait ma joie , sij'avais pu enfanter un esprit au Seigneur, et qu'il me düt son bonheur éter- nel, etc. »( Lettre LXIT, iom.I, pag. 344). Le reste de la lettre n'offre plus d’intérét et roule en- tièrement sur des abstractions re- ligieuses. Quels que fussent les nouveaux et bien justes motifs de haine que le gouvernement de la France aurait pu lui inspirer , il paraît que la surnaturelle man- suétude de Madame la duchesse de Bourbon n’en fut point altérée; car au mois de février 1506 , elle écrivait : « Je me réjouis de vous retrouver avec la paix , dont je partage avec toute la France la ; BOU 45 joie et le bonheur. Hélas , si tous les hommes jugeaient et sentaient comme moi , elle n’eût même pas été achetée par tant de sang ré- pandu ; car la guerre n’eût jamais éte entreprise. » (Lett.LX X XIII, tom. 1%, pag. 469); plus tard elle ajoutait : « Il vaudrait beaucoup mieux ne jamais quitier cette bonne France , et que la paix m’y ramenât, comme l’a promis celui à qui rien ne résiste. Mourir dans les bras de ma fidele amie est tout ce que je souhaite sur cette terre. Je n’ai besoin n1 d'habitations ni de richesses , mais des cœurs sincères et bons, voilà ce qu'il me faut, surtout dans ma chère patrie. » ( Lettre XCVT , tom. IT, pag. 42, du mois de juillet 1807).—A l’oc- casion des premiers mouvemens militaires qui commençaient en Espagne la révolution de 1808, elle écrivait: « De tout ce qui se passe , s’il allait en résulter pour moi la possibilite de retourner en France , avec quelle satisfaction je recevrais encore vos embrasse- mens , mon bon ange ; mais quelle douleur , s’il fallait au con- traire m’éloigner du continent. Dieu me préserve de fixer mes jours si loin de ma patrie et de mes plus chères amies. » ( Lettre CXT, t. II, pag. 102). « Mon exil me semble bien inutile au salut de l’empire et au bonheur de l’empereur. Comment se peat- il que je ne puisse en obtenir la fin, surtout apres l'avoir demandé avec tant d'instance et de cons-— tance » (Lettre CX , tom. II, pag. 118). Il paraît qu'il a encore existé un troisieme ouvrage de Mn. la duchesse de Bourbon , outre celui dont parle PabbéLambert, cité plus 46 BOY © haut, et la Correspondance avec M. Ruffin; celui-ci, tiré à tres-petit nombre, sous le titre de Mémoires. On dit que ce livre, où l’on trou- vait des choses extrêmement sin- gulières , a été soigneusement supprimé, apres la mort de l’au- teur. Rentrée en France à l’époque de la Restauration , M"° la du- chesse de Bourbon continua de vivre séparée de son époux , tou jours occupée d'idées mystiques , mais aussi de bonnes œuvres. Elle avait établi dans son hôtel, rue de Varennes, un hospice, dit hospice d’'Enghien, pour recevoir des pauvres malades,et l’avaitcon- fié à des sœurs de la Charite. Le 10 janvier à une heureaprès midi, Mr° la duchesse de Bourbon s’é- tait rendue à l’église de Sainte- Genevieve , pour y assister aux cérémonies religieuses , célébrées pendant l’octave de la fête pa- tronale de cette église. À deux heures la procession commença, et la princesse la suivait, quand tout à coup elle parut éprouver une certaine vacillation , qu’elle s’efforca de surmonter, pour ne pas interrompre le service divin ; mais le mal prit le dessus , et la princesse tomba en défaillance. Elle eut encore la force de de- mander de l’eau , qui lui fut apportée à l'instant ; lorsqu'on eut approché le verre de ses le- vres , elle le repoussa. Un mis- sionnaire s’approcha en cet ins- tant , et lui donna l’absolution. Elle fut transportée de suite à l'Ecole de droit, située sur la place , en face de l’église , dans l'appartement de M. le profes- seur Grappe, qui s’empressa de mettre à la disposition des gens BUH de M* la duchesse de Bourbon tout ce qui était chez lui. On la plaça d’abord, évanouie , sur un canapé ; mais pour lui adminis- trer des secours avec plus de suc- ces , on la transporta sur un lit de l'appartement, où elle expira quelque temps après. Dans peu d’instans M. Pelletan , et d’autres médecins arriverent , mais tous leurs soins furent inutiles: Mr: la duchesse de Bourbon n’existait plus. Son corps est resté à l’Ecole de droit jusqu’à dix heures du soir du même jour, qu’il a été transporté dans l’hôtel de la prin- cesse ; et apres les cérémonies re- ligieuses , à Dreux , où il est en- seveli dans le tombeau de sa famille. Mgr. le duc d'Orléans a hérité des biens de sa sœur. BUHAN (J. M. PAsCaL), passa sa jeunesse à Paris, où il se fit quel- que réputation par des vaudevilles et des poésies légères ; plus tard il se fixa à Bordeaux, où il exerça la profession d’avocaten même temps que MM. Lainé, Ravez, Ferrère, etc., et avec assez de distinction pour devenir à son tour bâtonnier de l’ordre. M. Buhan est mort à Bordeaux, au mois de février 822; il fut du nombre des citoyens de cette ville qui adhérerent à la ré- volution du 12 mars 1814; cette circonstance, jointe au crédit de ses amis, a valu à sa veuve une pension de 1200 francs. Buhan était membre de plusieurs sociétés littéraires de Bordeaux et de Paris, entre autres de la Société philo- technique. Liste des ouvrages _ de J. M. P. Buhan. TI. (Avec Leger et Chazet.) IL CAL faut un état, ou la Revue de l’an VI. In-8, an VII. II. (Avec Armand Gouffé et Desfougerais.) Gilles aéronaute, ou l Amérique n’est pas loin, pa- rade. An VII, in-6. III. Revue des auteurs vivans, grands et petits. An VI (1796), in-8. Ce petit dictionnaire anonyme CAM 47 est fait avec esprit et avec asser d’impartialité. IV. Réflexions sur l’étude de la législation, et sur la meilleure ma- nière d'enseigner cette science. 1709, in-8. On trouve aussi quelques poé— sies de Buhan dans les journaux de l’époque. C. CALONNE (l'abbé de), frere du contrôleur-général des finances de Louis XVI, était avant la Ré- volution rand-vicaire et chanoine de Cambray;il fut arrêté à Nogent- sur-Seine , quelques jours apres le 14 juillet, comme il cherchait à émigrer ; parvenu cependant à Coblentz, il y seconda son frère, qui à cette époque avait obtenu la confiance des princes émigrés } et s’agitait vivement pour eux. Dans un des voyages que les deux frères firent en Allemagne, ils coururent grand risque de la vie , leur voi- ture ayant été précipitée dans le Rhin. Dans cette occasion péril leuse, l’abbé de Calonne eut la présence d’esprit de se saisir du portefeuille, et le tint élevé au— dessus de l’eau , jusqu’à ce qu’on vint à leur secours. Apres la dis- ersion de la cour de Coblentz, l’abbe de Calonne se retira à Lon- dres, où il établit, avec M. de Montlosier, un journal français intitulé le Courrier de l'Europe, qui contenait des aperçus poli- tiques assez remarquables , et qui se continue encore aujourd’hui. La Biographie universelle Vavait fait mourir à Londres en 1790. La vérité est que vers cette épo- que, il quitta l’Angleterre pour passer au Canada, où il s’etablit aux Trois-Rivières , en qualité de curé et chapelain d’une commu- nauté de religieuses Ursulines. Il a fait un voyage à Londres en 1801; mais 1l retourna presque aussitôt au Canada, où il est mort au mois d’octobre 1822. On trouve dans |’ A mi de la religion et du roi une Lettre de l’abbé de Calonne, écrite du Canada, sur l’ostensoir donné par Fénélon à la cathé- drale de Cambray. CAMPAN (Jeanwe-Louise-Hen- RIFTTE GENET, veuve), naquit à Paris le 6 octobre 1752. Son père, premier commis des affaires étran- geres , lui fit donner de bonne heure une éducation brillante et solide , qui püt la rendre propre à remplir une charge à la cour. Les progrès de la jeune élève, dans la musique et les langues étrangeres, furentrapides; Albanèze lui donna des leçons de chant, et Goldoni Jui montra l'italien. On l’exerçait surtout à l’art difiicile de bien lire : Rochon de Chabannes, Duclos, 48 CAM Barthe, Marmontel , Thomas, lui faisaient réciter les plus belles scènes de Racine. A quatorze ans, sa mémoire et son esprit les char- maient ; On parla de Mie Ge- nêt à la cour. Des femmes d’un haut rang , qui s’intéressaient à sa famille , solliciterent pour elle la place de lectrice de Mesdames , filles de Louis XV. Huit jours apres, elle quitta la maison pater- nelle pour venir habiter le chä- teau de Versailles. « La reine Marie Leckzinska, femme de Louis XV, venait de mourir, dit M*° Campan , lorsque j'y fus présentce. Ces grands apparte- mens tapissés de noir, ces fau— teuils de parade élevés sur plu- sieurs marches, ces chevaux ca- paraçonnés, ce corlége immense en grand deuil... tout cet appa- reil produisit un tel effet sur mes sens, que je pouvais à peine me soutenir lorsqu'on m'introduisit chez les princesses. Le premier jour où je fis la lecture dans le ca- ue interieur de Madame Vic- toire , 1l me fut impossible de prononcer plus de deux phrases ; mon cœur palpitait, ma voix était tremblante et ma vue troublee. » Ce prestige une fois dissipé , M'e Genêt vit mieux sa posi- tion : elle n’avait rien de tro attrayant. La cour de Mesdames, éloignée des plaisirs bruyans et licencieux que recherchait Louis XV , était grave , méthodique et sombre. Mi: Genêt cepen- dant ne quittait pas leur ap- partement ; mais elle s’était plus particulièrement attachée à Ma- dame Victoire. Des journées en- tières se passaient à lire aupres de la princesse, qui travaillait dans son cabinet. Mie Genêt CAM / y vit souvent Louis XV. « J'avais quinze ans, dit-elle ; le roi sortait pour aller à la chasse, un service nombreux le suivait : il s’arrête en face de moi. — « Mademoiselle » Genêt, me dit-il, on m’assure » que vous êtes fort instruite ; que » vous savez quatre ou cinqlangues » étrangères. — Je n’en sais que » deux, sire, répondis-je en trem- » blant, — Lesquelles ? — T’an- » glais et l’italien. — Les parlez- » vous familiérement ? — Oui, » sire , très-familierement. — En » voilà bien assez pour faire enra- » ger un mari.» Après ce joli com- pliment , le roi continua sa route : la suite me salue en riant, et moi je reste quelques instans étourdie, confondue , à la place où je venais de m’arrêter. » Les noces du dau- phin (depuis Louis XVI) avec une archiduchesse d’Autriche, avaient éte celébrées au mois de mai 1770: la dauphine n’eut d’abord de so- ciété intime que celle de Mes- dames ; c’était chez Madame Vic- toire que, Marie-Antoinette aï- mait à venir habituellement. Elle rencontrait presque toujours M'e Genêt: ses talens , joints à la conformité d'âge, attire- rent l’attention de la jeune prin- cesse. Souvent M'° Genèêt l’accom- pagnait sur la harpe ou sur le piano , quand elle voulait chanter les airs de Grétry. La dauphine assistait aussi, fréquemment, aux lectures qui se faisaient chez la princesse. Cette haute bienveil- lance procura à Me Genèt un établissement avantageux : elle épousa M. Campan , dont le père était secrétaire du cabinet de la reine, Louis XV dota la mariée de 5000 liv. de rente, et la dau- phine, en lui assurant une place CAM de femme de sa chambre (1), lui permit de continuer ses fonctions de lectrice, auprès de Mesdames. A cette époque commencent les Mémoires de M®° Campan. Du- rant vingt années consécutives , depuis les fètes du mariage jus- qu’au 10 août, elle ne quitta pres- que point Marie- Antoinette, et parvint , tantôt par les bontés, tantôt par les revers de sa maï- tresse, à l’honneur de son inti- mité. Elle s’est montrée digne de cette distinction par une recon-— naissance , une fidelhité, un dé- vouement à l’épreuve du malheur, comme au-dessus de tous les pe- rils. Les Mémoires de M®° Cam- pan nous peignent fidelement l’intérieur de la reine ; elle y est (1) La reine Marie-Antoinette ayant connu Mme Campan lorsqu'elle était lectrice des filles de Louis XV , et voulant se Vlattacher comme pre- mière femme, lui donna la promesse de cette place ; mais pendant plusieurs années elle remplit celle de femme or- dinaire. Les fonctions des premières femmes étaient de veiller à l'exécution de tout le service de la chambre, de recevoir l'ordre de la reine pour les heures du lever, de la toilette, des sorties, des voyages. Elles étaient de plus chargées de la cassette de lareine, du paiement des pensions et gratifica - tions. Les diamans leur étaient aussi confiés. Elles avaient les honneurs du service quand les dames d'honneur ou d’'atour étaient absentes, et les rem- plaçaient de même pour faire les pré- sentations à la reine. Leurs appointe- mens n'excédaient pas 12,000 fr. ; mais la totalité des bougies de la chambre, des cabinets et du salon de jeu, leur appartenait chaque jour , allumées ou non; et cette rétribution faisait monter leur charge à plus de 50,000 fr. pour chacune » ( Mémoires de Mme Caum- pari,t. I, p. 201 ). CAM 49 représentée avec toutes ses belles qualités , et aussi avec ses imper- fections , que le dévouement le plus tendre cherche à voiler, mais que la véracité la plus scrupuleuse ne se permet jamais de dissimuler totalement. Ils renferment d’ail- leurs une foule d’anecdotes singu- lierement curieuses ou instruc— tives , et qui jettent un grand jour sur l’histoire de cetie époque. Nous n’en citerons que les pas— sages où M°° Campan joue per- sonnellement quelque rôle. « Je reçus un matin, nous dit-elle, un billet de la reine qui m’ordonnait d’être chez elie à trois heures, et de ne point venir sans avoir dîné, parce qu’elle me garderait fort long-temps. Lorsque j’arrivai dans le cabinet intérieur de S. M., je la trouvai seule avec le roi; un siége et une petite table étaient déjà placés en face d’eux, et sur la table était posé un énorme ma- nuscrit en plusieurs cahiers; le roi me dit : « C’est la comédie de » Beaumarchais (le Mariage de » Figaro); 1] faut que vous nous » Ja lisiez. Il y aura des endroits » bien difhciles, à cause des ra- » tures et des renvois ; je l’ai déjà » parcourue, mais je veux que la » reine connaisse cet ouvrage. » Vous ne parlerez à personne de » la lecture que vous allez faire. » Je commençai. Le roi m'inter- rompait souvent par des exclama- tions toujours justes, soit pour louer, soit pour blâmer , etc. » — M°° Campan joua un petit rôle dans la fameuse affaire du col- her , lequel se trouve exacte- ment résume dans cette note, sai- sie parmi les papiers du cardinal de Rohan. « Aujourd’hui 3 août, Bœhmer (c’est le nom du joaillier) 4 > 5o CAM a été à la maison de campagne de M" Campan, qui lui a dit que la reine n’avait jamais eu son . collier , et qu'il était trompé. » M Campan était auprès de la reine, à Versailles, le 15 juil- let 1789; c’est elle qui lui amena le dauphin , lorsque cette prin- cesse fut obligée de se montrer au peuple soulevé; de là elle descen- dit dans les cours, où elle courut quelques dangers. Depuis cette époque, M" Campan reçut de la reine des confidences ou des dépôts d’une assez haute imper- tance, et fut quelquefois employée à des commissions qui n'étaient pas entierement étrangères à la politique. Le 6 octobre, elle ne se trouvait pas de service auprès de la reine , mais M. Campan y etait, et resta pres de cette princesse jasqu’à deux heures du matin, époque où l’on s’endormit au chä- teau dans la plus profonde sécu- rité. On sait quels furent les dés- ordres qui terminerent celte nuit. « La reine , dit M"° Campan, m'a- vait fait demander le matin du 6 octobre, à Versailles , pour me laisser, ainsi qu'à mon beau-pere, le dépôt de ses plus précieux effets : elle emporta seulement son coffre de diamans. Le comte de Gou- vernet de la Tour-du-Pin , auquel on laissa provisoirement le gou— vernementmihtaire de Versaiiles, vint donner à la garde nationale, qui s'était emparée des apparte- mens , l’ordre de nous laisser em- porter tout.ce que nous jugerions nécessaire pour le service de la reine. J'avais vu S. M. seule dans ses cabinets , un instant avant son départ pour Paris. Elle pouvait à peine parler ; des pleurs inon- daient son visage, vers lequel tout : CAM le sang de son corps paraissait. s'être porté. Elle me fit la grâce de m’embrasser, donna sa main à baiser à M. Campan , et nous dit : « Venez de suite vous établir à » Paris : je veux vous faire loger » aux Tuileries, Venez, ne me » quittez plus : de fideles servi- » teurs, dans des momens sem- » blables , deviennent d’utiles v amis , etc.» C’est Mr Cam pan que la-reine prit pour confi- dente du vifintérèt qu’elle portait au marquis de Favyras, et c’est par son intermédiaire qu’elle fit par- venir à la veuve et au fils de cet infortuné , quelques rouleaux de cinquante louis, en la faisant as- surer qu’elle veillerait toujours à son sort et à celui de son fils. « Dans les premiers jours de sep- tembre (1790), dit M" Cam- pan, la reine, en se couchant, m'ordonna de laisser sortir tout son service et de rester près d’elle. Lorsque nous fûmes seules, elle me dit: « À minuit le roi vien- « dra ici; Vous savez qu’il vous a «toujours distinguée ; il vous « donue la marque de confiance « de vous choisir pour écrire, sous « sa dictée , tout le récit de l’af- « faire de Nanci. Il faut qu'il en « ait plusieurs copies. » À minuit le roi entra chez la reine, et me dit en souriant : « Vous ne vous « attendiez pas à être mon secré- « taire , et cela pendant la nuit. » Je suivis le roi; il me conduisit dans la salle du conseil. J’y trou- vai un Cahier de papier, un en-— crier, des plumes, tout cela pré- paré. Il s’assit à côté de moi, et me dictait le rapport du marquis de Bouillé, qu’il copiait en même temps. Ma main tremblait; j'avais de la peine à écrire : mes réflexions L} CAM me laissaient à peine l'attention nécessaire pour écouter le roi... Toutes ces ideesme firentune telle impression, que, rentrée dans l’ap- partement de la reine, je ne pus, du reste de la nuit, retrouver le sommeil , ni me ressouvenir de ce que javais écrit, » M®° Cam- pan fut mise de bonne heure dans la confidence du projet d’évasion médite par la famille royale, et le soin de préparer divers menus objets lui fut confié ; mais elle ne se trouva point de service au- pres de la reine , du 20 au 21 juin. Elle était partie depuis le 1° du mois, pour les eaux du Mont-d’Or, d’où elle avait recu ordre d’ailer joindre S. M. hors du royaume , aussitôt qu’elle aurait été infor- mée que la famille royale y se- rait parvenue. On sait que le pro- jet ayant échoué , Louis X VI avec sa famille fut ramené à Paris. Vers les premiers jours d’août la reine fit dire à M" Campan de venir y rejoindre. À mesure que la si- tuation de cette princesse devenait plus gênée , les services que M° Campan pouvait lui rendre, prenaient un caractere plus im-— portant. La correspondance de Marie-Antoinette, avec l’étran- ger , se faisaii en chiffres ; M" Campan l'aidait dans ce travail. Tres-souvent elle faisait partir des courriers pour les pays étrangers , et jamais ils ne furent découverts, tant elle prenait de précautions. Sa position dans cette cour déchue , ne laissait pas d’être encore un objet de jalousie : « Je me vis dénoncée par Prudhomme, dit-elle , dans sa gazette révolu- tionnaire , comme capable de faire une aristocrate de la mere des Gracques, sielle avait eu dans son ei CAM 5x intérieur une femme aussi dange- reuse que je l’étais ; etpar la gazette royaliste de Gauthier , comme une monarchienne, une constitu— tionnelle, plus dangereuse aux in- térêts de la reine qu’une jacobine.» La vérité est que M" Campan avait l'éloignement le plus com-— plet pour le systeme constitution- nel, et que la monarchie, telle qu’elle lavait vue dans les jours brilians de sa jeunesse , était l’ob- jet unique de ses vœux et de son admiration. Ses sentimens à cet égard étaient parfaitement connus de la reine, qui ne tolérait pas autour d’elle, à moins d’y être contrainte , les personnes qui en professaient de différens. « Le ba— ron d’Aubier, dit M Cam- pan, gentilhomme ordinaire du roi et mon ami particulier , avait une memoire facileetunemaniere précise et nette de me transmettre le sens des délibérations , des dé- bats, des décrets de l’Assemblée nationale. J’entrais chaque jour chez la reine , pour en rendre compte au roi, qui disait en me voyant: « Ah! voilà le Postillon par Calais (1).» Peu apres la totalité de l'emploi passa sur la tête du baron d’Aubier. — Aux approches du 14 juillet 1702, le roi devant paraître en public, à occasion de l’anniversaire de la Fédération, etses serviteurs crai- gnant qu’on essayät d’attenter à ses jours, arrêterent de le faire revêtir d’un plastron , avant la cérémonie. « J’eus ordre , dit Mn° Campan, d’en faire faire un (1) Nom d'un journal da temps. B5 CAM chez moi. Il était composé de quinze épaisseurs de tafetas d’I- talie , et consistait en un gilet et une large ceinture. L’essai de ce lastron fut fait; 1l résistait aux coups de stylet et plusieurs\balles s’y amortirent.... Je portai cet énorme et pesant gilet, en jupe de dessous , pendant trois jours. à son insu (de la reine); je lui avais fait faire un corset sembla- ble au gilet du roi, mais elle ne voulait pas en faire usage. » —M®* Campan passa au château la nuit du 10 août ; elle a raconté en deé- tail, l’histoire des périls horribles qu’elle y courut. « Un incident particulier, dit-elle, me mit encore plus en danger que les autres. Dans mon trouble, je crus, un moment avant l’entrée des assail- lans chez la reine , que ma sœur n’était pas parmi le groupe des femmes qui y étaient réunies , et je montai dans un entresol où je supposais qu’elle s'était réfugiée , pour l’engager à en descendre, imaginant qu'il importait à notre salut de n’être pas séparées. Je ne la trouvai pas dans cette pièce ; je n’y vis que nos deux femimes de chambreetl’un des deux heiduques de la reine, homme d’une tres- haute taille et d’une physionomie tout-à-fait martiale. Je le vis pâle et assis sur un lit; je lui criai : « Sauvez - vous; les valets de » pieds et nos gens le sont déja.»— Je ne le puis, me dit cet homme, je suis mort de peur. » Comme il disait ces mots , j'entends une troupe d’hommes monter préci— pitamment l'escalier. Ils se jettent sur lui, je le vois assassiner. Je cours vers l’escalier suivie de nos femmes. Les assassins quittent l’heiduque pour venir à moi. Les CAM femmes se jettent à leurs pieds ef saisissent les sabres. Le peu de largeur de l’escalier génait les as- sassins ; mais j avais déjà senti une main terrible s’enfoncer dans mon dos , pour me saisir par mes vé- temens , lorsqu’on cria du bas de l’escalier ; Que faites-vous là haut ? L’horrible Marseillais qui allait me massacrer, répondit un heim, dont le son ne sortira jamais de ma mémoire, L'autre voix répondit ces seuls mots : « On netue pas les femmes. » J'étais à genoux ; mon bourreau me lâche et dit: « Leve-toi, coquine , la nation te » fait grâce.» La grossierete de ces paroles ne m’empêcha pas d’e- prouver soudain un sentiment in- exprimable qui tenait presqu’au- tant à l’amour de la vie, qu'a l'idée que j'allais revoir mon fils. Cinq ou six hommes s’emparerent de moi et de mes femmes; et nous ayant fait monter sur des banquettes placées devant les fe- nêtres, nous ordonnerent de crier vive la nation ! Je passai par- dessus plusieurs cadavres. Pres de la grille du côté du pont, les hommes qui me conduisaient me demanderent où je voulais aller. Sur la question que je leur fis, s'ils étaient les maitres de me méner où je le désirais , un d’eux qui était Marseillais , me de- manda, en me poussant avec la crosse de son fusil, si je doutais encore de la puissance du Peuple. Je lui répondis que non, et j'indi- quai le numéro de la maison de mon beau-frere. Je vis ma sœur, montant les degrés du parapet du pont, environnée de gardes natio- naux. Je l’appelai, elle se re- tourna. « Veux-tu qu’elle vienne avec toi? » me dirent mes gar- CAM diens : je leur dis que je le dési- rais. Ils appelerent les gens qui conduisaient ma sœur en prison ; elle me rejoignit... Notre course, du palais des Tuileries jusque chez ma sœur , fut des plus péni- bles. Nous vimes tuer plusieurs Suisses qui se sauvaient ; les coups de fusil se croisaient de tous côtés. Nous passämes sous lesmurs de la galerie du Louvre ; on ti- rait du parapet, dans les fenêtres de la galerie... Les brigands avaient cassé des fontaines qui étaient dans la première anti- chambre de la reine ; l’eau mêlée au sang, avait teint le bas de nos robes blanches. Les poissardes criaient après nous dans les rues, que nous étions attachées à l'Au- trichienne. Nos gardiens alors nous moutrerent des égards et nous firent entrer sous une porte-co— chère, pour ôter nos robes ; mais nos simples jupons de dessous étant trop courts, et nous donnant l'air de personnes déguisées, d’autres poissardes se mirent à crier que nous étions de jeunes Suisses ha- billés en femmes. Nousvimesalors venir dans la rue un groupe de can- mibales, portant la tête du pauvre Mandar. Nos gardes nous firent entrer précipitamment dans un petitcabaret, demanderent du vin, etnousdirent de boireavec eux. Ils assurerent la cabarelière que nous étions leurs sœurs et de bonnes pa- triotès.Les Marseillaisnousavaient heureusement quittés pour retour- ner aux Tuileries. Un des hommes qui étaient restés avec nous me dit à voix basse : « Je suis ouvrier en gaze dans le faubourg ; j'ai ete forcé de marcher ; je ne suis pas pour tout cela. Je n’ai tué per- sonne et je vous ai sauvée... » En CAM 53 passant sur le Carrousel, javais vu ma maison en flammes... Nous re- trouvämes , en arrivant chez ma sœur, toute notre famille désolée, qui croyaitne jamais nous revoir. Je ne pusrester chezelle ; des gens du peuple assemblés à la porte, criaient que la confidente de Ma- rie - Antoinette était dans cette maison ; qu’il fallait avoir sa tête. Je me déguisai et fus me cacher chez M. Morel , admimstrateur des loteries. Le lendemain on vint m'y chercher de la part de la reine... J’empruntai des hardes, je me rendis avec ma sœur aux Feuillans..… » M®° Campan par- vint en effet jusqu’aupres de Marie-Antoinette , dans la cel- lule que cette princesse occupait provisoirement, auprès de l'As- semblée ; mais le lendemain il lui fut impossible d’y pénétrer ; et quelques jours après, d’aller la rejoindre au Temple , quelles qu’aient été ses démarches et ses sollicitations pour obtenir cette triste faveur. C’est à cette époque que se terminent les Mémoires de M®° Campan , où elle n’a voulu raconter que les choses dont elle avait une connaissance per- sonnelle et immédiate. Qui ne croirait , après avoir lu tous les détails qu'ils renferment , que M®° Campan mérita d’être comp- tée au nombre des plus fidèles ; néanmoins il n’en fut pas ainsi. Comme nous l’avons dit, long- temps avant le 10 août, on l’ac- cusait d’être constitutionnelle , ce qui, on ne peut le dissimuler , eût été un grief capital au château. Louis XVI le sut et prit soin lui-même de l’en justifier : « Vous » vous afiligez, lui disait-il, d’être » calommiée ; ne le suis-je pas 54 CAM » moi-même? On vous dit cons- » titutionnelle, on me l’a dit , je » ne l’ai pas démenti ; vous nous » en serez plus utile. » Le roi avait confié à M®° Campan un portefeuille important. La crainte et l’incertitude de ce qu’il renfer- mait , la déterminerent à l’ou- vrir , pendant la détention de Louis XVI. Elle en fit informer ce prince par M. de Malesher- bes , qui fut charge de lui rap- porter les paroles suivantes : » Faites connaître à M®° Campan » qu’elle a fait ce que je lui au- » rais érdonné moi-même de » faire; je l’en remercie. Elle est » du nombre des gens que je re- » grette de ne pouvoir récom- » penser, de leur fidélité à ma » personne et de leurs bons ser- » vices. » Malgré un témoignage si solennel les préventions contre Mn Campan ne se sont point dis- sipées ; la faveur intime dont elle a joui plus tard, dans la fa- mille de Napoléon, est venue les aggraver; en sorte qu'au retour des Bourbons , M"° Campan n’a pas même paru devant la fille de Marie - Antoinette ; aussi s’écrie- t-elle avec douleur, en terminant son livre : « Par un concours de circonstances fatales à moi seule, le retour du roi a ramené sur moi des doutes injurieux. On a inter- prété la réforme de la maison d’é- ducationqueje dirigeais et que j'a- vais organisée. On s’est plu à trou- ver , dans ce témoignage de défa- veur, la confirmationtacite de torts antécédens ; et dans le doute fu- neste que laissait encore planer sur moi le silence des personnes les plus augustes , la calomnie a eu le champ libre , et les libelles et les discours calomnieux sont venus ù CAM troubler mes dernieres années. » Apres la mort de Louis XVI, Mr Campan se retira à Couber- tin, dans la vallée de Chevreuse, où elle eut le bonheur d'échapper aux proscriptions révolutionnai- res. « Un mois apres la chute de Robespierre, nous dit-elle, je pensai qu'il fallait vivre et faire vivre une mère âgée de soixante- dix ans, mon mari malade , mon fils âge de neuf ans , et une partie de ma famille ruinée. Je n’avais plus rien au monde qu’un assi- gnat de 5oo fr. J'avais signé pour 30,000 fr. de deites, pour mon mari. Je choisis Saint-Germain pour y établir une pension... Je pris avec moi une religieuse de l’Enfant-Jésus, pour donner la garantie non douteuse de mes principes religieux (1). Je n'avais pas le moyen de faire imprimer mon prospectus ; Jen écrivis cent, et les envoyai aux gens de ma connaissance qui avaient survécu à nos affreuses crises. Au bout d’un an j'avais soixante élèves; bientôt après cent. Je rachetaï mes meubles, je payai mes dettes. J'étais heureuse d’avoir trouve cette ressource si éloignée de toute intrigue. Un homme de lettres, ami de M" de Beauharnais, lui arla de ma maison. Elle m’a- mena sa fille Hortense de Beau- harnais ( depuis reine de Hol- lande }, et sa nièce Emilie de Beauharnais (depuis M" de La- valette). Six mois après elle vint me faire part de son mariage avec (1) La maison d'éducation de Saint- Germain fut la première dans laquelle on osa se permettre d'ouvrir un ora- toire. WE CAM un gentilhomme corse , éleve de l’école militaire et général. Je fus chargée d’apprendre cette nou-— velle à sa fille, qui s’afiligea long- temps de voir sa mère changer de nom. J'étais aussi chargée de surveiller l’éducation du jeune Eugene de Beauharnais, place à ‘Saint-Germain, dans la pension où était mon fils. Mes nièces, M'# Auguié, étaient avec moi, logées dans la même chambre que M" de Beauharnais. Il s’é- tablit une grande intimité entre ces jeunes personnes. M"° de Beau- harnais partit pour l'Italie, en ._me laissant ses enfans. À son re- our, après les conquêtes de Bo- naparte, ce général fut tres-con- tent des progres de sa belle-fille, m'invita à diner à la Malmaison, et vint à deux représentations d’Esther, à ma maison d’éduca- tion. » (1) Le caractère, les talens, l'expérience de M" Campan va- lurent à son institut des succes brillans et rapides. Il était d’ail- leurs merveilleusement favorisé par l'opinion : rechercher, ac- cueillir, seconder tous ceux qui avaient approché de la cour, c’é- tait alors braver, humilier le gou- vernement , et 1l comptait beau- coup d’ennemis dans les hautes classes de la société. La maison de Saint-Germain, dirigée par une femme qui avait le ton, les manieres , les habitudes et la con- versation de la meilleure société, devenait , pour les jeunes per- sonnes , autant l’école du monde, que l’école du savoir. (1) Extrait d’un Mémoire dont Na- poléon , durant les Cents jours, a or- donné le dépôt aux archives du minis- tère des relations extéricures, CAM 55 Napoleon , monte sur le trône, voulut instituer une maison d’é- ducation à l'instar de celle de Saint-Cyr, pour les sœurs, filles et nieces des membres de la Légion-d’Honneur ; il plaça cet établissement à Ecouen , et c’est Mr° Campan qu'il choisit pour le gouverner, avec le titre de surin- tendante. Elle organisa et dirigea pendant plusieurs années la mai- son d'Ecouen , avec cette supério- rité que personne ne lui a jamais contestée , et d’une facon qui sa- üsfit pleinement Napoléon lui- même, quelle que füt son exi- geance en de tels objets. Apres avoir joui pendant sept années des douceurs de la fortune et de la faveur, M°° Campan eut à subir de nouveaux revers; l’époque de la Restauration devint pour elle celle des chagrins les plus amers. Tandis que les anciens serviteurs de la famille des Bourbons se voyaient accueillis avec empres- sement et recevaient les récom- penses de leur dévouement, celui de M® Campan fut meconnu ; sa maison d'Ecouen fut supprimée. Les calomnies les plus absurdes poursuivirent cetie dame dans sa retraite; on l’accusait d’ingrati- tude et mème de perfidie. Quel- ques voix généreuses se firent en- tendre pour sa justification , mais non pas toutes celles sur lesquelles elle aurait dû compter. « L’œil- de-bœuf de Versailles, disait-elle, pe me pardonnera jamais d’avoir obtenu la confiance de la reine et du roi. » Nous ne parlons pas des calomnies d’un autre genre qui s’éleverent aussi contre la surin- tendante d’Ecouen. Celles-ci sont tellement odieuses et absurdes à la fois , qu’on ne nous pardonne- 56 CAM rait pas de les considérer en face. Depuis cette époque, une mé- lancolie profonde s’empara de M: Campan; son amour etsa vé- nération pour la mémoire de Marie — Antoinette demeurerent inaltérables ; mais elle se permet- tait aussi quelque reconnaissance et quelqu’affection pour la fa- mille Bonaparte, qui n’avait cessé de lui témoigner la plus tendre amitié. Désormais elle ne se serait plus défendue , comme au com-— mencement de la révolution, d’être constitutionnelle. « Le pou- » voir , disait-elle, est aujour- » d’hui dans les lois ; partout » ailleurs 1l serait déplacé. Mais » cette vérité leur échappe : la » poussière des vieux parchemins » les aveugle. » Elle s'était reti- rée à Mantes, lorsqu'un dernier malheur vint l’y accabler : elle y vit mourir son fils unique (1). Depuis cette époque, la santé de Mr° Campan ne fit plus que s’al- térer ; on lui conseilla un voyage en Suisse et aux eaux .de Bade. Elle y revit, non sans attendrisse- ment, Mr la duchesse de Saint- Leu ( ci-devant reine de Hol- lande), qui lui a toujours con- servé le cœur d’une fille aimante et dévouce. Mais ces distractions, non plus que les secrets de l’art des médecins, ne purent cicatriser ses blessures. Peu de personnes d’ailleurs ont eu à supporter au- tant que M°®° Campau, les se— (1) M. Henri Campan, après avoir été auditeur au Conseil d'état, et com- missaire spécial de police à Toulouse, sous le gouvernement impérial, fut jeté en 1815, dans les prisons de Montpel- lier, où il a langui pendant plusieurs mois. CAM cousses des accidens tragiques. M°° Auguié , sa sœur, s'était pré- cipitée d’une fenêtre au moment de son arrestation, la veille du O thermidor; M" de Broc, sa nièce, fille de M®° Auguié , dame d'honneur de la reine Hortense, se noya en tombant dans un gouf- fre , aux eaux d’Aix en Savoie; le maréchal Ney, dont on connaît la fin tragique , avait épousé une sœur de M"° de Broc; M. Auguié; beau-père du maréchal ct beau— frère de M Campan, est mort de douleur dans les premiers jours du proces de son gendre ; enfin, M. de Montigny, neveu de M. Auguié, s’est tué d’un coup de pistolet. Tant de crises vio- lentes avaient troublé l’organisa- tion tout entiere de M”° Campan. Une maladie cruelle, et qui exige une opération plus cruelle en-— core, ne tarda pas à se déclarer. . M°° Campan la subit avec une fermeté peu commune. , Aucun symptôme fâcheux ne s’était d’a- bord manifesté; mais le mal, qui était dans le sang, prit un autre cours et se jeta sur la poitrine. La religion, que M”° Campan avait toujours respectée , consola ses derniers momens. Elle en avait scrupuleusement rempli tous les devoirs , avant de se soumettre à l'opération. La veille de sa mort, elle disait à son médecin : « Mon ami, je me jette entre les bras de la Providence; c’est le seul point d’appui invincible qui nous soutienne : l’idée en est conso- lante. J'aime beauconp la sim- plicité de ma religion; je Ja ré- vère; je hais tout ce qui sent le fanatisme. » M” Campan expira le 16 mars 1822, âgée de pres de soixante-dix ans. Sa famille lui CAM a fait élever un tombeau dans le cimetière de Mantes : on y lit une épitaphe fort simple, sur une co- lonne de marbre blanc , surmon- tée d’une urne. Liste des ouvrages de M"° Campan, I. Conversations d’une mère avec sa fille, en français et en anglais , composées pour la maison d’éduca- tion de M Campan, dédiée à M Louis Bonaparte. Paris, an XII, in-8, anonyme. La dedi- cace est signée J. Franceschini, éditeur. II. Lettres de deux jeunes amies. Paris, Plassan , in-8, 2 feuilles trois quart, tiré à 200exemplaires; ouvrage aussi anonyme, réim— primé en partie dans le tome III des Mémoires. III. Mémoires sur la vie privée de Marie- Antoinette, reine de France et de Navarre; suivis de Souvenirs et Anecdotes historiques sur lesrègnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI. Paris, Bau- douin freres, 1822, 3 vol. in-8, portrait (1).— 2° édit., 1823. On lit dans le Mémorial de Sainte- Hélène, par M. de Las Cases (tome VI, page 305), le passage suivant : « /Empereur a répondu à son tour par le por- trait de la reine, fourni par M”° Campan, qui, disait-1l , ayant été sa confidente , et lui ayant porté beaucoup de zèle, d'affection et (2) On a publié aussi , à l’époque de la mort de Me Campan, deux por- traits lithographiés de cette dame, tous deux d’une jolie exécution et d’une grande ressemblance. CAM 5 de fidélité, avait beaucoup de choses à dire, et méritait d’être considérée comme une bonne au- torité. M®° Campan, ajoutait-il, l'avait souvent entretenu des plus petits détails de la vie privée de la, reine, et il en a raconte une foule de choses , toutes venues de cette source.» Ces Mémoires font partie de laCollection des Mémoires relatifs à la Révolution française, publiée par les mêmes libraires. Le pre- mier volume contient une Notice sur la vie de M"° Campan, signée F. Barrière. Les Mémoires de M"° Campan ont obtenu un grand suc- ces. Ils ont donne lieu à la publi- cation de l'ouvrage suivant : Observations sur les Mémoires de Me Campan, par M. le baron d’ Aubier, gentilhomme ordinaire de La chambre du Roi, etc. Paris, Trouvé, 1823, in 8, 4 feuilles. La chaleur des sentimens de auteur doit engager à consulter cet écrit avec précaution. Ïl ne suppose aucun doute touchant la fidélité du dévouement de M"° Campan à sa royale maitresse ; mais il accuse celte dame d’in- discrétion , d’amour-propre ex— cessif, de préventions contre Louis XVI, et enfin d’avoir retouche ses Mémoires, à l’époque du ma- riage de Napoléon avec Marie- Louise, pour les rendre de plus, en plus favorables à la reine et moins favorables au roi. On a publié aussi : Catalogue des livres latins, français et anglais composant la bibliothèque de feu M°° Campan , surintendante de la maison d’Ecouen. Paris , Renard, 1825 , in-8, 2 feuilles trois quarts. M®° Campan, dit M. Barrière, qui a eu connaissance de ses pa- 55 piers, a laissé des Nouvelles et plusieurs Comédies manuscrits, dont nous ne citerons que les titres : La Vieille de la cabane ; Arabella, onu la Pension anglaise; Les Deux Éducations, les Petits Co- médiens ambulans , le Concert d’a- mateurs , etc. Toutes ont un but d'instruction pour la jeunesse. Elle achevait, à ses derniers mo mens , un ouvrage d’un ordre plus élevé , intitulé : De ! Education des Femmes. Nulle ne pouvait mieux qu'elle remplir ce cadre intéres- sant. Cet ouvrage pourra paraître, aussitôt qu’on aura mis en ordre les différens morceaux qu'avait termi- nés M®° Campan. On promet aussi la publication des autres ouvrages. CAR CARON (AueusrTin-JosEpx ), entra fort jeune, et comme soldat, dans la carriere militaire, en 1750. 1] servit d’abord dans un régiment d'infanterie ; mais en 1701 il passa dans le 4° régiment de dragons, et obtint successivement tous les grades jusqu’à celuide lieutenant- colonel , ainsi que la croix d’offi- cier de la Légion-d’'Honneur, par sa bonne conduite et sa bravoure. Il fittoutes les campagnes de la Revolution; mais son plus beau fait d’armes eut lieu dans la journée du 24 février 1614 , entre Troyes et Bar-sur-Ornain. Caron , alors major du 17° régiment, fut chargé de suivre l’ennemi dans la retraite qu'il opérait en ce moment:il commandait deux cent soixante- douze hommes. Après avoiressuyé au village de Saint-Paar , le feu d’un régiment de dragons autri- chiens (autrefois dragons de La- tour), et d’un corps d'infanterie place en embuscade dans ce vil- lage, 1l parvient à attirer la cava- CAR lerie sur un point favorable, la charge de nouveau et lui prend plus de deux cents chevaux. Ilre- vient ensuite sur l'infanterie , et deux mille hommes mettent bas les armes. Caron fut implique dans la conspiration du mois d'août 1820, jugée l’année sui- vante par la Chambre des pairs. On l’accusait d’avoir fait des pro- positions de complot non agréées. Deéfendu avec zele et éloquence par Me Barthe, cette fois 1l fut acquitté. Caron retourna à Col- mar , département du Haut-Rhin, où, depuis qu’il avait quitte le ser- vice , 1l faisait sa résidence ordi- naire. 6 Le 2 juillet 1822, la ville de Colmar fut tout à coup troublée par la nouvelle d’une insurrection qui aurait éclate, disait-on, parmi les chasseurs de l'Allier , en gar- nison dans cette ville, dont un es- cadron était parti avec armes et bagages. Lies troupes furent pla- cées sous les armes et les habi- tans consignés dans leurs mai- sons ; les magistrats en costume paraissaient veiller avec inquié- tude à la tranquillité publique. Le 3 juillet, vers onze heures du matin, on vit rentrer l’escadron déserteur, amenant avec soi le co- lonel Caron et son écuyer Roger, tous deux prisonniers, liés et garot- tés surunchar-à-banc, etquifurent immédiatement remis danslespri- sons de la ville. Les détails de le- vénement ont été rapportés depuis avec des circonstances variées. Voici les faits qui paraissent re- sulter des interrogatoires et pièces imprimées de la procédure, que nous avons sous les yeux. Pendant qu’on jugeait à Col- mar les prévenus d’une conspira— CAR tion qui avait éclaté à Belfort, le 31 janvier 1821 , le colonel Caron eut quelques entrevues avec deux ou trois sous—officiers de la garni- son , dans lesquelles 1l fut ques- tion de songer aux moyens defaire évader les prisonniers. Tel a été du moins le systeme de défense de Caron devant ses juges, auquel il a ajoute que les premieres ouver- tures lui auraient ete faites par les sous—-officiers eux-mêmes. Ceux-ci au contraire ont soutenu les avoir reçues de la part de Caron , et par l'intermédiaire du sieur Roger, écuyer à Colmar. Ce qui suit est extrait littéralement des rapports adressés parlesindividus qu furent les principaux agens de ceite af- faire, à leurs supérieurs, et notam- ment par le maréchal-des-logis- chefThiers, et le sergent Magnien. « Il(Gérard, maréchal-des-logis du 6° régiment des chasseurs à cheval), s’approcha du sergent (Magnien , sergent du 46° de li- gue) et de moi , et nous dit : Mes amis , il s’agit d’une conspiration ; votre bonheur est assuré, le grade d’officier vous estassuréetla croix. Une pareille ouverture ayant jeté un grand trouble dans nos indivi- dus, je priai Gérard de vouloir bien s'expliquer plusclairement.…. Gérard nous embrassa tous deux, et nous dit : Mes amis. vos colo- nels étaient à Brissac : je les ai vus et leur ai parlé; ils m'ont chargé de venir vous voir pour vous invi- ter à feimdre d’entrer dans cette conspiration, pour en suivre le fil et nous mettre à même d’en con- naître les moteurs , pour , dans un temps opportun, les faire arrêter. Je suis ici,a Horbourg,avecle colo- nel Caron qui m’attend pour diner, et lequelest à la tête de ladite cons- CAR 59 piration. Vous pouvez compter que l’argent ne manquera point; et s: nousn obtenons point les récom- penses promises par ces scélérats, nous aurons au moins fait notre devoir, en dejouant leurs infämes projets... Ayant entendu cette harangue faite par Gérard , je lui touchai cordialement la main, en lui demandant pardon d’avoir pu le soupçonner un instant; mais que néanmoins je le prévenais que je ne demandais pas mieux que de se- conder ses intentions, si elles sont pures , mais qu'il me permettrait de douter encore jusqu’à l’instant où je pourrais parler à mon colo- nel... Au moment de mes pre- mières ouvertures, je m’aperçus que M. le Colonel était instruit de la démarche de Gérard, ce qui dissipa tous mes doutes. Je reçus du colonel les instructions néces- saires pour me conduire dans cette affaire, et l’ordre de rendrecorapte tous les jours de mes démarches et de ce que je pourrais apprendre (Extrait d’une lettre signée Thiers, du 26 juin 1822. Procès de Caron, pag. 10—19)...... La porte de la prison n° 1, qui vient d’être mu— rée , lui a donné (à Caron) de forts soupcons contre moi ; ‘il n’en fut dépersuadé que par les sermens qui nous liaient et que nous jurämes de nouveau de conserver. (Extrait d’une lettre signée Magnien, du 28 juin. Procès de Caron, p. 23).:: Il fut convenu , comme dans mon dernier rapport, que Gérard sor- tirait de Brissac, avec un escadron, à cinq heures et demie du soir ; que moi je partirais de Colmar à cinq heures et me dirigeraïs sur la route de Rouffac jusqu’à la mon- tee, où je trouverais le colonel Ca- ron quim’y attendrait. Il fut con- 60 CAR venu en outre , que le sergent Magnien serait chargé de prendre l’habit du colonel et de le porter jusqu’à cette montagne pour le lui donner , afin de s’en revêtir et pa- raître devant la troupe en uni- forme. Comme je cherchais à le tranquilliser du côté de l'argent , je lui annoncais de ne pointarrèter notre projet pour si peu de chose, que Gérard et moi nous avions quelques petits fonds vers nous ; et qui, joints à ce qu'il pourrait se procurer, nous sufüraient pour attendre. Or, d’après ce qu’il nous jura de nouveau, un millier de louis devaient être mis à sa disposi- tion. Nous parvinmes à le convain- cre ; et1l fut décidé que le soir du même jour il verrait Gérard à six heures du soir, eic..... Toutes les instructions données , il (Ca- ron) mena le sergent Magnien chez lui, auquel il remit son sabre, son habit, son casque , qui fut porté dans ma chambre, à la ca- serne , jusqu’au lendemain matin, où le sergent Magnien doit venir les chercher pour les porter au licu indique; excepté ie sabre, qu'il est convenu que je portera. Ce dernier article exécuté, je me rendis chéz le général pour lui rendre compte de mon entrevue. (Extrait d’une lettre signée Thiers, du 1° juillet 1822. Procès deCuron, p.31-33)...La réponse détermina- tive que firent les sieurs Thiers et Gérard dela nécessité de leurpro— jet,engagea le sieur Caronàaerien reculer. il est donc et fut décide que demain, 2 courant, à cinq heu- res et demie du soir, l’escadron du 6° prendrasa marche par les villa- ges de Walsheim etde Mayenheim (que j'inscrivis surmonschakos), pour de là se rendre à Abshenm, CAR heu du rendez-vous. C’est à six heures que doit se faire la sortie du 1‘ chasseurs, que je devance- rai pour remetlre au lieutenant- colonel Caron son uniforme et son sabre, dont je suis porteur depuis hier au soir. Arrivé au lieu de son travestissement, 1l doit me remet- tre son habit bourgeois , et moi le jeter, si je le juge à propos, dans les vignes. J'indiquerai à ma sépara- tion d’avec le sieur Caron, la route qu’il aura prise, afin d’en préve- nir le sieur Thiers, qui le suivra de près. Je serai porteur de ses ha- bits bourgeois et vous les remet trai, pour en disposer selon qu’il vous conviendra. Ne pouvant le suivre dans cette occasion, je res- terai à Colmar, hors la porte de Rouffac, derrière l’auberge à droite , de huit à dix heures et de midi à quatre , afin d’instruire les affidés de Caron, qui ne se pré- senteront à moi qu’au mot et si- gne de ralliement qu'ils me fe- ront , des démarches qu’il aura à tenir pour sa réussite. Il me parla d’un avocat arrivé depuis peu de jours de Paris, qui doit être pos- sesseur de fonds à délivrer(1), etc. (Extrait d’une lettre signée Mag- nien, sergent , adressée à son capi- taine, du 1% juillet. Procès de Ca- (1)MM. Barthe, Berville, Renouard, avocats de Paris, ayant été choisis par divers accusés de Colmar pour soutenir leur défense devant la Cour d'assises, qui était alorssurle point de les juger, se pourvurent auprès de M. le garde- des-sceaux, afin d'obtenir l'autorisation exigée par le décret de 1810. Cette au- torisation fut refusée aux derniers; elle fut accordée à M° Barthe seul , qui avait précédemment connu Caron, lors du procès de 1820. CAR ron, p.34)... Dans le dernier rap- port que je vous adressai, il était convenu que l'affaire aurait lieu le mardi 2 juillet ; en conse- quence , le lundi 1* à dix heures et demie du soir, à la suite d’un rendez-vous avec le sieur Caron, je lesuivis, me laissant précéder de quelque pas , jusque chez lui, où sa femme me remit le paquet contenant son uniforme et son casque. Ce fut M. Caron qui des- cendit le sabre et le porta jusqu’au détour de la rue, ou il me le re- mit : depuis ce moment , je n’eus pas d’autre rendez-vous avec lui. Le mardi 2, à trois heures et demie, j'allai chercher chez le sieur Thiers, l’uniforme que je lui avais déposé , lui-même se char- eant de lui remettre son sabre... L’escadron du 1° chasseurs arriva, précédé du fourrier Carré. M. Ca- ron m’envoya voir qui c'était... A l’arrivée de l’escadron, il parut; le sieur Thiers lui remit son sa bre. 11 harangua alors les chas- seurs, et termina au cri de vive l’empereur, /e fit jurer par ce même cri, et les mit ensuite en marche. Je rentrai de suite en ville, où je trouvai M. le prefet (M. de Puymaigre), qui fit déposer les effets dont j'étais porteur dans le corps-de-garde de l'officier. J’al- lai le mercredi3, à sept heures du matin, chez Mme Caron, etc. ( Extrait d’une lettre signée Mag- nien ; à son capitaine, datée du 3 juillet. Procès de Caron, pag. 35- 37)... Mon colonel, j'ai l'honneur de vous rendre compte qu’en exé— cution de vos ordres, m’étant tra- vesii hier et mis dans les rangs en simple chasseur, avec MM. les officiers de l’escadron, qui devait se joindre en apparence à l’insurgé CAR 61 Caron , nous partimes de Neuf Brisac à cinq heures un quart du soir, Sous ie commandement des sous-officiers, commandés à cet effet. Apres une demi-heure de marche , nous trouvâmes, près de Weckelsheim, le domestique du nommé Roger, écuyer de Col- mar , lequel ne parut pas encore: ce domestique nous conduisit à un quart de lieue; il nous quitta avec le maréchal-des-logis Gé- rard, pour aller retrouver son maître qui était dans la forêt : nous profitämes de cetinstant pour instruire les hommes du motif de notre départde Neuf-Brisac. Nous les trouvâmes pleins de zèle et ani- més du meilleur esprit. Le ma- réchal - des-logis Gérard étant deretour, nous continuâmes notre marche sur Dessenheim , le do- mestique à la tête de la colonne, et Roger à la queue. Roger, par- faitement rassuré par notre atti- tude , nous conduisit par Rusten- hard à Mayenheim , où nous at- tendimes environ vingt minutes, l’escadron de l'Allier, à Ja tête duquel se trouvait le sieur Caron. Il déboucha bientôt de ce village en tenue de lieutenant-colonel de dragons. Après avoir fait fotmer son escadron, 1ls’avança vers nous et nous harangua en ces termes : « Braves soldats du sixième régi- » ment, vous avez jure d’obeir à vos » sous-officiers : les militaires fran- » Çais n’ont jamais manque à leur » serment. Je suis envoyée par l’Em- » pereur pour vous commander ; » j'espère que nous leservirons avec » zele. Vive l'Empereur ! » Ce cri fut répété ainsi qu’il en était con- venu : on fit mettre pied à terre. Le maréchal-des-logis Daran- tiere, adressa aux chasseurs du ré- G2 giment les paroles suivantes : « Le » colonel Caron ne veut pas que » les chasseurs travaillent sans » avoir du profit ; 1l promet à cha- » que homme 3 fr. par jour, à » dater de ce moment ; mais 1} » ordonne que tout ce qui sera » pris chez l’habitant soit exacte- “ment paye.» Les cris de vive l'Empereur recommencèrent , et on y ajouta ceux de vive le colonel Caron... On se remit en route, se dirigeant sur Ensisheim. D’après les ordres recus , nous refusâmes d'y entrer. A l'entrée de la ville, Caron voyant qu’on s’obstinait à ne pas vouloir y entrer, fit preri- dre à travers les champs pour tourner la ville à gauche. Pendant ce temps , le maréchal-des-logis Gérard, avec son ordonnance (le capitaine de Nicol) entra dans cette ville. L’infanterie y était sous les armes : Ce Capitaine se fit recon— naître par le capitaine Lafont, sans que la vigilance de celui-ci en dimimuât. De retour , le maré- chal-des-logis Gérard vint dire au CAR colonel Caron que l'infanterie était pour nous , et que nous aurions les prisonniers quand nous vou- drions. Néanmoins nous ne vou lümés pas y entrer, nous défiant en apparence des bonnes inten- tions de cette infanterie. Caron, qui jusqu'ici avait été dans une sé- curité parfaite, conçut de vives inquiétudes. Il se plaignit d’être un peu serré par les sous-officiers, quiavaient reçu nos ordres pour ne pas perdre de vue un seul instant ni Caron, n1 Roger, afin d’obser- ver toutes leurs démarches. Ces sous—officiers s’éloignerentun peu ; Caron profita de cet instant pour aller parler bas à Roger. On n’en- tendit pas ce qu’il lui dit ; mais un CAR instant après 1l se plaignit de ce que l'argent n’arrivait pas. Il dit qu’ar— nivé au premier village ( Batten- heim) il se mettrait en bourgeois, et, qu’accompagné de Roger, il irait chercher des fonds. Un pelo— ton lui fut proposé : il le refusa ; après des instances réitérées, il consentit à se faire accompagner par deux sous-officiers. Nous ju geämes cette escorte trop faible; nous résolûmes de l’arrêter , con- vaincus que nous ne trouverions aucun de ses complices à Batten- heim, Arrivés à ce village des deux heures du matin, nous le laissâmes entrer chez le maire. Au moment où 1l s’occupait de faire préparer des logemens qu’il comp- tait disséminer, on le saisit en lui déclarant qu'il était prisonnier. Apres une légère résistance , il fut garotté ainsi que ses deux com- plices. Nous le fouillâmes, nous Jui enlevâämes ses papiers, qui ne renfermaient rien d’important à notre connaissance. Il en fut de même de ceux de Roger... J’ex- pédiai sur Habsheim les maré- chaux-des-logis-chefs Thiers et Darantiere, et le maréchal-des- logis Gérard, avec ordre de dire au nom de Caron , qu’il attendait son monde à Battenheim , la fati- gue des chevaux l'ayant obligé de s'arrêter... Le marechal-des-logis Gérard nous joignit à Colmar. Toutes les rècherches furent inu- üles , sinon à prouver les bonnes intentions de M. le maire du lieu, et les bonnes dispositions qu'il al- lait prendre pour faire arréter qui- conque ferait mine de vouloir se joindre à Caron. Ces dispositions au reste sontaussiinutiles là qu’ail- leurs, où tout le monde est resté parfaitement tranquille , parais- CAR sant beaucoup plus surpris qu’en- chante de cette révolte apparente. À Mayenheim seulement le par-— ticulier qui a livré le fourrage et le vin est entré très - chaudement dans les projets de Caron. Nous lui avons entendu tenir des propos que nous avons cru devoir rappor- ter à M. le procureur-général , qui a de suite lancé un mandat d’arrêt, qui doit être mis en exécu- tion dans ce moment. ( Extrait d’un rapport à M. Jolly, lieute- nant-colonel , commandant le ré- giment des chasseurs à cheval de la Charente, signé H. de Nicol, daté de Neuf-Brisac,3 juillet 1822. Procès de Caron, pag. 38-42)... Ce lieutenant-colonel (Caron) a recu nos chasseurs aux cris de vive, etc. L’escadron s’est formé à gauche en bataille. Immédiatement apres, le sieur Caron en a pris lecomman- dement et a haranguëé la troupe, à peu pres en ces termes : « Chas- » seurs , je Suis ENVOYÉ pour vous » commander par ordre de l’Em- » pereur.... Je vous jure de vous » suivre jusqu’à la mort, et de pe- »rir à votre tête : jurez aussi de » me suivre partout où je vous Con- » duirai pour le bien du service de » S. M. l'Empereur. Vive l'Empe- » reur ! » Ce cri a été répété dans l’escadron par tous ceux quiavaient bien saisi les instructions que vous leur aviez données à leur de- part de Colmar et par tous les au- tres, au signal que nous leur en avons fait. Ensuite il a commande par deux au trot, et nous a con- duits jusqu'a Rouffac, que nous avons trayersé au pas, dans le plus grand silence, sans que les habi- tans aient fait le moindre signe d’approbation ni d’improbation.… Apres l’arrestation du sieur Caron, CAR 63 le maréchal-des-logis-chef Thiers se porta avec d’autres sous-offi- ciers vers Habsheim , qui avait été indiqué comme le rendez-vous des partisans de Caron ; mais ils n’y trouverent personne , ce qui prouvait qu’ils avaient eu l'éveil, ou qu’ils avaient jugé l’entreprise trop dangereuse. C'était à Habs- heim que le sieur Caron disait de- voir trouver les fonds nécessaires pour son expédition. Le maréchal- des-logis-chef Thiers , avait pour instruction, en se rendant à Habs- heim, de persuader uux personnes qu’il y aurait trouvées de se rendre à Battenheim, où Caron les atten- dait , sa troupe étant trop fatiguée pour aller plus loin ( Extrait d’un rapport à M. Jolly, lieutenant- colonel des chasseurs à cheval de la Charente, signe Borel de la Ri- vière, lieutenant ; Aupécle, sous— lieutenant, date de Colmar , le 3 juillet. Procès de Caron, p. 45-46). Telles sont, d'apres les récits de ceux-là même qui l'ont conçu et effectué,les circonstances d’un évé- nement qui occasiona en Europe une étrange surprise,et que les ru- meurs publiques ont peint sous descouleurs encore plus fâcheuses. Le 18 septembre 1822, le lieu- tenant-colonel Caron et son co- accusé Poger comparurent de- vant le premier Conseil de guerre de la cinquième division militaire, séant à Strasbourg, présidé par M. d’Escordal , colonel du 25° ré— giment de ligne. Une décision ministérielle , soutenue par un arrêt de la Cour de cassation, avait enlevé les accusés à la jurisdiction ordinaire, qui per- sistait à les retenir. On s’ap- puyait, pour cet effet, sur les lois des { nivôse an IV et 13 brumaire 64 CAR ‘an V, dont l'effet devait cesser avec la guerre, et qui, constituant d’ailleurs une justice exception- nelle, semblaient devoir être répu- tées abolies par la Charte consti- tutionnelle. Cette opinion n’avait pas été contredite depuis la Res- tauration, et M. Pasquier , an- cien Garde-des-sceaux , l’a dé- claré expressément à la Cham- bre des pairs , lorsqu'il proposa à celte Chambre ( mars 1823) ce rendre aux tribunaux ordinaires, en temps de paix, la connais- sance du délit d’embauchage, im- puté aux ciloyens non-militaires. Le systeme de défense du colo- nel Caron, fut, comme nous l’a— vons dit, de soutenir que son uni- que but avait été de procurer l'évasion des prisouniers alors tra- duits devant la Cour d’assises de Colmar. Les militaires, princi- paux témoins à charge dans cette affaire, et à qui leur conduite avait valu dès-lors le grade d’officier, ne firent pas difhculté de conve- nir aux débats des promesses sé- duisantes qu’ils avaient faites à Ca- ron , par ordre de leurs chefs, et des instructions qu'ils avaient transmises à leurs soldats de pous- ser des cris séditieux ( pages 74, 81,86, 8o et passim (1). La dépo- siion de M. Reithinger, maire de Battenheim , renferme quel- ques détails qui méritent d'être rapportés. « Le temoin dépose, (1) Le Journal du Haut-lihin du 25 juillet , rédigé à la préfecture, comme l'atteste M. Sido, conseiller de préfec- ture, dans une lettre lue à l'audience {Procès de Caron, p. 108), s'est exprimé en ces termes, au sujet de l'affaire de Caron: «Ici, c’est un lieutenant-colo- nel assez naïf pour se laisser séduire par des sous-officiers. » CAR que le 2 juillet aune heure du ma- tin, six chasseurs arriverent de vant sa maison , frappant à la porte pour le réveiller. Il leur ou- vrit, apres avoir fait de la lu- mière. [ls leur annoncerent qu'ils venaient faire des logemens pour deux cents chasseurs, vingt offi- ciers et un colonel... Sur la ré— ponse que fit l’un des six chas- seurs , qu'ils n'avaient pas de feuille de route, le témoin leur déclara que sans feuille de route, il ne donnerait pas de billets de logement; et alors ce chasseur ré- pliqua : — Nous ne sommes plus les soldats du roi, nous sommes les soldats de Napoléon , du roi de Rome. Que dites-vous de cela, M. le maire... ? Si vous ne faites pas des billets, nous nous lo- gerons militairement. » Le té— moin fit chercher alors le gref- fier de la mairie, pour faire des billets. Afriverent en même temps les deux cents chasseurs avec un colonel de dragons , qui entra dans la chambre ainsi que plu- sieurs sous-officiers et chasseurs. On se met en devoir de faire les billets de logement... Mais pen- dant que le colonel est debout, de- vant la table où le greffier écrivait les billets, un chasseur le prend par derriere et le renverse par terre ; tous les chasseurs lui tom- bent dessus, en criant: « Jean f..... nous avons cru trouver de » ton monde ici; qu’on sabre ce » conspirateur , ce scélérat. » Le témoin , entendit encore crier. « Chasseurs à moi »; mais il ne sait si c'était le colonel ou un autre individu qui était arrivé avec les chasseurs et quise trouvait aussi dans la chambre: et on demanda des cordes pour les attacher. Les CAR domestiques que le témoin avait envoyés à l’écurie pour chercher des cordes , furent ramenés aussi- tôt dans la chambre , par des chasseurs qui disaient: « Voici des conspirateurs. » On les re- lâcha pour aller chercher des cordes, avec lesquelles on garrotia le colonelet l’autre, Des officiers déguisés ou des chasseurs, deman- deérent ensuite au témoin un char-— à-banc et un cheval, pour aller à Habshenn.Il leur conseiila de pren- dre leurs chevaux, qu'ils y seraient bien plus vite; ce qu'ils firent. De retour de Habsheïim; ils vin- rent raconter dans la chambre, que s'ils étaient partis un quart-d’heure plus tot, ils auraient trouvé à Habs- heim dix à douze conspirateurs , qui ont été avertis à temps pour prendre la fuite..»(Procès,p.104.) Caron et Roger furent défendus avec beaucoup de talent et de dé- vouement;le premier parM°Liech- tenberger, avocat, le second par M. Marchand , étudiant en droit. Apres une demi-heure de délibe- ration , le Conseil de guerre , à l’unanimite, déclara le lieutenant- colonel Caron, coupable d’embau- chage , et le condamna à la peine demort(r).Roger,déchargé de l’ac- cusation d’embauchage, fut ren- voyé devant la justice civile (2). Le Conseil de révision confirma la (1) Voici le texte sur lequel l'arrêt est fondé: « Tout embaucheur pour » l'ennemi , pour l'étranger ou pour Les » rebelles, sera puni de mort » ( Arti- cle 1°* de la loi du 4 nivôse, an IV). (2) Distrait par arrêt de la Cour de cassation , de la juridiction de ses juges naturels, pour cause de suspicion légi- time, l'accusé Roger a été traduit depuis devant la Cour d'assises de la Moselle, qni l'a déclaré coupable de conspiration CAR 65 sentence du Conseil de guerre.De- puis ce moment jusqu’à celui de l’exécution , il ne fut plus permis à Caron de communiquer librement avec personne , même avec son dé- fenseur. Deux exceptions furent accordées pour deux ecclésiasti= ques ,dont le condamné avait recu les premières visites, durant l’in- tervalle de quelques jours qui sé para le prennier jugement du se- cond.Dejamèmeet durant ce court espace de temps, Caron n’avait vu que son défenseur, en présence du concierge et de l'officier de poste, et pendant une heure chaque jour. Deux autres permissions furent encoreaccordées pour unmoment, l’une à un ami de Caron qui ve- nait l’entretenir de son fils , l’autre au défenseur de Roger. Caron re- cut avec calme et fermeté la nou- velle de sa condamnation. Lors- que le capitaine rapporteur vint lui en faire lecture, il était à ta- ble : apres l'avoir entendue , il acheva son repas. Dans la ma- tinée du 1* octobre ( jour fixé pour l'exécution }) le défenseur de Caron fit faire trois tentatives suc- cessives et par différentes per- sonnes, auprés de l’autorité supé- rieure du département. Il deman- dait à entretenir son client, au nom de sa femme et de son enfant. L'autorité persista dans ses refus. Des le 24 septembre, M Caron , alors détenue dans la prison de Colmar, comme complice de son mari (1), avait et a prononcé son arrêt de mort. L’au- torité royale a commué cette peine en celle de vingtannées detravaux forcés. 4 \ - ? 1 (1) La chambre d'accusation de la Cour royale a déclaré depuis n’y avoir lieu à mettre en accusation Me Caron. C1 66 CAR éprouvé le même refus de M. le procureur du roi. Voici la lettre qu’elle adressa à ce magistrat, pour lui demander la grâce de venir à Strasbourg, recevoir les derniers adieux de son mari. Des prisons de Colmar , le 24 septembre 1822. « À M. le procureur ‘du roi pres le tribunal de première ins- tance de l’arrondissement de Col- mar. — Monsieur le procureur du roi, avant-hier, mon malheureux époux a été condamné à mort par un conseil de guerre ; il ne m’ap- partient pas de qualifier cette con- damnation. Depuis trois mois , je suis moi-même sous les verrous, et j'ai été violemment privée de la triste consolation de rendre plus supportable sa captivité à Stras- bourg , ef d’être présente à son jugement. Que la malédiction di- vine s’appesantisse sur la tête de celui qui en est la cause! » Demain , M. le procureur du roi, demain peut-être... Je n’ose achever! » S'il existe encore parmi les hommes quelque sentiment d’hu- manité ou de piété , on ne peut me refuser d’aller’ recevoir les der- niers embrassemens et les ordres toujours sacrés pour moi, de ce- lui qui fit mon bonheur pendant tant d’années, et qui servit sa patrie avec tant d'honneur et de courage, | » Jose. vous supplier , M. le procureur du roi , de vouloir bien permeltre que j'aille auprès de mon malheureux époux; je vous en conjure à genoux. Qu'on me fasse conduire à mes frais, en poste, par deux , par quatre gendarmes, les fers aux pieds, aux mains , au cou, enchainée comme la plus CAR dangereuse créature, s’il le faut, je supporterai tout avec calme, avec plaisir même, si je puis en- core voir et embrasser la malheu- reuse victime de la perfidie la plus atroce. » Daignez, Monsieur le procu— reur du roi, m’honorer d’une tres- prompie réponse. » Votre respectueuse et tres- humble servante. femme Caro. » M. le procureur du roi se crut dans la nécessite de faire à M. Caron , la réponse suivante : Colmar, ie 24 septembre 1822. » Madame , je sens vivement tout ce que votre position a de dé- plorable et j’éprouve un véritable regret de ne pouvoir l’alléger , en vous accordant la douloureuse consolation que vous reéclamez, par la lettre que vous m’avez fait l'honneur de m'écrire , sous la date de ce jour. » L'objet de votre demande w'entre n1 dans mes attributions, m1 dans celles du tribunal. Vous êtes , Madame , sous le poids d’un mandat de dépot, qui ne peut être annulé qu’en vertu d’une décision de la chambre du conseil du tri- bunal, que l’état de la procédure à l’égard de quelques-uns de vos co-prévenus,ne permet pas de faire intervenir encore. La nature de la prévention qui pèse sur vous, Ma- dame , ne me permet pas non plus de provoquer votre mise en li- berté provisoire, moyennant cau— tion, ni même une simple transla- tion d’une prison dans une autre. La loi in’en fait une défense ex- presse , que je trouve surtout pé— mible aujourd'hui. Recevez l’as- surance de mes regrets et de la considération distinguée avec la- CAR quelle j'ai l’honneur d’être, Ma- dame , votre tres-humble et tres- obéissant serviteur.—le procureur du roi, signé PouGxET , substitut.» Peu d’insians avant l’heure fixée pour son supplice , Caron écrivit deux billets, l’un à son épouse, l’autre à son défenseur : Voici ces deux pièces. Billet à M adame Caron. » C’est aujourd’hui, ma bien- aimée , que ton ami te quitte pour ne plus te revoir que dans l’éter- mile. Oh, ma bien-aimée ! que cette séparation est crueïile pour mon cœur! aie bien soin de mon pauvre Alfred, ménage-toi pour lui, ne l’abandonne pas au deses- poir ; 1l a encore besoin de tes ten- dres soins. Pour moi, ce soir, je ne pourrai plus lui être d’aucune uti- lité ; j'emporte avec moi au tom- beau tes deux derniers billets; ils seront sur mon cœur. Adieu, ma chere amie , je t'embrasse de toute mon âme, ainsi que mon trop malheureux Alfred. » CARON. » Billet à M * Liechtenberger , avocat. « Mon cher défenseur et dernier ami , j'ai reçu vos adieux , recevez iciles miens et mes derniers re- merciemens : consolez-vous, je sais mourir. Si jamais Vous VOyez ma malheureuse femme , dites-lui bien que son souvenir et celui d'Alfred ne m'ont pas quitté un instant. Je vous prie de retirer mes effets et de les faire parvenir à ma femme. Tâchez aussi que Yon me paie mon trimestre ; il servira à amortir quelques dettes que j'ai. On vous défend de me voir encore ,inais on ne me défend pas de vous aimer : je vous em- brasse une dernière fois. « CARON.» CAR 67 Dans cette matinée du 1° oc- tobre , Caron reçut une visite de plusieurs heures,d’un prêtre nom- mé M. Schittig ; il remercia cet ecclésiastique des soinsqu’il venait lui offrir. À deux heures après-midi on vint lechercher, à la prison mi- litaire où 1l était gardé, pour le conduire sur le glacis, devant la caserne de Finckmatt. Il monta seul dans une voiture de place, qu’escortaient des gendarmes à cheval et un piquet d’infanterie. Sa muse était soignée, son main— tien ferme et assuré. Arrivé au lieu de l’exécution, Caron descen- dit de voiture sans le secours de personne. On lui offrit encore les soins de l’aumônier ; il remercia de nouveau. Caron, parcourant des yeux le terrein , mesure lui- même la distance qui doit le se- parer des soldats dont les balles vont le percer. On veut lui faire une seconde lecture de la sen- tence; il la refuse, en disant: «Je la connais ; c’est inutile. » Un officier se présente pour lui bander les yeux et le faire mettre à genoux ; il s’en défend. Debout et dans la plus ferme attitude , Caron donne le signal du roulement; il com-— mande le feu, et le jugement du Conseil de guerre a recu son exé- cution ! Cependant on se débattait en- core devant les tribunaux pour sauver les jours de Caron , que déjà 1} avait cessé de vivre. Le 4 octobre M° Isambert se présenta à l’audience de la Cour de cassation, où 1] parla en ces termes: « Nous avons été charges de soumettre à la Cour le pourvoi du heutenant-colonel Caron, contre le jugement du Conseilde guerre qui le condamne à la peine de mort. 63 CAR — Le 27 septembre nous adres- sâmes à Son Excellence Mo:. le Garde-des-sceaux une requête, dans laquelle nous Îui dénon- cions le jugement du Conseil de guerre, comme vicié d’in- compétence et d’excès de pouvoir; et nous suppliâmes le ministre de le dénoncer à la Cour de cassation, conformément à l’article 44 du Code d'instruction criminelle. Par surcroît de précautions , nous nous présentämes Île lende- main 28,au Greffe,pour représen- ter que l’article {24 permettait aux condamnés de déposer direc- tement, soit leur requête, soit leur demande en cassation , sans em— prunter la correspondance minis- térielle. Le greflier persisia dans son refus, et nous invita à nous adresser à M. le président de la Cour. Il était dans la limite deses devoirs ; car M. le président, au- quel notre requête ne put parve- nir que le 29 , approuva ce refus, et daigna nous répondre sur-le- champ que, d’après les formes légales et les formes en usage, la requête ne pouvait être déposée auGreffe; mais devait être adressée au ministere. M. le président eut la bonté d’ajouterquesij'insistais, il m’accorderait la paroie à la pre- miere audience. Le même jour M. le Garde-des- sceaux nous renvoya notre re-— quête, en nous faisant connai- tre par un exprès, qu'il ne croyait pas pouvoir la recevoir. Nous fi- mes part à l’envoye des obstacles que nous éprouvions de la part de 1a Cour de cassation. Nous obiin- mes pour le 4, une audience de son Excellence Mgr. le Garde- des-sceaux, et nous eùmes l’hon- neur de lui écrire que nous nous CAR présenterions aujourd’hui à la Cour , et que nous aurions l’hon- neur de rendre compte à son Ex- cellence de l’arrêt qui intervien- drait.Nous avons dans l'intervalle, écrit une seconde lettre à Stras- bourg ; nous n’avons recu aucune réponse ; nous ne savons pas même si ces deux lettres sont parvenues. Nous nous étions préparés pour présenter ce matin à la Cour, à l’ouverture de son audience, notre recours en cassation, et pour la supplier d’en recevoir le dépôt à son greffe. Mais une nouvelle, transmise comme les autres par le télégraphe , insérée dans le jour— nal du soir,et répétée cematin par tous les journaux, annonce que Ca- ron a subi son jugement, ler*"octo- bre. Il paraît que l’autorité mili- taire ne connaît aucune espèce de sursis, pas même pour le recours à la clémence du roi, et que l’arrêt estmis àexécution sur-le-champ. Dans cette douloureuse circon- stance, nous demandons à laCour si nous devons plaider pour l’ad- mission de la requête. La nou- velle n’est point officielle, et nous aimons à nous persuader encore qu’elle n’est pas vraie. » La Cour de cassation declaran’y avoir lieu à statuer sur la requête présentée par M°. Isambert, at- tendu que le pourvoi n’avait pas éte regulierement dénoncé. Ona publié: Procès de A.J.Ca- ron, lieutenant-coloncel en retraite, et de Fr. D. Roger , écuyer ; tous deux domiciliés à Colmar , départ. du Haut-Rhin, traduits le 18 sep- tembre 1822 devant le 1* Conseil de guerre permanent de la 5° Divi- sion militaire, séant à Strasbourg, pour crime d’embauchage. Stras- bourg, Heitz, 1822, in-6 de 207 p. CAR Courtes réflexions à l'appui du pourvoi en révision, formé par À. J. Caron, lieutenant-colonel en retraite, contre le jugement rendu par le 1°" Conseil de guerre perma- nent de la 5° Division militaire. Strasbourg, Heïitz, in-4, 1822, une feuille et demie. Relation circonstanciée des évé- nemens qui ont eu lieu à Colmar et dans les villes et communes environ- nantes, publiée par M. Kæchlin, député du Haut-Rhin; suivie de la pétition adressée auxChambres, par cent trente-deux citoyens du dépar- tement. Paris , Constant Chantpie, 1822,in-8.— Lemême ouvrage en allemand. Strasbourg, Heitz, 1822, deux feuilles et demie , in-8. Ce livre a donné lieu à des con damnations judiciaires contre l’au- teur, lesimprimeurs,etmême con- tre des journalistes , qui avaient essayé d’en rendre compte. L’im- rimeur Heitz, dont le nom et la fa- mulle sont liés honorablement aux premiers siècles delatypographie, a vu son brevet révoqué par une ordonnance ministérielle, quilui a interdit l’exercice de son industrie. ERéponse à l’accusation dirigée, au nom de quelques fonctionnaires pu- blics du Haut-Rhin, contre M. Kaæchlin , membre de la Chambre des députés , äu sujet de la Relation des événemens qui ont précédé, ac- compagné et suivt l'arrestation du lieutenant — colonel Caron. Paris, Plassan , 1823, in-4 de huit feuil- les et demie. On doit consulter aussi, au sujet des événemens qui ont amené la fin tragique du sujet de cet arti- cle, les mémoires et plaidoyers imprimés de M°Barthe, pour la défense de M, Kæchlin. CON 60 CELLIEZ (AoeLaïne-HÉLÈNE- JosÉPRINE - CHARLOTTE , comtesse de Rossi, dame) , née à Paris, est morte à Blois, dans la nuit du di-. manche au lundi 4 août 1822, Agée de 44 ans. Elle s’adonnait à l’édu- cation des jeunes personnes du sexe, en faveur desquelles elle a publié quelques écrits, d’ailleurs peu remarquables. Liste des ouvrages de M'° Célliez. I. Traité d'enseignement et d’é- ducation, contenant des méthodes pour enseigner la lecture , la gram- maire, la cosmographie, la géogra- phie et Phistoire; plus un Plan de lecture ,; un Essai sur le choix des récompenses el des punitions ; Con- seils à une jeune institutrice, par un ecclésiastique ; une Analise du Mé- morial horaire, par M. Jullien ; un Complément de l'éducation. 1817, in-6. il. Les Anciens et les Français, ou véritables Beautés de l'histoire de Franceet des Bourbons, spécialement destinées à la jeunesse. 1822, 2 vol. in-12. TT. Historique de l'instruction du Chinois qui à êlé présenté au roi le 8 octobre1821, par M. Phili- bert, cupitaine de vaisseau et député de lile Bourbon,àParis.1822,in-4. Madame Celliez a laissé en portefeuille une Histoire Univer- selle, destinée à servir de texte ou développement à /” Atlas histo- rique de Lesage (Extrait des 4fji- ches générales du département de Loir-et-Cher;n° 31 du 5 août1823). CONDORCET (Sopme de GRroUcHY, veuve de), était sœur de Madame Cabanis et du général Grouchy, auquel elle se 70 CON plut à donner des marques pu- bliques d'intérêt, lorsqu’en 1817 il se trouva cité devant un con- seil de guerre, sous le poids d’une accusation capitale. Apres avoir été une des plus belles femmes .de son temps , M"° de Condorcet est restée jusqu’à son dernier jour, lune des meilleures. Unie de bonne heure à l’illustre secrétaire perpétuel de l’Académie desScien- ces (1), elle épousa aussi ses opi- pions politiques et philosophiques, qu’elle professa constamment le reste de sa vie. C’est à elle que, du fond de la retraite où il fuyait la proscription des Jacobins , Con- dorcet adressait ces beaux vers, qui étaient l’histoire des derniers momens de sa carrière politique : Jls m'ont dit : choisis d’être oppresseur ou victime. J'embrassai le malheur et leur laissai le crime. M® de Condorcet partagea les persécutions de son époux, et fut jetée dans les prisons révo- lutionnaires : elle en sortit plus devouée à ces grandes vérités mo- rales et politiques, sources de tant de douleurs et de consolations. Le reste de ses jours s’est écoulé dans la pratique de la plus active bien- (1) Qu'il nous soit permis de réfuter ici, une fois de plus, une calomnie odieuse, trop souvent répétée. Dans le procès de Louis XVI, Condorcet, membre de la Convention , vota pour l'appel au peuple, le sursis, et « la » peine la plus grave, qui ne füt pas » la mort. » Des libellistes trop accré- dités n’ont pas craint d'affirmer qu'il avait entendu désigner celle des fers. Cette interprétation est tout-à-fait inexacte : la déportation était dès lors la peine la plus grave, après celle de la mort , admise par la législation cri- muincile des Francais. COR faisance. Elle est morte à Paris, le dimanche 6 septembre 1822. « La fin de sa vie, dit M. M. A. Jullien ; a donné de nouvelles preuves de cette philosophie pure et sublime dont elle était péné- trée. Malgré les douleurs aiguës et presque continuelles de sa lon- gue et derniere maladie, les be- soins etle sort futur de ceux qu’elle secourait l’occupaient sans cesse; et, lors même que sa voix devint embarrassée, c’étaient les noms de ces personnes que sa langue ar- ticulait le mieux et ie plus souvent. Le même sentiment de philanthro- pie lui a fait exiger d’être inhu= mée de la maniere la plus simple.» (Revue Encyclopédique, tom. XVI, pag. 227). On doit à Mme de Con- dorcet l’ouvrage suivant : Théorie des sentimens moraux , ou Essai analytique sur les principes des ju- gemens que portent naturellement les hommes , d’abord sur les actions des autres ; et ensuite sur leurs propres actions ; suivi d’une Dissertation sur l’origine des langues ; trad. de l'Anglais d'Adam Smith, sur la 7° et dernière édition. 17986, 2 vo— lumes in-8. On trouve à la fin de cette traduction huit Lettres sur la sympathie, adressées à Cabanis. Ces lettres, qui appartiennent en propre à l’auteur français , ont été imprimées à part. Mme de Condor- cet a été l’éditeur d’un ouvrage posthume de son mari intitulé : Moyens d’apprendre à compter sû- rement et avec facilité. Paris, an VIT (1799), in-1 2.—nouvelle édit. Paris, Eymery, 1818, in-18. CORSANGE (JEAN-FrRaxcois— JACQUES ), né à Paris, est mort à Bordeaux, le 4 avril 821, âgé de 70 ans. Je connais de lui : DAM Ï. Pièces de théâtre de J. F. J. Corsange; à Boulogne, de l’im- primerie de Deperrest Verner, 1807 , 2 vol. in-5. Le tome I° contient: 1° la Fête du grand papa, tableau de famille, en un acte et en prose, mêie de chants ; 2° la Prévention mater— nelle , comhédié en un acte, mêlée de chants. Pour ces deux pieces, Corsange déclare avoir eu un col- laborateur. Les deux amis avaient eu le projet de faire six tableaux dé famille : la mort du collabora- teur a empêché d’exécuter ce pro— jet. 3° L’Inconséquent où les Deux sœurs. comédie en un acte et en prose , mêlée d’airs choisis ; 4° les Mariages assortis, coinédie en un acte , mêlée de chants ; 5° le Fourbe dupe de la fourberie, comé- die-vaudeville en un acte; 6° le Cultivateur hospitalier , comédie en deux actes, mêlée de musi- que. Corsange eut pour cette piece un collaborateur, 5° La Laitière suisse, ou Pauvre Jacques, come- die en un acte , mêlée de vaude- villes; 8° Restons dans notre état, comédie en un acte et en prose; 9° le Büienfait et la Reconnais- DAM 91 sance, comédie en deux actes, méc- lée d’airs choisis. Le tome Îl comprend : 1° C{é- mentine et Saint- Albin, ou le Dé- lire, comedie en deux actes et en prose , mêlée de musique; 2° la Belle-mère, comedie en deux actes et en prose, mêlée de musique ; 5° la Malédiction paternelle, comé- die en trois actes et en prose; &> le Billet au porteur , comedie en un acte et en prose ; 5° l’Intri- gant démasqué , comédie en un acte et en prose; 6° la Débutante, co- médie en un acte, mêlée d’airs choisis; 7° Wirginie, ou l'Orphe- line du village, comédie en ün acte et en prose, faite en société avec Henrion (mort le 8 octobre 1607, à 39 ans); 8° Lequel dès deux, comédie en un acte et en prose. 11. L’/rrésolution. IT. Lucile et Sainval, saut de talens. IV. La Résolution téméraire. V. Les Rivaux d’un moment: Je crois qu'aucune de ces qua- tre dernieres pièces n’est impri- meée ( Extrait de la Bibliographie de la France, rédigée par M. Beu- chot , 1823, p. 134). ou À5s- à Re DAMESME (Louis Emmanurr- AIMÉ), né à Magny ( Seine-et- Oise), en1757, architecte du Gou- veruement, A mort à Paris d’une attaque d’apoplexie, au mois d’ä— vril 1822. Les constructions qu’il a dirigées dans cette capitale sont considérables. On doit surtout citer avec distinction le Théâtre de laSociété Olympique, rue Chan- tereine , que les amis des beaux- arts regardaient comme un chef- L d’œuvre dans ce genre. L’empe- reur Alexandre, apres l'avoir visité, en demanda à M. Damesme les plans , qu'il avait le projet de faire exécuter dans la capitale de son empire ; et Jui fit remettre à cette occasion, par son ministre, M. le comte ‘e Nesselrode , une lettre accompagnée d’une bague enrichie de diamans. Dans le con- cours pour le plan d’un arc de triomphe, M. Damesme eut l’hon- 72 DAV neur d'obtenir le prix. Cet habile architecte a couronné sa réputa- tion par deux monumens d’un genre très-opposé, qu'il a récem- ment construits à Bruxelles, le Théâtre royal et les Prisons civiles. DAVAUX (J... B...\, musi- cien, était né en Dauphiné, d’une famille honnête. Son père avait quatorze enfans, et sa fortune était des plus médiocres. Il ne négligea rien cependant pour leur donner une bonne éducation, et le jeune Davaux répondit avec beaucoup de zèle aux soins qui lui furent prodigués. Il fit particulierement des progres tres-rapides dans l’art de larmusique, vint à Paris à l’âge de vingt-trois ans , pour y conti- nuer ses études et y cultiver ses talens avec plus d'avantage. Bien- tôt 1l se livra à la composition, et donna au public des Concerto pour le violon. Ces essais d’un jeunc amateur furent accueillis avec d’autant plus d’empressement que l’exécution en était facile, et la mélodie pleine de grâces. Encou- ragé par le grand succès de ses concerto, 1l perfectionna , ou plutôt il crea un genre nouveau dans la musique instrumentale : il publia successivement plusieurs symphonies concertantes, dont le charme ajoutait chaque jour à sa réputation. Les maîtres et les ama- teurs de la capitale recherchaient ses ouvrages avec empressement. Il composa pour quatre musiciens célèbres, Jarnovick, Guérin, Gué- nin et Duport, des quatuors, où les chants les plus suaves se fai- saient entendre au milieu d’une douce harmonie. Plusieurs mor- _ceaux de ces productions si grâ- cieuses, étaient des rondeaux DEL charmans, dont on aimait à répéter les motifs , et qui lui firent donner par les musiciens, Je nom de pére aux rondeaux. Les quatuors des plus grands maîtres publiés depuis cinquante ans , n’ont pas fait ou- blier ceux de J. B. Davaux ; et la vente de ses ouvrages a fait la for- tune de leur éditeur. Lorsque, durant laRévolution, le ministère de la guerre fut confié au général Beurnonville , J. B. Davaux fut placé dans les bureaux de ce mi- nistere, et 1l y remplissait encore la place qu’on lui avait donnée, lorsque la Légion-d’'Honneur fut instituée. M. de Lacépede,nommé le premier grand Chancelier de cet ordre, s’empressa d'appeler aupres de lui J. B. Davaux , pour lequel il avait autant d’estime que d’atta- chement ; il le nomma chef d’une division. Cette division ayant été supprimée en 1815 , lors de la nouvelle organisation de l'Ordre, M. le maréchal Macdonald , nou— veau Chancelier , fit obtenir une pension de retraite à J. B. Da- vaux. I] est mort à Paris le 2 fe— vrier 1822, dans un âge avance. Il était membre de la Société aca- démique des enfans d’Apollon. DELAMBRE ( JEan-BaPTISTE- Josepx) , astronome, naquit à Amiens , le 19 septembre 17/9. C'est dans cette ville qu'il fit ses premières études, et il devint un helléniste profond , long-temps avant de s’occuper des sciences mathématiques. C’est aussi au collége d'Amiens qu'il connut l’abbé Delille, qui exerçait alors dans cette maison, les modestes fonctions de répétiteur. Depuis, la carrière de la célébrité s’ouvrit pour le maître et pour le disciple; DEL et ls y marcheèrent tous deux d’un pas presqu’égal , et dans une commune amitié. Delambre avait trente-six ans lorsqu'il commença à étudier l’astronomie , sous La— lande, qui se plaisait à dire de lui qu'il était son meilleur ouvrage. Des son début dans la carriere, il parvint à construire les tables qui font connaître la marche d’Ura- nus, planète récemment décou- verte par Herschell, et commença dès-lors à publier, dans Ja Con- naissance des Temps, le fruit de ses infatigables recherches. Apres avoir présenté plusieurs mémoires à l’Académie des Sciences, il rem- porta, en 1700 et 1792, le prix de cette Académie, pour ses tables d’Uranus et celles des satellites de Jupiter ; il présenta hors de con- cours , ses tables de Jupiter et celles de Saturne. Ces vastes tra— vaux le firent nommer à l’unani- mité , membre de l’Académie des Sciences , au commencement de 1792 : M. Delambre avait aussi à cette époque, le titre d’astronome du roi. L'Assemblée constituante avait décrété l’établissement d’un nouveau systéme de mesures, fondé sur la grandeur du méri- dien terrestre : M. Delambre re- cut, avec Méchain, la mission de mesurer l'arc du méridien depuis Dunkerque jusqu'à Barcelone ; opération qui, sans cesse inter rompue par les vicissitudes et les traverses de la Révolution, ne put être terminée qu’en 1799. il fut chargé de la partie qui s’étend de- puis Dunkerque jusqu’à Rhodez, tandis que son collegue opéra de- puis Rhodez jusqu'a Bancelone. Les travaux de M. Delambre furent interrompus en 1793, par le Comite de salut public. « Les DEL 23 4 » missions du Gouvernement, di- » sait le Comité, ne pouvaient être » données qu’à des hommes dignes » de confiance par leurs vertus ré- » publicames et leur haine pour les » rois. » Apres seize mois de sus- pension, Delambre fut autorisé à reprendre ses travaux ; ils le con- duisireut dans la partie du Lan-— guedoc voisine de la Catalogne, où 1l séjourna quelques mois. En 1705, M. Delambre avait été placé parmi les astronomes du Bureau des longitudes, et parmi les mem- bres de la premiere classe de l’Ins- titut, des la premiere organisation de ces deux corps savans. Le der- nier l’élut, en 1803, secrétaire perpétuel pour la partie mathé- matique. Depuis lors , toutes les académies célebres d'Europe et d'Amérique s’empresserent de le placer au rang de leurs membres honcraires. Nommé sous le gou- vernement consulaire,inspecteur- général des études , il organisa le lycée de Moulins, en 1802, et celui de Lyon, en 1803. Dans ces mis- sions importantes, 1l apporta un égal degré de zèle et d’impartia- lité. Durant l’année 1807,1l obtint au Collége de France, la chaire laissée vacante par la mort de Lalande , son maître et son ami. En 1808 il fut nommé trésorier de l’Université, et en 1814, membre du Conseil royal de l'instruction publique. Il perdit cette derniere place en 1815, et fut admis à la retraite. Enfin .M. Delambre fut membre de la Légion-d'Honneur lors de la création de cet ordre, chevalier de Saint-Michelen 1817, officier de laLegiou-d'Honneur en 1021 , et 1l avait recu du gouver- nement impérial le titre hérédi- taire de chevalier, avecun majo- 74 DEI, rat en dotation. Le prix décennal de l'astronomie fut décerné par l’Institut, à l'ouvrage dans leque! M. Delambre avait consigné les détails et les résultats de ses tra- vaux pour la mesure du méridien, et pour la détermination du sys- tème métrique ; personne n’a con- tesié la justice de cette désigna- üon. M. Delambre employaitavec ardeur les loisirs de ses dernieres années , à écrire l’histoire de la sciènce à laquelle il dut sa gloire et sa fortune , lorsqu'une maladie lente est venue l’enlever, Îe soir du 18 août 1822, âgé de 92 ans. « Il paraït , dit le rédacteur de |’ Ami de laReligionet du Roi(t. XX XIII, P. 111), que ce savant avait le malheur de ne pas croire. Disciple de Lalande, il avait hérité de lui, sinon $a manie d’athéisme , au moins un éloignement entier pour la religion. Il était néanmoins plus réservé sur cette matière que plu- sieurs de sès confrères, et 1] n’af- fectait point le ton insultant ou haineux pour les objets de notre foi... Nous voudrions pouvoir an- noncer que Ja maladie l’a ramené à des sentimens de religion ; nous n'avons pu obtenir aucun rensei- gneméènt à cet égard.» Les restes de M. Delambre ont été déposés au cimetière du P. La Chaise, où M. Cuvier, au nom de l’Académie dés Sciences , M. Biot , au nom du Collége de France , M. Arago, au nom du Bureau des longitudes, ont tour à tour prononcé son eéloge (1). L’Académie d'Amiens, patrie de M. Délambre, a mis son éloge au concours, pour 1823. (1) Ges pièces se trouvent dans la collection des imprimés de FlInstitut. Paris, Firmin Didot, 1822, in-4. DEL Il nous reste , aides de quelques guides sûrs , à essayer de faire ap- précier convenablement les ou- vrages de M. Delambre. M. Ch. Dupin a tracé rapidement le ta- bleau des travaux de son confrère à l’Institut, « de ces travaux, dit- il, qui ont reculé les bornes de la science ; qui, durant beaucoup d’années , ont assuré à la France le sceptre de l’astronomie, qui ont donné à notre patrie les bases im- périssables du plus beau système de mesures que les peuples civilisés aient jamais établi. Qu’on ajoute à ces titres des ouvrages classiques par leur clarté comme par leur méthode , transcendans par la grandeur de leur exécution et par la profondeur de leur conception ; un traité d’astronomie dont le simple abrégé présente le meilleur des livres élémentaires, grâce à l’heureux enchaînement qui rend facile et presque populaire lin- telligence des résultats les plus su- blimes. Ce même traité d’astro- nomie qui, considéré dans son ensemble , porte partout les mar- ques de l'invention et du genie, par le grand nonibre de belles mé- thodes et de formules élégantes, de démonstrations ingénieuses et de resultats nouveaux qui appar- tiennent à l’auteur. Qu’on ajoute à ces titres scientifiques, l’ache- vement et la publication des gran- dés Tables trigonometriques de Borda, et ces Tables si célebres et si parfaites du Soleil, de Sa- turne , d’Uranus , de Jupiter et de ses satellites ; ces Tables qui, pour être produites , demanderent un concoufs de travaux uniques dans l’histoire des sciences... . Ces Tables , dont le caractere est celui d’une précision que jusqu'alors on DEL n’avait pas osé espérer atteindre, sont devenues indispensables à la fois aux observateurs , aux navi- gateurs de toutes les nations. À ces vastes recherches, ajoutons pour dernière entreprise, l'Histoire de l’Astronomie , etc. » Sur cet ouvrage , écoutons M. Cuvier : « Avant lui, l’histoire de l’astro— nomie avait ses temps fabuleux, comme l’histoire des peuples ; des esprits superficiels n'avaient pas su la dégager de sa mythologie ; loin de là , 1ls l'avaient embarras- sée de conceptions fantastiques. M. Delambre paraît, et sans effort il dissipe ces nuages ; hisant toutes les langues , connaissant à fond toutes les sources, il prend chaque fait où 1l est, 1l le présente tel qu’il est; jamais 1l n’a besoin d’y sup- pléer par les conjectures et l’ima- gimation. Nulle part, dans ce livre d’une simplicité si originale , ilne se substitue aux personnages dont il raconte les découvertes. C’est eux-mêmes qu'il fait parler, et dans leur propre langage. Chacune de leurs idées se montre au lec- teur, comme elle s’est montrée à . eux-mêmes , revêtue des mêmes images, entourée du même cor- tége d'idées préparatoires et ac- cessoires : on la suit à travers les âges et dans tous ses développe- mens ; on en voit naître à chaque siècle , comme des générations d'idées nouvelles ; et ainsi se forme et se complète, en queique sorte sous nos yeux, cette science ad murable , première création du génie de l’homme, et celle qu’il lui a été donné de porter le plus près de sa perfection. Et ce qui, dans ce grand ouvrage, n'est pas moins précieux ni MOINS rare que cette exposition une et entiére des DEL faits, c'est cette probite scienti- fique, si l’on peut s'exprimer ainsi, cette recherche pure de la vérité, que rien ne détourne de son but : ni les jalousies nationales, ni la considération des personnes, ni ces idées de parti qui sont venues troubler jusqu'a la science du ciel. » Ces derniers mots font allu- sion aux hypothèses chimériques et fabuleuses de Bailly et de Du- puis , que M. Delambre a com- pletement détruites, ainsi qu'aux opinions exagérées qu’on à essayé de propager, et sur l'antiquité du monde, et sur la prétendue haute science de certains peuples an- ciens, toutes choses que l’historien de l'astronomie a réduites à leur juste valeur. Ainsi cette science ne doit pas seulement à M. Delambre les plus savantes observations et lesexpériences les plus précieuses, mais de plus, grand nombre d’as- sertions fausses, avancées par des auteurs respectables d’ailleurs, et accréditées faute de moyens ne- cessaires pour découvrir la vérité, n'ont perdu leur vieille autorité que depuis qu’elles ont été com- battues par M. Delambre. C’est ainsi, pour citer un exemple d’un autre genre, qu’en 1705, il prou- va , par de nouveaux calculs, que les réfractions de la zône torride sont les mêmes que celles des zônes tempérées , fait devenu incontes— table, et dont Le Gentil avait donne avant lui une théorie dia- métralement contraire. Les détails du caractere ‘privé de M. Delambre ne sont pas moins honorables pour sa memoire. Il entretenait une vaste correspon- dance avec les observateurs et les mathématiciens de l'Europe en- üière. Il accueillait avec empres- 75 76. DEL sement leurs découvertes, aux- quelles il se complaisait à donner une prompie et juste célébrité. Charge , comme organe de l’Aca- démie des Sciences, d'écrire l’his- toire annuelle et générale des sciences mathématiques, ou d’ap- précier les talens et les travaux de ses confrères décédés , en expo- sant les recherches et les décou- vertes dont il montrait les dificul- tésetle mérite, s’il oubliait quel- que chose, c'était la part que ses propres travaux, ses vues et ses conseils lui auraient doune droit de réclamer. Cette modestie était poussée plus loin que le devoir et la bienséance ne commande.Qu'on lise, par exemple, l’article que M. Delambre a consacré à son collaborateur Méchain,dans la Bio- graphie Universelle , et l’on ne se douterait pas, si l’on ne le savait d’ailleurs, que c’est M. Delam- bre qui a partagé les travaux de Méchain , pour la mesure de l'arc du méridien qui a servi de base à notre système métrique , ou pour parler plus exactement , que c'est a M. Delambre qu’est due la meil- leure partie de cet important tra- val. Élevé au-dessus des rivalités et des préjugés nationaux , :l donna une preuve de son admi- ration bien sentie pour les tables lunaires de M. Burg , en euga- geant leGouvernement à faire des propositions à ce savant étranger. Sa conscience scientifique égalait sa modestie. Par exemple, lorsque M. Carlim releva de légères er— reurs dans les tables solaires de M. Delambre , celui-ci saisit l’oc- casion de déclarer dans plusieurs journaux que M. Carlini avait rai- son, ajoutant que lui-même ve- nait de remarquer dans ses tables DEL une faute plus essentielle , dont il publiait la rectification. « Déposi- taire , dit M. Ch. Dupin , des pen- sées les plus intimes de tous les correspondans qui cultivaient les sciences mathematiques , confi- dent de leurs discussions, de leurs réclamations, de leurs plaintes, tantôt dictées par la justice et tantôt par des passions dont la géométrie n’affranchit point le cœur de l'homme, il a cherche pendant sa vie à concilier les es- prits , en rendant à chacun la jus- üce qu’il était en droit d'espérer , sans la rendre aux dépens de l’a- mour-propre d'autrui. À la cha- leur des querelles littéraires et scientifiques , il opposait sa dou— ceur inaltérable et cette patience éclairée qui n'appartient qu'aux hommes d’un caractere et d'un esprit supérieur , parce que l’éié- vation de leur âme et la profon- deur de leur prévoyance les pla— cent toujours dans la situation où devront se trouver le cœur et la pensée du restedes hommes, apres que le temps aura calmé leurs -emportemens et dissipé les illu- sions du présent... Tel fut le sage , l'indulgent , l’équitable Delambre, envers les hommes qui cultiverent les sciences ma-— thématiques. Tel il fat envers eux au moment même de sa mort; et, si je puis parler ainsi, tel il fut encore au dela du terme de son existence. Lorsqu'il sentit appro- cher la fin de sa carriere, il fit lui- même la revue de sa vaste corres- pondance ; 1l mit à part ioutes les lettres qu’il avait reçues de chacun des savans avec lesquels il entre- tenait un commerce eépistolaire; il pria son épouse d'apprendre à chacun de ses correspondans qu’il Le LA L DEL pouvait réclamerses propres lettres ou mander qu’on les détruisit. » — « Qu'il me soit permis du moins, dit encore M. Cuvier , au moment ou je vous dis ce triste et dernier adieu, de rendre témoignage à cet admirable caractère que , pen- dant vingt ans de liaison intime et de rapports journaliers , je n’ai pas vu se démentir un instant. Ja- mais , pendant ce long intervalle, un seul mouvement n’a troublé votre inaltérable douceur. Jamais, au milieu d’affaires si variées, si importantes , à l’Université , à l'Institut , dans les discussions scientifiques comme dans celles de l'administration , 1l ne vous est échappé une parole qui ne füt dic- tée par la justice et la raison. » — « La jeunesse studieuse , dit à son tour M. Arago, a constam- ment trouvé dans M. Delambre le protecteur le plus empressé. L’a1- mable gaîté de son esprit , les iré- sors d’une mémoire inépuisable, nourrie de tous les bons modeles des temps anciens et des temps modernes , donnaient à sa conver- sation un charme tout particulier. La douceur et l’égalite de son ca- ractère ne se sont pas un seul ins— tant démenties, m1 dans le cours d’une longue carriere, ni durant la cruelle maladie qui l’a enlevé à l’Europe. » M. Charles Dupin a publié une Notice nécrologique sur M. De- lambre, dans la Revue Encyclo- pédique(t. XVI, p.437 ); M. Fou- rier qui a succede à M. Delambre dans les fonctions de secrétaire perpétuel, pour les sciences ma- thématiques , de l’Académie des Sciences , prononcera son éloge devant cette savante compagnie. DEL Liste des ouvrages de TJ. B. J. Delambre. I. Tables de Jupiter et de Sa- turne. 1789, in-4{ Voy. ci-après n. IV). II. Méthode analytique pour la détermination d’un arc du méridien, précédée d'un Mémoire sur le même sujet, par À. M. Legendre. Paris 799 ; in-4. III. Base du système métrique décimal , ou Mesure de l'arc du méridien compris entre Dunkerque et Barcelone, exécutée en 1592 et années suivantes; par MM. Méchain et Deiambre , rédigée par Delam- bre, etc. Paris, 1506, 1807 et 1810; 3 vol. in-4. Cet ouvrage fait partie des Mé- moires de l’Insütut; c’est celui qui a obtenu le prix décennal de l’astronomie ; il doit avoir une suite. Une portion de la grande entreprise qui fait le sujet de ce livre est due , comme nous l’avons dit , à Méchain, qui mourut avant qu'elle füt terminée. Mais c’est à M. Delambre qu'est due la part la plus importante dans les tra— vaux &’observations. On lui doit ‘sans aucun partage, la théorie qui dirigeait ces travaux, tous les calculs exécutés d’après les ob- servations, et la rédaction com- plète des ouvrages où l’on rend compte des opérations. IV. Tables astronomiques pu- bliées par le Bureau des longitudes de France; Tables du Soleil , par M. Delambre ; Tables de la Lune par Burg ; Tables de Jupiter et de Saturne ; Tables écliptiques des sa- tellites de Jupiter, par M. Delam- bre. Paris, 1806, 1807 , in—/{ en trois parties. « 78 DEL On retrouve dans l’ Astronomie de Lalande les Tables du Soleil, de Jupiter, de Saturne, d’'Uranus, et des satellites de Jupiter. V. Rapport historique sur les progrès des Sciences mathématiques, depuis l’an 1759, lu au Conseil- d'état, le 6 février 1808. Paris, 1810 , in-4 etin-8. Cet ouvrage fait partie des Hé- moires de l’Enstitut , avec les rap- ports de MM. Cuvier et Dacier,etc. VI. Abrégé d'astronomie , ou Lecons élémentaires d'astronomie théorique et pratique. Paris , 10r3, in-6, fig. . VII. Traité complet d’ Astrono- mie théorique et pratique. Paris, 1814, 9 vol. in-/, fig. VIII. Histoire de l Astronomie. — Ancienne. Paris , V°. Courcier, 1817 , 2 vol. m-4, fig. — Du Moyen âge, 1 vol. in-4, fig. 1819. — Moderne. 2 vol. in-4, fig. 1821. M. Delambre a laissé le ma- nuscrit complet de deux autres volumes,qui comprennent Pastro- nomie du 18° siècle, et la figure de la terre. La publication en est confiée à M. Mathieu, membre de l’Institut et du Bureau des lon- gitudes , éleve de M. Delambre, et depuis plusieurs années son suppléant au Collége de France.— On trouve une analise étendue de l'Histoire de l'Astronomie de De lambre , par M. Ferry, dans la Revue Encyclopédique. T. 1°, p.25 et 4or, et tome II. page 417. Delambre a été l'éditeur de l’ou- vragesuivant:T'ables trigonométri- ques décimales, ou tables de loga- rithmes, des sinus , sécantes et tangeantes , suivant la division du quart de cercle en cent degrés, calculées par M. Ch. Borda; re- DES vues, augmentées ct publiées par M. Delambre. Paris, 1804, in-4. Le Moniteur du 26 novembre 1792, mentionne l’hommage fait à la Convention , d’un Mémoire sur la fixation des poids et mesures, par Méchain et Delambre. Avec MM. Lagrange et La- place , il a eu part à la rédaction d’un rapport fait à l’Institut, et imprimé sous ce titre: Notice sur les grandes T'ables logarithmiques et trigonométriques , calculées au bu- reau du cadastre, sous la direction du C. Prony. 1801 , in-4. Îl a fourni des Notes astronomi- ques à la traduction française des premiers volumes des Recherches asiatiques , publiées par Labaume. 1805, 2 vol. in-4 , ainsi qu’à la traduction de la Composition ma- thématique de Ptolémée, par M. l’ab- bé Halma. Paris , H. Grand, 1813—15, 2 vol. in—4; enfin, c’est M. Delambre qui a rédigé les articles des astronomes anciens, dans la Biographie Universelle. Comme secrétaire perpétuel , pour les mathématiques , de l’A- cadémie des Sciences, M. Delam- bre a prononcé en séance publi- que , les éloges de plusieurs mem- bres de cette compagnie savante: ils sont imprimés dans le Mo- niteur. DESBORDEAUX ({ Pierre Francois-FrÉDÉRIC }, médecin, naquit à Caen, le 16 mars 1563, d’un avocat de cette ville. C’est dans l’ancienne faculté de mede- cine de Caen qu'il prit le bonnet de docteur : le Cancer fut le sujet de sa these. Apres quelque temps de séjour à Paris, M. Desbordeaux revint à Caen; et, devenu pro- fesseur agrégé, il signa avec les DES membres de l’Université une pro- testation contre les décrets de l’As- semblée constituante. Plus tard , sous le régime de laterreur ,ilfut considéré comme suspect, et subit quelques mois de détention.Rendu à l’exercice de son art, M. Des- bordeaux n’ennégligea pas lathéo- rie. On lui doit deux écrits, l’un sur les Maladies des enfans , autre sur les Fièvres primitives et épidé- miques ; qui n’ont obtenu pour- tant qu’un médiocre succès. Lors de la réorganisation des établisse- mens umyversitaires, la ville de Caen n’obtint qu’une école secon- daire de medecine, soutenue par le irésor municipal. M. Desbor- deaux fut chargé par l’administra- tion locale, d’y professer la théra- peutique. « il crut, dit M. Faucon- Duquesnay,ne pouvoir suivre une meilleure route que celle indiquée par l’immortel Bichat, dans ses Considérations préliminaires sur l’anatomie générale. Partant de ce principe, « que tout moyen » curatif n’a pour but que de rame- » ner les propriétés vitales altérées » au type qui leur est naturel, » M. Desbordeaux classe les medi- camens d’apres leurs effets sur telle ou telle de ces propriétés. Il les divise d’abord en excitans et en sédatifs; chaque propriété vitale lui sert de subdivision. M. Desbordeaux était médecin de la maison du bon Sauveur, fondée par M. l’abbé Jamet , pour le trai- tement des aliénés , lun des éta- blissemens les plus intéressans que nous possédions en ce genre. Il étaitencore médecin en chef des hospices de la ville de Caen, membre du jury médical et de la Société d'agriculture et decom-— inerce du département du Calva- DES 79 dos, associé de l’Academie des sciences , arts et belles-lettres de Caen, correspondant de la Société de l'Ecole de Médecine de Paris, de la Société Médicale du dépar- tement de l'Eure, et enfin mem- bre du conseil municipal de la ville de Caen. Par ses opinions politiques , M. Desbordeaux ap- partenait au parti aristocratique, et professait ses sentimens reli- gieux. Il est mort à Caen, le 25 juillet 1621. On a publie : Notice biographi- que sur M. Desbordeaux , docteur en médecine, etc. ; par Théophile Faucon - Duquesnay , D. M. P. Caen ,F. Poison , 1822, in-8, 18 pages: Liste des ouvrages de P. F. F. Desbordeaux. I. Nouvelle orthopédie, ou Précis sur les difformités que l’on peut pré- venir et corriger dans les enfans. 1805, in-18. Ii. Dissertation sur la cause di- recte des fièvres primitives qui rè- gnent épidémiquement en Europe, et sur les moyens de s’y soustraire. 1015 ,in—12. « Après avoir succinctement exposé les causes de ces fievres, démontre l’influence qu’excercent sur nous les miasmes déleteres répandus dans l’air et les alimens, décrit les signes d’une bonne di- gestion , énumeéreé les circonstan— ces favorables au mouvement et au repos, enfin, discute les avan- tages et les inconvéniens qui résul- tent des passions , 1l termine en indiquant les moyens préservatifs à employer dans les épidémies » (Notice de M. Faucon-Duquenay; pag. 12). DES M. Desbordeaux a laisse en ma- nuscrit un T'raité sur les maladies des femmes. 80 DESEINE ( Louis-PrerrE), sculpteur, naquit à Paris, en 1750. Il remporta le grand prix de sculpture en 1780, ce qui lui va- lut, selon l’usage , d'aller à Rome en qualité de pensionnaire du roi. En 1765 , il fut agrégé à l’an- cienne Académie de peinture et de sculpture , dont il prit la dé- fense ayec beaucoup de zèle, à l’époque de sa suppression , au commencement de la Révolution. M. Deseine se montra constam- ment l’ami des anciennes insti- tutions, et l’adversaire des choses nouvelles , en tant qu'il eut à s’en occuper dans le cercle assez res- serré, sous ce rapport, de Part qu’il culuivait. Les écrits qu’il pu- blia en ce sens ne permettent point de le passer sous silence ; c'était d’ailleurs un homme religieux et un homme de bien. Artüste labo rieux et habile , son talent ne s’est jamais élevé à un degré de su- périorité tres-eéminent. Il est mort des suites d’une paralysie interne, le 13 octobre 1822, àgé de 72 ans. Liste des ouvrages de sculpture de L. P. Descine. TI. Bacchus et Hébé , statutes en marbre, exécutées pour lechâteau de Chantilly, et qui valurent à Vartiste le titre de sculpteur du prince de Conde. Il. Louis XV T1, buste. IH. Louis XV IT, idem.On croit que c’est le seul portrait d’après nature qui nous reste de ce jeune rince. IV. Pie VII, buste. El valut à DES l’auteur Ja décoration de l’Eperon- d'Or. | he V. L'Hôpital et Daguesseau, sta- tues placées au pied des degrés de la façade de la Chambre des députés. VI. Les stations de la passion de Jésus-Christ et sa sépulture, bas= reliefs, dans la chapelle dite le Calvaire , derriere le chœur de Saint-Roch: c’est un ensemble considérable, et qui offre plusieurs parties remarquables. VII. Le Mausolée du cardinal de Belloy, en marbre, grande dimen- sion, dans une des chapelles qui entourent le chœur, à Notre- Dame : c’est le dernier ouvrage termine de Deseine , et l’un des meilleurs qui soient sortis de son ciseau. VIII. Le Mausolée du duc d'En- ghien, pour la Sainte-Chapelle de Vincennes. Cet ouvrage, laisséina- cheve par Deseine, sera terminé par M. Durand, son neveu, ancien pensionnaire du roi, à Rome. M.Deseine a rétabli et restauré, dans une des chapelles de l’église” de Notre-Dame, le mausolée du duc d Harcourt, exécuté par Pi- gale. On doit aussi au même ar- üste plusieurs bustes tres - bien modeles. Liste des ouvrages imprimés de L. P. Descine. I. Réfutation d’un projet de ré- glement pour l Académie centrale de peinture, sculpture, gravure et ar- chitecture , présentée à | Assemblée nationale par la majorité des mem- bres de l’Académie royale de pein- ture et sculpture. 1591, in-8. Il. Considérations sur les Aca- démies , et particulièrement sur cel- les de peinture, sculpture et archi- DES tecture , présentées à l’Assemblée nationale. 1791, in-5. III. Lettre sur la sculpture des- tinée à orner les temples catholi- ques , adressée au premier Consul. 1802 ,in-0. IV. Notices historiques sur Les anciennes Académies de peinture , sculpture et archilecture. 1814 , in-8.. V. Mémoire sur la nécessité du rétablissement des mattrises et cor- porations. 1815, in-4. DESGRANGES (Micxer), plus connu sous le nom de Père Ar- change, prêtre capucin, né à Lyon en 1754, émigra pendant la Révo- lution. À son retour,ilse livra à la prédication qu'il exerçait à la ma- niere de son Ordre. Peu d’annees avant sa mort, vers le commence- mentde la deuxieme Restauration, il alla à Chambéry, où il séjourna quelque temps, dans un couvent de Capucins. Il revint ensuite à Lyon, et fut habitué de l’église de Saint-Pierre ; enfin 11 y avait quelques mois qu’il était à l’hôpital de la Charité, où des personnes pieuses l’avaient fait entrer, et où elles ne le laissaient manquer de rien , lorsqu'il est mort , le 13 oc- tobre 1822. Le P. Archange était plus royaliste que le roi, et plus ultramontain que le pape : ses brochures sont ce qu’étaient ses sermons, de véritables capuci- nades, Liste des ouvrages de M. Desgranges. I. Discours adressé aux J'uifs, et utile aux Chrétiens, pour les con- firmer dans leur foi. Lyon, veuve Barret , 1788, in-6 de 143 pag. DES 8t TL. Aperçu nouveau d’un: plan d'éducation catholique , par L. P. À. D. L. C. P. Lyon, Rusand, 1014, in-8. UT. Réflexions intéressantes. 1815 , in-3 de 13 pages. IV. Précis abrégé des vérités qui distinguent le catholique de toutes les sectes chrétiennes et avouées (sic) par PEglise de France; par M. D***, ancien professeur de théolo— gie. Lyon, Rusand, 1817, in-8 de 46 pages. N. Explication de lu Lettre en- cyclique du pape Benoit XIF, sur les usures, par le R. P. Michel Archange, prêtre capucin, ancien professeur de théologi®; suivie de quelques Réflexions particulières de l’auteur. Lyon , Théodore Pitrat, 1822 , in-6 de ij et 43 pages. M. Jacquemont , ancien curé de Saint-Médard, en Forez, a pu- blié une solide réfutation de cet écrit , ainsi que de celui de M. Bé- tend , qui a pour titre : Réflexions sur le respect dû au päpe et à ses décisions dogmatiques. Cette réfu- tation est intitulée Les Maximes de lEglise gallicane victoricuses des attaques des modernes ultra- montains , ow Réponse à deux écrits, etc. DESGRA VIERS ( Aucusrn— CLawpe-Leconte , Chevalier), du uom d’une terre que#a famille pos- sédait en Normandie, était fils d’un conseiller au Parlement de Paris. Il naquit dans cette ville, le 7 mai 1749, et fut d’abord destiné au même état que son père. Déjà même il avait prêté ie serment d'avocat, lorsqu'il fut détourné de cette carrière par M. le prince de Conti , qui le détermina à quit- ter la robe pour l’épée. Des l’année 6 82 2770 il fut nomme gentilhomme d'honneur du prince. En 1788 il obtint la croix de Saint-Louis , et lus tard le gradesde lieutenant- colonel de dragons. A:l’exemple de M. le prince de Conti, le cheva- ler Desgraviers n’émigra point ; mais, lorsqu’après le 18 fructidor le prince fut expulsé de la France, le chevalier Desgraviers n’hésita point à s’expatrier pour luiet avec Jui. Il l’accompagna dans tous ses voyages, en Belgique , en Alle— magne et en Espagne, l’aidant de ses services personnels et même de ses ressources pécunmiaires. Quoiqu'il eût subi plusieurs mois de détention , sous le régime de la terreur , il ne craignit pas de rentrer en France à diverses repri- ses , pour soiliciter l'exécution des engagemens pécuniaires, contrac- tés par la Nation à l’égard du prince de Conti, à titre de compensation pour ses biens confisqués. Ces dé marches, plus d’une fois couron- nées du succes , n'étaient pas en— tierement exemptes de danger ; car un ordre du ministre de la po- lice générale fit, au mois de no- vembre 1813 , détenir à la Force le chevalier Desgraviers, et sa femme aux Madelonnettes, Pen-— dant un mois ils furent tenus au secret, comme prévenus de manæu- vres contre la sûreté de l'Etat. M. le prince de#Conti paya ses ser— vices de la plus tendre affection ; ses sentimens furent consignés dans une nombreuse correspon— dance , dont les principales pieces ont été remises entre les mains du Roi , apres la Restauration. Quelques années avant la Révo- lution , M. le comte de Provence (aujourd’hui Louis XVIII) , avait acheté à M. le prince de Conti la DES DÉS superbe terre de l’Ile-Adam ; conjointement avec le roi Louis XVI son frere, alors régnant. Les événemens survenus depuis , nuisirent à la réalisation complete du prix du domaine de l’Ile-Adam, entre les mains de M. le prince de Conti. C’est pour y parvenir que M. le chevalier Desgraviers, en sa qualité de légataire universel du feu prince de Conti, assigna le Roi devant les tribunaux, en la personne de son procureur. Ce procès , remarquable par la qua-— lité des parties, autant que par l’importance de l’objet et de la question , a fait du bruit au bar- reau, et son souvenir se conser- vera long-temps dans ses annales. La cause fut plaidée pour M. le chevalier Desgraviers, par l’habile avocat M° Dupin l'aîné, avec cette érudition historique qui le distin- gue singulièrement. Néanmoins le demandeur succomba en premiere instance ; 1l triompha en appel , et succomba définitivement en cassa- tion , à la majorité, dit-on, d’une seule voix. M. le chevalier Des— graviers ne survécut pas long- temps à cet éclat; 1l est mort à Paris, le 20 novembre 1822. MM. de Conti, fils naturels et recon- nus du pénultième prince de Conti, se sont fait un devoir d'assister aux obsèques de ce dévoué serviteur de leur famille. Sous Je titre d’Affuire de M. le chevalier Desgraviers, elc., contre le Roi, en la personne de son procureur, 1 vol. in-5 , on a réuni les pièces suivantes , qui ont été aussi publiées et distribuées à part: 10 Plaidoyer devant le tri- bunal de 1°° instance (1820 , 72 p.); 2° Notes sommaires sur te jugement de i"* instance (10 pag.); 3 Exorde DUC de la plaidoyerie, prononcée devant La Cour royale (4 pag.); 4° Réplique de M° Dupin pour M. le chevalier Desgraviers , légataire universel de feuS.A.S. Mr. Le prince de Bour- bon-Conti, prince du sang, contre Le Roi, en la personne de son procu- reur,recueillies par les sténographes, avec les pièces justificatives. Paris, Baudouin frères, janvier 1821, 124 pages. Ce curieux et savant mémoire contient les détails bio— graphiques les plus étendus, sur le sujet de cetarticle. Liste des ouvrages de A. CI. L. Desgraviers. I. (Avec son frere). L°’Art du valet de Limier, 1585, in-12 — 2° édit. sous ce titre : Essuidevénerie, ou l’Art du valet de Limier ; suivi d'un Traité sur les maladies des chiens et leurs remèdes, d’un F'o- cabulaire des termes de chasse et de pénerie, et d’un état de divers ren- dez-vous de chasse, et placemens de relais, dans les forêts qui avoisinent Paris. 