(ax D ; À % ; ne DES | MISSIONS SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES. 74 : CHOIX DE RAPPORTS ET INSTRUCTIONS PUBLIÉ SOUS LES. AUSPICES : PC PAS PR ES Pur PRE SFR NA cs DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE. DEUXIÈME SÉRIE. TOME Il. DEUXIÈME LIVRAISON. COR RS Al er » Vol NE ss De 2 lu RS fer die ME E | FN RE “ » .“« LAC ENS Ar VTT 00, 0 0 0 © G& 6 à O0 © D 00 0 0 0'0 0) ra ) s AL ERA à L'AUTEE EE 2 î LASER re « . TN » » ÿ M4 : < * | f ppt 3 « » * 0 à 0 LRU Fo, Fa DT IMPRIMERIE IMPÉRIALE. FINIS PIRE 4 L SRNADINNIQNRLIDNINIOQNODOQOQVOQNOQQONQNTQOQQOQRQ NO QQONDQVQNDNQODONQO NO QOQDOQQQDUQNDQQDQQQOQ QQOQQQQQNOQQDOQQ M DCCC EX. 0 d 00 9.9.0 9 Q 0 Q 0 g Q TABLE DES MATIERES. Pages Rapport sur l’éruption de l'Etna en 1865, par M. Fouqué..... RTE Rapports sur les résultats d’une mission dans les archives d'Espagne et de Portugal, par M. Alfred 'DEMERSAY. CR Se... SOS 359 Rapport sur les recherches faites à la bibliothèque impériale de Saint-Pé- tersbourg, par M. le comte Hector DE LA FERRIÈRE............... 373 ER RCHIVES DES SCIENTIFIQUES LITTÉRAIRES. ES TABLE DES MATIER ES 3 EMEA Rapport sur l'éruption de l'Etna en 1865, par M. Fou: e Rapports sur les résultats d’une mission dans les archi Portugal, par M. Alfred DEMERSAY. .........,.. AOCAS Rapport sur les recherches faites à la bibliothèque imf tersbourg, par M. le comte Hector DE La FERRIÈRE 636 69 ÉSÉAESES à Y a ÿ DEEE AUS ARCHIVES MISSIONS SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES. ECC. W734 ARCHIVES DES MISSIONS SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES. CHOIX DE RAPPORTS ET INSTRUCTIONS PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE. DEUXIÈME SERIE. TOME DEUXIÈME. | PARIS. IMPRIMERIE IMPÉRIALE. M DCCC EXV. ue \ Fa d Lu - < 3 17% 6 Ü 1 Pt MA a QE | AR Ne as MER, F [ ue 2. AANPOTATAMT AMIENS LUS ” d ; À ; EU FATAN I CU CRYTA I VE 2 a N ans es : | LH | tél! 4 MTe 3] f HJMÆTRNI E éf- x txel | Le 4 bn 4e CAPAT Ê Er k : A , . À , . À ‘ } s - a >| - 4 5 A A ln 8 ; + n j a . £ « We + À " Le s [1 ù à | OL MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE. —— > Ÿ ———— ARCHIVES DES MISSIONS SCIENTIFIQUES. MÉMOIRE LES RUINES ET L’HISTOIRE DE DELPHES PAR M. P. FOUCART, MEMBRE DE L'ÉCOLE FRANÇAISE D’ATHÈNES. PREMIÈRE PARTIE. ARCHÉOLOGIE. a ——— CHAPITRE PREMIER. VALLÉE DU PLEISTOS. — ARACHOVA. — PYRGO. — BOIS SACRÉ. Le territoire de Delphes comprenait la vallée du Pleistos, depuis sa source jusqu'à son embouchure, ainsi qu'une partie des deux plateaux situés au sud et au nord. Le Pleistos, autrefois consacré à Neptune!, prend sa source au- près d’Arachova. Dans la première partie de son cours, il coule de . l'est à l’ouest dans une étroite vallée, resserrée à gauche par le Kirphis, dont la masse se dresse à pic comme un mur, à droite, par les projections du Parnasse. Non loin de Chrysso, il sort des montagnes, traverse une belle plaine plantée d’oliviers, longue de trois lieues environ, et se jette dans la mer près de l'échelle de Salone. Il s'appelle aujourd’hui Xero- Potamo, le fleuve sec, car ! Esch. Eumen. MISS, SCIENT. — II. 1 a ni il n’a presque jamais d'eau; les ruisseaux qui devraient le grossir sont détournés par les habitants au profit de leurs oliviers. Sur le point le plus élevé de la vallée est construit le village d’Arachova; on découvre de loin le clocher de son église, Saint-Geor- gios. La position d’Arachova, plutôt que ses ruines, la désigne comme l’Anemoreia de Strabon !. Elle servit à marquer la limite orientale du territoire de Delphes, lorsque la ville sainte fut dé- tachée de la confédération phocidienne par les Lacédémoniens et déclarée indépendante. Le village moderne répond également bien à la description du scholiaste d'Homère?. Elle est située sur la crête qui sépare les deux versants et le vent y souffle avec vio- lence; double circonstance qui lui avait valu le nom de Aveucipera (&veuos, pos). On l’appelait encore ÂvepcXesa; dans une inscrip- tion, elle est désignée sous le nom de À venvto 3, et la théorie qui se rendait à Delphes devait y sacrifier une truie de trois ans. * Le village d’Arachova n’a rien d’intéressant; il en était de même sans doute de la ville ancienne, car Pausanias la traverse sans même la nommer. Dès ce moment, il songeait aux récits variés et nombreux qu'on faisait sur Delphes et l’oracle d’Apollon; il est tout occupé à rappeler ce qu'il sait des différents temples du dieu, des jeux Pythiens, du conseil des Amphictyons. Je me le figure, che- min faisant, prenant des notes sur ce sujet, auquel il consacre trois chapitres, et réveillant ses souvenirs avant d'arriver à la ville sainte. La route, à partir d'Arachova jusqu’à Delphes, descend par une pente assez douce, en suivant les contours de la montagne, à une assez grande hauteur au-dessus du Pleistos. Toute cette partie est couverte de vignes ; le terrain et l'exposition sont si favorables à cette culture que déjà les anciens ont dû s’y livrer. Peut-être est- ce la cause qui a fait établir à Delphes le culte de Bacchus, comme les nombreuses plantations d’oliviers qui poussent dans la vallée même du Pleistos ont pu valoir à Minerve l'honneur d’être associée à Apollon. À moitié chemin, à gauche de la route, un mur pélas- gique est caché au milieu des vignes, attestant l'existence d’une cité antique. J'avoue n’avoir aucun nom certain à donner à ces ruines, d’ailleurs peu intéressantes, à moins qu’on ne veuille y voir 1 Strabon, IX, ru. ? Schol. Hom. Il. IL, v. 521 : É@’ 5fmAoù romov, % Corp. Inscr. 1688. 1 Paus: X, v, 2: LS AR A Kyparissos, qu'Homère nomme à côté de la pierreuse Pytho et de la riche Crissa!. | Un quart d'heure avant d'arriver à Delphes, on rencontre à gauche de la route une construction carrée que les habitants appellent d’un nom commun en Grèce, Hoyo (la tour). Les murs s'élèvent encore à trois mètres au-dessus du sol: au milieu, du côté sud, s'ouvre une porte de deux mètres de haut, de soixante et quinze centimètres de large. L'absence de ciment, la régularité des assises, le linteau formé d’une seule pierre qui a plus de deux mètres de long, montrent clairement que c’est un ouvrage antique et proba- blement hellénique. Il est moins facile d’en marquer la destina- tion. On ne peut y voir une tour de défense, car on ne trouve sur les murs aucune trace d’arrachement, ni sur le sol aucun débris qui autorise à supposer l'existence de tours semblables élevées de distance en distance et reliées par un rempart. Quelle aurait été l'utilité d’une tour isolée, dans un passage assez facile et assez large pour permettre aux ennemis de s’avancer commodément, hors de la portée des traits? La proximité des sépultures fait songer à un monument funèbre; la porte aurait été pratiquée par derrière, comme aux tombeaux de Pompéi. Mais on ne trouve aucun frag- ment d'inscription, aucun débris d'ornement qui vienne à l'appui de cette supposition. Je croirais plus volontiers que c’est une tour d'observation; car de cet endroit on découvre toute la vallée du Pleistos, depuis les hauteursd’Arachova jusqu’au rocher de Chrysso. La tour, impuissante à arrêter les ennemis, aurait du moins servi à signaler leur approche et à observer leur marche. De l’autre côté de la route est une petite chapelle élevée sur l'emplacement et en partie avec les matériaux d’une chapelle an- tique. Elle est consacrée à Haghios Athanasios. Les habitants pré- tendent que la table sainte est un ancien autel de Bacchus. C’est bien une pierre ancienne, mais j y ai vainement cherché la trace de lettres ou d’ornements. C’est donc une supposition purement gratuite que le voisinage des vignobles aura suggérée aux savants du pays, toujours prompts à chercher et à trouver une explication aux restes antiques. Quittons pour un instant la route que suivent d'ordinaire les voyageurs pressés d'arriver à Castri, et descendons en droite ligne Hom. Il, IE, v. 520. ns De - vers le lit du Xero-Potamo. On arrive en quelques minutes à la chapelle d'H. Basilios Johannes. Isolée au milieu d’un petit pla- teau qu'entourent et que dérobent à la vue des rochers escarpés; à moitié ruinée, abandonnée aujourd’hui, elle n’a pu être élevée que pour remplacer un temple païen. Les débris anciens sont trop nombreux pour laisser aucun doute. Quelques pierres taillées _ régulièrement sont mêlées à la maçonnerie grossière qu’elles sou- tiennent; d’autres gisent encore sur le sol; sur un espace de deux mètres et demi, on peut même suivre à fleur de terre les fonda- tions de l’ancien édifice. La volute d’un chapiteau encastré dans le mur permet de supposer qu'il était d'ordre ionique : c’est en effet l'ordre employé d'ordinaire dans les temples de petite dimension. L'absence d'inscriptions ne permet pas de savoir à qui celui-ci était consacré. Peut-être était-ce à la nymphe de la source voisine, Képhalo-Vrysi, et elle méritait bien un pareil honneur. Elle ne tarit pas en été, comme beaucoup de fontaines et même de fleuves de la Grèce; à la fin de septembre, après quatre mois de sécheresse et de chaleur, son eau Jaillissait encore, abondante, fraiche et limpide. Dans l'antiquité c'était déjà, comme aujourd’hui, un but de promenade; car, sur un rocher voisin de la source, on lit une inscription tracée en lettres de grande dimension: M, MAXOI ETTAPPOAEI TOYTIYAAO! ‘ [Etuluayor Émra@podeirou IuXdor. «Les compagnons d'Épaphroditos, habitants de Pylæa. » __ Souvenir sans doute d’une partie de plaisir, hommage rendu à la nymphe de la source pour la remercier de la fraîcheur de ses eaux. Les Grecs modernes l’ont remplacée par une Néréide; le nom n’a pas changé. Mais ce n'est plus une nymphe gracieuse et bienveillante qui habite cet endroit : c'est une fée malicieuse et malfaisante, qu'il est dangereux de rencontrer à l'approche de la nuit. Cette crainte superstitieuse qui possède les habitants, même ceux qui pendant le jour affectent d'en douter, a sans doute fait ! Inscriptions inédites de Delphes, n° 479. — Je crois avoir vu sur la pierre un u au lieu de l'a que donne notre texte déjà publié. . « tbe De à. cn. Sd te cs ti ÉD ST pos sn es ns 0 nt LEE ee, élever cette chapelle de saint Jean pour assurer aux fidèles une protection contre les attaques de la fée. L'eau de Képhalo-Vrysi sert à faire tourner plusieurs moulins, qui s’'échelonnent le long du petit ruisseau qu’elle forme. Ce ha- meau est en dehors de la route habituelle des voyageurs; aussi ma présence excita-t-elle la curiosité d’un Grec. Questionneur et bavard comme tous ses compatriotes, il voulut savoir pouquoi j'étais venu en cet endroit écarté. Dès qu'il apprit que je cher- chais des pierres antiques, il m’assura qu'il ÿy en avait dans une autre église située à peu de distance, et il m'indiqua la direction. Un autre habitant, qui me servit de guide, m'apprit qu'il ÿ avait deux églises réunies, Panagia et Saint-Jean le Chasseur; plus loin, la liste s'accrut encore d'H. Parascevi (Ayéa [apacxeun), de Saint-Georges, de Saint-Sauveur et enfin de Saint-Anargyre ; en tout sept chapelles, et il n’y a que dix maisons dans le hameau. Il était impossible de ne pas songer au problème posé par un de nos devanciers : Ÿ a-t-il plus d’églises que de maisons? Pendant mon séjour en Grèce, j'ai eu plus d’une occasion de me convaincre que ses spirituelles boutades, qui passent en France pour médi- sances ou paradoxes, ne sont en Grèce que vérités dites d’une manière piquante. Il était évident qu'on n’avait pas construit tant de chapelles pour les besoins d’une trentaine d'habitants ; il devenait donc probable qu’elles remplaçaient d'anciens temples. A la première chapelle, celle de la Panagia, cette supposition devint une certitude. Dans le mur était encastrée une pierre sur laquelle était gravé en caractères petits, mais soignés, cette inscription : [IetoiloTpalros] Boÿlwvos ÀGpodira’. « Pisistratos, fils de Boulon, à Vénus. » C’est la première fois que Vénus paraît parmi les divinités ado- rées à Delphes, et cependant on ne peut douter qu’elle n'ait eu un petit temple en cet endroit. Cette pierre est trop lourde pour être transportée facilement, et d’ailleurs il n’y a pas de chemin tracé. À quoi bon se donner tant de peine pour élever une cha ! Inscriptions inédites de Delphes, n° 470, Se pelle dans un endroit isolé, et pourquoi chercher au loin des ma- tériaux, quand autour il y a en grand nombre d’autres pierres taillées et prêtes à être employées? De plus, le donateur était cer- tainement un citoyen de Delphes. La fin de son nom est mutilée, mais celui de son père, BoÿAwr, est un de ceux qui reviennent le plus souvent dans les actes de Delphes ; on peut donc le restituer avec certitude : Pisistratos, fils de Boulon. La date de ces actes étant connue, celle de l’inscription se trouve également fixée ; elle est du commencement du n° siècle avant l'ère chrétienne, et le culte de la déesse s'était peut-être introduit beau- coup plus tôt. | Aucune inscription ne nous apprend quel était le dieu associé à Vénus et remplacé par saint Jean le Chasseur; il est cependant vaturel de supposer que c'était Mars ou Adonis. Je n’ai pas eu pour les autres chapelles le même bonheur que pour celle de Panagia: il n’y a rien qui permette de fixer avec certitude quelles divinités païennes y étaient adorées. On peut seulement le conjecturer avec quelque vraisemblance pour celle d'H. Anargyrios, où les restes antiques sont plus nombreux. H. Anargyrios (le saint sans argent) correspond à saint Côme et saint Damien, qui secouraient gratuitement les malades; il a donc probablement succédé au dieu de la médecine, à Esculape. Un puits antique, aujourd'hui tari, qui se trouve à quelques pas et qui a pu avoir autrefois quelque vertu miraculeuse, donne quel- que fondement à cette supposition. Les débris antiques y sont plus nombreux qu'ailleurs et montrent que c'était un temple de petite dimension et d’ordre ionique ou corinthien. En écartant les buis- sons de lentisques qui envahissent les ruines, on retrouve une base de colonne (0",30), des fragments de petites colonnes en marbre, des morceaux de corniches, des denticules ioniques. Pour les trois autres chapelles, il n’y a rien qui puisse faire soupconner leur architecture ou leur destination; le nom seul des saints auxquels elles sont consacrées pourrait être un indice, s'il ÿ avait une règle fixe et connue pour ces changements de noms. Des plaques de marbre encastrées dans les murs portent peut-être des inscriptions, mais la face n’est pas visible, et toucher à une chapelle, même en ruines, est chose impossible. Un fait seul est certain, c’est l’existence d'anciens temples dont les matériaux ont servi à la construction des chapelles; les plus vieux habitants ES disent qu'on les a trouvés en creusant tout près de l'endroit où elles s'élèvent. Il n’y a pas à s'étonner de rencontrer un si grand nombre de chapelles dans un endroit où il n’y a pas et où il n’y a jamais eu de cité. C’est un nouvel exemple d’un fait général dans la Grèce. La victoire du christianisme y fut plus lente et moins complète qu'ailleurs; après avoir triomphé des croyances, il eut encore à lutter contre les souvenirs et contre les habitudes. Parmi les nou- veaux convertis, les uns se sentaient ramenés vers ces dieux qui avaient donné tant de gloire à leurs pères; les autres, en cessant de les invoquer, n’avaient pas cessé de les craindre. Ils n'étaient _ plus les dieux tout-puissants qui accordaient aux hommes l’ac- complissement de leurs vœux, ils s'étaient transformés dans l’ima- gination populaire en démons dont il fallait redouter le courroux. Le clergé, ne pouvant détourner la foule des anciens sanctuaires, les purifia en les consacrant au culte chrétien et en les mettant sous l’invocation de la Vierge et des saints; leur présence était nécessaire pour rassurer les nouveaux chrétiens contre la ven- geance de leurs dieux abandonnés. C’est ainsi que la Vierge rem- plaça Vénus. À la déesse du plaisir et de l'amour sensuel, on opposa la chaste mère du Sauveur. Il était impossible de ne pas rompre ouvertement avec une divinité comme Vénus; mais le plus souvent on chercha à ménager les traditions de l’ancien culte; les chapelles furent consacrées aux saints dont le nom ou le carac- tère offrait le plus d’analogie avec l’ancienne divinité du temple transformé en église. Grâce à son nom, le prophète Élie prit la | place du dieu Soleil (os) sur les hautes montagnes et sur les rivages de la mer. Saint Anargyre succéda à Esculape dans ses fonctions et dans ses honneurs. Les païens convertis revinrent donc aux mêmes endroits demander les mêmes faveurs à la divi- nité; savaient-ils toujours bien s'ils invoquaient l’ancienne ou la nouvelle? Cette concession qui mêlait les souvenirs des deux reli- gions, cette adresse pour rallier tout le monde au nouveau culte, rendirent le succès plus facile, mais elles eurent des conséquences fâcheuses pour le christianisme des Grecs, qui a toujours conservé une empreinte de paganisme. De là cette tendance à regarder et à invoquer les saints, non plus comme des intercesseurs aupres d’un Dieu unique et tout-puissant, mais comme de nouveaux dieux succédant aux anciens; de là cet attachement tout paien Cu Re ee à l'apparence, à l'observation minutieuse des pratiques extérieures plutôt qu'aux principes et à la morale de la religion. De 1à enfin ce nombre prodigieux de petites églises, qui n’est nullement en rapport avec la population; il fallait remplacer les temples paiens. | | C'est ce qui arriva sur les bords du Pleistos. Le voisinage de Delphes et l'agrément du lieu y firent construire plusieurs petits temples; c'était une sorte de beis säcré placé aux portes de la cité sainte. Nul site n’est plus charmant. Quelle jouissance n’éprouve- t-on pas à fuir les rochers desséchés et brülants de Delphes pour descendre sur les bords du Pleistos, à travers ces oliviers dont les hautes branches et le tronc vigoureux ne rappellent en rien les oliviers souffreteux et rabougris de la Provence. La feuille, d’un vert pâle, dessine sur un ciel bleu sa forme d’une finesse élégante; à côté, quelques platanes aux larges feuilles offrent un abri impé- nétrable aux rayons du soleil ; le laurier rose, le grenadier aux fleurs rouges, le figuier au tronc sinueux comme le serpent, se pressent sur les bords du ruisseau qui leur donne la vie. L’aqueduc grossier d'où l’eau de Képhalo-Vrysi tombe de cascade en cascade est tapissé de plantes grimpantes qui l’enlacent de leurs festons verdoyants; le murmure de l'onde, le chant des oiseaux cachés dans le feuillage, donnent un nouvel attrait à ce lieu enchanteur. Le pays n'a pas changé depuis l'antiquité; de tout temps Delphes a été nommée la pierreuse : de tout temps aussi l’eau des sources a répandu dans ce bois la fraîcheur et la vie; c’est un lieu . qui doit peu à l’homme et tout à la nature. Ce contraste avait sans doute frappé les habitants de l'antique cité, et ils avaient choisi cet endroit pour y dédier des chapelles aux divinités qui n'avaient pas trouvé place dans le sanctuaire. Le seul temple dont nous connaissions la divinité est celui de Vénus {aujourd’hui la chapelle de la Panagia); la déesse des bosquets devait se plaire dans ce bois délicieux; un autre était probablement consacré à la nymphe de Képhalo-Vrvsi, car, sans l’eau de sa source, le bas de la vallée serait aussi sec et aussi dénudé que la partie supérieure. Le silence de Pausanias ne prouve rien contre l'existence de ce bois sacré ; il ne le rencontrait pas sur sa route et il était trop pressé pour se détourner; assez d’autres édifices attiraient son attention pour qu’il ne s’arrêtât pas à quelques petits temples. Aucun mo- derne n’en a parlé; les voyageurs ne font guère que traverser ’ te nc dit né semi à ie-é Castri; une visite à Castalie, un coup d'œil rapide sur quelques pans de murailles antiques suffisent à la plupart; quelques-uns vont jusqu’à l’antre Corycien, les Anglais jusqu'au sommet du Parnasse. Comment iraient-ils aux moulins de Castri? C’est en dehors de la route, et le nom n'a rien qui promette ou qui séduise. Revenons maintenant à la route principale, à l'endroit où nous l'avons quittée. L'espace compris entre la tour hellénique et la double porte taillée dans le rocher s'appelle Xépurus, nom qui semble venir de Xäpwr, que les Grecs regardent comme le génie de la mort. Le petit plateau situé au delà de la tour est en effet l’un des deux cimetières de Delphes. Capo d'Istria y fit faire des fouilles, qui ne laissent aucun doute à cet égard. On mit au jour plusieurs chambres sépulcrales, dont deux ou trois sont assez vastes. Le morceau le plus curieux trouvé dans l’une d'elles est un sarcophage en marbre blanc orné de sculptures qui repré- sentent Méléagre apportant à Atalante la hure du sanglier de Calydon. Sur le couvercle est le corps d’une femme à demi cou- chée et appuyée sur le coude. La tête a disparu ; le sarcophage lui-même a été brisé par les passants. Les Grecs, comme les enfants, aiment à détruire. Quelques-uns des débris ont été trans- portés au monastère le reste a été recouvert de terre; c’est un nouveau système pour conserver les antiquités, approprié sans doute à la nature des habitants, mais peu propre à satisfaire les voyageurs. Non loin de là mon guide me découvrit un fragment de bas-relief conservé par le même procédé. C’est la moitié infé- rieure d’un homme; la tunique courte laisse voir la jambe; la chaussure est attachée par des courroies qui montent au-dessus de la cheville. Peut-être y a-t-il d’autres fragments enfouis de la même façon, mais mon conducteur en avait oublié la place. Le rocher au-dessus de la route est percé de niches à offrandes et de niches mortuaires: 1l montre la vaste étendue de ce cimetière. On est étonné de ne rencontrer aucune de ces stèles funéraires, si nombreuses aux environs d'Athènes. Une seule inscription a été trouvée dans le voisinage de Logari : Eua 709 pwos à marÿp mapà raiode mA Iudmôs dpuosr mudds mi Ghuévou ”. ! Corpus Inscriptionum , n° 1722. EP : ES Ces vers font allusion à la double porte appelée Logari, qui se trouve au point de jonction des deux routes d’Arachova et de Des- phina. Cette double porte est taillée dans le roc; les détails, les barres qui la consolident, les clous mêmes ont été rendus avec assez d’exactitude. Elle est brisée par le milieu, et un figuier sau- vage, qui étend ses rameaux à travers cette fente, lui donne un aspect pittoresque. Ulrichs! rapporte à ce sujet une légende qui appartient aux derniers temps du paganisme expirant. Le prêtre des idoles avait rassemblé près de cette porte les habitants de Delphes et leur tenait un discours où il outrageait la mère du Sauveur. Soudain le ciel s’ouvrit, et la Vierge parut tenant l'enfant Jésus dans ses bras et entourée d’une auréole. Au même instant la foudre tomba sur le prêtre et fendit la porte à laquelle il s’ap- puyait; c’est en souvenir de l’impie et de son discours (A0yos) que cette porte a pris le nom de Logari. — Telle est la légende. Est-ce bien elle qui a fait donner ce nom, ou le nom qui a donné nais- sance à la légende? Je ne me charge pas de le décider. Que signi- fiait cette porte? Peut-être était-elle destinée à rappeler les portes de l'enfer: car elle est située à l'entrée du cimetière, en avant des sépulcres, qui, suivant l’usage ancien, sont placés aux portes de la cité, sur les deux côtés de la route. CHAPITRE II. MARMARIA. — GYMNASE. — CASTALIE. Pausanias va maintenant nous servir de guide. « Après être entré dans la ville, dit-il, on rencontre plusieurs temples à la file. Le premier était en ruines; le suivant était vide de statues de dieux et d'hommes; le troisième contenait les i a d’empereurs romains, mais en petit ES le quatrième s’ap- pelle le temple d’Athéné Pronœa?. » Pausanias dit positivement que ces quatre temples sont dans la ville. La cité de Delphes n’était donc pas renfermée dans l'enceinte demi-circulaire où s'élève le village de Castri, mais elle s’étendait sur les deux rives du ruisseau qui passe devant Castalie et va se ! Reisen und F orschungen in Griechenland. 2 Pausanias, X, vin, 6. = Gi Jeter dans le Pleistos. L'expression de rés employée par l’auteur s’accorde avec le témoignage de Strabon!: «les Delphiens habitent au-dessous du temple, autour de la fontaine Castalie. » C’est la ville elle-même qui commence, et non pas un faubourg, comme celui de Pylæa; en effet, il n’y a plus de + ee ni de niches sépulcrales à partir de ce point, tandis qu’on en trouve un grand nombre du côté d'H. Élias, dans l’ancien faubourg de Pylæa. Le soin que prend notre guide de marquer qu’il entre dans la ville fait supposer qu’une enceinte et une porte ont frappé ses yeux et attiré son attention. En effet, la route en cet endroit est res- serrée par deux murailles, l’une hellénique, l’autre pélasgique. Au lieu de continuer en ligne droite, elles décrivent une courbe pour se rapprocher l’une de l’autre et former une espèce de défilé. Près de là se trouve une immense pierre de taille; quoique brisée des deux côtés, elle a encore une longueur de trois mètres; de plus, ce n’est pas une pierre commune du Parnasse, mais elle vient de la montagne d'H. Élias, située au-dessus de Salone, d’où l'on tirait les pierres pour les constructions soignées. Sa place, sa nature et sa forme, tout concourt pour faire penser qu’elle a dû servir de linteau ou d’architrave à la porte par laquelle Pausanias est entré et à laquelle fait allusion l’expression éoeXbôvTe eis Tv mou. à À partir de cet endroit, les deux murs s’écartent ; à droite de la route, l’hellénique monte pour soutenir une longue terrasse, et l’on en peut suivre les traces jusqu’à moitié chemin du monas- tère; le pélasgique descend et forme une suite de terrasses qui se prolongent jusqu’au monastère lui-même. C'est sur ces terrasses que s’élevaient les quatre temples; le doute n’est pas possible, car les ruines y sont si considérables qu’elles ont fait donner à cet endroit le nom de Marmaria. Ce sont des pierres du Parnasse ou d'H. Élias, percées de trous de scellements; quelques débris por- tant la trace d’un travail plus délicat, des triglyphes, des fragments de colonnes doriques en marbre, d’autres en pierre, une demi- colonne dorique. Des fouilles ont été faites en 1838 par Laurent, architecte du souvernement grec; mais il est maintenant impossible d'en profi- ter; j'en donnerai seulement les résultats tels qu'Ulrichs les a consi- 1 Strabon, 1. XX. —— 19 gnés dans son mémoire!. Il trouva les restes de quatre temples dans l’ordre suivant : 1° les substructions d’un petit temple sans restes d'architecture; 2° les substructions d’un grand temple également sans restes d'architecture ; 3° les substructions et des restes d’archi- tecture dorique d'un petit temple; 4° les substructions et des restes d’un temple rond d'ordre dorique, des morceaux de colonnes, d’ar- chitraves et de triglyphes d’un très-beau travail. Si les trois premiers temples ont peu d'intérêt; il n’en est pas de même de celui de Minerve, que son architecture et son anti- quité rendent également intéressant. Depuis vingt ans les habitants ont repris possession du terrain où les fouilles avaient été faites; les débris mis au jour ont été enfouis de nouveau, détruits ou dispersés. Il est heureux qu'un homme compétent nous ait transmis des détails sur ce qu’on avait trouvé, car il est maintenant impossible d'y rien reconnaitre. H faut donc se contenter de son témoignage, qui est heureusement fort précis. Les fragments trouvés appartiennent à un temple rond d'ordre dorique; le plan même de l'édifice a été reconnu. Il y avait un pronaos soutenu par des colonnes, mais le corps même du bâtiment n’était pas entouré de colonnes. Ce serait donc, pour la disposition, une construction analogue au Panthéon d’Agrippa à Rome. Démosthène a vanté la beauté et la grandeur de ce temple, éloge que confirme le travail des morceaux qu'on a re- trouvés; il avait-été jugé digne d’une étude spéciale par un archi- tecte grec, Théodore de Phocée, étude que Vitruve cite comme un des traités qu'il a consultés ?. Dans le pronaos était une statue d’airain colossale consacrée par les Marseïllais$. Le bouclier d'or de Crésus était une des offrandes les plus remarquables de ce sanctuaire“; mais il avait été fondu par les généraux phocidiens. Laurent a trouvé dans ces fouilles un pied en marbre que, d’après la chaussure et le bas du vêtement qui tombait sur le pied, 1l croit pouvoir attribuer à une statue de Minerve. Pausanias parle en effet d’une statue de la déesse placée dans l’intérieur, de moins grande dimension que celle du pronaos. Le temple était entouré d’une enceinte, dans 1 Ulrichs, Suppl. ? Vitruve, VIT, préface. % Pausanias, X, vu, 6. ! Hérodote, £, xcir. PTT ER laquelle on montrait les deux blocs détachés du Parnasse qui avaient écrasé les soldats perses !. Le temple de Minerve remontait à la plus haute antiquité. En effet, la terrasse sur laquelle il s'élève appartient à l’époque pé- lasgique, comme celle du temple d’Apollon : c’est, en plus petit, le même appareil; des pierres irrégulières, mais aplanies à la sur- face et assemblées avec tant d’exactitude qu’elles n’ont pas eu besoin d’être unies par des scellements en plomb pour résister au temps. Cette terrasse présente aussi cette particularité remarquable, com- mune à toutes les constructions pélasgiques de Delphes, que les lignes de jonction ne sont pas droites, mais décrivent des courbes et des sinuosités. Une pareille ressemblance dans la construction doit donc faire placer ces travaux à la même époque, c’est-à-dire au moment de la fondation du sanctuaire de Delphes. Mais les temples primitifs sont en général petits et d’une lourdeur mas- sive, tandis que l’on vantait à juste titre la beauté et la grandeur de ce temple rond. Il y eut donc une seconde construction, plus ancienne qu'Hérodote, mais qui remplaçait un premier temple. C’est à l'époque de ces remaniements qu'il faut également rap- porter l'ouverture pratiquée dans la muraille pélasgique; les pierres ont été coupées en ligne droite sur une largeur d’un peu plus d’un mètre; un trou creusé dans le côté gauche prouve l'existence d’une porte ; elle était à l'entrée d’un petit escalier qui donnait accès de la terrasse inférieure à la plate-forme sur laquelle le temple était construit. Pausanias appelle cette Athéné Tlpôvosæ, c’est-à-dire Provi- dence ou Prévoyance. C’est dans ce sens que ce surnom était pris par Démosthène, et il s’en servait pour apostropher ainsi son adversaire ? : « Regardez, non pas mon discours, mais les coutumes de tous les peuples. Toutes les villes ont élevé des temples et des autels à tous les dieux, et en particulier à Athéné-Prévoyance, comme à une bonne et grande déesse. À Delphes, à l'entrée même du sanctuaire, elle a un temple très-beau et très-grand, près d’Apollon, qui, dieu et devin , sait doublement ce qui est le meilleur. Mais il n’y a ni temple ni autel pour l’Imprévoyance et lImpudence. » ! Hérodote, VIIT, xxx1x. ? Démosthène, Contr. Aristoq. I, p. 780. 2e Nan 2e Peut-être était-ce ainsi qu'on l’entendait au temps de Pausanias, quand on voulait introduire dans le paganisme les enseignements de la philosophie et donner un sens moral aux surnoms des divi- nités. Par malheur, il faut se contenter d’une explication moins élevée, mais plus vraie. Le véritable surnom de la déesse est celui que donne Hérodote, Ilbo»nén !. Les anciens Grecs, comme les modernes, prononçaient de même » et o; de là, la confusion. Démosthènes en a profité pour un mouvement oratoire : c'était son droit, mais ce n’est pas une preuve. L’orthographe des inscrip- tions s'accorde avec celle d'Hérodote; elle est appelée [lpoyæia ? (celle qui est devant le temple) : c’est en effet sa position par rap- port au temple d’Apollon. Harpocration # donne la même expli- cation : « Il y avait à Delphes une Athéné appelée [oovaiæ, parce qu’elle est placée en avant du temple.» Ce surnom est si naturel, qu’il a été également donné à deux statues d’Athéné et de Mer- cure placées à Thèbes, en avant du temple d’Apollon Isménien *. Le culte d’Athéné a été apporté à Delphes en même temps que celui d’Apollon, et, dans toutes les occasions, elle est citée comme une des divinités protectrices de la ville. Après la chute de Cirrha, le territoire et les habitants sont consacrés, d’après l'oracle, à Apollon Pythien, à Diane, à Latone et à Athéné Pronæa”; elle est également prise à témoin des imprécations pro- noncées contre la ville ou le peuple qui s’emparera du champ sacré ; les coupables sont dévoués à sa vengeance et l'accès de son temple leur est interdit. Le soin de son sanctuaire, comme celui du temple d’Apollon, était confié aux hiéromnémonsf; ils veil- laient à ce que la pompe sacrée lui offrit un sacrifice avant d’en- trer dans l'enceinte; ils avaient soin de récompenser la piété des étrangers envers la déesse, en leur décernant les honneurs et les priviléges que la ville réservait pour ses proxènes et ses bien- faiteurs. | Aussi avait-elle part aux riches offrandes qu’envoyaient les princes et les peuples étrangers. Sans parler du collier d'Ériphile, ! Hérodote, I, xcur. ? Lebas, Voyage archéologique, n° 841, 843. Harpocration, ITpovala. Pausanias, IX, x. 5 Eschine, Adversus Ctesiph. 5 Corpus Inscriptionum, n° 1688; Lebas, n° 841, 843. Les RE que Phylarque ! signale dans ce temple, Hérodote y avait vu un grand bouclier d'or consacré par Crésus. Les Marseillais, vain- queurs des Carthaginois, n'avaient eu garde de l'oublier, et leur statue de bronze prouve que cette colonie lointaine des Phocéens regardait la déesse comme une des divinités nationales de la Grèce et protectrices du temple de Delphes. Mais aussi, au jour du danger, elle était exposée la première aux coups de l'ennemi. Les Perses avaient pénétré jusqu’à son temple? ; de même les Gaulois de Brennus°. Marmaria est en effet la clef de la position. Un rameau projeté du Parnasse s’avance en cet endroit et rétrécit la route. Une fois ce point emporté, il de- vient facile de pénétrer dans ia ville. Devant soi on a les cons- tructions de Delphes placées en étage; on pouvait distinguer les différents temples, les quadriges, les statues de bronze doré, enfin cette enceinte à la couronne d’airain, comme l'appelle l'inscrip- tion citée plus bas (yæAxooTéQavor Téuevos). Par derrière, les àpres montagnes du Kirphis et les ravins escarpés du Parnasse semblent fermer la route et refuser tout passage à des fuyards. Quel encouragement pour bien combattre; il fallait vaincre ou périr; et quel espoir de butin! C'était de là qu’un chef devait montrer la ville à ses soldats. C'était là aussi que le dieu devait les arrêter, s’il ne voulait pas avouer son impuissance et voir sous ses yeux tomber ses défenseurs et forcer son sanctuaire. Même prodige arrêta les Perses et les Gaulois : un orage terrible et des pierres énormes tombant du Parnasse. Le temple de Minerve est en effet au pied de la montagne; de ses flancs à pic ont pu se détacher les quartiers de roc qui écrasèrent les assaillants; une pierre énorme enfoncée dans le sol rappelle les blocs tombés du Parnasse, que l'historien affirme avoir vus dans l'enceinte du temple de Minerve. Ce fut en cet endroit que les Grecs vainqueurs dressèrent un trophée avec l'inscription suivante “ : Mrêôué + dheËdvdpou moképou nai uéprupa vinas Ac}Çoi p ëolacar, Zavi yapiéopevor oùv Doiéw, mT0]{ropÜov dnwoauevor oTliya Mydwv nai yaxooTéGavor buoduevor Téevos. ! Fragments des historiens grecs, éd. Didot. 2 Hérodote, VII, xxxvu. 5 Justin. “ Diodore de Sicile, XI, x1v. de, Se Minerve elle-même s'était mêlée à la lutte; un cri terrible, parti de son sanctuaire, avait jeté l’épouvante parmi les Perses ; ies Delphiens croyaient l'avoir vue elle-même combattant contre les Gaulois. C'était donc justement qu’elle était associée à Apollon et qu’elle avait part aux honneurs comme aux dangers. Le héros Phylacus avait aussi pris la défense de ses concitoyens. Sa chapelle, dit Pausanias!, était voisine du temple d’Athéné. Hérodote en marque plus précisément la place : « L’héroon de Phylacus est sur la route même, au-dessus du temple d’Athéné Pronœa 2.» La route ancienne passait donc immédiatement au- dessus de Marmaria; à gauche était le temple d’Athéné, à droite la chapelle de Phylacus. Gymnase. De Marmaria, on arrive en quelques pas au monastère de la Panagia. Ce n’est pas un couvent, mais une ferme (weroyr) du grand couvent de Jérusalem, situé à l’est, dans le Parnasse. L’unique caloyer qui y demeure est moins soucieux de la petite église que du pressoir et des moulins à huile dont il surveille et vend les produits. On y a formé un petit musée, assez insignifiant, dont M. Michaëlis et Conze ont fait l'inventaire minutieux et dessiné plusieurs morceaux ?. Nous y avons fait transporter un petit ornement d'architecture en marbre que nous avons trouvé dans nos fouilles et qui est une nouvelle preuve de l'emploi de la peinture dans les monuments. Ce sont trois bandes plates entrelacées ; celle du milieu était d’un rouge vif, tandis que les deux autres n'avaient aucune trace de couleur. | On peutdire qu'il n’y a dans ce musée aucun morceau au-dessus du médiocre, et cela dans une ville qui comptait autrefois les sta- tues par centaines, et où les plus grands artistes de la Grèce en- voyaient leurs chefs-d'œuvre. Il est probable que les habitations renferment d’autres sculptures; mais comme le gouvernement les prendrait sans payer, les habitants ont grand soin de les cacher et de les briser pour les vendre en petits morceaux aux étrangers. Les ruines au milieu desquelles est construit le monastère ap- 1 Pausanias, X, vit, 6. 2 Hérodote, VIIT, xxxix. 3 Bulletin de l'Institut archéol, de Rome , année 1861, partiennent au gymnase que Pausanias mentionne immédiatement après les quatre temples de Marmaria. Il est à regretter que les bâtiments et les plantations du monastère empêchent de dégager ce qui en reste; car les ruines des gymnases sont assez rares et ne donnent qu’une idée très-imparfaite de l'architecture civile des Grecs. Celui de Delphes appartient à la meilleure période de l’art grec, comme on peut le reconnaître à la solidité des murs, com- posés d’une double assise, à la régularité avec laquelle les pierres sont disposées. Il serait curieux de voir comment l'architecte s’est plié aux exigences du terrain et comment il a modifié le plan ha- bituel de ce genre de bâtiments pour l'adapter à des niveaux très-différents. On est trop porté à croire que l’art grec se renfer- mait dans une forme toujours semblable. L'Érechthéion montre de quelle manière on savait varier le plan selon la nécessité, et sans doute on en verrait ici une nouvelle preuve. Mais, dans ‘état actuel, on ne peut songer à retrouver le plan primitif ni à fixer la destination de chacune de ses parties. La salle des bains est seule facile à reconnaitre, et je m'étonne qu’elle ait échappé à l'attention de ceux qui ont écrit sur les antiquités de Delphes. A 27 mètres. Salle de bains du gymnase. 15 m, D Elle est située au delà du monastère et forme une figure irré- gulière de cinq côtés. Trois de ces côtés, AB, BC, CD, se coupent à angle droit comme les côtés d’un carré, mais le quatrième est MISS. SCTENT. — II. 2 1Ù lu, EL, remplacé par deux lignes d'inégale dimension. Le mur du fond, AB, formé d'assises régulières et d'un beau travail est parfaitement con- servé jusqu'à une hauteur de deux mètres au-dessus du sol actuel. Il est percé de onze trous placés sur la même ligne et à une dis- tance uniforme l’un de l’autre; celui du milieu est plus grand. Au- tour de chacun est une empreinte circulaire tracée par les orne- ments de métal qu’on y adaptait et qui devaient figurer des gueules d'animaux d'où l’eau Jaillissait. Cette eau était sans doute dérivée du ruisseau qui passe devant Castalie, et amenée dans cette salle par des canaux dont la trace n'est plus visible. En saillie sur le mur DE est une rigole {r) encore en place, par laquelle l’eau s'écoulait. Le côté BC est caché dans le cellier du monastère et moins bien conservé. Les trois autres côtés n'étaient que des murs de soutenement, rendus nécessaires par la différence du niveau ; aussi sont-ils d’une construction moins soignée. Cette plate-forme est aujourd’hui couverte d'oliviers et l’on ne peut y fouiller. Mais les anciens du pays prétendent y avoir vu un grand bassin dans lequel l’aga nourrissait des poissons, et c'est ce récit, étrange au premier abord, qui m'a mis sur la trace et m'a fait reconnaître la destination de cette partie du gymnase. C’est la seule sur laquelle on puisse aujourd’hui prononcer avec certitude. Pausanias fait aussi mention d’un hypèthre. Cette pro- menade découverte était en effet une des parties essentielles du oymnase; les portiques qui l’entouraient étaient d'ordre dorique, si du moins les triglyphes placés de chaque côté de la porte du monastère proviennent des ruines du gymnase. Dans la cour de l'église, comme dans les bâtiments qui l'environnent, on retrouve, en grattant le sol, les traces d’une mosaïque qui sert à déterminer le niveau antique. Dans le jardin, on retrouve un mur hellénique double (20 mètres), de la plus belle construction, qui fait suite au mur du fond de la salle de bains; il continue encore dans le petit bâtiment où l’on fabrique lhuile, et, après plusieurs dé- tours, s'enfonce sous terre. On voit donc combien les dimensions de cet édifice étaient vastes, et la beauté de la construction montre qu’il faut l’attribuer à la meilleure époque de l’art grec. Chose étonnante, pas une inscription n'a été trouvée sur cet emplacement, ce qui prouverait qu'on n’y a jamais fouillé, car c'était au gymnase que devaient être placées les listes d’éphèbes, les décrets rendus en leur honneur, les récompenses décernées à ES leurs maitres. Les fouilles récentes d'Athènes ont prouvé quels do- cuments précieux pouvaient se trouver dans les établissements de même nature. Le gymnase était une des parties les plus essen- tielles d’une cité. Pausanias, parlant d’une petite ville de Phocide, dit que c'était à peine une ville, puisqu'elle n'avait ni théâtre ni gymnase. C’est au gymnase en effet que les jeunes gens étaient élevés en commun. Les inscriptions athéniennes parlent bien des cours des philosophes suivis avec assiduité, de livres copiés; mais il est surtout question de sacrifices et d'offrandes aux dieux de la patrie, de courses aux flambeaux, d'exercices militaires et gym- nastiques. Là se formait la jeunesse, et avec elle se préparait l'avenir de la cité. Aussi le gymnase de Delphes était placé sous la protection des Hiéromnémons!; et la surveillance en était confiée à l’un des prin- cipaux citoyens. Une des nouvelles inscriptions mentionne, comme émmme>hntis, Athanion fils de Patron, d’une des grandes familles de Delphes, et qui lui-même devint plus tard sénateur, archonte et grand prêtre. La surveillance du gymnase est un des titres rap- pelés par le décret des Amphictyons et qui le rendent digne de la protection spéciale des membres de ce conseil ?. Pausanias rattachait au gymnase la légende célèbre d'Ulysse blessé par un sanglier; il en indique même le lieu précis : c’est dans l’hypèthre. Je ne crois pas qu'on puisse reconnaître, dans les terrasses superposées de ce terrain, les halliers (Bÿoou) dont parle Homère; on les retrouverait plutôt sur le plateau des Ka- lyvia. Cette tradition est le seul motif qui amène dans Pausanias la mention du gymnase. Il avait vu trop d’édifices du même genre pour donner plus de détails sur celui de Delphes. I poursuit donc son chemin, en indiquant à une distance de trois stades environ, sur la gauche et en descendant, le fleuve appelé Pleistos. 1 parle de cette course, mais sans l'avoir faite; car la distance est beau- coup plus considérable. La fatigue d’une descente rapide et son désir d'arriver plus tôt ! Inscriptions inédites de Delphes , n° 1. ? Une inscription inédite de Rhodes, que j'ai publiée daus la Revue archéolo- gique (mars 1865), montre également l'importance de ces fonctions. C'est la liste des charges exercées par un citoyen pervenu à la première magistrature de la république. La surveillance des enfants {émo7aras rüy nud@y) est rappelée entre un commandement militaire et un sacerdoce. ES 4 à l'enceinte sacrée l’auront empêché de se détourner de sa route. Évidemment, il avait un mauvais guide, qui ne lui a pas indiqué l'endroit où s’est précipité Sybaris, et ne lui a pas raconté cette légende dramatique : le monstre qui ravageait la contrée, l’oracle qui ordonnait de lui livrer un jeune homme, le dévouement d'Eu- rybatos, qui s'offre à la place de son ami, et sa victoire sur le monstre. Une source jaillit à l'endroit où celui-ci avait suecombé. 1 faut chercher Sybaris dans le lit du petit torrent qui tombe du Parnasse et se précipite vers le Pleistos entre deux murailles de rochers. À l'endroit le plus sauvage, dans une caverne creusée dans le roc, s'ouvre un gouffre, rempli d'eau, dont on ne peut atteindre le fond, Zalesca ou Pappadia. Les Grecs modernes, non moins amis du merveilleux que les anciens, y ont aussi placé leur légende. Du haut de ces rochers est tombée la femme d’un pappas qui menait paître ses troupeaux sans respect pour le repos du dimanche. | | Si Pausanias avait connu la légende de Sybaris, aurait-il résisté au désir de la raconter? Il la donc ignorée, et, sans se douter qu'il laissait échapper une aussi belle histoire, 1l a continué son chemin. «A la sortie du gymnase, en suivant la route qui monte vers le sanctuaire, il y a à droite la fontaine de Castalie, dont l’eau est agréable à boire !.» Après cette remarque très-juste, il est fort oc- cupé de savoir si c'est un homme ou une femme qui a donné son nom à la source; si c'est l’'Achéloüs qui en est le père; il penche fort vers l'opinion des habitants de Lilæa, qui soutiennent que son eau est un présent du Céphise. Tout entier à ces futilités, il oublie de nous donner des détails qui nous intéresseraient bien davantage. La fontaine de Castalie est devenue un synonyme de l'inspira- tion poétique. C’est aux Latins qu'elle doit cette réputation. Les poëtes grecs avaient seulement vanté la pureté de ses ondes, aussi brillantes que l'argent (doyuposrdets divou); l'eau de cette source chérie du dieu servait aux purifications des visiteurs et des pré- tresses; elle seule devait être employée pour arroser le pavé du temple?. Les poëtes latins en ont fait le séjour d’Apollon et des Muses; ils demandent au dieu de remplir leur coupe de l'onde de Castalie. Grâce à leurs vers, la fontaine de Castalie est l'endroit le plus fréquenté des voyageurs, et chacun y conserve le caractère de l Pausanias, X, VIN, 9. ? Euripide, lon, v. 95. - -#- sa nation ; l'Anglais ouvre son guide et goûte l’eau; l'Allemand rève et se croit obligé de soupirer quelques vers; le Français regarde un instant et, s’il est en compagnie, se hâte de plaisanter. Il est certain que la réalité ne rappelle guère les souvenirs ni l'idée poé- tique qu'on se forme d’une fontaine chérie des Muses. De près, c'est un bassin bourbeux, un mince filet d’eau qui s'échappe d’une vase épaisse. C’est seulement à distance que la poésie reprend ses droits sur l'imagination. Les Grecs avaient su tirer parti de la situation de la fontaine et en avaient fait une chose assez remarquable. Le rocher a été taillé et aplani avec soin; on y a creusé un bassin destiné à re- cevoir l’eau et auquel on descendait par quelques marches tail- lées dans le roc. Au fond de ce bassin on avait également taillé dans le rocher un petit mur, percé de trous qui laissent échapper l'eau dans le réservoir; des ornements en bronze, comme au gym- nase, ont laissé autour de ces trous une empreinte circulaire; il y avait aussi des plaques de marbre ou de métal dont la trace est restée sur le rocher. Derrière ce petit mur, haut de 2",50, est un conduit creusé dans le roc, qui reçoit l’eau, passe derrière ce mur, et tourne à angle droit pour porter au dehors le superflu de cette eau. En suivant ce conduit, pratiqué dans le rocher, on arrive à la source elle-même. Dans la paroi du fond, au-dessus du bassin, est une grande niche destinée sans doute à la statue de la nymphe; de chaque côté 11 y a une niche plus petite. Cet arrangement si simple ne devait pas manquer de beauté; on dissimulait l'humble origine de la source, qui ne tombe que goutte à goutte; l’eau cou- lait par six trous à la fois dans le bassin; et le rocher qui l'encadre lui donne une certaine grandeur. C’est un nouvel exemple du bon goût avec lequel les Grecs savaient disposer les choses les plus simples. | Dans le coin à droite il y a maintenant une petite chapelle, ou plutôt une masure de quelques pieds, consacrée à H. [ohanès; elle est perchée sur le petit mur dont j'ai parlé, et adossée au ro- cher. Quelques voyageurs ont voulu y voir l’héroon d’Autonoüs, . qu'Hérodote indique à côté de Castalie et aux pieds de la roche Hyampeia. Mais il ne serait jamais venu à l’idée des Grecs de ju- cher en pareil endroit la moindre construction; ç'aurait été dé- truire toute l'harmonie de la fontaine, et le plus petit héros ne se serait pas contenté d’une chapelle aussi exigué. Cette chapelle de ET Saint-Jean ne me paraît donc pas avoir été élevée sur l’emplace- ment d’une chapelle antique ; je crois plutôt qu'on l’a construite pour sanctifier ce lieu , autrefois consacré à une divinité païenne, et rassurer les chrétiens contre la vengeance de la Néréide que les habitants de Castri ont plus d’une fois entendue murmurer pendant la nuit. Quant à l’héroon d’Autonoüs, Hérodote dit «qu'il est près de Castalie, au pied de la roche Hyampeia !. » Or, avant d'arriver à la source, il ÿ a une petite plate-forme qui aurait très-bien pu rece- voir un temple de petite dimension. La roche Hyampeia, qui s'élève au-dessus de la fontaine et de l'héroon, rappelait aux Delphiens de tristes souvenirs?. Du som- met on précipitait les sacriléges; sans parler de la Créuse d'Eu- ripide, d’autres exemples nous montrent cet usage en vigueur. Dans une lutte intestine, un citoyen de Delphes cacha dans la maison de son ennemi un vase sacré, et le fit condamner et pré- cipiter comme sacrilége. Ésope fut déclaré sacrilége par la même ruse et précipité de la roche. Mais la vengeance du dieu força les Delphiens à réparer leur crime; ils envoyèrent partout des dépu- tations pour trouver quelqu'un qui voulüt accepter la rançon (our) de l’âme d'Esope“. La roche Hyampeia ne servit plus désor- mais à l'exécution des criminels; on les précipita du rocher de Nauplia, situé au delà des aires de Castri. Près de Castalie, on montrait encore, aux temps de Théophraste® et de Pline‘, le platane planté par Agamemnon, lorsqu'il vint con- sulter l’oracle avant de partir pour Troie. Dans ces dernières an- nées, les habitants de Castri ont coupé un vieux platane qui poussait au-dessus de la fontaine moderne : c'était le seul de la contrée et probablement quelque descendant de ce platane légen- daire planté 3,000 ans plus tôt par la main du roi des rois ; exemple curieux de la persistance des traditions sur le sol grec. Près de cet arbre, une statue de bronze rappelait l'attaque du serpent Python. Selon Cléarque ?, disciple d’Aristote, Latone, conduisant 1 Hérodote, VIIE, xxxix. ? Euripide, lon, v. 1222. Plutarque, De Ser. num. vind. Hérodote, Il, cxxxrv. Théophraste, Plant. IV, x. ) Pline, XVIT, Lxxxvr. Fragm. des historiens grecs, 1. I, p. 318. = CR PT 2 4 ES Apollon et Diane, à Delphes passa près de la caverne du serpent Python, qui s’élança sur eux. Tenant Diane dans ses bras, Latone monte sur la pierre « qui maintenant encore est sous les pieds de la Latone en bronze; ia statue qui représente la déesse en ce mo- ment est placée près du platane à Delphes. » La caverne de Py- thon, c’est le ravin sombre et profond d'où s'échappe le petit ruisseau tombé du Parnasse; la place du platane et de la statue est donc au-dessus de la fontaine qui est à droite de la route. En- core une offrande curieuse, une traditon intéressante que Pausa- nias a laissé échapper. CHAPITRE IL PÉRIBOLE. — TRÉSORS. Après avoir passé devant Castalie, Pausanias s'arrête un instant pour contempler l'aspect général. « Toute la ville de Delphes est en pente; il en est de même pour le reste de la cité et pour l’en- ceinte sacrée d’Apollon. Celle-ci est très-grande et située tout en haut de la ville; elle est percée d’un grand nombre d’issues!. » De: la place où il s'était arrêté, la ville ne présente plus cette forme. de théâtre qui a frappé les écrivains de l’époque romaine. Stra- bon l'appelle æerpédes yuprov, Seurpoedés?; et Justin, Rupes in theatri formam recessit; comparaison très-juste et qui donne l’idée la plus exacte du site de Delphes. Les rochers à pic qui forment autour de la ville une enceinte demi-circulaire rappellent la gale- rie supérieure des théâtres romains; les terrasses, échelonnées les unes au-dessous des autres, semblent d'immenses gradins disposés par la nature, et la masse du Kirphis se dresse au sud comme le mur de la scène. Comme le dit Pausanias, le sanctuaire était tout en haut de là cité; c’est là que s’élevaient les monuments les plus importants.et que restent les ruines les plus considérables. Le sanctuaire était enfermé dans une enceinte dont il subsiste des traces assez: nom- breuses pour qu’on puisse le restituer avec certitude. Je crois qu'on peut placer l'entrée du péribole auprès de la petite fontaine que les l Pausanias, X, vaut, 0. ? Strabon, IX, 111. 3 Justin, 1. XIV. = DENT de” Grecs ont construite sur la route actuelle d'Arachova à Chrysso. Dès qu'on l’a dépassée, on voit à droite quelques assises helléniques; bientôt elles s’enfoncent sous terre en montant dans la direction de Kerna : c’est le mur nord du péribole. Le sanctuaire n'allait pas jus- qu’au rocher; les niches sépulcrales qu’on y trouve en sont une preuve suffisante. Il ne reste plus de traces de ce mur septentrional jusqu’au rocher de Kerna, qui est en haut du village. Kerna est un gros bloc isolé d'où jaillit une source abondante; il n'était pas compris dans le péribole, car dans la cour de la maison inférieure est un rocher tombé du Parnasse, dans lequel on a creusé un tombeau. C’est à peu près vers cet endroit que le plan levé par Laurent, en 1838, marque un fragment du mur d'enceinte. Ce fragment a été détruit depuis ou est caché dans une maison. Cette disparition d’une ruine est un fait trop fréquent pour qu'il auto- rise à révoquer en doute le témoignage positif d’un homme com- pétent. Revenons à notre point de départ, c’est-à-dire à la petite fontaine située à l'entrée du péribole. À gauche et au-dessous la route est soutenue par une muraille hellénique, qui a plusieurs mètres de hauteur. Elle disparait presque derrière la verdure du lierre qui la tapisse, elle est masquée en partie par une construc- tion en blocage; cependant on peut la suivre pendant plusieurs mètres et s'assurer qu’elle monte dans la direction de l’'Hellenico. C’est là sans doute le mur méridional du péribole; le débris le plus apparent et le mieux conservé est la muraille hellénique que les habitants appellent Hellenico. Dans le milieu elle a cédé à la poussée des terres, qui a fait une trouée considérable. Les assises, surtout celles du bas, ne sont pas très-régulières, mais la belle teinte dorée que lui a donnée le soleil et sa longueur en rendent l'aspect imposant. Ce mur a plus de cent dix mètres de long; il est parallèle au mur pélasgique qui soutient le temple, et, par consé- quent, au temple lui-même. Cette partie est en saillie sur le reste du mur et renfermait plusieurs terrasses successives, où s’élevaient les temples de la Terre et des Nymphes, des colonnes honorifiques et d’autres petits édifices. Les deux angles sont marqués d’une façon évidente; l’un, au-dessous de l’école qu'il soutient, l’autre, sous le sentier qui descend à la chapelle d’'H. Georgios. Les deux murs, partant de ces angles, remontaient parallèllement vers le nord. J’ai fait faire un sondage au point +, au-dessus de la route d’Arachova; on a mis au jour un petit mur pélasgique, qui est EMI ES RS exactement dans la direction du mur qui forme avec l’Hellenico l'angle oriental; ce mur pélasgique continue et se montre, hors du sol, dans les deux maisons placées au-dessus du point æ. J'ai fait faire également un sondage à l’autre angle aux points x x’; le mur qui remonte vers le nord est d’abord hellénique, puis devient pélasgique à la même hauteur que l’autre. Cette coïnci- dence peut faire supposer qu’il y a eu un premier péribole cons- truit en même temps que le sanctuaire primitif et qui était moins étendu. Quand les Hellènes l’agrandirent, la face sud devenait inutile, mais ils profitèrent des deux côtés, suivant leur système constant de ne pas tout détruire pour reconstruire, mais de tirer parti des travaux de leurs devanciers. En suivant la direction du mur qui part de l'angle occidental de l'Hellenico, c’est-à-dire en remontant du sud au nord, on arrive à une maison du village située à droite de la route d’Arakova. Cette maison s'appuie sur un mur hellénique, qui est le prolongement de l'Hellenico. De maison en maison, On peut suivre ce mur Jusqu'à la sortie du village. Au-dessous de la route, est un autre mur hellénique pa- rallèle au précédent et qui va également jusqu’à la sortie du vil- lage; dans le dernier jardin où il paraît, il est traversé par un conduit souterrain. L’un de ces deux murs, probablement le mur supérieur, est la suite du mur méridional du péribole; l'autre était destiné à soutenir la route. Je n'ai pas trouvé de traces du mur occidental ; mais il y en a un fragment marqué sur le plan de Laurent. Son témoignage me parait d'autant plus digne de foi que tout à côté sont les ruines du théâtre qui s’appuyait à l'enceinte sacrée. En jetant les yeux sur le plan, on voit donc que le péribole formait une espèce de triangle isocèle, si l’on ne tient pas compte de la saillie signalée au-dessous du temple. Le sommet du triangle est auprès de la fontaine moderne; les deux côtés sud ei nord s'écartent peu à peu l’un de l’autre, selon la configuration même du terrain, et aboutissent, l’un à la dernière maison du village, sur la route, l’autre, un peu au-dessous du rocher de Kerna. Ainsi le péribole occupait à peu près l'emplacement du village moderne et des champs qui s'étendent du village à Castalie. Trésors. Le sanctuaire de Delphes était un des plus riches, sinon Île ST plus riche de la Grèce. « Autrefois, dit Strabon, il était honoré d’une manière extraordinaire (drep6a\)drTws) ; c'est ce que mon- trent les trésors qu’y ont bâtis les princes et les peuples, et dans lesquels ils déposaient les richesses consacrées et les œuvres des meilleurs artistes!. » Même au temps de Pline l'Ancien, c’est-à-dire après les pillages des Phocidiens, de Sylla et de Néron, qui d’un seul coup avait enlevé cinq cents statues de bronze, on en comp- tait encore plus de trois mille. Pausanias n’a pas voulu en faire le catalogue complet. « Je ferai mention des offrandes qui m'ont surtout paru dignes d’attention?. » De son temps, il y avait des livres spéciaux et détaillés sur ce su- jet; le titre de plusieurs de ces traités est parvenu jusqu'à nous; un traité d’Alcétas sur les offrandes, un autre de Polémon l’Athé- nien , sur les trésors de Delphes; les pillages du sanctuaire avaient été racontés par Théopompe et Anaxandridès ie Delphien. Ce n’é- taient probablement pas les seuls, et Pausanias pouvait avec raison regarder comme inutile de dresser une liste exacte et complète des offrandes. Malheureusement tous ces auteurs ont péri, et, sans leur secours, il est difficile de se reconnaître dans sa longue énumération. 11 s'amuse à raconter en détail les fables plus ou moins ridicules des exégètes, et il n’a pas un mot pour dire si les offrandes dont il parle sont à droite ou à gauche de la route, pas une ligne pour indiquer à quel moment il arrive devant le temple. 11 faudrait même renoncer à introduire quelque ordre dans cette masse confuse, si quelques passages d'Hérodote et de Plutarque ne fixaient la place du grand autel et des groupes qui l'entourent. Tous deux, mieux que Pausanias, connaissaient l'enceinte sacrée. Hérodote savait quelles richesses renfermaient les trésors, leur origine, leur poids, leurs changements; il était même au courant des supercheries que l’on tentait pour se faire gloire d’une offrande consacrée par un autre; son autorité est donc décisive. Les indi- cations de Plutarque sont moins précises, parce qu’elles sont se- mées dans le dialogue et font partie de la mise en scène, mais souvent elles sont encore plus claires et plus précises que celles de Pausanias. Jusqu'au temple, on ne peut fixer avec certitude l'emplacement 1 Sirabon, IX, 117. 