1804, in<5. — 3° édition, Paris , 1810 , in-8. La Biographie des hommes vivans assure que M. Desgraviers est reste étranger aux deux réimpres- sions de son ouvrage. Il. Le parfait Chasseur ; Traité général detoutes les chasses. Paris, 1810, in-5, avec fig. et musique. III. Bouquet de fète, piece en l’honneur de la fête du Roi. 1816. DUCHESNE (Hewri-GABRIEL), naquit à Paris en 1739. Il cul- tiva tour à tour les sciences ec- clesiastiques , les sciences natu-— relles et même les belles-lettres. Chacune de ces branches des connaissances humaines lui doit DUC 83 quelque ouvrage estimable. Il remplit, en outre et successi— vement , les fonctions de chef du bureau de l'Agence générale et de garde des archives du Clergé de France ; depuis las Révolu- tion celles de conseiller référen- daire à la Cour des comptes, où il obtint sa retraite, avec le titre d’honoraire. il 2 rédigé pour cette cour, un rapport très-détaillé sur l’ordre établi dans les collections de livres reliés, portefeuilles et cartons de Vancienne Chambre des comptes de Paris. Il s’est pa- reillement occupé des tables des mémoriaux , plumitifs et jour- naux de ja même chambre. « En- fin, dit M. Alphonse Taillandier, pour couronner une vie si pleine de travaux utiles, M. Duchesne entreprit une tâche , qui par l’im- mensitée de son étendue et les difficultés qu’eile offrait, aurait été capable d’effrayer même ces savans religieux , qui ont profité du silence et de la solitude des cloîtres, pour donxer à la France ces grandes collections qui nous sont enviées par les littératures étrangères, M. Duchesne con- sacra les douze dernières années de sa vie à faire une analyse com- plette de tous les ouvrages du P. Kircher; c'est-à-dire de l’un des plus laborieux savans qui aient existé. Pour vous donner une idée du courage qu'il fallut à M. Duchesne pour entreprendre une semblable tâche, je dois vous rappeller que le P. Kircher a laissé 22 vol. in-fol., 11 vol. in-4. et 3 in-8. La plupart de ces ou- vrages soft consacrés à presque toutes les branches des connais- sances humaines , æla physique, à la géographie , à l’archéolo- 81 DUC gie, etc. M. Duchesne les a tous Jus et examinés avec le plus grand soin ; il en aura élagué les inu- tilites et les redites, fruits d’une trop verbeuse érudition. Son ex- trait desouvrages du P. Kircher est renferme dans deux forts vol. in-fol. manuscrits ». M. Du- chesne est mort à Paris,le 21 dé- cembre 16822. Il était membre émérite de la Société philoma- tique de cette ville. On a publie , 1° Discours pro- noncé aux funérailles de M. H. G. Duchesne , etc., par M. Alphonse T'AILLANDIER, avocat à laCour royale de Paris. Firmin Didot, in-8, 8 pages ; 2° Catalogue des livres de feu M. H, G. Duchesne, etc. Paris, Tilliard, 1823 , in-8 deux feuilles. Liste des ouvrages de M. H. G. Duchesne, I. Manuel du naturaliste , par les sieurs, D. et DT. ( Duchesne et Macquer ). Paris , 1970, à vol. in-8. — Nouveile édition , 1797, 4 vol. in-5, . . IT. La France ecclésiastique , années 1774 et suivantes, jus— qu’en 1709. Paris ,in-12. IIT. Dictionnaire de l’industrie, ou Collection raisonnée des procé- dés utiles, dans les sciences et dans les arts. Paris, 1776, 3 vol. in-8. — Troisième édition, entièrement refondue et considérablement aug- mentée ( 18o1),6 vol. in-6. La France littéraire de Ersch donne pour collaborateur à M. Duchesne, dans la rédaction de ce Dictionnaire, tantôt Macquer (1% Supplément ) , tantôt B. de Préfort ( 2° Supplément ). DUR IV. Notice historique sur la vie et les ouvrages de J.-B. Porta, gen- tilhomme napolitain, par M. DX*+, Paris, Poignée, an XI (18of), in-5. V. Comédies de T'érence, en vers francais. Paris, 1806, 2 vol. in-8. M. Duchésne a réuni dans cette collection , trois comédies , traduites par lui, aux trois dont Ja traduction est due à La Fontame et à Baron. DUCOS ( ANGÉLIQUE CAZE DE Lapove, marquise de BLANVILLE, puis épouse de M. B....), morte à Paris, le 24 janvier 1821 , est auteur de. Î. Marie de Saint-Clair. an VI (1708), Paris, Maradan, in-12. — Trad, en allemand, par Lk.F. Huber. Leipzig , 1700, in-8. II. Clémence de V'illefort. Paris, Dentu, an VII, 2 vol. in-12. IIT. Lettres de Louise et de V 4 lentine. Paris, Mongie jeune et Ferra aîne; "511,2 vol. in-1®. ( Extrait de la Bibliograpliie de la France. 1823, pag. 303). DUROURE ( Louis - Hewri- SCIPION — GRIMOARD — BEAUvOIR , comte ), naquit à Marseiile, en 1763. Sa famille paternelle avait la prétention d’avoir donné des papes au siége apostolique d’A- vignon; sa mère était fille unique du comte de Catherlong, pair d'Irlande ; etsa grand’mere était sœur du célébre lord Bolingbroke. Duroure embrassa la cause de la Revolution avec enthousiasme , et vint à Paris où 1l se fit recevoir au club de 1789, et ensuite à celui des Cordeliers , dans lequel , plus tard, domina Danton. Cette cir-. DUR constance lui valut la faveur de la faction qui en prit son nom. Il fut chargé par la Commune, en novembre 1792 , d'examiner la conduite mimistérielle de Rolland, et, après le 31 fnai 1703, d’écrire l’histoire des événemens de cette journée , à laquelle il n’était pas resté étranger, comme officier municipal. Echappé à la pros- cription que subirent les Corde- liers, et à la réaction thermido- rienne , Duroure reparut un ins- tant sur la scene, en 1799, dans le club du Manege, et dans le Journal des hommes libres, où il a donné entre autres articles , ceux qui sont imtitulés : Aux hom- mes libres: Après le 18 brumaire, son nom fut porté sur la liste de déportation, qui ne fut pas mise à exécution. Depuis , il a vécu dans la retraite, assez maltraité de la fortune , mais fidele à ses principes politiques et s’occu- pant surtout de ja langue et de la législation anglaise, dans lesquelles il était profondément versé. Duroure s’etait rendu à Londres, pour y recueillir unesuc- cession provenant du côté mater- ne! , lorsqu'il mourut dans cette ville, au mois de septembrer1822. On ade lui : Le Maitre Anglais, ou Grammaire raisonnée pour faciliter aux Français l'étude de la langue anglaise ; par W7. Cobett. 3° édit. enrichie de deux nouvelles tables, revue soigneusement , corrigée et augmentée de notes critiques et ex- plicatives , ainsi que de quelques ad- diticns essentielles au texte de lou- vrage. 1805, in-8. — 4° édition. 1800. — 5° édit. 1816, in-8. — M. Duroure'a traduit divers actes du Parlement anglais, et fourni plusieurs Notes, dans la traduction DUR 85 française , par M. Comte , du Traité des pouvoirs et des obliga- tions des jurys, de sir Richard Phillips. Paris, 1810, in-8. DURZY ( MARIE — PIERRE — Herr ) , naquit à Montargis (Loiret), le 24 avril 1785 , d’une famille d’ancienne bourgeoisie. Après avoir fait son cours de droit et son stage à Paris, 1l fut nomme conseiller-auditeur à la Cour im- périale d'Orléans , en décembre 1912 , passa en la même qualité à la Cour royale de Paris, en dé— cembre 1815 et revint à celle d'Orléans, en février 1816, en qualite de conseiller titulaire. Une lésion des organes du cœur, qui s’est étendue insensiblement jus- qu'a ceux du poumoñ , altéra des l’enfance, la constitution de M. Durzy , et mit fin à ses jours prématurément, le 5 janvier: 822. Par son testament , 1l a légué 6,000 francs à la Cour royale d'Orléans, pour servir à former une bibliothèque de jurispru- dence. M. Durzy fut un honnête homme , un magistrat conscien— cieux , un litterateur estimable. Il cultiva la poésie: le recueil de la societé du Caveau moderne , dont il était membre, contient, ainsi que d’autres collections du même genre,diverses pièces de lui: elles sont anonymes, de même que ses autres écrits. Il était membre de la Société royale des sciences , belles- lettres et arts d'Orléans. — Le 1° mars 1822, M. le président de la Place de Moutévray a lu dans le sein de cette compagnie , une Notice sur La vie et Les ouvrages de M. Durzy. Orleans , imprimerie de Mr° V: Huet-Perdoux , in-8 , 11 pages. 86 DUS Liste des ouvrages de ,M: P. H. Durzy. I. Essai sur l’esprit de conver- sation, et sur quelques moyens de Pacquérir ; par M. P. H. D....y. Paris, Delaunay , 1819, in-6. Sans réimprimer cet ouvrage , on y mit en 1021, un nouveau titre, sur lequel on lit : Seconde édition. ‘ IT. Guerre aux passions. ou Dic- tionnaire du modéré , par M. D...y. royaliste constitulionnel. Paris , Janet et Cotelle , 1821, in-8, 17 feuilles et demie. « Le fond de cet ouvrage, dit M. de Laplace, l’idée principale reproduite sous toutes les formes, est que Fexagération dans les deux façons de penser dominan- tes , nuit seule à la tranquillité publique qui, suivant l’auteur, ne pourra jamais résulter que du triomphe des opinions moyennes et modérées. — M. Durzy, sl eût survécu à la publication de cet écrit, y aurait peut-être trouvé la source de plus d’un chagrin. Comme il froisse ‘de puissans amours-propres , comme. il ne tient pas toujours entre les deux systemes qu'il combat, le parfait équilibre que son ütre semble promettre , 1l a couru le risque de réveiller, bien involontaire- ment sans doute , des passions qu’il était dans son vœu de cal- mer. » | DUSAUSOIR (JEav-Fran- cois}, né en 1737, cultiva la poé- sie avec un succès médiocre , etse montra trop souvent à l’affut des circonstances. Il est mort à Paris, le 21 décembre 1822, âgé de pres DUS de 86 ans. Il était membre de plu- sieurs sociétés littéraires. Liste des ouvrages de J. Fr. Dusausoir. o I. La Fête de J. J. Rousseau, intermèede en prose, mélée de chants , réprésentée en l'an III (1794). in-86. 11. Le Sultan indécis, ou les Deux Circassiennes , anecdote turque, suivie de Contes en vers. 1705, in-8. — 1815, in-8. IT. Epitre aux détracteurs des femmes , suivie du Portrait de l’homme , stances. 1709. in—12. IV. Réponse à la satire intitulée : La fin du 18° siecle (de Colnet). 1709 ; in-12. V. Le Bois de Boulogne, poeme, suivi de Notes historiques et criti- ques. 1900 , in-8. VI. Lettres amoureuses d’ Emilie et de Sainval, suivies de quelques Poésies fugitives. 1802, in-12. VII. Le Retour de Louis XV ITE et de la famille des Bourbons. 1814, in-6. VIII. Olympie à Byrène, hé- roïde, suivie de quelques Pièces fugitives. 1814, in-8. iX. L'Heureux retour , Fête an- niversaire de la rentrée en France de Louis XVIII. 1815, in-8. X. Les Deux chutes de l'Usur- pateur, suivies de Stances aux in- crédules et de Couplets sur le ma- riage du duc de Berry. 1816, in-6. XI. Opuscules et vers. Paris, Michaud , 1817, in-8., 2 fr. X1I. Poëme sur le luxe; consi- déré comme source de la corruption des mœurs, suivi de Poésies fugi- tives. Paris , 1818. Ant. Boucher. — tiré à 100 exemplaires. XIII. Montgeron, poème , suivi ELI de Hermitage de Chalendray etde POrage, idylle. 2° édit. revue et augmentée. Paris, Boucher, 1819, in-8. XIV. Fête à l’hymen: à M" Fer- reire, sur le mariage de M"° Enna, sa fille, avec M. Girard, colonel d’infanterie, officier de la Légion- d’ Honneur. Paris, Boucher, 1820, in-8 ; demi-feuille, tirée à 50 exemplaires. XV. Poésies relatives aux événe- 4 >] ELI 87 mens qui ont eu lieu dans la famille royale, depuis le mois de juin 1816, époque du mariage de feu S. A. R. Mgr. le duc de Berry, avec Caroline- Ferdinande-Louise , princesse de Naples et des Deux-Siciles, jus- qu’au 29 septembre 1820, époque de la naissance de S. 4. R. Mgr. le duc de Bordeaux. Paris& Boucher, 1820; in-8., d’une feuille.—tiré à 100 exemplaires. EE, ELICAGARAY (Dominique), naquit vers 1760, dans le diocese de Bayonne. Entre de bonne heure dans la carrière de l’enseigne- ment , il professa la philosophie à Toulouse ; en 17900 , il avait le titre d'Official de la Basse-Navarre. Il émigra en Espagne vers cette époque , et revint en France sous le Directoire. Un écrit qu’il avait publie en faveur des droits de l'E- glise, dit l’Ami de la Religion et du Roi, lui concilia l’estime du cardinal Maury , qui lui envoya de Montefascone, des lettres de Grand-Vicaire pour ce diocèse. On prétend que lorsque le cardi- nal eut été nommé archevêque de Paris , 1l invita l’abbe Elicagaray à venir seconder son administra- tion, ce que celui-ci aurait re- fusé , par suite de sa divergence de principes, sur les contestations ecclésiastiques de l’époque. Néan- moins sous le gouvernement im-— périal , M. Eliçagaray fut nommé Recteur de l’Académie de Pau, place qu'il cumulait avec celles de Professeur de philosophie , de Doyen de la Faculté des Lettres, et d’Aumônier du Lycée. Durant les Cent jours, il s’embarqua à Bordeaux avec M°° la duchesse d’Angouleme , la suivit à Londres et lui servit d’aumônier durant ce second exil. Plus tard , il succéda à M. l’abbe Frayssinous , daus le poste de membre du Conseil royal de l’instruction publique, auquel il fut nomme sur la démission et d’apres la désignation de ce der- nier. il était en outre membre de la Légion-d'Honneur, chanoine honoraire de la Métropole , et M. de Coucy , archevêque de Rheims , lui avait donné des let- tres de Grand-Vicaire. Toutes ces dignités n’auraient pas sufli ce- pendant pour assurer à M. l’abbe Eliçagaray une réputation dura— ble; lorsque M. Corbieres , placé nouvellement à la tête de l’instruc- tion publique, s’avisa de le charger de l’inspection des colléges du midi de la France. Trop de naïveté ou de bonhomie firent dégénérer cette mission en une tournée ridicule. Le Caducée de Marseille , journal d'opposition (n° 67, du 16 juin 1821), publia un Discours qu'il affirma avec persévérance? avoir été prononcé au Collége royal 38 de cette ville, par le conseiller de l’Université. Ce discours est une amplification des principes du parti dominant, exposés dans toute leur crudite , poussés jus qu'à leurs extrêmes conséquences, et assaisonnes de force trivialites. Cette publicationfutlesignaid’ une explosion #de brocards et d’epi- grammes dansles] journaux delop- position, auxquels les journaux ministériels ne répondirent que faiblement. Lescandale fut grand; l’Université arrêta la mission de l’abbe Elicagaray, et lui-même dementit dans les journaux le dis- cours qu'on lui imputait. Nous avons peine à croire, en effet , que M. Ehçagaray ait MIRE aux pro- fesseurs FER Lycée de Marseille une allocution suivie , telle que le discours qui a été publié sous son nom. C’est même ce défaut d’au- thenticité qui nous empêche de reproduire 1c1 cette pièce origi- male. Mais du moins il paraît cer- tain, d'apres le témoignage des personnes le mieux à portée de le savoir , que tous les propos inco- creusé ,» grotesques , bouffons , dont se compose le-discours im- primé , ont été proférés successi- vement, et à différentes stations, dans le collége de Marseille , par l’abbe Eliçagaray. Le Gouverne- ment lui-même , comme l’ont tres- bien remarqué les défenseurs de M. Eliçagaray , a justifié en quel- que sorte ces imculpations, en ar— rêtant la mission de son délégue : OT , ceci se passait tandis que M. Corbières était à la tête de l’U- miversité , et sous le second minis- tere de M. le duc de Richelieu , - qui avait, comme on sait, pour Re ; d’ attendre que Le hom- mes du parti contre-révolution— ELI ELI naire eussent dix fois tort, avant de s’enhardir à les blâämer. Le discours de M. Eliçagaray a été réimprime trois fois , à Paris, chez Corréard, in-$., orné d’une carricature : on en connaît aussi des éditions de Marseilleet de Car- cassonne, 1921 ,in-8 : NOUS CroyOns que ce ne Sont pas les seules. Depuis cet éclat, le nom de M. Eliçagaray tente dans l’obs- curite. Ses amis ont publié que le chagrin qu’il éprouva de cette af- faire contribua aaccelérerleterme de ses jours. Nous aimons à croire que l’humilité chrétienne le ren- dit moins sensible qu’on ne l’a dit aux railleries du monde, surtout s’il avait la conscience de n’avoir fait que son devoir : car, si M. l’abbe Elicagaray manquait de lumiere , c'était d’ailleurs un ecclésiastique recommandable pour ses mœurs et sa piété. L” Ami de la Religion nous apprend qu'il avait fait depuis peu une confes- sion générale, lorsqu’ une attaque d’ apoplexie, qui n’était pas la pre- mierequ'ileüt subie, vintterminer sa carriere , le 22 AÉcééhle 1822. Ses obsèques furent célébrees avec pompe dans l'Eglise de S'-Sui- pice. On remarqua que les billets d'invitation , renouvelant un vieil usage tombe en désuétude , don- naient au défunt les qualifications de vénérable, discrète et scientifi- que personne. Il a été enterré au cimetiere du P. la Chaise. M. Lau- rentie , ancien Maître des confe— rences à l'Ecole Normale, aujour- d’hui Inspecteur général de l’Uni- versité, et qui avait été professeur au Lycée de Pau , sous le rectorat de M. l'abbé Elicagaray , pro- nonca un discours à ses obsèques. M. de Marcellus, député de la FER Gironde , a proposé l’épitaphe sui- vante, pour le tombeau de l’abbé Eliçagaray. + D. ©. M. . Hic jacet N... Elicagaray Presbyter In universitate regià consiliarius. Pro religione Rege Studiosäque juventute F FERLET ( Enme) , fut d’abord professeur de belles-lettres à l’U- niversitéde Nancy , puis chanoine de Saint-Louis du Louvre , enfin secrétaire en second de l’archevé- ché de Paris. Il occupait cette place lors de laRévolution et y fut réins- tallé depuis le Concordat de 18017. Il est mort à Paris, le 24 novem- bre 1821. Liste des ouvrages. de E. Ferlet. I. Sur le bien et le mal que le commerce des femmes a fait à La lit- térature; ouvrage couronne par l’Académie de Nancy. 1772, in-8 (Imprimé à la suite d’un Discours du chevalier de Solignac,prononce au nom de l’Académie }. Il. De l Abus de la philosophie par rapport à la littérature. Nan- CY, 1773, in-0. IT]. Eloge de M. le chevalier de Solionac, secrétaire du cabinet du feu roi de Pologne. Londres et Pa- ris , 1774 , in-0. IV. Oraison funèbre de M. de Beaumont , archenéque de Paris. 1504, in-8. V. Observaiiens littéraires, cri- FLE Vires et animos Profundens vixit. Tædio antequam senio Confectus obiit. Dic 22 Xbris anno R. S. 1822. £ : 19 : Virtutis veræ custos , fideique satelles Haud timuit vitam, certans , impendere vero. On a vu au Salon de 1821, un portrait de l’abbé Eliçagaray , peint à l’huile, à demi- corps, de grandeur naturelle. tiques , politiques, militaires , géo- graphiques, etc. , sur les Histoires de T'acite | avec le texte latin cor- rigé. 1901 , 2 vol in-8. VI. Réponse à un écrit anonyme intitulé : Avis aux lecteurs sans partialité ("concernant l'ouvrage précédent ). 1801, in-8. FLEURY ( Brrnärp ), comé- dien , naquit à Chartres, le 27 oc- tobre 1750, d’une famille origi- naire d'Orléans. Son pere, direc- teur de comédiens ambulans, le remit à une nourrice de village, des environs de Chartres, qui, pour s'approprier les mois qu’on lui avall payés d'avance , exposa l'enfant, et le fit porter à un hô— pital voisin. Sept ans apres, cette malheureuse femme, se trou- vant au lit de la mort , confessa son crime à son curé, qu’elle au- torisa à en instruire les parens. Le pére de Fleury accourut ; et, sur des renseignemens non-équi- voques, relrouva son fils et le ra- mena avec lui à la maison pater- nelle. Fleury n’eut pas plus tôt at= teint sa douzième année , que son père, qui avait d’autres enfans, et peu de ressources ; l’enga- 90 FLE gea à aller tenter la fortune , et le fit partir de Nancy pour Lyon, où il arriva . un paquet assez le— ger sur le dos et deux écus de six francs dans son gousset. Ces fonds ne pouvaient pas le mener bien loin, cependant il ne perdit pas courage ; 1l avait vu jouer la co- imeédie ; il savait par cœur quel- ques petits rôles ; 11 alla offrir ses services au directeur de Lyon, qui, par égard pour son confrère de Nancy , voulut bien associer un enfant à sa troupe ; et, ce qui valait beaucoup mieux , PA offrir sa maison et sa table. Fleury, qui n’avait reçu au- . cune autre éducation que l’édu- cation théâtrale , eut le bon sens de comprendre que Ja scene était son unique ressource ; 1l savait lire, il avoit de la me- moire 5 quant à l'orthographe, qu'il n’a jamais connu ( et il était sur cet article de la meilleure ‘foi du monde), c'était assurément la science la moins nécessaire à celui dont l’état est de débiter de vive voix les écrits des autres. Il s’en passa donc; et, avec un zéle aiguillonné par [a nécessité et par la reconnaissance , 1l se livra tout entier aux études du comédien. Des l’âge de quinze ans , 1l com- mença à jouer d’abord à Lyon, puis dans quelques autres villes du midi, ce que l’on appelle l’em- ploi des jeunes premiers dans la tragédie , et celui des amoureux dans la comedie ; mais 1l racon- tait naivement que ses pre— miers essais furent pémibles, et que son amour-propre paya fort cher les leconsque les parterres de rovincese chargérentde lui don- ner. En effet, la nature n'avait pas été prodigue envers Fleury de ces FLE avantages extérieurs s1 favorables aun débutant, parcequ'ilscouvrent sa faiblesse des illusions de l espé- rance. Fleury eut au contraire à lutter contre les désagrémensd’une taille médiocre, d’une figure peu régulière et d’une espèce de bé- gaiement, qui, génant la liberté de sa déclamation lui a constamment interdit la faculté de prononcer un vers entier , et le condamnait à ne parler que par saccades. Le tra- vail surmonta tant d'obstacles ; à vingt-trois ans , 1] fut jugé di- gne d’être appelé au Theäâtre Fran- çais. Il y débuta en 1774, par le rôle d'Égiste , dans Mérope. On peut voir par les mémoires du temps, qu'il y obtint peu de succes. Il retourna en province, bien ré- solu de réparer le malheur de sa défaite, et de revenir bientôt à Paris pour y conquérir la place qui lui était destinée. L’année 1778 marque dans les fastes de la litté- rature et dans ceux de la comédie française. Elle enleva aux lettres, Voltaire, J. J. Rousseau ; au theà- tre , le Kain et Bellecour. Par la mort de Bellecour, Molé devint chef d'emploi; »; Fleury fut jugé digne d’être le double de Molé. Il parut le 20 mars 1778, dans les rôles de Sainville , de la Gouver= nante, et de Dormilly , des Faus- ses. infidélités. I] continua ses dé— buts par le Saint-Albin, du Père de famille, Lindor, d’'Heureuse- ment,le comte de Clarendon, d’'Eu- génie » et fut reçu sociétaire cette même année. Cependant , il eut besoin de temps pour accoutumer le public à Jui voir remplacer un acteur qui avait sur son suppléant une supériorité évidente. À cette époque, les affiches ne portaient point le nom des comédiens, et FLE we par l'apparition subite d’un ouble, | espérance du parterre se trouvait déçue, le malheureux sup- pléant était une victime dévouée à son mécontentement. Aujour- d’hui, quand le public voit parai— tre un débutant, il n’a point a se plaindre, puisqu'il en est informé d’avance. La methode actuelle est sans doute plus convenable, l'autre était peut-être plus utile à l’art théâtral; car ce public si sévère , était juste et même géné- reux; et lorsqu’apres avoir triom— phé d: la rigueur d’un premier accueil, l’acteur , par unredouble- ment oloci. l’avait forcé au re- pentir , 1] payait avec usure le dé- dommagement mérité. Fletry en fit plus d’une fois l'expérience. Dans la tragédie, il est vrai, les occasions furent si rares, qu'il se détermina à la quitter ; ce fut alors que Saint-Fal débuta. Enyironné de la faveur générale, le jeune ac- teur parut suflire à tous les rôles tragiques du second emploi; et Fleury, débarrassé d’un fardeau qui l’accablaït, reprit son allure naturelle et se consacra exclusi— vement à la comedie. Il avait sous les yeux un chef digne de lui servir de modele; mais , en cherchant à en appro- cher , il se garda bien de le copier servilement. Il s’attacha d’abord à jouer en second et souvent à côte de lui, les rôles moins im- portans de hd de mar- quis du bon ton ; et, après avoir accoutume , par Hs , le par- terre à le voir avec plaisir aupres du premier rôle, 1] chercha dans une pièce excellente, mais alors ‘oubliée, une occasion de se mon— trer - premiére ligne, dans un rôle analogue à ceux où l’on ne FLE 91 faisait plus difhiculté de l’ap- plaudir. La supériorité bien re- connue de Molé, ne lui permet- tait pas de descendre à ces basses rivalites qui enlevent trop .sou— vent au jeunes gens les occasions de se produire avec avantage. Mole était en possession de tous les grands rôles , et 1l vit sans ja lousie l’acteur qui jouait le petit marquis, du Misanthrope, créer ou plutôt ressusciter le Moncade, de l'Ecole des bourgeois. Ce fut là V'é- poque la plus brillante de la répu— tation de Fleury. Le succes fut prodigieux ; et, quoiqu'il ne fût pas encore de nature à promettre un successeur aux deux Alcestes, au Glorieux , à Morinzer , à l’'Al- maviva, du Mariage de Figaro, on pressent du moins que la portion de }} séritage dans laquelle se trou- vaient enclavés l'Homme à bonnes fortunes , le Clitändre, des Femmes savantes, celui de la Coquette cor- rigée, le Détieulette, de {a Gageure imprévue , le Cléon , du Méchant , le marquis , de Turcarel , etc. , ne resterait point sans possesseur et sans Culture. Apres la mort de Mole, Fleury, qui commençait à être sur le re- tour, se trouva un peu embarrassé des charges de la succession ; il accepta cependant d’assez honte grace ; et, comme il y avait tres— loin x son talent à celui de ses concurrens, le public , qui se con— tente de ce qu’il y a de mieux pour le moment, compare Fleury , non pas à son prédécesseur , mais à ses camarades presens , et ne lui dis- puta point ses titres. Pendant les seize années qui s’ecoulerent de: puis 1602, époque de la mort de Mole, jusqu’en 1818, où Fleury obtnt sa retraite, cet SC ARE joua 92 FLE tout le premier emploi ; et, malgré la diminution sensible de ses forces et l'empreinte trop marquée des outrages du temps, il se soutint dans la faveur du parterre, et ne cessa de recueillir des témoignages de sa bienveillance. Le caractere du talent de Fleury était la grâce, l’élégance et la finesse. Seul, il avait conservé au théâtre la tradi- tion des mamieres de l’ancienne cour, le port, les gestes, les ha- bitudes de la haute société ; 11 avait moins de noblesse, moins de force, une chaleur beaucou moins expansive que Moleé ; mais, dans le persifflage, dans les scènes de rouerie, dans celles même où le caractere d’un personnage d’un certain rang était dégradé par l’i- gnoble vice de livresse, Mole n’était que son rival et nullement son maître; du reste, outre son débit saccadé et sa respiration courte, une infirmité locale don- nait à sa démarche un air de con- trainte et de gêne. En dépit de ces imperfections , Fleury n’a point été remplacé, et rien n’annonce encore qu’il doive l’être sitôt. En 1795, Fleury partagea les persecutions qu eprouverentsesca- marades, par suite du zèle qu'ils avaient mis aux représentations de l'A mi des lois, de M. Laya. Ils al- laient être traduits en jugement par les ordres de Collot d'Herbois, si M. de la Bussiere, alors em- ployé au Comité de sûreté géné- rale, n’était parvenu à soustraire les pieces qui devaient servir de bases à leur proces. Lorsque les deux théâtres du faubourg Saint- Germain et de la rue de Richelieu, réunirent leurs troupes dispersées, Fleury fit partie de la nouvelle association ; depuis cette époque , FLY. chaque rôle norveau fut marqué pour lui par de nouveaux succes, et leur diversité a prouvé suflisam- ment la flexibilité de son talent. On se souvient avec quelle supé- riorité 1l a joué le rôle du jeune frere, dans les Victimes cloitrées, le marquis, du Cercle, le Concilia- teur, le Philosophe marié, etc ; on peut encore citer le T'artuffe , bien qu’il laissät à désirer dans quelques parties de ce rôle, où il mettait plus de finesse que de pro- fondeur. Quelques personnes lui adressaient un reproche analogue, relativement au Misanthrope , où la nature deses moyens physiques, d’ailleurs affaiblis par l’âge, lui avait $uggéré d'adopter pour le personnage d’Alceste, un système de déclamation quisubstituaità la vigueur et à la franchise dont 1l estempreint, l’âcretérailleuse d’un frondeur. On se rappelle aussiavec quel aplomb et quelle vérité 1l re- présentait leroi Frédéric de Prusse, dans les Deux Pages ; limitation était si parfaite, qu’elle arracha des larmes au prince Henri, qui assista à la premiere représenta- tion, et le lendemain fit remettre à l’acteur une riche tabatiere, or- née du portrait de celui dont il avait si fidelement reproduit l’1- mage. Fleury a été moins heu- reux en essayant de représenter Henri IV, dans la Partie de chasse. Cet acteur futlong-temps profes- seur de déclamation au Conserva- toire.En juin 1813,ilfutduvoyage que Napoléon fit faire aux come- diens français, pour venir donner des représentations devantsa cour, réunie à celles de plusieurs souve-" rains de l'Allemagne, d’abord à Mavence et ensuite à Dresde. Ses opinions présumées favorables à la FLE Pévolution ; le firent soumettre, apres les Cent jours, à une sortie d'enquête, dans laquelle 1l sut ré- pondre avec la mesure et la dignité convenables. Les années, en s’ac- cumulant sur la tête de Fleury, n'avaient presque rien Ôté à la grâce et à la légèreté de son jeu, dans l’emploi des petits-maitres; le son rauque et creux de sa voix, était toujours compensé par l’a- mabilité de soa sourire , la beauté et la vivacité de son œil , l’aisance et la noblesse de son allure et de ses gestes. 11 comptait quarante- quatre ans de service lorsqu'il re- cut, non lapermission, mais en quelque sorte l’ordre de le cesser. Cet ordre ne lui fut pas intimé par l'autorité, mais par des tracas- series et des rivalités qui vinrent attrister des jours qu'il pouvait encore consacrer aux plaisirs du public. Fleury n’a joui que quatre ans d’un repos qu'il n'avait pas -ambitionné, et qui vraisemblable- ment lui a paru plus pénible que ne l’eussent été des travaux mo— dérés, adoucis par le charme des applaudissemens. Depuis sa re- traite de la Comédie française, 1l habitait une maison de campagne qu’il avait acquise près d'Orléans. Il y est mort d’une attaque d’apo- plexie, l’un des premiers jours de mars 1822 , âgé de soixante-douze ans. Un assez grand concours de personnes rec ommandables, parmi lesquelles on distinguait plusieurs fonctionnaires publics,assistérent à ses funérailles, qui furent célébrées dans l’église de S'-Paterne , d'Or- léans. M. Lacave, ingénieur des ponts-et-chaussées, fils de l’ancien comédien Lacave, retiré aussià Or- léans , a prononcé un discours sur la tombe du camaradede son père. FOI 93 —Onädeux portraits lithographiés de Fleury ; l’un parut à l’époque de sa retraite, l’autre à l’époque de sa mort.Le premier est incom- parablement mieux exécuté ; c'est aussi le plus ressemblant. La plu- part des journaux ont publié des notices sur Fleury , notamment le Journal de Paris du 9 mars1822, le Miroir du 10, etle Journal des Débats du 24 du même mois. Cette dernière , signée C., est de M. Du- vicquet. Elle a servi en grande par- üe à la rédaction de cet article, au moyen de diverses additions et modifications. FOISSET (JEax-Louis-SÉvERIN), naquit à Bligny-sous-Beaune , dé- partement de la Côte-d’Or, le 11 février 1706. Il fit des vers dès sa dixième année ; à.treize ans il com- posait les premiers chants d’un poëme imité du Lutrin de Boileau ; à quatorze , 1l avait franchi tous les degrés de l’enseignement ordi- naire des colléces. Le reste des années de son adolescence fut con- sacré à ces secondes études qui décident ordinairement de ja va— leur des hommes, et qui se con somment par la méditation et par la lecture. Au mois de novembre 1815 il vint à Dijon, où il suivit pendant deux années les cours or- dinaires de droit, qu’il vint ter muner à Paris, en 1817. La littéra- ture le distraisait pourtant de l’e- tude de la jurisprudence. Il avait esquisse le plan et versifié le pre mier acte d’une tragédie de Marie Stuart, que le succès de celle de M. P. Lebrun lui fit abandonner. L’année suivante il ne craignit point de disputer à la fois trois couronnes littéraires. Il obtint le prix proposé par la Société philo- Fe 94 FOI matique de Bordeaux, pour l’Éloge dumaréchal d Ornano, ancien gou- verneur de la Guienne; mais son Eloge d’ Ausone, destiné à l’Aca- démie de la même ville, n’ayant point trouvé de concurrens , la médaille ne fut point décernée. Une distractionempècha son Eloge du président Jeannin de parvenir entier à l’Académie de Mâcon; et cette sociète littéraire, en distin- guant par une mention honorable la production incomplète qu’elle avait reçue, regretta de ne pou- voir couronner l’auteur. Cet acci- dent le dégoûta de la lice acade— mique ; et vers le'même temps il devint un des rédacteurs de la BiographieUniverselle. Associé à la révision générale de l’ouvrage, il se chargea en outre spécialement des articles qui concernaient la ju- risprudence ou le barreau, et de tous les noms qui appartenaient à l’ancienne province de Bourgogne, sapatrie. Lestom.XXV,XX VII, XXVII, XXIX, XXX,XXXI et XX XII offrent un ensemble de cent vingt articles, dont la rédac- tion est due à M. Foisset. Nous -Citerons : Loyseau de Mauléon, le premier qu'ait fourni l’auteur ; Maxence, Maximien-Hercule, Mes- saline, Ménage, Micheli(botaniste), M iddletoh , Mirabeau (père et fils), -La Monnaye, Morosini (historien de Venise), Muret, Nivernais, Nicaise; Clavidé (espagnol), le cardinal d’Ossat , le baron de »Neuhof (Théodore I), les deux Paoli, et le jurisconsulte Papinien. Ces articles se recommandent par Ja concision du récit, la clarte et l'élégance de la diction. Celui de Mirabeau nous révele les préven- tions que Foisset avait épousées contre notre révolution. Il paraît FOI qu’elles éclataient d’une façon en: core plus choquante dans l’article Gaspard Monge; pour cette raison il dut subir des retranchemens qui déterminerent l’auteur à ne point l’avouer ; il est signé de la lettre Z. Nous ne blämerons pas également la sévérité des articles Naigeon , l’encyclopédiste , et Morelly, phi- losophe assez obscur du dix-hui- tièeme siècle; nous remarquerons seulement à l'égard de ce dernier, que Foisset a commus des erreurs dans l’article qu’il lui a consacré, pour avoir négligé de consulter le volume intitulé : Nouveau supplé- ment au Cours de Littérature de M. de La Harpe, publie par M. Barbier ( Paris, Delaunay, 1818, in-8), et qui releve les inexacti- tudes de La Harpe touchant Mo- relly. Les tomes XXXIII et XXXIV de la Biographie Univer- sellecontiennentles articles Parny, Patru, Peiresc, Pélisson, Pétrar- que et Philippe-le- Bon, duc de Bourgogne , dus encore à Foisset. Ces nombreuses biographies at testent à la fois la facilité de l’é— crivain et la variété de ses con— naissances. M. Foisset est mort dans sa ville natale, le 22 octobre 1822, laissant un frère aîné, mem- bre et secrétaire-adjoint de l’Aca- démie de Dijon , auteur de l’Eloge du prince de Condé, couronné par cette compagnie. « Foisset , ‘dit M. Beuchot ( Bibliographie de la France, 1822, page 991) est le quarante et unièeme collaborateur que la mort ait enlevé à la Biogra- phie Universelle, depuis son com— mencement (en 1811).» On trouve uneNotice nécrologique sur Foisset dans le Journal de Dijon et de la Côte-d’Or, du 9 novembre 1822. GAL GALIN (P1ERRE), musicien, naquit à Bordeaux, en 1786, dans une condition médiocre. Des ses remières années il s’adonna à l'étude des sciences exactes ; et les problemes les plus élevés dé cal- cul , comme les questions les plus ptites de la métaphysique ne tarderent pas à lui devenir fami- liers. Tour à tour professeur de mathémätiques spéciales au Lycée de Bordeaux, ou instituteur à l’école des sourds-muets de cette ville , c’est dans l’enseignement musical que M. Galin devait plus tard, $ acquérir un nom durable. Habtue : à tout soumettre à l’ana- lyse, il concut la pensée de substi- tuer le raisonnement aux routines qui avaient présidé j jusqu ‘alors aux leçons élémentaires de la musique. Il inventa la méthode du Mélo- plaste (musique figurée). Le mé- loplaste, qui est un tableau mar- ué de lignes sans notes, sur le- quel le professeur promène une baguette, a quelque ressemblance avec l’Indicateur vocal de M. Wil- hem ; les deux professeurs, cha- cun de leur câté , avaient concu et exécuté une pensée analogue. M. Galin, le premier, l'avait mise en pratique à Bordeaux. L’indicateur vocal a été suggéré à M. Wilhem par la lecture d’un ancien ouvrage de Sébaste Hayden, où ce mode est employé. M. Galin assure n’a- voir pas connu l'ouvrage du mu- sicien allemand. « M. Galin, dit M. Francœur, divise sa classe en deux sections ; et, s’armant de deux baguettes qu'il promène sur le tableau , il improvise un air en GAL deux parties, que les élèves sol- fient en chœur. Cet art de noter ainsi rapidement les. lignes d’un duo annonce un talent particulier. Le sentiment de satisfaction quele spectateur en éprouve est un effet général. S'il était possible à M. Galin de faire‘ mouvoir emble plus de deux baguettes , iÏmoterait assez facilement une partition à rois ou quatre lignes, à peu près comme un pianiste fait succeder les accords qu’il improvise. Pour suppléer à notre organisation , il a perfectionné le mode d’écriture musicale dont J. J. Rousseau a donné les principes. Les élèves euvent , sous la dictée et à la ma- nière de l’écriture ainsi lue, sans papier réglé, noter un chant quel- conque. M. Galin trace aussi sur un tableau une partition complète, que la classe entiere s'exerce à chanter sous sa direction. Ces pro- cédés sont développés dans un ou- vrage intitulé : Exposition d’une nouvelle Méthode pour l’enseigne- ment de la Musique (Bordeaux, P. Beaume, et Paris, Rey et Gr ere 1818, in-8 de 234 pages, fig. )- L’impression que j'avais de en voyant la classe m'avait pré paré au plaisir de lire cet ouvrage ; et celui que j'ai ressenti a été plus grand encore que je ne l’espérais = je l’ai lu plusieurs fois, avec un grand interêt. Les CHU sont tres-rarement capables d’ exprimer leurs idées sur les principes qu ls adoptent ; la plupart des traités qui donnent les règles de la mu- sique , sont rédigés dans un style inintelhgible, et dont l’incorrec- 96 GAL tion est le moindre des défauts. L'ouvrage de M. Galin annonce un maître aussi verse dans son art qu’habile à en exposer les doc— trines : la partie métaphysique Y est surtout traitee avec une pro- fondeur digne de réflexion. Le seul regret que m'ait laissé cette lec— ture, c’est que les regles de la com- position n’aient pas été ecrites par le même homme; c’est une entre- prise digne de lui. Tous les ou- vragesMMfharmonie n’offrent que des catalogues d'accords, accom- pagnés de règles qui servent à pré- arer et à sauver les dissonances. Si M. Galin écrit sur ce sujet, nous aurons le premier bon livre sur un art intéressant, peut-être inconnu dans ses principes, des musiciens mêmes qui l’exercent avec le plus de distinction» (Notice sur diffé- rens procédés mis en usage depuis quelques années pour enseigner la musique, dans la Revue Encyclo- pédique, tom. XII, pag. 20 ). La mort prématurée de M. Galin ne lui a pas permis d'accomplir la tâche pour laquelle M. Francœur proclamait d’avance son aptitude. Toutefois il l'avait entreprise; 1l préparait un Traité élémentaire de musique ; qui devait contenir l’en- tier développement de sa théorie. L'ouvrage publié en 1818 n’est, il le dit lui-même , qu’une esquisse rapide de ses idées ; il faut, pour le lire avec fruit, être déja bon musicien , ou plutôt avoir suivi un des cours de la méthode de l’au- teur. Les manuscrits de M. Galin sont passés entre les mains de M. de Mainebeau, professeur de musique à Bordeaux. M. Galin est mort à Paris, des suites d’une phthisie pulmonaire, le 31 août À 1821, âgé de moins de trente-six GAL ans. Ses éleves ont ouvert une sou- scription pour lui élever un mo- deste monument, au cimetière du P. La Chaise, où ses restes repo- sent. Il était membre de la société Philarmonique d'Amsterdam, où il paraît que sa méthode a été fort bien appréciée. La vie de M. Ga- Ein n’offre que l’uniformité de l’é- tude et des vertus privées. Son élocution facile et pure, la dou- ceur de ses mœurs , lui faisaient de chacun de ses élèves autant d’a- mis, Sa physionomie spirituelle et mélancolique excitait un vif inté- rêt ; 1l laissait à ceux qui l’appro- chaient l’impression d’un honnête homme et d’un homme de mérile. Unique soutien d’un pere et d’une mère infirmes, 1l n’a cessé de leur consacrer le fruit de ses travaux ; et rien ne l’a tant préoccupé dans le cours de la longue maladie de poitrine qui l’a enlevé, que la crainte de laisser dans le besoin les auteurs de ses’ jours. La mé- thode d'enseignement de M. Galin devait obtenir le suffrage des gens instruits; mais on le vit quelquefois s’affliger de ce qui pouvait man- quer d’éclat à son succes. Un écrit anonyme et d’un style assez âcre, qu’on attribue à un sayant musi- cien , traita dans le temps le pro- fesseur de Bordeaux avec une sé— vérité injuste ; il se plaignait aussi d’un ancien éleve qui, disait-il, lui avait enlevé sa théorie , et, au moÿen de quelques modifications, prétendait se l’approprier. Ces cir- constances ont fait reprocher à M. Galin une inquiétude de caractere et une susceplibilité d’amour- propre, qui sans doute n'étaient que le triste effet de la maladie chronique qui l’a conduit au tom- beau , et dont sa physionomie por- GAR tait les traces visibles. « La me- thode de M. Galin, a dit aussi M. Francœur, me sembie mériter la préférence sur tous les procédés d’enseignement simultané , si tou- tefois un autre que lui est capabie de la mettre en action. » Ce doute n'existe plus aujourd’hui , que plusieurs élèves de M. Galin con- tinuent de professer avec succes la théorie de leur amaïître. L’un d'eux, M. de Geslin, qu'il affec- tionnait particulierement, a pu- blié une Exposition de la Gamme, échelle élémentaire de lt musique (Paris , 1823, in-8 de 23 pages), qui se joint naturellement à l'Ex- position de‘ M. Galin , dont elle remplit une lacune importante. GARDANNE !{ Paur — Ancr— Louis pe), frere du comte de Gar- danne , ambassadeur en Perse, -en 1807, était né à Marseille, le 2 mars1765. L’aïeul de MM. de Gar- danne avait été en 1715, chargé d’une mission diplomatique dans le même pays ; cette circonstance détermina le choix de Napoléon, et Ange de Gardanne suivit son frere , en qualité de premier secré- taire d’ambassade. Il se trouva, comme on l'avait prévu, que le souvenir conservé en Perse, de la -mission de leur aïeul , ajouta beaucoup à l’accueil que les deux frères reçurent dans ce pays. Le roi Feth — Ah -Schah donna à M. Ange de Gardanne, le titre honorifique de Khan. Les négo- ciations une fois terminées , M. de Gardanne fut renvoyé en France par son frère , pour rendre compte de sa mission. Il partit le 27 jan- vier 1868, de Téhéran , fut bien accueilli à Kermanchah, par Ali- Mirza , fils aîné du roi et gouver- À GAS 97 neur de la province, et apres quel- que séjour à Bagdad, il s'engagea dans les vastessplaines de la Méso- potamie , non sans être souvent inquiété par les Curdes, qui in- festent la contrée. 11 laissa la Sy- rie à sa gauche, traversa la Cap- padoce et l’Anatolie, et s’embar- qua de Nicomédie à Constantino- ple, où il arriva le 19 avril. De là il se rendit, par la Hongrie, à Vienne, en partit le 22 mai, etle 9 juin, remit à Bayonne , à M. de Champagny, alors ministre des relations extérieures, les dépêches de son frere, et deux décorations de l'Ordre du Soleil, l’une pour M. de Talleyrand , et l’autre pour M. Maret, ministre secrétaire d'état. De retour à Marseille , M. Ange de Gardanne publia : Journal d’un voyage dans la Tur- quie d’Asie et la Perse , fait en 1807 et 1809. Marseille, Mossy, 1808, in-8. — Cette relation in- dique avec exactitude , les distan- ces ; la population , et contient sur les antiquités de la Perse et sur le roi régnant , Feth-Ali- Schah , des détails curieux. On trouve à la suite un Vocabulaire Italien, Persan et Turc, par le prince Fimurat - Mirza. Ange de Gardanne est mort à Marseille, le 8 janvier 1822. Il a laissé quel- ques manuscrits : 1] a donné aussi des articles dans la Ruche Proven- cale, journal publié à Marseille, qui lui a consacré une notice (t. VI,n°1,p.1-3). GASTINE (CGivique De), naquit sans doute vers l’an 1793 ou 1704, comme son prénom semble l'in diquer. Nous ignorons les pre- mières circonstances de la vie de cet écrivain; nous savons seule 7 99 GAS ment qu'il publia durant ces der- nieres années, divers écrits en fa- veur de la république d'Haïti, et de la cause des noirs en général. Ces écrits lui attirerent quelques désagrémens en France, maisilsle recommanderent aupres du gou- vernement d'Haïti. M. de Gastine se rendit dans cette île. au com- mencement de l’année 1822 et fut tres-bien accueilli par le président Boyer , qui lui donna un emploi, et lui assura une existence conve- nable ; mais apres deux mois de séjour au Cayes , étant venu faire un voyage à Port-au-Prince, il tomba malade aux environs de cette ville, et succomba à la ri- gueur du climat , le 12 juin 1822. Le Président, qui lui avait envoyé ses eau pour le soigner etsa voiture pour le ramener à la ville, ordonna que ses funérailles FA sent ceélébrées avec pompe , au nom et aux frais de la nation. On en trouve la description dans le n° 25 du Télégraple , journal haïtien. Les autorités constituées de: la ville du Port - au - Prince, chef-lieu du gouvernement, s’em— presserent d'y assister, et le ci- toyen Pierre André , juge au Tri- bunal de cassation, prononça en ces termes l’éloge de défunt. « Haïtiens, nous avons eu le malheur de perdre un des plus ardens défenseurs des droits de l’homme, le sensible et vertueux C ve de Gastine. » S'il a un pere, une mère, qui dore o s’il a des freres, des sœurs , 34 parens et des amis qui le CNP LE. en France, dans cette France qui ARE nous me— connaître , qu'ils sachent que les Haiïtiens le regrettent aussi vive- ment qu'eux, En le perdant n nous GAS sommes privés d’un de nos plus intimes amis... Montègre ! | Civi- que de Gastine ! Vous êtes venus à Haïti pour y laisser reposer en paix vos ossemens , parmi ceux de ces défenseurs de la liberté qui verserent leur sang pour l’indé- pendance de leur pays. Un sort inévitable vous attirait, sans dou- te, après.de longues persécutions, pour venir y terminer vos jours... Votre ingrate ‘patrie, ou plutôt, votre gouvernement ne vous lais— sail pas d'autre choix. » O vous! Grégoire , Lafayette, Foy , Sébastiani idee Ben- jamin Constant , Laisne de Vil- levèque, Morcnas Ternaux, Wil- berforce, Clarkson , Webb, et tant d’autres philanthropes qui avez gémi sur le sort infortuné des Africains et de leurs descendans , dans les deux mondes, voyez nos sincères regrets à la perte d’un de vos plus digues émules. Haïti re- connaissante ne cessera de ver— ser des larmes sur sa tombe; sa mémoire Jui sera chere et ses yeux se tourneront toujours avec com plaisance sur vous. Autant les Haïtiens , par les droits de la na- ture , rejettent ces hommes inhu- mains qui, gouvernés par une in- satiable cupidité, tolerent et font sans rougir le Dit de chair hu- maine, autant ils chérissent et apprécient ceux qui, placés à la hauteur d’unesaine philanthropie, marchent avec les volontés du Créateur,et voient le genre humain tel se 1] lui a plu de le créer. » Que l’Eternel devant qui lés A trouvent la justice et la récompense pour prix de leurs ver- tus, reçoive au nombre des élus notre ami , le sensible Civique de Gastine. » GAS | Le portrait de Civique de Gas- üne fut lithographié après sa mort, par M. Duperly , dessinateur , au Port-au-Prince. Liste des ouvrages de Civique de Gastine. LE De la liberté des peuples et des droits des monarques appelés à gou- verner ; dédié à Eugène Vail, ci- toyen des Etats-Unis d’ Amérique, el ex-secrétaire d’ambassade près le gouverhement français. Paris, Pou- let, 1818, in-8. IF. Histoire de la république d'Haïti, ou Saint-Domingue, l’es- clavage et le colon. Paris, Plancher, 1519 ,in-8, 17 feuilles. LI. Pétition à MM. les Députés des départemens, sur la nécessité où se trauve la France de faire un traité de commerce avec la républi- que d’Haiti, et sur les avantages qu’en retireraient les deux nations. Paris, Hardy, 1821, in-8 d’une feuille. IV. Lettre au Roi, sur l’indé- pendance de la république d’Haiti , et l'abolition de l'esclavage dans Les Colonies françaises. Paris, Renau- diere, 1821 , in-8 de 5 feuilles. V. Lettre au Pape, sur les pré- tentions du sacerdoce et les dangers de revoir le diadème soumis à la tiare, par Civique de Gastine, citoyen français. Paris, Lanoe, 1821 , in-8 de6 feuilles et demie. VI. Exposé d’une décision ex- traordinaire de la régie des droits réunis, qui evile un citoyen fran- çcais pour un écrit prétendu séditieux. Paris, Hardy, 1822, in-8, 59 p. M. Barbier (Dictionnaire des anonymes , t. I, p.485, n. 6372) attribue cet ouvrage à M. Toulotte qui passe pour avoir revu la plu- part de ceux du même auteur. GAY 99 Civique de Gastine a publié, peu de temps avant son départ pour Haïti, une planche gravée, of- frant le tableau statistique du globe, envisagé sous le rapport de la nature des gouvernemens qui régissent ses diverses contrées. - GAY - VERNON ( Léonarp ), naquit d’une famille noble, à St. Léonard, en Limousin, l’an 1748. Ayant embrasse. l’état ecclésias- tique , il se trouvait curé de Com- preignac , à quatre lieues de L1- moges, à l’époque de la Révolu- tion. Il en adopta les principes avec ardeur, et fut le premier curé qui fit précéder de Domine saloum fac regem, par le Domine salvam fac gentem. Son patriotisme le fit élire évêque constitutionnel de la Haute-— Vienne, et 1l fut sacré en cette qualité, le 13 mars 1791. Député la même année, par son département, à l’Assemblée législative , il y appuya la motion de son confrère Torné, évêque métropolitain du Cher, pour sup- primer le costume ecclésiastique ; et donnant lui-même gris il remit le 6 avril, sur, le bureau du président, sa croix d’or, en di- sant: « J’en porterai une d’ébène, quand je serai en fonctions. » Ces -paroles prouvent qu’à cette épo- que au moins, ilétait loin de son- ger à renoncer à son état. Mais, ayant élé élu de nouveau député de son département à la Conven- tion nationale, il participa au scandale de la séance du 7 no- vembre 179 ,.et abdiqua publi quement son caractère ; 1l écrivit à la Convention une lettre où :1l déclarait « qu'ilavait soupiré apres » le moment actuel; qu’il obeis- » sait à la voix de la raison, de la GAY : 106 à philosophie et de la hberte_ » La Biographie des visans ajoute qu’il épousa une marchande de modes ; mais € Ami de la Religion et du Roi explique (t. XX XIIi, p. 379), que ce fait ne doit point lui être imputé , mais à un de ses frères , prêtre comme lui, et qui a cesse de vivre. Gay- Vernon siégea constamment à la Mon- tagne ; il vota la mort de Louis XV, sans appel et sans sursis, et se montra un des ennemis les plus prononcés des Girondins ; il dénonca comme tels six de ses collègues de députation , qui fu- rent er conséquence décrétés d’ar- restation. La revolution du ather- midor ne calma point encore cette exaltation , car on le voit essayer de defendre Carrier, tantôt au club des Jacobins, tantôt à la Convention, et voter eonstam-— ment avec les débris de la faction jacobine. La seule observation qu’il soit permis de présenter en faveur de Gay-Vernon, c’est que n'ayant été chargé d'aucune mis- sion, pendant toute la durée de la session, gl échappa au malheur d’être l'instrument immédiat de la tyrannie de l'époque. Maintenu par le choix de ses collègues au Conseil des cinq cents, 1l y suivit la même ligne ; ainsi on l’entendit se prononcer vivement en faveur du coup d’Etat du 18 fructidor, développer avec amertume les griefs imputés aux députés pros- crits, ajoutant ces paroles qu'on peut au moins qualhfier d’ab- surdes : « Depuis deux ans, la France a été couverte, par leurs intrigues , de deuil et de larmes. Si Robespierre existait , n’en doutez pas, son nom serait as- socié à leurs noms » ( Moniteur GAY du 27 fructidor an V,— 14 sep- tembre 1 797 ). C’est Gay-Vernon qui, peu après, fut rapporteur d'un projet extrêmement hostile contre la classe entiere des anciens nobles. à C’est, disait-1}, dans la notoriété publique , et dans une suite non interrompue de cons— pirations de leur part, pour rele- ver le trône et accabler la nation, que la Commission a puisé les motifs du projet qu'elle presente, et qui les exclut de toutes fonc- tons publiques, jusqu'a quatre ans après la paix générale. » Ce projet fut ajourné indéfiniment. Gay-Vernon ne cessa pas depuis de poursuivre de ses discours les nobles et les émigrés ; il fit adop- ter la question préalable sur la réclamation de M®=° Paradis, qui implorait l’indulgence de l’Assem- blée en faveur de son mari, enve- loppé dans la proscription de fruc- tidor. Il combattit les dispositions de la législation de Fan VI, sum la police des cultes , qui lui sem- blaient favorables aux prêtres in- sermentés. Dans la discussion re= lative aux maisons d'éducation (ventôse an VI), il proposa un amendement pour que nul ne pût être chef d’an établissement d’e- ducation , ni enseigner publique- ment la morale, s’il n’était veuf ou marié , ce qui fut rejeté. I] prit aussi la parole plusieurs fois sur des questions de finances, où 1l ne présenta que des vues qui paru- rent peu praticables ; sur les droits féodaux, l'administration delajus- tice ,etenfin sur les diverses insti- tutions alors existantes. Gay-Ver- non réélu en l’an VI, par les dé— mocrates du département de la Haute-Vienne, fut repoussé du Conseil par l'influence du Direc- tal le la rl qe e F LA 0 dé GAY toire , en vertu de la loi du 22 flo- réal, et nommé presque immé- diatement , sans doute pour l’éloi- gner de France , Commissaire des relations commerciales à Tripoli de Syrie. Mais la guerre ayant éclaté avec la Turquie , il se trouva conduit à Rome, où 1l accepta provisoirement, en l’absence de Bassal , son ancien collègue, les fonctions de secrétaire-général du consulat de larépublique de Rome. Il parait que cette nomination déplut beaucoup au Directoire, car, par un arrête signé de Barras, il recut l’ordre de cesser ses fonc- tions , fut exilé de France, et de- clarédéchu de la qualité de citeyen français ; on lui défendit en même temps de résider dans les pays oc- cupés par les armées françaises. En ces conjonctures pémibles, Gay-Vernon trouva un asile dans le département du Doubs , où 1l se tint caché jusqu’à la crise du 30 prairial an VII, qui, ayant reporté au pouvoir le parti démo- cratique, lui permit de réclamer avec succès le rapport des mesures sévères prises contre lui. Le nou- veau Directoire le nomma Com- missaire central pres l’administra- tion départementale de la Somme. ” Pendant qu'il remphissait ce poste, les citoyens catholiques d’Abbe- ville ayant célébré dans leur église un service funebre en mémoire du pape Pie VI, qui venait de mourir à Valence, Gay-Vernon écrivit à ce sujet, à la municipa- Lité&d’Abbeville , une lettre, mo- nument déplorable de Ja plus grossiere impiété et du plus into— lérant fanatisme : on en trouve le texte dans les Annales de la Reli- gion (tom. IX , pag. 523), journal rédige par les ecclésiastiques cons- GAY ICT ütutionnels, ou cetle piece est qualifiée avec toute la sévérité qu'elle mérite. Apres le 18 bru- maire , Gay-Vernon donna sa dé- mission. Le gouvernement con- sulaire ne dut pas le comprendre sur la liste des évêques pensionnés, puisqu'il avait renoncé à son état. Fidele à ses principes démocra- tiques , il se retira sur l’héritage de ses pères, et vécut, tout le temps que dura le régime impé- rial , sans traitement et sans em-— ploi. Ayant signé Acte addition nel durant les Cent jours , 11 fut banni de France par la loi d’am- nistie , de 1816, et se réfugia en Belgique. Il paraît que ses amis se fonderent sur le mal que ce climat occasionait à sa santé, pour sol- liciter sa rentrée en France, qu'ils obtinrent en 1819. Depuis cette époque, M. Gay-Vernon vécut retiré dans sa terre de Vernon, à trois lieues de Limoges , où il est décédée le 20 octobre 1822, per- sévérant, à ce qu'il paraït , dans les erreurs de sa vie. S'il faut ajou- ter foi aux details donnés par l Ami dela Religion et du Roi(t. XX XIV, pag. 23), saconduite, daus ces der- niers temps, eut quelque chose d’inexplicable : « Il assistait sou— vent à la messe, dit le journaliste; il allait voir les malades autour de sa campagne et leur portait des secours. On dit qu'il a écrit des lettres pleines de religion àune de ses nieces, qui a dermérement fait ses vœux dans une commu- nauté de Clairettes, à Limoges. Toutefois, dans d’autres occa- sions, il avançait des principes destructeurs de la foi. Son curé, averti du danger de sa maladie, se trausporta chez lui et l'engagea à se confesser : « Dieu y pour- 102 GAY voira », répondit le malade. Le pasteur insista , l’engageant, dans le cas où il ne voudrait pas s’a- dresser à lui, à faire choix d’un autre prêtre : « Ni vous, ni d’au- tres », a répondu le malade. Le curé s’est alors retiré, en déplo- rant l’inutilite de son ministere. Un frère du mourant était présent; c'était M. Jacques Gay-Ver:non, ancien curé de Saint-Léonard. qui s’est marié et qui aujourd’hui ést veuf; il pourrait rendre compte des faits. Aussi la chose était si potoire , que le corps n’a point été présenté à l’église; la famille l’a fait enterrer sans aucune céré- monie. Il est juste de dire que Léonard Gay-Vernon a , par son testament, fait plusieurs legs pieux , etc. » GAY-VERNON (J.....), frere du précédent , entra dans le corps du génie en 1779; il était par- venu au grade de capitaine, à Le poque de la Révolution. C’est lui qui, pendant la premiere cam- pague sur le Rhin, fit construire la tête du pont de Cassel : le gé- néral Meunier, qui portait dans les sciences l’ardeur brillante qu'il déployait au milieu des combats, admira ces ouvrages , et réclama pour les sept bataillons qui les avaient élevés , sous les ordres du capitaine Gay-Vernon, l'honneur de les défendre. Promu au grade de colonel- adjudant - général, Gay--Vernon suivit à l’armée du Nord , le général Custine , dont il était l’amiet l’aide-de-camp. Après l’arrestation de ce brave et infor- tuné militaire, 1l remplit aupres du général Houchard les fonctions de chef d'état-major, et en cette qualité, dirigea les opérations de GAY l’armée du Nord. Apres la victoire remportée à Hondschoote , le gé- néral Houchard et son aide-de- camp furent arrêtés : Gay-Vernon languit dans les prisons jusqu’au 9 thermidor. C’est peu apres cette époque qu'il fut associé aux 1llus- tres savans qui fonderent l’Ecole polytechnique. D’abord profes- seur de fortification , il a été en- suite pendant dix-sept ans ( depuis 1798 jusqu’en 1815), sous-direc- teur et commandant en second de l'Ecole. En 1812 il fut rappelé à l’armée active ; après avoir assisté aux glorieux combats de Lutzen et de Bautzen, Napoléon lui confia le commandement de la forte- resse de Torgau, où il ne tarda pas à être bloqué par les Prus- siens , et qu’il ne leur rendit qu’a- pres une honorable résistance. Prisonnier par suite de la capitu— lation , 1l obtint la permission de rentrer en France sur sa parole. C'est apres la Restauration qu'il fut élevé au grade de maréchal- de-camp et reçut la croix de Saint- Louis : précédemment il avait obtenu celle de la Légion-d’Hon- neur et le titre de baron. En 1815, durant les Cent jours, Gay-Ver- non fut désigné pour faire partie du 3° corps d'armée qui se for- mait sous Mézières. Il paraît qu'il ne crut pas devoir accepter cette destination. Le reste de ses jours s’est écoulé dans ses foyers, et il est décédé à Saint-Léonard, en Limousin , au commencement du mois d'octobre 1822, à l’âge de . 62 ans. Liste des ouvrages de J. Gay-V'ernon. I. Exposition abrégée du cours GIR de géométrie descriptive appliquée à la forlification, à l’usage des élèves de lEcole polytechnique. 1802, 1n-4. Il. Traité élémentaire d’art mili- taire et de fortification , à l’usage des élèves de l'Ecole polytechnique et des élèves des Ecoles militaires. Paris , 1505, 2 vol. in-4. Cet ouvrage a été traduit en di- verses langues étrangères, no— tamment en anglais. Les gouver- nemens d'Espagne, des Etais- Unis et de Prusse, l’ont adopte pour l’enseignement de leurs éco- les d'application. GENOUVILLE ( Errennt- RENÉ), docteur en médecine , né à Paris le 12 septembre 17093, est mort dans la même ville, le 3omai 1820. On avait de lui une pre- mière hvraison de l’Histoire na- turelle des lépidoptères où papil- lons diurnes des environs de Paris; 1820. M. Godart, qui donna les deuxieme et troisieme livraisons, refit la première, de sorte que la livraison de Genouville n’a point eu réellement de suite, et reste sans intérêt. Ce n’est point aux diurnes des environs de Paris que s’est borné M. Godart ; il a entre- pris l’Histoire naturelle des lépi- doptères ou papillons de France. Les Diurnes des environs de Paris forment le premier volume de la collection, qui en est déja(sepiem- bre 1823) au quatrième volume, quatorzièeme livraison ( Extrait de la Bibliographie de la France, rédigée par M. Beuchot. 1823, pag. 531). GIRARD (....), était ne en Franche-Comté , et vint faire ses études au collége de Louis-le- GIR ! CFO Grand , où 1l remporta le prix. d'honneur. M.-de Cicé , alors évé- que de Rhodez, amena l’abbé G:1- rard dans sa ville épiscopale, lui confia d’abord une chaire de rhé-— torique , puis la direction du col- lége qu'il y fonda. L'abbé Girard occupa la place de Principal jus- qu’au moment de la Révolution ; il a formé en cette qualité, des su- jets fort distingués , parmilesquels 1l sufhra de citer M. Frayssinous. Le refus du serment à la Constitu- tion civile du clergé,arracha l'abbé Girard à ses fonctions. Pendant tout le temps de la persécution 1l resta en France , caché chez un ami. Aussitôt que le calme eut re- paru , il prit la direction du col- lége de Figeac (Lot); mais bien— tôt le vœu général des habitans de Rhodez le rappela à la tête de la maison dont il était comme le se- cond fondateur, etqu’il fit fleurir de nouveau. Lors de l’organisation de l’Université, le collège de Rho- dez fut érigé en lycée, et M. Gi- rard en fut le premier proviseur. Il est mort à Rhodez, dans l’exer- cice de ces fonctions, le 23 avril 1822 , àgé d'environ 7o ans. L'abbé Girard joignait à l’esprit de son état, à une piété solide et à un attachement profond à la reli- gion , la vigilance la plus active, la fermeté d’un chef, l’indulgence et la douceur d’un père. Les mon- tagnes du Rouergue conserveront long-temps le souvenir d’un hom- me,de qui l'élite de leur population a reçu, pendant près d’un demi- siecle , le bienfait de l’éducation. On a de l’abbé Girard : Préceptes de rhétorique, tirés des meilleurs auteurs anciens et modernes. Rho- dez, 1797, in-12.—Septième édi- tion, Rhodez, Carrère, 1822, in-12. 104 GRU — Une notice imprimée dans le Journal des Débats du 17 mai 1822, ajoute que l’abbé Girard est auteur de plusieurs ouvrages de littérature. GRUYER (Anroins) , issu d’une famille honorable , naquità Vélon, M de Lure, département de la aute-Saône ( Franche-Comté), le 15 mars 1774; il entra au ser- vice comme simple volontaire , n'ayant pas encore atteint sa dix- septième année ; plusieurs actions d'éclat lui firent traverser rapide- ment les premiers grades, etobte- nirun sabre d'honneur à l’armée du Rhin ; élevé au grade de capitaine dans la 43° demi-brigade , devenue depuis le 43° régiment de ligne , 1l . ne la quitta que pour entrer dans la garde impériale. Ce fut apres la bataille d’Austerlitz, où il's’était distingué de maniere à se faire re- marquer de Napoléon , qu'il reçut de lui la croix d’officier de la Le- sion-d'Honneur,(ilen étaitmem- Fe depuisla création) etle gradede capitaine-chef de bataillon dans le 1% régiment de chasseurs à pied de la garde, que commandait le gé- néral Curial. Gruyer fit, dans ce grade , les campagnes d’Jéna et de Tilsit. Il était de service intérieur en cette derniere ville, dans la salle où, après l’entrevue du Nié- men, Napoléon reçut la premiere visite d'Alexandre. Il racontait quelques circonstances particulie- res de cette mémorable entrevue, qu’il avait curieusement observée. Les deux empereurs restérentlong- temps à causer ensemble sur un balcon, à la vue de la population de la ville, qui faisait éclater son enthousiasme. Le premier mot de Napoléon à Alexandre fut une pa- GRU role obligeante , sur l’inconstance des armes. Ils causaient encore, quand on annonça le roi de Prusse, qui paraissait fort contraint en en- trant. Le roi et la reine furent in vités par Napoléon, à venir diner chez lui le jour méme,avec Alexan- dre. Pendant ce diner, Napoléon promit à la reine, que la Silésie serait comprise au nombre des provinces rendues à la Prusse. Gruyer qui s'était constamment distingué dansles deux campagnes, et qui s’étaitefforcé de maintenir le respect dû aux propriétés et de diminuerles malheurs dela guerre, fut compris pour une somme de 50,000 fr. dans l’énorme gratifica- tion que Napoléon distribua à sa arde. Ces 50,000 fr. firent partie de dotations hypothéquées sur le mont de Milan. Lorsqu’au mois de février 1807, Napoléon eut formé du Piémont, de l'Etat de Gènes et du territoire de Parme et de Plaisance, un Gou- vernement général des départe- mens au delà des Alpes ; qu'il donna à son beau-frère , le prince Camille Borghèse , on s’occupa de former la maison du prince. Les chambellans , les écuyers , enfin tout ce qu’on appelle ser— vice d'honneur , fut choisi par- mi les piémontais ; mais on arréta que les ‘aides-de-camp seraient pris parmi les français. Le général Duroc, qui fut chargé du travail , proposa pour deuxième aide-de- camp Gruyer , (1) auquel il avait (1) Les trois autres aides-de-camp furent le colonel Curto , ancien dra- gon du régiment de Bourbon , aujour- d'hui maréchai-de-camp , inspecteur de cavalerie ; le chef de bataillon Hen- rion: , sortant de la Garde, ancien vo- GRU reconnu le talent de bien com- mander les revues : à cette occa- sion il fut élevé au grade de colo- nel. Peu de temps apres , le prince Borghese demanda et obtint pour lui le titre de baron ; 1l reçut aussi la décoration de l’Ordre de la cou- ronne de fer. Depuis 1807 jusqu’au commencement de la campagne de 1513, Gruyer ne quitta point Turin , où il n’était guère à sa place ; ses habitudes toutes mili- taires, son extrême franchise, s’ac- commodant mal avec les mœurs d’une cour brillante , mais peu guerriere. Son seul divertissement contre l’ennui était de suivre, sur la carte, les mouvemens deses fre- res d’armes , dont il aurait voulu partager les dangers. Gruyer ne connaissait point le monde ; doué de cette bonté confiante , apanage ordinaire de l’enfance , il cédait facilement à l'enthousiasme et y échappait avec non moins de faci- lité : cette donnée explique quel- ques-uns des derniers événemens de sa vie.Pendant le séjour du Pape à Savone , où M. de Chabrol de Volvic était alors préfet, Napo- léon transmit l’ordre au prince Borghese de l’informer des dé- tails de la vie privée du Pape, et de ce qu'il paraissait penser tou- lontaire, comme le général Gruyer, fait colonel à la campagne de Dresde, et général commandant une brigade de la Garde,à la campagne de Paris(1814), aujourd'hui retiré à Montmedy ; le quatrième aide-de-camp du prince Borghèse fut le capitaine du génie Delmas, rentré en France après l’éva- cuation du Piémont, avec le grade de chef de bataillon : depuis il a com- mandé le génie dans ce grade , à Sche- lestadt, et le commande aujourd'hui (1823) au Hävre. GRU 105 chant sa position; Gruyer futchoisi pour remplir cette mission. Il se rendit à Savone , et touche de la résignation du vénérable vieillard, il en revint animé d’une dévotion fervente , qui pourtant ne devait durer que quelques jours. Une autre fois, ayant été chargé de s'opposer au passage de Lucien Bonaparte, que l’on savait avoir l'intention de venir en France, malgré la défense de Napoléon, qui ne voulait pas absolument qu’il accompagnät sa fille, man— dée pour assister au mariage de Marie-Louise , le colonel Gruyer après avoir vu Lucien, n’osa exé- cuter l’ordre qu’il avait recu. Le plus beau jour de la vie de Gruyer fut celui où il apprit qu’il rentrait dans l’armée active; un si long repos l’avait vieil ; 1l rajeunit à Lutzen, à Bautzen et à Dresde, etil ne tarda pas à obtenir le grade de général de brigade , auquel il fut promu le 23 avril 1813. Le 2 octobre de la mème année, il fut créé commandant de la Légion- d'Honneur. C’est surtout dans la glorieuse campagne de 1814 que Gruyer se conduisit avec une rare distinction; blessé plusieurs fois précédemment , il reçut une bles- sure tres -grave au combat de Mery-sur-Seine. Pendant que les deux partis se disputaient la ville, Gruyer, quis’étaitavance dans une rue pour donner un ordre , reçut presque à bout portant une balle, qui lui effleura la poitrine et lui cassa le bras droit tout pres de l’é- paule. Deux ou trois jours avant la premiere entrée des étrangers dans Paris, Gruyer y avait été transporté dans cet état, sur un bateau. M. de Chabrol, des-lors préfet de la Seine, et avec lequel 106 GERU il s’était lie en Piémout , en ayant été informe, le fit transporter à la préfecture , où il reçut les soins les plus empresses. Vers la fin d’avril seulement , Gruyer envoya son adhésion au Gouvernement provi- soire , dans unelettreainsi conçue, adressée au prince de Bénévent. « Monseigneur ; j'ai l’honneur de prier V. A. d’agréer l'offre de mes services : une blessure au bras droit , que j’ai recue à l'affaire de Mery , me force de garder la Chambre encore quelques jours ; en attendant mon rétablissement, je supplie V. À. de me classer parmi les généraux entièrement dévoués à S. M. Louis Stanislas Xavier, et au Gouvernement provisoire ». Le 29 juillet suivant , il futnommé chevalier de Saint-Louis, par or- donnance spéciale , et immédia- tement appelé au commandement du département de la Haute-Saône. Il se trouvait à cette residence, lors- qu’au mois d'octobre suivant il re- cut Monsieur, qui passait par Ve- soul. Il y vivait heureux et tran- quille , aupres d’une sœur qu'il aimait tendrement, que du milieu des camps il avait toujours soute- nue, et d’une nièce qu’il épousa depuis , et qui ne cessa pas un moment d’être la vertueuse com— pagne de ses malheurs , lorsque le 14 mars, Gruyer recoit du ma-— réchal Ney l’ordre de reconnaître et de proclamer Bonaparte. Ce- dant peut-être à d'anciennes affec- tions , ou plutôt cédant au préjugé militaire de l’obéissance passive, il obéit sans examen à l’ordre d’un chef. Bientôt le bruit des armes réveilla dans son cœur des souve- nirs de gloirex 1l sait que les fron- tières de la France vont être de . nouveau menacées ; son départe- GRU ment touche aux frontieres ; il di— rigé le mouvement des habitans qui saisissent les armes pour s’op- poser à une seconde Invasion ; mais la victoire avait abandonne nos drapeaux. Apres la seconde rentrée du Roi dans la capitale, Gruyer fut destitué et poursuivi criminellement. Il ne voulut point secacher, niconsentir à s’éloigner de France. Le duc de Feitre etait alors ministre de la guerre: Gruyer logé de nouveau chez M. de Cha- brol, qui n’avait point reculé de- vant ses malheurs , est traduit de- vant un conseil de guerre formé par le ministre ; le général se rend à Strasbourg, se présente en mai 1816, devant le Conseil ; il estcon- damné à mort. Cette sentence consierna ses nombreux amis ; surtout,elle frappa vivement M. de Chabrol. Les larmes aux yeux, 1l courut solliciter aupres du Roi la grâce de Gruyer , déterminé à l’obtenir ou à renoncer à la car- rière publique. Il obtint la grâce, c’est-à-dire la commutation de la peine de mort, en vingt années de détention à la citadelle de Stras— bourg. Dans ce moment la jeune femme du général Gruyer était enceinte ; peu apres elle accoucha dans la prison, d’un fils qui fut tenu sur les fonds de baptème par M. de Chabrol et par M°° de Bou- thilier, dont le mari était alors préfet de Strasbourg. À cette oc— casion , toute la ville manmifesta le plus vif intérêt au général. En 1817, le prince Borghese ayant appris: à Florence la situa- tion de son ancien aide-de-camp , . qui se trouvait sans fortune, lui fit tenir secretement une somme de 15,000 fr. Vers cette époque , Mgr. le duc d'Angoulême traversa GRU l'Alsace et témoigna prendre le plus vif intérêt au malheureux Grayer ; 1l voulut le voir, le fit venir chez le préfet ; et ne le ju- geant point comme l'avait jugé le conseil de guerre du duc de Feltre, il commença par l’autoriser à re- placer sur sa poitrine toutes les décorations qu’il avait acquises au prix de son sang , adoucit les ri- gueurs de sa captivité et lui laissa entrevoir l'espoir d’être rendu à la liberté. Cet espoir ne fut point déçu : à l’époque où l’on procla- mait l’anion et l’oubli , la,de- mande du prince fut accueillie, et Gruyer obtint sa grâce pleine et entière. Le premier usage qu'il fit de sa liberté fut de venir à Paris, rendre grâce à l’amitié, et de se présenter chez Mgr. le duc d’An- goulème ; ce prince ne se borna pas à le bien accueillir, 1l le re- commandaau ministre de Ja guerre (M. le maréchal GouvionSt.-Cyr), et Gruyer fut attaché, dans son grade, au corps-royal d’état-major. Depuis , le général Gruyer fut mis à la retraite et vint fixer son domi- cile à Strasbourg. Il est mort dans cette ville, le 27 août 1822, dans sa 48° année, à la suite d’une mala- die de poitrine, dont on attribua la cause aux nombreuses fatigues éprouvées à la guerre. Le general Gruyer s’est toujours distingué par une bravoure à toute épreuve, une rare intrépidité, une probité et un désintéressement dignes des temps antiques , et enfin par des connaissances militaires tres-éten- dues. Une foule considérable de citoyens de Strasbourg et de mi- litaires de tous grades,assista à son convoi funebre. Une partie de la garnison, accompagnée de com- mandant de la 5% Division, de GUÉ : 107 M. le prince de Hohenlohe, ins- pecteur - général d'infanterie , et de tous les généraux et officiers supérieurs qui se trouvaient en ce moment à Strasbourg, se réuni- rent dans l’église de Saint-Jean, paroisse du défunt, et de là au ci- metiere, situé hor$ la porte de pierre. M. Ehrenfried Stoeber, connu par des poésies, et par plu- sieurs écrits qu'il a successivement publiés , prononca sur la tombe de Gruyer un éloge , qui a été imprimé sous ce titre: Discours prononcé à la tombe du général Gruyer, par D. E. Stoëber. Stras-— bourg, Schuler, 1822 ,in-6. , trois quarts de feuille. —On en a publié en même-temps, une version alle- mande. GUÉLON-MARC (P.... P.….. }, né à Troyes, s’offrit en 1702 pour otage de Louis XVI. Dans l’a dresse qu’il transmit à ce sujet au président de la Convention , le 16 décembre 1792, on remarque les passages suivans : « Acceptez une victime fière de se dévouer; que le sang d’un fidele sujet soit seul versé : j’offre ma tête pour celle du meilleur des rois. Que l’ami de la religion , des mœurs et de l’ordre ; que le soutien du peu- ple ; que celui qui fit tous les sa- crifices personnels ; que le bon époux et le bon pere soit bbre ; que vingt-cinq millions d'hommes dont il fit le bonheur, ne soient pas orphelins ; mais que pour un crime imaginaire , on se Contente de la vie d’un citoyen qui saura mourir , parce que l'échafaud peut étre un lit d’honneur.....… Etranger à la cour, je n'ai jamais eu de rapports avec Louis XVI ; jamais je n’ai sollicité ni sa fa- 108 GUÉ veur , ni celle de sa maison, ni celle des dépositaires du pouvoir. Je le chéris et le révère, parce que je suis Français, et qu'il se— rait le plus infortuné des hommes, s’il n’était pas le plus vertueux. Mettez, je vous prie, la pré- sente sous lesyeux de la Conven- tion , etc. » Cette adresse coura- geuse, transmise à M. de Males- herbes, valut à M. Guélon-Marc laréponse suivante, qui doit suf- fire à recommander son nom au souvenir de la postérité. « J’ai lu , Monsieur, avec le plus grand intérêt, la lettre que vous m'avez fait l’honneur de m’é- crire, le 23 de ce mois , et l’ai mise , le jour de sa réception, sous les yeux de Louis XVI, avec la copie de votre Adresse au prési- dent de la Convention. » Le roi a éprouvé le plus grand attendrissement en la lisant ; j'ai vu ses larmes baigner ce gage au- thentique de dévouement. Que n’avez-vous pu être témoin de sa sensibilité , et entendre les ex- pressions de reconnaissance que vous avez si vivement excitée dans le cœur de celui, qu’asijuste titre, vous nommez le meilleur et le plus juste des rois ! » S. M. a été d'autant plus pé- nétrée de la générosité de votre démarche, que jamais vous n’a- vez sollicité sa bienveillance et n’en avez recu aucune faveur. Elle n’a point oublié qu’à deux épo- ques mémorables, vous avez si- gnalé votre amour et votre fidé- lité, par votre inscription sur la liste des otages offerts en août 1701 , pour obtenir sa liberté, et par une adresse sur l’affreuse journée du 20 juin suivant. » Si son innocence triomphe ;, GUÉ S. M. vous comblera des marques de son estime et de sa reconnais- sance,et ne croira pouvoir ré- compenser le service que vous voulez lui rendre,au péril de votre vie ; mais si elle devient la vic- time des projets régicides ouver- tement manifestés, vous n’échap- perez pas à leur fureur ; et l’é- chafaud deviendra l’unique prix d’une action, qui n’aura peut-être pas un imitateur , et qui vous consacre à l’immortalité. » Ilest bien doux pour moi, au milieu des anxiétés que je par- tage avec vous, avec mes deux col- laborateurs, et avec l’auteur de la Défense préliminaire du 24 (1), sur la situation du monarque, d’être l'interprète des sentimens que vous lui inspirez. » C’est sous ses yeux et en son nom que j'écris. Je ne vous rends que faiblement la vive émotion dont S. M. est pénétrée; c’est dans son Cœur que je vous invite à descendre, pour vous en former une juste idée et en sentir tout le prix. Le mien n'est pas moins touché de votre action ; elle vous place au rang des plus grands héros. » Agréez le sincère hommage de mon admiration et de mon in- violable atiachement. » MALESHERBES. » Paris , 26 novembre 1702. » Au mois de septembre 1705, M. Guélon réclama aussi publi- quement, la liberté de M** la du- chesse d'Angoulême, alors déte- nue au Temple. A la premiere entrée des coalisés dans Troyes, en 1814, il mit le premier son (1) M. de Foulaines. HAL nom au bas d’une adresse aux sou- verains alliés, pour demander le rétablissement des Bourbons. Ce- pendant , quand les troupes étran- gères évacuerent la ville, M. Gué- lon ne les suivit point ; et il échappa à la mort, dont un décret récent le menacait. Le colonel Nillis, qui avait recu ordre de le faire arrêter et traduire devant une commission militaire, l’en fit prévenir à temps, et ne se mit en devoir d'exécuter l’ordre,que lors- qu'il sut que le proscrit était en sürelé. On prétend que l’empe- reur Alexandre offrit en cette occasion, à M. Gueélon-Marc, de frapper en sa faveur une contri- bution de cent mille francs sur ses concitoyens, offre que M. Guc- lon ent l’honnèteté de repousser. Lors de la seconde invasion, en 1815, M. Guélon fut fêté par les généraux alliés , qui firent jouer sur le théâtre de Troyes une piece en son honneur. Sa maison fut munie d’une sauve-garde spé- ciale, et on plaça au-dessus de la porte, cette phrase de son adresse a la Convention : « J’offre ma « tête pour celle du meilleur des « rois». Après tous ces honneurs, HALLÉ ( JEax-Nor }, mé- decin, naquit à Paris le 6 jan- vier 1754. « Il appartenait, dit M. Desgenettes , à une ancienne famille, tres-distinguée dans les arts , les lettres , la jurisprudence et la medecine. On compte en effet Claude-Guy Hallé, son aieul, Noël , son pere, habiles peintres. Il etait proche parent des deux Resiout et l’allié de HAL et en récompense d’un pareil dé- vouement, M. Guélon-Marc fut nommé Commissaire de police à Troyes. La modicité de sa for- tune le mit dans le cas d’accepter ces fonctions, qu’il remplit avec intégrité. Il est mort à Troyes dans les derniers jours de dé- cembre 1822. Des honneurs par- ticuliers furent rendus à ses dé pouilles mortelles : le préfet du département et les principaux magistrats de la ville assisterent à ses funérailles. Le conseil mu- nicipal de la ville de Troyes lui a voté l’érection d’un monument aux frais de la ville, dans le ci- metiere de St. Marc. — M. le comte H. de Valory a célébré le dévouement de Guélon-Marc, par une Ode publiée dans la Gazeite de France. — Nous connaissons de Guélon-Marc un opuscule qui a pour titre : Lettre de M.Guélon- Marc, otage de Louis XVT, sur louvrage de M. le chevalier de Foulaines , intitulé : de l’Educa- tion selon l’Evangile, la Charte et l'Esprit du siècle. Paris, Guef- fier, 1820, in-8, une feuille un quart. 10 H. Jouvenet, l’un des ornemens du siecle de Louis XIV. Du côté ma- ternel, M. Hallé comptait en- core parmi ses proches La Fosse, auteur de plusieurs tragédies, et de ce Manlius, resté à notre théâ- tre à côté des belles productions de P. Corneille. M. Hallé avait pour oncles maternels Paul et Charles Lorry , fils de François, tous deux professeurs célebres de HAL la Faculté de droit de Paris, et 110 ‘ Anne - Charles Lorry , médecin. qui a joui pendant la dernière moilié du dermier siecle, d’une si grande réputation, et qui a exercé une si grande influence sur les destinées de son neveu , ou plu- tôt de son fils adoptif. Au sortir de ses études, M. Hallé.suivit son père à Rome, où il avait été envoyé pour diriger notre Aca- démie des arts. Cette circons- tance faillit l’entrainer vers la peinture ; mais de retour à Paris, l'influence et la haute réputation de son oncle Lorry, le décide- rent pour la médecine. Il prit son premier grade à la Faculté de Paris, en 1776, et fut des lors admis dans le sein de la Société royale de médecine: il reçut le bonnet de docteur en 1795. Les divisions qui existaient entre.la Société et la Faculté de médecine éloignerent M. Hallé de l’ensei- gnement , jusqu’à l’époque de la restauration de l'instruction pu- blique, en 1795, qu'il fut nomme successivement membre de la Commission des livres élémen- aires, du Bureau consultatif des arts et métiers, et ensuite pro- fesseur de physique médicale et d'hygiène , à l’École de santé. Cette pariie de la science fixa dès lorsprincipalement son attention. « À la Faculté, dit M. Leroux, il a créé l’art de professer l’hy- giène et la physique inédicale. Il n'avait point de modele; il doit en servir à ceux qui lui succéde- ront. » Ses observations , après avoir fourni /la matiere de ses cours, étaient réunies pour former un Traité complet de la matiere, ouvrage dont on a beaucoup parlé pendant vingt-cinq ans , dans le HAL monde médical, et dont quel- ques fragmens d’un grand mérite ont éte publiés ; mais qui défini-- tivement est resté inachevé, soit que l’auteur eût trop agrandi son plan, soit que les progres ra- pides des sciences et la variété des applications , que réclament les besoins toujours renaissans de nos sociétés , lui aient opposé des obstacles trop longs à sur- monter. Cette même année 1795, M.Hallé fut encore nommé profes- seur de médecine à la première école normale ; mais l’établisse- ment dura peu, et il n’y fit point de cours. Lors de la fondation de l’Institut de France , M. Halle fut appelé à faire partie de cette compagnie savante : le premier tiers nommé par le Gouvernement, l’élut au scrutin ; il n’a cessé, de- puis son entrée dans la classe des sciences , d'en être un des mem- bres les plus actifs. M. Hallé qui suppléait à la cour de Napoléon Corvisart, premier médecin , en qualité de premier médecin ordi- naire , le’ remplaga comme titu- laire dans la chaire de médecine du Collége de France, en 1804 ;il eut occasion de déployer dans ces nouvelles fonctions , les richesses de son érudition médicale , genre de merite qu'il possédait à un haut degré. En 1515, Monsieur, . frère du Roi, choisit M. Hallé pour son médecin. Opposé aux principes de la Révolution, since- rement affectionné à la famille des Bourbons , pénétré des sen- timens pieux les plus vifs, cette faveur lui convenait sous de nom- breux rapports : il jouit aussi de toute l’estime et la bienveillance du prince auquel 1l était attache. Nommé par le Gouvernement , HAL titulaire ae l’Académie royale de médecine, en 1820 , M. Hallé fut élu par elle, président de la sec- tion de médecine, Il avait reçu la décoration de la Légion-d’'Hon- neur sous l'Empire ; après la Res- tauration (en 1816) ,1il recut le cordon de St. Michel. Depuis long-temps M. Hallé était tour— mente par des graviers , et soup— connait la présence, qui fut en effet reconnue, d’un ou de plu- sieurs calculs dans la vessie ; 1l voulut subir l’opération. « Cha- cun, nous dit M. Leroux, cher- chait à l’en détourner , sur tout ses confrères, MM. Antoine Du- bois et Béclard , qui lui firent de vive voix , les représentations les plus fortes et les plus raisonna- bles. M. Dubois remit à sa fa- mille un mémoire, médité avec M. Béclard, dans lequel 1l expose tous les inconvéniens qui peu- vent résulter de l’opération. Il discute fortement les chances diverses de la taille, considérée d’abord en elle-même et en géne- ral, ensuite considérée relative- ment à M. Hallé. Ses inquiétudes ortaient, 1° sur l’embenpoint de M. Hallé, qui ajouterait aux difficultés de l'opération ; 2° sur ce que, d’apres les violentes né- phnites qu’il avait essuyées, 1l était présumable que les calculs “se formaient dans les reins , qu’il y.en avait maintenant plusieurs dans la vessie , et qu'il en descen- drait d’autres , apres l’opération. M. Dubois avait dit : «L”/opération » de la taille doit ramener une in- » flammation pour la guérison de » Ja plaie ; et peut-on raïsonna- » blement assurer que la poitrine » résistera à ce choc ,; et n’en sera » pas du tout affectée ? Le con- « HAL » traire me semble à craindre.» Il ajoute plus loin : » Dans cet » écrit on voit que les chances » heureuses sont rares , à travers » beaucoup d’inconvéniens et » même de malheurs. » Enfin, il conclut en ces termes: « L’opéra- » tion me paraît un coup de dé, ou » un billet à la loterie. » Malgré ces représentations M. Hallé per- sista dans la résolution de se faire opérer , et ne voulut pas même consentir à attendre le mois" d’a- vril , comme le lui conseillait M. Dubois, qui craignait tout de la constitution régnante et de la constitution particulière du ma lade. M. Hallé se persuada qu'il était dans des circonstances fa— vorables à l'opération: il prévoyait l'altération de l’organe par le séjour prolongé des calculs dans la vessie; et surtout il désirait ardemment d’être rendu à ses tra- vaux. L'opération fut exécutée avec toute l’habileté possible , le 3 février 1822, par M. Béclard. Elle avait parfaitement réussi ; mais tous les accidens fächeux que l’on redoutait du côté de la poitrine se manifesterent ; il s’ Joignit la goutte , et M. Hallé suc- comba, le 11 du même mois. » Ses dépouilles mortelles ont été dépo- sées au cimetière du P. La Chaise, où M. Percy, au nom de l’Institut, M. Leroux, doyen, au nom de la Faculté de médecine, M. Dumé- ril, au nom de l’Académie royale de médecine , ont payé chacun un tribut d’éloge à sa mémoire(1}. Plus III (1) Ces discours sont imprimés et font partie des collections de ces com- pagnies savantes. Celui de M. J. J. Le- roux , est accompagné de notes histo- riques et bibliographiques. HAL tard, M. Desgenettes a gi ao l'éloge de Hailé , dans la séance d’ouverture de la Faculté de mé- decine , du mois de novembre 1822, séance devenue tristement fameuse par la destruction de cette célebre école. Voici le pas- sage de ce discours qui donna lieu à la premiere explosion du mécontentement des éleves.« Nous croirions manquer à la mémoire de M# Hallé ; nous croirions la trahir ; vous auriez le droit de me traiter comme un lâche, si j’ap- préhendais de dire hautement ici que M. Halle eut des sentimens de religion, aussi sincères que pro- fonds. Comme Pascal, il s’anéan- tissait devant la grandeur de Dieu; une teinte de l’âme de Fénélon émoussait le rigorisme; et comme il se croyait sans mission pour amener les autres à ses opinions, il se borna à prècher d’exem- ple {1).» Pour apprécier ce pas- sage, et surtout la fermentation qu'il occasiona , 1l faut se rap- peler que l’orateur était supposé, d’apres divers antécédens , ne point partager les opinions reli- gieuses de M. Halle, tandis que l’on pouvait craindre que la pro- tection coërcitive accordée par le système actuel du gouvernement à ces mêmes opimions , ne Jui ar- rachât des” concessions qui au- raient porté un autre caractere que celui de la franchise. D’ail- 112 (:) Eloge de M. Hallé, prononce le 18 novembre 1822 , devant la Faculté de medecine de Paris , par M. le baron Desgenettes. Paris, Bidot jeune (1823), in-8 de 24 pages. Cet éloge a été re- produit, sous la forme d'article biogra- phique, dans le tome V dela Zrogra- pluie Médicale. HAL leurs , un prêtre { M. labbé Frayssinous) venait d’être placé à la tête de l’instruction publique : la séance était présidée par un prêtre (M. l’abbé Nicolle) , rec- teur de l’Académie de Paris , en- üérement étranger à la science médicale ; et ce concours de cir- constances amena les irrévérences verbales dont le dernier fut l’ob- jet, et dont la peine est retombée sur des professeurs entierement étrangers au délit, et qui sont restés l'envie de l’Europe et la gloire de la capitale de la France. M. Hallé ne jouissait pas seu- lement d’une belle réputation comme savant professeur , 1l pos- sédait aussi une nombreuse et brillante clientelle, comme pra- ticien ; cependant il n’avait com- mencé qu’assez tard l'exercice de la medecine. Peut-être c’est à cette circonstance qu'on doit attribuer une sorte d’indecision dans l’ac- tion , que ses confreres ont remar- quée en lui; en sorte qu'après avoir tres - habilement disserté sur les cas soumis à sa consultation , il lui arrivait de se rendre à des avis différens des siens , par suite d’une trop grande défiance de ses lumieres. ‘Toutes les vertus de l’honnête homme , toutes les qua- lités de l’homme de mérite se réunissaient d’ailleurs, pour en- tourer le nom de M. Hallé de la considération publique. Il ‘avait étudié plusieurs branches des sciences physiques et mathéma- tiques, parlait et écrivait le latin avec purete, entendait fort bien la langue grecque, et parmi les langues vivantes , possédait suffi- samment l'anglais, l'italien et l'espagnol. La famille de M. Hallé a fait présent à la Faculté de mé- HAL decine de Paris de son buste, qui se trouve placé entre ceux de Sabatier et de Fourcroy (1). Pres- que tous les objets d’arts qui ornent cet établissement furent exécutés d’après les rapports de M. Hallé, que son goût et ses con- naissances rendaient un excellent juge en cette partie. La même Faculté doit encore à sa famille un autre don précieux. Corvisart étant à Vienne en 1610, le fils de Stoll lui donna un beau portrait en minialure de son père. Cor- visart, peu avant de mourir, légua ce portrait à M. Hallé, par un billet autographe fixé sur l’enca- drement , et portant qu'il laisse cette image de Stoll, au médecin qu'il estime le plus, linvitant à la transmettre un jour de la sorte, ou bien à la léguer à la Faculte. M. Hallé n'ayant fait aucune dis- position à cet égard, sa famille a donné ce portrait de Stoll à la Faculté, qui l’a fait placer sous le beau tableau de Girodet, re- présentant Hippocrate qui re- pousse les offres et les présens des ennemis de la Grece. On a publié : Catalogue des livres de la Bibliothèque de feu Jean-Noël Hallé. Paris , Debure frères, 1823, in-8, 12 feuilles. — Et plus tard un Supplément à ce catalogue. Paris, Debure, 1823, in-8, 1 feuille trois quarts. (1) Le portrait de M. Hallé a été «lithographié, dans la Collection des membres de l'Institut, publiée par M. Jules Boilly;il a étégravé en taille douce pour la Biographie du Dictionnaire des sciences medicales, de M. Panc- kouke, et au trait, dans la Ziographie nouvelle des Contemporains. HAL 113 On lit en tête une Notice abrégée sur la vie et les ouvrages de feu M. Hallé. M. Hallé avait hérité cette belle bibliotheque de son oncle, le professeur Lorry ; il l’avait en- richie de tous les beaux livres de son temps, qu’il avait choisis avec le goût d’un amateur en ce genre. l Liste des ouvrages de J. N. Hallé. TL. Recherches sur la nature er les effets du méphitisme des fosses d’aisance. Imprimé par ordre du Gouvernement. Paris , 1785, in-8. — Ce Mémoire fut publié d’abord. dans les Mémoires de la Société royale de Médecine, pour 1782. « Un homme, dit M. Desge_ nettes , qui a mérité quelque es- time comme oculhste, crut avoir trouvé dans le vinaigre un spéci- fique assuré contre le méphitisme . des fosses d’aisance. Le public, et même la haute administration, s’engouérent au point de procla- mer et de récompenser Janin comme un bienfaiteur de l’espèce humaine. Il y avait un préalable à remplir ; c'était de répéter les épreuves , de faire de nouvelles expériences , et de vérifier avec de meilleurs yeux , les faits pré- conisés. Cet examen entrepris par des commissaires de l’Académie royale des Sciences, et de la Société royale de Médecine, prou- va l’inutilité des moyens propo- sés, qu'on jugea même dange- reux, Sous ce rapport qu'ils inspi- ralent une trompeuse sécurité. Il fut bien constaté que le vinaigre ne corrigeait que l’odeurdes fosses d’aisance ; mais qu'il était in- capable de s'opposer an dégage- ment des émanations qui forment 8 114 HAL le plomb , attaquent ou suspen- dent la vie, ou bien Péteignent sans retour. M. Hallé fit preuve dans ces expériences du plus rare de tous les courages : celui qui ne ‘recule pas dans les dangers pré- vus. » Il. De la connexion de la vie avec larespiration, par Edme Good- win, trad. de l'anglais. 1798, in-6. Il parut la même année des Recherches critiques sur la 4° partie de cette traduction ; publiées par le chirurgien Caron. IL. Discours prononcé à la séance. de rentrée de la Faculté de “médecine, en Lan XE (1803).—Id. pour 1919. IV. Rapport, suivi de soixante- quatre expériences, sur le remède Pradier. Paris, 1811 , in-8. L'auteur avait éte chargé par le Gouvernement , d'examiner la recette du sieur Pradier contre la goutte ; il en démontra l’ineflica- que Hallé a publié un grand hr ede Mémoires ou Rapports; savoir : Dans les Mémoires de la Société royale de médecine : 1°. Détail des expériences. faites pour déterminer les propriétés et les effets de la racine dentelaire, dans le traitement de la gale. 1779. 2°. Observations sur les phéno- mènes el les variations que présente lPurine, considérée dans lLétat de santé. 1779. 30, Observations sur deux ouver- tures de cadavres, qui ont présenté des. phénomènes très- différens de ceux que semblait annoncer la ma- ladie. 1780-1781. Dans la première observation , il est question d’une induration squirrheuse de l'estomac ; la se- - HAL conde offre une dégénérescence des reins. 4. Mémoire sur les effets du camphre, donné à haute dose , et sur la propriété qu’a ce médicament d’être le curatif de la pierre. x782- +703. 5°. Réflexions sur les fièvres se- condaires, et sur lenflure dans la petile vérole. 1784-1785. 6. Réflexions sur le traitement de la manie atrabilaire, comparé à celui de plusieurs autres. maladies chroniques, et sur les avantages de la méthode évacuante dans: ces mala- dies. 1786. 7°. Rapport sur l’état actuel du cours de. la rivière. de Bièvre.1789. S’. Indications relatives au plan ou carte de la Bièvre. 9°. Procès-verbal. de la visite faite le long des deux rives de la Seine, depuis le Pont-Nouf jusqu'à La Rapée et la Garre, le 14 février 1790. Ces trois derniers Mémoires fu- rent imprimés dans le dernier volume des Mémoires de la Société royale. de médecine de. Paris pour 1789 , qui n’a été publié que quel- ques années, plus tard, par l'Ecole de sante. L” importance de ces tra- vaux pour la salubrité publique les a fait continuer. Les docteurs Pavet de Courteille et Parent- Duchatelet ont publié en 1822, des. Recherches et. Considérations sur la rivière de Bièvre ou des Go- belins, et sur les moyens d'améliorer son cours, relativement à la salu- brité et à l’industrie commerciale de Paris. Leur travail avait été ré— digé dans les vues eLsous les yeux de M. Halle : aussi 11 porte cette inscription : À la mémoire de Jean Noël Hallé, notre maitre, notre ami. HAL M. Hallé a publié encore dans les Mémoires de la Société royale de médecine, des Observations sur les parties volatiles et odorantes des médicamens , tirés des substances végétales et añimales, extraits d’un Mémoire de Lorry. Dans la collection des Mémoires de PEnstitut, M. Hallé a publié : 10. Rapport sur le Galvanisme. Cet écrit est un des prémuers qui à fait connaître en France Ja découverté du galvanisme , dans sa nouveauté. 2%, Rapport sur les propriétés fe brifages attribuées à la gélatine , par M. Séguin (Imprimé aussi dans la Bibliothèque médicale de M. Royer-Collard ). L'opinion de l’autéur, fondée sur dés expériences, est contraire aux assertions de M. Séguin. 3°.Rapportsur la V'accine. 1800. — Id. pour 1812. 4°.Rapportsur les maladies dont furent attaqués les ouvriers des munes de charbon d Anzin. M. Hallé a publié en divers recueils : 1°. Rapport sur les réglemens de da Société d'instruction médicale. >, Mémoire sur la distinction des tempéramens. 3°. Extrait des leçons d’ana- tomie comparée de M: Cuvier , recueillies par M. Dumeéril. Il a été le principal rédacteur du Codex medicamentarius Pari- siensis, publié en latin en 1816, et en français en 1619 ( chez Hac- quart), au nom de la Faculte de médecine , et sous les auspices du Gouvernement. Il consacra la gratification double qui lui fut accordée , à l’occasion de ce tra= vail, à l’achat pour le cabinet de physique de la Faculté de méde- HAL 115 cine, de deux boôussoles de Le- noir, destinées à mesurer, l’une linclinaïson , l’autre la déclinai- son de l'aiguille aimantée. Ces dons ne sont pas les seuls dont il a énrichi lé même établissement. M. Hallé a donné des articles, 1°. À l'Encyclopédie méthodi- que, entre autrés Ceux-ci : Afri- que, Air, Alimens, Europe, Hy- gièné. 2°. Au Dictionnaire des Sciences médicales , publié chez M. Pan- cKkouckeé. On cite les suivans : Air, Bains, Eau, Electricité, et un grand nombre d’autres, dont quélqués-uns treès- étendus , ré- digés en commun avec MM. Nys- ten, Guilbert, Thillaye fils : c’é- taient autant de fragmens du Traité d'hygiène. M. Halle à été l’éditeur des ouvragés suiVans : 1°. De præ&cipuis morborum mu- tationibus et connexionibus ; tenta- men medicum, auctore A.C. Eorry, edente J. N. Halle. 1784, in-12.. 2°, Œuvres complettes de Tissot. Paris, 1809-13, 15 vol. in-8: On a publié d’apres les lecons de M. Hallé: Hygiène ou l’ Art de conserver la santé. 1806 ,in-8. Lé nom de M, Hallé se lit au bas d’un grand nombre de rap- ports de commissions savante$. Nous citerons lés suivans. — Sur la prétendue propriété anti-mé- phitique de*la neige. — Sur un projet d’expériences suivies , à l'égard du méphitisme des fosses d’aisance. — Sür la voirie de Montfaucon. — Sur les desséche- mens des marais en général , et spécialement de ceux de Bour- oin. Sur le mémoire de M. Gondret, concernant les ef- fets de la pression atmosphérique 116 HAU sur le corps humain , et lappli- cation de la ventouse dans les dif- férens ordres de maladie ( sep- tembre 1818 , avec MM. Des- champs et Portal), etc. La Biographie des hommes vi- vans annonçait, 1l y a déja plu- sieurs années, que M. Hallé avait presque terminé un Livre élaboré pour ses leçons du Collége de France. Cet ouvrage doit avoir pour titre : Histoire de l’expérience et de l’observation :en médecine , pour établir les fondemens .de. la véritable théorie. L'auteur. com- mence par l’époque d’Hippocrate, et comprend dans son livre une édition des ouvrages de ce grand homme , disposés d’après l’ordre philosophique des idées. HAUY (Rewé-Jusr}), minéra- logiste , naquit à saint Just, dans le diocese de Beauvais, en 1742. Ce fut l'abbé Lhomond, ce mo- deste grammairien si bien connu de tous nos écoliers de sixieme, qui le premier remarqua le jeune Haüy,à cause de son assiduité aux cérémonies de l'Eglise, et qui dé- veloppa ses heureuses dispositions pour les humanites. D'abord en-— fant de chœur, plus tard régent de sixième, il devint enfin professeur au collége du cardinal Lemoine. Il commenca l'étude des sciences naturelles par celle de la botani- que, dans laquelle ilse fit de bonne heure une honorable réputation, par la collaboration à la Flore française, de M. de Lamarck, dont il a rédigé le discours préli- minaire. Dès 1783, il avait été nommé associé-ordinaire de l’an- cienne Académie des Sciences. Bientôt la minéralogie lui dut d’im- portantes observations , et c’est HAU au milieu des orages de la Révolu- tion, qu'il traversa en restant fi- dèle à ses devoirs d’ecclésiastique, que cette science: fut conduite par lui, au degré de précision qu’elle a atteint. En sa qualité de profes- seur émérite , l'abbé Hauy ne se trouva pas astreint aux divers ser- mens qu'on exigea des fonction- naires ecclésiastiques dans les pre- mieres années de la Révolution : toutefois , on l’arrêta apres le 10 août 1702, et on l’enferma au séminaire de Saint-Firmin, avec d’autres prêtres, parmi lesquels 1l s’occupait paisiblement du soin d’arranger ses cristaux dans ses üroirs, qu'il s’était fait apporter à la prison. L’Académie des Scien- ces le réclama, et l’on vint un soir, quelques jours avant les mas- sacres de septembre , lui apporter l’ordre de sa délivrance. «Eh bien, »dit-il, je sortirai demain matin, »au moins j'aurai encore la messe »avant de quitter la maison. » Ceux qui avaient obtenu l’ordre de sortie ne pouvaient concevoir cette tranquillité et ce délai, dans un moment où les bruits les plus sinisires circulaient, et où la vie des prisonniers était menacée cha- que jour. Echappé au danger, l’abbé Hauy reprit ses travaux, au sein de la retraite ; il paraît ce- endant qu’il fut de nouveau ar- rêté, et relache à la sollicitation de Lavoisier. À son tour, 1l ne craignit pas de présenter une pé— tition au Comité de salut public pour ses confreres persécutés. Du reste, quelsqu’'aientété les torts de la Révolution envers ce vertueux savant , il paraît que ses principes politiques ne furent pas entière- ment inconciliables avec elle; car il accepta une chaire à la premiere HAU Ecoie normale, lors de son établis- sement en l’an III, et un siege à l’Institut (section de minéralogie), lors de sa prenuère organisation, à la même époque. Il remplit depuis la chaire de minéralogie auJardin des Plantes, et à la Faculté des Sciences de Paris ; 1l était aussi conservateur des collections mi- néralogiques de l'Ecole des mines, chanoine honoraire de la Métro- pole, membre de la Légion-d'Hon- neur et de la Societé philomatique de Paris. Six semaines avant sa mort , M. Hauy avait fait une chute , qui sans doute en accélera lemoment. Il a fini ses jours à l’âge de 79 ans, le 1 juin 1822, dansles sentimens de piété qui l’avaient toujours animé , et après avoir recu les sacremens de l'Eglise. Plein de douceur et de modestie, l'abbé Haüy joignaït le caractère le plus honorable aux connais- sances les plus étendues. On lui doit, pour le règne nuinéralogi- que , la methode descriptive la plus commode et la plus scien— üfique, la plus minutieusement exacte et la plus riche en grands aperçus. Lorsque la grande dé- couverte de la figure des cristaux qui composent les minéraux eut déjà fait retentir son nom dans le monde savant, sa simplicité était telle que, chargé de donner un cours de cristallographie devant les gens du monde, il s’y présenta en habit long ecclésiastique , et ne put se décider à prendre un cos- tume moins sévere , qu'après y avoir été autorisé par les conseils de M. Emery, supérieur de Saint- Sulpice. — Au nom de l’Académie des Sciences et du Muséum d’His- toire naturelle, M. Cuvier a pro- noncé aux funérailles de son con- HAT 117 frère, le discours dont nous al- lons citer quelques passages. « Au milieu d’occupations obs- cures et laborieuses , une idée vient sourire 4 M. Haüy ; une seule , mais lumineuse et féconde. Des lors, il ne cesse de la suivre; son temps, les facultés de son es- prit , il lui consacre tout : pour elle il étudie la minéralogie, la géométrie , la physique ;1l semble vouloir devenir un homme tout nouveau! Mais aussi quelle ma- guifique récompense accordée à ses efforts! Il dévoile la secrète architecture de ces productions mystérieuses , où la matière Ima- nimée paraissait offrir les pre- miers mouvemens de la vie; où il semblait qu’elle prit des formes si constantes et si précises , par des principes analogues à ceux de l’or- ganisation. Il sépare , il mesure, par la pensée , les matériaux invi- sibles dont se forment ces éton— nans édifices ; il les soumet à des lois invariables ; il prévoit par le calcul, les résultats de leurs assem- blages; et parmi des milliers de ces calculs , aucun ne se trouve en défaut. Depuis ce cube desel, que chaque jour nous voyons naître sous nos yeux, jusqu'à ces saphirs et à ces rubis que des cavernes obscures cachaient en vain à notre luxe et à notre avarice , tout obéit aux mêmes règles ; êt parmi les innombrables métamorphoses que subissent tant de substances, :1l n’en est aucune qui ne soit consi- gnée d'avance , dans les formules de M. Haüy. » Comme un de nos illustres confrères a dit avec raison, qu’il n’y aura plus un autre Newton, parce qu'il n’y a pas un second systeme du monde, on peut aussi, 118 HAU dans une autre sphère plus res- treinte, dire qu'il n’y aura point un autre Haüy, parce qu'il n’y aura pas une deuxième structure des cristaux. Semblables encore en cela à celles de Newton, les découvertes de M. Hauy , loin de perdre de leur généralité ayec le temps, en gagnent sans cesse , ei l’on dirait qu'il en a été de son gé- nie comme de ses découvertes. Loin que l’âge ôtât quelque chose au mérite de ses travaux, c’étaient toujours les derniers qui étaient les plus parfaits; et les personnes qui ont vu l’ouyrage auquel il tra- yaillait dans ses derniers momens nous assurent, qu’il sera encore le lus admirable de tous. » Quelle douce existence que celle qui se dévoue aïnsi tout en- üère au culte d’une vérité grande et certaine, d’une vérité autour de laquelle se groupent chaque jour de nouveaux faisceaux de yé- rités subordonnées ! Combien un tel spectacle éclipse, aux yeux de l’homme digne d’en jouir, ce que le monde peut lui offrir de plus brillant; et qui jamais l’apprécia mieux que M. Haüy? Ces objets mêmes qu’il étudiait sans cesse, ces pierreries qu’une aveugle fu- reur va chercher si loin au prix de tant de fatigues , et quelquefois au prix de tant de sang, ce qu’el- les ont de précieux pour le vul- aire était précisément ce qui lui de étranger. Un nouvel angle dans le plus commun des cristaux, l’aurait intéressé plus que les trésors des deux Indes. Ces joyaux , si chers à la vanité, ces diamans , dont les rois eux-mêmes sont fiers de parer leur couronne, passaient journellement dans son humble réduit, sans l’émouvoir HAU au milieu de sa simplicité! Que dis-je ? tout le fracas d’un monde extérieur ne le laissait pas moins impassible; 1l n’a été ébranlé ni par les menaces des hommes fa- rouches qui en voulurent un ins- tant à sa vie, ni par les hommages, qu’à d’autres époques, des hommes en pouvoir se firent un honneur de lui rendre. Dans tous les temps, un jeune homme studieux , un élève capable de saisir ses idées , ayait plus de droit sur lui. Lors même que sa santé ne lui permet- tait pas de se rendre dans son au- ditoire, 1l aimait à s’entourer de cette jeunesse, à lui prodiguer ses conseils, à lui distribuer ces pro- ductions curieuses de la nature, que l'estime de tous les hommes instruits faisait affluer de tous côtés dans sa collection. Mais ce que ses nombreux élèves trouvaient en core pres de lui de supérieur à ses dons et même à ses lecons, c’e- tait son exemple; c'était l’aspect de cette douceur inaltérable, à chaque instant récompensée par le tendre dévouement de sa famille ; celui de cette piété simple et tolé- rante , mais que les spéculations les plus savantes ne détournaient cependant d’aucun de ses exer- cices ; le spectacle enfin de cette vie si pleine, si calme, si considé- rée, dont ce que le monde et la science ont de plus illustre , s’est efforcé d’adoucirles dernieres souf- frances, etc. » ( Voy. le Moniteur du 24 juin 1822, ou la Revue En- cyclopédique , 1. XIV, p. 661). M. Cuvier a prononce de nouveau l'éloge de M. Haüy , dans la séance publique de l'Académie des Scien- ces , du 2 juin 1623. On à publie : Notice des prin- cipaux Liores de la Bibliothèque de HAU feu M. l'abbé Haüy. Paris, Bache- lier, 1823, in-8, une feuille. Liste des ouvrages de R. J. Haüy IL. Essai d’une Théorie sur la structare des cristaux. Paris, 1764, in-8. 11. Exposition raisonnée de la T'héorie de l'électricité et du magné- tisme , d'après les principes de M. Æpiius, Paris, 17997, in-8. — Trad. en Allemand par M. Mur- hard , avec des notes. 4ltenbourg, 1801, in-8. HI. De la Structure, considérée comme caractère distinctif des mi- néraut. 1793, in-8._ IV. Exposition abrégée de la T'héorie de ‘la structure des cris- taux. 1793, in-8. V. Instruclion sur les mesures déduites de la grandeur de ia terre, et sur Les calculs relatifs à leur di- vision décimale (anonyme). Paris, imprimerie nationale ; 1794, m-8. — Souvent réimprimé. VI. Extrait d’un Traité élémen- taire de Minéralogie, publié par le Conseil des mines. An V (1707). Cet ouvrage avait déjà paru, par parties ; dans le Journal des Mines. VII. Traité de Minéralogie, Pa- ris, Louis, 1801, 4 v. in-5, et atlas in-4, ou 4 v. in-4. — 2° édit. revue ; corrigée et considérablement augmentée par l’auteur. Paris ; Ba- chelier èt Huzard , 1622 et 1823, 6 vol. in-8 , et atlas in—4 (édit. posthume). — Trad. en Allemand, avec des notes par L. &. Karsten. Leipzig ; 1803-5 , 5 vol. in-8. Cest M. Delafosse , élève de M. Hauüy , qui a préside à la réim- pression des derniers vol. de cette seconde édition. Cet ouvrage est HAU 119 devenu classique dans toute l’Eu- rope. Le systeme de l’auteur est principalement fondé sur la cris- tallisation, d’après le principe que Romé de Lille avait le prermer ublié, dans sa Cristallographie. VIII. Tableau comparatif des ré- sultats de la cristallographie et de l’analise chimique , relativement à la classification des minéraux. Pa- ris, 18... , in-8. IX. Traité élémentaire de Phy- sique ; ouvrage destiné pour l’en- seignement dans les Lycées natio- naux. Paris, 1803, 2 vol. in-12. — 2° édit. Paris ; 1806, 2 v.in8 , fig. (ouvrage rare et recherché). — Trad. en Allemand par J. G. L. Blumhof. Weimar ; 1804, 2 volin-8, et par C.-S. Weiss. Leipzig , 1804, 2 v. in-5. X. Traité des caractères physi- ques des Pierres précieuses ; pour servir à leur détermination lors— qu’elles sont taillées. Paris , 1817, in-6. L'abbé Hauy a inséré des Mé- moires dans ceux de l’Institut, du Muséum d'Histoire naturelle, de la Société philomatique , etc. Il a donné des articles au Journal des Savans ; au Journal d'Histoire na- turelle, de Bruguiere,; Lamark , Ollivier ; et Pelletier, en 1792, aux Annales de Chimie , au J'our- nal de Physique ; au Journal des Mines, au Magasin Encyclopédi- que, etc: HAUY (Vazennw), frere du précédent , fut d’abord secrétaire du roi , interprète de l'Amuraute et professeur au Bureau academi- que d’écrilure , pour la lecture et la vérification des écritures an— ciennes et étrangères. C’est M. Va- lentin Efauy qui fonda à Paris, 120 HAU daus la rueSaint-Avoye, la maison des Aveuglés travailleurs, et qui, pe les procédés ingénieux qu'il eur fit mettre en pratique , rendit à ces infortunés lesmêmes services que l’abbé de l’'Epée et l'abbé Si- card ont rendu aux sourds-muets, Sous le gouvernement du Direc- toire, M.V. Haüy se montra très- dévoué au système républicain et partisan des cérémonies théo- philanthropiques; il y conduisit plusieurs fois ses pupilles, ainsi qu'aux fêtes nationales, où ils fai- saient entendre leurs chants. Il parait même que c’est son atta— chement aux principes démocra- tiques , qui le fit éloigner par Bo- naparte de l'établissement dont il était le père plutôt que le fonda- dateur. L'empereur de Russie (Alexandre) s’empressa de l’attirer chez lui, et 1l fonda successive- ment à Pétersbourg et à Berlin des établissemens semblables à celui de Paris. Valentin Haüy rentra en France apres la Restauration ; il était désabusé des idées théo- philanthropiques, mais il ne paraît point qu'il eût également changé de principes politiques. Il est mort à Paris, le 19 mars 1822 ; ses obsèques furent célébrées dans l’église de Saint-Medard , où des aveugles , ses élèves, exécuterent une messe de Requiem de la com- position de l’un d’eux. Valentin Haüy avait été membre du Porti- que Républicain et de la Société académique des sciences et arts de Paris : l’empereur Alexandre lui avait donné la décoration de Saint- Wladimir. Liste des ouvrages de V. Haüry. I.Essai sur l’éducation des Aveu- HAV gles , dédié au roi. Paris , 1786, in—/{. Imprimé par les enfansaveu- gles, sous la direction de M. Clou- sier , et se vend à leur seul béné— fice , en leur maison d'éducation. -Traduil en anglais par Blacklock, aveugle, à la suite de ses Potmes. 1705, in-{. Ce curieux ouvrage est impri- mé en relief, de maniere que, dans les exemplaires ui n'ont point passé sous le marteau du relieur , les aveugles peuvent lire en promenant le bout des doigts surles lignes. Dans lesexemplaires reliés , le relief des lettres se trou- vant presque entièrement aplati, ceux-ci ont perdu la plus grande partie de ce qu’ils-présentaient de curieux. 