2 Pausanias, X, 1x, 1. se (OR de chacune des offrandes; il n’y a pas même de ruines qui per- mettent de confirmer ou de rectifier l’'énumération de Pausanias; il faut donc se contenter de suivre l’ordre qu'il indique, en s’ar- _rétant seulement aux groupes qui présentent le plus d'intérêt sous le rapport de l’art ou de l’histoire. Les statues des athlètes et des vainqueurs aux jeux Pythiens étaient en dehors du sanctuaire; Pausanias les trouve peu dignes d'intérêt et ne cite que celle de Phaylle, le Crotoniate, trois fois vainqueur, et qui combattit contre les Mèdes avec un vaisseau construit à ses frais !. Nous avons trouvé dans le torrent un mor- ceau de marbre avec ces lettres IIO AA QNT, qui provient pro- bablement de la base d’une de ces statues ?. * Après être entré dans l’enceinte sacrée, on rencontre d’abord d’un même côté le taureau d’airain des Corcyréens, et les statues offertes par les Tégéates vainqueurs des Lacédémoniens ÿ. En face (draTixpù TouTwv), étaient les statues consacrées après la défaite des Athéniens à Ægos-Potamos. Pausanias * décrit en détail ce groupe, l’un des plus considérables par le nombre des statues et des plus célèbres par la victoire qu'il rappelait. La do- mination d'Athènes avait excité une telle haine qu’elle tomba à la joie générale; l'enthousiasme fut si grand qu’on prit un change- gement de servitude pour la liberté. Il n’y eut pas d’honneurs assez grands pour le général qui avait mis fin à la guerre; il devint plus qu'un homme, des autels lui furent élevés, des sacrifices offerts en commun avec Jupiter libérateur. À Delphes, Sparte ne paraît pas, mais seulement Lysandre : c’est lui qui occupe la place principale. Au milieu d’un groupe de divinités, Jupiter, Apollon, Diane, il paraît couronné par Neptune, escorté par son devin et son pilote; les Dioscures, qui ont guidé son vaisseau, sont associés à sa gloire. IH fallait bien cependant faire une place aux autres gé- néraux qui, eux aussi, avaient combattu et vaincu. Les statues de vingt-neuf chefs spartiates ou alliés satisfaisaient la vanité des villes grecques et attestaient leur haine contre Athènes. Mais elles étaient placées derrière le groupe de Lysandre et des divinités. Il y avait entre lui et les autres la distance qui sépare la terre de 1 Pausanias, X, 1x, 2. ? Inscriptions inédites de Delphes, n° 167. * Pausanias, X, 1x, 5. “Id. ibid. 5. = l'Olympe. Ces statues étaient l'œuvre de neuf artistes de Clitor, de Mégare, d'Argos, de Calaurie, de Sicyone, où des écoles de sculpture s'étaient maintenues malgré la gloire de l’école athé- nienne. Placé à l'entrée du sanctuaire, ce groupe de trente-huit statues ne pouvait manquer d'attirer l'attention des visiteurs. Les exégètes n’oubliaient pas de rappeler l’oracle de la Sibylle qui avait prédit le désastre des Athéniens, et, si le voyageur était un ami de la cité vaincue, ils lui faisaient sans doute remarquer le dernier vers, qui attribue la défaite à la trahison des généraux vendus à l'ennemi !: ils faisaient aussi mention des étoiles d’or placées sur la tête des Dioscures et qui avaient disparu avant la bataille de Leuctres?. Au lieu d'écouter leurs bavardages, les ama- teurs s’extasiaient sur l'éclat et la fleur du bronze 5, sur cette belle couleur azurée (xvar) qui jetait sur les chefs comme un reflet des eaux de la mer. Du mérite de ces statues, il n’en est pas ques- tion dans le dialogue de Plutarque, mais on disserte à perte de vue sur les causes de cette couleur, qui enchantait les connaisseurs. L’étranger de Plutarque, que l’on promène au milieu des of- frandes, était un de ces amateurs blasés sur la beauté des statues et sensibles seulement aux curiosités. La couleur du bronze avait pour lui plus d’attrait que les œuvres de Phidias; car il passe sans mot dire devant les statues que les Athéniens avaient consacrées avec le produit de la dime du butin de Marathon *. Elles formaient un contraste frappant avec le ‘groupe précédent. L’offrande des Lacédémoniens avait été faite par Lysandre lui-même, de son vi- vant et par ses soins; la gloire de la patrie y était sacrifiée à la vanité d’un seul homme. L’offrande des Athéniens, au contraire, était vraiment nationale : C'étaient les dieux protecteurs de la pa- trie, Apollon et Minerve, les héros éponymes. Un homme sy trouvait, mais c'était le vainqueur de Marathon, mort victime de l'ingratitude de ses concitoyens; un tel honneur n'était qu’une juste réparation. Ce n'étaient pas des artistes inconnus, mais le plus grand sculpteur de l'antiquité qu'Athènes avait chargé de perpétuer le souvenir de sa victoire. En voyant les sculptures du Parthénon, on peut se figurer la manière dont Phidias avait traité l Pausanias, X, 1x, 6. ? Plutarque, Lys. xvurr. 5 Id. de P. Or. 1. 1 Pausanias, X, xs0. tn ot mi tr - nen PE — D les divinités ; mais comment avait-il traité cette statue de Miltiade, le seul portrait qu'on cite de lui? Comment avait-il concilié la ressemblance nécessaire des traits avec la beauté idéale qu’il donne à ses figures? Le nom de l'artiste et le souvenir de Marathon devaient assurer le premier rang à cette offrande des Athéniens. Pourquoi leurs descendants ont-ils consenti à la rabaïsser, en mé- lant à ces statues celles de Ptolémée, d’Antigone et de Démétrius ? Quelle triste opposition entre la victoire qui avait sauvé la liberté de la Grèce et ce témoignage de làcheté ou de reconnaissance servile ! Les offrandes des Argiens étaient voisines de celles d'Athènes !; c'étaient le cheval Durien, les sept chefs qui avaient combattu devant Thèbes, les Épigones, les héros de l’Argolide, anciens vainqueurs, dont les images devaient rappeler les triomphes ré- cents des Argiens sur les Lacédémoniens. Puis vient une suite de trésors et d’offrandes. Isolés, ces monu- ments ont peu d'intérêt, mais leur ensemble prouve que Delphes était le centre du monde hellénique, et fait voir combien les Grecs et même leurs colonies lointaines tenaient à y faire montre de leur puissance ou de leur richesse ?. Marseille, Tarente, Lipari, Spina, Agylla y envoyaient la dime des dépouilles des barbares vaincus ; Syracuse voulait rappeler qu'elle avait porté le premier coup à la domination d'Athènes, alors victorieuse de Sparte; les tyrans mêmes, comme Hiéron, avaient été fiers de consacrer leur statue dans le sanctuaire. Les colonies de Thrace et d'Asie Mineure, Potidée, Cnide, Érythres, Clazomène, qui n'avaient à se glorifier d'aucun triomphe, avaient cependant élevé des trésors, pour attester moins leur piété envers le dieu que leur opulence; les Thessaliens de Pharsale, les Macédoniens de Dium tenaient à constater leur origine grecque par l'envoi d’offrandes; la colonie de Cyrène consacrait Ammon sur un char, souvenir des victoires de ses rois aux jeux publics de la Grèce ; la renommée du sanctuaire avait ébloui jusqu’à la peuplade barbare des Pæoniens, qui dédiait à Apollon une tête de bison en airain. Les Grecs proprement dits rivalisaient de richesse dans leurs constructions ; les habitants de la petite île rocheuse et stérile de 1 Pausanias, X, IX, 10. ? Id, ibid. x et suiv. Strabon; Hérodote, I. ES Siphnos avaient construit un trésor égal à celui des cités les plus opulentes!. C'était le dixième du produit de leurs mines d'or et d'argent; au dire des exégètes, jaloux de la gloire de leur dieu, la mer les avait englouties, le jour où les habitants avaient cessé d’en envoyer la dime à Apollon. Pausanias? semble avoir parcouru rapidement toute cette partie du sanctuaire ; il ne cite le nom d’aucun sculpteur, ce qui prou- verait qu'il n’y avait pas d'œuvres ayant un mérite artistique , et que les trésors étaient depuis longtemps dépouillés de leurs richesses. Aujourd'hui, il ne reste même pas trace de ces édifices, ou ruinés ou ensevelis sous la terre. Dans tout cet espace, on trouve une seule pierre qui porte la trace évidente d’un travail ancien; elle est au- dessus de la route actuelle, à cinquante mètres environ des pre- mières maisons du village.-C’est un quartier de roc dont la face a été aplanie et percée de trous disposés régulièrement; un autre fragment, placé à peu de distance et sur la même ligne, paraït en être la continuation. [1 m'a semblé distinguer l’empreinte d’or- nements qui auraient été fixés dans ces trous; cette empreinte est d’une forme allongée dont les deux extrémités vont en s’amin- cissant, à peu près comme serait l'empreinte d’un éperon de ga- lère fixé dans le rocher. C’est un indice bien faible, mais, dans cette partie, on est encore heureux de trouver quelque chose, si peu que ce soit, qui donne prise à une supposition. Serait-ce le portique construit par les Athéniens * après les victoires navales de Phormion ?Pausanias“ dit qu’on y avait consacré les &x0a xoouyuara des vaisseaux enlevés aux ennemis; c’est une première idée des 1 Hérodote, IT, zvri. 2 Pausanias, X, xI, 1. $ Un ancien commentateur, Mursgrave, s'est imaginé de supposer que les bas-reliefs décrits par le chœur dans Îa tragédie d'Ion sont les peintures de ce portique des Athéniens; c'aurait été, pour les Athéniens, une allusion flatteusc à leurs récentes victoires. De là un plus vif intérêt donné à cette scène; de là encore un moyen de fixer la date de cette tragédie; car il n’y a rien d’aussi ingé- nieux et d'aussi fertile en applications qu'une hypothèse fausse. Cette supposition a passé dans tous les commentaires sur l'Ior d'Euripide, et, à force d’être répé- tée, elle est presque devenue une certitude. On voit qu'elle ne repose sur aucun fondement. D'abord nous ne savons pas s’il y avait des peintures dans ce portique des Athéniens, et, en suivant la description de Pausanias, on reconnaît que ce monument était au moins à une centaine de pas du temple, tandis que le chœur est arrêté devant la porte de l'édifice et en décrit les bas-reliefs. “ Pausanias, X, x1, 5. RE colonnes rostrales élevées par les Romains. L’empreinte restée sur la pierre est-elle donc celle de ces ornements de vaisseaux? Je donne cette supposition pour ce qu’elle vaut, en ajoutant que la place correspond assez bien à celle qu'indique Pausanias pour le portique des Athéniens. Il ajoute : « À mon avis, à la suite de ces victoires navales, on institua des sacrifices à Thésée et à Nep- tune à l'endroit appelé Rhium. » I1 n’y a pas de doute pour les sacrifices offerts à Neptune; c'était au promontoire de Rhium, près du détroit où Phormion avait été vainqueur. Mais Pausanias veut-il dire que là aussi se célébraient les sacrifices en l'honneur de Thésée? On ne voit pas alors comment cette indication se rattache au monument des Athéniens dont il parle. Ne peut-on pas com- prendre qu’il place cette fête à Delphes, et que cette idée de la fête de Thésée le conduit à parler de celle de Neptune célébrée à Rhium pour la même victoire? Si l'on adopte cette explication, on peut alors mettre devant le portique des Athéniens la place appelée Oxoe:or, dont parle Plutarque!. Au-dessus de cette pierre il y a un bloc de rocher sur lequel est gravée une inscription très-ancienne, qui se trouve maintenant dans l’ancien emplacement des trésors; mais elle n’y était certai- nement pas dans l’origine. C’est un morceau qui s’est détaché du rocher et qui a roulé jusqu’à l'endroit où il est maintenant enfoncé. Les lettres sont profondément gravées dans la pierre et de grande dimension. Très-curieuse par son ancienneté, elle ne peut rien nous apprendre sur cette partie du sanctuaire; je me contente donc d’en indiquer la place et de renvoyer pour le texte à notre publication ?. La pierre de la Sibylle ne pouvait manquer d'attirer l'attention de Pausanias; il a consacré le chapitre douzième tout entier à raconter les traditions qui avaient cours sur ce personnage légen- daire *. Ce rocher, qui sortait du sol, était au-dessus du portique des Athéniens; il y a trop de fragments de rochers épars dans cette partie pour songer à retrouver celui de la Sibylle. Pausanias était si occupé de ces récits merveilleux qu'il n’a pas fait men- tion de la salle du sénat Boveurrpuor, que Plutarque“ et Clément ! Plutarque, Vie de Thésée. ? Inscriptions inédites, n° 480. 3 Pausanias, X, x11. * Plutarque, De Pyth. orac. 1x. ss DO se d'Alexandrie indiquent comme située au-dessus du rocher de la Sibylle. Il semble, d’après une inscription trouvée par Ulrichs”, que dans cet édifice, nommé aussi æpuraveior, on appelait les étrangers auxquels on accordaït le titre de proxène, et qu'on leur décernait près du foyer commun (xosvn éolia) les honneurs etles priviléges réservés aux bienfaiteurs de la ville de Delphes. Nous connaissons un peu mieux les deux derniers trésors, celui des Corinthiens et celui des Acanthiens. « Les Doriens de Corinthe bâtirent eux aussi un trésor; c’est là qu’on avait déposé l'or des Lydiens?. » Telle est la rapide mention de Pausanias, transcrivant sans doute ce que lui disent les exégètes. Mais ces guides, comme tous les guides de profession, étaient des ignorants qui récitaient machinalement leur lecon, étourdissant les visiteurs de leur babil et incapables de répondre à une question imprévue. C'est ainsi que Plutarque* les représente, et, avec vérité, j'en suis con- vaincu. Ils ne trouvent rien à dire quand on leur demande pour- quoi ce trésor porte le nom des Corinthiens, tandis qu'il a été consacré par Cypsélus. Question bien naturelle cependant et qui ne pouvait dérouter qu’un cicerone peu savant. S'il avait lu Hérodote, 1l aurait vu que ce trésor avait d’abord été la propriété privée de Cypsélus, tyran de Corinthe, et, qu'après la chute de la tyrannie la république s’appropria les offrandes de son ancien maître et y fit graver le nom de la cité. C'était donc le plus ancien des trésors, puisque Cypsélus régna vers 657; c’est sans doute à ce titre qu'il avait hérité des offrandes des rois de Lydie que l'incendie du temple força à déplacer. Elles existaient encore du temps d’'Hérodote, qui les avait examinées avec soin et qui en parle avec détail, comme d’une des choses les plus curieuses de la Grèce. Parmi les riches offrandes de Gygès, la plus remar- quable consistait en dix cratères d’or pesant trente talents. Dans le même trésor, était le don d’un roi encore plus ancien, Midas, fils de Gordiée, roi de Phrygie; il avait consacré au dieu le trône où il s’asseyait pour rendre la justice et qui était une œuvre remarquable. Entre tous, Crésus s'était distingué par sa prodi- galité à l'égard du dieu de Delphes; après l'incendie du temple, ! Ulrichs, p. 67, note 20. 2 Pausanias, X, x11x, 3. * Pluiarque, De Pyth. orac. xni. # Hérodote, I, xrv. > Va di —. ses riches offrandes avaient été dispersées dans plusieurs trésors. Celui des Corinthiens avait reçu quatre æ‘#o: d'argent, deux wepsppavrnpia, l'un en or, l'autre en argent! ; les Lacédémoniens avaient gravé leur nom sur le plus précieux, pour gagner à peu de frais la gloire d’une si riche offrande. Un lion d’or massif pesant dix talents y avait été également transporté de l'intérieur du temple, où il avait perdu un demi-talent dans l'incendie. Ces détails prouvent à la fois l'exactitude d'Hérodote et l'importance que les Grecs attachaienti à ces présents des Lydiens. Ce n'étaient pas les seules richesses de ce trésor, car, dans un autre passage *, il fait mention d’un trône remarquable consacré par un ancien roi de Salamine. Le trésor de Cypsélus, devenu celui des Corin- thiens, devait être cher aux Delphiens et par son antiquité et par les riches offrandes qu'il contenait; ils donnaient le nom de Tuyddas à l'or et à l'argent de Gygès. Mais cette richesse même était une forte tentation; les Phocidiens dépouillèrent ce trésor un des prier: Sylla acheva leur œuvre, et du temps de Plu- tarque Ÿ il n’y restait plus qu'un palmier d'airain. Ce palmier pré- sentait une particularité qui étonne les interlocuteurs de son dia- logue. Pourquoi avoir représenté autour de la racine des grenouilles et des hydres, quand il n’y en a pas dans le territoire de Corinthe et que ces animaux ne se rencontrent pas dans les lieux où pousse le palmier? C'était peut-être un emblème destiné à rappeler le nom des artistes. Pline # cite deux architectes lacédémoniens, Sau- ros et Batrachos, qui avaient bâti à leurs frais les temples renfer- més dans l’enceinte du portique d'Octavie ; on leur refusa la faveur d’y inscrire leur nom; ils surent se dédommager d’une autre façon. On voit encore gravés sur les bases des colonnes un lézard et une grenouille, symboles de leurs noms. Les hydres et les grenouilles qui intriguaient les compagnons de Plutarque n'étaient sans doute qu'une signature du même genre. | Le trésor des Acanthiens n’est pas même cité par Pausanias; mais il venait après celui des Corinthiens et était voisin du temple. Plutarque en effet n’en parle qu'après avoir passé celui des ? Hérodote, 1, L, Li. 2 Id. IV, czxui. 3 Plutarque, De Pyth. orac. xx. 4 Pline, 1. XXVI. 5 Plutarque, De Pyth. orac. x1v. MISS, SCIENT, — JI. C9 ET Corinthiens, et, après l'avoir signalé, il arrive immédiatement à la statue de Phryné. Ce trésor portait pour inscription : Bpaoidas nai Âxévbior nm” ÀOnvalo. Mais Brasidas était mort au milieu de sa victoire. Sa place avait été occupée par Lysandre, qui absorbait dans sa personne toute la gloire de sa patrie et de ses concitoyens !. Sa statue en marbre était sur le seuil de la porte; il était représenté, selon l'usage ancien, avec une épaisse chevelure et une longue barbe. A l'intérieur, c'était encore un souvenir de Lysandre qui attirait les yeux, une galère de deux coudées en or et en ivoire, présent de Cyrus le Jeune. Anaxandridès, l’auteur de mémoires, l’accu- sait même d'y avoir déposé de l'argent pour son propre compte; mais Plutarque le défend contre cette imputation. Ces deux trésors, les seuls sur lesquels nous ayons conservé quelques détails, suffisent pour nous montrer ce qu'étaient ces édifices. La description du plus ancien et du plus célèbre, le tré- sor de Minyas à Orchomène?, montre qu’ils ressemblaient, pour la forme, à ce qu’on appelle le trésor d’Atrée à Mycènes. À Olym- pie, tous les trésors étaient rangés sur une terrasse. À Delphes, au contraire, ils étaient dispersés. L'inscription gravée à l’éxtérieur contenait la dédicace à Apollon, le nom du peuple qui avait con- sacré le monument et la victoire qu'il devait rappeler. I servait à renfermer et à préserver les offrandes de ce peuple, déposées par l’État ou les particuliers. Il y avait probablement une chambre souterraine où l’on mettait en süreté les richesses qui étaient sans valeur artistique et qu'on pouvait emprunter au besoin. Par exemple, au début de la guerre du Péloponèse, les ennemis d'Athènes, manquant d'argent, se proposent d'en emprunter aux trésors de Delphes. Ils servaient encore à renfermer les objets du culte ; une inscription, entre autres, ordonne aux Delphiens de fournir à un particulier un trésor pour y mettre les boucliers qui devaient servir à la course armée, dans les jeux pythiens. Nous arrivons enfin aux statues dont la place est certaine, non pas que Pausanias prenne soin de la marquer avec plus de pré- cision, mais grâce à l'exactitude d'Hérodote, qui, en les indiquant, ‘ Plutarque, Lysandre, 1. 2! ? Pausamias, IX, xxxvi. $ Thucydide, I. S + ve ajoute qu'elles sont devant le temple. La première de ces offrandes est le groupe consacré par les Phocidiens. On sait par quelle ruse singulière ils avaient vaincu les Thessaliens. Suivant les conseils du devin Tellias, six cents hommes d'élite s'étaient blanchis, eux et leurs armes; la nuit, ils s'étaient jetés sur le camp des Thes- saliens, où ils avaient répandu l’épouvante et détruit leur armée. Quatre mille hommes avaient péri; quatre mille boucliers étaient restés aux mains des Phocidiens, qui en consacrèrent moitié à Delphes, moitié à Abæ. « La dime du butin servit à faire les grandes statues, groupées autour du trépied, qui sont en avant du temple de Delphes!. » Pausanias en donne une description plus détaillée : « Hercule et Apollon ont saisi le trépied et se le dis- putent; Minerve retient Hercule; Diane et Latone, Apollon. C'est encore une offrande des Phocidiens, lorsque l’Éléen Tellias les commanda contre les Thessaliens. Dyllos et Amycléos ont fait en commun ces statues, moins celles de Minerve et de Diane, qui sont l'œuvre de Chionis; on dit qu’ils sont Corinthiens?. » Nouvelle preuve de ce fait, déjà constaté, que les Phocidiens, et, en gé- néral, les Grecs du nord, n’eurent pas d'artistes nationaux ; ils étaient forcés de s'adresser aux sculpteurs d'Athènes ou du Pélo- ponèse. L'art avait déjà fait bien des progrès depuis l’époque où les statues avaient les yeux fermés, les bras collés le long du corps, les jambes droites et roides. Ces statues colossales représentent déjà une action vive et animée; le mouvement était sans doute rendu avec la violence et l’exagération qui avaient succédé à l’im- 1 Hérodote, VIII, xxvrr. À dexarn éyévero… oi weydhoi dvdpuävres oi mepi rôv rpimoda ouveoleüres urpoobe roù vnoÿ r0ÿ éy AeAQoïou. De quel trépied est- il question ? Ce n’est évidemment pas du grand trépied de Platée, qui n'existait pas à l’époque où les Phocidiens furent victorieux. La traduction ordinaire, pla- cées autour du trépied, me paraît peu satisfaisante; ouveoTeüres, indique qu'elles sont groupées. La description de Pausanias m'engagerait même à traduire qui combattent pour le trépied. I y a plusieurs exemples de ouyéonxa dans le sens de combattre; mais je n’en ai pas trouvé pour wep avec l'accusalif dans le sens. dé au sujet de. Si l'on ne peut adopter ce sens, il faut au moins traduire : grou- pées autour du trépied. Hérodote, qui ne décrit pas, mais qui donne une indica- tion rapide, a cru désigner assez clairement un groupe bien connu pour n'avoir pas besoin d'ajouter : du trépied qu'ils se disputent. En tous cas, il ne peut être question du fameux trépied de Platée. Comme dans un autre passage d'Hérodote, évdpuds est ici employé pour désigner la statue d'une divinité. 2 Pausanias, X, xX111, 4. mobilité primitive; on devait y retrouver ces contours durs et secs, ces proportions courtes et ramassées, ces figures sans expression qui caractérisent les statues d’Égine et à plus forte raison celles qui les avaient précédées. — Quant au sujet lui- même, on ne voit pas quel rapport il avait avec la victoire des - Phocidiens. Ot. Müller pense qu’ils voulaient se représenter comme les protecteurs du trépied sacré, attaqué par Hercule, qui per- sonnifie les princes thessaliens, descendants des Héraclides. L’al- lusion eût été assez difficile à saisir, car Hercule avait triomphé dans cette lutte, et, avant de rendre le trépied, avait forcé la Pythie à lui répondre. D'ailleurs les Thessaliens, plutôt que les Phocidiens, auraient pu être représentés comme les protecteurs du trépied et du temple d’'Apollon, puisqu'ils avaient un plus grand nombre de voix au conseil amphictyonique. Au reste, la lutte entre les deux peuples n’avait rien de religieux. N’est-il pas plus simple et plus vraisemblable de penser que les Phocidiens ont commandé un groupe en l'honneur d’Apollon, et que les artistes de Corinthe en ont emprunté le sujet à une des traditions célébrées par les poëtes ? Un pareil groupe devait échapper aux pillards de toute espèce; ses défauts archaïques le préservaient du danger de plaire à un amateur comme Néron, et le peu de valeur de la matière n'avait rien qui tentât un général avide d'argent. Après le groupe des Phocidiens, nous trouvons le trépied de Platée, la seule offrande qui ait subsisté et dont nous pouvons suivre l’histoire depuis la consécration jusqu’à nos jours !. « Les Grecs, de la victoire de Platée, ont consacré en commun le trépied d'or placé sur le serpent d’airain. Toute la partie de l'offrande qui était en airain a subsisté jusqu'à mon temps; il n’en est pas de même pour l'or, que les généraux phocidiens n’ont pas laissé?. » Hérodote, qui avait vu le monument tout entier, en parle avec plus de précision. Quand le butin eut été réuni, la _dîme fut prélevée pour le dieu de Delphes, le dieu d'Olympie et le dieu de l’Isthme. De la part d'Apollon, «les Grecs consacrèrent le trépied d’or qui repose sur les trois têtes du serpent de bronze, tout près de l'autel 5. » ? Voir Otto Frick. Das Plateische Weihgeschenk, Leipzig, 1859. 2 Pausanias, X, àrn1: 5 5 Hérodote, IX, Lxxxi. = 49 — La place en est donc bien déterminée; il est devant Île temple, entre le groupe des Phocidiens et le grand autel. Ce trépied était l’une des offrandes les plus célèbres dans lan- tiquité, et pour la victoire qu’il rappelait, et pour les débats qu'il avait suscités. Pausanias, enorgueilli par sa victoire, y avait fait graver une inscription, composée en son honneur par Simonide : « Le chef des Grecs, Pausanias, après avoir détruit l’armée des Mèdes, a consacré cette offrande à Apollon !. » Les Lacédémoniens, selon Thucydide, firent effacer immédiatement ce distique et graver le nom des villes qui, après avoir concouru à détruire les barbares, consacrèrent cette offrande. Tà pêr oùr ékeyeïor où Aaxedammévior éÉenthadar ebOds TôTE dmd Toù TP Érodos xai éréy polar bvouaol} rès modes boar Évyualekoüoar rdv BapÉapor Écînoar rà dvdônuc. Les Lacédémoniens ne le firent pas d'aussi bonne grace que le dit Thucydide, s’il faut en croire l’auteur du plaidoyer contre Néère?. Les Grecs s’irritèrent de l’orgueil de Pausanias, qui s’attri- buait tout l'honneur d’une victoire remportée en commun. « Les Platéens intentèrent aux Lacédémoniens un procès devant les Amphictyons, réclamant une amende de mille talents au profit des alliés, et ils les forcèrent à effacer les vers pour inscrire le nom des cités qui avaient pris part à l’action. » Plutarque, sans. parler du procès, fait mention des vives réclamations des Grecs, qui obligent les Lacédémoniens à faire effacer le distique et graver le nom des villes. Malgréle silence de Thucydide, cette dernière. version me paraît la plus probable, car les Lacédémoniens aimaient assez à s'approprier le bien d'autrui, témoin ce cratère de Crésus, sur lequel un de leurs partisans à Delphes avait gravé leur nom. Ils auraient consenti à voir dans l'inscription le nom seul de Pausanias; le titre de chef suprême de la Grèce, que se donnait le roi de Sparte, était un souvenir flatteur pour leur orgueil et un titre pour leurs prétentions au commandement, Mais les autres villes étaient trop jalouses de leur gloire, et cette fois avec justice, pour permettre une pareille usurpation. Il sem- ble que l’on retrouve une trace de ces débats dans les vers d'Eu- ripide : « Hélas, que les usages de la Grèce sont mauvais; une 1 Thucydide, I, cxxxr1; IE, Lvur. 2 Démosthène, Contra Neærum, xcvir. 3 Plutarque, De Her. mal. xzrr, — 38 — . armée victorieuse dresse un trophée, ce n'est pas à ceux qui ont souffert qu'on attribue la victoire, maïs c’est le général qui prend pour lui toute la gloire, lui qui n’est qu'un homme, brandissant la lance avec des milliers d’autres; il ne fait pas plus qu'un seul homme et il a une renommée bien plus grande !.» Cette tirade n'est-elle pas déplacée dans la bouche d’une femme, et surtout d'Andromaque? Et comment a-t-elle pu venir à l’esprit du poëte, sinon comme une allusion aux prétentions injustes de Pausanias et en général des Spartiates? Euripide n’a pas laissé échapper l’occasion d’attaquer les ennemis de sa patrie ; et, même à soixante ans de distance, l’allusion devait encore plaire aux Athéniens, qui n'avaient pas oublié qu'aussitôt après la bataille de Platée ils avaient failli en venir aux mains avec les Spartiates pour l’érec- tion du trophée ?. Justice fut donc faite aux réclamations des Grecs, et, après avoir effacé les vers orgueilleux de Pausanias, on grava les noms des combattants non-seulement de Platée, mais aussi de Sala- mine, de toutes les villes enfin qui avaient concouru à repousser les barbares. Les habitants de Ténos en sont un exemple$. Un de leurs concitoyens vint avertir la flotte grecque de l'attaque des Perses; en récompense les Téniens furent inscrits sur le trépied; pourtant ils n'avaient pas eu un seul combattant à Platée. Cette offrande ne fut donc plus considérée comme le trophée d’une seule victoire, mais comme le témoin de la lutte tout entière et du triomphe de fa Grèce. Ainsi la désignent Thucydide et Démos- thène. C'était un monument de gloire pour ceux qui avaient mé- rité d'y être inscrits, de honte pour ceux qui avaient trahi la cause de la Grèce et pris le parti des barbares. Aussi les Platéens menacés rappellent avec fierté ce titre à la bienveillance de tous les Grecs. « Il paraïitra étrange que vos pères aient inscrit sur le trépied de Delphes notre ville à cause de sa valeur, et que vous, vous la fassiez disparaître, et cela à cause des Thébains*. » Argu- ‘ment bien fort, s’il en était pour le faible plaidant devant un en- nemi puissant et passionné ! La renommée de cette offrande ne pouvait la préserver de la ! Euripide, Andromaque, v. 693. ? Plutarque, De Her. mal. xzu. % Hérodote, VIIT, Lxxxu1. * Thucydide, IT, cxxxrr. EP 8 rapacité des chefs phocidiens; le trépied d’or servit à payer leurs mercenaires; mais le serpent d’airain était encore debout au temps de Pausanias, et il fut respecté jusqu'à Constantin. Le fondateur de Constantinople, pour embellir sa nouvelle ville, enleva à la Grèce tout ce qui avait échappé aux pillages précédents. Le scho- liaste de Thucydide (1, cxxxu) ajoute au passage où l’auteur parle de ce trépied: « Ce n’est pas le trépied où Apollon rendait les oracles, mais un autre, que les empereurs romains emportèrent et placèrent dans l’Hippodrome de Byzance. » Un autre auteur by- zantin cite plusieurs œuvres d’art emportées par Constantin, les Muses de l’Hélicon, l’Apollon Pythien, celui de Sminthos, les tré- pieds de Delphes, «entre autres, le célèbre trépied que Pausa- nias et les villes grecques consacrèrent après la guerre médique. » Zosime dit également que Constantin le plaça dans l’'Hippodrome!. Depuis lors, et à toutes les époques, les voyageurs de toutes na- tions signalent ce monument dans l’'Hippodrome, mais sans en connaître l’origine. Suivant un auteur turc mort en 1550 ,« Maho- met IL, arrivé à l’'Hippodrome, vit une base de pierre sur laquelle était un serpent à triple corps et à triple tête. Il demanda quelle était cette idole, et aussitôt 1l lança avec force sa masse de fer et brisa la mâchoire inférieure d’un des trois serpents. Après cette action, les serpents se montrèrent en grand nombre dans la ville. Aussi on lui conseilla de laisser désormais en repos ce serpent d’airain, puisque cette image avait empêché les serpents de pé- nétrer dans la cité. Par suite, cette colonne a subsisté jusqu'à nos jours, et, quoique le bas de la machoire manque à un des serpents. de bronze, les serpents, s'ils viennent dans la ville, ne peuvent faire de mal à personne. » Curieuse transformation! le monument _de la victoire des Grecs était devenu un talisman qui préservait des serpents, et, à ce titre, il était respecté des Turcs. En 1721, il était encore dans le même état. «Il y a dans fa même place trois serpents de bronze entortillés, la tête dressée et la gueule ouverte; le bas de la mâchoire manque à l’un d'eux.» Zosime, parlant de ce trépied, ajoute Éyoyta éy éauré xa duTÔ TO roù Âméllwvos &yahua. Que signifie ce membre de phrase? Il faut l'entendre comme s'il y avait non pas y mais é®, supportant la statue d’Apollon; ou bien, en gardant le texte, &y, parce que 1 Zosime, IF, xxx1. — NO = la statue était placée entre les trois têtes. Cette statue était-elle celle d'Apollon Pythien que Constantin emporta également de Delphes? Était-ce l'Apollon, dîime de Salamine, placé à côté de l'autel, et qu’on avait posé sur la colonne à la place du trépied? Un historien espagnol, qui a laissé une description de Constanti- nople, parle d’une statue placée sur les troïs serpents de bronze, qu'il appelle statue d’Hercule et que le sultan Soliman fit abattre comme une idole. | VUE A partir du xvm® siècle, les têtes ont disparu et la tradition s’est effacée; on s’imagina que les voyageurs précédents, égarés par leur désir de retrouver des débris antiques, avaient pris pour de serpent de Delphes une colonne byzantine. Mais des fouilles furent faites en 1856, la partie inférieure fut dégagée avec les inscriptions qui la couvraient, et il n’y a plus moyen de douter que ce ne soit là le monument consacré par les Grecs après la victoire de Platée. Ce qui en reste est situé sur l’ancienne place de l’'Hippodrome, dont le nom turc At-meian est la traduction. Tel qu’il est aujour- d’hui, moitié au-dessous, moitié au-dessus du niveau de la place, incomplet, sans les trois têtes qui en montraient le sens, ce mo-. nument offre, au premier coup d'œil, un aspect singulier; on di- rait une colonne torse dont on ne comprend pas la signification. Mais un examen plus attentif permet de le reconnaître, tout mu- tilé qu'il est. On v retrouve ce caractère constant des œuvres grecques, l'observation et l'expression fidèle de la nature. Le corps des trois serpents, plus mince dans le bas, va en grossissant jus- qu’au quinzième tour et diminue à partir du vingt-quatrième; la mâchoire supérieure, déposée dans le petit musée de Sainte-Irène, atteste une exacte imitation de 1a réalité; la tête allongée et apla- tie du serpent, la bosse au-dessus de l'œil, les dents aiguës et ran- gées en forme de scie, les narines, sont rendues avec vérité. Héro- dote et Pausanias ne parlent que d’un serpent à triple tête; c’est une légère inexactitude et qui s'explique facilement. I faut y re- garder de près pour voir que les replis correspondent de trois en trois. Les vingt-neuf tours qui subsistent encore ont une hauteur de 5°,55; il n’en manque que très-peu, car la diminution pro-- gressive à partir du vingt-quatrième montre que la tête n’était pas éloignée. Pour l’ensemble, un dessin de M. de Cayol, ministre de France à Constantinople (1522), en donne une idée tout à fait con- L ah MS \ forme à la description d’un savant envoyé en Orient par Fran- çois [*. « Exstat columna ænea, striata spiris trium serpentium inter se complicatorum, non sursum versus directis, sed tortis in mo- dum tororum (quos valde eminentes exprimunt magni funes) et desinentibus in caput triceps trium serpentum, quorum capita, in triquetram formam disposita, longe eminent supra columnæ torosum scapum !. » Les gueules ouvertes étaient destinées à soutenir le trépied d’or consacré par les Grecs. Il fallait qu'il parüt de loin; l'artiste eut l'idée ingénieuse de substituer à la colonne ordinaire des serpents entrelacés, dont le corps flexible et sinueux se prêtait naturelle- ment à ces replis; et il a su rendre la nature avec assez de vérité pour que nul ne püt sy tromper. L’exécution matérielle elle- même n’est pas inférieure à la conception; il n’y a pas trace de soudure et le monument paraït avoir été fondu d’un seul jet. Ce n’est pas là sans doute une œuvre extraordinaire, puisque le nom de l'artiste n’a pas été mentionné par Pausanias. Il faut donc en rapporter l'honneur, non pas à un homme, mais aux écoles dont il était sorti, et reconnaître que, dès l’année 478, l’art grec, pour la conception et l'exécution, était déjà bien avancé dans les écoles du Péloponèse. | Comme monument épigraphique, l'importance n’en est pas moins considérable, car il nous donne un spécimen de l’ancien alphabet dorien et d’une date certaine. L'inscription est gravée avec soin sur les derniers replis depuis le 13° jusqu’au 3°; le pre- mier et le second ne portent aucune trace de lettres; le 3° et le 13° n'ont que deux lignes; les autres en contiennent tantôt trois, tantôt quatre. Voici cette importante inscription telle que le docteur Frick l’a lue et complétée d’après le monument lui-même, un grand nombre de copies, et les passages d'Hérodote, de Plu- tarque et de Pausanias qui l'éclairent. 13° repli. ATOAOWI@[E]O Ârohon S[élo AN[A@E]MA[EAANON Âv[afe]ua [ÉAävoy| 12 [AJAKE[D]AIMOW!IOI] [Alaxe[à]aumôv]so: AGANIAI[OII Abav[a]t|o]e KORIW@IOI Kopivüror 11 TECEAT{AI) Teyedr[a] ! Peter Gylius, Topographia Constantinopoleos, Lugduni Batavorum , 1532. SR US £ZEKVOWIOI Ycxvôvot AICIWATAI Aiyivätat 10 MECAREZ Meyapës EMIDAVRIOI ÉTtdatpuot ERVOMEWIOI Épyouévror 9 OAEIASIOI DAeraotot TROIAWIOI Tpogavio ERMIOWEZ Épyuovës 8 TIRVW@IOI Tipvvbuo: MAATAIESZ IaTaës QESNIEZ Ocomiës 7 MVKANEZ Muxavës KEIOI Keïor MAAIOI =. Méor TEWIOI Tévot 6 NAXIOI NaËtor ERETRIEZ _ Éperpiës VAAKIDEZ X2)u08s b ETVRESZ ÈTupés FAAEIOI Daeior MOTEIDAIATAI Iorer dora l AEVKADIOI Aevxädrot FANAKTORIES p Davaxropies KV@WIOI KÜOvo ZIOWIOI ZiGrior 5 AMMRAKIOTAI AuTpaxtoTa AEMREAT AI | AeTpeäroi Les noms des peuples, sauf quelques légères différences, sont rangés dans le même ordre que sur la base de la statue de Jupi- ter Libérateur à Olympie!. Dans une occasion aussi solennelle et qui intéressait si vivement la réputation de tous ces peuples, un conseil général avait dû déterminer la place de chacun en tenant compte du contingent fourni, de la part prise aux différents combats, et surtout de l'importance politique. Ce catalogue peut se partager en deux groupes, le premier comprend les états de terre ferme : Lacédémone, Athènes, Corinthe, Tégée, Sicyone, Égine (qui était comptée parmi eux), Mégare, Épidaure, Orcho- mène, Phlionte, Trézène, Hermione, Tirynthe, Platée, Thes- pies, Mycènes; le second, les îles, les colonies ou les peuples en ! Pausanias, V, 118. ie Me dehors de la Grèce proprement dite : Céos, Mélos, Ténos, Naxos, Érétrie, Chalcis, Styra, Éléens, Potidée, Leucade , Anactorium, Kythnos, Siphnos, Ambracie, Lépréum (ville d'Élide). Les Lacédémoniens tiennent le premier rang dans cette liste, comme dans les conseils et à la tête des armées; après eux, les Athéniens, qui, dans cette guerre, ont été les véritables sauveurs de la Grèce; puis les Corinthiens, que l'opinion générale plaçait immédiatement après ces deux républiques. Les Tégéates devaient le rang qu’ils occupaient moins à la force de leur contingent qu'à leur antique réputation et à leur préten- tion de ne pas céder le poste de l'aile droite aux Athéniens, mais seulement aux Spartiates. Ils avaient pour eux le souvenir de leurs victoires dans les guerres contre Sparte; et le rôle impor- tant qu’ils jouèrent à la bataille même de Platée leur assura sur un monument, dans l’origine consacré pour cette victoire, un rang plus élevé que sur le monument d'Olympie. Les Sicyoniens avaient fourni un contingent de trois mille hoplites, combattu à Artémi- sium, Salamine, Mycale, et, par suite, mérité d’être placés avant Égine et Mégare. Les services de ces deux républiques étaient les mêmes; mais le prix de la valeur, que les Éginètes avaient gagné à Salamine, leur valut la préférence sur les Mégariens. Ces peuples sont donc nommés dans l’ordre de leur importance et de leurs ser- vices. Il est moins facile et aussi moins intéressant de discuter les droits des cités qui suivent; quelques noms seuls attirent latten- tion ; ceux de Platée et de Thespies, les seules villes de la Béotie qui, au milieu de l’armée perse et de la défection générale, étaient restées fidèles à la cause de la Grèce; Tyrinthe et Mycènes, an- tiques cités, les premières au temps de la guerre de Troie, au- jourd’hui reléguées au dernier rang et ne pouvant envoyer à elles deux que quatre cents hommes. Dans le second groupe, il y a peu de cités importantes. C'est avec les villes d'Eubée Érétrie, Chalcis, Styra qu'il faut ranger les Éléens : ce nom désigne une colonie de l'Élide dont Strabon fait mention, et non pas les Éléens du Péloponèse, qui n'avaient pas pris part à la lutte. Sur cette liste d'honneur se trouvent même les peuples qui ne sont venus qu’au dernier moment : Po- tidée , qui n’a fait défection qu'après Salamine et la fuite du grand rol, Mais qui a courageusement soutenu un siége contre les Perses; les Naxiens, qui ont quitté l’armée perse au moment même de la Last bataille de Salamine; les Téniens, dont un vaisseau a annoncé l'attaque des barbares. Les villes d'Ambracie, de Leucade, d’Anac- torium n'ont trouvé place qu’aux derniers rangs; leur éloignement du monde grec et peut-être leur condition de colonie ont empêché de tenir compte du patriotisme qu’elles avaient montré en affron- tant un péril qui les menaçait moins directement que les grandes républiques, dont l'existence même était en Jeu. Aucun nom n’a disparu de cette liste, plus complète que celle de Pausanias; il n'y a que trente et un peuples qui aient mérité d'y être inscrits; c’est exactement le même nombre qu'indique Plutarque. « Il y a trente et une cités qui ont pris part à la guerre, et, parmi elles, la plupart sont tout à fait petites !.» Les noms que nous n'avons pas trouvés sont donc exclus. Les services des Locriens Opuntiens, des Lemniens, des Mantinéens, ont été annulés par leur trahison ou leur abstention. On a fait grâce à ceux qui ont réparé leur faiblesse première par le retour à la cause commune, mais non pas à ceux que les succès de Xerxès ont effrayés et ran- gés sous les ordres des barbares. Le hasard a été juste cette fois en conservant ce catalogue et en transmettant à la postérité le nom, même des plus petits états, qui ont concouru à la délivrance de la Grèce. Honneur à ces trente et un peuples, grands ou petits, qui ont sauvé la civilisation de la barbarie! En cette occasion, ce n'est pas le nombre des soldats, mais le dévouement qui doit régler notre éloge. Pour ma part, je mets la petite ville de Mycè- nes, qui se hâte d'envoyer quatre-vingts hoplites aux Thermopyles, bien au-dessus de la puissante cité d’Argos, qui profite d’un oracle pour se tenir à l'abri des dangers. Ces trente et un peuples forment à peine la moitié de la Grèce. Il n’y a pas d’autre exemple d’une nation ainsi morcelée en une infinité de petites républiques, ayant cha- cune son gouvernement, ses prétentions, ses rivalités. Aussi, au moment du danger, la Grèce n’a pu réunir que la moitié de ses forces, et encore, parmi ces défenseurs de l'indépendance, que de divisions, que de luttes égoïstes et mesquines, en face même de l'ennemi! IL faut que l'amour de la liberté soit une bien grande force pour avoir triomphé à la fois de ces dangers intérieurs et de l’innombrable armée de Xerxès. J'ai cru devoir insister sur cette offrande, la seule dont il reste ! Plutarque, Thénustocle, xx. 2 Mis quelque chose et qui n'est bien connue que depuis 1859; elle m'a semblé mériter ce développement aussi bien par son étrange destinée que par son importance artistique et historique. Les offrandes que Pausanias mentionne à la suite sont encore devant le temple, entre le trépied de Platée et le grand autel. D'abord un groupe consacré par les Tarentins vainqueurs des bar- bares Peucétiens, et exécuté par des artistes d'Égine, Onatàs et Kalynthos”. Ils avaient représenté des cavaliers et des fantassins ; un groupe semble rappeler les statues d'Égine : c’est le corps d’un roi barbare que veulent saisir le héros Taras et Phalanthe. N'est-ce pas le même motif qu’on retrouve dans les statues de Munich? Le cadavre de Patrocle est étendu sur le sol, tandis qu'un Troyen se baisse pour le saisir et qu'Hector menace de sa lance l'ennemi qui veut défendre le corps du guerrier tombé.— Puis un Apollon que les Grecs ont consacré pour leurs victoires ?. Hérodote # dit que c’é- tait une statue haute de douze coudées, tenant à la main un acros- tolium de vaisseau (dxpwrnprov). À côté était la statue dorée d'Alexandre le Macédonien ; les Grecs lui avaient sans doute accordé cette faveur pour le récompenser de les avoir prévenus de lat- taque de Mardonius. «Il y a, près du grand autel, une offrande des Delphiens : c’est un loup d’airain. » Pausanias* ne manque pas de raconter la lé- gende, généralement adoptée, qu’un loup avait étranglé un homme qui avait volé l'or du dieu et qu'il avait découvert aux Delphiens l'endroit du Parnasse où le voleur avait enterré son butin. Ce loup portait deux inscriptions qui attestaient la rivalité jalouse et vigi- lante de Sparte et d'Athènes. « Les Lacédémoniens ayant obtenu des Delphiens le droit de consulter les premiers l’oracle, firent graver ce privilége sur le front du loup d’airain ; Périclès obtint le même droit pour les Athéniens, et le fit inscrire sur le côté droit du même loup *. » Pausanias ne fait que citer, en passant, le grand autel : c'était pourtant un point important de la topographie de Delphes. Il est évident qu'il était situé dans l’axe de la grande porte et qu'il di- 1 Pausamias, X, x1I1, 5. 2 Id. ibid. x1v, 3. 3 Hérodote, VIII, cxxxrr. 5 Pausanias, X, xv, 4. 5 Plutarque, Péricles, 21. = UN = visait en deux parties les offrandes placées devant le temple. Autour du grand autel était un espace libre appelé l'aire (ähws)!, où l’on dressait la tente qui représentait celle du serpent Python, à l’époque de la fête du cerrnpsov. C'est là que les jeunes filles venaient danser en l'honneur du dieu?; c’est là que se réunissaient les prêtres et les citoyens pour les pompes sacrées *; là avaient lieu une partie des cérémonies qui accompagnaient la vente des es- claves à Apollon “*; c'était là qu’en présence des archontes et de plusieurs témoins le grand prêtre recevait les serments du maître et de l’esclave . Tout autour du grand autel étaient quelques = - qui mé- ritent de nous arrêter un instant. La plus singulière était celle de la courtisane Rhodopis. Cette courtisane, originaire de Thrace, compagne d'esclavage d'Ésope, puis affranchie par son amant, avait fait fortune en Égypte. « Elle eut le désir de laisser en Grèce un souvenir d'elle, en consacrant à Delphes une offrande, telle que nul autre n’en avait imaginé et dédié dans le temple. Ayant donc fait fabriquer, de la dime de ses biens, de ces broches en fer qui servent à rôtir les viandes, en aussi grand nombre que le per- mettait l’argent de la dîme, elle envoya cette offrande à Delphes. Ces broches sont encore derrière l'autel élevé, par les habitants de Chio, devant le temple même. Elle devint si célèbre que tous les Grecs connurent le nom de Rhodopis 6. » Comme elle le désirait, elle réussit à se singulariser et à rendre son nom célèbre. Mais que dire du dieu qui acceptait une pareille offrande et la laissait éta- blir aux portes mêmes de son temple? Tenait-il donc à percevoir la dime des victoires et des gains de toute espèce ? En bonne jus- tice, ne devait-il pas la renvoyer au temple de Vénus Corinthienne, à qui elle appartenait à meilleur titre? L’offrande avait disparu du temps de Plutarque, je ne sais pour quelle raison ; mais les guides avaient grand soin d’en montrer la place aux étrangers. Le guide de Pausanias l'aura oublié, car l’auteur n’en fait pas mention; mais il signale près du grand autel une offrande qui, elle aussi, ‘ Plutarque, De Musica. 2 Id. ibid. # Inscr. Delph. n° 436, 1. 7. “ Id. ibid. 5 Quocay æori Tà Bou. 5 Hérodote, 11, cxxxv. N aurait été bien mieux placée à Corinthe !. C'était une statue dorée de Phryné, commandée par ses amants et exécutée par l’un d’entre eux, Praxitèle. Le bon Pausanias en paraît tout scandalisé?; il ne peut croire que ce soit la courtisane elle-même qui ait osé exposer sa statue sous son propre nom : c'est probablement une statue de Vénus, pour laquelle elle a servi de modèle? Mais non; il n’y a pas moyen d'en douter, et il consigne le fait dans ses notes. « Cette offrande est l’image de Phryné elle-même. » En effet, sur la co- lonne de marbre pentélique qui soutient la statue est l'inscription ; Douvn Émix}eoïs Osomix. Et, pour comble de scandale, elle est placée entre les statues du grave Archidamus et de Philippe, fils d'Amyntas. Le philosophe Cratès disait, avec indignation, que c'était un trophée de l’intem- _pérance des Grecs. Un des interlocuteurs de Plutarqueÿ en prend la défense. Pourquoi interdire le sanctuaire à une femme qui a mal usé de sa jeunesse et de sa beauté, quand on y admet les prémices et la dime des guerres civiles et du pillage? En bon so- phiste, il ne s’en tient pas là. Il est moral, ajoute-t-il, de voir, au milieu de ces statues dorées de rois et de généraux, la statue dorée d’une courtisane; Praxitèle a voulu montrer que l'or n’a rien qui mérite notre estime, puiqu'il peut appartenir même à ceux qui vivent mal. L'amant de Phryné ne se doutait guère qu’en faisant la statue de sa maîtresse il donnait une aussi belle leçon de mo- rale. Pour des gens moins amis du paradoxe, ces offrandes des deux courtisanes, voisines l’une de l’autre, pouvaient paraître une déri- sion du dieu; l’une envoyait de la dime de ses gains une offrande bizarre, obscène même ; l’autre étalait devant le temple sa beauté triomphante. Quelle leçon pour ceux qui visitaient le sanctuaire! L’exégète de Plutarque sentait bien qu'il y avait là quelque chose de choquant, car il s'empressait de montrer au visiteur une offrande plus édifiante consacrée par Crésus. C'était une statue en or de l'esclave chargée de faire le pain; elle avait averti son maître que sa belle-mère voulait l'empoisonner, et le roi de Lydie, reconnais- sant, avait élevé la statue de l’esclave devant le temple d’Apollon“. ! Alcétas, Historiens grecs, fragments, éd. Didot, t. IV, p. 225. 2? Pausanias, X, xv, 5. * Plutarque, De Py1h. orac. xY. Hérodote, [, 52; Plutarque, De Pyth. orar. 1 ie Depuis le groupe des Phocidiens les indications si précises d'Hérodote nous ont permis de fixer avec certitude la place des offrandes devant le temple, à droite et autour du grand autel. Pausanias passe maintenant de l’autre côté, c’est-à-dire à gauche, en regardant la façade du temple. Malheureusement, nous n’avons plus d'autre donnée que le texte même de Pausanias, et l’ordre qu’il suit. Toutes les offrandes qu'il énumèere étaient-elles devant le temple? ou bien, partie devant le temple, partie sur la terrasse méridionale? Plusieurs motifs me font pencher vers cette dernière supposition. D'abord le défaut de place. Pausanias signale encore plus de trente offrandes, et dans le nombre des groupes considé- rables et de dimensions colossales, et cependant il ne fait mention que des plus remarquables; c’est à peine un dixième, sans compter celles qu'avaient enlevées les Phocidiens et Néron. D’un autre côté, depuis le grand autel jusqu’à l'angle du temple, il n’y a pas plus de quatorze mètres; ajoutons-y les quinze mètres de l'angle au mur de soutenement. Même en supposant les statues disposées sur plu- sieurs lignes, et en les entassant les unes sur les autres, on ne trouvera pas la place nécessaire pour les contenir. Une autre preuve peut se tirer du récit même de Pausanias. Il indique les sujets des deux frontons, les boucliers consacrés parles Étoliens et suspendus aux architraves des faces méridionale et occidentale. Pour en parler, il a été obligé de faire le tour du tem- ple, des côtés sud et ouest. À quel moment l’a-t-il fait? Ce n’est pas en sortant, puisqu'il tourne immédiatement à gauche et se dirige vers le tombeau de Néoptolème. C’est donc avant d’entrer dans le temple; au moment où il y pénètre, il avait donc par- couru toutes les offrandes; c’est ainsi qu'il était arrivé devant le fronton occidental; puis il était revenu sur ses pas, en passant une seconde fois devant le côté sud. Entre cette colonnade et le mur pélasgique de soutenement, s’é- tend une terrasse aussi longue que le temple et large de quinze mètres. Est-il probable qu'un emplacement aussi considérable soit resté inoccupé? Nous avons une preuve matérielle du contraire. Parmi les débris tombés au bas du mur qui soutient cette terrasse se trouve une stèle de marbre contenant un décret honorifique; il est dit que ce décret sera placé dans l'enceinte sacrée, à l'en- droit le plus visible, gis rùv émi@avéolartor romov. Le sphinx de marbre que nous avons retrouvé près du même endroit ne peut 22 n9 — être également tombé que de cette partie. Tout porte donc à croire que cette terrasse, que l’on découvrait de loin, était garnie de statues et de groupes comme les abords du temple et la longue avenue qui le précédait. H serait téméraire de vouloir fixer plus précisément la place de chacune des offrandes; mais on peut supposer que les Grecs avaient, sinon établiune symétrie uniforme, au moins recherché une certaine harmonie dans leur disposition autour du grand autel. Je me représente donc le bœuf des Platéens comme faisant pen- dant au loup des Delphiens!;les Apollons d'Épidaure , de Corinthe, de Mégare, à l'Apollon de Salamine ; Apollon colossal des Amphic- tyons, haut de trente-cinq coudées, au trépied de Platée; les cava- liers de Phères, au groupe équestre des Tarentins; le groupe des Éto- liens vainqueurs des Gaulois, à celui des Phocidiens. On aurait ainsi deux grandes masses dont les détails ne seraient pas symé- triques , mais dont l’ensemble présenterait quelque correspondance. Je le répète, ce n’est qu’une simple supposition, mais c’est la seule chose qui soit permise en l’absence de données plus précises. li serait fastidieux de reprendre l’énumération de Pausanias; je ne parlerai donc que des offrandes les plus remarquables. Le pal- mier offert par les Athéniens, après leur double victoire de l’Eury- médon, attirait les yeux, et par lui-même et par ce qu'on en ra- contait. Le palmier était un arbre souvent consacré à Apollon par exemple le palmier élevé à Délos par Nicias?. La tige droite et élancée de cet arbre, la symétrie et la rigidité métallique de ses feuilles permettaient de le reproduire facilement en airain ; l'or appliqué sur les grappes de fruits rendait assez bien l'aspect qu'elles prennent à l’automne. Mais ce qu'il y avait de plus sin- gulier, c'était une statue de Minerve, placée ou plutôt perchée sur le sommet de l'arbre: la déesse tenait d’une main la lance, de l’autre le bouclier ; à ses côtés était la chouette, son oïseau favori. Une tradition qui remontait au plus ancien écrivain de l'histoire athénienne, Clitodémos, racontait qu’à l’époque de l'expédition de Sicile une quantité innombrable de corbeaux s'étaient abattus sur cet arbre et avaient enlevé l'or de la statue et des fruits. Présage fu- neste, disaient les gardiens du temple; fable inventée en faveur des Syracusains, répondaient avec plus de raison les Athéniens. 1 Pausanias, X, xvi. 3 Id. ibid. 3; Plutarque, Vie de Nicias. MISS. SCIENT. — JI, ‘ + (6e La défaite leur donna tort, et l’histoire de ces corbeaux devint une nouvelle preuve de la vérité des présages et de l’aveuglement des hommes, qui ferment les yeux aux prodiges envoyés par les im- mortels. Arrêtons-nous un instant devant l'offrande du roi de Eyâie: Halyattes, qui avait déjà une grande réputation au temps d'Héro- dote. « Le roi, échappé à la maladie, consacra à Delphes un grand cratère d'argent et une base en fer soudé, offrande remarquable entre toutes celles du sanctuaire; c’est l'œuvre de Glaucus de Chio, qui, le premier de tous les hommes, inventa la soudure du fer.» Le cratère d'argent avait disparu, mais ce n’était pas la partie la plus curieuse de l’offrande. Plutarque ? voyait encore la base qu'il appelle célèbre, à ep£ônros. Pausanias en fait une description détaillée et qui, cette fois, donne une idée assez précise de l’objet dont il parle. « Ce support est l'ouvrage de Glaucus de Chio, qui a inventé l’art de souder le fer: chacune des lames qui le composent est attachée aux autres, non par des pointes ni par des clous, mais seulement par la soudure, qui les unit toutes les unes aux autres. Il est en forme de tour, large par le bas, se rétrécissant par le haut; les côtés ne sont pas pleins, mais ce sont des bandes transversales de fer, commeles barreaux d’une échelle ; les lames de fer qui forment les montants se renversent en dehors par de haut; c'était là-dessus qu'on posait le cratères. » « Plus difficile que l’art de Glaucus , ÿ était devenu un proverbe grec *. Encore une autre offrande remarquable par la difficulté vain- cue : «Il y a aussi, en cet endroit, le combat d’'Hercule contre l’hy- dre, œuvre et offrande de Tisagoras; Hercule et l’hydre sont en fer; l'emploi du fer pour les statues ét très-difficile et exige beau- coup de travail; l’œuvre de Tisagoras excite donc l’étonnement 5. » Les Grecs eurent le bon sens de comprendre que la difficulté du travail n’ajoutait rien au mérite d’une œuvre d'art, et la tentative de Tisagoras n'eut que peu d'imitateurs. Les autres offrandes que cite Pausanias doivent être placées ? Hérodote, I, 25. ? Plutarque, De Pyth. orac. 47. % Pausanias, X, xv1, 1. ‘ Platon, Des Lois. sPausanias, X, xvir 5. EE sur la terrasse méridionale du temple; les détails que donne notre guide ne suffisent pas pour attirer l'attention; je préfère donc renvoyer à son livre. Plutarque a choisi cette partie du sanctuaire pour la mise en scène de son dialogue sur les oracles de la Pythie. Je n'ai pas à m'occuper pour le moment de la question elle-même, mais seulement du cadre, qui est bien choisi, car toutes ces offrandes présentent des faits qui nourrissent la discussion, provoquent des questions et donnent de la vivacité au dialogue. Ce petit traité a bien des défauts ; malgré cela, quand on a vécu longtemps à Delphes et qu'on s'est occupé de ses antiquités, il a quelque chose de vivant, moins par la question débattue que par la mise en scène. Il y a un véritable plaisir à suivre cette promenade au milieu de ces offrandes que l’on s’est habitué à remettre en leur place, et l’on pardonne à l’auteur la pédanterie ennuyeuse et la pauvreté subtile de ses discussions, pour les indications qu’il jette en passant. La route qu'il fait suivre à ses promeneurs est celle qu’a suivie Pausanias; elle peut donc servir à contrôler son récit et la restauration tentée d’après lui. Le premier groupe devant lequel les visiteurs de Plutarque s’ar- rêtent est celui de Lysandre et des capitaines dé vaisseau, placé à l'entrée du sanctuaire; pendant ce temps, le guide récite un oracle sur le roi argien Égon, placé de l’aute côté, près du cheval Durien. Cetoracle est le signal de la discussion ; pourquoi la Pythie ne rend- elle plus ses oracles en vers? Les visiteurs continuent à s’avancer, sans s'inquiéter des offrandes, jusqu'a la colonne d’airain qui sou- tient la statue du roi Hiéron, monument que n’a pas signalé Pau- sanias, Mais qui se trouvait sur sa route, puisque les causeurs ar- rivent bientôt après à la pierre de la Sibylle et à la salle du sénat. Après s'être arrêtés quelque temps en cet endroit, ils passent de- vant les trésors des Corinthiens et des Acanthiens, et, bientôt après, se trouvent devant le temple. C’est à ce moment que le guide leur montre la place des broches de Rhodopis; puis la statue de Phryné, qui est l'objet d’un long débat, où sont citées la plu- part des offrandes que nous avons placées devant le temple. A ce moment, leur hôte les ramène à la première question, et ils tour- nent à l'angle du temple pour aller s'asseoir sur les degrés du midi. On voit donc que les indications contenues dans ce dialogue con- firment celles de Pausanias, et s'accordent avec les données si brèves, mais si précises, que nous avons trouvées dans Hérodote. h. D Que reste-t-il de cette partie autrefois si riche du sanctuaire? Rien ou presque rien. Les offrandes précieuses ont disparu les premières; l'or et l'argent été fondus par les Phocidiens et par Sylla. Après l’avidité de la richesse est venue celle de l’art; les amateurs, comme Néron, ont trouvé tout naturel de décorer leurs palais avec les chefs-d’œuvre enlevés au sanctuaire des dieux. Le chan- gement de capitale et la fondation de Constantinople ont achevé la dévastation. Pour embellir leur nouvelle ville, les empereurs chrétiens ont fait main basse sur tout ce qui pouvait rester d'œu- vres curieuses, et avec d'autant moins de scrupules qu’ils n'étaient même plus retenus par un reste de respect religieux ou par le souve- nir de la gloire que consacraient ces monuments; après la dévasta- tion générale, la destruction de détail, aux progrès lents, mais sûrs, et qui dure depuis des siècles. La meilleure part en revient aux habitants, avides de pierres pour construire leurs maisons, de mar- bre pour en faire de la chaux, renversant un mur pour arracher les scellements en plomb, etencore pour le seul plaisir de détruire, comme des enfants. Aussi n’y a-t-il pas à s'étonner de trouver si peu de.chose. Dans la première partie, les terrasses se sont écrou- lées les unes sur les autres: le terrain s’est affaissé, entraînant ce qui avait pu rester de la terrasse supérieure recouvrant l’infé- rieure; là il y aurait encore chance de retrouver. La seconde par- tie, la plus voisine du temple, est occupée par les premières mai- sons du village; elles sont pour la plupart appuyées sur des pierres antiques dont il est impossible de reconnaître la provenance; une tête de lion , le derrière d’une tête humaine à la chevelure abon- dante, encastré dans un mur comme ornement, tels sont les seuls restes de sculpture visibles. Il y a plus, j'en suis convaincu, dans les maisons elles-mêmes, mais ces restes sont cachés par crainte du Gouvernement, qui les prendrait sans payer. Il y aurait surtout à chercher dans le groupe de maisons compris entre la ruelle qui monte de la petite place publique de Castri à la fon- taine d'H. Georgios et la ruelle suivante, qui va dans une direc- tion à peu près parallèle. Là, disent les habitants, on trouva, il y a une cinquantaine d'années, une statue de femme qui fut ven- due à un Anglais, et transportée à la mer pendant la nuit. Dans la maison au-dessous, jai vu dans l'angle du mur de l'étage infé- rieur une moitié de cheval en marbre; à un pied au-dessous du sol est un vaste bassin de marbre. J'ai vainement essayé de le faire ES tirer dehors; le poids était trop considérable, et la mauvaise vo- lonté des ouvriers, qui craignaient qu’une découverte chez le voi- sin n’amenât des fouilles de ce côté, me força d'y renoncer. Il est bon néanmoins de signaler cet endroit comme l’un de ceux où il y aurait le plus de chances de trouver. Telles sont les seules indications précises que je puisse donner sur l'état actuel de Del- phes. On ne pourra rien faire tant que le gouvernement grec . n'aura pas adopté le parti qu'on lui a déjà plusieurs fois proposé, de transporter ailleurs le vihage de Castri. Les habitants ne mon- trent pas trop de répugnance à le quitter, à condition que l'État leur donnera une partie des terres publiques et des oliviers de 1a plaine de Salone; le Gouvernement de son côté ne demanderait pas mieux que de les exproprier, mais à la grecque, c’est-à-dire en ne payant rien. Là est la difficulté. CHAPITRE IV. TEMPLE. À l'extrémité de cette longue avenue de statues, de trésors, d’offrandes de tout genre, s'élevait le sanctuaire d’Apollon Pythien, qui ne le cédait ni en grandeur ni en réputation aux temples de Jupiter à Olympie et de Minerve à Athènes. De cet édifice magni- fique, il ne reste de visible aujourd'hui qu’une longue assise si- tuée au nord de la petite place de Castri; on en trouve la suite au fond de la troisième maison; cette assise, en pierres bleuûtres d'H. Élias, est en place et appuyée sur des substructions en tuf calcaire. C’est bien peu pour l'imagination du voyageur qui arrive, tout plein de souvenirs classiques, du sanctuaire d’Apollon, du trépied fatidique de la Pythie; c’est assez néanmoins pour per- mettre d’en fixer la place et donner à une exploration un point de départ assuré. Essayons maintenant avec quelques passages des auteurs anciens et quelques débris dispersés de donner une idée plus complète de ce monument et de relever quelques restes de cette splendeur passée. Premier temple. Pausanias ! ne compte pas moins de cinq temples successifs, le plus ancien, construit en forme de hutte avec des branches de lau- 1 Pausanias, X, v, 5. == ee rier venues de Tempé; le second, avec la cire et les ailes des abeilles; Apollon l'aurait envoyé aux Hyperboréens. Tout crédule qu'il est, le bon Pausanias n'ose affirmer l'existence d’un monu- ment aussi merveilleux et se contente de rapporter l’assertion des Delphiens. Mais il accepte assez volontiers l'existence du troisième temple, qui était d’airain, et il n’y a rien d'étonnant, dit-il { Saèpæ oùûdé»), puisque Acrisius avait bien fait pour sa fille une chambre d’airain et que les Lacédémoniens ont encore le temple de Mi- nerve à la demeure d’airain (xæhxéosxos); il n'y a donc rien d’in- vraisemblable dans sa construction, non plus que dans sa dispa- riion, sans doute, lorsqu'il fut englouti dans les entrailles de la terre. « Le quatrième temple fut construit par Trophonius et Aga- mède, et il était en pierre. » Ne commençons qu'à ce quatrième temple, d’une antiquité déjà respectable, car ses deux construc- teurs sont antérieurs à la guerre de Troie, et Phébus lui-même avait dirigé leurs travaux. | | Os eirov, Diéfnue Seuetjuu Doi8os ÂTOÀ]wY, Eÿpéa nai pau paxpà dimvexés* aÿrap Ëm aÿrois Adivoy oùdd» &0mue TpoGwvios nd Àyaundms, Yiées Épyivou, Giot dÜavéroior Seotouv Âu@i dE vydv évacoar dféoQara GiX\ dvOporwr Eecoloioi» Àdeootv, doidiuor Éppeva aiel”. Que lhymne soit ou non d’Homère, on ne peut néanmoins contester sa haute antiquité; un historien qui n’acceptait pas fa- cilement les fables, Thucydide, en citait les vers, sans mettre en doute leur authenticité ?. Laïissons de côté les deux architectes fabu- leux Agamède et Trophonius, qui personnifient les grands travaux de ces époques primitives : il faut reconnaïtre que le sanctuaire était regardé comme une œuvre gigantesque, exécutée par une population innombrable et qu'un dieu seul avait pu diriger. Il est certain que les faits sont d'accord avec la description homérique, qui n’est nullement une description de fantaisie. Le mur qui sou- tenait la terrasse du temple est une construction pélasgique, en pierres polies et jointes exactement (éeooïow Adecou») ; lexpres- sion eûpea nai pa paxpà dinvenés est justifiée par sa longueur, qui 1 Hym. hom. E, v. 294. 2? Thuc. IIf, 104 : Amoï dè poluora Opnpos dr: roradra hy ên Trois Émeot roiode ä oi x Toÿ wpooiou Ârédwyos. = ie n’est pas moindre de quatre-vingt-cinq mètres. Rien ne reste de ce temple primitif qu'Homère appelle epsxalys; mais l'étendue de ce mur de soutenement permet de supposer que l'édifice dé- passait les proportions ordinaires de cette époque. Un savant alle- mand , M. Bættiger, s’est amusé à en faire la restauration d’après la peinture d’un vase, mais sans textes d'auteurs et sans ruines: c’est une œuvre d'imagination encore plus que d’érudition. Grâce à l'oracle, qu'Agamemnon consultait déjà avant la guerre de Troie, le temple était d'une richesse proverbiale au temps d'Homère; car Achille s’écrie qu’il préfère la vie à toutes les ri- chesses, même à celles que renferme le seuil de pierre d’Apollon qui lance au loin les traits. Aussi ne faut-il pas s'étonner d'y ren- contrer des offrandes vénérables par leur antiquité. Un certain Phanias d'Éphèse y avait vu le poignard d’Anténor, le trépied gagné par Diomède aux Jeux célébrés après les funérailles de Pa- trocle; il en rapporte même les inscriptions. D’autres offrandes moins antiques, mais d'une origine plus certaine, et vues par un historien digne de foi, ornaient ce premier sanctuaire et attestaient la célébrité de l’oracle : les riches présents des rois d'Asie Mi- neure, le trône d’or du Phrygien Midas, les six cratères d'or de Gygès, le cratère d’argent d'Halyatte, et surtout les fameuses briques d’or de Crésus, qui soutenaient un lion d’or; ses deux im- menses cratères d'or et d'argent placés à droite et à gauche de l'entrée. Après l'incendie du temple, toutes ces offrandes, dépo- sées d’abord dans la demeure même du dieu, furent changées de place ou dispersées dans plusieurs trésors. Nous ne savons rien de l'architecture de ce temple primitif; était-1l déjà entouré de colonnes? Ou bien, comme le temple du mont Ocha, n’avait-il que quatre murailles destinées à cacher aux yeux du vulgaire l'adyton, l’omphalos et les richesses consacrées? Quel qu'il fût, il subsista jusqu’à l’archontat d’Erxicleides, la première année de la 58° Olympiade (548); à cette époque le feu y prit subitement et le consuma. Second temple. Les Amphictyons, chargés de régler tout ce qui touchait au sanc- tuaire, s’occupèrent de faire élever au dieu un nouveau temple!. l Hérodote, IE, cLxxx, v. M, La construction fut mise en adjudication pour le prix de 300 ta- lents, sur un plan (œapdderyua) fourni d'avance. Les Alcméonides, riche famille athénienne, chassée par les Pisistratides, se char- gèrent de l’entreprise; mais, désireux de mériter la bienveillance du dieu, ils allèrent au delà de leurs engagements et firent beau- coup mieux que le plan ne l’exigeait. L'architecte du temple fut un Corinthien nommé Spintharos; les statues des deux frontons furent exécutées en grande partie par l’'Athénien Praxias, élève de Calamis, et, après sa mort, par un autre Athénien, Andros- thène, élève d'Eucadmos !. Époque de la construction. Il y a peu de monuments sur lesquels les anciens nous aient laissé des renseignements aussi précis. La date de la construc- tion est fixée par la destruction même du temple précédent. À quelle époque le nouveau temple fut-il achevé? Aucun texte ne donne une date précise. L'expression de Pausanias ypôvou dé, ws 6 vads émoueiro, éyyryvouévou, fait supposer que les travaux du- rèrent assez longtemps. Il est certain qu'après la défaite des Perses à Marathon le temple n'était pas encore achevé ou consacré (car on n'est pas d'accord sur le texte d'Eschine éÉépyeotau ou éÉapä- oba)?; mais, à la même époque, les travaux étaient assez avancés pour que les Athéniens pussent suspendre aux architraves les bou- cliers enlevés aux Perses. Lors de la seconde guerre médique, le temple était certainement achevé et consacré, puisqu'on avait déjà placé dans l’intérieur les armes sacrées offertes au dieu. Hérodote en parle toujours comme d’un édifice terminé. On voit donc ce que signifie la scholie d’Eschine que le temple ne fut achevé que par Néron. En prenant les mots dans ce sens rigoureux, on pourrait dire que le Parthénon et les Propylées ne furent pas achevés sous l’ad- ministration de Périclès, puisque, de nos jours, on voit encore cer- taines parties où la dernière main n’a pas été mise. Pour le temple de Delphes, l'achèvement des détails traîna pendant longtemps, puisqu'on trouve, dans des inscriptions du n° siècle avant notreère, des récompenses aux architectes qui se sont occupés du temple. Mais de 545 à 480 au plus tard, le plan fut arrëté, et les parties 1 Pausanias, X, xIx, 3. 2 Esch. De Cor. 5 Lebas, n° 840. és Ne principales assez avancées pour qu'on puisse le regarder comme appartenant à cette époque. Il est donc antérieur aux temples de la Grèce dont il reste des ruines, aux temples de Thésée, d'Égine, d'Olympie, au Parthénon, aux Propylées; le temple seul de Co- rinthe est plus ancien. L'école d'architecture de cette ville avait acquis une GER réputation par l'invention du double fronton; aussi les Amplictyons, qui voulaient élever au dieu de la Grèce un temple digne de lui, eurent recours à un architecte de Corinthe. Dépenses. La somme de 500 talents (1,800,000 fr.) ne parait pas considé- rable à côté des sommes énormes que coùtèrent les Propylées et le Parthénon. Il ne faudrait pas en conclure que le temple de Delphes leur fût de beaucoup inférieur pour les dimensions. N’ou- blions pas qu’aux Propylées, avant de commencer l'édifice lui- même, il fallut dépenser beaucoup d'argent pour préparer le terrain; à Delphes, au contraire, la terrasse du temple était sou- tenue par un mur pélasgique dont la masse était indestructible ; on profita des constructions antérieures en y ajoutant seulement quelques assises helléniques. En outre, 300 talents, à cette époque, représentent une valeur beaucoup plus considérable que cinquante ans plus tard; les dépouilles enlevées aux Perses dans les deux guerres Médiques répandirent dans la Grèce une quantité consi- dérable de métaux précieux qui en fit baisser la valeur. Enfin, par une générosité assez rare chez des entrepreneurs, les Alcméo- nides ajoutèrent à la somme allouée pour la construction du temple. Si lon s’en tenait simplement à la somme primitive de 300 talents, décrétée par les Amphictyons, on se ferait une idée inexacte des dépenses faites pour le temple de Delphes et, par suite, de sa grandeur. Venons à l'édifice lui-même et voyons ce que nous pouvons connaître de sa forme et de ses dimensions par le témoignage des anciens et les débris parvenus jusqu’à nous. Même sans l’indica- tion de Pausanias, on pourrait reconnaître que l'architecte était un Corinthien. De sa patrie, il avait apporté l'invention du double fronton, qui donne à l'édifice plus de grandeur et de régularité, et l'emploi de ce tuf calcaire, léger, facile à tailler et à revêtir de stuc, dont on s'était servi pour le temple de Corinthe. La pierre du Parnasse fut rejetée à cause de ses défauts, veines de couleurs ET différentes, coquillages, lourdeur massive sans solidité. Le plan de l'édifice fut celui qu’on reproduisit depuis dans tous les temples grecs; mais il était alors dans toute sa nouveauté : une colonnade appuyée sur un soubassement, formant portique autour du sanc- tuaire; couronnée à l’est et à l’ouest par un double fronton, que les anciens appelaient le visage (æpôowmov) ! de l'édifice; au mi- lieu, le sanctuaire lui-même, divisé en trois parties, « Le anérsioie, na0s et adyton. » Matériaux. La partie antérieure du temple était en marbre de Paros; c'était le marbre employé alors, même pour les constructions, comme au pijtanée de Siphnos par exemple ?. À cette époque, les monuments de l’Acropole n’avaient pas en- core habitué les Grecs à voir des édifices tout entiers en marbre; l’emploi du marbre, même restreint à la partie antérieure du temple, était de la part des Alcméonides une générosité qu'Héro- dote a jugée digne d’être signalée. L'expression 7à éxmpooûe voù vaoÿ doit-elle être restreinte au mur oriental de la cella et aux antes, ou faut-il l’étendre aux colonnes de cette façade? Rien ne l'indique. De cette façade, il ne reste qu’un bloc de marbre con- sidérable, trouvé au-dessous des ruines du temple; ce bloc a été arraché d’un mur, car il contient des inscriptions dont la fin ou le commencement se trouvaiènt sur les pierres voisines. Ce sont des décrets de proxénie, décrets souvent gravés sur le mur de la cella; il est donc probable que cette pierre faisait partie de la façade orientale, la seule qui füt en marbre. Si cette conjecture est Juste, la manière dont ce bloc est taillé nous ferait connaître un détail curieux de la construction adoptée à cette époque et dont je n’ai pas vu d’autre exemple dans l'architecture grecque. Ce bloc de marbre est taillé triangulairement il devait en être de même des autres; les pierres s’'enchâssaient donc les unes dans les autre, comme les dents d’une scie *. ? Euripide, Jon. ? Hérodote, IIT, xvu. * C’est une simple conjecture, et je la donne pour telle. Mais il est impossible d'admettre, comme on l’a supposé, que ce bloc a servi de base à un trépied. Ni est certain que ce marbre a fait partie d'une construction, puisqu'on y trouve des inscriptions qui ne sont pas achevées. Si c'était une base de trépied, n'est-ce EN L'emploi du marbre dans la façade orientale était le plus grand embellissement apporté au plan des Amphictyons; mais il y en avait d’autres qu'Hérodote signale, sans entrer dans le détail. Ces embellissements devaient porter, non sur le plan de l'édifice, ré- glé d'avance par l'architecte, mais sur la qualité des matériaux. Les assises extérieures du temple en sont la preuve; les soubas- sements sont en tuf calcaire, mais les degrés, comme on peut le voir par celui qui subsiste, étaient en pierre d'H. Élias, aussi compacte que le marbre et d’une belle couleur d’un gris bleuûtre. La même pierre avait été employée pour les murs de la cella; car les décrets des gouverneurs romains réglant les limites du territoire sacré sont gravés sur une pierre de cette espèce, et, comme les arrêtés des Amphictyons qu'ils rappellent, ils devaient être placés dans la cella même, près du dieu dont ils assuraient les possessions. De même pour le pavé du temple. Ainsi le tuf, spécifié dans le plan primitif, avait été remplacé presque partout par des matériaux plus beaux; il n’a été conservé que pour les co- lJonnes, où il était caché par une couche de stuc. C'était encore une innovation et un progrès sur les temples précédents, qui n'étaient construits qu'en pierre, même-à l’Acropole. En outre, l'édifice devait présenter un aspect original par la diversité des matériaux employés dans sa construction, marbre de Paros, pierre bleuâtre d'H. Elias, tuf calcaire de Corinthe. Colonnes. Il n’y a plus une seule colonne en place ni entière; mais les tambours et les chapiteaux que nous avons mis à découvert dans nos fouilles permettent de s’en faire une idée assez exacte. Les co- lonnes sont en tuf calcaire, non plus d’un seul bloc, comme à Corinthe, mais en plusieurs tambours dont la hauteur varie entre 0%,72,et 0,75. Le tuf était revêtu d’une couche de stuc d’une épaisseur d’un centimètre ; à quelques endroits, elle existe encore, mais la couleur, s’il y en a jamais eu, a disparu. Les colonnes sont d'ordre dorique et à vingt cannelures. Les dimensions en sont assez considérables; à l'endroit où le chapiteau s’unit au fût, le diamètre est de 1°,26 et la circonférence de 4",30; pas le nom du donateur que porterait l'inscription ? Ou peut-on supposer que plusieurs étrangers se soient réunis pour aller graver sur la base d’un trépied les décrets qui leur donnaient les droits de proxénie ? 2 60 parmi les autres tambours, le plus volumineux a 1,72 de dia- mètre, 5",30 de circonférence. Rapprochant ces mesures de celles du temple de Jupiter à Olympie, qui paraît avoir été construit à peu près sur le même modèle, on voit que celui de Delphes était un peu moins grand; les colonnes d'Olympie ont 2",24 à la base, 1,69 au sommet. L’amincissement du fût, qui va toujours en di- minuant depuis les temps les plus anciens jusqu'à une époque plus moderne, est à peu près semblable à Delphes et à Olympie, 0,26 du diamètre de la base dans le premier, 0",25 dans le se- cond. On voit donc combien le temple de Delphes, évidemment conçu sur le plan du temple de Corinthe, marquait dejà un pro- grès sensible dans l’architecture de l’ordre dorique; il était loin de ces proportions courtes et ramassées des temples les plus an- ciens de la Grèce, de la Sicile et de la Grande-Grèce. [ avait toujours la puissance de l’ordre dorique, peut-être encore un peu de lourdeur; mais il annonçait déjà les colonnes à la fois sveltes et puissantes du Parthénon, qu'il a précédé de près d’un siècle. — Il en est de même pour le chapiteau; il n’est pas aplati ni creusé comme à Corinthe ou à Pœstum, mais, presque droit, il ii | : pates LA ! ressemble assez à celui d’Olympie. ; = vmnmpmnnmun gg 0-5 2 707 u Ë À dessein ou par hasard, la hauteur du tailloir est exactement égale à celle r | TRE RER) de l’échine, 0,30; dans la partie in- férieure de l’échine sont tracés quatre _ filets taillés assez profondément et qui semblent plutôt destinés à orner qu'à marquer la division du fût et du chapiteau !. On peut, d’après ces mesures, se faire une idée de la grandeur du temple. En supposant six colonnes à la façade, treize sur les côtés, et l’entre-colonnement double du diamètre, il pouvait avoir vingt-six mètres de large sur soixante et un de long. Il est bien en- tendu que ces chiffres sont approximatifs, puisqu'on n’a pas de S Ce j : } Ve ! Je dois le dessin ci-dessus, ainsi que celui de la page 92 et la planche re- présentant le mur pélasgique, à l'ebligeance de M. Boitte, architecte, pension- naire de l’Académie de France à Rome. = données certaines sur les entre-colonnements. Je les indique seu- lement par analogie avec les autres temples, et en tenant compte de l’époque. | Architraves, métopes. Aux architraves étaient suspendues des armes dorées, dépouilles de l'ennemi vaincu; c'était un usage général et dont nous trouvons des exemples à Olympie et au Parthénon. Les faces occidentale et méridionale étaient ornées de boucliers enlevés aux Gaulois; la façade orientale, des boucliers des Mèdes vaincus à Marathon. On faisait ainsi hommage au dieu de Delphes, comme au pro- tecteur de la Grèce, des dépouilles des deux peuples barbares qui avaient menacé son temple; les Gaulois se trouvaient assimilés aux Perses. Ce rapprochement avait sans doute frappé Pausanias et lui avait fait noter la ressemblance de forme entre les boucliers perses et les boucliers gaulois. Cette offrande des Athéniens fut la cause indirecte ou plutôt l’occasion de l’asservissement de la Grèce. Nul n'avait songé à les blàmer de leur empressement à consacrer au dieu les dépouilles des Perses vaincus. Mais, plus d’un siècle après, les Locriens d’Amphissa eurent la malencontreuse idée de se souvenir qu'à cette époque le temple de Delphes n'était pas encore consacré et d’accuser les Athéniens de sacrilége 1. La ran- cune des Grecs aimait à fouiller ainsi dans le passé et à y trouver des accusations d’impiété; on se rappelle que les Lacédémoniens, pour faire exiler Périclès, demandèrent aux Athéniens de chasser comme impies les Alcméonides, dont l'ancêtre avait autrefois violé le respect dû aux suppliants. La réclamation des Spartiates n’eut pas de suite; mais celle des Locriens eut des conséquences ter- ribles pour la Grèce. Eschine saisit l’occasion de lancer contre les Locriens une harangue qu'il a pris soin de nous conserver, et de susciter une nouvelle guerre sacrée, qui mena Philippe à Chéronée. Les habitants de Castri racontent que, du temps des Turcs, on fouilla sur la place publique et qu'on y trouva des armes antiques, boucliers et casques; l’aga se häta de les faire emporter. Étaient-ce les armes suspendues autrefois aux archi- traves de la façade méridionale? Le fait est possible, car cette place touche aux ruines du temple, et les Grecs sont plus portés à exa- 1 Esch. De Cor. Le QU 2e gérer qu'à inventer. Ce n’est qu'une tradition; mais, de la part de gens qui ignorent qu'autrefois des armes étaient suspendues aux hiitates du temple, elle peut avoir quelque valeur. Au-dessus de larchitrave, l’ordre dorique place les triglyphes qui rappellent l’ancienne construction en bois et accusent l’extré- mité des poutres transversales appuyées sur l’architrave. L'espace intermédiaire était laissé vide dans l’origine; mais de bonne heure on commença à y placer des morceaux de sculpture, comme on le voit au temple de Sélinonte. Cet ornement fut d’abord réservé aux façades, et c’est après les guerres médiques que nous le trou- vons certainement employé sur les deux longs côtés. Comment en était-il à Delphes? Le passage d'Euripide montre seulement qu'il y en avait à la façade orientale; le chœur, arrêté devant le temple, ne peut parler que des métopes placées de ce côté (oxéÿoœ éy TELYEO 4 Xaïvotorv, dit le chœur) !. Nous connaïssons ainsi cinq des sujets : 1° Hercule luttant contre l’hydre de Lerne, avec laide de Iolaos; 2° Bellérophon, monté sur Pégase, triomphe de la Chi- mère au triple corps, qui vomit des flammes. Les trois autres sont des épisodes de la guerre des Géants : Jupiter lançant la foudre contre Encelade, Minerve renversant Mimas, et Bacchus frap- pant Mimas de son thyrse. Il semble, par l'expression d’Euripide (xpuoéous dpraus), que ces sculptures étaient dorées, au moins en partie. La nature même des métopes condamnait les artistes à tourner dans un cercle restreint et uniforme de sujets; le cadre étroit qu'ils avaient à remplir ne se prêtait pas à une grande conception, à une scène développée; à peine y avaitil place pour deux ou trois personnages. Il fallait donc revenir sans cesse aux sujets qui fournissaient des groupes aussi simples; les combats des Géants ou des Centaures, les travaux d'Hercule ou de Thésée. Pour le temple de Delphes, les artistes avaient représenté les monstres vaincus par les dieux ou les héros, sans doute par analogie avec Apollon vainqueur du serpent Python. En général, les sculpteurs des métopes étaient condamnés à une monotonie qui dégoûta les : grands artistes de ce genre de travail et le fit abandonner à des sculpteurs de second ordre. Au Parthénon, les métopes sont cer- tainement la partie la moins bien traitée; c’est sans doute pour cette raison que Pausanias ne jugeait pas les métopes de Delphes dignes d’être signalées. 1 Eurip. lon, v. 190-210. DS Frontons. 1 n’en était pas de même pour les statues des frontons, qui for- maient le morceau capital. La sculpture ne se séparait pas de la religion qui l'inspirait; les statues n'étaient pas considérées comme une simple décoration, mais comme l'expression , sous une forme sensible, de la divinité qui présidait au temple. Aussi à Delphes, le fronton oriental, le plus important et le plus en vue, appar- tenait de droit à Apollon; le dieu occupait le centre du groupe formé par ses compagnes habituelles, Latone, Diane et les Müses; dans un angle le coucher du soleil. Le fronton occidental était rempli par Bacchus et son cortége de Thyades ; il n'y a pas à s’en étonner, puisque à Bacchus appartenaient trois mois de l’année delphique et que les restes mêmes du dieu étaient, selon la tradi- tion, conservés dans l’adyton. Ces deux groupes étaient l'œuvre de l’Athénien Praxias, élève de Calamis, et d’un autre Athénien, Androsthène, élève d'Eucadmos ; par conséquent, ils appar- tiennent à l’ancienne école attique. Il est tout naturel que les Alcméonides aient appelé des artistes de leur patrie, mais je crois qu’il faut faire honneur de ce choix surtout à la célébrité de cette vieille école. Aucun fragment ne nous permet d'apprécier direc- tement ces statues de Delphes; mais, à mon avis, on leur ferait tort.en les jugeant par celles d'Égine, qui sont à peu près de la même époque. La diversité, l’opposition même des deux écoles éclate dans la différence des sujets qu’elles ont choisis. Chacun incline vers l’œuvre qu'il se sent le plus capable de faire et où il trouve le mieux l'occasion de déployer les qualités qui lui sont propres. Cet attrait est si fort que, même sans avoir vu les œuvres . d’un artiste, on pourrait presque deviner la nature de son talent par les sujets qu’il a traités de préférence. Les sculpteurs d'Égine ont excellé à rendre le corps humain, avec une vigueur qui n’est pas exempte de dureté; aussi ont-ils choisi pour leurs frontons la représentation d’un combat, où leurs qualités paraissaient plus heureuses et leurs défauts moins choquants. Au contraire, les sculpteurs attiques se sont complu dans les statues de femmes, les Muses, les Thyades, Apollon, Bacchus, ces jeunes dieux d’une beauté un peu féminine. Auraient-ils recherché de tels sujets s'ils ne s'étaient sentis portés vers l'expression de la grâce et de la sou- plesse? Comment, avec la dureté vigoureuse des Éginètes | repré- 2 senter les Bacchantes autour de leur dieu, les une appuyées, les autres baissées ou couchées pour suivre la dégradation du fronton? Un amateur de goût trouvait encore un peu de roideur dans les statues de Calamis, mais déjà plus de souplesse que dans ses prédé- cesseurs. N’y a-t-il pas eu progrès chez ses élèves? Et à ces époques heureuses qui précèdent et préparent les grands siècles, ne sait- on pas que le progrès est rapide et continu ? Les défauts archaïques disparaissent, tandis que les qualités se développent. Phidias a longtemps fait tort à cette vieille école attique. Pendant longtemps on a cru que l’école attique ne pouvait produire que le guerrier Aristion ou le masque de Méduse. La découverte du bas-relief d'Éleusis est venue donner une idée plus juste de l’école attique et surtout de ses derniers représentants. Les draperies de Cérès ont un peu conservé de cette roideur archaïque que Cicéron re- prochait à Calamis; mais quelle grâce et quelle souplesse dans la Proserpine, dans cette tête légèrement penchée, dans les contours du cou et de la poitrine, dans les plis de la draperie, et, dans l'ensemble, quel charme inexprimable de jeunesse et de beauté! Je craindrais d’être trop favorable aux statues des frontons de Delphes en les jugeant d'après ce chef-d'œuvre. Je crois trouver un point de comparaison plus juste dans un bas-relief que M. Léon Heuzey vient de rapporter de Thessalie, œuvre proba- blement de l’un de ces artistes athéniens que les Aleuades atti- räient auprès d'eux. L’archaïsme est évident, l'œil de face, dans une figure vue de profil, en est un caractère qu'on ne peut mé- connaître; encore un peu de roideur dans les bras des deux jeunes filles qui se présentent des fleurs; mais la tête est d’une . grâce charmante, ainsi que la poitrine. C’est avec ces qualités et ces défauts que je me figure les œuvres de Praxias et d’Andros- thène; et je place dans les frontons du temple de Delphes des statues dignes du dieu et des chefs-d'œuvre qui lui sont consacrés. Dès les premiers moments, le temple de Delphes excita l’en- thousiasme de la Grèce; en Ago, Pindare, quoique Thébain, rendait hommage à la famille athénienne des Alcméonides, qui l'avait fait construire. « O Phébus! s'écrie-t-1l, toutes les villes s’'entretiennent des citoyens d’Érechthée qui ont élevé ton temple superbe dans la divine Pytho!.» Plus tard, à une époque où le ! Pindare, Pyth. IV. ee OR Parthénon était achevé, ce monument excitait encore l'admiration des Grecs, et de ceux-là même qui avaient le droit d’être difi- ciles, des Athéniens. Quel éloge dans la bouche des femmes athé- niennes que ces vers où le temple de Delphes est mis en regard des temples de l’Acropole : « Ce n’est pas seulement dans la riche Athènes que les temples des dieux sont entourés de belles co- lonnes, mais dans la demeure de Loxias, fils de Latone, brillent aussi deux frontons jumeaux comme les yeux aux belles pau- pières !. » Pronaos. Pausanias, en commençant la description du temple, avait donné assez de détails sur le sujet des frontons et le nom des ar- tistes. Mais la vue des boucliers gaulois lui inspire le désir irrésis- tible de raconter l'expédition de ces barbares, qui avaient menacé le sanctuaire d’Apollon. Après une longue digression de cinq cha- pitres, il se souvient qu'il a commencé la description du temple ; il revient donc à son sujet et continue en ces termes ? : « Dans le pronaos sont gravées des inscriptions bien utiles à l’homme pour régler sa vie..... Les sept sages de la Grèce, venus à Delphes, ont consacré à Apollon ces maximes si vantées : Connais-toi toi-même, et Rien de trop.» Les Amphictyons* avaient eu soin de les faire graver de nouveau sur le second temple. Tout est dit sur ces fa- meuses maximes, et je ne voudrais pas m'exposer, en en parlant ici, à ne dire que quelques généralités banales ou à commencer un traité de philosophie. Dès l'antiquité, elles avaient suscité une quantité incroyable d’écrits. Mais pourquoi Pausanias n’a-t-il pas signalé une troisième maxime toujours rappelée avec Îles deux autres et attribuée au Lacédémonien Chilon, Éyytæ, œüpa d Ta. Elle est d’un ordre moins élevé que les précédentes, mais elle n'est pas moins pratique ni moins utile aux hommes. Pausanias l’aurait-il jugée indigne de la majesté du dieu ? .Ces trois maximes avaient le mérite d’être claires, qualité bien rare et qui doit être appréciée chez le dieu des oracles. Mais il semble avoir voulu prendre sa revanche avec l'E placé au-des- sus de la porte, énigme proposée à tous ceux qui venaient visiter ! Eurip. lon, v. 185. ? Pausanias, X, xx1v, 1. * Plutarque, De Garr. xvn. MISS. SCIENT. — 1I!, J => 00 = le sanctuaire. Son obscurité avait rendu cet E vénérable. L'impé- ratrice Livie avait remplacé par une lettre d’or ! l’ancienne lettre de bronze consacrée par les Athéniens, laquelle avait elle-même succédé à l’offrande primitive, qui était en bois. C'était une simple lettre; mais, par là même, elle offrait une ample matière à l’esprit subtil et disputeur des Grecs. Le dialogue de Plutarque, sans résoudre la question, donne l’idée de l'incroyable diversité des opinions à ce sujet; c'est une énigme que chacun interprète suivant son goût et ses études. Le prêtre Nicandros expose l’expli- cation adoptée à Delphes; cet e est pour ei (si), la particule sans cesse employée dans les questions adressées à Apollon comme devin et dans les souhaits où on l’invoque comme dieu. Un dialec- ticien prétend que c’est un hommage rendu à la science qu'il professe, car la conjonction si est nécessaire à tous les raisonne- ments. Le mathématicien ne veut voir que la lettre E; c'est l'expression du nombre cinq, nombre qui joue un rôle important dans toute la nature, et il développe longuement les mérites et la formation de ce nombre. Le philosophe Ammonius lui répond qu'on pourrait en dire autant du nombre sept; il n’a donc pas trouvé la véritable signification. D’après lui, c’est la seconde per- sonne du verbe être, tu es. La maxime Connais-loi loi-méme est le le salut que le dieu adresse à celui qui pénètre dans son temple, et fidèle répond Tu es, seul hommage qui convienne à la divinité; car de sa nature elle est immuable, éternelle, tandis que nous, nous passons, et, dans ce rapide passage, nous sommes sans cesse soumis au changement. Cette interprétation est beaucoup plus élevée que toutes les autres, est-elle plus vraie? Je n’entreprends pas de le décider. Cet E est une énigme, et elle a reçu tant d’ex- plications qu'elle me parait insoluble. Le mur du pronaos était en outre couvert d'inscriptions, de décrets accordant les droits de proxénie aux étrangers qui avaient bien mérité de la ville de Delphes. Le bloc de marbre trouvé au- dessous du temple et placé dans la cour de Franco en est une preuve?.. Le fait, du reste, n’a rien d’extraordinaire; des inscrip- tions de même nature trouvées à Paros et à Amorgosÿ portent que le décret sera gravé sur les parois du temple. ! Plutarque, De Ei delphico. 2 Inscript. Delph. 460-3. 3 Corpus inscriptionum, 2374. Le où Le pronaos!, fermé par une grille, contenait un certain nombre d’offrandes. Celle qui la première attirait l'attention, était la statue d'Homère, placée sur une colonne avec l’oracle du dieu. « Homme fortuné et misérable, car tu es né pour éprouver ce double sort, tu demandes le pays de ton père: le pays de ta mère existe, mais non celui de ton père. L'ile d'Ios est la patrie de ta mère, c’est elle qui recevra ton corps, mais prends garde à l'énigme des jeunes gens?.» On connaît la tradition que rappelle et que consacre cet oracle : Homère aurait abordé dans l'ile d'Ios, où des enfants lui proposèrent une énigme qu'il ne put deviner; à ce signe, il reconnut que sa mort était proche. Les habitants d'Ios se vantaient de posséder le tombeau du poëte et de sa mère, récla- mant ainsi pour leur île l'honneur de lui avoir donné le jour. On conservait encore à Delphes une offrande d'Homère, un disque d'argent remporté dans un combat de poésie, et consacré au dieu avec une inscription. Doiés ävaë, dSpor TOŸ Üunpos xa} dr Édwxa Efouv ëve Gpoobvaus où dé pou xAéos aièv ômaèos*. La statue de bronze d'Homère était probablement la seule chose remarquable du temps de Pausanias; le sanctuaire avait été plus riche autrefois. Hérodote a signalé deux offrandes pré- cieuses qui disparurent après lui. L'une, présent de Crésus, était un cratère d'argent placé à l'entrée de l’ancien temple et trans- porté dans un angle du pronaos‘. Il contenait six cents amphores. Outre sa richesse, il était précieux comme œuvre d'art; les Del- phiens ne craignaient pas de l’attribuer à un artiste renommé, «et pour moi, dit l'historien, je le crois, car il ne me paraît pas l’œuvre du premier venu.» Ce vase servait à l’une des nom- breuses fêtes de Delphes, celle des Oeo@äri, la même que Plutarque appelle @eoËéria et qui avait donné son nom à l’un des mois de l’année delphique, OecoËérios. Près de ce cratère était une offrande des Éginètes , consacrée bien à contre-cœur après la bataille de Salamine 5. « Les Grecs, après avoir envoyé à ! Euripide, Jon, v. 1221. ? Pausanias, X, xxIV, 2. Homère, Fragments. 1 Hérodote, I, Li. 5 Jd. VIII, cxxu. Sa! PR Delphes la dime du butin, demandèrent en commun au dieu s'il en avait recu la dime pleinement et complétement. Il répondit qu'il l'avait reçue de tous les Grecs, excepté des Éginètes, et il leur réclamait le prix de la bataille de Salamine. Les Eginètes, l'ayant appris, consacrèrent les trois étoiles d’or qui sont sur le mât d’airain, dans l’angle, tout près du cratère de Crésus. » Ainsi le dieu était un créancier rigoureux, mais il ne pouvait trop l'être avec des débiteurs comme les Éginètes, plus soucieux de s’enri- chir que de payer leurs dettes, même aux dieux. Cella. La grande porte donnait accès du pronaos dans la cella. Dans les temples grecs, il n’y a d'ordinaire qu’une seule porte; mais plu- sieurs passages prouvent qu'il ÿ en avait plus d’une au temple de Delphes. Dans l’Ion d'Euripide, le chœur resté près de la porte dit : Qs d èm éÉ00do1ow dvros Ty d’ duotouer muy AoùTov. Il ne peut être question de portes placées sur les côtés ou à la façade occidentale, car le chœur est resté pendant tout le temps devant l'entrée du temple !. Dans un autre passage, Euripide em- ploie encore le pluriel aïde d” elwmor æulai. Peut-être peut-on entendre par là les deux battants d’une seule porte. Mais Plutar- que ?, racontant la fête célébrée aux jeux Pythiens et destinée à _ rappeler la victoire du dieu sur Python, dit que ceux qui ont mis le feu à la tente s’enfuient, sans retourner la tête, par les portes du temple, da Supér. Ici il me paraît difficile de trouver le même sens que dans le vers d'Euripide. Enfin, dans une inscrip- lion d’affranchissement, le vendeur déclare avoir reçu du prêtre d’Apollon la somme convenue, près de la grande porte, 70 péya Süpœua. Pourquoi aurait-on fait mention de la grande porte du temple, s’il n'y en avait qu'une? On a voulu la distinguer de deux portes plus petites qui donnaient accès dans les galeries latérales, tandis que la grande porte était à l'entrée de la nef même de la cella. Dans les temples romains, on trouve souvent trois portes; mais jusqu'ici on ne connaissait qu'un seul exemple de cette dis- 1 Eur. dons v. 161%. ? Plutarque, Quest. gr. # Inscript, Delph. position dans les monuments grecs, celui du temple de Jupiter à Sélinonte !; c’est donc une particularité qui mérite d’être signalée. Le temple était hypèthre, comme tous les grands temples; Jus- tin ? l'indique clairement, lorsque les prêtres, pendant l'attaque des Gaulois, s’écrient qu'ils ont vu le dieu arriver au secours des * habitants : Eum se vidisse desilientem in templum per aperta culminis Jastigia. On a même considéré comme venant de la colonnade intérieure trois tambours de colonne et un chapiteau ioniques en marbre trouvés au bas du mur pélasgique qui soutient la terrasse du tem- ple. La place où ils furent découverts est la seule raison qu'on en puisse apporter; mais cette raison ne me paraît pas suffisante pour prouver que l’ordre intérieur était ionique. À Pestum, à Agrigente aussi bien qu'à Égine, à Athènes, à Olympie, il est dorique à... l'intérieur comme à l'extérieur. Phigalie est, je crois, le seul en- droit où l’on trouve non pas des colonnes, mais des demi-colonnes ioniques ; mais c’est une singularité, une innovation de l'architecte Ictinus ; ne pouvant faire mieux qu’au Parthénon, il a cherché à faire autrement. Ce n’était pas le cas pour le temple de Delphes. De plus, si la colonnade intérieure avait été en marbre, et non en tuf revêtu de stuc comme à l'extérieur, Hérodote, qui marque parmi les embellissements apportés au plan des Amphictyons l'emploi du marbre de Paros pour la partie antérieure du temple, en aurait aussi fait mention. Ainsi, tout en admettant l'existence de l’hypèthre, qui se retrouve dans tous les autres grands temples doriques, et que Justin désigne clairement, rien n’autorise à croire que la colonnade intérieure fût en marbre et d'ordre ionique. Quant aux débris de colonnes trouvés à la terrasse inférieure, ils appartiennent à un autre temple dont je parlerai plus loin. La première chose qui frappe Pausanias à son entrée dans la cella, c'est l'autel de Neptune, ancien maître de l’oracleÿ. Puis un groupe de statues, les deux Parques, et Jupiter Mospæyérns, qui remplace la troisième ; à côté est un Apollon Mospayérns*. Pourquoi n'y avait-il que deux Parques au lieu des trois qu'on admettait par- ! Revue de l'architecture et des travaux publics, 1857. Architecture au siècle de Pisistrate, par M. Beulé, p. 290. 2 Justin, XXIV, vurr. 3 Pausanias, X, xx1v, 4. ‘ Plutarque, De Et delph. 2 UE tout ailleurs ? C’est une des nombreuses énigmes que Plutarque signalait dans le temple de Delphes, mais sans en donner la so- lution. Que signifie cette épithète de Mospayérns donnée à Jupiter et à Apollon? Si elle les désigne comme ceux qui conduisent ét dirigent les Parques, comment la concilier avec la réponse du dieu à Crésus, qui lui reproche sa défaite et sa captivité : « Echap- : per à la destinée est impossible même à un dieu. » Malgré son désir de sauver le roi de Lydie, Apollon n’a pas pu fléchir les Parques!; l'expression grecque où &apayayei est précisément l'op- posé de l’épithète Mospayérns. La contradiction est évidente; elle est née de l’idée confuse que les Grecs se faisaient de la Providence. Is n’ont pu arriver à la concevoir comme un attribut de la divi- nité toute-puissante qui voit et règle la marche des affaires hu- maines; ils en ont fait le destin, force aveugle et supérieure à toutes les autres; c’est en général l’idée qui domine et qu'Eschyle et Sophocle ont développée dans leurs tragédies. D’autres fois ils ne pouvaient admettre qu'un dieu tout-puissant füt soumis à une force indépendante de sa volonté, et ils lui donnaient ce titre de Mospayérns. Les Parques étaient aussi les divinités de la religion primitive qu'Apollon avait détrônée, lutte dont on pourrait voir la trace dans les Euménides d'Eschyle {v. 170), où le chœur repro- che au jeune dieu d’avoir abaissé les antiques Parques maharyeneis Moipas bioas. Vaincues, ces déesses se transformèrent et parta- gèrent, avec le dieu qui les avait vaincues, les honneurs du sanc- tuaire. Sur le foyer brülait le feu qu'on appelait immortel, le bois seul du sapin servait à l’alimenter?; l'entretien en était confié#, non pas à des vierges, comme les vestales romaines, mais à des femmes qui avaient été mariées. L'idée d’honorer la divinité en entrete- nant devant ses autels une lampe ou un feu qui ne doit pas s’é- teiñdre se retrouve chez toutes les nations et dans tous les cultes. Ce foyer était consacré par les traditions et la poésie; Eschyle, entre autres, le cite à côté de l’omphalos; c'était là que Néopto- lème avait péri sous les coups du grand prêtre, œupôs re Qéyyos dPbirov nexhknuévor. Après la bataille de Platée, un oracle or- donna aux Grecs d’éteindre tous les feux souillés par les barbares ! Hérodote, F. ? Plutarque, De Et delph. * Plutarque, Numa, IX. es M et de prendre sur le foyer sacré de Delphes la flamme qui devait les rallumer!. Plutarque a rendu célèbre le Platéen qui, dans la même journée, parcourut deux fois la distance du champ de ba- taille à Delphes, et mourut en remettant à ses concitoyens le flambeau allumé sur le foyer immortel d’Apollon. « Non loin du foyer est le siége de Pindare; ce siége est en fer; on dit que, lorsqu'il venait à Delphes, il s’asseyait sur ce trône et chantait ses hymnes en l'honneur d’Apollon?. » Pindare, lui-même, semble demander ou rappeler cet honneur. « Au nom de Jupiter Olympien, au nom des Gràces et de Vénus, temple éclatant d'or, où Phébus rend ses illustres oracles, reçois-moi dans ton divin sanctuaire, moi, l’illustre pontife des Muses. » Entre tous les poëtes, Pindare avait été comblé des faveurs du dieu; un oracle avait ordonné aux Delphiens de lui donner la moitié des dimes offertes à Apollon, et un décret des Amphictyons lui avait décerné le droit de proxénie dans toute la Grèce. Le poëte lui-même avait cons- cience de savaleur : toutes les fois qu'il parle desesœuvres, c’est avec orgueil ; aussi j'admettrais sa réponse à ceux qui lui demandaient ce qu'il sacrifierait au dieu. — Un péan, dit-il. — C'était une offrande plus digne du dieu de la poésie que le sang des victimes. Une partie de ses œuvres, aujourd'hui perdue sauf quelques lignes, comprenait des [larves et des Yropynuara en l'honneur d’Apollon ; et c’est sans doute pour ces poésies qu’on avait placé son trône près du foyer du dieu. La plus grande curiosité de la cella était lomphalos. Pausanias en parle, mais au milieu de sa course à travers les offrandes. « Ce qu'on appelle omphalos est une pierre blanche que les Delphiens. disent être au centre de toute la terre, et une ode de Pindare est d'accord avec leur affirmation.» Cette pierre était certainement dans l’intérieur de la cella; comment donc Pausanias en parle-t-1l en décrivant les offrandes placées en dehors du temple? Faut-il croire qu'en passant devant la porte du temple il l’a aperçue et s'est empressé d'en parler? Je pense plutôt que ce passage n'est pas à sa place ; on peut le détacher et le transporter dans la des- cription du temple, sans déranger en rien la suite du récit; il ne tient ni à ce qui précède ni à ce qui suit. Quelle que soit opinion ! Plutarque, Arisüide, xx. ? Pausanias, X, xx1v, 4. L Id. ibid, xvr, 2, = Vous que l'on adopte sur la phrase de Pausanias, il est certain que l'omphalos était dans la cella du temple. Dans la pièce des Eu- ménides!, la Pythie se dirige vers le temple et elle reste saisie d'horreur à la vue du spectacle qu’elle découvre. « Je vais vers le sanctuaire aux nombreuses couronnes, j'aperçois près de l’om- phalos un homme haï des dieux, dans une posture suppliante. » Cette scène a été reproduite dans la peinture de plusieurs vases antiques : Oreste épouvanté, poursuivi par les Furies, est accroupi près de l’omphalos, qu’il embrasse; la pierre est ornée de bande- lettes; des colonnes indiquées dans le fond prouvent que la scène se passe dans le temple. Le témoignage d'Euripide est encore plus précis?. Le chœur, arrêté devant le temple, demande au jeune Ion s'il peut y pénétrer. « Il ne vous est pas permis, 6 étrangères. — Ne pourrai-je pas même entendre de toi une parole? — Laquelle désires-tu? — Est-ce que réellement la demeure de Phébus ren- ferme l’omphalos, centre de la terre? — Oui, certes, et il est en- touré de bandelettes, et tout autour sont les Gorgones. — C’est aussi ce que dit la renommée. » De même Strabon : As/xvuras ua} duBadés ris y T va Terauvswuévos$. On a supposé avec assez de raison que cette pierre était un ancien fétiche, comme celui de Vénus à Paphos, et qu’elle appartenait au culte de la Terre, qui avait précédé à Delphes et dans la Grèce celui d’Apollon. La nou- velle religion avait adopté ce débris des croyances vaincues, en l’accommodant au nouveau culte“. Il était devenu le centre de la terre, que Jupiter lui-même avait pris soin de déterminer. « Pin- dare dit qu’en cet endroit se rencontrèrent les deux aigles en- voyés par Jupiter, l’un parti du levant, l’autre du couchant. On montre aussi dans le temple un omphalos entouré de bandelettes et, tout auprès, les deux aigles de la légende. » Dans les œuvres qui nous restent de Pindare, ce passage n'existe plus; il y a seu- lement une allusion dans la quatrième Pythique : « La prêtresse assise près des aigles d’or de Jupiter.» Le scholiaste, expliquant ce vers, ajoute que les deux aigles furent enlevés par les Phoci- ! Eschyle, Euménides, 38. ? Euripide, lon, v. 222. 3 Strabon, X, 1x1. 4 Id. ibid. 5 Plutarque De Def. orac. 1. $ Pindare, Pyth. IV, et schol, EUR, qu diens. Üne longue tradition et l'autorité de la poésie avaient con- sacré cette croyance, et, pour toute l'antiquité grecque et romaine, Delphes était le nombril de la terre, ôu@ahos, umbilicus. La description rapide de Pausanias nous laisse bien à désirer, et malheureusement nous n'avons que peu de chose à y ajouter. Hérodote! nous signale les armes sacrées placées dans l’intérieur du temple, qu'il n’était permis à aucun mortel de toucher. À l’ar- rivée des Perses elles se trouvèrent transportées en dehors, pro- dige effrayant pour les barbares, et qui rendit un peu de courage aux défenseurs du sanctuaire. | L'intérieur du temple était décoré de peintures. Pline ? nous a même conservé le nom de l'artiste Androclidès, Androclides, qui pinæit ædem Apollinis Delphis. Mais il ne dit ni sa patrie ni son épo- que; nulle indication non plus sur les sujets. Tout ce que nous savons, c’est qu'il était un peintre de second ordre; car Pline ne le cite qu'après avoir fait l’'énumération des artistes que l'antiquité plaçait au premier rang. Ces peintures ne devaient pas couvrir la surface entière des parois de la cella; car une inscription de l’é- poque romaine qui détermine les limites du territoire sacré fait mention des décrets des Amphictyons gravés sur les murs du temple et qui servaient de fondement à cette nouvelle délimita- tion; ces nouveaux décrets devaient être gravés au même endroit, près des anciens actes qu'ils confirmaient; leur extrême impor- tance leur avait valu cette place d'honneur *. Adyton. Voilà tout ce que nous savons sur le naos du temple; nous avons encore moins de détails précis sur la partie la plus intéressante, l’adyton. « Peu de personnes, dit Pausanias, pénètrent dans la partie la plus reculée du temple; il y a là une autre statue d’Apol- lon qui est dorée. » Il faut donc demander des renseignements à d’autres auteurs. Selon le scholiaste d’Aristophanef, il y avait là un trépied d’or dont l’histoire merveilleuse était digne du lieu où on le conservait. Des pêcheurs mityléniens l'avaient retiré de la mer 1 Hérodote, VIIE, xxxvur. 2 Pline, XXXV, x. + Corpus inscript. 1711 : «Quum optimus princeps sententiam hieromnemo- num..... quæ etiam Delphis, in latere ædis insculpta est. » # Scholiaste d'Aristophane, Plutus, v. 9. me URSS dans leurs filets; on consulta l’oracle sur cette trouvaille, et il ré- pondit de l’offrir à l’homme le plus sage. Il fut porté successive- ment aux sept sages, qui se le renvoyèrent mutuellement, et enfin consacré au dieu comme surpassant tous les mortels par sa sagesse. L’adyton renfermait encore les restes de Bacchus, dont un his- iorien, Philochoros!, indique positivement la pres Éolr idetr. Tv TaPiv aÜTOÙ (Arorüoou) év Ae)Gois cape rdv ÂméX\w»Ia Tr X puooûr. BaÜpèr dE Tu eivou Ümovoeiror à TdQos év © ypd@erou” ÉvQade xeèrar avr Aiévvoos à êx Depéhns. Un autre historien, Dinarque, cité partie par un latin, partie par un grec, constate le même fait et presque dans les mêmes termes :« Qui autem spectare voluerit, licet ei adhuc spectare Bac- chi sepulcrum Delphis juxta Apollinem aureum. » — Bafpor dé Tu vopuiQeTos Tois dyvoodoir à Auovÿoou Td@os ?. Sur ce tombeau, les cinq Hosü, qui prétendaient descendre de Deucalion , offraient des sacrifices secrets (éroppnrt) à l’époque des fêtes de Bacchus. IL est regrettable que Pausanias n’ait pu pénétrer dans l’adyton et nous donner quelques détails sur sa disposition, car la nature particulière du sanctuaire avait dû amener une modification dans l'architecture ordinaire des temples. Par exemple, il ne pouvait y avoir une porte de derrière, comme à l’Opisthodome du Parthé- non, destiné seulement à recevoir les offrandes précieuses consa- crées à la déesse. À Delphes, au contraire, c'était la partie prin- cipale du temple, celle où la divinité révélait ses volontés aux hommes; le mur du côté de l’ouest devait être entièrement fermé et cacher le sanctuaire aux yeux des profanes; il n’y avait donc pas de porte symétrique avec la grande porte de l’est. L’adyton communiquait avec la cella par une entrée, proba- blement fermée d’une grille. Il semble qu’il y avait une chambre où étaient introduits ceux qui venaient consulter l’oracle. La Py- thie répond aux députés qui consultent le dieu sur l'invasion des Perses : « Malheureux, pourquoi rester? Sortez de ladyton (&Ë àduroio) 3. — Les députés reviennent suppliants et déclarent qu'ils ne sortiront pas de l’adyton (7 où To: ämiuer èx ToÙ ddurTou) Phil. Fr, Histicgrats 1 ? Sync. p. 162. 3 Hérodote, VIT, 140. 2 UE avant d’avoir obtenu une réponse plus favorable. Hérodote ne dit pas s'ils pénétraient dans l’adyton même ou s'ils restaient dans une chambre construite à l'entrée. Le passage suivant de Plutarque tranche la question dans ce dernier sens. Ô yà poinos, év @ ToÙs xpœuévous T Se xabilovorr, oÙTe moddduis oÙte TerTayuéves, GAN os ÊTULE, Où xpovor etwdlas évariuThaTar xal DYEUATOS , olas dy Tà nouola na mokvrekéolata Tv pÜpor émoDopas, dore p £x mnyfs TOÙ dOUTOU mpoo6dAkorros |. Laissons de côté le fait lui-même et la cause que lui assigne - Plutarque; une chose est attestée expressément, c’est qu'il y avait une chambre (ofxos) pour les députés, et que cette chambre était assez voisine de l’adyton pour qu’on püt supposer que les émana- tions du sanctuaire y pénétraient. Le niveau de cette partie était plus bas que celui du temple; car tous les écrivains, pour désigner l’action d’y entrer, emploient un verbe composé avec la préposition xar& qui marque l’action de descendre. I serait surtout intéressant de connaître la manière dont l’en- thousiasme se communiquait à la Pythie, et de dégager le vrai du faux dans ces récits merveilleux. Les détails les plus précis nous ont été conservés par Strabon? : « L'oracle est un antre profond dont l'ouverture n’est pas très-large; de cet antre s'élève un souffle inspirateur ; sur l'ouverture est placé un trépied élevé ; la Pythie monte sur ce siége, et, recevant ce souffle, elle rend des oracles en vers et en prose. » Longin $ donne exactement la même expli- cation : La Pythie monte sur le trépied dans un endroit « où il y a une fissure de la terre et d’où s’exhale, dit-on, un souffle inspi- rateur. » De même Justin : « Exigua est planities atque in ea pro- Jfundum terre foramen quod in oracula patet. » La description la plus détaillée est celle du scholiaste d’Aristophane ; mais le commenta- teur a emprunté à son auteur une crudité de termes qui ne permet pas de la traduire tout entière en français. Hy d8 # Iluÿ/a yur» frus, os Qaoiv, éminalnuérn T@ Tpérod Toù ÂméXwvos xa} duau- poÿoa Tà oxéAn, wovnpèv xdfwber dvadidouevor œvedua dà Tir YEVVNATIAGOV édéyxeTo opéov À; remplie du souffle divin, les cheveux ! Plutarque De Def. or. 1. 2 Strabon, IX, ir. * Longin, Traité du Sublime. Scholiaste, d'Aristophane, Plutus, 39. Eu épars, l'écume à la bouche, et avec les autres signes qui accom- pagnent ordinairement la démence, elle rendait ses réponses. Tous ces passages sont d'accord entre eux et avec un passage du faux Aristote, qui généralise le fait!. «Il en est de même des exhalaisons qui s'ouvrent des issues en divers endroits de la terre; les unes inspirent à ceux qui s’en approchent un violent enthou- siasme, les autres produisent sur l'économie une sorte d’épuise- ment. Il yen a qui font rendre des oracles, comme à Lébadée et à Delphes. » Tout n'était donc pas charlatanisme dans cet oracle célèbre. Un fait est bien constaté, c'est que dans la sanctuaire existait un dégagement de gaz qui provoquait chez la Pythie une sorte d'hal- lucination, augmentée encore par le laurier qu’on lui faisait mà- cher. La violence de ces convulsions pouvait parfois amener l'épuisement et la mort, comme Plutarque le rapporte pour une Pythie morte de son temps?. « Les présages étaient défavorables et elle ne descendit dans l’adyton que malgré elle et avec répu- gnance. Elle s’agita sans laisser échapper un mot, elle paraissait violemment secouée; avec un cri terrible, elle se précipita vers la sortie; sa vue fit prendre la fuite non-seulement aux envoyés qui consultaient l’oracle, mais encore au prêtre Nicandre et à ceux des Hosii qui étaient présents. Toutefois, ils vinrent la relever peu de temps après, et elle avait toute sa raison; mais elle mourut après avoir langui quelques jours. » Aussi les prêtres avaient soin de choisir une femme simple et ignorante, atteinte de quelque affection nerveuse qui la rendait sujette à ces convulsions, hystérique même, comme le scholiaste le donne à penser; et, selon Pouqueville, ce genre d’affection est fréquent dans la Grèce du Nord. Dès l'antiquité, Aristote avait cherché et trouvé une explication physique au délire prophétique; il l’attribuait à l’action de la bile sur le Fe. nerveux : Ole» | (éx Tÿs pehayyodias) ZiGUXdaE ai Baxrdes nai oi évOeor yivorrar wdvres. Mais tousles anciens auraient cru ravaler la divinité en donnant à ce phénomène une cause na- turelle; ils y voyaient une intervention directe de la divinité. On connaîït la célèbre théorie de Platon sur le délire. De cette opi- l Aristote, De Mundo, 1v. 2 De Def. or. LI. $ Aristote, Probl, lect. cccix, 1. ss mi — nion générale naissait la croyance aux oracles; on expliquait par le merveilleux les faits dont on ne saisissait pas la cause natu- relle. Puis venait le charlatanisme : la Pythie était entourée des Hosü, des prêtres chargés de mettre en vers ses réponses et de donner un sens à ses paroles incohérentes. Avec le penchant in- vincible de l’homme à croire au merveilleux, un fait naturel en réalité, mais qui paraissait surnaturel parce que la cause physique en était inconnue, quelques rencontres heureuses, beaucoup d’ha- bileté à ne pas se compromettre et à laisser une porte aux expli- cations après l'événement, il n’en fallait pas davantage pour fon- der et maintenir le crédit de l’oracle de Delphes. Le savant Ot. Müller, dans ce dernier et fatal voyage de Delphes qui l’enleva à la science, avait songé à faire des fouilles dans les environs du temple, espérant tomber sur l’adyton. Mais l’entre- prise lui parut, avec raison, trop hasardeuse. À cette époque en effet, on aurait peut-être pu le trouver, mais par un coup de ha- sard, et non par des conjectures fondées sur le raisonnement et la connaissance des lieux; il valait donc mieux s'abstenir. Mais depuis nos dernières fouilles, on peut, je crois, fixer avec certi- tude l'emplacement de l’adyton et l'endroit où il faudrait creuser pour retrouver cette fissure du rocher, si elle n’a pas disparu dans les tremblements de terre qui agitent fréquemment cette contrée. Pausanias, après avoir parlé de la fontaine Cassotis, ajoute : « On dit que l’eau de cette fontaine disparaît sous terre et passe dans ladyton !, où elle rend les femmes prophétesses. » De l’adyton, il est évident que cette eau devait continuer sa course, et elle ne pouvait passer qu’à travers le mur pélasgique qui soutient la terrasse du temple. Ce point une fois trouvé, la ligne qui le joindrait à la fon- taine d’H. Nicolaos {Cassotis) traverserait l'emplacement du temple à l'endroit où se trouvait l’adyton. Or le mur pélasgique que nous avons dégagé présente à mi-hauteur un trou circulaire, de deux à trois centimètres de diamètre, qui le traverse entièrement (O sur le plan). Un bâton de plus de deux mètres y a été enfoncé sans atteindre l'extrémité, et en a été retiré couvert d’une boue liquide, malgré la sécheresse de la saison. Faute d'instruments, il a été im- possible de le nettoyer pour rouvrir le passage à l’eau. Elle y à coulé toutefois, et pendant longtemps, car elle a laissé sur le mur ! Plutarque parle aussi de cette source de l'adyton, ænyn roÿ ädyrou. De des traces certaines de son passage. Au-dessous du trou par lequel elle s’échappait, est une croûte épaisse formée par les matières calcaires qu’elle entraïinait avec elle. Chose curieuse, dans l’anti- quité cette eau a cessé de couler pendant un certain temps; on peut même préciser l’époque de l’interruption, car sous la croûte qu’elle a déposée sont des inscriptions qu’on peut placer entre 220 et 160 av. J. C. À cette époque, elle ne sortait donc plus par cette ou- verture. Elle avait repris son cours du temps de Plutarque, qui, assis sur les degrés méridionaux du temple, parle de ce soupi- rail (évarvon) comme étant devant lui. Cicéron !, qui avait été à Delphes, dit que, de son temps; la force souterraine dont l’exha- laison remplissait la Pythie d’une fureur divine paraissait s'être évaporée, comme un fleuve qui a changé de cours ou s’est tari. — On sait combien sont capricieuses les sources dans les pays ébranlés par les tremblements de terre, elles tarissent brusque- ment et non moins brusquement reprennent leur cours. I serait curieux de savoir exactement à quelle époque a eu lieu cette in- terruption. Serait-ce au tremblement de terre mentionné en 275, à l'approche des Gaulois? Les inscriptions dont j'ai parlésont pos- térieures de soixante ans. Il serait encore plus curieux de savoir si à cette interruption a correspondu une diminution dans le dé- gagement des gaz qui produisaient l’hallucination de la Pythie et, par suite, dans la renommée de l’oracle, que les moyens artificiels employés par les prêtres ne suffisaient pas à maintenir. On pour- rait le supposer d’après le passage de Cicéron et la décadence de l'oracle au temps de Strabon. C’est une simple indication à la- quelle on peut songer, mais non accorder l'importance d’un fait avéré. Revenons aux conséquences plus certaines et plus pratiques, parce qu’elles ont pour principe une réalité, l'existence de ce sou- pirail. La ligne qui le joint à la fontaine d’H. Nicolaos traverse le temple à l'endroit où se trouvait l’adyton. Le point précis où l’on doit chercher la fissure du rocher est le point d’intersection de cette ligne avec une autre ligne menée parallèlement au degré encore subsistant du temple. Pour plus de sûreté, on pourrait fouiller sur toute la largeur du temple. On peut même fixer la profondeur à laquelle il faudrait pousser les travaux, en se sou- venant que le niveau de l’adyton était plus bas que celui de la 1 Cicéron, De Div, [, x1x. RS, cella. Le niveau de la cella est marqué par le pavé même du temple que j'ai retrouvé dans un sondage que j’ai fait faire lors de mon premier voyage à Castri et dont il me reste à parler. 