11. Nouveau Syllabaire, etc. 1800 , in—12. HAVET ( ArmanD = ETrENNE- Maurice),né à Rouen en 1705, est mort à Madagascar, où 1l avait été envoyé par le gouvernement fran- cais,en qualité de naturaliste voya- geur, le 1% juillet 1820, dix jours seulement après son arrivée dans celte île. On a publié: Noticenécro- logique sur E. 4. M. Havet, par À. L. Marquis D. M. Paris, Guirau- det et Gallay, 1822, in-8. d’une feuille et demie. On a de Havet les ouvrages suivans : I. Quelques Articles dans le Dic- tionnaire des sciences médicales. Il. Le Moniteur médical. 1820, In-12. IIE. (Avec M. Lanein). Le Dic- tionnaire des Ménages, ou Recueil de recettes et instructions pour l’économie domestique. 1820 , in-8. — 0° édit. , corrigée tres-soigneu— sement, et augmentée par Steph. Robinet et M® Gacon - Dufour. JAR JAR 121 1822, in-6. On lit du moins surle Lanein, Cependant M. Marquis frontispice du livre qu'ilest de M. n’en parle point dans sa Noticesur Hav..., médecin etbotaniste,au- HAvet. teur du Moniteur médical et de M, JARD-PAN VILLIERS (Lovrs- ALEXANDRE) , né à Niort en 1747, était, avant la Révolution , me- decin dans cette ville. Il fut nom- mé en 1700, Procureur-général- syndic du département des Deux- Sevres, l’année suivante député de ce département à l’Assemblée législative, où il ne se fit point remarquer, et en 1792, à la Con- vention nationale. Dans le proces de Louis XVI: vota en faveur de l'appel au peuple , pour la déten- tion jusqu'à la paix, le banisse- ment à cette époque ; et enfin pour le sursis à l'exécution , lorsque la sentence de mort eùt été pronon- cee. M. Jard Panvilhiers suivit constamment la même ligne de sagesse :avantle 31 mai il fut en— voyé en mission dans les départe- mens au midi de la Loire, et mé- rita d’être dénoncé par Marat, commé modéré. Il se fit oublier depuis cette époque ; et , apres le 9 thermidor , 1l fut du nombre de ceux qui s’elevérent contre Car- rier. Îl proposa d’excepter de la vente des biens nationaux les jar- dins des presbyteres et les cime- üères , et même d’annuler les ven- tes & auraient pu en être faites; il fut membre de la commission chargée de l'exécution des lois relatives à l’instruction publique, fit rendre un décret accordant un secours de quarante sols par jour aux religieuses anglaises établies eu France, et se distingua au sein de celte majorité qui s’efforça avec J. plus de courage que de succes, de purger la Révolution des restes impurs du terrorisme. Entré au Conseil des Cinqg-Cents apres la session conventionnelle, Jard-Pan- villiers y professa les mêmes prin- cipes ; on l’entendit, à la fin d’oc- tobre 1796, s'élever avec beau-— coup de force contre la loi du 3 brumaire, qui excluait les parens d’émigrés de toutes fonctions pu- bliques. Le 1° fructidor an V (18 août 1797), Jard-Panvilliers fut élu secrétaire du Conseil ; en l’an VI il combattit un projet de loi qui tendait à soustraire les ci- toyens à leurs juges naturels, en cas de guerre, pour les rendre justiciables des tribunaux mili- taires; il combattit aussi en l’an VII, la funeste loi des otages, et la déclaration de la patrie en danger, deux mesures qui tendaient trop évidemment à ramener le systeme de la terreur. S’étant montré fa— vorable à la Révolution du 18 bru- maire , il fut envoyé en qualité de commissaire du Gouvernement , dans les départemens de la Ven- dée et du Poitou , etentra ensuite au Tribunat. En 1600 ilvota pour le projet qui donnait de l’extension à la faculté de tester ; il futnommé secrétaire le 22 avril, et président, pour l’anniversaire du 14 juillet ; 1l reçut lacroix dela Légion-d'Hon- neur peu après l’institution de l’Or- dre. Au moîs demai:1804,M. Jard- Panvilliers fit partie de la commns- sion chargée de l’examen de la pro- JAR position de Curée,pour décerner le titre d’'Empereur à Bonaparte , et le 6, il présenta , au nom de cette commission , un rapport aflirma- tif, qui contenait en outre des attaques tres-violentes contre la dynastie des Bourbons. M. Jard- Panvilliers présida ensuite la dé- putation qui porta au Sénat le vœu du Tribunat. Un tel rôle ne pou- vait pas rester sans récompense. M. Jard-Panvilliers fut nommé Questeur de son corps , baron, commandant de la Légion-d’Hon- neur , et présenté, en novembre 1804, candidat au Sénat, par le Collége électoral des Deux-Se- vres. Le 30 novembre 18051il pro- posa une adresse à Napoléon, pour le remercier des drapeaux dont il avait. fait hommage au Tribunat. En 1608 , apres la suppression du corps dont il était membre, M. Jard-Panvilliers fut nommé l’un des présidens de la Cour des comptes , et c’est en cette qualité qu’il harangua Napoléon, après les désastres de l’hiver de 1812 ; et à l’occasion de la conspiration de Mallet, il joignit ses protestations de fidélité à tant d’autres qui de- vaient être sitôt démenties. Le 5 avril1814 il adhéra à la déchéance de Bonaparte ; et apres son retour l’année suivante , il signa, le 25 mars 1815, l’adresse de sa com- pagnie , en faveur de la nouvelle révolution , ce qui ne l’empêcha point le 3 mai 1616 de venir porter au pied du trône des Bourbons des paroles de dévouement et de con- gratulation. M. Jard-Panvilliers fut élu député des Deux-Sèvres au mois de septembre 1815 ; il vota pendant cette session, avec la mi- norité ; réélu apres le 5 septembre et sous la loi du 5 février 1819, 122 JAR il siégea et vota silencieusement avec le centre gauche, même de- puis le changement du système ministériel. Il est mort à Paris, au mois d'avril 1822. JARJAYES (Francois- Aucus- TIN REGNIER de), naquit le 2 octo- bre 1745. Il était neveu du lieu- tenant-genéral Bourcet, connu par ses mémoires sur les frontières des Alpes, dont il fut d’abord l’é- lève, et ensuite le coopérateur. Entré au service en 1769, M. de Jarjayes fut aide-de-camp de son oncle , et passa dans l’état-major de l’armée en 1779, avec le grade de capitaine. Il parcourut ensuite les grades supérieurs , fut adjoint à la direction générale du dépôt de la guerre, et nommé maréchal- de-camp par Louis X VI, eu 1795. M. de Jarjayes avait épousé une des premieres femmes de chambre de la reine Marie-Antoinette, que cette princesse honorait d’une bienveillance particulière ( 1 ). Cette circonstance mit M. de Jar- jayes à portée d’être personnelle- ment connu de la famille royale, et lui fournit plus d’une occasion de lui témoigner son dévouement. Voici ce qu’on lit à son sujet dans les Mémoires de M" Campan (1) Pendant les débats de son procès devant le Tribunal révolutionnaire, la Reine avait remis à M. Tronçon- Ducoudray, un de ses défenseurs#une boucle de cheveux et deux anneaux d'or, lui servant de pendans d'oreille, enveloppés dans un papier cacheté. En fouillant M. Ducoudray , on trouva le paquet sur lui ; il fut aisé d’en con- naitre la destination , puisque le nom et l'adresse étaient sur l'enveloppe. Mue de Jarjayes fut incarcerée à la Force, pendant plusieurs mois; elie en sortit après le 9 thermidor. JAR (tom. II, pag. 129) : « M. de Jar- jayes, colonel, attaché à l’état- major de l’armée , eut le bonheur de rendre plusieurs services à la Reine, et s’acquitta avec la discré- tion et la dignité convenables de lusieurs missions importantes. urs Majestés avaient Ja plus grande confiance en lui, quoique souvent la sagesse de ses craintes, quand il s'agissait de projets in- considérés, l’eût fait taxer par des imprudens et des ennemis, de suivre les principes des constitu- tionnels. Envoyé à Turin, il eut de la peine à dissuader les princes du projet qu’ils avaient à cette époque, de rentrer en France rar Lyon, avec une tres-faible armée; et, lorsque dans un conseil qui se prolongea jusqu’à trois heures du matin , il eut fait voir ses instruc- tions et démontré que cette de- marche exposerait le roi, le seul comte d'Artois se prononca contre le plan , qui était de M. le prince de Condé. » Plus tard, selon les mêmes mémoires, M. de Jarjayes fut le premier intermédiaire des relations qui s’etablirent entre la Reine et MM. Barnave, Duport et Alexandre de Lameth, pour af- fermir le systeme constitutionnel de 1791, contre les projets des ré- publicains. « Apres le 20 juin , la reine, dit encore M"° Campan, mit dans un portefeuille qu’elle confia à M. de Jarjayes, ses lettres de famille, plusieurs correspon- dances qu’elle jugeait nécessaire de conserver pour l’histoire du temps de la Révolution, et parti- culierement des lettres de Bar- nave et ses réponses, dont elle avait fait des copies. M. de Jar- Jayes n’a ‘pu conserver ce dépôt; il a cie brûlé, » JAR 123 M. de Jarjayesse trouva au chä- teau des Tuileries le 10 août , quoi- qu'il ne se dissimulât pointla cer- titude de la défaite. — Le roi, dit Mr° Campan, lui fit connaître, comme officier de l’état-major, le plan de défenseque M. de Viomé- nil avait préparé. M. de Jarjayes me dit après cette conférence par- ticuhiere : « Mettez dans vos poches vos bijoux et votre argent ; nos dan- gers sont inévitables ; les moyens de défense sont nuls ; ils ne pour- raient se trouver que dans la vi- gueur du roi, et c’est la seule vertu quilui manque » (Mémoires de M Campan, t. Il, pag. 241). Après avoir échappe à la mort, il parvint, afin de prendre leurs or- dres , jusqu’à la loge où le Roi et la Reine étaient réfugiés. Lorsque la famille royale eut été transférée au Temple , M. de Jarjayes s’occupa de trouver un moyen de corres- pondre avec les prisonniers , et 1l paraît que ce ne fut pas vaine- ment. Après le 21 janvier, un des officiers municipaux, à qui la sur- veillance intérieure de la tour du Temple était confiée (Toulan),vint trouver M. de Jarjayes : il avait soumis à la Reine un projet d’éva— sion; mais avant de l’adopter,cette princesse avait voulu qu'il füt sou- mus à son examen. À cet eflet, elle remit à Toulan un papier où elle écrivit ces mots: « Fiez-vous à » celui quivous remettra ce billet.» Après quelques conférences, M. de Jarjayes reconnut la possibilite du succes ; mais iljugea qu’il était indispensable d’admettre un se- cond commissaire du Temple dans le secret de cette périlleuse entre- prise: M. Lepitre fut choisi (Foy. son article Annuaire de 1821, pag. 234). Toulan osa introduire M. 124 de Jarjayes dans la Tour, sous les habits d’un savoyard , quialluntait les réverberes dans l’intérieur ; 1l eut ainsi deux entrevues avec la reine. « Lorsque M. de Jariayes, dit M. Eckard (1), eut arrête les remières bases du plan d'évasion, et qu'il eut fait préparer des ha- bits d'hommes et d’autres vête- mens pour la Reine et M°° Elisa- beth, les commissaires intro- duisirent furtivement les divers habillemens dans la Tour. Les princesses. auraient ceint des echarpes tricolores , et, munies de cartes d’entrée, telles que les avaient les municipaux , elles se— raient sorties sous ce travestisse— ment. Il paraissait diflicile d’en- lever de la Tour Madame Royale et surtout le jeune Roi qui était le plus surveillé : on en trouva le moyen..….'Lrois cabriolets étaient disposés pour le voyage. LaReine, le jeune Roi seraient montés dans lepremier avec M. de Jarjayes; Ma- dame Royale aurait été conduite par M. Lepitre, et M°° Elisabeth par Toulan. Les dispositions et les iucidens étaient calculés de ma- niere qu’on ne pouvait se mettre à Ja poursuite des augustes prisou— niers que cinq à six heures après Jeur départ. Des passe-ports bien en regle ne laissaient aucune in— quiétude pour la route. » On avait &’abord pensé à chercher un asile dans Ja Vendée , qui commençait à se soulever; mais la distance parut trop grande et les difhicul- tés trop multiphiées. Il semblait plus facile de gagner les côtes de la Normandie , et de s’assurer les JAR (1) Mémoires historiques sur ÆEouis XVIT, par M. Eckard. 3e édition, pag. 149 et suivantes. JAR moyens de passer en Angleterre. C'était même àce dernier parti que M. le chevalier de Jarjayes s’était arrêté. Il avait sur un point @e la côte , pres du Hävre , un bateau à sa disposition. « M. de Jarjayes, » dit M. Lepitre , se chargeait de » pourvoir à tout; il avait l’argent » nécessaire , et nous pouvions » compter sur ses talens et sur son » zele à toute épreuve » (1). Toutes les mesures pour assurer ie succès ayant été arrêtées entre M. de Jarjayes et Toulam, et soumises par celui-ci à la Reine, l'exécution du projet avait été indiquée aux premiers jours de mars. Mais les mauvemens , lestroubles , quipen- dant ce mois agiterent si vivement Paris et la Convention, n’offrirent pointapparemment, aux muniCi- paux des chances assez certaines pour tenter l'évasion, puisqu'au contraire ils crurent devoir ajour- ner leurs desseins à un temps plus favorable.Ces événemens,et ceux qui se succédaient chaque jour , rendaient désormais impossible l'entière évasion des augustes prisonniers, et principalement celle du jeune Roi, sur lequel lon exerçait le plus de surveillance. La même impossibilité n’existait pas encore pour faire évader la Reine seule:c’est ce qui détermina M. le chevalier de Jarjayes à sup- plier cette princesse, dont les jours étaient plus particulierement menacés,de profiter des ressources quiluirestaientencore pour échap- per à ses bourreaux. Toulan, dont le courage et le zele, on ne peut trop le répéter , étaient au-dessus a ————————— (1) Quelques Souvenirs, ou Notes fidèles de mon service au T'emple , etc., par M. Lepitre, 1814 et 1817, in-5. JAR de tout éloge , et qui était cons- tamment l’intermédiaire entre la Reiue et M. deJarjayes, fut chargé de mettre sous les yeux de cette princesse tous les détails relatifs au nouveau projet. Pour cette fois Toulan se chargeait seul de faire sortir la Reine et de la conduire dans un lieu où elle aurait trouvé M. de Jarjayes , qui avait fait, de son côté,des dispositions telles que le salut de cette infortunée prin- cesse paraissait assuré. La prin- cesse approuva en entier le nou veau plan, et toutes les mesures furent prises en conséquence. Mais la veille même du jour fixé pour le départ,ne pouvantsupporter l’idée de se séparer de ses enfans et de Mae Elisabeth, la Reine écrivit à M. de Jarjayes le billet suivant : « Nous avons fait un beau rêve: » voilà tout. Mais nous y avons » beaucoup gagné, en trouvant » dans cette occasion , une nou-— » velle preuve de votre entier dé- » vouement pour moi. Ma con- » fiance en vous est sans bornes. ». Vous trouverez toujours en moi » du caractere et du courage; » mais l'intérêt de mon fils est le » seul qui me guide. Quelque » bonheur que j'eusse éprouvé à » être hors d'ici, je ne peux con- » sentir à me séparer de lui. Je ne » pourrais jouir de rien sans mes » enfans ,et cetteidée ne melaisse » pas même un regret. » « D'’apres cette résolution et la crainte que la reine avait de se voir à chaque instant privée de toute communication, cette prin- cesse et Madame Elisabeth charge- rent M. le chevalier de Jarjayes, de la mission délicate, dans ce temps de terreur, de faire parvenir à Monsieur et à Mgr. le comte d’Ar- JAR 125 tois , le cachet , l'anneau et le pa- quet renfermant des cheveux de la famille royale, que le Roi peu de momens avant son départ du Tem- ple, avait remis à Cléry, pour les porter à la Reine... Ce fut vers la fin de mars 1503, que la Reine et Madame Elisabeth confierentce dé- pôt important à M. le chevalier de Jarjayes ; et ce fut dans les premiers jours de mai qu’il eut le bonheur de le faire parvenir à Monsieur , qui était alors à Hamm , en West- phalie (1) ». À cette occasion , Monsieur écrivit auchevalier de Jarjayes une lettre, dont l’auteur des Mémoires historiques sur Louis XV IT, ne nous a conservé que les fragmens suivans. « Vous m'avez procuré le » bien le plus précieux que j’ai au » monde ; la seule véritable con- » solation que j'aie éprouvée de- » puis nos malheurs... combien » leur bilietet l’autre gage de leur » amitié, de leur confiance, ont » pénétré mon cœur des plus doux » sentimens..….. Je ne puis qu’ap- » prouver les raisons qui vous font » rester en Piémont. Continuez à » servir votre jeune et malheureux » roi,comme vous avez servi le » frere que je pleurerai toute ma » VIe. » Apres l'invasion du Piémont par les troupes françaises, M. de Jarjayes trouva le moyen de ren- trer en France. Dépouillé de ses (1) «Chargé en outre, par Madame Elisabeth, d’une mission en Piémont, M. de Jarjayes se rendit d'abord à Turin, où S. M. Sardele retint, l’em- ploya auprès de sa personne , et voulut envoyer elle-même à Monsieur, les dépêches des illustres prisonniers , par un courrier extraordinaire » (Note de M. Eckard), 126 biens, il soutint sa famille par son travail. Sa capacité et son carac- tére le firent appeler par le minis- tre des finances , sur la présenta— tion des sociétaires des salines de l’est , à la place de vice-président de cettecompagnie, qu’ila exercée honorablement jusqu’à sa mort, arrivée à sa maison de campagne de Fontenay-aux-Roses , pres Pa- ris, au mois de septembre 1822, JAU lorsqu'il etait âgé de 77 ans. M. le chevalier de Jarjayes etait cheva- lier de St.-Louis, depuis 1780 ;1l avait recu du roi de Sardaigne , lors de sa mission en Piémont, l’ordre des SS. Maurice et Lazare. Enfin, uneordonnance du 4 février 1815 l'avait élevé au grade de lieu- tenant-genéral. JAUBERT (François), né à Bordeauxen 1758, était avocatau Parlement de cette ville , lors- qu’en 1790 , il fut élu membre de la, premiere municipalité consti- tutionnelle de Bordeaux, bientôt après Commissaire près le Tribu— nal; civil de la même ville, et plus tard, membre de la Commission. populaire qui s'était formée à Bor- deaux apres la journée du 51 mai, pour résister aux usurpalions des Jacobins; cette dernière qua- lité .attira contre lui un décret de mise hors la loi, du 6 août 1703. Le 9 thermidor ayant mis fin aux proscriptions des montagnards , Jaubertreprit ses fonctions d’avo- caten1705 et fut nommé en 1709, membre du Conseil général du département de la Gironde. Il devint Tribun en 1802 et apres avoir été élu plusieurs fois secré- taire , il fut nommé président de son corps, en 1804. C’est direassez qu'il s’y montra l’un des instru- JAU mens les plus dévoués an pouvoir consulaire, qui marchait alors à grands pas vers la ruine detoutes nos libertés. Membre de la section de législation, il fut rapporteur des projets de loi sur le régime des Colonies, sur l’âge d’admission pour étre juge, sur les Donations entre-vifs et les T'estamens, sur les Contrats ; enfin sur La réunion de nos lois civiles en un seul corps de lois, sous le titre de Code Civil des Français. M. Jaubertfutchargé d'aller au nom du Tribunat , ex- poser au Corps-Législatif, les mo- fs de ce dernier projet, ainsi que de divers autres, sur le Notariat , sur le Contrat de Louage, etc. ; il fut aussi l’un des deux secrétaires rédacteurs du procès-verbal du Code de procédurecivile. Par suite de la faveur dont il jouissait au- près du chef du gouvernement, il fut nommé membre de la Légion: d'Honneur et de son Comité de consultation, lors de la création de l'Ordre , puis successivement, premier Inspecteur- général des Ecoles de Droit, commandant de la Légion-d’'Honneur, le 14 juin 1804; enfin, au mois de fé- vrier 1806, Conseiller-d’état, sec- tion des finances. Il exposa au Corps-Législatif, en cette nou- velle qualité , les motifs des pro- jets de loi sur l’Intérét de l'argent, sur les droits du Trésor public, sur les biens des comptables, sur le mode de recouvrement des frais de justice au profit du Trésor. M. Jaubert fut encore nommé depuis membre du Comité contentieux de la liste civile, créé comte et commandeur de l'Ordre de la Réunion. Il présida deux fois le collége électoral du Gers, et fut élu deux fois premier candidat au JAU / Sénat , par le Collége électoral de la Gironde. Le 9 août 1807, après qu’une nouvelle loi eût placé la Banque sous le joug du Gouver- nement , M. Jaubert en fut nom-— mé gouverneur, avec, un traite- ment de 60,000 fr. C’est dans ces fonctions importantes qu'il sut. user avec quelque succes de la flexibilité de son caractere, pour gagner le commerce et les ac- tionnaires,etadoucirleméconten- tement qu'avait fait naître la loi de 1806. Au. retour d’un. voyage de Napoléon à Dresde, en 1812, il eut à soutenir en présence de la Cour et.pendant près d’une demi- heure , une.scène assez vive, dans laquelle le despote lui adressa les plus. wifs reproches, sur l'esprit d'opposition qui animait, la Ban que , sur l'indépendance du Con- seil de régence et particulière- ment touchant M. Rodier, l’un des sous-gouverneurs. M. Jau- bert répondit avec fermeté, se justifia de tous.les reproches, et, jusqu’à trois fois, deéfendit avec chaleur M. Rodier. Aussi , lors- qu'après la Restauration, les ac- tionnaires de la Banque s’assem- blèrent (15 novembre 1814) pour délibérer sur le tort que la loi de 1806 avait fait à la Banque et sur les changemens à demander dans.la forme del’admimistration, M. Lafitte, gouverneur provisoire à la place de M. Jaubert, parlant au nomdu Conseil général, loua la conduite de son prédécesseur dans l’exercice de ses fonctions, et re- connut qu’il avait atténué, autant que sa position le lui avait per- mis, Les inconvéniens de la loi. M. Jaubert avait été nommé, en janvier 1814, chef de la 4° lé- gion de la garde nationale de JAU Paris. Il quitta cette ville le 30 mars au soir,aprèes la capitulation, en vertu des ordres du Gouverne- mênt impérial; mais dès le 12 avril , il était revenu àla tête de sa légion , pour recevoir Mgr. le comte d'Artois. On lui retira les fonctions de gouverneur de la Banque ; mais 1l fut compris dans la promotion de la Légion- d'Honneur du 6 janvier 1815, en faveur de la garde. nationale, pour le grade de grand-officier. Lors de la réorganisation de la Cour de cassation, au mois de, fé- vrier suivant , M. Jaubert en fut nomme conseiller, avec le titre de Conseiller-d’état honoraire. A la nouvelle du débarquement de Bo- naparte1l avait signé, avec ses.col- lègues, l'adresse de la Cour de cas- sation au Roi, et pourtant, dès le 24 mars, il reprit ses fonctions au Conseil-d’'Etatimpérialetrem- plaça M. Bérenger à la Direction générale des impositions indirec- tes. Durant sa courte:administra- tion des Cent jours, il introduisit la division territoriale, qui a été maintenue depuis, et commença a27 T’essai des, abonnemens pour les droits de détails sur les boissons, en remplacement des exercices. Il s’opposa à la destitution des em ployés nommés sous le gouverne- ment royal et conserva ceux qui refusèrent de signer l’Acte addi- tionnel. Quelques jours plus tard, ilsoutint, en présence d’un grid nombre detémoins,une discussion assez viveavec Bonaparte,touchant MM. Lainé et Desèze ses compa- triotes, et parla avec éloge de l’un et de l’autre. Cette conduite pré- voyante lui permit plus tard de conserver son grade à la têted’une légion de la Garde nationale, d’où 120 JAU il ne fut congédie qu’au mois de novembre 1815, époque àlaquelle le maréchal Oudinot,commandant en chef, fit à son égard l’applica- tion des réglemens qui portent, que nul ne peut être officier hors de la légion de sa résidence. Par décision du 28 du même mois, Monsieur,colonel-général, nomma M. Jaubert colonel honoraire. Eloigné aussi de la Cour de cassa- tion , 1l passa environ trois années hors des fonctions publiques ; mais au mois de décembre 1818, il fut rappelé à la Cour suprême, où 1l a siége jusqu’à sa mort, arri- vée le 17 mars 1822. M. Jaubert, il faut l’avouer , ne fut ni un ci- toyen patriote, ni un homme d’état d’un caraciereindépendant: on l’a vu constamment le serviteur de tous les pouvoirs qui se sont succédé et l’ami de tous ceux qui successivement se sont arraché la puissance; mais M. Jaubert fut un honnète homme , un administra- teur tolérant et habile , un magis- irat integre et équitable , un juris- consulte éminent. Doué d’un ta- lent d'écrire assez remarqua- ble , dit un de ses biographes , il abrégeait beaucoup, parce- qu’il possédait complétement les matières qu'iltraitait. Sameéthode était d’écarter tous les accessoires et de présenter sur chaque objet les points décisifs où frappans, avec une telle lucidité, que tout développement devenait inutüle. Tel est le caractere qui distingue principalement les Mémoires qu'il écrivit comme avocat , les consul- tations nombreuses qu’il rédigea comme jurisconsulte, les rapports qu'il fit et les discours qu'il pro- nonça au Tribunat, au Corps-Lé- gislatif, au Conseil-d’'Etat. JOL Un anonyme a publié: Notice sur M. le comte Jaubert ; Paris (1822), de Busscher, in-8, 8 pages. JOLY DE BÉVY (Louis Par= LIBERT JOSEPH ), ancien président à mortier au parlement de Dion, né dans cette ville le 23 mars1736, yestmortle21 février: 822. Cema- gistrat, savant jurisconsulte et sa- vant canoniste , était attaché aux sentimens de ceux des prêtres in- sermentés, qui ont refusé jusqu’à cemoment deseréunir à l'Eglise de France , telle qu’elle a été recons- tituée depuis leConcordat der8o1: on verra qu'il a écrit pour soute- nir cette opinion. M. C.N. Aman- thon, a donné une Notice sur M. Joly de Bévy, dans le Journal de Dijon ct de ia Côte-d’ Or (XF an- née n° 16 , du 23 février 1022). Liste des Ouvrages de L. Ph. J. Joly de Bévy. I. De lanouvelle Eglise de Fran- ce. Paris, L. G. Michaud, 1816, in-8° , 24 feuilles. Dans cet ouvrage , l’auteur se prononce contre le Concordat et traite assez mal le clergé de France et même le pape Pie VII. II. Nouvelle traduction du livre de l’Imitation de J.-C. Dion, Frantin, 1816, in-12.— Seconde: édition, augmentée de la citation des textes de lEcriture-Sainte que l’auteur a insérés dans son ouvrage, sans les citer ni les indiquer. Dijon Frantin 1821, in-8.—3°. édit. Di- jon , Frantin 1822, in-8. La seule différence qu'il y ait entre cette troisieme édition et la seconde, consiste en ce que , dans celle-ci, les notes sont le texte même de l’Ecriture-Sainte , tel _— JOL qu'on le lit dans la version latine connue sous le nom de Fulgate, au lieu que les notes insérées dans la troisieme édition , sont la tra- duction française de ce même texte de la F’ulgate. M. de Bévy a adopté pour cette traduction, celle du Père de Carrieres. III. Prières à l’usage des fidèles dans les temps d’afliction et de cala- mités, tirées des Psaumes de David et des Cantiques compris dans les divins offices de l'église, traduction de J. F. Laharpe. On y a joint des ins- tructions sur la nécessité et les con- ditions essentielles de la prière, ti- rées du Commentaire des psaumes du P. Berthier. Dijon (de l’impri- merie de Frantin), chez Coquet , 1817,1in-12 de 157 pages. Cette compilation n’a pas vu le jour. Elle est restée tout entière chez l’imprimeur, d'apres les or- dres de l’auteur. 1V. De l'Ordre de la noblesse et de son antiquité chez les Francs. Di- jon, Frantin, 1817, in 8. V. Examen des apparitions et révélations de l’ange Raphaël à Thomas Martin, serviteur de Dieu, dans les mois de janvier, mars, et avril 1816. Dijon, Coquet, 1517 in-8, 96 pages. — Seconde édit., Dijon, 1817. in-S. VI. Extrait du livre de. M. Bur- ke sur La Révolution française. Di- jon , Frantin, 1819. in-8. ( Avec cette épigraphe ) : — « Je compte sur voire concours pour repous— “ser les principes pernicieux qui, sous le masque de la liberté, attaquent l’ordre social et con- duisent par l'anarchie , au pou- voir absolu; et dont les funestes succès ont coûté au monde tant de sang et tant de larmes ( Discours du Roi à l'ouverture de la dernière JOL session des Chambres, le 1° dé- cembre 1818). » VII. Sur Louis XIV. Dijon, Frantin, 1820 in-8. VIII. Instructions pour un pé- cheur touché de Dieu, qui veut se convertir, tirées du Commentaire des psaumes de David, par le Père Ber- thier, suivies du récit motivé de La conversion d’un incrédule { La Har- pe) qui fut long-temps un des plus renommés dans la secte philosophi- que, et auteur de ce récit. Dijon, Frantin, 1820. in-8. M. J. de Bévy a été éditeur des ouvrages Suivans. 1°. Traité de la Péremption d'instance, par feu M. J. Mcle- net ; ancien avocat au parlement de Dijon ; nouvelle édition , augmentée d’un Traité de feu M. le président Boulhier sur la même matière, avec des additions et des notes. Dijon, Frantin, 17997, in-8. La première édition porte ce titre : Traité des Péremptions des instances , par feu M.Jean Menclet (nom défiguré de Melenet) ancien avocat au parlement de Dijon; revu et augmenté par M. J. F. Bridon, ancien avocat au même parlement. Dion, Defay puiné, 1950 , in-8. M. de Bévy, dans sa préface, en tête du premier volume des Œu- 129 vres de jurisprudence de MW. le pre silent Bouhier, parlant de son édi- tion du Traité de Melenet, lui donne la date de 1786; mais elle porte réellement au frontis- pice, celle de 1787. 2°, Œuvres de jurisprudence de M. Bouhier, président à mortier au parlement de Dijon, de l Académie Française, etc., recueillies et mises en ordre, avec des notes et additions. Dijon, Frantin , 1787-88, deux volumes in-folio. 9 130 LAB Un troisieme volume est inti- tulé : Supplément aux Œuvres de jurisprudence de M. le président Bouhier, ou Remarques sur la Cou- tume de Bourgogne, par M. Bernard Martin, avocat au parlement de Di- jon.— Livres premier et second, re- cueilliset mis en ordre. 1589. —On a été privé de la partie de l’édition intitulée : Recucil de droit et de jurisprudence, et divisée en qua- rante livres, divisés eux-mêmes en plusieurs titres. La France littéraire de Ersch, LAB (t. IV p. 262) attribue à M. Joly deux autres ouvrages : 1°. Traité ‘ du mal et de la réparation ; Dion 1770, 2 vol. in-12. 2°. Traité des Anges bons et mauvais ; Dijon, 1770, 3 vol. in-12. Mais la notice de M. Amanton , qui a si long- temps résidé sur les lieux et qui est parfaitement versé dans l’his— toire httéraire de la Bourgogne, ne faisant aucune mention de ces deux écrits, ilest à peu près cer- tain que l’attribution qui en est faite à M. de Bévy , est erronée. L. LABROUSSE ( CLonLpr-Su- ZANNE = COURCELLES ) naquit au bourg de Vauxain, en Périgord ( département de la Dordogne), le 8 mai 1747. Elle donna, des l’enfance , dans un mysticisme exalté , et pratiqua des mortifica- tions extraordinaires,dont l’auteur de sa vie nous cite les exemples suivans : « Tant de saintes dispo- sitions, dit-il, n’'empéchérent pas la chair de se révolter ; elle en ressentit de si rudes attaques , que craignant d’être exposée à quel- qu’accident, elle appliqua, la nuit, de la chaux vive sur tout son visage, afin de substituer à la fraicheur du coloris qui l’animait, des rides et des cicatrices; mais le remède n’opéra point d'effet ; le teint resta parfaitement le même, et les tentations ne furent ni moin- dres , ni moins fréquentes qu’elles l’avaient été... Elle se permit de parsemer son lit de cailloutage à ainsi que ses souliers, de manière qu'il n’était pas d’instant du jour ni de la nuit, où elle n’endurût des souffrances énormes. Elle éprou- vaitun grand plaisir dans les repas: ayant bon estomac et bon tempé- rament , elle avait toujours bon appétit ; afin donc de balancer ce plaisir avec le besoin, elle ima- gina d’avoir toujours en poche un cornet de cendres, mêlées avec du fiel et de la suie, pour faire , sans qu’on s’en aperçüt , une injection dans tout ce qu’elle trouvait de son goût. Ellese rinçait la bouche, elle avalait même d’une eau où elle laissait détremper du fiel de bœuf; elle en portait dans un flacon pour en flairer aussi sou- vent qu'elle était libre... Cette potion du fiel de bœuf lui occa- siouait seulement une extinction de voix, parce qu’elle lui écor- chait le gozier. Du reste, sa santé ailait toujours son train...» A l’âge de dix-neuf ans, Suzanne La- brousse prit l’habit des religieuses du tiers-ordre de Saint-François, dites Tiercerettes. Des-lors, elle était tourmentée de l’idée de par- courir le monde , pour aller con- vertir les pécheurs ; ses supérieurs ecclésiastiques eurent la sagesse LAB de s'opposer à ce projet, quoi- qu’elle prétendit en avoir reçu la mission dans des communications directes et extatiques avec la Di- vinité. Elle écrivit elle-même l’his- toire de sa vie, et la mit sous les yeux de M. de Flamarens, alors évêque de Périgueux, qui paraît n’y avoir accordé qu’une légère attention ; mais cet écrit etant parvenu entre les mains de D. Gerle, prieur de la Chartreuse de Vauclaire, ce moine s’enthou— siasma de ME!: Labrousse, et entra dans une correspondance suivie avec elle. C'était en 1759 , et il a prétendu depuis, qu’il lui avait été des-lors prédit par elle, qu’il devait faire partie d’une assemblée na- tionale. Quand la Révolution eut éclaté, M. Pontard, évêque cons- titutionnel de la Dordogne, attira à Paris M Labrousse , où elle commença de prophétiser contre la cour de Rome , et dans le sens de la Constitution civile du clergé. On la logea chez M”* la duchesse de Bourbon , qui eut toujours une singulière propension à accueillir les 1lluminés de toute sorte. D. Gerle voulut entretenir l’Assem— blée constituante de sa prophe- tesse, mais l’Assemblée passa à l’ordre du jour. L’évèque Fauchet en fut d’abord le partisan, mais il l’abandonna ensuite. Elle revint bientôt en Périgord, et partit de là pour se rendre à Rome, précher au Pape lui-même et aux cardi- naux les principes de la liberte, de l'égalité, ceux de la Constitu- tion civile du clergé, et inviter le souverain pontife à abdiquer sa puissance temporelle. Chemin fai- sant, elle s’arrêtait dans les villes et villages, prêchant dans les maisons, dans les rues, dans les LAB 131 éghses, dans les clubs, et se ser- vant dans ses discours, de la for- mule alors usitée aux Jacobins, frères et amis. Au mois d'août 1702 elle était arrivée à Bologne , d’où ayant été chassée par ordre du Légat, elle passa à Viterbe.* C’est la qu’elle fut arrêtée et con- duite au chäteau Saint-Ange, où on Ja renferma avec une suivante. En l’an V (1796), le Directoire réclama son élargissement, mais elle refusa de sortir de sa prison, où d’ailleurs elle avait toujours été traitée avec douceur. Elle quitta cependant le château Saint- Ange, lorsque les Français se fu- rent emparés de Rome, en 1708, et elle revint à Paris, où elle vécut dans la retraite, persistant à se croire inspirée, et entourée d’un petit nombre de personnes qui le croyaient aussi, et au nom- bre desquelles était toujours l’é- vêque Pontard. C’est lui qui a pu- blié un volume intitulé : Recueil des ouvrages de la célèbre M ZLa- brousse ( Bordeaux, Brossier , 1797, in-8, 296 pages). On y trouve beaucoup de particularités sur la vie de la prophétesse. Déjà un recueil de ses prophéties avait été publié à Paris, au commen- cement de la Révolution , chez Didot, 2 vol. in-8, aux frais de M" la duchesse de Bourbon. L'édition de Rome, en italien et en français, in-6, est intitulée : Discorsi recitati dalla cittadina Courcelles-Labrousse. Cette vision naire est morte dans le cours de Pannée 1821. Il paraît qu’elle a conservé jusqu’à la fin ses rela- tions avec M. Pontard, car en mourant, elle l’a nommé son exé— cuteur testamentaire, avec un legs de 3000 fr. Ce testament a 132 LATI donné lieu à un proces qui a été porté devant Îles tribunaux. M. Pontard , dans un Mémoire qu’il a publié à cesujet, se plaint de l’in- gratitude de la famille, qui lui dispute un témoignage d'intérêt de la respectable testatrice, tandis que la testatrice et la famille lui ont, dit-il, de grandes cbliga- lions. LAINEZ (Errexxe ), acteur 1y- rique, naquit à Vaugirard pres Paris, vers 17551 ou 1752. Son père était jardinier chez M. de Gouve, procureur-général pres la Cour des monnaies. Ce finan- cier, protecteur éclairé des arts, ayant remarqué les dispositions naturelles du jeune Lainez, lui donna des maïtres de musique et de langue française, qui le mirent bientôt en état de se choisir une profession analogue à son éduca- _ on. Il futrecommandé à M. Ber- ton , alors directeur de l’Académie royale de musique, père de l’au- teur de Montano et Stéphanie. M. Berton lui fitessayer ses forces dans un de ces petits actes , con- nus sous le nom de Fragmens, qui furent joués à la cour en 1770, our le mariage du dauphin et de la dauphine. Quatre ans plus tard, en 1774, il fut admis définitive- ment pour doubler Legros, dans les rôles de haute-contre ; le nom de Lainez figure pour la premiere fois, dans le Calendrier des spec- tacles de 1775. Ce ne fut que l’an- née suivante que Gluck donna son premier opéra { Iphigénie en Au- lide ), qui fut suivi dans la même année, d'Orphée et d’Alceste ; Ar- mide fut donnée en 1797; Iphi- génie en Tauride, Echo ct Na - cisse en 1779. Lainez nc joua point LAIT d'original dans les quatre premiers opéras; mais il y remplaça Legros après la troisième représentation, et 1l y obtint non-seulement les suffrages du public, mais, ce qui importe bien plus à sa gloire, les suffrages énergiquement pronon- cés de l’immortel compositeur , qui disait à qui voulait l'entendre, avec une franchise toute germa-— nique : « Ce diable d'homme, il n’y a que lui qui entende ma musique. » Il est probable que les succes de Lainez hâterent la retraite de Legros, qui prit, en 1777, la di- rection du Concert spirituel. Ce fut donc Lainez qui établit le beau rôle de Pylade, et même celui de Narcisse, dont la musique , il faut en convenir, était moins appro— priée au genre de voix et à la mé- thode de chant de Lainez, quecelle d’une composition tragique. En effet, cette voix avait quelque chose de dur etde nasillard, qui étonnait d’abord et importunait même les oreilles non accouiumées à l’en- tendre; maïs cette premiere im- pression une fois effacée , Lainez savait si bien s'emparer de l’âme du spectateùr, son jeu était si brü- lant et si pathétique, il saïsissait avec tant de justesse les inten- tions du musicien , ses intonations étaient d’ailleurs si correctes, que toute la salle électrisée oubliait les dissrâces d’un organe peu flat- teur, pour s’ouvrir aux impres- sions d’un autre genre de talent égal, au moins dans les opéras tragiques, à celui d’un chanteur plus agréable. Rousseau , qui fut le double de Lainez, était ce chan- teur : il mettait de la grâce et de l'élégance dans son chant; sa voix était pure et mélodieuse, mais 1l LAI était froid; et, excepté dans le rôle d'Orphée , le public lui pré- féra constamment Lainez. Ce fut aussi pour Lainez que Sacchini écrivit tous ses rôles de haute-contre , le Cid de Chimèëne, Dardanus, Arvire et Evélina, Renaud , Polynice d’'OEdipe à Colonne. « Sacchini, dit Geoffroi, les lui avait confiés comme à l’ac- teur le plus capable de faire valoir sa musique ; 1} disait hautement qu'aucun chanteur de concert, avec la méthode la plus exquise et les sons les plus purs , ne pouvait rendre l'esprit et le caractere de ses airs aussi heureusement que Lainez , avec l’âme de feu et l’ac- cent pathétique dont l’avait doué la nature... Lainez, ajoute le même critique , avec la force et la dignité de son action et la cha- leur qu’il répand sur la scene, est un sujet précieux et unique pour représenter sur notre théätre 1y- rique les grands hommes et les héros , pour peindre les sentimens généreux, les vertus sublimes et les passions violentes : ce qui lui forme un assez beau départe- ment. » Lainez a trouvé encore sa place dans les plus beaux opéras du répertoire moderne ; jusqu'ici, il n’a point été égalé, ni dans Lici- nius de la Vestale, ni dans Fer- nand-Cortes. Au commencement de la Révo- lution, Laiïinez se montra attaché au parti royaliste. Le 9 décem- bre 1790, à une représentation d’Iphigénie en Aulide, quelques jeunes gens accueillirent par des bravos et des bis, le chœur qui com- mence par ces mots : Chantons, célébrons noire reine ! une opposi- tion violente se manifesta ; Lainez pensa terminer la querelle, en LAI adressant ces paroles au public : « Messieurs, je crois que tout bon » Français doit aimer le Roi et la » Reine , » et il reprit aussitôt le chant demandé , au milieu des applaudissemens et des huées, des bravos et des coups de sifflet, On jeta de la salle, à l'acteur, une couronne de laurier, ce qui aug- menta encore le tumulte et rendit cette représentation très — ora- geuse. À celle du dimanche sui- vant , le parti alors dominant oc- cupa la salle en grande majorité, et des que Laïinez parut, dans la pièce de Jephté, il fut accueilli par un déluge d’apostrophes , de menaces , et se vit obligé de quit- ter la scène ; toutes les fois qu’il voulut reparaître , sa présence ex- cita le même tumulte. Enfin, 1l ne put apaiser ces ressentimens qu'en se soumettant à faire des excuses au public, en se décla- rant bon cifoyen, et en brisant lui-même sous ses pieds la cou- ronne qui lui avait été jetée. Il paraît que des désagrémens du même genre le poursuivirent à Marseille, car on trouve une lettre justificative de cet acteur, dans le Moniteur du 6 novembre 1791, au sujet de quelque bruit qui avait eu lieu à son sujet, au théâtre de cette ville. Apres le o thermidor, Lainez fut souvent dédommagé des disgrâces qu’il avait éprouvées précédemment, par les applau- dissemens qu'il obtint toutes les fois qu'il chantait le Réveil du Peuple, hymne dirigé contre les Jacobins. Il le chantait avec-une force et un enthousiasme, quipro- duisaient un effet extraordinaire sur un public tout ému par le sou- venir récent de la plus atroce ty- rannie. Lainez était encore dans 133 134 LAI la force de son talent lorsque, dans une représentation donnée aux Tuileries, 1l y a environ quinze ans , 1l eut le malheur de déplaire à Napoléon : il recut sa démission. Par la compensation la plus funeste, on lui offrit la direction du grand théâtre de Lyon; mais Lainez, accoutumé à la pompe de l'Opéra de Paris, se jeta dans des dépenses que la recelte ne pouvait couvrir. La mise en scène d'ouvrages dispen- dieux , le défaut de surveillance, et les événemens politiques , tout concourut à faire échouer ses spé- culations. Il consuma , dans cette entreprise, les économies de sa vie entiere, et il revint à Paris, ruiné, mais irréprochable. Ilavait satisfait à tous ses engagemens : il ne lui restait d'autre moyen d'existence que la très-modique pension de l'Opéra, prix de trente années de service. On y joignit les appointemens d’une place qu’il obtint à l'Ecole royale de musique et de déclamation. Lainez a voulu reparaître sur la scene lyrique, dans la représenta- tion donnée à son bénéfice en 1817, mais on ne l’y a vu que comme l’ombre de lui-même. Doué d’une constitution robuste, cet acteur, à l’âge de soixante-dix ans, ne paraissait pas en avoir plus de cinquante ; mais étant affecte de la pierre, il a dû se soumettre à l'opération. Elle avait d’abord réussi avec beaucoup de bonheur, et tout semblait présager une prompte guérison, lorsqu'un ac- cident , occasioné, dit-on, par une imprudence du malade, dé- termina une hémorragie inté- rieure , qui mit fin à ses jours, le 16 septembre 1822, LAI Lainez, même dans la jeu- nesse, ne fut jamais remarqué pour les agrémens de sa voix. Son organe , trèsfort, était peu flat- teur, surtout dansfles tons élevés ; mais son jeu animé, la docilité avec laquelle il écoutait les con— seils des personnes éclairées, et un zele soutenu, le rendirent cher aux compositeurs, qui ai- maient à travailler pour lui. Son intelligence et sa chaleur furent aussi souvent utiles aux auteurs, en déguisant la faiblesse ou l’in— couvenance d’une situation. Sous le rapport musical, Lainez fut plutôt le produit de la nature que celui de l’art; la partie caractéris- tique de son talent consistait dans Ja faculté d’echauffer la scène ; il a créé un grä®d nombre de rôles, auxquels il a su imprimer un cachet tout-à-fait dramatique; et, pendant l’espace de trente an- nées , il n’est presque aucun ou vrage nouveau qui ait été repré- sente à l'Opéra, sans que Laimez y eùt un rôle. Justement choqué des restes de mauvais goût que l’on voyait encore dans les cos- tumes de l'Opéra, à l’époque de ses débuts, cet acteur y intro- duisit d’utiles réformes. Grâces à lui, on ne vit plus Renaud coïffé à l'oiseau royal, et Admète ne porta plus le tonnelet de satin rose. Lainez ne fut pas seulement un homme de talent, il fut encore un honnête homme ; ce que nous avons déjà raconté de lui le prouve suffisamment ; nous ajouterons pour dernier trait, que la première somme dont il put disposer fat placée par lui, sur la tête de l’hon- uête jardinier dont il avait reçu la naissance. On trouve une Notice sur Lai- LAM nez dans le Journal des Débats, du 19 septembre 1622. Cet arti- cle, signe C., est de M. Duvicquet. LAMAUVE (Louis-César), ne à Vittefleur, commune du pays de Caux, près de Cauy, est mort le 5 juin 1821. On a de lui: Ï. Manière de traiter les maladies syphilitiques dans les femmes en- ceintes, dans les enfans nouveaux- _nés et dans les nourrices , soit qu’on administre les remèdes anti-syphi- litiques aux nourrices, soit qu’on les donne directement aux enfans ; opuscule formant les deuxieme et troisième parties des Recherches importantes sur lexistence , etc. des maladies syphilitiques ; etc. ; par P. A. O. Mahon. Paris et Rouen, 1° ventôse an XII (21 février 1804). Le travail de La- mauve commence à la page 451, et finit a la page 514. M. Le Prévost intitule le travail de L'amauve : Trailé des maladies syphilitiques des enfans nouveaux - nés, et lui donne la date de 1801. M. Ving- trinier lui donne le titre de T'a- bleau général des signes et des symp- tômes qui annoncent la présence du vice vénérien, chez les enfans nou- veaux-nés ; et dit qu’il est imprimé dans la nouvelle édilion de la Médecine légale de Mahon ; sur quoi j'ai à observer : 1° que la Médecine légale, ouvrage post- hume de Mahon, n’a eu qu’une édition ; 2° que ce n’est pas à la suite de la Médecine légale que se trouve l’ouvrage de Lamauve. IT. Plusieurs morceaux dans les Mémoires de la Société libre d’Emu- lation de Rouen, et entre autres, 1° sur les dangers d’ouvrir l'artère épigastrique dans l'opération de la hernie inguinale ; 2° de l'influence LEC 135 de l’imagination des mères sur le produit de la conception. M. Vingtrinier a donné une notice sur Lamauve, pag. 55 à 63 de la Séance publique de la Société libre d’émulation de Rouen , tenue le 9 juin 1822. M. Le Prévost a aussi fait une Notice biographique sur M. Lamauve. Elle est impri- mée pag. g1 à 06 du Précis ana- litique des travaux de l Académie de Rouen, pendant l'année 1821 (Ex- trait de la Bibliographie de la France, rédigée par M. Beuchot, 1822, pag. 665 ). La France littéraire de Ersch (t. V, p. 309), donne à Lamauve la qualité de professeur d’anato— mie et de médecine, et elle inti- tule l’ouvrage de Mahon, à la suite duquel se trouve le travail de Lamauve, Histoire de la méde- cine clinique, depuis son origine jus- qu’à nos jours , etc. LECARPENTIER (C. L.F.), peintre, professeur à l’école des arts de Rouen, membre des aca- démies de cette ville, correspon- dant de l’Insütut (en 1822), et de plusieurs Sociétés littéraires de la capitale, a écrit avec succès sur la théorie d’un art qu’il pratiquait avec quelque distinction. M. Le- carpentier est mort au mois de septembre 1822, âgé de soixante- douze ans. On a de lui : Ï. Galerie des peintres célèbres , avec des Remarques sur chaque mat- * tre. Rouen , Baudry ; Paris, Treut- tel et Würtz, 1810 à 1821, deux vol. in-6. Plusieurs des biographies qui composent celte Galerie ont été tirées à part, apres avoir été lues dans les séances publiques de la Société d’'Emulation de Rouen, et ë 36 imprimées dans ses recueils ; entre autres les notices sur Bouteiller (1812), Houel (1814), Jean Letel- lier (1817), l’Albane (1818), Paul Potter ( idem). On trouve aussi di- vers autres morceaux de Lecar- pentier dans les recueils de la méme societe. IT. Jtinéraire de Rouen, ou Guide des voyageurs pour visiler avec in- térêt les lieux les plus remarquables de cette ville ou des environs. 1816, in-5.— 2° édit. revue et augmentée. Rouen, Frère, 1819, in-18. III. Essai sur le paysage, dans lequel on traite des diverses méthodes pour seconduire dans étude du pay- sage ; suivi de courtes notices sur les plus habiles peintres en ce genre. Rouen, Baudry, 1617, in-6. LEF LEFEBVRE-DESNOUETTES (le comte Cnarzes), lieutenant- général, naquit à Paris le 14 de- cembre 1775, d’un marchand de draps de cette ville. Entré au ser- vice simple volontaire, en 1702, à J’armee de Dumouriez, il s’éleva par ses talens et sa bravoure aux premiers rangs de l’armée. fl as- sista à la bataille de Marengo, comme capitaine-aide-de-camp du premier consul. Colonel du dix-huitième régiment de dragons en 1804 , il était avec son régiment “à la journée d’Austerlitz, ou il se fit remarquer, et fut nommé com- mandant de la Legion-d’Honneur, au mois de janvier 1606. Promu au grade de général de brigade par décret du 19 septembre de cette année , il passa, pendant quelque temps, au service de Jé- rôme, roi de Westphalie, ren— tra ensuite dans les cadres de l’ar- mée française, reçut après la paix de Tilsitt la décoration du Lion de LEF Bavière , et fut nommé général de division, le 28août 1808.Employé à cette époque dans la guerre contre l'Espagne , il fut blessé et fait prisonnier au mois de janvier 1809, pres de Benavente , dans la poursuite de l’armée anglaise, où sa témérité l’entraîna avec les chas- seurs de la Garde , au delà d’une rivière , qu'ils ne purent repasser lorsqu'ils furent attaqués par des forces supérieures. Conduiten An- gleterre, le général Lefebvre-Des- nouettes y obtint, sur sa parole, une ville pour prison ; mais il s’é- chappa quelque temps après, re- vint en France, et reçut de Napo- léon , au commencement de la campagne de 180g contre l’Au- triche , le commandement des chasseurs de la Garde. En 1812, le général Lefebvre accompagna Napoléon en Russie , demeura constamment aupres de lui pen- dant la retraite , et partagea avec le mameluck Rustan, un des trai— neaux qui formaient son escorte. L’année suivante il fut employé dans la campagne de Saxe; le 19 mai , 1l contribua au succès de la bataille de Bautzen, et s'empara, le 19 août, des montagnes de Georgenthal. Battu à Altembourg, le > septembre, par l’hetman Pla- toff et le général saxon Thiel- mann , il obtint le 30 octobre un brillant avantage sur un corps de cavalerie russe. Rentré avec l’ar- mée sur le territoire français , 1l déploya le plus grand courage au combat de Brienne(6 février 1814), où il exécuta de belles charges de cavalerie, et fut blessé de plu- sieurs coups de lance et d’un coup de baïonnette. Apres l’abdication de Bonaparte , à Fontainebleau, le général Lefebvre-Desnouettes LEF commanda l’escorte qui le con- duisit jusqu’a Beaune. Revenu de ce voyage, il reçut la croix de Saint-Louis et fut conservé par le Roi, dans le commandement des chasseurs de la Garde , devenus chasseurs royaux. À la première nouvelle du retour de Bonaparte en France , au mois de mars 1815, le général Lefebvre-Desnouettes souleva son régiment , et, seconde des deux généraux Lallemand, se porta sur.La Fere, pour se rendre maître de l'arsenal et de la garni- son de cette ville, où 1l fit son en- trée le 10 mars. On a prétendu que son projet était de marcher delà sur Paris, entrainant dans son parli les troupes qui se trou— veraient sur la route , et de s’em- parer de la famille royale. La ré- sistance de La Fere, où comman- dait le général d’Aboville, ayant contraint le général Lefebvre de renoncer à ses premiers desseins , il se dirigea sur Compiègne, où 1] tenta en vain de mettre en mou- vement les chasseurs de Berry. Cette route étant d’ailleurs celle où les forces les plus sûres avaient été réunies pour s’assurer, au be- soin, d’une retraite, et le régi- ment des chasseurs royaux parais- sant incertain, le général Lefebvre crut prudent de l’abandonner, et se dirigea vers Lyon avec les deux frères Lallemand, échappant aux gendarmes et à la police. Il trouva un asile sûr chezlegénéralRigaud, qui commandait le département de la Marne (Voy. son article, Annuaire nécrologique de 1821, page 293), et y attendit l’arrivée de Bonaparte. Nommé membre de la Chambre des Pairs des cent- jours, le général Lefebvre partit de Paris le 13 juin, avec Napoléon, et LES combattit à Fleurus et à Water- 137 ‘100, avec son intrépidité ordinaire. Compris, apres le retour du Roi, dans l’article 1°° de l’ordonnance du 2/4 juillet , il réussit à se sous- traire aux poursuites dirigées con- tre lui, et fut condamné à mort, ar contumace , en mai 1610, par le 2° Conseil de guerre permanent de la 1° Division militaire. Réfu- gié aux Etats-Unis d'Amérique, le général Lefebvre y vivait tran- quille depuis plusieurs années, lorsque l'espoir de voir les portes de la France se rouvrir pour lui, l’attira en Europe : il s’était em— barqué à bord de l’A{bion , paque- bot des Etats-Unis, faisant voile pour la Belgique; mais ce bati- ment vint échouer sur les côtes d'Irlande, pres Kindsale, le 22 avril 1822. Le général Lefebvre- Desnouettes périt dans ce nau- frage : il n’était âgé que de qua- rante-sepi ans. LESCALLIER (DanreL), na- quit à Lyon, le { novembre 1743. Bon citoyen, et admimistrateur éclairé, M. Lescallier, parvenu bien près du terme de ses jours, a pris soin d'exposer lui-même, dans une Notice, les travaux et les circonstances diverses de sa vie. Nous le laisserons parler. « Après avoir fini mes études , à treize ans, avec succès , y com- pris deux années de philosophie, et passé cinq ans en Angleterre pour y apprendre la langue etcon- naître ce pays intéressant; je re- venais en France dans l’idée de passer à l'examen pour entrer dans le corps du génie , lorsque les cir- constances me portlerent à suivre la carrière du service administra- tif : je partis pour l'ile de Saint- 138 Domingue, avec M. le comte d’Es- taing , nommé gouverneur géné— ral, en 1764. Là je débutai par remplir une mission dans l'inté- rieur de l’île, à Santo-Domingo ; et dans ce voyage d’aller et de re- tour, par deux rouies différentes, je dressai une carie itinéraire de l’intérieur de cette grande ile, le- quel n’était pas encore connu des LES géographes , ni marqué sur au— cune carie. Ma carte, avec le jour- nal qui l’accompagnait, ayant été approuvée par M. d'Estaing , fut mise au nombre des matériaux des ingénieurs géographes qui, par les ordres de ce gouverneur, ont rédigé une nouvelle carte de Saint-Domingue ; elle a été de- puis connue et suivie par les géo- graphes. Elle existe au dépôt des cartes , plans et journaux de la marine , de même qu’un plan que j'ai relevée de la ville de Santo- Domingo , et une autre carte que j'ai dressé des environs du môle Saint-Nicolas, sur sept lieues d’é- tendue. Revenu de ce voyage à Santo-Domingo , je fus employe , par brevet de M. le comte d’'Es- taing , gouverneur , et de M. Ma- gon , intendant de la colonie , à ladministralion en chef du môle Saint-Nicolas, dont j'ai eu l’a- vantage de m’acquitter à la satis- faction de ces deux chefs. J’ai con- tribué par mes soins et mon exac- titude , à faire réussir cet établis- sement, qui comprenait trois vil- lages , et était peuplé de 4000 co- lons blancs, cultivateurs et ou- vriers ; lesquels colons ont été en— tretenus et nourris aux frais du Gouvernement, pendant deux ou trois ans. J’y ai mis l’ordre et l’éco- nomie convenables , de même que dans les divers objets de dépense. LES » Ramené en France par M. je comte d'Estaing , en 1766, j'ai été de suite breveté et classé dans l'administration de la marine,dans laquelle j'ai occupé succéssive- ment, au port de Toulon, les grades d’élève-commissaire , de sous-commissaire , et ensuite de commissaire delamarine,en 1776. J’ai fait plusieurs campagnes sur les vaisseaux de guerre, et sur veillé les divers details des arse- naux , toujours avec des témoi- gnages de satisfaction des chefs et des ministres. En 1795, j'ai fait, pour l'utilité de la marine, un voyage en Angleterre et dans les pays du nord de la mer Bältui- que, d’où j'ai rapporté des renser- gnemens iniéressans , sur les ap- provisionnemens de munitions na- vales, et un travail complet sur la nomenclature et le langage mari- time, dans les deux idiômes fran- çais et anglais, sous le titre de Vocabulaire des termes ct phrases de marine, dans les deux langues, in-{ , avec fig. ; lequel ouvrage a été imprime par ordre du ministre de la marine, et par moi présenté au Roi, en 1777. » Nommé commissaire de la marine à Toulon en 1776 , et jus- qu’à la fin de 1779, je fus destiné d’abord au détail des hôpitaux et chiourmes , ensuité à celui des chantiers et ateliers, dans lequel j'ai été grandement utile aux ope- rations et à la célérité de l’arme- ment de l’escadre aux ordres du vice - amiral comte d'Estaing. Je fus destiné à la Grenade , l’une des Antilles, que les forces de terre et de mer, aux ordres du . comte d'Estaing, avaient recon- quise sur les Anglais, et je m'y rendisau commencement der780, LES en qualité de commissaire des co- lonies. Là, j'ai contribué forte- ment à faire cesser, à faire con- naître au Gouvernement, et à cons- tater des malversations et dilapi- dations énormes, qui se commet- taient dans les magasins et dans les affaires de l'Etat. » Au commencement de l’an- née 1782, je fus nommé, par le roi, à la place d’'Ordonnateur des trois colonies de la Guiane hol- landaise , Demerary , Berbice et Essequebo , que les forces fran- çaises venaient de reprendre sur les Anglais, et que nous avons MR jusqu’à la paix suivante. y ai réglé le service de manière à faire face aux dépenses de la troupe et de la marine et autres, par le moyen des recettes locales, et sans recevoir aucun fonds ni secours de France. J’yai fait ché- rir et respecter le nom français et le gouvernement du Roi, par une conduite attentive pour les pro- priétaires et les administrés. Après avoir réglé complétement toutes les affaires, et remis le pays aux Hollandais en 1784, j'ai rapporté au ministère et au trésor public, en denrées coloniales et traites sur la Hollande , des valeurs pour en- viron 400,000 fr. M. le maréchal de Castries, alors ministre de la marine et des colonies , me donna des témoignages éclatans de la satisfaction du Roï; et de son pro- pre mouvement , il me procura, peu après mon retour, une pen- sion de 2000 fr., sur le Trésor royai , en sus de mes appointe- mens , titrée pour récompense de mes Services rendus à la Grenade et aux colonies hollandaises. » En 1785, je fus destiné à être Crdonnateur de la Guiane fran- LES 139 çaise , avec lerang de commissaire général. Pendant un séjour de plus de trois ans dans cette colonie, jy ai maintenu un ordre convenable et satisfaisant ; j'ai fait régler huit années d’anciens comptes , et j'ai rapporté , pour le Gouvernement, des renseignemens utiles et pré- cieux sur les moyens de tirer un grand parti de cette colonie, et sur tout ce qui la concerne ; les- quels sont consignés dans les ar- chives du ministère de la marine, et en partie indiqués aussi dans un ouvrage que je fis imprimer en 1790, au désir de plusieurs dé putés de l’Assemblée nationale. » Revenu de Caïenne à Paris, en 1788, j'ai été chargé par ie ministre de la publication et im pression de mon Traité du gré- ment des vaisseaux, dont le pré- cédent ministre m'avait invité à m'occuper, et auquel j'avais donné la dernière main pendant mon sé- jour à Caïenne; et néanmoins, pour vérifier et perfectionner cer tains articles de cet ouvrage , je fis, en 1789, un voyage en An- gleterre, par autorisation du mi- nistre, qui m’envoya l'ingénieur Forfait; et nous rapportämes , de concert , des renseignemens pré- cieux et des améliorations aux pratiques des arsenaux, ateliers et constructions maritimes, pro- duit de notre tournée, dans les ports, arsenauxet chantiers d’An- gleterre et de Hollande. Le mé- moire que nous fimes en com— mun, contenait environ Cinquante articles nouveaux et intéressans. Au commencement de 1790 , je fus appelé pour être adjoint au Comité de marine de l’Assemblee nationale constituante : j'ai coo— péré aux trayaux de ce comité 140 LES jusqu’à la fin de la session (sep tembre 1791), et je reçus à ceite époque les suffrages de l’Assem- blée, et un certificat honorable. Dans le même intervalle, j'ai tra- duit , pour l'utilité de la marine, et à la demande du ministre Fleu- rieu , un ouvrage anglais sur la tactique navale. » Au mois d’août 1761, je fus nommé l’un des commissaires ci- vils pour les établissemens fran- çais situés au delà du Cap de Bonne-Espérance. Nommé com- missaire civil pour les îles de France et de Bourbon, en 1501, et ayant eu des conférences avec les députés de ces colomes et de l’Inde , je demandai que la com- mission fût étendue à tous les éta- blissemens français situés au delà du Cap de Bonne-Espérance; et une seconde loi ayant été rendue en conséquence et sanclionnée par le Roi, nous fümes présentés à S. M., et partimes sur une fré- gate, de Lorient pour l’Ile-de- France , en mars 1702. Cette mis- sion a duré six ans et demi. Nous avons commencé par poser aux iles de France et de Bourbon des bases législatives et d’administra- üon , et fait des dispositions qui, secondées par le bon esprit de leurs habitans en général, ont préservé ces colonies des désas- treux événemens de Saint-Do- mingue et autres. Je partis, au milieu de l’année 1792, pour l’île de Madagascar; et dans ce vaste pays, j'ai fait une convention so— hide et avantageuse avec le roi d’une vaste étendue de l’île, pour l'établissement et le séjour des Français qui y viendraient com- mercer , posséder des terres ou voyager, et pour les rapports utiles LES. avec les îles françaises et avec la métropole. ST tout cela est resté sans eflet, ainsi que bien d’autres choses , par suite des variations dans le Gouvernement, des fre- quens changemens de ministres et de leurs agens, par d’autres causes encore, un moment viendra peut- être où mes efforts seront mis à profit. J’ai fait ensuite un séjour aux îles Seychelles, pour y régler et organiser le service de l'Etat et l’administration de la colomie. De la, étant passé aux Indes orien- tales, à la côte de Coromandel et à Pondichéry , j'ai posé les bases et les principes d’une organisation législative, de l’administration , du gouvernement, des revenus, finances, et de la prospérité des cultures et du commerce, dans ce chef-lieu de nos possessions et dans les autres comptoirs. J’ai fait cesser des abus, vexations et mo- nopoles , etj'avais trouvé le moyen de doubler les revenus de la France dans ces contrées, en soulageant et facilitant le commerce et les culiivateurs et ouvriers. J'avais préparé la voie à une grande et noble existence politique de la France dans les Indes, lorsque la guerre subitement intentée par les Anglais, ayant pour prétexte les événemens de 1793, et trou- vantles établissemens français sans défense , nous a , pour ainsi dire, expulsés de ces belles contrées. » Revenu en France, sur la fre- gate la Cybèle, en 1797, je fus remis à mon grade précédent dans la marine, et employé provisoire- ment à la Direction des colonies, auprès du ministère de la marine. Après avoir géré le bureau des colonies à Paris, pendant environ un an, je fus nommé par un ar- LES rêté du Gouvernement, Ordonna- teur de marine de première classe, avec la commission de former un grand établissement maritime et un arsenal à Corfou. Ses dépen- dances étaient la totalité des îles Toniennes , cédées à la France par le traité de Campo-Formio, Ce- rigo et l’ile de Malte. M’étant rendu à Ancône, port de la mer Adriatique, afin de m'y embar- quer pour Corfou, je fus obligé de rester là, Corfou étant assiégé et bloqué par une armée considéra- ble, et par vingt-neuf vaisseaux de ligne russes et turcs : ces deux puissances étaient alors, par ex- traordinaire, combinées ensemble contre la France. Les ordres du Gouvernement étaient de secou- rir ces îles, Malte et l'Egypte, s’1l était possible. Je fis tous les ef- forts qui étaient en mon pouvoir pour y réussir; mais ces places succombérent sous des forces tres- supérieures; et dans cette adver- sité, j'ai rendu le service de sau- ver à la France le vaisseau le Gé- néreux, de 54 canons, quise trou- vait à Ancône , tres-compromis, après la prise de Corfou. Je lui donnai des instructions calculées de manière à passer le détroit de sortie de la mer Adriatique, et autour de Malte , sans être inter- cepté, et à se rendre sain et sauf à Toulon. » À mon retour à Paris , je fus accueilli par le ministre de la ma- rine , comme ayant fait tont ce qui avait pu dépendre de mioi dans cette mission , et comme n'ayant été empêché que par des évé- nemens de force majeure. Mon grade et mes appointemens de 18,000 fr. par an, me furent assu— rés jusqu'à ma destination ulté— LES 147 rieure. Cette destination fut, peu de temps après, à la fin de 1799 ( 4 nivôse an VIIT), d’être appelé à la première formation du Couseil-d’état , par Bonaparte. En ma qualite de Conseiller d’état, section de la marine, je fus chargé spécialement des colonies. Je fus, quelques mois apres, détaché en service extraordinaire pour St.-Domingue , où l’on m’envoyait chargé de toute l’autorité du Gou- vernement , et de pleins pouvoirs pour établir un ordre convenable dans les propriétés , et pour assu— rer la prospérité et les rapports de la métropole avec cette im— portante possession. Je partis pour Brest, ayant à ma disposition sept vaisseaux et quatre frégates, avec cinq mille hommes de troupes. Malgré deux tentatives , il fut im possible de gagner ia pleine mer, les Anglais gardant tous les pas— sages , avec trente vaisseaux de ligne et un nombre de frégates d'observation. Je reçus , par une dépêche télégraphique , l’ordre de revenir à Paris, oujerepris mon service dans le Conseil — d’état. Quelques mois encore après, je fus nommé préfet maritime à Lo- rient , laquelle destination fut changée aussitôt , en celle d’aller à Brest, m’embarquer sur l’escadre du général Gantheaume. La mis- sion était annoncée en public com- me étant pour St.=Domingue. On ouvrit des paquets en pleine mer, qui donnaient ordre de faire voile pour l'Egypte, où je devais faire les foncüons de préfet. L’escadre était composée de sept vaisseaux deligne , deux frégates , avec sept mille hommes de troupes. » Arrivés dans la Méditerranée , après avoir pris deux corveltes et 142 LES une frégate anglaises, nous ap- primes que l'Egypte était envahie par une force supérieure de celte nation, avec un nombre de vais- seaux de ligne et dix-huit mulle hommes de troupes. Il fallut se décider à relâcher à Toulon , où l’on apprit peu de temps aprés, que l'Egypte avait succombe. Cet évenement décida le Gouverne- ment à me nommer préfet colo— mal de la Guadeloupe. Le mi- nistre de la marine m’avait invité à chercher à Marseille, me trou- vant alors à Toulon , un moyen de passer de là, avec ma suite, aux Antilles. Apres avoir tout disposé enconséquence, la paix, qui venait de se conclure, fit changer cette marche , et décida à me faire par- tir de Brest, sur la frégate la Pen- sée, et a me faire passer par Paris ; oùétant, apres que le ministre m’eut annoncé que j'aurais huit jours d'intervalle pour me recon- naître et régler mes affaires, je reçus, le lendemain de cette an— nonce, un ordre subit de partir dans la journée pour Brest, et d’aller jour et nuit, la frégate n’attendant plus que moi pour mettre à la voile. Il y avait des raisons pressantes pour mon de- part: la cessation de la guerre, la situation de la Guadeloupe , et autres causes. » Ayant appris aux attérages l'insurrection des gens de couleur de la Guadeloupe, contre le capi- taine - général Lacrosse , qu'ils avaient renvoye de la colonie, jai été obligé de séjourner dans l’île de la Dominique, en attendant les ordres du Gouvernement pour rentrer à la Guadeloupe. J'ai fait un voyage à la Martinique, ou j'ai préparé les voies pour la remise MES de la colonie à la France, et pour la tranquillité des propriétaires expulsés, qui se trouvaient là réfugiés en grand nombre. Rentré à la Guadeloupe , avec les moyens et les instructions du Gouverne- ment, J'ai contribué très-essen— tiellement au rétablissement com- plet de la tranquillité et de l’ordre colonial. Je remis en possession de leurs habitations huit cent cin- quante propriétaires qui avaient été expulsés par les précédens gou- vernemens et les mesures révolu- tionnaires. Après avoir fait tou- tes les dispositions convenables pour le bien-être de cette colonie, je la laissai se rétablissant sur des bases solides, pour venir rendre compte au Gouvernement de quel- ques graves inconvéniens que Je prévoyais , et y faire apporter l’at- tention nécessaire. Je fus même forcé à prendre ce parti. La guerre s'étant rallumée dans ces circonstances , je fus obligé à prendreun passage pour les Etats- Unis , où je fus dans le cas de voyager dans l’intérieuret au chef: lieu du gouvernement, pour les affaires de la colonie, et de là je pris un passage pour France. » Revenu à Paris , en 1804, je restai Conseiller-d’état en service extraordinaire , et j’attendis long- temps les ordres du Gouverne- ment, qui était occupé ailleurs; et la Guadeloupe fut negligée. En février 5806, je fus nommé à la préfecture maritime de Gênes, où j'ai contribué fortement à sau- ver le vaisseau le Génois, de 74 canons, qui coulait bas d’eau , à la suite d’un accident survenu lors de son lancement à la mer, et qui paraissait même , aux hom- mes de l’art, perdusans ressource. LES Au milieu de 1808 ,,je fus transféré de cette préfecture ma- rime à celle du Hävre , ou denxièeme arrondissement , jus qu’au mois d'août 1810. Le 17 octobre 1810, nommé Consul- général de France aux Etats-Unis d'Amérique. Parti au commen- cement de 1811, sur un bâtiment américain porteur de dépêches, qui avait été engagé pour faciliter et assurer mon passage, avec ma fanulle et ma suite, les Anglais ne respecterent point le pavillon américain ni le passe-port du mi— nistre des Etats-Unis , quoiqu'ils ne fussent pas alors en guerre avec cette nation; ils arrêterent le bâtiment et le conduisirent en Angleterre, d’ouj'aitrouvémoyen de me retirer. » On peutjuger, par le précis de ces services rendus à l'Etat, de- puis 1764 jusqu’en 1810 , que j'ai toujours été accueilli, recherché, bien traité etemployé par tous les ministres avec lesquels jai eu des rapports, et sous l’autorité des- quels j'ai eg des destinations. Sur vingt-cinq ministres de la marine et des colonies que j'ai vu passer et se succéder , je n’en citerai pas un de qui j'aie à me plaindre ; il n’en est pas un qui ne se soit em- pressé de rendre justice à mes bonnes intentions, et de m’em- ployerettraiterconvenablement.» Nous n’aurons que peu de choses à suppléer aux détails que M. Les- callier nous a conservés sur son utile et laborieuse carrière. Ce sa- vant était correspondant de la pre- muère classe de l’Institut, section de géographie et de navigation, membre de la Société centrale d'agriculture : il avait le titre de baron et le grade de commandant LES 143 dela Légion-d'Honneur. Jusqu’en 1915, 1] conserva sa place de Con- sul général de France aux Etats- Unis, mais à cette époque il fut éloigné des fonctions publiques. Bien plus , l'homme qui avait en- richi l’Etat en demeurant pauvre lui-même , fut harcelé de mille manières pour des comptes d’ad- ministration. Enfin , après plus de cinquante-cinq ans de services effectifs , ce doyen des serviteurs de l’Etai est mort sans pension et sans retraite, au mois de mai 1822. C’est pour éclairer l'opinion de ceux dont il n’était pas person- nellement connu , que M. Lescal- lier se décida vers la fin de ses jours, à publier la notice qu’on vient de lire, à l’occasion de ses discussions avec l’administration de la marine. Elle a été réimpri- mée presque en totalité, dans les Annales maritimes et coloniales , rédigées par M. Bajot (1822, % partie, pag. 475—07 ) (1). Liste des ouvrages de D. Lescallier. !. Vocabulaire des termes de marine, Anglais-Français et Fran- cais-Anglais , en deux parties , dont la seconde présente un Dic- tionnaire de définitions en francais, orné de gravures ; auquel est joint un calepin des principaux termes de commerce maritime , des denrées et productions exotiques , et autres accessoires à la marine, en anglais et (1) On avait déjà publié quelques années auparavant : Notice des ouvra- ges de Marine et autres, par M. Les- callier,, qui se trouvent chez libraire à... 1n-8, de 28 pages. 144 LES en français, pour faciliter l'intelli- gence des voyages maritimes. Paris, imprimerie royale, 1997, in-4. — Paris, Firmin Didot, an VI (1997), 3 vol in-4, fig. ; édition augmentée. — Il existe aussi une contrefaçon de cetouvrage , faite en 17993, et un Abrégé sous le même titre. 1800, in-8, 460 p. IT. Enlèvement du navire le Bounty, appartenant au roi d’ An- gleterre, et commandé par le capi- taine Bligh ; trad. de Fanglais ; orné de trois cartes , avec le voyage de cet officier et d’une partie de son équipage, dans sa chaloupe, depuis les iles des Amis jusqu’à Timor , lune des Moluques. 1790 , in-8, 191 p.— 2° édit. 1702, in-5. Ill. Traité pratique des vais- seaux et bâtimens de mer ; ouvrage publié par ordre du Roi, sous le ministère de M. de Fleurieu, pour Pinstruction des élèves de la ma- mine. Paris, 1791, 2 vol. in-4, avec 34 planches. IV. Ezposé des moyens de met- tre en valeur et d’auministrer la Guiane. 1791, in-8, avec carte. — Deuxième édii., 1708 , in-8. Le Directoire fit publier un extrait de ce livre où l’auteur fait une description favorable de la Guïane, précédée d’observations artificieuses , dans le journal de Paris, du 11 décembre 1798. M. Job-Aymé s’est plaint de ce passage , en des termes qui pour- raient faire croire que M. Lescal- lier n’était pas entièrement étran- ger à cette publication. Celui-ci s’est disculpé suffisamment de ces imputations, par une note pu- bliée au sujet de l’article Lrscar- LIER, de la deuxieme édition de la Biographie des Hommes vivans, Leipzig, Besson (Paris, Michaud, LES 1806, in-6). Il fait remarquer que le passage en question, se trouve à peu pres mot pour mot, dans la première édition de l’Ex- posé sur les moyens de mettre en va— leur et d’administrer la Guiane, publié en 1791. V. Notions sur la culture des terres basses dans la Guiane. in-8 , 106 pages. Ces notions sont présentées sous la forme d’une correspon- dance entre un colon hollandais et un colon français. LA V1. Essai méthodique et histo- rique sur la tactique navale, ouvrage traduit de l'anglais, de Jean Clerk. Paris 1792 , in-{ , deux parties, 288 pages, 38 planches. VII. Woyage en Angleterre, en Russie et en Suède , fait en 1775. Paris, 1800, in-8 , 2 vol. VIII. Description botanique du Chirantodendron,arbredu Mexique, trad. de l'espagnol. 1805, in-4, pap. vélin , avec deux planches coloriées. sé IX. Bakhtiar Namekh, ou le Fa- vori de la fortune, Contes traduit du persan. 1805 , in-6. C’est une réunion de dix contes dans un. Cet ouvrage estimé dans le pays et dans la langue: origi- nale , avait été traduit en anglais d’une maniere tres-défectueuse , ce qui détermina le choix de M. Lescallier, pour en donner une traduction complete en fran— çais, afin de cultiver la langue persane, dont 1il avait acquis quelques connaissances, durant son voyage aux Indes orientales. X. Le Trône enchanté, conte in- dien, traduit du persan. 2 v. in-8. New-York imprimerie deJ. Des- roues , 1808, 2 vol. in-8. Cest une collection de irente- LOT deux contes, qui n’avaient encore été traduits en aucune langue eu- ropéenne. XI. Contes Indiens, traduits du persan (en Français eten Italien). Ce petit ouvrage contient qua- tre contes, tirés d’un ouvrage persan beaucoup plus étendu , in titulé: Bahar Daniche. C’est, d’un bout à l’autre, une diatribe contre les femmes. XII. NNeh Manzer , ou les Neuf loges, Conte oriental, traduit du persan (D’après un manuscrit de la bibliotheque du Roi). XIIT. Dissertation sur Porigine de la boussole. C’est une réponse aux paradoxes de M. Azuni. XIV. Bases de l'administration maritime, où Projet pour l’amélio- ration de cette partie, proposé au Gouvernement. Paris, F. Didot, 1819 , in-8 de huit feuilles un uart. | XV. Mémoire au Roi et aux Chambres, pour le baron Lescal- #ier. Paris, Barrois l’aîné, 1820, in-8 , à feuilles 5 quarts. XVI. Notice sur la vie ef les travaux de M. le baron Lescal- lier, ancien conseiller d’Etat, etc. Paris , 1820, in-0. C’est la même qu’on vient de lire dans le courant de cet article. On avait publié en 1520 un prospectus intitulé : Mémoires de voyages et séjours dans les deux Indes, mêlés d'observations mari- times , coloniales, politiques et ad- ministratives, morales et instruc- tives. Paris, Bärrois aîné, in-8, un quart de feuille. Cet ouvrage, qui devait former 4 vol. in-8 , n’a point vu le jour. LOISEAU (JEav-Simox) , ju LUB 145 risconsulte, naquit en Franche- Comte. Il fit son cours de droit à Dijon, sous M. Proudhon. Après avoir étc recu docteur à la faculté de cette ville, il vint à Paris, où- sa réputation s'établit par sa coo- pération à un journal de jurispru- dence estimé, et par divers traités qui lui appartiennent exclusive— ment ; l’un desquels, celui des Enfans naturels, jouitd’une grande estime. M. Loiseau avait acheté un office d'avocat à la Cour de cas- sation , depuis 1807. Il est mort à Paris le 22 décembre 1822, âgé seulement de 46 ans. Liste des ouvrages de J.S. Loiséau. I. (Avec M. Bavoux). Jurispru- dence du Code civil. in-8 ; ouvrage périodique, entrepris en 1804 et terminé avec le 19° volume, en 1912, IT, Cause célèbre, Enfant égaré dans ia Vendée. 1809. 2 vol. in-8. IT. Dictionnaire des Arrêts mo- dernes. 1809, 2 vol. in-8. IV. Traité des Enfans naturels, adultérins, incestueux et abandon— nés. 1811, in-8. — Appendice au Traité des enfans naturels. Paris, À. Bavoux, 1519 ,in-8 , de huit feuilles un quart. V. De la Juridiction des Maires de village, ou Traité des Contra- ventions de police, d’après les Co des pénal et instruction criminelle. 1013 ,in-12.— 92€ édition, 1816. VI. Mémoire sur le Duel. Paris, À. Bavoux, 1819, in-6 de quatre feuilles et demie. . LUBERSAC ( Jean-Baprisre- Josepx DE), évêque de Chartres , naquit à Limoges, d’une famille 1Q 146 LUB noble, le 15 janvier 19/40 ; fut nommé en 1767,aumônier du Roi, devint successivément évêque de Tréguier, et ensuite de Chartres; et enfin député du clergé de cette dernière ville, aux Etats-Généraux de 1789. Au commencement de la session l’évêque de Chartres se montra favorable à la cause de la Révolution , et fut un des premiers prélats qui se réunirent au tiers— état, tres-peu de temps apres la séance royale qui avait ordonné la séparation des Ordres. Cette con- duite lui valut de la popularité. Aussi, quelques jours après le 14 juillet , l’Assemblée nationale, instruite que ka populace de Saint- Germain venait de pendre un marchand de grains, sous prétexte qu’il était un accapareur , et qu’un autreindividu nomme Thomassin, était sur le point de subir le même sort, chargea M..de Lubersac avec quelques autres députés, deseren- dre à Saint-Germain pour tâcher delesauver.Liorsquela députation arriva, Thomassin avait déjà la corde au cou; et, ce qu'ii y avait de bizarrement atroce dans cet assassinat , c’est que les assassins , les femmes surtout, plus force- nées encore que les hommes, mê- laient les pratiques religieuses à ces cruautés. Quelques-unes d’en- tre ellesétaient allées chercher un prêtre, pour administrer les sacre- mens au malheureux Thomassin. Ce délai donna à M. de Lubersac le tempsd’intercéder én sa faveur; mais peu s’en fallut qu’il n’échouât dans ses efforts. Cependant il fit monter Thomassin dans sa voi- LUP ture, en promettant qu’il serait mis en prison à son arrivée à Ver- sailles ; promesse qu'il fut obligé de tenir, car les assassins eurent l'audace de le suivre pour s’en assurer. Lors de la discussion de la declaration des droits de l’hom- me et du citoyen, l’évêque de Chartres demanda que la religion y fût mentionnée. Dans la célebre nuit du 4 août, il fit décréter l’a- bolition du droit de chasse, apres yavoir renoncé pour lui-même;it prit par la suite une part assez active aux premières discussions qui s’établirent sur le projet de constitution présenté par les mo- narchistes ou partisans des deux chambres. Il vota notamment pour l’annualité du renouvel- lement des impôts, qu'il con- sidéra comme uné des meilleures garanties des libertés publiques. Mais les progres de la Révolution, ou plutôt la dissidence de MM. Mounier , Lally et de leurs amis, , rejetèrent bientôt l’évêque Chartres au côté droit, avec lé quel il vota depuis le second ren— voi de M. Necker; il combattit spécialement avec chaleur les innovations relatives au clergé. Apres la session, M. de Lubersac émigra en Allemagne; il donna la démission de son siége, lors de la demande générale adressée par le Pape aux évêques émigrés , et fut nomme quelque temps après le Concordat de 1801, membre du Chapitre de Saint-Denis. L'évé- que de Chartres est mort à Paris, le 30 août 1822, âgé de pres de 83 ans. MAI MAI M. MACIET (BERNARD-PIERRE) , ancien Agent de change de la bourse de Paris , l’un des adminis- trateurs de la Caisse d’Escompte et de l’Athénée royal, membre de la Société Philanthropique , est mort à Paris, le 12 juin 1821, âgé de 71 ans. Il a légué une somme de six mille francs, destinée à mettre des enfans en apprentissage. Le Journal de Paris dit qu’il est au- teur de plusieurs écrits sur Les finances. Nous ne connaissons de luique le volume suivant, que nous citons d’après M. Barbier (Dic- tionnaire des Anonymes). Le Con- grès de Cythère; traduit de l’ita- lien de M. le comte Algarotti. Cythèreet Paris , Onfroy , 1582, in—12. MAISSIAT ( Micuez), inge- meur-géographe, naquit à Nan- tua , département de l’Ain , le 19 septembre 1770. Lorsque les ba- taillons de volontaires s’orgam- sérent en 1792, on le nomma lieutenant dans le 5° bataillon de son département, qui fut d’abord envoyé à l’armée des Alpes, en- suite à l’armée du Rhin, et enfin incorporé dans la 4° demi-brigade d'infanterie légère. Il fit avec ce corps les campagnes de 1792, 93 et 94. Dans la retraite de l’armée du Rhin, sur les lignes de Lau- terbourg, il eut le commande- ment d’un détachement, avec lequel il tint une conduite très- honorable. Placé de grand’garde avec cinquante hommes, dans une île du Rhin, au nord du vil- lage de Hoerdt, il fut cerné par ennemi , qui avait débouché par la forêt du Bienwald ; ne voulant pas capituler, 1l s’ouvrit un pas- sage, et après une marche de quatre lieues , à travers les marais et les oseraies des bords du Rhin, il rejoigmit à Neubourg la division dont il faisait partie. Il se trouva aux différens combats que l’armée française livra dans les Vosges, lorsqu'elle reprit l'offensive en 1794. Désigné plusieurs fois par ses chefs, pour reconnaître les po- sitions de l’ennemi, il eut bientôt occasion de s’adonner entière— ment à la topographie. L’adju- dant- general Tonnet servit de maitre à M. Maissiat dans ses premiers travaux ; il fut adjoint à cet officier-général , chargé des reconnaissances militaires à l’ar— mée de Rhin-et-Moselle, et fut employé à la carte des montagnes du Palatinat, pendant les sièges de Mayence ét de la tête de pont de Manheim. Après avoir levé le Mont-Tonnerre et la position de Kaïserslautern , 1l reçut une com- mission d’'ingémieur-géographe à l'armée de Rhin-et-Moselle. Il fit à cette armée les campagnes de 1795 et 1796, où les ingenieurs- géographes furent extrêmement occupés. M. Maissiat travailla à la carte de Kehl, à la carte du champ de bataille de Neresheim, à celle des passages du Rinn à Kelh et à Diersheim , à celle du champ de bataille de Renchen et d’ane partie de la Forêt-Noire jusqu'a Kmibis. Pendant la paix qui suivit le traité de Campo- Formio, 1l fut employé sur les 148 MAI deux rives du Rhin, à différens travaux topographiques. Enfin, H fitla campagne de 1500 à l’ar- -mée d'Allemagne, et rentra en France après la bataille de Hohen- linden. Ce fut sa derniere cam-— pagne militaire; 1l ne s’occupa plus dans la suite, que de travaux topographiques permanens. En 1901, un arrête des Consuls ayant ordonné le dressement d’une carte générale des départemens du Mont-Tonnerre, de la Sarre, de Rhin-et-Moselle, et de la Roer, nouvellement réunis à la France, qui put se lier avec celles de Cas- sim, M. le colonel Tranchot eut la direction de ce travail. M. Mais- siat fut du nombre des ingénieurs- géographes qui composerent les brigades topographiques chargées des levées de détail; on doit le mettre au premier rang parmi les collaborateurs de M. Tranchot, en raison de l’etendue du terrain qu'il a levée, et de la part qu'il eut aux progres de la topographie dans ces travaux. Vers la même époque , M. Maissiat imagina un nouveau Rapporteur, au moyen duquel les directions prises avec la boussole peuvent être rappor- tées ou sur les méridiennes ou sur les perpendiculaires. Les rappor- leurs ordinaires n’étant gradués que sur une circonférence, ne “servent à rapporter que sur les méridiennes. Le nouveau rappor- teur doit être construit en corne flexible et transparente ; 1l pré- sente deux graduations : l’une faite sur une demi-circonférence, et l’autre sur un arc intérieur de 100 degrés seulement. La pre- miere est un rapporteur ordinaire ; la seconde porte le nom de rap- porteur complémentaire; les zéros MAI et les nombres semblables des deux rapporteurs sont mis sur des rayons qui forment entre eux des angles droits ; conséquemment la direction prise sur un objet avec la boussole , et dont l'angle est donné avec le méridien , peut être rapportée en se servant des méridiens et de la demi-circon- férence, ou en se servant des per- pendiculaires et du rapporteur complémentaire. | Obligés, dans un pays tres- fourré , d'employer assez fréquem- ment la boussole, les ingénieurs- géographes l’appliquerent à former des périmetres exactement fermés sur les points trigonometriques ; ils multiphierent ces périmètres ; ls en mesurerent de nouveau les côtés, en procédant au levé de l'intérieur, et s’assurerent de cette maniere qu’ils avaient opéré avec exactitude. En suivant cette mé- thode M. Maissiat exécuta, con- jointement avec deux de ses col- lègues, un levé de soixante-dix lieues carrées, à l’écheile de six lignes pour 100 toises, —2— dans les gorges du Palatinat, pays montueux et coupé de vailées pro- fondes, dont on n’avait que de mauvaises cartes. Ce levé ayant été vérifié, lorsque la carte des quatre déparlemens futordonnée, 1] fut trouvé exact , et juge digne d’en faire partie. Ce travail faisait d'autant plus d’honneur à M. Mais- siat et à ses collègues qu'ils a- vaient exécuté à leurs frais, et u’ils avaient eu à surmonter tou- tes les difficultés qui naissaient des circonstances , de leur posi- tion et du défaut d’instrumens pour faire une triangulation. Le Gouvernement avaitnommeé, en 1812, une commission pour MAI discuter les moyens de simplifier ‘et de rendre uniformes les signes variés qui, sur les cartes et les autres projections, servent à ex— primer les accidens du terrain. La commission s’6ccupa, entre autres objets, des écritures qui sont né- cessaires sur les cartes. M. le co lonel Jacotin, au nom de cette commission , présenta le tableau des caracteres et des hauteurs des écritures , qui est inséré dans le 5° numéro du Mémorial du dépôt de la guerre. M. Maissiat cons- truisit alors un nouvel instrument qu’il appela grammomitre, et dont la propriété est de donner à la fois, d’une manière prompte et exacte, sans se servir de compas , les hau- teurs et les inclinaisons des lettres adoptées dans le tableau de la commission. Le jury formé au sein de l’Ins- titut en 1810, pour adjuger les prix décennaux, proposà pour celui de topographie la carte des départemens réunis de la rive gauche du Rhin, levée par M. le colonel Tranchot, aide de MM. les capitaines Maissiat et Pierrepont. Le Rapport signale cette carte comme « l’ouvrage le plus com-— » plet qui ait jamais été exécuté, » et qui présente dans toutes ses » parties toute la perfection dont » chacune est susceptible (1) ». En 1810, M. Maissiat fut nom- mé instituteur pour les levées et les reconnaissances militaires à l'Ecole d'artillerie et du génie. n’accepta pas cetle place, et continua d’être employé à la carte (1) Rapports et Discussions sur les prii décennaux ; pag. 148, ou AMoni- teur des 16 juillet et26 novembre 1810. MAI 149 des quatre départemens. Il rem- plit, pendant les années 1811, 12 et 13, les fonctions de chef de section. L’invasion de 1814 vint interrompre ces travaux, lors— qu'ils étaient sur le point de se terminer. Les instrumens et tou tes les minutes furent transportés à Metz par les soins de M. Maiïs— siat, puis à Paris. M. Tranchot étant mort le 30 avril 1815 , M. Maissiat fut charge de l’achève- ment de la carte, et il s’en occu- pait activement , lorsque toutes les minutes , à l’exceptionde celles qui furent reconnues être sa pro ® priété particulière, furent remises aux Prussiens, à la fin de 1815, en exécution des traités. M. Mais- siat travailla depuis à la nouvelle carte de France. Il fut nomme professeur de topographie à l’Ecole d'application du corpsroyal d’état- major, créée en 1015, et obtint les mêmes fonctions dans la maison des pages du Roi; il n'a occupé cette dernière place que pendant le temps que les pages ont résidé à Paris. Ces nouvelles fonctions apporterent une nouvelle activité dans les travaux de notre inge- nieur-géographe ; 11 composa plu- sieurs Etudes de topographie, qu’il transporta sur la pierre lithogra- phique , afin de pouvoir les mul- tiphier selon les besoins de l’Ecole. 11 construisit les plans en relief du Mont-Tonnerre , et de la position du couvent des Capucins dans le golfe de la Spezzia; enfin 1l se livra à toutes sortes de soins et d’études pour perfectionner l’en- seignement dont il était chargé. On croit même que les fatigues qu’il se donna pour la surveillance des levés extérieurs , provoquerent le développement de la courte 150 MAI maladie qui mit fin à ses jours, le 4 août 1822. M. Maissiat était parvenu au grade de chef d’es- cadron au corps des ingénieurs- géographes militaires , et il était décoré des ordres de Saint-Louis, de la Légion-d’Honneur et de Danebrog. On a publié : Notice sur M. Maissiat, suivie de Notices sur la Carte des ex-quatre départemens réunis de la rive gauche du Rhin ; et sur M. Tranchot, colonel au corps royal des ingénieurs-géogra- phes militaires , par M. Augoyat,. capitaine au corps royal du génie. Paris, Anselin et Pochard, 1622, in-6, 42 pag. C’est de cet opus- cule que nous avons extrait cet article. Liste des ouvrages de M. Maissiat. I. Tables portatives de projec- lions ct de verticales pour avoir la réduction des côtés inclinés à l’ho- rizcon, et La hauteur ou l’abaisse- ment d’un point relativement à un autre. Aïx-la-Chapelle , 1806. Il. Mémoire sur quelques chan- gemens faits à la Boussole et au Rapporteur ; suivi de la Descrip- tion d’un nouvel instrument nommé Grammomètre, servant à disposer, sur les plans et cartes, les hauteurs et l’inclinaison des écritures, et à di- viser, sanscompas, les lignesdroites. Paris, Michaud, 1812, in-8, de demi-feuille , plus huit planches. III. Tables des Projections des lignes de plus grande pente, ou longueur des hachures ealculées pour exprimer, dans les levés topogra- phiques, le relief des montagnes suivant la rapidité des pentes ; avec un dessin gravé des montagnes et MAN coteaux. Paris, 1819. — 32° édit. Paris, 1822, in-12, demi-feuille, avec une planche gravée. IV. Notice sur une’ nouvelle échelle destinée à relever, sur Les plans et cartes topographiques , la mesure des inelinaisons des pentes. Paris, 1821. V. Etudes gravées des cartes mi- nutes à l’échelle de =>. VI. Etudes lithographiées de topographie et de montagnes, dans les environs de Clostercamp, de Limbourg, de Duisbourg , dans les Vosges, aux échelles de ss etc. — Il y a des exemplaires coloriés. MANDAR {Micuer-Parpre), plus connu sous le nom de Tufo- PHILE), naquit à Marines , dépar- tement de Seine-et-Oise , le 19 septembre 1759. Il embrassa le parti de la Révolution et parvint à y jouer uu rôle , grâce à cette éloquence de carrefour , qui se compose d’une grande exaltation de tête, d’une demi-douzaine de mots sonores, et d’une vigoureuse énergie de poumons. Pourtant , cet homme qui exerçait de l’in- fluence sur les Jacobins des fau- bourgs , à l’époque de leurs plus grands excès, n’était pas entière- ment dépourvu d’humanité et de bon sens. Peut-être ne fut il pas étranger à la tentative d’insurrec- tion républicaine essayée par Bris- sot, Péthion,etc.;,le 14 juillet 1791, et qui fut vigoureusement répri- mée par Bailly etM. de La Fayette; néanmoins , au risque de perdre sa popularité , il réclama vive- ment dans le Moniteur du 22 juil- let 1791, contre le serment des tyrannicides , qu’un groupe de fu- rieux avait prèté au Champ-de- MAN Mars , déclarant que cette démar- che lui faisait horreur et qu'il se séparait de ceux qui en avaient donné l'exemple. Mandar se trou- vait vice-président de la section du Temple, lors des massacres de septembre. Voici ce que raconte Prudhomme , sur la conduite de Mandar à cette époque. Le 3 sep— tembre 1792, second jour du mas- sacre des prisons , Mandar se ren- dit chez Danton, que le 10 août, dont il fut un des principaux au- teurs , avait fait ministre de la justice ; il était six heures du soir. Tousles ministres, le seul Roland excepté , Lacroix président de l’Assemblée législative, les secré- taires de cette Assemblée, Péthion, maire de Paris , Robespierre, Ca- mille Desmoulins , Fabre d’'E- glantine , Manuel , plusieurs niem- bres de la commune, dite du 16 août , et les presidens des 45 sec- tions s’y étaient rendus , et com- mencerent à sept heures du soir la plus étrange délibération , dans une des grandes salles de la Chan- cellerie. Les progrès que faisait l’armée prussienne , qui, apres s'être emparée de Verdun , péné- trait dans la Champagne , avaient provoqué cette reunion. Danton, qui était le véritable dominateur alors, présidait l’assemblée, La discussion s’établit sur les movens 3 d’éloigner le roi de Prusse et de sauver Paris. Tous paraissaient dévorés d’inquiétude; le minis- tre de la guerre , Servan , plus en- core que les autres. Le seul Dan- ton montra de la présence d’esprit et de la fermeté. Prüdhomme dit que si de grandes et extrêmes mesures furent alors prises , ou les dut à son génie révolutionnaire. Cependant lé sang inondait de ‘ MAN plus en plus toutes les prisons, et des charretées decadayres parcou- raient publiquement les rues ; 1l serail diflicile d'imaginer rien de plus épouvantable ; et ces singu- hiers sauveurs de la pairie ne s’oc— cupaient pas de ces horreurs. Man- dar osa élever la voix, lorsque des membres du corps législatif, etle chef de la police, le maire de Paris, gardaient le plus honteux silence ; il interrompit la délibé- ration , et s'adressant au terrible Danton , il lui dit: — « Toutes » les mesures de salut extérieur » sont-elles prises? — Oui. — » Occupons-nous donc à l’heure » même de l’intérieur. » Puis éle— vant la voix, il proposa d’assem— bler sur-le-champ toute la force armée , demanda que tous les ci- toyens présens se formassent en autant de groupes qu’il y avait de prisons où lon massacrait, et se chargeassent , soit par l’ascendant de leur discours et de leur raison, soit par les moyens de l’autorité réumie à la force, d’arrêter à l’heure mème ces torrens de sang qui , dit-il, souilieraient pour ja- mais le nom français. Cette pro- position parut être écoutée avec intérêt; mais cet intérêt fut ste— rile. Danton regarda froidement M. Mandar , et lui dit: « Assieds- » toi; cela étaitnécessaire...»Plein de son idée , M. Mandar se retira dans une autre piece , prit Robes- pierre et Pethion à part , et eut avec eux la conversation suivante. « Te souviens-tu, dit-il au pre- » mier, que le 17 août, tu de » mandas à la barre du Corps lé- » gislatif, au nom de la Com- » imune, et sous peine d’insurrec- » tion , que l’on organisät un » tribunal pour juger les accusés 101 152 MAN » dans l’affaire du 10 ? — Oui. — » Tu n’as pas oublié que Thuriot » écarta la proposition, par la rai- » son qu'elle était accompagnée » d’une menace ? — Je me le » rappelle , dit Robespierre ; tu » vins à la barre; Thuriot fut in- » terrompu; tu improvisas une » harangue véhémente , et obtins » l'établissement du tribunal dont » j'avais sollicité la création. — » Ainsi, reprit Mandar, tu peux » juger de mes moyens oratoires ? » — Oui; mais au fait. — Eh » bien, si Péthion et toi êtes de » mon avis, Lacroix et les secré- » taires de l’Assemblée sont de », l’autre côté , nous allons les » prévenir. S1 demain vous con— » sentez à m’accompagner à la » barre de l’Assemblée, je prends » sur moi de proposer d'imiter » les Romains, dans ces temps de » crise; et, pour arrêter sur-le- » champ ces effroyables massa— » cres, je demanderai qu'il soit » créé un dictateur : je motiverai » ma demande; ma voix reten- » tira comme le tonnerre; oui, » pour faire cesser ces malheurs, » J'aurai l’audace de le proposer ; » 1l ne le sera que vingt-quatre » heures ; 1l ne sera puissant que » contre le crime. La dictature » arrêtera le sang... Les massa- » cres cesseront..... Ils cesseront » à l'instant même...—Garde-toi » de cela, dit Robespierre, Bris- » sot serait dictateur !.... — Oh, » Robespierre, lui répondit Man- » dar, ce n’est pas la dictature » que tu crains, c’est Brissot que » tu hais. » Péthion qui s'était prudemment rangé de côté pen— dant tout le temps des massacres, ne dit pas un seul mot durarttout ce colloque. Plus tard , il fut ques- . MAN ton de cette dictature , et de la déférer à Robespierre, qui, s'il ne l’eut pas de droit , l’exerça au moins de fait pendant quelque temps. Théophile Mandar fut revêtu en 1793, du titre de commissaire national du Conseil exécutif de la République française ; la Conven- tion lui accorda une gratification de 1500 livres. Sous le gouverne- ment impérial 1l a reçu également diverses graüfications , qui ne fu- rent pas suffisantes pour le préser- ver de l’indigence, dans laquelle il était tombé sur la fin de ses jours. En 1874 l’empereur Alexan- dre, qui alors accueillait volon- üers les hommes qüe leurs opi- mions libérales avaient rendus ennemis du despotisme de Napo— léon , permit que Théophile Man- dar lui füt présenté. Ce monar- que lui ayant exprimé sa surprise sur l’exiguité de sa forme physi- que. — « Sire , lui répondit fière- ment le vieux démocrate ,:1l n’y a rien de si petit que l’étincelle. » Il faut convenir pourtant que la tournure de M. Mandar était loin de répondre aux effets de son élo- quence qu'il rappelait à Robes- -p'erre.Nous pensonsd’ailleurs qu’il n’a fallu rien moins que l’extrême désordre des premieres années de la Révolution , pour faire jouer un rôle quelconque à un homme aussi médiocre. Théophile Mandar est mort à Paris, le 2 mai 1825. Liste des ouvrages de Théophile Mandar. L Voyagede W.Coxe en Suisse, traduit de l Anglais. 1790, 3 vol. in-6. IT, Voyage au pays des Hotten- MAN tots, par W. Paterson, traduit de l'Anglais. 1791, in-5. | UT. De la souveraineté du peu- ple et de l'excellence d’un Etat li- bre, par M. Necdham ; traduit de Anglais et enrichi de notes deJ. J. Rousseau , Mably , Bossuet , Con- dillac , Montesquieu, Le Trosne, Raynal , etc. 1591, 2 vol. in-8. IV. Des Insurrections , ouvrage philosophique et historique. 1793 , in-8. 4 V. Le Génie des Siècles (poëme en prose), 1794, in-8. — Nou- velle édit. 1705 , in-8. On trouve à la suite un Dis- cours prononcé en septembre 170% , contre les journées des 2 et 5 de ce mois VI. Voyage en retour de l'Inde par terre, et par une route en partie inconnue jusqu'ici, par Th. Howel ; suivit d’Observations sur le passage de l’Tnie par l'Egypte et le grand désert, par James Capper, traduit de l’Anglais.1706 , in-4. VII. Voyage à Sophopolis. …. VIII. Adresse au Roi de la Grande - Bretagne sur lurgence , les avantages et la nécessité d’une prompte paix avec la République française. 17597 , in-8. — 5° édit, 1709 , in-8. LX. Philippique destinée pour être lue dans les deux Chambres du parlement d’ Angleterre, adressée au duc de Norfolk. 1798 , in-8. X. Mémoire au ministre de la Justice, sur les accusations majéures portées au Conseil des Cinqg-Cents, contre Pex-ministre Schérer. 1399 , in-8. XI. Prière à Dieu, récitée par N. 8. P. le Pape, par le clergé, par le Sénat conservateur | par le Corps Législatif, par Le Tribunat et le peuple ; en action de grâceslpour le MAN 153 sacre et le couronnement de S. M. Napoléon, empereur des Français, 1804 , in-4. : Théophile Mandar a eu part à la traduction de la Description de PIndostan, par Rennel, à laquelle 1] a ajouté des notes. Il laisse en manuscrit deux ouvrages : {a Gloire et son Frère, et ie Phare des Rois, poeme en seize livres : c’est dans ce dernier que se trouve ie chant du Crime, qui en fit prohiber l'impression, en 1909. On prétend que Bona- parte ayant lu des passages de ce poëme , désira d’en voir l’auteur, et finit par lui témoigner qu’il ne reconnaissait pas en lui l’homme du manuscrit. Quelqu'un qui en a en- tendu lire des fragmens , assure qu’on y remarque parfois des pen- sées fortes, exprimées avec préci- sion , mais qu’on y trouve de l’im- cohérence etdes incorrections fré- quentes. MANDELOT ( Mare -Hum- BERTE-D)UBREUIL DE SAINTE-CROIX, baronne de ), naquit à Lyon, en 1753, d’une famille honorable de la magistrature de cette ville. Cette dame, mariée à M. Claude Charles Bataille de Mandelot, est du nombre des femmes qui ont cultivé avec quelque succes la poésie française. Sa modestie eût peut-être privé le public de ses vers, Si trahie par une personne à qui elle avait confié ses manus- crits et qui s’en attribua une part considérable , elle ne s’était vue forcée de constater, par la voie de lPimpression, son droit de pro- priété. La grâce, la facilité, la correction, caractérisent le talent de M°° de Mandelot, qui d’ailleurs manquait de verve et d'originalité. 154 Plutôt versificateur que poëte, elle a chanté dans des pieces géné- ralement assez breves , ou les ta- bleaux si souvent retracés des plaisirs champêtres, ou ses senti- mens particuliers de dévouement et d'affection pour la famille des Bourbons. Le talent de la poësie paraït au reste un trésor naturel dans cette famille , car on connaît aussi un Recueil de vers agréables de M""° la comtesse de Girieux cha- noinesse de Neuville , et sœur de M de Mandelot. Celle-c1 est dé- cédeée à l’âge de 69 ans, le 20 avril 1822, au château de Chiloup, res Montluel, département de Ain. — M. de Labouisse a pu- blie une Biographie de M” de Mandelot, dans le Journal anec- dotique de Castelnaudary, ( 2° an née , n° 5 page 57), accompagnée de quelques vers etdelettres inédi- tes de cette dame. On lui a aussi consacré une notice, dans la Ga- zelte universelle de Lyon, du 8 juin 1822. On doit à M"° de Mandelot les deux volumes suivans. L:Loisirs champétres. ou Recueil de poésies fugitives. Lyon, Rol- land, 1811, in-8 de 176 pages. Il. Elan d’un cœur royaliste ; Opuscules poétiques, par M” la baronne de M... Paris , Hocquet, 1914, in-6 de iv et 32 pages. . MAR MARQUIS (Jean Josern), né le 14 août 1747, à Saint-Mihiel, y exerçait la profession d’avocat , lorsqu'il fut nommé député du tiers-état du bailliage de Bar-le- Duc, aux Etats-sénéraux de 1589. Il vota dans l’Assemblée constituante avec le côté gau- che. Apres l'avoir traversée sans bruit , 1l fut élu l’un des grands- Juges de la haute Cour nationale MAR séante à Orléans, et en septembre 1792, député du département de la Meuse à la Convention natio- nale. Oblige d'ouvrir la bouche, lors du proces de Louis XVI, Marquis s’exprima en ces termes: « Comme juge, je n’hésiterais pas » à prononcer la peine de mort, » puisque cetie peine barbare » souille encore notre code; mais » commelégislateur, mon avis est » que Louis soit retenu provisoi— » rement comme otage, pour ré- » pondre à la nation des mouve- » mens intérieurs qui pourraient » s'élever pour le rétablissement » de la royauté, et des nouvelles » hostilités etinvasions des puis- » sances étrangères, » Il vota aussi pour lappel au peuple et pour le sursis. Marquis rentre dans son silence ordinaire etait passé de la Convention au Conseil des Cinq-Cents; mais il donna sa démission en février 1997, et fut nommé, en 1709, commissaire du Gouvernement à Mayence, pour organiser les quatre nouveaux de- partemens de la rive gauche du hin, et y remplaça Rudler ; il y fut à son tour remplacé par Laka- nal. Le gouvernement consulaire nomma M. Marquis préfet de la Meurthe en 1800, et 1l occupa ce poste jusqu’en 1911. 1Ilse fitcherir dans ce pays par sa modération , etles regrets des Lorrains accom- pagnèrent sa retraite, motivée sur ce qu'il était devenu presque aveu- gle. Il eut pour successeur Rioufle; l'expression des regrets que laissait apres lui le préfet démissionnaire, fut consignée dans un écriteau placardé à la porte de l'hôtel de la préfecture; on y lisait que le baron Riouffe pourrait devenir comte , ais qu’ilne serait jamais Marquis. MAS Le département de la Meuse, qui avaitélu Marquis candidat au Sé- nat en 1807, le présenta pour le Corps-Législatifen 1512, et1l y siégea jusqu’au 20 mars 1915. is 1] se retira à Saint-Mihiel, sa ville natale, où il est mort en 1923 : 1l était membre dela Légion-d’Honneur. M. Barbier Dictionnaire des Anonymes ) onne à Marquis l’ouvrage sui- vant ; Observations de la ville de Saint - Mihiel, sur l’échange du comté de Sancerre , Paris , 1787 , in-8. MASSARD (JEav), né à Be- lesme, le 22 août 1740, était fils d’un cultivateur. On l’envoya à Paris à l’âge de 15 aus, et il fut d’abord placé chez un libraire ; mais son goût pour les arts était si vif, qu’il apprit à dessiner et à graver dans ses momens de loisir etsans les secours d’aucun maïi- tre. C’est ainsi qu’il est parvenu à exceller dans son art, au premier rang des graveurs de son temps. Il avaitune facilité extraordinaire de travail; aussi a-t-il beaucoup produit. Il a gravé un grandnom- bre de vignettes , plusieurs plan- ches pour la Galerie de Florence, qui sont les meilleures de cet ou- vrage ; la Mère bien-aimée , Va Dame bienfaisante, a Cruche eas- sée ; la V'ertu chancelante, d’après Greuse; Adam et Eve, d'apres Carlo Cignami ; Agar reçue par Abraham ; d'apres Girardon ; Charles X*.et sa famille, d'apres Vandik ; Erigome , d'apres Mié- ris ; la Mort de Socrate, d’après David. Si on en excepte Char- les I‘ et la Mort de Socrate, qui est son dernier ouvrage, il est à re- gretter que Jean Massard ait em- MIC 155 ployé les plus belles années de sa vie à reproduire des tableaux dont le perfectionnement du goût a fait justice. Malheureusement pour lui et pour les arts, nous n’a- vions pas alors un musée rempli de chefs-d’œuvres, et notre Ecole de peinture n’était pas ce que David l’a faite.Les graveursétaient réduits à chercher des sujets dans les cabinets des amateurs, où 1l était rare que l’on rencontrât un tableau des grands maïtres. Jean Massard était membre de l’an- cienne Académie de peinture ; il est mort à Paris le 16 mars 1822, à l’âge de 82 ans : son fils, Ra- phaël Urbain Massard , est placé depuislong-tempsau premier rang des graveurs de l’époque ac- tuelle. MICHALLON ( Ace Et- NA), peintre-paysagiste , naquit à Paris, le 22 octobre 1596, de Claude Michallon statuaire, pen— sionnaire du Roi, et de Marie Madeleine Cuvillon, belle-fille de M.Francine, sculpteur auLouvre, IL perdit son père des l’âge le plus tendre et fut élevé dansle culte des arts, au sein de sa famille mater- nelle. Eleve de MM. David, Va- lencienues , Bertin, Dunouy, ses progres furent si précoces , qu’à l’âge de 12 ans ilétait déjà un ar- üiste. « Qu'on se figure Michal- lon en récréation, dit M. Vanier, fouettant un sabot, faisant tour— ner une toupie ou enlevant un cerf-volant dans la cour de la Sorbonne, pendant qu’un illustre étranger, le prince Youssoupoff , admire ses tableaux dans l'atelier du célebre David, qu'ilétait venu visiter. » Ce seigneur russe lui Gt des-lorsune pension, qui fut exac- 156 tement payée au jeune artiste jus- que après le désastre de Moscou, où le Mécène perdit une partiede, son opulence. Le prince Youssou= poff, qui faisait tous les deux ans le voyage d'Italie, voulut y amener Michallon; mais sa mere ne put se résoudre à se séparer d’un enfant encore sijeune. Médailliste à l’A- cadémie en 1811, il remporta la médaille d’or du second prix à l'exposition de 1812. Plus tard il concourut au prix proposé par la ville de Douai, qui lui décerna une médaille ; enfin, en 1817,un grand prixde peinture en paysage historique, ayant été institué par le ministre del’intérieur, Michal- lon obtint l’unanimité des suffra- ges. À peine vient-il d'atteindre sa vingtième année, qu'il part pour Rome en qualité de pensionnaire du Roi. En arrivant danscette ca- pitale des arts, il découvre son nom gravé en creux , sur l’une des tables de l’Ecole française : ilap- prend que c’est la place même qu'avait occupée Claude Michal- lon son père : une vive émotion s'empare de lui, ses yeux se mouil- lent de larmes, il baise respec- tueusement le nom paternel, et s'installe à la place qui lui rap- pelle de chers et honorables sou- venirs. Michallon envoya de Rome à l'exposition de 1819, son pay- sage historique de Rolland à Ron- ceveaux. Ce tableau le plaça au rang des maîtres : perspective, vapeur aérienne , chaleur de ton, . énergie des contrastes, fraîcheur des détails , tout y rappelle la ma- nière de Salvator-Rosa.Le second tableau envoyé de Rome par Mi- challon, a pour sujetle Combat des Lopithes et des Centaures; celui-ci, plus remarquable sous le rapport MIC MIC de la composition des groupes et de la science des figures, est dans la maniere du Poussin. Pendant les quatre années que l'artiste fran- çais séjourna à Rome , il travailla aussi pour des voyageurs étran- gers qui propagèrent sa réputa- tion. Revenu à Paris lors de l’ex- position de 1822, il y présenta les Ruines du Cirque, une Vue des environs de Naples et une Cas- cade Suisse; 1la exécuté aussi plu- sieurs Vues du parc de Neuilly, pour M5. le duc d'Orléans. Mi- challon actifet laborieux venait de faire un voyage à Fontainebleau, pour travailler d'apres nature ; à son retour il va au Jardin des plantes, pour y faire des études d'arbres étrangers, notamment du cèdre.Un soir, enrentrant chez lui, un mal de gorge le saisit, l’in- flammation atteint la poitrine , et à 26 ans moins un mois, la mort l’enleve aux arts, dans la nuit du 23 au 24 septembre 1822. Son portrait dessiné à Rome en 1815, par Léon Coigniet, a été gravé à l’eau forte en 1822, par J. Coiny. — On a publié : Oraison funèbre de feu A. Etna Michallon , pensionnaire du Roi, etc., prononcée par VW. A. Vanier, son cousin, le 25 septembre 1822. Paris, À. Boucher, 1822, in-12 de 24 pages, orné d’un portrait au trait. Catalogue des tableaux , études , peintures et dessins de feu À. E. Wichallon, etc. Paris , 1822, in- 6, 22 pages. Ce catalogue renferme 463 nu- méros,presque tous ouvrages de Michallon, qui ont été vendus. On y remarque les premiers essais de l'enfance de l’auteur , dont quel- ques-uns remontent à l’âge de sept MIL ans , et le prix du concours dar- bre , représentant un châtaignier brisé par la foudre. C’est de ce concours que sortent les dix can— didats , admis à disputer le grand prix de paysage historique. MILLELOT (Jean ETiEnNE) , avocat et docteur en droit, est mort à Paris au mois de septem- bre 1822, d’une maladie de poi- trine, n’ayant pas encore attentsa vingt-septième année. Parent et élève de M. Dupin l'aîné, ce jeune homme était déjà avanta- geusement connu comme Juris- consulte,etson ardent amour pour le travail doit être compté parmi les causes de sa mort prématuree. Son savoir , sa capacité et son ho- norable caractère l'avaient déjà placé à un tres-haut rang dans l'estime de ses jeunes confrères , qui ont donné de vifs regrets à sa perte. Enrôlé dans les volontaires royaux en 1015, Millelot avait conservé un vif attachement pour la dynastie des Bourbons, qu'il savait allier avec les doctrines constitutionnelles , et surtout avec une parfaite tolérance pour ceux dont il ne partageait pas toutes les opinions. Millelot fut un des principaux rédacteurs de la Thémis ou Bibliothèque du jurisconsulte; ses articles s’y font remarquer par une science pro— fonde , un style pur et une grande élévation d'idées. Il a donné une analise de la nouvelle édition des Lettres sur la profession d’ avocat, de Camus, due aux soins de M. Dupin l’aîné, dans la Revue Encyclopédi- que, tome If , page 249. On lui doit enfinuneexcellente Notice sur Patru , dans les Annales du Bar- reau français , quise publient chez MOL Warée, in-8. Le portrait litho- graphié de Millelot a été publié en 1823, avec une collection d'avocats célèbres de l’époque ac- tuelle. 17 MOLINE (Prerre-Louis), né à Montpellier suivant la France lit téraire, et le Dictionnaire des mu- siciens, de M. Choron, etàa Avignon suivant l’Essaiisur la musique de la Borde, prit d’abord le grade de maître es-arts, en l’Université de cette derniere ville, et vintensuite à Paris,ou1l futreçu avocat au Par- lement ; maisil s’occupa principa- lement de littérature et de poésie, et publia une grande quantité d’é- crits etde pièces dramatiques , tou- tes au-dessous du médiocre.Durant la Révolution , il fut attaché à la Convention, sous le titre de secré= taire-greflier, et lui fit hommage d’une épitaphe de sa facon, pour le tombeau de Marat. Moline est mort à Paris le 2 mars 1820, sans héritiers connus , en sorte que sa modique succession est échue à l'administration des domaines. Üne personne de son nom et de sa contrée,qui a travaillé aussi pour le théatre (M. S. Moline, l’un des au- teurs de la Suitedes deux Philibert, donnée àl’'Odéonle 4 février 1817), paraît être de la famille de Pierre- Louis Moline, mais ne l’a point prouvé juridiquement. Liste des ouvrages de P. L. Moline. I. La Louisiade, ou le Voyage de la Terre-Sainte, poëme héroïque. 1763, in-8. IL. Les Amours champêtres , conte. Amsterdam et Paris, 1764, in-8. MOL IT. Les Législatrices , comédie en un acte eten vers libres , mêlée d’ariettes. 1765, in-8. Retue aux Italiens en 1773 et mise en opéra- comique. IV. Mémoire en réponse à la lettre anonyme sur les Législatrices. 1765, in-8. V. Ode sur la mort de Mgr. le Dauphin, 1766. in-8. VI. Eloge historique de J. de Gassion, maréchal de France. Pau, 1766 , in-8. VIT. Recueil d’Ariettes et de Romances. 1566 , in-6. VIIL, Thémistocle , tragédie en cinq actes. 1766, in-8. IX. Le Savctier-médecin, opéra- comique en un acte. 1706, in-8. — Depuis 1973, cette pièce se trouve portée à deux actes. X.. Le Duo (du le Concert) inter- rompu, comédie en un acte et en prose. 1766, in-8. XI. Ode sur la Gloire... XITL. Ode sur la Lune. 1767,in-8. XIII. Anne de Boulen à Henri VIII , roi d'Angleterre, héroide. 176... in-8. XIV. Le Débordement du Tarn, poëme. 156... in-8. XV. Le Voyage du Mont-Par- nasse, épitre envers... XVI. (En société avec An- seaumne.) La Meunière énrichie, ou de Garcon puni, comédie en deux actes eten vers, méêlés d’ariettes, musique de M. Méreaux. 