4 Hy pogées. Constructions modernes. Place philque. Propriété de Franco Diodore et Strabon rapportent que les généraux phocidiens, après avoir pillé les offrandes d’or et d'argent, voulurent trouver les richesses dont parle Homère; ils crurent qu’il existait un tré- sor caché sous terre. Des fouilles furent entreprises, mais la nuit, et l’on chercha surtout aux environs de l'autel et du foyer. Le dieu sauva ses richesses par un prodige : un tremblement de terre jeta lépouvante parmi les travailleurs et fit renoncer à l’entreprise. L'instigateur était un homme qui lisait les poëtes au point de vue pratique et qu'avait frappé ce vers d’'Homère. Oùd’ üoa Àdivos oùdds d@nropos Évrds éépyet DolSou Âmb}]wvos , Ilubot épi merpnéoon. L’explication ordinaire de ce vers ne le satisfaisait pas, il vou- lait, et avec raison, lui donner un sens plus précis : oùdés n’est pas la partie pour le tout, le seuil du temple pour le temple tout entier; c'est proprement le seuil, le pavé du temple; évrés, dans — «60 -— l'intérieur, ajoute une nouvelle précision. Le vers d'Homère dé- signe donc les richesses enfermées sous le pavé du temple, c’est donc là qu’il faut fouiller. Cette interprétation fait honneur, sinon à la piété du commentateur, du moins à sa sagacité. Je ne sais si de son temps il y avait un grand trésor d’or et d'argent, comme il se le figurait, mais certainement il existait sous le temple des chambres souterraines, et elles existent encore de nos jours. Pen- dant mon premier voyage à Castri, un habitant m'’assura que dans son enfance il était descendu dans un souterrain qui allait jus- qu’à la montagne. L’exagération était évidente; mais le fait était possible, car l'emplacement qu'il indiquait était la cour située au nord de la place de Castri, et par conséquent dans l’intérieur du temple. Je me décidai donc facilement à faire une fouille en cet endroit, et le succès confirma le dire du Castriote et donna rai- son à l'antique commentateur d'Homère, qui avait indiqué aux sénéraux phocidiens les hypogées du temple !. À un pied environ au-dessous du sol actuel, on mit à découvert un couloir perpendiculaire au degré A. Une des assises enlevée au mur nous donna accès dans une première chambre souterraine. C’est un carré presque parfait, 1,50 de large sur 1",20 de long. Je n’ai pu déterminer exactement la hauteur, parce que la terre avait recouvert le pavé. On voyait encore trois assises d’une lon- gueur égale à celle du mur, et de 0",45 de hauteur. Mon guide m'assura que le sol était plus bas d’un mètre et qu'il était pavé en mosaique. Je suis assez disposé à le croire par la façon dont ilme l'expliqua. Au lieu du mot grec que je ne comprenais pas, il em- ploya une périphrase qui parlait aux yeux : il ramassa plusieurs cailloux de couleurs différentes et les mit à côté l’un de l’autre pour me faire comprendre ce qu’il voulait dire; c’est là le témoi- gnage d’un homme qui a vu la chose dont il parle. Cette chambre est recouverte par une seule pierre, qui d’un côté en forme le pla- fond, et de l’autre le pavé du temple; en dehors elle mesure deux mètres sur 1”°,80. Une petite porte, percée au milieu du côté est, conduit dans une seconde chambre exactement semblable à la pre- mière, puis à une troisième. Celle-ci était presque comblée par la terre, et je ne pus m'avancer plus loin. Je pressai de questions les hommes qui prétendaient y être descendus autrefois; ils me dirent ! Voir le plan. Dee avoir parcouru ainsi une douzaine de chambres. Hs m'assurèrent en outre qu'entre ces chambres et le degré du temple il y avait une autre galerie semblable à celle où nous étions. En effet dans les angles, à droite et à gauche, sont pratiquées de petites portes qui devaient donner accès dans deux galeries de chambres paral- lèles. (Elles sont indiquées dans le plan par des lignes pointées.) J'aurais vivement désiré pousser plus loin cette bonne fortune, faire déblayer les hypogées et remettre au jour le pavé du temple; mais la cour où étaient ces ruines appartenait à plusieurs pro- priétaires qui poussèrent les hauts cris. Ni les raisons, ni même l'argent, ne purent les décider à me laisser poursuivre; le sondage même que j'avais fait faire fut recouvert de terre. Quand je re- tournai à Delphes, et cette fois en compagnie de mon collègue M. Wescher, nos instances ne furent pas plus heureuses. Les ha- bitants étaient encore plus effrayés en voyant les fouilles que nous faisions sur un autre point; ils étaient convaincus que, partout où l'on trouverait des antiquités, le gouvernement les exproprierait, et, bien entendu, ne leur payerait pas l'indemnité promise. Il est donc important de signaler exactement la place de ces chambres souterraines dont rien au dehors ne trahit l'existence. Elles se pro- longent sous les maisons (H). Un des propriétaires m'affirma les avoir vues en construisant son habitation ; mais il est encore moins possible d'y fouiller, tant que le village et les habitants n'auront pas été transportés ailleurs. — L'appareil de ces chambres est de la meilleure époque; elles ont succédé à celles qui devaient exis- ter aussi dans le temple primitif et que désigne le vers d'Homère. Quel était leur usage? La beauté de leur construction, le soin de les paver en mosaïque montrent que ce n'étaient pas de simples substructions; l'attention à ne les faire communiquer que par des passages très-étroits fait supposer qu'on devait y renfermer des trésors. L'entrée même devait être connue seulement des prêtres et soigneusement cachée; car nous y avons pénétré, non par une porte, mais par l'ouverture que laissait une assise enlevée. Serait- ce par hasard une trace des fouilles faites par les Phocidiens, et dont on voyait des vestiges au temps de Strabon? Trois côtés du temple étaient seulement accessibles : ce sont les trois dont parle Pausanias; car il est peu probable. qu'il eût re- passé devant le côté méridional, qu’il avait déjà vu une première fois en allant de la facade orientale à la facade occidentale, s'il eût MISS. SCIENT. — II. (f =. O9 es pu passer devant le côté nord. C'est dans l’espace compris entre ce côté et la fontaine Cassotis qu'il faut placer ces jardins immortels où pousse le laurier sacré, dont parle l’on d’Euripide !. Ày & venOañès © ua} Aiolas mpomb)euua ddBras..... : xnTwY SE GÜavaTwy, : iva dpôoot Téyyovo icpai TÔv dévraov Taydv éxmpoieic a. Cette rosée sacrée, cette source intarissable dont il parle, n’est- ce pas la fontaine Cassotis, dont l'onde entretenait une fraîcheur nécessaire au laurier? Le laurier lui-même semble immortel, comme le dit le poëte. Dans la cour d’'H. Georgios, Ulrichs a vu croître un beau laurier, qui venait de périr quand j’allai à Castri au mois de septembre; on en avait planté une nouvelle tige lorsque jy retournai au printemps. Curieux exemple de la façon dont certaines traditions se perpétuent en Grèce et sont chères aux ha- bitants, quoiqu’ils en ignorent l’origine. Pour le touriste qui ne fait que traverser le village de Castri, à vrai dire le temple de Delphes n'existe plus; quelques tambours de colonnes épars çà et là, un degré du soubassement, des hypo- gées cachés sous le sol, le tout au milieu de misérables cabanes : il n’y a rien là qui saisisse comme les ruines grandioses de l’Acro- pole. Mais il n’en est plus de même après un long séjour; on finit par s'attacher à ces vieilles pierres, à les relever par l’imagina- tion; on sent, à l'aspect de ces rochers d’une majesté sauvage, que de grandes choses ont dû s’Y passer. Et lorsque le soleil levant dore de ses premiers rayons les cimes des Phædriades, il semble voir, dans l'ombre qui couvre encore le village, se dresser le temple de l'antique cité, debout sur sa terrasse élevée, entouré de ses magnifiques colonnades, dominant ce peuple de statues qui l’en- toure; on s'attend presque à entendre les vers du poëte? : « Déjà le char éclatant du soleil brille sur la terre, et ses feux chassent les astres dans la nuit divine. Les roches inaccessibles du Parnasse s'illuminent et annoncent aux mortels l’astre du jour. La fumée 1 Euripide, Jon, 141% 2 Id. ibid. v. 83. PAG LU HA AU plie RATÉ PAT r tp, Age T1 d Na : HN . tt RAT U : Li % Al | D ti VE Eu ke À »Ÿ drag x # ir, Di n AU ME \4 \ ke OK: fr ani "ES L'ILERA \s LUE | At mn ie Ne: vo ; , DO (a DFA “0 se ve Va 4 LT ) We 4 Hi NE W LLLNC In KV ETS LAN “JAI 0/70 NP Vu 1) 3 ! jrs ; "| d ue DS) En 7 7 rs 1 7 372 GLS de l’encens s'élève vers le ciel. Ô Delphiens, serviteurs de Phébus, allez vers les eaux argentées de Castalie, et, purifiés par cette onde pure, dirigez-vous vers le temple..... Déjà les oiseaux quittent leurs retraites du Parnasse !. » CHAPITRE V. MUR PÉLASGIQUE. — COLONNE DES NAXIENS. — AUTRES RUINES. — TEMPLES DES NYMPHES ET DE LA TERRE. Le temple s'élevait sur une terrasse que soutenait un mur pélasgique. Avant d’en commencer la description, je crois devoir rappeler dans quel état était cette partie du village avant les fouilles. La portion orientale du mur (BC) avait été mise au jour par Ot. Müller, que la mort vint frapper au milieu de son travail; les inscriptions furent publiées par son ami Curtius, et une seconde fois par Lebas. À la suite, le propriétaire du terrain voisin, Franco, fit déblayer le mur sur une longueur de vingt mètres; mais ce fut une perte plutôt qu’un gain pour la science. Cet homme, ancien officier d'irréguliers, était un petit tyran de village; grâce à son audace et à sa violence, il devint, pendant les troubles, la terreur des habitants et de l'autorité. Cette partie du mur, qui appartenait au domaine public, fut usurpée et renfermée dans des bâtiments. Alors commença l’œuvre de des- truction ; les pierres furent arrachées du mur et brisées pour servir de matériaux, les assises helléniques renversées, pour en arracher les scellements de plomb. L'amende prononcée contre lui, sur les plaintes de l'inspecteur des antiquités, ne fit qu'ag- graver le mal : jusque-là il avait détruit par intérêt, il détruisit par vengeance. Une partie du mur est visible dans une de ses bâtisses, et il en permet l'accès à quelques étrangers; une autre partie est cachée à tout le monde, et d’ailleurs l'obscurité com- plète qui y règne ne permettrait de rien distinguer. Aucune ! Malgré la désolation de ce sol rocheux , les habitants de Castri sont fiers de leur pauvre pays et se regardent comme supérieurs à leurs riches voisins de Chrysso et d'Arachova. Un jour que j'étais assis près des ruines du Gymnase, son- geant à toutes ces splendeurs passées et contemplant ce site grandiose, un jeune Grec s'approcha de moi et me dit avec un accent de triomphe : «N'est-ce pas qu'elle est belle, ma patrie» RS inscription de cette partie n’a été publiée. Voilà ce qu’on connais- sait de ce mur. Tout le reste (DF) était sous terre; le niveau même était tellement exhaussé, que les assises supérieures étaient à plus de trois pieds sous le sol. Au lieu de deux terrasses super- posées, le terrain présentait une pente rapide qui descendait de la route principale à un chemin secondaire. Tel était l’état des lreux au mois de septembre 1860, lorsque je vins pour la première fois à Castri réunir les éléments de mon mémoire. Je ne songeais nullement à faire des fouilles en cet endroit, et bien des voyageurs m’avaient précédé sans y songer davantage. Mais la découverte des hypogées fixa l'emplacement du temple d’une manière certaine ; l’assise encore en place dans la maison (A') me prouva que le degré continuait dans la direction de l’ouest, plus loin que je ne l'avais d’abord supposé. Par consé- quent, le mur qui soutenait la terrasse devait également continuer dans cette direction. Un sondage élait le meilleur moyen de vérifier mon hypothèse, de m'assurer si le mur existait encore et s’il était couvert d'inscriptions, comme dans la partie déjà connue. Après de longues négociations, je triomphai des défiances du propriétaire, des objections des ouvriers grecs, qui ontla pré- tention de diriger celui qui les emploie et qui trouvaient mon entreprise insensée. À quatre pieds au-dessous du sol, parurent les assises helléniques qui couronnent le mur pélasgique, puis le mur lui-même, où les inscriptions commençaient dès le haut; j'en copiai sur-le-champ une quarantaine. Comme j'avais fait faire ce sondage {Ff) à la partie la plus éloignée de la partie déjà connue; lexistence du mur en cet endroit suffisait pour me prouver qu'il continuait sans interruption jusqu'à la maison de Franco, et ül était très-probable qu'il élait couvert d'inscriptions au centre comme aux deux extrémités. Cette première campagne finie, je retournai à Athènes, en me proposant de revenir terminer ce que j'avais commencé, et sûr désormais du succès de ces fouilles. Mais les difficultés de toute espèce que J'avais rencontrées de la part des habitants et l’immensité du travail de la transcription m’avaient convaincu que, si je retournais seul à Delphes comme j'y étais allé la première fois, il me serait impossible de mener cette entreprise à bonne fin. Je proposai donc à mon collègue M. Wescher de partager avec moi Îles fatigues et les résultats de ces travaux. Grâce à cette association, nous avons pu sur- Le UE monter, non sans peine, les obstacles qui attendent tous ceux qui veulent entreprendre des fouilles en Grèce; nous avons pu surtout donner avec sûreté le texte de quatre cent soixante ins- criptions, qui sont au nombre des documents épigraphiques les plus considérables et les plus précieux qui restent de l'antiquité. Après ces explications que j'ai crues nécessaires, j'arrive aux ruines elles-mêmes. - Le mur pélasgique s'étend de l’est à l'ouest, dans une direction parallèle au côté méridional du temple. La longueur de ce mur, dans la partie actuellement visible, est de quatre-vingts mètres ; mais elle était plus considérable. L’angle B en marque l'extrémité à l'est. Les pluies du printemps ont mis à découvert une pierre des assises supérieures (b) du mur oriental. De l'autre côté, un chemin et des maisons nous ont empêchés d'atteindre l'angle oc- cidental. Le propriétaire de la maison L disait lavoir rencontré en construisant sa demeure. On peut donc évaluer la longueur totale à quatre-vingt-dix mètres. Des deux exirémités partaient à angles droits deux murs qui isolaient et maintenaient la terrasse sur la- quelle s'élevait le temple. Au nord, il n’y avait pas de mur de soutenement, puisque de ce côté il u’v avait pas de terrains à re- tenir. Le même système est appliqué au temple de Sunium, éga . lement construit sur un terrain en pente : les murs de soutene- ment n'existent que de trois côtés et pour la même raison. La hauteur du mur n’est pas constante, elle va en diminuant, de l’ouest à l’est, de 3 mètres à 2°,50. Il faut y ajouter plusieurs assises helléniques, d’une hauteur moyenne de 0°,45 par assise. Nous avons fouillé plus profondément pour nous rendre compte du mode de construction employé dans cette muraille. Plusieurs lits de blocs de grande dimension, jetés irrégulière- ment forment le soubassement qui fait saillie. Sur ce fondement solide s'élève le mur lui-même, qui est double ; ce doublement était nécessaire, si l'on songe qu'il ne s'agissait pas d’enclore ni de fermer une construction, mais de soutenir une masse de terre considérable. Le but a été atteint; car depuis plus de ‘trente siècles le mur subsiste, et dans toute la partie que nous avons dégagée, il est intact. C'est, je crois, le seul mur pélasgique qui soit par- venu Jusqu'à nous dans un état aussi parfait de conservation. La construction se rattache à ce qu'on appelle la seconde époque pélassique. Ce ne sont plus des quartiers de roc entassés, comme = OO = aux fortifications de Tyrinthe ; il y a moins de force matérielle, mais plus d’art, et, sans être aussi colossal, son aspect est encore grandiose. Les blocs, en pierre commune du Parnasse, sont irré- guliers, mais taillés et Joints exactement ; les pierres sont d’assez grande dimension; l’une d'elles, par exemple, a 1,50 sur 2 mè- tres. Les Pélasges n’ont employé ni le ciment, comme les Romains, ni même les scellements en plomb, comme les Grecs; la masse des pierres et l'exactitude des joints assurent la solidité de leurs constructions. Une particularité remarquable, c'est la courbe des lignes de jonction. Dans les autres murs pélasgiques, la ligne droite domine ; ici c’est la ligne courbe, et elle décrit les sinuosités les plus capricieuses. Cet usage des courbes se retrouve à la ter- rasse de Marmaria, à celle d’H. Georgios et dans toutes les cons- tructions pélasgiques de Delphes; il leur donne un cachet original et semble marquer une période distincte dans l’histoire de cet art reculé. La face du mur a été aplanie avec soin, mais par un travail postérieur à la construction. Quand les pierres ont été mises en place, elles n'étaient pas encore taillées comme elles le sont maintenant ; les côtés seuls avaient été préparés et la face restait brute. C’est seulement après l'achèvement du mur qu'elle a été travaillée à son tour. La preuve en est dans les pierres qui appar- tiennent à la fois au soubassement et au mur lui-même : la partie inférieure, qui devait demeurer cachée sous terre, a été laissée brute et en saillie; la partie supérieure du même bloc, destinée à paraître, a été seule travaillée. C’est ce qui explique comment on a pu obtenir une surface plane d’une aussi grande régularité. Encore un procédé que nous retrouvons dans les constructions helléniques, et notamment dans celles de l'Acropole : on laissait aux blocs déjà taillés et mis en place une épaisseur de quelques centimètres, qui ne devait être abattue qu'après l'achèvement de ‘édifice, et bien souvent le temps a manqué pour y mettre la dernière main ; imperfection qui nous laisse deviner un secret de l'ancienne construction. Les Grecs lavaient-ils emprunté aux Pélasges? Les murs de Delphes permettent de le supposer. - L'admiration est un sentiment réservé pour les chefs-d'œuvre; on n'ose donc employer ce mot pour un simple mur, construction d’un genre secondaire. Toutefois comment se défendre d’un vif sentiment d’étonnement à la vue de ce mur, qui se développe sur UN une longueur de quatre-vingt-dix mètres, intact, après tant de siècles, comme au jour où il fut achevé? Sa masse a résisté au temps, à la poussée des terres, à la destruction des hommes, aux tremblements de terre; à force de solidité, il est presque beau, et l'on se demande quelle était cette race primitive des Pélasges qui a su construire de tels ouvrages. Leur grandeur avait vivement frappé les Grecs eux-mêmes; ils les attribuaient à des ouvriers fabuleux , d’une force surhumaine. Selon la tradition homérique, une foule innombrable avait travaillé aux murs de Delphes, sous les yeux d’Apollon et sous la direction de ses deux architectes chéris, Agamède et Trophonius. Après l'incendie du premier temple de Delphes, toute cette partie fut remaniée. Les nouveaux constructeurs ne songèrent pas à détruire l’œuvre de leurs devanciers, mais à s’en servir. Le sommet du mur fut aplani avec soin et surmonté de quelques. assises helléniques en tuf calcaire. La nature même des maté- riaux, semblable à celle des colonnes et des soubassements du temple, montre qu'il faut rapporter ce travail à la même époque «et au même architecte, Spintharos le Corinthien. Ces assises helléniques avaient complétement disparu dans la portion du. mur déjà connue; nous les avons retrouvées en partie, conservées. dans le champ où nous avons fouillé. Il y en a encore en place, tantôt un rang, tantôt deux, jamais plus de trois, d’une hauteur moyenne de 0°,45. Quelques-unes sont à moitié poussées en. dehors, d’autres tout à fait tombées. Selon l'usage des Grecs, elles. ont été unies, non par du mortier, mais par des scellements en. plomb qui ont la forme d’un double T. Ces assises devaient être couronnées par un ornement quelconque. Nous avons trouvé au- dessous du mur un très-grand nombre de pierres d'H. Élias qui présentent trois bandes, comme les frises ioniques, mais creusées plus profondément. Leur nombre et la place où elles furent décou- vertes prouvent qu'elles proviennent d’une construction voisine; la hauteur à laquelle quelques-unes se sont rencontrées ne permet pas de supposer cette construction dans la terrasse inférieure ; reste donc qu'elles soient tombées de la terrasse supérieure. Était- ce le couronnement du mur? Il n’y aurait rien de contraire aux habitudes des Grecs de le supposer surmonté d’une sorte de frise ionique, et pour ces moulures on a employé une pierre d'un grain plus compacte et d’une plus belle apparence que le tuf cal- 7 caire. C’est une supposition, mais qui se présente si naturelle- ment, que j'ai cru pouvoir la proposer avec quelque confiance, Les inscriptions dont le mur est couvert contribuent à lui donner un aspect original. Je n’en ai jamais vu un si grand nombre réuni dans un même endroit; en ajoutant à celles que nous avons transcrites celles qu'avait déjà relevées Curtius, celles de la maison de Franco et celles de la partie occidentale, qui est encore sous terre, on peut évaluer le nombre total à un millier, et bien plus encore, si, comme il est probable, les deux murs latéraux portent aussi des inscriptions. La plupart sont des actes d’affranchissement plus ou moins développés, avec des clauses différentes; mais il y a aussi des décrets honorifiques, des droits de proxénie, des donations, des listes de jeux, enfin tous les actes faits en l'honneur ou sous la protection du dieu. La plus longue compte trois cent vingt-cinq lignes, et quatre ont quatre-vingts lignes ; mais ce sont des exceptions ; d'ordinaire elles ont de cinq à vingt-cinq lignes, de grandeur tout à fait inégale. Aucun ordre régulier n’a été suivi dans leur disposition; les actes les plus divers, par exemple la liste des proxènes et les listes des jeux» sont voisins; au milieu des affranchissements sont des décrets honorifiques. Ni l’ordre des archontes, ni même celui des prêtres d’Apollon n’a servi de règle; les actes d’une même année sont le plus souvent groupés, mais parfois aussi dispersés sur toute la surface de la muraille !. Quant aux divisions que semblent indiquer au premier coup d’œil deux surfaces larges d’un mètre (h, h) et laissées vides depuis le haut jusqu'en bas, elles ne pa: raissent être que la trace de deux murs venant s'appliquer à la muraille pélasgique. La seule chose qu’on puisse constater avec certitude, c’est que les inscriptions ont été gravées en montant de bas en haut. En effet, la partie inférieure ne présente pas de lacunes, tandis que dans la partie supérieure il reste un assez grand nombre de places vides. Quelques preuves de détail vien: « ! On pourrait en citer des exemples nombreux; je me contente d’en prendre quelques-uns au hasard. Deux actes de l’archontat d'Andronicos sont, l'un au numéro 50, l'autre au numéro 160 de notre Recueil des inscriptions inédites de Delphes. Les numéros 69, 154, 364, très-éloignés l'un de l'autre, appartiennent non-seulement à la même année, mais au même semestre; les numéros 66 et 229 sont du même mois. [l n’est donc pas possible de croire qu’on a gravé ces ins- criptions, d’après un ordre spécral, en allant de l’est à l'ouest. == #8: nent confirmer cette première vue d'ensemble. Au numéro 253, il est fait mention d'une dette à payer; le numéro 254, qui est placé au-dessus, est la quittance de cette même dette, acte évi- demment postérieur. Quand on trouve plusieurs actes du même archonte, c’est toujours celui qui est daté du premier mois qui est gravé en dessous. Tel est le seul ordre qu’on puisse recon- naître dans ces inscriptions. On a commencé par le bas, immé- diatement au-dessus du soubassement et au niveau du sol, puis on a continué de graver les inscriptions en montant. Dans la partie centrale, le sommet du mur pélasgique a été atteint; à quelques endroits même, les assises helléniques ont été envahies, quoique le tuf calcaire ne soit pas très-propre à recevoir des inscriptions. Pareille diversité dans les inscriptions elles-mêmes. À première vue, on croirait souvent que deux inscriptions placées côte à côte ont été gravées à trois siècles de distance l’une de l’autre, tant il y a de différence pour la forme des lettres et l'orthographe, et ce- pendant elles sont du même archonte; il n'y a qu'une différence d’un mois : c’est la main-d'œuvre qui a varié. C’est une nouvelle preuve de la défiance qu'il faut apporter pour déterminer l’époque d’une inscription d’après la forme des lettres et l'orthograpire. Les renseignements historiques peuvent presque seuls donner la certitude. L’exécution matérielle n’est pas sujette à moins de di: versité. Le plus souvent la surface de la pierre a été travaillée de nouveau et polie avec soin; les lignes sont tracées d'avance pour guider le graveur, précaution qui n’a pas toujours beaucoup servi; les lettres sont petites, mais élégantes et visibles. D’autres au contraire sont tracées à la pointe, les lignes irrégulières, la grandeur des lettres inconstante : on sent la hâte et l’économie. L'orthographe est quelquefois négligée et violée sans respect; en d’autres cas, elle a été l’objet d’une révision soigneuse qui a fait corriger les lettres fautives et ajouter celles qui manquaient. Tan- tôt l'inscription se renferme sur une seule pierre, sur les contours de laquelle est réglée la longueur des lignes, tantôt elle passe d'une pierre à l’autre, gràce à l'exactitude des joints. Quelques- unes de ces inscriptions étaient peintes en rouge, et, chose éton- nante, toutes celles qui ont reçu de la couleur se trouvent dans l'espace ED ; ce terrain appartient au propriétaire voisin, qui, lors de mon premier voyage, m'avait laissé creuser plus bas que le ni- veau actuel; mais 1l l'avait comblé de nouveau, et il refusa de — 90 — laisser rouvrir cette fouille quand je retournai à Delphes pour la seconde fois et avec mon collègue M. Wescher. J'aurais désiré lui faire constater ce fait, et la singulière irrégularité avec laquelle la couleur avait été appliquée; mais le vermillon était trop écla- tant pour que j'aie conservé aucun doute à ce sujet. La couleur semble avoir été mise pour distinguer les différentes inscriptions, qui sont plus pressées en cet endroit; quelques-unes seulement ont été peintes, et pas entièrement; à l’une d'elles, par exemple, les cinq premières lignes sont peintes en rouge, les suivantes ne le sont que de deux en deux. Il semble qu'on ait cherché par là à en rendre la lecture plus facile. Le terrain où nous avons fouillé était rempli de pierres de toute espèce, provenant de constructions antiques; mais la plupart sont informes et n'ont aucune signification. Les morceaux les plus in- téressants et les plus noïnbreux sont les tambours de colonnes et les deux moitiés de chapiteaux doriques en tuf calcaire provenant du temple, plusieurs fragments de chapiteaux ioniques en marbre blanc, et ces grandes pierres d'H. Élias à trois bandes, que j'ai attribuées au couronnement du mur pélasgique. Au point X, trois petites assises en marbre blanc un peu rosé sont encore en place; on ne peut en voir la signification, mais elles prouvent que des offrandes s'élevaient également sur cette terrasse inférieure. Colonne des Naxiens. Plus loin, en allant vers l’est et à une distance de deux mètres du mur, est la colonne des Naxiens (N) dont la forme et l'inscrip- tion méritent d'attirer notre attention. L'inscription est gravée sur la base en grands caractères, bien soignés. AEA®OIAMEAQKAN NAŒIOIZTANTPOMANTHIAN KATTAAPXAIAAPXONTOZ OEOAYTOYBOYAEYONTOZ ENITENEOZ = © ND, (y Le sens n’est pas douteux : il s’agit du droit de consulter les premiers l’oracle, que les Delphiens accordent ou plutôt restituent aux habitants de Naxos, suivant les anciennes conventions. Ils constatent ce privilége par l'érection d’une colonne honorifique, sur laquelle il est gravé, comme les Lacédémoniens et les Athéniens = UE l'avaient fait, au temps de Périclès, en le gravant sur le front et le flanc droit du loup d’airain. Par une exception assez rare, cette inscription n'est pas écrite dans le dialecte éolo-dorien, qui avait prévalu à Delphes, et qu'on retrouve dans tous les actes d’affranchissement, quelle que soit la patrie du vendeur. Tév au lieu de Ty» appartient à ce dialecte delphique; mais &pouarrniar, au lieu de æpouayteia, que l’on trouve dans tous les décrets honorifiques du mur pélasgique, est ionien. I en est de même de la forme des lettres, surtout du £ !, qui est de l'alphabet ionien et qui se retrouve dans une autre inscription des Naxiens, à Délos, inscription qui est de la fin du v° siècle avant Jésus-Christ, selon l'opinion très-plausible de Bœckh. En tout cas, on ne peut descendre jusqu’à l'époque ma- cédonienne, où l’ionien commença à disparaitre des actes publics. L'histoire de Naxos est peu connue et elle n’a jamais été très-impor- tante; mais si cette île put jamais obtenir le droit de &pouartnia, il n’est pas vraisemblable que c’ait été à l’époque de la domina- tion macédonienne, mais plutôt au temps de l'indépendance de la Grèce. À cette époque, la piété des Naxiens pour Apollon est attestée par la restauration de la grande statue qu'ils lui avaient consacrée à Délos ?, et qu’ils relevèrent quand elle fut écrasée par - la chute du palmier de Nicias. Peut-être faut-il rattacher à cette restauration le renouvellement de leurs anciens priviléges. L'époque est moins importante pour l'inscription elle-même que pour la colonne, qui est d’une forme dont jusqu'ici on n'avait pas d'exemple. La large dalle de marbre sur laquelle elle repose s'appuie sur un rocher qui sort du sol et qui a été taillé pour la recevoir. Sur cette dalle est une base de 0",49 de haut, ronde et sans moulures, qui porte l'inscription; la colonne est de même gros- seur que la base ; il n’en reste que la partie inférieure, mais elle présente cette particularité, qu'elle a quarante-quatre cannelures doriques ; ces cannelures sont peu profondes à cause de leur nombre même, mais l'absence de baguettes et l’arête vive ne permettent pas d'y voir une colonne ionienne ou corinthienne. Voilà donc un nou- veau genre de colonne appartenant à la meilleure époque de Part grec, une colonne dorique, mais avec une base qui n'est pas en ! Franz. p. 105. 2 Plat. Mic. 111. = es saillie sur le fût et un nombre de cannelures presque double du nombre ordinaire (24). La colonne des Naxiens n’était pas une exception, mais il semble qu'il y ait eu un genre particulier pour NU LT ENS les colonnes honorifiques, qi y Re car nous avons trouvé près D TG “Te nl ) De KL S— de 1à trois autres tambours | | Kw ÉS ayant également quarante- quatre cannelures dori- ques, mais d’un diamètre plus petit et parconséquent appartenant à d’autres co- lonnes de même espèce. La partie inférieure du fût de . la colonne des Naxiens est évidée. Était-ce pour recou- vrirune offrande précieuse, pour cacher un trésor? C’est la première idée qui vint à nos ouvriers, et 1ls s’em- pressèrent de chercher. Mais d’autres pillards les avaient précédés, et, guidés par le même espoir d'un trésor caché, ils avaient pratiqué une ouverture dans : le bas de la colonne. Le chapiteau n’a pas été trouvé; il serait cu- rieux de savoir s'il avait aussi subi quelque modification; peut-être est-il enfoui dans les terrains à l’est; mais il a fallu s'arrêter de- vant les limites de la propriété voisine. ES == == = = >= s— TE ==, = —— un — = === — — ER nn AK LA nl ls #1 | Il EE”, Sphinx. Non loin de cette colonne, et plus près du mur, était un sphinx ou plutôt les débris d'un sphinx en marbre blanc : le corps, moins la tête et le train de derrière; les ailes, brisées en plusieurs morceaux, mais qu'on peut rajuster et rétablir entièrement. Tout mutilé qu'il est, il permet encore de voir de quelle manière les artistes grecs avaient représenté ces êtres fabuleux et fondu les divers membres dont leur imagination, les avait composés. Les Égyptiens s'étaient complu à représenter des sphinx; en Grèce, la tradition d’OEdipe devinant l’énigme était une des traditions les plus anciennes et les plus répandues. L'artiste l’a représenté, non pas accroupi comme le sphinx ER 7 éovptien, mais debout; les jambes sont brisées, mais ce qui reste de la partie supérieure suffit pour indiquer la position; le corps est celui du lion, d'un travail assez vigoureux; les ailes sont celles de l'aigle, mais elles ne sont ni étendues ni repliées; elles se recourbent en avant et les pointes viennent jusque derrière la tête, représentation inexacte de la nature, mais type convenu qui se retrouve sur les monnaies de Chio. La régularité symé- trique des plumes rappelle les ailes des taureaux assyriens de Khorsabad. La poitrine présente encore une différence avec les sphinx égyptiens : ce n'est pas celle d’une femme, mais celle de l'aigle, et les plumes sont disposées avec la même symétrie qu'aux ailes. La tête a disparu, mais le bas des boucles qui tombaient sur le cou et ies épaules montre avec évidence que c'était une tête de femme. Ce sphinx ne pouvait être mieux placé qu’à Delphes, près du sanctuaire d’Apollon dont les oracles étaient moins des réponses que des énigmes. C'était une offrande bien an- cienne, car les ailes et surtout la poitrine et le corps sont d’un travail archaïque ; mais rien ne peut nous indiquer l'origine de cette offrande, par quel peuple et à quelle occasion ce sphinx fut consa- cré. La place où il fut trouvé donne lieu de croire qu'il a été pré. cipité de la terrasse supérieure; dans la chute, le tronc, qui offrait une masse compacte, a résisté, mais les ailes, moins solides et en saillie, ont été brisées. Tous les morceaux ont été retrouvés près du corps. La tête manquait, soit qu'on ait décapité le monstre avant de le précipiter, ou qu’elle soit tombée un peu plus loin. Mais nous étions arrivés à la limite, et nous avons été obligés de nous arrêter, bien à regret; car c'est de ce côté que nous avons trouvé les inscriptions les plus intéressantes, et le plus de débris de sculpture et d'architecture. Exèdre. À une quinzaine de mètres au-dessous de la colonne des Naxiens, mais à un niveau beaucoup plus bas, est une petite terrasse hel- lénique formée seulement de trois assises. La différence de niveau entre les terrasses rend nécessaire l'existence d’un mur inter- médiaire. L'espace compris entre le mur pélasgique et l’helléni- que (Hellenico), qui forme le péribole, était divisé en plusieurs petites terrasses d'une hauteur médiocre, étagées les unes au- dessus des autres, comme Îles gradins d’un théâtre; disposition = - ON ee qui avait frappé les anciens et leur avait suggéré cette comparai- son toute naturelle (Seærpossds). Ces terrasses, enfermées dans l'enceinte sacrée, devaient, elles aussi, être couvertes de trésors et d’offrandes, et traversées par des chemins particuliers qui abou- tissaient à ces nombreuses sorties dont parle Pausanias. La petite terrasse que nous avons découverte semble avoir été, non pas un mur de soutenement, car elle n’est pas assez solide pour résister au poids des terres et elle forme un angle à l'O. mais plutôt une plate-forme destinée à soutenir un petit édifice. En effet, au pied, nous avons retrouvé presque au complet les débris d’un monu- ment demi-circulaire. Les dimensions sont petites, mais les mou- lures ont une simplicité de bon goût; il y a une certaine recherche dans le choix des matériaux, car les parties inférieures sont en pierre d'H. Élias. Est-ce l'exèdre que Dodwel vit encore debout au commencement du siècle et qui aurait été renversé et englouti pendant la guerre de l'indépendance? Parmi les débris, un petit morceau de la frise a une grande importance pour l’histoire de l'art. Sur la pierre sont sculptés de petits ornements, se rappro- chant de la fleur dont la forme légère et gracieuse rappelle les arabesques des Thermes de Titus. Ce n’est donc pas aux Romains qu’il faut rapporter l'invention de ce genre d'ornement, maïs aux Grecs; car ce petit exèdre est de l’époque grecque; sans parler de la simplicité et du bon goût des ornements qui l'indiquent clai- rement , les inscriptions qu'il porte en sont une preuve certaine. Ce sont des ventes d’esclaves, comme sur le mur pélasgique, et où l’on retrouve les mêmes noms de magistrats et de citoyens; une autre inscription, malheureusement mutilée, est un traité des Étoliens. Ces actes sont tous antérieurs à la conquête romaine, et par conséquent le monument sur lequel ils sont gravés est au moins du commencement du n° siècle ou de la fin du 11° avant notre ère. Temples des Muses et de la Terre. Ces débris ne sont qu’une faible partie des monuments élevés sur les terrasses placées au-dessous du temple. À défaut de Pau- sanias, qui n’a pas parcouru cette partie du sanctuaire, Plutarque nous fournit une indication précieuse. Dans le dialogue sur les oracles de la Pythie !, les causeurs, après s'être promenés au m- 1 Plut. De Pyth. orac, XVII. == 6@ me lieu des offrandes, arrivent devant l'entrée du temple; l’un d'eux. propose alors de s'asseoir pour continuer la discussion. Je cite le texte grec : IlepreAdôvres oùr émi Tv ueonuépiv@r nxadeloueba xpnT dar VEC mpès To Ts L'As ne TO TE Dotop ATOGRÉTONTES Gole eÜOds eimeiv Bon6ov, otre nai © Tomos Ts dTopias Fr Édyerar TO Ééve. Movoür yàap nv iepor évrad0a mEpi Tv dva- zævonv Toù vamaros. « Nous fimes donc le tour pour nous asseoir sur les degrés méridionaux du temple, les regards dirigés vers le temple de la Terre et vers l’eau. Aussi Boéthos dit sur le champ que le lieu même venait au secours de leur hôte; car il y avait là un temple des Muses près du soupirail de l’eau. » Et quelques lignes plus loin, Ts dé Moüoas idpÜüarro œapédpous Tis uavrixÿs nai Qudanas mapa Td väua nai Td Ths T's iepdr, ñs Àéyerar Td par- Teioy yevéobœu. «Ils ont placé les Muses auprès de l’oracle, et, comme des gardiennes, près de l’eau et du temple de la Terre, à qui, dit-on, appartint l'oracle. » Voilà donc deux temples dont aucun autre auteur n’a fait men- tion; heureusement le passage de Plutarque est assez précis pour permettre d'en fixer la place avec sûreté. Les promeneurs, tout en causant, ont tourné à l'angle sud-est du temple (æepre}bôvres) et sont venus s’asseoir sur les degrés du midi. Le degré encore subsistant est précisément un de ces degrés du midi. Dans cette position , ils ont sous les yeux l’hiéron de la Terre et celui des Muses. Or, de cette place, on ne peut voir que les terrasses si- tuées au-dessous du temple; la première, et celle qui frappe le plus, est celle où nous avons fait fouiller. Je ne comprends donc pas comment Ulrichs a pu placer l’hiéron des Muses près de la fontaine Cassotis, car cette fontaine est située, non pas au sud, mais au nord du temple, et il est matériellement impossible de l'apercevoir si l’on est assis sur les degrés du sud. Ce qui l’a sans doute trompé, c’est l'expression dvarvon Toù véuaros ; il a cru qu’elle désignait la fontaine Cassotis; mais il serait singulier d'employer cette expression au lieu des termes ordinaires, xpnvy, æny1. Il faut donc y voir un autre sens; la traduction exacte de dvarvon est sou- pirail : ce mot s’appliquerait bien à un courant d’eau qui s’est en- foncé sous terre et qui reparaïît. Il y a là un rapport évident avec le passage déjà.cité de Pausanias, que l’eau de Cassotis s'enfonce sous terre et passe dans lPadvton. Le soupirail dont parle Plu- tarque est celui par lequel elle s'échappe après avoir traversé — 96 — SAS l'adyton. Or, dans le mur pélasgique, précisément dans la direc- tion de la fontaine d’H. Nicolaos (Cassotis), est percé un trou par lequel l’eau a longtemps coulé, car elle a déposé sur le mur une croûte assez épaisse. Ce conduit est à présent obstrué, et l’eau a été obligée de chercher un autre passage : elle sort maintenant au pied de l’Hellenico, à l'extrémité d’une ligne droite passant par la fontaine de Cassotis et le trou que j'ai indiqué (0). On peut donc regarder presque avec certitude l'ouverture pratiquée dans le mur pélasgique comme le soupirail dont parle Plutarque. C'est là qu’il faut placer la chapelle des Muses; cette position s'accorde encore très-bien avec ce que dit l’un des interlocuteurs, que les Muses sont placées près du sanctuaire où se rendent les oracles, (œapédpous Tis uarrimÿs), car elle est immédiatement au-dessous de l’adyton. La muraille pélasgique porte les traces d’une construc- tion qui venait s'y appuyer; de chaque côté de cette ouverture, est un espace large d’un mètre et où il n’y a pas d'inscriptions. Nous avons vu plus haut que ces vides n'indiquent aucune divi- sion : on peut donc supposer que cet espace était occupé par les deux parois d’une chapelle qui venaient s'appuyer sur le mur pé- lassique. Le temple de la Terre était situé sur la même terrasse et près de la chapelle des Muses (QÜhaxas œapa Tù väua nai rù ris ls iepôv). La place la plus exacte doit être la maison de Franco, qui occupe la partie orientale de cette terrasse. Le propriétaire m'af- firma qu’en creusant pour construire sa demeure il avait trouvé un pavé formé de larges dalles. Le passage de Plutarque et la dis- position des lieux ne sont pas contraires à cette assertion; on peut donc l’accepter comme vraie, d'autant plus qu’elle m'a été répé- tée par plusieurs habitants qui avaient été employés à ces travaux. Ce qui la confirme encore mieux, c'est l'inquiétude de cet homme lorsqu'il vit entreprendre des fouilles près de sa maison, son re- gret d'en avoir trop dit et son refus énergique à toutes nos de: mandes de nous laisser entrer dans la partie basse de sa maison. De plus, c’est en cet endroit (ED) qu'on a trouvé le chapiteau ionique et les trois tambours ioniques en marbre blanc, dont l'un a été transporté et dressé sur la place de Castri. On les a attribués, mais sans fondement, à la colonnade intérieure du temple d’Apol- lon. J’ai exposé dans le chapitre précédent les raisons qui rendent cette destination pen probable. On pourrait, avec plus de vrai- semblance, les regarder comme des débris du temple de la Terre. Le chapiteau ionique, dont Curtius.a donné le dessin, appartient à la meilleure époque de l’art grec; on le voit à la courbe gracieuse de la ligne qui unit les deux volutes, à la simplicité des orne- ments, des oves et des deux listels avec une petite fleur à l'angle. Ce sont les seuls débris qu’on puisse attribuer à ce temple de la Terre, et encore n'est-ce qu'une conjecture; mais l'existence d’un dallage antique et le passage de Plutarque ne peuvent pas laisser de doutes sur ce point, qu'il s'élevait sur la terrasse située immé- diatement au-dessous du temple d’Apollon. Parmi les débris qui furent trouvés, il y a une vingtaine d’an- nées, en creusant la maison de Franco, il faut encore citer un bloc de marbre blanc qui semble avoir fait partie d’une frise : il est sculpté des deux côtés etreprésente un combat de fantassins contre des cavaliers. Près de là était une inscription qu'Ulrichs a copiée, mais qui depuis a disparu !. C’était une mention en l’honneur d’un général béotien dont la victoire avait délivré les Locriens Opun- tiens de leur garnison. Les deux premiers vers, qui contenaient le nom du général, étaient effacés, mais le mot Gpoupd fait supposer .qu'il s’agit d’une garnison macédonienne chassée de la Locride par les Béotiens. Cette inscription devait être gravée sur la base d'une statue, et la place où Ulrichs l'a vue confirmerait l'opinion que J'avançais plus haut, que la terrasse méridionale du temple était couverte d’offrandes, comme la partie qui précédait le temple lui-même. Le but de notre entreprise était de dégager le mur pélasgique et d'en relever les inscriptions dans la partie encore libre d’habi- tations; l'argent et le terrain mis à notre disposition ne nous ont pas permis d'aller plus loin. C’est peu en comparaison de ce qui reste à faire; mais c’est déjà beaucoup d’avoir commencé et d’avoir montré quelles richesses sont encore cachées dans ce sol de Del- phes. En outre, on peut tracer avec plus de sûreté un plan pour des fouilles à venir : achever le dégagement de la muraille pélas- gique sur toute sa longueur, où avec des inscriptions, on trou- verait, je crois, beaucoup sous la maison de Franco, située à l'est ; _ Icéoi d’'innñés re yÉpas Sécav, oùs BpoËMEr Aâuos à Bowwry roûde peÿ” dyeudvos, Puoauévous Oroevra, Bapdr d drd deoudy Eddyres Dpoupäs, Aonpoïoiv redËar Eheulepiar. MISS. SCIENT. — II. x QE de, car c'est de ce côté que les débris étaient le plus nombreux et le plus importants; remonter ensuite, en partant des deux angles, le long des deux côtés de la muraille pélasgique. La plate-forme sur laquelle s'élevait le temple ainsi isolée, les fouilles qui au- raient le sanctuaire-pour objet seraient circonscrites. On n'aurait pas à craindre des travaux inutiles, maintenant que l’on sait exactement où sont les chambres souterraines. S'il y a peu de chance de retrouver les colonnes en place, le pavé du temple doit avoir conservé l'empreinte des divisions intérieures; la na- ture particulière du sanctuaire a dû entrainer des modifications importantes dans les dispositions ordinaires de l'architecture. En dehors du temple, du côté de l’est, le dégagement du mur qui sou- tient la terrasse ferait connaître le niveau du sol antique, qui doit être à peu près inférieur de deux à trois mètres au sol actuel; on pourrait alors tenter une recherche fructueuse dans la partie des trésors, trouver l’origine et le sens de tous ces débris, qui mainte- nant n’ont pas de signification, encastrés qu'ils sont dans les murs ou cachés dans les maisons. Le temple et sa terrasse sont le seul point d’où l’on pourrait partir avec certitude; partout ailleurs, ce serait une entreprise chanceuse et qui ne s’appuierait pas sur des, données certaines. Ces indications m'ont semblé le complément naturel et nécessaire de nos travaux ; outre les résultats obtenus, il est bon de montrer ceux qu'il est maintenant permis d'espérer. _ CHAPITRE VI. TOMBEAU DE NÉOPTOLÈME. — LESCHÉ. — THÉÂTRE. — STADE. Reprenons notre guide où nous l'avons laissé, c'est-à-dire aux portes du temple. « En tournant à gauche, après être sorti du temple, on trouve le péribole qui renferme le tombeau de Néop- tolème, fils d'Achille !. » La direction est bien indiquée, ainsi que le point de départ; il est donc facile, sinon de retrouver les ruines, au moins de fixer l'emplacement de ce tombeau. C’est le nord qui est à la gauche de celui qui sort du temple; le tombeau de Néoptolème en est très-voisin; et, comme Pausanias n'indique pas qu'il monte pour 1 Pausanias, X, xXIV, 5. — 99 —. y arriver, on pourrait le placer sur le petit plateau ! où s'élevait le temple lui-même. En 1838 , Ulrichs voyait encore un mur hellé- nique, orné de moulures, près de la cour de l’église, à gauche du chemin qui va de la place à la fontaine. Ces débris ont mainte- nant disparu, mais le témoignage du voyageur est précis et d’ac- cord avec Pausanias; on peut donc le prendre comme une donnée certaine. La cour de l’église occupe l'emplacement où poussaient autrefois les lauriers sacrés. Cette position est encore confirmée par un passage de Pindare, qui rappelle les honneurs rendus à Néoptolème : Éyoÿv dé rw évdov &Âoe: malarére Aiaxdäv npsbvrwr Tù Aoëmdr Éppevau Ocoÿ map’ eûreiyea dOuov, npwlas dè mouTais Gepuionomov oixeiy Éovra moAvOvToIs Etwvuuov ês dinar”. Que peut être cet antique bois sacré, sinon le bois de lauriers, le jardin immortel, où les serviteurs du dieu coupaient les rameaux destinés à parer son temple? L'existence d’un tombeau dans l’en- ceinte sacrée, et si près du sanctuaire, était un fait unique; aussi il avait frappé Strabon, qui le citait comme une des curiosités de Delphes ; il n'avait fallu rien moins qu’un oracle pour l'établir. Aecbvure dép ré reuéves rd@os NeonloXéuou, xara ypnoudr yevé- uevos, Mayarpéws AëXQoù dvdpès ouveAbvros aüré» 5. Il semble même qu'on ait voulu l’isoler en l’entourant d’une enceinte, car le æep{6olos dont parle Pausanias ne peut être la grande enceinte qui renfermait tout le sanctuaire, mais une en- ceinte particulière. -Les traditions variaient sur la mort de Néop- tolème : les uns rapportaient qu’il était venu demander au dieu justice de la mort d'Achille, d’autres qu'il venait piller le temple, d’autres enfin qu’il apportait au dieu la dime du butin fait à Troie, et qu'il s'était pris de querelle avec les Delphiens pour les chairs des victimes; mais on s’accordait à le faire frapper près de l'autel par le prêtre même d'Apollon. Son tombeau, élevé près du sanctuaire, et la fête expiatoire célébrée chaque année par les Delphiens, semblent une réparation de ce meurtre sacrilége. ! Planities exiqua. (Justin.) ? Pindare, Ném. VIT, 59. 3 Strabon, IX, nr. —. : -=— 100 — Un romancier ancien, Héliodore!, décrit même la cérémonie que les Ænianes, peuple thessalien descendant des Éacides, célébraient tous les cinq ans, à l’époque des jeux Pythiens. Un roman a peu de valeur historique; mais, en n’acceptant pas les détails de fantaisie introduits par l’auteur pour embellir son sujet et préparer l’amour de ses héros, il est permis de croire qu'il a dû prendre les traits principaux dans la réalité et rendre ainsi sa fiction plus vraisemblable. Le reste de la mise en scène du roman prouve d’ailleurs que l'écrivain était venu à Delphes et connais- sait assez bien la cité sainte pour qu'on puisse tenir compte de sa description. D'abord marchaient les taureaux et les autres vic- times, accompagnés des sacrificateurs armés de haches à double tranchant; puis les jeunes filles, divisées en deux chœurs, la tête chargée de corbeilles remplies de fleurs et de parfums; elles s'avancent en chantant et en dansant (cette union du chant et de la danse s’est conservée chez les Grecs modernes); enfin les cava- liers, escortant le chef de la théorie, ferment la marche; derrière eux se presse la foule des habitants. Trois fois la pompe fait le tour du tombeau de Néoptolème ; tous les assistants poussent un grand cri, les victimes sont égorgées, leurs dépouilles entassées sur le grand autel et brülées en l’honneur des dieux. Ainsi dé- gagée de ses longueurs, cette description n’a rien qu'on ne puisse accepter, et elle nous donne une idée de ces fêtes incessantes qui étaient la vie des Delphiens. * «En montant, à partir du tombeau, on trouve une pierre qui n'est pas très-grande ; on croit qu’elle fut présentée à Cronos à la place de son fils, et que Cronos la rejeta plus tard. Tous les jours on verse de l'huile sur cette pierre, et aux fêtes on la couronne de laine blanche ?. » Cette pierre est probablement encore un fétiche de l’ancienne religion tellurique, comme l’omphalos. Après la victoire du nou- veau culte, elle changea de sens et devint la pierre que Saturne avait dévorée au lieu de dévorer son fils Jupiter. Transformation bien ancienne, car cette fable est déjà rappelée dans la Théogonie d'Hésiode *. Quant à cette pierre, on ne peut guère songer à la re- trouver ; mais le soin qu'a pris Pausanias d'indiquer qu'on monte 1 Livre TIT, Ch. 1, rer ? Pausanias, X, xxv, 5. 3? Théog. v. 493. — 101 — pour y arriver (éravabdyr:) montre qu’il faut la chercher dans la direction du nord, à partir du temple, mais sans sortir de l'enceinte sacrée. Je la placerais donc dans l’espace compris entre les fontaines d’H. Georgios d’un côté, et, de l’autre, les dernières maisons du village, à l’est. ; « En retournant vers le temple après qu'on a vu la pierre, est la source appelée Cassotis ; au-dessus il y a un petit mur qui donne accès à la sourcel. » Teïyos 8 où uéya ën’ aùTÿ xai à &vodos did Toù Telyous éoliv ëmi Tir ænynr. Il faut reconnaître la source de Cassotis dans la fontaine d'H. Nicolaos et non dans celle de Kerna. Cette dernière jaillit d’un gros rocher situé tout en haut du village. Mais dans la cour de la maison immédiatement placée au-dessous, il y a un bloc de rocher dans lequel est creusé un tombeau antique ; ce tombeau est néces- sairement en dehors de l’enceinte sacrée, et, par conséquent, la source de Kerna n’y est pas comprise. Sans cela il faudrait supposer que Pausanias est sorti du péribole sans le dire, puis, qu’il y est rentré pour visiter le théâtre qui y était renfermé ; il faudrait placer également hors de l'enceinte la Lesché, qui est au-dessus de Cas- sotis et la supposer presque au pied des roches Phædriades. On ne peut admettre une supposition qui entraine à sa suite tant de conséquences invraisemblables, tandis que la position de la fon- taine d’H. Nicolaos s'accorde très-bien avec toutes les autres indi- cations. Qu'est-ce que ce petit mur qui conduit à la source ? Faut- il en voir les débris dans les restes d'un petit mur pélasgique voisin de la fontaine moderne? Ce serait alors une enceinte des- tinée à la protéger et à en défendre l’accès aux profanes. Telle est l'explication donnée d'ordinaire; en voici une autre que me suggère une recherche faite en 1860 par les habitants. Pendant l'été, les Castriotes furent curieux de savoir d’où venait l’eau de cette fontaine et si l’on n’en pourrait pas augmenter le volume. Hs fouillèrent donc au-dessus, et mirent à découvert un double mur hellénique où un homme put s'avancer une vingtaine de pas ; le conduit était obstrué, et il ne put aller plus loin. L'eau ne jaïllissait donc pas à l'endroit même où était la fontaine : elle était amenée de plus haut par un conduit; ce n'était donc pas là, à proprement parler, la source. On peut penser que ce conduil l Pausanias, X, xxv, 5. — 102 — amenait les eaux de la source de Kerna, qui est située au-dessus, dans la même direction. Le guide de Pausanias lui aurait fait remarquer, en lui montrant la fontaine Cassotis, que la source n’était pas en cet endroit même, mais que l’eau venait de plus haut et qu’elle était amenée par un conduit. Je ne donne pas la préférence à cette explication, je me contente de la proposer ; le sens un peu élastique des prépositions ré et did se prête égale- ment à l’une et à l’autre; mais le mot &vodos semble s'appliquer à ce double mur qui sert de conduit et qui remonte jusqu’à la source même. | « Au-dessus de Cassotis est un bâtiment contenant des peintures de Polygnote, offrandes des Cnidiens; les habitants de Delphes l'appellent Lesché 1. » La position en est déterminée exactement par ce détail, ÿrép Tr Kacowrida, qui est d'accord avec un autre que Pausanias donne dans la description des peintures, où il dit que ce bâtiment est au-dessus du tombeau de Néoptolème. Ulrichs affirme en avoir retrouvé deux assises dans un magasin à foin, au-dessus de la fontaine d'H. Nicolaos. Encore un débris qui a disparu depuis 1838, ou que les habitants de cette maison ont pris soin de ca- cher pour le dérober à la vue des étrangers, dont la curiosité les inquiète. Nous n’avons aucune donnée sur la forme de la Lesché:; Pausanias, qui a longuement décrit les peintures, n’a pas laissé la moindre indication sur les dispositions de l'édifice. Pour la date de la construction, elle est fixée, par l’époque même de Polygnote, aux temps des guerres médiques. La Lesché était un bätiment où les habitants se réunissaient pour converser; aussi Plutarque a pu y placer avec vraisemblance la scène d’un de ses dialogues. Ce genre de bâtiment, destiné à la conversation, devait être un des plus anciens chez les Grecs, amis de la parole; il y. en avait déjà du temps d'Homère et l’on y renvoyait dédaigneusement les bavards. Le principal ornement de la Lesché était les deux orandes peintures de Polygnote, représentant l’une la prise de Troie, l’autre les Enfers. Il ÿ aurait tout un mémoire à faire sur ces peintures remarquables, qui ont donné lieu à de vives dis- cussions entre les savants? ; mais je n’ai à parler que de l’empla- cement du bâtiment qui les renfermait. Une description ne pour- 1 Pausanias, X, xxV, 1. 2 Académie des Sciences de Berlin, 1844. — 103 — rait que répéter les chapitres de Pausanias; le dessin seul peut en donner une idée plus nette, et, pour cela, je renvoie au mé- moire de M. Welker, dans le volume (année 1844) des Mémoires de l’Académie des Sciences de Berlin. « Le péribole sacré renferme encore un théâtre qui mérite d’être vu!. » Le théàtre subsistait encore en entier au quinzième siècle, à l'époque où Cyriaque d'Ancône fit son voyage en Grèce, et il en parle comme d’un édifice remarquable : Juxta amphi- theatrum (c'est le théâtre qu’il désigne ainsi) admirandum, mag- norum lapidum gradibus XX XIII. Il est regrettable que cette mention soit si brève, car ce théâtre est aujourd’hui ruiné, et l'emplacement occupé par les maisons du village. Le débris le plus considérable et le plus intéressant est le mur méridional, qui subsiste encore dans une maison à l’ouest de Cassotis; les assises helléniques ont une hauteur de trois mètres et portent quelques inscriptions de la même époque que celles du mur polygonal. À l’est, est encore l’angle de ce mur et du mur oriental qui remonte vers le nord et paraït dans. trois ou quatre maisons; à l’ouest, de l’autre côté de la ruelle, est un débris du mur hellénique qui fait suite à celui que je viens d'indiquer. Depuis ces deux murs jusqu’à la sortie du village, presque toutes les maisons renferment des gradins du théâtre. Dans le haut, près de la petite chapelle de Maria Pantaconesa, on trouve encore en place, dans deux jardins, des traces du mur circulaire du nord, plusieurs pierres qui en viennent, mais avec des inscriptions frustes ou hors de portée. Au-dessous, un conduit hellénique, caché dans l’hypogée d’une maison, montre qu'il y avait sous le théâtre et sous la scène des constructions souterraines. dont il est maintenant impossible de déterminer l'usage. En cet endroit le terrain se relève brusquement, de manière à former une forte saillie ; c'est à cette hauteur que le théâtre était adossé, selon l'usage des Grecs, et cette circonstance naturelle a déter- miné à le construire en cet endroit. Comme on le voit, ees débris dispersés et cachés dans les maisons ne peuvent nous donner aucun renseignement utile sur l'architecture des théâtres grecs; après en avoir fixé la place, il faut se contenter de la rapide men- tion de Pausanias et du témoignage de Cyriaque d’Ancône. 1 Pausanias, X, xKNIT, 1. ne Quant à la place du théâtre dans l'enceinte sacrée, il n’y a pas à s'en étonner; de même, à Épidaure, le théâtre de Polyclète était compris dans l’hiéron. Pour les Grecs, le théâtre n’était pas seule- ment le lieu des représentations scéniques, c'était un lieu sacré placé sous la protection de Bacchus, dont l'autel s'élevait au milieu de l'orchestre; les acteurs n'étaient pas, comme chez les Romains, de vils histrions, c’étaient des homines libres, serviteurs et arti- sans du dieu, les compagnons du thiase. Les représentations scéniques étaient un hommage rendu au dieu, et cet hommage, aussi méritoire qu'un sacrifice, prouvait à la compagnie les décrets honorifiques de la cité et des Amphictyons !. Là avaient lieu les concours dramatiques qui tiennent une si grande place dans les Zuwrypsa célébrés à Delphes; il n’y a ni trace ni mention d'un odéon réservé pour les combats de musique; il faut donc les placer dans la même enceinte. Le théätre servait encore aux réunions du peuple; le héraut y proclamait les décrets, les actes d’affranchis- sement, gravés ensuite sur le mur extérieur de la scène. Le village, de ce côté, est renfermé dans l’ancienne enceinte, et la porte, voisine du théâtre, par laquelle est sorti Pausanias peutse placer à la seconde ou troisième maison en montant au-dessus de la route d’Arachova. À la sortie du sanctuaire était une statue de Bacchus, offrande des Cnidiens. On passait par cette porte pour aller au stade et à l'antre Corycien. « Le stade est tout en haut de la ville; il a été fait avec la pierre qu’on trouve en grande quantité dans le Par- nasse, jusqu’au moment où Hérode Atticus le décora d’un revête- ment en marbre pentélique?. » Ce revêtement de marbre a si bien disparu qu’il n’en reste pas le plus petit débris. Mais, à l’'empla- cement appelé Lakkoma, on reconnait parfaitement la forme aliongée du stade. Le petit côté demi-circulaire tourné du côté de l’est a conservé plusieurs de ses gradins taillés dans le roc; à l'extrémité opposée, on voit encore sur le sol la trace de la porte par laquelle les combattants entraïent dans le stade. Tout le long côté du sud est soutenu par un mur moitié hellénique, moitié pélasgique ; un conduit percé dans le milieu donnait passage aux eaux qui descendent de la montagne. Pour le stade, comme pour le théâtre, il en reste assez pour fixer la place, indiquer la forme L Lebas, n° 397, 842. 