1767. X VII. La Sœur supposée, opéra- comiqueen trois actes eten prose. 1767. XVII. Richard Minutolo, ou le Dépit réciproque, comédie en un acte et en vers. 1767. XIX. L’Orpheline Anglaise, ou les Trois Tuteurs , opéra-comique en deux actes et en prose. 1767. 358 MOL XX. La Fête de Saint-Cloud , divertissement en un acte et en prose. 1767. XXI. La Couronne de fleurs , opéra-comique , musique de Lau- rent. 176 XXIT. Le Bon Seigneur , ou le Colin-maillard, opéra-comique , musique de M. Méreaux. XXII. La Chasse du Seigneur, ou l’Amant loup - garou, opéra- comique en un acte et en prose, musique de M. Candeille. 17... XXIV. Orphée et Euridice, tra- gédie lyrique en trois actes et en vers, musique de Gluck, repré- sentée pour la premiere fois le 2 août 1774. in-4. (Traduit de l'Italien’ de Casabigi). ÀXXV. (Avec Dorvigny) Ro- ger Bon-T'emps et Javotte, come die en un acte et en prose , mêlée de vaudevilles et d’arriettes, jouée pour la première fois au théâtre Italien , le 13 mai 1775, in-8. Parodie d’Orphée. On croit que c’est ici le premier exemple d’un auteur parodie par lui-même. XX VI. Arlequin cru fille, co- médie en un acte et en prose, jouée à l’Ambigu. 1995. XX VII. L’ Arbre enchanté, opé- ra-comique en un acteet en vers, imité du Potrier , de Vadé , mu- sique de Gluck, représenté à Ver- sailles devant la Cour. 1775. XXWVIII Le Duel comique, opéra-bouffon en deux actes et en prose , mêlé d’ariettes , représenté our la première fois au théâtre Italien , le 16 septembre 1776, traduit de l'Italien sur la musique de Paësiello, arrangée par Mé- reaux. 1776 , in-8. — Représenté à Fontainebleau devant la Cour, en 1777. XXXIX. L’Inconnue persécu- MOL tée, comédie mêlée d’ariettes. 1776. % La bibliographie de cette piece est un véritable cahos, dont les longs détails paraîtront hors de proportion avec son peu d’impor— tance. La France littéraire (t. I, are et 2e parties , 1778), la dési— gne comme comédie en deux actes et en prose, mêlée d’ariettes , émpri- mée en 1776 ,t. IV, 2*partie,178/; tandis qu’elle devient une comédie en trois actes ct en vers , imprimée en 1782. Duchesne ( 4/manach des spectacles | 1777, 1778 et 79) , la porte au nom de Moline, comme jouée à Fontainebleau, en deux actes mélés d’ariettes , en 1776, et imitée de l’Italien sur la musique d’Anfossi. Il la place au répertoire du théâtre Italien, sans en parler aux pièces nouvelles. En 1780, 81 et 82, elle est devenue à Fontai- nebleau , comédie en trois actes et en vers, mêlée d’aricttes. Cette même année 1702, on trouve parmi les pièces nouvelles de lO- péra , une Inconnue persécutée, en trois actes, de MM. de Rosoy, Rochefort et Anfossi, tandis que la piece de Moline reste portée aux Italiens et aux spectacles de la Cour. Plus tard, 1781, la pièce de l'Opéra est attribuée à Moline et de Rosoy; enfin , en 1794 , elle est attribuée à Moline luiseul. Au milieu de toutes ces variations , voici ce qui paraît rester constant. En 1770, les comédiens italiens jouerent à Fontainebleau , devant le Roi, l’Inconnue persécutée de Moline, comédie en deux actes, en prose , mêlée d’ariettes , paro- diée sur la musique d’Anfossi ; et Moline saisit cette occasion de la faire porter au catalogue de Du- chesne , comme pour familiariser Li MOL le théâtre Italien avec l’idée qu’elle faisait partie de son répertoire et la faire jouer plus facilement. Apres six années d’attente, le poëme de l’Opéra fut représenté, et Moline saisit cette occasion pour remettre sa pièce en trois acteset en vers , et 1l la fit imprimer sous cette forme, en 1782,in-8. Quant à la mention du nom de Moline aurépertoirede l'Opéra, il se pour- rait que par quelque arrangement dont on a vu plusieurs exemples, de Rosoy ait permis que le nom de Moline füt placé à côté du sien, apres le titre de son [nconnue per— sécutée. Mais en 1792, de Rosoy ayant péri sur l’échafaud , son nom disparut aussi des affiches et des almanachs , et il ne resta plus que celui de Moline et du musi- cien. XXX. Histoire du grand Pom- pée. Londres et Paris, 17977, 2vol. 1n—12. XX XI. L’Ombre de Voltaire aux Champs-Elysées , comédie-ballet, en un acte, en pra et en vers, représentée au théâtre des Petits- Comédiens du bois de Boulogne. 1770, in-8. XX XII. Les Amans militaires , ou M®° Terrible (parodie d’Ar- mide) , vaudeville en deux actes et en prose, représenté à Meaux, oi le prix de la fête de l’arque- use , par les éleves de la danse de l'Opéra. 1778. XX XIII, L° Amour enchainé par Diane , mélodrameenunacte , mu— sique du chevalier Lenoir-Du- plessis. 1779. — Représenté au théâtre des Élèves dela danse pour l'Opéra. XXXIV. Ode à la nation fran- caise, sur la conquête de Pile de la Grenade par l’armée du Roi, sous 159 _ 160 MOL des ordres de M. le comte d’Estaing. 17979, in-0. XXXV. Laure et Pétrarque, (composé en 1767, et joué à Marly , devant la Cour, en 1778), opéra en un acte, musique de Candeille, joué à l'Opéra le 2 juii- let 1760. XXXVI. Ariane dans lile de Naxos ; opéra en un acte, repré- senté sur le theâtre de l'Opéra, le 24 septembre 1762. XXX VII. La Discipline mili- taire du Nord, drame en quatre actes, imité de l'allemand de Moëller. 1782 , in-8. Cetouvrage, traduit par Friedel, futarrangé pour la scène française ar Moline, et ainsi représenté au théâtre des Tuileries, le 12 no- vembre 1981. Il n’obtint pas de succès , et Moline le mit en vers et le fit imprimer sans le faire jouer. On désigne aussi cette pièce sous ce titre : Le comte de Wal- tron. Il en existe deux autres imi- tations , en français. XXX VIII. Acis et Galathée, opéra-comique en un acte, musi- que de Lépine. Représenté au théâtre de Beaujolais, le À décem- bre 1780. | XXXIX. Leroi Théodore à Ve- nise, opéra entrois actes, traduit de l'italien , sur la musique de Pac- siello , représenté sur le théâtre de l'Opéra , le 11 septembre 1787. in—6. Il existe une autre traduction dela même pièce par Dubuisson, représentée à la Cour, la même année. XL, (Avec M. Fillette-Loraux), V Amant à l'épreuve , opéra-comi- que en deux actes, joué au théâtre Italien , le 5 décembre 1787. XLI. Les Précieuses ridicules 4 MOL (de Molière), mises en opera en un acte, musique de Devienne, re présentées au théâtre Montansier, au Palais-Royal , le 9 août 1701. XL. Les Alchimistes, opéra en deux actes, joué à Louvois, le 3 septembre 1701. XELITT. Le Barbier de Séville, opéra en quatre actes, parodié sur la musique de Paëésiello, joué au théâtre Italien, le 16 mars 1703. XLIV.(Avec Bouquier, mem- bre de la Convention.) La Réunion du 10 août, ou l’Inauguration de la : République française, Sans-culotide dramatique ; en cinq actes , repré- sentée sur le théâtre de l'Opéra, le 5 avril 1794; musique de Porta. in-9 , novembre 1703. Cet opéra, composé pour une fête nationale, était sans récitatif; et tout ce qui n’avait pas de chant se déclamait. Les personnages étaient le président de la Conven- tion, les députés, les envoyés des assemblées primaires , les mem bres des autorités constituées, etc. Au premier acte , le cortége par- tait de la place de la Bastille; au second, la scene représentait le boulevard des Italiens, avec les colonnes qu’on y avoit élevées pour la fêtes de l’Etre-Suprême ; au troisieme, la place de la Révo- lution ; au quatrième, les Inva- lides ; au cinquième , le Champ- de-Mars , théâtre de la fédération. À chacune de ces stations, les personnages chantaient des vers analogues à l’objet de la scène. Le spectacle de ce drame était, dit- on, fort pompeux. Sur la motion de Thuriot, appuyée par Merlin, il avait été decrété que le Comité de salut public ferait les frais de la représentation. On trouve l’a- nalise de cette piece dans le Wo- : MOL niteur du 27 floréal, an IT (16 mai 1794), et des extraits dans celui du 21 messidor(9 juillet)suivant. XLV. (Avec Léonard Bour- don et Valcour ) Le Tombeau des imposteurs, ou l’Inauguration du temple de la Vérité; sans-culotide dramatique en trois actes , mèêlée de musique; les accompagnemens des vaudevilles par le citoyen F.; la mu- sique nouvelle par le citoyen Porta, avec une Epitre dédicatoire au pape. An II , in-6. Cette pièce, qui n’a pot été représentée, était destinée au Théâtre français. XLVI. Prologue d’ouverture pour l'Opéra, sous le nom de Théà- tre des arts, rue de la Loi (Riche- lieu), joué le 7 août 1794. XLVII. L'Enlèvement duSérail, opéra-comique en trois actes, parodié de l’allemand surla musi- que de Mozart, joué au théâtre de l’Opéra-Bouffon ( Lycée des arts), en 1749. — Cette pièce a été lue sous une autre forme à lO- péra, en 1819. XLVIII. Aline et Julien, ou l’'Heureux expédient, opéra en un acte, musique de Lefebvre, repré- senté au theâtre des Victoires na- tionales, en 1799 (ou peut-être à la fin de 1908). XLIX. La Caverne infernale , opéra-comique en deux actes et en prose, musique de Toméonti, représenté au théâtre des Jeunes- Artistes , le 9 avril 18er. L.. Diane ei l Amour, opéra ana- créontique en un acte et en vers , musique d'Edelmann, joué au théâtre des Jeunes-Elèves, le 6 mars 1802, in-8. — Composé pri- mitivementet lu àl’Opéraen 1783. LI. La belle Egyptienne, vau- MOL 161 deville représenté au Théâtre de Moliére , le 4 novembre 1802. LII. Zélis, opéra, musique de Charpentier , représenté aux Jeu— nes-llèves , le 19 décembre 1804. LIT]. (Avec Pillon.) Le Triom- phe d’Alcide à Athènes, drame historique en deux actes et en vers , musique de M. Bianchi, re- présenté aux Jeunes-Eièves, au mois de septembre 1806. Les auteurs traduisirent cette piece en italien , et la dédiérent en français , aux armées de l'Empire français , et en italien au roi de Naples. Cet ouvrage, recu à l’'O- péra dès 1778 , ctait en trois actes et de Moline seul ; la musique de M. Méreaux. C’était alors une tra- gédie lyrique, dont M. Pillon a fait un opéra héroïque. LIV. (Avec Cubieres-Palmé- zeaux.) Les Amours de Vénus et de Mars, opéra-comique en trois actes, musique de M. Catruffo (dont elle fut le coup d’essai). 1806. — Non représenté. LV. (Avec le même.) L° Amour et Psyché , vaudeville en un acte, 1807. — Non représenté. Il paraît que ces deux auteurs ont refait ensemble opéra de Romeo , qu’ils ont aussi fait impri- mer, Mais non représenter. Il avait ete lu à l'Opéra en 1700 , et Porta en avait composé la musique. Peut-être que tous les ouvrages dont nous venons de donner le titre n’ont pas cté imprimés , du moins nous n’en avons acquis la certitude que pour le plus grand nombre. Moline a encore composé les sept pièces suivantes, dont quelques-unes ont pu être jouées. Les deux premieres sont ante— rieures à 1800. La Bibliothèque Magique, opéra Il 162 : MOL en un acte, musique de Toméoni. Diane et Endymion, opéra en un acte. Les cinq pièces suivantes sont antérieures à 1800. Deux enfans pour un, mélo- drame. Les Grâces, opéra. Michelin, ou {Humanité récom- pensée, meélodrame. Le Premier navigateur ; opéra. (Avec Aude neveu.) Le Bouquet filial, vaudeville. D'après le désordre qui règne dans l’histoire des compositions dramatiques de Moline , et d’a- res les mutations que plusieurs d’entre elles ontsubies, il est facile de juger qu'il travaillait aux or- dres des compositeurs, à peu près comme le rédacteur du li- bretto de l'Opéra italien. Les pieces suivantes, composées par Moline, ont été lues à l'Opéra, mais n’ont pas été plus loin, du moins pour la plupart, que celte première épreuve. L° Amour captif (ou prisonnier), musique d'Edelmann.Mars, 1776. Don Carlos ou la Belle invisible, opéra — ballet héroïque, ariettes - de M. Goblain fils, musique de divers maîtres d'Italie, arrangée par le chevalier Lenoir-Duples- sis. Reçu en 1750. Ulysse et Circé, tragédie lyri- que en un acle , 1770. ‘Arion, ou la Naissance du. fils deJupiter, opéra-ballet-heroique- alégorique, en un acte , musique de Méreaux, 1778. Composé à l’occasion de la grossesse de la Reine. La Jeune Persane, opéra-ballet en trois actes, musique de Sac- chini. 1982. La Foire de Venise, opéra en MOL cinq actes, musique de Salieri, 1704. AFS La Précaution inutile, opéra en trois actes, musiquede Porta.1789. Pygmalion et Galathée, opéra en un acte, musique de Miller-Kra- sinski. Recu en 1799. Numa - Pompilius | pastorale héroïque en quatre actes, 1810. L'Ile de Circé, ou la Naissance du fils de Jupiter, opéra en un acte, musique-de Méreaux (ma— nuscrit de dix-neufpages in-folio). Cette pièce, composée à ce qu’on croit, à l’occasion de la naissance du fils de Napoléon, n’est pas la même qu'Arion, indiqué ci-des- sus, malgré l'identité du second tre. Seulement on retrouve vers la fn quelques vers que l’auteur a empruntés à sa premiere piece. Il a aussi encadre danscelle-ci quel- ques-uns de ceux dela célebre can- tate de J. B. Rousseau. C’est pro- bablement de cette piece qu'est extraite une Cantate sur la nais— sance du roi de Rome, qu’on trouve imprimée sous le nom de Moline, dans les Hommages poétiques de Lucet. La Statue de Henri IV, inter- -mêde ; 1817. Moline a traduit de l'italien les opéras suivans , qui n'ont pas été joués : L’Antre de Trophonius , le Mariage secret, les Horaces et les Curiaces ,; Don Juan. Il y a environ trente ans qu'il a donné des drames au Théâtre des Associés, depuis Théâtre sans prétention; mais parmi ceux qu'on représentait, nous ignorons les— quels on lui doit attribuer. Moline a aussi travaillé pour le Concert spiriluel. Il a composé plusieurs aricttes de lOpéra-ballet intitulé : Cythère assiégée, ou le Siige de "] MON ” Cythère, joué le 1° août 1775, = | musique de Gluck. Enfin Moline a écrit le Précis historique de la vie de Gustave ITT , roi de Suède, et du maréchal de Richelieu, pour la suite de la Galerie Universelle de MM. Gautier d’Agoty. | On trouve un article détaille sur les productions de Moline, dans les “Siècles littéraires de Dessessart, e Notice nécrologique tres-com- plette lui a été consacrée dans l’A4n- nuairedramatique(de MM. Armand Ragueneau et Audiffred), 17° et 18° année. 1921 et 22, pages 341—064. MONDESÏIR {.....Turroux DE), lieutenant-général , commandeur de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, est mort à Paris le 7 novembre 1822, à trois heures du matin, âge de quatre-vingt- trois ans. Il était fils de M. Thi-- roux d’Arconville , président au parlement de Paris, dont la femme a écrit un grand nombre d'ouvrages. Entré dans le monde sous de brillans auspices, 1l par- courait la carriere militaire avec la réputation d’un officier fort ins- truit dans la théorie de son art, lorsque l’émigration l’enleva à sa patrie. Il n’y est rentré que de- puis la Restauration. On doit à M. de Morndesir les deux ou- yrages SUIVAns : 1. Manuel du Dragon, extrait des principales ordonnances rela- tives aux Dragons, et les plus jour- nellement en usage, «vec un détail historique sur origine de ce corps. 1791 , in-12. 11. Manuel pour le corps de lin- fanterie, extrait, etc. 1781,in-12. . MONNEL (S. E.), l’un des MON 163 juges de Louis XVI, était à l’é- poque de la Révolution curé de Valdelancourt, diocese de Lan-— gres. Deputé du clergé du bail- hage de Chaumont en Bassigny aux Etats-généraux de 1789 # 1l vota avec le côté gauche dans l’Assemblée constituante, et prêta le serment à la constitution civile du’ clergé. Elu par le départe— ment de la Haute-Marne , à la Convention nationale, Monnel y vota la mort de Louis XVI, avec appel, mais sans sursis. Il parut quelquefois à la tribune, mais ce fut toujours pour parler sur des questions d’un médiocre intérêt ; seulement , 1l demanda, apres le 9 thermidor, que les dénoncia- teurs et les Comités révolution- naires fussent tenus d’indemniser les détenus injustement persé— cutés. Monnel devint, apres Îa session , Commissaire du Direc- toire exécutif, pres d’une admi- nistration départementale ; il ne fut point employé sous le gouver- nement de Bonaparte. Banni de France par l'effet de la loi d’am- nistie, du 6 janvier 1816, il est alle mourir à Consiance dans les premiers jours du mois de no— vémbre 1822. Peu apres celte époque les journaux ont publié la pièce suivante, dont l’authenti- cité ne paraît point douteuse. « Le soussigné S. E. Monnel, » prêtre et ci-devant curé de Val- » delancourt , diocese de Langres, » actuellement à Constance, de— » clare qu’il rétracte tout ce qu'il » peut avoir fait et mamifeste, soit » d’üne manière publique ou par- » ticulhiére , de contraire à la re- » ligion catholique , apostolique » et romaine, dans le sein de la- » quelle il veut mourir ; priant 164 MON » surtout ses anciens paroissiens » de lui pardonner les scandales » dont il peut s'être rendu cou- » pable; qu'il témoigne, en outre, » la plus vive douleur et le plus » &incère repentir d’avoir vote la » mort de son roi Louis XVIi ; » qu'il prie humblement le Dieu » qui est plein de bonté de le » traiter, non selon sa justice, » mais selon ses miséricordes qui » sont infinies , en quiil met toute » sa confiance. La présente ré- » tractation faite et remise entre » les mains de M. Wichl, préfet » du collége de Constance , ce » jour 29 octobre 1822. » Signé S. E. MonxEL. » « Je déclare que la rétractation » ci-dessus m'a été remise, et que » je lai reçue dudit M. Monnel, » prêtre, et qu'il l’a signée en » ma présence , librement et vo- » lontairement, sans aucune ob- » jection de sa part , et que foi » peut y être ajoutée. . » De Constance-sur-le-Lac , le » 4 novembre 1822. » Signé Fr. X. Wicuz , prêtre et préfet du collège de la ville de Constance. Et scellée du sceau dudit préfet. Pour copie conforme : | Le préfet du département de la Haute-Marne, » Louis de ST.-GENEST.» MONTANSIER ( MarGurriITE BRUNET , connue sous le non de M'°), naquit à Bayonne en1750, d’une famulle de marins. Après avoir été élevée aux Ursulines de Bordeaux , elle‘ passa en Amé- rique , où elle resta plusieurs an- nées. De retour en France, elle parut sur les théâtres de province, MON el joua Nanine avec assez de suc- ces, pour qu’on ait songé à la: faire débuter aux Français, d’où son accent méridional dut cepen- dant l’ecarter. On raconte à ce sujet que plus tard, ja reine Marie- Antoinette désira lui voir jouer à Versailles, le rôle de la feinte Gas- conne , dans Pourceaugnac. M'° Montansier , qui depuis pres de quinze ans n’était remontée sur les planches, fut tres-mécontente de la maniere dont elle avait joué en cette occasion , et disait avec humeur qu’elle n’avait jamais inieux parlé français que ce jour la. Etant devenue directrice du théâtre de Nantes, elle fit la con- naissance de M. de Saint-Conty. qui l’aida de tous ses moyens à prendre la direction du petit theâtre de la rue Sartory, à Ver-. sailles , vers 1765 ; c’est de là que sortirent M. Granger, Fleury, Larochelle , M" Saint- Aubin, M: Colomb aînée , etc. En 1775, ayant obtenu, par la bienveillance de la Reine , le privilége exclusif de donner des spectacles et des bals dans Versailles, M'° Mon- tansier fit bâtir la salle de la rue des Réservoirs, dont l’ouverture eut lieu en 1777. De cette nou- velle école sortirent Saint-Prix, M'e Joly, M" Crétu, etc. C’est vers lemême temps que M°° Mon- tansier perdit M. de Saint-Conty, qui lui avait procuré la direction de tous les théâtres de la Cour : St. Cloud, Marly, Fontainebleau, Compiègne , le Havre, dont elle avait fait bâtir la salle, qui brüla il y a quelques années ; Rouen, Caen, Orléans, Tours, Angers, où elle envoyait de temps en temps quelques-uns de ses meil- leurs sujets de Versailles , pour ‘ - MON donner des représentations ex- traordinaires. Elle quitta Versailles en même temps qu'il fut abandonné par la Cour , au mois d'octobre 1789, et loua au Palais-Royal, la petite salle occupée par les Beaujolais. Elle éprouva quelque retard pour l’ouverture , dont la permission ne lui fut accordée par Bailly, alors maire de Paris, qu'à la Pâques de 1790. On ouvrit le 12 avril, par les Epoux mécontens, en 4 actes, paroles de Dubuisson, musique de Storace, à laquelle M! Salieri a aussi eu part. Pen- dant la clôture pascale de 1501, l’architecte , M. Louis, trouva le moyen de doubler la longueur et la largeur du théâtre ; et au lieu d’un long boyau, de faire, en moins de quinze jours, une salle - bien proportionnée , dans laquelle treize cents personnes purent s’as-— seoir. Alors Mie Sainval l’aînée et Grammont vinrent ajouter Îla tragédie aux autres genres qu'on y avait joués. Ce Grammont de- vint depuis général dans l’armée révolutionnaire, et finit par périr sur l’echafaud avec son fils, dont il avait fait son aide-de-camp. Apres les massacres de sep- tembre 1792, M'° Montansier, craignant pour son existence, équipa à ses frais une compagnie franche de quatre-vingts hommes, dans le nombre desquels on comp- tait beaucoup de ses acteurs, qu'on supposa , mal à propos, n être autre chose qu'une troupe pour jouer la comédie à l’armée de Dumouriez. Cette compagnie resta six semaines au camp de la Lune, et revint quand l’ennemi eut évacué notre territoire. Neu- ville en était colonel ; mais il MON 165 n’alla pas au deià de Reims , s’é- tant démis un bras en montant à cheval. M. Séveste , ancien acteur du Vaudeville, anjourd’hui direc- teur des théâtres du département de la Seine , hors Paris, était aussi du nombre des acteurs qui faisaient partie de ce corps. M: Montansier ne tarda pas à ouvrir le T'héâtre national , rue de la Loi (Richelieu ); c’était la troisième salle qu’elle faisait bâtir; M. Louis en fut l’architecte. Les coulisses ne s’y roulaient point sur galets, mais s’élevaient de dessous"terre. Là , tous les genres, sans excep- tion , furent admis , même la grande pantomime, oubliée depuis Servandoni. L'ouverture eut lieu le 15 août 1793 ; le succes fut si grand qu’il attira beaucoup d’en- vieux , et par conséquent d’enne- mis. Des le 12 mars précédent, Duhem avait présente à la Con- vention une médaille portant l’ef- figie de Louis XVI, avec ces mots : Martyrisé le 21 janvier1793; il annonça qu’un billet lui avait été adressé avec cette médaille, indiquant M'° Montansier comme Payant distribuée ; mais il ajouta qu'il ne croyait point à cette in- culpation. Cependant le 4 no- vembre ( 24 brumaire an Il), Chaumette dit à la séance du Con:- seil général de la Commune : « Je » dénonce la citoyenne Montan— » sier, comme ayant fait bâtir sa » salle de spectacle , rue de la » Loi, pour mettre le feu à la » Bibliotheque nationale; l’argent » de l’Angleterre a beaucoup con- » tribué à la construction de cet » édifice , et la ci-devant reine y » a fourni 50,000 écus. Je de- mande donc que ce spectacle soit fermé , à cause des dangers ÿ _ A 166 » qui pourraient en résulter , si Le » feu y prenait. » — Adopté. Hébert. — « Je dénonce per- » sonnellement la demoiselle Mon- » tansier ; j'ai des renseignemens » contre elle, et il m’a été offert » une loge à son nouveau théâtre _» pour m'engager à me taire. Je » requiers que la Montansier soit » mise en etat d’arrestation , » comme suspecte. » — Aaopte. … Chaumette. — « Je demande en »outre que les acteurs, actrices »et directeurs de tous les théâtres » de Paris passent à la censure du » Conseil ». — Adopté. Le Théâtre national fut ferme à l’instant même , et M'"° Mon- tansier fut arrêtée le lendemain, précisément au moment où elle montait en voiture avec Fabre d’'Eglantine, pour aller conclure l’engagement de M'° Contat. Les représentations continueérent à la petite salle, qui prit de suite Île ütre de Théâtre du péristyle du jardin Egalité, et le 23 mai, celui de T'héâire de la Montagne. Quant au Théâtre national , il rouvrit peu de jours après sa clôture, sous une administration nommée par le conseil de la Commune, ui ne subsista que peu de temps. Cependant M'° Montansier était détenue à la petite Force; apres la chute de Robespierre , elle fut transférée au collége du Plessis. C’est de là qu’elle adressa un mé- moire à la Convention, qui fut discuté dans les séances des 24 et 25 frimaire an TITI ( 14 et 15 dé- cembre 1794 )}. Ramel, au nom du Comité des finances , fit un rapport sur l'indemnité qu’elle réclamait du Gouvernement pour s'être emparé de son théâtre, et qu’elle faisait monter à sept mil- MON MON lions. Sur quoi Bourdon ( de V'Oise}) s’écria : « Sept millions » pour un théâtre ! on aurait à ce » prix une escadre de sept vais » seaux ». Le rapporteur rédui- sait à 200,000 fr. les prétentions de M Montansier. Cette affaire passa de l’Assemblée dans les jour- naux , dont quelques-uns mal- traiterent Mi: Montansier ; ce- pendant elle ne put obtenir de décision définitive. Elle était sor- tie de prison au bout de dix mois de captivité ; c’est alors qu’elle unit son sort à Honoré-Bourdon, dit Neuville , qui avait partagé ses malheurs , et qui depuis long- temps était associé à ses entre— prises. Leurs réclamations portées plus d’une fois aux deux Conseils, y échouëerent constamment. On prétend que le Directeur Barras fit offrir à M! Montansier de ter- miner son affaire , en acceptant une indemmité de 1,600,000 fr. ; et 1l paraît diflicile de se persua- der, comme on l’ajoute , qu’elle les ait refusés. Plus tard, et par ordre du premier Consul , la salle fut estimée à 1,300,000 fr. , et la chose en resta là encore pendant douze années. Enfin arriva de Moscou un décret , qui liquidait définitivement Mi: Montansier, en lui reconnaissant 100,000 fr. inscrits sur le Grand-livre, et 1,200,000 fr. rejetés à l’arriéré. Ses réclamations retentirent de nouveau, depuis la Restauration, à la tribune de la Chambre des députés ; mais elle n’y obtinrent aucun succes. C’est M'° Montansier qui ra pela les Bouffes en France, d’où les troubles de la Révolution les avaient fait fuir. Leur début eut lieu le 31 mai 1801, au Theâtre MON Olympique , rue de la Victoire (Chantereine). Cette rue, que le général Bonaparte habitait encore au 18 brumaire , lui semblait peu sûre pour lui , depuis l’explosion du 3 nivôse. M" Bonaparte ne dissimula pas à M'° Montansier, que son mari ne viendrait jamais à cette salle. La directrice s’oc— cupa aussitôt de se transporter à Favart, où elle ouvrit sept à huit mois apres le début de la rue de la Victoire. Cette entreprise ne fut point heureuse. En février 1803, M: Montansieg se vit obligée de l’abandonner, et tomba entre les mains de ses créanciers. Elle fut détenue en cette occasion, durant vingt jours, à la Préfecture de police. Depuis elle a été associée dans l’entreprise du théâtre des Variétés du Panorama. M1 Mon- tansier est morte à Paris le 13 juillet 1820, n’ayant sauvé que des débris de son ancienne for- tune (Extrait d’une Notice in- serée dans l’ Annuaire dramatique, de MM. Armand Rageneau et Au- diffred, XVII et X VIIT* annce, 1621 et 1922, pag. 5903-07 ). MONTRICHARD ( Henri- RENÉ, comte de ), fut d’abord page dela reine Marie-Antoinette, et entra ensuite oflicier dans le régiment de cavalerie royal- étranger. Retiré du service à l’é- poque de la Révolution , il se hâta néanmoins d'aller joindre l’armée de Conde, avec laquelle il fit les campagnes de 1791 et 1792, comme officier de cavalerie. À sa rentrée en France en 1799, 1l fut chargé par son beau-père, M. Im- bert-Colomes, de quelques mis- sions dans l'intérêt des Bourbons, dont ce dernier était un des agens ; MOR 167 lus actifs ; et néanmoins il ne fut point compromis par la saisie des papiers d’imbert-Colomes , à Bayreuth. Cette parenté n’empé- cha pas les ministres de Napoléon de nommer M. de Montrichard,en 1806 , maire de Saint-Pierre-le- Roaille , département de la Loire, qu’il administra pendantneufans. Apres la Restauration il fut nom- mé chevalier de Saint-Louis ; ré- voqué deses fonctions de maire en avril 1815 , il fut appelé à celles de sous-préfet, à Villefranche (Rhône), le 2 août de la même an- née. Le nom de M. de Montrichard se trouva mélé aux déplorables agitations qui tourmenterent le département du Rhône en 1517 ; les plaintes élevées contre lui trouvérent même assez de crédit, pour que M. le duc de Raguse, commissaire extraordinaire du Gouvernement , prononcät sa vocation. À cette occasion M. de Montrichard publia un écrit assez violent contre ses accusa— teurs ; il est intitulé : Un ef un font un, ou M. F'abvoier et M. Sainneville. Paris, Dentu, 1918,1in-5, 2 feuilles un quart, deux éditions. — Autre, Lyon, Chambet, 1818. M. de Montrichard est décédé, dans de grands sentimens de religion, au château de Marcengis ( Haute- Loire), le 21 décembre 1822, âgé de 66 ans. Re MOREAU baron pe LA RO- CHETTE ( ArmanD — BERNARD}, d’une famille noble , que son aïeul illustra par les services qu'il ren— dit à l’agriculture française, na- quit à la Rochette, pres Melun, le 12 avril 1787. Son enfance fut confiée aux soins du savant M. Lé- cuy, ancien Abbé-général de Pré- 168 MOR , montré, et il devint ensuiteMfin des élèves du professeur Luce de Lancival. À son entrée dans le monde , il cultiva la poésie, qu’il abandonna pour entrer dans la carrieéreadministrative. Il fut suc- cessivement nommé Auditeur au Conseil-d’Etat le 19 janvier 1810, Commissaire spécial de police à Caen, le 28 juillet 1811, Sous- Préfet de l'arrondissement de Pro- vins le 26 juillet 1814, et mem- bre de la Légion-d'Honneur le 29 janvier 1519 , en récompense d’un travail relatif à l’organisation des gardes nationales. En 1818 M. de la Rochette fut nommé préfet de la Vendée, pour prix du zele qu'il avait déployé, l’année précédente, à faire échouer l’élection de M. de Lafayette , dans le département de Seine-et-Marne , où il a été élu plus tard. Apres avoir admi-— nistré ce département conformeé- ment au systeme du ministère 1810, déjà différent de celui du mi- nistère de 1817, qu'il avait si chau- dement servi à Provins , M. de la Rochette consentit encore à servir le système du nunistère de 1820, diamétralement oppposé au pré- cédent; cette fois il descendit à un poste moins considérable, la pré- fecture du Jura, mais au moins la mutation dut lui épargner les embarras de position que son obéissance successive à des in- structions divergentes , n'aurait pas manqué sans doute de lui at- ürer.Le mimistere de 1822 n’ayant MOR fait que renforcer gradativement la couleur de ses prédécesseurs , M. de la Rochette put cette fois accepter le service de sesnouveaux supérieurs, sans avoir à risquer dars sa conduite et dansses actes de fàcheuses contradictions. Des souffrances prolongées ont ter— miné de bonne heure les jours de cet administrateur. Il est mort à Lons-le-Saulnier, le 8 août, à cinq heures du matin, âge seule- ment de 35 ans. Ses derniers mo- mens furent marqués par les té— moignages de la plus vive piété, et il reçut avant de mourir les sacre mens de l'Eglise, en présence d’un grand concours de personnes. Son corps a été transférée à La Ro- chette, département de Seine-et- Marne , lieu de sa naissance. Liste des ouvrages de A. B. Moreau de la Rochette. I. L'Amour crucifié, traduction d’ Ausone. 1806 , in-12 de 17 pag. avec le texte (Foy. dans le Mer- cure de France , tom. XXVIIT, pag. 562, un article de M. Gai- rard sur cet ouvrage:. IT. Les Adieux d’ Andromaque et d’'Hector, trad. du grec (en vers français). in-5, demi-feuille, sans date. On trouve un article sur Moreau de la Rochette dans le Nobiliaire universel de France, par M. de Saïnt-Allais, tom. Il, pag. 82. NOE NOE N. NOEL DE LA MORINIÈRE (Simonx-BARTHÉLEMY-J OSEPH),voya-- geur et icthyographe, naquit, comme 1l le disait lui-même , au milieu des poissons et des filets, dans le premier port de pêche du royaume (Dieppe),le 16juin 1 765. Des la plus tendre enfanceil apprit à connaître la pratique de l’art, avant d’en avoir méditela théorie. C’est dans le Journal de Rouen, dont il fut pendant quelque temps le rédacteur , que M. Noël de la Morinière , déposa le fruit de ses premiers travaux littéraires. De- puis il s’est occupé de statis- tique , d’antiquités , mais surtout de l’histoire et de la théorie de la pêche , matière sur laquelle notre nation lui est redevable des écrits les plus exacts et les plus complets qu’elle possede. Ces écrits lui valu- rent successivement les titres d’in- specteur de la navigation et d’in- specteur général des pêches, et l’association aux Académies de Peétersbourg , Turin, New-York, Philadelphie, et aux principales sociétés savantes de la France. Se trouvant à Dieppe en 1818, il soumit à ses compatriotes un pro jet de monument à la mémoire de l'amiral Duquesne. Il est mort le 22 fevrier 1822, âgé de 56 ans et huit mois , à Drontheim en Nor- wège, à son retour d’un voyage au Cap-Nord , entrepris par ordre duGouvernement francais, dans le but d’observer les grandes pêche- ries, sur les côtes septentrionales de la Norwege. Ce savant s'était rendu familières plusieurs langues élrangères, afin de mieux remplir les missions dont il était charge. — On trouve une Notice sur M. Noël de la Moriniere dans les 4n- nales maritimes et coloniales, rédi- gées par M. Bajot, 1822, n° IV, 2° partie, pages 373-059. Liste des ouvrages de S. B. J. Noël de la Morinicre. I. Prospectus de l'Histoire na- turelle du Hareng et de sa pêche. Rouen, 1789, in-4. Il. Histoirenaturelle del E perlan de la Seine-[nférieure. 1795, in-8. III. Premier Essai sur le dépar- tement de la Seine-Tnférieure; ou- vrage topographique, historique et pittoresque. Rouen, 1705, in-5. IV. Essai sur le département de La Seine-Enférieure. 1797, in-8. V. Examen comparatif du pou- voir des Parques scandinaves et grecques , sur Odin et Jupiter. 1709 , in-5. VI. Tableau historique de la pé- che de La Baleine. Paris, an VIII (1800) ,1in-8. VII. Lettres sur les avantages qu’il y aurait à transporter et à na- turaliser dans les eaux des rivières, des lacs et des étangs , ceux des pois- sons qui ne se trouvent que dans les uns ou les autres. Rouen , 1801, in—8. VIIT. Mémoire sur le projet du canal de Dieppe (indiqué dans la France littéraire, de Ersch , 2° sup- plément.) IX. Tableau statistique de la navigalion de lg Seine, depuis la mer. jusqu’à Rouen; contenant des 170 OUT vues sur le système de son embou- chure ancienne et moderne. 1803, in-8. | © X. Histoire générale des Pêches anciennes et modernes , dans les mers et les fleuves des deux conti- nens. Paris, imprimerie royale , 1815 , volume I‘, divisé en deux tomes , in-/. Cet ouvrage devait former dix volumes ; l’auteur a laissé le ma— nuscrit de six : à l’époque de sa mort, 250 pages du 2° volume étaient déjà imprimées. Le 1°" et le 2° volume ne sont, à propre- ment parler, que l'introduction de l'ouvrage, et comprennent les tableaux historiques des pêches, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours. Le 3° devait contenir l’histoire des phoques , des mor- ses, des lamentins et de leur pé— che ; le 4° celle des cétacées; le 5° celle des poissons cartilagineux les 6°, 7°, 8- et 9° celle des pois- sons osseux ; le 10: les vues et re- flexions de l’auteur sur l’état pré- sent et futur des pêches. Le seul volume qui a paru renferme trois périodes qui répondent à plus de OUTREMONT (Anwsermr d’), fils d’un avocat de ce nom, qui fut le contemporain et l’émule des Cochin et des Le Normant, na- quit à Paris en 1746; il entra au Parlement en 1766, et fut exilé à Crévant, en même temps que les autres membres de ce corps l’é- latent en divers lieux, à l’occa- *Sion de sa suppression , au mois de janvier 1771. Il consacra les qua- _tre années que dura cette épreuve à cultiver la littérature et parti- OUT vingtet un siècles, sous le titre de pêche ancienne (grecque et ro— maine}, pêche du moyen âge, et pêche moderne. — Ce que l’au- teur avance au sujet de l’art de saler et d’encaquer le hareng, dont il dispute la découverte au hoilandais Beukels , a donné lieu à une discussion assez animée en- tre lui et M. Raëpsaët, qui a de- fendu les prétentions de ses com- patriotes à cet égard. XI. L’Amérique espagnole, ou Lettres civiques à M. de Pradt. 1817. in—{. M. Noël de la Moriniere a fourni divers articles , 1° à l'Histoire na- turelle des poissons, par M. de Lacépèede ; 2° au Magasin Ency- clopédique de feu M. Millin; 3 à la Biographie Universelle ; 4° aux Mémoires de l’Académie Celtique. — Il avait envoyé à l’Académie de Rouen un mémoire sur l’histoire ancienne de la Normandie, sujet - que cette société avail mis au Con- cours. Ce travail a obtenu une mention honorable , long-temps apres la mort deson auteur, dans la séance publique du 8 août 1823. O. culièrement la poésie dramati- que. Le rappel du Parlement en 1774 le rendit aux études du ma- gistrat. Jeune encore , il fut chargé de la rédaction de plu- sieurs Remontrances, particulie— rement de celles centre les édits de M. Turgot, qui furent retirés, comme on sait, au bout d’une année. Lorsque des plaintes s’é— leverent sur les abus quis’étaient introduits dans l’administration de la justice, ce fut M. d'Outre- De de de dde 7 > nn. | PAR mont qui proposa l'abolition des épices et d’autres réformes sur cette matiere. Parvenu à la grand”- Chambre en 1795, il figura dans les rangs de la minorité de sa compagnie, lors de la demande de la convocation des Etats- généraux , et s’opposa à cette de- marde. M. d’Outremont termina sa laborieuse carriere parlemen- - taire par cette derniere chambre des vacations, qui supporta elle seule le poids du ressort immense du Parlement de Paris, depuis le mois-de septembre 1789 jusqu’en octobre 1790, époque de sa sup— pression définitive. Un an apres il émigra en Belgique, puis en Hol- lande. C’est de là qu’au mois d’oc- tobre 1795, il fut appelé à Hamm, où Monsieur (Louis XVIII), qui prenait alors le titre de ré- gent, le nomma conseiller de régence. Les événemens de la fin de cette année ayant détruit les espérances des royalistes, M. d’Ou- tremont se retira en Angleterre, et 1l est resté à Londres jusqu’en 1914 , où 1l n’a cessé d’être, pen dant la longue durée de l’émigra- PAR 171 tion, le conseil et l’arbitre de ses compagnons d’exil. La famille royale de France et des Anglais d’une haute distinction lui témoi- gnérent, en diverses occasions, béaucoup de confiance et d’esti- me. Le Roi le nomma Conseiller d'état lors de sa rentrée en France en 1814. M. d’Outremont repassa en Angleterre durant les Cent jours, et il ne revint en France qu’au mois d'avril 1816. Il est mort à Paris au mois de septem- bre 1822. Nous connaissons de M. d’'Outremont : I. Le Nouveau Siècle, ou la France encore monarchie. Londres, Baylies, 1796, 2 vol. IT. Examen crilique de la Révo— lution française, considérée comme système politique. Londres, 1805, 1n-8. - Parmi les pieces de théâtre que M. d'Outremont avait composées, mais qui n’ont été ni jouees, ni imprimées, on cite Marguerite d’ Anjou et la mort de Charles E°. On trouve une Notice sur M. d’Outremont, dans la Quoti- dienne du 2 octobre 1822. ee PARENT (Francois-Nicozas), naquit à Melun en 1752, et en- tra dans l’état ecclésiastique pour obéir à la volonté de sa famille. A l’époque de la Révolution, il se trouvait cure de Boissy -la - Ber- trand, pres Melun, departement de Seineset-Marne. Non-seulement il embrassa avec ardeur les nou- velles idées ; mais il poussa j’ou- bli de ses devoirs jusqu’à renoncer publiquement à son caractere, par une lettre du 14 brumaire an IT, adressée à la Convention (Moniteur du 4 novembre 1793, n° {gde l’an IT) quele cynisme des expressions nous empêche de re— produire ici. Bientôt apres Parent se maria, et pendant les années 1795 et suivantes il fut employé à la rédaction du Journal des Cam- pagnes, où l’on trouve un grand nombre d’articles de lui, écrits avec plus de sagesse et de modé- ration qu’on n'aurait osé l’espérer d'une telle époque et d’une telle 172 PEI position. On a encore du même auteur l’ouvrage suivant : Recueil d’Hymnes philosophiques, civiques et moraux, augmenté de la note en plain-chant, d’après la musique des meilleurs auteurs, pour faciliter dans les campagnes la célébration des fêtes républicaines. 1599, in-8. La France Littéraire de Ersckh, lu attribue la rédaction d’un journal intitulé Le Courrier Francais, in-{, publié aussi durant la Révo- lution. Sous le régime impérial, Parent fut employé à la police, section des mœurs; il perdit ce chétif emploi à l’époque de la Res- tauration, et vécut ensuite dans un état assez voisin de l’indigence, en s’occupant à corriger des epreu- ves d'imprimerie, Îl est mort à Paris le 20 janvier 1822 , à l’âge de jo ans , et a été enterré au cime- tiere de Vaugirard. Ses dernieres paroles furent celles-ci : « Mon » Dieu, vous savez que ce que j'ai » fait était dans l’intimité de ma » conscience; je ne m'en repens » pas.» Il a laissé quelques opuscu- les manuscrits, entre autres : Dé- prétrisons-nous; Ennemi du sang; Raisonnons-tous, raisonnons-tout ; mon Epitaphe et mes confessions, ou ma Profession de foi, etc. Ne pouvant faire imprimer ses écrits, 1l en faisait circuler des manus- crits parmi ses amis. PEIGNE (........) professeur émérite et pensionnaire de l’Uni- versité, est mort à Paris au mois de novembre 1822. On a de lui: Précis de la vie de Jésus-Christ, extrait de l'Evangile et des meil- leurs auteurs qui ont écrit sur cette matière ; avec des notes historiques , PRE géographiques et chronologiques, à l'usage de la jeunesse et particuliè- rement destiné aux établissemens d'instruction publique ; ouvrage autorisé par Mgr. l’archevéque de Paris. Paris, Chanson , 1821, 1 voi.in-12etin-18.— 2° édition, revue, corrigée et augmentée de la citation en marge, des textes de l'E- vangile et des Saintes Ecritures, et d’un Abrégé de la doctrine chré- tienne ; 1822. PRECY ( Pierre de) , neveu du comte de Précy, commandant à Lyon en 1793 ( Voyez son art. Annuaire de 1820, pag. 174), est mort à Semur en Brionnais, le 29 juin 1822. Il avait épousé Christine du Ryers arrière petite fille du Consul français en Egypte, à qui nous devons une traduction de l’Alcoran imprimée chez les Elzeviers. M. Pierre de Précy était vivement attaché à la monarchie et à la religion ; il travaillait sans relâche pour ces deuxcauses,ditun biographe.Onlui doit les Martyrs, poëme en 4 chants , sur lequel on trouve un article dans l’Amni de la Religion et du Roi. Tome XX XI. page 99. Par une note placée à la fin de ce poëme, on voit que l’au- teur , à cette époque, avait en portefeuille les ouvrages suivans : un Poëme historique du Monde, un poème sur les Stuarts , des tra- ductions en vers français de l’O- dyssée , de l’Anti- Lucrèce , du poème d’Abel, du Prædium rusti- cum , des Psaumes, une Démon- stration Evangélique d’apres le lan de Fénélon, un livre de l’In- fluence du Christianisme sur la ci- vilisation des peuples, etc. REN * RENNEVILLE (Sopute SEN— NETERRE de), connue par quel- ques romans et surtout par un tres grand nombre d’ouvrages destines à l’amusement de l’en- fance, est morte à Paris le 15 octo— bre 1822, à l’âge de 50 ans, de la petite-verole. Ona de M de Ren- neville : I. Lettres d’Octavie , jeune pen- sionnaire de la maison de Saint- Clair. 1866, in-12— 2°. édition , revue, corrigée et considérablement augmentée ; Paris , Villet, 1818, In-12, IT. Sfanislas roi de Pologne, ro- man historique , suivi d’un abrégé de l'Histoire de Pologne et de Lor- raine. 1807 , 5 vol. in-12. — 2°, Edition, 1808. — 1812, 3 vol. in-12. IT1. Galerie des femmes vertueu- ses , ou Lecons de morale à l’usage des jeunes demoiselles. 1808 in-12 — 9°. Edition , Paris, Leprieur, 1817, in-12. IV. Lucile ou la bonne fille. 1808, 2 vol.in-12. V. De lInfluence du climat sur l’homme : Nouvelles. 1808, 2 vol. in-12. Cet ouvrage existe aussi sous le titre de l’Héroisme de l’4- mour. VI. Wie de Suinte-Clotide , reine de France. 1009, in-12,. VII. Le petit Charbonnier de La Forêt noire ou le Miroir magique. 1910, in-18. VIIT. Contes à ma petite fille et âämon petit garcon, pour Les amuser, leur former un bon cœur et les cor- riger des petits défauts de leur âge. REN 1811, 10-12. — 4°. édit. Paris, Saintain, 1017,1in-12. IX. La Mére gouvernante ou Principes de politesse fondés sur les qualités du cœur. 1812 , in-12, — Paris, Belin-Leprieur , 1817, in=12. Le frontispice de ce livre est gravé, en sorte que celui de la nouvelle édit. offre le millésime de 1812. X. Le Retour des vendanges , contes moraux et instruclifs à La portée des enfans de différens âges. 1812, 4 vol. in-12. — 2°, édition, revue #l corrigée, Paris , Genets jeune , 1920, 4 vol. in-18. XI. Elémens de lecture à l’usage des enfans. 1812, in—12. XHI. Les deux Educations ou le pouvoir de l’exemple. 1813, in-12. XIII. Conversation d’une petite fille avec sa poupée, suivies de l'Histoire de la poupée, 1813. — 4° édit. Paris, Ledentu , 181%, in—18. XIV.Zélie ou la bonne fille. 1813 in-19. — Paris, Eymery , 1820 , in-18. XV. La fée Gracieuse ou La bonne amie des enfans. 1815, in-18, — 2°, Edition, revue et corrigée ,. Paris, Genets jeune, 1817, in-18. XVI. La Fée bienfaisante ou. {a mère ingénieuse. 1014 , In 18. — Paris, Eymery, 1817, in-18. XVII. La fille de Louis XVI ou Précis des événemens les plus re- marquables qui ont eu quelque in- fluence sur La fille de nos rois. 1814 in-12. 174 : REN XVIII. Le petit Savinien ou Histoire d’un jeune orphelin. 1814 in-18. — 2°. édit. Paris, Geneis jeune, 1820, in-18. XIX. Les Récréations d'Eugé- nie, Contes. 1814, in-18. XX. L'Ecole chrétienne. 1816, in-18. | XXI. Le Conteur moraliste ou le Bonheur par la vertu; contes. 3816 , in-12. — Nouvelle édition , 1820, Paris, Belin — Leprieur, in-12. XXII. Les Secrets du cœur ou le Cercle du château d’ Eglantine : romans - nouvelles. 1816 , 3 vol. In—12. XXII. Miss Lovely de Maccles- field, ou le Domino noir. 1817 , 3 vol.in-12. s XXIV.Correspondances de deux petites filles. 1817. XX V. Les bons petits enfans; portraits de mon fils et de ma fille ; Contes et dialogues à la portée di jeune âge. Paris , Ledentu , 1817 et 1821, 2 vol. in-16, fig. XXVI. Le Précepteur des en- fans ou le Livre du deuxième âge ; septième édition entièrement refon- due. Paris, Ledoux et Tenré; 1818, in-12. ù XXVII. Les Aventures de Té- lamon ou les Athéniens sous la mo- narchie. Paris, Villet, 1819 , 3 _ vol. in-12. XXVIII. Lettres sur lAméri- que septentrionale. Paris , Villet, 1819, 3 vol. in-12. XXIX. Coutumes gauloises ou Origines curieuses et peu connues de la plupart de nos usages. Paris, Genets jeune, 1819, in-12. XXX. Galerie des jeunes vier- ges ou Modèles des vertus qui assu- rent le bonheur des femmes. Paris, Villet, 1819, in-12, fig. — 2° édit. RIC augmentée de plusieurs vies édifian- tes. Paris, Thiériot et Belin, 1822, in—12. XXXI. Contes pour les enfans de 5 à 6 ans. Paris, P. Blanchard, 1820 , in-18, fig. — 3° édition , 1023. XX XII. Les jeunes personnes , Nouvelles. Paris, Genets jeune, 1020, 2 vol. in-12, fig.— 2° édit. revue et corrigée. Paris, Parmen-— lier, 1022 , 2 vol. in-12. XX XIIT. Becutés de l’Histoire du jeune âge, contenant, etc. Paris, Thiérot et Belin, 1820, in-12, fig. XXXIV. Nouvelle Mythologie des demoiselles. Paris , Genets jeune, 1624 , 2 vol. in-18. ; XX XV. Charles et Eugénie, ou la Bénédiction paternelle.Paris, Ge- nets jeune, 1821, 2 vol. in-18. XXXVI. Palmyre ou l’Educa- tion de l’expérience. 2 vol. in-r2, Paris, Parmentier, 1822. XXXVII. Le petit Philippe ou l’Emulation excilée par lamour filial, conte moral, orné de 4 gra- vures en taille douce. Paris , Brian- chon, 1822, in-18. — Dernier ouvrage de l’auteur. M de Renneville a encore pu- blié un roman intitulé la Dot, qui a été traduit en russe, par Mar- tinof. Elle a coopéré à l’Athénée des dames et aux Amusemens de l'adolescence. Elle a laissé en ma nuscrit un ouvrage intitulé : Les femmes illustres de Rome et de la Grèce. RICHARD (Jean PIERRE), ne à Belfort, en Alsace le 7 février 1745 , entra dans la compagnie de Jésus au college de Colmar, en 1760 , c’est-à-dire à la veille de ÉR a fus LS oh HPRETRT 6 APRES Æ Où 2 72 CPAS ETES RIC la destruction de cecorps. Richard fut envoyé en Lorraine, où les jé- suites trouvèrentmomentaneément un asile sous la protection de Sta- nislas ; il demeura successivement à Nancy , à Pont-à-Mousson et à Liége, où le Prince-Evèque l’ap- pela pour diriger l'éducation de ses neveux. De retour en France, il se livra à la prédication. C'était vers 1786, il avait alors 43 ans. Il précha, cette année, le panégy- rique de Saint-Louis de Gonza— gue, chez les Carmélites de Saint- Denis , et en 1789, ce fut lui qui donna le sermon de la Pentecôte à la Cour. Les troubles qui suivi- rent arrêterent l’abbé Richard dans la carriere où1l venait d’en-— trer. 11 ne quitta point la France et resta constamment à Paris, sans cependant prêter aucun serment, En 1800 , il recommencça ses pré- dications tant dans la capitale que dans les provinces. M. le cardinal de Belloy le nomma, en 1805, chanoine de la Métropole. L’âge ne diminuait point son zèle et ne semblait même pas affaiblir ses forces. En 1818 1l précha le Ca- rême aux Tuileries, et il devait reparaître dans la chaire dela cha- pelle royale pour la station de VAvent de 1820 , lorsqu'il fut en- levé par une maladie prompte, le 29 septembre 1820. Ses Sermons , ont été publiés depuis (Paris, Adrien Leclère, 1822, 4 vol. in-12 avec un portrait). L'éditeur, ec- clésiastique pieux et instruit en porte lejugement suivant : « Les -sermons de M. l’abbé Richard, dit-il, supposent une assez grande étenduede connaissances en théo- logie et en morale , une étude ap- profondie du cœur humain, la science pratique des regles de lag RIC 155 oratoire, une imagination riche et brillante, de la noblesse et de l’élévation dans les sentimens. » L’abbé Richard occupera un rang distingué, parmi les prédicateurs du second ordre. RICHELIEU (Anmano-Emma— NUEL-SOPHIE-SEPTIMANIE D'UPLESSIS, duc de), petit-fils du maréchal de ce nom, et fils da duc de Fronsac, naquit à Paris le 25 septembre 1766. Il fit ses premieres études au collége du Plessis, fondé par le cardinal. de Richelieu, son grand-oncle , et acquit de bonne heure une utile disposition, qu'il perfectionna dans le cours de ses longs voyages , à parler toutes les langues de l’Europe avec la même facilité que sa langue maternelle, Ce don heureux de l’art et de la nature lui valut, dans la suite, l'avantage précieux de pouvoir parler à chaque ministre étranger la langue de la nation dont il était le représentant. Marié presqu’au sortir de l’enfance, sous le titre de comte de Chinon, il partit pour l'Italie immédiatement apres la célébration de son mariage. Les premiers événemens de la Révolu- tion le rappelerent en France, et il vint prendre à la Cour l'exercice de la charge de premier gentil homme de la chambre , dont il avait la survivance. Il ctait allé passer quelques heures à Paris le matin du 5 octobre 1780 ; mais il n'eut,pas plus tôtaperçu les symp- tômes de l’insurrection, qu’il s’em- pressa de revenir à Versailles, et il arriva aupres de Louis XVI au moment même où les premiers corps de là Garde nationale étaient aux portes du chäteau. Ce fut peu de temps apres ces événemens qu'il 176 RIC partit pour Vienne avec l’agré- ment du Roi: Admis aupres de l’empereur Joseph IT, les qualités aimables du jeune voyageur sé- duisirent le goût et la bienveil- lance de ce prince, qui prit une extrême affection pour lui, et l’ad- mit dans son intimité. M. de Ri- chelieu était encore à Vienne lors- qu’il apprit que l’armée russe se disposait à attaquer la forteresse turque d’Ismael. Sur ce bruit, 1l part de la capitale de l'Autriche au milieu de l’hiver, avec le jeune rince Charles de Ligne ; 1l arrive à l’armée de Potemkin, et se fait présenter à lui par le comte Roger de Damas, son parent, qui servait depuis quatre ans dans les armées russes. Ce fut sous le général Suva- roff, depuis si fameux, que M. de Richelieu fit ses premières armes. Le 22 décembre 1700 , au milieu des rigueurs de l'hiver, l'assaut fut donne à la forteresse d’Ismaël, défendue par 36,000 Turcs, qui périrent presque tous dans la mê- lée ou furent égorgés après le combat ; par leurs barbares vain- queurs. M. de Richelieu reçut une balle dans son bonnet, en gravis— sant le rempart sous le feu de la plus terrible mousquetlerie. Au milieu des scenes de carnage qui terminerent la journee, il n’oublia pas ce qu'il devait au sentiment sacré de l’humanité. Ecoutons-le parler lui-même dans des Meé- moires inédits : « Je ne puis m’em- pêcher, pour servir d’adoucisse- ment au souvenir de tant de mal- heurs , de raconter que je sauvai la vie à une fille de dix ans, dont l'innocence et la candeur for- maient un contraste bien frappant avec la rage de tout ce qui m’en- vironnait. En arrivant sur lé bas-— FRIC ton où le combat cessa et où com- menca le carnage, j’apercus un groupe de quatre femmes égor— gées , entre lesquelles cette énfant, d’ure figure charmante; cherchait un asile contre la fureur de deux cosaques qui étaient sur le point de la massacrer. Ce spectacle m’at- tira bientôt, et je n’hésitai pas, comme on peut le croire , à pren— dre entre mes bras cette infortu— née , que les barbares voulurent y poursuivre encore. J’eus bien de la peine à me retenir et à ne pas per- cer ces misérables du sabre que je tenais suspendu sur leurs têtes ; je me contentai cependant deles éloi- gner, non sans leur prodiguer les coups et les injures qu'ils méri- taient, et j’eus le plaisir d’aperce- voir que ma petite prisonniere n’a= vait d'autre mal qu’une coupure légere , que lui avait faite au visage le même fer, qui avait percé sa mére.» La valeur de M. de Riche- heu fut magnifiquement récom- pensée par Catherine II ; elle l’é- leva au grade de lieutenant-général de ses armées, et lui fit don d’une épée d’or et de la décoration de l’ordre de Saint-Georges. I] se ren- dit à Pétersbourg au commence- ment de 1792, et y fut personnel- lement bien accueilli de l’Impéra- trice , qui l’attacha définitivement à son service. La même année il fit un voyage à Vienne et à Berlm, comme négociateur des princes français émigrés, et porta à Mon- sieur, qui prenait alors le titre de Regent, les dépêches de l’impe- ratrice de Russie. En 1704 M. de Richelieu fut nomme un des six commandans des corps d’émigrés organisés à la solde de l’Angle- terre; mais il ne paraît pas qu'il ait jamais exercé ces fonctions. L RIC Sous le règne de Paul", il vécut à Pétersbourg dans un état de dis- grâce, et eut beaucoup à souffrir du caractere inquiet et capricieux de ce prince; mais, dès l’avéne- ment d'Alexandre , il fut comblé des faveurs du nouveau monarque, qui l'avait admis dans sa société intime tandis qu'il n’était encore que Grand-duc. M. de Richelieu profita de la paix qui s’établit tout à coup entre la France et la Rus- sie, pour venir à Paris solliciter sa radiation de la liste des émigrés. Le résultat de ce voyage fut qu'il resta au service de Russie, apres avoir sacrifié tout ce qu’il put re- trouver des débris de sa fortune, à payer intégralement les créan- ciers de son père et de son grand- ère. Des le commencement de 1803, l’empereur Alexandre nom- ma M. de Richelieu gouverneur mihtaire d'Odessa, et dix-huit mois après , 1} lui conféra le gou- vernement général de toute la Nouvelle — Russie, pays dont la surface égale celle de la France tout endiere. Jamais un pouvoir absolu ne fut déposé en des mains plus paternelles et plus bienfai- santes. Dans cette contrée im- mense et presque déserte , 1l fal- lait tout créer, tout fonder, et y appeler en même temps les hom- mes, la civilisation , le commérce et les arts. « Le nom d’Odessa, dit M. le cardinal de Beausset, n’était pas même connu il y a qua- rante ans : il portait celui d'Hadgi- Bey, et ne consistait qu'en un amas de quelques chétives mai- sons, et en un misérable fort, dé- coré du nom de château, situé sur le bord du Pont-Euxin. Tel est le local que M. de Richelieu choisit pour en faire la colonie la plus ‘RIC 179 florissante de la mer Noire. Ce qu'il a voulu faire , il l’a fait: et Odessa , qui ne comptait que 5ooo âmes lorsque M. de Richelieu y est arrivé, en renfermait 35000 lorsqu'il en est parti. Ses soins, son activité, l’équité de ses réglemens, et surtout la loyauté de son carac- tère, y ffxerent la confiance de toutes les nations commercantes. Il y créa tout : établissemens pu- blics et particuliers , réglemens de police, législation maritime, fidé- lité dans les transactions, sûreté dans les relations sociales, établis- semens religieux pour les différens cultes , écoles d'instruction (1), théâtres, ii embrassa tout .dans son infatigable sollicitude , et ce fut ainsi qu'il parvint à faire, en dix ans, d’une misérable bour- gade , une ville magnifique dont toutes les rues , üiréessau cordeau et planiées d’un double rang d’ar- bres , reçoivent chaque année de nouveaux embellissemens..... La seule distraction qu'il se permet- tait à tant de soins divers, était d’aller tous les jours passer deux heures à ce qu’il appelait, en sou- riant, son palais. Ce palais était une petite maison de campagne de cinq croisées de face, au mi- lieu d’un clos de quelques arpens, dont il avait planté lui-même les arbres , qu’il cultivait et taillait de : (1) H faut citer surtout l’Institut et le Gymnase d’Odessa : dans celui-ci on donne gratuitement linstruction supérieure ; il a été organisé par M. l'abbé Nicole, aujourd'hui Recteur de l'Académie de Paris. Les élèves de cet établissement ont porté le deuil pen- dant trois jours, lorsqu'on y eut appris la nouvelle de la mort de son fonda- teur. 12 RIC ses mains. C’est la seule propriété qu’ait jamais possédée l'héritier du cardinal de Richelieu (1).» Les voyageurs de toutes les nations, qui ont passé par Odessa , à diffé- rentes époques , se sont accordés pour confirmer ces éloges : l’em- pereur Alexandre étant venu, en 1818, visiter cette partie de son empire , fut tellement charme äu tableau que lui offrit la prospérité de cette contrée, qu’il dépècha de la ville même d’'Odessa , un cour- rier chargé d’apporter à M. de Ri- chelieu le cordon de Saint-André, avec une lettre remplie des expres- sions les plus flatteuses. Il faut re- marquer cependant, pour ne point mériter le reproche d’exagération, que les premieres créations ont dû plus facilement paraître des pro- diges, en un lieu où tout étant à faire , il a dû suflire, pour faire naître la civilisation , d'appliquer avec intelligence et loyauté les plus simples idées d’administra- tion et d’economie politique. La peste se déclara tout à coup à Odessa , au mois d’août 1812, au moment ou M. de Richelieu se disposait à partir pour l’armée ; 1l ne balança pas à s’enfermer au foyer de la contagion, et l’on ne saurait trop louer la promptitude, la sagesse, l'énergie et l’ensemble des mesures qu'il adopta pour ar- 198 . | (1) M. Gabriel de Castelnau nous apprend que M. le duc de.Richelieu avait acheté à Yourzouf, dans une si- tuation délicieuse, au milieu des Ta- tars , une propriété de la valeur de 6,000 fr., et qu'il y a fait bâtir une charmante maison , dont son livre offre ne vue perspective ( Æssar sur l’Hrs- toire ancienne et moderne de la Nou- velle Russie. T.IIT, p. 226 ). RIC rêter les progres de ce terrible fléau. «Il était partout , il s’expo- sait sans cesse, et ne rentrait chez lui que pour prendre un léger re- pas. Îl visitait les hôpitaux des pes- tiférés , assistait à toutes les déli- bérations des commissaires des di- vers quartiers ; 1l se portait aux barrières pour s’assurer de l’exé— cuuon de ses ordres ; il fournissait aux nécessiteux, en entrant dans les plus petits détails de leurs be- soins , de leurs peines ; il distri- buait des vêtemens par mil- liers (1). » Aïnsi parle un témoin oculaire ; plus bas il ajoute : « Nous étions trois faisant quaran- taine avec lui ; nous mangions sans nappes a1 serviettes, et tant que ce fléau a duré, il ne nous est jamais arrivé non-seulement de nous tou- cher, mais même que nos vête- mens eussent entre eux un:point de contact. » La peste, qui avait été reconnue le 28 août 1812, fut décidément arrêtée le 7 janvier 1013. Pendant ces quatre mois et quelques jours, sur une popula- tion de 35,000 âmes, 2,056 per- sonnes succomberent, 675 furent sauvées. Cette même année 1813, M. de Richelieu se battit une se— conde fois contre les Turcs ; mais cette fois, la guerre , conduite des deux côtés avec assez de mollesse, n’eut d’autres résultats que l’oc- cupation par les Russes, de quel- ques villes de la Crimée recon- quises sur les Turcs. Ce fut le der- nier service qu'il rendit à sa patrie (1) Essai sur l'Histoire de la Nou- velle Russie, par M. de Castelnau. T. III, p. 328. Le chapitre XXVIHI de , cet Essai, est consacré tout entier à l'histoire de la peste d'Odessa. RIC adoptive, dont le cours des évé- nemens devait bientôt le séparer pour toujours ; toutefois elle ne fut jamais oubliée dans ses affections. Pendant son séjour en Allemagne, en revenant en France, 1l envoya au jardin botanique de Simferopol des livres et des instrumens de sciences , et, en 1816, il expédia de Paris, à ses frais, pour le même établissement, un courrier, avec cent vingt rejetons des meilleurs arbres fruitiers, et cinq cents es- pèces de graines utiles, tirées du Jardin des Plantes. Depuis le dé- part de M. de Richelieu, le gou- vernement d'Odessa n’a pas cessé d’étresconfé à des Français , d’a- bord à M. de Saint-Priest , et au- jourd’hui à M. de Langeron. L'année 1814 ouvrit la seconde époque de la vie politique de M. de Richelieu. Appelé dans la Cham— bre des Pairs de France par l’or- donnance du 4 juin 1614, il re- vint à Paris au mois d’octobre de cette même année. À l’époque du 20 mars 18195, il suivit le Roi à Gand, retourna avec lui à Paris, et reprit auprès de sa personne les fonctions de premier gentilhomme de la chambre. La retraite de MM. de Talleyrand et Fouché, devant la Chambre de 1815, fit penser à M. de Richelieu pour composer un nouveau ministère ; il en fut le président, et se char- gea du département des affaires étrangères. Quand même la suite des événemens ne nous aurait pas appris que le défaut d’ambition fut le caractère prédominant de l'esprit de M. de Richelieu, la considération des circonstances où l’on se trouvait alors, autorise- rait seule à faire honneur de sa détermination à un sentiment de RIC 179 dévouement. En effet, il ne s’a- gissait de rien moins que de pac- üser avec tous les intérêts de l’Eu- rope armée, et de solder toutes ses prétentions : au-dedans il fal- lait contenir toutes les passions déchaïnées, et concilier une foule d'intérêts divisés , avec la justice et la prudence. Relativement à l’étranger, nous aimons à dire d'avance que M. de Richelieu, secondé des coilaborateurs qu’il s'était donnés , et aidé du bon na- turel de la France, a rempli ho- norablement sa tâche difhicile. Sans doute le traité du 20 no- vembre fut rigoureux ; mais la question est de savoir s’il eût été possible à un autre , ou par d’au- tres voies que celles employées par M. de Füchelieu, d’obtenir un meilleur résultat : quant à moi, je ne le pense point. « Le sort des armes , dit M. le cardinal de Beausset, venait de mettre la France à la merci de sept à huit cent mille hommes : c'etait l’'Eu rope entière qui venait, les armes à la main, non pas discuter des calculs et des chiffres , mais com- mander impérieusement toutes les interprétations qu’il lui plai- rait de donner aux articles du traité de 1814. C’est dans cette grande circonstance que M. de Richelieu seservant, pour le salut de la France, de l’honorable as- cendant que son caractere lui avait donné aupres des princi- paux cabinets de l’Europe, sut employer dans une juste mesure la plus noble fermeté et une grande habileté. Il existe une lettre de lui au principal ministre d’une grande puissance , dans la- quelle 1l l'invite « à ne pas porter » au désespoir une grande nation 180 RIC » qui venait sans doute d’éprouver » de grands revers , mais qui sen- » tait encore ses forces, et dont » les ressentimens pouvaient de- » venir terribles. » Il Jui déclarait en même temps avec franchise, « qu’il serait le premier à conseil- » ler ce noble désespoir à son Roi » et à son pays, si l’on ne revenait » pas à un système de modération, » aussi conforme à la saine poli- °» tique qu’à la justice’et à l’hon- » neur. » 1] parvint ainsi à dé- sintéresser les puissances, par des sacrifices justes et modérés. Les réclamations en indemnités des sujets des puissances étran- gères du continent, appuyées de pièces justificatives , s’élevaient à la somme de 963 millions : elles furent réduites à 2/0 millions de capital nominat, représentés par 12 millions , 80,000 fr. de rentes sur le Grand Livre. Relativement aux affaires de l’intérieur, la con- duite politique de M. de Richelieu ne fut pas , selon nous , exempte de blâme , bien que cette fois elle s'explique sufisamment par les nécessités de sa position, et par l'empire des idées politiques aux- quelles il n’avait pu rester étran- ger. Après avoir, dans la séance du 3 novembre 1815, communi- qué à la Chambre des Pairs, uné ordonnance royale qui réglait les formes à suivre dans le proces du maréchal Ney, il ajoutait ces pa- roles : « Nous osons dire que la Chambre des Pairs doit aa monde une éclatante réparation; elle doit être prompte, car il importe de retenir l’indignation qui de toute part se soulève. Vous ne souffri- rez pas qu'une plus longue impu- nité engendre denouveauxfléaux, plus grands peut-être que ceux - BIC auxquels nous essayons d’échap- per. Les ministres du Roi sont obligés de vous dire que cette dé- cision du Conseil de guerre (celle par laquelle il s’était déclaré in- compétent ) devient un triomphe pour les factieux. Il importe que leur joie soit courte, pour qu’elle ne leur soit pas funeste. Nous vous . conjurons donc, et au nom du Roi , nous vous requérons de pro- céder immédiatement au juge— ment du maréchal Ney. »—« C’est au nom de l'Europe, avait-il dit plus haut, que nous venons vous conjurer et vous requérir à la fois de juger le maréchal Ney » B.3 Quel est donc le funeste entraine- ment des circonstances, puisqu’un homme qui depuis a fait preuve de tant de modération , a pu se laisser aller à manquer au respect profond qu’un ministre de la cou- ronue devait à un tribunal aussi éminent que l’est un conseil de uerre, Ou siégeaient trois ma- réchaux de France, et puisqu'il n’a pas craint de tenter ouverte- ment d’influencer par des consi- dérations politiques , les arrêts impassibles de la justice. Et par quelles considérations , grand Dieu! par les vœux des ennemis de la France!!! On frémit de la responsabilité d’un tel discours, quand on songe que le maréchal Ney a été fusillé peu de jours apres. Le 8 décembre suivant, M. de Richelieu présenta, à la Chambre des Députés , un projet de loi d'ammistie, qui, inconsti- tutionnel dans la forme , et ina] combiné quant au fonds , ne bles- sait pourtant pas trop vivement les intérêts généraux de la France , et watteignait qu’un nombre limite de personnes. Ce projet se trouva RIC considérablement aggravé par la discussion, et quant au némbre et quant à la sévérité des pros- criptions. M. de Richelieu s’op- osa spécialement à la violation de l’art. 11 de la Charte, qui avait si expressément stipulé la sécurité des juges de Louis XVI, et sa ré- sistance en ce point offrit, il faut en convenir, toutes les allures d’une franche énergie. Mais la majorité de la Chambre ayant triomphé de la volonté du mi- nistère, M. de Richeïeu se sou- mit, et ne fit plus difliculté d’ap- porter à la Chambre ,des Pairs, le 9 janvier 1816, et même d’y jusüifier, les dispositions qu’il avait combattues dans l’autre Chambre. Cependant l’influence de M. Decazes, que M. de Richelieu avait appelé dans le ministère des sa formation, grandissait chaque jour, sans altérer l’union qui exis- tait entre eux. La haine qu’un parti avait des lors vouée au pre- mier de ces ministres , et les né- cessités de la politique intérieure, amenerent la célebre ordonnance du 5 septembre. M. de Richelieu en adopta franchement la pensée, et il se chargea de présenter cette mesure sous un point de vue favo- rable aux cours étrangères. Le 23 mars 1817, il vint communiquer à la Chambre des Députés la con- clusion du mariage de Mgr. le -duc de Berry, avec une princesse des Deux-Siciles , et leur proposer les lois de dotation , et réglemen- taires , que cet événement rendait nécessaires ; plus tard il prononca, à la Chambre des Pairs, un dis- cours pour l'adoption du budget de 1816. Dans la séance du 5 mars 1818, il parla, dans la Chambre des Députés , en fayeur } RIC 181 de la loi sur le recrutement, et soutint que l’enrôlement forcé en devait constituer les bases. L’ac— quittement ponctuel des condi- tions du traité du 20 novembre, et la pacification graduelle des esprits, résultat du nouveau sys- tèeme ministériel, permirent à M. de Richelieu d’obtemir l’éva- cuation d’une partie des troupes étrangères, au commencement de l’année 1818. Il vint l’annon- cer à la Chambre des Députés le 25 avril, et obtint d’eile, au m1- lieu d’une silencieuse unanimité, une augmentation de crédit, dont la liquidation définitive des titres étrangers avait démontré la né- cessité. La loyauté de M. de Ru- chelieu , et sa fidélité aux engage- mens de toute sorte, concoururent aussi à donner un nouvel essor parmi nous au crédit public : il fut habilement servi en ce point par la prudence de M. Corvetto (Woy. son articles Annuaire Né- crologique de 1821, pag. 131), qu’il avait fait appeler à la tête du Trésor, et auquel 1l accordait la plus entiere confiance pour cette parte. Enfin, la prospérité des finances, le succes complet des emprunts et la tranquillité inté- rieure, permirent au ministre français de provoquer, s’il faut en croire son panégyriste , la réunion des souverains alliés à Aix-la— Chapelle, pour recevoir les der— niers tributs de la France, et pro- noncer son acquittement définitif. Les affaires d’argent ne souffri- rent cette fois que peu de difli- cultés (1); la meilleure partie des (1) Le nom de M. de Richelieu a été apposé au bas du traité de Paris du 20 182 RIC HA) charges pécuniaires était acquit- tée; celles qu’on avait rejetées dans l'avenir se trouvaient par- faitement garanties. Mais le sys- teme libéral et généreux adopté par le ministère français, depuis le 5 septembre, avait été calomnié à l’oreille des souverains étran- ers ; ils en souhaiterent la mo- dification. Il paraît certain que M. de Richelieu était parti de Paris, se doutant à peine que cette question dût être traitée à Aix. la-Chapelle. Arrivé au Congres, le plémipotentiaire français se vit l’objet , de la part des souverains et de leurs ministres, des égards les plus marqués et de l’empres- sement le plus flatteur. Soit faci- lité de caractere , soit timidite et appréhension des développemens vigoureux de la liberté en France, M. de Richelieu se laissa persua— der par les conseils de l'étranger ; il promit des modifications à la politique intérieure de la France, et revint avec l’intention de tenir ses promesses. « Les lettres que M. de Richelieu écrivit au Roi, pendant le Congres d’Aïx-Ja-Chba- pelle , dit M. de Beausset, et que S. M. fit lire dans son conseil, passent , dans l'opinion de tous ceux qui en ont eu connaissance , pour des modeles de dignité, de sagesse et de considérations pro- fondes sur les grands intérêts de l'Europe... Toutes les dépèches importantes, adressées aux agens du Roi dans les cours étrangères, novembre 1820, et des conventions des 10 juin et 28 août 1817, et du 25 avril 1818 (Voyez Histoire abrégée des traités de Paix , par M. de Koch, édt- tion de M, F. Schoell.—T able.T. XV, p. 328). RIC. étaient écrites de sa main, et n’offrent ni ratures, ni recher— ches , n1 efforts... Jamais aucun ministre ne s’est moins servi de ses secrétaires ; il n’était pas un particulier un peu connu à qui il ne répondit de sa main avec em-— pressement , franchise et obli- geance. » À son retour à Paris, M. de Richelieu éprouva des dif- ficultés de plus d’un genre pour l'exécution des engagemens qu’il avait pris à Aix-la-Chapelle. La baisse subite des fonds publics, produite par le concours de di- verses circonstances étrangères à la politique, le contraignit à de- mander un délai de dix-huit mois, “pour l’acquittement définitif des charges de la France. La facilité avec laquelle il obtint ce délai, due sans doute en partie à la con- sidération personnelle du ministre et à l’amitié que lui portaient les souverains, mérita pourtant d’être attribuée aussi à l'empressement de voir exécuter des engagemens d’une autre nature. Cet empresse- ment éveilla cette fois des pré— voyances qui, plus tard , se sont endormies. Les Chambres , l’epi- nion publique, les prétextes os— tensibles , rien ne parut suffisam- ment préparé ; et après une crise de quelques jours, qui semblait d’abord toute favorable au pléni- potentiaire d’Aix-la-Chapelle , on le vit subitement se retirer des affaires , sous le prétexte d’une lé- gere et passagèré indisposition , et le pouvoir resta tout entier dans les mains de M. Decazes et de ses amis. Intimidé par des in- Îluences de cour, qui d’ailleurs ne sont jamais des excuses suflisantes, le nouveau ministère parut tout d’abord croire qu'il avait besoin RIC de se faire pardonner son exis- tence , en se jetant aux pieds du vaincu. Ixdépendamment du cor- don du Saint-Esprit et de la charge de Grand-Veneur , un don de 50,000 fr. de rente fut offert au nom des deux Chambres à M. de Richelieu , à titre de récompense nationale. Cet acte législatif, pro- mulgué à cause dés mêmes cir- constances qui avaient fait éloi- gner le ministre du timon des affaires, renfermait je ne sais quel mélange d’ironie et de pusil- lanimité qui n’échappa point aux justes censures de lOpposition , et dont M. de Richelieu châtia noblement ses vainqueurs, en refusant leur don avec la plus baute générosité, pour le céder aux hospices de la ville de Bor- deaux, où 1} se rencontra par hasard , lorsque l’offrande fut dé- posée à ses pieds. M. le duc de Richelieu consacra les premiers mois de sa liberté à parcourir le midi de la France, la Suisse , l’Italie, l’Allemagne. Il était revenu à Paris vers la fin de 1819 et avait annonce la ferme détermination de ne plus rentrer dans les affaires ; 1l s’était même refusé aux sollicitations pres- santes qui venaient de lui être renouvelées , dit-on, par ses principaux successeurs , depuis qu’ils avaient embrassé le sys- teme, contre lequel eux-mêmes avaient obtenu sa chute, il y avait seulement quelques mois, Il se disposait à partir le 14 février 1820, de grand matin, pour aller, au nom du Roi de France, féli- citer le Roi d'Angleterre Georges IV, sur son avénement au trône , lorsque cette même nuit, fut con- sommé l’attentat qui devait avoir RIC ” 183 une si terrible influence sur les destins politiques de la France.M. de Richelieu avait résisté à toutes les considérations politiques, il ne put résister aux instances de la famille royale éplorée ; il accepta le titre de président du conseil des ministres, sans se charger du dé- tail d’aucan département. Désor- mais il put réaliser les vieux enga- gemens d’Aix-la-Chapelle, et ne tarda pas même à se trouver en— trainé au delà. Sa tâche était de démolir tout ce qui avait été fondé depuis le 5 septembre ; quandil l’eut accompli il dut céder la place aux anciens possesseurs. La loi des élections du 5 fevrier 1817, cette pierre angulaire du système, fut abolie ; la liberté individuelle et celle de la presse furent sus- pendues ; les proces politiques re- parurent en foule ; toute adhe- sion aux idées libérales fut inter- dite par le Gouvernement à ses agens , et devint un motif pé- remptoire d’éloignement de toutes fonctions publiques ; toute oppo- sition fut traitée comme hostilité ; les places furent prodiguées aux hommes de 1815, les opinions ou du moins les paroles qui les sup- posent , devinrent le meilleur titre aux emplois et suppléerent aux ca- pacités; le Gouvernement appuya les candidatures du côte droit, et poussa en leur faveur, les gènes morales de l’élection jusqu’à des li- mites qu’on n'avait pas jusqu'alors atteintes, mais qu’on a depuis de- passées ; l’organisation des libertés publiques si#solennellement pro- mise par laCharte, fut indefiniment ajournée ; le conseil du Roi fut ouvert aux chefs de l’antienne mi- norité du côté droit , aux vaincus du 5 septembre ; les rois militai- 194 RIC res de l’Europe orientale jeterent leurs soldats sur l'Italie aspirant à la liberte consütutionnelle , et le ministere de M. de Richelieu les seconda au moins de ses vœux et de son influence morale. Un de nos hommes d'Etat, un de nos premiers publicistes , retraçait vers cette époque, le portrait de M. de Richelieu , et définis- sait sa politique : « Jamais, di- sat M. Guizot , son caractere, sa position et le genre d'influence qui luiest propre ne se sont dé- ployés aussi clairement , aussi complétement que dans le dernier ministère. C’est autour de lui qu’a tourné toute la politique minis - térielle. Je dis qu’elle a tourné au- tour de lui, car il en était le cen- tre plutôt que le chef. M. de Ri- chelieu n’est point une homme, qui, pour atteindre à un but de- terminé, se place à la tête d’autres hommes et les conduise ; on l’en- toure, mais on ne le suit point ; car il ne marche pas. Il a en lui je ne sais quoi d’immobile qui le réduit à servir souvent d’obstacle, jamais de moyen. Empécher c’est là, je ne dirai pas sa politique , mais une propriété de sa nature. Elle a fait sa destinée. Le péril presse, le mal sera grand... M. de Richelieu survient , il ne dissipe point le péril, mais il en atténue l’imminence ; il ne guérit point le mal: il le fait même ou le laisse faire, mais il en préviendra l’exces. Un bon comme un mauvais sys- teme , un bon comme un mauvais parti peuvent se servig de lui pour commencer, mais c’est là tout ; dans la véritécomme dans l’erreur, il s’arrête-et résiste dés qu’on veut de mener vite et loin. C’est que sa conscience est droite , sa vue RIC courte et son caractere faible. Franc et loyal, 1l peut s’engager assez vivement au début ; que la situation s’embarrasse , que le cours des choses s’accélere , il se trouble, et, se refusant aux con- séquences de ses propres actes, se réfugie dans l’inaction. Ce n’est pas qu'il craigne de se compro- mettre; c’est qu'il ne sait à quoi se décider ni comment agir. Il ne veut pas le mal, ne sait pas le bien. Ce quiest vioient choque sa raison; ce qui est difficile la surpasse ; son immobilité n’est que l’expres- sion de son doute ou l’aveu de son impuissance ; et quand 1l en est réduit-là, un seul sentiment s'empare de lui, c’est une sorte de dépit contre des choses et des peuples si peu maniables , si ré— vêches à se laisser gouverner par un homme, qui, au fait, se sou cie peu du pouvoir, et ne l’a pris que pour les servir. Sans doute en appelant MM. de Villele et Cor- biere dans le Conseil, il s’était promis un peu de repos; il crut l’ancienrégime acquis et gouverne, la fasion du centre et du côté droit accomplie. Bientôt il put voir qu’il se trompait. » (1) Ce systeme politique de M. de Richelieu , entierement en faveur du côté droit , ne pouvait cepen- dant satisfaire celui-ci. Un parti qui a la force de saisir le pouvoir, serait fou de le dédaigner. On chercha beaucoup de motifs d'in- criminations contre le ministere de M. de Raichelieu : 1l n’en était qu'un de réel : savoir le fait de {1) Des Moyens de Gouvernement et : \ > du æ » d’Opposiion, dans l’état actuel de la france ; par f! Guizot. 2e édit., 1827, p.40. RIC son existence. Il ne lui appar- tenait plus de régner, puisqu'il avait cessé d’être le plus fort. Une coalition se forma ; on en sait l'histoire. La majorité de laCham- bre des députés renversa le minis- tère, à l’ouverture de la session de 1821. M. de Richelieu était au nombre des ministres qui étaient devenus personnellement désa— gréables au côté droit. Il s’en cha- grinait autant qu'il s’en étonnait. Dans la candeur de sa conscience, il scrutait avec scrupule ses paro— les et ses actions , et ne savait où découvrir le motif de sa disgräce : cependant il fallut céder. « Sa re- traite , à l’époque de son premier ministère, dit M. le cardinal de Beausset , n’avait excité en lui aucuns regrets : il n’en a pas été de même en cette derniere cir- constance , et il l’a avoue haute- ment... Il serait inutile de le dis- simuler. Les derniers jours de M. le duc de Richelieu ont dû être pénibles et douloureux. Son cœur avait été profondément atteint. » En effet , le parti triomphant n'eut point cette fois, de couronne à mettre à ses pieds, ni de postes éminens à distribuer à ses amis. M. de Richelieu avait quitté les affaires au mois de décembre 1821. Pendant l'hiver, sa santé parut décliner. Au commencement de mai 1822, ilétait allé passer quel- ques jours à Courteil , terre apar— tenant à M°° la duchesse de Ri- chelieu. Depuis quelque temps il ressentait des faiblesses dans tous ses membres et des frissons. Le 16, apres avoir déjeüné , quoique plus indisposé qu’à l’ordinaire, il partit en poste pour revenir à Paris. Trois fois il se trouva mal pendant la route ; 1l se mit au lit le jour RIC 185 même et en arrivant. Dansla nuit, son état empira considérablement, et une inflammation cérébrale se déclara. Le Roi envoya sur-le- champ ses médecins auprès du malade ; mais tous les secours de l’art furent inutiles. M. de Riche- lieu expira, le 17 mai 1822, à midi trois quarts, entre les bras de ses deux sœurs, M®*° de Mont- calm et de Jumiihac. M. l’abbe Feutrier, qui dirigeait sa cons- cience, a profité d’une lueur dè présence d’esprit , pour lui admi- nistrer les derniers sacremens, et lui prodiguëer, de concert avec M. l’abbé Nicolle , toutes les con- solations de la religion. — Son corps a été déposé dans l’église de l’'Assomption , sa paroisse , en at— tendant qu’il puisse être transféré dans celle de la Sorbonne , bâtie par le cardinal de Richelieu. Son cœur a été transférée à Courteil. M. le duc de Richelieu était le dernier de son nom ; mais une or- donnance royale , rendue après sa mort, a transféré le titre de duc de Richelieu et sa pairie, à M. Odet de Jumilhac, neveu du défunt par les femmes. Une ins- cription de 13,000 fr. de rentes sur le Grand-Livre , s’est trouve former toute la succession du der- nier neveu du ministre tout-puis- sant de Louis XIII, et cependant il ne fut jamais prodigue ni fas- tueux. M. le cardinal Beausset a prononcé son éloge à la chambre des Pairs , dans la séance du 8 juin 1822 (imprimé dans la collec- tion de la Chambre , et dans le Moniteur du 14 juin suivant) (1). { (:)Rüimprimé sous le titre de Votice. Paris, Dentu, 1822, in-8 de 47 pag. 186 RIC On a publié aussi : Notice sur les travaux administratifs de M. le duc de Richelieu, dans la Russie méri- dionale ; par M. SFX*, (Extrait du 2° cahier du Journal Asiatique, du 15 août 1822 ). Paris, Dondey- Dupré, 1822, in-8 d’une feuille un quart. L’année même de la mort de M. de Richelieu , M. Dieu- donné a gravé une médaille à son effigie. Le 21 mars 1816 , M. le duc de Richelieu avait été mis au nom- bre des membres de l’Académie française , antique fondation du cardinal son grand-oncle, par lor- donnance royale qui changea l’or- ganisation de l’Institut, et 1l fut élu le 30 du même mois, par la nouvelle Académie des beaux- arts. Le 24 avril suivant, 1l pré— sida la séance dans laquelle les quatre Académies du nouvel Ins- ttut furent installées , par le mi- nistre de l’intérieur. Le 23 sep- tembre 1818 , il fut élu président mensuel de l’Académie française. Quels qu’aient éte les dissen- timens sur les talens et les vues politiques de M. de Richelieu , 1l n'y eut jamais qu’une seule opi- nion sur la haute moralité et l’é- minente loyaute de son caractere. On doit même avouer qu'il ap- porta beaucoup de bonne foi, d’'honnêteté et de douceur dans les détails d’exécution de ses me- sures. C’est un hommage que les journaux de l’Opposition se sont plu à rendre à sa mémoire , à l’é- poque où il cessa de vivre , tandis quelareconnaissancé des écrivains du parti opposé est restée silen— cieuse. Peut-être qu’on ne lui par- donnait pas encore d’avoir si com- plétement abdiqué les préjugés de l’émigration. M. de Richelieu, RIC et selon nous c’est ici son tort, était entre à l’école des hommes. du pouvoir, non à celle des hom- mes de la liberte. 11 s’était fixé la, faute d’une plus haute vue, sans ambition coupable , par amour de l’ordre , par frayeur de l’anarchie. Cette renonciation à l’ancien ré— gime était si parfaite en lui, qu’il la poussait, on peut dire , jusqu’à la prévention. Ceux-la obtenaient les préférences les plus décidées , qui, formés aux aflaires, ou dans la Révolution ou sous l’Empire , avaientatteint la Restauration sans souillures personnelles, et l'avaient épousée en faisant divorce avec la liberte. M. de Richelieu écoutait ces gens là avec deférence et croyait avoir beaucoup à appren- dre d’eux. Mais son esprit man- quait de cet instinct sûr et péné- trant qui fait déméler la vérité des positions sociales : il était privé à la fois et de cette fermeté impc- sante qui enchaîne les passions, et de cet enthousiasme hardi, qui les entraine après soi dans des voies généreuses. Un homme d'E- tat célèbre par ses bons mots au— tant que par son influence, a dit de lui qu’il était « celui des Français » qui connaissait le mieux la Cri- » mée. » M. de Richelieu n’en disconvenait pas entièrement. En effet , il connaissait peu la France, et malheureusement il n’eut pas le talent de la deviner. Cette igno- rance fit éclater en plus d’une rencontre, sa bonne foi et sa can- deur ; mais elle frappait d’incer- titude et d’hésitation toutes ses démarches. Son esprit était loin d’être médiocre , mais l'expérience a prouvé qu'il était au-dessous du premier rang. « Un travail facile , dit M. le cardinal de Beausset , SAC agréable, dégagé de tout ce qui porte l’empreinte d’une pédantes- que importance, ou de ces som— bres inquiétudes que les ministres affectent quelquefois pour exagé— rer les dangers ou pour faire va— loir leurs services , lui avait con- cilie le goût et la bienveillance du Roi. Il avait d’ailleurs , le premier de tous les avantages qu’un minis- tre puisse avoir auprès d’un roi, lintime persuasion qu'aucune vue d'intérêt personnel , ‘aucun senti- ment d’amour-propre , aucune prévention de haine ou de ven- geance, ne pouvait approcher de ’äme de M. de Richelieu. M, de Richelieu, par sa position et son caractere, n’avait rien à deman-— der ni rien à désirer... Son ca- ractere même le rendait peu ac- cessible à ces séductions qui flat- tent quelquefois les hommes... On croirait faire injure à la gloire SAC ; 187 de M. de Richelieu en parlant de son désintéressement. Il s’offen- sait même qu’on prétendit lui en faire un mérite. Cette vertu était si simple et si naturelle en lui, qu'il croyait de la meilleure foi du monde que tout le monde la possédait au mème degré. » RONDET (Axpré-Loutis), né à Lyon, en 1761, exerçait dans cette ville l'état de teneur de li- vres ; il est mort le 30 janvier 1822 , âgé de 61 ans. On a de lui un opuscule intitulé: Observa- tions sur le rapport attribué à M. le duc d’Otrante, par M. A. L.R.... Paris , Crapelet , 1815, in-8 de Sopages. Il paraît qu’il a laissé en manuscrit quelques autres écrits historiques ou politiques , qui pro- bablement ne verront jamais le jour. S. SACOMBE (J...F....), mé- decin-accoucheur, naquit à Car- cassonne , d’une fanulle bour- geoise, vers 17953. Il se trouvait professeur de belles-lettres dans la maison des Doctrinaires de Toulouse en 1776, lors des pre- mières représentations en cette ville , de la Métromanie, qui exci- tèrent des rixes sanglantes entre les étudians et une partie des ha- bitans : il publia à cette occasion une élégie qui fit quelque bruit dans Ja ville. Recu docteur en médecine à l’Université de Montpellier, Sacombe travailla quelque temps aupres de Barthez comme secrétaire ; puis il s’a- donna exclusivement aux accou— chemens , et prétendit faire révolution dans cette partie de l’art médical, en se déclarant l’antagoniste de l'opération césa- rienne. 1] entreprit de démontrer, par ses écrits et par sa pratique, que jamais cette opération cruelle n’est nécessaire, et que, quelles que soient les difficultés qui s’op- posent au passage de l’enfant , 1l est toujours possible de l’accou- cher, par les moyens naturels. Il a publié aussi des idées particu— lières sur le système de la généra- tion, qu’il a rapproché , par ana- logie , de celui de la végétation. Sacombe avait reçu de la nature, avec un esprit médiocre , un ca- ractere inquiet et irritable ; 1l ne té ES 188 Ft S AG tarda pas à se constituer en état d’hostilité contre les médecins les plus distingués de l’époque; la haine de l'opération césarienne devint pour lui une sorte d'idée fixe , et Baudelocque , le plus cé- lèbre accoucheur du temps, fut le point de mire de ses attaques. Enfin, une espèce de pamphlet, que Sacombe publia contre Bau- delocque en 1803, à l’occasion de la mort de la femme Tardieu, que cet accoucheur avait vue périr entre ses mains, le fit traduire par Baudelocque en police correc- tionnelle, où il fut condamné, comme calomniateur, à des dom- mages-intérêts assez considéra— bles. Ne se trouvant pas en état de les payer, Sacombe s’enfuit en Russie, et ne revint en France qu’à l’époque de la Restauration. Il voulut alors essayer de donner à sa condammation une couleur politique et d’en retirer quelque profit; mais 1l n’y réussit point. Aprés avoir séjourné quelque temps à Nimes, 1l revint à Paris, où il essaya de reprendre l’exer— cice de son art. {l est mort dans cette ville, le 23 avril 1522, d’une attaque d’apoplexie fou- droyante , chez un malade qu’il venait visiter. Liste des ouvrages de J. F. Sacombe. I. Le Médecin-accoucheur , ou- vrage utile aux mères de famille, etc. 1791 ,in-12.— Traduit en alle- mand par Ch. Kramp, Mankheim, 17096 , in-0. Il. Avis aux Sages - Femmes. 1792 , in-8. IE. La Luciniade , ou l’ Art des accouchemens ; poëme didactique SAC 1792, in-0. — 3° édition, revue, corrigée et augmentée de 3000 vers. 1709, in-12.— 4° édition, dédiée au Roi; Nimes, 1815, in-8. — Cette dernière édition est ornée du portrait de l’auteur : on y trouve aussi la liste de ses ou- vrages. IV. Observations médico-chirur- gicales sur la grossesse, le travail et la couche. 17593 , im-8. — Tra- duit en allemand. Francfort sur le Mein , 1796, in-8. V. Encore une victime de l’opé- ration césarienne, ou le Cri de Phumanité. 1795, in-8. VI. Appel à l’Institut national, du jugement surpris à La classe des sciences physiques et mathémati- ques, par Fourcroÿ et ses agens. 1707, in-12. VIT. Les Douze mois de lEcole anti-césarienne. 1708. VIII Plus d’Opération césa- rienne. 1795 , in-0. IX. Hommage au premier Con- sul. 1801, in-8. X: Elémens de la science des Accouchemens , avec un Traité des maladies des femmes et des enfans. 1802, in-8. XI. Lucine Francaise, ou Re- cueil périodique d'observations mé- dicales , chirurgicales, pharmaceu- tiques » historiques , critiques et littéraires, relatives à La science des uccouchemens, aux maladies des femmes el des enfans. 1802, in-8. — Ce journal n’a pas été con- tinué. XII. Instruction aux pères el mères sur les Corvulsions des en- fans. 1804, in-6. XIII. Plaidoyer du docteur Sa- combe, défendeur, en réponse à ce- lui de M. Delamalle, défenseur de SAÏ M. Baudelocque, demandeur. 1804, in-8. XIV. Traité d'Education phy- sique des enfans. 1006 , in-12. XV. Réclamation présentée à S, M. Louis le Désiré. 1814, in-8. - XVI. La W'énusalgie, ou la Ma- ladie de Vénus, poëme. 1814, in—3. — Réimprimé en 1816 sous le titre. de Vénus et Adonis , in-1 8. XVII. Résurrection du docteur Sacombe. Etrennes aux dames , pour l'année 1818. Paris, Denu- gon, 1812, in-8, dix feuilles. Le docteur Demangeon a pu- blie : Examen critique de la doc- trine et des procédés du citoyen Sa- combe dans l’art des accouchemens, ou Sacombe en contradiction avec les autres accoucheurs, avec la physi- que, avec la géométrie et avec lui- même , etc. 1799, in-8. SAISSY (JEAN-ANTOINE), an- cien médecin et chirurgien-ma- jor de la compagnie royale d’A- frique, membre de l’Académie, de la Société de médecine et de celle d'agriculture de Lyon , était ne le 2 février 1756 , dans un pe- üt village de Provence , aux envi- rons de Grasse. Son père était laboureur, et quoique aisé pour son état, 1l n’en destinait pas moins tous ses enfans aux travaux manuels de l’agriculture. Aussi Saissy n’avait-il eu jusqu’à l’âge de vingt-deux ans, d'autre insti- tuteur que le maître d'école de son village. Le hasard fait tomber dans ses mains quelques livres de médecine. 1! passe à les lire les jours de repos et une partie des nulis. Sa vocation est décidée ; 1! quitte Les travaux champêtres et SAI le beau ciel de la Provence, pour aller s’enfermer à Paris dans un amphithéâtre d'anatomie. En 1763, étant âgé de vingt- sept ans, il vint à Lyon et fut reçu chirurgien interne du grand Hôtel-Dieu ; 1l prépara les lecons de M. le docteur Dussaussoy(voy. son article Annuaire de 1820, pag. 85), et plusieurs prix d’anato- mie-physiologique furent la ré- compense de ses travaux. Ayant terminé son internat, il. entra dans le Collège des chirurgiens de Lyon, et bientôt apres il fut nommé , par la compagnie royale d'Afrique, médecin et chirur- gien-major de ses comptoirs, éta blis sur les côtes barbaresques. De graves maladies régnaient sur les Européens , sous ce climat brü- lant ; on les traitait par les mé thodes perturbatrices et polyphar- maques , dont l’usage fut si meur- trier vers la fin du dernier siecle. M. Saissy, qui avait suivi les cli- niques pleines de sagesse de MM. Vitet et Gihbert, se montra en Afrique avare de remèdes, pro— digue de secours hygiéniques , ha- bile à saisir l'indication de ces moyens chirurgicaux que souvent on néglige comme inutiles, parce que leur application exige une dextérité dont on se sent dépour= vu;il se montra surtout, à l’ins- tar de ses maîtres, plein de con- fiance dans les ressources de la nature. Ses succès le firent con- naître du Dey de Constantine, dont il guérit un enfant, et qui lui offrit la place de son premier medecin. Cette proposition ré- veilla dans le cœur de M. Saissy le sentiment de la terre natale, et sans attendre qu’un prince bar— bare réitérât des offices qu’on ne 109 190 SAÏ pouvait ni accepter, ni re’user sans danger, il s’embarqua pour la France et revint à Lyon vers l’année 1709. | On le croyait exclusivement livré à une heureuse pratique me- dicale , lorsqu'on sut que la pre- mière académie de lunivers lui avait décerné un grand prix de physique animaie. Le problème proposé par l’Institut de France étaitde déterminer, par une suite d’observations et d’expériences, le phénomène et la cause de !ale- thargie, plus ou moins profonde, dans laquelle certains animaux passent la saison froide. Il fallait signaler avec détail toutes les cir- constances qui amènent cé singu- lier sommeil, qui l’accompa- gnent ou l’interrompent. Deux fois cette importante question avait été mise au concours, et ce fut en 1808 que l’Institut cou- ronna le mémoire de M. Saissy. Ce bel ouvrage ne tarda pas à être publié(r),etdèslors il fut constant que dans la léthargie parfaite , la respiration comme la sensibilité , le mouvement comme la diges- tion, sont suspendus ; que la cir- culation est tres-ralentie ; que la nutrition , ainsi que la transpira- tion, sont réduites à peu de chose; ‘que lesang semble quitter les ex- trémités etengorger les vaisseaux de l’abdomen ; que la chaleur vi- tale des animaux engourdis n’est (1) Il est intitulé : Recherches expe- rimentales, anatomiques, chimiques , etc., sur le physique des animaux: mam- mifères hybernans , notamment les mar- mottes, Les loirs, etc. Ouvrage qui a remporté le prix, le 4 janvier 1808, à la classe des sciences physiques et ma- thématiques de l'Institut national. Lyon, 1508, in-8 , 100 pag. SAI guère plus élevée que celle de l’air qui les environne ; mais qu’une fois éveilleés ils prennent subite- ment leur chaleur naiurelle, quelle que soit la température extérieure. Ce n’était pas la, sans doute, la solution complete du probleme , trop difficile , proposé par l’Institut ; cependant les faits physiologiques établis parSaissy, furent jugés assez intéressans pour mériter une place dans le magni- fique tableau des progres de l’es- prit humain que l’éloquent pin- ceau de M. Cuvier à tracé en 1810 (1). Inscrit sur ce monu- ment , le nom de M. Saissy vivra plus long-temps que sil était gravé sur le marbre et l’airain. D'autres titres le recomman- dent au souvenir de la postérité. Pendant douze ans il a étudié les maladies de l’oreille et les moyens de les guérir. Le premier il a re- connu que plusiéurs d’entre elles, qui semblent incurables, ne sont pas au-dessus de la puissance de l’art; nous lui devons une mé- thode savante et des instrumens ingénieux pour faire parvenir les médicamens dans les pro- fondeurs de l'oreille interne, en leur faisant suivre la voie des narines. L'eflicacité de ce pro- cédé et son innocuité parfaite, furent révélées principalement par la cure d’une surdité com- plete, avec mutisme, dont une jeune fille était atteinte depuis sa tendre enfance. Un livre classique sur les maladies de l’oreille, sur sa physiclogie et ses affections patho- (1) Rapport historique sur les pro- grès des sciences naturelles en France, depuis 1789. Paris, 1810, in-4 et in-8. FAR Con MAL En NT PET HQE R A l Ù ù r n Cu 1e n# Ed LAN Sr ( A Te | 7 b {! à à / Fr des ms ; h 7" / Le } } Pl SEA ñ Ms} I 4 { ; ps \ 43 fr h _ Fa ! | à iN=3 , LAN ENR { { À PR [29 £ À \ & KE HART IE - \ NE = L \\ " ù Cu N 4 N _ Ÿ L NI EE ES \ NW & = TASSE S NS js à Q LA f \ Va SIC logiques est resté dans le porte- feuille de Saissy; mais quelques fragmens de ce travail important ayant été envoyés à l’Académie de Bordeaux , en réponse à une ques- tion proposée par cette compa— gnie savante, méritèrent en 1814, un prix à leur auteur ; des frag- mens plus étendus du même ou- vrage ont enrichile XX VIFF° vo- lume du Dictionnaire des Sciences médicales. C’est ainsi que les idées principales d’un livre encore iné- dit, ont circulé dans le monde sa- vant ; elles se montrent déjà dans certains ouvrages dont les auteurs ont dissimule avec soin la source où ils les ont puisées. Ne bornant pas ses recherches à la physiolo- gie comparée, à la pathologie chirurgicale, M. Saissy s'était en- core beaucoup occupé de la chi- mie pneumatique ; c'estainsi qu’a- yant pris connaissance de l’ingé- nieuse expérience de son ami, M. Mollet, et s’étant assuré que l'air atmosphérique, fortement comprimé dans un cylindre, lais- sait échapper du calorique et de la lumiere, M. Saissy imagina que le premier de ces fluides im-— pondérables pouvait être extraits de tous les gaz par la compres- sion; mais que le fluide lumineux ne pouvait émaner que des gaz riches en oxigènes ; cette conjec- ture, que le génie des sciences pouvait seul inspirer, fut confir- mée par une série d'expériences, suivies avec sagacité. Saissy est mort à Lyon le 25 mars 1822.(Ex- trait du Compte rendu des travaux dela Société d'agriculture de Lyon, par L. F. Grognier. Lyon, Bar- ret, 1822,1in-6, pag. 208 —313 ). SICARD (Rocn— AMBROISE- SIC 191 Cucurron) , naquit au Fousseret près de Toulouse, le 20 septem- bre 1742. Il fit ses études dans cette dermière ville et y embrassa l’état ecclésiastique. Ordonné pré- tre et apres s'être appliqué quel- que temps à l’exercice de son mi- nistere , il s’adonna tout entier à une carriere nouvelle. M. de Cicé, alors archevèque de Bordeaux, ayant formé le dessein d’établir une école de sourds-muets, en voya l’abbé Sicard à Paris pour apprendre la méthode de l’abbé de l’Epée, et le mit ensuite à la tête de l’établissement de Bor- deaux. C'était en 1786, et c’est aussi à cette époque que l’abbé Sicard connut le sourd-muet Mas- sieu, alors âge de 14 ans, et dont les étonnans progres devaient tant ajouter à la réputation du maître. Ses premiers succès lui valurent les titres de vicaire-général de Condom ; de chanoine de Bor- deaux et de membre des Acadé- mies et du Musée de cette ville. L’abbé de l’Epée étant mort le 23 septembre 1789, un concours fut ouvert à Paris pour lui trouver un successeur. L'abbé Sicard se présenta , fut examiné par des commissaires pris dans les trois Académies, et élu par eux, au mois d’avril 1700: Il eut pour con- current l’abbé Salvan, qui ne se présenta que pour dire, avec sa modestie ordinaire , que la place était due à l’abbé Sicard. L'abbé Salvan , homme aussi instruit que modeste , dirige encore aujour— d’hui l’établissement particulier des sourdes-muettes. Installé dans ses nouvelles fonc- üons, l’abbé Sicard se dévoua tout entier à ses élèves ; il ne‘fut plus occupé que du soin d’améliorer 192 SIC | le sort et de perfectionner l'intel- ligence de ces infortunés. Jusque- là l’établissement n'avait été sou— tenu que par les dons de l'abbé de l’Epée, qui y avait consacré sa fortune, et par des libéralités parüculierés , entre autres par celles de Louis XVI. L’Assemblée constituante, par un decret du 21 juillet 1701, pourvut à la perpé- tuite d’une s1 bonne œuvre; elle assigna des fonds pour cet objet et plaça les sourds-muets dans le couvent des Célestins, qui avait été supprimé plusieurs années avant la Révolution. Ils ont éte transférés depuis au séminaire de Saint-Magloire, dans la rue du faubourg Saint-Jacques, où ils sont encore aujourd'hui L'abbé Sicard se présenta à la barre de l’Assemblée pour la remercier de son décret. On peut remarquer que ce fut pendant le temps que l’autorité constitutionnelle de Louis X VI se trouvait suspendue, par suite du voyage de Varennes. On ne demauda point à l’abbe Si- card le serment à la Constitution civile du Clergé ; mais après le 10 août 1902, ilne fit point difficulté de prêter le serment de liberté et d'égalité, suivant la nouvelle for- mule. Toutefois quelle que füt sa modération et l'intérêt qu'ilinspi- raitaux amis del’humanite,ilfaillit devenir victime des cannibales qui souillaient à cette époque la cause de la Révolution. On vint l'arrêter le 26 août au milieu de ses éleves, et on le conduisit au comité de sa section , à l’Arsenal, puis à la Mairie. Les sourds-muets firent une pétition à l'Assemblée pour redemander leur maître , et l’on décréta'que le Ministre de l’inté- rieur rendrait compte des motifs ; SIC de l'arrestation. Cependant l'abbé Sicard était retenu prisonnier à la Mairie jusqu’au 2 septembre : ce jour on le transfera à l’Abbaye ainsi que d’autres détenus. On sait que ces translations étaient alors comme un signal de mas- sacre. En effet la plupart des com- paguons de l’abbé Sicard furent égorgés en arrivant à l'Abbaye; 1l aurait éprouvé le même sort, S1 un horloger, nommé Monnot , ne l'avait couvert de son corps. Il resta en prison jusqu’au 4, tou— jours dans les angoisses d’une fin prochaine , entouré d’assassins ef de victimes , entendant les cris des uns et des autres, et témoin des scènes les plus effroyables. C’est dans cettessituation qu'il écrivit au respectable M. Laffon-Ladebat le billet suivant, que celui-ci nous a conserve : « Ah! mon cher monsieur, » que vais-je devenir, si vous ne » volez à mon secours ? Je suis » dans la chambre d’arrêt de » l'Abbaye Saint-Germain-des= » Prés , le seul prêtre que le peu- » ple n’ait pas encore immolé. Je » vais l'être, si vous n’obtenez de » l’Assemblée nationale qu’elle » m'envoye quelques députés » pour me préserver desla mort. » C’en est fait de moi si vous n’ob- » tenez ce grand secours. » SICARD, » » Ce 4 septembre, à trois heures. » J'ai écrit à M. Bareznes : » m'abandonnez-vous aussi ? un » mot de réponse par écrit. » « Je fis pour lui, poursuit M. Laffon-Ladebat, ce que je n’au- rais pas fait pour moi. Je conjurai Chabot, membre de l’Assemblée législative , de se rendre immeédia- tement à l'Abbaye. Il céda à mes SIC instances; il y alla, et l’abbé Si- card fut sauvé. » Ce jour même, à sept heures du soir , on vint le tirer de l'Abbaye et on le condui- sit à J’Assemblée législative. Il prononça à Ja barre un discours de remerciment, dans lequel il proteste que jamais un mot inju- rieux à la liberté n’est sorti de sa plume.Sur la demande de Chabot, il fut rendu à ses éleves. Lui- même a donné uue relation fort de- taillée des dangers qu’il courut en cette occasion. On la trouve dans les Annales Catholiques (t. 1, p. 13 et 72); dans les notes de la Mort de Robespierre, drame en trois actes, par Serieys (Paris, Mo- nory, 1802, 1n-8), et enfin dans la Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française , publiée chez MM. Baudouin freres (1). L'abbé Sicard , rendu à ses éle- ves, paraît avoir été aussi tran— quille qu’on pouvait l’être pendant le temps de laterreur. Lors de l’or- ganisation de l'Ecole normale, en V’an II, ilen devint un des profes- seurs, ainsi que de l'établissement connu sous le nom de Lycée ré- publicain. Il entra également à l’Institut, dans la section de gram- maire. Profitant de la liberte dont on jouissait à cette époque , 1l s’adjoignit au commencement de 1706, a M. l’abbé Jauffret (depuis évêque de Metz), pour la rédaction des Annales religieuses, politiques et littéraires, journal écrit dans le sens des prêtres insermentés; mais (1) Un ouvrage intitulé : Opuscules poétiques, par Me Dufresnoy, contient une Éelation historique sur les journées des 2 et3 septembre, par M. l'abbé Si- card. M. l'abbé Sicard a desayoué cette pièce. SIC 193 ils ne donnerent qu’un petit nom- bre de numéros, et abandonne- rent ensuite la rédaction à M. l’abbé de Boulogne. L’abbéSicard signait ses articles tantôt de son nom véritable, tantôt de l’ana- gramme Dracis ; ce qui le fit com- prendre au 18 Fructidor, dans la proscription des journalistes con- damnés à la déportation. Toute- fois il trouva le moyen d’échapper à la Guiane ; al se cacha dans le faubourg Saint-Marceau, etessaya du fond de sa retraite, de fléchir les Directeurs par des protestationsde dévouementau gouvernement éta- bli. On publia à cette époque une letire qu’il écrivit,pour commenter les paroles de saint Paul ,toachant la soumission aux puissances (Epi- tre aux Romains, chap. XII). Il paraît même qu’il eut la faiblesse de désavouerla part qu’il avait eue aux Annales Catholiques , et qu’il fit insérer ce désaveu dans | Ami des Lois, journal dirigé par le dé- puté Poultier, avec lequel il était lié. Mais ni cette démarche, niles réclamations de ses élèves, m l’in- térêt que lui portaient grand nom- bre de personnes , alors en crédit, ne purent apaiser la haine farou- che que certains hommes puissans avaient conçue contre la religion catholique, qu’ils persécutaient en la personne de Pabbé Sicard. Sé- paré de ses élèves pendant plus de deux ans, son institut fut dirigé par d’autres mains, jusqu’apres le 18 Brumaire, que le respectable instituteur fut rendu à la liberté et à ses fonctions. L'établissement des sourds- muets avaitété fort négligé en son absence ; on ne fournissait plus les fonds nécessaires pour la dé- pense de la maison;les exercices de 13 194 SIC religion avaient été proscrits: cet état de choses cessa apres le retour de l’abbé Sicard. M. Bouilly, dans une nouvelle intéressante, a dé- crit la scène de ce retour de l’ins- tituteur, au mieu de ses élèves. Le Ministre de l’intérieur d’alors, M. Chaptal, protégeait l’établis- sementd’une maniere speciale. On y forma une imprimerie desservie par les sourds-muets , etqui offrait l’avantage particulier de leur apprendre un état dont ils pou- vaient , par la suite, tirer parti pour eux-mêmes, Cette imprime rie fut mise en activité, en dé- cembre 1800, et les sourds-muets acquirent en peu de temps la fa- culté d’y travailler avec succes. C'est là que furent imprimés la lupart des ouvrages de l'abbé Sicard , dont on trouve la hste ci- après. Depuis ce temps 1l n’a cessé de faire des observations utiles à ses élèves , et 1l les a consignées dans plusieurs ouvrages, sur la grammaire générale et sur la théorie des signes. Avant lui l’abbé de l’Epée avait traduit les choses par les signes, et ensuite les signes par les mots; mais, n’appliquant son procédé qu'aux objets physiques, il avait adopté la méthode inverse pour les ob- jets intellectuels ; c’est-à-dire que, désespérant de les faire concevoir à ses élèves par des signes, illeur avait fait connaître materielle- ment les mots qui les expriment, et les leur avait ensuite traduits par des gestes convenus. Les ré- sultats de cette première opération furent admirables, et le maitre, un volume à la main, figurait des mots par autant de gestes, qu'il faisait comprendre à ses élèves, de maniere que ceux-ci écrivaient SIC sans faute, des pages entières sous cette espèce de dictée. Mais ils ne faisaient ainsi que traduire des gestes quine disaient rien à leur es- prit, par des mots qui n’endisaient pas davantage ; ce n’était qu'un véritable mécanisme. M. Sicard est parvenu à étendre aux choses métaphysiques le procédé qui avait réussi à son prédécesseur pour les choses matérielles , et il a ainsi donné à l'intelligence de ses élèves le plus grand dévelop- pement qu’elle püt atteimdre. On peut lire dans son Cours d’instruc- tion d'un sourd-muet, les dévelop- pemens de lamarche qu'il a suivie, pour introduire les sourds-muets dans le champdela métaphysique, et l’on jugera combien il lui a fallu de temps, d’adresse-et de patience, pour faire arriver à l’es— prit de ses élèves des notions qui semblaient en devoir rester éloi— gnées à jamais. Mais il faut con- veniraussique laméthode de l’abbé Sicard', tout ingémeuse qu’elle est, ne peut avoir sur tous un succès égal, puisqu’elle suppose dans lenfant un degré d’intelli- gence peu ordinaire. Tel est, en ésumeé , le mérite réel de l’abbé Sicard , mérite grand sans doute, mais inférieur à celui de l’abbé de l'Epée, véritable créateur de la science , que son successeur à su étendre et perfectionner. On a beaucoup entendu parler des*exercices publics que l'abbé Sicard donnait tons les mois; il anmait ces sortes de représenta- tions, où 1l brillait par les succes de ses éleves, et par les preuves étonnantes de leur intelligence. Il y faisait paraître Massieu, dont tout Paris a admiré la rare péné- tration : c’était l’écolier favori de SIC l'instituteur, et celui qui a le premier donné de l'éclat et de la vogue à sa méthode. Dans ses exercices commeé dans ses livres , l'abbé Sicard s’abandonnait vo— lontiers à son enthousiasme pour elle, et il parlait publiquement de ses découvertes et de ses suc ces avec uné effusion naïve d’a- mour-propre ; qui faisait sourire les personnes de san g-froid.Toute- fois , la majorité des spectateurs, disposés d’avancé à l’admiration, encouragés à perséverer dans ce sentiment, et par les assurances de l’abhé Sicard lmi-même, et par l'appareil dont il s’entourait , monté sur une sorte d’échafaud , en face d’un amphitheätre oc- cuppé par une société brillante et amie , dans une salle où la toile, le marbre et les inscriptions re- produisaient à l’envi et les mer— veilles de la science et les louan- ges de l’instituteur ; dans cette situation , dis-je , la majorité des spectateurs paraissait oublier l’in- cohérence des discours du pro- fesseur , le vague pédantesque de ses dissertations grammaticales, l’äpreté de’ son accent , et l’incu- rable difficulté de son improvisa- tion. La vue des sourds-muets , leur esprit , leur amabilité, les étonnans résultats de leur édu- cation , l’âge avancé de leur ins- tituteur, son air pieux, sa simpli- cité, sa bonhomie , sa réputation bien méritée d’ailleurs, mais sin- gulierement protégée par toutes les trompettes de la renommée , tout cela contribuait à desarmer les esprits les plus sévères et les plus exigeans (1). Le nom de (1) Quelqu'un disait à Me de Bour- SIC, l'abbé Sicard n’était pas moins célebre au dehors qu’en France, et ses exercices étaient une des premières choses que les éträn- gers'voulaient voir en arrivant à Paris. En 1805 , l'abbé Sicard eut l’honnéur de recevoir le pape Pie VII dans son établissement. S. S. bénit la chapellé de la maiï- son le 23 février ; elle assista en- suite à une séance , où l’abbé Sicard lui adressa un compliment, et lui offrit quelques-uns de ses livres, entre autres, un livre de prières composé pour les sourds- muets , et imprimé par eux— mêmes. On conduisit ensuite le souverain Pontife à imprimerie, alors dirigée par M. Adrien Le clère , et l’on priaS. S. de prendre elle-même le barreau de la presse pour tirer une feuille, qui offrit un compliment en latin, com— posé en son honneur. Le Pape fit des présens à M. l’abbé Sicard, et lui témoigna sa satisfaction. On a dit (Ami de la Religion et du Roi, Notice sur M. l'abbé Sicard, tom. XXXIT, pag. 20} que Bonapärte eut de l’éloigne- ment pour l’abbe Sicard. Nous croyons cette assertion tout-à-fait inexacte ; car nous avons entendu M.Yabbé Sicard , même depuis la Restauration , professer en parti culier, pour Bonaparte, une adrfi— ration qui nous semblait fort exa- gérée, mais qui paraissait bien sen- tie de sa part. Ce sentiment , qui 105 . dic : « Quoi, c'est 1à cet abbé Sicard, à qui l’on donne tant d'esprit... ? — Oui, répondit-elle, l’esprit de son état, un esprit sourd et muet. » 106 SIC sans doute ne lui paraissait pas ini compatible avec ceux qu'il profes- sait en public pour les Bourbons, s’étengait aussi sur M. le cardinal Maury, qui l'avait nomme cha- noine de la métropole, et dont il defendait chaudement l’adminis- tration. Nous pouvons assurer aussi que l’abbe Sicard partageait les principes religieux de l’école de Port-Royal; et, c’estsans doute son éloignement pour l’intolérante domination de la secte jésuitique, qui contribuait à lui faire trouver doux l’abri du gouvernement im- périal. La vieillesse de l’abbé Sicard: ui semblait devoir être si pai- sible , fut troublée par les plus tristes embarras. Une excessive facilité de caractère, une parfaite incapacité pour les affaires , et une confance aveugle dans quel- ques iutrigans , l’exposèrent à de fàcheuses disgrâces. Il avait sous- crit des billets par complaisance , et fut poursuivi pour des dettes qu’il n’avait pas contractées. Les arrangemens qu'il fut obligé de prendre avec ses créanciers, le re- duisirent à un état voisin He la détresse. Il se dépouilla des re- venus de ses places, vendit sa voiture et son mobilier, et ne se réserva qu'uné petite pension. Avec ces sacrifices, 1l parvint à se libérer : au bout de plusieurs an- nées ; mais 1l parait que de nou- veaux malh@urs, ou peut-être de nouvelles imprudences le con- damnerent encore sur la fin de ses jours. à de nouvellés priva- tions. Sobre et économe pour lui- même , 1l ne sut pas se garantir des piéges que lui tendaient des flatteurs empressés , et d’obsé- quieux intrigans. SIC L'abbé Sicard avait fait un. voyage dans son pays natal en 1809, amenant avec lui un de ses plus habiles éleves nommé Clerc, qu’il a successivement fait Rire dans des séances publi- ques données à Lyon, à Tou- louse , à Bordeaux, etc. Les mo- narques alliés, qui ae à Paris en 1814 et en 1815, assisterent à ses exercices ; et rendirent hom- mage à ses succes. Îl reçut les décorations de la Légion- -d'Hon- neur, apres la Restauration , celle de Ste. Anne de Russie, et Écoe l’ordrede W asa que la reine deSue- de lui envoya, enleremerciant par une lettre flalieuse , de ce quil voulait bien aider de ses lumieres la nouvelle institution des sourds- muets de Stockholm. il fiten1817 un voyage en Angleterre, où 1l reçut.un accueil plein d’empresz sement. Sorti de l'institut par la proscription de Fructidor, il y était rentré par élection en 1807, et y fut conservé par l’ordon- nauce de réorganisation en 1816. C’est lui qui cHbro chaque an- née, depuis cette époque, la messe de A St. Louis, devant l’Aca- démie française : il était aussi membre de la commission du Dictionnaire. Outre son titre de Directeur et d’Instituteur. en chef de l'Ecole des sourds-muets , il était encore un des administra- teurs de l’hospice des Quinze- Vingts, et de j’Institution des aveugles-travailleurs.. L'abbé Sicard était tombé de- puis plusieurs années dans un état progressif et sensible d’affaiblis- sement. Il a succombe le 10 mai 1822, à une heure du matin, étant din sa Go° année. Après les cérémonies religieuses , son SIC corps a été déposé au cimeliere du P. La Chaise, ou M. Bigot de Préameneu , au nom de l’Aca- démie francaise, et M. Lafflon- Ladebat, au nom des administra— teurs de l'établissement , pronon- cerent l’éloge du défunt ( Voy. Moniteur du 23 mai 18622). Un journaliste intolérant ( Ami de ‘la Religion et du Roi, t. XXXIT,. pag. 23) n’a pas craint d’expri- mer son mécontentement de ce qu’un protestant (M. Laffon-La- debat est de cette communion), avait répandu des fleurs sur la tombe de l’abbé Sicard : il igno- rait sans doute, l’inexcrable écri- vain, que ce protestant avait sauvé la vie au prêtre catholique ; et ce service payé par la plus constante amitié , autorisait bien peut-être un ami à verser des larmes au— tour d’un tombeau. L'abbé Sicard a eu pour suc- cesseur à l’Académie française, «M. labbeé Frayssinous. C’est M. l’abbe Gondelin ,; précedem- ment instituteur de l’établisse— ment des sourds-muets de Bor- deaux , qui a été placé par le Ministre de l’intérieur à la tête de celui de Paris. Quel que soit le mérite du nouveau directeur , sa nomination sans Concours, au meé- pris d’un précédent si respectable et si honcrablement justifié, pa- raîtrait susceptible de censure si elle n'avait en sa faveur ces mots, que peu de jours avant de mou- rir l’abbe Sicard écrivait à l’abbe Gondelin : « Mon cher confrère, » près de mourir, je vous légue » mes chers enfans ; je légue leurs » âmes à votre religion, leurs » corps à vos soins, leurs facultés » intellectuelles à vos lumières, à » vos moyens ; remplissez cette SIC » noble tâche, etje meurs tran- » quille. » à « L’immortel abbé de l’'Epee , dit M. Baulmier, éleve de l’abbé Sicard (1), a créé la méthode qui rend les sourds-muets à la reli— gion et à la société : l’abbé Sicard l’a perfectionnée , en la mettant en action par mille procédés in- génieux et savans , qui la placent au rang des chefs-d’œuvre dont l’humanité s’honore. M. l’abbé Sicard a fait plusieurs ouvrages, qui sont Îes guides des institu- teurs , dans toute l’Europe et dans le Nouveau-Monde. Parmi ses nombreux éleves sourds-muets, on en distimgue surtout trois , Massieu, Clerc et Berthier, qui par leur génie , leur talent et leur esprit, prouvent l’excellence de cette méthode. Les réponses su— blimes de Massieu circulent de bouche en bouche, depuis lorg- temps ; Clerc , à l’âge d’environ vingt-cinq ans, a passé les mers, et est allé fonder un Institut de sourds-muets à 1500 lieues, dans l’autre hémisphere ; et enfin Ber- thier, ayant à peine atteint sa dix-huitieme année , rend déjà de grands services à l’Institut royal des sourds-muets de Paris, dont il est un des répétiteurs. » On 2 plusieurs portraits gravés de M. l'abbé Sicard ; un des plus ressemblans est celui qu’on trouve dans la collection des membres de institut, lithographiée par M. Jules Boilly. On doit distin- guer aussi le portrait en buste , gravé par Aubert, sourd-muet, d’après le dessin de Langlois. 1097 (1) Revue Encyclopedique. T. XIV , pag. 454. 198 | SIC On a publié : Discours funèbre, prononcé au cimetière de l'Est, en présence et au nom de la Société grammaticale, sur la tombe de l abbé Sicard, le 11 mai 1823, jour an- niversaire de sa mort, par Maximi- lien Leroy, membre des Sociétés grammaticales , etc.; suivi des adieux gesticulés, par M. Berthier, sourd- muet de naissance, au nom . de ses compagnons d’infortune. Pa- ris, Herhan, 1823, in-8 d’une feuille. Liste des ouvrages de R. A. Sicard. 1. Mémoire sur l Art d’instruire Les sourds-muets de naissance. Bor- deaux, 1789, in-8. ( Extrait du recueil du Musée de Bordeaux ). II. Cathéchisme, ou Instruction chrétienne à l’usage des sourds- muets. 1706, in-8. | Ill. Manuel de l'enfance, con- tenant des Elémens de lecture et des Dialogues instructifs et moraux. 1706, in-12. IV. Elémens de Grammaire gé- nérale, appliquée à la langue fran- caise, 1799, 2 vol. in-6. — 2°. édit, 1805, 2 vol. in-8. — 3°, édit. sous Je titre de Théorie des signes, pour l'instruction des sourds-musts. Paris, 1808 , 2 vol. in-6. On a renouvelé les titres avec la date de 1814, et l’on a sup- primé un Hommage à Napoléon, qui n'existe que daus les exem- plaires qui portent la date de1808. V. Cours d'instruction d’un sourd-muet de naissance, pour ser- oir à l’éducation des sourds-muets. Paris, 1800, in-8, fig. — 2°. édit. 1803 , in-8. L°Alphabet- manuel qui en fait partie a été réimprimé à part, in={8. SIC VI. De l'Homme et de ses fa- cultés physiques et intellectuelles , de ses devoirs et de ses espérances, par D. Hartley ; ouvrage traduit de lAnglais avec des notes explica- tives. 1802 , 2 vol. in-8. VII. Journée chrétienne d’un sourd-muet. 1805 , in-12. VIII. Wie de la Dauphine , mère du Roi ( Louis XVIII ). Paris ; 1817, 1 Vol. in-12. Le rédacteur de l’ Ami de la Re- ligion et du Roi, dit : « On a mis » au livre le nom de l’abbé Si- » card; mais il y a tout lieu de » croire qu’il n’avait fait que pré- » ter à cet ouvrage l’autorité de » son nom. » L'abbé Sicard a été éditeur des Tropes de Dumarsais, 5°. édit. revue, corrigée et augmentée. 1803, in-5. Il a eu part ou a prêté son nom aux ouvrages suivans : 1°. (Avec feu M. Jauffret , de- puis évêque de Metz, ) Annales Catholiques. 1796-97. Numéros 21 à 42. Dans cet ouvrage , commencé sous un autre titre par Domini- que Ricard , et continué sous di- vers titres par M. l’abbé de Boulo- gne,aujourd’hui évêque de Troyes, l'abbé Sicard signait , tantôt son nom , tantôt Dracis, anagramme de son nom. 2°, Histoire de l'établissement du christianisme dans les [ndes orien- tales (par Serieys), ouvrage 1m— primé sur le manuscrit original : communiqué pendant limpres- sion à M. l’abbé Sicard. Paris, Mr° Devaux, 1803, 2 vol. in-12. 3°. Dictionnaire généalogique » historique et critique de l'Histoire Sainte, par M. l'abbé... (composé SIC par Serieys ), revu par M. l’aboé Sicard. Paris, 1804, in-8. 4°. Epitome de PHistoire des Papes , depuis St.- Pierre jusqu’à nos jours, avec un Précis histo— rique de la vie de N. S. P. le pape Pie VII, par Serieys; ouvrage élémentaire à lusage des jeunes gens, reou par l'abbé Sicard. 1805, In=1 2. « Serieys , dit M. Barbier( Dic- tionnaire des anonymes, tom. 1, pag. 995 ), avait pour ainsi dire sauvé la vie à l’abbé Sicard dans une crise de la Révolution, et sans doute que dans les fréquens be- soins d'argent qu'il éprouvait, il s’adressa à l’abbé Sicard , qui était d’un caractère très-obli- geant ; mais l’obligé, ne pouvant toujours répondre aux demandes de son bienfaiteur , se contenta plusieurs fois de prêter son nom pour faciliter la vente des com- pilations que Serieys mettait au jour. » Nous ajouterons que c’est par suite d’une complaisance ana- logue , qu’on dit aussi le nom de l'abbé Sicard , sur le titre-de deux ouvrages de grammaire , publiés par M. Mourier instituteur ( l4/- phabet méthodique, et la Gram- maire francaise exacte et métho- dique ), en 1615 et 1816, et réimprimés en 1623. 5°. Sermons inédits de Bourda- loue; imprimés sur un manuscrit authentique. Paris, Deutu (mai), 1923 , in-8. Ce volume se trouve annoncé comme publié des 1812, dans la Biographie Universelle ; à Varticle Bourdaloue. Cet énoncé inexact tient à des circonstances dont on trouve l'explication dans une note de da Bibliographie de La France (1823, pag. 305). SIM 199 La France lütéraire de Ersch (t. LIT, p. 274), attribue à l'abbé Sicard un ouvrage intitulé : Pasi- graphie, ou premiers Elémens de l'art d'écrire en une langue, de ma- nière à être entendu en toute autre langue, sans traduction, inventée par M. de Maimieux, et rédigée par l’inventeur lui-même , et par R. À. Sicard. 1797 , in-8. Cet ouvrage n’a point paru, bien qu'il soit in- diqué tom. T, pag. 621 des 4n- nales Catholiques. Cela est cons- taté par une lettre de Tabbé Si- card , placée en tête de l’édition origmale de la Pasigraphie de Maimieux. 1797, in-4. M. Sicard n’a pas moins apporté beaucoup de zele à propager cette décou- verte, en faisant imprimer les douze caracteres de cette écriture universelle, sur la couverture de chacun des numéros des Annales Catholiques. L'abbé Sicard a donné deux Mémoires sur l’art d'instruire Les sourds-muets , dans le Magasin Encyclopédique (1° année, t. II, et 2° année, t. AT ) ; 1/8 ont été traduits en allemand,avec desnotes par Adf. F. Petschke, dans le Journal inutule : T'eutsche Monat- schr. (août et décembre 1707 ); puis séparément, Leipzig, 1708, In-9. Enfin , on trouve des morceaux de grammaire générale de l’abbé Sicard , dans le Recueil des Séances des Ecoles normales , et dans la collection des Mémoires de lfnstitut. SIMON ( Vicror ), né à Metz en 1753, est mort à Paris le 26 avril 1620. Il à donné quelques vaudevilles et pieces d’un genre secondaire , sur les theâtres infé— 200 SIM rieurs de la capitale, travaillant également aux paroles et à la mu- sique. Il fut pendant neuf années l’un des cinq administrateurs du théâtre Montansier , au Palais- Royal , et depuis membre du comité de lecture de celui des Variétés. Tel était son zele pour ce genre d’occupation, qu'il ne dédaigna pas d’être simple violon, dans l'orchestre de son théâtre. « Victor Simon , dit son bio- graphe , se croyait du reste au— teur de plus d’un ouvrage, pour y avoir fait quelque observation ; c’est ainsi qu'il revendique sa part dans Jocriste changé de condi- tion , dent il a pu fournir la pre- mière idée, mais qui est bien de feu Dorvigny. Il prétendait éga- lement être pour beaucoup dans les pieces de M. Aude ; mais en un an , il ne serait pas venu à bout d’en écrire une scene. Nous ne répondons pas en conséquence qu'il ait composé en totalité ou en partie, soit les paroles , soit la musique des opéras que nous avons cités. Mais quels qu’aient été ses soins, ses emplois , sa mu- sique et ses pieces, son plus beau titre à la gloire est l'air : Il pleut bergère. » On trouve une Notice sur Victor Simon, dans l’Ænnuaire dramatique de MM. Armand Ra- gueneau et Audiffred, XVII et X VIII année (1821 et 22), pag. 8374-78. Liste des ouvrages de V. Simon. I. L’Apothicaire, opéra comi- que en deux actes, avec Fabre- d’'Eglantine pour les paroles, et avec M. Foignet pere, pour la musique; représenté aux Variélés- «Montansier , le 7 juillet 1790. SIM IL. La Boiteuse, ou les A propos de la nature, opéra comique en un acte, avec Simon ( de Troyes) pour les paroles, et M. Foignet pour la musique; représenté aux Variétés -Montansier , le 17 oc= tobre 1791. IT. Le Lion parlant , opéra en deux actes , paroles et musique de Simon ; représenté aux Variétés- Montansier, le 14 ( ou 16 ) no— vembre 1702. On croit que cette piece fut d’a- bord représentée au Cirque , sous ce titre : Le Lion et le Marseillais. IV. La Force du sang, opéra ; représenté au Cirque, en 1792 ou 93 ( douteux ). V. La Double récompense, ou le Stratagème inutile, opéra en deux actes; représenté aux Va- riétés-Montansier, le 4 août 1708. « On ne sait trop s’il est auteur de la piece, ou feu Devismes ; mais 1l est certain qu’il l’est de la musique » ( Annuaire drama- tique ). VI. Le Riche amoureux, opéra en deux actes, paroles et musique de Victor Simon; représenté au théâtre de la Cité ( après la clô- ture du théâtre du Palais-Royal, et pendant la construction de la salle du Panorama), en 1807. Pendant les neuf années que dura l’admimistration de Victor Simon , ilne donna que les deux pièces précédentes , l’une au com- mencement , l’autre à la fin de sa gestion, toutes deux tomberent. Le Riche amoureux avait été re- présenté au Cirque, sous le titre du Financier amoureux. VII. La Fille rusée , comédie en un acte... VIII. Projet d’un établissement pour les auteurs d'ouvrages dra- TAR matiques. 1818 , Paris, Barba, in-8 , une feuille. IX. Réflexions , Remarques , THI Pensées et Observations. veuve Cussac. 1820, in-8, feuilles. . 201 Paris 18 ü ÿ. | TARDIEU (Axronve-François), dit T'ardieu de l’Estrapade, gra- veur-géographe , naquit à Paris le 17 février 1757. Elève de son frère aîné , il travailla en 17798, à Malines , à la gravure de la carte de Ferraris. Comme par erreur on l’appelait Pierre , dans sa jeu- nesse , 1l sigua long-temps ses ou- vrages , P. F. Tardieu. Ses tra- vauxsont remarquables par le soin et le fini précieux avec lequel ils sont exécutés. Les principaux sont : Les cartes marines de l’A4t- las dit du commerce ; huit plans in-folio , des capitales de l Europe, qui font partie del’ Atlas Mentelle; plusieurs plans du Woyage pitto- resque dela Grèce, de M. le comte de Choiseul-Gouffier ; les Palati- nats de Cracovie ; Plok, Lublin et Sandomir , gravés pour Stanis- las Auguste, dernier roi de Polo- gne , ouvrage qui jouit d’une répu- tation justementmeritée ; / Atlas, in-folio, de la 4° édition du Voyage du jeune Anacharsis, publiée par Didot jeune; une carte du Hartz, jointe à un ouvrage de minéralo- gie de M. Héron de Villefosse ; l'Atlas du Voyage aux terres aus- trales , de M. Péron; l’Ailas de l'Histoiredes guerres des Français en Ltalie , d'apres Lapie ; une grande carte de la Russie d'Europe , en six feuilles, etc. — Il excellait sur— tout par la pureté du trait, le filé deseauxetle finidelatopographie. D'une constitution robuste, mais extrêmement laborieux, Tardiew estmort à Paris, le 4 janvier 1822. Il a laissé deux fils, MM. Pierre et Ambroise Tardieu, qui culti- vent avec succes ; le même art que cultivait leur pere. THILLAYE ( JEean-Bapriste- Jacques ), médecin, naquit à Rouen le 2 août 1952. Il étudia la chirurgie sous Lecat, et vint à Pa- ris suivre les cours quise faisaient alors à l’Académie royale de chi- rurgie. [l y remporta plusieurs prix et devint prévôt de l’école pratique. En 1784 , 1l fut recu membre du Collége et de l’Acadé- mie royale de chirurgie. Bientôt cette compagnie lui confia une chaire d'anatomie. À l’époque de l'établissement des nouvelles éco— les , Thillaye fut nommé profes- seur à celle de Paris et conserva— teur de ses collections. Le cours dont il fut chargé avait pour objet la description des droguesusuelles en médecine et celle des instru- mens de chirurgie ; il était aussi cururgien en chef de l’hôpital Saint-Antoine. Thillaye est mort le 5 mars 1822, à 9 heures du man , des suites d’une lésion des viscères abdominaux. Il laisse un fils, déjà connu par des travaux utiles , concernant la médecine et les sciences naturelles. Il a été en- terré au cimetiere du P. La Chaise, où M. le professeur Roux a pro- uonce un discours sur sa tombe. THU Liste des ouvrages e de J. B. J. Thillaye. L. Traité des bandages et appa- reils. Paris, an VI (1798), in-8. — 3° édit. Paris, 1815, in-6. — Trad. en allemand , parJ. Gf. Gru- ber, Leipzig , 1708, in-8. Cet ouvrage ulile, est le plus complet qui existe sur ce sujet. Il. ÆElémens d'électricité et de galvanisme ; par M, Georges Sin- ger, trad. de Fanglais , ct augmen- tés de notes. Paris , 1816, in-8. THUILLIER (J... L...), bota- niste,naquit dans une classe infé- rieure et ne reçut aucune instruc- tion: mais son intelligence l’éleva bientôt au-dessus de l’emploi de jardivier qu'ilexerçait. Doué d’une grande perspieacité naturelle , il reconnaïssait les plantes de France, dans tous leurs états et dans toutes leurs variations. Il composait des herbiers, et faisait métier de les vendre, aussi bien que d’enseigner à trouveret à reconnaitre les plan- tes sur les heux où elles croissent. On lui accordait un grand fond d’honneur et la connaissance par- faite des plantes indigènes ; ces qualités étaient ternies par l’in- conduite, suite de sa premiere édacation, et un caractère qui le priva d’amis et de la protection des personnes qui auraient pu amé- liorer son existence. Une blessure à la jambe l’avait forcé d’interrom- preses excursions depuis quelques années ; 1l est mort des suites de cet accident , dans un état voisin de l’indigence , le 18 décembre 1822, — On a de Thuillier : Flore des environs de Paris. 1590 , in-12.. — Nouvelle édit., revue, corrigée TIL ei considérablement augmentée. Pa- r5 , 1999; 1n—5. — On croit que M. Richard, de l’Institut ( voyez son article, Annuaire Nécrologique de 1821, p. 280), avait participé à cet ouvrage. TILLY (le comte de), lieute- nant-général , issu d’une famille noble , entra fort jeune au service, prit part pour la Révolution et fut nommé colonel de dragons dans la nouvelle armée française. Du- mouriez le choisit pour aide-de- camp en 1792 , et lui confia ; dans le mois de mars 1793, le com- mandement de Gertruydenberg , où 1l avait réuni tous ses moyens pour pénétrer em Hollande. Force de partir après la levée du siége de Maëstricht , Dumouriez fit donner au colonel Tilly sa parole d'honneur , que dans aucun cas, il ne rendrait la place que sur son ordre positif. Après la perte de la bataille de Nerwinde et la capitu- lation d'Anvers et de Breda, Tilly ayant reçu du comte de Wartens- leben , chef d'état-major du prince Frédéric d'Orange, une somma- tion de se rendre, avec menace d’être « du premier jusqu’au der- » nier, passés au fil de l'épée, sans » miséricorde quelconque, » se borna à dire au parlementaire : « M. le comte de Wartensleben » s’est trompé d'adresse ». Sommé une seconde fois , il consentit ce- ndant à capituler, s’il en rece- väit l’ordre du général en chef Dumouriez. On lui fit observer que ce général n’était plus au ser— vice de France : « Je l’ignore, ré- » pondit-il, mais sans son ordre » tres-positif, je ne capitulerai » pas. » le 1° avril 1795 un par- lementaire lui ayant apporté l'or- TIL dre qu’il exigeait , signé par le général Dumouriez, ilne demanda plus d’autre condition que d’épar- gner à la garnison l’affront de dé- filer devant des troupes étrange- res: la Convention approuva sa conduite. Le général Tilly passa ensuite à l’armée des côtes de Cherbourg, dont il prit le com- mandement le 12 novembre 1705. En décembre de la même année, il obtint des avantages importans sur les Vendéens, lors de l’affaire du Mans. Destitué comme moble du grade de général de brigade auquel il était parvenu , Tilly ob- ünt cependant la permission de rester à Paris , sur la recomman- dation de Carrier, Lacroix , et autres , et fut réemployé presque aussitob, à l’armée de Sambre-et- Meuse. 11 commandait la réserve de cette armée, lorsqu'elle passa le Rhin en 1795, sous les ordres de Jourdan , et il se distingua particulierement à l’affaire du 20 vendémiaire, à Hoecht, pres la Nidda , où il soutint pendant toute la journée les efforts de l'ennemi, qu'il arrêta dans son projet de passer cette riviere. En uivose an IV (1796 ), le général Tilly fut nommé au commande- ment des neufs départemens réu- nis de la Belgique , poste qu’il oc- cupa pendant pres de deux années, avec autant de modération que de désintéressement , comme les journaux de ce pays se sont em— pressés spontanément de l’attes- ter, à la nouvelle de sa mort. Après avoir rempli les fonctions de chef d’état-major de l’armée du Nord, Tilly passa en 1708, avec la même qualité, à celle de Sambre#t-Meuse , et fut nommé Inspecteur général des troupes ‘Le AE 203 françaisesstationnees en Hollande. Il commanda les 24° et 26° divi- sions militaires, en 1700 ; et l’an- née suivante , il fut envoye à l’ar— mée de l'Ouest, comme lieute- nant-général, et commanda en chef, par interim, pendant seize mois. À la formation du camp de Boulogne, en 1804, Tilly prit le commandement de la cavalerie, et passa de là au 1°" corps d'armée. Il servit avec la plus grande dis-— tinction dans les campagnes d’Al- lemagne , de Prusse , de Pologne, etse fit remarquer non-seulement par sa bravoure, maïs encore par des vertus moins communes dans la profession des armes. En 1805, il fut employé en Espagne, et après l'occupation de Madrid , il fut nommé gouverneur de la pro- vince de Ségovie, où malgré la rigueur des conjonctures etla sévé- rité des ordres supérieurs, 1l put encore faire éclater son humanite et son désintéressement. En 1611, Tilly passa à l’armée du Midi, en Andalousie, où 1l eut le comman- dement de la cavalerie. À la ba- taille d'Occaña , il se conduisit avec une intrépidité rare , montra une habileté-consommée dans l’art de faire manœuvrer la cavalerie et fit beaucoup de prisonniers aux Anglais. Rentré en France au mois d’août 1813 , il fut romme inspecteur-général de cavalerie. É avril 1814, il adhéra, avec toute la France, à la déchéance de Napoléon, et reçut du nouveau gouvernement, au mois de juin suivant, la croix de Saint-Louis et la décoration de grand-oflicier de la Légion-d'Honneur : 1l était aussi grand’croix de l’ordre de l’Aigle Rouge de Prusse. Lors du _retour de Bonaparte, en 1815, le VAL f 3.) 04 général Tilly se rallia à lui, et fut nommé président du collége électoral du département du Cal- vados ; 1l adressa en cette qualité à Napoléon un discours, qui lui valut plus tard d’être mis à la re- traite , après la seconde restaura- tion des Bourbons. Il avait été dé- VAL puté du Calvados à Ja Chambre des Représentans, mais il n’y prit point la parole. Le général Tilly est mort à Paris, le 10 janvier 1822, à onze heures du matin : c'était un des généraux les plus distingués de l’armée de la Révo- Jution. V:: VALENCE (Cyrus Marie ÂALE- XANDRE de THiMBRUNE-T HIEMBROU- “E comte de), était fils d’un lieu- tenant-général , dont tous les fre- res étaient officiers-généraux et comptaient parmi leurs ancêtres un Capitaine qui combattit sous Philippe-Auguste , à Bouvines. Cyrus de Valence naquit à Agen, le 20 août 1757 ; 1l entra au service dans l’artillerie en 1774, et fut en- voyé, à la sollicitation de son pere, en garnison à Strasbourg , ville alors réputée une excellente école de stratégie. Aussitôtque les regles de cette époque relatives à l’avan- cement militaire le permirent , il fut nomme par Louis XVI, en 1778, capitaine dans le régiment de Royal-Cavalerie; et, apres avoir été aide-de-camp du maré- chal de Vaux, il fut nommé en 1784, colonel en second du régi- ment de Bretagne. Vers ce même temps, ayant épousé la fille de M: la comtesse de Genlis, 1l'ob-— tint la charge de premier écuyer du duc d'Orléans , et le grade de colonel du régiment de Chartres- Dragons , avec la décoration de l’ordre de Saint-Lazare. Lors des élections pour les Etats-Généraux de 1789, M. de Valence assista à deux assemblées baillageres , à celle de Cahors et à celle de Paris. « On remarqua, dit M. de Lace- pède, la sagesse et la force avec lesquelles il parla, dans ces deux assemblées , des objets lés plus importans pour le bonheur des peuples, du nouvel état de la so- ciété civile, de la liberté si chere aux Français des les premiers temps de notre histoire.» L'as— sembleée de la noblesse de Paris le nomma un de ses députés sup— pléans , et le Gouvernement régé- néré le choisit pour commander dans le département de la Sarthe; sa sagesse et son patriotisme lui concilierent tant de popularité , que les gardes nationales de ce département l’élurent pour leur chef. A l’époque du voyage de Va- rennes , M. de Valence se pre- senta à l’Assemblée constituante et dans la séance du 23 juin , au soir, prêta serment de lui rester fidele. | La guerre ayant été déclarée en 1792, M. de Valence élevé au grade de maréchal-de-camp , fut employé sur les frontières du Nord, dans l’armée du maréchal Luckner ; la révolution du 10 août le trouva dans une position qui lui permettait de rester à son poste. Des trahisons produisirent la dé- faite de Mons, celle de Wournay et l'assassinat du général Dillon ; VAL on crut devoir donner une nou- velle organisation à l’armée. Le commandement de tous les grena- diers fut remis au général Va- lence et il fut nomme lieutenant général , par le Conseil exécutif provisoire, le 20 août1792.La con- fiance queles troupes eurent en lui fut si grande , que dans ces temps orageux, où l’expériencemanquait au courage , il parvint à établir parmi les grenadiers une disci- pline qui les rendit l’exemple de l’armée ; ce fut à leur tête qu'il prit la première ville et les pre- miers canons de campagne con- quis sur les Autrichiens. M. de Valence commandait l’aile gauche de l’armée, à l’immortelle journée de Valmy; c’est lui qui pendant la retraite des Prussiens reçut la capitulation de Verdun, déter— mina le duc de Brunswich à ren- dre Longwy, et signa avec ce prince une capitulation qui recon- nut l'indépendance de la France. Nommé géneralen chefde l’armée des Ardennes, il contribua puis- samment à faire évacuer la Belgi- que par lesennemis , en se poriant avec.prompttude surGivetetChar- lemont, ens’emparantrapidement de Dinan et de Charleroy appelée. par lui Charles sur Sambre, ainsi, que de tous les pays situés entre la Sambre et la Meuse, en occupant Nivelle, la forêt de Soignies et le camp de Mazy sur la gauche &u duc Albert de Saxe-Teschen, et en assiégeant le château de Namur. 11 couvrit lesiége qu’il venait d’en- treprendre, contre Beaulieu et Schreder, qui commandaient cha- cun un corps de troupes égal à celui qu’on lui avait confié, les bat- tit à Vivier-Lagneau, au moment de leur jonction , les forca à se re- VAL tirer jusqu’à Marche-en-famine, contraignit la garnison de Namur à se rendre, fit plus de 4000 pri- sonmiers et répondit au général autrichien qui, après avoir remis les clefs de’la place, réclamait vi- vement une disposition supplé- mentaire à la capitulation; « Si » vous n'êtes pas content, général, » vous n’avez qu’à rentrer, nous » vous reprendrons.» Le 2 novem- bre la Convention reçut trois dra- peaux enlevés sur les Autrichiens ar M. de Valence, à l’affaire de ea æ Pendant l'hiver qui suivit ces heureux succes, M. de Valence 205 transmit au Gouvernement divers mémoires importans , dont les principales dispositions servirent de bases à l’organisation militaire qui fut alors décrétée. Le Gou- vernement voulant attaquer la Hollande et l'Angleterre, dans la source de leur puissance maritime prépara en secret une expédition , dont le but était de s'emparer des établissemens anglais et hollandais dans les Indes orientales. Le plan fut concertée avec M. de Valence, et c’est lui qui fut nommé pour commander une expédition , dont les résultats pouvaient amener de bien grands changemens dans ja face des affaires. Mais le général Dumouriez étant parvenu à faire adopter par le Gouvernement français le plan de la campagne de 1793, et ayant sollicité par plusieurs courriers, l’envoi du gé- néral Valence dans la Belgique, l'expédition aux Indes orieutales fut ajournée, et M. de Valence obligé de partir pour aller com mander sur la Meuse. Les circons- tances fort difliciles danslesquelles se trouvait l’armée française , de- VAL vaient borner la gloire de M. de Valence à réparer ou même à amortir ses échecs. Une lettre du général Dumouriez trouvée dans les papiers de M. de Valence, prouverait seule quels services éminens il rendit , presque au moment de son arrivée à Liège, pour réparer de grands désastres , dus à la trahison , ou à la négli- gence et à l’impéritie. « C’est à vous, dit le général Dumouriez , dans cette lettre datée du 14 mars 1793,.que l’on doit le salut de 27 bataillons que le général Ihler à ramenés, avec autant de prudence que de courage. La vigueur que vous avez déployée pour couvrir la retraite de ce corps, en vous portant sur Tongres, et chassant et repoussant l’ennemi, montre autant de génie que d’audace; et je vous regarde , plus que jamais, comme un des meilleurs soutiens militaires de notre patrie. » M. de Valence montra denouveau à Tir- lemont la même habileté; et bien- tôt apres se livra la bataille de Nerwinde, au même endroit où , cent ans auparavant, le maréchal de Luxembourg avait élevé à nos armes un glorieux trophée. M. de Valence commanda l'aile droite, composée de l’armée des Ardennes. Il exécuta avec autant de célérite que de précision, les mesures pres- crites par le général en chef Du- mouriez ; mais, malgré tous ses ef- forts, il vit l’aile droite obligée de se replier devant un ennemi trop su- périeur en nombre, abandonner deux villages et rendre inévitable, parsaretraite,la déroute de l’armée entiere. Dans cette circonstance, 1l se met à la tête de sa cavalerie, exécute une charge brillante , pe- nètre presque seul au delà de la 206 VAL ligne ennemie, reçoit au front une blessure dont il à gardé jusqu’à la mort lanoble cicatrice, traverse de nouveau la cavalerie autrichienne, ramène au combat sa courageuse infanterie , reprend les villages qu’elle avait été contrainte d’aban- donner, conserve le champ de bataille, et la victoire, obtenue par l’aile droite et par le centre , que commandait M. le duc de Chartres (actuellement duc d’Or- léans) , aurait été complete, si la trahison n’avait porté le désordre dans. Faile gauche et ne l'avait pas séparée du centre et de l'aile droite. Les blessures de M. de Valence l'avaient obligé de se faire conduire à Tirlemont, et ensuite à Bruxelles. L'époque jusqu’à laquelie il avait promis de servir dans la Belgique était passée. Les commissaires de la Convention arriverent de Paris, et allèrent voir le général, retenu chez lui par ses blessures. Il leur exposa toutes les raisons qui l’en- gageaient à demander son rappel; mais ceux-ci refuserent de le lux accorder,combattirent son dessein avec force, lui dirent que, dans les circonstances, son éloignement serait uncrime. « I] vous reste une » tête pour ordonner, ajouterent—. » ils, si vous n’avez pas de bras » pour agir. » M. deValence n’en crut pas moins devoir persister dans sa résolution ; 1l envoya sa démission au ministre de la guerre (c'était alors M. de Beurnonville), et partit pour Valenciennes, des qu'il put se mettre en route, pour y attendre la réponse du ministre et le congé qu'il sollicitait. Des lettres de Dumouriez le détermi- nèrent à se faire reconduire à Bru- xelies. Il y rentra au moment où VAL les troupes françaises en sortaient. Le général Dumouriez conféra avec Jui : il lui fit connaître la vé- ritable position des armées ; 1l lui apprit les déplorables résultats de la bataille de Nerwinde, et il fut convenu entre eux qu’il fallait dé- fendre l’Escaut. M. de Valence partit donc pour Fournayet ce fut avant d’y arriver qu’il reçut la re- ponse du ministre Beurnonville , qui comblait sa conduite d’éloges et l’engageait à renoncer à son rappel. On trouve d’amples dé- tails sur cette époque de la car- rière militaire de M. de Valence, dans les Mémoires du général Dumouriez, qui ne cesse de pro- diguer les éloges à sa valeur, à son activité, à son inielli- gence. Cependant la tournure fâcheuse qu’avaient prise les événemens mi- litaires avait fait naître à Paris et dans toutela France,la plus grande fermentation. Des senfimens exal- tés avaient troublé toutesles têtes; la voix de la sagesse et celle de la justice furent étouffées par la vio- ience. Menacé des dangers les plus imminens, Dumouriez s'était vu comme forcé à se réfugier dans latrahison.Piusieurs commissaires de la Convention sontenvoyés à son quartier-général pour l'arrêter; mais Dumouriez les prévint et les arrêta eux-mêmes. Abandonné par son armée , il passe aux Au trichiens, leur amenant les repré- sentans du peuple en otage. Du- buisson , commissaire du Conseil exécutif, désigna M. de Valence comme s'étant trouvé présent à la conférence où Dumouriez mani- festa ses projets de rébellion ; mais Dubuisson a dit la même chose de M®° de Genlis, et cette dame a nie VAL 207 formellement le fait (1) ,-en ajou- tant des circonstances qui établis- sent l’inexactitude des récits de Dubuisson. Quelle que pût être la connaissance que M. de Valence avait eue des projets de Dumou- riez,ilest certain qu'à cettegpoque. sa liaison avec lui était grande, et cette circonstance qui seule mena- çaitsa tête d’un dangerinévitable, l’autorisait en même temps à se mettre à l’abri des coups de la ty- rannie. M. de Valence sut conci- lier parfaitement en cette occasion dificile , ses devoirs de citoyen âvec ce qu’exigeait sa süreté per sonnelle. [l adressa au président de la Convention sa démission du poste de général enchefde armée des Ardennes, se sépara de ses soldats, congédia son escorte, ren voya ses ordonnances, et s’éloigna seul d’une pairie que désormais il ne pouvait plus servir. Il se ren- dit d’abord en Angleterre , d’où il fut expulsé par M. Pitt, tandis que Robespierre demandait que toute sa famille füttraduite au Tribunal révolutionnaire. {l prit alors le parti de se réfugier à Hambourg, ou plutôt dans une ferme isolée du Holstein, située à cinq lieues de cette ville: lail sefit cultivateur, vivant dans.la solitude avec sa fille aînée et sa belle-mère, M de Genlis, etse tenant d’ailleurs soi— gneusement sépare des émigrés. Aussi ne fut-1] point expulsé com- me tel'en l’an VI, du territoire de cette république : même 1l avait demandé des juges au Directoire pour prononcer sur sa conduite ; (1) Précis de la conduite de Mme de Genlis depuis la Révolution. Hambourg (Paris), in-12, pag. 93. VAL 208 ils lui fureut refusés, et c’estpour- quoi il refusa à son tour d’obtem-— pérer à linvitation du Consul de France, à l’effet de prendre part a la guerre contre l'Angleterre, allégant qu’il ne devait exercer au dehorsaucun des droitsde citoyen, jusqu’à ce qu'ils lui eussent été reconnus par son gouvernement. Pendant qu’il résidait dans le du- ché de Holstein, M. de Valence publia un écrit sur les finances de la France, qui attestait à la fois ses lumières en cette partie, et le vif intérêt qu'il continuait de porter aux affaires d’une patrie à laquelle il n'avait pas cessé d’être fidèle ; cet écrit est intitule : Essai sur Les finances de la République française el sur les moyens d’anéantir les assignats ; Hambourg , 1706 , in-0°. Aussitôt après le 18 Brumaire, M. de Valence obünt de rentrer en France. Des 1801, il était de- venu président du canton de Versy département de la Marne. Le col- lége électoral de ce département qu'il présida depuis , lélut candi- dat au Sénat en 1803 , et il fut ap- pelé à faire partie de ce premier corps de l'Etat, le 1° février 1805, et nommé en même temps com mandant de la Legion-d'Honneur. Le 20 mars 1807 , 1l reçut le com- mandement de la cinquième divi- sion de réserve, dans l’intérieur, passa en Espagne en 1808, et reçut en 1809, la décoration de grand- croix de l'Ordre de Saint-Henri de Saxe. En 1812, il avait étéap- pelé à la Grande armée, et com- manda une division en Lithuanie, sous les ordres de M. de Nansouty, qui avait été son aide-de-camp. Apress’être distinguéaucombatde Mohilow, il tomba malade à Smo- . VAL lensko, et fut de retour en France avant les désastres de l’hiver. En- voyé au mois de décembre 1813, en qualité de commissaire extraor- dinaire dans la sixieme division militaire, à Besançon, il pourvut à la défense de cette ville, se miten- suite à la tête d’une colonne de gardes nationales et de troupes ré- gulieres, et se porta , au mois de janvier, sur Gray, où il tint l’en- nemi en échec pendant sept jours, Il se trouvait de retour à Paris le premier avril. Son nom, en qua lité de secrétaire du Sénat , se fit au bas de l’acte célebre qui pro- nonca la déchéance de Napoléon (Voir le texte de cet acte dans l’Annuaire Nécrologique de 1821, page 88 , article BoNAPARTE). À ce sujet, on lit dans le Mémorial de Sainte-Hélène , l'observation sui- vante : « Parcourant un jour , à » Longwood,lenom des sénateurs » qui avaient signe la déchéance , » l’un de nous fit observer celle » de M. de Valence , signant » comme secrétaire; mais un autre » expliqua que cette signature » était fausse, que M. de Valence » s’en était plaint,et avaitréclamé. » Cestires-vrai, dit l'Empereur, » je le sais, ila été tres-bien; » Valence a été national. » (1). Il est possible que cetteexplication ait été admise à ja cour de Sainte- Hélene ; mais il n’est personne en France, pour peu qu'il soit au fait de l’état actuel des choses, qui n’en sente l'énorme absurdite. Le nom de M. de Valence fut ap- posé bien réellement par lui, au bas de l’acte de déchéance, et sa (1) Mémorial de Suinte-Hélère , M. de Las Cases. 1823. T. 11, p. 4 édit. in-12. par 3 ’ VAL mémoire en supportera facilement Ne Er 221 A la responsabilité. Du reste, s'il eût cru devoir refuser sa signature en cette occasion, aucune nécessité ne pouvait le contraindre à la laisser supposer ; et Si l’on se fût permis une falsification aussi audacieuse, la haute position sociale de M. de Valence, etla liberté dont la presse a joui depuis 1814, lui auraient laissé tous les moyens suflisans pour détruire l’imposture. Le 4 juin 1814, M. de Valence fat compris dans la première créa- tion des pairs de France, et, quelques mois après , 1l reçut le cordon de grand oflicier de la Légion-d’Honneur. Il siégea éga- lement dans la Chambre des Pairs des Cent jours. Le 21 juin, apres la perte de la bataille de Wa- terloo, la Chambre des Représen- tans ayant transmis à celle des Pairs les mesures de salut public qu’elle venait de prendre, pour arracher le pouvoir des mains de Napoléon , M, de Valence parla plusieurs fois à cette occasion, et mit bêaucoup d’insistance pour entraver le mouvement qui s’o— pérait, tellement qu'il provoqua les murmures de la majorité de l’assemblée , et fut menacé du rappel à l’ordre par MM. de Pon- técoulant et Boissy-d’Anglas. Il parut également vouloir entraver la prompte expédition de la loi urgente touchant les réquisitions. Ce même jour il fut au nombre des commissaires désignés par le Gouvernement provisoire , pour aller demander une armustice au général prussien Blucher : on sait que cette démarche n’obtint pas de succes. Les dernières paroles de M. de Valence dans cette as- semblée ( séance du 7 juillet), VAL, 200 furent des plaintes contre l’enva- hissement du palais de la Chambre des Pairs,par des soldats prussiens. M. de Valence fut éliminé de la Chambre des Pairs , par l’or- donnance du 25 juillet 1815. Un nouvel acte , du 4 septembre sui- vant , le mit à la retraite comme militaire. Îl ne fut réimtégré dans la pairie que par une ordonnance du 21 novembre 1819, et vota dés-lors avec l’Opposition, soit pour défendre la loi des élec- tions du 5 février, soit pour com- battre les lois suspensives de la liberté de la presse et de la liberté inviduelle , contre lesquelles il prononça des discours énergiques. Il parut même vouloir prendre part à l'association qui se formait à cette époque , sous la dénomi-— nation de Souscription nationale, dans la vue d'assurer des secours aux détenus sans jugement, pour motifs politiques : mais le minis- tère ayant fait attaquer cette en— treprise par les voies judiciaires, M. de Valence s’en retirä. An commencement de 1820 , il pro- nonCa , à la tribune de la Chambre \" des Pairs , l’éloge du général Co= laud , son collègue, qui avait été son aide-de-camp, et dont il avait commencé la fortune militaire. Enfin, ses derniers travaux légis- latifs eurent pour objet d’obteñir la réhabilitation de la memoire du condamné Lesurgues, exécuté sous le Directoire, pour un vol de diligence, auquel il est certain aujourd'hui qu’il était entière- ment étranger, C’est pendant qu’il poursuivait ayec chaleur cette en- ireprise pieuse etphilanthropique, que la mort vint le frapper le 4 février 1822. M. de Valence a été inhumé au 14 219 VAL cimetiere du P. la Chaise, où le général Dulauloy a prononcé un discours sur sa tombe. M. de Lacépede a prononce son éloge, à la tribune de la Chambre des Pairs , dans la séance du 23 mars ‘1022 , imprimé dans le Moniteur du 7 avril suivant. M. de Valence n’a point Jaissé d’hcritier de sa pairie ; mais 1l a laissé deux filles ; l’aînée a épouse M. le comte de Celles, membre de la seconde chambre des Etats-Geénéraux du royaume des Pays-Bas; la se- conde est mariée à M. le général Maurice Gérard, membre de la Chambre des Députés pour le dé- partement de la Seine. — Le por- trait de M. de Valence a été gravé en 1820, par M. Tardieu, dans la Collection des Pairs et Députés dé- fenseurs de la Charte et de la Loi des élections; petitén-{.— Les an- ciens rapports de M. de Valence avec le dernier duc d'Orléans, l’a- vaient conduit aux plus hauts gra- des et dignités maçonniques ; aussi sa mémoire a éte célébrée dans les loges de l'Ordre , avec beau- coup de pompe. On a publié les pièces suivantes : Aux mânes du comte de Valence. Ode lue dans la L.*. Ecoss.-. de la Grande Commanderie, le 28 mars 1822, par le F.. L. Belmontet {ae Montauban), orateur de da R.:. L.-. Ecoss.'. d'Emeth. Paris, Guiraudet, 1822, in-5 , un quart de feuille. Cantate exécutée aux obsèques maçonniques du comte de Valence, paroles du F.*. Naudet, eapitaine au eorps royal délat-major ; mu- sique du F.*. Romagnesi. Paris, Guiraudet , in-5 , un quart de feuille. : Loge ÆEcossaise de la Grande VAL Commanderie. Obsèques maçonni- ques du T.*, El". comtedeWalence, pair de France, licutenant-général, - très-puissant souverain grand com mandeur en chef, en France, de l’or- dre maçonnique au rit écossais ancien et accepté; solennellement célébrées le 28 J.*. du 1° M.:. de l’an 5822 -28 mars 1822. Paris, Guiraudet, in-8 , 2 feuilles trois quarts. Discours du comte de Ségur, à l'occasion des obsèques maçonniques célébrées en l’honneur du comte de Valence. Paris, Guiraudet, 1822, in-8, demi-feuille. Loge Française et Ecossaise de PEcole de la sagesse et du Triple accord réunis. Pompe funèbre en mémoire du T.'. EL." F.°. comte de Valence, pair de France, etc. . solennellement célébrée le premier Jour du quatrième mois de l'an 5822. Metz, Collignon, 1522, in-5, 2 feuilles. . VALORY ( FrANÇOIS-FLORENT , comte de). naquit à Huningue, le 9 février 1755, d’une ancienne et nombreuse famille, qui à donne plusieurs lieutenans - généraux à l’armée française, et dont un des membres fut ambassadeur de France à Berlin, aupres du grand Frédéric. Cadet de six enfans, il entra dans les gardes-du-corps (compagnie de Beauvau), et fut licencié avec le rang de capitaine, apres les journées des 5 et 6 oc- tobre 1789, pendant lesquels 1! avait participé activement àla dé- fense des appartemens du chà- teau de Versailles. Le nom de M. de Valory se rattache spécia- lement au voyage de Louis XVI à Varennes, où il fut employé en qualité de courrier, et où il courut les plus violens dangers. VAL Enfermé à l'Abbaye apres lin- succes de cette tentalive, M. de Valory employa une partie des onze semaines qu'il passa dans cette prison, à écrire la relation de son voyage : cette relation à été perdue au milieu des agita- tions de la Révolution. Au mois de mars 1815 , il essaya de la re- produire sur le papier; mais il avoue que ce n’est qu'avec effort qu'il parvient à se rappeler les faits et à les lier les uns aux autres successivement, presque d’une manière seche, qui ne peut avoir d’autre prix que celui que lui donne une entière véracité. Voici la substance des faits ra- contés par M. de Valory. Trois jours avant le 21 juin 1791, MM. de Valory, de Mou- tier et de Malden, gardes - du- corps licenciés , reçurent de M. le comte d’Agoult, ancien aide- major de cour, la confidence du projet de voyage et la proposition d’y coopérer en qualité de cour- riers. Ils accepterent avec em- pressement et virenten particulier le Roi et la Reine, pour recevoir leurs ordres et leurs instructions. Le 20 juin, à onze heures et de- mie du soir, la famille royale sor- tit du château; M. de Moutier donnait le bras à la Reine, M. de Malden à M Elisabeth , et M. de Valory suivait le Roi. On avait pourvu aux moyens d'amener la famille royale hors de Paris; en conséquence M. de Valory partit de suite, en veste jaune de cour- rier, et à franc étrier, sous le nom de François, pour aller comman- der le relai à Bondy. Il affirme avec la plus entière conviction, que M. de la Fayette n’a pu avoir la moindre information du pro- \ s VAL 213 jet de voyage, ce dont personne de bon sens n’a jamais douté. M. de Valory donna un écu de guide aux postillons, générosité ui à paru 1mprudente à M. le ae de Choiseul, comme pou- vant attirer l’attention sur la voi- ture du Roi. À Pont-de-Somme- velle, où M. de Valory devait rencontrer M. de Choiseul ou le fils de M. Bowillé , il chercha et attendit vainement l’un et l’autre: des contrariétés et des mal-enten- dus les retenaient ailleurs. Arrè— tés à Varennes avec la famille royale, M. de Valory et ses deux camarades furent placés, pendant le trajet duretour, sur le siége de la voiture du Roi, où ils furent ex- posés durant plusieurs jours , aux outrages et aux menaces d’une population insurgée et armée. Mais ils ne furent point attachés avec des cordes, comme on l'a dit : M. de Valory le nie formel- lement. À la descente de voiture, devant la porte des Tuileries, du côte du jardin, le danger des trois gardes -du-corps devint immi— nent; une populace fréneétique faisait de grands efforts pour se jeter sur eux et les massacrer. M. de Valory voyant que la sû- reté personnelle de la famille royale allait être compromise, sauta avec ses camarades en bas du siége. M Elisabeth , qui vit leur mouvement, passa son bras par l'ouverture d’une des glaces du devant du carosse, et saisit le pan de la veste de M. de Valory pour l'arrêter; ce fut en vain. À peine les gardes-du-corps eurent- ils touché la terre, que les assas- sins commencèrent à se jeter sur eux , et ils allaient être égorgés, lorsque la Garde nationale les en- VAL leva et les mit en sûreté dans l’in- térieur du château. M. de Valory se trouva le moins maltraité , et cependant terrassé à coups de crosse de fusil dans les reins, traîné par les cheveux et meurtri de toute part, sa tête avait reçu plusieurs contusions, et la peau en était déchirée en deux en- ® droits. Les chirurgiens du Roi vinrent le panser , et le lendemain il fut transféré à l'Abbaye, où 1l fallut encore le défendre des nouvelles fureurs de la populace. Cette narration est puisée dans l'ouvrage publié par M. de Va- lory, sous ce titre : Précis histo- rique du voyage entrepris par S. M. Louis XVI, le 21 Juin 17991, de l'arrestation de la famille royale à Varennes, et de son retour à Paris (Paris, Michaud, 1815, in-8 de 95 pages) (r). Nous ne pouvons pas dissimuler qu’elle est contre- dite, quant aux circonstances de la première partie, par M. le duc de Choiseul, qui s'exprime en ces termes : « Le Roi ne con- naissait particulierement aucun de ces trois messieurs (de Valory, de Malden et du Moutier ). Ne voulant pas que le choix donnät quelques soupçons, et d’ailleurs ayant envoyé plusieurs fois des gardes-du-corps en. courrier, 1l avait ordonné à M. D’Agoult, aide - major, de désigner trois gardes robustes et montant bien à cheval, de leur faire faire des vestes et les choses nécessaires pour courir à franc—étrier, ayant 212 (1} Cette relation se trouve aussi réimprimée dans la Co/lection de Me- moires relatifs à la Révolution fran- çaise, publiée chez MM. Baudouin frères, VAL des missions à leur confier pour Madrid, Vienne et Turin. Cet ordre donné indifféremment fut exécuté. M. D’Agoult choisit MM. de Valory, de Malden et du Moutier; et ces messieurs crurent jusqu’au dernier moment, qu'ils étaient simplement destinés à porter des dépèches. » — M. le duc de Choiseul ajoute en note : « Je vois dans une relation pu-— bliée par M. de Valory, en 1815, qu’il assure avoir été admis dans la plus haute confidence des des- seins du Roi et de laReine. Je dois faire observer que ma rela- tion, ayant été écrite en 1701, ne retrace que ce que j'ai vu et ce que j’ai appris du Roi et de la Reine, qui ne m'ont jamais parlé des faits rapportés dans l’ouvrage que je cite» (1). M. de Valory fut rendu à la li- berté le 14 septembre de la même année , grâce à l’amnistie promul- guée à la suite de l’acceptation de la Constitution. Il obtint une au— dience du Roi et de la famille royale ; qui le reçurent avec toute la bienveillance que méritait son dévouement ; 1l émigra le 16, chargé des commissions de la Reine pour M°° la princesse de Lamballe, qui était alors à Bruxel- les. De là, M. Valory se rendit à Berlin et entra au service de Prus- se, en qualité d’aide-de-camp du général Kalkreuth. Revenu en (1) Relation du départ de Louis XVI le 20 juin 1791, par M. le duc de Choïseul, pair de France , extraite de ses Meémorres inédits. Paris , Baudouin frères , 1822 , in-8, pag. 46. — Cet ou- vrage fait partie de la Collection des Mémoires relatifs à la Revolution fran- caise, publiée chez MM. Baudouin f. VAN- France seulement en 1814, il fut . nommé maréchal-de-camp et sous-aide-major des Gardes-du corps du Roi , compagnie de Wa- gram. En 1815 il suivit Louis X VIII à Gand, et apres son re- tour, fut nommé prévôt du dé- partement du Doubs. M. de Va- lory a termine sa carrière à Toul, le 17 juillet 1822, à l’âge de 67 ans. Îl était Commandeur de Saint-Louis, Officier de la Le- gion d'honneur et Chevalier des ordres royaux de Saint-Lazare et du Mérite de Prusse. VANSPAENDONCK (G*- RARD), né à Tilbourg, en Hol-- lande; excella à un s1 haut degré dans le genre borné, mais gra- cieux, de la peinture des fleurs, qu’il mérita d’être nommé profes- seur d’iconographie au Jardin des Plantes etmembre de l’Institut, le 6 décembre 1795. Il avait fait ses premieres études dans sa patrie ; 1] commença à figurer parmi nous aux expositions du Louvre , avant la Révolution, et fut membre de Vancienne academie de Peinture. On a publié, dans le format in-f°, une belle collection de fleurs des- sinées d’apres nature, par M.Van- spaëndonck. Ce peintre a forme un grand nombre d’élèves habiles, qui secondent lés travaux des na- turalistes, et concourent à la pros- périté des arts ; ses tableaux enri- chissent nos musées et décorent mos cabinets. Parvenu à ur âge très-avancé, M. Vanspaëndonck avait ouvert son cours le 30 avril 1822, lorsque la maladie l’obligea de l’interrompre, le 4 mai, et ter- mina ses jours la nuit du 10 au 11 du même mois. Il était membre de la Légion-d’Honneur. M. Cu- VER 213 vier, au nom des professeurs du Muséum d'histoire naturelle, et M. Quatremère de Quincy; secré- taire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, ont prononcé son éloge à ses funérailles. « Le digne et à jamais regrettable confrere au- quel nous disons le dernier adieu, s’écriait M. Quatremere , fut, comme vous le savez, une de ces conquêtes que les arts de la France se vantaient depuis long- temps d’avoir faite sur ce pays voisin, où la nature avait placé l’école spéciale d’un genre de peinture intimement lié à la science et à l’étude du règne végétal. Les ouvrages de M. Van- spaëndonck, dont le nom désor— mais sera prononcé immédiate ment apres celui de Var Huysum, ont peut-être marqué le terme que ne pourra plus dépasser l’art de peindre les fleurs. » M. Hersent a remplacé à l’Institut, M. Van- spaëndonck. Un frere de lartiste hollandais , qui lui a survécu, cul- tive avec beaucoup de succes la même branche de peinture... VERNINAC DE SAINT- MAUR (...…. ), né à Cahors en 1762, vint à Paris de bonne heure et s’y fit connaître par quelques pièces de vers, qui furent insérées dans les journaux et dans l’4{/ma- nach des Muses. Ayant embrassé la cause de la Révolution, il fut envoyé par le Roi, le 1° juin 1791, avec Lescene des Maisons et l’abbe Mulot, pour apaiser les troubles du Comtat Venaissin. Les com- missaires parurent d’abord avoir réussi dans leur mission; la guerre civile qui déchirait ce malheureux pays se calmait , les détachemens fournis par les diverses communes rentraient dans leurs foyers. De 214 VER retour à Paris pour rendre compte de leur mission à l’Assemblée cons- tituante, les Commissaires se pré- senterent à sa barre, dansla seance: du 10 septembre. Lerapport de Les- cene dissimulait peu les excès des anarchistes du Comtat; celui de Verninac était plus favorable aux ‘provocateurs de la Révolution, au nombre desquels étaient Duprat, Mainvielle , Rovere , avec qui Verninac avait formé des liaisons. L’abbe Maury attaqua violem- ment les Commissaires , et voulut les faire poursuivre devant la Haute-Cour d'Orléans ; mais l’As- semblée les protégea. Bientôtapres la réunion d'Avignon à la France fut prononcée , et les affreux mas- sacres de la Glaciere en souillierent les prémices. Nommé ministre de France en Suède, en avril 1702, M. de Verninac arriva à Stock- holm le 16 mai, deux jours apres les funérailles de Gustave III. Quoique la mort de ce prince eût rendu la nouvelle cour moins pro- noncée contre la révolution fran- çaise, M. de Verninac n’y fut pas bien accueilli ; on l’y avait dépeint d'avance comme un enragé jacobins et il s’y trouvait en présence de MM. d’Escars et de Bombelles (Voyez l’article de ce dernier, ci- dessus page 36), agens tres-actifs de l’enugration ; 1l fut rappelé six semaines apres la mort de Louis XVI. En février 1795, M. de Ver- ninac partit pour Constantinople, avec ie titre d’Envoyé extraordi- naire. Il fit son entrée dans cette capitale, le 26 avril. À sa premiere audience, 1l fut précédé d’une mu- sique militaire et escorté d’un de- tachement de troupes françaises, la baïonette au bout du fusil, jus- que dans la seconde cour du Sérai!, VER où elles présenterent les armes au Grand-Visir etauxautresmembres du Divan, ce qui ne s’était encore jamais vu. Au reste , cette ambas- sade donna lieu à plus d’une inno- vation. M. de Verninac est le pre- mier étranger qui ait fait impri- mer et distribuer une gazette écrite en sa langue, à Constantinopie. Le Grand-Visir, dans sa réponse, lui donna le titre de citoyen ; et comme ce mot ne pouvait être traduit en turc , faute d’équivalent , il fut obligée de le prononcer en français. Verninac notifa à la Porte le traité de paix avec la Prusse, lui fit re- connaître la République française, et détermina l'envoi d’un ambassa- deur à poste fixe , à Paris, dans la personne de Seïd- Aly-Effendi ; maïs 1l ne réussit point à faire en- trer le Grand-Seigneur dans une alliance avec la France : bien qu'il fût secondé dans ce plan par les ministres de Suède et de Prusse, il ne put triompher de l'influence de ceux d'Angleterre et de Russie, M. de Verninac ayant demandé son rappel, fut remplacé par Au- bert-Dubayet; il quitta Constan- tinople dans les premiers jours de novembre 1796, après avoir recu de fort beaux présens de la part du . Grand-Seigneur. Arrêté à Naples et gardé à vue pendant quelques mois, il n’arriva en France qu’en mai 1797 , et le 9 juin suivant il fut présenté à l’audience publi- que du Directoire, par Charles de la Croix , alors ministre des re- lations extérieures, dont peu après il épousa la fille ; il offrit en cette audience , au Directoire , un éten- dard ottoman et un diplôme du sultan Sélim III. Des la création des Préfectures , en 1600, le gou- vernement consulaire nomma M, VIL de Verninac à celle du Rhône. Il recut, en 1601 ; la mission de se rendre dans le Valais, qui, bientôt apres, se constitua en ré- publique, sous la protection de la France. La diete Valaisane déclara , au commencement de 1805, qu’il avait bien mérité de la République , etlui accorda pour lui et sa famille,.les droits et titres de citoyen du Valais. Depuis cette époque, les sentimens républicains de M. de Verninac le tinrent éloi- gné des fonctions publiques. En septembre 1816, le Collége élec- toral de l’arrondissement de Gour- don le nomma candidat à la dé- putation; mais le Collége départe- mental du Lot , animé d’un esprit différent , lui refusa ses suffrages ; il fut de nouveau candidat de l’Opposition , et avec aussi peu de succes , aux élections de 1820. M. de Verninac est mort sur ses ter- res , dans le département du Lot, où il vivait retire, au mois de juin 1822, âgé de 60 ans. Liste des ouvrages de M. de V'erninac. I. Recueil de Poésies. IT. Recherches sur les cours ct les procédures criminelles d’Angle- terre, extraites des Commentaires de Blackstone, sur les lois anglaises. 1700 , in-0. LI. Description physique et poli- tique du département du Rhône. in-0. VILLETTE (Rene Rourr de VaricourT, marquise de) fut l’un des dix enfans de M. de Vari- court, gentilhomme du pays de Gex, et officier dans les gardes du Roi. Cette famille avait em- VIL LA 219 brasse la religion réformée au seizième siècle, mais elle était revenue sous Louis XIV, aux opi- mions dominantes. Mie de Vari- court ne fut point, comme on paraît le croire communément, adoptée par Voltaire , dans le sens légal de ce mot; ce n’est qu’afin d'exprimer la tendresse de son affection pour elle, que le vieil- lard de Ferney l’appela souvent sa fille adoptive , et plus souvent encore belle et bonne; madrigal plein de délicatesse dont on s’est plu à faire son surnom. La proxi- mité d'habitation ayant mis M. de Varicourt en relation avec Mr: Denis, c’est à elle qu'il confia la jeune Reine. Le vieux patriarche se fit un bonheur de la marier au marquis de Villette, l’un des sei- gneurs les plus brillans et les plus aimables de son temps. Le 2 no- vembre 1777, Voltaire écrivait à Delisle de Sales : « M. de Villette épouse cette demoiselle de Vari- courtque vous avez vue chez nous. Il la préfére aux partis les plus brillans et les plus riches qu’on lui a proposés; et, quoiqu’elle , Bour , n'ait précisément rien, elle mé- rite cette préférence. M. de Vil- lette fait un tres-bon marché, en épousant une fille qui a autant de bon sens que d’innocence, qui est née vertueuse et prudente, comme elle est née belle, qui le sauvera de tous les piéges de Ba- bylone et de la ruine qui en est la suite. » Trois jours apres (le5 no- vembre) il écrivait à M. le comte d’Argental : « Elle n’a pas un denier, et son mari fait un excel- lent marche. Il épouse de l’inno- cence, de la vertu, de la pru- . dence, du goût pour tout ce qui est bon, une égalité d'âme inal- 21 6 VI EL, térable avec de la sensibilité, le tout orné de l’éclat de la jeunesse et de la beaute. » Le mariage fut célébré danslachapelle deFerney, au mois de novembre 1977; on y joua la tragédie d’Irène , derrière des paravens, en guise de cou- lisses. — « M°° de Villette m'a raconté , dit M®° Pariset, que le jour de son mariage, avant d’aller à l’église de Ferney, Voltaire, qui la dotait et la mariait, lui fit en outre présent d’une magnifique parure de diamans, dont il voulut lui-même orner sa tête, ses oreil- les , son cou et ses bras. La toi- lette achevée, l’admuiration fut générale, et la satisfaction de la jeune et belle fiancée bien natu- relle. « Ma chère, lui dit Vol- taire , je viens de vous donner des bagatelles, des puérilités : le vrai tresor, la vraie richesse, les voila. Cétaitun grand livre relié en ma- roquin rouge, doré sur tranche. Sur l’un des côtés était écrit : Recette des revenus de M. le mar- quis de Villette; sur l’autre : Dé- pense de la maison de M. le mar- quis de Villette. Voilà, reprit en- core Voltaire, la véritable parure d’une épouse et d’une mere. Ne négligez jamais l’usage journalier de ce livre : que la balance y soit exactement et scrupuleusement maintenue, vous serez riche et heureuse » { Manuel de la Mai- tresse de maison, par M”° Pariset. 1821, in—-10, tom. |, pag. 7). Le nouveau couple passa l’au- tomne aupres de Voltaire, et l’on voit dans ses lettres qu'il en était comme’ rajeuni. Il en parle sur Je même ton à tous ses correspon- dans : « Je m'occupe actuelle- ment, écrit-1l à d’Alembert, le 26 novembre 1 de la conver- Le) 147 VIL sion de M. de Villette, à qui j'ai fait faire le meilleur marché qu’on puisse jamais conclure-Îla épousé, dans ma chaumiere de Ferney, une fille qui n’a pas un sou, et dont la dot est de la vertu, de la philosophie , de la candeur, de la sensibilité , une extrême beauté, l'air le plus noble, le tout à dix— neuf ans. Les nouveaux mariés s’occupent jour et nuit à me faire un petit philosophe. Cela me ra- gaillardit dans mes horribies souf- frances. » Il paraît que le petit philosophe se fit attendre, car nous trouvons seulement dans le Moniteur de 1792 que M. de Vil- lette eut un fils, vers la fin de cette année , et qu'il le fit baptiser sous le nom de V’oltaire-V'illette ; cefils est probablement le même qui survit encore aujourd'hui à sa mére. Au mois de février 1778, apres vingt-sept ans d’absence, Vol- taire voulut venir accompagner les deux époux , et tel fut, dit-on, le motif de son voyage. On sait qu'il descendit chez M. de Vil- lette, sur le quai des Théatins, et c’est là aussi qu’il rendit le der- nier soupir peu de temps arrès. Me de Villette était à côte de Voltaire, danssaloge , au Theâtre- Français , lorsque ce grand poëte y recut les honneurs du triomphe, et c’est elle-même qui posa sur sa tête la couronne de lauriers, que Brizard vint lui apporter au nom du public. Quand Voltaire fut recu franc-maçcon à la loge des Neuf-Sœurs, on lui remit, sui- vant l’usage, une paire de gants blancs, pour être donnée par lui à la femme qu'il en jugerait le lus digne. « Puisque vous voulez, dit le vieillard ému , que ces gants VIL soient le gage d’une affection pure et fondée sur l’estime , je les donne à Belle-et-Bonne. » M de Vil- lette , fidèle à ce souvenir, avait accepté dans ses dernières années . la présidence d’une grande loge écossaise d'adoption, qui a pris le nom distinctif de Belle-et-Bonne. C’est cette circonstance qu’un poète a célébrée dans ces vers : Reparais , digne sang du chantre de Henri, Toi qui sus mériter de ce vieillard chéri Le souvenir touchant d’antiaue courtoisie Que reçoit du Maçon celle qu’il a choisie, Chez un peuple fameux par son urbanité, Viens saisir du bon ton le sceptre respecté ; Viens ,et que ton esprit , ta grace héréditaire, Nous reporte aux beaux jours du siécle de Vol- taire (1). Mr° de Villette recut le dernier soupir de Voltaire; elle n’hérita point de ses biens , que la fortune de son mari lui rendait peu né- cessaires ; mais elle conserva son cœur, qui, avec quelques lettres et divers objets qui lui avaient appartenu , est passe entre les mains de M. de Villette fils, seul héritier de sa mere. A l’occasion de la mort de Voltaire, nous reprodurons l’explication d’une anecdocte qui y est relative, pu- bliée récemment par M. Beuchot, et à laquelle le nom de M”*° de Villette n’est pas resté étranger. « C’est chez le marquis de Vil- lette, dit M. Beuchot, dans ja maison faisant un des coins du quai des Tliéatins et de‘la rue de Beaune, que Voltaire a rendu tranquillement le dernier soupir. Lorsque j'arrivai à Paris, je re- (1) La Maçonnerie , poème en trois chants, par M. Guerrier de Dumast ; Paris , Arthus-Bertrand , 1820, in-8. 217 VIL marquai que les fenêtres du pre— mier étage de cette maison étaient fermées ; j'en demandai la cause. On me répondit que c’était là que Voltaire était mort, qu'il avait recommandé de n’ouvrir cet ap- partement que quarante ans après sa mort, et que, Ces quarante ans arrivés , on publierait les manus— crits qui y étaient déposés. Un jour , et bien avant les quarante ans, j'apercus les fenêtres ou- vertes. Je m'imaginai qu’on s’é- tait trompé sur le nombre d’an- nées pendant lesquelles l’apparte- ment devait être clos. Je repassai le lendemain et les jours suivans sur le quai Voltaire; les fenêtres étaient fermées ; je ne savais plus que penser : j'attendis les quarante ans. De loin en loin cependant je voyais les fenêtres ouvertes. Les quarante ans expirés, les fenêtres continuerent et continuent encore d’être presque toujours fermées. » On porte aujourd’hui à cin- quante ans le terme fixé par Vol- taire. Lorsque j’eus l'honneur de voir feue M"° la marquise de Vil- lette, je la priai de me dire ce qu’il en était de ces bruits , et voici les renseignemens qu’elle m'a donnés. L’appartement de M. de Villette, dans la maison qui fait l’un des coins de la rue de Beaune et du quai , est bien celui où Vol-* taire est mort ; mais la chambre qu’occupait Voltaire était sur le derrière. M. de Villette n’était point propriétaire de la maison ; il avait un baïl viager. À sa mort, en 1793, le bail expira. Le pro- priétaire ne voulut pas en faire un nouveau ; M de Villette quitta donc l'appartement ; et si les fe- nêtres en sont si souvent fermées, c’est que telle est la volonté ou la 218 disposition de ja personue qui l’or- cupe. Voltaire n’y peut donc être pour rien. Adieu alors aussi le conte des manuscrits qu’on disait être danscetappartement. » Biblio- graphiede la France, 1823, p. 326). Après la mort de Voltaire, la maison de M" de Villette fut long- temps encore le point de réunion des meilleurs écrivains et des hommes les plus distingués du siècle. d’Alembert était l’âme de cette socicte. C'était à lui que Voltaire en mourant, avait parti- culièrement recommandé sa pu- pille. Aussi ne passait-il pas un jour sans la voir. M. de VYillette embrassa chaudement, comme on sait, le parti de la Révolution, et fut même députe de FOise à la Convention nationale; sa femme partagea les mêmes opinions, et leur estioujours restée fidele; mais avec cette tolérance pleine de dou- ceur, qui formait une des qua- lités les plus précieuses de son ca- ractère. Son mari vint à mourir au milieu des circonstances les plus critiques de la Révolution , et la tourmente révolutionnaire ne respecta pas la fille adoptive de Voltaire : elle subit quinze mois de captivité, et ne sortit de sa pri- son que pour se vouer à la retraite, au soulagement de l’infortune et à la consolation des malheureux. Cependant’, il n’arrivait guere à Paris un ambassadeur, un étranger de distinction , un savant ou un ar- tiste illustre, qui ne s’empressät de visiter avec respect celle que Voltaire avait appelée sa fille , et qu'il avait si tendrement affec- tonnée. Mr de Villette était fort touchée de cet empressement ho- norable. Trop modeste pour ne pas en rapporter le principe à son VIL VIL illusire père, elle saisissait toutes les occasions d’honorer sa mé- moire , .en rappelant une foule d’anecdotes intéressantes sur ce grand homme. Elle prenait aussi beaucoup de plaisir à réciter quel- ques tirades de l’auteur de Zaire, aux étrangers versés dans la lan- gue et la httérature française, et a leur présenter quelques-uns des objets qui avaient été à son usage personnel. La bonté, l’affabilité, l’enjouement gracieux ont été les caractères principaux qui distin- guerent M"° de Villette; elle avait conservé beaucoup de feu dans la conversation ; et l’on était surpris de voir qu’à son âge , il: füt reste dans le son de sa voix et l’expres- sion de sa figure , un caractere de jeunesse et de candeur qui rappe- lait encore le souvenir de Belle-et- Bonne. _« C’étaitelle, dit M. Jullien (Re- oueEncyclopédique, t. XVI, p.659), qui, chez Voltaire, avait, commeil le disait, le département des grâces. Le charme de sa physionomie, la vivacité de son esprit, et cet heu— reux naturel de bonté qui la dis- tinguait, exerçaient sur le cœur de Voltaire une influence irrésis- tible. Lorsque, dans ses momens d'humeur , qui étaient quelque- fois très -violens, il grondait et tourmentait ses domestiques, et tout ce qui l’entourait , M!° de Va- ricourt n’avait qu'à se montrer devant lui pour le calmer , comme par enchantement. — « L'enfant , disait-il , me raccommode avec moi-même. Ai-je offensé quel- qu’un..…? il faut qu’on me par— donne : mes entrailles sont un vol- can, et mon sang du vif-argent. » Il aimait à faire asseoir M” de Va- ricourt près de lui, et à lui bre VIL quelques-uns de ses ouvrages’, et particulierement des passages de ses tragédies. 11 observait Fim- pression qu'il avait produite sur elle, et profitait souvent de ses réflexions, qui annonçaient déja un goût pur et un jugement exerce. Un jour qu’il lui avait lu quelques scenes de Zaire, elle l’arrêta au moment où Zaire, agitée par les sentimens qui se combattent dans son cœur , supplie Orosmane , au nom de leur amour, de lui accor- der encore une journée, avant qu’elle lui révele ses secrets : Demain tous mes secrets vous seront révélés!., « Eh! pourquoi, dit M'° de Vari- court, ne les lui confie-t-elle pas aujourd’hui? — L'enfant a raison, répondit Voltaire; voilà la meil- leure critique qu’on ait faite de ma pièce. » Mne de Villette n’a pas cessé de professer le plus tendre respect pour Voltaire, et pourtant , telle était la tolérante bonté de son ca- ractere, qu'elle vivait fort bien avec les ecclésiastiques les plus zélés , dont plusieurs étaient de sa famille. M. Emery , de Saint-Sul- pice, et M. Fournier, évêque de Montpellier, étaient ses cousins ; M. de Varicourt, évêque d'Orléans, étaitsonfrere(1)etl’asuiviede près au tombeau. Elle s’occupait volon- tiers de bonnesæœuvres toutes chré- tiennes, et se concertait souvent à ce sujet, avec une des plus pieuses filles de Saint-Vincent-de-Paul , {1) Un autre Varicourt , frère de Mme de Villette, était dans les gardes- du-corps de Louis XVI, et a péri à Ver- Rae dans la nuit du 5 au 6 octobre 1709. VIL 219 qu’elle voyait habituellement : elle aimait à s’entretenir avec elle des choses relatives à la charité reli- gieuse. Les assemblées de l’associa- tion pour les petits séminaires se tinrent , à diverses reprises , chez la fille adoptive de Voltaire , et le saint prêtre Legris-Duval, prècha dans une de ces réunions. Pendant la derniere maladie de Mr° de Vil- lette , un ecclésiastique qu’elle estimait singulierement, l’avertit du danger de son état ; la sœur de charité dontnous avons parlé, l’en- gagea aussi à recourir aux sacre- mens de l'Eglise. La malade, du moins à Ce qu’assure l’Ami de La Feligion et du Roi (t. XX XIV, pag. 46), avait indiqué le ven- dredi, 15 novembre, pour rem- phr ce devoir religieux; mais la veille au soir, son état étant de- venu plus fächeux, on fut obligé de se borner à lui donner l’'Ex- trème-Onction. Elle mourut après huit jours d’une maladie inflam- matoire , le 14 novembré, à huit heures du soir, âgée de 64 ans. La Correspondance de Grimm , les Mémoires de Bachaumont , les 41 manachs des Muses, et générale- ment tous les journaux et recueils des dernières années qui ont pré- céde la Révolution, et même qui l’ont suivie, contiennent des vers qu’une foule de poëtes se sont em- pressés de consacrer à la fille adop- tive de Voltaire. Nous ne citerons que les suivans, rapportés par Grimm : Vers de M. l'abbé Girod à Mre La marquise de Villette, faisant la quête à l’église de Saint-Sulpice. Que j'aime à voir la fille de Voltaire, Dans l’église fermée aux mânes de son père, D'une civique charité VOL Recueillir les tributs chers à l'humanité ! O vous ! qu'il nomma Belle-et-Bonne, Vos aimables vertus et l’exemple si beau, Que votre cœur, formé par lui, nous donne, L'honorent plus qu’un vain tombeau. VOLFIUS ( JEan-BaPrTistE), évêque constitutionnel de la Côte- d'Or, naquit à Dijon en 1734. Après avoir passé quelque temps chez les. Jésuites, il était devenu, depuis leur suppression, professeur d’éloquence au collége de sa ville natale. Il s’acquit dans cette chaire la réputation d’un littérateur in- struit et d’un homme de goût. Lorsque la Révolution éclata, il remplissait ces fonctions depuis trente ans: Volfius en adopta les principes. Comme président du club de Dijon, il reçut une lettre de lord Stanhope , en faveur de la révolution française, dont les journaux du temps ont parlé. La popularité personnelle et le crédit de son frere, avocat à Dijon, et député à l’Assemblée constituante, le firent élire évêque constitution- nel de la Côte-d'Or. Il fut sacre à Paris le 13 mars 1701, à l’âge de 55 ans ; il adhéra depuis aux ency- cliques des évêques constitution— nels et députa à leurs conciles. M. Volfius donna sa démission, en même temps que tous ses collè- gues , lors du Concordat de 1521; il fut nommé chanoine de Dijon par le nouvel évêque, M. Rey- mond (Joy. son article Annuaire Nécrologique de 1820 , pag. 185), 220 VOL qui avait été son collègue. Depuis il vivait dans la retraite, occupé principalement de littérature , lorsqu’au mois de mars 1816, on lut dans les journaux une sorte de rétractation, signée de M. Vülfus, alors âgé de 82 ans ; il y confessait: « Avoir commis une tres-grande faute, d’accepter un évêché qui n’était pas vacant, d’avoir prêté plusieurs sermens, d’avoir commis des faiblesses et des fautes, pen- dant le régime de la terreur. » Il y stipule d’ailleurs expressément son attachement inviolable aux libertés de l'Eglise gallicane. Aussi les ecclésiastiques anti- constitutionnels ne se tinrent pas satisfaits ; ilsexigerent une retrac- tation beaucoup plus ample et plus explicite. M. Volfius s’y soumit ; il l’adressa au Pape, pour obtenir l’absolution des censures qu'il avait encourues , et enfin elle fut lue publiquement , dans l’église cathédrale de Dijon, l’un des der- niers jours de mai 1516. M. Vol- fius est mort à Dijon, au mois de février 1822, âgé de 88 ans. Ses adversaires lui ont toujours re- connu des mœurs douces, un esprit cultive et aimable, et des connaissances littéraires ; ce sont leurs expressions. On a de lui ,.dit la Biographie des hommes vivans , plusieurs ouvrages, parmi lesquels on cite sa Rhétorique française, À Pusage des Collèges. WAE WAE 221 W. WAELES (J.….. B....), ne à Hardiford, pres Cassel, départe- ment du Nord, mort à Lille le 27 juin 1822, à l'âge de 66 ans, est auteur de Ariadne, ou Guide des grammairiens. Lille, Lefort, 1820- 21,in-8. 32 pages. L'impression de cet ouvrage était interrompue depuis long-temps , lors de la mort de l’auteur. Je ne connais aucun autre imprime de M. Wae- les. Cependant il prend sur le titre d’Ariadne, la qualité d'auteur de divers ouvrages. Le Journal du département du Nord, du 29 juin 1822, parle de M.Waëles (Extrait de la Bibliographie de la France, rédigée par M. Beuchot. 1822, pag. 551). REY ps À. ES kp vx) aa re Fons % ( “ HU sd | a Ni ee) A ME à 124 NOÉ que mr | “oi 1e mx Es KE Me 164 À Aa gl AU "AnS UE TL À % a dar Y FR { ds CAT ANNUAIRE NÉCROLOGIQUE, PARTIE ÉTRANGEÈRE. 1021. 404 444344442401 41249%88) A. ACEVEDO (FÉLx-ALVAREZ), militaire espagnol , et lun des principaux acteurs de la révolu- tion de 1820, naquit à Otero, province de Léon. Aprés avoir fait ses études et pris ses grades à l'Université de Salamanque, 1l fut agrégé, en 1794, au Collége de San-Pelayo, dépendant de cette Universite, et fut elu deux fois, pour les foncüons de recteur, en 1799et en 1802. De Salamanque, Acevedo passa à d’autres grades dans l’Umiversite d’Orihuela , et se fit recevoir avocat, à Madrid, en 1804 ; il renonca enfin à cette pro- fession pour entrer au service mi- litaire, dans les gardes-du-corps du Roi ,en 1807. L'année suivanie fut marquée par l’invasion de Na= poléon. Les gardes-du-corps du Roi , s'étant dispersés üans diffé- rentes provinces, à l'effet d’y pren- dre les armes pour la défense de l’indépendancenationale, Acevedo se rendit dans la province de Léon, dont la Junte supérieure nommée par le peuple, pour aviser aux moyens de repousser l'ennemi , le nomma commandant du 8° corps des volontaires de Léon. Il fut con- firmé dans cet emploi par la Junte centrale, corps souverain , com- posé de deux membres de chaque Junte provinciale. Il fut nomme lhieutenant-colonelen 1809 , et co- 224 ACE lonel à la fin de-la même année, par le marquis de Ja Romana. Du- rant la guerre de l’indépendance il se trouva à différentes affaires , où il se signala toujours par son courage , notamment à Astorga : il s’opposa à la reddition de cette place, dans un conseil de guerre où la question fut agitée. Ayant été fait prisonnier , 1l s’échappa, retourna aux armées, et continua de combattre, jusqu’à la cessation des hostilités. En 1820, Acevedo se trouvait en Galice, en qualité de colonel agrégé au régiment de Grenade , et il était un des ci- toyens sur lesquels on comptait le plus, pour le rétablissement de la Constitution de Cadix , abolie par Ferdinand VIT, en 1814. A peine eut-on connaissance, à la Corogne, de l'insurrection de Quiroga et Riégo, dans l’ile de Léon , que les constitutionnels jugerent que le moment d’effectuer les desseins qu’ils méditaient, allait arriver. [ls ne furent pas arrêtées dans leur en- treprise par le souvenir récent de la mort tragique du colonel Porlier. Le 21 février 1820, le peuple de la Corogne, réuni aux troupes , dé- posa les autorités instituées par le Gouvefiement absolu, et pro- clama commandant- général de lParmée et de la province, don Carlos Espinosa, un des militaires qui s'étaient le plus signalés dans l'insurrection. Mais ÆEspinosa , connaissant les rares qualités d’A- cevedo , et persuadé qu'il était plus propre que lui à ces hautes fonctions , le proposa au peuple pour le remplacer, et Acevedo fut nommé commandant-général, et peu apres membre de la Junte, qui se forma pour le gouvernement de la province. Cette Junte savait ACE que la seule ville qui pourrait s’op- poser à la révolution dans la Ga— licé, était Santiago, influencée par un nombreux clergé et par un chapitre opulent : elle décida qu’A- cevedo , comme commandant général des troupes , irait en pren- dre possession et y rétablir le re— gime constitutionnel. Acevedo se init à la tête d’une colonne de sol- dats d’élite, et se dirigea sur San- tiago, par le même chemin qu’a- vait suivi l’infortuné Porlier , lorsqu’en 1815, il tenta la même entreprise. Le comte de San-Ro- man habitait Santiago: on prétend que ce général avait précédem— ment manifeste le désir de s’unir à ses concitoyens , en faveur d’une révolution ; dans cette circon- stance il s’y opposa ouvertement. Secondé par les chanoines , il reu- nit environ deux cents hommes, appartenant à divers corps licen- ciés et à divers ordres qui se trou- vaient dans la ville. Il dépècha en même temps un courrier à Ma- drid , pour informer le Roi des événemens survenus à la Corogne, et des dispositions qu'il prenait pour arrêter l'insurrection. Le petit nombre de ses soldats etleur peu de zèle , ne lui permettant pas d'attendre Acevedo dans la ville, il en sortit le 24 mars, espérant rassembler de plus grandes forces, à l’aide de $es proclamations et en publiant les ordres qu’il avait en- voyés à différentes villes. Acevedo, après avoir pris les précautions nécessaires , entra à Santiago , où il fit publier la Constitution , réta- blit les autorités constitutionnel- les, et augmenta sa troupe d’une multitude de soldats et d’officiers, qui avaient réfusé de suivre le comte de San-Roman. Une recon- ACE maissance envoyée en avant pour visiter la ville, avait déjà fait ou- vrir les cachots de l’Inquisition et mettre en liberté les prisonniers, parmi lesquels se trouvait le comte de Montio, grand d'Espagne, qui avait été destitué du commande ment de la province de Grenade, et livré aux inquisiteurs, par l'effet desintrigues de l'archevêque de Grenade (1). Acevedo partit de Santiago avec sa division , et pour- suivit, sans relâche, le général San-Roman, qui s'était renforcé d’une partie de la colonne des gre- nadiers provinciaux, commandés par leur colonel, le comte de Tor- rejon, grand d’Espagne , arrivé en poste de Madrid, pour se mettre à leur tête. Le 4 mars une division envoyée de la Corogne, sous Îles ordres du colonel Espinosa , jo1- gnit celle d’Acevedo, et toutes deux continuerent à harceler les troupes de San-Roman , qui s’af- faiblissaient dans leur fuite, par de continuelles désertions. Ace- vedo les repoussa sur tous les points , les obligea d'abandonner la ville d'Orense , où elles espé- raient se fortifier, les délogea de la rive gauche du Minho, et les poursuivit jusqu’au delà des fron- tières de la province. Le 8 mars, l’armée parvint aux Portillas de la Cauda, surnommées les T'hermo- pyles, où le comte de Torrejon s'était posté, après avoir reçu de (1) Le comte de Montijo passait der- nièrement pour appartenir aux anrle- ros, ou partisans des deux chambres. C’est à lui que le comte de l’Abisbal adressa, peu de jours avant l'entrée des Français à Madrid , sa lettre désappro- bative de la constitution de Cadix, et qui fut le prélude de sa défection. ACE ps 229 San-Roman l’ordre expres de de fendre ce point à tout prix. La nuit suivante et la matinée du 9 se passèrent en conférences , dans la vue d’éviter l’effusion du sang ; mais le 9, à deux heures de l’apres- midi, Acevedo, voyant que les pourpalers ne finissaient pas, me- naça d'attaquer la position. A peine sa colonne se fut-elle mise en mouvement , que toute la ligne ennemie se débanda; et, d’apres l’état des positions respectives , sa perte paraissaitinévitable, lorsque Acevedo arrèêta le mouvement de ses troupes. Emporté par une ma- gnanime imprudence , il s’avança seul, traversa , au galop, le village de Zadornelo, et, rencontrant , à la sortie de ce village, les nuli- ciens en déroute , 1l poussa son cheval au milieu d’eux ; et là, le chapeau à la main, et l’épée dans le fourreau: « Mes amis, leur » cria=t-1l, nous sommes tous » frères ! quelle fatalité nous dés- » unit! Abandonnez ces ambi- » tieux qui vous arrachent à vos » foyers ; écoutez Ja voix de vos pères qui vous rappellent au sein de vos familles. » Animé de l'espoir que les fugitifs écoute- raient ces paroles pleines de raï- son, etcédant à son amour ardent pour l’humanité, Acevedo ne fit pas attention qu'il s'était porté trop en avant de sa troupe , et que plusieurs miliciens se trouvaient entre elle et lui ; quelques-uns de ces derniers s'étaient caches dans une embuscade; ils le virent sans défense, lui tirerent trois coups de fusil, et percerent le cœur d’un homme qui avait fait respecter la vie de ses ennemis depuis le mo- ment où 1ls avaient commencé à fuir de Santiago. À peine ses meur- 15 “ ” r 24 226 ACE triers le virent tomber de cheval, qu'ils s’'approchèrent de lui pour le dépouiller ; mais les volontaires d'Aragon qui arrivaient en cet instant, tomberent sur eux, les mirent en déroute complète , et revinrent ensuite relever leur gé- néral, qui, avant d’expirer , leur adressa ces paroles : « En avant, » mes enfans! ne vous inquiétez » pas de mon cadavre; je meurs » en accomplissant mon devoir ; » vive la liberté! vive la nation!» La mort héroïque d’Acevedo, loin de décourager ses soldats, les rem- plit de fureur ; les ennemis , atta- qués de toute part, se rendirent ou se disperserent , et leur chef, San-Roman, fut obligé de se ré- fugier en Portugal. Le jour même où Acevedo expirait, le roi d’'Es- pagne jurait la Constitution, à Ma- drid. La mort de cet illustre pa- triote causa la plus grande conster- nation dans la Galice, dont tous les cantons avaient déjà proclame la Constitution. La junte suprème de la Corogne déclara que le ge- neral Acevedo avait mérite de la patrie au degré le plus éminent ; elle ordonna que le 9 mars, jour de la mort de ce premier martyr de la. hberté espagnole, füt inscrit dans le calendrier , en caractères italiques ; que toute la province prit le deuil pendant trois jours ; qu’on lui rendit dans les principa- lés villes et places fortes de la Ga lice, les honneur funebres dus à la dignité de capitaine-général ; que son corps fût transporté à la Coro- ne , où ses obsèques furent céle- brées avec grande pompe, et qu’on clevât dans cette ville un tom- beau magnifique , pour y déposer ses restes. Les Cortes, réunies en 1820 , confirmerent , sur la pro- ACH position du député Cepero, la de- claration de la Junte suprême, portant qu’'Acevedo avait bien mérité de la patrie. En outre, sur la demande du député Baamonde, elles ordonnerent que le nom d’Acevedo füt conservé dans l’Al- manach militaire , comme s'ilexis: tait encore, et qu'il restât inscrit sur les contrôles du régiment où il avait servi (Extrait de la Biogra- phie-Barthélemy, tom: 1; p. 5x). ACHARD (Francois CHARLES), chimiste, directeur de la classe de physique de V Académie royale de Berlin ; né dans cette ville le 28 avril 1754, selon Meusel ; ou en 1755, selon l'inscription de son portrait , grave dans le tom. LXV de la Bibliothèque universelle Ger- manique ; est surtout connu par la fabrication du sucre de betterave, qu'ilale premier exécutéeen grand et avec succes. Il publia , en 1602, des calculs dont il résulterait, que ses expériences , à cet égard , assu- rent à la Prusse, une économie de deux millions et dermi de rixdalers. Achard est mori à Cummern, en Silésie, le 22 avril 1621 , âgé de 69 ans. Nous connaissons de Jui : E Mémoires Physiques et Chimi- ques. Berlin , 1700. + IT. Lecons de Physique expéri- mentale. Berlin, 1791-92, 4 vol. in-5. IL Fnstruction sur la prépara- tion du sucre brut, du sirop et de: l’eau-de-vie de betterave. Berlin, 1800 , in-8. Cet écrit a été suivi de plusieurs opuscules sur le même sujet. On doit encore à cet auteur quelques ouvrages populaires d'agriculture, et un grand nombre de Mémoires, répandus dans les divers journaux ASS de physique et de chimie ; qui se publient én Allemagne. Achard a concouru aussi à la publication d’un Dictionnaire de Technologie. Presque tous ses ouvrages sont écrits en allemand. ASSEMANTI (SrMox) (1); savant orientaliste, naquit à Tripoli de Syrie, le 20 février 1752. Appelé à Rome, où sa famille avait ob- tenu le droit de cite, et honneur du patriciat, il entra au collège des Maronites, dirige par les Je-. suites. Après avoir fait sa philo- sophie et sa théologie dans le Collège romain, il retourna en Orient et y exerça pendant 12 ans, le ministere ecclésiastique , dans les missions : rappelé à Rome par ses oncles, le nonce Garampi, depuis cardinal , l’attira à Vienné, (1) La famille Assemani a donné à l'Eglise et à la philologie orientale plusieurs savans personnages , qu’il im- ‘porte de ne pas confondre : 1° Joseph Simon Assemani, archevêque de Tyr, et préfet de la bibliothèque du Vati- can , mort le 14 janvier 1768 , auteur, entre autres ouvrages, dé la Zzblio- theca orientales , Clementino -Vaticana. Eomeæ , 1519-28 , 4 vol. in-fol.; et des Acta S. $S. Martyrum orientalium et occidentalium. Romæ, 1748 , in-fol. 2° Etienne Evode Assemanr , neveu de Joseph Simon , archevêque d’Apamée, et successeur de son oncle dans la charge de préfet de la bibliothèque du Vatican, éditeur des OEuvres de Saint- Ephrem (en arménien), etc. 3° Joseph Louis Assemant , second neveu de Joséph Simon, professeur de syriaque à la Sapience et au collége de la Pro- pagande , mort le 9 février 1782 , au- teur de plusieurs écrits d’érudition ec- clésiastique. Simorr Âssemani , qui fait le sujet de cet article , était neveu des “icux précédens, et petit neveu de Joseph Simon. 227 ASS où 1l fut employé quelque temps à la bibliothèque impériale ; il devint ensuite professeur de lan— gues orientales au séminaire de Padoue , fondé ävec magnificence dans le 17° siecle , par le cardimal Barbadigo ; ét remplit depuis les mêmes fonctions dans l’université de cette ville. Les savans écrits de Simou ÂAssemani sur la numisma- tique ; l'astronomie et la biblio- graplrie orientale, ont été men- tüonnés honorablement, par ‘Ti- raboschi, et dans les Mémoires de l’Institut de France. Il était membre de l’Académie des scien- ces, belles-lettres et arts de Pa- doue , et de l’Institut du royaume d’Italie.Ce docte maronite est mort à Padoue, d’une flaxion de poitrine, le 7 avril 152t , à l'âge de 60 ans. Trois jours avant sa mort, il avait annoncé à l’Institut italien, la lecture d’un nouveau mémoire qu'il lui destinait. L'Université de * Padoue lui a rendu de’ grands honneurs ;, et le professeur Zabeo a prononce son éloge funèbre (1). Liste des ouvrages de S. Assemani. L. Catalogo de codici manoscritti (1) Il existe encore à Rome un mem- bre de Ïa famille Assermañi , Antoine Simon As$émani, qui occupe une chaire de chaldäïque-syriäque et de Htuwgie orientalé à la Sapience ; enfin ; bn a vu. à Rome , il ÿ a quelques années, Jo- seph Assemani , abbé-général-ritre des moines maronités, qui fut député du patriarche d'Antioche , dés évêques maronites, de l’émir des Druses, et de divers autres princes d'Orient , pour venir féliciter Pie VII, sur son retour dans ses Etats. Il ést reparti dé Rome le 19 mat 1817, pour retourner en Orient. - BEL orientali della biblioteca Naniana. Padova, 1787 , 2 vol. in-4. — Ca- talogue des manuscrits orientaux de la bibliothèque du comte Nani. IT. Saggio sull origine, cullo, letteratura e costumi degli Arabi, avanti il pseudo-profeta Maometto. Padova, 1787, in-8. — Essai sur l'origine , la civilisation , la litté- rature et les mœurs des Arabes, avant le faux prophète Mahomet. III. Globus cælestis cufico-ara- bicus, V'eliterni musæi Borgiani, 228 BEN illustratus; præmissä de Ara- bum astronomià dissertatione, et duabus epistolis Jos. Toaldi. Pa— tavii, 1990 ,in-{, fig. — Descrip- tion du Globe céleste cufico-ara- bique du musée Borgia, à Veletri ; précédée d’une dissertation sur l’astronomie des Arabes, et de deux épiîtres de Joseph Toaldo. Divers biographes attribuent au même auteur, des Dissertations sur des monumens arabes , en Sicile et à Vienne. B. BELL (Joux), chirurgien d’E- dimbourg , a joui d’une grande réputation en Ecosse. Il est mort à Rome, le 15 avril 1820. On a de Jui : I. The Anatomy of the human body.— L’Anatomie du corps hu- main. 1705, in-0. Tom. I‘, con- tenant les os, les muscles et les articulations. Tom. Il, 1707, con- tenant le cœur et les arteres. Tom. III, 1802, contenant l’ana- tomie du cerveau, la description de la distribution des nerfs, et l’anatomie de l’œil et de l’oreille; avec des planches gravées par Charles Bell. Ce même Charles Bell, aussi chirurgien à Edim- bourg, a publié : À System of dissections , exæplaining the ana- tomy of the human body, by John Bell. — Systeme de dissection, pour servir à l’explication de l’ana- tomie du corps humain, de John Bell; 1800 , in-fol. La 3° et der- niere édition de l’anatomie de John Bell, est de 1811, 3 vol. gr.in-8. il a gravé et publié lui- même les planches qui se joignent a ses deux premiers vol. 1794 et 1807 , in-4 ; 1812, in-6. IT. Discourses on the nature and cure of Wounds.— Discours sur la nature et le traitement des Plaies. 1709 , in-8. — 3° édit. 1812. IIT, Answer for the junior mem- bers , etc. — Réponse pour les plus jeunes membres du College royal des chirurgiens à Edimbourg , au mémoire de D' James Grégory, adressée aux administrateurs de l’Enfirmerie royale. 1800, in-6. (VW. ci-apres l’art. James GREGORY). IV. The Principles of Surgery. — Principes de Chirurgie. 1501- 1800, 3 vol. in-4. V. Letters on professional cha- racter and manners, etc. — Lettre sur le caractere propre à la profes- sion de chirurgien, ou l'éducation du chirurgien, et les devoirs et qualités du médecin. 1811, in-8. BENINCORI (....… ), musicien italien , acquit très-jeune encore de la réputation dans sa patrie et en Allemagne. 11 fit jouer sur le théâtre de Vienne, un opéra inti- tulé Nitetis. C'est aussi dans l’e- tranger qu il publia ses deux pre- miers œuvres de quatuors, pour deux violons, alto et violoncelle. Les œuvres trois , quatre et einq de quatuors, ontété gravés Paris. L'œuvre six est composé de trois trios pour piano , violon et violon- celle, dédiés à M*° Dupython, ha- bile pianiste. L'œuvre sept a paru en 1509. À cette époque on con— naissait encore de M. Benincori trois quatuors : manuscrits. Depuis quelques années il s'était fixé à Paris, où il donnait des lecons de piano etde chant ettravaillait pour le theâtre.Outre eût opéras joués à Feydeau avec quelque succes ,on doit encore à Benincori une por- tion considérable de la musique de la Lampe merveilleuse, opéra en cinq actes , paroles de M. Beines jouée, en A2 , sur le théâtre de l’Académie royale de musique, et que Nicolo avait laissée impar- faite. Benincori a compose exclu- sivement les trois derniers actes , la marche quitermine le ie : la fin du premier chœur, la 2°, la 4° scène , et une partie “duidèrs nier un du second acte , l’ou- verture et les airs de danse ; . voit que la portion du second musicien n'est pas la moins remarquable de l’ouvrage. Benincori est mort à Paris, par suite d’une affection au pylore , le 30 décembre 1821, âgé de 41 ans. BERNHARDT( Ju }, mort à Munich, le 26 juin a, Ce ‘savant s ar fait connaître avan- tageusement par ses Essais sur l'histoire de l’Imprimerie. Is font partie du recueil intitulé: Maté- riaux pour servir à l’histoire et à La littérature, que publiait le baron BON 239 Christophe d’Aretin. M. Bern- hardt avait encore d’autres titres httéraires, et l’on estime beaucoup son Codex traditionum ecciesiæ Ra- vennensis, in papyro scriptus, De- puis 4o ans, cet estimable savant remplissait les fonctions de biblio- thécaire à la bibliothèque royale de Munich. il était décoré de l’ordre du Mérite civil (Revue En- eyclopédique,tom. XIIT, pag. 222 . BONDI ( l’abbé CLÉMENT) na- quit à Mezzano, dans le Parmesan (et non à Mantoue, comme on l’a dit dans la Biographie des Hom- mes vivans), en 1742. Il avait pris la robe de Jésuite, mais 1l la quitta sans regret, puisqu'il composa un canzone sur l'abolition de la Société. Celle-ci eut encore assez de crédit pour le faire poursuivre à ce sujet, etil fut obligé desecacher quelque temps dans le Tyrol. Mais enfin il obtint la protection de l’archiduc Ferdinand , gouverneur de Milan, qui lenomma, en 1705, son biblioihécatt à Bu , en Moravie, et lui confia l’éducation de ses RATE : l’un d’eux est au jourd’hui le duc régnant de Mo- dene. La derniere impératrice d'Autriche, morte en avril 1816, avait eu aussi pour maître de ré térature et d'histoire l’abbé Bondi , qui avait faitde Vienne sa seconde patrie. Il est mort en cette ville, dans le cours de l’année 1821, à l’âge de soixante-dix-neuf ans, et a été enterré dans la même église que son compatriote Meétastase. La répulation poétique de Bondi est fondée principalement sur sa tra— duction de l’Énéide, en versi sciolti (Parma, Bodoni, 1703, 2 vol. in-5). Il est des Italiens qui l’élevent, sous quelques rapports, au-dessus. LON de celle d’Annibal Caro, faite dans la même langue, près de trois siècles auparavant, et que personne jusqu ’alors ’avait essayé de faire oublier. Lors de la publi- cation de la traduction française de Delille, en 1804, on ft à Milan, dans un ouvrage pério— dique fronts, intitulé : Le Cour- rier des Muses pa des Grâces, une comparaison des trois traducteurs de l'Énéide, que nous venons de nommer; l’opinion du critique était que Bondi l’emportait sur Caro, pour la majesté épique, sur- tout dans le livre IV®, mais qu'il lui était inférieur pour la fidélité et de Nage pour l'énergie. Il paraît que l’opinion commune des Ita- hens a trouvé ce jugement trop favorable. Ce n’est pas la seule fois que Delille s’est rencontré traiter le même sujet que le poëte italien, car celui-ci avait fait un johh poeme sur la Conversation ( le Conversazioni), avant que Delille entreprit celui qu'il a pu- blié en 1812. Mais le champ parcouru par Bordi dans ce der- nier poeme, est plus vaste que celui dans lequel le poëte français s’est renferme. Au surplus, on a cité dans les notes du poëme de Delille, de jolis fragmens de l’ou- vrage de Bondi. Notre Jésuite a donné aussi une traduction ita— lienne des Géorgiques ( Vienne, 1800, in-4), et même, à ce qu’il paraît, des Métamorphoses d’O- vide. La Conversazione, la Gior- nata villerecia (la Journée cham- pêtre ), poëme badin en trois chants ; la Félicità (le Bonheur) en deux chants ; l’AÆsinata(V'Anerie), poëme burlesque ; la Moda , des Sonnelts , des Canzoni, et autres poésies de Bondi ont été recueillies 230 BON à Pise, dans les r1° et 12° vol. de la collection intitulée : Parnasso degli italiani vivanti. Son talent se fait particulièrentent remarquer dans les sujets tendres et mélan- coliques. BONNYCASTLE( Jon), ma- thématicien anglais, naquit à Witchurch, dans le comté de Buckingham. Ses parens, quoique peu riches, lui PIPERTEREES une education soignée , à l’aide de la- quelle il espéra trouver fortune à Londres , où il vint se fixer. Il s’ adonna entierement à l’étude des mathématiques. Marié dès l’âge de dix-huit ans, il fut chargé par le comte de Ponfret , de l’éduca- tion de ses deux fils ( le comte actuel de ce nom , et l’honorable général Fermor); il se trouvait d'autant plus propre à bien rem- phr cette tâche, qu’il était parfai- tement familier avec les deux lit- tératures de l’antiquité classique, et connaissait en outre les lit- tératures de la France, de lVI= talie et de l'Allemagne, non pas jusqu’au point de parler les lan— pues de ces divers Pays , mais de maniére à lire et à sentir leurs écrivains. M. Bonnycastle fut nomme uu des professeurs de ma- thématiques de létablissement royal de Woolwich , où 1l a en- seigné ces sciences ‘draft qua- rante années , consacrant le su- perflu de son temps à composer des livres élémentaires sur le même objet. Ses traités d’arith- métique, d’algebre, de mesurage, sont devenus classiques dans les écoles anglaises ; son traité d’as- tronomie est également populdire en Angleterre ; il atteste à la fois les vastes connaissances , le talent BOU | de style et les religieux sentimens de l’auteur. Bonnycastle est mort en 1821. Liste des ouvrages de J. Bonnycastle. I. The Scholar’s Guide to arith - metic. — Le Guide de l’'Ecolier en Arithmétique. 1780 , in-12.—Ce livre a eu 13 éditions; la 9° est de 1811. "IT. Introduction to mensuration and practical Geometry. — Xntro- duction à l’art du mesurage et à la Géometrie pratique. 1782, in-12. IT. Zntroduction to Algebra.— Introduction à l’Algebre. 1792, in-12, IV. Introduction to Astronomy. — Introduction à l’Astronomie. 1766 , in-8. V. Euclid’s elements of Geome- try.—Elemens de Géométrie d’Eu- clide. 1789, in-8. - VI. General history of Mathe- matics , etc. — Histoire générale des Mathématiques , traduit du français, de Bossut. 1803, in-8. Vil. À Treatise on plane and spherical trigonometry.—Traitéde Trigonométrie plane et sphérique. 1806 , in-8. VIII. Introduction to Arithme- tic, etc. — Introduction à l’Arith- métique, formant la première partie d’un Cours général de Ma- thématiques. 5810, in-8. IX. À Treatise on Algebra. — Traité d’Algebre. 1513 , 2 vol. in-8. BOURKE (Eomox», comte de), grand’croix de l’ordre de Dane- brog , chevalier de l’ordre de V'Aigle-Blanc de Pologne, con- seiller intime des conférences de BOU 231 S.M. le roi de Danemarck, et son ministre pres la cour de France, naquit à Sainte Croix, le 2novem- bre 1761 ;ilest mort aux bains de Vichy, le 12 août 1821, Il était issu de l’une des plus anciennes familles d'Irlande. L’ancêtre com- mun des Burke et des maisons de Burgk , de Burrougk et Bourrow, était Robert de Burgo, créé comte de Cornouailles en 1068, par Guillaume-le-Conquérant , de qui il était frere utérin , avec le don de 780 manoirs. Son frere Odo, évèque de Bayeux , fut créé comte de Kent. La branche des Bourk, de laquelle descendait le comte Edmond, étant restée fidèle à ancienne religion du pays, fut persécutée , exclue de tout em— ploi, et passa en Danemarck au commencement du siecle dernier. Le comte Edmond fut élevé d’a— bord au collége des Jésuites an- glais à Bruges, et apres la sup— pression de cet Ordre, au Collége des Bénédictins anglais à Douai. Il acheva son éducation à Bruxel- les, voyagea avec son pere; et apres l’avoir perdu à Londres, il retourna en Danemarck, et entra à l’âge de trente ans, dans la car- riere diplomatique. Il fut nommé, le 24 juillet 1589, chargé d’af- faires pres la cour de Pologne, et y fut placé le 17 septembre 1-00, en qualité de ministre. Le 18 mai 1792, il fut nommé munistre à Naples ; 1l resta dans cette cour jusqu'a la fin de 1797, ayant été nommé ministre à Stockholm le 21 octobre de cette année. Rap pelé de Stockholm le 7 août 1807, il fut envoyé à Madrid , où il recut la grande décoration de. l'Ordre de Daunebrog. Il obtint, en 1611, la permission de voyager pour sa BOU santé, et deux ans apres, en dé— cembre 1613, il fut chargé de préparer etde coca divers trai- tés avec les puissances alors en guerre avec le Danemarck. Apres avoIx négocié et signé à Kiel, le 14 janvier 1814, le traité avec la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemarck, par lequel la Nor- wège fut PS: à la Suede , il fut charge des divers traités qui sui- virent; celui avec la Russie, qui fut conclu à Hanovre le 8 février 1914, et celui des articles addi- tionnels avec l'Angleterre, qui fat signé à Liége le 7 avril 1814 Pendant que le comte de Bourke était occupé a remplir ces impor - tantes missions , à l’entiere satis— faction de son gouvernement ele 17 mars de la même année, il fut nommé ministre pres la cour de la Grande-Bretagne. Il conclut à Londres, le 14 août, un traité avec l'Espagne. Le 2° juillet 1815, il eut l’honneur de remettre au Prince-régent , les décorations de l’ordre de l'Eléphant. La santé du comte de Bourke se trouvant ex- trémement délabree, il obtint, vers la fin de 1819, la permission de voyager en Italie. Le 29 no- vembre*1820, ayant été nommé ministre à a , il se rendit à sa nouvelle résidence dans le mois de janvier 1821. Il y était à peine établi, lorsque les symptômes de sa maladie reparurent, et s’aggra- verent de jour en jour, et bientôt les espérances qu’on avait conçues ce son rétablissement s’évanoui- rent. Il fut enleve le 1 2 août 1821 à ses amis, et mourut aux bains ce Vichy, dans les bras d’une épouse qui l’aimait tendrement, etquine se consolera jamais d’une perte aussi cruelle. BUC (Cette Notice est extraite d’u volume intitulée : Notice sur les ruines les plus remarquables de Naples et de ses environs , rédigée (en 1705) par le comte Edmond de Bourke, publiée par sa veuve, et dédiée aux amis de son mari, Paris, Cellot, 1823, in-8 de xvii et 256 pages, orné du portrait de l’au— teur et d’un grand nombre de planches lithographiées.— M"° Ja comtesse de Bourke , femme aussi distinguée par son esprit que par l'élévation de ses sentimens, est la même qui, pendant l’été de 1823, reçut de la police française Pinvi Res de quitter la France, à ce qu'il paraît parce qu ’elle recevait dans son salon les per- sonnages les plus distingués dans J’Opposition, de l’une et l’autre Chambre, mesure dont les bons oflices du corps diplomatique ont obtenu la révocation ). BRYAN ( Micner ), mort à Londres en 1821, a coopéré à la formation de la belle galerie de Mgr. le duc d'Orléans. On lui doit l’ouvrage suivant : À Biographical and critical Dictionary-of. Painters and Engravers. — Dictionnaire biographique et critique des Pein- tres et des Graveurs. Premiere et deuxieme parties ; 1813, in-{.— 1816, London, 2 vol. in-4. BUCH (Cnarres-Louis), an- cien avoué au tribunal de Muns- ter, sous la domination française, était ne à Burgsteimfurdt, le 29 décembre 1753, et mourut dans la premiére ville, le 17 janvier 1621. Il est tri de plusieurs écrits politiques, parmi lesquels il en est un sur cette question : Les paysans des contrées où les lois BUH françaises ont détruit la servitude peuvent-ils, depuis le retour del an- cien ordre de choses , compter avec quelque fondement sur la continua- tion de leur liberté? Buch publiait ce Mémoire en 1814 ,et, comme on peut le penser, son ouvrage produisit une vive sensation ( Re- vue Encyclopédique, t. XI, pag. 413). BUHLE ( Jean - THéopuiLe- . GoTTL1Es) , philologue allemand, né à Brunswick, le 27 septembre 1763, enseigna la philosophie à l’Université de Goëttingue , depuis 1797, en qualité de professeur extraordinaire , et depuis 1794 ; comme professeur ordinaire. Il accepta, en 1004 , la place de pro- fesseur de philosophie à l’Univer- sité de Moscou, avec le titre de conseiller de Cour. La littera- ture classique lui doit un grand nombre d'ouvrages importans , et son Histoire de la Philosophie, traduite en notre langue, l’a fait connaître tres - avantageusement parmi nous. Buhle est mort à Brunswick , le 10 août 1821. On lui a consacré un article dans le n° IX (nouvelle série, 1822) des Contemporains, ouvrage périodi- que, publié à Leipsick, chez le hbraire Brockaus. Liste des ouvrages de J. Th. G. Buhle. I. Observations critiques sur les monumens historiques de la civilisa- tion des anciens peuples Celtes et Scandinaves ( en allemand). Goët- tingue , 1789 , in-S. IT. Manuel de l'Histoire de la Philosophie, et d’une litérature critique de la même science. Goët- BUH tingue, 1796-1804, 8 volum. in-0. LIT. Précis de la Philosophie transcendante. Goëttingue , 1798, in-5. IV. Manuel du Droit naturel. Goëttingue, 1709, in-8. | V. Geschitche der neuern philo— sophie. — Histoire de la Philoso— phie moderne, depuis la renais— sance des lettres jusqu’à :Kant; précédé d’un Abrégé de la Philo- sophie ancienne, depuis Thales jusqu’au X1V* siecle. Groëttin- gue , 1800, 6 vol. in-8. — Tra- duit en français, par J. L. Jour- dan, Paris, Guillaume, 1516, 6 vol. in-8. Cet ouvrage forme la 6° section del’Histoire des arts et des sciences, depuis leur renaissance jusqu’au 18° siècle, à exécution de laquelle ont concouru les plus savans profes- seurs de l’Université de Goët- tüngue. VI. Origine et Histoire des Roses-Croix et Francs - Macons. Goëttingue , 1803, in-8. | VII. De optimä ratione, quà historia populorum qui ante secu- lum nonum terras, nunc imperio russico subjectas, præsertim meri- dionales , inhabitasse aut pertran- sisse feruntur,condipossevideantur. Moscou , 18006, in-4. VIII. Sur l’origine de l’espéce humaine et le sort de l’homme après la mort. 1821. On doit à Buhle les deux édi- tions suivantes : Aristotelis Opera, græcè, re-— censuit , annotationem criticam et novam versionem latinam adjecit J. T. Buhle. Biponti, 1792 et Ar- gentorati, 1800 ,in-8, 5 vol. — Ces cinq vol. contiennent l’Orga- num, la Rhétorique et la Poétique. 233 234 CAR Cette édition est fort estimée ; mais il y a peu d'espoir qu’elle soit jamais terminée. X. Arati Phænomena et diose- meia, græcé et lat. cum scholiis, edi- dit J. Th. Buhle. Lipsiæ, 1793- 1801, 2 vol. in-8. — Edition tres- estimée. Buhle a donné aussi une fra- duction allemande de Sextus Empi- ricus ; et 1l a publié la Correspon- CAR dunce littéraire de J. D: Michaëlis. Leipzig, 1794, 2 vol. in-8. Plusieurs ouyrages périodiques d'Allemagne, tels que les Com- mentationes societatis regiæ scien- tiarum Goettingæ, le Magasin de Psychologie, par Moritz et Poc-— kel, la Bibliothèque de La nature et de l’art chez les anciens, etc, ont été enrichis par Buhle, de beau— coup d'articles de critique. C. CAROLINE, AmÉLIE-ÉLisa- BETH, reine d'Angleterre, femme de Georges IV, était fille de Char- les-Guillaume-Ferdinand, prince de Brunswick Wolfenbuttel, tue à la bataille d’Iéna. Sa mere était la sœur aînée de Georges IIT, et par conséquent la jeune princesse se trouvait cousine germaine du prince qu’elle accepta pour époux. Elle naquit le 17 mai 1766. On dit qu’elle se fit remarquer des l’âge le plus tendre, par une viva- cité d’esprit et une fermeté de caractère, qui semblaient présager l'énergie qu’elle développa vers la fin de sa carriere. En octobre 1786, Mirabeau écrivait de Bruns- wick, que la princesse Caroline était une personne « tout- à fait aimable, spirituelle, jolie, vive, sémillante » (Histoire secrète de la cour de Berlin. Lettre XX XV ). La cour du duc de Brunswick, où Ja jeune princesse fut élevée, à Wolfenbattel, sous les yeux de sa mére , était alors une sorte d’école de tactique militaire , fréquentée par les officiers les plus distingués des divers royaumes de l’Europe. Les biographes an- glais attribuent à cette circon- stance le ton peu réservé qui ré- gnait dans cette résidence. La princesse y avait contracté l’ha- bitude de cette liberté de mamieres et de cette légereté de ton, qui se trouya contraster étrangement avec les habitudes modestes et réservées des femmes anglaises, et qui fut sans doute une des prin- cipales causes des chagrins qui ont empoisonne ses jours. Le ma- riage de la princesse Caroline de Brunswick avec le prince de Gal- les, fat conclu au mois de dé-— cembre 1794, sur la demande de Georges III, et fut célébré dans la chapelle royale du palais de Saint-James, le & avril 1995: Le Prince de Galles avait des lors pour 600,000 livres sterlings de dettes ; le Parlement voulut pour- voir à leur extinction, outre la magnificence avec laquelle il dota le couple royal, qui s'établit au palais de Carlton. Cette umion, qui avait éte désirée par le Roi, s’'accomphit, dit-on, avec quel- ques regrets, de la part de son fils. Ce Prince, dont le cœur était deià attaché ailleurs , ne céda qu’à des considérations politiques et aux volontés de son père. Tou- / LEE ETS = T e: +$ + NAS ce + RENAN PAS Me HS | CAR tefois , s’il est rare que les unions des princes dictées par la polti- que soient embellies par l'amour, on pouvait espérer de l'éducation et de la haute naissance des deux époux , qu'ils couleraient ensem- ble une vie paisible. Malheureu-— sement pour la vation et pour eux-mêmes, il n’en fut point ainsi. Tres-peu de temps après leur ma- riage , 1l s’éleva entre le prince et la princesse de Galles des discus- sions d’une nature extrêmement délicate, qui detruisirent pour eux tout espoir de bonheur con- jugal. On les attribua à l’incon- duite réciproque des deux parties; les plus indulgens se sont bornés à en accuser les cabales des per- sonnes qui entouraient le Prince. Cependant le 7 janvier 1796, la princesse de Galles accoucha d’une fille, qui fut depuis la princesse Charlotte de Saxe-Cobourg, enle- vée dans la fleur de l’âge aux es- pérances de l’Empire britannique, sur lequel elle allait régner. Peu après la naissance de la princesse Charlotte, la mésintelligence dont nous avons parlé éclata de nou- veau entre ses parens, et ils ve- curent desormais séparés, quoi- que logés dans le même palais. Au mois d'avril 1796, le prince de Galles fit signifier à son épouse, par l'intermédiaire de lord Chol- mondely , que toutes relations conjugales cesseraient désormais entre eux. La Princesse donna son consentement à cet arrangement, sous la condition seulement , que la séparation une fois admise, de- meurerait définitive et irrévo— cable , et qu’elle lui serait signi- fiée par écrit. En conséquence , la lettre suivante lui fut adressée : CAR 235 «e Windsor-castle 30 » avril 1706. » Madame , lord Cholmondely » m'ayant informé que vous sou- » haitez que je fixe par écrit les » termes dans lesquels nous de- » yons twre à l’avenir, je tàche- » rai de m'’exprimer sur ce point, » avec tonte la clarté et la préci- » sion que Je sujet peut permettre. » Nos inclinations ne dépendent » pas de nous , et nous ne sommes » point responsables de ce que la » nature ne nous a pas faits l’un » pour l’autre. Mais il est en notre » pouvoir de nous procurer une » existence tranquille et heureuse. » Bornons-nous désormais à ce » point, et quant.à moi, je sous- » cris expressément à la condition » que vous proposez, par l’entre- » mise de lady Cholmondely ; en » sorte que, quand même il arri- » verait quelque malheur à ma » fille (ce que je prie la Providence » d’eéloigner d’elle, dans sa bonté), » je me garderai d’enfreindre les » termes de nos conventions, en » proposant, à quelque époque » que ce soit, un rapprochement » d’une nature plus particulière. » Je terminerai cette désagréable » correspondance , en formant le » V@u , quapres nous être ainsi » complétement expliqués réci- » proquement , le reste de notre » vies’écoule dans une tranquillité » non interrompue.