2 Pausanias, X, xxXII, #8. A LC 6e) FIGE s L Ar ù je van = (U AR à En r Vs À 7 LE al où KR N t | h OAAES "ni NE _ La | at ; L ) e FPS SUR DT L'AAt Vo rat mi Archives des Missions cr tone 2% 1° lorarson . Le 77 0 07 17 l } 4,777 D. ra \ nu Ni D NN ui) | NU . di | d NN A NA ALU Ann } à SL {l AL ALAN LI ! (4 AK NS NU Er AAA ETOS \ qi ALL NN NT AK N VS HAN au AU \ ji . WU 4 an ii NUS j NS RKKK f j, / nr all qi à (19 LU Ki \ KL AAA AK \\ KA ALL ALL AK KA 2\\| NLKKK it NAT \ NA RL Q NN \\ \\ AK AN ja \ \ NN NAS AN NN (| || A ji di {1 T8 TA De UE le eK RQ QQ NT . Jéations de Philon NAN À re, \ \ \\ NW N x A KI \\ at \ Ÿ > N \ KL | KK A ANR { A ni (AI | = = SS | RK Pie Ft \ & Ÿ = SE Ÿ Ÿ = NS KL Ÿ KN ue SSSR © _ AN AN A AL ;) AN No done N° é RS — NN "y A ES Ÿ | QE ——— NN D Le * <" à \S à s à à = NS N NN - + | Ë ui iS SL VA = NÙ N SE —— \ _ S = Gr, LSSO << 7 \ AN À TT in x tout NN à 10 0) NN | | /) JT \ NN ) 0) (ll \ VA l nn \ nn j) | HN li Li Ait HU on NT di AN NT 11/0) ie p| T' { Mine LULU \ UT / AN {l qu 1, tt il 1 AA HN ja RU A ST < , > < = = == Re « 2 ui w«( NL . \ NN JE RÉ { = TZ e RTE CU 1 NN L RQ 4 NY & 7 / | | Le Ê SE NS e | At (fr (art j AN CA \ n ur gris M ï nf aq "Fe Fe arr MAN AN NS (Hi ul AI N \ À\ \\ X \ \\ NN NI NT : NN N \ N dr, ip {1} / 14 1, 17 UFR Ir y, 4 4 7 / \ 44) 7) l //, f, 1) LL pull Al juil Ml (1) 1 | DT l Ali un LT Jp ETF 7m 4 4 0) 14) IT f fl UD DD 1 mn 1 Ne. ) 7 ji f, , Z AL WP, DD, 0) } j) 11 MAINS OU) 12 M y, 1, /y, WW (y 7, 41/ Al Iff} {ft ff Ur 1) 11 À | [Jr DA qu ll |[1 HU (1) ji l ! {| 1 till mil fi | os qi \\ || \ft hi AA Village moderne Constructions Pelas. SJiques - Constracuons Helleniques ou /iomaines fit rte AL \ AN mi [9 ji AAA { FI j AU TU qu \\\ AA Archives des Missions Sctenti DES tome 24 1° livrurson . DU RTE TD pa Lan (l mS I] Ju HA \\ ( D DIN | A4) Il ul QI! ul & 7 17, R ( Cyr 2 BREL Vlage moderne. | (17) I, À $ nm Constructions lélasgiques. \ | cr onstructions Helléniques A QE J Q P H 4 Crsrnesens 72 \ 1 Lo Re ent € 2 2 à 2e Leman à NA AAA D ul tu” rl { HTTU TI UT ALAAAUU Le "A. JE ll ) D, SLT (\ AK TA (| ei te U ( : ju | LL ) AAA Hit pu 1 \ KR \ (Il (NN Lo, n et \\l AA \\\ || | AAA À AA A \ | AN \\ \\ \\ 7 NN gn D A | Tu A or) nscriplon {il lo LL KQ 1) | JU \ 7 pis di 27, Pications de Philom \ NN \\ 1 ANR à NN N \ Ù ue À — == AN db \\ AA AL un 17 \\L \ AN . | A | \ UN AU NX AN (ft KK a | \\ . at \ AK “À Se AK \N A (l a \ Vo 12 R ANT ÿ . à We Fa) ARE at 0 AR AAA AE (il ZA (IE We : AN NY TT (17 ul ne (177? / \ \ tn 7, 41) , 1, 2) 1) 11) eu } 11/70) 1) jy D / 7 N W ))) 1, D + y D W / h 04 j We 1) }), D WIND DA ÿ, 11 W / 1 = … . NT AN \ ARE \\ A NN NI 7. 7 N 17/1) WU D ii N, 711) HN RSS 7) V2 VD) À \\ \N NS \ 5 7 2 0 1) 12 À À I) 1 D 17/1] & * NN £ NI < Æ. NI (41 I TAN ANTEAN AN . }) \ AN di l / HN A In) 7 JN NS 7 D, / D = pa 11] | ù I n — 4 0) . on ns on | 1) 1 y, 70 1) | JT qu {l D Ur) 1117) a ee 0] ae JU (ii AAA AA \\ (11 Il 1/1) 1) 7 (LUN LE in QUI AE A 1} | NI 1 AT ra MA TM 4 ne ui Go | ul \| \l . 1 | ne D à D) } f CECI il | qe D (nl \ te | 1) ji Han fl 7) il 10} (A | | (ALU Ill il (l Du 1) ) LL 7 ) tp quil 1|| AE (ro om (A 1 HI ALU (fl {fl 171 I] | Fit : \ . ne 7 A iQ nt D. | | )) 1] If 1) il) 1) NL 1 ï LUTTE {CII Il IL I l 4) 1) a a rnmnnt . NA Hill EI FU pl Il (fl AS : \\ | NN QA art AK A(| ps ” \ TN ul HN nil in D) is nl L mr on ut Kit LL l {| dé PA i | ls om nn A||| | 11! au Qt il nl nl { Ai LL ol pl hu LU) | m AAA 7 X MANN PP ANE F LIN I3}, DITITEEUn — 105 — et la grandeur, trop peu pour nous apprendre rien de nouveau sur ce genre de constructions. Cyriaque d’Ancône a signalé également le stade, qui était en- coré bien conservé de son temps; il l'appelle à tort hippodrome : In sublimi civitatis arce, altissimis sub rupibus, ornatissimum gradibus marmoreis hippodromum DC pedum. CHAPITRE VIL VILLE. — FAUBOURG DE PYLÆA. — FORTIFICATIONS. Laissons encore une fois Pausanias pour nous arrêter à la ville de Delphes et au faubourg de Pylæa dont il n’a pas fait mention. La ville même de Delphes était la plus grande de la Phocide !; elle comprenait toute la partie située sur la rive gauche du torrent qui passe devant Castalie jusqu'à Marmaria, et, sur la rive droite, les terrasses étagées au-dessous de l'Hellenico. Dans ce vaste espace, il y avait moins de grands édifices, et, par suite, il reste moins de ruines que dans l'enceinte du sanctuaire. Il serait inutile de parler de tous les petits fragments de murs antiques qu’on y trouve; je me suis contenté de les indiquer sur le plan. Ce ne sont pas des débris d’édifice, mais simplement des murs de soutenement destinés à retenir la terre, et qui formaient comme les gradins de cet im- mense théatre. La nécessité a été la même de tout temps, pour les Pélasges comme pour les Hellènes et les Castriotes : où les murs antiques se sont écroulés, les modernes ont été forcés d’en établir de nouveaux. Deux points seuls méritent d'attirer l'attention : le point X , où se trouvent les ruines d’une petite chapelle construite sur l'emplacement et avec les matériaux d’un temple antique. À qui était-il consacré? Rien ne nous l’apprend; il y a bien une inscrip- tion, mais les caractères en sont si petits et si rongés par le temps qu'il est impossible d’en tirer un seul mot. En se dirigeant vers l'ouest, on voit une autre petite chapelle qui porte le nom d’H. Geor- gios. En dehors de toutes les habitations, elle n’a été construite que pour remplacer un édifice antique. Dans l'intérieur de la chapelle sont encore des débris de mosaïque et quelques pierres d’une substruction qui continue en dehors; des pierres taillées, l Pausantas, X, xXxXIV, 1. — 106 — des stèles, deux morceaux de marbre blanc ns un acte d’af- franchissement, la moitié d’un chapiteau dorique, sont encastrés dans le mur, et mêlés au blocage grossier des modernes. L’empla- cement d'H. Georgios convenait très-bien à un édifice important; la petite plate-forme sur laquelle s'élève la chapelle a été formée et se soutient encore grâce à une muraille pélasgique. Les blocs en sont plus petits que ceux du mur inscrit et des terrasses de Marmaria; mais ils sont assemblés avec la même précision et présentent les mêmes courbes capricieuses : c'est donc un ouvrage moins important, mais de la même époque. À droite et à gauche de la chapelle on peut, en suivant cette espèce de gradin naturel, retrouver en plusieurs endroits le mur pélasgique. Il s'étend sur- tout vers l’est et sa direction est clairement marquée par trois fragments faciles à distinguer au milieu des matériaux de toute espèce avec lesquels on a essayé de boucher les brèches. On ar- rive ainsi à une petite ravine creusée par les eaux, qui, les jours d'orage, se précipitent dans le village comme un torrent. À cet endroit est une construction hellénique étayée par deux contre- forts massifs, destinée sans doute à soutenir la terrasse minée et ébranlée par les eaux qui coulent dans ce petit ravin. Toute cette partie a été habitée du temps des Grecs, et présente encore des traces de demeures antiques. Sur la terrasse inférieure à celle d'H. Georgios, le rocher au-dessous du mur pélasgique a été taillé verticalement pour y adosser les maisons; le sol a été nivelé pour obtenir une surface plane; mais on a laissé subsister la partie sur laquelle s’appuyaient les murs de séparation. Il y a ainsi plusieurs lignes parallèles qui tombent sur le rocher à angle droit et forment plusieurs compartiments. Chacun de ces compar- timents représente une maison antique, à peu près semblable, pour la forme et les dimensions, aux maisons qui ont laissé leurs traces sur le rocher de l'Observatoire à Athènes. C’est une nouvelle preuve de l’exiguité des constructions privées chez les Grecs et de la nécessité de la vie en plein ar; comment rester enfermé dans un pareil logis? Le peu d'épaisseur des murs de séparation, qu’at- teste la bande de pierre sur laquelle ils reposaient, explique à merveille le mot de rosxwpuxos et l’industrie de ces voleurs; il était plus facile de percer le mur que de forcer la porte. Les maisons adossées au mur pélasgique, comme les cabanes du village actuel le sont aux constructions antiques, petites, serrées les unes contre = dt = les autres s'avançaient vers le bord de la terrasse sur laquelle elles reposent, en ne laissant pour la rue qu’un étroit espace. En com- paraison, les petites maisons de Pompéi sont de vastes palais. Cette partie de l’antique cité est peu connue des voyageurs, et avec rai- son ; elle n’a pour attirer ni la grandeur des ruines ni celle des souvenirs. Et pourtant il est intéressant de la parcourir après l’en- ceinte sacrée, tant est frappant le contraste entre la petitesse des constructions privées et la grandeur des édifices publics et la splendeur des temples; c’est l’image la plus vive d’une société où l'état et la religion étaient tout, et l'homme, peu de chose. L’étendue de ces constructions appelées pélasgiques, en dehors du sanctuaire, est importante pour l’histoire obscure de ces temps primitifs ; elle prouve qu’une population assez considérable s’est établie tout d’abord en cet endroit, en même temps qu'était fondé le temple d’Apollon. La ville ne se serait donc pas formée peu à peu par le concours d'habitants appelés plus tard par la cé- lébrité de l’oracle, elle en serait contemporaine et devrait sa fon- dation à la peuplade même qui apporta à Delphes le culte d'Apol- lon, de Diane, de Latone et de Minerve. Pylæa. Le faubourg de Pylæa, au contraire, est relativement moderne, et l’on ne peut le faire remonter plus haut que les Antonins. Dans l'origine, c'était le cimetière de la ville de Delphes; les deux flancs du mamelon, que projettent les roches Phædriades, sont percés d'un nombre considérable de niches sépulcrales; elles ne sont pas moins nombreuses au-dessous de la route. Il y a même des monuments funèbres plus importants, entre autres, une chambre taillée dans le roc et qui renferme trois tombeaux. Lebas, dans son Voyage archéologique, en a donné le dessin et le plan; c’est la meilleure description. Cet emplacement (aujourd’hui les aires de Castri, dwria) ser- vait à dresser les tentes des pèlerins qui se rendaient de tous côtés aux fêtes des jeux Pythiens; c'était en même temps le lieu du marché aux esclaves, qui se tenait, comme à Délos, à l’époque des fêtes. Le seul monument de l’époque hellénique-qu’on y puisse pla- cer est le Synedrion, où se réunissaient les Amphictyons. Cette assemblée, qu'elle se tint à Delphes ou aux Thermopyles, s’'ap- — 108 — s og IluAaix, car les M ne ms portent également ævlaias omawpiyns et œuaias éapivns; de là le nom du faubourg de Pylæa!. On connaît la célèbre invective d’'Eschine contre les Locriens d'Amphissa, qui donna le signal de la seconde guerre sacrée : « Voyez, s’écriait l’habile orateur, voyez, Ôd Amphictyons, cette plaine mise en culture par les Amphissiens ; voyez ces fourneaux à briques et ces étables qu'ils y ont bâtis. Voyez de vos yeux le port maudit et abominable, entouré de muraïlles. » Eschine a pris soin de dire qu’il parle de sa place dans le Synedrion, et que l’on peut embrasser d’un seul coup d’œil la plaine de Cirrha. Les aires de Castri sont le seul endroit d’où l’on découvre la mer et la plaine; c’est donc là qu’il faut placer le Synedrion. Il faut même aller plus loin que l’église d'H. Élias, jusqu’à l'endroit où la route tourne pour descendre à Chrysso. L'édifice dans lequel Eschine a tenu son discours, l’ancien Synedrion des Grecs, n’était donc pas exactement sur l'emplacement du nouveau Synedrion, élevé par Adrien. À l’époque hellénique, c'était le seul édifice bäti de ce côté. Il est facile de comprendre pourquoi cette partie ne fut pas ha- bitée tout d'abord. Les Grecs ont établi leurs cités ou sur des acropoles ou près de sources abondantes. Or l’eau manque abso- lument dans le faubourg de Pylæa, tandis qu’elle coule toute l’année aux fontaines de Castalie, de Cassotis et de Kerna : c’est donc de ce côté qu’ils devaient d’abord s'établir. C’est à l'époque romaine, sous Adrien, que le faubourg de Pylæa prit un grand développement, car le tableau qu’en trace Plutarque est celui d’une chose actuelle. Après avoir parlé des constructions nouvelles ou des restaurations faites à Delphes?, il ajoute : «Mais comme les arbres vigoureux poussent de nou- veaux rejetons, de même Pylæa croît et se développe à côté de Delphes; elle prend de l'apparence et de la beauté; grâce à la richesse de la ville, elle a été ornée de synedrions, de temples et d'eaux plus que dans les mille années qui ont précédé. » Les ruines qui restent de ce côté prouvent aussi que le tableau tracé par Plutarque est bien du siècle des Antonins, car elles sont toutes de l’époque romaine. Les plus considérables sont celles ! Eschime, Adv. Ctesiph. éd. Tauchnitz, p. 197. * Plutarque, De Pyth. or. xxx. È — 109 — d'H. Élias: l'enceinte au milieu de laquelle s'élève la petite église a la forme d’un quadrilatère plus long que large. Sur trois des côtés apparaissent des murailles antiques; le long côté de l’est est soutenu par des contre-forts, genre de construction qui appartient à l'époque romaine. Le quatrième côté, tourné vers Chrysso, et qui, par conséquent, était l'entrée naturelle en venant de la mer, ne pouvait pas être fermé par un mur ; en effet, je n’en ai trouvé aucun vestige. Au contraire, J'ai rencontré, à quelques mètres au-dessous, plusieurs fragments de colonnes doriques en marbre pentélique. La dimension de chaque cannelure (vingt-cinq centimètres) fait supposer une circonférence de six mètres. Des colonnes aussi fortes que celles du Parthénon ne peuvent appartenir qu’à un édifice considérable, et tel nous paraït être celui-ci, d’après l'enceinte des trois côtés. L'entrée, qu'il faut placer du côté du sud, était donc ornée d’une colonnade d'ordre dorique de grande dimension et en marbre pentélique. L'ornementation de cet édifice ne permet pas d'y voir un temple. Laissons-lui donc le nom de Synedrion qu’on lui donne d'habitude. Plutarque le désigne par un pluriel empha- tique. C'était dans ce bâtiment, construit par Adrien près de l’an- cien Synedrion!, que se tenait l'assemblée des Amphictyons, telle qu’Auguste l'avait organisée. Cet édifice renfermait une biblio- thèque rassemblée avec l'argent sacré et réunie par les soins d’un certain Flavius ?; c'était encore là que l’on conservait les décrets des Romains consacrant l’autonomie de la ville de Delphes et son exemption d'impôts. Entre la chapelle d'H Élias et le village, au-dessous de la route, est une autre construction d'époque romaine, soutenue par des contre-forts; les débris de l'étage supérieur sont en blocage et l’on peut y distinguer la naissance de voûtes; mais rien n'indique la destination de cet édifice. Mentionnons encore un petit exèdre taillé dans le rocher et placé sur la route pour offrir un lieu de” repos aux voyageurs qui arrivaient de Cirrha, fatigués de la rude montée de Crissa à Delphes. Le rocher a également conservé la trace de maisons construites à l'époque romaine; car les dimen- sions en sont plus grandes que dans la ville, et l'on y a trouvé en grande quantité des poteries romaines. l Plutarque, loc. cit. ? Lebas, n° 845. L'inscription relative à la bibliothèque est maintenant dans * la cour du monastère, mais elle a été trouvée à H. Elias. — 110 — Le manque d'eau était une des causes qui avaient empêché les Grecs de s'établir à Pylæa. Pour les Romains, passés maîtres dans l’art d'amener les eaux, même de très-grandes distances, ce n’était pas un obstacle. Ils allèrent les chercher sur le plateau du Par- nasse; les traces d'aqueducs sont une des marques les plus sûres du passage de la civilisation romaine; on les retrouve partout où ils ont dominé. Un canal avait été pratiqué dans le flanc du ro- cher qui longe la route de Chrysso; quand on se dirige vers le Parnasse, la montée de Kaki-Scala présente les traces d’un double aqueduc taillé dans le roc par les Romains; l’un suit les détours de la route, tandis que l’autre descend en droite tigne. Tous deux partent du plateau du Parnasse où sont les Kalyvia, et aboutissent à ce faubourg de Pylæa; l’eau qu’ils y amenaient était abondante, si l’on en juge par l'éloge de Plutarque!. | Le mamelon auquel est adossé le faubourg de Pylæa ferme Delphes du côté de l’ouest comme un rempart. Frappé de cette forte position et de la sainteté du lieu, Justin se demande s'il est mieux défendu par la divinité qui l’habite que par les fortifica- tions naturelles. Ce passage semble indiquer que la ville n’était pas protégée par des remparts; mais c’est une erreur de l’abrévia- teur latin; car, en suivant la crête de ce mamelon, on y reconnaït les restes et parfois même plusieurs assises de tours helléniques reliées entre elles par un mur. Ces fortifications s’avancent jus- qu’au bord du rocher et en défendent les endroits accessibles. Cette construction est hellénique; Diodore nous apprend même à quelle époque et pour quelle cause elle fut élevée. « Philomèle construisit un rempart en avant du sanctuaire ?.» Il est à croire que les Phocidiens ne fortifièrent la ville que du côté de l’ouest : c'était le seul qu’ils eussent à défendre. À l’est, ils n’avaient rien à craindre, puisque c'était la route de Phocide; à l’ouest, au con- traire, il fallait se protéger contre les Locriens d’Amphissa, qui montrèrent dans la guerre sacrée un grand acharnement. Diodore dit que Philomèle les vainquit aux roches Phædriades et qu'il précipita un grand nombre de prisonniers; les modernes ont suivi l'exemple de leurs ancêtres, et, pendant la guerre de l'indépen- dance, ils ont précipité du haut des rochers les prisonniers tures. ! Plutarque, De Pyth. or. xxx. 2 Diod. XVI, xxv. — Ii — Les roches Phædriades dont parle Diodore ne sont pas ces rochers à pic qui s'élèvent au-dessus de Delphes et dont la possession ne serait d'aucun avantage pour l'ennemi, car il est presque impos- sible d'en descendre. I faut étendre ce nom de Phædriades au mamelon projeté à l’ouest de Delphes et qui est la clef de la posi- tion. Ce contre-fort se présente comme une barrière à une armée venant de la Locride , et son occupation entraine celle de la ville. La position fut donc disputée avec acharnement, et Philomèle, pour prévenir une surprise de ce côté, éleva les fortifications dont nous voyons maintenant les ruines. Au moyen âge, Delphes, placé non loin de la mer et sur la route de Salone en Phocide, fut fortifié par les Vénitiens et les Turcs. On trouve des restes nombreux de ces ouvrages de défense, d’a- bord sur le contre-fort des Phædriades, où ils suivaient à peu près la même ligne que la muraille hellénique, puis au bas du village, et enfin entre Marmaria et le monastère. De là le nom de Castri donné au village. Frappés de la grandeur de ces ruines, de ces murailles, de ces aqueducs, les Grecs ont imaginé une légende assez curieuse. Le commencement est celui de tous les contes, une querelle d'amour ; mais le dénoûment est bien du pays. Dans les temps anciens, Delphes appartenait à une riche et belle princesse; deux fils de rois se disputaient sa main. Pour terminer le différend, ils firent une gageure : l’un devait amener les eaux de la montagne dans la ville; l’autre, l'entourer de murailles; celui qui aurait le plus tôt achevé devait être le vainqueur. Le premier attaqua franchement son travail, tailla le rocher, et avec une telle ardeur que bientôt il eut presque fini; encore quelques jouxs, et l’eau de la montagne allait descendre dans la ville. À ce moment son rival accourt : «Regardez, s'écrie-t-il, j'ai terminé.» En effet, des hauteurs du Parnasse, la ville paraissait entourée de murailles; on ne pouvait de cet endroit s’apercevoir que le côté du nord n'était pas même commencé. Le malheureux fut pris au piége, il se crut vaincu et, plein de douleur, il s’enfuit pour ne pas assister au triomphe de son heureux rival; celui-ci épousa la princesse et devint maître de Delphes et de ses richesses. Ainsi la ruse triomphe de l’honné- teté, l’homme loyal et franc est vaincu; le prix est au mensonge et à l'adresse. Dans la patrie d'Ulysse, c’est le dénoument naturel, une moralité à la grecque. : — 112 — CHAPITRE VIII. TERRITOIRE DE DELPHES. — LE PARNASSE. —— CRISSA ET CIRRHA. Une excursion au Parnasse et une visite à l’antre Corycien étaient le complément obligé d'un voyage à Delphes. Le Parnasse était une montagne sacrée, une continuation, pour ainsi dire, de la ville sainte. « leporperns d Eos œûs à Ilapraoods, Éyar &vrpa Te aa dAÂQ Yopia TuwuEvd Te xai dyrolevouera œv Éclr yvowpr- pararov aa xd]uolov Tùd Kwpuxzov!.» Les étrangers qui figurent dans le dialogue de Plutarque, après avoir parcouru le sanctuaire, se dirigèrent vers l’antre Coryÿcien, et, à l'époque des fêtes, les visiteurs étaient en si grand nombre que la ville restait presque déserte. Pausanias ? n’a pas manqué à cette obligation. « En sor- tant de Delphes pour aller sur les hauteurs du Parnasse, à soixante stades environ au-dessus de la ville, il y a une statue de bronze; un homme agile ainsi que des bêtes de somme et des chevaux peuvent monter sans difficulté jusqu’à l’antre Corycien.» On suit aujour- d’hui le même chemin que dans l'antiquité; après avoir longé les ruines du stade, on arrive au passage appelé Kax7 oxda : ce nom vient à la fois des degrés taillés dans le roc par les anciensret dont un grand nombre subsiste, et de la roideur du chemin, qui monte en tournant dans les parois de la montagne. La statue de. bronze dont parle Pausanias semble se placer naturellement au sommet de cette montée, à l'entrée du plateau. La distance est moindre que les soixante stades indiqués par Pausanias; mais Je crois qu'il n’a donné qu'une mesure approximative, et, comme la roideur de la pente l’a forcé à ralentir le pas, il juge moins d’a- près la longueur même du chemin que par le temps de la montée. La route traverse un plateau couvert de sapins et coupé par de petits ravins jusqu’au monticule au milieu duquel est l’antre Corycien. « Des cavernes que j'ai vues, dit Pausanias 8 celle-ci m'a paru la plus digne d’être visitée. » Et il cite les plus célèbres qu'il a visitées en Grèce et en Asie. « Maïs l’antre Corycien, ajoute- 1 Strabon, IX, n11. ? Pausanias, À, XXII, 2, 3 Id. ibid. Sd ibrts: TT til, surpasse en grandeur tous ceux dont j'ai parlé, et l’on peut en parcourir la plus grande partie sans lumière. La partie supérieure s'élève suffisamment au-dessus du sol; l’eau qui vient des sources dégoutte surtout de la partie supérieure, de telle sorte que dans toute la grotte on voit sur le sol les traces de ces suintements. Les habitants du Parnasse regardent cet antre comme consacré aux nymphes coryciennes et à Pan. » Il a fallu longtemps pour constater l'identité de Sarantauli et de l’antre Corycien; mais une inscription trouvée au commence- ment du siècle et copiée par plusieurs voyageurs en est une preuve décisive. Eÿolparos Aaxudôuou À uSpbo1os cuurespiro)ot Ilavi, NüpGous”. La vue des lieux s'accorde tout à fait avec la description de Pausanias et justifie ses éloges. On y retrouve ces stalagmites len- tement formés par le suintement de l’eau et qui ont les formes les plus pittoresques; ce sont plus que des blocs de pierre, ce sont presque des groupes de statues. L'entrée de la première chambre est maintenant obstruée; on s’y glisse plutôt qu'on n’y entre. Mais l'étroitesse de l'ouverture ajoute à l'illusion en ne laissant péné- trer qu’une demi-lumière dont les teintes vertes et roses donnent aux stalagmites l'aspect le plus pittoresque. Dès l'entrée, le toit de la grotte s'élève et la salle s’arrondit en forme de théâtre; les pa- rois sont tapissées d'immenses draperies de pierre dont les plis tombent le long du rocher. Dans ce demi-jour mystérieux, le bloc du fond semble un autel qui supporte les divinités adorées dans, cette retraite; de chaque côté de l’autel se dressent d’autres groupes de statues fantastiques, si vivantes, si hardies dans leurs poses, qu'on les prendrait pour des hommes saisis au milieu de l’action et pétrifiés par un prodige. Nulle part l'illusion n’est aussi forte et ne s'empare aussi vivement de l'imagination; l'autel, les divi- nités sont encore à leur place, il semble que la foule bruyante des adorateurs de Bacchus va reparaïtre et reprendre les sacrifices et les chants, un moment interrompus. La seconde chambre est aussi étendue que la première; mais sur ce sol humide et glissant, à la lueur incertaine des torches, ! Lebas, n° 83». MISS. SCIENT,. — 11. 5 — 114 — il est difficile d'en saisir l’ensemble; les stalagmites y ont encore «les formes presque humaines; un bloc entre autres est un véritable Hermès. Je ne doute pas que ces créations capricieuses de la na- ture n’aient beaucoup contribué dans l'antiquité à la renommée de l’antre Corycien. On donne le nom de troisième chambre à un couloir étroit placé à l'extrémité droite de la seconde; ce n’est pas la peine d'y pénétrer. L’antre Corycien était le principal, mais non pas le seul qui eût ses dieux et ses fêtes !, La montagne tout entière était consa- crée à Bacchus; c'était sur ce plateau que les Thyades célébraient les fêtes de leur dieu. Les femmes de l’Attique et de Delphes se réunissaient tous les cinq ans, et, après un sacrifice secret que es Hosii faisaient dans l’adyton, elles s’élançaient sur le Parnasse vêtues de peaux de chevreaux, armées de thyrses et de flambeaux. Pendant les nuits elles couraient et elles dansaient au son des tambourins, et agitaient leurs torches; les lueurs qu’on apercevait sur la montagne étaient pour les anciens le flambeau du dieu lui- même, qui se mêlait à leurs jeux. Les tragiques grecs rappellent souvent ces courses des Thyades sur le Parnasse?, les courses échevelées, les thyrses, les tambourins, les flambeaux. Cette fête avait donné son nom à l’un des mois de l’année delphique, Auda- Pôpuos. On sait quels désordres se glissaient dans ces fêtes, célé- brées la nuit, et à quels accès de fureur et de débauche se livraient ces femmes enivrées par les danses et par le vin. Les bacchanales et leurs danses sans frein, sans mesure, sont un des sujets que nous trouvons le plus souvent sur les vases et dans les peintures antiques. C’en était une suite inévitable, et, pas plus que les au- tres, les fêtes du Parnasse n’y purent échapper. Le passage d’Eu- ripide # où Xuthus, trompé par la réponse du dieu, croit que lon est véritablement son fils et qu’il est le fruit d’une de ces nuits d'orgie sur le Parnasse, montre que la licence s'était introduite, presque dès l’origine, dans les cérémonies de ce culte. Après tant de siècles, le souvenir de ces courses et de ces danses nocturnes n’a pas complétement disparu; il a donné naissance à l’une de ces croyances qui s’emparent de l'imagination, facile à frap- 1 Strabon, IX, ur. ? Esch. Eum. v. 22. Soph. Ant. v. 1126, 11950; Eurip. Bacch. v. 306, 555; Phén. v. 225; Fr. v. 943. $ Eurip. lon, v. 550-555. — 115 — per, des Grecs modernes. Bien peu oseraient ne pas ajouter foi à l'existence des Néréides, ces fées malignes qui ont remplacé les nymphes des fontaines et aussi les bacchantes. Elles se plaisent à dresser, la nuit, leurs tables invisibles, et malheur au voyageur qui les heurte; il est sûr d’être maltraité et de porter les traces de cette mauvaise rencontre. Mais elles aiment surtout le plateau du Parnasse, et bien des habitants de Castri jureraient y avoir en- tendu , la nuit, le bruit de leurs tambourins. Aussi n'est-ce pas sans appréhension que le Grec s’aventure à traverser pendant l'obscurité le plateau des Kalyvia. L'imagination pleine des contes qui ont bercé son enfance, mal à l'aise dans cette solitude, il prête avec inquiétude l'oreille au bruit du vent qui agite les feuilles, et presse le pas pour échapper aux Néréides, dont il croit entendre les danses. Quelques jours après Pâques, le plateau du Parnasse est le rendez-vous de tous les Castriotes; on égorge et l’on fait rôtir les agneaux, on boit du vin résiné, on danse en chantant : c'est le programme obligé de toute fête grecque. Est-ce un souvenir de ces sacrifices et de ces repas que célébraient au même lieu ceux qui avaient obtenu du dieu une réponse favorable? Tel est Xuthus dans la tragédie d’Euripide !. Après avoir retrouvé celui qu'il croit son fils, il va sur le Parnasse immoler des victimes à Bacchus et préparer un festin, auquel il convie les habitants de Delphes. Ce n’est pas là une invention du poëte, c'est un usage dont la fête des Castriotes est peut-être un souvenir. Bien d’autres traditions, et quelques-unes plus récentes et plus tragiques, se rattachent au Parnasse. De tout temps la montagne, avec ses cavernes et ses forêts, a servi de refuge. À l'approche des Perses, tous les habitants de Delphes, excepté soixante hommes, prirent la fuite. « Le plus grand nombre s'enfuit sur les hauteurs du Parnasse et dans l’antre Corycien?. » De même, pendant la guerre de l'indépendance, la montagne servit d’asile aux bandes de pal- licares vaincus par les Turcs; et, dans ce refuge presque inacces- sible, ils purent échapper à leurs vainqueurs et se préparer à de nouveaux combats. Dans ces dernières années, le Parnasse fut oc- cupé par une bande de brigands qui protestaient, à leur façon, ! Eurip. lon, v. 712. 3? Hérod. VIIF, xxxvr. [e4 contre l'occupation anglo-française, et faisaient la guerre aux Turcs en pillantleurs compatriotes. Leur chef, Davély, acquit une grande réputation; tous les efforts pour détruire sa bande étaient infruc- tueux ; la rapidité de ses mouvements, la complicité des habitants, qui ont toujours eu une secrète sympathie pour les brigands, le rendirent longtemps insaisissable. Quand on le cherchait d’un côté, la bande était du côté opposé, occupée à piller le village dont les habitants étaient partis à sa poursuite. Enfin les réclamations énergiques des alliés forcèrent le gouvernement grec à trouver un remède. Un ministre, qui connaissait bien ses compatriotes, pro- mit cinq mille drachmes à celui qui dénoncerait les brigands : dès lors ils étaient perdus. Des renseignements certains parvinrent de tous côtés, les troupes entourèrent le Parnasse , la bande fut vain- cue, quatorze klephtes furent décapités sur la place d’Arachova, et leurs têtes exposées à la porte du village. Ceux qui avaient échappé comprirent que le métier n’était plus bon, et, en gens d'esprit, ils en prirent un autre, et rentrèrent dans leurs foyers. On ne leur rappelle leurs anciens exploits que par un de ces euphémismes délicats que les Grecs emploient à merveille. « Tu connais bien le Parnasse, » disait en souriant un berger à mon guide, grand pallicare, bien découplé, au teint hälé, et qui avait tout l'air d’a- voir fait un autre métier. Et celui-ci de répondre par un sourire équivoque, qui ne témoignait pas un bien vif repentir. Mais autres temps, autres mœurs; autrefois il détroussait les voyageurs sur le Parnasse, aujourd’hui il se résigne à n'être plus que leur guide. Au milieu de la nuit, à travers des rochers où il n’y a pas trace de sentier, il m'a conduit jusqu’au sommet, sans se tromper, sans hé- siter. Évidemment, dans des temps meilleurs, il avait couru plus d’une fois dans ces parages, dont il connaissait si bien tous les dé- tours et toutes les cachettes. L’ascension du Parnasse demande de sept à huit heures en partant de Castri. On part d'ordinaire à la nuit, pour éviter la chaleur et arriver au sommet au lever du soleil, avant que les vapeurs se lèvent à l'horizon. Les mois d'août et de septembre sont les plus favorables, car on est sûr alors de ne plus trouver de neige dans la région la plus élevée. La route traverse d’abord plusieurs petits ravins couverts de buissons et de sapins qui rap- pellent les halliers où Ulysse fut blessé par le sanglier. On atteint alors un plateau plus uni, et l'on traverse le lit de deux petits lacs, = Mu desséchés à la fin de l'été. Sur ce plateau sont les Kalyvia de Castri et d’Arachova, espèces de huttes ou plutôt de chalets où les habitants viennent s'établir pendant la belle saison. D’immenses troupeaux de bœufs errent jour et nuit dans ces pâturages; la li- berté les a rendus sauvages, et, pour les tuer, il faut les abattre à coups de fusil. Leurs gardiens ne paraissent guère moins sau- vages, et qui ne connaïtrait pas les Grecs serait médiocrement rassuré en voyant brusquement sortir d’un buisson un grand gail- lard, à la mine farouche, des pistolets à la ceinture et le fusil au poing. Au milieu de la nuit, eten ce lieu, il y a de quoi rappeler les fameux klephtes du Parnasse. Mais tout se borne à quelques questions, à la demande inévitable de l'heure, et se termine.par des souhaits de bon voyage : ce qui prouve qu’en Grèce, pas plus qu'ailleurs, il ne faut juger les gens sur la mine. Ce plateau est entouré de mamelons couverts de sapins; dans le fond se détache le Parnasse. L'aspect de cette masse chauve et rocheuse n’a rien qui réponde aux souvenirs que ce nom réveille dans l'esprit, et l'on serait bien désenchanté, si on se l'était figuré, comme dans la fresque de Raphaël, avec des bosquets et de claires fontaines. À partir de la dernière cabane, il y a encore quatre heures de marche, et, sans être dangereuse, l'ascension devient très-pénible. Le chemin ne valait guère mieux dans l'antiquité, et Pausanias! avait raison de dire qu'a partir de l’antre Corycien il est difhicile, même à un homme agile, de parvenir au sommet du Parnasse. Il n'y a pas de sentier frayé, et l’on grimpe plutôt qu'on ne monte à travers des roches pointues et tranchantes. Aussi je me figure dif- ficilement que les Thyades y aient jamais couru en secouant leurs torches en l’honneur d’Apollon et de Bacchus. Le Parnasse à deux sommets à peu près de même hauteur et voisins l’un de l'autre; ils ont l'aspect des deux pointes d’un croissant. C'est ce que l'on appelle ses deux têtes (dexépu@os, dflo@os, biceps Par- nassus), célébrées dans la poésie grecque et latine. De loin, cette particularité est peu frappante, et Homère ne lui donnait que ’épithète de wQoéyra, commune à toutes les hautes montagnes. Pausanias dit que ces sommets sont au-dessus des nuages; il n'y a là rien de propre aux sommets du Parnasse et cela ne prouve rien ch | pour leur élévation; car, de Castri, j'ai vu souvent sous mes pieds 1 Pausanias, X, xxx1T. — 118 — les nuages qui remontaient le lit du Pleistos, se trainant et se dé- roulant comme le serpent Python. De la cime du Parnasse, les Grecs Missions dé Cons- tantinople : c’est qu'ils voient avec les yeux de la convoitise. Les points les plus éloignés qu'on aperçoive sont les cimes de l’'Olympe et celles du Taygète au sud. Après avoir parcouru la Grèce, il y a plaisir à l’'embrasser ainsi d’un seul coup d'œil comme dans une carte d’un immense relief, à voir le soleil, se levant peu à peu, dorer d’abord de ses rayons les plus hautes cimes, puis descendre dans les vallées et découvrir successivement aux regards tant de con- trées célèbres. L’Eubée et l’Attique apparaissent les premières, puis les plaines de la Béotie et de la Phocide, les pics abrupts, presque perpendiculaires de l’'OEta et l'Othrys, enfin les hautes montagnes de la Locride et de ’Étolie, qui bornent la vue du côté de l’ouest. Le paysage qu'on a sous ses pieds se dessine avec plus de relief et des détails plus accusés : à l'étage supérieur, le plateau des Kalyvia, au-dessous, le ravin du Pleistos, où se cache Delphes, la plaine d’oliviers de Chrysso, le plateau du Kirphis, qui s’avance entre les deux baies de Cirrha et d’Anticirrha; plus loin, le golfe de Corinthe, depuis l’isthme et le promontoire de Junon Acræa jusqu’à Lépante, semble un grand lac aux eaux bleues; les côtes d’Achaïe, dont les contours se dessinent avec une infinie variété” de formes et de couleurs, se dressant à pic au-dessus de la mer et ravinées profondément par de petits torrents; au delà les grandes montagnes de lArcadie, l’Olenos (Erymanthe), le Khelmos, le Ziria (Cylène), le Mænale, et, dans le fond tout à fait, le pic aigu du Taygète. Pour nous, le Parnasse est le séjour d’Apollon et des Muses, et le nom en est synonyme de poésie; c’est aux Latins qu'il doit cette réputation, de même que Castalie. Nous avons vu que les poëtes grétsme l'ont chanté que comme la montagne sacrée de Bacchus, où le dieu se joue au milieu des Ménades. Le plateau du Parnasse ne formaït qu’une partie du territoire de Delphes; la partie la plus considérable, et par sa richesse et par les événements qui s’y rattachent, est la plaine sacrée. Ulrichs a traité complétement ce point; il a eu lhonneur de résoudre une question sur laquelle les géographes anciens étaient déja en dé- saccord : l'existence de deux villes distinctes, Cirrha et Crissa, et d'en déterminer la place. Je n’ai rien trouvé de nouveau sur ce — 119 — point; je serai donc très-bref, renvoyant à la brochure d'Ulrichs * pour de plus amples développements. La distance entre Delphes et Chrysso est de trois quarts d’heure environ. Dès qu’on a tourné, après les aires de Castri, on perd de vue la cité sainte, et la route descend très-rapidement vers Chrysso. C’est à peu près à cet endroit qu'il faut placer l’'embuscade dont le roi Eumène faillit être victime ?. Les assassins au service de Persée s'étaient postés un peu en avant de l'endroit où commen- çaient les maisons, derrière une maçonnerie qui était sur la gauche de la route, resserrée à cet endroit par un éboulement qui forçait les voyageurs à ne passer qu’un à un. Après avoir manqué leur coup, les meurtriers se réfugièrent sur le Parnasse. L'embus- cade a donc eu lieu tout près de la ville, à proximité des roches Phædriades, qui offraient un refuge aux assassins. Crissa était une des plus anciennes villes de la Grèce *; elle est nommée dans le catalogue, au second livre de lIliade, avec l'épithète de divine (Cabén) et placée après Pytho; mais elle était bien antérieure, car l’auteur de l’'Hymne à Apollon l'indique comme déja puissante à l'époque où le dieu cherchait un empla- cement pour fonder son sanctuaire. Quelques traits par lesquels il la décrit permettraient à eux seuls d’en fixer l'emplacement. La nymphe Delphousa, pour éloigner de ses eaux le dieu dont elle redoute la gloire lui conseille d’aller à Crissa. Îxco d ès Kpiomv, üTd Ilapvnodv nPôevTa, Kymudr mpôs LéQupor rerpauuévor, aÿrap Dnepber Iléron émimpéuara, xoiAn à dmodédpous Piooa, Tpnyxeta *. et plus loin le poëte l'appelle etde{shor, dumeAdeocar 5. Aucun de ces traits ne peut s'appliquer à Cirrha, qui est située sur le bord de la mer, à l'extrémité de la plaine sacrée, et qui est tournée vers le sud et non vers l’ouest. Au contraire, ils s'accordent avec la position et la physionomie du village moderne de Chrysso. Il n’est exposé au vent que du côté de l’ouest, il est au pied mêèm !_ Reisen und Forschungen in Griechenland , p. 5, 25. ? Tite-Live, XLIT, xv; Appien, IX, 11. 3 Homère, lliade, II, v. 520. Id. Hymne à Apollon, v. 282. 5 Voir Nonnos, Dionysiaques, v, 438. — 120 — du Parnasse, et au-dessous du plateau on voit la vallée étroite et encaissée du Pleistos. Le village s'élève au milieu de massifs de verdure entretenus par quatre sources abondantes. C'était donc à Chrysso, ou du moins dans les environs, qu’il fallait chercher l'antique cité de Crissa; c’est en face du village, à dix minutes environ, qu'Ulrichs en a retrouvé les ruines. Au-dessous de l'église isolée des Quarante-Saints (À éco capdyta) est une enceinte que les gens du pays appellent Zre@dr:. C'est une muraille pélasgique de la première époque, analogue à celle de Tirynthe, mais faite avec des matériaux plus petits. Elle est composée de blocs non _taillés, entassés les uns sur les autres; les interstices sont bouchés par de petites pierres. Ce genre de construction est antérieur aux murailles pélasgiques de Delphes, formées de blocs irréguliers, mais taillés avec soin et assemblés avec précision. Nouvelle preuve de l'exactitude des détails donnés par Homère et de lantériorité de Crissa sur Delphes. La position de Crissa est une de celles que les populations primitives de la Grèce choisissaient de préférence. Comme Mycènes, comme Athènes, elle est construite sur une acropole qui domine la plaine et qui est éloignée de deux lieues de la mer; elle en avait ainsi les avantages, sans les dangers. — Parmi ces ruines, se trouve la fameuse inscription boustrophédon qui a excité de longues discussions entre les savants; elle est gravée sur un petit autel avec deux trous (és ydpou) destinés à recevoir le sang des victimes. Les caractères sont d'assez grande dimension, mais très-abimés et très-difficiies à lire. De là de grandes variétés d’inter- prétation. Bœckh y a vu le piédestal d’une statue d’Apollon, Ülrichs un autel consacré à Junon et à Minerve. Qu'il me soit permis de me récuser, et de ne pas me prononcer sur une question aussi controversée. -Grammatici certant et adhuce sub judice lis est. Ce qui explique, comment Strabon a pu se tromper sur la position de Crissa, qu'il place sur le bord de la mer, après Cirrha, comment Pausanias n’en a pas parlé, c’est que l'antique cité a disparu de très-bonne heure; les seules ruines qu’on y trouve appartiennent à l’époque pélasgique. Placée entre le sanctuaire de Delphes et le port de Cirrha!, tous deux construits plus tard, elle devait décli- 1 Éphore, cité par Strabon. lies ner et disparaître; la population s'établit partie à Delphes, partie à Cirrha; quelques habitants, conduits par le tyran Daulius al- lèrent, suivant Éphore, fonder la colonie de Métaponte. Au sortir de Chrysso, on entre dans la riche plaine de Salone, célèbre dès l'antiquité pour sa fertilité !. [booxesïrar rÿ Kéôba To Kpiocaïov æedio eüdauor. Cette riche plaine n’appartenait pas tout entière aux Delphiens; ils la partageaient avec les Locriens d’Amphissa. De là des discussions sans cesse renouvelées pour les limites et la nécessité de faire à chaque époque une délimitation exacte. Les hiéromnémons l'avaient fixée: puis Man. Acilius et les commissaires du sénat ?; enfin, sous l'empire, la démarcation fut tracée de nouveau par le gouverneur de la province. Il est impos- sible de retrouver aujourd’hui les points par lesquels passait la ligne de partage, la forêt de chênes, la chapelle du héros Astra- bas; on peut conjecturer seulement que cette ligne partait du monastère situé dans la montagne et aboutissait à Cirrha, divisant ainsi la plaine en deux parties égales. Les ruines que l'on s'accorde à reconnaitre pour celles de Cirrha sont à vingt minutes à l’est de l'Échelle de Salone, où aborde le bateau à vapeur et où s'élèvent quelques maisons. Cet endroit . s'appelle Magoula. On y voit encore les restes d’une antique en- ceinte et quelques autres débris peu intéressants. [ls suffisent néanmoins pour attester l'existence d’une ville antique, et cette position concorde avec les témoignages des auteurs anciens au su- jet de Cirrha. D’après Pausanias , Cirrha s'élevait à l'embouchure du Pleistos; Strabon * dit de plus qu'elle était située au pied du Cirphis, sur le bord de la mer. La position même de Cirrha et la nécessité d y aborder pour se rendre de là à Delphes avaient promptement enrichi ses habi- tants; ils vexèrent les étrangers et les soumirent à un tribut *. Les Amphictyonsintervinrent, et, sur les instances de Solon!, la guerre fut déclarée aux Cirrhéens par les peuples de l’amphictyonie. Elle dura dix ans et se termina par un stratagème assez puéril L_Strabon, IX, rx. ? Corpus Inscriptionum, n° 1721. 3 Pausanias, X, vint, 5. 4 Strabon, IX, nr. 5 Pausamias, X, xxxvri. $ Plutarque, Solon. — 1922 — que rapporte Pausanias. On détourna le canal qui apportait l’eau à Cirrha et on l’empoisonna avec l’ellébore; les habitants, en proie à une violente diarrhée, furent obligés d'abandonner les remparts, qui tombèrent aux mains des assiégeants. La lutte avait été longue; les Amphictyons se vengèrent cruellement. La ville fut détruite, . le port comblé, les habitants vendus, leur territoire consacré, selon l'oracle, à Apollon, Diane, Latone et Athéné Pronœa!. Les Am- phyctions s'engageaient par serment et par des imprécations ter- ribles à ne pas laisser relever la ville et cultiver la plaine sacrée; au temps de Pausanias, il n’y avait pas un seul arbre. Quelques abris cependant étaient nécessaires pour les pèlerins qui se rendaient à Delphes : la dimension de ces habitations, la durée du séjour étaient fixées; il était défendu d’en exiger aucun loyer. Pour célé- brer la chute de la ville impie, les Amphictyons instituèrent les jeux Pythiens; l’ancienne lutte de musique qui suivait la fête célébrée, tous les neuf ans, en mémoire de la défaite du serpent Python, fut conservée, mais éclipsée par les courses de chevaux et de chars. L’hippodrome où ils avaient lieu était dans la plaine, d’après le témoignage positif de Pausanias?; mais rien n'indique s’il était sur le bord de la mer, ou au-dessous de Chrysso, sur les bords du Pleistos. Cette plaine sacrée était une tentation perpétuelle pour les voi- sins; la fertilité du sol leur faisait oublier les terribles impréca- tions prononcées contre ceux qui la mettraient en culture, et il faut croire que les Amphictyons fermaient les Yeux sur les em- piétements, puisque les Locriens d’Amphissa purent s’y établir, cultiver les terres, construire des fours à brique et surtout forti- fier le port de Cirrha. L’invective violente d’Eschine les força à voir l’usurpation sacrilége, et il fallut recommencer une guerre sacrée. La ville fut-elle détruite de nouveau? Ou bien l'assemblée des Amphictyons fut-elle distraite par les événements, bien autre- ment graves, qui livraient la Grèce à Philippe? Quoi qu'il en soit, la ville existait à l'époque macédonienne, et c’est là qu’on abordait pour se rendre à Delphes; au temps de Pausanias, elle servait de port aux Delphiens. On y voyait un temple consacré à Apollon, Diane et Latone, avec les statues colossales de cés divinités, œuvres ! Eschine, Contre Ctésiphon ; et Corpus Inscriptionum , n° 1688. 2? Pausanias, X, XXXVII. 3 Lebas, n° 853; Orelli, n° 3671. .— 123 — d'artistes athéniens, et une statue d'Adrasté, seul souvenir du crime et du châtiment des Cirrhéens. Une inscription latine nous apprend que le territoire de Delphes ! s’étendait encore à l’est, sur une partie du plateau du Cirphis; mais elle semble en même temps nous avertir qu’il se- rait inutile de vouloir retrouver exactement ces limites. Le pré- teur chargé par l’empereur de régler les prétentions entre les Delphiens et les habitants d’Anticyra fut obligé de faire une en- quête très-minutieuse (exploratio diligentior). Les noms avaient changé depuis les décrets des hiéromnémons et de Man. Acilius, qui avaient déjà fait la délimitation du territoire sacré; il fallut consulter les souvenirs des habitants, et la querelle fut terminée par une sentence qui ne donnait complétement satisfaction ni à l’une ni à l’autre des deux villes, mais qui leur était utile en fai- sant disparaître les contestations. Si, à une époque où l’on pouvait disposer de tous les documents nécessaires, il était déjà difficile de fixer cette limite, que pourrait faire un voyageur moderne avec cette seule inscription? et encore est-elle mutilée! Tout ce qu'on peut en tirer, c’est que, du côté de la mer, le territoire sacré allait jusqu’au cap Opus ou Opuenta (vraisemblablement la pointe du promontoire qui sépare les deux golfes de Cirrha et d’Anticyre), situé à une distance de neuf milles en partant de Cirrha; de là une ligne divisant le plateau et passant près d’un petit monticule; c'est probablement celui auquel est appuyé le village de Desphina. Le plus sage est de s’en tenir à ces indications un peu vagues, mais auxquelles aucun autre document, aucune ruine, ne per- mettent de donner plus de précision. ! Cette inscription, gravée sur un grand bloc en pierre d'H. Elias, et qui paraît provenir des murs de la cella du temple, est au fond de la maison située à l'angle de la place de Castri. — 124 —. SECONDE PARTIE. HISTOIRE. CHAPITRE PREMIER. ORIGINE ET CARACTÈRE DU CULTE D'APOLLON À DELPHES. Toutes les questions d’origine sont obscures, à plus forte raison celles qui ont rapport à la mythologie. De bonne heure, les légendes se sont multipliées et confondues; les unes, traditions défigurées , les autres forgées après coup pour flatter la vanité nationale, ou inventées par les savants pour expliquer leurs sys- tèmes physiques ou philosophiques. Les anciens les ont toutes acceptées, même les plus contradictoires; poëtes et historiens semblent d'accord pour laisser planer sur le berceau de leurs dieux une religieuse obscurité. Le témoin le plus précieux et le plus vrai pour ces temps reculés, parce qu’il en est le moins éloigné, est Homère. L'Hymne à Apollon, que Thucydide lui attribue formellement, n’est peut-être pas de lui, mais appartient du moins à la même époque que l'Iiade et l'Odyssée. Les légendes que chante le poëte m'ont paru un écho moins affaibli et plus pur des traditions primitives, et son témoignage s’est toujours trouvé d'accord avec les monuments encore debout. C’est donc sur son autorité que je m'appuierai pour ces temps primitifs, laissant de côté les fables rapportées par les écrivains postérieurs, surtout quand ce sont des compilateurs crédules comme Pausanias et Diodore. L'époque de la fondation du temple peut être fixée d’une ma- nière approximative d’après les vers d’Homère. Dans l’'Hymne !, Apollon arrive à Crissa, ville déjà riche et peuplée; c’est près de cette cité qu'il décide d'élever un temple où il révélera à tous les hommes la volonté divine. Le dieu lui-même en jette les fonde- 1 Hymne à Apollon, v. 446. en T ments: les fils d'Éginus!, chéris des immortels, construisent le seuil de pierre, et, sous leurs ordres, des tribus innombrables d'ouvriers élèvent le temple avec des pierres polies (éso1oio: Xdouoiv). Ces détails ne sont pas une pure invention du poëte; l'examen des ruines de Chrysso et de Castri en prouve l'exacti- tude et leur donne ainsi une valeur historique. Les remparts de l'antique Crissa appartiennent à l’époque primitive des construc- tions pélasgiques, tandis que les murs les plus anciens de Delphes, ceux qui soutiennent les terrasses du temple d’Apollon, de Minerve Pronæa, d'H. Georgios, sont en blocs irréguliers, mais taillés et assemblés avec soin. Combien a-t-il fallu d'années pour passer de cette construction presque informe à cet appareil déjà régulier? Est-ce une race nouvelle qui a apporté ce nouveau sys- tème? Il serait difficile de le déterminer. Mais ce qui ressort évidemment et des vers du poëte et de la vue des ruines, c’est que la fondation de Delphes a été postérieure à celle de Crissa, et que le culte d’Apollon n’a été introduit en Grèce qu’à une époque relativement récente. D'un autre côté, il ne faut pas descendre jusqu’à la guerre de Troie, car Homère parle déjà des habitants de la rocheuse Pytho, de son oracle, consulté par Agamemnon, des richesses de son temple. Ce sanctuaire est donc antérieur à l'invasion dorienne. Entre ces deux termes se place l'établissement en Grèce des pre- mières tribus helléniques, et c’est à cette époque qu'on doit, ce me semble, rapporter l'introduction du culte d’Apollon. L'origine et le caractère de ce dieu ont été le sujet de vives controverses. Ot. Müller a soutenu qu'Apollon était une divinité exclusivement hellénique et dorienne, distincte du soleil ?. Dans une certaine mesure, ces assertions sont justes, mais le célèbre historien les a faussées en les exagérant. Si l’on veut remonter jusqu'à l’origine première d’Apollon, c'est en Orient qu'il faut la chercher, comme l’a très-bien dé- montré M. Maury $. Dans les passages des Védas qu'il cite à l'appui de son opinion, l’analogie d’Apollon, vainqueur du serpent Python, avec le dieu Indra, qui perce de ses traits le ténébreux Ali, se montre d’une manière trop claire pour qu'on puisse la contester. ! Hymne à Apollon, v. 299. ? Die Dorier. 3 Maury, Religions de l'Antiquité, 1. 1, p. 126. — 126 — Les mythes indiens sont donc la source première des croyances grecques sur Apollon, comme la race indo-européenne est la race mère d'où sont sortis les Hellènes. Mais, dans le long trajet du Caucase indien à la Thrace, la langue, les mœurs, les croyances ont subi de grandes altérations; et, arrivés au pied de l’Olympe, les Hellènes avaient perdu tout souvenir de leur première patrie. Par conséquent, si l’origine indienne d’Apollon est un fait démon- tré, il n’est pas moins juste de dire que c’est un dieu hellénique, en ce sens que les tribus helléniques qui descendirent des mon- tagnes de l’Olympe en Grèce l’apportèrent avec elles, qu’elles ne trouvèrent pas son culte établi chez les Pélasges et ne l’emprun- tèrent pas aux religions de l'Égypte et de la Phénicie. Au reste, l’objet de ce mémoire n’est pas une recherche mytho- logique sur Apollon, mais une étude sur l’influence qu’a eue en Grèce le sanctuaire de Delphes. Il est donc moins important de discuter l’origine première et la signification réelle de son culte que de rechercher quelles ont été les croyances des Grecs eux- mêmes, car ce sont ces croyances qui ont influé sur la religion et la civilisation helléniques. La recherche des origines antérieures n’est utile qu'autant qu’elle porte une nouvelle lumière dans cette histoire. C’est donc encore à l'hymne homérique qu'il faut revenir. La légende qui place à Délos la naissance d'Apollon a été chantée par tous les poëtes, acceptée même par les républiques, qui en- voyaient dans cette île de brillantes théories. Faut-il croire qu'ils la regardaient comme l'endroit où son culte avait pris naissance? Mais alors comment concilier cette opinion avec la tradition qui le faisait venir de la Thrace et du pays des Hyperboréens? Je crois que les Grecs, en un sujet si fabuleux, s’inquiétaient peu d’ac- corder les diverses traditions et faisaient volontiers comme Homère, qui, dans son Hymne, les chantait toutes deux, sans se mettre en peine de les concilier. Chaque sanctuaire où le culte du dieu avait brillé d’un vif éclat lui devenait une nouvelle patrie, comme Délos, comme la Lycie. Malgré cela, on distingue clairement que le culte d’Apollon est parti, comme les Hellènes eux-mêmes, des vallées de l’Olympe.. Sur le sommet de cette haute montagne, dont les poëtes faisaient le palais des dieux, s'élevait un temple d'Apollon Pythien, dont parlent les auteurs anciens et dont M. Heuzey a retrouvé les traces !., Dans la vallée du Pénée, le dieu ! Heuzey, Olympe, p. 60. — était l’objet d’un culte particulier, comme le prouve l'inscription si souvent citée, Araœwrs Teumeira!; c'était de la vallée de Tempé que le laurier avait été transplanté à Delphes, c’est là encore que tous les neuf ans la théorie allait chercher un rameau de l'arbre chéri du dieu. Ces témoignages donnent une nouvelle force aux vers du poëte? : « C'est d’abord dans la Piérie que tu descends des sommets de l’Olympe; tu traverses Lectos, l’'Ema- thie, le pays des Énianes et des Perrhèbes; bientôt tu parviens à lolcos, tu gravis le Cénéon, promontoire de l’'Eubée, célèbre par ses vaisseaux ; tu t’arrêtes dans la plaine des Lélantes, mais il ne plait pas à ton cœur d'y établir un temple et des bois touffus. De là, traversant l’Euripe, Ô dieu, toi qui lances au loin les traits, tu gagnes le sommet d’une riche montagne couverte de verdure; promptement tu descends vers Mycalesse et la verte Teumesse, et tu parviens sur le territoire de Thèbes couvert de forêts. De là, tu pousses encore plus loin et tu parviens à Oncheste, consacrée à Neptune; tu atteins ensuite les rives aimables du Céphise aux belles eaux, qui verse de Lilæa ses ondes agréables. Tu le tra- verses, divin archer, ainsi qu'Ochalée, riche en froment, tu arrives à la verdoyante Haliarte et tu vas vers Telphoussa... Tu passes à travers la contrée des impies Phlégyens, qui, sans souci de Jupiter, habitent une aimable vallée, près du lac que forme le Céphise. De là, tu diriges ta course vers le sommet de la mon- tagne et tu atteins Crissa, au pied du Parnasse couvert de nuages. » Cette marche du dieu n’est-elle pas l'expression vive et poétique des progrès de son culte? C’est dans toutes ces contrées qu'on retrouve les sanctuaires les plus anciens. I paraît donc certain que le culte d’Apollon fut apporté à Delphes par les tribus hellé- niques qui descendirent des vallées de Olympe et traversèrent la Thessalie, l'Eubée, la Béotie et la Phocide. Mais ce fut un peuple plus avancé dans la civilisation et dans la science des choses divines qui fournit au sanctuaire de Del- phes ses prêtres et ses devins. Au-dessus du peuple qui avait construit le temple, s'établit une colonie crétoise qui forma une aristocratie sacerdotale. I n’est pas nécessaire de revenir longue- ment sur ce point, qu'Ot. Müller a traité avec le plus grand ! Corpus Inscriptionum, n° 1763. ? Hymne à Apollon, v. 215-225, 230-245, 2753. nn détail et établi d’une manière évidente !. Des colonies helléniques avaient de bonne heure établi dans la Crète le culte d’Apollon. Ce culte y prit un nouvel éclat, et les Crétois le portèrent à leur tour à Délos, en Lycie, dans l’Archipel, dans la Péloponèse, sur les côtes de l’Asie Mineure et de la Thrace. La tête du dieu, que l’on retrouve sur les monnaies avec la lyre et le trépied, l'association de Diane et de Latone, les oracles et les cérémonies du culte, prouvent lidentité de cette religion dans toutes ces contrées; les surnoms seuls du dieu ont varié et se sont multipliés à l'infini. Il n’est donc pas étonnant de retrouver des prêtres crétois à la tête du sanctuaire de Delphes. C’est le dieu lui-même changé en dau- phin (pour expliquer le surnom de Delphinios qu'il portait à Cnosse) qui pousse leur vaisseau aux rives de Crissa et leur confie son temple déjà fondé. « Alors Phébus Apollon se demanda dans son cœur quels prêtres il conduirait pour le servir dans la mon- tueuse Pytho. Roulant ces pensées dans son esprit, il aperçut sur la sombre mer un rapide navire monté par des hommes nom- breux. et braves, Crétois de la ville de Cnosse, fondée par Minos. Ce sont eux qui offrent les sacrifices et qui annoncent les volontés de Phébus Apollon à l'arc d’or, les paroles qu’entouré de lau- riers le dieu prononce au pied des montagnes du Parnasse. » Le nouveau culte, qui ne s'établit pas sans résistance, fut forcé de lutter contre des divinités plus anciennes et leurs adorateurs. L'omphalos, la pierre de Kronos, étaient sans doute des fétiches de cette religion primitive, des symboles de la Terre, qu’Apollon trouva en possession de l’oracle. Sous la personnification d'Héra, que les Grecs confondirent plus tard avec Junon, elle poursuivit sans relâche la mère d’Apollon et de Diane, lui suscitant partout des ennemis, partout lui faisant refuser un asile. Comment ne pas voir également le souvenir d’une lutte très-vive dans la mort de l'impie Titye, qui avait outragé Latone, dans le combat contre le serpent Python, dans le châtiment des Phlégvens, qui vivent sans souci de Jupiter, et qui tentèrent de brûler le temple d’Apollon? ll y eut donc entre les deux races et les deux religions une lutte acharnée, dans laquelle les Hellènes finirent par triompher. Mais à Delphes, comme dans le reste de la Grèce, les dieux vaincus ne furent pas chassés, ils se transformèrent, et, à d’autres titres, L Die Dorter, t. FI, ch. 11. — 129 — partagèrent avec leurs vainqueurs les honneurs divins. La Terre cède son oracle de bonne grâce, et son temple s'élève à Delphes à côté de celui d’Apollon; les anciens fétiches se rattachent aux légendes de la religion nouvelle; ils deviennent ou la pierre que Saturne a dévorée croyant dévorer Jupiter, ou le centre de la terre, entouré de bandelettes et arrosé de libations. Quant aux populations vaincues, elles disparaissent dans la légende ou plutôt se personnifient dans d’impies tyrans, qui tombent sous les coups d’Apollon. Ainsi se transforme et s’efface le souvenir de la lutte entre les deux religions, au point que le nouveau culte semble presque s'être établi sans combat. En fut-il de même dans l’Attique? Ou plutôt la nouvelle reli- gion vint-elle sans violence s'ajouter aux autres, comme les diffé- rentes races vinrent s’y mêler, sans qu'il y eût de conquête ni d’asservissement? On est réduit à des conjectures. Une seule chose paraît certaine, c’est que le culte d’Apollon s'établit chez les loniens de l’Aitique dès la plus haute antiquité. Les traditions qui se rapportent aux époques les plus anciennes de leur histoire se sont groupées autour de Thésée, et ce héros s'était mis sous la protection spéciale d’Apollon !: C’est au dieu de Delphes qu'il va demander conseil dans les moments difficiles, c’est à lui qu'il offre des sacrifices au moment du péril, c'est à son autel qu'il amène les monstres qu'il a vaincus. Peut-être même est-ce lui qui rapporta son culte de la Crète et l'établit à Athènes. La légende qui faisait de ce dieu le père d'Ion, et par conséquent l'ancêtre des Athéniens, était acceptée par tout le monde et chantée par les poëtes; on l’honorait du titre de zarpäos, qui n'était pas accordé à Jupiter lui-même; les jeunes gens lui consacraient leur chevelure coupée pour la première fois, les jeunes filles allaient danser autour de son autel en souvenir des victimes qu'il avait sauvées du Minotaure ; six mois de l’année athénienne lui étaient consacrés ; enfin deux familles privilégiées étaient chargées héré- ditairement de veiller sur les théories de Delphes et de Délos. Plus tard même les Athéniens voulurent que le dieu fût parti de leur pays pour se rendre à Delphes, prétention évidemment fausse, mais qui prouve combien le culte d’Apollon s'était établi de bonne heure en Attique et y avait brillé d'un vif éclat. Aussi un grand - + Plutarque, Thésée, w1, XUV, XWIT, XXI, XXII, XXXVI. MISS, SCIENT. — 11. 