— Je suis, Ma- » dame , avec la plus grande vé- » rite, votre sincèrement dévoué » GEORGES. P, » À cette lettre, la Princesse ré poudit par la lettre suivante : « La confirmation écrite de ce » que vous aviez dit à lord Chol- » mondely, ne re surprend nine 226 / » m'étonne : votre lettre ne fait » qu’exprimer positivement ce que » vous aviez tacitement insinué il y » aun an. Après cela, il yauraitin- » délicatesse de ma part, ou plutôt » ceseraitune bassesse indigne, de » me plaindre des conditions que » VOUS VOUS imposez vous-même. » Je n’aurais point fait de réponse » à votre lettre, si les termes dans » lesquels elle est conçue n’avaient » laissé en doute, si l’arrange- » ment qu’elle contient vient de » vous ou de moi. Or vous de- » meurez averti qu'il vous appar- » lient exclusivement. Cette lettre » que VOus m’annoncez devoir être » la derniere, m’oblige à commu- » niquer au Roi, comme à mon » Souverain et mon père, votre » déclaration avec ma réponse. » Vous trouverez ci-incluse la co— » pie de ma lettre au Roi. Je vous » la communique , afin de ne pas » encourir de votre part le moin- » dre reproche de duplicité. Je » n’ai point en ce moment d’autre » protecteur que S. M.; je m'en » rapporte à elle seule sur ce su— » jet, et si ma conduite reçoit son » approbation , je serai consolée » jusqu'à un cer!ain point. Je re- » tiens l’expression de ma grati- » tude, pour la situation dans la- » quelle je me trouve, grâce à » vous, étant, en ma qualité de » Princesse de Galles , en état » de me livrer sans contrainte , à » la pratique d’une vertu chère à » mon cœur, je veux dire la bien- » faisance. — Je considérerai pa- » reillement comme mon devoir, » de donner entoute circonstance » l'exemple de la patience et de » la résignation. — Rendez-moi » la justice de croire, que je ne » cesseral jamais de prier pour CAR CAR » votre bonheur, et d’être votre » tres-dévouée. — CAROLINE; — » 6 mai 1706. » Il est juste d’observer ici qu’à cette époque, aucun reproche, même de la nature la plus légère, n’était encore adressé à la Prin— cesse. Les causes qui avaient provoqué cette rupture sont res— tées enveloppées de mystere. La correspondance des . deux époux ne fut pas encore ren- due publique , en cette circon- stance ; mais leur séparation eut heu immédiatement, et depuis lors la princesse de Galles resida à Montagu-House, dans le quar- tier de Blackheath, continuant d’ailleurs à se montrer à la Cour, avec les honneurs de son rang. Il parait même que dans ces pre- miers temps, elle vécut dans une retraite assez stricte. ne recevant qu’un tres-petit nombre de per- sonnes. Toutefois, en l’année 1804, il s’éleva un incident qui parut jeter des nuages sur la pureté de sa conduite. Le jour de la naissance du Roi, Jonathan Partridge, concierge du Belvedere, maison appartenant à lord Eardly, fut mandé par un lord d’un tres-haut rang (le comte de Moira \, et minutieusement questionné sur la conduite de la princesse de Galles , lors d’une visite qu’elle avait faite dans cette maison, quelques semaines aupa- ravant, accompagnée d’un gentle- man et de plusieurs dames, pour visiter les ornemens et les pein- tures du Belvédère. Lord Moira, qui était l’ami particulier du prince de Galles, ne put nean- moins rien obtenir de Partridge, qui fût de nature à jeter du blâme sur la Princesse. ! CAR Au commencement de l’année 1806 , le duc de Sussex informa le prince de Galles que sir John Douglas, qui habitait non loin de Montagu-House, résidence ordi- naire de la princesse de Galles, lui avait fait connaître certaines circonstances relatives à la con- duite de $S. A. R., qu'il lui parais- sait important de porter à la con- naissance de son époux , attendu ue , si elles étaient reconnues véritables , elles étaient d’une na- ture telle, que, non-seulement elles compromettaient l'honneur du prince de Galles, mais même la succession au trône. Sir John et lady Douglas ayant fait une déclaration formelle des charges qu’ils croyaient pouvoir avancer contre la Princesse, ce document fut soumis par le Prince à lord Thurlow,qui décida qu’il devenait inévitable de le porter à la con- naissance du Roi. Cet avis ayant été suivi, de nouvelles deéposi- tions furent recues , à la suite des- quelles un ordre officiel (warrant ) du Roi, du mois de mai 1806, commit et autorisa lord Erskine , comme lord-Chancelier , lord Grenville, comme premier lord de la Trésorerie, le comte Spen- cer, comme un des principaux secrétaires d'Etat de S. M., lord Ellenborough , comme chef de la justice de la cour du banc du Roi, à faire toutes les recherches né- cessaires à la découverte de la vé- rité, afin d’en apporter ensuite le résultat à S. M. Il faut remarquer que le mimistere se trouvait alors composé des personnes connues sous le nom d’amis du prince de Galles , M. Fox, lord Grey, etc. Avant de parler de la nature des déclarations qui provoquerent CAR ceite mesure , 1l convient d’indi- quer l’origine des relations de la Princesse avec les Douglas et les motifs probables qui durent les porter a se mettre en avant spon— tanement, en cette circonstance. Il a été constaté par la procédure, u’au mois de novembre 1801, sir John et lady Douglas étant venus se loger dans le quartier de Black- heath , la princesse de Galles s’ar- rêla un jour quelques minutes devant leur porte, au moment où lady Douglas rentrait chez elle, etsur les instances de cette dame, lui accorda la faveur d’entrer dans sa maison. Une liaison assez étroite naquit de cette circonstance. On en peut conclure que, par suite de sou caractère trop facile, la Princesse agit en celte occasion, qui devint par la suite la cause principale de ses chagrins , avec moins de circonspection qu'il n’est d'usage parmi les personnes de son rang. Cependant les liaisons entre la Princesse et les Douglas conti- nua sans altération jusqu’en 1804, époque à laquelle il paraîl que la princesse de Galles se trouva of fensée par quelque particularité de la conduite de lady Douglas. On a dit aussi qu’un avertisse ment anonyme lui fut donné de se méfier de cette personne. Quoi qu’il en soit, la Princesse, apres avoir fait refuser sa porte plusieurs fois à lady Douglas , se détermina à lui faire signifier par M", Vernoh, sa femme de chambre {, la cessation entiere de leurs rela=' tions. Il paraît que lady Douglas se sentil vivement offensée de ce procédé , et ses dépositions poste- rieures contre S. À. R. ont été représentées, non sans quelque apparencede raison,comme ayant 237 | 238 pris leur source dans le ressenti ment qu’elle éprouva. Lady Dou- glas elle-même avoua que, jus- qu’en 1604 , elle n’avait révélé à personne , pas même à son mari, les désordres qu’elle a imputés à la Princesse ; ellé convient en outre que ce ne fut point l’horreurqu’elle éprouvait pour de semblables dé= portemens, qui put la déterminer à parler , mais les offenses qu’elle éprouva dans ses propres senti mens. Lorsque le duc de Sussex fit sesprémières révélationsau prince de Galles , il ajouta que le duc de Kent en avait eu quelque connais- sance,unanauparavant. Le prince de Galles s’adressa directement au duc de Kent, lequel répondit à l’in- stant : « Qu’à peu pres vers la fin dé l’année 1804, ilavait reçu une note de la princesse de Galles, dans laquelle elle lui faisait part qu’elle venait de se trouver compromise dans uné altercation fàâcheuse , avec sir John et lady Douglas, au sujet d’une lettre anonyme et d’une sale caricature, qu'ils avaient eu l’audace de lui attri- buer à elle- même. La Prin- cesse priait le duc de Kent d'intervenir, afin d'empêcher la chose d’aller plus loin. En consé- quence, S. A. R. se procura une entrevue avec sir John Douglas, par l’intermédiaire de sir Sydney Smith, dans laquelle le premier manifesta la conviction ouilétait, que la lettre anonyme et le dessin licentieux provenaient tous deux de la main de la Princesse, et au- raient été exécutés dans l’inten- tion de -provoquer un duel entre sir John Douglas et son ancien ami, sir Sydney, au moyen d’une grossière msinuation contre ce der- mer et lady Douglas. Le duc de CAR CAR Kent déclara qu’il était convaineu e la fausseté de ladite insinua- tion, et à peu pres certain que les deux pièces en question n’élaient au fond, que quelque sotte fabri- cation , avec laquelle la Princesse ne pouvait avoir aucun rapport. Cette declaration produisit l'effet de faire taire pour un temps sir John Douglas. Le duc dé Kent ajoutait dans ses explications au prince dé Galles, qu’il n'avait pas cru devoir inquiéter S. A.R. d’une circonstance à laquelle chacun des deux époux devait souhaiter de rester étranger. Cependant les commissaires nommés par le Roi, Commence rent leurs informations par rece- voir la déposition , sous serment, de sir John Douglas et de sa femme. Il résultat essentielle- ment de ces dépositions , que la princesse de Galles aurait été grosse ét aurait accouché d’un en- fant , dans lé cours de l’année 1002. Lady Douglas déposait que, d’apres les visites à pied que sir Sydney Smith faisait à Montagu- House, elle le soupçonnait d’être le père de l’enfant ; maïs elle con- venait qu’elle n'avait jamais rien remarqué d’inconvenant dans la conduite de la Princesse, à l’égard de sir Sydney. La déposition dé sir John Douglas se bornaïit à dire que la Princesse lui avait paru en état de grossesse, en 1802. Ces deux témoignages étaient fortifiés par celui de quelques personnes qui avaient été au service deS. A.h., durant le temps de sa résidence à Carlton-House , bien que diverses circonstances de leurs déposi- tions se trouvassént contradic- toires avec celles des Douglas. Ainsi Robert Bidgood disait qu'il CAR avait observé certaines famiha- rités entre la Princesse et le capi- taine Manby , mais il ajoutait que rien n’avait dû lui faire soup- conner qu'elle ait jamais eu un enfant. Charlotte Sander, alle- mande, attachée à la Princesse en qualite de coiffeuse, déclare que l'enfant dont parle lady Douglas a été amené chez sa maitresse par une dame Ausiin, dont le mari travaillait dans Parsenal de la ma- rine, à Deptford. « La Princésse, dit Charlotte Sander dans sa dé- position , n’a été ni malade n1 in- disposée durant l’automne de1502. Elle ne pouvait être ni l’un ni l’au- tre à mon inst: or, je suis assu- rée qu’elle wa garde ni la chambre mi le lit, durant cet automne. Il n’est pas à ma connaissance qu'il yeûtaucun enfant dans la maïson; or , 1l eût été bien difficile de me cacher sa présence. Je ne me sou viens point que la Princesse soit devenue plus grosse que de cou- tume, dans le cours de l’annéé 1802. Je suis sûre qu’elle n’a point été enceinte ; car , élant sa coif- feuse , je m'en serais apercue. Je jure solennellement que je n'ai aucun motif de croire qué la prin- cesse de Galles ait jamais été grosse , tout letemps qu'elle a vécu à Montagu-House. Je n'ai ja- mais rien oui dire qui püt le faire supposer.Je n’ai jamais eu aucune raison de soupçonner que la Prin- cesse recüt les visites d’aucun homme à une heure indue. » Francis Lloyd, autre domestique de la Princesse, rendait témoi-— gage que l’enfant avait été ap- porté à Montagu-Fiouse par sa mere, dont le nom était Austin ; qu'au moment de la séparation l'enfant criait apres elle, et que CAR celle-ci lui disait qu’elle ne pouvait le garder. Marie-Anne-Wilson , 239 Le Thomas Stikeman , page de la Princesse, Sicard, son maïître- d’hôtel , s’accordaient également à déclarer d’un côté, que le petit Austin avaitétéamence à Montagu- House par sa mere; de l’autre, que là taille de leur maîtresse ne leur avait jamais présenté aucune des apparences de [a grossesse. Une masse considérable de dépositions s’accordaient pour démontrer que la plupart des allégations de lad Douglas étaient entachées de faus- sete. Les registres de baptême, accompagnés d’autres circonstan- ces, établissaient que Sophie Aus- tin, était accouchée d’un enfant mâle, qu’on avait nommé Wil- liam , dans l'hôpital de Brownlow- street, et aussi que la Princesse l'avait pris sous son patronage. Les médecins attachés à la Prin cesse la disculpaient également de toutes les inculpations de lady Douglas ; il ne restait plus que les relations inconvenantes avec le capitaine Manby et sir Sydney Smith, lesquelles étaient formellement déniées par M", Fitzgerald, dame de compagnie de la Princesse. Sir Sydney Smith se trouvait, à l’époque de ces enqué- tes, absent pour le service public. Mais on assure qu’à sou retour en Augleterre ;1loblint une audience du prince de Galles, où 1l déclara que les dépositions, en ce qui le concernait, étaient d’infàmes faus- setes. Les Commissaires soumirent au Roi leur rapport dans lequel, tout en disculpant la princesse de Gai- les des charges principales portées contre elle, 1ls exprimaient leur désapprobation de sa conduite, et CAR conseillaient S. M. de lui en adres- ser directement l’expression. « Nous sommes heureux, di- saient les Commissaires, de décla- rer à V. M. notre parfaite convic- tion, qu'il n’existe pas le moindre fondement de croire que l’enfant qui se trouve actuellement entre les mains de la princesse de Galles soit son fils, ou qu’elle en ait mis au monde aucun, durant le cours de l’année1802. Il nous a paru éga- lement,qu’il n’existait aucun motif de croire que la Princesse se soit trouvée enceinte durant le cours de cette année , n1 à aucune épo- que de la période qu'ont dû em- brasser nos investigations. » L'identité de l’enfant qui est actuellement avec la Princesse, ses parens , le lieu et la date de sa naissance , l’époque où il a été pris sous la protection de $S. A. R., et les détails qui entourent ce fait, sont établis avec un tel concours de circonstances positives et évi- dentes, qu'il ne peut plus rester, à notre avis, aucun sujet de doute sur cette partie de l'affaire. Il est certain que l'enfant est né dans l’hôpital de Brownlow-street, le 11 juillet 1802, de Sophie Ausün, et qu’il a été apporté dans la de- meure de la Princesse, au mois de novembre suivant. Îl nous serait pareillement impossible de laisser subsister le moindre doute à l’é— gard de la grossesse de la Prin- cesse , qui lui est imputée dans les premières déclarations : ce fait est si pleinement contredit par divers témoins auxquels , s’il était vrai, il eût été impossible de le tenir caché, que nous n’hésitons pas à le déclarer dépourvu de tout fon- dement. Les témoignages qui con- cernent ces deux points sont con- 240 CAR tenus dans les lettres et dépositions annexées au présent rapport. Nous les avons impartialement analisés, de maniere à ce que nulle omission involontaire n’affaiblitleur effet, et le jugement que nous soumettons humblement à V. M., comme re- sultat de notre enquête, est rendu à l’unanimité , apres müre délibé- ration, et prononcé sans aucune hésitation. » Nous voudrions qu’il nous fût permis de terminer ici notre rap— port. Mais outre les allégations concernant la grossesse et l’accou- chement de la Princesse, il existe encore dans les dépositions dont il a plu à V. M. de nous ordonner de faire l’examen et le rapport , d’autres circonstances touchant la conduite de S. A. R. qui, surtout en considération de son rang élevé, semblent devoir occasioner iné- vitablement des interprétations de- favorables. Or, d’apres les diver- ses dépositions annexées à ce rap- port, V. M. remarquera diverses circonstances graves , affirmées sous, serment, par des témoins dont la véracité ne paraît point devoir être suspectée. Il ne nous appartient pas de décider quelle est la conséquence des faits qui semblent en résulter ; nous en lais- sons le soin à la sagesse de V. M. Mais nous pensons qu'il est de notre devoir d’étendre notre rap— port à cette seconde série de faits, aussi bien que sur les premiers ; en telle sorte, que si d’un côté les faits de la grossesse et de l’accou- chement se trouvent détruits à nos yeux de la maniere la plus satis- faisante, d’un autre côté, nous pen- sons que les circonstances aux quelles nous faisons actuellement allusion , particulièrement celles CAR qui établissent les rapports qui ont existé entreS. À. R. et le capitaine Manby , doivent .obtenir quelque attention, jusqu’à ce qu’on leur ait opposé des contradictions décisi- ves :et dans le cas où elles seraient reconnues authentiquement prou- vées , elles mériteraient d’être prises en la plus sérieuse considé- ration. » Nous ne terminerons pas ce rapport , sans donner à V. M. l’humble assurance, que dans le cours de la commission délicate qui nous a été confiée , nous avons éprouvé le désir de parvenir à l’exé- cuter avec le moins de publicité que la nature du sujet pouvait le comporter, et noussupplions V.M. d’être pleinement persuadée, que si notre vœu à cet égard a été trompé, le malheur n’en est im- putable à rien qui ait été fait ou dit inutilement par aucun de nous. » » Le iout est soumis humble- ment à V. M. » (Signé) ERSkINE, SPENCER , GREENVILLE , ELLENBO- ROUGH. — 14 juillet 1806 ». En recevant ce rapport la prin- cesse de Galles s’empressa d’a- dresser au Roi la lettre suivante : » Blackheath, 12 août 1806. « Sire , c’est avec les plus pro- fonds sentimens de reconnaissance pour V.M. que je m’empresse de l’informer de la réception du rap- portdes Lords-commissaires, daté du 14 juillet, et qui ne m'a été remis qu’hier seulement. Il était à l’adresse de la princesse de Galles, et m'a éte apporté par un valet de pied de lord Erskine. Une note incluse annonce que S. S. me transmet les dépositions et le rap- port, par l’ordre de S. M. Je me flatte que les Lords-commissaires CAR n'auront pas fait leur rapport, sans avoir approfondi convenable- ment diverses circonstances, qu'il serait bien pénible pour la délica- tesse d’une femme de voir mettre au grand jour , en la privant des moyens de se discuiper. Quoi qu’il en soit, je peux assurer V.M. en présence du Tres-Haut, que 241 votre belle-fille est innocente, et sa conduite à l’abri de toute dis- cussion : elle n’est pas moins pure de toutes les inconvenances qui lui sont imputées par le rapport des Lords-commnssaires , d’après le témoignage de personnes qui par- lent aussi faussement que sir John et lady Douglas. V. M. peut être assurée que je désire vivement donner le plus solennel démenti qui soit en mon pouvoir, aux scan- daléuses histoires de Bidgood et de Cole, et soumettre ma conduite à tous les éclaircissemens qui pour- ront être nécessaires pour la tran- quillité de V. M., pour l’honneur de votre illustre famille , et la con- solation de votre affligée belle-fille. Ilmesera possible en peu de temps, de mettre la gracieuse justice de V. M. en état de reconnaître que la masse de témoignages , d’après lesquels les Commissaires ont ajouté foi aux histoires infâmes inventées contre moi, a été reçue hors de ma présence , sans qu’il füt laissé en mon pouvoir de contre- dire ou d'expliquer quoi que ce soit, et même sans qu’on m'ait seulement indiqué les personnes appelées à déposer contre moi ; conséquemment de maniere à ce qu'il me devint impossible de prouver le peu de crédit dû à la plupart de ces témoins, par suite de leur collusion avec sir John et lady Douglas, et enfin la 10 CAR fausseté absolue d’un systeme de preuves, qui n'offre qu'un amas de contradictions. Oh! mon gra- cieux Roi! je soupire désormais apres l’heureux moment où il me sera permis de reparaitre devant les yeux de V. M. , et de recevoir encore une fois, de sa propre bou— che, l'assurance de votre précieuse protection , la certitude que vous ne m'avez point retire cette affec- tion dont vous m'avez donne des marques pleines de bonté , et qui a éte ma seule consolation dans ce pays.»—Jesuis, Sire, avec les sen- timens les plus hauts , d'estime , de vénération et de sincere attache- ment, de V.M., latres-humble et tres-soumise belle-fille et sujette, » CAROLINE.» La princesse de Galles écrivit de nouveau au Roi, le 17 d'août, pour demander communication authentique du rapport des Lords- commissaires et des declarations et dépositions sur lesquelles il est basé. Sa requête fut admise , et les ‘papiers en question furent soumis aux conseils légaux de S. A. R., lord Elden, sir Thomas Plumer et M. Perceval. M. Perceval avait cessé, à la mort de M. Pitt, de faire partie du Goùvernement, et se trouvait alors à la tête de POp- position. Le 2 octobre, la Princesse transmit au Roi une lettre rédigée par ses conseils, dans laquelle étaient longuement et profondé- ment discutés les témoignages pro- duits contre elle, avec les réponses qu’elle leur opposait. Apres avoir observé que l’extravagance et la malice de sir John et lady Douglas étaient la cause principale qui avait fait échouer leurs tentatives, la Princesse passait aux imputations sanctionneées par les termes du rap- 242 CAR port, sur lesquels elle ne pou vait garder le silence , sans compro- mettre l'honneur de son caractere. Après avoir développé les prin- cipaux argumens déjà indiqués, la lettre continue en ces termes : « Les imputations que je dois considerèér comme élevées contre moi par plusieurs témoins , sont relatives à une trop grande fami- liarite et intimité, avec plusieurs gentlemen, sir Sydney Smith, M. Lawrence, le capitaine Manby, et je crois encore lord Hood, M. Chester et le capitaine Moore. » Quant aux dépositions qui concernent sir Sydney Smith , et ses visites fréquentes à Montagu- House , avec où sans sir John et lady Douglas ; quant à sa présence chez moi, au dejeüner , au diner, au souper ; quant au prolongement de cette présence , avec le reste de ma société, jusqu’à minuit , une heure , ou même plus tard; ces divers faits, quaud il serait vrai qu’ils sont susceptibles d'interpré- tations défavorables, jusqu’à ce qu’ils soient contredits , comme s'exprime le rapport, ne seront jamais contredits par mot, car ils sont exactement vrais. Or, je sou- tiens que c’est proclamer mon in- nocence, que de confesser , comme je le fais, que la conversation de sir Sydney Smith, les récits des événemens s1 variés ef si extraor— dinaires de sa vie, et des entre prises héroïques dans lesquelles il a été employé, m'amusaient et m'intéressaient, C’est son amitié intime avec sir John et lady Douglas , habitant dans mon voi- sinage, à Blackheath, qui lui fournit l’occasion de lier avec moi une connaissance plus particuhère. Il arriva aussi qu'à peu près CAR vérs ce même temps, V.M. peut l'avoir TEMATQUÉ ;, je fs disposer une des pièces de ma résidence , à la mamière d’une tente turque. ° Sydney me fournit un modele pour cela , au moyen d’un dessin dé la tente de Moürad- -Bey , qu'il avait rapporté d'Egypte. Il m'en- seigna aussi à dessiner des arabes- ques égyptiennes , nécessaires pour l’ornement des plafonds. Ceci dut occasioner plusieurs visites chez moi, de la part de sir Sydney Smith , tandis qu’on travaillait aux décorations de la chambre égyptienne. Ilestmême possible, bien que je nemele rappelle point, que ces visites se soient répétées plusieurs fois, dans la même ma- tinée, ainsi que le dit M. Bidgood. Je me souviens aussi qu'il dt ar rivé plusieurs fois , que me prome- nant dans le Parc, avec les dames de ma maison , nous avons ren-— contré sir Sydney, qui est venu à nous , et a passe avec nous la porte du Parc. Les dames de ma suite peuvent être allées chercher quelque chose de leur vêtement ou de leur coiffure , et pendant ce temps m'avoir laissée seule avec lui, et enfin il peut être arrivé aussi que M. Coleet M. Bid- good aient apercu sir. Sydney, dans quelqu'un de ces momens ; sans que pour cela il soit entré dans ma chambre à coucher, ou qu'il y ait été introduit par aucun de mes laquais ; mais je déclare solennellement à V. M. quejen’ai pas la plus légère idée , que sir Sydney ait jamais eu dans ses mans une clef de la porte duParc, ou qu'il ait jamais passé par cette porte, autrément qu’en fa com- pagnie des damies de ma suite. Quant à la permission que je lui CAR 543 aurais accordée de se trouver seu) avec moi dans mon cabinet, si c’est là une circonstance d’où les Commissaires doivent inférer l’é= vidence de ma culpabilité, je ne saurais la contester. Oui, cela est arrivé et même fréquemment ; non-seulement à l'égard de sir Sydney Smith , mais aussi à l’é= gard de plusieurs autres gentl- men qui m'ont rendu visite, de marchands qui sont venus ARE mes ordres , de maitres qui sont venus m'enseigner le dessin, la musique , la langue anglaise , et que j'ai reçus seuls avec moi. En avouant ceci ; je ne crois point confesser un crime , Car je n'ai jamais conçu la pensée qu'il y eût rien de blämable ou de condam- näble à recevoir des hommes dans la matinée ; j'ai la conviction in- time que V.1 M. le juge ainsi, car la chose na /rien d’'immoral en sei, et j'ai toujours ouï-dire que ectlé pratique n’était point inusitée parmi les dames dw premier rang et du plus respectable caractère dans ce pays. Si cependant , dans l'opinion et les mœurs de l’Angle- terre, il y avait dans cette con-— duite quelque inconvenance que je n’aurais pas soupconnée, j'espere que V. M. et avec elle tous les hommes de bonne foi, voudront bien l’excuser, en considération de mon éducation et de mes mœurs étrangères. » Le reste de la lettre estconsacré à discuter séparément chaque déposition , et à faire va— loir auprès du Roi, les considéra- tions morales qui devarentinfluen- cer sa justice. Le 8 décembre , plus de deux mois apres la date de la lettre précédente , la princesse de Galles en adressa une nouvelle au Roi, 244 CAR pour lui exprimer son désir in uiet d’être informée quand elle pourrait être admise en sa royale présence. La réponse suivante lui fut adressée au nom du Roi; elle doit paraître importante, d’un côté en ce qu'elle contient la de- charge expresse des inculpations principales élevées contre la Prin- cesse, de l’autre en ce qu’elle ex- rime néanmoins la désapproba- tion de S. M. pour l’ensemble de la conduite de S. A. R. « Le Roi ayant soumis à ses serviteurs confidentiels les docu- mensetpapiers relatifs aux déposi- tions écrites , touchant la conduite de la princesse de Galles, a été y Te avisé par eux, qu'après un examen approndi des enquêtes faites à ce sujet, ainsi que des observations produites par les conseillers légaux de S. A. R., ils adoptent les opi- mons soumises à S. M. dans le rapport des quatre Lords-commis- saires , savoir : que le sujet méri- tait d’abord d’être examiné , et de plus , dans l’état actuel de l'affaire, ils pensent , après müré délibéra- tion , que le gouvernement de S. M. ne se trouve pas engagé par les faits à pousser plus loin ses informations et procédures , si ce n’est pour déférer à ses serviteurs judiciaires , la poursuite de lad Douglas , quant à celles de ses dépositions qui pourront en pa- raître susceptibles. » Dans cette situation des choses on est d’avis que S. M. nese trouve lus dans la nécessite de refuser d'admettre laPrincesseen sa royale presence. » Le Roi voit avec grande satis- faction, l’accession de ses servi— teurs confidentiels à l'opinion net- tement exprimée par les quatre CAR Lords - commussaires . touchant la fausseté - des accusations de grossesse et d’accouchement , portées contre la Princesse par lady Douglas. Quant aux autres circonstances mentionnées dans le cours de l’enquête , le Roi est informé qu'aucune des allé- gations , produites en l’absence des parties intéressées , ne peut être considérée comme légalement ou pertinemment prouvée. Mais de l’ensemble des enquêtes, et même des réponses produites au nom de la Princesse, par ses con- seillers légaux , il résulte certaines circonstances de la conduite de la princesse de Galles, auxquelles S. M. ne saurait se dispenser d’ac- corder la plus serieuse attention. Le rang élevé que la: Princesse occupe dans ce pays et la parenté qui la lie au Roi et à la famille royale, rattachent, d’une manière intime , les convenances et l’exac- titude de sa conduite, aux intérêts de l’Etat et à-l'honneur personnel de S. M. En conséquence, le Roi ne peut s'empêcher, à la conclu- sion de cette affaire, d'exprimer son désir et son attente qu’à l’a venir , la conduite de la princesse de Galles sera de nature à justifer pleinement les marques d'intérêt et d'affection paternelle , que S. M. souhaite de donner constamment à chacun des membres de sa fanulle. » Le Ror a ordonne que le pre- sent message serait transmis à la princesse de Galles par son lord- Chancelier, et qu'une copie de la procédure,quia éte faite surlesujet actuel, serait communiquée à son bien aime fils le prince de Galles.» En conséquence de cette com- munication, la princesse de Galles avait indiqué le jour où elle se CAR proposait d'apporter aux pieds du Roi le tribut respectueux de son amour fihial. S. M. ajourna cette entrevue , d’après des motifs de convenance mutuelle, ce qui fut fait par la note suivante : » . « Windsor-castle , 10 févricr 1807. » Comme la princesse de Galles paraît s'attendre, d’après la lettre du Roi , qu’il lui serait fixé un jour prochain pour paraître devant S. M. , le Roi pense qu’il convient de l’informer que le prince de Galles, à la réception des divers documens que le Roi avaitautorise son cabinet à lui transmettre, a fait communication formelle à S. M. de l’intention où 1l est de remettre les pieces susdites entre lies mains de conseillers légaux ; cette communication est accom- pagnée d’une requête, pour qu’il plaise à S. M. de suspendre toute démarche en cette affaire, jusqu’à ce que le prince de Galles soit en état de lui soumettre le parti qu'il se propose de prendre. Le Roi se croit en conséquence obligé de différer d’mdiquer à la princesse de Galles un jour de réception, jusqu’à ce qué le resultat ultérieur des intentions du prince son époux , lui soit connu. » GEORGES R. » La Princesse réclama énergi- quement contre cette décision, qualifiant d’injustice énorme et de cruauté , l’iniervention du prince de Gaïles , dans la période présente de l'affaire ; et exprimant l’espé- rance que le Roi voudrait bien rapporter sa détermination. « La mamfestation au monde de toute cette procédure , ajoutait la Priu- cesse , me parait dans les circon-— stances actuelles { quelque répu- CAR 345 gnance que j'éprouve pour une telle mesure, et bien que je re- gretie la dure nécessité qui m'y contraint), la seule ressource qui me reste pour venger monhonneur et mon caractère.»—« Pour éviter de recourir à cette pénible extre- mité , disait ailleurs la Princesse, j'ai fait tous les sacrifices qu'il n’a été possible, hormis celui d’aban— donner mon caractere à la plus profonde infamie, et ma situation dans le monde, à un péril certain et à une ruine complète. » La menace de la publication de ces documens se trouve encore insinuée dans un autre passage de la même com-— munication. En effet , les princi- paux documens concernant cette affaire , y compris le rapport des Lords-commissaires , les lettres de la princesse de Galles au Roi , avec. les dépositions , tant à charge qu’à décharge, furent imprimés et al- laient être publiés , sous l’inspec- üon de M. Perceval, en un volume, intitule, Le Livre (The Book). Cependant deux jours avant la” date de cette lettre (le 7 mars 1807), le ministère de lord Green- ville et de lord Grey avait été dissous , el M. Perceval avec ses amis avaient été rappelés dans les conseils du Roi. Aussitôt que les arrangemens mimstériels furent termines , le nouveau cabinet émnt une note concernant l'affaire de la Princesse , conçue en ces termes : « Les serviteurs confidentiels de ‘V. M. en même temps qu'ils adoptent cette partie de l'opinion de vos précédens conseillers , con- signée dans la note du 25 janvier dernier, qu'il n’y a point heu d’eloigner plus long-temps la prin cesse de Galles de sa royale pré- sence, représentent humblement 246 CAR à V. M. , qu'il est indispensable- ment nécessaire, et. à la justice due à S. À. R. etal honneur aussi bien qu'aux intérêts de l’illustre famille de V. M., que la princesse de Galles soit admise dans le plus court délai possible, en la royale présence de V. M. et reçue de la maniere convenable à sa situation à la Cour et à la place qu’elle tient dans la fanuile de V. M. » Les si- gnataires de cette note , datée du 22 avril 1607, furent le lord Chanceher Eldon,le lord président Camden , le lord du sceau privé Westmoreland , le duc de Port- land , le comte de Chatham , le comte de Bathurst, le vicomte Cast- lereagh, lord Mulgrave, lord Haw- kesbury (aujourd’hui comte de Li- ho soypmee Canning. L’original de la procedure fui joint à ce nou- veau document, et le tout fut scelle et déposé au büréaus du principal secrétaire d'Etat. Le Livre (The Book) fut supprimé; et l’aflaire parut assoupie, pour quelque temps. Néanmoins , et malgré la recommandation exprimée dans Ja note ministérielle , la princesse de Galles ne reparut point à la Cour , ni dans le sein de la famille royale, quoiqu elle eût recu quel- ques autres témoignages ‘officiels de réhabilitation. Mais après un intervalle de plus de quatre années ; a peine inter— rompu par quelques écrivains indiscrets , qui de temps à autre osaient, avec la liberté propre à V Angleterre, annoncer la publi- cation prochaine du fameux Livre, et placarder les rues de l’afiche du roman relatif à l’investigation royale, l'affaire fut de nouveau reproduite en public. En janvier 1913, on conseilla à la princesse CAR de Galles d’adresser une lettre au Prince-régent, qui fut remise lady Charlotte Campbell à lord Liverpool, avec sommation de la placer sous les yeux du Prince. S. S. répondit le lendemain que toute correspondance ayant cessé depuis plusieurs années, entre les deux parties , la écrite) du Prince était de ne point la renouer. La lettre fut transmise uneseconde fois, avec l’avis qu’elle contenait quelque chose d’intéressant pour PEtat ; mais elle fut renvoyée de nouveau sans avoir été ouverte. Apres d’autres tentatives restées également inutiles, la lettre qui evidemment avait été écrite , dans la vue d’être rendue publique , parut dans les journaux. La ré- daction en fut attribuée à M. Brou- gham , alors conseiller de la Prin- cesse" Le principal objet de cette pièce. était de réclamer contre les restrictions imposées aux com- muunications de la princesse de Galles avec sa fille, La Princesse y fait observer avec raison , que l'éloignement d’une fille d’ au— près de sa mére, ne säuraïit être interprétéfpar le monde entier, que d’une maniere défavorable à la réputation de la dermière ; que le caractere de la princesse Char- lotte se trouverait altéré par la perpétuelle violence que faisait à ses plas cheres affections , le soin qu’on prenait de la tenir éloignée de sa inère, et d'interrompre toute communication avec elle; que tous les efforts qu’on faisait pour de- truire , au moyen d’une io tion forcée, l'attachement de la fille pour sa mère,s’ils étaient cou- ronnés du succès , altéreraient la moralité de la première, etla ren- draient malheureuse, si au con- CAR traire ils restaient impuissans. La lettre était terminée par divers avis concernant le traitement do- mestique de la princesse Char- lotte , et par l'invitation de lui faireadministrer sans plus de délai, le sacrement de la confirmation. Cette lettre excita dans les jour- naux une discussion extrémement aigre, et proyoqua une si grande fermentation dans le public, que le Prince-régent se crut obligé de demander à une commission,com- posée des plus hauts dignitaires de l'Eglise et de la magistrature, son opinion sur la question con troversée. Les Commissaires ne tardérent pas à présenter au Prince leur rapport, dont la conclusion fut, « qu'il était entierement con- venable au bien-être de $S. A. R. la princesse Charlotte, ét par con- séquent à son bonheur, comme fille et comme princesse , et qu’il importait aussi aux plus grands intérêts de l’Etat, que les relations entre la princesse de Galles et sa fille, continuassent d’être sou- mises à de certaines regles et res— trictions. » À Ja réception de ce rapport, la princesse de Galles adressa des lettres de réclamation au lord Chancelier et à l’Orateur de’ la Chambre de Communes. Le 5 mars , quatre jours apres la ré- ception de la lettre à l’Orateur des Communes, M. Cochran— John- stone soumit à la Chambre la mo- tion d’une adresse au Prince-ré- gent, pour le supplier d’ordonner qu'une copie du rapport du 14 juin 1806, présenté au Roi par les lords Erskine , Spencer et El- lenborough , touchant la conduite de la princessé de Galles, füt placé sous les veux de la Chambre, avec un aperçu de l’enquête faite CAR _247 à cette occasion, tandis que les témoins entendus étaient encore vivans. Apres une discussion très- orageuse ; cette motion fut rejetée sans division. Peu de temps après cet éclat, la totalité des pièces composant l’enquête instituée en 1800, y compris les dépositions des témoins , fut livrée à la presse. Sir John et lady Douglas réaflir- merent la vérité de leurs déposi- tions ; ils présentérent même une pétition à la Chambre des Com- munes , pour demander d’être in- terrogés de nouveau , devant une cour de justice compétente, ap- pelant sur leur tête la peine due au parjure , si l’on parvenait@ dé- montrer devant elle la fausseté de leurs depositions. , Le 17 mars , M. Whitbread en- treprit dans l# Chambre des Com- munes,une justification complette de la conduite de la princesse de Galles, qu'il termina par la mo- tion d’une adresse au Prince-re-— gent, exprimant le chagrin pro- fond et l’indignation dela Cham- bre, au sujet de la publication de certaines dépositions hostiles et obsenes (celles des Douglas) contre la princesse de Galles, et suppliant S. À. R. d’ordonner les mesures nécessaires pour la de- couverte et la traduction en jus- üce, des personnes qui leur avaient donné de la publicité. Cetie mo- tion, qui occasiona des débats tres-chauds, fut également reje— tée sans division. Les membres*de la commission de 1806, qui se crurent msultés par le défenseur de la Princesse, récriminerent avec la derniere amertume, et lord Ellenborough, dans la Cham- bre des Pairs, traita M. Whit- bread de calomniateur et ses asser a CAR” tions d’impudentes et de stupi- des. Néanmoins , peu de jours après, Je 31 mars, M. Whit- bread fit la motion qu'un message fût envoyé à la Chambre des Lords , pour qu’il plût à leurs SS. d’accorder permission au comte de Moira de se présenter à la barre de la Chambre des Communes, afin d’y étreinterrogé touchant cer- taines circonstances parvenues à Ja connaissance dudit lord , rela- tives à la conduite de la princesse de Galles et spécialement tou- chant une lettre du noble lord adressée à la grande loge des francs -maçons , lettre que M. Whftbread indiquait comme con- tenant diverses allégations remar- quables concernant S. A. R. L’O- rateur des Communes déclara la motion dépourvue de précédens, et elle fut rejetée après une courte discussion. : La fermentation resultant de ces discussions aigres et fréquem- ment répétées , semblait se calmer une seconde fois , lorsque de nou- velles circonstances vinrent re- plonger le pays dans de pareilles agitations. En juin 1814, l’'An- gleterre fut visitée par un grand nombre d’'illustres étrangers, de di- verses parties du continent. Parmi les fêtes préparées pour leur ré- ception , la Reine annonça qu’elle tiendrait deux cercles de Cour, et en même temps, elle transmit à la princesse de Galles la lettre sui- vante, en date du 23 mai. « La Reine se croit obligée d’in- former sans délai la princesse de Galles, qu’elle a reçu communi- cation de son fils, le Prince-ré- gent , à l’occasion des deux cercles de Cour annoncés par S. M. pour Je mois prochain, que S. A. R. le CAR Prince-régent juge sa présence à la Cour indispensable, en cette circonstance; en conséquence il désire qu'il soit entendu, pour raisons dont lui seul peut étre juge , que son irrévocable déter— mination est de ne rencontrer ja- mais la princesse de Galles,dansau- cune occasion publique ni privée. La Reine se trouve donc placée dans la pénible nécessité d’intimer à la princesse de Galles l'impos- sibilité où elle se trouve de la re- cevoir à son cercle. » Le lendemain S. A. R. répon- dit que, « bien qu’elle fût lom d'oublier ses devoirs à l’égard du Roi et d’elle-même, jusqu’au point de renoncer à son droit de parai- tre à tout cercle public tenu par S. M. ; toutefois, afin de ne point ajouter à la difliculté de la situa- tion où S. M. se trouvait placée, elle céderait dans la présente cir— constance à la volonté de S. A. R. le Prince-régent , et s’abstiendrait de paraître aux cercles indiqués pour le mois suivant. » — Cepen— dant le 26 de ce mois desmai, la Princesse adressa une lettre à son époux, pour demander à connaître les circonstances qui avaient pu motiver la détermination qu'il avait prise. Le 3 juin l’Orateur des Communes annonça à la Chambre , qu'il avait reçu une let- tre de la Princesse, ayant pour but de l’informer du danger ré- sultant de Ja détermination irré- vocable adoptée par le prince de Galles , de ne jamais se rencontrer avec son épouse, dans aucune circonstance publique ni privée. Une correspondance, écrite à ce sujet , élait jointe à cette commu- nication , pour l'information de la Chambre. Après la lecture des CAR pieces, M. Methuen fit la motion qu’une adresse füt présentée au Prince-régent , pour supplier S. À. R. qu'il lui plût informer la Chambre des motifs qui avæent pu l’induire à prendre la détermi- nation alléguée. Les débats sur cette étrange motion eurent lieu à huis-clos. M. Bathurst déclara que tout nouvel appel au public sur ce malheureux sujet, ne pou- . vait qu’aggraver l’irritation qu’il avait produite, etajouter à l’injure qui devait en rejailir sux la fa- mille royale : en conséquence , M. Methuen retira sa motion. Mais le 23 du même mois, l’ho- norable membre en produisit une nouvelle, pour insister sur la né- cessite d'accroître l’établissement de la princesse de Galles, qui se trouvait réduit à 17000 livres sterlings par an, en sorte qu’elle s’était vue obligée de borner sa maison à sept domestiques, et de renoncer à recevoir du monde chez elle. Lord Castlereagh répon- dit pour écarter à cet égard, toute inculpation du prince de Galles ; il établit que S. A. R. avait payé les dettes de sa femme, montant à 49000 livres sterl., et consenti un arrangement avec elle, pour augmenter son établissement ; 1l conclut par annoncer qu’il n’au- rait point d’objection à faire à la proposition d'augmenter l’établis- sement de la Princesse, si elle était remise à un autre jour. M. Methuen retira sa motion, et le 4 juillet une proposition fut faite par lord Castlereagh, de porter Pétablissement de la princesse de Galles à 50,000 livres sterlings Jan. M. Whitbread annonça que S. À. R., en considération des charges extraordinaires que sup- FT MNOAR 249; portait le pays, souhaitait que la somme proposée füt réduite à 35,000 livres sterlings , et, la mo- tion ainsi modifiée, fut passé en bill. Peu après cette époque , la prin- cesse de Galles prit la résolution de voyager sur le continent, ré- solution qu’elle nourrissait, disait- elle dans une lettre à M. Whit- bread, depuis 1806. Ayant de- mandeé et obtenu le consentement du Prince-régent, elle s’embar- qua le 9 août 1814 , sur la frégate anglaise le Jason, pour retourner à Brunswick. La suite de la Prin- cesse se composait de deux dames anglaises , de cinq gentlemen de la même nation, de cinq domes- tiques allemands et un cocher an- glais. «Lorsqu'elle commençait à peine ses voyages , les Anglais de sa suite la quitterent l’un après l’autre. Elle débarqua le 16 août à Hambourg , sous le titre de com- tesse de Wolfenbuttel, vint passer quelques jours à Brunswick , où le duc régnant la reçut avec tous les honneurs dus-à son rang. Con- tinuant sa route vers l'Italie , elle arriva le G septembre à Stras- bourg, où elle reçut les mêmes honneurs des autorités françaises; a la tête desquelles se trouvait alors placé, dans cette ville , le maréchal duc de Valmy. Dans le courant du mois de septembre elle visita Berne, où elle recut la vi- site de sa cousine Anna Petrowna, femme du gra duc Constantin, et arriva à Genève an moment que l’ancienne Impératrice des Fran- cais, Marie-Louise, venait d’en partir. De la Suisse, la princesse de Galles se rendit en italie. Elle fut reçue à Milaÿ avec des hon- neurs extraordinaires ; au théâtre, 250 CAR l’on executa un ballet en son hon- neur , et les poëtes du pays pro- diguèrent les vers à sa louange ; lacée sur une estrade disposée à cet effet, elle vit la garnison défi- ler devant elle au champ- de- Mars, et l’on dit qu'autour d’elle furent entendues des acclamations de liberté et d'indépendance, comme si sa présence eût ranimé l'espoir que les Italiens n’ont cessé de nourrir, de voir un jour leur malheureux pays affranchi de l’es- clavage civil et politique , par l’as- sistance de la Grande-Bretagne. Ce fut peu de semaines après son arrivée à Milan, que la prin- cesse de Galles prit à son service le fameux Bartholomée Bergami, en qualité de courrier et valet de pied. Quelques mois sufhirent pour l’élever au grade de cham- bellan ; et telle fut la faveur dont il jouit bientôt aupres de la Prin- cesse , que tous les membres de la famille de cet Italienyà l’exception pourtant de sa femme, furent pla- ces dans la maison de $. A. R. dans une situation honorable. A Ja fin d’octobre, la Princesse ar- riva à Rome, où elle recut les vi- sites de l’ancien Roi d'Espagne , Charles IV, dela Reine sa femme, de la Reine d’Etrurie et de son fils. Le 2 novembre elle fut reçue par le Pape, qui lui témoigna avec beaucoup d’affabilité, toute la con- sidération due à son rang. Elle visita à Rome l'atelier de Carova, et accepta une fête brillante, qui jui fut offerte par Le prince de Ca- nino ( Lucien Bonaparte ). A Naples, où régnait alors Joachim Murat , la princesse de Galles fat reçue avec une distinction toute perliculière. Lé Roi vint au-de- yat d'elle, et elle fit son entrée CAR dans la capitale, placée à ses côtés, dans son carrosse, partageant avec Jui les acclamations de la multi- tude. Joachim lui donna des fêtes brillantes et la fit escorter par sa garde royale, tout le temps qu’elle passa dans Naples, c’est-à-dire jusqu’au mois de mars 1815. Au mois de janvier, elle avait donné une fête avec bal masqué, où elle parut sous le déguisement du Génie de l'Histoire , et posa une couronne sur le buste de Joa- chim. De Naples, la princesse de Galles revint par Rome , Gênes et Milan jusqu’à Venise; c'est dans ce voyage qu'elle prit pour sa dame d’honneur la comtesse Oldi, sœur de Bergami, et c’est peu apres qu’elle admit celui-ci à sa table. Apres avoir visité le Saint- Gothard et les îles Borromées , S. À. R. acheta de la comtesse Pino, une élégante villa, située sur les bords du lac de Como, à peu de distance de la ville de ce nom; c’est là qu’elle fixa pour quelque temps sa résideuce. Au mois de novembre 1515, elle s’embarqua à bord du vaisseau anglais, le Lé- viathan , visita l’île d’'Elbe , et de- barqua à Palerme, où elle se pré- senta à la Cour, accompagnée de Bergami, qu’elle venait d’élever du métier de courrier au poste de son chambellan. Elle vint de là, à Messine, où elle s’embarqua ie 6 janvier 1816, à bord de la Clo- rinde , pour passer à Syracuse. En celte occasion , le capitaine Pechel, commandant de la frégate, qui peu auparavant avait vu Bergami remplir des fonctions de domesti- cité, refusa de s’asseoir à la même table que le nouveau chambellan de la Princesse , et fit même à ce sujet desreprésentations à S. À. R, CAR La Princesse, apres avoir pris deux jours pour y réfléchir, finit par refuser la table et la societe du capitaine Pechel. Durant son , séjour en Sicile, elle obtint pour Bergami la croix de Malte, le titre de baron de la Francina, et lui fit don de son portrait, en cos- tume Turc. Durant le printemps de 18106, la princesse de Galles fréta une polacre, avec laquelle elle visita Tunis et Utique, sur la côte d'Afrique. De là ellese rendit à Athènes, en touchant à Malte, où elle ne séjourna qu’un jour, visita successivement les îles de l’Archi- pelgerec, Constantinople et Ephèse. Arrivée à Jérusalem , elle institua dans cette ville un nouvel ordre de chevalerie, sous le titre de Sainte-Caroline , sa patrone, dont elle constitua Bergami le Grand- Maître. S. A. R. possédait un ta- bleau où elle s’est fait représenter entrant dans la ville sainte, avec les personnes de sa suite, montée sur un ânon, à limitation, à ce qu’on présume, de la dernière entrée de Jésus — Christ dans la même ville. Elle se rembarqua à Jaffa pour retourner en Europe. Durant cette traversée, le temps étant extrêmement chaud, la Princesse fit dresser une tente pour elle et son chambellan, sur le pont de la polacre, où elle passait la nuit, seule avec lui, ce qui eut lieu l’espace de plusieurs semai— nes. Cette circonstance a formé depuis l’une des plus graves in- culpations du procès que la prin- cesse de Galles , devenue reine, a subi devant la Chambre des Lords. En Sicile et en Orient, la Prin- cesse se fit remarquer par ses li béralités; elle racheta des esclaves, dota une académie nouvellement CAR 251 fondée à Athènes, et donna une somme d’argent considérable aux Frères mineurs conventuels de Jé- rusalem. Ses actes nombreux de bienfaisance se trouvent racontes dans la relation d’un voyageur an— glais intitulée : Anecdotes of the Princess of Wales (1817),etquiest écrite dans un sens entierement favorable à la princesse de Galles. Au mois de septembre 1816, S. A. R. était de retour à sa ré- sidence de la villa d’Est, sur le lac de Como; peu après elle ache- ta une magnifique maison de cam- agne , dont elle fit don à son chambellan, et qui fut nommée V'illa- Bergami. Depuis, elle ré— sida en diverses contrées de l’Ita- he , notamment à Rome et à Pesaro , où elle avait fait d'assez grandes acquisitions territoriales, Cependant Ja mort vint frapper successivement plusieurs mem bres de sa famille, entre autres sa fille unique et chérie, la prin- cesse Charlotte , héritière pré- somptive de la couronne Britan-— nique , mariée depuis peu au prince Léopold de Saxe-Cobourg, et le vieux roi Georges IIT, qui, tant qu'il avait joui de ia pléni- tude de ses facultés mentales, avait passé pour chérir et proté- ger sa belle-fille, Cette derniere circonstance élevait la princesse de Galles au rang suprême, à côté de son époux. Il fut aisé de pré- voir dès lors, que le monde,allait se trouver de nouveau entretenw de leurs tristes débats. En effet, au mois de mai 1820 , la reine d'Angleterre traversa la France, et fut rençontrée à Saint-Omer, par M. Brougham , son conseiller légal et confidentiel, qui venait, accompagné de lord Huichinson, 252 CAR lui soumettre des propositions, au prix desquelles on espérait qu’elle consentirait à rester sur le conti- nent. Ces propositions furent, dit- on , les suivantes: « Que S. M. renoncerait aux droits, titre et honneurs de reine d'Angleterre, et accepterait dorénavant le titre de princesse Caroline de Bruns- wick ; qu’elle s’engagerait à ne plus remettre le pied en Angle- terre, non plus que sur aucun point des domaines Britanniques ; qu’à ces conditions , un revenu annuel de 50,000 liv. st. lui serait assuré , dont elle pourrait jouir sans aucune molestation; que si elle refusait d'accéder à ces pro- positions , une enquête criminelle allait être instituée contre elle, et qu'elle devait s'attendre aux plus sévères pénalités. » La Reine re- poussa ces propositions avec l’in- dignation la plus vive, et s’embar- qua sur-le-champ pour l’Angle- terre. Ce départ fut si précipite, que M. Brougham lui-même n’en fut informé que lorsqu'il était déjà effectué. A son arrivée à Ca- lais , à neuf heures et demie du soir, S. M. se jeta dans le packet- boat public, qui ne devait partir que le lendemain matin. Elle prit terre à Douvres à une heure apres midi , et fut saluée par le canon du fort, quoique le commandant n’eût point recu d'instruction à ce sujet. La population de cette ville manifesta un grand enthou- siasme pour elle, et la corpora- üon municipale lui présenta une adresse. À son départ, la populace détela les chevaux de sa voiture, et la traïna un espace considéra- ble. Les mêmes démonstrations laccompagnerent sür toute la route. Elle fit son entrée dans CAR Londres sur le soir, par le pont de Westminster, ayant dans son lan— dau lady Anne Hamilton , et l’al- . derman Wood ,qui étaient venus à sa rencontre jusqu'à Paris. Ce fut un véritable triomphe ; les rues et les croisées des maisons étaient encombrées de spectateurs , qui faisaient retentir l’air d’acclama- tions , dont quelques-unes étaient dirigées contre le Roi lui-même. Le cortége traversa les plus belles rues de Londres, et fit"halte en face de Carlton-House , résidence du Roi, où il poussa trois accla— mations ; enfin 1l s’arrêta à sept heures, devant la maison de l’al- derman Wood, où la Reine prit son logement. Le même jour un message du Roi annonçait officiellement aux deux Chambres l’arrivée de la Reine, et appelait l’attention du Parlement sur certains papiers re- latifs à la conduite de S. M. pen- dant son absence du royaume. L'affaire fut prise en considéra- tion dans la Chambre des Lords, sur la motion de lord Liverpool, et dans celle des Communes , sur la motion de lord Castlereagh. Apres quelques discussions tou- chant les formes de procéder, qui tendaient, de la part de l’Opposi- tion , à attirer l'affaire dans la Chambre des Communes, pour en exploiter sur-le-champ la publi— cité, la Chambre des Lords adopta la proposition ministérielle , de former un comité secret de quinze membres, qui examinerait l’af- faire et remplirait l'office de grand jury ( jury d'accusation ). De son côté , le mercredi 7 juin , la Reine transmit à la Chambre des Com- inunes , par l'intermédiaire de M. Brougham , son procureur- 2] LA CAR général, un message qui se ternu- nait ainsi : « À son arrivée, la Reine a été surprise d’appren- dre qu’un message avait éte en— voyé au Parlement, pour fixer son attention sur certains documens écrits , et c’est avec encore plus de surprise qu’elle a été informée, qu’on avait l'intention de propo- ser que ces documens fussent de- férés à un comite secret. Il y a aujourd’hui quatorze ans , depuis que les premières accusations fu- rent élevées contre S. M. Alors, comme en toute occasion, pen- dant ce long période, elle a mus le plus grand empressement à se rencontrer avec ses accusateurs, et à provoquer une enquête ap- profondie sur sa conduite. Main- tenant elle désire encore une en- quête publique , où elle puisse connaître les charges et les te- moins produits contre elle, faveur qui n’est pas refusée au moindre des sujets de ce royaume. En face du souverain, du Parlement et du pays , elle proteste solennellement contre la formation d’un tribunal secret , chargé d’examiner des do- cumens secretement préparés par ses adversaires, maniere de pro- céder inconnue à la législation de cette contrée , et qui constitue une violation flagrante de tous les principes de la justice. La Reine se repose avec la plus grande con- fiance sur l'intégrité de la Cham bre des Communes, pour repous- ser le seul genre d’atiaque qu’elle a lieu de craindre. Elle ne peut s'empêcher d’ajouter , que même avant qu'aucune action judiciaire eût éte instituée contre elle , elle a été traitée d’une maniere qui pré- juge , à deSsein, le jugement qui doit intervenir. L’omission de son CAR 253 nom dans la liturgie, le refus de tous les honneurs qu’on est dans l'usage d’accorder aux membres de la famille royale , le refus de répondre à sa demande pour qu’il lui soit assigné une résidence par- mi les demeures royales ; les ou- trages étudiés des ministres an- glais aupres des cours étrangères, et de tous les ministres sur les- quels le gouvernement anglais a quelque influence ; toutes ces cir- constances doivent être considé- rées comme des moyens de préve- nir d’avance lemondeentier contre S. M. , et pourraient à peine être justifiées par un jugement et une condamnation subséquente, » Lord Castlereagh répondit au message ; et , entre autres choses, 1l nia qu’on eût proposé à la Reine d’abdiquer sa dignité royale, mais seulement d’adopter l'incognito | dans les pays étrangers , afin d’e- viter aux ministres anglais y ré- sidants , les difficultés perpétuelles qui pouvaient naître d’une con— duite contraire. M. Wilberforce fidèle à son système constant de conciliation , proposa une adresse à la Reine, pour supplier S. M. de faire toutes les concessions que permettaient les circonstances . et de se prêter aux négociations qu’on offrait d’ouvrir avec elle. L'adresse adoptée par la Chambre fut portée à la Reine par une com- mission , composée de M. Wilber- force et de trois de ses amis : mais S. M. refusa d’y adhérer, et des lors toute espérance de conci- lation fut évanouie. Le 26 juin, lord Dacre pré- senta à la Chambre Haute une pé- tition de la Reine, pour protester contre le comité secret, et de- mander à être entendue sur cet 254 CAR objet, par l’organe deses conseils, à la barre de LL. SS. En effet, MM. Brougham et Denman RE, rent introduits et parlerent sur l’objet de la pétition. Le 5 juillet une nouvelle petition fut présen- tée par la Reine, pour déclarer qu’elle était prête à se défendre immediatement sur les charges roduites contre elle , pourvu qu’on les lui fit connaître avec précision, afin qu’elle püt leur op- poser les témoignages favorables sur lesquels elle devait compter : elle demandait en conséquence, que ses conseils fussent de nou- “veau admis à la barre de ]a Chambre. Cette demande ayant été rejetée , lord Liverpool se leva pour proposer un bill, fondé sur le rapport du comité ‘sbéfet. S. S. motiva en peu de mots cette façon de procéder, en dé- montrant qu'il S’agissait d’une question politique , sur laquelle les Cours ecclésiastiques et de jus- lice seraient incompetentes, pour prononcer. Voici la teneur du Bill : « (1) ACTE pour priver Caroïine- » Anélie Elisabeth, Reiñe de la » Grande-Bretagne, du nom et » ütre de Reine de ces royaumes, » et des droits, prérogatives et » immunités, qui lui apparlien- » nent actuellement , comme » Reine-épouse ; » Attendu que dans l’année » 1814, S. M. Caroline- Amélie » Elisabeth , alors princesse de » Galles, et maintenant Reine- (1) Nous donnons la traduction de cet acte impor tant , aussi httéralement qu'il a été possible , en conservant les formules et rond nes usitées dans le style lésislatif de l'Angleterre. CAR » épouse de ce royaume, étant à » Milan, en Italie, engagea à son » service eñ qualité de domes- » tique, un nommé Bartholomée » Pergami ou Bergami, étranger » de basse condition, qui avait » précédemment été en service » domestique ; » Attendu qu'après que ledit » Bartholomée Pergami ou Ber- » gammi fut entré au service de » S. À. R. , ladite princesse de » Galles , une tres-indécente et » dégradante intimité commença » à s’établirentre S. A. R. etledit » Bartholomée Pergami ou Ber- » gami ; » Attendu que S. A. R., non- » seulement avanca ledit Bartho- » Jomée Pergami ou Bergami à » ‘un poste élevé dans sa maïson, » etrecut à son service plusieurs » de ses parens , quelques-uns » dans üne situation inférieure , » d’autres dans une haute et con- » fidentielle position , aupres ‘de » Ja personne de S. A.R.; mais » encore qu’elle répandit sur Jui » plusieurs grandes et extraordi- » naires marques de faveur et » de distinction ; obtint pour lui » des ordres de chevalerie et des w titres d'honneur , et lui conféra » un prétendu ordre de chevale- » rie, que S. À. R. a pris sèr elle » di tube sans aucune juste et » égale autorite ; » Attendu que sadite A. R.. » tandis que Tedit Bartholonree ” Pergami ou Bergami était à son- » dit service,. oubliant entière- » ment l’élevation de son rang et » 8e sa position, ainsi que ses de- » voirs envers Votre Majesté, et » méconnaissant eutigrement son » honneur et son caractere , se » conduisit à l’égard dudit Bar- = = o CAR » tholomée Pergami où Bergami, » eten diverses circonstances, tant » publiques que privées, dans les » diverses villes et contrées que » S. À. R. a visitées, avecuneé fa- » miliarité et liberte indécente et » offensante , ét tint avec ledit » Bartholomée Pergami ou Ber- » gami une conduite licentieusé , » honteuse et adultère, qui s’est » prolongée durant long-temps , » pendant que S. A. R. a résidé » dans l'étranger , par laquelle » conduite de S. A. R. un grand » déshonneur et scandale à été » causé à la fanulle de V. M. et » à Ce royaume ; É » En conséquence , il nous est » parfaitement manifeste, que par » une conduite aussi scandaleuse, » honteuse et criminelle de là » part de sadite Majesté, elle à » violé ses devoirs à l'égard de » V.M.,ets’est rendue elle-même » indigne du rang et de la situa- » tion élevée de Reïne-épouse de » ce royaume , ce qui appelle » notre juste attention sur la di- » gnité de la couronne et l'hon- » neur de la nation ; » Nous, de V. M. les tres- » obéissans et loyaux sujets, les » Lords spirituels et temporels, » et Communes asser1blés en Par- » lement, nous supplions par les » présentes V.M. qu’il soitordonné » au nomde la Majesté Royale, et » avec l’avis et consentement des » Lords spirituels et temporels et » des Communes assembles dans » le présent Parlement , et par » leur autorité , que sa susdite » Majesté Caroline-Amélie Elisa- » theth , à l’avenir et en vertu de l’adoption de cet Acte , soit d’hors et déjà, privée du titre de Reine et de toutes les préroga- el > 2 > mt > CAR 255 .» tives, droits, priviléges etexemp- » tions lui appartenant , comme » Reine-épouse de ce royaume; et » que sadite Majesté soit, à l'avenir » et en vertu de l'adoption de cet » Acte, déclarée inhabile pour » toujours et devenue incapable » d’user, exercer , où jouir des- » dites prérogatives où d'aucune » d'elles. En outre, que le ma- » riage entre S. M. et ladite Ca- » roline- Amélie Elisabeth, soit » et demeure d’hors et déjà, et » pour toujours , entierement dis- » sous , annulé et anéanti, quant » à ses fins, stüipulations et condi- » tions quelles qu’elles soient. » Les débats de cet étrange et solennel proces s’ouvrirent de 1 août 1820 , devant la Chambre des Pairs , avec la plus grande solennité. La Chambre avait dé- cidé qu'aucun de ses membres ne pourrait s’absenter sans sa per mission, ni voter par mandat. M. Brougham , M. Denman et le D*. Lushington farent introduits, comme conseils de la Reine d’une part, en même temps que les gens du Roi d’autre part. Vingt- huit témoins à charge furent produits par l'accusation, la plu- part Italiens, qui avaient été au service de la Princesse durant sa résidence en Italie, où pendant son séjour sur la polacre , qui ser vit à ses différentes traversées. Ces mdividüus avaient été recueil- lis par une commission secrète- ment établie à Milan, qui surveil- lait les démarches de la Princesse. Leurs dépositions reproduites par des interprètes asscrmentés , fu- rent contradictoirement sollici- tées et controversces, suivant la coutunie des cours judiciaires an- glaises, par les organes de l’ac- 256 cusation et par ceux de la défense. CAR Tous les journaux de l’Europe re- produisirent exactement, durant plusieurs mois, les détails scan- daleux de ces dépositions. La plume et le crayon rivaliserent en France et en Angleterre, pour en aggraver la licence. La Reine se présenta en personne le 21 août, à la barre de la Chambre des Pairs, pendant Ja déposition du premier témoin, surnommé par le peuple non mi ricordo, à cause de ce refrain habituel de ses ré- ponses. À la vue de cet individu qui avait été son courrier , elle poussa un cri et se retira preci- pitament, disant qu’elle ne pou- vait supporter la vue d’un homme qui se rendait coupable d’une si noire ingratitude. Apres avoir entendu les témoins à décharge, et le savant et éloquent défenseur de la Reine, M. Brougham, la Chambre vota la seconde lecture du bill, à une majorité de vingt- huit voix. Enfin , le 28 novem- bre , la troisieme lecture passa, seulement à la faible majorité de neuf voix. Suivant la coutume anglaise, le ministère considéra l'accusation comme échouée, et sur la motion de lord Liverpool, la passation du bill fut ajournee à six mois, c’est-à-dire indefini- ment. Suivant un autre usage des Chambres anglaises , plusieurs Pairs de la majorité , protesterent contre l’abandon du bill. Maintenant il faut expliquer quelles circonstances firent per- dre la majorité au bill. Plusieurs Pairs , notamment sur le banc des évêques , guidés par un scrupule religieux , voterent pour la se- conde lecture , avec la restriction expresse , qu'avant la troisième CAR lecture , la clause du divorce se= rait supprimée ; qu’on se borne- rait à dégrader S. M. du rang de reine , et qu’elle continuerait à être considérée comme la pre- mière femme du Royaume-Uni. Les ministres, désireux de réunir les votes de ces Pairs, exprime- rent le vœu de voir supprimer la clause ; mais ils ne furent point secondés dans cette manœuvre, par plusieurs Pairs trop zélés pour l'accusation. L’Opposition tira ha- bilement avantage de cette nuance d'opinion , et contrairement à ses opinions exprimées, mais Con- formément à son but, elle vota pour le maintibn de la clause du divorce dans le bill, espérantbien qu’à la troisieme lecture, la ma- jorité se trouverait réduite d’un certain nombre de votes timorés, qui se dirigeraient définitivement contre le bill, et qui réunis avec les votes de l’Opposition , place- raient le Gouvernement dans la nécessité d'abandonner le bill. En effet, une majorité de soixante- six voix , formée comme nous ve- nons de le dire , maintint la clause du divorce ; cette manœuvre ha- bile fit perdre aux ministres douze voix à la troisieme lecture, et les débats se terminerent, comme nous l’avons dit , le 10 novembre, le cinquante-troisieme jour de- puis leur ouverture. Pendant ce temps, la Reine parut plusieurs fois à la Chambre des Pairs, et reçut chaque fois les plus vifs ap- plaudissemens de la multitude. La nouvelle de l’abandon du bill produisit parmi elle une explo- sion de la plus bruyante joie ; des bandes de peuples parcoururent la ville en poussant des acclama- tons en l’honneur de la Reine, et CAR uñ grand nombre de inaisons fu- rent 1lluminées , de gré ou de force, durant trois jours (1). De nombreuses adresses de félicita- tion furent présentées à la Reine, de toutes les parties du royaume , et par diverses corporations d’arts et métiers. Les réponses qu’elle y fit , furent d’un ton et d’une éner- gie telle, qu’on les supposa dic- tées par les champions les plus violens de l’'Opposition, dans l’in- tention de provoquer une commo- tion populaire: Au mois de mai 1821,la Reine, apprenant par la voix publique, que la cérémonie du couronne- ment du Roi devait avoir lieu in- cessamment , écrivit au comte de Liverpool pour demander d’y avoir une place assignée. Elle recut pour réponse « que S. M. ayant déter- miné que la Reine ne serait point comprise dans le cérémonial de son couronnement, c'était son royal plaisir qu’elle n’y fût point présente. » Une proclamation du Roi ayant convoqué la Cour des prérogatives (the Court of claims), pour prononcer sur les diverses prétentions encore indécises , aux- quelles devait donner lieu la nou velle cérémonie, la Reine adressa trois mémoires au Roi, pour récla- (1) On raconte que lord Lauderdale, qui vote habituellement avec l’Oppo- sition , mais que ses anciennes et in- times relations avec le Roi engageaient à voter cette fois pour les ministres, fut à son retour de la Chambre , reconnu et entouré par Île peuple, qui voulut le forcer à crier : ve La Reine ! Le noble comte s’exécuta de fort bonne srâce, et ajouta à son vivat, qu'il sou- haïtait à tous les Anglais qui l’entou- raient , une femme aussi sage et aussi fidèle que la reine Caroline. CAR 353 mer son droit légal de participer aux honneurs du couronnement. Le Roi transmit ces mémoires à son conseil privé, composé des princes du sang, des ministres et des principaux officiers de la Cou- ronne. Les conseillers légaux de la Reine furent admis à venir y sou- tenir ses prétentions. M. Brou-— gham s’eflorça de prouver par des exemples historiques , que les rei- nes d'Angleterre possédaient le droit légal et constitutionnel d’être couronneées ; il cita huit exemples de couronnemens simultanés , dé- puis l’époque de la conquête , tan- dis qu’on n’en trouvait que cinq de rois qui eussent été couronnés seuls, du vivant de leurs épouses. Le procureur-général du Roi sou- tint que les exemples historiques étaient contraires aux prétentions de la Reine; que le droit qu’elle» réclamait nese trouvait mentionné dans aucun écrivain , ni dans au- cun texte de loi, ni dans aucune discussion touchant les priviléges des reines-épouses ; il soutint que le couronnement du Roi était un acte politique, avec lequel le cou- ronnement de la Reine n'avait point de connexité; enfin, il con— clut par dire que, bien que j’usage fût de couronner les reines d’An= gleterre, elles n'avaient point le droit d’exiger l’accomplissement de cette cérémonie , qui dépendait entierement de la volonté du son= verain. La Cour des prérogatives décida contre les prétentions de la Reine à être couronnée et S. M. protesta solennellement contre cette décision. Le 11 juillet , elle écrivit à lord Sidmouth , alors secrétaire d'Etat de l’intérieur, pour lui signifier son intention d’être présente au 17 4 258 CAR couronnement , et demander en conséquence qu’une place conve- nable lui fût assignee. La réponse de lord Sidmouth s’en référa sim- plement à la lettre précédente de lord Liverpool , ajoutant que le bon plaisir du Roi se trouvait im- compatible avec la nouvelle dée- mande formée par la Reine. Le lundi 16, lord Hood ecrivit au duc de Norfolk, grand-Maréchal d’An- gleterre , pour l’informer que l’in- tention de la Reine étant de se rendre à l’abbaye de Westminster, le jeudi suivant, jour fixé pour le couronnement, à huit heures et demie du matin , S. M. l’invitait à envoyer au devant d’elle des per- sonnes qui pussent la conduire à son siége. Le duc de Norfolk s’ex- cusa sur ce qu'’étant catholique, il ne remplissait pas en personne les fonctions héréditaires de sa charge. Le matin du couronne- ment, on était dans l’anxieté de savoir quel parti aurait pris la Reine : on ne fut pas long-temps dans l'attente. Des six heures du matin, S. M. monta dans son car- rosse de cérémonie, attelé de six chevaux , ayant à côté d'elle lady A. Hamilton et lady Hood, suivie d’un autre carrosse, dans lequel se trouvait lord Hood, et elle vint descendre dans une des cours de l’abbaye royale. L'entrée lai fut refusée à plusieures portes, auxquelles elle se présenta ; lord Hood , qui lui donnait la main, ayant montré son billet d’admis- sion , on lui fit observer qu’il n’e- tait que pour une personne ; sur quoi S. S. répliqua qu'il ne sup- posait point que la Reine eût be— ‘soin d’un billet d’entrée. Une des personnes préposées à la gardé de “la porte répondit qu’elle ne con- CAR naissait point la Reine, et refusa expressément de la laisser passér ; un des cavaliers de la garde de Windsor accourut, et dit qu’il n’y avait point de place pour S. M. Voyant que tous ses efforts pour pénétrer dans l’intérieur de l’église étaient inutiles , la Reine remonta dans son carrosse , ét retourna à son logement, au milieu d’un con- cours immense de peuple. Toutes les personnes placées à la garde dés portes de Westminster avaient reçu ordre de répondre qu’elles ne connaissaient point S. M., et néanmoins la Reiné $s’avançait dâns un carrosse du Roï,etles gar- des présentaient les armes quand elle passait. Le lendemain de la cérémonie , la Reine écrivit une lettre à l’archevèque de Cantor- béry , pour l’informer de son désir d’être couronnée quelques jours après le Roi, et avant que les préparatifs qui avaient servi pour la cérémonie fussent détruits, afin d'éviter de nouvelles dépenses. L’Archevêque répondit qu'il ne pouvait s’occuper de là cérémonie en question, que sur les ordres du souverain. Ici devaient se terminer Îles chagrins de la Reine; moins de quinze jours apres le: courônne- ment du Roi, elle tomba dange- reusement malade : des obstruc- tions s’étaient formées dans les intestins , et bientôt il se manifesta des symptômes d’inflammation. Tous les soins des médecins furent impuissans pour arrêter les progres de la maladie. La Reine d’Angle- terre expira le 7 août, à huit heures trente-cinq minutes du soir. Par son testament, elle légua tous ses biens au jeune Wiiliam Austin, cet enfant qu'elle avait CAR pris de bonne heure sous sa pro- tection, et que les dépositions de lady Douglas auraient voulu faire passer pour son fils. Elle nomma pour ses éxécuteurs testamentai- res lé D: Lushington et M. Tho- mas Wilde, avocat; elle distribua, par ses codiciles, divers legs etmar- ques de souvenirs aux amis de son Imfortüune; elle désire que son Corps soit transporté à visage dé couvert, au bout de trois jours, à Brunswick, pour y étreenterré , et que cette inscription soit placée sur Son cercueil : à Ici git Caro— line de Brunswick , reine ontragée d'Angleterre (1).» Le 14 août, un.cortége pompeux partit de Brandenburgh-House, afin d’ac- compagner les restes de la Reine à Harwich, où ils devaient être embarqués pour l'Allemagne. Le roi-d’armes d'Angleterre marchait devant le Éérétet , portant les in- signes de la royauté. Le Gouver- nement avait tracé la route du cortége, de manière à cotôyer les dehors de la ville de Londres ; maïs une populationimmenseavait résolu de lui faire traverser les quartiers les plus fréquentés de cette grande cité. "A l’éntrée de la rue d'Oxford, les soldats qui es- cortaient le convoi furent attaqués avec fureur par le peuple : plu- sieurs furent renversés de leurs chevaux, ou grièvement blessés par les pierres et autres objets qu’on né cessait de faire pleuvoir sur cs (1) « Here Lies Caroline of Bruns- wick, the injured queen of Fngland ». —Les exécuteurs testamentaires de da Reine firenten effet placer cette in$crip- tion Sur son cercueil, à Brunswick ; mais les autorités du pays s'empressè- rent de la faire effacer. CAR eux. Après qu'ils eurent long- temps supporte ces attaques, les magistrats firent lecture de l'acte contre les séditions ( riot act}, et donnerent l’ordre de faire feu: La premiere décharge fut dirigée en l’air et resta sans effet; à la seconde, un homme fut tué et un autremortellement blessé. Sir Ro= bert Wilson, qui avait le grade de major-général dans l’armée an- glaise, ayant été aperçu à cheval et même ,#dit-on , haranguant les soldats dans cette mêlée, a été rayé, par décision royale, des contfôles de l’armée. Cependant lesrues par où les autorités avaient tracé la marche du cortége se trouvérent tellement barricadées, que les magistrats consentirent à le laisser passer dans le Strand , et à ce qu'il traversât la cité, pour se diriger vers Harwich: Cette condescendance fut vivément improuvée par le Gouvernement ; et occasiona la révocation du chef de la police de Londres. Les réstes mortels de la Reine furent transférés à Brunswick, sur la frégate le Glascow , commandée par le capitaine Doyle, qui se trouva , par un hasard singulier, être le même qui, étant simple élève de marine, jeta l'échelle de corde à la princesse de Galles, lors- qu’elle monta sur le vaisseau de ligne qui la transportait pour la première fois en Angleterre. Lies honneurs funèebres les plus solen- nels furent rendus aux dépouilles mortelles de la Reine d’Angle- terre, par le peuple et les auto- rités de l’état de Branswick. Son corps fut déposé avec pompe dans les caveaux Rurales de cette ré- sidence , à côté de cinquanté-sept cercueils des nreimbrés «de la no 33 CAR ble famille qui règne dans ce pays, et entre ceux de son père et de son frere, morts tous deux en com- battant pour l'indépendance de V’Allemagne , contre la domina- tion de Bonaparte. On ferait un volume de ia liste des écrits auxquels les aventures et le proces de la Reine d’Angle- terre ont donné naissance. Dictés sous l'inspiration de l'esprit de parti et de la passion personnelle, ou dans des vues de spéculation mercantile , il en est peu qui mé- ritent une entiere confiance. On a publié en français, et même traduit en espagnol, de prétendus Mémoires de Pergami, dont nous ne parlons ici que pour avertir qu’ils sont apocryphes et supposés. On a également attribué à lord Byron et à lady Morgan des écrits au sujet de la Reine d'Angleterre, dont l’authenticité n’est pas moins douteuse. On peut consulter avec moins de défiance les Mémoires de la princesse Caroline, adressés à la princesse Charlotte, sa fille, publiés par Thomas Ashe, Esq., traduits de l’anglais sur la 4° édit. (par M. Picot, de Montpellier ). Paris, Dentu, 1813, 2 vol. in-8. Nous citerons aussi les ouvrages suivans : Histoire du procès de la Reine d Angleterre, par Ad". Desquiron de Saint Aignan. Paris, Rosa, 1829 , in-8. Le Sac blanc, ou Extrait de différentes Correspondances d’ An- gleterre, d°’ Allemagne, d Italie, etc. , relatives au caractère, aux mœurs et à la conduite publique et privée de l’infortunée Caroline de Brunswick, Reine d’ Angleterre ; traduit de l'anglais de sir Charles Popham, ancien secrétaire du prince 260 CAR de Galles, par M. M**, avocat. Paris 1820. — 2° édition, aug- mentée d’un supplément essentiel , entre autres de trois Lettres de M. Henri Cobbett sur l'affaire de la Reine. Paris, Bataille et Bous- quet, 1820, 2 vol. in-12. Tablettes de la Reine d’ Angle- terre, traduites de l'italien sur les manuscrits autographes de la Reine d’ Angleterre; par A.T. Desquiron de Saint-Aignan, ornées de por- traits, Paris , 1821, Alex. Eymery, in-8. Henri VIIT and Georges IF ; or the case fairly stated. — Henri VIIL et Georges IV, ou Exposi- tion impartiale du procès, par Thomas Harral; Londres, 1820. Journal of the visit, etc. — Journal du voyage de S. M. la Reine à Tunis, en Grece et en Palestine , écrit par Louise Du- mont; augmenté de pièces y re- latives, recueillies par Edgar Gars- ton. Londres, J. Alman, 1821, in-8 , xxiv et 64 pag. Selections from the Quens’s ans- wers , etc. — Choix des réponses de la Reine aux différentes Adres- ses qui lui ont été présentées, etc. Londres, John Hatgard et fils, 1821 ,1in-6, 106 pages. Un des plus habiles peintres de la Grande-Bretagne, M. Georges Hayter, a consacré plus de deux années à exécuter un grand ta— bleau, représentant une séance du proces de la Reine d’Angle- terre. Il a été commande par l’ho- norable Georges Agar Ellis, pour la somme de 1500 livres sterl. (36,000 fr.). L'artiste a choisi le moment où le comte Grey s’est levé, pour interroger Théodore Majocchi, dit non mi ricordo. La Reine est assise à la droite de la DAL barre qui forme le devant du tableau , ayant à côté d’elle ses conseils, MM. Brougham, Den- man , et le D' Lushington. Plus de deux cents portraits des personnages les plus distinguës de l’Angleterre , ajoutent à l’mtérèt DAL 261 de cette vaste machine, qui est connue en France, par des croquis au trait, qu’en ont donnés les re— vues anglaises , et qui a obtenu à Londres les honneurs de l’exposi- tion publique. D. DALBERG (Nis), medecin, était attaché au prince royal de Suëde, qui régna depuis sous le nom de Gustave IT ; 1l accompa- gna ce prince dans son voyage à Paris , en 1770 et 1771, et ne né- gligea pas, est-il dit dans son éloge, de visiter les principaux établissemens que renferme cette capitale, tant pour l’art de guérir que pour les autres sciences, et derechercher la connaissance per- sonnelle des savans les plus dis- tingués ; 1l eut d’autant plus de facilité à y réussir, que le Prince royal et toutes les personnes qui l’accompagnaient excitaient alors un vif intérêt. Il se la bientôt avec les principaux médecins et chirurgiens de Paris, Lasonne, Louis Fabre, Petit, ainsi qu'avec Jussieu, le Linne de la France ; il obtint même acces aupres de Rousseau, ce qui n’était pas une chose facile, et il en recut des lettres. Il fit encore en France la connaissance de d’Alembert, de La Condamine, de Cassim ; et en Allemagne, celle de Gleditsch, de Spalding , du célèbre médecin et chimiste Beireis, et de Mechel, habile anatomiste de Berlin. On conserve , dans la bibliotheque de Linkoping, en Suede , le Journal de voyage de Dalberg, écrit de sa main. Le reste de la vie de ce sa- vant a moins d'intérêt pour Îles Français. Disgracié à la Cour en 1781, il n’y reparut un instant que pour être présent à la fin tra- gique de Gustave IIT, aupres du- quel on l'avait appelé dans ses derniers momens. Îl est mort à Stockholm, à l’âge de pres de 85 ans, le 3 janvier 1820. On cite de lui quelques Mémoires , parmi ceux de l’Académie des sciences de Stockholm , notamment dans le volume de 1750, un Mémoire sur leffet de l’ipécacuanha donné en très-petites doses ; et dans celui de 1782, un autre sur /a coloquinte (cucumiscola cynthis ). Deux fois président de cette même Acadé- mie , il prit pour sujets du discours que le président sortant prononce suivant l’usage, la première fois, les Avantages et les inconvéniens du climat de la Suède, pour la santé ; la seconde fois, les Propriétés de Pair dans les villes grandes et po- puleuses. C’est en l'honneur de ce savant médecin, et du colonel Dalberg son frere, également na- turaliste , que Linnéle fils a donné le nom de Dalbergia à un genre de plantes de la famille des légu- mineuses (Extrait des Mémoires de l Académie de Stockholm, 1821, pag. 182. Traduit dans le Bullelin, 299 DAY des annonces et nouvelles scientifi- ques, de M. de Férussac, N° 1°, pag. 166). DAY (Jon), mort à New- York en 1820, à l’âge de cent trois ans , était né en Angleterre; mais il était passé en Amérique depuis plus de soixante années. Il paraît que, dès l’enfance , cet homme extraordinaire fut placé dans un grade tres-inférieur, à bord d’un vaisseau de guerre, d’où il s’éleva successivement jus- qu’au rang de lieutenant du vais- seau de S. M. B. le Bellérophon. Ce vaisseau séjourna un temps considérable dans un des ports de PAngleterre , où John Day forma une liaison avec une jeune per— sonne qu’il était sur le point d’é- pouser, lorsque l’équipage du Bel- Jérophon recut ordre de faire voile pour les Indes-Orientales. Son ab- sence, à ce qu'on croyait, ne devait se prolonger qu'un an; mais, par des motifs qui ne sont pas connus, trois ans s’ecoulerent avant que le Bellérophon fût de retour en Angleterre. Revenu dans son pays, John Day trouva celle qu'il aimait mariée à un autre. Cet accident imprévu l’affecta vve- ment ; il appela en duel son heu- reux rival, et le tua d’un coup de pistolet. Ayantencouru de la sorte les plus graves pénalités de la lé- gislation anglaise, privé pour tou- jours de cellequ’il aimait, dégouté du monde, et désenchanté des es- érances de ses premières années, 1l résolut d’aller chercher dans un pays lointain , et dans la retraite, , la tranquillité qu’il avait perdue pour toujours dans sa patrie. Il arriva à la Nouvelle-Angleterre dans un entier dénûment d’ar- DAY gent, et s’employa aux plus hum= bles services de la domesticité, comme à transporter les far- deaux des marchands , de leurs caves sur. leurs étalages , ne songeant qu'a mettre de côté, avec la plus stricte économie, le moindre sou qu’il pouvait gagner. Peu apres son arrivée en Amé-— rique , la révolution éclata; John Day prit les armes, et s’acquitta avec beaucoup de zele de ses de- voirs envers sa nouvelle patrie. Quand indépendance du pays fut assurée , 1l retourna à ses travaux serviles. Cet homme singulier par- Jait plusieurs langues vivantes, et remplissait avec une exactitude remarquable ses devoirs de chré- tien, Jamais il ne se mettait au travail sans avoir imploré aupara- vant la bénédiction céleste ; élevé dans la religion catholique, il embrassa la. foi protestante dans Pâge mür. Pendant plus de vingt ans , après son arrivée en Amé-— rique , on ne le vit adresser la pa- rele à aucune femme, et il ne. parlait que fort peu, hors les cas de nécessité, même avec les hom- mes. Une espèce de caye formait sa demeure, et il se nourrissait avec les restes des tables de trai- teur. De cette manière , et en ga- gnant six pence par jour, il par vint à ramasser des sommes assez considérables, qu'il placa sur les banques des divers Comtés. Il ap- partenait à la confrérie des francs- maçons, dans laquelle 1} parvint aux plus hauts grades ; et jamais un macon dans le besoin n'im- plora vainement sa fraternelle as- sistance. Son caractère paraissait fort doux; son extérieur était peu soigué ;, et 1l portait la barbe lon- gue. Ï} a laissé sa fortune , consis- DUM tant en plusieurs milhers de dol- lars, à une respectable dame, qui lui rendait depuis long-temps, et principalement pendant sa der- mere maladie, les soins les plus ‘affectueux. John Day termina sa carrière séculaire environne de la considération publique , et ses ob- seques furent célébrées avec une grande solennité. DUMONCEAU ( JEax Bar- Tiste)comte de Bergendael, gxand- officier de la Légion - d'Hon- neur , grand’croix de l’ordre de la Fidélité de Bade, chevya- lier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis , naquit à Bruxel- les , vers la fin de 1760, de parens qui appartenaient à la bourgeoisie de cette ville. Il y fit d'excellentes études au collége des Jésuites ; et ayant atteint sa seizième année, il suivit un cours d'architecture , art pour lequelil annonçait des dispo- sitions marquées, qu’un voyage à Rome , où il fit un assez long sé- jour, le mit à portée de dévelop- per. De retour dans sa patrie, il mit en pratique, avec succes , les connaissances qu'il avait ac- quises, et quelques bätimens con- struits d’après ses plans , sont en- core l’ornement de sa ville natale; mais les événemens politiques ne tarderent pas à lui faire adopter une autre profession , vers laquelle son caractere et ses penchans sem- blaient l’entraîner et à laquelle des : lors 1l consacra sa vie. Lors des premiers troubles du Brabant, en 1797, il entra dans une des compagnies de volontaires de Bruxelles, corps dont la formation ordonnée par les états de Brabant, avait pour objet d’opposer une bar- rière audespotisme militaire, dont DURE 263 les citoyens de cette ville com- mençaient à se lasser; et lorsque le mécontentement croissant eut provoqué l’émigration considéra- ble qui eut lieu à cette époque , le jeune Dumonceau ne fut pas des dermiers à aller joindre la division insurrectionnelle, commandée par le brave et malheureux Vander— Mersch , qui s’était formée sur le territoire hollandais, et venait de s'emparer de Diest. Employé dans l’armée active, apres l’éva- cuation de la Belgique par les Au- trichiens , 1l franchit rapidement, les grades subalternes , et parvint au commandement d’un corps de ürailleurs, auquel la couleur de son uniforme fit donner le nom de canaries., et qui, pendant la du- rée de cetie guerre, se signala par une témérité presque toujours heureuse. Le colonel Dumonceau se couyrit de gloire à la tête de ce corps dans grand nombre d’affai- res, et entre autres dans celle de Falmagne et du Mont-d’Anse- remme, où 1] fit essuyer à l’en— nemi une perte considérable. Après la défaite totale des insur- ges , et l’occupation de Bruxelles par les troupes autrichiennes, Du- monceau , d'apres l’invitation du prince de Béthune, se retira en France , où grand nombre de mi- hitaires belges s'étaient également rendus. En 1792, l’Assemblée lé- gislative ayant déclaré la guerre à la cour de Vienne, Dumonceau offrit au ministre de la guerre, ses services et ceux deses compagnons d'armes. Cette offre fut acceptée avec empressement, etles réfugiés furent réunis à Lille, ou ils se formerent en bataillons, sous la dénomination de ({roupes légères belges. Ce corps envoyé au camp o6 de Maulde, se distingua dès son entrée en ligne, par sa bravoure, dont les rapports des généraux et des représentans en mission, par- lerent souvent avec les plus grands éloges. Le bataillon commande par Dumonceau se signala particulie- rement à la bataille de Jemmapes, où il contribua essentiellement à la prise de la formidable redoute de Carignan ; puis dans une vive es- carmouche aux portes de Bruxel- les. Dans la suite , l’armée fran- çaise ayant été battue à Nerwinde, Dumonceau fut chargé de défen- dre contreles vainqueurs les appro- ches deLille , mission dontil s’ac- quitta avec succès; et dans une au- tre affaire contre un corps d’émi- grés , commandé par le jeune comte de Bouillé , il joignit à la gloire de vaincre celle de sau- ver les vaincus qu’une loi cruelle condamnait à la mort, et dont :l favorisa l’évasion , au risque de se compromettre gravement lui- même avec le gouvernement révo- lutionnaire. Plus tard, en 1905; il protégea eflicacement , auprès des autorités bataves , plusieurs émigrés français ou belges , réfu- giés à Delftet à La Haye; etdonna même chez lui l'hospitalité à quel- ques-uns d'eux , du nombre des- quels était l’évêque de Clermont. À la suite de la brillante affaire, dont nous venons de parler , 1] fut élevé au grade de général de bri- gade. Quelque temps après, :l emporta la position fortifiée d'Hallouin, devant Menin, dé- fendue par un corps hanovrien, et entra le même jour dans la place. Au commencement de la cam- agne de 1779, il forma avec l’ad- qudant-général Reynier , pour la DEM DUM conquête de la Belgique, un plan si bien combiné, que le général Pichegru le fit textuellement exé— cuter , au mois de mai suivant. Apres la bataille de Fleurus, il as- sista aux sièges de Bois-le-Duc et de Nimègue, et s’empara succes- sivement de cinq forts qui conte— naient une artillerie nombreuse et d'immenses magasins. Nommé par Pichegru commandant supérieur de La Haye, il s’acquit tellement, danstses nouvelles fonctions, l’es- time du gouvernement hollandais qu'il fut nommé lieutenant-géné- ral au service de la République Batave. En 1709, l'expédition an- glo-russe ayant effectué son de- barquement; le lieutenant-général Dumonceau repoussa en lui occa- sionnant une perte considérable , près de Bergen, un corps ennemi de 15,000 hommes. Vers la fin de l’action , 1l fut grievement blessé d’un coup de mitraille. Le géné- ral en chef Brune vint le voir , lui prodigua les éloges dus aux ta— lens qu'il venait de déployer, et lui fithommage du succes obtenu par l’armée gallo-batave ; en fai- sant déposer aux pieds de son lit les drapeaux conquis dans cette journée. En juillet 1800, le général Du- monceau fut appelé au comman- dement du corps d’armée auxi- l'aire qui devait agir en Franconie, de concert avec les troupes fran- çaises.-Il fut, dans cette campa- gne, chargé de la diréction du siége de Marienbourg, que la ré- sistance obstinée de l’ennerni força de convertir en blocus. En 1803, il fut chargé de la réorganisation de l’armée hollandaise, opération dont il s’acquitta avec le plus grand succes. La guerre ayant DUM recommencé avec l’Autriche , il fut chargé de garder Augsbourg et Donawerth, puis de couper la retraite à l’archiduc Ferdinand , après l'affaire d’Ulm. A la paix , il rentra dans ses foyers, où il demeura jusqu'a l’époque à laquelle la République Batave fut érigée en royaume. Îl fut pénible- ment affecté de ce changement politique qui contrariait ses senti— mens ; mais l’opinion qu’il mani- festait à cet égard fut si loin de lui nuire dans l’esprit du nouveau roi (Louis Napoléon), que celui-ci, bientôt apres , le nomma son mi- nistre plénipotentiaire en France. Lors de la guerre de Prusse , le général Dumonceau fut chargé du siége de Hameln , quine tarda pas à capituler. De là il se dirigea sur Brême et Hambourg. En fe- vrier 1807, il fut nommé maré- chal de Hollande , et décoré de la grand’croix de l’ordre de l’Union. Au mois d'août , il marcha avec son corps d’armée , fort de 25,000 hommes, vers la Pomera- nie suédoise; mais l’armistice con- clu avec le roi de Suede, par le général Mortier, vint interrompre ses opérations. L’année suivante, il fut nommé Conseiller d'Etat. En 1869 , il dirigea les opérations nécessaires à la défense des points menacés par l'expédition anglaise qui s'était emparée de File de Walcheren. En 1810 , il fut nommé comte de Bergendael. Lors de l’acte despotique par le- quel la Hollande fut réunie au territoire de l’Empire, le général Dumonceau refusa formellement d’assister à l'entrée des troupes françaises à Amsterdam. Appelé à Paris peu de temps après , il fut créé comte de l'Empire, puis 265 nomme successivement comman— dant de la Légion-d'Honneur et de la deuxième division militaire (Mezieres), l’une des plus impor- tantes de la France , par le grand nombre de forteresses qu’elle ren- ferme. Mais Napoléon ne voulut as lui reconnaître le titre de ma- réchal, qu’il avait dans la monar- chie de son frère. Au commen- cement de 1813, il fut charge d’un commandement à la grande armée, et manœuvra vis-à-vis. du général russe Czernitzcheff, de maniere à l'empêcher de lier ses opérations à celles du corps qui formait.le siége de Hambourg. Ayant ensuite recu l’ordre de se porter sur Dresde , il livra le 26 août, aux Russes retranches sur les hauteurs de Pirna, un combat sanglant dont il sortit vainqueur. Le lendemain , il réus- sit également dans un autre com-- bat : mais ce fut surtout à lajour- née de Kulm , si fatale à l’armée française , qu'ilse couvritde gloire en effectuant sa retraite dans Île meilleur ordre , devant une nombreuse division autrichienne, tandis qu’un corps prussien manœuvrait sur ses derrières. Le 7 septembre suivant , Na- poléon, en passant la revue des troupes échappées à cette sanglante action , lui donna des témoignages éclatans de satisfaction et d’es- time. Par suite des revers que les Français venaient d’essuyer , le général Dumonceau dut se re- ürer devant Dresde, puis dans cette ville même , et eut diverses affaires avecles assiégeans, jusqu’à l’époque de la capitulation qui, comme on sait, ne fut point res- pectée; alors, il conduisit son corps prisonnier sur les frontières DUM 266 de Hongrie, et se retira à Olden- bourg. 1] ne rentra en France que le premier juin 1814, époque à laquelle sa patrie était devenue indépendante ; il éprouvait un vif désir de lui offrir ses services ; mais n’étant point du nombre des ofliciers-géneraux belges et hollan- dais qui avaient recu l’ordre de rentrer, 1l crut, quoiqu'à regret, devoir se décider à rester en France , où les premiers fonction- naires de l’Etat lui manifestaient le désir de le retenir. Ilfutnomme de nouveau, commandant de la deuxième division militaire. Au commencement de juillet, 1l reçut la croix de Saint-Louis. En mars 1815, Bonaparteayant débarqué à Cannes, le général Dumonceau offrit, par une adres- se, ses services à Louis XVIII; 1l demanda aussi des instructions au duc de Bellune , sous les ordres duquel il se trouvait placé; mais dans la confusion inséparable des circonstances où l’on se trouvait, il ne reçut point de réponse , et bientôt même il apprit que le duc de Belluneavaittraversé Mezieres, sans le voir et sans s’y arrêter, Alors il assembla tout le corps d'officiers stationnés dans la place, et le résultat à peu presunanime de cette convocation ayant été qu'il fallait se soumettre au nouveau gouvernement, le général Dumon- ceau publia un ordre du jour, pour faire arborer la cocarde tri- colore. Peu de temps après, il re- cut la nouvelle qu'il était rem- placé dans son commandement et DUM DUM l’ordre de se rendre à Paris, ouil fut bien accueilli de Napoléon qui, ape une courte explication, lui offrit même un commande- ment dans l’armée. Les premières opérations de la guerre devant avoir lieu sur la Belgique, Du- monceau refusa ; neanmoins Na-— poléon lui donna une nouvelle preuve de confiance , en lui ren- dant le commandement de la deuxieme division militaire. La journée de Waterloo et l’invasion du territoire français , forcerent le général Dumonceau à quitter de nouveau Mezieres ; il se ren-— dit directement à Paris, et y fit agréer sa démission du service de France; 1l revint aussitôt dans sa patrie, où ses deux fils obtin- rent du service dans l’armée des Pays-Bas. Le general Dumonceau fixa sa résidence à Bruxelles, et bientôt la considération publique dont.il jouissait ,le fit élire député du Brabant méridional à la se- conde Chambre des Etats-Géne- raux, Îl n’a fait que paraître dans cette assemblée , et il est mort à Bruxelles, le 29 décembre 1821 , âgé du 61 ans. Dumonceau se montra dans tout le cours de sa carriere , bon citoyen , brave mi- litaire , officier loyal et humain. Sévère ennemi des déprédations , i] offrait dans sa conduite l’exem— ple de la sévère probité qu'il exi- geait de ses subordonnés , et qui l'avait fait surnommer dans l’ar- mée le général sans tache ( Extrait du Journal de la Belgique, du 5 janvier 1022 ). FRA FRA 267 F: . FRANK (JEan-PierRE) , me- decin, né à Rotalben, à cinq lieues de Deux-Ponts, le 19 mars 1745, fit ses premières études chez les Piaristes , à Radstat (1). Malgré le desir que son pere, quiétait fran- çais, et sa mere avaient témoigné de le voir entrer dans les ordres, il voulut embrasser la profession de médecin , etse rendit, dans ce des- sein, à l’Université de Heidelberg, après avoir étudié la philosophie à Metz et à Pont-à-Mousson. En 1765, 1l fit un voyage à Stras- bourg, pour y suivre les cours et fréquenter les hôpitaux, et revint l’année suivante, prendre le bon- net de docteur à Heidelberg. Son projet étant d’exercer l’art de gué- rir en Lorraine, il se vit oblige de faire de nouvelles preuves à Pont- à-Mousson, d’ou il se rendit à Bit- che. Deux ans après, il alla fixer sa résidence à Baden, pres Rad- stat, et, en 17969, il fut nommé médecin de la garnison et de l’ar- rondissement de cetle derniere ville. En 1772, le Prince-Evêque de Spire le choisit pour son pre- nier médecin, et le mitau nombre de ses Conseillers d'Etat. Pendant neuf ans qu'il passa à Bruchsal, Frank fit des cours d'anatomie et pe Pme (1) raconte lui-même qu'ayant dans sa jeunesse une-très-belie voix, la margrave de Bade eut l'idée de l’en- voyer en Ifalie, pour lui faire subir’ une opération qui aurait fait de Jui un excellent soprano. Le général Dieger, protecteur de Frank , eut beaucoup de peine à faire renoncer la Princesse à son projet, de physiologie , et dirigea l’ensei- gnement des sages-femmes. Ses soins furent couronnes de succes, car le nombre des femmes mortes enceintes diminua de pres d’un tiers. En 1784 , il fut appelé à l’Université de Goettingue , en qualité de professeur de clinique, et le roi d’Angleterre lui accorda le titre de Conseiller d'Etat, Obligé de quitter Goettingue, dont le cli- mat nuisait à sa santé, il se rendit à Pavie, en 1786, pour y rem— placer Tissot. Là , 1l traça un nou- veau plan d’études médicales, dont plusieurs parties ont été louées, plus peut-être qu’elles n'auraient dû l'être, mais qui pourtant n’a pas été sans résultats avantageux. Vers la même epoqueil fatnommé Directeur-général pour l’état sa— nitaire de la Lombardie ; sa répu- tation s’accrut considérablement ; sa clinique attirait une grande af- fluence d’eleves, et les menées de quelques ennemis ne ‘parvinrent point à rallentir ses succes, En 1705 , l'Empereur d'Autriche l’ap- pela à Vienne pour régler le ser- vice de sante de ses armées, etvers la fin de la même année, :1l le nomma Conseiller aulique et Di- recteur-général de l’hospice civil de Vienne. En 1804, Frank partit pour Wilna, appelé à remplir la chaire de professeur de clinique, avec son fils , auquel fut accordée celle de pathologie. L'empereur de Russie choisit Frank pour son premier médecin et pour profes- seur de médecine-pratique à l'A- cademie médico-chirurgicale de Saint-Petersbourg. Obligé d’aban- 268 FRA douner la Russie, à cause du dé- labrement de sa santé, il partit, en 1808, avec l’assurance d’une pension de 3000 roubles, pour se rendre à Fribourg en Brisgaw ; mais les événemen$ de la guerre le retinrentqueique temps à Vienne, où il fut consulté par Napoléon, sur l’état du maréchal Lannes. At- tentif à rassembler pres de lui tous les hommes d’un merite supérieur, mais les jugeant quelquefois sur l'éclat de leur réputation , Napo- leon Jui offrit, dit-on, de venir occuper , en France; une place brillante. Frank préféra suivre son projet de retraite ; 1l se rendit à Fribourg vers la fin de 1809, et quitta cette ville, en 181t, pour aller à Vienne, déterminé en cela par la mort de sa fille. En 1814 S. M. l’archiduchesse Marie- Louise le consulta sur sa santé et sur celle de son fils, et plus tard elle lui accorda la croix de com- mandeur de l’ordre de St.-Georges. Chargé d’honneurs et d’années, Frank est mort à Vienne, le 24 avril 1621, laissant apres lui le souvenir d’un bon praticien et d’un professeur imbu de connaissances solides. Vingt années d’enseigne- ment clinique dans de célebres Universités , sont des titres incon- testables en sa faveur. Ses ou- vrages annoncent un savoir étendu en médecine pratique, mais rien qui décèle une supériorité remar- * quable. Liste des ouvrages de J. P. Frank. I. Send schreiben eines Rheini- schen, etc. — Lettre sur quelques principes émis par le Collège des médecins, à Munster. Manheim. 1776, in-8 (anonyme ). FRA IE. Epistola invitatoria ad erudi- Los, de communicandis quæ ad poli- tiam medicam spectant, principum ac legislatorum decretis. Manheim. 1776, in-8. Le plan de l’ouvrage que Frank se proposait de publier sur la po- lice médicale, reçut des éloges ; mais on douta qu’un seul homme püt exécuter ce travail, surtout dans une petite ville. L’invitation de Frank n’eut pas le résultat qu’il attendait, car 1l ne reçut que très- peu de matériaux. III. System einer vollstændigen medizinischen polizey. — Systeme complet de police médicale. Man- heim ,t.1, 1970. — 2*édit. 1784. Te II, 1980. — III, 17983. — IV , 1789. — V,Tubingue, 1812. — VI, Vienne, 1617, in-8. Cet ouvrage fut lu avec beau- coup d'intérêt , et il doit être con- sidéré comme la principale base de la réputation de l’auteur. Il est à désirer que M. le D' Jourdan en publie la traduction, dont il s’occupe depuis long-temps. IV. Observationes medico-chirur- gicæ, de singulari abcessu hepatico et de sectione symphysis ossium pu- bis in Episcopatu Spirensi peractä. Erford , 1983, in-4. — Extrait des Actes de l’Académie de Man- heim. C V. Oratio inauguralis, de insti- tuendo ad praxin medico. Goet- tingue. 1754. VI. Prolusio de larvis morbo- rum biliosis. Goettingue, 1784 , in-/. VII. Ankuendigung des Klinis- ‘chen instituts zu Goettingen, etc.— Prospectus de l’Institut clinique de Goettingue , et de son rétablis- sement en faveur des malades pauvres et des personnes qui se FRA destinent à la médecine pratique. Goettingue, 1984, in-4. VIIL Dissertatio de maglstratu medico félicissimo. Goettingue , 1784, in-4. IX. Delectus opusculorum me- dicorum antehäc in Germaniä, in diversis academiis editorum, quam in auditorum commodum collegit , et cum notis hinc indè aucta recudi curavit. Pavie, 1785-1793, 12 vol. in-8. X. Sermo Academicus de civis medici in republicä conditione atque officiis , ex lege præcipue erutis. Pavie, 1785, in-8. XI. Oratio Academica de vesicä urinali, ex viciniâ morbosâ ægro- tante. Pavie , 1786, in-8. XII, Synopsis nosologiæ metho- dicæ , continens genera morborum. Auctore G. Cullen. Editio quarta, emendata et plurimum aucta; recudi curavit et præfatus est. Pavie, 1587, in-8. XIIT. Oratio À cademica de signis morborum ex corporis silu partium- que positione petendis. Pavie , 1788, in-8. XIV. Piano di regolamento dell direttoriomedico-cirurgico di Pavia. — Plan de réglement pour le di- rectoire medico- chirurgical de Pavie. Milan, 1768, in-4. XV. Piano diregolamento per la farmacia della Lombardia austrica. — Plan de réglement pour la phar- macie, dans la Lombardie, autri- chienne. Milan, 1788, in-4. XVI. Opuscula medici argu- menti. Leipzig, 1700 , in-8. | X VII. Plan d’école clinique, ou Méthode d'enseigner la pratique de la médecine dans un hôpital acadé- mique. Vienne, 1790, in-8. — TER en italien, Crémone, 1790, in-8. FRA 269 XVIII. Apparatus medicami- num ad usum nosocomii Ticinen- sis. Pavie , 1500, in-8, XIX. De periodicarum affectio- num ordinandis familiis , oratio academica. Pavie , 1391 , in-8, XX. Discursus academicus de circumscribendis morborum his- toriis. Pavie, 1792, in-8. XXI. De curandis hominum mor - bis Epitome , prælectionibus acade- micis dicata. Manheim et Vienne, 1792-1921 , in-8. — Traduit en français , sous le titre de Traité de médecine pratique, par Gouda- reau, Paris, Migneret , r820— 1923, 5 vol. in-8.— En allemand, Vienne, 1703, in-8. Cet ouvrage , qui était tres-bon à l’époque où il fut commencé , a vieilli avant d’être terminé. Frank a eu la singulière précaution de n'y citer personne. On doit toute- fois regretter qu'il ne l'ait pas achevé (1), car 1l s’était attaché à y présenter tout ce qu’on sait de positif en médecine. L’Epitome a été réimprimé à Turin, Vicence, Venise, Milan,et même à Vienne. Le docteur Regnier Comandoli en publie, à Pavie, une Traduction italienne, qui n’est pas encore achevée, et dans les notes de la- quelle il s'attache à faire ressortir le mérite de la doctrine du contro- stimulus. Le docteur Morelli en donne aussi une autre à Florence. X XII. Biographie des Dr. J. P. Frank, von ihm sebst geschrieben. —Biographie du Dr, J.P. Frank, écrite par lui-même. Vienne, 1802, in-8 (2). (:) M. le comte Ostrowski promet de publier la suite de l'ouvrage de Frank. (2) Cette Biographie a été traduite en italien. GAL XXTII. Jnterpretationes clinicæe observationum Selectarüum. T'ubin- gue, 1011, in-8.—Milan , 1811, in-5(1) (Extrait de la Biographie 270 GAN Médicale, publiée chez Panc- koucke. Tom. IV, pag. 24-50: Article signé : F. G. Boisseau). G. GALDI (Marr£o ), ne à Co- pérchia , village près de Salerne , dans le royaume de Naples, en 1766 , embrassa , au sortir de ses études , là carriére du barreau. Les principes libéraux que le bruit de la révolution française lui fit adopter, l’avaient oblige à s’ex- patrier de Naples, des 1794. Il accepta du service dans l’armée française, et fut employé dans l'état-major, à Milan. Depuis cette époque , Galdi prit une part tres— active aux affaires politiques de l’I: talie. Doué du talentde l’improvisa- tion, il l'employa tour à tour pour exciter où calmer les effervescences populaires, et travailla également l'opinion publique par ses écrits. Le gouvernement républicain de Naples l’envoya comme agent des relations commerciales pres la République Batave. Sous le règne de Murat, Galdi fut nommé intendant d’un département du royaume de Naples, et enfin di- recteur- général de linstruction publique. Lors de la révolution de 1820 , Galdi fut élu député au Parlement, et ÿ parvint aux hon- neurs dé la présidence. Il est mort à Naples, au mois de novembre 1921. ————— (1) Frank a composé la Préface de l'ouvrage de son fils( Joseph}, intitulé : liatio instituts clinici Tisinensis, publié en 1790. Liste des ouvrages de M. Galdi. I. Considérations sur la féodaz lité IT. Nécessité d'établir une répu- blique en Italie. 1 706. LIT. Observations sur là constitu- V. Discours sur les Rapports politiques et économiques de l'Tta- lie avec la France ét l’Europe. 1507. VE. Quadro storico dell Olanda. —Tableau historique dé ta Hol- lande. Milan. VII. Pensiert sull’ instruzione publica.—Penséées sur l’instraction publique. Naples, 1810. Tous les ouvrages de Galdi sont écrits en italien, et la plupart fu- rent imprimes à Milan. Quelques= uns ont élé traduits en francais. À Naples, il a donné à l’Académie royale dont il était membre, plu= sieurs Mémoires sur des matières de législation et d'économie poli- tique. La poésie ne lui était pas étrangère : on à de lui quelques pieces de vers , toutes animées d’un esprit libéral et philoso- phique. GANDOLPHY (PrEeRRE ), pré- tre catholique anglais, étudia en thcologie au collège de Stony- Hurst. Il s'était fait de la réputa- tion parmi les personnes de sa GAN communion, par ses sermons de controverse , relatifs aux limites de l'autorité temporelle sur la dis- cipline de l’Eglise ; mais lorsqu'il les eut imprimés, on crut y dé- couvrir des choses peu exactes, et Gandolphy n'ayant point voulu consentir à les rectifier , son livre fut censuré par l’évêque catholi— que de Londrés. Gandolphy se pourvut à Rome contré cette dé- cision , et soutint avec ferimneté les sentimens qu’il avait émis dans ses écrits. Il séjourna quelque temps à Paris , à l’occasion de son voyage dans la capitale du monde chrétien. Cette controverse donna naissance à divers pamphlets. Gandolphy est mort à East- Sheen , le 9 juillet 1821 , âgé seu- lement de 41 ans. Liste des ouvrages de P. Gandolphy. I. À Defence of the ancient faith, etc. — Défense de la foi ancienne, ou cinq Sermons sur les preuves de la religion chrétienne. 1811, in-8. Il. Liturgy , or a full Developpe- ment ofthe faith, etc. — Liturgie, ou Exposition complète dela foi de J’Eglise catholique. 1812, in-6. LIT. Congratulatory Letter to the Rev. Herbert. Marsh, DD.—Let- tre congratulatoire au docteur I. Marsh. 1812 ,in-8. IV. 4 second Letter to the Re. H. Marsh, DD. — Seconde lettre au révérend docteur Marsh, 1813, in-8. wi V. A full Exposition of the chris- tian religion, etc. — Exposé com- plet de la religion chrétienne , en une série de sermons. 1813, 1 vol. in-D. GIL VI. 4 Sermon on the text : Ren- der to Cæsar the things, etc.— Ser- mon sür le texte : Rendré à César ce qui appartient à César, etc. ; prêché dans les chapelles catholi- ques de Bavière et d’Espagne , les 2 et juillèt 1813. In-{. 271 GERHARD { CurÉmen ABra— AM ) , chevalier de l’Aigle-Rouge de Prusse, Conséiller des finances, membre de l’Académie des $cien- ces de Berlin, ét de plusieurs au- trés sociétés savantes de l’Alle- magne , ést mort à Berlin, le œ mars 1821 , âgé de 84 ans. Pen- dant sa jongue et laborieuse vie, il n’4a céssé de prendre une part active à toutes les recherches de médecine, d’histoire naturelle, de physique, de chimie, en ne négligeant aucun moyen d’en propager lés résultats et d’en ren- dre l’application plus générale. C’est dans cette vue qu'il publia plusieurs écrits estimés. M. Ger- hard est éncore connu par une Histoire du règne minéral ( Ges- chichte des mineral reichs }, et par la traduction des Voyages métal- lurgiques de Jars, ouvrage qu'il à enrichi de developpemens pré- cieux sur l’exploitation des mines (Revue Encyclopédique, t. XV, pag. 638). GILJ (Pipe Louis), bota- niste italien , naquit à Corneto, le 14 mars 1796. L'histoire naturelle et l’asfronomie partagérent , avec la science des plantes, les loisirs de ce savani. Il avait formé un musée d'histoire naturelle, dans lequel il recueilhit les richesies que renfermait celui du père Tho- mas Gabrini, qu'il a légué avant . . - 9, de mourir à la bibliotheque de GRE 272 Lanci. Gilj était chanoine de la basilique du Vatican et directeur de l’Observatoire fondé par Gre- goire XIII. Il est mort d’une at- taque d’apoplexie, le 15 mai 1821. Nous connaissons de lui : I. Dissertazione sulle machine igrometriche. — Dissertation sur les machines hygromeétriques. Rome , 1775. IL. Agre Romani historia natu- ralis, etc. Rome, 1961. III. Memoria sopra un fulmine caduto in Roma. — Mémoire sur un coup de foudre tombe dans Rome. 1782. IV. Fisiogenographia osia deli- neazione de” generi naturali divisi in sei classi, etc. — Physiogénogra- phie , ou Description des genres naturels, divisées en six classes. 1709. [ V. Osservazione filologiche so- pra alcune piante esotiche introdotte in Roma. — Observations philolo- giques sur quelques plantes exo- tiques , introduites à Rome. 1:89 et 1792. Louis Gil; a donné encore plu- sieurs Mémoires, sur divers su— jets de physique, particulièrement des observations méteréologiques faites à Rome, avec des notes sur quelques instrumens employés à cet effet. Il a fait réimprimer, en 1812, avec des éclaircissemens, l’Architettura della basilica di san Pietro in Vaticano, en 32 plan- ches, par Martin Ferraboschi. GRÉGOIRE, patriarche de Constantinople, naquit à Dimitza- na,petite ville d’Arcadie,en Morée, en 1739. Il fit ses premieres étu- des à l’école de cette ville, qui alors était une des plus florissantes de la province. Destiné de bonne GRE heure à l’état ecclésiastique, ses parens, qui étaient riches , l’en- voyèrent d’abord au monastère de Mega-Spiléon , situé sur le mont Cyllene, d’où il passa à celui de Saint-Luc , en Béotie, et enfin au mont Athos, où il recut les ordres sacrés. C’est de là qu’il vint à Smyrne , dont l’archevêque Procope , son compatriote , le fit entrer dans son clergé ; et quand Procope fut nommé patriarche de Constantinople, Grégoire lui suc- céda sur le siège de Smyrne. Cette diguité lui donnait entrée dans le Synode de Constantinople, qui, comme le sacré Collége de Rome dans l’église latine, choisit le chef de l’église grecque. En 1795 Grégoire.fut élu pairiarche de Constantinople. Il était investi de cette dignité, en 1798 , lorsque les Français débarquèrent en Egypte ; et les Turcs demanderent sa tête, par cela seul que des chrétiens venaient de s'emparer d’un ter- ritoire considérée comme l’ombilic (nombril; de l’empire du croissant. Mais Sélim III qui régnait alors ; proclama l’innocence de Grégoire, et le chef suprême de lPEglise grecque empécha les Grecs par une encyclique, de courir aux armes, pour conquérir la liberté que leur promettaient les agens français. À la fin de 1806, la guerre ayant éclaté entre la Rus- sie et la Porte, la tête du Patriar- che futencore une fois menacée par les fureurs de la populace, mais encore protégée par la sagesse du sultan Sélim. Le Patriarche agit à l'égard des Russes, comme il avait agi à l'égard des Français; ses lettres pastorales concoururent à maintenir les Grecs dans un état de calme qui les préservait de plus .GRE grands maux. Il courut également de grands dangers , lorsqu’en : 806 , la flotte anglaise se pre- senta devant Constantinople ; mais Sélim se borna toujours à l’exiler au mont Athos , comme pour le soustraire aux fureurs d’une popu- lace ignorante et féroce. Le Pa- triarche avait traverséle règne du farouche Moustapha,successeur de Sélim , lorsque, sous le règne de Mahmoud , au milieu de l’année 1821, le prince Alexandre Y psilau- ti, leva sur les bords du Danube, l’étendard de la croix grecque. À cette nouvelle le Patriarche est mandé par le Divan, à la barre de V Apostrophe impériale, où il reçoit Vordre au milieu des injures, des menaces et des explosions de rage, de rappelerlesGrecs à l’obéissance. En effet, le patriarche lança l’4- nathème contre Ypsilanti et ses adhérens ; acte qui contribua trop puissamment à arrêter les progrès de l’insurrection. La veille de Pä- ques , il avait adressé une encycli- qué aux métropolitains , archevé- ques , évêques , exarques, archi- mandrites , et à tous les fideles de l'Eglise d'Orient, pour les ex- horter à l’obéissance au Sultan, lorsque la faction, qui meéditait l’anéantissement du christianisme dans l'Orient, ayant prévalu dans le Divan, le successeur de Saint- Jean Chrysostôme fut saisi dans sa demêure, pendu comme un vil scélérat à la porte de la basilique patriarcale, et ses restes vénéra- bies , livrés aux outrages des mu- sulmans. Ce meurtre devint le si- gual du massacre des évêques, des prêtres, des moines, des masses entières de la population grecque ; par tout l'empire ottoman les femmes grecques furent outragées GRE et réduites en esclavage; les en- fans à la mamelle écrasés sur le sein de leurs mères ; les établis- semens publics brûlés ; les maisons particuhieres livrées au pillage. L'Europe chrétienne apprit en frémissant ces épouvantables ré— cits ; elle s’en émut tout entière ; elle sentit se réveiller sa vieille fraternité avec les chrétiens d'O- rient ; elle demanda des armes pour courir les sauver; mais les grands de la terre resterent in- sensibles et'silencieux. 27 Cependant le corps sanglant du Patriarche , après avoir été traîne dans les rues par les juifs, fat jeté dans le Bosphore, avec une pierre au cou. La pierre s'étant détachée , le cadavre revint sur la surface des flots et fut poussé pres d’un vaisseau , sur lequel s'était réfugié un des domestiques de la maison patriarcale. Cet homme reconnaît son maître : ses cris et ses gémissemens avertissent aus— sitôt l'équipage. Le capitaine im pose silence à ses gens, de peur d'attirer les Turcs, qui n'étaient pas éloignés. Il fait jeter une natte sur la dépouille mortelle du pon- tife, la fait fixer aux flancs du vaisseau par une corde, en ayant soin que ie corps soit caché sous l’eau. La nuit venue, les matelots se précipitent dans la mer, ils en - Jevent le cadavre et le descendent à fond de cale, sans oser troubler le silence de la nuit par aucun chant religieux. Le vaisseau était destiné pour Odessa : le ‘tende- main , au point du jour, un vent favorable lui permit de'suivre sa destination. 1] s'éloigne en toute hâte de Constantinople, empor- tant son précieux fardeau. À peine 1 8* 274 GRE arrivé à Odessa , le brut se répand que ce vaisseau porte à son bord les restes du vénérable patriarche de Constantinople. Aussitôt une foule immense se presse vers la quarantaine , où le corps est ex-— posé, et soumis à l’examen des commissaires désignés par les au- torités. Vingt jours s’étaient écou- lés depuis le martyre du Patriar- che: aucune précaution n’avait été prise pour conserver son corps. Mais, dit un narrateur oculaire, Dieu semble avoirordonne à !a des- truction de s’arrêter; onn’aperçoit sur ses restes vénérables que les traces de la barbarie des musul- mans, Un des yeux avait été crevé par les bourreaux , etses bras por- tent encore les débris des cordes qui servirent à le traîner dans les rues. À ce spectacle, au récit que les matelots faisaient de la ma- niere dont ils avaient retrouvé le corps du Patriarche, les assistans firent éclater leurs sanglots. M. le comte de Langeron , gouverneur de la province , s’étant convaincu de la réalité des faits , expédia sur- le-champ un courrier pour deman- der les ordres de l'Empereur. En attendant, le clergé remplit les ce- remonies de la religion; l’archi- mandrite russe, Théophile, obtint de s’enfermer dans la quarantaine avec le corps du Patriarche, pour accomplir les rites de l’Eglise, tandis que les lampes sacrées brû- laient jour et nuit dans cet asile. Les ordres de l’Empereur arrive- rent bientôt : ils prescrivaient les pus magnifiques funérailles. Le ynode de Saint-Pétersbourg en- voya ses plus riches ornemens, pour couvrir la dépouille mortelle du vénérable Patriarche. Ses ob- sèques furent célébrées avec une GRE pornpe digue de l’église de Russie. et le corps déposé dans l’église grecque d’Odessa ; où l’on s’oc- cupe maintenant de lui ériger un monument en marbre. Le patriarche Grégoire était simple dans ses mœurs, exem- plaire dans sa vie, et rigide ob- servateur de tous les devoirs du chrétien. Il punissait sévèrement les abns qui cherchaient à s’in- troduire parmi son clergé, ce qui lui avait fait quelques ennemis. Au nombre ‘de ses bienfaits on doit compter le rétablissement de l'imprimerie du Patriarcat. 1l avait traduit, commenté et im" primé en grec moderne , un Traité sur les Epitres de Saint-Paul , et” publié des Homélies sur La charitéÿ" sans parler de ses lettres pastorales: et de plusieurs autres sermons. L’oraison funebre du patriar- che Grégoire a été prononcée à Odessa,imprimée en grec moderne et en russe, et traduite en français, sous ce titre : Discours prononcé en grec à Odessa, le 29 juin 182x, pour les funérailles du patriarche Grégoire, par Constantin, prêtre grec , économe et prédicateur de La maison du patriarche, trad. par M**. grecque, Paris, Bobée, 1621, in-6. une feuille 3 quarts. GREGORY (James), médecin écossais , fils aîné de John Gre- gory , aussi médecin et petit-fils d’un autre Gregory , inventeur du télescope à réflexion. James Gre- gory naquit à Aberdeen, en 1 753: il commença son éducation dans cette ville, et la termina aux uni- versités d'Oxford etd’Edimbourg, Apres avoir pris ses grades en médecine , en 1774 , il visita la HAR Hollande , la France, l'Italie, avec M. Macdonald (aujourd’hui sir Archibald Macdonald , premier baron de la cour de l’Echiquier), et revint en Angleterre , en 1775. Ce voyage fut d'autant plus utile à son instruction , qu’étant versé dans les deux littératures de la Grèce et de Rome, il joignait à beaucoup de savoir un grand es- prit d'observation , deux choses qui se font également remarquer dans ses écrits. En 1776, Gre- gory fut nommé à la chaire de médecine théorique à l’université d’Edimbourg ; et quelques années après il succéda au célèbre Cullen, dans la chaire de médecine pra- tique. En février 1777, il devint membre et secrétaire du Collège des médecins d'Edimbourg , qu'il présida en 1508 et 1799. Àu mo- ment où sa patrie fut menacée d’une invasion des Français, en 1797 , on vit le D Gregory rem-— plir les fonctions de capitaine, dans un bataillon de volontaires, L'Académie des sciences de l’In- stitut de France lui fit l'honneur de l’élire pour correspondant , en décembre 1817. Il est mort au mois d'avril 1821, âgé de 69 ans. HAR Liste des ouvrages de J. Gregory. I. Dissertatio de morbis cælimu- tatione medendis. 1774, in-8. IL, Conspectus medicinæ theore- ticæ. — Abrégé de médecine theéo- rique. Edimbourg, 1788, 2 v. in-8. III. Philosophical and litterary Essays. — Essais philosophiques et littéraires. 1792, 2 vol. in-8. IV. Memorial presented to the ma- nagers of the royal Enfirmary to Edinburgh. — Mémoire présenté auxadministrateursdel’Infirmerie royale d'Edimbourg. 1800 , in-4. V. Cullen’s first lines of the practice of physic.—Premiers élé- mens de la médecine pratique de Cullen , avec des notes. 7° édition , 2 vol. in-8. Le D' James Grezory est aussi l’auteur d’un écrit sur la Théorie des modes , dans les verbes , imséré dans les Transactions de la Societe royale d'Edimbourg. Il a été l’édi- teur de l’ouvrage de son pere , intitulé: Legs d’un père à ses filles (1774),souventréimprimé, etdeux fois traduit en français; par Ber— nard (Leyde , 1781 , in-8); et par Pabbé Morellet (1774, in-12, et Paris, 1800 , in-12). 279 H. HARRIS (Tromas), adminis- trateur et propriétaire du théâtre de Covent - Garden, naquit en 1749. Son nom a dû trouver place dans cette biographie , parce qu'il se lie d’une façon intime à l’his- toire de l’art dramatique en An- gleterre. Après lui avoir procuré une bonne éducation, son père voulut le faire entrer dans le com- merce ; mais les goûts du jeune Harris l’entraînaient ailleurs. C’é- tait l’époque du plus grand éclat du théâtre anglais : Garnik et ses camarades étaient à l’apogée de leurs succes. Désireux de faire la connaissance personnelle des ar— tistes dont le talent lui donnait de si vives jouissances , le jeune Harris devint l’un des plus assidus de leurs spectateurs, et s'intro— duisit dans leur société particu- HAR liere. Le cafle de Tom et la ta- verne de Shakspeare , qui étaient alors les lieux de rendez-vous des plus célèbres comédiens du temps, devinrent aussi ses rendez-vous ha- bituels ; insensiblement sa pas- sion pour les affaires théâtrales s’accrut à un tel point, qu'il se décida à consacrer tous ses capi- taux et tous ses soins à ce genre de spéculation. En conséquence , M. Harris n’ayant pas encore accom- pli sa vingt-unième année , acheta des héritiers de John Rich, pour la somme de soixante mille livres sterling , l'exploitation du théâtre de Covent Garden. Ses associés furent MM. Golman, Rutherford et Powell. Par la suite , les muta— tions des parts de la propriété donneérent pour collègue à M. Har- ris, le celebre acteur John Kem- ble. On sait que M. Colman, in- dépendamment de son aptitude et de sa passion pour les affaires du théâtre , était en outre lui-même un auteur fort distingue. L'auteur du livreintitulé Public characters, feu M. Pratt, a consacré un arti- cle à M. Harris, dans le volume de 1802-3; il remarque qu’en dé- pit du talent de Colman comme auteur , et de celui de Powell comme acteur , le théâtre se fût trouvé menacé d’une ruine immi- nente,si MM.Harris etRutherford, tout en appréciant les talens de leurs collègues , ue se fussent em- parés de la gestion, d’une manière presqu’absolue. Disposé à encou- rager le talent, qu’il avait un tact sûr pour reconnaître, doué d’un goût exquis , libéral pour toutes les dépenses qui devaient concou- rir aux succes du théâtre, c’est par ces qualités que M. Harris est parvenu à conserver , jusqu'au 276 HAR bout de sa longue gestion , les suf- frages du public. Il gagna aussi ceux du Roi Georges ILE, qui lui sut gré d’ailleurs de ses opinions politiques , dévouées à la Cou- ronne , et dont la faveur concourut à sa prospérité. Au nombre des personnes distinguées que les fonctions de M. Harris mirent en relation avec lui, on doit citer le célèbre Sheridan, dont il déter- mina la vocation dramatique : c’est sous l’administration de M. Harris que furent représentées , pour la première fois , à Covent-Garden , les admirables comédies de la Duëgne et des Rivaux. Grâce à l’u- nion de ces deux hommes de mé- rite, l’on vit cesser la vieille riva- lité des deux théâtres de Covent- Garden et de Drury-Lane. Ils jugèrent bien vite, qu’une géné- reuse émulation était plus favo- rable à leurs intérêts et à ceux du public , que le vieux système de jalousie et d’hostilité qui avait prévalu jusqu'alors. [ls entrepri- rent aussi de concert l’exploita- tion de l’Opéra. Ces circonstances les rendirent long-temps insépa- rables , jusqu’à ce que la part ac- tive que M. Shéridan prit dans les affaires de l’Opposition , occa- siona la séparation de leurs inté- rêts, sans nuire d’ailleurs à leurs sentimens réciproques d’amitié. M. Harris fut aussi pendant vingt- cinq années le constant ami de l'acteur Macklin , le pere du théä- tre anglais moderne ; et c’est lui qui, de concert avec M. Palmer , membre du Parlement pour Bath, ouvrit et fit réussir la souscrip- tion , qui assura une situation ho- norable aux dernières années de cet horume extraordinaire. Le vieux theâtre de Covent- HAR Garden qui avait été bâti en 1733 et restauré en 1792, fut réduit en un monceau de ruines, par un af- freux incendie, dans la matinée du 20 septembre 1808. On croit que cet événement fut occasioné par la bourre enflammée d’un coup de fusil, tire dans le cours de la représentation , et qui échappa à la vigilance des surveillans. Rien ne résista à la violence du feu, qui consuma aussi plusieurs des maisons voisines du théâtre. Des morceaux inédits de musique de Handel et de quelques autres cé- lèbres compositeurs, dont on n’a- vait pas encore tiré de copies , pé- rirent en cette occasion , sans par- ler des décorations, des instru- mens de musique , des bijoux d’actrices , etc. Trente personnes environ perdirent la vie dans cette catastrophe. On estime à 100,000 livres sterling la valeur totale des propriétés détruites en cette cir- constance. Cependant M. Tayior, propriétaire du Théâtre du Roi, l’offrit généreusement à M. Harris, dont la troupe y donna ses repré- sentations , Jusqu'au commence- ment de la saison de l'Opéra. Le 31 décembre 1808, la premiere pierre du nouveau‘theâtre de Co- vent-Garden fut posée par le roi actuellement régnant (alors prince de Galles), en sa qualité de grand- Maître de l’ordre maçonnique , et en présence d’une nombreuse as- sistance de freres-maçons, pour lesquels une enceinte particuliere avait été disposée. La pierre fon- damentale est située à l’angle nord-est de l’édifice ; elle est de forme oblongue, repose sur un encastrement de maçonnerie, et pêse au delà de trois tonneäux (soixante quintaux). À midi et HAR 297 demi , le coriége maçonuique par- üit de la taverne des Francs-ma- cons, dans Great-Queen-street , et se remdit dans l’enceinte de constructiôn , précédée des em-— blèmes et insignes de l'Ordre, et d’une musique militaire, exé— cutant les airs maçonniques. Le Prince arriva àuneheure, et apres les cérémonies d'usage, M. Ro- bert Smirke, architecte, lui pré- senta le plan de l'édifice. Ensuite S. A. R. déposa elle-même dans les fondations , une boîte de cuivre contenant deux médailles , l’une de bronze, sur laquelle se voyait l'effigie du Prince , et au revers l'inscription suivante : GEORGIUS. PRINCEPS. WALLIARUM. Theatri. Regis. instaurandi. auspiciis. In. Hostis, Benedictinis. Londini. Fundamenta. sua. manu. locavit. M D CCC VII. La seconde médaille gravée en creux, sur cuivre, portait d’un côté cette inscription : Under the auspices of His most sacred Majesty, George III king of the united kingdom of Great Britain and Ireland , the foundation-stone of the theatre Covent-Garden, [was laid by his Royal Highness George Prince of Wales, M D CCC VHII. Et de l’autre côté ces mots : Robert Smirke, arcbitect. On déposa au même lieu, les mé- dailles d’or, d’argent et de cuivre les plus récemment frappées. En- suite, chaque maçon vint étendre du mortier sur la pierre fonda- mentale ; le prince de Galles y vint à son tour , jeta du mortier sur la pierre, avec une truelle d’or 278 HAR que lui présenta le comte de Moira, grand dignmitaire del’Ordre.Ayant ensuite essayé, dans les formes accoutumées , le plomb , le niveau et l’éequerre, le Princé termina la cérémonie en frappant trois coups de maiilet sur la pierre. Enfin , 1l répandit dessus , avec des vases d’or , les offrandes usitées dans l'antiquité; savoir : du blé, de l’huile et du vin; apres quoi il remit le plan entre les mains de l’architecté , et lui témoigna Île désir que l’edifice fût terminé d’une maniere Conforme ; 1l adressa ses vœux de bon succès à MM. Harris et Kemble, et se retira. Le 15 septembre suivant le vaste édifice se trouva terminé, comme par enchantement , conformément au plan de M. Smirke, après avoir coûte la somme énorme de 300,000 livres sterling. L'ouverture du nouveau théâtre fut extrêmement orageuse , par suite de l’aug- mentation du prix des places. Le tumulte se prolongea durant soixante-six soirées, sans qu’il fût possible pendant tout ce temps, de voir ni d'entendre aucune piece. M. Harris demeura l’un des ad- ministrateurs titulaires du nou- veau théâtre de Covent-Garden, mais il fut désormais assisté et remplacé par son fils, M. flenri Harris, qui lui a définitivement succédé à sa mort, arrivée le 1% octobre 1820, apres un demi- siecle d'administration théâtrale. Dans une ville aussi démocratique que celle de Londres , où la police et la force armee n’interviennent point habituellement pour garantir la tranquilité, l’administrateur d’un grand théâtre , est un vérita- ble homme public, qui a besoin du même genre de popularité qu’am-— HAT bitionnaient les Ediles à Rome. C’est en suivant cette donnée, qu'on peut apprécier le degré d'importance que sut s’acquérir M. Harris, dans une cité hbre, dont il fut un des plus opulens et des plus notables citoyens. Il ne faut pas oublier d’ailleurs le ser- vice qu'il rendit à l’art dramati- que , en encourageant les auteurs et les acteurs qui laissaient aper— cevoir l’étincelle du talent. La famille de M. Harris est restée en possession des sept douziemes dé la propriété de Covent-Garden, qui lui valent un immense revenu. HATSELL (Jon), apres avoir fait son éducation au College de la Reine à Cambridge , fut nommé Clerc: assistant de là Chambre des Communes, le 10 imai1560.Ayant rempli cet office durant plusieurs années , 1] devint, par la retraite de son prédécesseur, Clerc en chef des Communes (greflier où secré- taire). Cetté place est à vie, et tres-lucrative , bien qu’elle ne soit salariée officiellement par la Cou- ronne, que de la somme de 20 liv. sterl. En 1776 , M. Hatsell publia le premier volume de son impor tant ouvrage intulé Precedents of Proceedings in the House of Com- mons ; with observations (1). Lon- don, Dodsley,5vol.in-4. C’est une collection de décisions parlemen- taires, puisées dans le journal et les archives de Ja Chambre des Communes, classées par titres et chronologiquement. L'ouvrage est divisé en cinq chapitres; le premier contient les précédens, (1) « Précédens de la procédure de la Chambre de Communes , avec des observations. » HAT . depuis les époques les plus recu— lées jusqu'a la fin du règne de Henri VIT : le second s’étend de- puis cette dernière Époque jusqu’à la mort d’Elisabeth; le troisieme depuis l’avénement de Jacques 1* jusqu’à la fin du Parlement de 1628; enfin le quatrième et Île cinquième, suivis d’un appendice, sont remplis par ce que l’auteur imtitule : Cas additionnels. Le se-— cond volume de ce livre fut publié en même temps que la 2° édition du premier volume , en l’année 1785, et dédié à l'honorable Char- les W.Cornwal, alors Orateur des Communes. [auteur se loue des notes et des observations dont son travail a été enrichi par le précé- dént Orateur des Communes, M. Onslow. C'est sous lui que M.Hat- sell déclare avoir appris les pre- miers rudimens du droit parle- mentaire. Cet homme d'Etat qui, pendant trente-trois ans, occupa le poste éminent d’Orateur des Communes, joignait à une con- naissance approfondie de l’his- toire du pays et des formes les plus minutieuses de la procédure parle- mentaire,une profonde vénération pour la constitution britannique, telle qu’elle avait été fixée par la derniere révolution. Cette consti- tution était le sujet favori de ses conversations, et toute sa vie avait été consacrée au soin d’en main- tenir la pureté et l’inviolabilité. L'auteur se félicite d’avoir été nourri par les leçons et par les exemples decet homme vénérable, dans l’amour et le respect des prin- cipes de cette constitution, qui forment la base de tout gouverne- ment libre, et dont la stricte ob- servalion doit maintenir l’Angle- terre en possession de ces biens HAT 279 inappreciables, qui lui ont valu les éloges de tous les hommes éclairés de l’Europe. Voici l'intitulé des chapitres contenus dans le se— cond volume : — Des membres de la Chambre — Regles de ses délibérations — L'Orateur.— Le Clerc. — Droits des Communes. — Le Roi. — Appendix. Le troi- sieme volume traite de la Cham-— bre des Lords et des Subsides ; il est terminé, comme les précé- dens , par un Appendice Dans le cours de son ouvrage, M. Hat- sell se montre le chaud défenseur des priviléges des Communes, et attaque vivement Charles [‘ et son ministre Strafflord , qu'il accuse d’avoir agrandi exorbitamment la prérogative royale, et détruit entierement la Constitution au profit de la Couronne.Il démontre longuement que le monarque se rendit coupable de quatre viola- tions capitales du bill des droits, qu'il avait solennellement juré.«A cette époque , dit-il, l'Angleterre fut soumise à un gouvernement régulièrementetmethodiquement arbitraire , dont le despotisme n’était surpassé par aucun des Etats de l’Europe. Mais ce qui rendait surtout ce gouvernement odieux et redoutable , c’est l’ap- parence de légalité dont il avait soin de se revêtir : alors aussi, les cours de justice furent remplies d'hommes vils (wretches), toujours prêts à ériger la volonté du prince en loi du pays; ce qui acheva de rendre la tyranîe insupportable. » M. Hatsell blâme fréquemment les historiens , et entre autres Hume , d’avoir voulu pallier les torts de la conduite politique de Charles Er. Son livre, souvenf'cité dans le Parlement, y fait autorité : 26e HER pour la jurisprudence de cette as- semblée. M. Hatsell résigna son office , en 1705. Après avoir pris avec ses successeurs des arran— gemens qui lui en conserverent une portion des émolumens : l’ho— norable Henri Addington , à cette époque Orateur des Communes , lui témoigna publiquement leurs regrets , de la perte d’un serviteur si distingué ; des applaudissemens unanimes , appuyés par M. Pitt, confirmèrent ce témoignage flat- teur. M. Hatsell se retira à Mar- den-Park , près de God-Stone, dans le comté de Surrey. Il mou- rut d’une attaque d’apoplexie, à trois heures de la nuit , le 15 oc- tobre 1820 , à l’âge de 78 ans. L'Orateur de la Chambre des Com- munes honora de sa présence les funérailles de leur savant clerc. Outre le grand ouvrage de Hatsell, les bibliographies anglaises citent encore de lui un écrit intitulé: Rules and standing orders of the House of Commons, etc. —KRègles et formalités en vigueur dans la Chambre des Communes, pour les bills concernant les clôtures, les fossés, les barrières , les canaux de navigation , etc. 1809 , in-4. HERMELIN ( Samuer. - Gus- TAYE, baron), minéralogiste sué- dois, naquit à Stockholm en 1744, d’une famille noble et d’un pere qui parvint à la dignité éminente de sénateur du royaume. Il se destina de bonne heure à la car— rière administrative la plus im- portante pour la Suede, celle qui a pour objet les mines et les usi- nes , qui sont la meilleure source de richesse pour ce pays. Il com-"* merf@a par visiter les principaux établissemens de ce genre que la HER Suède renferme , et s'arrêta parti- culierement à la célebre mine de cuivre de Fahlun, où il contribua à fonder une fabrique de vitriol, de soufre et de colcotar. Il s’occupa aussi activement de la mine d’or d’Adelfors. Apres avoir acquis une connaissance approfondie de tout ce que la Scandinavie lui of- frait de plus remarquable en ce genre , il obtint la permission de visiter aussi les pays étrangers. Il traversa l’Allemagne, les Pays- Bas, la France, et se rendit en Amérique, chargé en même temps de la part de la Suede, d’une mission politique aupres des Etats- Unis. Il en parcourut presque toutes les parties, et revint en Suede par l'Angleterre, versla fin de 1754. Mais son désir le plus vif fut bientôt de répandre un nouveau jour sur la géographie, la géolo- gie et la statistique de la Suëde, qui lui semblaient tres-imparfai- tement connues. En conséquence, il fit parcourir à ses frais les pro- vinces du nord de ce royaume, sur lesquelles on avait encore moins de renseignemens exacts que sur les autres. Il résulta de ces voyages une carte de la Wes- tro-Bothnie et de la Laponie; et ce fut là le commencement de la grande entreprise géographique à laquelle le baron Hermelin con- sacra pendant quinze années ses soins les plus assidus , et une grande partie de sa fortune. Mal- heureusement, la publication des vingt-six premières cartes ayant épuisé ses ressources pécuniaires , il fut obligé, en 1610, de céder la suite de ce travail à une com paguie ; mais 1l joua un rôle prin- cipal dans cette association , et 1] #. HER eut le bonheur de voir, avant de mourir, ce grand atlas de Suede entierement achevée, « monument, dit l’auteur de l’Eloge d'Herme- lin , élevé aux sciences et à la pa- trie par un seul individu , au prix des plus grands sacrifices. » Ses efforts patriotiques ne s’é- aient pas bornés à cette seule entreprise, quelque grande qu’elle fût : touché de l'extrême pauvreté à laquelle sont réduits les habitans des provinces les plus septentrio- nales de la Suëde , et connaissant l’abondance et la richesse des mi— nerais de fer que ces provinces possèdent, il jugea que le meilleur moyen de leur être utile serait d'y établir des fourneaux et des forges. Il fonda dans la Bothnie trois de ces usines; il ouvrit de nouvelles routes , et perfectionna les moyens de transport par eau ; il y attira des colons, et y.iniro- duisit une culture jusqu'alors in- connue. On prétend que la super- ficie du terrain qu'il a fait défri- cher sur les frontières de la La- ponie , égale celle du royaume de Portugal. Mais ces entreprises, qui ne furent point secondées, et que des circonstances acciden- telles contrarierent de plusieurs manieres, épuiserent à la longue les ressources, bien que tres-con- sidérables, de M. Hermelin; il fut obligé d’abandonner toutes ses propriétés à ses créantiers, et il éprouva, comme bien d’autres, que dans les entreprises les plus utiles et les mieux calculées, les profits sont rarement pour les pre- miers qui les ont tentées. Au moins , n’eut-il pas à se plaindre de lingratitude de tous ses conci- ioyens : le College des Nobles , à la Diete de 1800, fit frapper en HER 281 son honneur une médaille, avec cette légende, en suédois : «Offert à Hermelin par ses concitoyens et amis , pour avoir fait mieux con- naître notre patrie, et pour avoir enrichi et peuplé des déserts. » L’Académie des sciences de Stoc- holm lui ouvrit son sein des l’an- née 1771; souvent il seconda par ses libéralites les recherches scien- tifiques de cette compagnie, et les voyages qu’elle faisait entre- prendre.Lorsqu'il quitta,en 1815, administration des mines, après cinquante quatre ans de services, non-seulement ses appointemens lui furent conservés, mais les Etats du royaume y .ajouterent une pension desix mille rixdalers; secours bien merité, mais modi-— que , ajoute l’historien de l’Aca- démie , si l’on considere les sacri- fices de tout genre que cet excel- lent citoyen avait faits au bien public. M. Hermelin avait le titre de conseiller des mines et celui de chevalier de l’Etoile-Polaire. La mort mit fin à son utile et glo- rieuse carrière, le 4 mai 1820.Peu d'hommes @nt été aussi utiles à leur patrie : possesseur d’une im- mense fortune, il l’a consacrée tout entière à la prospérité de son pays et à l’amélioration de ses concitoyens ; plus tard, il a sup- porté les revers avec un courage digne de sa haute philosophie. Les Mémoires de lF Académie de Slockholm pour 1821. pag. 409, contiennent l'éloge académique d'Hermelin. Il est terminé par l’énumération des ouvrages qu’il a composés , au nombre de treize, Y compris ses mémoires acadé- miques , et par celle des ouvrages qui n'auraient pas été publiés sans ses secours genéreux. Nous re- 282 HES grettons que le traducteur à qui nous avons emprunté cet article (Bulletin des Annonces et Nouvelles scientifiques, de M. de Férussac pag- 167), se soit borné à citer les suivans : - Liste des ouvrages de S. G. Hermelin. L Sur la fonte des minéraux de cuivre. Stockholm, 1566. IL. Sur l’emploi des pierres que fournissent les carrières de Suède. r971. III. Sur l’emploi des ressources des différentes provinces de Suède. 1795. IV. Tableau de la population et de l’industrie de laW estro-Bohtnie. Stockholm, 1801. On doit encore à Hermelin des Cartes minéralogiques des principa- les provinces de la Suède. HESSE-CASSEL ( Grorces- GUILLAUME, électeur de}, né: le 3 juin 1743, après avoir été feld- maréchal au service de Prusse, commença à régner Sür le comté de Hanau, le 13 octobre 1564, et sur toute la Hesse, le 31 octo— bre 1785. Ilentra dans lacoalition contre la France en 1792, et Cus- tine publia alorsune proclamation contre lui, parce qu’il avait refusé de rappeler ses troupes, qui ser— vaient comme auxiliaires dans les armées qui faisaient la guerre à la République. Le Moniteur du 9 avril 1992, prétend qu’il ven— dait , à 5 sous la pièce, tous ses malfaiteurs, au comte de Witt- gentstein , enrôleur pour les émi- gres. Le même journal (du 10 de- cembre 1792), annonce qu'il avait promus 12 livres à tout soldat hes- HES sois qui lui apporterait la tête d’un Français , et 24 livres pour ceux qu'on lui amenerait vivans. Nous rapportons ces accusations à cause de l’autorité qu’a obtenue depuis le recueil où elles se trou- vent consignées , mais nous igno- rons toutefois quelle est leur au— thenticité. En 1703, l’Electeur de Hesse conclut un traite de sub- sides avec l'Angleterre, et fit pas— ser huit mille Allemands au ser— vice de cette puissance. Dans le même temps, il commanda en personne, ses troupes réunies à l’armée prussienne contre la Fran- ce. Il projeta, en 1794 , avec le margrave de Bade et d’autres princes d'Allemagne , une croi- sade pour la defense de la reli- gion et de la constitution germa- nique. Néanmoins , l’année sui- vante , il refusa de payer l'antique tribut connu sous le nom de Mois romain , et conclut un traité de paix avec la République française. Ce ne fut cependant qu’en 1706 qu’il envoya en France un minis- tre plénipotentiaire, qui fut reçu avec les solennités diplomatiques, par le Directoire exécutif. Geor- ges Guillaume fut élevé à la di- gnité d’électeur de l'Empire ger— manique , par le traité des indem- nités, du 27 avril 1803. M. Tay- lor, ministre anglais à Cassel, ayant paru agir contre la France, fut obligé de quitter la Hesse en 1804, sur la demande de cette puissance , et y revint néanmoins à la fin de 1805; ce qui donna en- core lieu à quelques réclamations de la part du gouvernement fran- çais. Au moment de la reprise des hostilités entre la France et l’Au- triche , l’armée française , qui re- venait du Hanovre, traversa la ne, À HES Hesse , et le maréchal Bernadotte fut accueilli à Cassel par l’Elec- teur , qui fit néanmoins peu de temps après des préparatifs de guerre , et fut désigné pour le commandement de l’armée prus- sienre en Westphalie. Il se rendit dans le même temps à Berlin et s’y trouva au moment de l’arrivée de l’empereur Alexandre. Il eut de longues conférences avec le roi de Prusse à Potzdam : ‘et revenu dans ses états en janvier 1806 , il établit à Cassel le quartier-géne- ral d’une armée combinée de neu- tralité, dont 1l conserva le com- mandement. La situation politi- que de l’Electeur à cette époque, semblait devoir le mettre à cou- vert des suites de la guerre entre la Prusse et la France; mais après la bataille d’'Iéna ,eNapoléon lui fit un crime d’avoir permis l’en- trée des ‘troupes prussiennes à Cassel, et leur passage dans ses états. I] l’obligea à lui remettre la ville de Hanau et toutle pays de Hesse-Cassel | avec les armes, l’artillerie et tous les arsenaux. Ces mesures furent confirmées et rendues définitives par le traité Ge Tilsitt; et un nouveau royaume créé pour Jérôme Bonaparte , fut principalement forme des états de l'électeur de Hesse. Ce prince se retira à Sleswig, aupres du prince Charles de Hesse, son frère , qui est le beau-pere du prince royal de Danemarck. Georges Guillaume resta pendant sept ans privé de la couronne, et il ne reparut qu’en 1813 , après la signature du traité de Francfort, qui le remit en pos- session de ses états , tels qu’il les avait possédés avant la paix de Tilsitt. En 1815, le congres de Vienne, par un acte solennel du HES 283 juin, ayant décidé que le duché de Westphalie appartiendrait à la Prusse , le grand duc de Hesse re- cut en échange, sur la rive gau- che du Rhin, dans le ci-devant département du Mont-Tonnerre, un terriloire comprenant une por pulation de cent quarante mille âmes. Il obtint en outre la pro- priété de la partie des salines de Kreutznach, située sur la rive gauche de la Nahe, sous condition que la souveraineté en resterait à la Prusse. Georges Guillaume, en remontant sur son trône, en 1813, s'était remis en possession de toutes les propriétés publiques acquises par des particuhers sous le gouvernement westphalien. 11 voulait évidemment établir, dans celte occasion , le droit de regar- der comme nul tout ce qui avait été fait durant sa longue absence, lorsqu'il en pouvait résulter quel- que perte pour son trésor. En conséquence de ce systeme, :1l publia , sous la date du 14 janvier 1816, une ordonnance par la- quelle il dépossédait , sans aucune restriction , tous les propriétaires de biens et droits domaniaux ven- dus, et cassait tous les baux trans- missibles à des héritiers, et le ra- chat des redevances féodales. Le gouvernement prussien protesta contre cette ordonnance , comme étant contraire aux stipulations convenues entre les puissances al- hées. Cette discussion, soumise en 1816 à la Diète de Francfort, par l’intermediaire de M. Schrei- ber, fonde de pouvoirs des acqué- reurs, a donné lieu à plusieurs dé- cisions favorables à ceux-ci, mais dont l’exécution a toujours été éludée , et qui aujourd’hui parait moins que jamais devoir obtenir 284 son effet. De tous Jes états de l’Europe reconstitues depuis 1614, le pays de Hesse-Cassel est celui ou le retour aux anciennes insti— tutions et la restauration des vieux priviléges ontétéles pluscomplets. C’est là qu’on a vu la presse, plus ou moins libre dans les Etats voi- sins, condamnée au plus déplora- ble asservissement : c’est là que l’usage du bâton a été, par une loi formelle , rétabli dans les ré- gimens , qui avaient cessé d’y être assujettis sous le gouvernementdu roi de Westphalie : c’est là enfin qu’une ordonnance souveraine a fixé d’une maniere solennelle et précise, la longueur de la queue du soldat , en proscrivant pour lui l’usage des cheveux courts, qu’elle a considéré comme une innova- tion révolutionnaire. En avril 1617, un édit a défendu d’accor- der le titre de herr (sieur), aux individus de la classe bourgeoise, réservant exclusivement ladite qualification aux nobles, aux pro- priétaires et aux gradués des Uni- versités. Quelque temps après , un nouvel édit , renchérissant sur ces dispositions, a déterminé et circonscrit les classes qui auraient droit de jouir du bienfait de l’e- ducätion publique. Cette dernière mesure ayant été attaquée avec énergie dans plusieures feuilles publiques de Allemagne, on crut devoir en donner l'explication “dans un long article officiel , qui la présentait comme n’ayant pour but que de rendre à l’agriculture et aux professions mécaniques, une foule de jeunes gens que l’am- bition et le désir de parvenir en- traïnait vers l’étude des arts libé- raux. Îl paraît que le système suivi par l'électeur de Hesse n’obtenait HES HEY pas autrefois les suffrages des princes de la Sainte - Alliance. Toutefois celui-ci l’a suivi con- stamment jusqu’à sa mort, arrivée à Cassel, par suite d’une attaque d’apoplexie, le 27 février 1821. On a trouvé dans son trésor parti- culier onzemillions en numeéraire. Georges Guillaume avait épousé , le 1° septembre 1764, Wilhel- mine Caroline, fille de Frédéric V, roi de Danemarck, dont il a eu deux filles : Marie, duchesse d’Anbalt ; Caroline, duchesse de Saxe-Gotha; et un fils du nom de Guillaume , aujourd’hui régnant, et marié à la princesse Augusta , fille de Frédéric Guillaume Il], roi de Prusse. HEYM(JEan), naquit à Brauns- cheich,dans laBasse-Saxe, en1 750, fitses études dans lesuniversités de Helmchted et de Goëttingue , et vint en Russie, en 1779 , où 1l donna d’abord des lecons dans des maisons particulières. En 1706, il fut nommé professeur de langue allemande et d’antiquités à l’'Uni- versité de Moscou, et en 1804, professeur d'histoire, de statis- tique et de la science du com- merce. En 1816, il fut nomme professeur de géographie des éle- ves du Corps des Guides, fondé et dirigé à Moscou, par le général Mouraviéf, ce qui le fit connaître personnellement de l’empereur Alexandre , et lui mérita sa bien— veillance. Inspecteur de plusieurs colléges et instituts, Heym fut élu recteur de l’Université de Moscou , quatre fois consécutives, et contribua , dans ce poste émi- nent , à étendre les lumieres de la civilisation parmi ses concitoyens adopüfs. Il n’abandonna ses tra- pl | ; HEY vaux et ses leçons que huit jours avant sa mort, arrivée le 28 oc— tobre ( 16 octobre, v. st.) 1821. Heym connaissait presque toutes les langues de l'Europe, et était péofsidémient versé dans la litté- rature ancienne et dans la littera- ture orientale. Plusieurs de ses écrits sont devenus classiques en Russie : ils roulent exclusivement sur la grammaire , la statistique et la géographie. — On trouve une Notice sur Heym ; dans dla Revue Eneylopédique, tome XVI, pag. 626. Liste des ouvrages de J. Heym. I. Wersuch einer V'ollstandin- gen , etc. — Essai d’une Encyclo- pédie géographique et topogra- phique de l’Empire Russe , par ordre alphabétique. Goëttingue, 1796, in-8. IT. Neues Vollstandiges W'ôr- terbuch , etc. — Nouveau Diction- naire complet, ou Dictionnaire Allemand , Russe et Français. Moscou , 1796-97, 2 vol. in-4. III. Dictionnaire complet, Russe- Français et Allemand , composé d’après celui de l Académie Russe. Moscou , 1799-1902, 3 vol. in-4. Ce Dictionnaire a été réim— prime à Calcutta, où l’on s’en sert pour l’étude de la langue russe. © IV. Discours prononcé dans une séance de l'Université, en 1799. V. Ueber den zustand der vis- sen, etc. — Sur l’état des sciences en Russie, sous Paul I*. VI. Grammaire Allemande. Mos cou, 1802 , in-8. | VII. Dictionnaire contenant les mots les plus usités et les plus né- cessaires dans la vie sociale, en HEY 285 allemand, en français et en russe. Moscou, 1803, in-8. — 2°. édit., Moscou, 1819. VIII. Dictionnaire de poche , Russe-Français et Allemand.Riga, 1804 , 2 vol. in—16. IX. Manuel de la science du Commerce. Moscou , 1804, in-8. X. Russiche schprachlehre für Deutche. — Grammaire Russe , à l’usage des Allemands. Leipzig , 17098. — 2° édit. , Riga , 1804, in—6. — 3° édit. , 1818. XI. Russisches lesebuch oder Auswal , etc. — Livre de lectures russes , ou Choix de morceaux tires des meilleurs auteurs russes, Riga , 1805, in-8. XII. Dictionnaire portatif Fran- cais-Russe- Allemand, Riga et Leip- zig, 180 , in-16. XIIT. Deutch-Russisch-Franzô- sisches ‘ taschen W6rterbuch. — Dictionnaire de poche Allemand- Russe-Français. Riga et Leipzig , 1805 , in-16. XIV. Deutches lesebuch zum gebrauche fur schulen. — Livre de lectures allemandes , à l’usage des écoles. Moscou, 1805, in-8. XV. Dictionnaire Francuis et Russe, composé d’après les meil- leurs dictionnaires francais. Mos- cou , 1809, in-8. XVI. Esquisse de Géographie universelle. Moscou, 1811, in-5. — D'après la nouvelle division des états. Moscou , 1817, in-8. XVII. Statistique des royaumes de la Grande-Bretagne. Moscou, 1811,in-8. L XVIII. Moskowische Zeitung. — Gazette de Moscou , in-4 ; de- puis le mois de janvier 1811 , jusqu’au mois de septembre 1812. XIX. Dictionnaire Francais- INC Russe- Allemand. 1811 et 1817, 2 vol. in-6- XX. Dictionnaire Russe-Fran - cais- Allemand. Saint-Pétersbourg, 1813, 2 vol. in-8. XXI. Principes fondamentaux de la Géographie moderne. Mos- cou, 1813, in-6. 580 L. INCHBALD ( Eisagera-Simp- son) , actrice et écrivain, naquit à Staning-field, village situé au voisinage de’ Bury - Saint - Ed- munds , dans le comté de Suf- folk. Son père, qui se nommait Simpson, avait plusieurs filles, toutes remarquables par leur beauté ; maisil produisit peu dans le monde Elisabeth, qui avait un défaut de langue , en sorte qu’elle passait la meilleure partie de son temps dans l’étude et dans la re- traite. Son imagination ardente se laissa tellement impressionner par ses lectures , qu’elle forma la résolution étrange d’aller visiter à Londres , les lieux où s'étaient passées la plupart des scènes qui l'avaient s1 vivement émue. Sans avoir prévenu personne de sa fa— mille ou de ses amis, un matin du mois de février 1772, elle quitta son village, n’emportant avec elle qu'un petit paquet de hardes, et se rendit à pied, à deux milles de distance, pour monter dans le coche qui devait la con- duire dans la capitale. Cette de- marche de la part: d’une jeune fille de seize ans, ne promettait rien de bien favorable pour sa con- duite à venir ; toutefois l’évene- ment à démontré que d’'heureuses conséquences suivent quelquefois INC XXII. Essai de Statistique des principaux Etats. Moscou, 1821, in-8 , tom. [‘", contenant la sta- tistique de la Russie, de l’Au- triche, de la France, de la Grande- Bretagne et de la Prusse. des circonstances indifférentes ou même blämables. À son arrivée à Londres, Elisabeth Simpson se dirigea vers la demeure d’un de ses parens, qui habitait dans le Strand ; mais à son grand cha- grin , elle apprit, qu'après s’être retire des affaires, il était allé s'établir dans le pays de Galles. Cependant il était dix heures du soir , et la détresse de la jeune fille émut la compassion des gens du peuple, aupres desquels elle pre— nait des informations, et qui eu- rent l’humanité de lui procurer un logement. Cette complaisance éveilla ses soupçons : elle avait lu dans Clarisse Harlowe, le détail des divers genres de séductions pratiqués à Londres, et elle crai- gnait que quelque chose de pareil nue fût médité contre elle. C’est pourquoi , peu de momens après son entrée dans la maison, tandis qu’on l’observait avec curiosité , notre aventurière saisit son pa— quet, et sans proférer une seule parole, elle se précipite dehors, laissant ses hôtes dans l’incerti- tude, s'ils ont eu affaire à une folle ou à une méchante femme. Miss Simpson.se met a parcourir la rue, sans savoir où elle va: troublée et fatiguée, elle se dé- cide à frapper à la porte d’une TR INC maison, où elle lit: « Logemens à louer », et elle était sur le point d’être admise, sous la qualite d’é- lève coiffeuse , lorsqu’à sa grande surprise et confusion , elle aper— coit à ses côtés le marchand de chez qui elle venait de s’échap- per, et qui l'avait suivie par cu- riosite, Confondue à cette ren- contre , elle voulut s'échapper de nouveau , mais la porte se trouva fermée , et on voulut la retenir en l’accusant d’imposture. Alors, n'ayant jamais connu que la sin- cérile , elle avoua, en versant des torrens de larmes , sa véritable situation ; mais désormais la vé- rité elle-même devenait dou- teuse dans sa bouche; en sorte qu’apress’être vue menacée d’être conduite au bureau de police, la belle aventuriere fut mise à la porte, et condamnée à errer de nouveau dans les rues de Londres, Elle se mit à marcher sans direc- tion , exposée à toutes les insultes qui peuvent atteindre une femme abandonnée de nuit, et sans pro- tection, dans les rues d’une grande ville. A deux heures du matin, elle se trouva à Holborn-Bridge, et voyant la diligence d’York prête à partir et pleine de voya- geurs , elle entra dans l’auberge et demanda un logement, se don- nant pour un voyageur qui n’a- vait pu trouver de place. C’est en ce lieu qu’elle passa le reste de la nuit. Le lendemain matin, on lui annonça qu’une nouvelle voi- ture partait pour York, dans la soiree. Cet avis donné d’un air de méfiance injurieux pour elle , la détermine à saisir le peu d’argent qu'elle avait , et à payer les frais d’un voyage qu’elle n’a point l’in- tention d’effectuer. Alors la mai- INC tresse de l’auberge satisfaite , l’in- vile à déjeuner ; mais elle refuse, disant qu'elle 2 hâte de visiter un de ses parens. Echappée ainsi à la dépense d’un déjeuner , elle annonça lors de son retour à l'auberge , qu’elle reste quel- ques jours en ville , pour condes- cendre au vœu de son parent. Par ce moyen elle s’assurait un logis, et tandis qu'elle employait la journée à courir, pour découvrir quelque moyen d'existence, les gens de l’auberge ne doutaient point qu’elle n’allät joindre quel- qu'amant. Hélas, loin de passer son temps joyeusement , si grande était sa détresse, qu’elle subsista pendant les deux derniers jours de sa résidence à l’auberge, avec deux petits pains du prix d’un demi-penny, et avec l’eau qu’elle trouva dans sa chambre à cou- cher. Durant une de ses courses errantes à travers la capitale, miss Simpson était parvenue, non sans beaucoup de diflicultés, jus- qu’à un acteur du théâtre de Drury-Lane , qui, informé de sa situation , lui conseilla le théâtre comme le moyen le plus raison- nable de se faire une existence, et lui offrit de l’instruire , afin de la mettre en état de s’y présenter ; quelques entretiens l’ayant bien- tôt convaincue que les projets de cet homme w’étaient rien moins qu’'honorables ; elle évita pru- demment sa compagnie , tout en se déterminant à suivre son avis. En conséquence , elle vint s’a- dresser à M. King, de Drury- Lane , directeur du theâtre de Bristol, et lui ayant expliqué ses intentions , en bégayant encore plus fortement que de coutume, par suite du trouble 287 288 de sa situation, le comédien l’é- couta avec un étonnement bien naturel. Elle declama un rôle de- vant lui, d’une façon assezbizarre; M. King évita de l’engager, mais il ne la découragea point. Elle parvint enfin aupres de M. In- chbald ; ce gentleman qu’elle ne connaissait pas directement, mais qu’elle avait vu fréquemment à Bury - Saint - Edmunds, la pre- senta à un autre acteur, qui se trouvait propriétaire d’une por- tion de l’entreprise d’un théâtre de province , et qui , frappé de la beauté de miss Simpson, l’enga- gea sur-le-champ, sans examen. Cet homme devint son professeur; et lorsqu'elle croyait avoir trouvé en lui de l'amitié, elle s’aperçut qu’elle lui avait inspiré un senti- ment tout different. Indignee des propositions odieuses qu'il ne craignit pas de lui faire, elle se réfugia vers M. Inchbald, dont la bonte avait gagné sa confiance, et lui dévoila tout ce qui se pas- sait. Celui-ci, compatissant à son chagrin, lui conseilla de recou- rir au mariage, comme au seul moyen de s’acquérir un protec- teur. — Mais qui voudrait m’é- pouser , s’écria-t-elle ? — Moi, dit vivement M. Inchbald , si vous voulez m’accepter. — Oui, monsieur, et je vous en serais à ramais reconnaissante. —Eh bien, aimez-moi pour toujours, répli- qua-t-il. — Cependant elle hési- tait encore ; mais s'étant con- vaincue de la réalité de l’amour de M. Inchbald , le mariage fut conclu au bout de quelques jours; et c’est ainsi que miss Simpson se trouva devenue à l’improviste, femme mariée et actrice. M. Inchbald produisit sa femme INC INC sur la scène, pour la première fois, à Edimbourg, où elle joua durant quatre années, ayant abordé les principaux rôles dès l’âge de dix-huit ans. Ses défauts naturels nuisirent d’abord à ses succés, et cependant elle fit preuve de beaucoup d'intelligence et de connaissance du cœur humain. M®. Yates, qui a été long-temps en possession de la faveur pu- blique à Londres, s’étant ren- due à Edimbourg, devint pour elle une formidable rivale. Des querelles éclaterent entre les deux actrices , à la suite desquelles M". Inchbald quitta Edimbourg , et vint passer deux années à York. Sa santé lui ayant fait conseil- ler un voyage dans le midi de la France, elle s’absenta de la Grande — Bretagne pendant une année , accompagnée de son mari, avec lequel elle vivait dans la plus parfaite harmonie. Deux ans apres M. Inchbald mourut, et sa femme , qui était retournée à Londres, continua de jouer durant quatre ans, au théâtre de Covent-Garden. Elle visita en- suite Dublin, où elle joua pendant quelque temps ; sous la direc— üon de M. Dalby. En quittant Dublin, M". Inchbald retourna de nouveau à Covent-Garden, où elle continua de jouer encore quelques années; mais tout-à- coup elle quitta le théâtre et ve- cut à Londres dans l’obscurite et même dans la pauvreté. C’est dans cette retraite qu’elle s’occupa pour la première fois de la composition dramatique. Ayant écrit une comédie, elle en Jut quelques fragmens à M. Harris, l’un des directeurs de Covent- Garden ( voy. son article ci-des- INC sus, pag. 275), qui ne les goûta point, et transmit la pièce, sans nom d'auteur, à M. Colman, di- recteur du théâtre d’Haymarket, entre les mains duquel elle de- meura ensevelie, durant plusieurs années. Malgré ces rebuts qu’elle éprouva à l'entrée de la carrière littéraire, M. Inchbald s’obsti- na à la poursuivre; et; s’empa- rant de la manie des ballons , qui faisaient fureur en 1784, elle en- voya à M. Colman une farce in- titulée Le Conte Mogol, qui fut lue et reçue. Le succes qu’elle obtint à la représentation, déter- mina l’auteur à rappeler à M. Colman, la piece oubliée dans ses papiers. Îl s’empressa de la revoir, la jugea susceptible de réussite , et elle fut jouée en effet avec beaucoup de succes en 1785, sous ce titre : Je vous dirai ce que c’est. Depuis lors , les des- iinées de M". Inchbald , qui n’a- vait eu jusqu'alors que sa par- faite moralité et son indépen- dance pour relever son humble fortune, commencerent à pren- dre un aspect brillant. Elle donna successivement au théatre plu- sieurs pieces du même genre. Depuis 1789, époque où elle cessa pour toujours de paraître sur la scène, jusqu’en 1805, elle ne cessa de travailler dans le genre dramatique, comme auteur ou comme éditeur. Toutefois ce genre ne l’absorba point exclusivement. Elle obtint également des succes en écrivant des contes et nou— velles. Dans le conte charmant ‘intitulé La Nature et l'Art, la narration est intéressante , les ca- racteres soigneusement tracés, la moralité pure; la critique y est juste , le style vif sans être bril- INC 280 Jante, et les pensées heureuses sans pédanterie. Simple Histoire se dis- tingue par la naïveté spirituelle du style, par la variété des carac- teres, l’intérêt, la complication , et le dénoûment inattendu de l’ac- tion. Cette nouvelle est le chef- d'œuvre de son auteur; elle était aussi l’objet de sa préférence, ce qui paraîtra moins surprenant lorsqu'on saura que les premiers incidens de sa vie, déguisés sous de nombreux etingénieux détails, lui avaient fourni les principaux points de sa narration. Le carac- tere privé de M". Inchbald n’a mé- ritéet obtenu que des éloges. Elle conserva sa réputation sans tache tout le temps qu’elle parut sur les théâtres ; et bien que les premiers incidens de sa vie aient été dans le monde le sujet de divers pro- pos , 1} est certain que rien dans sa conduite subséquente n’a pu offrir lé moindre sujet de blâme au plus sévère moraliste. C'était d’ail- leurs une femme singulièrement bienfaisante , et qu’on vit toujours disposée à secourir les malheu- reux. Elle fut liée avec des per- sonnes extrêmement respecta- bles , entre autres , avec la céle- bre actrice M". Siddons et avec lady Derby. M". Inchbald est décédée à Kensington, où elle résidait depuis plusieurs années , le 1° août 18271. Elle avait écrit des memoires de sa vie ; maïs elle a laissé l’injonction expresse de les détruire aussitôt après son décès. On ignore si cette volonté a été exécutée. La perte d’un pareil ou- vrage serait à regretter, quoiqu’on sache qu’il se terminait à l’époque de l’arrivée de l’auteur à Londres, et qu'il se taisait par conséquent, sur les circonstances les plus inté- 1Ù) L INC ressantes de sa vie. Son testament, écrit de sa propre main, est daté du 30 avril 3821. Il renferme quelques particularités remarqua- bles ou singulières. Elle laisse des biens pour la valeur de 6,000 liv. sterling, sur lesquelles elle legue 50 livres sterling au fonds de réserve du théâtre de Covent-Gar- den; 100 livressterling à miss Cum- mins, sa filleule , du théâtre royal d’York ; 20 liv. sterling de rente annuelle à Robert Inchbald, fils naturel de son mari; 50 livres sterling à la Société catholique, pour secourir les vieillards pau- vres ; 20 livres sterling à sa blan- chisseuse et autant à son coiffeur , «s'ils ont le soin de venir s’infor— mer de sa mort aupres de ses executeurs testamentaires ; » 100 livres sterling à M. Taylor, l’un des rédacteurs du $un, avec le- quel elle fut intimement liée, du- rant plusieurs années ; le reste de sa succession se partage entre son neveu et sa nièce. La testatrice témoigne le désir d’être enterrée dans le parvis de l’église de Ken- sington, ce qui a été exécuté, entre huit et neuf heures du matin; elle veut que trois chars funebres ac- compagnent son cercueil, et qu’on célebre la messe à ses obsèques, avec toutes les cérémonies usitées pour celles des catholiques ro- inains. À ces détails tirés du Mon- thly Mirror ( Miroir mensuel), nous ajouterons encore quelques observations, puisées dans la Noti- ce que M. Taylor a consacrée dans le Sun, à Mrs. Inchbald. « Son esprit, dit ce journaliste, était tout-à-fait original ; son style pi- quant, élégant et expressif. Elle s'était élevée, par son industrie et son économie, à une honorable in- 290 INC dépendance ; mais son cœur fut toujours généreux, et on l’a vue se priver de divers plaisirs, afin de pouvoir être utile à des parens qui avaient besoin de son assistance. Sa conversation était animée, en- jouée et instruetive; ses idées étaient ingénieuses et profondes. Ses productions dramatiques et ses Nouvelles, particulièrement les dernieres, décelent une pro- fonde connaissance du cœur hu- main. Mrs. Inchbald fut tres- belle dans sa jeunesse et conserva quelque chose de sa beauté et de l’élégance de ses formes, jusqu’à l’époque de sa mort. Ceux qui n’ont pas counu son caractere bienfaisant l’ont accusée de par- cimonie ; toutefois elle était sus- cepüble des actes les plus géné- reux , et depuis qu’elle eut assuré le grand objet qu’elle avait tou- jours eu en vue (son indépendance personnelle), elle se montra l’amie constante des malheureux. La preuve que les sentimens les plus délicats prédominaient chez elle sur ses intérêts pécuniaires , c’est que deux libraires différens lui ayant offert 100 livres sterling du manuscrit de ses mémoires, écrits par elle-même, elle a refuse leurs offres, persuadée qu’une telle publication serait peu con- venable durant sa vie. Mrs. Inchbald était âgée d’environ soixante-six ans lorsqu'elle est dé- cédée ; mais elle paraissait plus jeune. Malgré sa beauté et mai- gré les vicissitudes et les inconvé- niens de l’état de comédienne de province, sa vie est toujours de- meurée sans reproche; aussi la mort de cette femme estimable a été une perte réelle pour la so- ciéte. » d “ KNO Liste des ouvrages de E. Inchbald l. Appearance is against them. — L’Apparence est contre eux ; farce. 1786, in-8. IT. FU tell you what. — Je vous dirai ce que c’est ; comédie. 1786. in-8. III. The widows vow. — Le vœu de la veuve; farce. 1766, in-8. IV.The child of nature. —L’en- fant de la nature, comédie, 1788. in-8. V. Midnight-hour. — L'Heure de minuit, comédie. 1788. in-8. Nous avons une comédie sous le méme titre au Théâtre-Fran- çais. | VI. Such things are.—Ainsisont les choses , comedie. 1788, in-8. VII. The married man. L'Homme marié, comédie. 1789. VIT. Next-door neighbours. — Les Voisins de porte, comedie. 17 1. IX. À Simple history. — Sim- ple Histoire, nouvelle. 1791. 4 vol. in-12. | Ce roman a éte traduit en fran- çais par M. Deschamps; Paris, 1791, 2 tomes en 1 vol. in-8. X. Every one has his fault. — sors KNO 291 Chacun a sun défaut, comédie. 1794. in-8. ‘XI. The Widding day. — Le jour des Noces, comédie. 1594, in-8. XII. Nature and Art.— La na- ture et l’Art, nouvelle. 17396, 2 vol. in-12. Ce roman a été traduit en fran- çais par M. Deschamps. 1796. 2 vol. in-18. | XIII .Wives as they were etc. — Les Veuves comme elles fu- rent, et les filles comme elles sont. 1707. | XIV. Lover’s vows. — Les Vœux d’un amant, comédie. 1708, in-8. XV. Wise man of the east. — Le Sage d'Orient. 1709, in-8. XVI. To Marry or not to marry. — Se Marier ou non, comédie. 1805. in-8. Mrs. Inchbald a éte l’éditeur des ouvrages SuiVans : 1°. À Collection of Plays etc. — Collection de Comédies jouées aux théâtres royaux, avec des : préfaces biographiques et criti- ques. 1906. -1909. 25 vol; in-r2. 2°. À Collection ofFarces etc. — Collection deMFarces, et autres petites pieces ( after-pieces ). 1808. 7 vol. in-12 et in-18. 3°. Themodern theatre. — Theä- tre moderne. 1809. 10 vol. in-12. K. 5) KNOX ! Vicessimus), liitéra- teur et moraliste anglais, naquit à Newington-green, dans le comte de Middlesex, le 8 décembre 1752; il fit ses études au collége de Saint- Jean , à Oxford, dont son père était un des membres, etouil ne tarda pas lui-même à se faire agréger. Il cultiva avec un succès remarquable les lettres grecques et latines, etse distingua surtout aux premiers exercices publics que vint présider lord North, en sa qualité de chancelier de l'Uni- 202 KNO versité d'Oxford. Le mériie des compositions de coilége de Knox, les élève au-dessus du rang habi- tuel de ces sortes d’écrits, et leur a valu un véritable succes dans le monde , lorsqu'elles y ont été pro- duites, sous le titre d’Essais de mo- rale et de littérature. En 1778, M. Knox fut élu supérieur (mas- ter), de l’école de Tunbridge, poste qu'il occupa avec la plus grande distinction durant trente- trois ans; il se maria bientôt après, et reçut le grade de docteur en théologie, par un diplôme qui lui fut envoyé de Philadelphie , à la suite du succes populaire que ses Essais obtinrent en Amérique. L'ouvrage du D'Kuox, qui traite de l’Education libérale , fait beau- coûp d'honneur à l'indépendance de ses opinions; mais 1l nuisit à sa fortune dans la carrière qu’il avait embrassée. En sigualant les vices de l’éducation que la jeunesse re- coit en Angleterre, 1l ne dut point passer sous siience les abus qu’il avait observés dans l’Umiversité à laquelle il appartenait. Les per- sonnes qui profitaient de ces abus, en surent mauvais gre au dénon- ciateur. La publicité produisit l'effet qu’en avait attendu l’écri- vain ; les abus furent en partie réformes; mais on ne lui par- donna point sa franchise. Une se- conde édition du même ouvrage, augmenté d’une lettre adressée à lord North, alors chancelier de l'Université d'Oxford, provoqua une réplique assez amère, qui n’empêcha pas néanmoins que le réglement de l'Université ne subit la plupart des modifications ré- clamées. Diverses compilations de morceaux de prose et de poésie, exécutées par M. Knox, obtin- KNO rent un grand succes, grâce au goût judicieux de l’éditeur. On lui doit aussi une édition d’Ho- race eæpurgalus , à l'usage _de la jeunesse; car cette opération, que les Jésuites ont faite en France sur la plupart des poëtes latins, n’a pas été effectuée en An- gleterre, où l’on continue de placer entre les mains des jeu- nes gens, sous prétexte d’orner leur esprit, des auteurs qui ris- quent de dépraver leur cœur; et lon croit être excusé suffisam- ment d’une pareille imprudence, parce que ces auteurs ont écrit dans une langue morte. Un ser- mon de Knox, prêché dans l’église paroissiale de la résidence royale de Brighton, en 1793, donna lieu à un grand éclat. C'était l’é- poque de la plus grande efferves- cence contre la révolution fran- çaise. Le prédicateur s’efforça d’é- tablir « que toute guerre offensive est un crime contre l’humanité et contre le christianisme. » (Cette doctrine,que les sociétés de la paix ont depuis si hautement profes- sée, excita le plus violent mécon- tentement dans l’auditoire. On crutapercevoir dans le sermondes allusions déplacées ; en sorte que le prédicateur s’étant présenté au théâtre quelques jours après, il fut recu tres-desobligeamment et obligé de se retirer. Cette cir- constance lui permit de donner un libre cours à la manifesta- tion de ses sentimens politiques , qui désormais furent décidément ceux des Whigs, et en faveur desquels 1l publia plusieurs écrits. La constance invariable avec la- quelle il défendit ces sentimens , durant le reste de sa vie, lui concilia , dit son biographe, l’es- KNO . time de tous les partis. M. Fox rechercha l’amitié du D" Knox, et si les circonstances politiques étaient restées favorables à ce parti, il n'est point douteux que l'honorable ecclésiastique ne fût destiné à remplir l’un des postes les plus éminens de l'Eglise angli- cane. Ce but, d’ailleurs, préoc- cupait peu sa pensée ; mais une conviction conscientieuse l'avait rendu un des plus fermes défen- seurs de l'Eglise établie. La ri- gueur de ses doctrines théologi- ques excita contre lui l’hostilité des sociuiens et autres séparatis- tes. Le D" Disney lui adressa une lettre contre ses sermons. D’un autrecôté , l’évêque Horsley, quoi- que d’une opimon politique dia- métralement opposée à celle du D' Knox, donna des éloges pu- blics à son traite de La sainte Cène, et le recommanda à l’attention du clergé , comme un monument re- marquable de la piéte et du savoir de l'écrivain. » L’évèque Porteus recommanda également les écrits religieux de Knox , « comme of- frant le tableau le plus attrayant du pur esprit du christianisme. » Cet attachement du D' Knox pour léglise établie, ne l’empê- chait pas d’être l’ami chaud de la liberte civile et religieuse, et l’a- vocat de la plus libérale tolérance. C’est ainsi que, malgré le respect qu’il professait pour le caractere privé de l’évêque Dampier, il se crutobligé de protester dansson ca- ractere public , contre une adresse que ce prélat proposait au clergé du diocèse de Rochester, pour remercier la Couronne d’une me- sure contraire à l’emancipation des catholiques. Quant à lui, il était d'avis que cette question prêtait à: KNO 203 la diversité des opinions; mais personnellement 1} pensait, qu’a- pres avoir pris les précautions con- venables , il était contraire à la jus- tice et à la civilisation , non moins qu'a l'esprit de l'Evangile, de frapper d'incapacité politique plu- sieurs millions de sujets du Royau- me-uni, professant la religion chrétienne , uniquement parce qu'ils demeuraient fideles à la foi de leurs ancêtres. Le D’ Knox ob- tnt, par le crédit de l’'Opposition, quelques modestes bénéfices dont il remplit lui-même les charges , avec une régularité édifiante. Il parut aussi avec succes dans les chaires ecclésiastiques de Londres. Dans ses discours comme dans ses écrits , il accordait une grande at- tention à l'harmonie du langage ; aussi 1l est cité comme modéle en cette partie. Apres avoir joui du- rant sa longue vie d’une bonne santé constante, il conserva jus- qu’à ses derniers jours la capacité du travail , et termina sa carrière à Tunbridge , par l'effet d’obs- structions dans les intestins , leG septembre 1521. Liste des ouvrages de V'. Knox. I. Essays moral and litterary. — Essais de morale et de littérature. 17997, 1 vol. in-12 — Nouvelle édil., corrigée et augmentée. 1778, 2 vol. in-12. La r'° édition est anonyme ; la 2° porte le nom de l’auteur :elle a été suivie de plusieurs autres. IÏ. Liberal education, etc: — Education libérale, ou Traité pra- tique sur les moyens d’acquerir une instruction utile et conve- res 294 LAC nable. 1981, in-8. — Nouvelle édit. augmentée, 2 vol. in-8. 1765. 111. Elegant extracts in prose. Morceaux choisis , en prose. 1763, in-8.— Elegant extracts in verses. Morceaux choisis , en vers. 1700. in-8, — Elegant epistles. Epitres choisies. 1592, in-8. — Ces di- verses compilations ont obtenu plusieurs éditions. - IV. Winter evenings. — Soi- rées d'hiver. 1787 , 3 vol. in-6. Cet ouvrage, qui a obtenu aussi plusieurs éditions, consiste en morceaux variés, sur divers sujets relatifs à la littérature et aux arts. V. Sermons intended to promote, etc. — Sermons sur la foi, l’espé- rance et la charité. 1702 , in-6. VI. Personal nobility. — De la 2 LAC roissiale de Brighton. Août 1703, in-8. | : C’estlesermon contre la guerre, dont il a été parlé plus ample- ment dans le cours de l’article. VIIL. Antipolemus.—Antipole- mon, ou Plaidoyer contre la guerre, trad. d'Érasme. 1794, .in-12. IX. Family lectures. — Lectu- res de famille. 1704, # vol. in-8. X. Considerations on the na- ture, etc. — Considérations sur la nature et l’eflicacité de la sainte Cène. 1794, in-12. Sur la demande de l’évêque Horsley , l’auteur publia une édi- tion à bas prix de cet ouvrage. XI. Christian philosophy. — Philosophie chrétienne. 1795, 2 noblesse personnelle, ou Lettres à vol. in-12. un jeune noble. 1793, in-12. VIT. A narrative of transactions, etc.— Récit de ce qui concerne un sermon prèché dans l’église pa- XII. À sermon preached , etc. — Sermon prèché à l’ouverture de la société philanthropique. 1803, in-{. L. LACHNITH (Louis VEncEes- LAS), compositeur dramatique, né à Prague en 1756, fut nommé tres-jeune , maître de la musique et des spectaclesdes ducs de Deux- Ponts. Il vint à Paris pour la pre- miere fois en 1773, et joua comme premier cor, au Concert spirituel. Rodolphe le perfectionna sur cet instrument : Philidor fut son maiï- tre de composition. Lachnith a beaucoup travaillé pour la harpe et le piano , mais surtout pour le théâtre. Il est mort à Paris, au mois d'octobre 1820, Liste des compositions dramatiques de L. VW. Lachnith. A l'Opéra. Les Mystères d'Isis , en quatre actes, arrangés sur la Flûte enchantée de Mozart. 20 août , 1801. Saül, entrois actes. Gavril 1 803. La Prise de Jéricho, en trois actes. 11 avril 1805. C’est par cesouvrages que Lach- nith concut et exécuta l’heureuse idée de remplacer les concerts spirituels , par des oratorio. Kal- breuner pere fut son collabora- teur pour ces deux-ci. Ce sont MAL simplement des pasticci, arran- gés par les deux nouveaux Com po- siteurs , et formés des chefs-d’œu- vre des plus grands maîtres. Don Juan, en 3 actes, arrange sur la musique de Mozart. 17 septembre 1505. Aux Irauens. L’Heureuse ré- conciliation, en-1 acte. 25 juin 1765. Au THÉATRE DE MowsiEur. L’4n- tiquaire, opéra en trois actes, tra- duit de l'italien , et arrangé sur la MAL musique d’Anfossi. 9 mars 1580. Aux VARIÉTÉS-MonNTANSIER. Eu- génie et Linval , ou le Mauvais fils, en deux actes, 26 septembre 1798. Lachnith a laisséen portefeuille les Fêtes Lacédémoniennes , opéra en trois actes, paroles de feu Lourdet de Santerre ( Extrait de l'Annuaire dramatique, de MM. Armand RAGUENEAU et AUDIFFRED, X VII: et XVIII: année, 1821 et 1822, pag. 411. ). 299 M. MALMESBURY (James Har- Ris, comte de), né à Salisbury, le 20 avril 1746 ( vieux style), était fils de James Harris, con- nu par un excellent ouvrage de grammaire universelle , intitulé : Hermès. Après avoir faitses études dans les Universités d'Oxford et de Leipzig, 1l embrassa la car- rière diplomatique , sous les aus- pices de sir Joseph Yorke, am— bassadeur d'Angleterre aupres des Etats- Généraux des Provinces- Unies , aupres duquelilvint passer plusieurs mois à La Haye, en 1768. La même année il fut en- voyé en qualité de secrétaire d’am- bassade, auprès de sir JamesGray, à Madrid; et, au rappel de cet ambassadeur, en 1769, il resta dans cette cour, comme chargé d’affaires. Les discussions qui s’é- leverent à cette époque, entre l’Es- pagne et la Grande-Bretagne, relativement aux îles de Falkland, et qui menaçaient des plus graves conséquences, lui fournirent la première occasion de développer son caractere à la fois conciliant et ferme. Ces services, en cette importante occasion, furent si bien appréciés par son gouverne- ment, qu'il fut nomme, en 1775, ministre plénipotentiaire , jusqu’à l’arrivée de lord Grantham, en qualité d’ambassadeur. En 1772, il fut envoyé aupres du grand Fré- déric , roi de Prusse, comme en- voyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, et continua de résider à Berlin avec ce caractere, jusqu’en 1776. Il passa avec le même titre, à la cour de Saint- Pétersbourg, en 17977, et séjourna dans cette résidence jusqu’à la fin de l’année 1782. Durant cet es- pace de temps, la guerre prolon- gée avec les colonies d'Amérique, les agitations ministérielles de l'Angleterre, la part active que limpératrice Catherine prit aux affaires de l’Europe, rendaient la position du ministre anglais en Russie extrêmement délicate et importante ; et s’il ne réussit point à détourner la cour de Saint-Pe— tersbourg d’adopter la neutralité armée, 1l contribua beaucoup, par son habileté et son influence, à neutraliser son effet hostile. 296 MAL Harris occupa au Parlement , du- rant plusieurs années, le même siége qu'avait occupé son pere, pour le bourg de Christ-Church. En l’année 1784 il fut transféré auprès des Etats-Généraux des Provinces-Unies , en qualité d’am- bassadeur extraordinaire et mi- nistre plénipotentiaire. Durant les troubles civils qui agiterent la Hollande en 1787, il s’opposa de toute son influence au parti révo- lutionnaire, et contribua à res- taurer le pouvoir du Stathouder. Par cette conduite, il vint à bout de détruire l’influence dela France sur cette république , et à renouer l’ancienne alliance qui avait existé autrefois entre la Hollande et la Grande-Bretagne. Ses services , en ces circonstances, parurent si importans au roi de Prusse, qu'il l’autorisa à introduire dans ses armes l’Aigle prussien, et que le prince d'Orange lui concéda la devise de la maison de Nassau : Je maintiendrai. Déja, en 17975, 1l avait été créé chevalier de l'Ordre du Bain , et il en reçut la décora- tion des mains de l’impératricé Catherine , qui donna son nom en qualité de marraine, à l’une de ses filles. En Angleterre , il fut éleve à la pairie, sous le titre de baron de Malmesbury, dans le comté de Wiltz, le 19 septembre 1788. Depuis lors, jusqu’en 1703 , lord Malmesbury demeura sans service actif; mais, des le commence- ment de la guerre de la révolu- tion française , il se prononça avec une persistance qui ne fut jamais ébranlée par la bonne ni par la mauvaise fortune , contre le nou- vel ordre de choses introduit par ce grand événement. Son intinnité avec le duc de Portland et son MAL parti , le miten mesure de contni- buer à l’union de ce duc avec M. Pitt, qui permit à ce ministre de soutenir avec énergie son sys— teme de résistance à la puissance française. Cette année 1793, lord Malmesbury fut envoyé à Berlin pour négocier un traité de subsides avec la Prusse , après la conclusion duquel il fut accrédité auprès de . l’armée prussienne du Rhin. Il y séjourna jusqu’à la fin de l'an- née 1794, qu’il fut chargé par le Roi de demander la main de la princesse Caroline de Brunswick, et ensuite de la conduire en Angleterre. Durant les années 1706.et 1797, lord Malmesbury fut employé à des négociations qui fixerent les regards de l'Eu- rope. Lord Greenville l’envoya à Paris pour traiter de la paix avec le Directoire de la République française. Les conférences ouver- tes à Paris avec M. Charles de la Croix , alors ministre des relations extérieures de la République, ne laisserent des l’origine que peu d’espoir d’atteindre à une conclu- sion favorable. Des deux côtés on désirait médiocrement d’arri- ver à la conclusion de Ja paix. Une fierté excessive et des préten- tions exagérées rendaient la con- ciliation presqu'impossible. Les événemens du 18 fructidor ne tardéerent pas à créer de nouveaux obstacles. Les négociations, d’a- bord rompues brusquement , fu- rent ensuite transférées à Lulle, et suivies en cette ville, de la part de la France , par M. Maret , jus- qu’à leur rupture définitive. Lord Malmesbury ne se fit remarquer des Français que par une circons- pection qui parut excessive, el qui donna lieu, selon l'usage, à ‘ MAR des plaisanteries et à des carrica- tures {1). On ne lui vit faire au- cune démarche pour gagner dla confiance ou l'affection de la na- tion avec laquelle ilavait à traiter. Les papiers de cette négociation, placés après sa rupture sous les yeux du Parlement, y obtinrent facilement l’approbation de la majorité ministérielle; et, depuis cette époque, le diplomate an- glais fut successivement enrichi des plus hautes faveurs de la Cou- ronne : il fut créé comte de Mal- imesbury, vicomte Fitz-Harris, lord lieutenant , et garde des ar- chives du comté de Southampton. Il cessa de vivre le 21 novembre 1920, à l’âge de soixante-treize ans. Lord Malmesbury s’est ac- quis un titre à être compté parmi les littérateurs de son époque, par une splendide édition ( 2 vol. in-4 , 1801) des œuvres de son père , James Harris, en tête de laquelle 1l a placé une biographie écrite avec élégance : on lui doit aussi uné Histoire de la révolu- tion de Hollande, intitulée : In- troduction to the History of the Dutch Republic, for the last ten years from 1557; in-8, 1786. MARCHENA {Josern}), lit- térateur espagnol, né vers 1770, à Ütrera en Andalousie, fit de (1) A chaque note ou question qui lui était adressée, lord Malmesbury envoyait un courrier à son gouverne- ment, afin quil lui dictât sa réponse : on prétendit à ce sujet, que le négo- ciateur français ayant un jour fait à lord Malmesbury la politesse accou- tumée de s'informer de l'état de sa santé, S. S. avait demandé, qu'il lui fût permis, ayant de répondre, d'en référer à sa cour. MAR 2097 bonnes études et se destina à l’état ecclésiastique. Une supé— riorité d'esprit assez remarqua- ble, le désir d'acquérir de nou- velles connaissances , lui firent rechercher avec avidité les ou- vrages philosophiques prohibés en Espagne. Il y puisa des opinions contraires à la religion catho- lique, et se permit de les ma- mifester assez haut pour éveil- ler l'attention des inquisiteurs. Des amis le prévinrent au mo- ment même où il devait être ar- rêté, et il eut à peine le temps de se sauver en France. La Revolu- tion venait d’y éclater : il en em- brassa les principes avec toute la fougue de son âge et de son carac- ière , excitée encore par la persé- cution à laquelle il venait d’e- chapper. Après quelque séjour à Bayonne, Marchena se rendit à Paris. Versé dans la connaissance des langues et de la littérature ancienne , doué d’une mémoire et d’une facilité prodigieuses , 1l dé- ploya une capacité qui le fit bien accueillir de plusieurs hommes influens. Il s’attacha notamment à Brissot et au parti Girondin, ce qui le fitarrèter à Bordeaux, apres Je 31 mai, et conduire à Paris, où 1} fut emprisonné. Les écrits vi- rulens qu'il publia de sa prison, et ses réclamations énergiques ne purent lui faire obtenir la palme de martyr de la liberté, qu’il sol- licita à plusieurs reprises : le g thermidor ouvrit les portes de sa prison. C’est après cette épo= que qu'il obtint une place dans les bureaux du Comité de salut public, en même temps qu'il coopérait à la rédaction de / Ami des lois, journal du député Poul- ter; mais le parti thermidorien MAR s'étant divisé en deux sections, Marchena s’attacha à celle qui perdit $a prépondérance en août 1795, parce qu’elle ne voulut pas rétrograder dans les voies de réparation; et il se vit privé presque en même temps, de sa place au Comité et de son travail au journal. Il s’occupa alors à rédiger des pamphlets politiques , dirigés principalement contre Tallien , Legendre et Fré- ron, chefs du parti victorieux ; ceux-ci, fatigués de ses atta- ques , le dénoncerent à l’époque du 13 vendémiaire (5 octob. 1505), comme un des agitateurs des sec- tions de Paris, et le firent proscrire par suite de cette journée. Quoi- qu'ilappartintau partirépublicain, il se récriait vivement contre les injustices de l’époque , en même temps qu'il écrivait contre les royalistes. Ce système déplut au Directoire , qui, après l’amnistie, voulut une seconde fois le pros- crire comme royaliste, en lui ap- pliquant, en juin 1797, la loi du 21 floréal, contre les étrangers ; et en conséquence le fit conduire de brigade en brigade hors des frontieres. Marchena adressa de la Suisse , une pétition au Conseil des Cinq-Cents pour réclamer la continuation de la jouissance des droits de citoyen français, qui ne lui étaient pas contestés depuis cinq années. Le Corps-Législatif, alors opposé au Directoire , fit droit à sa réclamation. et il rentra en France. En 1801, Marchena fut attache à l'administration de l’armée du Rhin, comme secré— taire du général en chef Moreau. Il y faisait l’amusement de l’état- major, par sa manie de vouloir faire croire que les plus belles 298 | MAR femmes étaient éprises de lui, ce qui lui attira beaucoup de lettres suposées, écrites par les aides-de- camp du général. Ses prétentions en ce genre étaient d'autant plus ridicules , qu'avec une taille de quatre pieds huit pouces, l’ensem- ble de sa personne présentait l’i- mage d’une véritable caricature. Chargé de travailler sur ia statis- tique de diverses contrées del’Alle- magne, Marchena se mit à étudier la langue allemande qu’il ne con- naissait pas, et parvint à l’appren- dre en peu de jours. Il jut alors les meilleurs ouvrages de statistique qui existent dans cette langue , et composa de leurs extraits, et de ses propres observations, un tra— vail que les généraux, qui eurent occasion de le consulter , trouve- rent bien fait et d’une grande uti- lité. Revenu à Paris aussi pauvre qu’il en était sorti, Marchena y continua de rester auprès de Mo— reau en qualité de secrétaire , et témoigna beaucoup de fidélité à ce général, à l’époque de ses mal- heurs. Après son départ pour l'exil, Marchena vécut dans l’obscurité jusqu’à l’époque de la premiere invasion des Français en Espagne. On vint le chercher pour l’em- ployer comme journaliste etagent. Îl partit avec l’armée; et apres avoir erré quelque temps dans les camps, le gouvernement de Jo— seph le nomma chef d’une divi- sion du ministere de l’intérieur : en même temps il rédigeait un journal en faveur du nouveau sys- tème et faisait jouer sur les theà-— tres de Madrid , ses traductions espagnoles du T'artufe et du Misan- thrope, qui obtinrent un grand succes. Rentré en France avec nos armées , Marchena s'établit à MAR Nimes, où il publia un grand nombre de traductions espagnoles, d'ouvrages philosophiques fran- çais. Après la révolution de 1520, il se hâta de rentrer en Espagne ; mais son atlachement au parti de Joseph , le priva de la considéra- tion qul aurait pu obtenir , et il mourut à Madrid , dans l’indigen- ce, au commencement de l’an- née 1821. C’était un homme d’un esprit inquiet et flexible, natu- rellement généreux, mais sans principes fixes et sans beaucoup de moralité. Liste des ouvrages de J. Marchena. I. Quelques Réflexions sur les fagitifs Francais. 1705, in-8. IT. Essai de Théologie. 1797, in-6. Cet ecrit tres-peu orthodoxe, fut sévérement réprimandé par le professeur Heckel, dans un écrit intitulé ; Hekel à Marchena sur les prêtres insermentés ; in-8. Il. Fragmenta Petronii ex Bi- bliotheca sancti Galli antiquissimo manuscripto excerptum ; nunc pri- muüm in lucem editum ; gallicè ver- tit ac notis perpetuis illustravit Lullemandus sacræ théologiæ doc- tor (Bâle ), 1800 , in 8. — Ou- vrage et éditeur supposés. IV. Coup d’œil sur La force , Populence et la population de la Grande-Bretagne, par le D'.Clarke. On y a joint une correspondance inédite du D' Tucker et D. Hume; traduit de l’anglais. 1802 , in-8, V. Emilio 6 de la educacion. Bordeaux | P. Beaume ; 1817, 3 vol. in-12. VI. Cartas Persianas escritas en frances por Montesquieu. — MAR 209 Lettres Persanes écrites en fran- çais par Montesquieu ; traduites en espagnol par D. J. Märchena. Nîmes, Durand -Belle ; 1818, in-8. — Nouvelle édition. Tou- louse , Bellegarigue , 1821 , in-12. VII. Novelas de Voltaire. Bor— deaux , P. Beaume , 1819, 3 vol. in-12. VIII. Manual de inquisidores , para uso de la [nquisicion—Manuel des inquisiteurs à l’usage de l’in- quisition d’Espagne et de Portu- gal , ou Abrégée de l’ouvrageinti- tulé : Directoire des inquisiteurs de Nicolas Eymery , inquisiteur gé- néral d’ Aragon ; trad. du fran- çais en castillan , avec des addi- tions du traducteur, concernant l’inquisition d’Espagne. Montpel- lier, F. Avignon, 1819, in-8. C’est une traduction dulivre de Pabbé Morellet , publié en 1762. IX. La Europa despues del congreso de Aquisgran. — L’Eu- rope depuis le congres d’Aix-la- Chapelle, traduit en Espagnol, de M. de Pradt , ancien arche- vêque de Malines. Montpellier , Félix Avignon , 1820 , in-12. X. De la Libertad religiosa. — de la Liberté religieuse, traduit : du français d’A. Benoit. Mont- pellier , veuve Picot , 1820 , in-8. XI. Lecciones de Filosofia mo- ral y elocüencia. — Leçons de philosophie morale et d’éloquence, ou Collection de morceaux choisis, de poésie, éloquence, histoire, re- Hgion et philosophie morale et po- htique, tirés des meilleurs auteurs castillans; mises en. ordre par D. Joseph Marchena ; précédées d’un discours préliminaire sur l’histoire littéraire de l'Espagne, et sur les rapports de ses vicissitudes avec les vicissitudes politiques. Bor- 300 MAR deaux , P. Beaume , 1820, 2 vol. in-8. XII. J'uliaô laNueva Heloysa.— Julie ou la nouvelie Héloise, trad. par J. Marchena , avec gravures. Toulouse, Bellegarigue , 5821 , 4 vol. in-12. Un prospectus publié à Mont- pellier , chez F. Avignon, en 1019, annonçait, comme étant sous presse , la traduction en es- pagnol , de l’Essai sur les Maœurs, et du Siècle de Louis XIV, par Voltaire. Marchena a donné une Descrip- lion des provinces Basques , dans les Annales des Voyages. — Nous croyons qu'il a encore publie quel- ques autres écrits, outre ceux que nous nous sommes trouvés en état d'indiquer. MARTENS ( GuiLzaumE-FRÉ— DÉRIG de), diplomate allemand, fut successivement professeur de droit public à l’université de Goët- tüingue, et conseiller aulique de Hanovre. Le Corps diplomatique allemand se recrute parmi les professeurs de législation des uni- versités ; les écrits de Martens ne tardèrent pas à lui ouvrir cette carrière. Jérôme Bonaparte l’ap- pela, en 1807, dans le conseil- d’état du royaume de Westphalie, et il y présida la section des finan- ces, jusqu’à la dissolution de cette monarchie éphémere. Les prin- cipes de modération du gouverne- ment actuel du Hañovre, lui per- inirent dé conserver à son service les homraes de mérite du gouver- nement précédent : Martens rem- plit au congrès de Vienne, en 1814, les fonctions de rédacteur des proces — verbaux des confé- rences entre les ministres réunis. MOR FAURE Les puissances alliées lui confie- rent, aussitôt après, la mission importante et délicate de faire connaître au prince Christian de Danemarck, qui venait de se faire proclamer roi de Norwége, leurs intentions pour que cet état passât sous la domination de la Suede. Depuis 1817, M. de Martens a siégé pour le Hanovre à la Diète de Francfort. Il est mort dans cette ville , le 20 février 1821. Liste des ouvrages de G. F. de Martens. TL. Précis du Droit des gens de PEurope moderne, fondé sur les Traités et l’usage. Goëttingue, 1700, 2 vol. in-r2. IL. Recueil des principaux Traités d'alliance, de paix, detrèves, etc., conclus par les puissances de l'Eu- rope , depuis 1501 jusqu” à présent ; précédé des Traités faits dans Le XVIII siècle, quine se trouvent pas dans le Corps diplometique de Dumont et Rousset. Goëttingue, 1791—1800, 7 vol. in-8. — Sup- plément. Goëttingue, 1802—18, 7 vol. in-86. Le Supplément conduit la col- lection jusqu’à la fin de 1817, et les trois derniers volumes sont in- titules : Nouveau Recueil, etc. Une nouvelle édition des quatre pre- miers volumes du corps de l’ou- vrage , a été donnée en même temps que le cinquième volume du Supplément. | III. Cours diplomatique , ou Ta- bleau des relations extérieures des puissances de l’Europe. Berlin, 1801, 5 vol. in-8. MORCELLI (ÉrTiexxEe-AnTor- NE), savant archéologue italien, nr MOR naquit à Chiari , dans la province de Brescia , le 17 janvier 1737, de François et de Jeanne Rocca, tous deux d’une famille honorable. Il avait recu sur les fonts les pré- noms de Jean Antoine, mais il changea par la suite le premier de ces deux noms, en celui d’Etienne, à raison d’un vœu qu'il avait fait à cesaint,durant son enfance.Ïl eut pour maître dansses premières étu- des , un certain abbé Faustini, qui ne sut pas tirer un grand parti de l'esprit de son disciple, mais qui forma soigneusement son cœur. Envoyé à l’âge de quatorze ans,au collége des Jésuites de Brescia , la pureté de ses mœurs , la modestie et l'innocence de son extérieur, unies à une finesse d’esprit peu commune, plurent beaucoup à ces pères, qui, secondant sa vo- lonté bien prononcée ,. l’admirent dans leur corps à l’âge de seize ans , et le firent entrer dans leur maison de Rome. Après avoir terminé ses études théologiques dans la capitale du monde chrétien, Meorcelli fut en- voyé à Fermo , pour y professer la grammaire , et à Raguse, pour y enseigner les humanités. Enfin, lorsqu'il eut prononcé ses quatre vœux solennels, en 1771, 1l fut choisi pour professer l’éloquence au Collége romain. C’est pendant qu’il remplissait ces fonctions et en faveur des eleves qui suivaient ses cours, qu’il institua l’Acadé- mie d'archéologie ; elle se réunis- sait à jours fixes , dans les salles du Musée Kircher, dont Morcelli était prefet ; le savant jésuite y lut six dissertations sur différens points d’antiquité , dont deux ont été publiées à Milan, du vivant de l’auteur ; les quatre autres ont été MOR publiées plus tard par M. Labus, La Compagnie de Jésus ayant été supprimée en 1773, Morcelli, après avoir fait un court voyage dans sa ville natale, revint à Rome, où il fut accueilli et protégé parle cardinal Alexandre Albani, qui lui confia le soin de sa magnifique bibliotheque. C’est dans ce docte asile qu’il conçut et qu’il exécuta son grand ouvrage du Style des Inscriptions. À ce sujet, on lui a entendu dire : « Qu'il conserve- rait jusqu’à la tombe plus de re- connaissance pour le cardinal que s’il lui eût donné cent mille sester— ces ; car, ajoutait-il, si je n’avais eu continuellement à ma dispo- sition cet immense dépôt des pro- ductions .de l’esprit humain, je n’aurais jamais pu écrire ce petit ouvrage ( povere opericciuole), que j'ai composé, disait-1l encore , non pour montrer mon savoir, que je reconnais fort incomplet, mais pour la plus grande gloire de Dieu et de la religion. » Ce petit ouvrage, S1l faut employer les expressions de son auteur, était un chef-d'œuvre d’érudition, qui obtint les éloges les plus complets de l’abbé Marin, de Visconti, de Lansi , de toute l’Europe savante, en telle sorte, disait le spirituel cardinal Garampi, qu’il n’est per- sonne qui ne le consulte , « pour peu qu’il veuille composer une mauvaise inscription.» Après avoir dicte les règles de l’art des inscriptions, Morcelli, en offrit souvent des modeles; et bientôt sa célébrité en ce genre devint si grande, que dans toutes les solennités, on am- bitionnait d'obtenir quelqu'ins- cription de sa main ; l’histoire ec- clésiastique lui doit aussiplusieurs écrits importans, parmi lesquels 3o1 MOR l'Afrique Chrétienne tient le pre- mier rang. L’abbéMorcellifutrappeledans 302 sa patrie en 1791, pour y remplir: les fonctions de prévôt de l’église principale. Pendant trente années qu'il jouit de cette dignité, il fut constamment entouré de l’affec- tion et de la vénération publique. Il aima sa patrie jusqu’à la préfe- rer à sa fortune personnelle, puis- quec’est pour rester à Chiari, qu’il refusa le siége archiépiscopal de Raguse , qui lui fut offert par cette république. Ayant reçu en don, de Pie VI, le corps du saint martyr Agape, trouvé dans le ci- metière de Calixte , il a établi son culte à Chiari, où il est célébré avec grande solennité. Apres avoir rassemblé, durant de longues an- nées d’étude et d'économie, une bibliotheque tres-bien choisie, il en fit don, de son vivant, à sa ville natale, où il a de plus fondé et doté convenablement un établissement pour l’éducation des jeunes filles ; il fonda encore, restaura ou em- bellit divers édifices publics ou religieux de Chiari, et consacra la plus grande partie de ses reve- nus au bien des pauvres ou de son église. Il réorganisa les écoles pu- bliques, qui, grâce à lui, se trouvent dans l’état le plus floris— sant; il établit enfin plusieurs pratiques pieuses , qui continuent d’être religieusement observées. Le savant et pieux Morcelli est mort à Chiari, le 1°" jour de l’an- née 1821, à huit heures du soir; son corps a été embaumeé et dé- posé aupres de celui du saint mar- tyr Agape , pour lequel il profes- sait une grande vénération. L’ex- térieur de l’abbé Morcelli était noble, sa démarche grave , ses MOR / traits réguliers et gracieux , soi regard brillant , sa conversation sérieuse et savante. La réputation dont il jouissait comme érudit et comme prêtre pieux , juste et cha- ritable, l'avait environné d’une vé- nération universelle ; aussi des hommes distingués par leur nais- sance ou par leur mérite, vinrent plus d’une fois à Chiari, unique- ment pour le voir et le connaître. Nous ajouterons que son esprit timoré , ne lui permit pas de voir sans inquiétude les révolutions qui agiterent à la fois l’Europe et l’I- talie. — M. Labus a publié une Notice sur l’abbé Morcelli dans la Gazette de Milan : elle a été tra- duite en Français dans la Revue En- cyclopédique, t. IX, pag. 39r. Dépositaire de ses manuscrits, on pense que M. Labus les pu- bliera, avec la Wie de celui qui fut son naître et son ami; il avait précédemment fait graver le por- trait de Morcelli, avec ces quatre vers, dans lesquels il désigne qua- tre des principaux écrits du docte jésuite. Dulcia cui doctæ dictârunt carmina Musæ, Cui Latios rebus titulos aptare vetustas, Relligiosque dedit Graïos penetrare recessus, Afrorum sacros nunc dat describere fastos. . On a réuni trois discours fu- nebres prononcés en italien, en l'honneur de Morcelli, par P. Be- doschi, P. Deani et A.F. Bazzoni. Chiari, Tellaroli, 1821, in-4. Liste des ouvrages d’E. A. Morcelli. I. Destylo Encriptionum latinarum LibriTIT. Rome , 1780 , in-4. L'auteur mettait la derniere MOR main à ce livre, lorsque le car- dinal Alban vint à mourir ; aussi il le termine par un éloge en style lapidaire, de son protecteur. En plusieurs endroits de son tra- vail, il exprime un goût tres-vif pour la littérature classique ; et quelquefois il y ajoute des ex- pressions un peu dures , contre les lettres et les mœurs modernes. IT. Jnscriptiones commentariis subjectis. Romæ ; 1783, in-4. C’est une suite du Traité pré- cédent ; l’auteur y range suivant l’ordre des sujets les inscriptions latines qu’il a composées, à l’imi- tation de celles des Romains; et il les accompagne d’un commen- taire pour en justifier les expres- sions. On remarque un Essai de Fastes des siecles de l’erechrétien- ne , écrits à la maniere des Fastes du Capitole. Ce livre se réunit au précédent et au N° XIITci-après , ce qui forme un traité complet de la matiere des inscriptions. III. Sermonum libri II. Romæ, 1784 , in-8. C’est un recueil de poésies la- ünes dans la maniere d’'Horace. IV. Indication des antiquités de la maison Albani. 1785. Cet ouvrage , que nous ne con- naissons que par indication , doit être écrit en latin ou en italien. V. Kalendarium ecclesiæ Cons- tantinopolitanæ , C9 annorum ves- tutatis insigne, in lucem edidit et commentarios addidit S. A. Mor- cellus. Romæ , 1788 , 2 vol.in-/. VL. S. Gregorii secundi pon- tificis Agrigentinorum libri X, Ex- planationis Ecclesiasticæ, græcè primüm, et cum latin& interpreta- tione ac commentariis pulgati, qui- bus præposita est vita ejusdem pon- tificis, à Leontio monacho scripta , MOR 303 néc hactenüs græcè edita. V enetiis, 1791. VIL. Electorum libri LI. 1814. VIIL. Agapeja (sur saint Agape, marlyr). 1516. - | IX. Sulla Bolla d’ora de fan- ciulli Romani. — Sur la Bulle d’or des enfans romains. Milan, 1816; publié par M. Labus. X. Sull Agone Capitolino. — Sur le cirque du Capitole. Milan, 1817. — Publié par M. Labus. XI. Africa Christiana, in tres partes tributa. Brescia, Bettoni , 1817—18 , 3 vol. in-4. XII. MIXAHAEIA , sive Dies fe- sti principis angelorum apud Cla- renses. edent. J. Labusio JCt. Brixiano. Mediolani, Pirotta, 1817, in-4, pag. 30. ‘est un recueil d’hymnes, de poésies et d'inscriptions latines, en l’honneur de l’archange saint Michel , composé en faveur des religieux Claristes de la ville de Chiari. | XIIT. Haosyoy inscriptionum no- vissimarum ab anno 1584, Andreæ Andreii rhetoris curä editum. Pa- tavii, 1818, in-fol. ( Ÿ. les n*I et II.) XIV. Œuvres Ascétiques. 1820, 3 petits vol. (en italien et en la- tin ). XV. Dello scrivere degli antichi Romani. — De l'écriture des an- ciens Romains. Dissertations aca- démiques inédites de l’abbé E. A. Morcelli, publiées à l’occasion des noces Borromeo d’Adda , par le D: Jean Labus, avec annotations. Milan , 1822, in-8. — Elles sont au nombre de quatre. On trouve une Inscription de l'abbé Morcelli en l'honneur du P. Andres, son confrere , auteur de plusieurs écrits, entre autres 304 . OCH de l'Histoire universelle de la lit- térature, dans les Annales Encyclo- pédiques de M. Millin , t. VI, de 1617, pag. 280. MURRAY (Jouw), docteur me- decin, a long-temps professé et avec succès , la physique , la chi- mie , la matière médicale et ja pharmacie à Edimbourg. Il est mort dans cette ville , le 22 juil- let 1820. On a de lui : I. Elements of chemistry. —Élé- OCH mens de chimue. 1801, 2 vol. in-8. 2° édit., 1810. IT. Elements of materia medicu and pharmacy. — Elémens de matière médicale et de pharma cie. 1801 , 2 vol. in-8. IE. 4 system of chemistry. — Systeme de chimie. 1806, 4 vol. in-9. — Supplément. 1809, in-8. IV. À system of materia medica and pharmacy. — Système de ma- tière médicale et de pharmacie. 1810 , 2 vol. in-8. O. OCEHS ( PreRrE), chancelier et grand tribun de l’Etat de Bâle, directeur de la République Helve- tique , puis conseiller d'Etat, na- quit à Bâle, en 1749. Elève et ami d’Isaac Iselin, homme d’Etat et publiciste suisse, 1l fut aussi son successeur dans les affaires publiques et dans les sciences morales et politiques. Doué de dispositions naturelles tres-éten- dues, Ochs acquit par un travail soutenu , de vastes connaissances. Il commença sa carrière par le grade de docteur en droit. S’étant trouvé en mesure de devenir un des intermédiaires du rapproche- ment projeté en 1795, entre le roi de Prusse et la République Française , 1l concourut à la paix * de Bâle, signée par M. Barthe- lemy, charge d’affaires de France, le 5 avril de cette année, ainsi qu'aux traités de paix conclus cette même année, avec l'Espagne et la Hesse. En mai 1706, il fut envoyé par le canton de Bâle à Paris, pour dissiper les nuages qui s'étaient élevés entre la France et la Suisse , et assurer le Directoire que l’Etat de Bâle en particulier, était résolu à conserver inviola- blementla bonne intelligence avec la Republique Française. Vers la fiz de 1797 il fut chargé, à la demande du Directoire de France, d’une nouvelle négociation, à l’oc- casion de quelques échanges pro- posés entre les deux Etats : tel était du moins le prétexte appa- rent; mais le but réel de ce voyage était de s’entendre avec les chefs de la République Fran- çaise, qui avaient jeté les yeux sur lui, dans l'intention d’en faire uu des principaux instrumens pour l’accomplissement de leur projet, de changer la forme du gouver- nement de la Suisse. Ochs, que ses lumières et sa droiture ren- daïent naturellement ennemi de l’oligarchie , se prêta avec beau- coup de zèle à des desseins dont il ne calcula pas suffisamment les graves inconvéniens. Une lettre qu'il écrivit vers cette époque aux magistrats de Berne, mettait à découvert ses espérances et ses projets de changemens : elle fut imprimée et répandue avec pro- OCH fusion, non-seulement dans le cauton de Bâle, mais encore dans toute la Suisse. Ochs envoya de Paris à Bâle , le projet de la nou- velle constitution destinée à la Suisse, rédigé par lui, et con- certé avec le Directoire, et avec quelques-uns de ses compatriotes, dont on ne saurait revoquer en doute ni le patriotisme ni les lu- mières. Les paysans de l'Etat de Bâle supportaientavec impatience le régime aristocratique de l’an- cienne constitution. C’est dans cette classe qu’éclaterent les pre- miers mouvemens de la révolu- tion ; néanmoins ils auraient été probablement contenus, si les in- sinuations de Ochs, les menaces de l’Envoyé de France, et les dé- monstrations effectives d’un corps de troupes françaises ne fussent venues à l’appui. On s’occupa done d'organiser un gouvernement à peu pres sur le modèle du gou- vernement directorial de France. Le canton de Bâle nomma Ochs membre du sénat qu’avait établi la constitution unitaire. Il présida l'assemblée qui se forma dans Bâle même, pour organiser la constitution particulière de ce pays. Cependant le Sénat Helvé- tique réuni à Arau , sous la prési— dence de Ochs, ne le choisit point pour le Directoire , comme 1l pa- raît que la France l’avaitsouhaité ; l’ancienne influence l’avait à peu pres emporté, mème sous les for- mes de la nouvelle organisation, Ochs se rendit l’interprete du mé- contentement de la France , et de ses partisans ; 1l attaqua le Direc- toire helvétique et la majorité du grand Conseil.Rapinat, beau-frère du Directeur français Rewbell, et commussaire de la République L L OCH 305 Française , outre-passant ses ins— tructions, se permit, au mois de juin 1709, de frapper un coup d’État, en forçant la démission des directeurs Pfeiffer et Bay, qu’il remplaca par Ochs et Dodler. Cette nomination ayant occa- sioné des troubles dans le pays, et mécontenté le gouvernement français lui-même, Rapinat fut révoqué , et Ochs fut par suite obligé de donner sa démission. La disgrâce du beau-frère de Rewbell dura peu ; à son retour, Ochs fut réinstallé au Directoire par le corps législatif helvétique; mais Rapinat eut la cruelle insolence de casser cette nomination, pour la refaire de son autorité : Ochs a eu le tort impardonnable de se laisser imposer par l'étranger , au gouvernement de son pays. Quand la journée du 30 prairial eut renversé en France le crédit de Rewbell et de Rapinat, Ochs se vit contraint à donner sa démis— sion, au mois de juin 1799, em- portant cette fois les témoignages de la mésestime publique. Pour s’y soustraire il vint passer quel- quetemps à Paris, en février 1800, et l’on prétend qu’il accepta de l’emploi dans une administration française ; mais au mois de no- vembre de la même année, il était de retour à Bâle. Plus tard, sur l’appel que fit Bonaparte, alors Premier Consul, à tous ceux qui avaient été chefs ou ministres de la nouvelle république helvétique, de se joindre aux députés nommés par le gouvernement central, par les diètes de chaque canton et par les villes principales, Ochs vint prendre part à la Consulta , convoquée à Paris en 1802, pour la redaction de la nouvelle cons- 20 309 OCH titution , qui tendait à replacer la Suisse sous le régime fédératif, en le purgeant des élémens d’oli- garchie qui laltéraient préce- demment. C’est cette constitution que nous avons vu subsister jus— qu’à l'invasion de 1814. Sous ce nouveau mode de gouvernement , Ochs entra au Conseil d'Etat de Bâle; mais, désormais, il s’oc— cupa surtoutede littérature, et principalement d'écrire l’histoire de son pays, auquel il a eu la gloire d’élever un monument du- rable. Ochs est mort à Bâle, le 10 juin 1821. Mallet-Dupan, dans son Æssai historique sur la des- truction de la Ligue et de la liberté helvétique ( tom. 1, p. 82 et 123), a dépeint le caractere d’Ochs avec J'indignation passionnée qu’exci- taient en lui les impressions en— core récentes des malheurs de la Suisse ; mais la vérité est qu'Ochs aima toujours sincèrement la li- berté et sa patrie, et qu’il ne fut entraîné dans de fausses démar— ches, que par des engagemens funestes et des circonstances im périeuses Lui-méme estconvenu de ses torts, en racontant avec une franchise et une impartialité dignes de servir de modèle , l’h15- toire des révolutions auxquelles 1l avait pris part. Aussi a-t-1l laisse parmi ses concitoyens, la mémoire d’un bon Suisse et d’un "estimablie historien. Ochs avait la préten- tion de bien écrire en français, ayant beaucoup étudic cette lan- gue; mais ses essais poéliques prouvent qu’il avait encore quel- OCH que chose à acquérir pour se l'ap- proprier entierement. ) * t + Liste des ouvrages | de P. Ochs. I. Lettre d’un citoyen de Bâle à un de ses amis à Neufchâtel. 18%, in-6 (anonyme). Il. Geschichte der stadt und landschafft Basel, etc. — Histoire de la viile et du pays de Bâle. Bâle , 1785-1821 , 5 vol. in-8. - Cette histoire savante, quoi- qu'un peu prolixe , jouit d’une grande estime. Elle est écrite d’a- pres des documens originaux et authentiques. Muller l’a souvent citée avec éloge. Elle doit avoir un sixième volume , dont on pro- met la publication. ILE. Projet de Constitution hel- vélique ( en allemand, en français eten italien). Paris, 1797, in-6. — Nouvelle édition. Bäle, 1798, in—12. | Le Directeur Merlin*a eu part à la rédaction de cette piece. IV. L’Incas d’Otahis , tragédie en cinq actes et en vers. Bâle, 1007.— Non représentée. V. Promélhée, opéra en trois actes et en vers libres. Paris, 1808. VI. L'Homme à l’heure, co- médie en trois actes et en prose. Paris , 1808. À C’est un personnage dont la manie est#de faire tout, saus ex- ception , à des heures minutieu- sement réglées. On trouve une aualise de cette piece bizarre dans le Journal des Débats, du 27 novembre 1558. PIE PIE 307 ke PIETRO (MicneL di) , cardinal romain, naquii à Albano le 18 janvier 1947. Il fut élevé dans le séminaire épiscopal de cetteville, d’où il alla terminer ses études théologiques à Rome. Tres-jeune encoreil y soutint, avec un grand succes, un acte public sur l’en— semble de la théologie ; et bien-— tôt apres il obtint dans l’Univer- sité Grégorienne et dans l’Archi- gymnase Romain, des chaires d'histoire ecclésiastique etde droit canonique. Pie VI le nomma se— crétaire d’une congrégation ex- traordinaire qu'il créa, à l’occasion des troubles qui agiterent l'Eglise dés le commencement de son pon- üficat; elle eut à s’ôccuper entre autres affaires du synode de Pis- toie , tenu par l’évèque Ricci, et dit. les décisions étaient favora- bles à ce qu’on nomme les jansé- mistes. Cette affaire établit des rapports fréquens entre M. di Pietro etle savant Gerdil; et ils concoururent ensemble à la redac- ton de la bulle Auctorem fidei, publiée en 1594, contre les actes du Synode. On cite encore de M. di Pietro, un mémoire contre les actes de la même assemblée. M. di Pietro fut élevé successi- vement aux dignités d’évêque d’I- saure in partibus , Consulteur de PInquisition , Examinateur du clergé et Camérier d’honneur du Pape. Lorsque Pie VI futcontraint de s'éloigner de Rome en 1708, il le nomma Délégué apostolique en son absence. 1 se ces CIrcons- tances difficiles, M. di Pietro eut à répondre, dans diverses parties de la chrétiente , sur beaucoup de questions délicates. On cite de lui, dans la collection des brefs dePieVI (tome IT, Supplément), une Lêttre à l’évêque de Grasse, et une de- cision sur le serment de haine à la royauté , exigé en France des ecclesiastiques , à cette époque : l’une et l’autre est datée du 24 septembre 1708. Peu apres son exaltation , le pape Pie VII nomma M. di Pie- tro patriarche de Jérusalem, et le créa cardinal , le 23 février18ot , mais le retint in petto jusqu’au 4 août 1802. En 1804 le cardinal di Pietro suivit le souverain pon- tife en France, dans le voyage qu’il entreprit pour venir sacrer Napoléon. Depuis , 1l fut nommé Préfet de la Propagande, et conti- nua des ‘employer : al administra- tion de l'Eglise, jusqu’à ce que les discussions de Bonaparte avec le Pape , vinrent offrir une nouvelle matiere à son zele. Le cardinal di Pietro fut souvent appelé à cette occasion , dans les conseils de son souverain; etil eut part à plu- sieurs des mesures et des écrits publiés dans ce temps. Pie VII, lorsqu'il fut, contraint de quit- ter Rome , en 1809 , l'avait nommé son déléguée; mais l’on forca bientôt le cardinal de se rendre à Paris , d'ou il continuait à pourvoir autant qu'il le pouvait, aux besoins de l’Eglise. Les Mé- moires de Napoléon, publiés par M. de Montholon ( tome I‘, pas- sim) accusent plusieurs Fos le cardinal di Pietro, d’avoir voulu établir, dans les siéges vacans, des 308 PIiE vicaires aposloliques , ce qui pa- rait avoir excite vivement le res- sentiment de Napoléon contre le prélat romain. Le cardinal ayant refusé en 1810, d'assister à la cé- lébration religiense du mariage de Napoléon avec l’Archiduchesse d'Autriche, fut exilé ainsi que ses collègues italiens , privé de ses revenus, etreçut défense de porter les insignes de sa dignité. Relégue à Semur (Côte-d'Or), aveé les car- dinaux Gabrielli et Oppizzoni, il fut accusé d’avoir rédigé le bref adressé par le Pape au cardinal Maury, en 1810.On l’enleva deSe- mur, et on le mitau donjon de Vin- cennesavecses deux collègues. Ils y restèrent jusqu'au commencement de 1813, qu’on leur permit de re- joindre le Pape, alors à Fontaine- bleau , et 1ls passerent l’année au- près du pontife. En janvier 1814 on les sépara de nouveau, et l’on assi- na aux cardinaux différens lieux d’exil , en Languedoc et en Pro- - vence ; mais les événemens politi- ques de cette année, les délivrerent bientôt. Le cardinal di Pietro, de retour à Rome, fut nommé grand Peni- tencier et Prefet de l’Index. Enr 1816 1l passa dans l’ordre des cardinaux évêques , et fut préco- nisé évêque d’Albano, le 8 mars, de cette année. De.ce siège, il passa , le 29 mai 1820, à celui de Porto et Sainte Ruffine ( unis \. Il remplissait avec zele et piété les fonctions de ces diverses di- gnités ecclésiastiques, et se trou- vait devenu sous-doyen du sacré Collége , lorsqu'il.a succombe le 2 juillet 1821, à de longues et douloureuses infirmités. Ses ob- sèques furent célébrés dans l’'E- glise de Saint-Charles , des P. P. PIO Barnabites; son corps fut ensuite transféré à Albano, et enterré dans la cathédrale de cette ville, suivant le désir que le cardinalen avait exprimé dans son testament. — Le cardinal di Pietro, nourri dans les principes du clergé Ro— main, possédait aussi cette trempe de caractere circonspect et flexi- ble, qui semble en faire partie ; il était considéré comme une des lumieres du Sacré Collége , tant pour ses connoissances théologi- ques que pour sa capacité dans les affaires. PIOZZI (Esrurr-Lvyvcu- Sazus- BURY , femme), naquit en 1740, à Boswell, dans le comté gallois de Caernavon, d’une famille ho- norable. Elle reçut une éducation si fort au-dessus de celle qu’on donne ordinairement aux person- nes de son sexe, que non-seule- ment on lui apprit à fond le grec et le latin, mais même qu’elle connaissait passablement l’hé- breu. À l’âge de 24 ans, miss Salusbury fut mariée à Henri Thrale , riche brasseur de South- wark , et membre du Parlement. Ce gentleman, l’année qui sui- vit son mariage, fut introduit par M. Murphy, aupres du D: Johnson, le célebre critique an- glais; et c'est depuis cette épo- que que s’établit entre les deux épouxetle D'Johnson’,uneliaison devenue célebre. Peu après cette union devint si intime, qu'ils se reservérent réciproquement un logement dans leurs habitations respectives , l’un à Southwark “et l’autre à sa maison de cam- pagne de Sireatham. Quelle que fût l’amitié de l’illustre critique pour Mrs: Thrale, 1l paraît d’après PAO certains passages deses écrits, qu'il ne rendait pas une pleine justice à ses mérites littéraires, qu’elle ne développa d’ailleurs que plus tard. Johnson était un homme d’un caractere bizarre, bourru jusqu’à l’exces, el incapable de gouverner convenablement sa maison. Il trouva dans M. Thrale et dans sa femme , des admirateurs smcères de sa personne, qui se faisaient un bonheur de supporter patiem- ment les irrégularités de son ca- ractère , et de prendre soin d’une vie si précieuse aux lettres. Leur intimité dura depuis 1564, époque de leur premiere connaissance , jusqu’en 17981 , que M. Thrale vint à mourir. Cette perte fut vivement sentie par Johnson , et il continua d'entretenir les mêmes liaisons avec la veuve de son ami; mais celle-ci n’eut plus la même rési- gnation à supporter les brusqueries du docteur, quis’exercaientcontre toutes les personnes qui venaient rendre visite à Mrs. Thraie. Celle- ci prit prétexte de la perte d’un proces, pour quitter Londres et ses environs, où elle prétendit que ses moyens pécuniaires ne lui permettaient plus de résider , et pour se retirer à Bath, où elle savait qu’elle ne serait pas suivie par Johnson.Boswel, le biographe de Johnson , a inculpé les procédés de Mrs. Thrale, en cette circon- stance; mais lesexplications qu’elle a données sur ce sujet, semblent l’absoudre de tout reproche; et l’on peut en conclurequ’elle n’a jamais manqué au devouement qu’exi- geait d’elle l’amitié de son pre- mier époux pour Johnson , et l’in- térêt que devait lui inspirer à elle- même un si grand écrivain. La séparation s’effectua à l’amiable, ë PIO 309 el fut suivie pendant quelque temps d’une correspondance épis- tolaire , qui offre toutes les traces de la bienveillance. Mais ce der- nier lien fut lui-inème rompu, par le mariage de Mrs. Thrale avec le signor Piozzi, florentin ; maître de musique à Bath. Ce second mariage , contracté à l’âge de 44 ans, n’obtint point l’approbation de Johnson ; et la lettre qu'il écri- vit à ce sujet, fut la dernière qu’il adressa à Mrs. Piozzi. | Au mois de septembre 1584, cette dame traversa la France avec son mari ,etse rendit à Milan , où elle passa l'hiver. L'année suivante elle parcourut le reste de l'Italie, et vintse fixer pour quelque temps à Florence, où il se forma sous le titre della Crusca, une société de littérateurs anglais des deuxsexes, : qui bientôt mirent au jour un vo- lume de prose et de vers, intitulé The Florence Miscellany , lequel ne fut distribué d’abord qu’à un petitnombre d’amis.Cette réunion littéraire a été vivement allaquée par un critique nomme Gifford , dans la préface d’un écrit intitule Baviade et Mæviade. Au contraire, in journal intitulé {e Monde sefit ie prôneur , en Angleterre, de la reunion litiéraire de Florence , et arvint à lui donner de la céle- brité. Il publia , en les accompa- gnant de grands éloges, les pro- ductions poétiques de la nouvelle académie. Elles se faisaient re- marquer surtout par le clinquant du stle, et l’exagération des mé— taphores , empruntées à la langue et au génie de l’Italie. Suivant l'usage du même pays, tous ces vers élaient signés d’un nom poe- tique et emprunté. Le journal qui les prônait parvint à mettre ce 310 PiO genre à la mode, et ce fut bientôt une véritable fureur d’écrire dans ce goût. Telle est du moins l’idée que M. Gifford a essayé de doen- ner de la réunion littéraire de Flo- rence ‘et des productions qui en sont émanées. Quoi qu'il en soit, Mrs. Piozzi a fait preuve d’un vrai mérite comme poëte ;et son conte intitule les Trois Avis (the three IV arnings ), doit être distingué des bagatelles versifiées de la Crusca.En 1785, Mrs. Piozzi reprit le cours de ses voyages et visita, avec son. mari, Kome, Naples, Pompéi, les diverses capitales de l’Allemagne et la Hollande, par où elle retourna en Angle- terre. C’est là qu’elle publia la relation de ses voyages, ouvrage léger et frivole, qui obtint pour- tant beaucoup der socesl #4 Sy- nonimie anglaise a étel objet de sé- vères critiques. Cependant ce livre annonce beaucoup de jugement et d’observation. Le nom de Jonhson y revientsouvent ; on a même soup- conné cet auteur d’avoir fait une partie de l’ouvrage. Mais un pareil soupçon a été mis en avant (pro- bablement sans fondement), à chaque nouvel écrit de Mrs. Piozzi. Ses Anecdotes et ses Lettres du D* Johnson firent le plus grand bruit, et durent exciter un intérêt pro- portionné au mérite du grand écrivain auquel elles se rappor- tent , et à la Jiaison intime qui avait existe entre lui et Mrs. Piozzi; mais les révélations qu'on y trouva, ne plurent pas à tout le ‘monde. Bai retti censura sévèrement l’ou- vrage, ct Woicott plaisanta sur le commérage de Mrs. Piozzi et celui de Boswel , dans sa satire spiri- tuelle de Boity et Piozzi.Mrs.Piozzi passa lesquinze dernieresannées de PIO sa vie à Clifion, pres Bath.Son mari la laissa veuve, pour laseconde fois, en 1609. Elle ira en 1821, après une courte maladie, dans la 93° année de son âge. Bon corps a été transporté au tombeau de sa famille , dans la partie septentrio- nale di pays de Galles. Elle avait si bien conservé ses forces physi- ques et ses facultés morales ] jus - qu'au terme de sa carriere, qu’elle donna et ouvrit elle-même un bal, à l’âge de 82 ans. Liste des ouvrages de E: L. S. Piozzi. 1. The Florence Miscellany. — Miscellanées de Florence. in-8, 1765 (en société avec MM. Merry, Parsons , Greathead et autres). IL. Observations and Refleclions, etc.— Observations et Réflexions, faites durant un voyage en France, en Jtalie, en Allemagne. 1786, 2 vol. in-8. II. Anecdotes of D Samuel Johnson. — Anecdotes du D)' Sa inuel Johnson, durant les het dernieres années de sa vie. 1566, in-8. IV. Letters to and from D" S. Johnson. — Lettres du D'S. John- son où à lui adressées. 1785, 2 vol. in-8, Ces lettres ont éte écrites de— puis l année 1565 jusqu’à l’année 1784 (Re V. British Synonimy, ete. — Synonimie anglaise , ou issai sur l’emploi régulier dés” HS , dans la SRE Nr Pt familière. Lon- dres, 1794, 2 vol. in-6. VI. Retrospection, or a Review, etc. — Retrospection, ou Revue des événemens, des caractères, des circonstances les plus remarqua- ; PLA bles de l’histoire du genre humain, pendant l’année 1800 , avec leurs conséquences. 1801, 2 vol. in-{. On doit encore à Mrs. Piozzi, outre le conte des Trois Avis,imité de La Fontame, et une traduc- tion de l’Epiître de Boileau à son jardinier, divers morceaux en vers et en prose , publiés dans les re— cueils périodiques. PLASSCHAERT (Josrpx), ne à Bruxelles , vers 1760 , fit ses étu- des au collége de cette ville, et, apres les avoir terminées , fut at- taché au gouvernement des Pays- Bas, en qualité d’Auditeur. Lors des premiers succes des armées autrichiennes sur le territoire français, en 1792 et 1703 , 1l fut placé, quoique bien jeune, parmi les membres de la junte adminis- trative chargée de l’organisation gdes provinces conquises. L’occu- pation du territoire belge par l’ar- meée française le rendit à la vie privée , jusqu’en l’an 1X, quil entra comme chef, dans les bu- reaux de M. de Pontécoulant, alors préfet de la Dyle. Ce ma- gistrat lui accorda beaucoup de confiance , et le fit nommer Con- seiller de préfecture; ce qui le mit dans le cas d’administrer en son absence , long-temps et avec succes, ce département Impor— tant. 11 partit pour la Hcïlande, en 1806, dans le corps des Gardes d'honneur ; mais bientôt apres il fut appelé au Corps-Législatif par le département de la Dyle : il exerça en même-temps les fonc- tions de maire de Louvain, jus- qu’à l’époque où les Alliés, mai- tres de la Hollande , s’avancerent vers la Belgique. 11 donna alors sa démission et rentra dans la vie PLA 3rt privée , sans toutefois cesser d’être utile à son pays par ses lumieres, comme le prouvent deux ouvra- ges qu’il publia successivement et qui obtinrent le suffrage général. Dans le premier, qui a pour titre : De PInfluence des langues sur la civilisation , 1l se proposa de faire sentir l'inconvénient et même limpossibilité de toute mesure tendante à interdire, en Belgi- que, l’usage de la langue fran- çaise , dans lesrapports judiciaires et administratifs. Le second de ces opuscules , intitulé : De la No- blesse, des Titres et de l& Féodalité, parut à une époque où des ins nuations indiscretes sur le droit de chasse, et la publication in-° tempestive d’une brochure con- cernant les anciens droits sei- gneuriaux , avaient jetée l’alarme dans beaücoup d’esprits. L’écrit de M. Plasschaërt eut pour effet de réduire au silence de crimi- nelles prétentions, qui semblaient espérer quelque chose de la con- descendance du monarque et du silence des citoyens. Elu en 1818, membre de la seconde chambre des Etats-Généraux du royaume des Pays-Bas, M. Plasschaërt s’y est fait distinguer par la sagesse de ses vues, l'indépendance et la libéralité de ses opinions ; ainsi 1l se prononca avec éner- gie pour l’abolition de l’infâme traite des Noirs, et pour celle de diverses peines serviles, usitées dans la discipline militaire des Pays-Bas : il vota le rejet du budget de 1819. A l’ouverture de la ses- sion suivante, le mauvais état de sa sante le détermina à donner sa démission ; mais au lieu de l’a- dresser à l’assemblée dont il était membre , 1l l’adressa aux Etats 312 PLO de la province, ses commettans. Cette circonstance devint l’occa- sion, dans la deuxieme Chambre, d’une discussion tres-vive:, à la suite de laquelle toutefois la léga- lité de sa démarche finit par être reconnue et admise par la majo- rite. M. Plasschaert est mort à Louvain , le 19 mai 1821 , âgé de soixante-un an. PLOWDEN (CuarLes), prêtre catholique anglais, naquit en An- gleterre , le 1°* mai 1743 ; il des- cendait d’un avocat de ce nom, célebre sous le regne d’'Elisabeth, dont les décisions sont encore citées et font autorité au barreau anglais. Charles Plowden fut d’a- bord élevé avec son frère, l'avocat Francis Plowden (1), dans le sé— minaire anglais de Saint-Fgnace, à Saint-Omer. De là, 11 vint terminer ses études à Rome , où il entra dans la sociélédes Jésuites, en 1759. En 1770 1l étudiait en- core la théologie dansle Séminaire Romain.kRetourné dans sa patrie, il fut quelque temps Directeur du séminaire catholique de Stony- Eurst, dans le comté de Lan- castre, d’où 1} sassa à la direction de la chapelle de Bristol. M. Charles Plowden prit une part active aux divisions qui agitercnt les catholiques anglais , touchant les mesures à prendre et les con- cessions à faire au Gouvernement, pour obtenir leur émancipation politique. Il se déclara pour le parti le moins tolérant, écrivit 1) M. Francis Plowden vit aujour- d'hui refugié en France, pour se sous- traire à une condamnation prononcée contre lui, à raison de l’un de ses écrits historiques. PLO avec une violence inexcusable contre le Comité catholique, dans les disputes qui éclatérent en 1700 et 1791, entre ce comité et les Vicaires apostoliques, et dé- fendit en Angleterre, les opinions ultramontaines. Charles Plowden revenait de Rome, où il était allé faire un voyage pour les intérêts des catholiques anglais, et re- tournait dans sa patrie, lorsqu'il est mort subitement, à l’âge de soixante-dix-huit ans, le 13 juin 1621, dans le bourg de Jaugue, département du Doubs , au mo- ment où il montait en voiture afin de continuer sa route. Liste des ouvrages de Ch. Plowden. I. Discours prononcé lors du sacre de M. Douglas. 1591, in-8 (en anglais). Il. Observations sur le sermenf. proposé aux Catholiques anglais. 1791 (en anglais). LIT. Réponse au second Livre bleu. 1701 ( en anglais). IV. Lettre de M. C: Plowden aux Catholiques, pour justifier sa conduite... (en anglais ). V. Remarks on the writings of Joséph Berington, adressed to the catholic clergy of England. 1792, 1a-6. — Remarques sur les écrits de J. Berington, adressées au clergé catholique d'Angleterre. VI. Remarks on a book entitled : Memoirs of Gregorio Panzani. 1794, in-0.— Remarques sur un livre intitulé : Mémoires de G. Panzani, précédees d’une lettre à M. Berington. VII. Letters to C. Butler , etc. — Lettres à C. Butler, W. Cruise, H. Chfford et W.Throck- POP morton, esqrs., surla protestation des Catholiques. 