9 — 130 — nombre de temples s’élevaient en son honneur. Sans parler de la chapelle placée dans le flanc de PAcropole, qui consacrait l’antre témoin de ses amours avec Créuse, il avait deux temples à Athènes même, le Pythium et le Delphinium; bien d’autres encore dans les dèmes. Les deux grandes théories de Delphes et de Délos, qui continuèrent jusque sous l'empire, prouvent assez la piété des Athéniens pour Apollon. Dès le temps de l’hymne homérique, son culte s’étendait au loin. « Sorti de cette ile (Délos), tu commandes à tous les mor- tels, à tous ceux que renferment la Crète et la ville d'Athènes, et l’île d'Égine, et l'Eubée, célèbre par ses vaisseaux; Æges, Pirésia, et la maritime Péparèthe; l’Athos de la Thrace, et les sommets-du Pélion; Samothrace, et les montagnes ombreuses de l'Ida; Scyros et Phocée, et le pic élevé d’Autocane; la riche Lemnos, et Imbros qui manque de ports; la divine Lesbos, patrie de l'Éolien Macar, et Chios, la plus fertile des îles que baigne la mer; les rochers de Mimas et les sommets de Corycon, la brillante Claros et les monts élevés d'Æsagea ; Samos, aux beaux ruisseaux; les hauts sommets de Mycale; Milet; Cos, ville des hommes mortels; la haute Gnide, et Carpathos, battue par les vents; Naxos, Paros et la pierreuse Rhénéa...…. Ô roi qui possèdes la Lycie, l'aimable Méonie. Il attend les hécatombes de tous ceux qui possèdent la riche pres- qu’ile de Pélops, de tous ceux qui habitent l’Europe et les îles baignées par les flots !. » En rapprochant ces passages des vers cités plus haut, on voit qu’à cette époque reculée le culte d’Apollon était déjà établi dans tout le bassin de la mer Éote. Cette énumération poétique suffit à elle seule pour réfuter l'assertion trop exclusive d’'Ot. Müller, qui prétend qu’Apollon fut un dieu dorien par excellence. Ne trouvons-nous pas Apollon également honoré chez les Achéens du Péloponèse, les Éoliens de la Béotie et les Ioniens de l’Attique? Son culte, parti des vallées de lOlympe et de l'Ossa, ne s'est-il pas répandu en Grèce, dans l’Archipel, sur les côtes d'Asie Mineure et de Thrace, à une RE où les Doriens n'avaient aucune puissance, où leur nom même n'existait pas, puisqu'on ne le trouve ni dans l'hymne homérique, ni dans l’iliade, ni dans l'Odyssée. ! Hymne à Apollon, v. 30-45. — 131 — Plus tard, il est vrai, ce fut la conquête des Doriens qui donna à son culte, dans le Péloponèse, un éclat qu'il n'avait pas eu d’abord ; il occupa le premier rang dans leurs cités; grace à eux, il fut adoré au loin, sur les côtes de la Sicile et de la Grande- Grèce; les Spartiates se firent les protecteurs du temple de Del- phes et voulurent le rendre indépendant des Phocidiens. La gloire et les services de ces derniers venus purent faire oublier les mé- rites et la piété des premiers adorateurs d’Apollon. Les dieux du paganisme, faits à l’image de l’homme, Ctaient ingrats comme lui, et, comme lui, savaient calculer leurs intérêts. Mais il n’en reste pas moins établi qu'à-l'origine Apollon était, non pas un dieu dorien, mais le dieu de toutes les tribus helléniques et de leurs colonies. Il me paraît également difficile d'accepter l'opinion d’Ot. Mül- ler sur le caractère d’Apollon 1. D'après lui, c'est une erreur d’en faire une divinité solaire; ce qui le prouve, c'est l'existence d’un dieu soleil, Haos, distinct d’Apollon et invoqué séparément chez les anciens Grecs; ce sont les philosophes naturalistes, et Euripide à leur suite, qui ont tenté de les identifier. La mythologie paienne n’était pas assez rigoureusement fixée pour que cet argument soit décisif; à côté d'Hélios nous trouvons encore Phaéthon, Hypérion ; faudrait-il en conclure qu'Hélios n’était pas une divinité solaire? La meilleure réfutation de la thèse d'Ot. Müller a été tirée des religions de la haute Asie. M. Maury montre que dans les Védas, à côté de la personnification du soleil, Sourya, existe un autre dieu solaire, Roudra, qui présente avec Apollon une ressemblance incontestable. J’emprunte à son savant ouvrage sur les religions de l'antiquité la traduction de quelques passages qui me paraissent décisifs 2. «Ô Roudra, archer robuste et armé de flèches légères dieu sage, fort, invincible, accompagné de l'abondance et lançant des traits aigus.» Le mythe d’Indra, dieu du ciel serein et de lazur, rappelle le combat d’Apollon contre le serpent Python. « Ô Indra, tu as donné la mort au violent Ahi, qui enchaîne les eaux. Ô Indra, tu as frappé Ahi, gardien endormi des ondes, et tu les as précipitées vers la mer; tu as brisé l'enveloppe compacte du nuage; tu as ouvert la porte à ces ondes, qui se sont élancées de Die Dorier, 1. T, p. 227 et suiv. . AT, P: 127, 194. 1 2 — 132 — divers côtés; tu as chassé de l'air le grand Ahi!.» Et, dans un autre passage, la comparaison des nuages et des serpents montre l'origine de la légende grecque. « Les serpents, qui ont pour roi Éra- vata, qui brillent dans les combats, marchent comme des nuages chassés par un vent plein d’éclairs. » Dans ces passages des livres sacrés des Hindous, on distingue facilement le symbole exprimé par ce combat, le triomphe du so- leil sur les nuages, de la lumière sur les ténèbres. Telle est l’ori- gine lointaine de la fable du serpent Python. Faut-il dans la fable grecque chercher une explication naturaliste des moindres détails? C'est ce qu'a tenté un savant Allemand, M. Forschammer, qui a prétendu trouver des symboles dans le nom de Delphes, de Py- thon, dans les détails poétiques de la lutte; mais cette subtilité ingénieuse, en poussant à l'extrême une idée juste, arrive à la fausser. Dans la mythologie grecque, le sens naturaliste et sym- bolique des divinités s'était promptement effacé. En général, les dieux d’'Homère ne sont plus les forces de la nature, mais des êtres qui ont les passions de l’homme et une puissance beaucoup plus grande. Le serpent n’était plus l'emblème du nuage, mais un serpent réel suscité par Junon, et les détails de la lutte ap- partiennent à l'imagination du poëte. Le symbole n’a existé qu'à l'origine. Apollon a d’abord été une divinité solaire, le dieu de la lumière et du ciel pur; plus tard l'imagination l’a revêtu de formes hu- maines, mais c’est toujours de l’idée première de la lumière qu'on peut faire dériver tous ses attributs. Apollon, dans les poésies homériques, est un dieu à la longue chevelure, brillant de jeunesse et de beauté; il s'élance de l'Olympe sur la terre, aussi rapide que la pensée. Impétueuse est sa course, terrible est son courroux; de son arc d'argent partent les traits aigus qui portent la peste dans le camp des Grecs ou donnent la mort au serpent Python. Il chérit les bois touffus, tous les lieux élevés, les fleuves qui se précipitent vers la mer, les sommets es- carpés des hautes montagnes, les promontoires penchés vers les flots et les ports maritimes. Cependant le caractère guerrier domine bientôt tous les autres; l'arc et les flèches ne sont plus l'expression poétique des rayons æ ! Religions, etc. t. T, p, 133, note 2. — 153 — du soleil, mais les armes d’une divinité faite à l’image de l’homme, et qui s’en sert pour se venger de ses ennemis. Tel est le caractère le plus saillant d’Apollon dans l'Iliade. Malgré cela l’idée du dieu de la lumière et de son éclat se retrouve et se conserve encore dans quelques-uns de ses surnoms Doï6os, Avxeros, Auxoyevns. L'idée de pureté physique et morale s’y joint naturellement. Pour tous les peuples de l'Orient il y a toujours eu un rapport étroit entre les ténèbres et le mal, le bien et la lumière. Tous les dieux ont horreur de la souillure et exigent la pureté des mortels qui s’approchent de leurs autels; mais Apollon est par excellence le dieu des purifications. Le voisinage d’un cadavre est une souil- lure pour le père de la lumière; aussi, par trois fois, il ordonne aux Athéniens d'enlever les tombeaux de son sanctuaire de Dé- los; l’ile sainte ne doit être souillée ni par la mort, ni par la naïs- sance d’un mortel. La purification par l’eau ou par les sacrifices est nécessaire avant qu'on approche de son temple. Malheur au meur- trier qui ose paraître à ses fêtes encore couvert de sa souillure!! il est à la merci de quiconque veut lui enlever la vie. Mais la ven- geance n’est pas implacable. L'ancienne religion, que représentent les Furies, ne laissait aux coupables aucun espoir de salut. Au contraire, le dieu qui avait eu lui-même besoin de se purifier après la mort de Python apportait une religion plus douce; il prenait sous sa protection les fils qui avaient tué leur mère pour obéir à ses ordres et venger leur père; il recevait dans son temple Oreste, encore couvert du sang de Clytemnestre, et le défendait contre les Euménides; il indiquait à Alcméon l’asile où il trou- verait le repos. À Athènes, le Delphinium,était le tribunal où ve- naient se justifier les hommes coupables d’un meurtre involontaire, ou rendu légitime par la nécessité. Ot. Müller? a exagéré l'importance et méconnu le caractère des offrandes non sanglantes qu’on offrait à Apollon à certaines époques de l’année. Il est vrai qu’à Delphes et à Athènes on apportait dans des corbeilles sacrées des gâteaux et de l’encens; à Patare, des gâteaux en forme d’arc et de lyre; à Délos, sur l'autel des Pieux, des grains d'orge et de froment. Mais n’était-ce pas plutôt comme divinité solaire donnant la vie à toutes choses, qu'il recevait ces l Dém. Count. Arislogit. XXX VIT. ? Ot. Müller, Die Dorier, p. 327. — 134 — offrandes des biens de la terre? C’est le sens qu’indique le surnom de l'evyrwp, qu'il avait sur cet autel de Délos. Cette explication.est d'accord avec l'usage de lui consacrer les prémices de toutes choses, même le dixième d’une génération tout entière; car nous trouvons chez les Crétois et chez les Magnètes cette espèce de printemps sacré, et l'envoi à Delphes des hommes nés pendant le temps consacré. Ces offrandes non sanglantes sont d’ailleurs une excep- tion; dans l’Iliade nous voyons souvent Grecs et Troyens immoler à Apollon des hécatombes de bœufs, de chèvres et de brebis: même aux temps historiques l’oracle de Delphes exigeait encore deux fois des sacrifices humains. Ainsi le sang était une offrande agréable à Apollon comme aux autres divinités. Apollon était aussi le dieu de la divination et de la poésie. Les anciens attribuaient à l’une et à l’autre une même origine : c'est un délire envoyé par les dieux et bien supérieur à la raison humaine. Tantôt il éclaire les hommes sur l'avenir, les rend prophètes et leur fait trouver un remède aux fléaux dans des pratiques religieuses ou dans des vœux expiatoires !; tantôt il s'empare d’une âme simple et vierge et l’excite à chanter des hymnes ou d’autres poëmes, et à embellir des charmes de la poésie les hauts faits des anciens héros. Comment ne pas attribuer au dieu qui répand sur les corps la lumière matérielle cette lumière spirituelle qui découvre aux yeux de l’âme le monde de l'avenir et de la poésie? Aussi, dès de temps d'Homère, Apollon était le dieu prophète, et il se réservait ce privilége à l'exclusion de tout autre. « Fils de Jupiter ?, dit-1l à Mercure, pour l’art de la prophétie que tu me demandes, il ne m'est permis de le partager ni avec toi, ni avec aucun autre des immortels, car telle est la volonté de Jupiter. Moi-même ;à qui il le confie, j'ai promis, j'ai juré par un serment inviolable que nul autre que moi, parmi les dieux éternels, ne connaïtrait les sages conseils de Jupiter. Ne me presse donc pas, à mon frère à la ba- guette d’or, de te révéler les desseins que médite le puissant Jupiter.» Aussi l’oracle de Delphes, que le dieu lui-même avait choisi pour son sanctuaire, est en honneur dès la plus haute anti- quité. Selon la légende, Hercule, Laius, Égée étaient allés le con- sulter; Agamemnon l'avait interrogé avant de partir pour Troieÿ. l Platon, Phèdre. ? Hymne à Hermès, v. 533. SGOLAN LIT, x. 77. — 135 — Les oracles se multiplièrent bientôt en Béotie, en Phocide, en Asie Mineure; les plus anciens, ceux de Tégyre, d’Abæ, de Claros, de Didyme, de Patræ, avaient été fondés par le dieu lui-même ou ses enfants. Mais nul ne pouvait, contre sa volonté, chercher à pénétrer les secrets des dieux. La musique ne lui était pas moins chère que la divination. Au milieu des dieux, il chante en frappant de son plectre d’or la ci- thare, qui rend des sons agréables, et les immortels sont charmés de ses chants.et des sons de la lyre; le chœur des Muses célèbre le bonheur et la puissance des dieux comparés à la misère des hommes: aux sons de sa cithare et sous sa conduite, les Grâces, les Heures, Hébé et Vénus, forment des chœurs gracieux qui ré- jouissent le roi de l’Olympe. Ainsi, même à l’époque héroïque, où les divinités paraissent surtout avec le caractère guerrier, la divination et la musique ne lui sont pas moins chères que son arc d'argent. « J'aimerai, s’écrie le fils de la glorieuse Latone, j'aimerai l'agréable cithare et l'arc recourbé, et J'annoncerai aux mortels les véritables desseins de Jupiter !. » Aussi, dès l’origine, on l’honore par des jeux gymniques et musicaux. Telle est, dans le poëte, la fête de Délos. « C’est là que, vêtus de longues tuniques, se rassemblent les Ioniens avec leurs enfants et leurs chastes épouses. Pour te plaire, ils établissent en ton honneur des combats de pugilat, de danse et de chant. Celui qui viendrait au milieu de la foule pressée des Toniens les croirait immortels et à l'abri de la vieillesse; car il verrait leur grace et se réjouirait dans son cœur en regardant les hommes et les femmes aux belles ceintures et leurs rapides navires et leurs immenses richesses. Et quel spectacle admirable, dont la renommée ne pé- rira jamais, que les vierges de Délos, servantes du dieu qui lance au loin les traits; elles célèbrent d'abord Apollon, puis Latone et Diane, qui aime les flèches; elles chantent l'hymne des héros et des femmes de l’ancien temps, et elles charment la foule des hommes?. » Autour d’Apollon se groupe un certain nombre de divinités qui forment le panthéon particulier de Delphes. Latone, Diane et Minerve sont les trois divinités associées à Apollon et qui parta- . ! Hymne à Apollon, v. 184 , 205 et passim. 2 Jbid, v. 143 et sq. — 136 — gent avec lui la protection de la cité sainte !, L’Artémis hellénique, ‘ comme l’a très-bien prouvé Ot. Müller, est distincte de plusieurs autres divinités qui ont porté le même nom et qui plus tard se sont confondues avec elle, mais qui en sont entièrement diffé- rentes par l'origine et par le culte ?. La déesse de Delphes n’est pas l’'Artémis pélasgique adorée dans l’Arcadie, ni l'Artémis Taurique originaire-de la Scythie et dont le culte sanglant avait pénétré sur quelques points de la Grèce, notamment à Brauron, ni la Diane d'Éphèse, symbole de la fécondité, à la poitrine chargée de ma- melles, et qui appartient aux religions de l’Asie Mineure. La Diane hellénique est la compagne de son frère Apollon dans les com- bats autour de Troie et dans le sanctuaire de Delphes. Jeune et belle comme lui, elle s’avance au milieu de ses nymphes qu’elle dépasse de la tête. L’arc et les flèches sont aussi ses armes favo- rites; elle s’en sert contre les bêtes sauvages ou les impies qui bravent sa colère. Déesse de la chasse par excellence, elle n'aime pas moins que son frère les chants et la danse. « Après avoir ré- jJoui son âme à poursuivre les bêtes sauvages, la déesse détend son arc flexible et se rend dans la vaste demeure de son frère chéri, Phœbus Apollon, vers le peuple opulent des Delphiens, pour présider aux chœurs agréables des Muses et des Grâces. » Elle semble même avoir disputé à son frère le don de la divination, si l'on croit ce passage des prédictions de la Sibylle rapporté par Clément d'Alexandrie : «O Delphiens, serviteurs de Phœbus qui lance au loin les traits, je suis venue révéler les volontés du puissant Jupiter, pleine de courroux contre mon frère Apol- lon #. » D’autres traditions font de la Sibylle une simple femme inspirée par le dieu; elle-même, dans d’autres passages, se donne comme née d'une mère mortelle; on ne peut donc pas l'identifier avec Artémis. Mais l'analogie des deux enfants de Latone n'est pas moins évidente. Homère célèbre une déesse de la Lune distincte de Diane, comme un Hélios distinct d’Apollon. Cependant on est obligé d'y reconnaître une divinité lunaire; les traits de la déesse sont les rayons de la lune, et la mort subite qu’elle envoie * Eschine, Advers. Ctesiph, uxx. Corpus inscriptionum, n° 1688. ? Die Dorier, t. If, ch. 1x. # Homère, Hliade, XX, v. 39; XVE, v. 183. * Alexandre, Oracula Sibyllina, Ex. Il et app. — 137 — aux femmes, influence que les anciens attribuaient à cet astre. En tous cas, Diane et Apollon, tous deux enfants de Latone, sont associés avec leur mère dans tous les sanctuaires fondés par les Hellènes; à Delphes, en particulier, les deux déesses étaient re- présentées aux côtés d’Apollon dans le fronton oriental, et le temple de Diane remontait à la plus haute antiquité. Nous avons vu plus haut, à propos des ruines du temple d’A- théné Pronæa, comment cette déesse était associée à Apollon dans le sanctuaire de Delphes; divinité nouvelle, née comme lui de Jupiter, elle avait partagé sa fortune, comme à Thèbes, à Sparte et à Tégée. | Outre ces quatre divinités, protectrices officielles de Delphes, d’autres avaient encore trouvé place dans le temple et l'enceinte sacrée. Les Muses, dont la chapelle était au-dessous de l’adyton, et dont les statues ornaïent le fronton, étaient les compagnes na- turelles du dieu de la divination et de la poésie. D'abord simples nymphes des fontaines, elles passaient pour inspirer le délire, comme le témoignent les inscriptions trouvées dans l’antre des Nymphes au sud de l’'Hymette, et l'expression de »ux@6Anmros. Leur culte, originaire de l’'Olympe, s'était répandu dans les val- lées de l’'Hélicon et du Parnasse, et, dès le temps d'Homère, s'était lié à celui d'Apollon. On se rend plus difficilement compte des honneurs attribués à Bacchus, qui était représenté avec les Ménades sur le fronton oc- cidental; trois mois de l’année lui étaient consacrés. Au temps de Plutarque, son culte était devenu légal de celui d’Apollon et il pouvait, aussi bien que lui, être regardé comme le maître de Delphes. Plus tard également les philosophes imaginèrent les symboles qui donnèrent à son culte un sens mystique et profond. Dans l’origine, autant qu'on peut en juger par les traditions qui s'y rattachent, il fut accueilli par Apollon, qui semble le protéger, et ses membres déchirés, réunis par le dieu, furent enterrés auprès du trépied. L’autel de Neptune, placé dans le temple même, était un sou- venir de l'échange de Delphes contre Calaurie; mais son culte n’y a pas eu d'éclat. Il en est de même pour Jupiter, dont Apol- lon n'était que l'interprète; sa statue s'élevait dans le temple, et il semble que le roi des dieux devait occuper une place im- portante; mais il est éclipsé par Apollon. Ajoutons-y Thémis et — 1358 — la Terre, divinités pélasgiques vaincues par la nouvelle religion, mais qui y avaient trouvé place. Tel est dans son ensemble le panthéon de Delphes, tel que l’invoque la Pythie au début des Euménides. En résumé, Apollon, primitivement symbole de la lumière, est devenu chez les Hellènes un dieu guerrier, poëte et devin. Son culte, descendu avec eux de l'Olympe, a triomphé des Pélasges et de leurs divinités. À leur religion naturaliste et grossière, suc- cède une religion où les dieux, faits à l’image de l’homme, re- présentent moins les forces physiques que les forces morales, Autour d’Apollon se groupent diverses divinités, mais c'est à lui qu'appartient le premier rang. Peu à peu il absorbe les attributs des autres dieux; il devient la grande divinité de la Grèce, le dieu de Delphes, et son sanctuaire, le centre religieux et poli- tique du monde hellénique. CHAPITRE Il. ORACLES. — LEUR INFLUENCE. Apollon fut surtout un dieu prophète, et c'est à ce titre quil a exercé une grande influence sur la Grèce, sur les faits aussi bien que sur les croyances. Sans parler de Bacis, de la Sibylle et et des autres devins qu'il inspirait, 1l révélait l'avenir dans les nombreux oracles de la Béotie et de la Phocide; mais ce furent des oracles secondaires, dont léclat fut éclipsé par celui de Delphes. Gràce à l'autorité de ses réponses, Apollon devint le dieu commun de la Grèce; il finit presque par perdre son carac- tère personnel; on l'appela le dieu de Delphes. Plusieurs recuerls de ses oracles avaient été faits dans l'antiquité; le nom de quel- ques-uns des auteurs de ces recueils nous sont connus, comme Mnaséas de Patras et Chrysippus, dont Cicéron vante le livre. Ces ouvrages et d’autres du même genre ont péri; mais de nom- breux débris s’en retrouvent dans presque tous les auteurs grecs, et ils suffisent pour confirmer l'opinion générale de l'antiquité, et montrer que les réponses d’Apollon avaient eu la plus grande influence non-seulement sur la religion et la morale, mais en- core sur l’histoire de la Grèce. — 139 — Le plus célèbre de ces oracles était la réponse du dieu à Crésus: Otda à y Väapuou T épiôudr nai pérpa SaÂdoows, Kai xwGoÿ ouviqu nai où Gwveëvros duo. Ces paroles avaient frappé les Grecs par leur grandeur, et elles avaient été gravées sur une plaque de marbre que C riaque d’An- cône retrouva au milieu des ruines du théâtre. Influence morale de l’oracle. Apollon était-il le maître ou seulement l'interprète de l'avenir? Sans parler du surnom de Morpayérns que lui donnaient les Del- phiens, quelques réponses pourraient faire croire qu'il parlait en son propre nom. Lorsque les Spartiates lui demandent l’Arcadie !, ne semble-t-il pas être le maître d’accorder ou de refuser leur prière? Apuadiyv p° aireïs; uéya p° aires où Tor wow. PUR PTE RP Te Éyd dé tou oùrt ueyaipw, Mais le plus souvent il ne fait que révéler une destinée 1in- flexible qu'il ne peut changer, malgré son désir. Sa défense à lé- gard de Crésus en est un aveu formel. « Nul ne peut échapper à la destinée marquée, même un dieu. » Dans plusieurs autres ora- cles, revient cette idée de la fatalité qui pèse sur les mortels et à laquelle ils ne peuvent se soustraire ?. IL termine sa réponse aux instances des Messéniens par ce vers : ÉDS ômmy T0 gpéwv, dry à aout mpù wo». Cette force supérieure est tantôt impersonnelle, la destinée, tantôt elle s'appelle Jupiter, Thémis, les Parques. Les. Grecs croyaient que les dieux pouvaient, sinon changer les arrêts de cette force toute-puissante, au moins les adoucir et en retarder l'accomplissement. Comment s'expliquer autrement les instances des Athéniens, dont les supplications font violence au dieu et le sursis que lui-même avait fait accorder à Crésus 5? C'était une idée bien grossière et bien confuse de la Providence ; 1 Hérodote, I, Lxvr. 2 Pausanias, IV. 3 Hérodote, VIIE, cxur. — 140 — mais c'était déjà beaucoup de rappeler aux hommes qu'il y a une puissance supérieure à laquelle rien ne peut échapper et qui, tôt ou tard, punit les fautes. « Vous ne tromperez pas le dieu, dit la Pythie aux Messéniens!. C’est par la ruse que vous avez eu la Messénie, c’est par la ruse que vous la perdrez.» Gygès a régné heureusement après avoir assassiné son maître, mais le malheur de ses descendants sera la punition de son crime ?. Toute l'antiquité a célébré la belle réponse de la Pythie au Spartiate Glaucus, qui demandait s'il pouvait nier par serment le dépôt qu'on lui avait confié. « Fils d’Epicyde, Glaucus, tu y ga- gneras, pour le moment, de triompher par ce serment et de voler ces richesses. Jure donc, puisque l’homme fidèle à sa parole n'est pas plus qu’un autre exempt de la mort. Mais du serment naît un fils sans nom, qui n’a ni pieds, ni mains; infatigable, il te pour- suivra jusqu’à ce qu'il ait ruiné toute ta race et ta maison tout entière; au contraire, l’homme fidèle à sa parole laissera derrière lui une postérité florissante $. » En entendant cet arrêt, Glaucus demanda pardon au dieu de ses paroles; mais la Pythie lui ré- pondit que c’était la même chose de tenter le dieu ou de com- mettre le crime. La leçon avait frappé les Spartiates; un siècle plus tard, leur roi rappelait aux Athéniens le châtiment de Glaucus, comme un argument qui devait les décider à rendre les otages des Éginètes, et il terminait son discours par une conclusion tirée de cet exemple : « Tant il est bon de n’avoir pas même d'autre pensée, au sujet d’un. dépôt, que de le rendre à ceux qui le ré- clament. » L'oracle avait-il été jusqu’à attester l’immortalité de l'âme? Plutarque “ est le seul qui le dise; mais, à l'époque dont nous nous occupons, 1l n’en est jamais question dans les oracles, et la punition des fautes, si elle ne tombe pas sur le coupable pendant sa vie, n'est pas différée après sa mort, et elle frappe même ses descendants. | Dans bien d’autres cas, l’oracle de Delphes se montre comme le vengeur des crimes et surtout des sacriléges. Il prescrit aux Pélasges de Lemnos de donner satisfaction aux Athéniens pour ! Pausanias, IV. Hérodote, I, xr11, xGr. Id. VI, Lxxxvi. Plutarque, De ser. Num. vind. LC] = — Al — le massacre de leurs filles enlevées à Brauron !: il ordonne aux Spartiates d’expier le meurtre des envoyés perses en livrant deux de leurs citoyens à Xerxès ?. Avec quelle indignation sont ac- ‘cueillis les députés des Sybarites, qui avaient mis à mort un joueur de cithare dans le temple de Junon : « Éloignez-vous de mon trépied. » Le meurtrier d’Archiloque est également repoussé par l’oracle. Néoptolème , frappé près de l'autel, est enseveli dans l'enceinte sa- crée et sa mémoire apaisée par des sacrifices annuels. Les Del- phiens sont contraints d’expier la mort d'Ésope 5, et de chercher partout un de ses descendants qui veuille en recevoir satisfaction. Les Apolloniates reçoivent l'injonction de faire réparation au gar- dien des troupeaux sacrés, dont ils avaient puni trop cruellement la négligence“. L’oracle gourmande le roi de Cyrène, Arcésilas, et lui reproche sa tyrannie à l'égard de ses sujets. Üne religion plus douce remplace le culte barbare des Pélasges, et les sacrifices humains, deux fois prescrits par l’oracle, sont une exception contraire à ses tendances générales, probablement un reste de l’ancienne religion. Le dieu, qui, d’après la légende, avait dû se purifier d’un meurtre, substitue l’expiation à la vengeance implacable que poursuivaient les Furies; son temple sert d'asile à Alcméon, à Oreste, qui, par ses ordres, avaient donné la mort à une mère coupable. À ses yeux le fait matériel a moins d’impor- tance que l'intention”; l’oracle excuse un homme qui a tué son ami en essayant de le défendre contre les brigands, tandis qu'il flétrit comme des meurtriers les lâches compagnons qui l'ont aban- donné. Aussi était-ce dans le temple et sous la protection d’Apollon Delphinien qu’étaient jugés à Athènes ceux qui avaient tué par mégarde ou par nécessité. Malgré sa science divine et infinie, le dieu n'avait pas de mé- pris pour les efforts bornés de la science humaine. Il ne dédai- gnait pas d'associer à ses oracles les maximes de la philosophie et il acceptait les célèbres sentences gravées dans le pronaos, comme l'offrande la plus agréable. De son propre mouvement, il rendait Hérodote, VI, cxxxix. ? Id. VII, cxxxrv. Id. II, cxxxrv. “ Id. IX, xexrr. à 5 Élien, Histoires. — 142 — hommage aux grands hommes, et la Pythie saluait de ces paroles Lycurgue entrant dans le sanctuaire : « Tu viens, à Lycurgue, dans mon temple opulent, chéri de Jupiter et de tous les habi- tants de l’'Olympe. Je ne sais si je dois t'appeler un dieu ou un homme, mais je t’appellerai plutôt un dieu, ô Lycurgue !. » Les statues d'Homère et d'Hésiode avaient trouvé place dans le temple du dieu qui les avait inspirés; Pindare avait été récompensé de ses chants par des honneurs plus grands encore; son siége était placé près de l'autel et l’oracle avait prescrit aux Delphiens de lui donner une part des dîimes offertes au dieu. Apollon était le protecteur des sciences comme de la philosophie et de la poésie. L’oracle qui commandait aux Déliens de doubler l'autel du dieu, forçait les esprits à l'étude de la géométrie. Était-ce là l'intention de l’oracle? On ne peut l’affirmer; mais c’est ainsi que les Grecs l’avaient en- tendu?. Xénagoras, qui avait mesuré le mont Olympe, consacrait ses calculs dans le temple de Delphes et priait le dieu de le ré- compenser de ses travaux. L’Athénien Nausicrate y avait égale- ment déposé une table d’airain contenant une série de calculs ÿ. Hippocrate consacre la statue d’un homme à qui la maladie n’a laissé que les os. Mais le dieu était impétoyaiile pour l'orgueil où la vanité qui mendiait des éloges. Le Scythe Anacharsis, qui lui demandait s’il y'avait un Grec plus sage que lui, fut confondu par la réponse de la Pythie, qui lui indiqua un obscur montagnard de l'OEta. Une semblable humiliation punit la vanité des Mégariens, qui deman- daient quel rang leur cité avait dans la Grèce; le dieu, après avoir rappelé les titres de chacune des grandes villes, leur répond que Mégare n'occupe pas même la dixième place. | Dangers de l’oracle.. Aïnsi le dieu, dans ses réponses, nous apparaît comme l'ami des vrais sages, des poëtes et des savants, le protecteur des faibles, le vengeur des crimes; et, sous ce rapport, on peut dire que lin- fluence de l’oracle servit utilement la morale. Mais n’eut-elle pas aussi des conséquences dangereuses, qui tenaient moins, du reste, à l’oracle de Delphes en particulier qu’à la nature même des ! Hérodote, I, Lxv. ? Plutarque, Paul-Émile, xv. 3 Pline, VIE, zvrir, 13 Diodore de Sicile. — 145 — oracles? N’était-ce pas habituer les hommes à chercher la règle de leur conduite, non plus dans leur conscience, mais dans les ré- ponses du dieu, à croire que les paroles de la Pythie faisaient la justice ou l'injustice d’une action? On arrivait ainsi, comme Glaucus, à demander au dieu s’il valait mieux voler et faire un faux serment que tenir sa promesse. Glaucus fut sévèrement puni, mais n’était-ce pas un peu la faute de l’oracle si les hommes son- geaient à lui adresser de semblables questions? Une autre conséquence, et plus funeste encore, c'est que les Grecs, convaincus que l’oracle leur révélait l'avenir, employaient tous les moyens possibles pour détourner ses menaces ou réaliser ses promesses; par là la voie était ouverte à bien des crimes. La légende d'OEdipe est un exemple frappant des maux que pro- duirait la connaissance de l’avenir si les hommes pouvaient l’ob- tenir. Croire à la fatalité, c’est bien souvent la créer. Le crime de Laïus, qui ordonne de mettre son fils à mort, était la suite na- turelle de l’oracle et l’origine de tous les crimes qui suivirent. Bien souvent les prédictions du dieu durent avoir ces funestes conséquences; l’histoire de Cypsélus en est une preuve!. Un premier oracle avait annoncé aux Corinthiens la naissance d’un tyran qui devait les réduire en servitude. Peu de temps après, un citoyen demande à l’oracle s'il aura un fils la Pythie : lui ré- pond que sa femme donnera le jour à un fils qui régnera sur Corinthe. Voilà donc cet enfant désigné aux soupçons des nobles de la ville, qui prennent la résolution de le mettre à mort, pour prévenir le malheur annoncé par l’oracle. L'enfant leur échappe ; mais, dès qu'il devient homme, il songe à réaliser la prédiction et à asservir sa patrie. Une nouvelle réponse de la Pythie l'en- courage dans son entreprise. « Heureux l'homme qui pénètre dans ma demeure, Cypsélus, fils d'Éetion, roi de l’illustre Corinthe, lui et ses enfants, mais non pas les enfants de ses enfants.» Les paroles du dieu le remplirent d'une nouvelle confiance et lui don- nèrent de nombreux partisans. Le voilà devenu tyran de sa pa- trie, exilant les uns, dépouillant les autres, en mettant un plus grand nombre à mort. Sans l’oracle, les nobles de Corinthe au- raient-ils songé à faire périr cet enfant? Cypsélus aurait-il pensé a s'élever au-dessus d'eux, à chercher la vengeance, à assurer ! Hérodote, V, xex1. — l4h — par des crimes une autorité usurpée sur la foi de l'oracle? Et n'est-ce pas à la réponse du dieu qu’on est en droit de faire re- monter la cause de tous ces maux? Voilà les côtés immoraux et dangereux de l’oracle; il importait de les signaler après avoir re- connu les services qu’il a rendus à la morale et à la religion. Le culte. Quant au culte, il lui appartenait naturellement de le régler. Un peuple souffrait-il d’un fléau, c'était un signe de la colère cé- leste, et nul mieux qu'Apollon n'était en mesure de dire à quelles divinités il fallait s'adresser et par quelles cérémonies apaiser leur courroux!. En cette matière son autorité était souveraine et s’éten- dait aux plus petits détails. Influence politique. IL est plus important et plus difficile de déterminer quelle a été, au juste, l'influence de l’oracle sur les événements politiques. Pour le décider, 1l faut distinguer soigneusement les époques. Sui- vant qu'on citera un fait contemporain des guerres médiques ou de la guerre du Péloponèse, on pourra soutenir avec une égale raison que cette influence a été réelle ou seulement apparente, une autorité véritable ou un instrument aux mains des puis- sants. Voyons donc si, dans les événements que nous rapporte l’his- toire, nous pouvons saisir et marquer l’action de l’oracle. Lorsque nous trouverons, sur la foi d’une réponse venue de Delphes, une guerre commencée ou suspendue, une décision changée, une alliance brisée ou formée, il faudra bien reconnaître que l’oracle a eu une autorité véritable. IL est impossible de méconnaître son influence souveraine dans les deux grands faits qui suivent la guerre de Troie : l'invasion dorienne et la fondation des colonies grecques dans tout le bassin de la Méditerranée? De même pour les guerres de Messénie; la cause en est tout humaine, la jalousie des Spartiates et leur désir d'acquérir un fertile territoire; mais dans le cours de la lutte, quelle ne fut pas ! Plutarque, Aristide, x1; Hérodote, V, Lxxx1r. ? Diodore et Pausanias, passim, et surtout Hérodote, IV, Ly et sq. — 145 — l'influence des réponses de la Pythie sur les actions et les senti- ments des deux partis, el, par suite, sur les événements eux- mêmes | ? Si nous regardons ia république lacédémonienne, on peut dire que toutes les affaires, à l'extérieur comme à l'intérieur, furent réglées par les réponses de Delphes. Dans les guerres contre Tégée, contre Argos ?, ce sont les paroles de la Pythie qui décident du moment où il faut entreprendre ces guerres, où il faut s'arrêter, de quelle manière les conduire; les sacrifices à accamplir. Les présages y tiennent autant de place que les considérations poli- tiques et militaires. Mais où paraît encore mieux l'autorité de l’oracle, c'est dans la guerre contre les Pisistratides. Sur l'ordre du dieu, les Lacédé- moniens se décidèrent à les renverser «quoiqu'ils fussent leurs alliés, car ils avaient plus de considération pour les dieux que pour les hommes . » Peu importe que la Pythie ait été achetée par les Alcméonides, que les Delphiens aient été séduits par la libéralité de cette famille. Ce qu'il faut remarquer, c'est que les Lacédémoniens firent cette guerre malgré eux, forcés par les oracles de Delphes; qu’ils y por- tèrent assez de persévérance pour envoyer une seconde expédition après une première défaite. Le témoignage d'Hérodote a d'autant plus de valeur qu’il est confirmé par l’assertion d’Aristote, qui n’était guère porté à la crédulité. On a voulu expliquer cette in- tervention par des raisons politiques, par la jalousie de Sparte, qui triompha de leur amitié pour les Pisistratides. Ce serait se faire une idée fausse de cette époque, que de ne voir partout que des calculs de jalousie ou d'intérêt. Dans tous les temps, les Spartiates prirent grand soin de satisfaire leurs rancunes et de servir leur ambition; mais il ne faut pas non plus oublier qu'ils étaient les plus religieux et même les plus superstitieux des Grecs. D'après quelle autorité contredire le témoignage positif d'Aristote, les dé- tails si précis d'Hérodote, qui rapporte qu'ils cédèrent seulement aux injonctions plusieurs fois répétées de la Pythie, et qui dit par deux fois qu'ils ne firent cette guerre qu'à contre-cœur? L’oracle de Delphes me paraît avoir été assez puissant à cette époque 1 Pausanias, IV. 2 Hérodote, I, zxvi:; VI, LxxvI. 3 Id. V, Lxru. MISS. SCIENT. — II. 10 — 146 — pour être la cause, et non pas seulement le prétexte de cette intervention. H en est de même pour les affaires intérieures de Spatt La double royauté fut établie d’après la réponse d’Apollon. Lycurgue lui demanda de consacrer la nouvelle constitution qu'il donnait à sa patrie !. Démarate fut déclaré illégitime et déposé par la sen- tence de la Pythie, et la découverte de la fraude amena, non le décri de l’oracle, mais seulement la punition des coupables. Ce recours incessant à Delphes était plus qu'un usage, c'était une institution, et, pour ces députations sacrées, on avait institué une magistrature permanente, tenue en haut honneur. Ces envoyés sacrés, au nombre de quatre, appelés IIÿbro: ?, étaient nourris, comme les rois, aux frais de la république, et PAF Ne avec eux la connaissance des oracles. La confiance dans les réponses du dieu l’emporta même sur les lois et les maximes observées avec le plus de rigueur. On saït avec quelle jalousie les portes de la cité étaient fermées aux étrangers; elles ne s’ouvrirent qu'une seule fois, et ce fut pour satisfaire un oracle venu de Delphes. La Pythie avait prédit à l’Éléen Tisamène la victoire dans cinq grands combats; il s’exerça au pentathle, mais fut vaincu. Les Spartiates comprirent que l'oracle désignait des triomphes, non pas dans les jeux, mais à la guerre, et ils s’efforcèrent d'acheter ses services. « Tisamène, voyant l'importance que les Spartiates atta- chaient à s'assurer son amitié, répondit qu’il la leur accorderait s'ils lui donnaient le titre de citoyen avec tous ses droits, mais qu'il n’accepterait pas d'autre condition. Cette proposition indigna d’a- bord les Spartiates, et ils négligèrent complétement l’oracle; mais enfin la crainte de la guerre des Perses, qui les menaçaient, les fit consentir. Tisamène, apprenant ce changement, répondit qu’il ne se contentérait plus de cette concession, mais qu'il fallait que son frère Hégias devint Spartiate au même titre que lui..... Les Spartiates, qui avaient un grand besoin de lui, acceptèrent toutes ses conditions... . . Ce furent les deux seuls qui obtinrent à Sparte le droit de cité 5. » J'ai cité le passage en entier, parce que ce fait, ! Hérodote, VI, rx; T, Lxv; Xénophon, De Rep. lacon. Hérodote, VIII, v; VoTAVT, Cxxxur. 2 ]{érodote, VI, Lvxr. 3 Je TX, XXXTIT, XXXV: — 147 — qui s’est passé au temps d'Hérodote, me semble une preuve des plus fortés de la confiance que les deux partis avaient dans la vé- rité de l’oracle. Autrement, comment s'expliquer cette discussion du prix, ces exigences répétées de Tisamène, sûr de l'emporter, et, de l’autre côté, l’étonnement, le refus, puis le consentement des Spartiates, qui croient avoir absolument besoin de lui? Les autres États de la Grèce ne montraient pas moins de respect pour les ordres d’Apollon Pythien; nous trouvons dans l’histoire plusieurs faits où l'oracle décide des guerres et des alliances !. Les Athéniens eux-mêmes n'avaient pas moins de foi que leurs rivaux dans les réponses de la Pythie. Sans parler des anciennes traditions d'Égée et de Thésée, du Crétois E piménide, appelé à Athènes pour lui donner une constitution, de la guerre sacrée contre Cirrha, nous le verrons plus clairement dans un exemple antérieur de peu d'années aux guerres médiques. La rivalité de races et d'intérêts avait excité une haine implacable entre les Éginètes et les Athéniens. Ceux-ci préparaient une expédition contre leurs ennemis, lorsqu'un oracle arriva de Delphes; il fallait suspendre la vengeance pendant trente années et ne commencer la guerre que la trente et unième, apr ès avoir construit un pp à Éaque ; alors ils triompheraient ; sinon , après beaucoup de succès, ils finiraient par échouer. Lorsque les Athéniens eurent connais- sance de l’oracle, ils se hâtèrent de dédier un temple à Éaque sur l’Agora ; mais ils ne supportèrent pas l'idée de remettre à trente ans la vengeance de leurs injures et ils firent les préparatifs de l’ex- pédition , qui fut retardée seulement par d’autres dangers. Est-ce là ane preuve d’incrédulité? Je ne le pense pas, car les Athéniens ne songèrent pas à justifier leur conduite en révoquant en doute la véracité de la Pythie; ils n’accusèrent pas l’oracle d’avoir parlé sous l'influence de Sparte, qui avait probablement cherché à pro- téger les Éginètes, Doriens de race et ses alliés naturels. Ils exé- cutèrent même en partie les prescriptions du dieu, en élevant immédiatement le temple d'Éaque, et, s'ils ne lui obéirent pas complétement, c’est que leur haine était trop violente et leurs griefs trop grands pour céder même à l'autorité d’un dieu. Est-ce la seule fois que les hommes ont agi contre les ordres de la divi- nité, sans cesser d'y croire? La différence est grande entre la dé- 1 Hérodote, VE, sxxvirs V, axxix ; VETF, xxwvir; Pausanias, VIF, xxxix; X, 1 LE 6 — 1418 — sobéissance et l’incrédulité. Il est donc permis d'affirmer que les Athéniens n’accordèrent pas moins de crédit que les Spartiates à l'oracle de Delphes, et, si leur soumission fut moins complète que celle de leurs rivaux, il faut l’attribuer à la diversité, non pas des croyances, mais du caractère des deux peuples. Guerres médiques. La piété de tous les Grecs redoubla à l'approche de Xerxès; tous éoururent à l’'oracle de Delphes pour lui demander quelle con- duite ils devaient tenir et quel sort leur était réservé. L'oracle semble avoir faibli dans ce moment décisif et avoir partagé la terreur qui saisit la Grèce entière. Tout d’abord, la Pythie n’an- nonce que des malheurs et ne donne que des conseils de faiblesse aux peuples qui la consultent. «Insensés, dit-elle aux Crétois, rappelez-vous combien vous avez souffert pour avoir voulu venger l'injure de Ménélas !. » De même aux Argiens, aux Corcyréens, elle conseille de ne pas s’exposer aux périls de la guerre ?. | Comment s'expliquer ces réponses, si l’on voit dans l’oracle de Delphes un instrument politique dont se servait Lacédémone? Ce sont des conseils tout contraires qu’aurait fait donner une répu- blique aussi intéressée à réunir tous les Grecs dans une ligue commune. Il est plus juste de croire que la Pvthie et ceux qui interprétaient ses paroles étaient de bonne foi, et que la terreur qui se répandit en Grèce à l’arrivée des barbares s’empara aussi des Delphiens et des ministres du dieu. Les Lacédémoniens s'étaient hâtés de consulter l’oracle dès le début de la guerre; xar' dpyas rod mohéuou aûrixa éyespouévou. La Pythie leur annonça la ruine de leur cité ou la mort de l’un des deux rois. Hérodote assure que cette prédiction détermina Léonidas à renvoyer les alliés et à se faire tuer aux Thermopyles; en ce cas, il faudrait rapporter à l’oracle de Delphes l'honneur d’avoir inspiré un dévouement célèbre dans le monde entier. Les Athéniens ne manquèrent pas non plus de consulter la divinité. Ils montrent dans cette affaire leur caractère, non pas incrédule, mais indocile aux réponses du dieu. Il faut lire dans Hérodote le 1 Hérodote, VII, cuxix. 3 Id. ibid. cxzvrri. —— 149 — passage entier qui donnera l’idée la plus exacte des croyances et des sentiments des Athéniens à cette époque !. Quelques historiens ont voulu y voir une scène préparée à l’a- vance par Thémistocle et concertée avec Timon de Delphes pour faire adopter à ses concitoyens le parti qu’il jugeait le plus favorable. C’est une conjecture ingénieuse, mais qui ne s'appuie sur aucun fon- dement solide. Thémistocle était un homme d’un esprit supérieur et hardi; mais il faut avouer que son adresse aurait été dangereuse, car il courait risque d’abattre le courage de ses concitoyens et de les porter à une soumission honteuse. En tout cas, les autres Grecs, les chefs de l’état comme le peuple, ajoutaient une entière confiance aux paroles du dieu. À coup sûr, les députés athéniens étaient de bonne foi : il y a trop de naturel dans l'abattement où les jette la première réponse du dieu, dans leurs instances désespérées, et leur joie d'obtenir une sentence moins dure. La croyance des Athé- niens n'est pas moins évidente dans la délibération qui suit la lec- ture de l’oracle. Les avis sont partagés, mais quelles sont les rai- sons alléguées de part et d'autre? Au siècle suivant, les orateurs auraient fait valoir, les uns, la possibilité de défendre l’Acropole, le danger d'abandonner la ville; les autres, la force de la marine athénienne, l’impossibilité de lutter sur la terre ferme. À cette époque, au contraire, nul ne songe à mettre en question l'autorité de l’oracle, ni à faire valoir d’autres arguments. On discute seule- ment sur le sens de la muraille de bois dont avait parlé la Pythie. Les interprètes des oracles sont consultés, et Thémistocle ne l'em- “porte sur eux que parce qu'il paraît avoir mieux compris l’épithète de divine donnée à Salamine, et qui ne peut présager une défaite pour les Athéniens. Taërn Oeoloxéous droQarvouévou, oi À On vaior radTa or Éyvwoav @ipETOTEpA elvar m@X)OY À TA TO XP1S- uoX6y cv. Ainsi, dès le début de la guerre, l’oracle de Delphes est consulté par toutes les républiques grecques, et ses réponses décident de leur conduite. Une parole de la Pythie abattait ou relevait les esprits. Pour cette époque, l'autorité d'Hérodote est décisive; il est con- temporain des faits qu’il raconte, il en a connu et interrogé les témoins et les acteurs, il peut non-seulement rapporter les événe- ments, mais donner une juste idée de l’état des esprits. Le passage ! Hérodote, VIT, exc et sq. — 150 — suivant montre quelle était l'influence de l’oracle. « Cependant les Delphiens, craignant pour eux-mêmes, consultaient le dieu; il leur fut répondu de sacrifier aux vents, car ils devaient être les alliés de la Grèce. Ayant reçu cette réponse, les Delphiens la communi- quèrent aux Grecs, qui voulaient être libres, et, en annonçant ces paroles aux peuples qu’effrayait l’arrivée du barbare, ils s’acquirent une reconnaissance immortelle !. » Un autre oracle confirma le précé- dent; sur sa foi, les Athéniens firent des sacrifices à Borée en le suppliant de détruire la flotte perse. La tempête s’éleva; Hérodote n'ose pas affirmer que ce soit à cause de ces prières; ce doute est déjà une hardiesse. Quant aux Grecs, ils étaient convaincus de l'efficacité de la protection du dieu, témoin le temple élevé à Borée sur les rives de l’Ilissus, le titre de Sauveur donné à Nep- tune après la bataille d’Artémisium, et les offrandes consacrées à Delphes pour remercier Apollon ?. | La résistance victorieuse des Grecs paraît avoir ranimé le cou- rage de l’oracle. Apollon, qui avait faibli à l'annonce du danger, se montra digne des combattants des Thermopyles, lorsqu'il eut à se défendre lui-même. Après avoir forcé le passage, les Perses envahirent la Phocide, ruinant et brülant les villes et les temples. Un corps d'armée considérable se dirigea vers le sanctuaire de Delphes, laissant à sa droite le Parnasse, Le but de l'expédition était de piller le temple et d'apporter au grand roi ces richesses de Delphes, qu’il connaissait bien mieux que les trésors de ses palais. Beaucoup de gens lui en parlaient sans cesse, et surtout des offrandes de Crésus. Le médecin Ctésias, qui avait vécu à la cour des rois perses Ÿ, rapporte un détail important et qui prou- verait que les Perses euxmêmes n'entreprenaient pas avec con- fiance cette expédition contre le dieu. « Xerxès chargea Mégabaze de piller le temple de Delphes; il s’en défendit, et l’on envoya l'eunuque Matacas, chargé d’outrager Apollon et de tout ravager. » La crainte du dieu ne fut pas étrangère à ce refus de Mégabaze, car les oracles avaient fait une vive impression sur les Perses, et même sur leurs généraux. Quelques jours avant la bataille de Platée, Mardonius demanda à ses convives s'ils ne connaissaient aucun oracle annonçant la ruine des Perses. Tous gardaïent le si- l Hérodote, VIF, crxxvirr. 2 Id. VH, cuxxxix. -3 Ctésias, XX VII. — 151 — lence par ignorance ou par crainte. Mardonius prit alors la parole: « On dit qu’il faut que les Perses arrivés en Grèce pillent le temple de Delphes, et qu'après ce pillage ils soient tous détruits. Con- naissant cette prédiction, nous ne marcherons pas contre ce temple et nous n’essayerons pas de le piller, et ainsi nous ne périrons pas!. » On pourrait croire que Mardonius ne parlait ainsi que pour ras- surer les Grecs auxiliaires, si un autre passage d'Hérodote ne montrait que les Perses eux-mêmes semblaient s'attendre à une fatale destinée. Ce fait curieux est aussi certain que puisse l'être une chose rapportée par un narrateur de bonne foi, puisque Hé- rodote déclare le tenir de l'Orchoménien même à qui le Perse avait fait cette confidence. Un festin avait réuni les chefs des Grecs auxiliaires et les nobles perses; l’un d'eux, se penchant vers son voisin lui dit : « Vois-tu ces Perses qui mangent avec nous et l’armée que nous avons laissée campée sur le bord du fleuve? Dans quelques jours, bien peu seront encore vivants. » Il lui tint ce dis- cours en pleurant, et ajouta que beaucoup de Perses avaient la même idée, mais qu’ils étaient forcés de suivre Mardonius. La croyance à l'oracle de Delphes et en général aux prédictions était si forte à cette époque qu'elle s'était emparée même des Perses, après un séjour d’un an dans la Grèce. L'esprit humain est si en- clin à la superstition que la différence même de religion n'avait pu les en préserver, Mardonius s’applaudissait de n'avoir pas fait lexpédition de Delphes; et c’est probablement la crainte de ces mêmes prédictions qui poussa Mégabaze à refuser le commande- ment. L'expédition de Delphes n'avait pas seulement pour but de piller les richesses du temple. Xerxès, qui savait quelle autorité l'oracle avait sur l'esprit des Grecs, voulait aussi en outrageant le dieu (ÿépess Qépur) , en renversant son temple, abattre la confiance que ses prédictions donnaient aux Grecs et préparer la victoire en les décourageant. Pour les deux partis, cette expédition était de la plus haute im- portance. Le dieu répondit dignement à l'attente de la Grèce. Les Delphiens, saisis d’une terreur panique, s’'enfuirent à Amphissa ou sur le Parnasse; soixante hommes seuls restèrent pour la défense du sanctuaire. L'honneur de la victoire revient donc au dieu. Quand les habitants lui demandèrent s'il fallait cacher ou emporter les l Hérodote, IX, xzur. — 152 — richesses sacrées, il leur répondit fièrement de n’y pas toucher, qu'il était capable de défendre lui-même ce qui lui appartenait. Cependant l'ennemi approchait de la cité sainte; au temple de Minerve Pronæa, il était aux portes mêmes de la ville. Alors un ouragan terrible éclata dans la montagne; des blocs de rocher tombés d'Hyampeia écrasèrent des rangs entiers. Aux yeux des Grecs, c'était le dieu lui-même qui combattait pour son temple. Ces prodiges ranimèrent leur courage, et ils massacrèrent les fuyards. Les Perses eux-mêmes y virent plus qu'un phénomène naturel; les prédictions menaçantes du dieu avaient frappé leur imagination, et ils crurent voir deux guerriers gigantesques s’a- charner à leur poursuite !. Xerxès avait donc échoué devant Delphes; non-seulement les richesses du temple lui échappaient ; mais sa défaite redoublait la confiance des Grecs dans les promesses du dieu, qui seul avait si bien protégé son sanctuaire abandonné par les hommes. La prise d'Athènes, prédite par l’oracle, fut le dernier succès; la défaite de ceux qui s'étaient obstinés à rester dans l’Acropole confirma l'interprétation donnée par Thémistocle. Des oracles de Bacis et d’autres devins anciens annonçaient qu'après la ruine d'Athènes Jupiter et la Victoire feraient luire pour la Grèce le jour de la liberté. Ces oracles avaient cours, même avant la bataille de Sa- lamine. Hérodote, qui n’est que l'écho de l'opinion générale, les trouve si clairs et si bien confirmés par l'événement qu'il déclare ne pouvoir les contredire ni admettre que d'autres les contredi- sent ?. Après la victoire, le premier soin des Grecs est d'envoyer au dieu prophète la dime du butin, le colosse de douze coudées tenant à la main un ornement de navire. L’oracle exerce une autorité souveraine dans la dernière année de la guerre; les réponses du dieu servent non-seulement à régler la politique, mais vont même jusqu'à dicter le plan de campagne. La défaite de Salamine et le désastre de Delphes avaient donné à Mardonius confiance dans les révélations des dieux grecs. Par son ordre, le Carien Mys parcourt les sanctuaires de la Béotie et in- lerroge le devin d’Apollon Ptoos; sa réponse décide le général perse à offrir aux Athéniens l'oubli de leurs injures, l'amitié du l Hérodote, VILT, xxxvr. 2 Id. ibid. Lxxvrr. — 153 — grand roi et le commandement de la Grèce !, Les deux armées furent arrêtées dix jours sur les rives de l’Asopus par les prédic- tions des devins, qui promettaient la victoire à ceux qui ne com- menceraient pas le combat. A la fin Mardonius, impatient d’en venir aux mains, déclara qu'il ne tiendrait plus compte des vic- times d’'Hégésistrate et qu'il reviendrait aux coutumes des Perses. Pausanias, au contraire, refusa de commencer le combat tant que les victimes furent défavorables, et plusieurs guerriers furent tués à leur place, en attendant l’heureux augure qui devait per- mettre de commencer le combat. La Pythie promettait la victoire après des sacrifices soigneu- sement détaillés, et si l'on combattait sur le territoire des Athé- niens près du temple de Cérès et de Proserpine. Ces prescriptions Jetèrent le chef dans un grand embarras; il fut même question de décamper et de s'établir près d'Éleusis; heureusement, on dé- couvrit un vieux temple de Cérès, et, pour satisfaire complétement à l'oracle, les Platéens enlevèrent les bornes qui séparaient leur territoire de l’Attique. Cet abandon généreux de l'indépendance nationale, cette soumission volontaire à des voisins, ne sont-ce pas là encore des preuves frappantes de l'autorité de l’oracle? Aussitôt après la victoire, le butin fut recueilli et la dime pré- levée pour les dieux. Apollon, dont l’oracle avait dirigé la résis- tance , reçut la première part : le trépied d’or supporté par le triple serpent, placé près de l'autel. C’est le serpent de bronze retrouvé à l’hippodrome de Constantinople et dont plus haut j'ai parlé en détail. On demanda à l’oracle quels sacrifices il fallait offrir. La Pythie répondit de sacrifier à Jupiter Libérateur; mais d’éteindre avant tous les feux souillés par les barbares, et de prendre la flamme au foyer commun de Delphes?. Le dernier acte de la guerre médique est d'accord avec le pre- mier; l'oracle a été consulté avant la lutte, il l’est encore après la victoire; la politique et la stratégie ont été soumises à son auto- rité. Ses réponses jetaient le découragement ou ranimaient l'espoir dans le camp des Grecs, et même dans celui des Perses. F Rois de Lydie. L'autorité du dieu de Delphes s’étendait même au delà de la ! Hérodote, IX, xxxvr; Plutarque, Aristide. ? Plutarque, Aristide, x1x. — 154 — Grèce et de ses colonies;'les rois de Lydie et les Romains envoyè- rent à Delphes leurs ambassades et leurs présents !. Le dieu rendait ses réponses aux étrangers de l'Orient et de l'Occident, comme aux cités de la Grèce et aux colonies: son oracle était bien « l’oracle commun du genre humain. » Pour suf- fire à la foule de ceux qui venaient l’interroger, la Pythie répon- dait non plus une fois par an, mais une fois par mois, et, une seule Pythie ne suffisant plus, il avait fallu en créer trois?: IL était nécessaire d’insister sur la partie historique et d'en rap- porter avec quelques détails les faits principaux pour répondre aux questions suivantes : pendant la période qui s'étend jusqu à la fin des guerres médiques, l’oracle de Delphes fut-il un instrument ou une autorité réelle? Servit-il aux chefs des républiques grecques, comme la religion au sénat romain, pour diriger le peuple en pro- fitant de sa crédulité, ou sa puissance existait-elle par elle-même, appuyée sur la foi générale et sincère des chefs d'état comme des peuples? Obiection. On a prétendu que les cinq Hosii étaient les chefs de l’aristo- cratie delphienne ÿ, et qu'ils délibéraient sur les réponses à faire aux questions des cités grecques. Quelle est la preuve de cette assertion? Que savons-nous des Hosii? Rien, ou à peu près rien. D'après Plutarque, c'étaient des prêtres de Bacchus qui avaient la prétention de descendre de Deucalion; ils étaient nommés à vie et faisaient un sacrifice secret dans l’adyton. Peut-on en con- clure qu'ils dictaient les réponses? Le prophète, dira-t-on, chargé de mettre en vers les paroles de la Pythie, les arrangeait à son gré. Qui prouve que lui-même n'était pas de bonne foi et qu'il ne croyait pas sincèrement entendre et comprendre les paroles que le dieu prononçait par la bouche de la prophétesse? On cite l'exemple de Cobon acheté et de la Pythie séduite par Cléo- mène. Mais on oublie que, la fraude une fois découverte, Cobon fut chassé de Delphes et la Pythie déposée. D'ailleurs ce fait ne prouverait qu’une fois de plus que la corruption et l'abus peu- vent se glisser partout. La Pythie n'était pas inaccessible aux pro- ! Hérodote, I, xx et suiv. Tite-Live, 1, Appien, VIT, x. ? Plutarque, De Def. oruc. 3 Id, Quest. gr. — 155 — messes humaines, les nobles de Delphes pouvaient avoir une grande influence sur ses paroles; mais quelques faits isolés ne prouvent pas l'existence d’un système. Au reste, est-il vraisem- blable que les cités de la Grèce eussent consenti à remettre la dé- cision de leurs affaires à l'aristocratie d’une ville étrangère? La fréquence des consultations faites par toutes les républiques et l'importance qu'on accordait aux réponses prouvent au contraire qu'on regardait l’oracle comme indépendant et inspiré directe- ment par le dieu. C’est donc une simple supposition, et l’on ne peut l’'admettre, puisqu'elle ne s’appuie sur aucun fait. Causes du crédit de l’oracle. D'ailleurs, tout expliquer par la supercherie et la politique, c'est méconnaître étrangement le caractère de cette époque. On peut dire qu’alors la foi était générale et sincère.Les dieux, pour les chefs comme pour les peuples, étaient des êtres réels qui intervenaient dans les affaires humaines avec une autorité sou- veraine. Dès lors il fallait chercher à se mettre en communica- tion avec eux pour leur demander une règle de conduite et la connaissance des événements futurs. Le besoin irrésistible de con- naître l'avenir, besoin que, de tout temps, l’homme a cherché à satisfaire par les calculs de la raison ou par les pratiques de la su- perstition, poussait les Grecs à chercher et à trouver des inter- prètes de la divinité. Le délire de la Pythie semblait trop mer- veilleux à des gens qui n’en connaissaient pas les causes naturelles pour n’y pas voir une intervention du dieu. Cette femme trou- blée, exaltée par le gaz qui s’'échappait de l’adyton et l'odeur eni- vrante du laurier, ne semblait plus s’appartenir, et, à vrai dire, elle n’était plus maîtresse de sa raison ni de sa volonté. Au lieu d'en chercher l'explication naturelle, il était plus facile et plus vrai pour l’imagination de la croire possédée d'Apollon. Les pa- roles incohérentes qui lui échappaient étaient des révélations, et les prêtres attachés au temple leur donnaient un sens et une forme. Ajoutons encore la position de Delphes au centre du monde grec, l'antiquité et l'éclat de son sanctuaire, le hasard heureux de quelques réponses habilement interprétées, et nous compren- drons le crédit accordé à l'oracle pendant toute cette période. — 156 — Hérodote. Hérodote est le témoin le plus vrai et le plus fidèle de cette époque, non-seulement pour les faits, mais encore pour les senti- ments et les croyances. Il n’ajoute pas une foi aveugle à tous les prodiges qu'il raconte; parfois même 1il doute. Mais lorsqu'il voit l’'accomplissement d’une prédiction, il n’hésite pas à la croire ins- pirée par le dieu auquel tous les Grecs accordaient le don de pro- phétie. Ce sentiment n’est pas de la crédulité; réservons ce mot pour un Pausanias, qui rapporte sans jugement et sans critique les fables ridicules des exégètes, à une époque où les gens éclairés les traitaient de bavardages. Hérodote n’est pas crédule, mais il n'est pas impie ; il est religieux comme ses contemporains; comme eux, il croit sincèrement à l'existence des dieux qui parlent par la bouche des inspirés. On trouve chez lui la croyance à un destin qui pèse sur la race humaine, jaloux d’une prospérité trop grande, attentif à punir les excès d’orgueil ou de cruauté: c’est l’idée qu'on retrouve dans plusieurs oracles de Delphes, c’est l'opinion géné. rale de la Grèce. Son livre est l’image la plus fidèle de son siècle; la place que les oracles tiennent dans ses récits, ils l’ont occupée dans la société de cette époque. Son histoire montre de la manière la plus claire, non pas la vérité des oracles, mais le crédit que tous leur accordaient, et l'influence qu’ils ont eue sur les affaires poli- tiques et religieuses, sur la morale et sur le culte. Est-ce à dire que, dans cette partie de l’histoire grecque, il ne faille voir que l'autorité de l’oracle de Delphes et prétendre que les Grecs ont fermé l'oreille à la voix de l'intérêt et de la passion pour n’écouter que les paroles du dieu? Nulle religion, pas même la plus vraie, n’a eu un tel pouvoir. Que faisaient les Grecs, lorsque les réponses de la Pythie ne s’accordaient pas avec leurs désirs? Ils essayaient de séduire le dieu par des promesses, des supplications, d’éluder ses ordres, de le tromper par des ruses, comme l’homme à l’image duquel on l'avait fait; mais jamais ils n'osèrent braver en face son autorité. Est-ce la conduite d’incré- dules ou celle de gens qui croient, mais qui ont leurs intérêts et leurs passions et tâchent de les accommoder avec leurs croyances ? Cause du peu d'influence de l’oracle sur l’ensemble de l’histoire grecque. Si l’on cherche maintenant quelle action l'oracle de Delphes à = exercée, non plus sur les détails, mais sur l’ensemble de l’histoire grecque, on sera tout étonné de la trouver presque nulle. C’est que l'oracle n'était consulté et ne répondait que pour des circons- tances isolées. Une guerre à entreprendre inquiétait les peuples, un malheur abattait les courages : on interrogeait le dieu, on lui demandait le remède du mal présent ou la connaissance de l’a- venir. C’est sur ces questions particulières qu’il avait à répondre; jamais il n’a donné de règles générales, mais seulement des pré- ceptes particuliers. Quel principe d’ailleurs avait-il à défendre, quelle doctrine à faire prévaloir? Nous le voyons répondre égale- ment aux deux partis, favoriser tantôt la liberté, tantôt la tyran- nie, ne pas plus refuser ses prédictions aux Spartiates, qui veulent soumettre injustement leurs voisins d’Arcadie, qu'aux Athéniens, qui défendent contre l'étranger l'indépendance commune. Cicéron compare la maison d’un jurisconsulte assiégée de consultants à l'oracle d’Apollon Pythien. Ne pourrait-on pas aussi bien comparer Apollon à un jurisconsulte divin, siégeant à Delphes? Les cités rivales viennent le consulter; le dieu ne s'occupe pas, comme le magistrat, de chercher à faire prévaloir la justice; mais, comme un avocat, 1l révèle à tous ses clients les ressources du droit des dieux, les moyens de défense et de succès. Cette impartialite, ou plutôt cette insouciance de la justice, a pu être une cause de son crédit; elle l’a été aussi de sa faiblesse et de son peu d'influence sur l’ensemble des affaires. Pour exercer sur les hommes une ac- tion eflicace et puissante, il ne suffit pas de dire à tous ce qui peut leur être utile dans tel ou tel cas, il faut des idées arrêtées, de grands principes, des maximes fixes et inébranlables. CHAPITRE IL AMPHICTYONIE. L’oracle d’Apollon faisait de la ville d’Apollon le centre reli- gieux du monde grec; l'assemblée des Amphictyons en eût fait le centre politique, si la Grèce eût été capable d'unité. Nous avons vu quelles causes avaient empêché l'oracle d'agir sur l’ensemble des affaires; voyons maintenant quel fut le rôle de l'assemblée amphictyonique et quelles furent les causes de son impuissance. — 158 — Origine. Le conseil amphictyonique remontait à la plus haute antiquité et son origine était entourée de légendes fabuleuses. « L'assemblée des Grecs à Delphes fut établie, selon les uns, par Amphictyon, fils de Deucalion, et c'est de lui que vint le nom d'Amphictyons donné à ceux qui s’y réunissaient. Mais Androtion, dans son Hlis- toire de l’Attique, dit que dès le début les peuples voisins se réu- nirent à Delphes pour y former une assemblée; que ceux: qui y prenaient part furent appelés Amphictyons et qu’avec le temps ce nom prévalut !. » — « Grâce à cette position favorable de Delphes, les peuples, et surtout les peuples voisins, s'y réunissaient facile- ment. Ainsi fut formée l'assemblée amphictyonique chargée de délibérer sur les intérêts communs et d’avoir en commun l'inten- dance du temple..... Acrisius est le premier, de ceux que l'on connaît, qui parait avoir réglé ce qui concerne les Amphictyons?. » Malgré le temple élevé en son honneur aux Thermopyles, Am- phictyon est évidemment un personnage fabuleux, créé pour ex- pliquer le nom de l'assemblée, comme les fils d'Hellen pour le nom des tribus helléniques. Il est plus probable que l’origine de ce nom est duQrurioves, car on trouve, même dans les inscriptions, ce nom écrit avec un iota, et il a le même sens que wepeurioves (les voi- sins, du@i ou æepi et xTiw). Cette explication avait déjà été pro- posée par les anciens, entre autres par Androtion, que cite Pau- sanias. Une amphictyonie est donc la réunion de plusieurs peuples voisins. [l ÿ en avait une pour la Béotie à Oncheste, une autre à Épidaure pour sept villes voisines; le Panionium des colonies d'Asie Mineure était une confédération du même genre. : Celle de Delphes et des Thermopyles devint la plus célèbre. 1 est impossible de fixer une date précise pour sa fondation; mais, en voyant le nom des peuples qui la composent, on est obligé de la rapporter à l’époque où les tribus helléniques n'étaient pas en- core établies dans la Grèce. Comment supposer en effet que les loniens et les Doriens surtout, après la conquête du Péloponèse, aient accepté de n'avoir pas plus d'autorité dans le conseil que les Phthiotes et les Maliens? On ne peut le comprendre que si cette l Pausanias X, 1x, 1. ? Strabon, IX, 111. nn association a été formée à une époque reculée où les tribus hellé- niques étaient encore en Thessalie et en Doride, alors qu'aucune n'avait une prépondérance marquée; et le premier siége de l’am- phictyonie aux Thermopyles s'accorde avec cette supposition. Plus tard, les Hellènes, en descendant dans la Grèce, apportèrent avec eux cette organisation primitive, comme ils apportèrent le culte des nouvelles divinités dont le sanctuaire fut à Delphes. Ce sont là deux faits contemporains, qui ont la plus étroite liaison et qui remontent à une haute antiquité. L'assemblée se tenait deux fois par an, à l’automne et au prin- temps, aux Thermopyles et à Delphes. La réunion des Thermo- pyles fut probablement la plus ancienne; de là le nom de ævaaia donné à l'assemblée, même quand elle avait lieu à Delphes, et de œvhæyôpar que portaient certains membres du conseil. Il ÿ avait, près du lieu où elle siégeait, une chapelle d’Amphictyon et un temple de Cérès, à laquelle on faisait des sacrifices solennels. C’est à peu près tout ce que nous savons de l’assemblée des Thermo- pyles; aucun grand fait de l’histoire grecque ne s’y rattache. L’as- semblée de Delphes devint la principale, à cause de l'importance du sanctuaire; c’est là que furent décidées les guerres sacrées contre Cirrha et Amphissa. L'époque de la réunion n’était pas fixée, d'une manière absolue, au printemps à Delphes, à lau- tomne aux Thermopyles, ou du moins elle fut changée à l’époque macédonienne, car, parmi les décrets amphictyoniques trouvés à Delphes, les uns sont datés du printemps, les autres de l’au- tomne. Composition de l'assemblée. Deux faits sont bien établis : 1° Que l'assemblée se composait de douze peuples! ; 2° Que chacun de ces peuples avait deux suffrages ?. Quels étaient ces douze peuples? Voici les trois listes données par les auteurs anciens. L Taœÿra (rà &0vn) ñv dwdena. (Théopompe, frag. 80.) Karnpôunodunr d’ éÿvn dwdexa, Ta peréyovra Toù ispoÿ. ( Esch. De Fals. leg. éd. Didot, p. 83.) 2? Aÿo Ÿn@ous ÉxaoTov Qéper Edvos. (Esch. loc. cit.) — 160 — ESCHINE. THÉGPOMPE. FR. 80. PAUSANIAS. 1. Thessaliens. Joniens. Ioniens. 2. Béotiens. Doriens. Dolopes. 3. Doriens. Perrhèbes. Thessaliens. A. loniens. Béotiens. Ænianes. 9. Perrhèbes. Magnètes. Magnètes. 6. Magnètes. Achéens. Méliens. © 7. Locriens. Phthiotes. Phthiotes. 8. OEiéens. Méliens. Doriens. 9. Phthiotes. Dolopes. Phocidiens. 10. Maliens. Ænianes. Locriens. 11. Phocidiens. Delphiens. E2e NOR. 9 Phocidiens. Une seule liste paraît complète, celle de Théopompe; mais, en réalité, c’est la plus inexacte. D'abord elle n'est connue que par la citation de faiseurs de lexiques. Les erreurs, qu'il faille les attribuer à l’historien ou plutôt aux compilateurs qui l'ont cité, y sont évidentes : division des Achéens Phthiotes en deux peuples, omission des Thessaliens et des Locriens, qui faisaient notoirement partie de l'assemblée; introduction des Delphiens, dont la pré- sence est discutable. — Pausanias ne nomme que dix peuples; mais peut-être est-il facile de compléter la liste par l'addition des Béotiens et des OEtéens. Pour les premiers, il n’y a pas besoin de preuve; quant aux OEtéens, ils faisaient partie de l'amphictyomie, puisque, après la guerre sacrée, ils pouvaient proposer dans l’as- semblée de mettre à mort toute la jeunesse phocidienne !. — Il imporle de tenir un grand compte de la liste d'Eschine, qui avait été trois fois pylagore et qui connaissait à fond tout ce qui touchait à l’amphictyonie. Il n’y a que onze peuples au lieu de douze dans sa liste. Les noms ne manquent pas pour la compléter, car Pau- sanias donne les Ænianes et les Dolopes, et Théopompe les Del- phiens de plus. Mais on aurait ainsi quatorze peuples au lieu de douze. On sait, il est vrai, que ces tribus primitives s'étaient sub- divisées, et, en même temps, les deux voix dont elles disposaient. Mais quels sont les peuples qu'il faut exclure ou réunir à d’autres? La difficulté ne porte, il est vrai, que sur les Delphiens et les petites peuplades thessaliennes:; mais elle n’est pas moins réelle. ! Esch. De Fals. legat. éd. Didot, p. 88. — 161 — Cette difficulté a beaucoup diminué depuis la découverte d'une nouvelle inscription de Delphes qui donne une liste des hiérom- némons, comprenant dix-sept peuples et vingt-quatre suffrages. D'après ce document, M. Wescher dresse ainsi qu'il suit la liste des peuples!. 1. AcÀ@oi. 7. Âyuoi-Dhidrou. 2. Oecoaot. | 8. Moucis-Oiraïos. 3. Doxets. 9. Ieppuboi-Acores. = oi x Uesoroyynaou. 10. Moyvnres. DUREE | oi x Mnrporodews. 11. Afvâves. 5 foves.… | À Onvator. 19 À ui Ÿrouvnuidior. j Eÿfouets. Écréprou. 6. Bowroi. Est-ce là la liste définitive des peuples amphictyoniques? Oui, sans aucun doute, pour l’époque romaine, avant la réforme d’Au- guste; mais il faut, je crois, y introduire quelques modifications pour l’époque de l'indépendance hellénique. Les Delphiens, qui occupent ici le premier rang, n'ont pas eu dès le commence- ment deux suffrages dans l'assemblée; et voici quelles raisons me portent à le supposer : 1° Is ne sont pas nommés dans les deux listes d'Eschine et de Pausanias. Ces listes sont incomplètes, il est vrai, mais ne se- rait-il pas surprenant que l’omission, dans toutes les deux, eüt porté sur le même peuple? Est-il probable qu’en parlant de l’am- phictyonie de Delphes, tous deux aient oublié le nom des Del- phiens, qui se présentait naturellement? Théopompe les nomme. Mais nous ne connaissons ce passage que par des citations d’au- teurs bien postérieurs, qui avaient besoin de douze peuples; pour arriver à ce chiffre, ils ont dédoublé les Achéens Phthiotes: ils auront ajouté, sans plus de critique, le nom des Delphiens, qui, à une certaine époque, eurent deux suffrages dans l'assemblée. 2° En ajoutant les Delphiens, il faudrait admettre chez Eschine une erreur beaucoup plus grande qu'une omission , due peut-être à la négligence des copistes. Que le nom des Ænianes ait disparu, qu’au lieu des Perrhèbes et des Dolopes, ayant chacun un suffrage, l'auteur n'ait mis qu'un seul nom, comme pour les autres peuples, rien de surprenant; mais, pour faire place aux Delphiens, il fau- drait réunir les OEtéens aux Maliens. Or Eschine les désigne ! Bulletin de l'Institut archéologique de Rome, 1865 , p. 18. MISS. SCIENT. — 1j1. 1 <— HI comme deux peuples distincts, dont chacun avait deux suffrages; s’il fallait les réunir et ne leur laisser que deux voix au lieu de quatre, il y aurait là une faute grave, peu vraisemblable chez un homme aussi versé dans toutes les affaires de l’amphictyonie. 3° Nous avons vu, d’après les traditions et le nom des membres de l'assemblée, qu'elle fut formée en Thessalie avant l’établisse- ment des tribus helléniques dans la Grèce. Or, à cette époque, les Delphiens n’existaient pas, ou du moins n'avaient pas assez d'importance pour obtenir deux suffrages. Strabon même nous apprend que les Delphiens firent partie de la ligne des Phocidiens jusqu'au moment où les Lacédémoniens leur donnèrent lindé- pendance, c’est-à-dire après les guerres Médiques. Les Delphiens, à cette époque, ne pouvaient donc pas avoir deux suffrages, puis- qu’ils ne formaient pas même un peuple. Les premiers monu- ments où ils paraissent comme membres de l'assemblée sont con- temporains de la puissance de la ligue étolienne. Voilà pourquoi je ne puis admettre les Delphiens dans la liste primitive des peuples amphictyoniques; voici comment on peut la composer, en conciliant les différentes listes et en les complé- tant l’une par l’autre : 1. Thessaliens. Le 7. Maliens. 2, Phocidiens. 8. OEtéens. ; . ( de la Doride. 9. Perrhèbes et Dolopes. 3. Doriens... : ; £ | du Péloponèse. 10. Magnètes. UE d'Athènes. il. Ænianes. ; rt d'Eubée ou d'Ionie. ; Hypocnémidiens. tn 12. Locriens. 7e 5. Béotiens. Hespériens ou Ozoles. 6. Achéens Phthiotes. s Le principe qui avait présidé à la répartition des suffrages était l'égalité de droits!, {oovouiæ; chaque peuple, quelle que fût son importance, avait deux voix, do yàp Ÿn@ous @éper É0vos. Dans l'origine, ces peuples étaient de même force et de même impor- tance; il était donc naturel de leur donner une part égale dans l'association. Mais quelques-unes de ces tribus, les Ioniens et les Doriens, prirent un accroissement extraordinaire; elles se subdivisèrent en plusieurs peuples. Le nombre des voix n'étant pas augmenté, il fallut les partager. Les villes eurent donc tantôt un suffrage entier, tantôt une moitié ou même une part plus petite l Eschine, De Fals. leg. p. 83. — 163 — de suffrage : Kai Ÿ%@or éxdoîn æéder doùvar, Th pêv xaÿ aûrTr, Th Où ue étépas À perd æervwr !. Par exemple, les loniens avaient deux suffrages : l’un appartenait à la ville d'Athènes, l'autre aux loniens d'Eubée et d'Asie Mineure. De même pour les Doriens : Lacédémone possédait l’une des deux voix, la seconde ap- partenait aux autres villes de la Doride?. Pour Athènes et Sparte, il n’y a pas de difficulté; chacune de ces villes disposait à elle seule d’un suffrage tout entier. Mais comment faisaient les colo- nies pour le suffrage qui leur était attribué en commun? Chacune avait-elle une fraction de suffrage et envoyait-elle à l'assemblée un député qui avait non pas un vote, mais un quart ou un cin- quième de vote? Ou bien ces villes commençaient-elles par se réunir pour nommer un député qui disposait du suffrage entier? Ou encore chacune d'elles en jouissait-elle à tour de rôle? Nous ne savons pas quelle était la combinaison adoptée. En tout cas, c'était un mécanisme assez compliqué. et nous verrons plus loin comment cette organisation fut la cause la plus réelle de l’im- puissance des amphictyons. Hiéromnémons. — Pylagores. Il est plus difficile de se rendre compte des fonctions des diffé- rents membres de l'assemblée. En tête des deux décrets conservés par Démosthène*, il y a ÉdoËe TOis ævhayépois x TOs œuvédpos TOY Âu@Qunruévor HO TO HOIVG TOY ÂuQuurubver. Lebas # a rap- porté neuf décrets des Amphictyons; nous en avons trouvé deux nouveaux où la formule est différente : ÉdoËe roïs iepouvpoos simplement, ou ÉdoËe rois iepounuoa nai Toïs dyopdrpous. Il est donc évident que le conseil des Amphictyons était composé de membres portant des noms différents et pRaieenR revêtus de fonctions différentes. Écartons tout d’abord rù xovèv Tôv Âp@ux- Tuôvær des deux décrets de Démosthène rendus dans une cir- constance extraordinaire et par une assemblée extraordinaire; nous en reparlerons tout à l'heure. Restent les hiéromnémons, les sypèdres des Amphictyons, les agoratres et les pylagores. Ce n'étaient pas quatre sortes de dépu- 1 Strabon, IX, 111. ? Eschine, De Fals. leg. p. 83. # Demosth. Pro Corona, p. 279. 4 Lebas, n° 833-3492. — Inser. Delph. n° à et 2. — 164 — tés, mais des noms différents pour les mêmes membres de l'as: semblée. Eschine ! parlant des membres de la même assemblée que Démosthène, les appelle pylagores et hiéromnémons; donc oÿ- vedpor Tv AuQrxruôvær n'est qu'un synonyme de iepourmuoves. C'est ce que confirme la scholie de Libanius sur le pe d'Es- chine : Oi ne ou ééyero à meumôpevos oûvedpos els Tos Âu@r- xrÜovas Ürèp Tñs mohews. L'identité du radical (äyopd) montre que les œulayépæ et les dyoparpoi étaient le même nom, avec une légère différence dans la composition. Quelles étaient les fonctions des hiéromnémons et des pyla- gores ? Il n’y a pas de définition précise dans les auteurs anciens, mais on peut y suppléer d’après ce passage d’Eschine : « Sous l’ar- chontat de Théophraste, Diognète d’Anaphistos étant hiéromné- mon, vous avez choisi pour pylagores Midias, Thrasyclès de Les- bos, et moi pour le troisième?.» Ainsi Athènes envoyait quatre députés à l'assemblée; cependant nous savons qu’à cette époque elle ne disposait que d’une seule voix; cette voix ne pouvait appar- tenir qu'à l’hiéromnémon. Cette supposition devient encore plus probable, si l’on considère l’autre nom qu’on donnait aux hiérom- némons, © ouvedpos, celui qui a un siége dans l'assemblée, et par suite un vote. Le scholiaste de Démosthène l’attribue for- mellement à l’hiéromnémon : Tods icpopvipovas- OÙ GEUTO- HEvOr Es TÔ TO À pQurrubver GuvÉdpLo, cs xÜpiot TO rio. C’é- taient donc eux seuls qui disposaient des votes; ils étaient à vie, tandis que les pylagores étaient élus. L'hiéromnémon est propre- ment celui qui est chargé des choses sacrées ÿ; 1l avait la préséance sur le pylagore, les jours consacrés au dieu; c’étaient les hiérom- némons, membres permanents de l'assemblée, qui étaient chargés de présenter à la réunion suivante le décret pour la punition des Amphissiens #, coupables d’avoir envahi la plaine sacrée; ce sont encore eux qui poursuivent l'exécution de l'arrêt porté contre les Spartiates et les Phocidiens5. Dans les inscriptions ayant trait aux affaires religieuses, ils sont les seuls nommés ©. 1 Eschine, Advers. Ctesiph. p. 117 et sq. 2 Id. ibid. p. 117. # Scholiast. d’Aristophane, Nuées, v. 624. * Eschine, Advers. Ctesiph. p. 119. 5 Diodore de Sicile, XVI; Corpus Inscriptionum, n° 1688. 5 Parmi les siéges réservés qu’on a retrouvés dans le théâtre de Bacchus, l'un portait cette inscription éepour#uovos; rien de semblable pour les pylagores. — 165 — Qu'étaient-ce que les pylagores? On peut le voir par leur nom même et par le rôle que joue Eschine dans l'assemblée. Leur nom signifie les orateurs de l'assemblée de Pylæa ou simplement les orateurs, œvhaydpat ÿ dyoparpor. Tel est, en effet, le rôle d'Eschine. L’hiéromnémon athénien, prévenu des projets des Locriens d’Am- phissa contre Athènes, le fait venir et le charge de plaider devant l'assemblée la cause de la ville. Les hiéromnémons étaient le tribunal chargé de décider la cause; car Démosthène dit qu'Es- chine persuada aux hiéromnémons, hommes peu faits à l’élo- quence et ne prévoyant pas l'avenir, de porter un décret!. Si les pylagores avaient eu aussi le droit de voter, pourquoi ne les au- rait-1l pas nommés avec les hiéromnémons. De tous ces passages, on peut, je crois, tirer cette conclusion : l'assemblée tout entière était désignée sous le nom d'assemblée amphictyonique. Elle était composée de deux sortes de députés : 1° les hiéromnémons, partie permanente de l'assemblée, membres en possession d’un siége et d’un suffrage, défenseurs des choses sacrées et décidant par leur vote. Chacun des peuples de la con- fédération avait deux voix; en tout vingt-quatre. 2° Les pylagores, orateurs politiques, dont le nombre ne semble pas fixé; ils sont nommés par une ville pour défendre ses intérêts devant l’assem- blée; ils n'ont pas de suffrage, mais seulement l'autorité que leur donnent leur éloquence, la sagesse de leurs conseils et l'importance de la ville qui les envoie. Peut-être, dans les affaires politiques, étaient-ils investis du droit de suffrage. Les décrets de l'assemblée rendus au nom des hiéromnémons et des pylàgores sont gravés sur le marbre ou sur l’airain et proclamés par le héraut sacré. Telle était l'assemblée ordinaire, le conseil (œuvédpuo»). Mais, dans les cas fort graves, elle pouvait convoquer une assemblée extraordinaire (éxx\noia) ou, comme l'appelle Démosthène, 70 xouwèdr Tv AuQrxruéver. « On appelle éxx\nata, dit Eschine, l’as- semblée où l’on convoque non-seulement les pylagores et les hié- romnémons, mais encore ceux qui font des sacrifices et qui con- sultent le dieu. » Cette assemblée extraordinaire, composée de tous les Grecs qui se trouvaient alors à Delphes, pouvait aussi délibé- rer et rendre des décrets. ! Démosthène, Pro Corona, p. 277. — 166 — Attributions. Quelles étaient les attributions du conseil amphictyonique ? Strabon ! dit qu'il se forma pour délibérer sur les intérêts com- muns et pour avoir en commun l'intendance du temple; car il y avait de grandes richesses et de nombreuses offrandes qui avaient besoin d’être gardées soigneusement; plus loin, il dit qu'Acrisios organisa le jugement des Amphictyons pour les querelles que les villes ontientre elles. L'assemblée paraît ainsi chargée de régler les intérêts politiques et religieux, et je crois qu’elle eut à l’ori- gine ce double caractère. Les tribus helléniques, lorsqu'elles étaient encore autour de l'OEta, formèrent naturellement une con- fédération pour régler aussi leurs intérêts communs; les tribus qui la composaient à cette époque, égales en force et en puissance, pouvaient accepter les décisions d’un conseil où toutes étaient également représentées. En fut-11 de même dans la suite, quand le nombre des sutfrages ne correspondit plus à l'importance de chaque peuple? Ce nom de conseil commun des Grecs conservé à, l'assemblée amphictyonique fut-1l un simple souvenir de l'antique assemblée, ou montre-t-1l qu'en réalité elle décida des affaires communes de la Grèce? C’est ce que nous apprendra l’examen du rôle qu’elle a joué jusqu’à la fin des guerres médiques. | Les renseignements les plus complets sur ses attributions se trouvent dans Eschine, qui avait été trois fois pylagore et qui nous à transmis l'analyse de quelques-uns des documents origi- naux. «Je passai en revue, depuis le commencement, la fonda- tion du temple, la première assemblée des Amphictyons; je lus leurs serments, par lesquels nos ancêtres s’engageaient à ne dé- truire aucune des villes amphictyoniques, à n’intercepter les eaux potables ni dans la guerre, ni dans la paix; et si quelque peuple transgressait ces obligations, à marcher contre lui et à détruire ses villes: et, si quelqu'un pille les richesses du dieu, est complice ou auteur d’un projet de pillage contre les biens du temple, à le poursuivre avec le pied, la main, la voix, de toute leur force. Au serment était jointe une imprécation terrible ?. » Dans ce serment primitif, il y a deux parties bien distinctes : 1 Strabon, IX, tu. ? Eschine, De Fals. ley. p. 83. — 167 — la première contient une sorte de droit hellénique, destiné à adoucir les rigueurs de la guerre entre nations de même origine. Ce droit commun fut toujours proclamé et reconnu en principe, mais rarement respecté dans la réalité. La seconde partie est relative à la protection du temple et des richesses sacrées; là l'autorité des Amphictyons fut souveraine et régla jusqu'aux plus petits détails; nous en pouvons juger par les documents originaux qui nous sont parvenus. Le sanctuaire d'Apollon et les jeux Pythiens n’appartenaient pas à la cité de Delphes, mais à la Grèce tout entière. Les Amphictyons, conseil commun des Hellènes, étaient chargés de décider toutes les ques- tions qui s'y rapportaient et d'en surveiller l'exécution. L’inten- dance des jeux Pythiens avait passé entre leurs mains après la ruine de Cirrha; le soin en était spécialement confié aux hié- romnémons, chargés de proclamer et de faire respecter la trêve sacrée | qui précédait ces jeux, et d'assurer à chaque cité le libre accès du sanctuaire. Chaque hiéromnémon devait veiller, pour sa part, à l'entretien de la route et des ponts que devait traverser la théorie. La fête devait se célébrer au mois Bouxdrios (août- septembre), mais l'assemblée devait se réunir au mois Büouos (février-mars) pour en régler les détails; par exemple, les sacri- _fices à faire à Anemuia, les dépenses de la pompe sacrée, dont nous connaissons même quelques articles : Td duméyovov (proba- blement de Minerve), 150 stat. d'Égine ; la couronne, 100 stat. le bouclier, 200 stat. l’aigrette, 15 stat. le taureau d'honneur (ra TOÙ (Boôs Toù npwos), 100 stat. On voit donc que leur autorité des- cendait jusqu'aux plus petits détails. La présidence des jeux leur appartenait naturellement; ils décernaient un siége au premier rang (æposdpla) pour récompenser des services éclatants; ils rem- plissaient les mêmes fonctions que les hellanodices aux jeux olym- piques ?; ils inscrivaient les combattants et mäintenaient l’ordre parmi les spectateurs, pouvaient les exclure s'ils n'étaient pas légi- times et nés de parents libres; leurs surveillants maintenaient l'ordre parmi les spectäteurs; le héraut sacré proclamait les vain- queurs; aussi les jeux Pythiens sont-ils souvent appelés les jeux des Amphictyons. ! Corpus Inseriptionum , n° 1688. ? Philostrate, De la gymnastique, ch. xxY. — 168 — L'administration des biens du temple leur était confiée !. Quand il fallut reconstruire le temple de Delphes, détruit par un incen- die, les Amphictyons furent chargés de fixer la somme à dépenser (300 talents) et d'en répartir le payement entre les différentes cités de la Grèce. Ils adjugèrent cette entreprise aux Alcméonides, mais en fournissant un plan dans lequel ils spécifiaient les di- mensions de l'édifice et la qualité des matériaux. De tout temps l'architecte du temple fut sous leurs ordres, et reçut d’eux la ré- compense de ses services?. Les autres édifices publics de Delphes, comme le gymnase, les ateliers, étaient de même sous leur direc- tion; ils avaient à surveiller les temples, l'aire sacrée, l'hippo- drome et la source située dans la plaine. Mais la plaine sacrée était le principal objet de leur surveil- lance *. D'après l’oracle du dieu, le territoire des Cirrhéens et des Acragallides avait été consacré à Apollon, Latone, Artémis et Mi- nerve Pronæa, et ne devait pas être mis en culture. Cette obli- gation était longuement rappelée dans le serment des hiéromné- mons. Chaque année ils devaient parcourir la plaine sacrée; ceux qui l'avaient cultivée étaient mis à l’amende de 30 stat. d'Égine par plèthre *; près de la mer, on ne pouvait construire aucune maison, mais seulement des abris temporaires destinés aux pèle- rins, et pour lesquels on ne devait exiger aucune redevance. Par suite, les hiéromnémons avaient été chargés de fixer les limites du territoire de Delphes; ils l'avaient fait certainement à l’ouest pour les Amphissiens, et à l’est pour les habitants d’Anticirrha. Ces délimitations remontaient à une époque très-ancienne, car les gouverneurs romains, chargés de les tracer de nouveau, suivaient les décrets des hiéromnémons gravés dans le temple, mais en \ : 1 M. Wescher, d'après une inscription découverte à Delphes depuis nos fouilles, et qui n’est pas encore publiée, distingue trois sources de richesse pour le temple : 1° le trésor, appelé Snoavpds; 2° le rapport des troupeaux, rüv Spe- udrw» æpdcodos; 3° l'argent monnayé, yp#uara, provenant des redevances payées par les fermiers des terres appartenant au dieu. (Revue Archéologique , mars 1865, bulletin de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.) I faut y ajouter les redevances des maisons louées à des particuliers. Deux fragments d'inscriptions (Corp. Inscript. n° 1689, 1690) contiennent des listes de maisons et de terres affermées par le temple. ? Lebas, n° 840; Inscr. Delph. n° 1. * Eschine, Advers. Ctesiph. p. 118. # Corpus Inscriptionum , n° 1688. — 169 — ajoutant que, sur plusieurs points, leur antiquité empéchait de retrouver les points indiqués. Quelle était la sanction de cette autorité? Par quels moyens les Amphictyons faisaient-ils respecter leurs décisions sur les jeux Pythiques et les terres du temple. La première peine prononcée était l'amende; si elle n'était pas payée, l'exclusion du temple. Ceux qui cultivaient la plaine sacrée tombaient sous le coup d'une imprécation terrible. « Si quelqu'un viole cette défense, ou ville, ou simple particulier, ou peuple, qu’il soit dévoué à Apollon, Diane, Latone et Minerve Pronæa; que leur terre ne porte pas de fruits; que leurs femmes ne donnent pas le jour à des enfants semblables à leurs parents, mais à des monstres : que leurs trou- peaux ne se multiplient pas selon l’ordre de la nature; qu'ils soient vaincus à la guerre, devant les tribunaux, devant le peuple; qu'ils périssent eux et leurs maisons et leur race; qu’ils ne puis- sent sacrifier saintement à Apollon, ni à Diane, ni à Latone, ni à Minerve Pronæa, et que ces divinités n’acceptent pas leurs of- frandes. » C'était une sorte d’excommunication; mais, pour la rendre efficace, il fallait une puissance matérielle. En principe, les Amphictyons avaient le droit de lever une armée, de nommer un général, d'imposer une amende aux peuples qui n'envoyaient pas leurs troupes. Mais comment faire exécuter cette sentence? II fallait que la piété ou la politique leur donnût des alliés puissants, capables de faire exécuter par les armes la décision de l’assem- blée. Elle n'avait pas de puissance par elle-même, et c’est ce qui explique la faiblesse de son action dans les affaires de la Grèce; elle pouvait rendre des sentences, mais non les faire exécuter. Elle avait eu la force de châtier les Mégariens, qui avaient pillé et massacré la théorie envoyée à Delphes?; mais c'était une cité peu considérable, et leur crime avait soulevé l’indignation géné- rale. Dans la guerre contre Cirrha, ce fut l'autorité de Solon et d'Athènes qui assura le succès. Les habitants de Cirrha vexaient les pèlerins qui venaient de Sicile et d'Italie #; nul n'avait intérêt à les défendre. Athènes se déclara contre Cirrha, et l'on put trou- ver des troupes; cependant il fallut encore un long siège pour en ! Eschine, Aders. Ctesiph. p. 117. ? Plutarque, Quest. gr. * Plutarque, Solon; Eschine, Advers. Ctesiph. p. 116. — 170 — venir à bout. La punition fut terrible, comme la vengeance des faibles, qui, une fois par hasard, se trouvent les plus forts; les habitants furent réduits en esclavage, la ville fut détruite, le port comblé, le territoire consacré aux dieux: l’oracle couvrit toutes ces cruautés de l'autorité divine. Cette guerre pouvait être appe- lée une guerre sacrée; c'était au nom du dieu qu’on avait attaqué les Cirrhéens; c’étaient les réponses du dieu qui avaient dirigé la guerre, et c'est lui qui profita de la victoire. Mais l'impuissance du conseil amphictyonique éclatait dans son triomphe même ; sans la piété de Solon, ou tout autre motif qui le décida à intervenir, que seraient devenus ses décrets? Les Cirrhéens auraient continué à les braver. Cette nécessité de recourir à un protecteur puissant devait, tôt ou tard, faire servir cette assemblée aux projets des ambitieux et fournir des prétextes spécieux à leur convoitise. Nulle part l’impuissance du conseil amphictyonique ne se montre mieux que dans les guerres médiques. S'il avait été de fait, et non pas seulement de nom, le conseil de la Grèce, n’était-ce pas le moment de le réunir, quand la Grèce entière était menacée par l'invasion des Perses? Il pouvait être le conseil politique aussi bien que le conseil religieux. L'assemblée du Panionium !, fondée en Asie Mineure sur le modèle de l’assemblée amphictyonique et composée comme elle de douze peuples, se réunissait à l'approche des Perses; elle décrétait de détruire les remparts de Milet, de ne pas combattre sur terre, mais de porter toutes ses forces sur mer, et ses décrets étaient exécutés. Mais, en Grèce, on ne songea pas à réunir l'assemblée amphictyonique. Par la manière dont elle était composée, les Perses y auraient eu près de dix-huit voix contre les six dont disposaient les peuples décidés à défendre leur liberté. Aussi dès qu'il s’agit, non plus de questions relatives au temple, à ses biens ou aux jeux Pythiens, mais de l'existence même de la Grèce, les villes qui avaient les meilleurs sentiments envoyèrent des députés à l’isthme de Corinthe. C'était là la véri- table assemblée de la Grèce, parce qu’elle avait la force, et ce fut elle qui décida le plan de campagne contre l'invasion. Pendant toute cette guerre, en quoi consista le rôle des Amphictyons? À mettre à prix la tête du traître Éphialte, qui avait indiqué aux Perses un sentier pour tourner les Thermopyles; à décerner une l Hérodote, VI, vur. = #98 statue au plongeur Scyllis, qui avait prévenu les Grecs de l’at- taque de la flotte perse; à faire graver les inscriptions sur la tombe de Léonidas et des héros tombés aux Thermopyles; à rece- voir l'accusation des Platéens contre l’orgueilleuse inscription de Pausanias !. Leur impuissance éclate dans cette guerre, et la cause en est facile à voir : c'est cette égalité de suffrage que vante Eschine. « J’énumérai les douze peuples..... je montrai que chacun avait un suffrage égal, le plus grand comme le plus petit, que le dé- puté de Dorium ou de Cytinium a une puissance égale à celui des Lacédémoniens, car chaque peuple a deux suffrages; que, pour les loniens, le député d'Érétrie, de Priène, est aussi puissant que celui des Athéniens, et de même pour les autres?. » Il est im- possible de mieux faire ressortir le vice d’une telle assemblée et son impuissance. Il est évident que ni les Spartiates ni les Athé- niens ne pouvaient accepter les décisions d’un conseil où ils n'a- vaient qu'une voix, tandis que douze suffrages appartenaient aux petits peuples de Thessalie. Aussi, après la victoire comme pen- dant le combat, on n'eut pas recours aux Amphictyons; ce fut l'assemblée de Platées, composée des vainqueurs, qui décida la continuation de la guerre, le nombre de vaisseaux et de soldats que chaque peuple aurait à fournir. Le vice de l'assemblée était si évident qu’il ne pouvait échapper à personne, non plus que le remède. Les Lacédémoniens propo- sèrent d’exclure les peuples qui avaient pris parti pour les Mèdes, et de donner leurs voix à ceux qui avaient combattu pour l'indé- pendance$. C'était le meilleur moyen de réorganiser le conseil et de lui donner la force qui lui manquait, en le composant de peuples capables de faire exécuter ses arrêts. Quelles auraient été les conséquences de cette mesure, si elle avait été adoptée? Elle aurait peut-être changé la face de la Grèce; on peut le pré- sumer par le parti que les Athéniens surent tirer du conseil des alliés; grâce à lui, ils purent établir, sur une partie de la Grèce et des îles, une domination étendue et solide, qui ne fut renversée que par des entreprises insensées et des fautes répétées. Il en au- rait probablement été de même pour l'assemblée amphictyonique, 1 Hérodote, VIT, cLxxIT, CGxIII, GCXX VITE. ? Eschine, De Fals. legat. p. 83. * Plutarque, Theémuistocle. — 172 — réorganisée au moment où les Lacédémoniens tenaient le prenuer rang dans la Grèce, et où leur influence aurait dominé. Mais les Grecs ne se souciaient pas de soumettre leur liberté municipale aux décisions d’un conseil commun; ils virent bien que ce serait pour Lacédémone un instrument de domination, et Thémistocle n'eut pas de peine à leur persuader de rejeter cette proposition. Pendant quelques années, le conseil des alliés se réunit encore pour continuer la guerre contre les Perses; il se tint d’abord à Sparte, puis à Athènes; là se décidèrent en réalité les affaires de la Grèce. Quant à l'assemblée amphictyonique, elle resta dans la nullité politique d’où la proposition de Lacédémone aurait pu la tirer; elle conserva ce qu’on lui laissait, l'administration finan- cière et la surveillance du sanctuaire de Delphes. C'était le seul rôle que son organisation lui permettait de jouer; et, quand elle voulut en sortir et décréter la guerre, elle ne servit qu'à amener l'asservissement de la Grèce. Dès cette époque, le conseil des Am- phictyons méritait le nom que lui donna plus tard Démosthène : l'ombre qui est a Delphes. CHAPITRE IV. THÉORIES. — JEUX PYTHIENS. — DELPHIENS. Les fêtes tenaient une grande place dans la vie des Grecs; Platon ! en attribuait la fondation aux dieux mêmes, qui, touchés de compassion pour le genre humain, condamné par sa nature au travail, nous ont ménagé des intervalles de repos dans la suc- cession régulière des fêtes instituées en leur honneur. Nous avons perdu les livres spéciaux écrits sur ce sujet et qui nous auraient fait connaître en détail les fêtes qui se succédaient dans la cité sainte. Essayons du moins de donner une idée de la fête principale, qui portait le nom d’Apollon Pythien, et qui réu- nissait la Grèce tout entière pour représenter devant elle le com- bat du dieu contre le serpent Python et célébrer sa victoire. C'était vraiment la fête nationale de la Grèce et la seule qui eût ce caractère. Tous les Grecs étaient conviés aux solennités de l’Isthme et d’Olympie, mais la surveillance et la direction en ap- L Pots, LE: — 173 — partenaient aux Corinthiens et aux Éléens. Au contraire, la fête d’Apollon avait bientôt cessé d’appartenir aux habitants de Del- phes, et, depuis la ruine de Cirrha, elle était confiée aux soins du conseil commun de la Grèce, l'assemblée des Amphictyons. Nous avons vu, en parlant de ses attributions, comment ils avaient mission de fixer l'époque, de proclamer et de faire respecter la trêve d’un an, de veiller à l'envoi des théories, de tout préparer pour la célébration des fêtes, de fixer chacune des dépenses, etc. La célébration de la fête d’Apollon, dans le principe, ne revenait que chaque neuvième année !. Ce chiffre paraissait avoir quelque chose de divin, et il jouait un très-grand rôle dans la légende d’Apollon et dans les cérémonies qui en perpétuaient la mémoire. Latone avait éprouvé pendant neuf jours et neuf nuits les dou- leurs de lenfantement. Le dieu lui-même avait été contraint de servir Admète pendant une grande année, qui comprenait huit années ordinaires et se terminait à la neuvième ?. Chaque neuvième année, Apollon se rendait dans le pays des Hyperboréens 5. Ce n’est pas ici le lieu de chercher à quelle révolution astronomique cor- respondait cette période; il suffit de constater que les Grecs la regardaient comme sacrée et lemployaient à marquer le retour des fêtes d’Apollon, à Thèbes, par exemple, pour la fête des lau- riers“, de même à Sparte, Argos, Sicyone, Messine, Sybaris, Agrigente. Dans cette dernière cité, on dressait neuf tentes où neuf citoyens étaient nourris pendant neuf jours aux frais de l'Etat. En voilà assez pour montrer l'importance que les an- ciens accordaient à ce nombre dans tout ce qui concernait le culte d'Apollon, et par quelle raison, la fête principale du dieu reve- nait chaque neuvième année. | Plus tard, sans doute à l’époque où les Amphictyons prirent la direction des jeux Pythiens, le retour de ces jeux fut fixé à chaque cinquième année. Mais il n’en fut pas de même pour la célébra- tion des pompes et des représentations qui précédaient ces jeux et qui, à proprement parler, constituaient la fête d’Apollon. Du temps de Plutarque, elle n’avait lieu que tous les neuf ans°, et, 1 Censorinus, ch. xv11; Scholiaste de Pindare, Pythiques. 2 Élien, Hist. var. IL, tv. 3 Diodore de Sicile, IT, xLvir. Proclus, ap. Photium, p. 988 ; Plutarque, Agis, ch. 11. * Plutarque, Quest. græc. De def. or. xv. — 174 — dans une inscription athénienne de l’époque romaine, elle est ap- pelée évvaérnpus *. On a longuement et savamment discuté sur le mois et la saison où avaient lieu les jeux Pythiens; on a voulu fixer ce point d’après quelques passages de Thucydide et de Xénophon; mais ils ne pou- vaient fournir de données certaines, car, d’après les mêmes textes, Clinton démontre que c'était en automne, et Bæœckh au printemps. L'inscription amphictyonique qui se trouve au musée du Louvre désigne le mois BouxdTsos pour la célébration des jeux, et le mois Büoios pour la réunion des hiéromnémons chargés de prendre les mesures nécessaires. Une des nouvelles inscriptions delphiques porte, après la mention de l’archonte, pyvds Bouxariou, Ilubéous, ce qui s'accorde avec l'inscription précédente et prouve que les jeux pythiques étaient célébrés au mois Bouxar:os. Mais à quel mois correspondait-1l? Les analogies de noms avec les mois athé- niens, qui seules pouvaient guider, étaient trompeuses et ne pou- vaient fournir de résultats décisifs. Les nouvelles inscriptions trouvées à Delphes m'ont permis de fixer le calendrier delphien; Bovxdrios appartient au premier semestre et correspond à la fin d'août et au commencement de septembre; Büozos est dans le second, et correspond à la fin de février et au commencement de mars. Les hiéromnémons se réunissaient donc au printemps à Del- phes pour régler les détails de la fête, et la fête elle-même se célébrait au commencement de septembre. La trêve sacrée durait un an, depuis le mois Bysios d’une année jusqu’à celui de l’année suivante, pour donner aux peuples qui y assistaient le temps de se préparer, de se rendre aux fêtes et d’en revenir. Cette explication s'accorde avec tous les passages cités de part et d'autre. Ainsi Xénophon dit que la Cadmée fut surprise pen- dant l'été, et Diodore ajoute que ce fut pendant la célébration des jeux pythiens?. Plutarque rapporte qu'Agésilas, blessé à la bataille de Coronée, avait été transporté à Delphes, où il avait assisté à la célébration des jeux, conduit la pompe sacrée et offert au dieu la dime du butin $. Une éclipse de soleil avait signalé cette bataille, ce qui a permis aux astronomes d’en fixer la date au 14 août 392; ! Société archéologique, 1855, n° 67. ? Xénophon, Hellenica, V,11, 29. Diodore de Sicile, XV, xx. * Plutarque, Agésilas, xvr1-x1x. — 175 — les jeux pythiens se célébraient quelques jours après. Il n'est donc pas nécessaire de supposer, comme on l’a fait, qu'Agésilas attendit au printemps suivant et passa dans les montagnes un hiver rigou- reux, ou bien qu'il fit célébrer d’autres jeux. Enfin le mois de septembre me semble bien mieux convenir que le printemps à la célébration des jeux. J’ai passé à Delphes les deux saisons, et je n’hésiterais pas à me prononcer en faveur même du mois d'août. La chaleur y est forte; mais du moins on peut compter sur un ciel pur jusqu’à la fin de septembre; les pluies commencent déjà en octobre, les jours baissent, on ne ” pouvait donc reculer jusqu'à ce moment. Aux mois d’avril et de mai, la belle saison ne s'établit pas à Delphes sans de brusques variations et des pluies torrentielles; on passe sans transition d’une chaleur très-forte à un froid rigoureux; l’époque aurait été mal choisie pour une fête qui devait durer plusieurs jours, et pour laquelle les théories avaient une longue route à parcourir. Tout se réunit donc pour prouver que les jeux pythiens se célébraient à la fin d’août et au commencement de septembre. J'ai insisté un peu longuement sur ce point de détail, parce qu'il avait été l’objet de controverses assez vives et que des documents nouveaux pouvaient seuls terminer; je l'ai fait surtout, parce que les jeux pythiens peuvent servir à fixer la date de plusieurs évé- nements de l’histoire grecque et notamment du célèbre débat ora- toire de Démosthène et d’'Eschine pour la Couronne. Théories. La Grèce tout entière prenait part à cette fète d’Apollon , et de toutes les contrées partaient des théories qui venaient, au nom de la république, offrir les sacrifices transmis par les ancêtres, as- sister aux solemnités de la fête et porter au dieu les prémices !, Ce nom de théorie était réservée à ces ambassades sacrées, et de vils adulateurs pouvaient’ seuls proposer de le donner aux dépu- tations envoyées à Antigone et Démétrius. Les auteurs anciens ont fait mention des théories du Pélopo- nèse, de Béotie, de Chio, mais celle d'Athènes est la seule sur laquelle il nous reste quelques détails. Nous avons vu plus haut 1 Hésychius, @ewpoi; Scholiaste d’Aristophane, Paix, v. 542; Plutarque, Dé- mosthène , x. — 176 — que le culte d’Apollon n'était pas moins en honneur chez les loniens de l’Attique que chez les Doriens du Péloponèse; les tra- ditions et la poésie en faisaient le père d’Ion, et, par conséquent, l’auteur de leur race. Deux temples à Athènes, un grand nombre dans les dèmes, prouvent combien son culte était répandu. Aussi la théorie que l’on envoyait à Delphes ([ufras) ne devait le céder à aucune autre, et les témoignages parvenus jusqu’à nous confir- ment cette supposition. Le plus important est une liste de citoyens qui ont payé les prémices que la théorie doit porter au dieu!. L’offrande des pré- mices remonte à la plus haute antiquité; c’est un sentiment na- turel à l’homme d'apporter la première part de ses biens au dieu dont il les tient. Dans l’origine, ces dons étaient faits en nature, mais on avait du arriver bien vite à fixer une contribution régu- lière en argent. C’est ce que nous voyons à Athènes. Un citoyen nommé par le vote {xeyesporoynuévos) était chargé de recueillir l'argent des prémices (érapyar) que la théorie allait porter au dieu de Delphes tous les neuf ans. L'inscription qui rapporte ce détail nous donne aussi par année la liste de ceux qui ont contribué. En tête, le stratége militaire, oTparnyôs émt ra ômha, puis l’archonte roi, le polémarque, les thesmothètes, le héraut de l’aréopage, les prêtres, le banquier et l’intendant de Délos, les présidents des jeux; pas de particuliers, mais seule- ment des fonctionnaires civils ou religieux; les honneurs qu'ils ont obtenus les ont rendus débiteurs du dieu qui les a favorisés. C'est la dignité qui semble fixer la somme à payer, car elle est la même pour tous les archontes, et un certain Midias, à la fois agonothète des Panathénées et des jeux de Délos, intendant et banquier de la banque publique de Délos, paye séparément pour ! Soc. Arch. 1855, n° 67. L'inscription est de l’époque romaine puisqu'on y trouve un prêtre de Rome à Délos; mais ce n’est pas une innovation , c’est la con- tinuation d’un usage ancien dont il est déjà fait mention dans Philochoros. Tüs mporns évyaernpidos a embarrassé. Celui qui a publié l'inscription suppose que les Athéniens furent réduits par la détresse des finances publiques à ‘adresser aux particuliers, et que cette période de neuf années fut la première où l’on eut recours à des contributions volontaires. Supposition tout à fait gratuite. Le cha- pitre de Plutarque fournit une explication plus simple. Les Delphiens célèbrent de suite trois fêtes appelées évvaernpis , la seconde est en l'honneur de Bacchus, la troisième est propre à la ville de Delphes. {Plut. Quest. græc.) La première seule regarde Apollon, et c’est celle qui est ici désignée par æp@rn évyaernpis. — 177 — chacune de ces quatre charges. Les sommes varient de 250 à 500 drachmes et forment un total de 4o,ooo drachmes environ. Por- tait-on cet argent à Delphes ou l’'employait-on à acheter des vic- times, à consacrer une offrande? Il n’y a rien sur ce sujet, mais on ne l’appliquait pas aux dépenses de la théorie, car le scholiaste d’Aristophane nous apprend qu'elles étaient à la charge du trésor public 1. Le récit de Plutarque montre quel soin et quel éclat les Athé- niens donnaient à la théorie de Délos ?. Celle de Delphes n'était pas moins brillante, si l’on en juge par une lettre des Delphiens qui célèbre la magnificence de la théorie athénienne, digne du dieu et de la république ÿ. Son chef était toujours un des premiers de la cité, et sa charge n'était ni moins difficile, ni moins glo- rieuse que la direction d’une armée. C'était en effet une véritable armée, au moins par le nombre, et il s'agissait de vaincre, par ‘éclat et la bonne ordonnance, les députations des cités rivales. Des sénateurs et les thesmothètes, envoyés par la république pour rehausser l'éclat de la cérémonie, sont les seuls magis- trats dont la présence soit attestée par un texte précis*; mais n'est-il pas probable que les autres, au moins ceux qui payaient les prémices, en faisaient partie? La prêtresse de Minerve mar- chait au premier rang dans cette fête; la beauté et la bonne tenue de la procession pouvaient lui valoir de la part des Delphiens des éloges publics, une couronne de laurier et des priviléges pour elle et ses descendants®. À sa suite s’avançaient les prêtres et les pré- tresses des autres dieux, puis venaient sans doute des chœurs nombreux de jeunes garçons et de jeunes filles, les joueurs de flûte, les corporations religieuses, les artistes Dionysiaques ou compagnons du thiase; les Thyades athéniennes qui allaient se joindre aux femmes de Delphes pour célébrer la fête de Bacchus, qui suivait immédiatement celle d’Apollon. Qu'on ajouté un grand nombre de pèlerins attirés par la piété ou la curiosité, la tourbe des marchands (&yopaios ÉyAos), nécessaires à tout ce monde 5; - ! Scholiaste d'Aristophane, Oiseaux, v. 1541, ? Plutarque, Micias. * Lebas, n° 372. * Démosthèue, De Fuls. leg. 380. # Lebas, n° 372. 5 Dion, xxvu. MISS. SCIENT, — 11. ° 2 = 0 = qu'on se représente cette foule de chars, d'hommes, de femmes, d'enfants campant tous les soirs, pendant une marche de plu- sieurs jours, et l’on comprendra que ce n'était pas une petite af- faire, ni une faible gloire pour l'archithéore d'amener en bon ordre cette longue procession jusqu’à Delphes. Aussi avait-il fallu établir une police sévère, dont nous pouvons nous faire une idée par l'inscription récemment trouvée à Andanie; elle est relative aux mystères de cette ville, mais je crois qu’elle n’a rien d’excep- tionnel et que, dans toutes les autres fêtes, il devait y avoir quelque chose d'analogue. La minutie des règlements semble une preuve de la facilité avec laquelle les abus devaient s’introduire dans cette foule si nombreuse et si diverse; on s'étonne de voir régler par un décret des détails de toilette pour lesquels la société mo- derne s’en remet au bon goût et au sentiment des convenances. Rien n’est oublié, n1 la coiffure, n1 la chaussure, n1 les vêtements, dont on détermine le prix, la couleur, la forme, la matière; dé- fense aux femmes de porter des vêtements transparents; pas de broderies, pas d’ornements d’or, toutes mesures excellentes pour maintenir la pureté et la simplicité convenables dans une céré- monie religieuse. Mais se serait-on avisé de les prendre; si de graves désordres ne les avaient rendues nécessaires? L’exclusion des cérémonies, l'amende, ne parurent pas suffire; on jugeait né- cessaire la création d’un magistrat spécialement chargé de sur- veiller les femmes (yuvaxovôuos). Ce ne devait pas être le moins occupé, car on mettait à ses ordres des huissiers armés de verges (uaolryoGépor) chargés de maintenir plus efficacement la disci- pline. Cette police pouvait être nécessaire; mais que penser d'une piété placée sous la baguette des huissiers? Au reste, c'est un des caractères de la piété antique de donner plus à l'apparence et à l'extérieur qu'aux dispositions intérieures de l'âme. Tout était bien, quand les sacrifices d'usage avaient été accomplis, quand toutes les formalités avaient été minutieuse- ment observées. | Pour cette pompe solennelle, qui ne partait que tous les neuf ans et dont la rareté rehaussait encore l'importance, les Athé- niens ne croyaient pas pouvoir mettre trop de soins à s'assurer de la volonté divine. I n’appartenait pas à l’homme de fixer le moment du départ; c'était la divinité elle-même qui donnait le signal en faisant briller l'éclair sur un des pics du Parnès, appelé — 179 — l’'Harma?. Le soin de l’observer était réservé aux membres d’une ancienne famille désignée par un oracle. Établis près de l'autel de Jupiter qui lance la foudre, les Pythaïstes restaient en observa- tion trois jours et trois nuits pendant trois mois, les yeux fixés sur le Parnès, attendant que, des nuages amoncelés sur la mon- tagne, jaillit l'éclair qui annonçait le moment favorable. Dès que le dieu avait donné le signal du départ, nouveaux sacrifices au temple d’Apollon Pythien à OEnoëé; chaque jour le devin cherchait à lire sa volonté dans les entrailles des victimes. Alors seulement la procession sortait d'Athènes par la porte sacrée; après avoir traversé le bois sacré, elle disparaissait dans le défilé mystique et suivait la route autrefois suivie par le dieu lui-même ?. La voie sacrée traversait la Béotie et la Phocide, C'était vraiment une voie sacrée, car les légendes et les temples y étaient nombreux : à Daphné, un temple d’Apollon, un autre dans la plaine de Thria; en mémoire de Thésée *, qui avait purgé la route des brigands qui l'infestaient, les Athéniens étaient armés de haches; à Panopé, les femmes athéniennes, réunies à celles de la Phocide, dansaient en l'honneur de Bacchus; là aussi autrefois l’impie Tityos était tombé sous les coups d’Apollon; à la Zy1011 rpéodos , le souvenir du meurtre de Laius rappelait vivement la vérité et l'infaillibilité des oracles du dieu; à Daulis, on commençait à gravir les pentes du Parnasse jusqu'à Anemoreia , d’où l’on apercevait pour la pre- mière fois la ville sainte et le temple d’Apollon *, De là la proces- sion descendait en se déroulant lentement le long de la montagne, et, après les purifications d'usage, pénétrait enfin dans la cité sainte. Des sacrifices pompeux étaient offerts par les députés des 1 Strabon, IX, 11, 113 Philoch. fr, 158. ? L'autel de Zets À oTparaños était situé sur le mur de la ville, entre le temple de Jupiter Olympien et celui d'Apollon Pythien. Ce point n'a pas été fixé dans les topographies d'Athènes; il est cependant facile de le déterminer. Les colonnes corinthiennes, encore debout, montrent l'emplacement du temple® de Jupiter; une inscription prouve que le'temple d’Apollon, voisin du Lycée, a été remplacé par l’église russe de Saint-Lycomède. Cet emplacement s'accorde avec le texte de Strabon. En partant des colonnes de Jupiter et en se dirigeant par le boulevard vers le palais, on dépasse le rocher de l’Acropole et l'on découvre la chaîne du Parnès, dont les lignes se détachent nettement à l'horizon. Le pic qui domine Philé et dont parle, Strabon a une ressemblance vague avec un char : c'était assez pour lui donner ce nom. 3 Hérodote, IV, xxix. ñ Esch. Eum. v. 13, et schol. — 180 — villes; une seule théorie immolait jusqu’à une hécatombe; les cités se disputaient l'honneur d'offrir le plus beau taureau qu'on appe- lait le chef, le héros, ÿyeucv, fows. Les préparatifs de Jason et les victimes qu'il commanda à ses sujets, quand il voulut présider les jeux pythiens, donnent une idée de la somptuosité de ces of- frandes. Fête du Zrer7npror. À Thèbes, une procession symbolique rappelait les forces na- turelles qui faisaient le fond de la religion d’Apollon. Y avait-il à Delphes quelque cérémonie semblable? On peut le supposer, mais sans qu'aucun témoignage permette de l’affirmer. Nous ne connaissons que la fête du Zrexnp:ov, ou le drame du dragon, qui prit naissance dans les temps les plus anciens et qui dura jus- qu'à l’époque de saint Cyrille. Ce drame sacré, qui a quelque analogie avec les mystères du moyen âge, représentait devant la foule la légende d’Apollon, son combat avec Python, sa fuite à Tempé et sa purification !. Tous les huit ans on dressait dans l'aire du temple une tente qui représentait la tente du tyran Python?; les Delphiens y péné- traient en silence par la porte appelée Dolonia, conduits par un enfant qui avait encore son père et sa mère; ils renversent la table, mettent le feu à la tente et s’enfuient par les portes du temple. C'était la première partie du drame, le combat du dieu. appelé par les Delphiens contre le tyran, la surprise et la mort de ce dernier. La seconde partie avait lieu loin de Delphes*. Comme le dieu avait expié le meurtre paï un exil volontaire dans la vallée de Tempé, l'enfant qui avait pénétré dans la tente de- vait prendre la fuite et aller en Thessalie, Tempé était le sanc- tuaire le plus ancien du dieu; un temple (Pythium) s'élevait sur le sommet de l’'Olympe; sur les bords du Pénée croissait le laurier qui fournissait les palmes aux vainqueurs des jeux. La victoire du dieu était célébrée par des chants et des danses. Le nom du Pæan rappelait le cri des Delphiens (Ze, Isa») exhor- tant le dieu à percer Python de ses flèches “; de là aussi le nom ! Plutarque, Quest. grec. ? Id. De Def. or. xv; Éphore, cité par Strabon, IX, ru. 3 Élien, Hist. var. 4 Strabon, IX, 1. — 181 — de pæan donné au chant qu’entonnaient les armées qui en venaient aux mains. Dans la fête primitive des Delphiens!,. il n'y avait qu'un combat de citharèdes qui chantaient un pæan en l'honneur du dieu. On conservait le nom des premiers vainqueurs, Chry- sothémis, Philammon, Thamyris; Tynnichus avait composé des pæans avec lesquels Eschyle refusait d'entrer en lutte?. Il répon- dait aux Delphiens que Tynnichus avait composé les plus beaux; que les siens seraient comme les statues modernes, qui ont plus d'art, mais semblent moins divines que les anciennes. Le Del- phien Philammon avait chanté dans ses vers la naissance de La- tone, de Diane et d’Apollon, et donné les règles du chant et de la cithare; le premier il avait institué les chœurs des jeunes filles autour de l'autel. Télle était la fête primitive d’Apollon; des théo- ries, un drame sacré, des chants, des danses et un combat de musiciens. La chute de Cirrha amena un changement considérable dans l'organisation des jeux pythiens; la présidence passa des Delphiens aux Amphictyons et le nombre des combats fut augmenté; ils ces- sèrent d’être les jeux d’une ville pour devenir les jeux nationaux de la Grèce. Ce grand changement eut lieu pendant la troisième année de la cinquante-huitième olympiade, et de là datèrent les Pythiades. Les jeux primitifs avaient consisté dans une lutte de citharèdes, tandis que ceux d'Olympie avaient commencé par des luttes d’athlètes; aussi avait-on eu raison de leur donner Hercule pour fondateur. Au contraire, les jeux consacrés au dieu des Muses devaient être naturellement des combats de musique. C'était à l'origine leur caractère distinctif, qui s’est peu à peu effacé par le temps et par le désir de rivaliser avec les jeux d'Olympie. Ces jeux se composaient de trois parties bien distinctes, et ils se célébraient dans trois endroits différents. 1° Aywy ouoixés avait lieu dans le théâtre construit près du temple d’Apollon et dans l'enceinte sacrée; la cithare avec chant, la flûte et la cithare seules, tels furent pendant longtemps les seuls combats. Plutarque * est le premier qui fasse mention des com- bats de tragédie, et, la porte une fois ouverte, on laissa pénétrer } Pausanias, X, vir, 2. ? Porphyre, IE, xvur. * Plutarque, De Mus. ni et v. Phérée, fr. 63. # Plutarque, Symp. V, 11. — 182 — la foule des autres combats, où l’on s’adressait aux oreilles, sans doute les concours de comédiens, de tragédiens, de rapsodes, de joueurs de trompette, de cithare légère, de chœurs comiques et tragiques, de poëtes comiques, épiques, satiriques, tels que les pré- sentent plusieurs inscriptions de cette époque dans d’autres villes de la Grèce!. Mais je crois qu’il faut descendre encore plus bas et arriver à la décadence même de l'empire pour placer le combat d’éloges où triompha Julianus de Smyrne, éyxmoypd@os?. 2° Les combats gymniques et équestres ne furent qu’une imi- tation des jeux Olympiques, et jamais ils ne purent atteindre à leur splendeur. Les combats gymniques étaient doubles; les mêmes exercices avaient lieu pour les enfants et pour les hommes. I me semble qu’il y a quelque chose de répugnant dans ces com- bats d'enfants; passe encore pour la course; mais je m'étonne que les Grecs aient pu prendre plaisir à les voir se meurtrir et se bles- ser aux luttes violentes du pancrace et du pugilat. Le stade placé dans la partie la plus élevée de la ville, en dehors du sanctuaire (Lakkoma), servait pour ces combats. 