1706 , in-8. VIII. Considerations on the mo- dern opinion of the fallibility of the Pope. — Considérations sur l'opi- nion moderne de la faillibilite du Pape. Londres , 1796, in-8. Charles Plowden a publié plu- sieurs Lettres dans le Journal de Bristol, sur la question de l’éman- cipation des Catholiques. POPHAM (sir Home Rices), amiral anglais, naquit à Gibral- tar , tandis que son père était con- sul à Tetuan, dans le royaume de Maroc, le 12 octobre 1762. Sa famille était originaire de Ban- don , pres Cork en Irlande. Son père , qui avait été marié plusieurs fois , n’eut pas moins de quarante- quatre enfans , de ses différentes femmes ; Home Popham fut le vingt-unième fils de sa mere, qui perdit le jour en lui donnant la vie. Il fut redevable de son édu- cation à son second frere , M. Ste- phen Popham, habile jurisconsulte de Madras. Il sortit de l’Université de Cambridge pour entrer dans le service maritime comme simple matelot, sous les auspices du commodore Thompson, qui lui servit à la fois de pere, de pro- tecteur et d’instructeur. Resté sur la frégate la Hyène , stationnée sur les côtes d'Angleterre jusqu’au commencement de 1782, et promu à cette époque, au grade delieute- nant, il suivit, en qualité d’in- tendant maritime, le commo- dore Thompson , qui fut envoyé commander l’escadre stationnée sur la côte d'Afrique ; mais à la mort de son patron, arrivée au mois de janvier 1783 , il retourna en Angleterre. POP 313 Lord Howe, qui était alors placé à la tête de l'Amirauté, in- vitait les lieutenans de marine à s'engager en des expéditions aven- tureuses, pour acquérir l’expé— rience de leur profession. Le lieu- tenant Popham, encouragé par ses amis, fit voile pour l’Inde avec d’autres marins, apres avoir ob-— tenu la permission des lords de J’Amirauté, précaution qui lui conservait son grade, mais non sa demi-paie. À son arrivée au Bengale, il fut membre d’une commission envoyée, en 1709, pour inspecter New-Harbour , sur la rivière Hoogly, qu’on repré sentait comme propre à devenir un arsenal maritime. Le lhieute- nant Popham retourna en Europe, apres s'être acquitté de cette mis- sion. On le retrouve en 1791, commandant dans l'Inde, un bâti- ment du pays, sur lequel , se ren- dant du Bengale à Bombay, une mousson orageuse l’obligea à quit- ter les détroits de Malacca, et à venir jeter l’ancre à Pulo-Penang, maintenant appelée l’Ile du Prince de Galles. Cet accident le con- duisit à la découverte et à la re- connaissance du détroit du Sud, dont la carte ne tarda pas à ètre gravée et publiée. Il reçut à cette occasion les félicitations du Gou-— vernement , et un plat d'argent, orné d’une inscription honorable, Jui fut présenté au nom du Gou- verneur-général de l’Inde. Il reçut encore un pareil hommage de la part de plusieurs capitaines des vaisseaux de la Compagnie des Indes, qui lui écrivirent pour at- tester la sûreté et la célérité que sa découverte avait ajoutées à la navigation de ces parages, Jusqu'ici le lieutenant Popham 314 POP avait servi dans la marine mar- chande. La guerre de la révolu- tion française le fit appeler sur les vaisseaux de l'Etat; et il fut employé , ayec un commande- ment, dans l’armée destinée à agir sur les côtes de la Hollande et de la Flandre, sous les ordres du duc d’Yorck. Débarqué pour le service de terre , il assista à la defense de Nieuport, contre les Français; c'est lui qui suggéra l’idée de former un corps de pé- cheurs hollandais , pour être em- ployés à la défense de leurs foyers, et on lui en confia le comman- dement. il se distingua aussi au siége de Nimègue, prise par le général Pichegru en 1594. Apres le mauvais succes de l’expedi- ton de Hollande, c’est lui qui présida à l’embarquement de l’armée anglaise. Bientôt lat- tention du capitaine Popham se tourna vers la possibilité d’une in- vasion en Angleterre par les Fran- çais ; et il médita sur les moyens les plus efficaces de leur résister. Le plan qu’il proposa pour l’or- ganisation d’un corps de marins fut adopté par le Gouvernement, et mis à exécution durant l’hiver de 1798. 11 reçut en récompense le commandement d’une de ces compagnies, qu'il conserva jus- qu’en 1900. En 1706, il avait fait partie. d’une expédition de débar- quement qui réussit à brüler et à détruire les écluses , les bassins et les divers travaux du canal d’'Os- tende, à Bruges, par où le gou- vernement français faisait arriver une grande quantité de munitions de guerre à Dunkerque. Cette ex- pedition , où 1l remplit le second rôle , et qui fut conduite avec beaxcoup d’audace et de bonheur, POP grandit considérablement la ré- putation du capitaine Popham. Lorsque, en 1709, la Russie se fut engagée à fournir à l’Angle- terre un certain nombre de vais- seaux et de troupes de débarque- ment,pour uneexpédition projetée contre la Hollande, le capitaine Popham fut envoyé à Cronstaüt, sur le lougre le Nil, avec la qua- lité de comnussaire britannique , pour présider à l’embarquement. L'empereur Paul voulut qu’on fit avancer le Nil devant son palais de Peterhoff ; il vint le visiter deux fois, accompagné de sa famille, et fut traité avec le bœuf salé et le biscuit destinés à la nourriture de l’équipage. Le capitaine Po- pham reçut en cette occasion, des cadeaux d’un grand prix, et la croix de l’ordre de Malte,des mains de l’empereur Paul , qui venait, à cette époque, d'accepter le titre de Grand-Maître. Il se trouvait, par Papprobation du roi d'Angleterre, le seul chevalier de cet ordre for- mellement reconnu de la cour de Saint-James. Le capitaine Popham ne revint en Angleterre qu'après avoir visité plusieurs ports de la Russie, et voyagé l’espace de six cents milles, dans l’intérieur du Cercle Polaire. Il fut employé de nouveau , durant l'hiver de 1509, sur les côtes de la Hollande , dans le canal d’Alkmaar ; etles services qu’ilrendit furentsi bien appréciés par le Gouvernement, qu’il lui ac- corda une pension de 500 I. st. Le 5 décembre 1800, sir Home Popham fit voile pour les Indes- Orientales , à la tête d’une escadre de quatre vaisseaux de ligne. Le premier objet de cette expédition fut de convoyer un détachement de troupes , envoyées du Cap de POP Bonne - Espérance dans la mer Rouge, et qui devaient, sous les ordres de sir Ralph Abercrombie , concourir à expulser les Français de l'Egypte. Le commodore avait quitté le Cap,. amenant avec lui ses troupes de débarquement, le 28 février 1601 , et elles furent déposées à terre, sur les côtes de la mer Rouge, le 7 juin suivant. Il parcourut ensuite les côtes de l'Arabie , visita Juddah et Moka, ouvrit une correspondance avec le shérif de la Mecque , et avec d’au- tres chefs de ces contrées, dans les intérêts de la Compagnie des Indes , dont il avait recu mission expresse à cet effet, Apres avoir passé soixante et dix jours dans les eaux de la mer Rouge, il re- tourna dans l’Inde , et:vint rejoin- dre à Calcutta, le Gouverneur-gé- néral marquis de Wellesiey, pour conférer avec lui sur importance des relations commerciales à éta- Plir entre l’Inde et l'Arabie. Le 7 de janvier 1803 , le commodore Popham fit voile de Madras pour un second voyage dans la mer Rouge, et au mois de mars, 1l avait jeté l’ancre dans le port de Suez. Nommé par le Gouverneur-géné- ral de l'Inde , ambassadeur auprès des Etats de l’Arabie, il ouvrit une correspondance réguhère avec Houszer Méhémet Pacha, vice-roi d'Egypte, qui résidait au Khaire. Elle avait pour objet de stipuler plusieurs concessions en faveur des établissemens de la Compagnie en Asie , pour faciliter la traversée du désert, moyennant quelques re- devances pécuniaires ; ce qui, en- tre autres avantages , valut à }’An- gleterre le monopole du café de l'Arabie. Le sullan d’Ader députa son fils vers le commodore, tandis POP 315 qu’il était à Moka, pour lesolliciter de former un établissement dans ses domaines. Apres s'être acquitté heureusement de sa mission, sir Home Popham fit rembarquer les troupes anglaises pour l’inde,; et retourna en Angléterre. À son arrivée il trouva le mi- nistere changé, ainsi que le bureau de l'Amirauté, ce qui fit que sa conduite fut soumise à de longues enquêtes ; le ministère des Whigs censura sa conduite : on luirepro- chaït d’avoir employé son escadre dans des vues d’intérêt particulier. Il demeura sans emploi; mais pen- dant son absence, lors de l’élec- ‘tion générale de 1802, 1l avait obtenu un siége au Parlement, auquel il fut nommé par le bourg de Yarmouth, dansl’ile de Wligt. Il profita de sa position pour user de représailles envers ses enne- mis , en censurant amerement l’é- tat officiel de la marime, placé sous les yeux de la Chambre des Communes. En 1804 un nouveau changement de l'administration le fit remettre en activité, par le crédit de lord Melville : il obtint le commandement de l’Antilope , de cinquante canons, et fut em— ployé pour présider à Pessai d’un nouveau moyen de destruction des flottes. La premiere experience lui réussit , et 1] détruisit deux bâti- mens français devant Boulogne, en 1604 ; mais une tentative plus importante trompa plus tard son attente. En 1805, sir Home Po- pham eut le commandement de la partie maritime de l'expédition contre le cap de Bonne-Espérance, quicapitulale 8janvier 1806. Cette importante colonie est restée de- puis cette époque , entre les mains de l'Angleterre, et Ja possession 316 POP lui en a ete confirmée par les der- niers traites. La même année, sir Home Po- pham obtint du gouverneur du Cap, un petit corps de troupes qu’il conduisit, sous les ordres du gé- néral Beresford, à l'embouchure du Rio de la Plata, dans laquelle il entra au mois de juin. Des le 25, au moyen de radeaux et de bar— ques, qui servaient à remplacer le pont brüle par l'ennemi, le général Beresford entra dans la ville , que le vice-roi avait aban- donnée pour s’enfuir à Cordova. Le gouvernement anglais ne fut pas plus tôt informé du départ de lexpédition, effectué sans son au- * torisation, qu'il expédia des or- dres pour larrèter ; mais ils n’ar- rivérent qu'apres le succès, qui renversa d’abord toutes les, objec- tons. Pourtant les Espagnols, qui. s’étaient laissés surprendre et bat- tre par une poignée d'hommes, parce qu'ils n'étaient nullement réparés à la résistance ;revinrent bientôt de leur terreur panique; et reconnaissant le petit nombre de leurs ennemis , 1ls concerterent des mesures pour les expulser. Des émissaires partis de Buenos- Ayres, appelerent aux armes la population des campagnes, et une insurrection fut organisée dans l’intérieur même de ja ville , sous les yeux du général anglais, qui n’en soupçonna l’existence qu’au moment où elle éclata. Un Fran— çais, nommé Laniers , colonel au service d’Espagne , traversa la ri- vière ‘à Colonia del San-Sacra- mento , amenant ayec lui un mil- lier d'hommes de cette dernière ville et de Monte-Video. A la faveur d’un brouillard , ils échap- pérent aux croiseurs anglais et POP vinrent prendre terre à Couchas, au-dessus de Buenos-Ayres En- couragées par ce renfort, les levées de la campagne, qui déjà avaient été battues par le général'Beres- ford dans une sorbëe , s’avancerent contre Ja ville et sommerent le château de se rendre. Er même temps tous les habitans prenaient les armes dans l’intérieur, et le danger devint si imminent, que les Anglais s'étaient déterminés à évacuer la place et à se retirer sur leurs vaisseaux ; mais le mauvais temps les en empècha.Enfin, après une action désespérée, durant la- quelle les Anglais furent attaqués avec une incroyable furie, dans les rues et sur les places de la ville, en même temps qu'ils su- bissaient un feu meurtrier parti des fenêtres et des balcons des maisons , ils se virent contraints à capituler. La capitulation assu- rait à l’armée britannique tous les honneurs de la guerre; elle ga- rantissait aux négocians de cette nation leurs propriétés ; enfin elle stipulait l’échange en masse des prisonniers faits des deux côtés. Les termes dans lesquels les arti- cles furent conçus étaient entie- rement honorables pour l’armée britannique, qui d’ailleurs avait embarqué des le lendemain de l'occupation de la ville, à bord d’un des vaisseaux de l’escadre, la somme de 1,086,208 dollars. Sir Home Popham était à bord de son vaisseau , pendant que ces événemens se passaient à Buenos- Ayres ; il continuait à tenir la ri- viere bloquée, sans pouvoir por- ter aucune assistance aux troupes de sa nation. Ayant reçu pourtant quelques nouvelles forces, il re- prit l'offensive le 12 octobre, et POP tenta sans succes , une attaque contre Monte - Video. Comme l'expédition prenait une tournure de plus en plus fâächeuse, il se décida à quitter cette station, et laissa le commandement à un au- tre. La conduite de sir Home Po- pham en cette occasion, fut sou mise à une cour martiale, au mois de mars 1807 ; il s’y défendit avec magnanimité, affirmant qu’il n'avait commis d’autre crime que la conquête des deux capitales de deux grandes divisions du globe, le capde Bonne-Espérance et Bue- nos-Ayres. Néanmoins , la Cour déclara « que la conduite tenue par » sir Home Popham , était répré- » hensible dans la personne d’un » officier anglais, qu’elle tendait à » la subversion de toute discipline » militaire et de la subordination » due au Gouvernement. » En con- séquence , il reçut une sévère ré- primande. Toutefois, beaucoup de gens imputerent cette décision à l’esprit de parti et l'opinion pu- blique fut divisée à ce sujet. Cependantuneexpéditionayant été projetée pour s'emparer de la marine Danoise, sir Home Po- ham fat choisi pour commander en second la flotte sousles ordresde l'amiral Gambier , qui le chargea, apres le succes de l’expédition, du soin de recevoir les vaisseaux de guerre, et les munitions de l’ar- senal de Copenhague. Le 8 jan- vier 1808, la cité de Londres vota une épée à sir Home Popham , en mêmetemps qu'à sir JohnStuart. Auparavant , ils avaient été ad- mis tous deux dans la corporation oo des marchandstailleurs, etavaient, obtenu la jouissance de toutes les franchises de cette compagnie. En 1609, sir Home fit partie de POP l'expédition chargée de loccupa— tion de Flessingue , ‘et de la des- truction des bâtimens de guerre, arsenaux et chantiers francais dans l’Escaut. La connaissance locale qu’il avait du pays , lui fit donner la charge de contre-amiral com- mandant l’arrière-garde. L’expé- dition navale était placée sous les ordres de sir Richard Strachan, et l’armée sous ceux du comte de Chatham. Les 28 et 29 juillet, on mit à la voile en deux divisions. Le contre-amiral ayant jeté l’an- cre en un lieu sûr , l’armée fut muse à terre ; ensuite l'artillerie des vaisseaux ayant pris position, dans la matinée du 31 juillet, elle commença à canonner Camvere, qui avait été sommé vainement de se rendre. Le feu des cha- loupes canonmières bien dirigé, fit éprouver un grand dommage à la ville ; trois d’entre elles coule- rent bas; dans l’apres-midi , le vent ayant fraichi, et la violence de la marée, nuisant au jeu des bombes , la flotille se retira , con- servant une position menaçante. À la nuit, des fusées ayant été lan- cées de la flotte sur les batteries avancées de Camvère, la ville ca- pitula. Après ce premier succès, sir Home fut dépêché, avec une flotille légère munie de brulots, dans l’Escaut occidental, pour sonder et préparer le litdu fleuve, à l’effet de le mettre en état de recevoir les grands vaisseaux , né- cessaires à la réussite ultérieure de l'expédition. Il exécuta cette mis sion avec sa précisionaccoutumée, et repoussa les Français jusqu’au- dessus de Lillo, où leurs chaloupes canonmieres avaient pris une forte position. Le 15 août, Flessingue'se rendit, apres un vif bombärde- 317 318 POP ment. Mais àla même époque une nombreuse armée française se réu- nissait aux environs d'Anvers ; les forts construits sur l’Escaut ve- naient d’être coinplettement ap- provisionnés , et toutes les me sures etaient prises pour arrêter à la fois les troupes de mer et de terre , en même temps qu’on était parvenu à interner les vaisseaux à tel point , qu'ils étaient désormais à l’abri de toute tentative par mer ou par terre, quand même on fût venu à bout de forcer les passages de lariviere. L’expédition futdonc abandonnée; lord Chathamretour- vaen Angleterre le 14septembre, avec la plus grande partie des troupes, et l’île de Walcheren fut évacuée , le 23 décembre suivant. Durant la guerre de la pénin- sule , sir Home Popham com- manda le Vénérable, de soixante- quatorze canons, qui fut employé activement sur la côte nord-ouest de l'Espagne , à harceler les ar- mées françaises. Lorsque lord Moira partit pour le gouverne- ment général du Bengale, sir Home fut chargé de le transporter dans l’Inde, sur le Stirling-Castle, de soixante-quatorze canons. À sonrelour,il futnomme coloneldes troupes de la marine. Le 4 juin. 1814 six Home fut élevé au ran de contre-amiral du Pavillon- Blanc ; il accepta en 1810, le commandement de la station dela Jamaïque, où 1l se rendit sur la Sybille , frégate commandée par son fils aîné, le capitaine William Popham; peu apres il fut promu au grade de contre-amiral du Pavillon-Rouge. La paix enchai- nant désormais son activité*guer- rière , il s’occupa de divers ob- jets relatifs à la marine, particu- PR.A lièrement d’un.télégraphe perfec- tionné, construit en 1815 , le long de la côte , depuis Bridport, jus- qu’à l’extrémité du comté de Cor- nouilles. On prétend que ce nou- veau sémaphore offre 2000 com- binaisons au lieu de 100, et peut être transporté en cinq mi- nutes sur un charriot, d’un endroit à l’autre. Enfin , il accepta le commandement de la station des Indes-Occidentales , où il fit de vains efforts pour concilier le roi noir Christophe , avec le géné- ral Boyer, président de la Répu- blique d'Haïti. Retourne en An- gleterre en 1820 , l'amiral Po- pham termina ses jours à Chel- tenham, le 11 septembre de cette année. Îl était membre de la So- ciété royale de Londres , cheva- lier de l'ordre du Bain et gentil- homme de la chambre deS. À. R. le duc de Gloucester. Liste des ouvrages de sir Home Popham. I. Concise statement of facts, etc. — Exposé suscinct des faits rela- tifs au traitement éprouvé par sir H. Popham , depuis son retour de la mer Rouge. 1805, in-8. I. À Description of prince of W'ules Island. — Description de l’île du prince de Galles et des avan- tages qu’elle offre, comme -eta— blissement maritime. 1805, in-8. IUT. Rules and Regulations to be observed in His Majestÿs ships. — Réglemens et Préceptes à obser- ver sur les vaisseaux de S. M. 1605 ,in-/. PRAM ( CurisTran), naquit en Norwége , et se fit connaître, dès sa premiere jeunesse, par des oésies couronnées par la So- ciété royale des belles — lettres REN de Copenhague , et imprimées dans la collection de ses Meé— moires. Plus tard, M. Pram com- posa un poëme épique intitulé : Stacrkodder , dont le sujet est tiré de l’histoire fabuleuse des Scandinaves. Malgré les defauts et les inégalités qu’on peut avec raison , reprocher à cet ouvrage, où le poëte a plutôt pris l’Arioste que le "Tasse pour modéle , on y remarque de grandes beautés. Pram a compose deux drames en vers, l’un intitulé Damon et P'- thias , Vautre Frode et Fingal ; ces deux ouvrages se sont mieux soutenus à la lecture qu’au theà tre. La verve, la vigueur , le feu de l’imagination , caractérisent spécialement le talent de ce poëte. Moins de deux ans avant sa mort, RENNIE {Jonx) , ingénieur an- glais, naquit le 9 juin 5761, au petit village de Preston-Kirk, dans l’est du comté de Lothian, en Écosse. Apres avoir recu l’édu- cation primaire dans l’école du lieu , il apprit d’un de ses voisins, habile mécanicien, à diriger la construction des usines ; et pen- dant six ans, il ne sortit jamais de chez lui sans emporter des mo- deles dans ses poches. Vers 1783, M. Watt ayant le premier com mencé de mettre en œuvre la vapeur, comme moteur, dans le moulin d’Albion, pres du pont de Black-Friars, M. Rennie, que l'ambition avait amené du fond de l’Ecosse à Londres , fut employé à sa construction et ensuite à sa di- ver REN 319 Pram eut la singulière idee de quitter sa patrie pour aller s’éta- blir dans les Antilles danoises, ou le Gouvernement ne crut pas de- voir refuser à un vieillard septua- génaire , d’un si grand mérite, un emploi lucratif qu’il sollicitait. À yant pris possession de cet em ploi, Pram écrivait à ses amis qu’en un mois , il était passé plus d'argent par ses mains, qu’il n’en avait vu depuis le commencement de sa carriere. Ce mot naïf fait d'autant plus d'honneur à sa pro- bité, qu'il avait été pendant irente ans environ, membre de l’ad- ministralion générale du com- merce et de l’économie publique à Copenhague. Il est mort à l’île danoise de Saint-Thomas , dans le mois de décembre 1821. rection, avec une guinée d’ap- pointement par semaine. Le pre- mier ouvrage dont il dirigea per- sonnellement la construction fut la mécanique de la brasserie Whiitbread. Vers cette même époque , la mort de Smeaton, cé- lébre ingénieur , laissa vacante la premiere place en cette partie, et une réunien de circonstances favorables concourut à lui donner M. Rennie pour successeur. Un nouveau moteur apphcable aux machines venait d’être trouve , et notre ingénieur se trouvait pro— tégé par l'inventeur patenté de celte importante découverte : il n’en fallut pas davantage pour lui ouvrir la route de la fortune. Depuis 1794 jusqu’à sa mort, REN 320 M. Rennic a figuré à la tête des ingénieurs civils de la métropole de l'Angleterre, ets’esttrouvélié à toutes lesentreprises importantes, tels que canaux, ponts, hâvres, bassins et autres ouvrages de ce enre , qui ont été exécutés. Le phare de Bell-Rock , à l’'embou- chure dela Tay, en Écosse, con- struit sur le même plan que celui d'Edystone, dù à Smeaton; la jetée de Plymouth, le hävre de Ramsgate , les bassins (docks) de Londres, les ponts de Southwark et de Waterloo, doivent être cités parmi les chefs-d’œuvre de cet in- faugable ingénieur. Sa persévé- rance à l’ouvrage fat toujourssiopi- niâtre, qu’à l’époque d’un court voyage qu'il fit en France, en 1816, on lui entendit dire que c'était la premiere relâche qu'il s’accordait depuis trente années. Il se mettait au travail ordinaire- ment à cinq heures du matin, et on l’y retrouvait souvent à neuf heures du soir, ou plus tard en— core. Les devis de ses projets étaient quelquefois fixés trop bas, mais il n’épargnait rien dans leur exécution pour ajoater à leur soli- dite et à leur stabilité. Il s’enten- dait parfaitement à diriger et à gouverner ceux qu'il employait. I! ne s’occupa jamais d’aucune es- pèce de littérature , et par consé- quent il n’a rien écrit. L'ordre, la régularité, l'effectif des affaires l’absorberent tout entier, et le conduisirent aux plus grands suc- ces dans son art, en même temps qu’à une grande fortune. Jobn Rennie est mort à Londres, le 2 octobre 1821. La perte d’un homme si distingué a été vivement sentie par une nationparticulière- mentamoureuse de ce qui estutile. REN Les constructions des digues pour résister à la violence de la mer, le creusement des hâvres pour s’en abriter, ou l’art de rendre sûr ceux qui élaient jadis dange- reux et inaccessibles ; l’art de sau— ver des contrées fertiles des enva- hissemens de l'Océan, ou de les délivrer des eaux stagnantes et pestilentielles ; celui de nivelerles hauteurs ‘ou de les lier entre elles au moyen d’aquéducs et d’arca- des ; celui de construire des ponts aussi remarquables par leur beauté que par leur éternelle solidité , fu- rent pratiqués par lui avec une supériorité qui ne connut point de rivaux. Îl n’est pas une contrée des royaumes-unis qui ne possede quelque monument de M. Ren- ne , aussi étonnant de beauté que d'utilité. Il pratiquait son art avec beaucoup d’enthousiasme: lathéo- rie l’occupait peu ; mais il visitait et examinaitavec une scrupuleuse attention , les travaux qui avaient quelque analogie avec ceux dont il était chargé. Son intégrité éga- lait son génie; aussi n’a-t-1l ja- mais sacrifié la solidité à la promp- titude et à l’économie de l’exécu- tion. « Ce ne peut être l’objetde cette courte notice, dit M. Charles Du- pia (1), d’énumérer tous les ou- vrages d'utilité publique, exécutés d’après les plans et sous la direction de M. J. Rennie. La plus grande partie d’un volume de mes Woya- ges pourra suflire à peine pour en développer l’ensemble et tous les genres de mérite. Je me bornerai donc à rappeler en peu de mots, NUS MPTENTITS TRAIT CINE (1) Annales maritimes et coloniales. 1821, 2° partie. Pages 5843-50. REN ce qui caractérise la supériorité de quelques-uns des monumens qui feront vivre sa mémoire. » On lui doit l’exécution des docks (bassins) des Indes-Occiden- tales et du dock de la ville de Lon- dres, également remarquables par la grandeur de l’ensemble, l’intel- ligence de la distribution des par- ties et la beauté de l’exécution. La construction des docks des Indes- Occidentales, confiée d’abord à M. Jessop, fut, après la mort de cet habile ingénieur, confiée à M. J. Rennie. Je citerai comme des chefs-d’œuvre de simplicité , d’e- légance et de solidité, les han- gards qu'il a bâtis sur les quais du dock des importations pour rece- voir les produits des Indes-Occi- dentales, aussitôt après leur de- barquement. Au moment même où la mort allait le frapper, il achevait une construction nou- velle , également ingénieuse par son architecture et par son mé- canisme. Des toits vastes et sup— portés par de hautes colonnes en fer coulé présentent , au milieu de leur charpente, des routes aé- -riennes où des chariots en fer sont employés à suspendre, à monter, à descendre et à transporter d’e- normes pieces d’acajou ,tenues en réserve dans ces beaux magasins. Au moyen de ce système, quel- ques manœuvres font à présent, en peu de minutes, des mouye- mens et des transports qui de- mandaient auparavant des heures entières. » Les ports-docks de Liverpool, de Hull , de Ramsgate, de Leith, de Dundee, de Dublin , de Holy- head , et vingt autres, offrent des exemples variés des ressources du géme mécanique et du talent REN 321: de M. J. Rienme comme ingé - nieur...…. » Parmi les travaux les plus re- marquables , 1l faut compter ceux que M. J. Rennie a dirigés dans les arsenaux de la marine royale. On lui doit les nouvelles formes de constructions de Chatham , de Portsmouth et de Plymouth, le beau quai de la Tamuse, devant les établissemens publics de Wooïwich, les constructions hy- drauliques modernes de l’arsenal de Milfort; enfin les travaux de Sheerness et la jetée de Ply- mouth. » Dans la construction hydrau- lique de Sheerness, on voit l’art luttant contre toutes les difhi- cultés de la nature, et triomphant de ces difficultés. L’arsenal en- tier est établi sur un sol artificiel ;. les édifices qu’on y bâtit sont fon- dés sur des carcasses de vaisseaux ensevelies dans les alluvions qui ferment l'ile de Sheppey. Pour mettre les bassins qui contiendront les vaisseaux à l’abri des filtrations qui les atteindraient lors des bas- ses marées, 1l a fallu les excaver bien au delà de leur profondeur ordinaire, et les remplir ensuite , dans toute leur surface, par une couche de terre glaise dont l’é- paisseur surpasse la hauteur de deux hommes d’une taille élevée : des contreforts elliptiques , bâtis en briques et remplis de pierres calcaires cimentées avec la pouz- zolane, servent à soutenir les murailles de granit, dont les blocs , rejoints avec un soin ex— trême , sont , par leur masse et leur nature, également à l'épreuve des outrages du temps et de la main des hommes. On croit voir un ouvrage des Romains dans 21 REN les beaux siècles de leur puis- sance. » La jetée de Plymouth pre- sente un autre spectacle. C’est au milieu d’une mer orageuse que s’éleve cette barrière hardie. Icile marbre remplace le granit; les formes irréguheres des matériaux sont substitués au parfait écarris- sage; mais un enchässement me- thodique offre tous les avantages de force et de durée qui semblent le caractere de ces constructions cyclopéennes , intactes encore apres vingt-cinq siècles , et qu’on retrouve comme les soubassemens inaltérables des monumens déjà détruits, quoique élevés long- temps apres, par les peuples de l'Etrurie , du Sammnium et de la Grece. » Cette inaltérable solidite as- surée ; la sagesse des formes et la prudence des dimensions , nous semble être le caractère essentiel et distinctif des grands travanx de M. J. Rennie ; elle est surtout re- marquable dans les deux ponts qui décorent la métropole de l’em-— pire britannique. » Le pont de Southwark est le premier où l’on ait conçu l’idée hardie d'employer le fer coulé par masses compactes , d’une étendue qui surpasse celle des massifs de pierre les plus considérables. Les arches de ce pont sont formées par des voussoirs pleins , qui ne pouvaient être coulés que dans une contrée où la métallurgie fut portée au plus haut degré de per- fection. M. Rennie a tiré de cet état de l’art tout l’avantage que son talent pouvait en obtenir. Lorsque l’on considere etl’étendue et l’élévation des arches de ce pont, et l’énormité des élémens 322 RIC qui le composent, on acquiert une idée plus grande de la force de l’homme, et l’on s’écrie invo- lontairement , en jugeant ce chef- d'œuvre : « C’est le pont des géans! » » Arrétoñs-nous enfin au der- nier pont en pierre que M. J. Ren- nie ait bâti. Le pont du Strand (ou de Waterloo), est dans son genre le plus grand , le plus régulier, le plus hardi de tous ceux qu'on admire dans les royaumes britan— niques. Naguëre encore, les An- glais citaient comme des modèles les ponts de Blackfriars et de Westminster ; mais depuis que le nouveau pont est jeté sur le bassin qui les sépare, ils sem- blent avoir perdu leur étendue , leur élévation, leur régularité. Les ponts de Blackfriars, de Westminster et de Londres ( Lon- don-bridge), étant construits en pierre tendre , et susceptible de se décomposer à l’air, ont déjà pro- digieusement souffert des ravages du temps. Il en est de même de la plupart des édifices ‘publics de la métropole... » M. J. Rennie laisse une nom- breuse postérité ; et parmi ses en- fans , deux pratiquent déjà avec succès l’art qui a illustré le nom de leur père. Les propriétaires du pont de Waterloo ont voté l’érec- tion d’un obélisque à chacune des têtes du pont , en mémoire de son constructeur. RICH (Czauprus James), rési- dent de la Compagnie des Indes d'Angleterre pres le pacha de Bag- dad, arendu des servicesimportans à la littérature orientale, etaux an- tiquités, par la publication de ses Mémoires sur l’ancienne Babylone RIC (en anglais) , imprimés à Vienne, dans les Mines de l'Orient, sous la direction de M. de Hammer , en 1818 etannées suivantes :1ls ontéte plusieurs fois réimprimes depuis. M. Rich n’avait que dix-sept ans lorsqu'il fut envoyé à Bagdad : il est mort à Schiraz, du cho- lera morbus, au mois d'octobre 1821,âgé seulement de trente— cinq ans. Îl s'était occupé avec ardeur de répandre Îles sainies Ecritures dans ia Perse et dans tout l'Orient. On lui doitune tra- duction de la Bible. À la fin de 1820, M. Rich parcourait avec sa femme divers points du pa- chalik de Bagdad ; il visitait les ruines de Ninive , et détermina la position géographique de plu- sieurs villes celébres de l’anti- quité. Les détails de ce dernier voyage , sont contenus dans deux lettres à M. Silvestre de Sacy, publiées dans le Journal de Sa- vans. 1821 , page 311, ei 1822, page 237. RICHARDSON ( Wäiirram) , recteurde Clonfekle,dans le comté d’Antrinr , en Irlande, raquit en 1%40. Cet ecclésiastique s’est fait remarquer dans son pays, par le zele et la persévérance avec les- quels il a pratiqué et recommandé la culture d’une espèce de four- rage appellé Fiorin-grass. Cette plante précieuse croît abondam- ment dans les marécages de l’Ir- lande, où elle est tres-vivace et presque inextirpable. Sa qualité la plus avantageuse est de réussir au milieu des pluies et des froids du mois d’octobre. M. Curwen, membre du Parlement , cite pour ses Connaissances en agriculture , visita, en 1813, la demeure du RIC 353 D: Richardson , à Clonfekle. « L’enthousiasme de mon ami, dit-1l à ce sujet , est quelque chose de vraiment curieux. Toute l'énergie de son esprit est tournée vers la propagation du fiorin-grass. Peu de personnes d’ailleurs l’'éga- lent en intelligence et en philan- thropie. L’honneur d'obtenir la réputation d’ami de son pays emporte chez lui sur toute au- ire considération , et le rend in- sensible aux dangers, aux tra- casseries, aux vexations qu'il es suie journellement. Mesurant le zele des autres sur le sien propre, 1l se trouve continuellement dés- appointé par le défaut d’ardeur et d'activité qu’il rencontre dans ses prosélytes. Mais , en dépit de toutes les contrariëtés qu'il peut éprouver , il n’hésite pas à penser que le fiorin-grass , sur la propa- gation duquel il a écrit plusieurs traités, ne doive être dans peuuni- versellement cultivé. En effet , cette plante est d’un grand rap port dans les terrains qui lai con- viennent ; mais ils se bornent ex clusivement aux fondrières, aux marécages et aux prairies arrosa- bles, où elle se multiplie abon- damment.» Le docteur Richard- son est mort en 1820 , à son manoir champêtre de Clonfeckle, âgé de 80 ans. Liste des ouvrages de W°. Richardson. TL. Letter to the right hon. Isaac Corry. — Lettre au très-honora- ble Isaac Corry, sur les propriétés du fiorin grass. 1800; in-12. Il. Essay on Fiorin grass. — Essai sur le jicrin grass. 1810 , in-9. 324 SHE Til. Letter to the marquis of Hertford , etc.— Lettre au mar- quis d’'Hertford, sur le fiorin grass. 1810 ,in-0. | IV. 4 new Essay ou the Fiorin grass. — Nouvel Essai sur le Fo. rin grass. 1913 ,In-8. M. Richardson a écrit un me- SHE moire sur le monument appelé Chaussée des Géans, publié dans les Philosophical Transactions, et quelques autres opuscules sur l’histoire naturelle, qu’il a commu- niqués à la Société royale de Londres. Y S. SCH W AB ( JEAN CuRISTOPHE), conseiller royalde l'instruction pu- blique à Stutigard, membre des Académies de Saint-Petersbourget de Berlin, etde la Societe des Scien- ces de Haarlem , est mort à Stutt- gard , vers le milieu de 1821, à l’age de soixante-dix-huit ans. Il est principalement connu dans le monde littéraire par une Disser- tation sur les causes de l’universa- lité de la langue française (en Alle- mand) , couronnée à Berlin, en 1984, et traduite en français par D. Robelot (Paris, 1803, in-8). M. Schwab a remporte plusieurs autres palmes académiques. Il s'était déclaré l’adversaire de la philosophie de Kant , contre la- quelle il n’a pas craint d’écrire. SHEFFIELD (Joux Baker Hoz- royp , comte de), issu d’une an- cienne famille de l’Yorkshire, déja florissante sous le règne d’E- douard I‘, naquit vers l’an 1741. Entré de bonne heure dans l’état militaire, le jeune Holroyd ob- tint des 1760 , le commandement d’un corps de chevau - légers , connu sous la dénomination de . Royal-forestier ; mais la courte durée de la guerre ne lui permit pas de s'élever au-dessus du grade de capitaine , et 1l s’empressa de consacrer les loisirs de la paix à vi- siter les principaux états de l’Eu- rope.Ce fut à Lausanne que com- mencerent ses relations avec le célèbre historien Gibbon , qui dans l’intéressante auto-biogra- phie , placée en tête de ses œuvres méêlées , parle de lord Sheffield dans les termes suivans : « Durant mon second voyage à Lausanne, en 1764, parmi le grand nombre d’Anglais, mes compatriotes , qui se trouvaient dans cette ville, je connus et appreciai M. Holroyd, maintenant lord Sheffield, et notre mutuel attachement fut successive- mentresserré et fortifié dans les di- verses stations de notre voyage en Italie. Depuis cette époque, les chances variées dela vie m’ont sé- pare d’un ami dont la jeunesse ar- dente fut sans cesse inspirée parun cœur bienveillant et guidée par un espritéleve. » En 1760, lecapitaine Holroyd , étant retourné dans sa patrie,y épousa miss Abigail Way, fille unique d’un gentleman d’une grande opulence. Cette union avec une femme pour laquelle Gibbon avait une haute estime, est le sujet d’une lettre assez gaie que l’histo- rienécrit à son ami, datée de Bere- ton, le29avril 1767.«Jesuistombé ce soir sur une annonce assez bi- zarre , insérée dans la Chronique de SHE Saint-James Elleestrelativeauma- riage d’un certain monsieur Olroy (le nom est écrit de la sorte dans le journal), ci-devant capitame de hussards. Je ne sais comment il me vint dans l'esprit que ce capi- taine de hussards ne m'était pas inconnu et qu'il pourrait être de votre connaissance ; si je neme suis pas trompe dans ma conjeciure, je vous prie de lui faire mes compli- mens, etde lui dire de ma partque je suis aussi aise qu'il soit marié que si je l’étais moi-même. As- surez-le que bien qu’en ma qualité de philosophe, je préfère le céli- bat au mariage ; en ma qualité de publiciste, je considère £ mariage comme tout-à-fait convenable pour la propagation de notre es- pèce ; assurez-le même que je suis convaincu que si le céhbat expose à moins de menus chagrins, le ma- riage peut seul procurer un bon- heur réel , puisque les jouissances domestiques sont la source de tout véritable bonheur. Puisse ce bonheur donné à si peu de monde lui être accordé : qu'il jouisse des douceurs fugitives de la beauté et des douceurs plus durables que procure la fortune, le bon sens et la bonne amitié. » Vers cette époque l’agriculture commençait à devenir l’objet d’une sérieuse attention , comme étant le véritable principe de la gran- deur et dela prospérité desnations. Les théories des économistes , im- portées du continent, étaient adop- tées en Angleterre, et mises en pratique avec un zèle particulier par M. Holroyd , sur son beau domaine de Sheflield-place, dans le comté de Sussex (1), où il ré- (1) Ce château , vaste et élégant , SHE 325 sidait. Non content de le cultiver et de l’embellir, il se rendit fer- mier de terres d’une étendue con- sidérable, afin de pratiquer ses théories sur une échelle tres-déve- loppée. C’est ainsi qu’il améliora , sous plusieurs rapports, lesysteme d'agriculture alors en vigueur, et introduisit divers modes de cul- ture nouveaux et moins labo- rieux. En même tempsil exerça les fonctions de magistrature mu- nicipale avec intégrité et considé- ration. La perte d’un fils encore enfant, qui mourut en 17972 , at- üra à M. Holroyd , une lettre de consolationde la part de Gibbon. Pour dissiper le chagrin que lui causait cet accident, 1l employa l’été à voyager avec sa femme, en Irlande et en Ecosse , et conti- nua ensuite d’habiter sa terre de Sheffield, jusqu'a ce que la guerre de 1778 fût venue embraser l'Eu- rope. À cette occasion la milice du comté de Sussex fut organisée sous le commandement du duc de Richmond , et M. Holroyd en fut nommé major. Les événemens de la guerre ayant pris une tournure fâcheuse pour l’Angleterre, les flottes réunies de France et d’Es- pagne vinrent insulter ses côtes. est situé au milieu d’un grand parc, entre deux rivières. L'époque de sa première construction n’est point con- nue, mais il a subi diverses transfor- mations. L'architecture est du meil- leur stile gothique. Une frise crénelée dessine le contour du bâtiment ; entre chaque créneau sont sculptéesles armes des possesseurs successifs du manoir de Sheflield , depuis le temps d'Edouard- le-Conquérant, époque où il fut pos- sédé, d’après les livres du compoizs ; par le comte Godwin. 326 SHE SHE M. Hoiroyd offrit au Gouverne- quelqu'un du peuple entrat dans ment de lever et d’équiper à ses frais une légion de hussards et d'infanterie légère ; et le Gouver- nement, en acceptant son offre, lui permit en reconnaissance d’en nommer les officiers. Ce corps de cavalerie prit le nom de Sussex, ou 22° régiment de dragons lé- gers. Ces circonstances donnè- rent à M. Holroyd beaucoup d’in- fluence dans son pays. Il fut élu au Parlement , sans aucune oppo- sition, par la ville de Conventry, où1l ne possédaitaucune propriété, mais dans laquelle son régiment avait résidé pendant quelque temps. Le colonel Holroyd ne prit pas souvent la parole dans la Chambre des Communes. Mais des la première session où 1l as— sista, une circonstance lui four- nit l’occasion de se prononcer d’une maniere décisive, lors des discus— sions relatives à l'amélioration de l'état politique des catholiques anglais. Lord Georges Gordon, qui fit voir en cette occasion tout ce dont est capable le fanatisme et la superstition , avait pris l’habi- tude de quitter son siège, et d’al- ler informer le peuple rassemble sous les portiques de la Chambre, du nom de l’orateur qui tenait la parole et de ce qui se passait dans l’intérieur de l’assemblée. M. Hol- royd, craignant qu’une pareille conduite n’amenât aux plus dange- reuses extrémités, saisit au collet Je tribun fanatique , etapres l'avoir menacé , 1l lui dit en propres ter- mes : « Jusqu’à présent j'avais at- » tribué votre conduite à la folie » seulement , mais je vois mainte- » mant qu'il y a dans cette con » duite bien plus de méchanceté » que de folie. » Il ajouta que si ja Chambre ou insultait un de ses membres, il s’en prendrait à im comme instigateur, et desa propre main, lui iniligerait immédiate- ment un châtiment exemplaire. Au milieu des violentes se ditions qui éclaterent en cette oc- casion et qui compromirent la sûreté de la ville de Londres, en 1780, M. Holroyd se distingua en combattant à la tête de la milice du Northumberland. Cette conduite attira sur lui les faveurs de la Couronne. Le 10 de- cembre 1780, il fut créé pair d’Ir- lande, sous les noms et titres de Jord Sheffield , baron de Duna- more, dans le comté de Meath ; et plus tard ilobtint le titre de ba- ron de Roscommon, transmissi- bie à ses héritiers des deux sexes. Mais à l'élection générale du mois de septembre 1782, la corpora- tion et les sheniffs de Coventry, non contens d’avoir fait leurs ef- forts pour prévenir sa réélec- tion, se refuserent à la proclamer. L'affaire fut portée à la Chambre des Communes , qui envoya les shériffs de Conventry à la pri- son de New-Gate, et ordonna une nouvelle élection pour le mois sui- vant. L’animosité de la corpora- tion de Coventry y poursuivit M. Holroyé, et bien qu’il eût ob- tenu une grande majorite de suf- frages , son concurrent fut pro- clamé. Une petition déféra de nouveau l'affaire au Parlement, et à la suité d’une vive discussion, M. Holroyd fut déclaré valable- ment élu. Après lémancipation des co- lonies anglaises de P'Amérique septentrionale ; lord Shefheld' dirigea ses méditations vers Îles SHE relations commerciales à établir avec ces contrées. C’est cet objet qui lui fit prendre la plame pour la premiere fois, et lui donua l’occasion de déployer son zèle et sa sagacité pour les intérêts de la Grande-Bretagne. Il plaida cha- loureusement en faveur du main-— üen de l’Acte de navigation; et lorsque M. Pitt, dans l’ardeur de sa jeunesse, pour employer une expression de lord Shefheld , eut présenté un nouveau bill de réci- procité entre les deux états, conçu dans l’intention de s’emparer des relations commerciales avec la nouvelle république, lord Shef- field signala cette mesure, comme propre à détruire toute l’eflicacité des lois commerciales de l’Angle- terre et comme devant, un jour, amener la ruine de son pouvoir maritime. Ses discours et ses écrits sur ce sujet lui valurent les hon- neurs de la Cité , qui lui furent of- ferts par la corporation municipale de Glascow. D’un autre côté, 1l continua à mériter les faveurs du Gouvernement, en prétant ses ser- vices , en 1781, pour comprimer divers mouvemens populaires qui avaient éclaté dans les villes de Deal et de Cantorbery. Au mois de juin #591 lord Sheflield se rendit à Lausanne avec sa famille, pour y visiter son ami Gibbon. Il traversa la France immédiatement apres le voyage de Louis XVI à Varennes. Lui- même a consigne dans ses écrits les violentes préventions qu'il concut des lors contre notre reé- volution ; les conversations de Gibbon exaltérent en lui ce sentiment , lequel était parve- nu chez le philosophe anglais au degré d’exagération qu'on va SRE 327 voir. « Je me souviens, dit lord Sheffield , que dans un cercle où les affaires de France devinrent le sujet de la conversation , Gibbon argumenta- tres-sérieusement en présence de plusieurs Portugais, en faveur de l’inquisition de Lis— bonne, et déclara que dans le mo- ment actuel , il serait bien fâché de voir supprimer cette institu— tion. — Je trouvai , poursuit-il, M. Gibbon à Lausanne, installé dans une jolie maison , sur la ter- rasse de laquelle on jouit d’une vue magnifique, que sa plume elle- même aurait difhicilement de- crite. De là, l’œilembrasse les Al- pes, dans toute leur magnificence, la nappe du lac de Genève, un paysage fertile et varié, orné de nombreuses maisons de campa- gne , de fabriques pittoresques, entremêlées de superbes masses d'arbres. C’est là que mon ami nous donna l'hospitalité, avec un empressement que je n’oublierai jamais; les plusbeauxappartemens de la maison furent mis à notre disposition; la meilleure société du lieu fut réunie pour embellir notre demeure , et nous la rendre gracieuse. Il est vrai de dire que M. Gibbon était estimé et admiré à Lausanne , autant qu’il soit pos- sible de l'être. La préférence qu'il avait accordée à cette ville sur sa propre contrée, pour y fixer sa résidence, était appre- ciée et vivement sentie par tous les habitans ; en revanche, il se li- vrait volontiers à la frequentation du monde, avouant qu'il y recher- chait moins un délassemeñt à l’é- tude, que son plaisir et son ins- truction ; lui qui aurait pu choisir parmi les sociétés les pius bril- lantes de toutes les parties du 328 monde, et surtout parmi celles d’Augleterre,donnaitla préférence au cercle tres-limité de Eausanne, qu’il n’a jamais quitté que dansune occasion , pour aller réndre visite à M.etM"° Necker. Tout le temps que je passai chez Gibbon, il eut soin de rechercher les Français de me- rite ou de distinction qui vers cette époque affluaient à Lausanne. Jene sortis de sa maison que pour une courte excursion quenous fimes en- semble chez M. Necker, à Copet, et pour un voyage à Genève, à Cha- mouni,au delà du col de Balme, jusqu’à Martigny, Saint-Maurice, et autour du lac, depuis Vevay jusqu'a Lausanne. Je quitta cette délicieuse résidence au com- mencement d’octobre ; et peu de temps après mon retour en An— gleterre , notre correspondance reprit Son cours. » Lord Sheffield fut un des plus constans improbateurs de la po- htique de M. Fox. La premiere fois que ce grand orateur prit la parole dans la Chambre des Com- munes, lord Sheffield censuraavec aigreur ce qu'il appelait l’ambi- üon turbulente, et l’éloquence déclamatoire et populacière de cet homme illustre. Une autre fois , apres avoir entendu un dis- cours qui avait enlevé l’admira- tion des deux côtes de la Chambre, il blâma les éloges excessifs ac cordés au talent oratoire de M. Fox, déclarant que, d’après l’é- chantillon qu’il venait d'entendre, il ne pouvait que s’étonner de l'espèce de fascination à laquelle la Chambre semblait soumise par cet orateur. L'opposition s1 vive qu'il avait rencontrée à Coventry, lors de la dernière élection, en- gagea lord Sheffield à se retourner SHE SHE vers un autre point. Les connais- sances en matière commerciale qu'il avait déployées dans les dis- cussions parlementaires, le de- terminerent à briguer les suffrages de la cité commerçante de Bristol. Des protections puissantes les lui acquirent , et son triomphe fut si complet, que ses constituans vou- lurent le défrayer de toutes les dépenses que lui avait occasio- nées son élection. Malheureuse- ment, il n’est que trop certain que cette popularité prenait sa source dans la constante opposi- tion que lord Shefheld avait mon- tree à l’abolition de la traite des Noirs. C’est une chose déplorable et fletrissante , qu’un homme doté d'autant de mérite et de conside- ration que le fut lord Sheffield, se soit declare un des avocats éhontés du plus infâme trafic qui ait jamais déshonoré un pays civi- lisé. Conséquence effroyable , mais exacte à la rigueur, des principes politiques professes en toute oc- casion par Îe mandataire des mar- chands de chair humaine de Bris- tol. Lorsque la question de l’abo- lition de la traite fut agitée au Parlement en 1792, lord Sheflield eut à lutter contre Pitt et Fox, réunis cette fois sous la même banniere. Voici quelques phrases du discours qu’il prononça à cette occasion ; On y remarquera sans étonnement les argumentations or- dinaires des hommes de son bord. « On a fait beaucoup de bruit, dit- il, du grand nombre de pétitions présentées pour demander l’aboli- tion de la traite. Je pense que le Parlementnesauraitprèter l'oreille à ces pétitions, ni céder aux vœux de ceux qui les présentent ; car la maniere dont on les a obtenues les SHE rend tout-à-fait indignes de l’at- tention d’une assemblée grave et éclairée. Elles ont été obtenues par artifice, influence et décep- tion ; par des procédés tout-à-fait inconstitutionnels ; et je considere l'intervention dans cette affaire d’une certaine classe de personnes qui n’y ont aucun intérêt particu- lier, à peu pres du même œil que je considère les menées des Jaco— bins en France. La vérité est que si la traite doit jamais être abolie, ce ne peut être qu’au bout d’un long période d’années. » Grâces au ciel , les barbares préventions de lord Sheffield succomberent cette fois devant le Parlement ; et, avant d’aller paraître devant Dieu, il a vu les lois humaines et l’opi- nion universelle desa nation flétrir et réprimer le commerce homi- cide dont l’apologie pèse sur sa mémoire. Au mois d'avril 1703 lord Shef- field eut la douleur de perdre sa femme. Cette dame, qui portait Je plus vif intérêt aux emigrés français, avait établi un hospice pour donner asile à ceux d’entre eux qui se trouvaient atteints de maladie , tandis qu’elle ouvrait en même temps sa maison et sa table aux personnes du clergé et de la noblesse française reéfugiées aux environs de Shefñeld. Son mari partageait à un égal degre les mêmes sentimens. Dans une lettre à son ami, du mois d’octobre 1792, Gibbon parlant de l’ap- proche des Français vers Lau- sanne, mandait à lord Sheflield : « Si je suis forcé à me réfugier en Angleterre, vous voudrez bien me recevoir aussi généreusement que vous avez reçu les prêtres français, à l'égard desquels vous SHE 329 avez si noblement exerce l’hospi- talité...…. La protection que vous accordez aux réfugiés français recoit ici une éclatante approba- tion. » À l’occasion de la mort de lady Sheffield , Gibbon écrivit à son ami une lettre pleine de sensibilité, et lui-même effectua immédiatement un voyage en An- gleterre pour lui rendre visite : 1l demeura chez lui depuis le mois de juin jusqu’au mois d'octobre de cette année 1793; mais, peu de temps après, 1l succomba à la maladie dont il étaitatteint depuis long-temps. Gibbon, en mourant, institua lord Shefhield un de ses exécuteurs testamentaires. « Je ne pourrai jamais, dit-1l dans son testament, reconnaître suflisam— ment tout ce que je dois à la longue et active amitié de lord Shefheld. » Celui-ci paya cette derniere mar- que d’amitié, en donnant ses soins à la publication des œuvres mêlées de Gibbon, dont l'édition lui valut quelque honneur dans le monde httéraire (1). Lord Shefheld avait épouse en secondes noces lady Lucy Pelham, fille de Thomas, comte de Chi- chester, qu’il perdit au mois de janvier 1797. Il se remaria Île mème mois de l’année suivante, avec lady Anne North, fille de Frédéric North, comte de Guil- ford, dont il a eu son unique hé- ritier mâle, connu sous le nom de lord Pevensey. Il avait été ap- pelé à la Chambre des Lords de À (1) Lord Sheflield a également pu- blié les Mémoires du célèbre histqrien anglais , qui sont traduits çgn français par M. Marignié. Paris, an VI (1797) 2 vol. in-8. 330 SHE la Grande-Bretagne, en 1802. Lord Shefheld est décédé à Lon- dres, le 30 mai 1821. Ses restes ont été déposés .dans le mausolée de sa famille, à Hitching. Un beau portrait de ce lord a été peint en 1616, par Martin Arthur Shee , de l’Académie royale de peinture, pour la salle d’assem- blée de la corporation municipale de New-Brunswick. Lord Sheflield a publié plu- sieurs pamphlets sur des questions de commerce ou d'économie po- litique. On remarque, dans un opuscule sur la rareté du grain, occasionée par la mauvaise ré- colte de 1799, qu’il recommande vivement l’usage du pain de mé- nage, comme offrant la nourri- ture la plus saine et la plus subs- tantielle , étant fait avec toute la farine du blé, le son excepté. Gibbon a porte le jugement sui- vant des écrits politiques de lord Sheflield. « [ls ont entraîné, dit-il, l’opinion publique, dans la grande question de nos intérêts commer- ciaux avec l’Amérique et la Zé- lande. L’Acte de navigation, ce palladium de la Grande-Bretagne, fut défendu et peut-être sauvé par sa plume ; c’est lui qui démontra, par les faits comme par les raison- nemens , que la mère-patrie pou- vait survivre et fleurir apres la. perte de l'Amérique. Mon ami n’a jamais soigné l’artifice de la com- position , mais ses matériaux sont abondans et corrects, et il laisse toujours sur le papier la vive trace d’un esprit actif et vigoureux. Ses Observations sur le commerce, les manufactures et l’état actuel de V’irlande , tendent à éclairer l’in- dustrie , à réparer les malheurs et à assoupir les passions d’un pays, SHE qui alors semblait oublier qu'il ne peut être libre et heureux que par une union franche avec la Grande- Bretagne, etc. » Liste des ouvrages de J. B. H, lord Sheffield. I. Observations on the com- merce, etc. — Observations sur le commerce des Etats-Unis. 1783, in-5, — 6° édition, 1784. — Tra- duit en francais, par M. de Ru-— mare. Rouen, Besongne, 1789, in-4. | IT. Observations on the Manu- factures. — Observations sur les Manufactures , le Commerce et l’état actuel de l’Irlande. 1785, in-8. — 3° édition, 1702. IL. Observations on a project , etc. — Observations sur un projet pour l’abolition du commerce des esclaves. 17009, in-8. 1V. Observations on the corn bill. — Observations sur le bili, concernant le ble, actuellement pendant au Parlement. 1791, in-8. V. Substance of lord Sheffield s speech.— Substance d’un Discours de lord Sheffield , sur l’union de l'Irlande. 1709, in-8. VI. Remarks on the deficiency of grains, etc. — Remarques sur le manque de grains, occasioné par la mauvaise récolte de 1799; sur les causes de la disette ac- tuelle et de la future surabon- dance ; avec un Appendice ; of frant le tableau des importations et des exportations , ainsi que les prix, depuis 1697 jusqu’au 10 oc- tobre 1800. In-8, 1800. VII. Observations on the objee STE tions, etc.— Observations sur les objections faites contre l’exporta- tion de la laine de la Grande- Bretagne , en Irlande. 1804, in-8. VIT. Sirictures on the necessity, etc. — Réflexions sur la nécessité de maintenir le systeme naval et colonial de la Grande-Bretagne. 1804, in-8. IX. The orders in Council, etc. .—Les ordres du Conseil , et l’'em— bargo américain, profitables aux intérêts politiques et commer- ciaux de la Grande-Bretagne. 1809, in-8. X. On the trade in woot, etc. — Sur le commerce de la laine et des etoffes de laine.— Extrait des rapports adressés aux assemblées des marchands de laine. En 1809, 1810, 1911 et 1812. XI. Report at the meeting, etc. — Rapport fait à une assemblée des marchands de laine, le 26 juil- let 1913.— Idem, pour 1820. Les Numéros X et XI ont été insérés dans le recueil périodique intitulé le Pamphlétaire. XII. À Letter on the corn laws, etc. — Lettre sur les lois touchant les grains, et sur les moyens d'obvier aux malheurs et à la dé- tresse qui l’accroissent rapide ment. 1815, in-8. STEPHENS (ALExANDRE), ne à Elgin , dans l’Angleterre septen- trionale , en 1757, était fils du pré- vôt de celte cité. Après avoir fait ses études à l'Université d’Aber- deen , il fit voile vers les îles de PAmérique , dans l’intention de . Voyager pour son instruction, et séjourna particulièrement à la Ja- mMaïque. À sôn retour en Angle- terre 1l avait acheté une commis- sion dans le 84° régiment, mais STE 331 il n’en a jamais pris possession , ce corps ayant été immédiatement hcencié. Il s’adonna d’abord, et durant plusieurs années, à l’étude des lois; mais enfin il se décida à renoncer au barreau pour cultiver exclusivement la poésie et les bel- les-letires. Les recherches biogra- phiques fixerent surtout son atten= tion. Il prit l'habitude de mettre par écrit les renseignemens qu'il obtenait des personnes célebres avec lesquelles il parvenait à se mettre en relation; par ce moyen il conserva une foule d’anecdotes et de particularités qui se seraient sans doute perdues , s’il se fût borne à les confier à sa mémoire. En 1517 , M. Stephens conçut l’i- dée de publier une biographie an- nuelle, qui a obtenuen Angleterre beaucoup de succes. Il la borna presque exclusivement aux hom- mes célebres de sa patrie, et ac. corda beaucoup de soins aux deé- tails généalogiques , qui plaisent particulièrement à sa nation. L’im- partialité du biographe angiais consiste moins à prononcer entre les hommes ou les partis, qu’à éviter de choquer aucun d’eux. Du reste , 1] appartenait personnelle ment au parti de l’Opposition. C’estluiqui présenta auParlement, au nom dela Cité de Londres, la pétition contre le gouverneur Har- ris, par suite de laquelle celui-ci se vit force d'abandonner la direction de la prison de Cold-Bath-Fields, où il avait notoirement malverse ; d’ai s la maniere d’écrire de M ens nous a paru diffuse , dé de nerfet d’originalite.Cet écrivain fut lie d'amitié avec plu- sieurs hommes distingués de son temps, entre autres avec sir James Mackintosh, John Horne Tooke, 332 STE sir Francis Burdett, sir Plulhip Francis , M. Curranet : le feu duc de Kent l’honoradesa bienveillan- ce et même de sa correspondance. Stephens écrivit beaucoup dans les journaux et revues périodiques , entre autres dans le Monthly ma- gazine , la Revue analytique, et dans le Templar (1), journal de jurisprudence. M. Stephensavança le terme de ses jours par l'usage immodéré et capricieux des dro- gues médicinales. 1] mourut assez inopinément, apres avoir souffert de la goutte durant deux an- nées , le 24 février 1821. Dans le cours de sa vie, il avait visité trois fois le continent , et voya- gé en France , en Hollande et en Belgique : c'était un homme d’un caractere honorable, doué de plu- sieurs qualités aimables , et qui, jouissant d’un patrimoine sufli- sant, cultivait les lettres par goût plus que par spéculation. Liste des ouvrages d’ A Stephens. 1. À History of the wars, etc. — Histoire des guerres faites à la France, à l’occasion de la Revolu- tion. 2 vol. in-4. 1803. IT. Memoirs, etc. — Mémoires de John Horne Tooke.1813, in-8, IT. Letters from a nobleman to his son. — Lettre d’un noble à son fils. IV. La vie du D'Frankhn (tra- duction ). j V. The annual Biography and (1) The Temple, à Londres,"est un ancien édifice où sort logés en grand nombre, et vivant dans une sorte de communauté , les avocats qui suivent lc barreau: : STO Obituary. — Biographie annuelle (T. Ta V). London, Longman, Hurst, etc. 1817 — 1821 , in-6, avec portraits à la silhouette. — Cet ouvrage se continue. On doit encore à M. Stephens les neuf premiers volumes des Pu- blic characters , quelques pam- phlets anonymes sur diverssujets, et deux poèmes intitulés , la J'a- maique et l’Habitant du Temple (the Templar). I a aussi donné plusieurs morceaux au Monthly Magazine. STOLBERG ( Frépéric LÉo- POLD , comte de }, naquit le 7 no- vembre 1750, à Bramstedt, dans le Holsteim , d’une des maisons souveraines de l'Allemagne ; il fut d’abord gentilkomme de la cham- bre du roi de Danemarck, puis, en 1777 ; ministre plénipoten— tiaire de Lubeck à Copenhague. En 1782 , il épousa Agnès de Witzelben , qu’ii perdit en 1788, ayant eu d’clie un fils et trois filles. En 1788, il devint ministre de D'anemarck à Berlin ; et en 1702, président du gouvernement à Eu- tin. En 17989 , il contracta un se- cond mariage avec la comtesse So- phie de Redern, et fut décoré en 1797, des ordres russes de Sainte- Anne et de Saint — Alexandre Newski. On le regardait des lors comme un des écrivains les plus dis- tingués de l’Allemagne : on a de lui des odes , des cantates , des ro- mances, des élégies , remarqua- bles par la beauté de la poésie ; des traductions en vers de: lF- liade d'Homere; des Dialogues choisis de Platon, des Tragédies d’Eschile et de Sophocle, et des Poëmes d’Ossian (Hambourg ; 1806, 2 volumes in-d) ; enfin un ro- ». STO man intitulé lle, et une relation de ses voyages en Allemagne , en Suisse et en Italie (1). Ces ou- vrages avaient fait à M. de Stol- berg une grande réputation, lors- qu'ayant lu , par curiosité , les écrits des Pères de l'Eglise, il se sentit tout à coup frappé d’une conviction qui ne lui permit plus de croire à la doctrine des pro- testans. Il n’adopta pas non plus d’abord les dogmes des catholi- ques , et conçut le projet d'écrire une histoire impartiale du christia- nisme. Les études qu’exigea ce travail acheverent de le décider; il se démit de ses charges, en 180 , se rendit à Munster, et em- brassa la religion catholique avec toute sa famille ; sa fille aînée seule , qui avait épousé le comte de Stolberg Wernigerode , resta protestante; cette démarche de M. de Stolberg souleva contre lui une classe de protestans : et, tandis que les plus sages continuaient à parler avec estime de sa personne et de ses ouvrages, des esprits ar— dens se déclarerent ses ennemis et ses détracteurs. Son mérite éminent disparut tout à coup à leurs yeux, et son talent fut ra- baissé par ceux qui l’avaient le plus admiré. A la tête de ce parti se trou- vaient Jean Henri Voss, Wach- ler, Paulus. Voss , autrefois ami intime de M. de Stolberg , publia un pamphlet intitulé des Menées de Stolberg, et à l’âge de qua- tre-vingts ans, il altaqua en- core le comte, de la maniere la plus vive; mais celui-ci ne voulut pas descendre dans la carrière des (1) Cette relation a été traduite en anglais. London , 1796 , 2 vol. in-4, fig. STO 333 récriminations. Comme historien, Stolberg est connu par sa Wie d’Alfred-le-Grand,publiéeen 1816, in-8, et par son Histoire de lareli- gion de Jésus-Christ, en 15 vo— lumes, ouvrage plein d’érudition, et remarquable , dit-on, sous le rapport du style; mais trop favorable aux idées ultramon- taines : 1} existe trois éditions de ce livre , à Hambourg, à Vienne et à Soleure ; l'édition originale est celle de Hambourg; celle de Vienne est de 1815. Cet ou- vrage a été traduit en italien, par ordre de Pie VII, et en hol- landais, à Deventer, en 1806. Les deux derniers écrits de l’au- teur, sont, un Traité sur l A- mour de Dieu , en un volume, et des Méditations sur lEcriture sainte , en 2 volumes. La mort de M. de Stolberg, a été digne de sa vie; il y a montré les senti- mens les plus édifians. Depuis sa conversion , 1l menait une vie solitaire dans une maison de cam- pagne aux environs de Copenha- gue ; c’est la qu'il est décédé dans le courant de l’année 1820. M. de Stolberg a laissé douze enfans. — Son frere aîne Christian Frédéric de STozrerG, né à Hambourg, en 1748, fut aussi compté parmi les poëtes allemands les plus dis- tingués , eta été son collaborateur pour plusieurs traductions des tra- giques grecs. Après avoir em brassé, comme Frédéric Léopold, la religion catholique , il s'était charge de répondre ; pour son frère, à M. Voss ; et à peine il s’e- tait acquitté de cette tâche , qu'il est décédé , le 18 jan- vier 1821. Au reste, cette que- relle a été la source d’un grand nombre d’écrits polémiques , dans 334 STO lesquels les questions théolo- giques et les controverses de pro- testans à catholiques sont mêlées de détails de la vie privée des hommes de lettres. La guerre entre Hume et J. J. Rousseau n’a jamais fait autant de bruit en France, que cette querelle reli- gieuse n’en a causé en Allema- gne , où tous les recueils périodi- ques en ont long-temps retenti. STOTHARD ( CHaRLes — AL- FRED) , peintre anglais, naquit le Siuillet 1778. Il manifesta des l’enfance ses dispositions pour les arts du dessin, et vint s'asseoir dans l’âge le plus tendre sur les bancs de l’Académie royale , où il se fit remarquer par la facilité et la correction de ses dessins d’après l’antique. Son premier travail digne de remarque fut exécuté à Burleigh, résidence du marquis d’'Exeter , où il aida son père , lui- même artiste distingué à décorer la cage del’escalier de la maison. Résolu à cultiver la peinture his- torique , il s’adonna exclusive- ment à l'illustration des antiquités nationales de la Grande-Bretagne, en une partie qui n'avait élé jus- que là qu'imparfaitement explo- rée , savoir , la représentation des monumens funéraires qu'on voit dans les églises. L’habile anti- quaire , M. Gough, a execute , 1l est vrai, un livre d’un grand tra- vail et d’un gränd mérite en ce genre ; mais les gravures qui l’ac- compagnent, quoique tres-supe- rieures à tout ce qui a précédé , n’y sont qu'un objet secondaire , etlaissaient la possibilité de les sur- passer, sous le rapport du fini de l'exécution, et de l’exactitude dans Pimitation des détails les plus mi- STO auticux des vieux costumes. En 1810, M. Stothard exécuta un ta: bleau tres-piquant , représéntant le meurtre de Richard IT au châ- teau de Pomfret, dans lequel lecos- tume du temps se trouve stricte ment reproduit. La figure du mo- narque ést dessinée d’apres son effigie, qu’on voit à Westmins- ter. Ce morceau parut à l’exposi- tion de Sommerset-House(r), en 1811. La même année , M. Sto= thard fit paraître la première li: vraison de ses Effigiesmonumentales de la Grande-Bretagne. Cet ou- vrage, accompagne du texte éx- plicatif, dont il a paru aujourd’hui dix livraisons (Monumental Efi- gies of Great Britain, 1812—923 , in-{°), est propre à donner au peintre d'histoire une connais- sance complette du costume adop- té en Angleterre, depuis la pre- miere période de son histoire , jusqu’au regne de Henri VIIT ; il est utile à l’historien et au biogra- phe ; enfin, il doit guider les co- médiens pour accommoder leur costume, avec toute la propriété convenable, aux drames de l’illus- tre barde de l’Angleterre. Samuel Lysons employa M. Stothard à composer des dessins pour son ouvrage intitulé Magna Britannia (1806—14, in-{); à cet effet, durant l'été de 1815, l’artiste- exeécuta un voyage au nord de l’Angleterre , jusqu’à la grande muraille des Pictes , et recueillit dans cette excursion un grand nombre de vues tres-piquantes des contrées qu’il traversa. Pen- dant son absence de Londres, (1) C’est le lieu des expositions pé- riodiques de l’école anglaise, comme chez nous, le salon du Louvre. . STO M. Lysons le fit nommer peintre d'histoire de la Société des an- tiquaires. Cette academie le de- puta en 1816, pour aller entre- prendre ses laborieux et fideles dessins de la fameuse tapisserie de la reine Mathilde , à Beauvais. Durant son séjour en France, 1l visita Chinon et découvrit dans l'abbaye de Fontevrault, qui en est voisine , les précieuses efligies de la dynastie des Plantagenets , dont l’existence était restée dou- teuse , depuis les bouleversemens de la révolution française. Il a publié à part les dessins coloriés avec grand soin de ces divers ob- jets ; le passage suivant, concer- nant le même sujet, est extrait de ses Lettres écrites de Bretagne et de Normandie, récemment publiées, « Lorsque M. Stothard visita la France pour la première fois , du- rant l'été de 1816, il vint directe- ment à Fontevrault, pour vérifier si les efligies de nos premiers rois, qui furent ensevelis en ce lieu, exis- taient encore. Il trouva l’abbaye convertie en prison, et découvrit dans une des caves qui en dépen- dent , les efligies de Henri II et d’Eléonore de Guyenne, safemme, ainsi que celles de Richard [° et d'Isabelle d'Angoulême , femme du roi Jean. La chapelle de la maison où ces figuresse trouvaient placées avant la Révolution, a été entièrement détruite , et ces pre- cieuses efligies, désormais relé- guées dans un caveau , étaient continuellement exposées auxmu- tilations des prisonniers ; qui venaient dans ce lieu deux fois le jour , tirer de l’eau d’un puits. Il paraît qu’elles avaient subi récem- ment de nouveaux dommages , car M. Stothard aperçut des frag- STO 335 mens fraîchement brises qui g1i- saient autour d’elles. Il dessina ces figures, et à son retour en An- gleterre , il représenta à son gou- vernemént l'importance qu'il y aurait à sauver d’une complette destruction des monumens d’un si grand intérêt ; 1l fut décidé , si l’on pouvait en obtenir la pos- session, de les placer à côté des autres efligies royales , dans l’ab— baye de Westmnnster. » Les négo- ciations de M.Stothard afin de par- venir à ce but, resterent infruc- tueuses , mais du moins elles eu- rent pour effet de préserver ces antiquités d’une destruction to- tale. À la même époque, M. Sto- thard visita Fabbaye de Lespan, près du Mans, dans l’intention d’y rechercher l’efligie de Bérengere , femme de Richard I*. Il trouva l'église de l’abbaye convertie en grange, et l’objet de sesrecherches caché sous un grand tas de blé, dans un état complet de mutila- üon. Au Mans. 1l découvrit le beau tableau représentant Geof- froy Plantagenèt. Tous les dessins levés par l'artiste anglais , durant ce voyage , furent placés sous les yeux du Prince régent, aujour- d’hui GeorgesIV , qui en souhaita la publication , et accepta la de- dicace du livre où ils se trouvent reproduits. En 1817 . M. Stothard fit un second voyage à Bayeux, pour y continuer les dessins de la tapisserie ; 1l y revint encore pour le même objet, en février 1618, accompagné de la femme qu'il venait d’épouser , et termina la collection des dessins pris sur cette tapisserie, dont les gravures, soigneusement coloriées, se pu- blient actuellement par les soins de la Société des Antiquaires de n'entre 47 Lt æ «à bc à vols SE DEN 336 STO Londres. Ce travail termine, M. Stothard se mit en route , afin de visiter dansles mêmes intentions la Normandie, et particulièrement la Bretagne. Il était accompagné de sa femme , qui rendait compte à sa mère, dans une série de let- tres , des vues, des costumes, desantiquites d'architecture qu'ils remarquaient dans leur route, et qui fourmissaient à son mari les sujets de divers dessins. Leslettres de la femme,jointes aux dessins du mari, ont été publiées , au retour des voyageurs, par le libraire Longman, sous le titre de Let- tres écrites durant un voyage en Nor- mandie , en Bretagne et autres par- ties de la France; 1818. M. Sto- thard soumit , en 1819, à la So- cièté des Antiquaires, la collection complette des dessins de la tapis- serie de Beauvais, avec un Mémoi- re qui fait beaucoup d'honneur à son talent pour la critique, dans le- guelilprétend démontrer que cette tapisserie date de l’époque qui sui- vit immédiatement la conquête , conformément à la tradition , et contradictoirement aux assertions de M. l’abbé de La Rue. Ce meé- moire se trouve imprimé dans le XIX® volume de l’ Archéologie. 11 valut à M. Stothard la nomi- nation à l’une des places de mem- bre de la Société des Antiquaires. La même année, cet artiste pré- senta à la Société une série de tres-beaux dessins faits d'apres les peintures qu’on venait de décou- vrir sur les murs de la chambre peinte, dans lesquels il fit usage, pour la première fois , du procédé ingénieux retrouvé par lui, pour appliquer l’or en bosse, et. qui contribue si fort à relever l’eclat de la richesse des anciens manus- Se ET M Le Re DA Se han IL, é 1 STO “ cuits colories. Une mort préma- turée a seule empêché notre ar- tiste de mettre en œuvre les matériaux d’un mémoire qu'il pre- parait pour la Société des Anti- quaires , touchant ces curieuses décorations. Dans l’automne de 1020 , M. Stothard fit un voyage en Hollande , dont Mrs. Stothard a tracé la relation encore inédite, tandis que le pinceau de son mari en a reproduit les scènes pittores- ques et les vues d'architecture. Infatigable dans l'étude des antiquités nationales , M. Sto- thard avait entrepris un ouvrage sur les sceaux, etil a laissé plu- sieurs dessins inédits des sceaux royaux et baroniaux les plus rares, parmi lesquels on doit citer celuide Guillaume le conquérant, qu'il est parvenu à restaurer, au moyen du rapprochement laborieux des fragmens brisés , attachés à l’ori- ginal de la charte de cité de la ville de Londres,conservée à Guid- hall, dans le bureau du clerc de la ville. Peu de temps avant sa mort, M. Stothard avait com- mencé à réunir desmatériaux pour un ouvrage sur l’époque de la reine Elisabeth ; son tableau de l'effigie d'Elisabeth, à Westmins- ter, est rangé parmi les meilleures productions de son pinceau. In- vité par le D' Lysons à exécuter les dessins concernanti le Devon- shire, pour l'ouvrage intitulé Magna Britannia, il partit au prin- temps de 1821, et parcourut à pied, une portion considérable de: ce comte, observant spécialement les églises, et suivant son usage, levant sur sa route les esquisses du pays. Arrivé à Bere-Ferrers, le dimanche, 27 mai, etapres avoir assisté au service divin, il obtint LA dd sf Là THA du vicaire du lieu la permission de dessiner, pour J’ouvrage de M. Lysons, la croisée orientale de l’église , parmi les vitraux bri— sés de laquelle on distinguait le portrait du fondateur. Dès Je len- demainilse mitatravaillér, monté sur une echelle: Cet instrument posé sur la partie septentrionale de l'autel ; prés des tables où sont imscrits le Credo ét le décalogue , vint tout à coup à manquer sous lui: F tomba ; et par effort qu'il fit pour se retenir ; il dut rouler sur lui-même, Car sa tête, à ce que Von conjecture, vint frapper con- tre le monument d’un chevalier TIN 337 élevé dans le chœur ; etselon tou- tes les apparences , il perit sur le coup de la contusion qu’il reçut au cerveau. Comme il était seul dans l'Eglise, on ne connaît pas précisément l'heure de l’accident ; mais d’apres l’état du dessin, lon conjecture qu’il dut arriver entre trois et quatre heures de l’apres- midi. Il n’est pas vrai, comme on Pa dit, que le choc de la chute ait arrêté sa montre sur lui. On a dû trouver étrange que cet artiste ait reçu le coup de la mort, précisé- ment de l’une de ces efligies qui avaient été si long-temps l'objet de ses études. FE THAARUP (Tuôwas), poëte danois , naquit à Copenhague , le 21 août 1740- Il fut nomme , en 1781 ; professeur. d’histoire , de géographie et de belles-lettrés , à l’Academié des cadets de la ma- rine. Pendant les années 1794 à 1800 , il fut membre de la direc- tion du théâtre royal à Copenha- gue ; ét en 1809 , il fat décoré de l’ordre de Danebrog: Les poësies de M: Thaarup , qui ne sont pas tres-nombreuses ; se distinguent surtout par la douceur des pensées ctparl’elégance harmonieuse de la diction. 11 était plutôt habile ver- sificateur que grand poète; car il n’était doué ni d’un espritinventif, ni d’une imagination vive et ar— dente. Il a composé pour le théä- tre trois petits opéras de circons- tance , qui ont d’ailleurs mérité le grand succes qu’ils ont obtenu. Ce sont des idylles dramatiques plutôt que de véritables pièces de theâtre. Il a fait aussi les paroles de cantates sacrées, qui offreñt de grandes beautés. Depuis plu- sièurs années , M: Tlraarup vivait en retraite à là campagne , où il jouissait d’uné pension que li avait accordée le gouvernement danois , lorsqu'il est mort dans le courant de l’année 1821, âge de 72 ans. L’année suivante on à recueilh ses vers sous ce titre : Thomas T'haarups poetiske skrivter. — Recueil des poésies de Thomas Thaarup, publié par K. L. Rah- bek. Copenhague, 1822, r vol. in-8 de xxiv et 544 pages. TINGRY ( PrrRRE FRANCOIS) , professeur de chimie à l’Académie de Genève, vice-président de la Société des arts de cette ville, membre de celle de physique et d'histoire naturelle et de plusieurs sociétés savantes | naquit à Sois sons en 1743; mais, établi à Ge nève depuis près d’un demi-siecle, il y avait obtenu le droit de bour- 22 338 TIN geoisie,.et s’y était distingué d’a- bord comme pharmacien, puis comme chimiste habile, dans des cours destinés particulièrement à l’instrucüon desartistes. Il fut, en 1786, l’un des fondateurs de la Société pour l'avancement des arts, et lui a rendu d’éminens services par ses travaux chimiques , prin- cipalement relaüfs à l'emploi des vernis. On lui doit un vernis tres- siccatif , plus solide que les com- positions vitreuses qui recouvrent les émaux transparens, et dans lequel on peut porter toutes sortes de couleurs sans troubler sa trans- parence. Plusieurs de ses mé- moires sont imprimés dans les re- cueils des sociétés savantes, indé- pendamment de ceux qu'il a fré- quemment lus aux séances de la Société de physique et d’histoire naturelle. On lui doit plusieurs analises des eaux des différentes sources. des environs de Geneve, dont quelques-unes publiées sous forme de tableau. En 1802, Tin- gry fut nommé professeur à l’Aca- démie de cette ville. Il avait quitté depuis plusieurs années la pratique de la pharmacie, et il vivait tran— quille dans une maison de cam- pagne embellie par ses soins, sur les bords du lac, à peu de distance de la ville, lorsque la mort est venue le frapper, le 13 février 1821, âgé de 78 ans. Il avait formé un beau cabinet de minéralogie. On trouve une Notice sur Tingry dans l'Histoire littéraire de Ge- nève, par Senébier (tom. III, pag. 256), et dans la Bibliothèque Universelle, publiée dans la même ville (2°série, vol. XVI, p.173. 1921 ). | TIN Liste des ouvrages de P.-F. Tingry. JL. Analise des eaux de Marclaz. 1774, in-5. IL. Prospectus pour un Cours de chimie théorique et pratique. 1774, in—/. III. Prospectus pour un Cours de chimie, à l’usage des artistes. 17775 in—4. IV. Construction d’un fourneau propre à préserver les doreurs en petites pièces des vapeurs mercu- rielles ; Mémoire couronné par la Société des arts de Genève ( dans le tom. I*" des Mémoires de cette Société, et dans le Journal de physique). V. Mémoires (trois) sur une es- pèce de schistes qu’on trouve près de Sallenche , qui fournissent le sel amer. — Couronnés par l’Acadé- mie de Turin , et imprimés dans ses Recueils. VI. Mémoire sur cette question : Déterminer par l’analise chimi- que , quelle est la nature des re- mèdes anti-scorbutiques de la fa- mille des cruciferes ; 15 février 17985.— Couronné par la Société royale de médecine de Paris. VII. Observation sur la variété des spaths (dans les Mémoires de la Société des curieux de la nature). Vill. Analise des eaux minérales de la Drise, près Carouge. 1755 ;, in—ÿ. IX. Traité théorique et pratique sur Part de faire et d'appliquer les vernis; sur les différens genres .de peintures par impression et en déco- ration, ainsi que sur les couleurs simples et composées. Genève, 1903, 2 vol. in-8. — Trad. en allemand, par C. G. Eschenbach. Leipzig , TRU 1804, 2 vol. in-8. — En anglais ; Londres , 1804, in-8. Tingry a donné un grand nom- bre de Mémoires au Journal de physique, parmi lesquels nous ci- terons les suivans : Sur la compo- sition de l’éther, 1388 (t. XX XITH, pag. 417). — Sur Pacide phos- phorique; 1389 (XXXV , p.470). — Sur la consistance que les hui- les acquièrent à la lumière , 1708 (XLVI, 161, 249; et XLVII, 165). — Sur la phosphorescence des corps , et particulièrement des eaux de lamer (LXVNVI, 287). — Sur la nature du fluide électrique. { Tb., 299} TRUSLER (Jon), né à Lon- dres en 1735, parvint, sans édu- cation et sans fortune , à obtenir le grade de docteur, à se faire une existence assez considérable et à posséder ure terre à Englefeld- green. Îl exerça d’abord pendant quelques années , l’état d’apothi- caire , à Londres et dans ses envi- rons ; mais sentant que cette pro- fession n’offrait que des moyens bornés de fortune , il s’avisa d’en- trer dans les ordres, et reçut la prêtrise, dont il exerça d’abord les fonctions autour de la mé- tropole. Apres quoi il se mit à abréger les sermons des autres, ayant reconnu son incapacité poar en composer lui-même. Il exécutait ses abrégés avec des caractères qui imitaient l'écriture manuscrite , de maniere à eviter aux prédicateurs, tout à la fois la peine de composer et de transcrire leurs sermons. 11 etablit une im- primerie et une librairie , où il eut un débit considérable de ses éditions. Ses compilations offrent peu de mérite ; mais elles ne sont TRU 339 pas sans utilité. Trusler est mort à Bathwick , en 1820, âgé de 85 ans. e Liste des ouvrages de JT. Trusler. 1. Hogarth moralized. — Mora- lités d'Hogarth. 1766 , in-8. II. Chronology or a Concise, etc. — Chronologie ou Vue concise de l’histoire. 1769, in-12.. Ce livre a eu plusieurs éditions , dont une est en 2 vol. in-12; un 5° vol. a paru en 1805. IT. Principles of politeness. — Principes de politesse, extraits des Letires de Chesterfield. 1775, in-1 2. IV. Account of the islands , etc. — Description abrégée des îles récemment découvertes dans la mer du Sud, avec un Tableau abrégé du Kamtschatka. 17797, in-8. C’est un abrégé des Voyages de Cook. V. Pratical Husbandry , etc. — Agriculture pratique, ou l’Art du fermier. 17980, in-8. VI. The sublime reader, etc. — Le parfait lecteur, ou l'Office ecclésiastique du matin et du soir, noté comme 1l doit être lu. 1782, in—12. ; VII. View of the common and statute, etc. — Tableau des sta- tuts et lois coutumieres de l’An- gleterre, abrégé des commen- taires de Blackstone. 1764, in-4. VIEIL Compendium of useful knowledge. — Compendium des connaissances usuelles. 1784 , in-12. IX. Dictionary of rhymes. — Dictionnaire des rimes.1784, in-8. X. Modern times , or the adpen= 340 tures, etc.—Les temps modernes, ou les Aventures de Gabriel Out- cast. 1785, 3 vol. in-12. XI. The London Adoiser and Guide.— Le Guide et Moniteur de Londres. 1786 , in-8. XII. The coutry lawyer. — Le légiste de la campagne. 1786, in—12. : XII. The honours of the table , etc. — Les Honneurs de la table, ou Regle de conduite pour le re- pas , suivi de l’Art de découper. 1788 , in—12. XIV. Summary view of the constitutional, etc. — Tableau- sommaire des lois constitution— nelles de l'Angleterre. 1786, in-8. XV. Onthe importance of a far- mer”s, etc. — Sur l'importance dela vie du fermier, sermon. 1703, in-8. XVI. The life and adventures , etc. — Vie et aventures de Wil- ham Ramble, esq. 1793, 3 vol. 11-12. XVII. The art of gardening. — L'art du jardinage. In-6. XVIII. Essay on litterary pro- perty. — Essai sur la propriété lit- iéraire. 1708 , in-8. XIX. The assessed tax act ex- plained. — L'acte de répartition de la taxe expliqué. 1708 , in-8. XX. Memoirs of his life. — Mémoire sur la vie de l’auteur. I" partie, 1806 , in-{. XXI. Detached philosophie thoughts , etc. — Pensées philoso- phiques détachées , sur l’homme. 1810 ,2 vol.in-12. XXII. Proverbes exemplified. — Proverbes réduits en exemples. 1811, in-12. Trusler a publié encore quelques autres compilations, parmi les- quelles nous citerons : Exposition TRU TWI du monde habitable (The habita— ble world displayed); un Alma- nach du clergé; un Almanach pour huit ans , d’une feuille in-plano, 1788 ; une édition augmentée et corrigée de l’A{manach de Moore, etc. TWISS ( Ricuarp ), litterateur et musicien anglais, naquit à Rot- terdam, en Hollande , le 26 ayril 1747, d’un négociant anglais établi dans ce pays. Apres y avoir recu son éducation , le jeune Twiss partit à l’âge de 20 ans, pour faire son tour d'Europe, et parcourutsuc- cessivement l’Angleterre, la Fran- ce, la Suisse et les divers états de l’Allemagne et de l'Italie. Il eut occasion , dans ses courses, de lier connaissance avecles hom- mes les plus célèbres de l’épo- que , entre autres avec le Roi de Prusse, J. J. Rousseau et Voltaire. Les détails de son entrevue avec ce dernier ont été conservés par Twiss lui-même, et publiés par son fils. « Le 28 septembre 1768 nous visitâmes la résidence de Voltaire, située à six milles du village de Ferney. Pres de sa maison, 1l a élevé une petite Eglise, avec l’ins- cription suivante qu'on lit au- dessus de la porte , gravée en lettre d’or, surle marbre noir : D£so EREXxIT VOLTAIRE. MDCCLXI. Pres de léglise se trouve le théâtre , où l’ou n’a pas joué de- puis le mois de mars dernier. En entrant dans la maison nous de- mandâmes le maîtré, mais le do- mestique nous refusa sa porte, sous prétexte qu'il était extrême ment malade. Je Jui écrivis un TWI billet , et tandis que je me prome- nais dans son jardin en attendant sa réponse , je le rencontrai lui- même dans la cour de son cellier. Son costume étaitassez bizarre; 1l portait une vieille perruque sans poudre , avec un bonnet de drap bleu par-dessus; unerobe decham- bre neuve de satin vert , avec une veste de la même étoffe, ornée de fleurs de diverses couleurs ; des culottes de velours noir et des bas de coton blanc. Il était courbe, ayantatteint déjà l’âge de soixante- quinze ans; ses yeux bruns me parurent singulièrement expres— sifs ; sa mâchoire était tout-à-fait dégarnie de dents ; son visage était extrêment maigre et päle, et le son de sa voix tres-faible. — Cette » église, me dit-il, que j'ai fait » bâtir , est l’unique église de U-— » nivers qui soit dédiée à Dieu » seul : toutes les autres sont de-— » diées auxsaints. Pour mot, j'aime » mieux bâtir une église au mai- ».tre qu'aux valets (1). » Je Jui demandai s’il était vrai qu’on lût une épitaphe dans l'enceinte de son église. « Non, me répondit-il ; » c’est apparemment de la mienne »x dont on vous a parlé ; mais elle » y est pas encore ; 1l n’y a que » la place, » — Sur ma demande, s’il savait quelque chose de nou- veau ; il me répondit avec beau- coup de vivacité. — « J'ai oui dire » que le Pape a donné un parasol (x) Les paroles attribuées à Voltaire dans cet article sont rapportées en frauçais, par, le biographe anglais au- quel nous empruntons ces détails (Annual biography and obütuary. 1822. pag::447. ): Il a soin d'en rejeter la traduction anglaise , au bas de la page, en note. TWI 341 » et un fusil à chacun de ses sol- » dats, avec ordre de lui remet » tre le dernier dans le même état » qu'ils l’avaient recu, sous peine » de la loi du talion. » — En en- trant dans sa bibliotheque nous remarquâmes une superbe edi- tion de la Pucelle d'Orléans, qui portait ces mots gravés sur le dos du volume : ma Jeanne. Sa maison se composait de deux se— crétaires , l’un desquels , selon toute probabilité n’est qu’un co- piste; d’un portier , et de deux femmes de service. Je lui .adres- sai la parole en anglais, en fran— çais, en italien, en allemand, quatre langues qu'il parle avec facilite. Il nous offrit de la limo- nade et de l’eau de framboise. Sesappartemens étaient bien meu- blés, et renfermaient plusieursta- bleaux précieux, On voyait dans sa bibliotheque un tigre empaillé. Il se montra extrèmement poli et me prit sous le bras, en se pro— menant avec moi, se plaignant ul était vieux et incapable de donner non plus que d’e- prouver du plaisir. Nous retour- nâmes à Genève , dans la soi- rée.…. Dans la matinée du 30, je visitai de nouveau Ferney , où je me rendis à cheval accompagne seulement de mon domestique. Je trouvai Voltaire jouant aux échecs avecle curé du lieu. Dans le cours de la ie ER , lui ayant de- maudé comme souvenir une ligne de son écriture, ilécrivitaussitôten anglais cesparoles : « An English- » manwho goes to Italy leaves men to » see pictures. VOLTAIRE. » (1) — (1) « Un Anglais qui va en Italie, quitte les hommes pour aller voir des peintures. » 342 TWI Nous parlâmes du docteur Tissot, de Lausanne, à propos duquelil dit: « Le grand chemin et le soleil sont »les meilleursremedes de'Tissot. » — Lors de cette seconde visite je remarquaidans la bibliothèque de Voltaire, trois tragédies anglaises, la Cleone , de Dodsley ; le Carac- tacus et l’'Elfrida, de Masson : elles étaient cartonnées ensemble et on lisait sur le dos du volume, ces mots : tragédies barbares. On voyait, parmi ses livres, l’édi- üon de Virgile de Baskerville : la totalité de sa bibliothèque formait environ cinq mille volu- mes. Sa maison se composait de cinq pieces sur la façade, et deux dans la profondeur ; le tout sur trois étages. Elle était agréa- blement distribuée, élégamment meublée , et ornée de tentures de velours , de dorures , de tra- vaux en siuc, de porcelaines et de peintures. Sur lJautel de son église était placée une figure du Christ, de grandeur natu- relle, recouverte d’ornemens do- rés. — «How do you like my » Christ ? or do you pronounce » Chreest (1).» — Sur le mur laté- ral de l’éghse 1l a fait élever un monument d’une pierre blanche et unie : Il s’écria en y portant les yeux. « Il ne manque que l'ins- » cription , mon ami. » Je pris congé de lui, 1l g'accompagna jusqu'a mon cheval, me souhaita bon voyage en anglais, et ajouta, en italien. « Gli raccomando dinon » lasciarsi abbrucciare a Roma. (2).» (1) « Comment trouvez-vous mon Christ? Je crois que vous prononcez en anglais Chrees:. » (2) « Je vous recommande de ne pas vous laisser brüler à Rome. » TWI Sur la fin de sa vie M. Twiss publiaun voyage en Irlande , dans lequel 11 s’est montré beaucou trop prévenu contre les habitans de cette île. Ses observations cri= tiques et ses sarcasmes ont si vive- ment blessé les Irlandais, que le nom de Twiss est devenu pour eux l’objet d’une sorte de haine natio- nale. Ils se sont vengés de lui d’une maniere vraiment bizarre : des fa- bricans de vases de nuit d’une qua- lité très-commune, et en usage parmi le peuple , se sont avisés de placer une grossière effigie de Lwiss , au fond de leurs vases, avec ce distique à l’entour : Come , let us piss On doctor Twiss. Quelqu’un qui a connu particulie- rement cet écrivain , a dit au su— jet de ses ouvrages : « Jamais il ne s’écarta sciemment de la vé- rité, mais il est à craindrequ’il ne se soit montré trop crédule à tout ce qu'on lui racontait, et trop empressé à le rapporter, » Il unis- sait beaucoup de naïveté et de sin- gularité dans le caractère à plu- sieurs qualités estimables. M. Lwiss est mort à Camden-Fown , au mois de mars 1827. Il était cite comme un des plus habiies exécu- tans sur le violon , et en général comme un connaisseur en tout ce qui concerne les beaux-arts. Liste des ouvrages de R. T'wiss. L. Travels in Portugal and Spain. — Voyoges en Espagne et en Portugal. 1952 ,2 volumes, in-8. Il. 4 Tour in Ireland. Voyage en Irlande. 1775, in-8. — TYS IL. À Trip to Paris. — Une tournée à Paris. 1792, in-8. IV. Anecdots of chess. — Anec- dotes du jeu des Echecs. 1792, in-8. V. Miscellanies. — Mélanges. 180 , 2 vol, in-6. TYSON ( Jaures ) , poëte an- glais, naquit à Londres, le 29 août 1709. L’amour des lettres et les plus généreux sentimens politiques animerent ses premières années ; 1l était à peine âgé de quinze ans, qu'il écrivait des ar- ticles dans le Morning Chronicle , et publiait un pamphlet d’écono- mie politique, qui fut accueilli favorablement (1).Ses parens vou- lurent le faire travailler dans une maison de commerce , maisil ob- tint d’eux , au bout de quelques mois , la permission de se livrer tout entier à ses goûts littéraires. Ilcomposa deux tragédies, intitu- lées Leoni et Rufjin, qui furent refusées aux théâtres de Drury- Jane et de Covent-Garden. Dans l'été de 1816, Tyson fit un voyage en France; il y revinten 1819, et poussa ses, excursions (1) Z brief historical view , etc. — Coup d'œil abrégé,sur les causes de la décadence du commerce des nations. 1915. TYS 343 jusqu’en Suisse et dans les Pays- Bas. Une phthisie pulmonaire termina prématurément les jours de ce jeune homme , qui promet- tait un écrivain distingué , et dont le cœur était rempli des plus nobles et des plus religieux sentimens. 1] mourut à Lon- dres, le 12 juillet 1820 , âgé seulement de vingt-trois ans. Un de ses amis a publié ses manuscrits sous ce titre : Letters, poëms , etc. — Lettres, poèmes etmélanges de feu James T'yson ; précédés d’une notice sur sa vie. Londres, Mil- ner, 1822, un volume in-12, de xli et de 260 pages, orné du portrait de l’auteur. Dans ses let- tres écrites de France , en 1819, il remarque comme un symptôme des progres de la liberté dans ce’ paÿs , les caricatures politiques qui tapissent les boulevards de Paris : depuis la loi de 1822 qui soumet ce genre de publication à la censure préalable ; les carica- tures politiques ont disparu. Il parle aussi avec beaucoup d’inté- rêt des progres de la’ méthode d'enseignement mutuel parmi nous. Il s’occupait d'écrire une Histoire du gouvernement civil de l’Angleterre, depuis son origine jusqu’à nos jours , et le premier volume était à peu pres terminé, lorsqu'il a été enlevé aux lettres et à sa patrie. 344 VAL VAL CW : VALCKENAER (Jean), fils du: célebre, helleniste, Gaspard Lows Valckenaër, , fut d’abord professeur ; de,, jurisprudence . à l’Académie de, Franeker (Frise ); et se fit remarquer dans les trou- bles de 1786.et 1787. Ayant em- brasse. avec chaleur le parti des patriotes. contre la maison d’O- range, ses opinions politiques et sa réputation d’excellent juris- consulte l’avaient fait appeler, en 1787, à la chaire de droit vacante à Utrecht, par ia retraite du,pro- fesseur Tydeman, zéle partisan de la cause du Stathouder, La re- volution qui, au mois de. sep- tembre de lamême année, réta- blit l'autorité du prince d'Orange, obligea Je professeur. Valckenaër de quitter son pays, avec un grand nombre de compatriotes, qui. s’é- taient montrésles plus chauds an- tagonistes, de, l'autorité stathou— dérienne, [se réfugia.en France. et fut l’un des députés. qui remi- rent , le 6,février. 1793, une pé- tition, à la-Convention nationalei, pour solliciter l’appui.des armées françaises en faveur du.parti des patriotes, hollandais , ; qui. desi- raient de rentrer dans leur, pays et de ressaisir l’autorité :-ce LE ne fut accompli qu’en 1705. Valc- kenaer devint alors un des mem— bres marquans du parti anti-sta- thoudérien. Il publia à cette époque une feuille périodique , intitulée : L’ Avocat de la liberté batave, ten- dante à diriger l’esprit public dans le sens de l’ordre des choses qui venait de s'établir. Nomme pro- fesseur de droit public et privé en remplacement de M. Pestel, il.entra en fonctions le. 10: octo— bre 1705, par un discours. De officio civis batavi in republica ser- vata. - Quatre, jours: apres 1l fut nomme. fiscah dans, la, cause de M. Vender Spiégel ,, prisonnier d'Etat. Apres avoir examiné les, papiers du Pensionnaire , le fiscal Valckenaër fit , le,5 janvier 1796, sou. rapport sur les charges, éle— vées contre lui... Dans son: avis, dont M. Bogge,a donné une lana+ lise, dans son Histoire de la Réva- lution de 1795 (pag. 431.et suiv.), M... Valckenaer. déclara .n’avoir rien trouvé dont.on. püt déduire que le Pensionnaire, se serait, en- richi aux dépens du. Trésor , ou aurait, transgressé. la lettre de: ses instructions\; mais .qu'en .tous-ses actes ‘et; toutesises opérauons , il s'était, constamment: conduit, d’a- pres les ordres de.ses supérieurs. Par ces motifs), il était d’ayis que; cette, affaire n’était pas encore.en. état d’être, portée. devant les tri bunaux, mais qu’en attendant des renseignemens ultérieurs , M. Vander Spiégel pourrait conti- nuer d’être détenu administrati- vement. Lance dans la carriere politique, M. Valckenaër ne put remplir assidüment les devoirs de sa chaire. Vers le commencement de l’année 1706, il fut appelé à l'ambassade d’Espagne; 1l con- serva cependant sa place au Sénat académique. Il retourna dans sa patrie en 1799, mais il en re- partit encore peu de temps apres, comme Envoyé extraordinaire pour la même destination, et resta VAL en Espagne jusqu’en 18o1. De retour dans son pays, il y vécut d'abord en simple particulier, et fut ensuite chargé d’une mission pour Berlin ; afin d'y stipuler avec le gouvernement prussien des ar- rangemens relatifs au rembour- sement de l'emprunt fait en Hol- lande en faveur de l’Autriche , et hypothéqué sur la Silésie, pays cédé ensuite à la Prusse. Quoique cettenégociation n'ait pasobtenule succès qu’on était fondé à attendre de l’habileté de Valckenaër, il n’en conserva pas moins la réputation denégociateur fin et instruit, dont il.a joui à la fois en France , en Espagne , en Prusse et dans les Pays-Bas. Lorsqu'au mois de juin 1810 Louis. Bonaparte, roi de Hollande , eut épuisé tous. .les moyens d’eviter l’envahissement du royaume par les armées..de son frère , 11 envoya M. Valcke- naër à Paris; mais Napoléon resta inflexible ,et la Hollande, malgré son Roi et malgré, ses peuples , fut incorporée à l’empire français. Le négociateur hoilandais étant.re- tourné dans sa patrie, y vécut en simple particulier, demeurant tantôt à Amsterdam, tantôt à la campagne ; sans\servir n1 le gou- vernement étranger, ni celui de la maison d'Orange , apres sa res- tauration. .M.. Valckenaër. était membre de lInstitut. des, Pays Bas, et chevalier de l'Aigle-Rouge de Prusse. IlLest mort à Haarlem ; en l’année 1821, âge de soixante- deux, ans. Indeépendamment des ouvrages déja cités , on a encoré de M. Valckenaër deux disserta- tionsintituleés , l’une: De Peculio. VEB 345 quasi-castrensi veteribus juriscon- sullis incognito, ejusque verà ori- gine. Leyde, 1780. — L'autre : De duplici legum quarumdam in Pandectis. interpretatione. Leyde , 1701. — Avis juridique dans la cause du Stathouder Guillaume V, rédigé, concurremment avec le professeur Bavius Woorda, et publié en 1796 ( Extrait de la Biographie de Bruxelles, T. VII, pag. 402). VEBER ( ANSELME), composi= teur prussien., naquit a Manheim, en 1766. Destiné par ses parens à l’état ecclésiastique ; al, faisait à Heidelberg ses études de théo- logie, lorsqu'un penchant irrésis- üble l’entraina vers. la musique. Il obtint bientôt des succès mar- quans dans la:nouvelle carrière qu'il avait choisie, et futle compa- gnon de voyage du:.célébre abbé Vogel , avec lequel il parcourüt la Holiande, l’Allemagne, le Dane- marck, la Norwège et la Suède: En 1803, Veber. fit.à, Paris une excursion; à la suite de laquelle le roi de, Prusse le nomma son maître de chapelle. Ilavait été jusqu'alors directéurde l’orchestre du premierthéâtrede Berlin. Dans sés. compositions, Weber, eut: le bonheur d'associer son nom aux noms des. plus illustres de l’Alles mâgne ; tels que’ Ceux de Schiller et.de, Goëthe.'Il fit pour ce der- nier, la musique de : Hermann et Thusñelda. Veber:est mort:le:23 mars 1821, Ses opéras continuent d’être representés-en Allemagne ; avec, un grand succès {Revue En- cyclopédiques tom: XE,1p 418 ): 346 WAL WAL W. WALKER ( Ana), physicien anglais, naquit sur les bords du lac Windermère, dans le comté de Westmoreland , d’une famille pauvre, qui le retira de l’école avant qu’il sût lire completement, pour lemployer à des travaux mécaniques , d’où il tirait de quoi subsister. Mais son émula- tion naturelle lui suffit pour triom- pher de ces difficultés , et il acheva lui-même de: s’enseigner à lire. Quelqu'un qui s’apercut de son émulation , lui procura une place de maître d’école. C’est par là qu'il commença d’entrer dans la carriere de l’enseignement, à Vâge de quinze ans; et, à cette époque, il n’était pas rare qu’il employât la nuit à apprendre ce qu'il devait enseigner aux autres le lendemain matin. Au bout de trois ans, Walker fut choisi pour maître d’écriture de l’école de Macclesfield, où il passa quatre années , se perfectionnant lui- même dans l’étude des mathe- matiques. L’ambition le tenta, et il s’engagea dans le commerce ; mais ayant fait de mauvaises af- faires, le désespoir lui suggéra d'aller se faire ermite dans une des îles du lac Windermere ; les railleries de ses amis le préser- verent de cette romanesque réso- lution. Il vint alors ouvrir un cours d’astronomie à Manchester, dont le succes le mit à même d’e- tablir un pensionnat assez impor- tant. Il Pabandonna pour se mettre à voyager en qualité de professeur de physique, et apres avoir visité plusieurs grandes villes des trois Royaumes, il obtint la recom- mandation du célebre Priestley, pour ouvrir, en 1779, un cours de physique dans la métropole. Ses cours y jouirenit de beaucoup de succes, et il fut successivement appelé à venir les répéter dans les grandes et célebres écoles d’Elon, de Westminster, de Winchester, etc. Parmi les diverses inventions dues au génie de M. Walker}, nous citerons des voitures à vent et à vapeur, les phares à rotation de l’île de Sailly, une barque qui va contre lecourantdel’eau,un bateau à curer les rivieres, au moyen du courant ou de la marée, un ins- trument qui , tout à la fois, mar- que ‘la direction et la force du vent , l’heure du temps, la quan- tité des pluies , la hauteur du ba- romètre, la sécheresse et l’hu- miditeé de l’air, etc. , etc. Walker est mort à Richmond, le 11 fe— vrier 1821, âgé dé quatre-vingt- dix ans. Liste des ouvrages de À. Walker. T. Analysis of lectures, etc. — Analises des Cours de Physique expérimentale. In-8. 11. P'“losophical estimate, etc.— Explication. physique des causes et des effets de l’insalubrité de l'air dans les villes , et des moyens d’y remédier. In-8. II. On the causes and cure of smoky chimnies. — Sur les causes qui font fumer les cheminées et les moyens d’y remédier. In-8. LV. Ideas suggested in an excur- WYT sion, etc. — Idées suggérées par une excursion en Flandre, en Allemagne, en Italie eten France. 1791,1in-6. V. Remarks made in a tour to the lakes of Westmoreland, etc: — Remarques faites durant un voyage aux lacs de Westmoreland et de Cumberland, dans l’éte de 1701, avec un Essai sur le gou- vernement , la religion, les arts et l’agriculture de la France, com- posé pendant un voyage à Paris, en 1709. 1702, In-8. VI. À System of familiar phi- losophy. — Systeme de physique familière , disposé pour un Cours. 1799, in-/. VII. À Treatise on Geography, etc. — Traité de la Géographie, et de l’usage des divers globes. To-12. Adam Walker a inséré quelques pièces de vers et de prose dans plusieurs recueils | et notamment dans les Philosophical Transac- tions, et dans les Annales d°A- griculture, d'Arthur Young. WYTTENBACH ( Danrez ), professeur à l’Université de Ley- de, naquit à Berne, le 7 août 1746. L'un de ses aïeux professant la théologie à Bâle, au commence- ment du XVI siecle, avait eu Ulric Zuingle pour disciple; la même fonction fut remplie à Berne, par le pere de Daniel. Après avoir fait ses premieres études sous les yeux de ce pére, le jeune Wyttenbach, âgé de qua- torze ans, le suivit à Marbourg. Avide de lire d’autres livres que ceux que lui expliquaient ses pro- fesseurs , il trouva parmi ceux de sa mere le traité de Jean Bu- nyan , intitulé Pélgrim’s progress WXYT 347 (Voyage du Pèlerin): H fallut, pour dissiper lesterreurs que lui in- spira cette lecture, tous lessoins de samere, de son père et de son pro- fesseur de mathématiques , Span- gerberg. Son professeur de rhéto- rique était dans l’usage de faire traduire parses élevesbeaucoup de morceaux d’allemanä en latin, au heu de les accoutumer à compo ser eux-mêmes immédiatement en cette ancienne langue : Wyt- tembach a reconnu depuis et _biâmé le vice de cette méthode. Guand il fut devenu professeur , il disait à ses éleves : « Je ne savais pas, à dix-huit ans, plus de littérature grecque que vous n’en savez aujourd'hui, quoique vous n'ayez Suivi que pendant qua- tre mois mes leçons. On trouvait que j'avais beaucoup profité ; je n’en jugeais pas ainsi; je sentais le besoin de refaire seul tous les pas qu'on croyait m'avoir fait faire. » Après avoir recu toute l’ins- truction qu’'rl pouvait puiser à Marbourg, :l obtint de son père, en 1768, la permission dese irans- porter à Goëttingue, où les leçons èt les conseils de Heyne acheve- rent de développer ss connaissan- ces et ses talens. Ce fut dans cette ville qu’il publia son premier ou- vrage : c'etait une Lettre à David Ruhnken sur quelques passages des œuvres de Julien, avec des notes sur Eunapeet Aristénète. On en a fait le premier article de ses Opus- cula varii argumenti, rassemblés en 1821, eu 2 vol. in-8 ( Ludg. Batav. apud Luchtmans), et on a réimprimé les notes sur Eunape, dans l’édition de cet auteur donnée par M. Boissonade (Amst. 1822). Heyne avait mis Wyttenbach en \ 348 WYT correspondance avec Ruhnken et L.C.Valckenaëér, qui cherchèrent bientôta l’attireren Hollande. Il vint à Leyde en 1770, et ils l’aide- rent à chtenir,enm1771,une chaire de hitérature et de philosophie dans le collége des Remontrans, a Amsterdam. Il y débuta par un discours De conjunctione philoso- phie. cum elegantioribus lüteris , qu'on retrouve aussi dans let. 1° de ses Opuscules. Dans cet inter valle , il conçut l’idée d’une nou- velle édition de Plutarque, com- pulsa les manuscrits des bibiio- thèques de Hollande, et fit un voyage à Paris en 175, pour con- sulter ceux du Roi. Il eut fort à se louer de la complaisance de Cap peronmer ; mais il n’aurait rien obtenu de Béjot, sans les recom- mandations et les soins de Fonce- magne ; d’Alembert, Villoison et Sainte-Croix, En six mois il collationna douze manuscrits de Plutarque, malgré la maladie qu'il essuya et. dont il fut guéri par Lorry. Deretouren Hollande, il-entreprit,. sous le titre de Bi- bliothèque critique un recueil qui d’abord se composait partiçulie- rément de leconsnouvelles ou de restitutions d'anciens textes grecs et latins : les deux premières par- ties furent publiées en 1777. Deux ans apres, une chaire plus importante , celle de, philosophie dans. l’école, publique d'Amster- dam , Vattacha plus étroitement à cette ville ; il y ouvrit ses leçons par un discours. De philosophià laudatar umomniumartium procrea- trice (pag: 437 358, du £...1e de ses Opuscules ).' Dans cette fonction. qu'il, n’a quittée qu’en 1785, ils’appliquait spécialement à faire connaître l’histoire de la WYT philosophie , histoire qui est une si grande partie de cette science elle-même. Il publia vers le même temps quatre parties de sa Bi- bliothèque critique , et un Traité de logique, qu'il se proposait de dédier à son pere, mais celui-ci mourut en 1777,et l'ouvrage, dont l’impression ne put être achevée qu’en 1751, parut avec une dédi- cace aux magistrats d'Amsterdam. En 1781 aussi, W yttenbach con- courut pour un prix légué par Stol- pius, sur la question de savoir si la raison suflit pour démontrer l’unité de Dieu : on couronna son discours, dont la conclusion con— siste à dire que des raisonnemens qui, pris chacun à part, ne se— raient. que probables, suffisent , dans leur ensemble , pour con- vaiucre l'esprit humain qu'il n’y a qu’un Dieu. Un. prix du même genre ; proposé en, 1702, avait pour objet d'exposer quelle a été, depuis Thales et Pythagore , l’o- pinion des anciens philosophes sur la vie. et l’état des âmes apres la mort. Wyttenbach, couronné en- core, soutient qu'ils ont cru que les âmes survivent, mais qu’ils ne s’accordaient point sur les circon- stances ni sur la durée de cette vie future. at Ilallait, en 1965 ; prendre la chaire de littérature qu’abdiquait Tollius, lorsque la mort de Valc- kenaër fit vaquer celle de Leyde, qui valait 3,000 florins. Presse par Ruhmken de l’accepter, W ytten- bach préféra une nouyelle chaire à Amsterdam, celle qui, sous le titre de Litterurum. græcarum et latinarum, historiæ tüm universæ tüm. patrie, eloquentiæs poëseos ot antiquitatum, embrassait presque tous les genres. de litterature et WYT d'histoire. En èn prenant pos- session , il prononça un dis- cours De vi et efficacià historie ad virtutis studium. La neuvième partie de sa Bibliothèque critique vit le jour en 1789 ; la dixième en 1702, et il donna, l’année sui- vante, des morceaux choisis dans les principaux historiens. On at- tendait son Plutarque avec impa- tience ; il en avait publie un sim- ple essai , un seul traité , en 1772. Fixé à Amsterdam, malgré les événemens de 17994 et 17995, et malgré les vœux de ses compa- triotes qui le rappelaient à Berne, il commença enfin la publication des OEuvres morales et mêlées de Plutarqüe. Il serait superflu de décrire ici ce grand travail , qui est si universellement connu et es- timé des savans (1). Ce ne fut qu’apres la mort de Ruhnken , en 1708 , que Wyttenbach consentit à passer d'Amsterdam à Leyde ; mais à la condition d” conserver une grande latitude dans l’ensei- gnement, c’est-à-dire la faculté de choisir entre plusieurs branches d'histoire et de littérature. On le faisait én même temps bibliothé- caire, et on lui assurait un revenu total de 5,000 florins. Son discours préliminaire fut un tableau de la jeunesse de Ruhnken, qu'il pro- (1) Le Plutarque de Wyttenbach, imprimé à Oxford, de 1795 à 1810, forme 6 tomes en 7 vol., grand in-4, ou 12 vol. in-8. Les cinq premiers tomes ( en six volumes ) de la belle édition in-4, contiennent ce qui se trouve dans celle de H. Estienne, avec de courtes observations. Le G° vol. publié en 1810, renferme le commencement des notes de Wyttenbach, et devait être suivi de plusieurs autres, qui n'ont point encore paru. WYT 349 posait en exemple. 11 ne tarda point à composer une vie com— plette de ce savant (1). La perte de son ancien maître , la mort d’une mèce qu’il chérissait, et des tra— casseries suscitées par des envieux, troublerent le bonheur dont Wyt- tenbach se promettait de jour à Leyde. Il faisait imprimer son Plutarque à Oxford , et cette dis- tance entraînait des retards in- commodes ; 1l en profita pour pré- parér des éditions de Cicéron et de quelques poëtes, à l’usage des écoles. L'explosion d’un navire chargé de poudre lui causa d'assez grands dommages, mais la plupart des maisons de Leyde furent plus maltraitées que la sienne. Il a dé- crit ce désastre dans une lettre à Sainte-Croix, publiée par les bio- graphes de Wyttenbach. Jusqu’a- lors il avait donne ses lecons dans son propre domicile ; la salle qui servait à cet usage s’étant écrou- lée , et le reste de son habitation meñaçant ruine, il alla s’étabhr avec ce qui lui restait dé meubles et de hvres, dans üne maison de campagne. 11 fallait qu’il vint de là professer à l’Académie ; on lui alloua 30oflorins par an pour frais de voyage. La douzième et der- niere partie de la Bibliothèque cri- tique parut en 1808 (2) : elle con- tient un dialogue sur la philoso— phie, contre lequel $e récrierent vivement les sectateurs de Kant, heureusement peu nombreux en Hollande. (1) Lugduni Batavorum. 1709 , in-8. Cette vie a été réimprimée et jointe à l'Eloge de Tib.Hemsterhuis, par Ruhn- ken. Lipsiæ, 1601, in-8. (2) Ces douze parties forment 3 vol. in-8. 350 WYT Lorsqu’en 1608 on créa un In- slitut royal à Amsterdam, Wyt- tenbach, nommé membre de la classe d'histoire et antiquités , ac- cepta cet honneur, bien qu'il fût persuadé, dit son historien , que de grandes écoles servent plus aux progres des lettres que ne peuvent faire des sociétés académiques. Il avait encore un bien plus grand éloignement pour le costume qu’on avait impose à l’Institut d’Amster- dam :carles savans bataves étaient accoutumes à beaucoup de simpli- cite.Pour lui, il iraitplus de vanité du nombre et surtout des progres de ses auditeurs, dont quelques - uns publiaient déjà d’estimables écrits. Il mit lui-même au jour, en ce temps là, le premier livre d’un recueil intitulée : Philoma— thia , des notes sur le Phédon de Platon , et sur le livre de M. Bake, concernant Posidonius de Rhodes. On imprima sontravailsur le Phe- don en caracteres si menus , que la correction des épreuves aflai- blit , dit-on , sa vue pour le reste de ses jours; dans la suite , il per- dit tout-à-fait un œ1l. Par la nou— velle organisation de l’Université de Leyde, en 1812, sa chaire se trouvait restreinte à la littérature grecque et latine : 1l réclama et obtint le droit d’enseigner aussi, mais en des lecons privées, l’élo- uence et l’histoire, et on le main- tint d’ailleurs dans la fonction de bibliothéquaire : on lui donna aussi l’ordre de la Réunion. Il n’a- WYT vait point démandé, mais il ac- Cepla , le titre d’associé-étranger de l’Institut de France, qui lui fat déféré en 1814. La santé de W yt- tenbach s’altéra sensiblement en 1615. Les médecins lui conseille- rent un voyage en Allemagne, qu'il ne poussa pas plus loin qu'Heidelberg. Il avait vécu jus- qu’alors célibataire : âgé de 71 ans , 1l épousa sa nièce, en 1817. Il cessa d’enseigner l’année sui- vante. Le dernier livre qu'il ait publie , est le troisieme de sa Phi- lomathia ; car il se vit forcé, en 1819, de renoncer à tout travail littéraire : son écriture n’était plus lisible aux imprimeurs. Une atta- que d’apoplexie le saisit-au com- mencement de janvier 1820 , et 1l mourut le 17 du même mois, On l’enterra daus le jardin de sa mai- son de campagne , peu éloignée de celles qu’avaient habitées Des- cartes et Boerhaave. ( Extrait d’un article de M. Dauxou, dans le Journal des Savans , de 1823, pag. 521—25, sur un ouvrage in- titulé : Wita Danielis Wyttenba- chii, auctore G. L. Maune. Gan- davi, apud M. A. Mahne. 1825. in-8, pag. 255 )(1). (1) Outre les écrits indiqués dans cette notice , nous connaissons encore de Wyttenbach, un Choix des meil- leurs morceaux des historiens grecs, à l'usage des étudians. Æmstelod. 1794 et 1808, accompagné de quelques notes, FIN. ANNUAIRE NÉCROLOGIQUE POUR 1929 (4° ANNÉE ). VAAAAANAAANAANANAANAANAARNUY PROSPECTUS. AAAAAAAANAARANARANANANSAANANA Vo: le tableau des principaux articles qui com- poseront l'Annuaire Nécrologique de 1825. Partie française. — Acrer (le président) ; BEav- Noir, auteur dramatique ; Bonarp, poëte ; BourRu, médecin ; BRÉGUET, mécanicien ; — CAIGNARD DE Marczi , jurisconsulte ; CarnoT ; CHARLES, physi- cien ; CnaussArD , littérateur. — Damas (Roger de), général émigré; DAvriGNY, auteur tragique ; Davousr, maréchal de France; Decvaux, graveur ; DEMANDRE, évêque constitutionnel ; DEspras, vétérinaire; Du- camp (Théodore), médecin ; — Emmery, pair de France; Eumoxor, médecin ; — FRÉTEAU, médecin; — GARAT, chanteur; GARNERIN, inventeur des para- chutes; Garros, polygraphe ; Gors, sculpteur ; GRAVE (le marquis de ), pair de France ; Gouson (Alex. ), polygraphe ; — Hounox, sculpteur; Hurzix-Bots- CHEVALIER , historien ; HumBert, général ; — Jaur- (99% rrer , évêque de Metz 3 — LAGOMBE , évêque d’Angou- lême ; LAMBRECHT , député; LAUREAU, grammairien ; LÉGER , vaudevilliste ; Linper ( Thomas), conven- tionnel ; LINGERVILLE ; médécin ; = Monraniver (le comte de), pair de France; Meux (Hélitas de), poête ; — Prvre, architecte; PommErEuL , général et littérateur ; Pourcrard (l'abbé ) , antiquaire ; Prévost, peintre de Panoramas ; PruD’HoN, peintre; — Quéranr, poête. dramatique ; — SavoyE-RozrIN , député ; ; — SELVES; jurisconsulte; — TARTELIN , chi- miste ; Tnoré , naturaliste; Tissot (Alexandre Pas- cal ), jurisconsulte ; Turey, valet de chambre de Louis X VI ; — VALENTIN , médecin ; etc. , etc. Partie étrangère. — Axi-Pacua ; Arénix (le baron d’), diplomate et écrivain allemand..— Caxova , sculpteur; CASTLEREAGE , ministre anglais ; — Ezro, général: espagnol ; — Farsroni, chimiste italien ; Fernann-Nuxes , ambassadeur espagnol; FERNANDEZ- Tuomas , patriote portugais ; — Garayx (Martin }, ministre des finances d’Espagne ; GIANNI, improvi- sateur italien ; — HarpeneerG (le prince de ) , mi- nistre de Prusse ; Hrrscnezs astronome anglais ; — Lexs ( André) , peintre flamand ; — Marcer ( Alexandre), médecin de Genève; — OwEN ( J. Le philanthrope anglais; — Prcor (Pierre) , de Genève; — ScuicurE6ROLL , critique et biographe allemand; SCHWARTZENBERG ( le prince de), général autrichien; —7xa, botaniste et négociateur colombien; etc., etc. ” : … pepe Ps FT Pre ? É- È ue | 22,40 Vas 3 5185 00258 3357 Ce ep PONTON ONE EU DTA er re LAN 7 A D he mn —