3° Les jeux équestres étaient encore plus éloignés; il fallait descendre dans la plaine. La rocheuse Pytho n’offrait pas un em- placement convenable, et le dieu lui-même, qui s'était éloigné de la fontaine Tilphousa pour ne pas être troublé par le bruit des chevaux, avait ainsi témoigné de l’aversion pour ces courses tumultueuses. Pour les Grecs, au contraire, elles avaient le plus vif attrait; institués les derniers, les jeux équestres allèrent tou- jours en se développant : c'étaient les jeux des riches et des puis- sants; le premier vainqueur avait été le tyran de Sicyone; plus tard, ce furent un roi de Cyrène, un membre de la famille des Alcméonides. Pindare n’a célébré que les vainqueurs dans ces jeux. La raison en est toute simple, ceux-là seulement qui pou- vaient entretenir des attelages étaient assez riches pour payer les chants de triomphe du poëte lyrique. L’éclat de ces courses, la noblesse des concurrents, devaient encore augmenter la faveur que les Grecs leur témoignaient. La description même de ces jeux avait des charmes assez forts pour séduire un poëte comme 1 Pour les changements apportés successivement dans les différents exer- cices, je ne pourrais que reproduire les détails donnés par Pausanias (X , vit) ct Strabon (IX, nr); il vaut donc mieux renvoyer à leur récit. 2 Anser. Delph. n° 469. — 183 — Sophocle, qui l'insérait dans le récit de la mort d'Oreste, et les Athéniens, qui écoutaient avec plaisir ce brillant hors-d’œuvre. L'intendance de ces jeux appartenait aux Amphictyons; des surveillants choisis parmi les hiéromnémons recevaient le nom des combattants, qui devaient se faire inscrire d'avance, et dési- gnaient le vainqueur, proclamé ensuite par le héraut !. Aux pre- miers jeux, les prix étaient des récompenses; mais, dès la seconde Pythiade, ce fut une couronne de laurier, de l'arbre consacré au dieu, et dont un rameau était porté de la vallée de Tempé. La police était faite par des huissiers à verge?, et, s’il faut en croire Lucien, elle se faisait assez brutalement, comme dans tous les temps. Au reste, la sévérité était nécessaire pour maintenir l’ordre dans cette foule réunie de tous les points du monde hellénique, et qui séjournait pendant la durée assez longue de ces fêtes. La ville de Delphes n'était pas assez grande pour recevoir des hôtes aussi nombreux ; des tentes étaient dressées au faubourg de Pylæa et dans la plaine; quelques-unes étaient réservées pour les théores et les magistrats chargés de la surveillance des jeux. Les besoins d’une foule aussi grande attiraient, à la suite des dévots et des curieux, des soepes de marchands, et la fête d’Apollon Pythien donna naissance à un marché, comme les grandes foires qui se tenaient au moyen âge dans les lieux de di ii agi Les Delphiens. Venons maintenant à la ville de Delphes elle-même. Nous sa- vons peu de chose de sa constitution à cette époque; les inscrip- tions qui pourraient nous éclairer sur ce point appartiennent à la période macédonienne. Il est probable que l'aristocratie y do- minait et que le pouvoir était aux mains de quelques familles, les unes originaires de Crète, d’où Apollon lui-même les avait ame- nées pour servir ses autels; les autres de Thrace, berceau de sa religion, comme la famille des Thracides massacrée par les Phoci- diens; les prétendus descendants de Deucalion qui composent le collége à vie des cinq Hosüi, dont on ne peut que soupçonner l’in- fluence. Des luttes intestines, des guerres civiles ensanglantèrent 1 Plutarque , Symp. NH: Vs. 2 Pausanias, X, vni; Lucien, Adu. Ind, 1x. “ — 184 — la cité. Aristote et Plutarque parlent d’une querelle de famille qui produisit une grande révolution !. Argilaos, fils de Phalès, devait épouser la fille de Cratès; le trépied se brisa pendant les. libations. Ce mauvais présage décida le jeune homme à rompre le mariage. Le père de la fiancée se vengea en mettant un vase sacré dans les bagagés de son ennemi, et le fit condamner comme sacrilèége; puis, aidé de ses partisans, il mit à mort plusieurs des amis d’Argilaos, réfugiés en suppliants dans le temple de Minerve. À son tour, Cratès et ses partisans furent mis à mort par les Del- phiens, et leurs richesses, consacrées aux dieux, servirent à cons- truire deux temples. Cette sévère punition ne rétablit pas la paix, car Aristote dit que cette première querelle fut l’origine de toutes les séditions qui suivirent. Quel fut le but, quel fut le résultat de ces luttes intestines? Nous l’ignorons. Mais cette lutte même et sa cause peuvent nous donner quelque idée de la situation intérieure de Delphes. Le pouvoir appartenait à quelques familles, dont les membres ou les partisans étaient en lutte; la conclusion ou la rupture d’un mariage apaisait ou faisait naître la guerre civile. À Athènes, il en était de même pour les Pisistratides et les Alcméo- nides; l'alliance de Pisistrate avec la fille de Mégaclès le rétablis- sait dans la ville; un outrage fait à sa femme le forçait à en sortir. En général, dans tous les États où une alliance entre deux fa- milles fait naître la paix ou la guerre, c’est le signe presque cer- tain de l'existence d’une aristocratie puissante et qui ne reconnaît d'autre autorité qu’elle-même. Ce Cobon, qui acheta la Pythie? et la décida à répondre comme le désirait Cléomène, et qu'Héro- dote appelle le plus puissant des Delphiens, était sans doute un de ces chefs de l'aristocratie qui voulait s'assurer, par un service signalé, l'appui du roi de Sparte. I en est de même sans doute de Timon, l’un des citoyens les plus considérables de Delphes, qui persuada aux Athéniens, découragés par l’oracle, de faire de nouvelles instances auprès du dieu. Delphes fut l'asile de la fa- mille aristocratique des Alcméonides chassée d'Athènes; c’est dans cette ville qu'ils s’assurèrent, par leur libéralité, l'appui des Del- phiens et du dieu, dont les réponses devaient préparer leur re- tour. Ce penchant vers l'aristocratie, et la communauté de race, ! Fragments des historiens grecs, frag. 145. 2? Hérodote, VI, Lxvr, — 185 — expliquent la faveur de Delphes et de l’'oracle pour Sparte dans sa lutte contre Athènes. Le caractère des habitants est tout à fait original; il a reçu un cachet particulier de leur genre de vie et des lieux qu'ils habi- tent. En général, les cités grecques furent fondées, ou dans une forte position militaire, ou dans le voisinage de la mer, ou dans de riches plaines; la guerre, le commerce ou l’agriculture furent la cause de leur prospérité. I n’en fut pas de même de la pier- -reuse Pytho; son sol aride ne suffirait pas maintenant à nourrir les deux cents familles de Castri, si les habitants ne trouvaient des ressources dans les vignes d’Arachova, les oliviers et les champs de la plaine, et les pàaturages du Parnasse. Le sol était le même dans l'antiquité, et la population, beaucoup plus considérable, à en juger par les ruines de la ville. La dime des hommes, envoyée à Delphes par les Crétois, par les Eubéens de Chalcis, n'avait pu vivre dans la cité et avait dû fonder des colonies au dehors. Les premiers colons amenés par le dieu même avaient été frappés de cette pauvreté; ils durent gémir en quittant la riche plaine de Chrysso pour gravir l'abrupt sentier qui mène à Delphes. Arrivés dans cet amphithéätre de rochers, ils n'étaient plus sensibles à l'honneur que leur faisait le dieu de les choisir pour interprètes des volontés de Jupiter. « Leur cœur, dit Homère, se soulevait dans leur poitrine, et leur chef adressa ces paroles au dieu : Ô roi, puisque tu nous as emmenés loin de nos amis et de notre terre natale, comment vivrons-nous maintenant? Nous voudrions l’apprendre de toi, car cette terre n’a, pour plaire, ni vignes ni belles prairies...» Apollon, fils de Jupiter, leur répondit en sou- riant : « Hommes qui n'êtes que des enfants, malheureux, vous qui désirez les soucis, les durs travaux et la peine, je vous dirai une simple parole et je vous la mettrai dans l'esprit : chacun, un couteau à la main droite, égorgera sans cesse les victimes que vous amèneront sans cesse les tribus des hommes !. » . Le dieu tint ses promesses; grâce au sanctuaire, les Delphiens purent se nourrir grassement et ne rien faire. Le Delphien, selon les poëtes comiques, a une couronne sur la tête et un couteau à la main?. C’étaient des fêtes incessantes dont nous ne connaissons 1 Hymne à Apollon, v. 525. 2 Athénée, IV, Lxx1v. 008: qu'un petit nombre; outre la grande fête, qui revenait chaque neuvième année, il y avait les fêtes annuelles sur le tombeau de Néoptolème, qui amenaient une riche théorie de Thessalie; celles de Charila, relatives aux mystères dé Bacchus ! et à une vieïlle lé- sende de Delphes; la fête des Théophanies ou des Théoxénies (d'où vient le nom du mois OeoËérsos), pour laquelle servait le orand cratère d'argent donné par Crésus? et qui contenait six cents amphores; les sacrifices aux vents, qui avaient détruit une partie de la flotte perse; des fêtes en l'honneur d'Hercule, men- tionnées pour la première fois dans nos inscriptions $. Le soin de conduire les étrangers dans le sanctuaire, de leur raconter les fables et les oracles, de leur redire la leçon convenue avec plus ou moins de savoir et d'intelligence était une industrie non moins fructueuse; d’autres vivaient en gravant sur la pierre ou sur le marbre les traités et les conventions des villes grecques qu’on exposait à Delphes, ou les ventes d'esclaves consacrés au dieu. Tout ce peuple vivait des étrangers; la seule industrie qu'on connût était celle des couteaux de sacrifice. Quant aux arts et aux lettres, les Delphiens n’y songèrent pas, à moins qu'on ne regarde comme œuvre de littérature quelques guides du sanctuaire ou quelques recueils de mémoires. Pour les arts, ils laissaient aux autres villes le soin de produire des chefs- d'œuvre et de les consacrer à Delphes; voulurent-ils construire leur temple, il leur fallut appeler un architecte corinthien, puis, pour le décorer, des artistes athéniens; s'agit-il d’une simple statue d'athlète, ils eurent besoin de recourir à un sculpteur d'Égine. Au 1r siècle, dans les listes d'acteurs ou de musiciens qui ont figuré aux jeux Zwrypua, il n’y a pas un seul artiste del- phien #. Les Delphiens acceptaient les présents de toutes mains, des tyrans comme des républiques. Lucien a imaginé, dans un de ses dialogues, de faire offrir par Phalaris son fameux taureau d’ai- rain; je crois quils l’auraient accepté, comme ils avaient accepté l'offrande de Rhodopis. Le discours de Phalaris et la réponse ne sont qu'une juste raillerie de l’avidité des Delphiens. Au reste, ! Plutarque, Quest. græc. * Hérodote, ?, zr. # Inscr. Delph. n° 8. à Toul n° 3, 4,5, 6. — 187 — les dons ne leur manquaient pas!. Crésus fit distribuer à chaque citoyen deux statères, et les Delphiens lui décernèrent le droit de consulter le premier l'oracle, et aux Lydiens le privilége de partager les droits des habitants de la cité sainte. Mais malheur à celui qui trompait leur attente ou qui blessait leur vanité : la fable des bâtons flottants coûta la vie à Ésope. L’incendie du temple fut pour eux une cruelle épreuve ?; c’é- taient eux surtout qui profitaient du temple, ils devaient donc supporter la plus grande partie des charges; les Amphictyons les imposèrent au quart de la dépense (75 talents). Ils se firent men- diants. Errant à travers les villes, ils recueillaient les dons, et ce ne fut pas d'Égypte qu'ils tirèrent le moins, car Amasis leur donna _ mille talents de oux1npéæ, et les autres Grecs établis en Égypte, vingt mines. Tout réussit au gré de leurs désirs. La protection du dieu, et non leur courage, les sauva de l'invasion des Perses; Cirrha, qui s'enrichissait à leurs dépens des tributs de lTtalie et de la Si- cile, fut accusée d’impiété et ruinée à leur profit par les mains de la Grèce; les Amphictyons leur firent sans doute bonne part en réglant leurs frontières avec les Amphissiens , et leur donnèrent la meilleure partie de cette riche plaine qu'ils convoitaient. Un der- nier soubait leur restait à former : il fut accompli. Ils repoussaient avec horreur le nom de Phocidiens; ils avaient la prétention d’être indépendants; les Lacédémoniens les séparèrent de la ligue pho- cidienne, et les limites de leur territoire furent fixées à Anemo- reia, ce qui leur laissait les riches vignobles de ces coteaux. Telle fut l’histoire de ce petit peuple, dont la figure se détache avec originalité; peuple parasite, rapace, cruel et mendiant, sans courage et sans grandeur, il étendit son territoire aux dépens de ses voisins et s'enrichit des dons de tout le monde. Incapable de produire une statue, il eut dans ses murs les plus beaux chefs- d'œuvre de la Grèce, les offrandes les plus riches en or et en ar- gent, le sanctuaire le plus révéré et l'un des plus magnifiques, un théâtre remarquable, une Lesché décorée par Polygnote. Sans puissance militaire, sans importance politique, il fut le centre religieux de la Grèce; il en serait devenu le centre politique, si l Hérodote, E, r1v. DAT, CEXTX. — 188 — l'unité avait été possible. Rien ne lui a manqué, sinon d’être grand par lui-même. Son existence, ses richesses, sa renommée, il a tout dû au sanctuaire d’Apollon. De grandes choses se sont passées à Delphes, mais le peuple de cette ville n’y a été pour rien. CHAPITRE V. DU TRAITÉ DE CIMON À LA CONQUÊTE MACÉDONIENNE. La décadence de l’oracle commence aussitôt après les guerres médiques et le lendemain du traité de Cimon. En apparence, rien n’est changé; et, en parcourant le sanctuaire de Delphes, en voyant ces offrandes envoyées de tous les points de la Grèce, on croirait que tous les États venaient encore demander à l’oracle la règle de leur conduite. Chaque victoire est suivie d’une offrande; Lysandre consacre en une seule fois un groupe de trente-sept sta- tues après la victoire d’Ægos-Potamos; les Athéniens construisent un portique orné de boucliers d’airain et des éperons de galères enlevés à l'ennemi! ; les Potidéates, les Acanthiens, les Syracu- sains élèvent des trésors; les Thébains ne négligent pas de rap- peler ainsi leur victoire de Leuctres; Agésilas, revenant d'Asie, consacre au dieu cent talents, dime de ses victoires sur les bar- bares. Mais il ne faudrait point juger par là de la puissance de l'oracle. Il voit ses honneurs croître et tomber son crédit. Cette piété est plus extérieure que réelle ; ces statues, ces trésors sont moins un hommage envers le dieu qu'un trophée élevé à la gloire de la nation victorieuse; ce ne sont plus les dépouikles des barbares, mais un monument des guerres civiles; on s'occupe moins de remercier Apollon du triomphe que d'y graver la liste des peuples vaincus. Le groupe des alliés est surtout composé à la gloire du vainqueur d’Ægos-Potamos dont la statue brille au premier rang. Et que dire de cette statue de Phryné, faite en commun aux frais de ses amants, exécutée par l’un d’eux et placée devant le temple? Les hommes célèbres, les rois, Philopæmen, Alexandre, y avaient aussi leurs statues. Je ne trouve rien de moins propre que tous ces dons à prouver et à inspirer la piété. L'oracle ne cherche ni à faire prévaloir une religion plus pure, L'Pausanias, X. — 189 — ni à proclamer un principe plus élevé; il semble même avoir re- noncé à se mêler aux affaires politiques. Il se borne à réglemen- ter le culte dans les plus petits détails. Là son autorité est re- connue en principe et dans les faits, à l'époque de Périclès comme à celle de Démosthène. C'est au temps de la guerre du Pélopo- nèse que les Athéniens, sur l’ordre de l’oracle, font la purifica- tion de l'ile de Délos. Si l’on veut se faire une idée de la minutie avec laquelle ces détails sont réglés, on peut voir les oracles que . rapporte Démosthène!, ou un oracle du mêmé genre retrouvé à Athènes sur une stèle?. Ce pouvoir allait même plus loin et pou- vait dans certains cas trancher les questions judiciaires. La répu- blique eut un jour à décider si une colline voisine d'Orope et cultivée par des particuliers était leur propriété légitime ou appar- tenait au dieu. Au lieu d’une enquête et de preuves matérielles, on envoya un citoyen consulter loracle d’'Amphiaraus; d’après un songe qu'il en rapporta, ces terres furent rendues au temple. Les propriétaires dépouillés essayèrent de se venger en accusant le songeur d’avoir altéré la révélation; l’accusateur et le défenseur, Hypéride, proposent tous deux de décider la question en consul- tant l’oracle de Delphes, et cette proposition, qui nous parait un peu singulière, est acceptée comme un moyen sérieux par les deux parties et par les juges. Les philosophes eux-mêmes, et Platon à leur tête, reconnaissaient à Apollon un pouvoir souverain pour ré- gler tout ce qui touchait au culte. « C’est à Apollon Delphien de faire les plus grandes, les plus belles lois, celles qui concernent la manière de construire les temples, les sacrifices, le culte des dieux, des génies, des héros, les funérailles et les cérémonies qui servent à apaiser les mânes des morts... Le dieu de Delphes est en effet l'interprète naturel en pareille matière *. » De ce côté, l'autorité de l’oracle demeura incontestée et con- sacrée par le consentement commun des politiques comme des philosophes. Tant que la religion n’était pas abolie, il devait en être ainsi. L'’oracle d'Apollon n’était pas le seul consulté, mais c'était à lui qu'on s’adressait dans la plupart des cas et en dernier recours. Au reste, son autorité n'avait rien de gênant; le dieu se contente de répondre sur les cas pour lesquels on l'interroge, 1 Demosthène, Ade. Midiam, Adv. Macartatum. ? Rangabé, Antiq. hellén. * Platon, République, IV. = 100 = à tracer les détails les plus menus, mais ne cherche pas à faire prévaloir une nouvelle forme de culte, à mettre l'unité dans la religion. Il recommande au contraire de sacrifier selon les cou- tumes anciennes, et se borne à ajouter quelques nouveaux rites qui doivent en ranimer l'efficacité. Cette autorité souveraine sur le culte était bien le moins qu’on püt lui laisser; en pareiïlle ma- tière les dieux seuls pouvaient apprendre aux hommes ce qui leur était-agréable. Pour les affaires politiques, nous avons vu quelle autorité tous les États de la Grèce avaient reconnue à l’oracle; on l'avait con- sulté avant, pendant et après la grande lutte contre les Perses, et ses réponses avaient influé sur les décisions des peuples et des chefs, et même sur le plan de campagne. À l’époque de la guerre du Péloponèse, entre nations qui avaient la même religion et qui regardaient Apollon comme le dieu commun de la Grèce, qui lui consacraient des offrandes après chaque victoire, il semble que l’oracle fût appelé à jouer un rôle encore plus grand, à exer- cer une autorité plus souveraine. C’est cependant tout le contraire qui arrive; il y a à cette époque une révolution morale dont les historiens ne parlent pas, parce qu’elle ne se traduit pas par des faits matériels, mais qui n’est pas moins importante que les guerres et les traités. Hérodote est le dernier représentant de la foi sincère et géné- rale qui prévalait au temps des guerres médiques; elle règne dans tous ses récits, comme elle a régné sur les hommes dont il raconte les actions. Mais déjà, vers la fin de sa vie, commençait à s'élever un sourd murmure d’incrédulité. Il semble avoir voulu y répondre par une sorte de profession de foi, qu'il place après la bataille de Salamine, et qui est comme une réfutation des doutes qu'il entendait autour de lui dans la jeune génération. « Je ne peux pas, dit-il, contester la vérité des oracles, ne voulant pas m'’efforcer de les calomnier, quand ils parlent aussi clairement. » Et, après avoir cité les paroles de Bacis, il ajoute : « Pour moi, après un langage si clair, je n’ose pas contredire les oracles et je ne le permets pas aux autres. » Ces autres, ce sont sans doute les jeunes gens élevés à la nouvelle école, et il prétend leur imposer silence. Thucydide est le représentant de cette génération nou- velle qui n’admet que l’autorité de la raison. Il parle bien de quelques anciens oracles, il consent à les répéter comme des lé- — 191 — gendes convenues et qu'il faut bien laisser aux siècles passés. Mais quand on lui parle pour le présent d’oracles et de prédictions, quand on veut y voir l'annonce des malheurs arrivés à son épo- que, il ne peut s'empêcher de sourire. La peste terrible qui ra- vagea Athènes! rappela un ancien oracle qui conseillait aux Athé- niens de ne pas se renfermer dans le mur des Pélasges, et les menaçait d'un fléau, la peste ou la famine (omés ou Auôs). La maladie montra que c'était la peste; et Thucydide ajoute que, s’il survient une autre guerre avec les Doriens et une famine, on trou- vera la prédiction dans le même oragle. 11 consent pourtant à re- connaître l’accomplissement d’une prophétie ?. Après avoir montré que la guerre dura réellement vingt-sept ans, il ajoute xaœi rois drd xpnoudv Ti ioxupioauévoss pôvor dn rodro éxupés Éuu£dr; il con- vient que, dès le début de la guerre et jusqu’à la fin, beaucoup de gens annonçaient qu'elle durerait trois fois neuf ans. Mais il si- gnale cette coïncidence plutôtcomme une chose fortuite que comme une preuve de la vérité des oracles. Ces deux passages montrent quelle révolution morale s’est opérée; Hérodote appartient à l'ancienne génération, celle qui finit au moment où Périclès arrive au pouvoir; Thucydide, à la nouvelle; tous deux expriment les opinions de leurs contempo- rains les plus éclairés; l’un a foi dans les dieux, l’autre ne croit qu'en la raison. Cette révolution était née de l’enseignement des sophistes et des philosophes. Parménide avait lu dans un des gymnases d'Athènes un écrit sur les dieux : « Ÿ a-t-il des dieux? N°y a-t-il pas de dieux? Deux raisons m’empêchent de répondre, l'obscurité de la ques- tion et la brièveté de la vie humaine. » Tel était le début, et sans doute la suite ne faisait que développer cette première idée. Le livre fut brülé et Parménide obligé de quitter Athènes; on ne pouvait souffrir une attaque aussi ouverte contre la religion offi- cielle. Mais, en chassant l'homme, on n'avait pas chassé le doute ni l'esprit d'examen; l'étude de la philosophie conduisait forcé- ment à ne plus croire aux dieux du paganisme, bien moins en- core à leurs oracles. L'enseignement de Socrate ne leur portait pas un coup mains funeste, malgré tous les ménagements qu'il gar- ! Thucydide, IF, 11v. + HV, xavr. -.s — 192 — dait. L'oracle l'avait proclamé le plus sage de tous les hommes et Socrate ne montrait pas pour lui moins d’égards; il proclamait da puissance des dieux, exhortait à leur rendre le culte établil; en prenant pour point de départ la fameuse maxime y»@0: oeautô», il se représentait comme un serviteur du dieu. Mais, malgré ses efforts, il détruisait son autorité. Accuser de mensonge les vieilles légendes qui rappelaient les luttes et les crimes des dieux, c'était renverser le polythéisme ; prouver que la sainteté ne dépend pas de la réponse des dieux , mais existe par elle-même, c'était détourner les hommes de consulter les oracles pour la règle de leur conduite, et leur substituer l’autorité de la conscience. Qu'il le voulût ou non, qu'il crût même rester fidèle à l’ancienne religion, la doc- trine de Socrate arrivait nécessairement à détruire la foi dans les divinités du paganisme. Ses ennemis surent bien voir cette consé- quence de sa doctrine et s’en faire une arme pour venger leur vanité blessée et leurs intérêts froissés; ils avaient raison de l’ac- cuser de renverser les dieux de l’État. C’est à la religion officielle que Socrate fut immolé, et par des gens qui, pour la plupart, n'y croyaient plus. Spectacle odieux , mais qui n’est pas rare. L'homme sent si vivement le besoin de s'adresser à des êtres supérieurs, d’avoir une religion, que, même en cessant d'y croire, il en con- serve l'extérieur, et que le culte survit à la foi; et ce culte officiel, il le maintient et le défend avec la plus grande rigueur. La con- damnation de Socrate, pas plus que les cérémonies et les rites minutieusement réglés par l’oracle de Delphes, ne prouve la foi de cette époque. La raïson s'était affranchie, et de l’ancienne reli- gion il ne restait plus que l'extérieur; ni les sages ne la consul- taient plus pour leur conduite, ni les politiques pour la direction des affaires. Au besoin, elle pouvait devenir une arme encore à craindre pour perdre un ennemi; mais on laissait à Aristophane pleine liberté pour railler les dieux. L’oracle de Delphes ne pou- vait pas échapper à ses sarcasmes, qui tombent à la fois sur l'homme qui consulte et sur le dieu qui répond. Philocléon lui demande quand ïl doit mourir?. « Quand tu auras laissé échapper un accusé sans le condamner. » Plaisanterie assez inoffensive, mais celle-ci est plus grave : Chrémyle va demander au dieu si son fils ! Platon, Apoloyre de Socrate. ? Aristophane, Guépes, Plutus. — 195 — ne doit pas se faire coquin pour devenir riche, puisque, en demeu- rant honnête lui-même, il est resté pauvre et malheureux. De pareilles plaisanteries auraient-elles été admises par un peuple qui aurait eu foi dans ses dieux ? Ne nous étonnons donc pas de ne trouver aucune trace de l'in- fluence de l’oracle dans les affaires politiques. La première guerre entre Athènes et Sparte eut pour prétexte l’intendance du temple de Delphes; c'en fut assez pour qu’elle recüt le nom de sacrée. Les Lacédémoniens donnèrent l’intendance aux Delphiens, les Athé- niens la rendirent aux Phocidiens!: chacune des deux villes fit oraver sur le loup d’airain son droit de æpouavrteix. Mais ÿ eut-il là rien de religieux? Qu'est-ce autre chose qu'un premier choc entre les deux États, qui annonce la guerre du Péloponèse ? La religion et l’oracle tiennent peu de place dans cette longue lutte qui déchira le monde hellénique; on ne consulte plus le dieu, mais seulement la politique et la passion. Que l'on compare les discours tenus avant la guerre du Péloponèse à celui qu'Hé- rodote prête à Thémistocle. La situation est également grave ; mais quelle différence dans les raisons alléguées! Thémistocle était peut-être un esprit fort qui ne croyait pas à l’oracle; mais, quand il parlait à ses concitoyens, il était obligé d'accepter son autorité. Aussi, dans son discours, il ne cherche pas à prouver aux Athé- niens qu'il est impossible de défendre la ville contre la nom- breuse armée des Perses, et qu’ils trouveront dans leur marine un refuge plus assuré ; il ne parle que de l'oracle, qui ordonne aux Athéniens de se réfugier derrière des remparts de bois; il s'efforce seulement de démontrer que ce rempart désigne non l’Acropole, mais les vaisseaux; il leur promet la victoire, non pas en faisant le compte de leurs navires, en montrant le courage et l’habileté de leurs marins, mais en s'appuyant sur l’épithète de divine donnée à Salamine, épithète que la Pythie n'aurait certainement pas appliquée à cette île, si elle avait dû être témoin du désastre des Grecs. Périclès, au contraire, n’emploie que des arguments poli- tiques pour décider les Athéniens à la guerre; la jalousie des Spartiates la rend inévitable, il vaut donc mieux prévenir l'en- nemi et s'assurer l'alliance de Corcyre; le bon état des finances, le nombre de leurs troupes, de leurs vaisseaux doivent les em- 1 Plutarque, Périclés. q MISS. SCIENT. — If. 13 — 19% — pêcher de redouter l'issue de la lutte. Les Lacédémoniens, plus for- malistes, avaient consulté l'oracle, sûrs d’ailleurs que la réponse leur serait favorable. Le dieu leur répondit : « qu’en combattant de toutes leurs forces ils triompheraient, et que lui-même viendrait à leur secours, appelé ou non appelé. » C'était un conseil excel- lent et une promesse peu compromettante. Je ne crois pas que cette réponse eût été suffisante pour déterminer les alliés, si d'avance ils n'avaient été résolus à faire la guerre; ils s'étaient mis en règle avec les antiques coutumes en consultant l’oracle. Dans les dis- cours des alliés qui précèdent les hostilités, il n’y a que des raisons purement humaines, l'ambition et l'esprit remuant des Athémiens, la haine des Doriens et des loniens, au fond une jalousie mal ca- chée contre la glorieuse cité dont la grandeur blessait ou effrayait les peuples de la Grèce. De la volonté du dieu et de ses oracles, il en est peu question; on parle de son sanctuaire, maïs pour lui emprunter de l'argent. Les Delphiens étaient les alliés naturels de Sparte, surtout depuis le secours qu'ils en avaient reçu contre les Phocidiens: leur ville fut le rendez-vous de l’armée assemblée dans la Grèce du nord pour enlever Naupacte aux Athéniens. Dans les trêves et les traités, la première place était réservée aux intérêts religieux. La première stipulation de la paix de Nicias est relative au temple de Delphes. To iepô» xai To» vec Tor év AeX@oïs roÿ ÂréXAwvOs na} Aé\Gous aÿrovépous elvas ua aÿroreXeïs xai aûrodixous xai arr aa Tÿs ys ÉQUTOY MAT TÈ TATpua. Selon l'usage qui se perpétua jusqu'aux derniers temps de la Grèce, les traités étaient gravés sur des stèles et exposés dans les sancluaires communs, Olympie, Delphes et l'Isthme. Aïnsi les Delphiens triomphaient; grâce à l'appui de Sparte, ils avaient enfin conquis cette indépendance si ardemment désirée, et rejeté ce nom de Phocidiens, qui leur était odieux. Les intérêts d’Apollon, de son oracle et de son sanctuaire étaient réglés les premiers, comme les intérêts généraux de la Grèce; les trésors, les offrandes s’élevaient dans l'enceinte sacrée. Mais là s’arrétait l'autorité du dieu; de plus en plus on n’écoutait que la voix de la politique ou de la passion; il n’y avait d'autre doctrine que celle de la force. telle que Thucydide l’a exposée dans le dialogue des Athéniens et des Méliens. Les Athéniens surtout se méfiaient MPhucydide, IV, cure Navi — 195 — de l’oracle, trop partial pour leurs rivaux; ils rejetaient avec dé- dain la nouvelle des prodiges arrivés à Delphes, les fruits d'or enlevés à leur palmier par les corbeaux!; et les attribuaient à l'artifice des habitants, qui voulaient détourner le danger prêt à fondre sur Syracuse. Nicias, dévot attardé dans un siècle de libre examen, n'est plus un homme religieux, mais un superstitieux, dont les scrupules devaient perdre l’armée athénienne en Sicile. Ce n’est point par lui qu'il faudrait juger des sentiments et des croyances de son siècle; le silence de l’oracle prouve que l’on ne recourait plus à son autorité pour les grandes affaires de la poli- tique et de la guerre. Ne croyons pas que ce soit Thucydide qui ait prêté à son époque son esprit de libre examen, et que son incrédulité à l'égard des oracles les lui ait fait passer sous silence, même lorsqu'ils avaient eu de l’influence sur ses contemporains. Xénophon, son continua- teur, est un dévot, tout convaincu de la vérité des oracles, et cepen- dant quelle place a-t-il pu leur donner dans son histoire? Aurait- il manqué d’en parler, s'ils avaient été consultés, si l’on avait agi d’après leurs réponses) | Les Lacédémoniens avaient été moins prompts que les Athé- niens à secouer l'autorité de l’oracle. Ils l'avaient consulté avant la guerre du Péloponèse; la même coutume obligea Agésilas à le faire avant de partir pour l’Asie?. Mais il commença par se faire rendre à Dodone une réponse favorable à ses desseins, puis _1l envoya demander à Apollon s’il était de l'avis de son père. — Pour les affaires intérieures, l'autorité qu’on accordait encore à l'oracle en faisait un instrument commode pour les ambitieux; et les principaux citoyens de Delphes cherchaient à se concïlier leurs bonnes grâces en décidant la Pythie à répondre selon leurs désirs. Plistoanax, pour décider les Spartiates à donner à son frère l'autorité royale, qui appartenait à l’autre branche des Héraclides, avait gagné la Pythie, qui répondait aux théores : Auds muubéou omépua x ris d}otpias eis Tv ÉauTdv * ei de un dpyv- péa ethdua ebAdées. Les Spartiates n'avaient plus dans l'oracle la même foi qu'au temps de Cléomène, et sa réponse ne servit qu’à exciter leur colère contre le roi, qui fut obligé de chercher ! Plutarque, Micias. 2? Id. Ages. vi et x. 3 Thucydide, V, x\v1. — 196 — un asile dans un temple. La fraude ne réussit pas mieux aux par- tisans de Léotychidès, qui voulaient exclure Agésilas. L’oracle qui prédisait la ruine de Sparte si un boiïteux montait sur le trône était ingénieusement imaginé et le désignait clairement. Mais Lysandre y trouva une explication à laquelle ses ennemis n’avaient pas songé et la retourna contre eux en montrant qu’un bâtard était ce roi boiteux désigné par le dieu. Malgré le déclin de ce pouvoir, Lysandre comprit qu'on pouvait encore en tirer bon parti, et il noua à Delphes des intrigues que sa mort arrêta. Ainsi les Spartiates avaient conservé la coutume de consulter l'oracle, comme d’avoir des devins à la tête de leurs armées. Mais c'était moins par foi réelle que par cet attachement aux vieux usages qui est propre aux républiques aristocratiques. La facilité de l’oracle à servir les intrigues des ambitieux compromettait son autorité et éveillait la défiance de ses derniers fidèles. Guerres sacrées. Voilà ce qu'était devenu l’oracle de Delphes depuis les guerres médiques; plus d'influence réelle dans les affaires politiques , seule- ment le droit, que nul ne lui contestait, de régler le culte; un grand nom, des hommages et de riches offrandes. Mais ces richesses elles-mêmes étaient un danger; elles excitaient la convoitise, et, pour se protéger, le sanctuaire n’avait plus n1 la religion, qui pré- vient les sacriléges, n1 la force, qui les réprime. C'était une riche proie offerte au premier qui aurait la puissance et l'audace de la saisir. Jason de Thessalie l'essaya. Toute la Grèce trembla en apprenant ses préparatifs et en soupçonnanti ses desseins, masqués sous la prétention de présider les jeux pythiens!. Le dieu consulté déclara qu'il saurait se défendre lui-même; un coup de poignard sauva le sanctuaire, mais pour le moment. Les causes qui avaient fait naître le danger subsistaient toujours. Rien ne pouvait rétablir l'autorité de l’oracle ni le respect dû à son sanctuaire, Les deux guerres, dites -sacrées, entreprises pour défendre les droits du dieu, ne servirent qu'à ruiner la Grèce. Ce nom de guerre sacrée a été pris au sérieux par Éphore et par son crédule compilateur, Diodore; il indique comme la cause ! Xénophon, Hell. ? Diodore, XVI. à =" réelle la juste indignation des Amphictyons contre les Phocidiens, coupables d’usurpation sur les biens du dieu; la fin et le résultat de la guerre furent l’extermination de tous les sacriléges qui s'étaient partagé les richesses sacrées; il termine son récit d'une édifiante manière, en montrant tous les coupables, peuples ou particuliers, hommes ou femmes, poursuivis sans relâche et punis tôt ou tard par la divinité. Mais dans ce récit même on peut saisir la trace des raisons tout humaines qui ont déterminé cette guerre, où la religion n’a été qu’un prétexte. On s'étonne de voir l'autorité que Diodore attribue à ce conseil des Amphictyons; impuissant dans les guerres médiques, muet pendant la lutte d'Athènes et de Sparte, tout à coup il semble être devenu l'arbitre de la Grèce; il s'était tu quand on avait détruit la ville de Platée, malgré le droit com- mun de la Grèce, malgré la reconnaissance jurée à cette cité; et maintenant il condamne à une grosse amende les Lacédémoniens pour avoir occupé la Cadmée par trahison, les Phocidiens pour avoir cultivé les terrains consacrés. Quelle est la cause de cette énergie subite à punir ceux qui ont violé les lois ou usurpé les possessions du dieu ? On la voit aisément, si l’on regarde quels sont les peuples frappés par ces condamnations. Ce sont les La- cédémoniens, les Phocidiens, c'est-à-dire les ennemis des Thé- bains et des Thessaliens. La puissance de Thèbes, même après la mort de Pélopidas et d'Épaminondas, assurait aux Amphictyons une armée pour ap- puyer l'exécution de leurs décrets. Ce fut ie moment choisi par tous ces petits peuples pour satisfaire leurs rancunes et leurs vieilles haines. Les députés thessaliens, qui formaient la majorité dans le conseil, s’assurèrent l'alliance des Thébains en condamnant les Spartiates pour l'occupation de la Cadmée et, en revanche, ils obtinrent leur appui contre leurs ennemis. La véritable cause de la guerre sacrée est la vieille haine des Thessaliens contre les Phocidiens !. Nous avons vu dans Hérodote combien elle était vive; deux fois vaincus, ils s'étaient jetés dans le parti des Mèdes et les avaient poussés à dévaster la Phocide. Le temps n’avait pas affaibli cette haine; l'occasion seule avait manqué pour la satis- faire. Les Thessaliens n’eurent pas de peine à entraîner les Thé- 1 Pausanias, X, 11. — 198 — bains!, qui depuis longtemps étaient les ennemis des Phocidiens et leur disputaient quelques villes frontières. Le prétexte n’était pas difficile à trouver; on les accusa d’avoir labouré des terrains consacrés à Apollon. Ils furent condamnés à une amende énorme, 500 talents; puis elle fut doublée à cause de leur retard à payer; enfin on proposa de consacrer leur territoire au dieu. Que prouve cette hâte, sinon la crainte de voir échapper un prétexte oppor- tun? Et pourquoi cette rigueur, sinon pour les pousser à résister et à fournir ainsi une cause spécieuse de guerre? Les Thébains et les Thessaliens avaient la majorité dans l'assemblée, dix-huit voix sur vingt-quatre; ils pouvaient donc y faire prévaloir les conseils de violence. Restait à faire exécuter la sentence. La Grèce entière se partagea entre les deux camps; on soc- cupa peu de la religion, mais beaucoup des intérêts. Du côté des Phocidiens étaient les Spartiates, condamnés également, par l'in- fluence des Thébains, à une amende de mille talents; c'était le peuple qui avait gardé le plus longtemps le respect de l’oracle, mais il fut le premier à soutenir les Phocidiens et à les encou- rager à la résistance ; leur roi, Archidamus, fournit même de l'argent à Philomèle pour s'emparer du temple. Les Athéniens, de tout temps les amis des Phocidiens, conclurent une alliance avec eux. Ces deux républiques n'avaient rien pu faire dans le conseil amphictyonique, où chacune ne disposait que d’une voix; mais elles excitèrent les Phocidiens à la résistance et leur promirent des secours; si elles n’intervinrent pas plus efficacement, ce ne fut pas la piété qui les arrêta, mais les embarras d’autres guerres et les intrigues des traîtres vendus à Philippe. Du côté des Amphic- tyons, étaient tous les petits peuples de Thessalie, les Locriens et les Thébains, qui avaient poussé à cette guerre sacrée pour satisfaire leur vengeance et qui se hàtèrent de courir aux armes. Les Phocidiens hésitèrent d’abord sur le parti à prendre; un de leurs chefs, Philomèle, releva leur courage en leur montrant l’animosité de leurs ennemis, qui leur imposaient une amende impossible à payer, et leur promettant les secours d'Athènes et de Sparte ?; il fallait reprendre l'antique patronage (roocracia) du temple, qui leur appartenait du temps d'Homère, occuper le sanc- % Pausanias, X, 11; Xénophon, Hell. VI, xur. 3 Pausanias, X. — 199 — tuaire et en arracher les décrets des Amphictyons. Ses discours entrainèrent les Phocidiens, qui s’'emparèrent de Delphes. Dans le premier moment de fureur, ils voulaient raser le sanctuaire et mettre à mort tous les habitants. Archidamus, le roi de Sparte, les ramena à une politique moins violente; ils ne mirent à mort que la famille des Thracides, qui avait montré le plus d’animosité, et ils imposèrent de fortes contributions aux plus riches. En même temps que Philomèle entourait la ville de fortifications et qu'il battait trois fois les Locriens d’Amphissa, il s'eforçait d'en- lever à cette guerre son caractère religieux en déclarant qu'il voulait seulement anéantir l’injuste arrêt des Amphictyons et reprendre l'intendance du temple, offrant de donner aux cités le compte des richesses qu’elles avaient consacrées dans le sanctuaire, et de remettre tout ce qu'il aumait été forcé d'y prendre. Toutes ces précautions étaient inutiles, c'était la guerre que voulaient les Thébains et les Thessaliens, et ils s'empressèrent de courir aux armes. H n'entre pas dans mon plan de raconter les vicissitudes de cette guerre de dix ans (355-345); on les trouvera dans Diodore, dans Pausanias et dans Justin; il suffit ici d'en marquer le carac- tère particulier. Les prétendus défenseurs du dieu tenaient à gar- der ce prétexte spécieux, et, même avant le pillage des offrandes, ils s’obstinèrent à traiter les Phocidiens en sacriléges ; ils refusaient de rendre leurs morts, ils tuaient les prisonniers, ils brûlaient cinq cents hommes réfugiés dans le temple d'Abæ. Ces cruautés amenaient des représailles, qui donnèrent à cette guerre une férocité incroyable. La religion servait d’excuse à toutes ces cruautés; on combattait pour les dieux, on était donc dispensé d'observer le droit commun de la guerre et de l'humanité. De leur côté, les Phocidiens voyant toute mesure inutile, et poussés par la nécessité, voulurent avoir au moins les profits du sacrilége. Le sanctuaire fut pillé successivement par leurs différents chefs, toutes les offrandes d’or et d’argent entassées depuis Crésus furent fondues. Diodore en fait le compte exact et n’en estime pas la valeur à moins de dix mille talents. Cette somme considérable leur permettait d'attirer par l'appàt d’une grosse solde les mer- cenaires, qui avaient remplacé les armées nationales; ils purent faire face à leurs ennemis, envahir la Béotie et la Thessalie. Toute la Grèce du Nord fut cruellement ravagée, et, dans cette guerre, — 200 — la religion ne paraît que par les cruautés et la fureur qu'on au- torise de son nom. | En réalité, on combattait au profit de la Macédoine. Philippe laissait les forces de la Grèce s’user dans cette lutte terrible: appelé par les Thébains, il s'était contenté de leur envoyer quel- ques secours pour prolonger la guerre et de repousser les Phoci- diens de la Thessalie. Diodore vante beaucoup la piété de ce mo- narque et attribue à ce zèle la grandeur où il est parvenu. Philippe en effet était heureux de se montrer à la Grèce comme le vengeur des dieux; il affectait de conserver à cette guerre son caractère religieux; ses soldats allaient au combat couronnés de laurier; le corps d'Onomarque était mis en croix; les prisonniers, jetés à la mer comme sacriléges. Mais le but qu'il poursuivait était facile à voir ; il se souciait peu de venger Apollen, mais beaucoup de s'emparer des Thermopyles. Sa première tentative, prévenue par l’arrivée subite de la flotte athénienne, avait découvert ses projets; il rentra dans le repos et s’efforça de les faire oublier par une inaction cal- culée. Quand le moment lui parut venu de terminer la guerre, il appela la politique et la corruption au secours de ses armes, négociant avec tout le monde, promettant à tous son appui, aux Thébains et aux Thessaliens d’exterminer les Phocidiens, aux Athéniens de les épargner et d’abaisser les Thébains, traitant même avec le chef des mercenaires, qui se retirait avec ses troupes, acceptant la soumission des Phocidiens eux-mêmes. Le décret des Amphictyons qui termine la guerre n’a de reli- gieux que le prétexte !. Quel avantage retirait Apollon de la ruine des sacriléges? La victoire semble lui avoir été plus funeste que la prétendue usurpation qu'on avait voulu réprimer. Le sanctuaire avait été pillé, 10,000 talents enlevés, les riches offrandes de Cré- sus, qui faisaient l’orgueil du temple, le trépied d’or, souvenir glo- rieux de Platée, avaient disparu; tous les écrivains, Théopompe, Diodore, Plutarque, Pausanias, qui parlent de ces dons, ajoutent à leurs indications cette triste remarque : l’airain seul en reste, l'or et l'argent ont été enlevés par les Phocidiens. Quel dédom- magement le dieu eut-il pour tant de pertes? Une hydre fondue par les Locriens Opuntiens? avec les monnaies phocidiennes qu'ils 1 Voir ce traité dans Diodore.. 2 ? Pausanias, X, xvr. L — 201 — avaient pu recueillir et une statue d’Apollon Sitalcas haute de trente-cinq coudées, élevée par les Amphictyons, comme souvenir de leur victoire. C'était une bien faible compensation, et Philippe fermait la bouche à ceux qui avaient la pieuse naïveté de reparler des richesses sacrées. Le dieu ne paraît pas moins vaincu et dé- pouillé que ses ennemis. C’est que son nom n'avait servi que de prétexte, et, après la vicloire, ceux qui s'en étaient servis son- gèrent à leurs intérêts pfûs qu’à ceux du dieu. Les Thessaliens et les Thébains se hâtèrent d’assouvir une haine invétérée, encore aigrie par dix ans de lutte et de désastres, et jamais vengeance ne fut plus cruelle. Les Phocidiens étaient anéan- tis comme nation, excommuniés, désarmés, écrasés sous le poids d'une amende qui donnait à leurs ennemis le moyen de les oppri- mer à leur gré. La sentence fut exécutée, et Démosthène trace un tableau touchant de la désolation de ce pauvre pays : « En allant à Delphes, nous sommes obligés de voir toutes ces choses, les demeures renversées, les remparts abattus, le pays dépeuplé d'hommes; quelques femmes et quelques enfants, des vieillards misérables; nul ne pourrait égaler par la parole les malheurs de cette contrée 1, » Eschine lui-même semble en avoir été touché: 1l défendit dans l'assemblée les Phocidiens ? contre les OEtéens, qui prétendaient qu'il fallait précipiter des rochers tous les hommes en état de porter les armes. N'était-ce pas une amère dérision d'ajouter à un pareil décret « des mesures propres à pourvoir au rétablissement de l'oracle et à tout ce qui était nécessaire pour faire renaître parmi les Grecs la piété envers les dieux et main- tenir chez eux, avec la paix générale, une parfaite unanimité de sentiments. » Les Thessaliens et les Thébains avaient été les vrais auteurs de la guerre; leur haine, la véritable cause; la victoire leur donnait enfin moyen de l’assouvir, et ils en abusèrent. Mais ils ne songeaient qu’à se venger et ils laissaient à Philippe tous les avantages réels. « Philippe, dit Diodore, garantit ces divers décrets, qu’il accepta avec joie, et retourna en Macédoine, ayant non-seulement acquis une grande réputation de piété et de talents militaires, mais s'étant en outre, par sa conduite habile, ménagé les moyens d'accomplir les grands projets qu'il méditait ! Démosthène, De Fals, leg. p. 361. ? Eschine, De Fals. leg. p. 88. — 202 — pour l’accroissemeut de sa puissance. » Le roi de Macédoine était en effet le véritable vainqueur; ce n’était pas la Phocide seule qui était abattue, mais aussi la Grèce entière. L'assemblée amphic- tyonique était à sa disposition; par lui-même, il avait les deux voix enlevées aux Phocidiens, et, par les Thessaliens soumis, la majorité dans le conseil. Le passage des Thermopyles, où les Athé- niens l'avaient arrêté une première fois, était entre ses mains, et la. Grèce ouverte à ses attaques. Il présidait les jeux pythiens par lui-même ou par des délégués. Ses ennemis étaient réduits à lui témoigner une mauvaise volonté impuissante; ils refusaient d’en- voyer les théores et les thesmothètes à la fête présidée par les Macédoniens, mais la crainte d’une coalition amphictyonique les forçait, sur l’avis de Démosthène ! lui-même, à reconnaitre son admission dans le conseil. « La Pythie philippise, disait-il; — ne nous occupons pas de l’ombre qui est à Delphes, » disait-1l encore, en parlant des Amphictyons. Il appréciait justement les choses; mais cette ombre même devenait redoutable maintenant qu'un roi puissant pouvait abriter derrière elle ses projets ambitieux. Ce fut en effet le conseil amphictyonique qui donna à Philippe l’occasion d'achever l’asservissement de la Grèce. La guerre sacrée l'avait bien servi; il chargea Eschine d’en susciter une nouvelle. Le prétexte fut encore facile à trouver. Une récrimination des Locriens d’Amphissa ? fournit à l’orateur vénal l’occasion de dénoncer à l'assemblée une usurpation de la plaine sacrée. Il était si satisfait de son discours que lui-même a pris soin d’en rapporter l'analyse et les principaux traits; il montra aux Amphictyons la terre du dieu labourée sous leurs yeux par les Locriens, couverte de mai- sons et de fabriques, le port maudit relevé; il leur rappela les imprécations prononcées par leurs ancêtres conire les impies. I n'en fallait pas tant pour entraîner des gens peu faits à l’éloquence et incapables de prévoir l'avenir. Comme tous les pouvoirs faibles, ils étaient enchantés de faire acte d’autorité et de faire croire à leur force en se montrant rigoureux. Un premier décret ordonna de faire le tour de la plaine et de rétablir les limites. La guerre était commencée, et la suite facile à prévoir. L’Arcadien Cottyphos, proclamé d’abord général, appela aux armes les peuples amphic- l Démosthène, Philipp. V. ? Eschime, Ado, Ctesiph. p. 118; Démosthène, Pro Cor. p. 279. — 203 — \ tyoniques; personne ne se soucia de répondre à cet appel. Un nouveau décret ordonna d'envoyer une ambassade à Philippe et de le prier de venir au secours d’Apollon et des Amphictyons, de ne pas laisser dépouiller le dieu par les impies Amphissiens ; pour cela, tous les Grecs qui participent au conseil amphictyonique le proclament généralissime. À cette nouvelle, Démosthène s’écriait : « C’est au sein de l'Attique, Eschine, que tu apportes la guerre, et une guerre amphictyonique. » Philippe en effet n’attendait que ce prétexte. Se proclamant le vengeur du dieu, au nom d’Apollon, il convoquait les Péloponésiens à se rendre en armes dans la Phocide; par ses lettres il s’efforçait de rassurer et de diviser les Athéniens et les Thébains; puis, envoyant promener (é660oûaœ @pioas ro) Cirrhéens et Locriens, il s'empare d'Élatée. Les Athéniens et les Thébains, réunis par l'évidence du danger, ten- tèrent un dernier effort et tombèrent à Chéronée : avec leur armée périt la liberté de la Grèce. Tel fut le rôle de l’oracle et de l'assemblée amphictyonique à partir des guerres médiques. Démosthène pouvait dire à la tri- bune que la Pythie philippisait; en effet elle se hâte de prononcer dés prédictions terribles contre les Athéniens en guerre avec Phi- lippe, et contre les Thébains soulevés contre Alexandre : ni les uns ni les autres n’en tiennent compte. Alexandre ne gardait pas même l'apparence du respect pour la prophétesse; Jeune et vain- queur, il forçait la Pythie à lui répondre et saisissait la première parole qui lui échappait. Sous la domination macédonienne, les Athéniens montrèrent que la religion pouvait tomber encore plus bas, en devenant un moyen d’adulation. Quand la république logeait les courtisanes de Démétrius dans le Parthénon, est-il étonnant de trouver des flatteurs qui proposent de lui envoyer des théores, de le consulter, au lieu d’Apollon, sur une offrande à consacrer à Delphes, qui font mettre sa statue au milieu des héros éponymes d'Athènes, dans le groupe de Phidias? On négli- geait les anciens dieux relégués dans le ciel, on se tournait vers ces dieux plus présents, plus sensibles aux louanges et plus capables de témoigner leur satisfaction. — Après un long silence, l'assemblée amphictyonique avait de nouveau élevé la voix; mais ce fut pour amener l’asservissement de la Grèce. Impuissante tant qu'il s'était agi de Sparte et d'Athènes, qui n'avaient qu'une voix au conseil, elle se crut avoir de l'autorité quand elle disposa — 204 — des Thébains et des Thessaliens, mais les deux guerres sacrées qu’elle suscita livrérent la Grèce à l'étranger. Remaniée au profit du vainqueur, elle était entre ses mains un instrument commode; elle servait à donnêr à ses actes cette apparence de légalité dont l'ambition, même la plus effrontée, cherche toujours à se couvrir. Elle se hâtait de proclamer Philippe généralissime, et, après lui, Alexandre. Ce n’était pas l'assemblée générale de la Grèce et elle n'avait pas le droit de parler en son nom; ce n’était qu’une ombre; mais peu importait aux rois de Macédoine; ce titre, dé- cerné par les Amphictyons, suffisait pour donner à leur entre- prise contre les rois de Perse l'apparence d'une guerre nationale destinée à venger les vieilles injures de la Grèce. CHAPITRE VE INVASION GAULOISE. — Z&TYplo. — ÉTOLIENS. — CONSTITUTION DE DELPHES. Depuis la conquête macédonienne, il serait inutile de chercher l'influence de l’oracle sur les affaires politiques. Ce n'étaient plus les ordres des dieux, mais les conseils de l'ambition qu’écoutaient les successeurs d'Alexandre, occupés à se disputer et à partager son héritage. Mais, pour un sanctuaire aussi renommé que Delphes, l'oubli ne succède pas tout d’un coup à la gloire; après que la foi s’est éteinte, on continue longtemps à lui rendre hom- mage par coutume, par bienséance, vanité, politique ou supers- tion. Apollon voyait encore arriver dans son sanctuaire une dé- putation romaine après la bataille de Cannes; les rois d'Égypte, jaloux de conserver leur titre de Grecs, n'oubliaient pas de se concilier la bienveillance des cités auxquelles l'éclat des lettres ou de la religion avait conservé quelque grandeur dans la ruine commune. L’amiral d’un Ptolémée venait disputer le prix demu- sique aux jeux pythiens; son maïtre remportait celui de la course des chars; les rois de Syrie accueillaient avec bienveillance les théores delphiens qui venaient à l’occasion des jeux pythiens et des Zwrypsa. Le roi de Pergame , Attale ; interrogeait la Pythie sur sa destinée et celle de sa famille. Le sanctuaire de Delphes était encore le sanctuaire commun de la Grèce; on y consacrait les sta- tues des grands hommes ou des guerriers morts pour la patrie ; = les Phocidiens! élevaient celle d’Aleximachos, célèbre par sa beauté et son courage contre les Gaulois; les habitants de Lilæa, celle d'un de leurs citoyens qui avait chassé la garnison macédo- nienne; les Platéens consacraient un lion d’airain pour rappeler la part qu’ils avaient prise à la guerre Lamiaque; les Achéens dé- diaient la statue de Philopæmen lançant sa pique contre le tyran Machanidas; Persée voulait y placer la sienne à côté de celle d'Alexandre. C'était encore à Delphes qu’on exposait les traités entre les villés, les remerciments d’un peuple à un autre ?; Persée y affichait ses édits. Ces souvenirs, ces hommages, conservaient à Delphes une certaine importance; celui qui dominait dans la ville n'y gagnait aucune puissance réelle, mais il paraissait montrer qu’il était le maitre de la Grèce. De là cette lutte entre les rois de Macédoine et les Étoliens pour s’en assurer la possession. Invasion gauloise. Cette époque commence par l'invasion des Gaulois établis dans la Pannonie, 279; ces barbares, entrainés par leur humeur aven- tureuse et l'attrait du gain, s'étaient jetés sur la Macédoine; ils avaient vaincu le roi Ptolémée Céraunus et Sosthènes. Une autre . bande, commandée par Brennus, se jeta sur la Grèce, attirée par les richesses qu'on disait renfermées dans les sanctuaires et surtout dans celui de Delphes. Les Grecs du Nord et surtout les Étoliens essayèrent d'arrêter les barbares, mais en vain; le Sperchius fut traversé, le passage des Thermopyles franchi; Brennus, sans hé- siter, marcha sur Delphes. Les habitants éperdus consultèrent l'oracle; le dieu les rassura en leur disant qu'il saurait lui-même protéger ses richesses; il défendit même d’emporter des maisons situées dans la campagne le vin et les provisions qui s'y trouvaient. Les Gaulois commencèrent par se livrer à la débauche et à l'ivresse, au lieu d'attaquer la ville sur-le-champ; ce retard donna le temps aux voisins d’accourir et de défendre la place. Ses défenseurs étaient au nombre de quatre mille cinq cents*, tandis que les Gau- lois comptaient cinquante mille hommes. Leur chef, pour les en- courager, leur montrait les statues d’airain doré qu'on voyait par- dessus les murs du sanctuaire et leur disait qu'elles étaient en or lPausanias, X, 111, XIII, XIX, XXII. 2 Lebas, n° 850. 3 Justin, 1. XXIV. é — 206 — massif. Cette vue était l'exhortation la plus pressante; la bataille s'engagea avec fureur. Au milieu de l’action, les prêtres se préci- pitèrent en s'écriant qu'ils avaient vu s’élancer au combat Apollon accompagné de Diane et de Minerve; cette apparition ranima le courage des Grecs et jeta la terreur parmi les barbares; un orage acheva leur défaite; des quartiers de roc écrasaient des lignes en- tières de combattants; le froid ajouta à leur désastre. Brennus se donna la mort: les débris de son armée s’enfuirent vers Héraclée, poursuivis par les Étoliens, les Phocidiens , les Béotiens et les Athé- niens : il ne resta pas un seul homme de cette armée si nombreuse. Ce récit de Justin, d’un merveilleux déjà suffisant, n’est rien en comparaison de celui de Pausanias!; les prodiges se multiplient sous les pas des Gaulois; un tremblement de terre ébranle le sol sur lequel ils sont campés; le tonnerre en tue un grand nombre; les fantômes des héros protecteurs de Delphes répandent la frayeur dans leurs rangs; enfin, après le combat, il ssont saisis par une terreur panique et se massacrent les uns les autres, in- capables, dans leur épouvante, de reconnaître leur langue et leur costume. Ces fables puériles enchantaient Pausanias; il est évi- demment préoccupé du souvenir du corps d'armée perse détruit au même endroit, et il ne veut pas que la destruction de ses bar- bares soit moins merveilleuse et moins complète. Ils furent si bien exterminés que pas un ne retourna dans sa patrie. | Ces légendes merveilleuses qui, à une époque historique et au milieu de l’incrédulité générale, s'étaient groupées autour de ce fait, montrent combien les Grecs avaient été frappés par l’inva- sion de ces Gaulois qui se précipitaient comme un torrent, puis se détournaient aussi soudainement. Différents de race, de lan- gue, de manière de combattre, ils avaient frappé l'imagination des Grecs, comme celle des Romains, par leur valeur sauvage et leur mépris du danger. Au temps de Polybe?, leur souvenir seul ef- frayait les Grecs. Ils étaient devenus des personnages des temps héroïques, et les récits de Pausanias, de Justin, de Diodore, sont ‘écho des fables qui avaient cours sur ce peuple extraordinaire. Leur retraite excita l'enthousiasme de la Grèce: tous les peuples voulurent perpétuer le souvenir de la part qu'ils avaient prise à la lutte : les Athéniens par un trophée, les Phocidiens par la statue 1 Pausanias, X, XIx-Xx1Y. 2Polybe, IPaxavo ts — 207 — d’Aleximachos, le plus beau et le plus brave des guerriers tombés en repoussant les Gaulois! de la ville sainte. Les Étoliens, qui avaient joué le rôle le plus actif, avaient consacré le souvenir de leur courage par plusieurs offrandes : un trophée et la statue d'une femme armée représentant l'Étolie, en mémoire de la ven- geance qu'ils avaient tirée de la cruauté des Gaulois à Callium, car selon Pausanias, les femmes mêmes avaient pris part au combat et montré un courage acharné contre les barbares; un autre groupe en l'honneur des généraux qui les avaient commandés; enfin les boucliers, dépouilles des vaincus, étaient suspendus aux architraves du côté méridional et de la façade occidentale du temple, comme les boucliers des Perses défaits à Marathon en ornaient la face orientale. L'énergie des Phocidiens dans cette guerre avait semblé mériter une récompense plus grande que leur ardeur à combattre pour l'indépendance de la Grèce dans la guerre Lamiaque; l’anathème prononcé contre eux fut levé et ils recouvrèrent leurs deux voix au conseil amphictyonique?. Les Grecs sentaient qu'ils venaient d'échapper à un péril aussi grand que celui de l'invasion perse, et ils en consacrèrent la mé- moire par la fondation de nouveaux jeux, les Zwryou, qui se cé- lébraient à Delphes en l'honneur de Jupiter Sauveur et d’Apollon Pythien. Un heureux hasard a fait retrouver en 1860 le com- mencement du décret par lequel les Athéniens s’associaient aux Étoliens pour cette institution. Après le préambule ordinaire, le décret porte : « Puisque la ligue des Étoliens, montrant sa piété envers les dieux, a décrété d'établir les jeux Sotéria en l’honneur de Jupiter Sauveur et d’Apollon Pythien, comme souvenir du combat livré aux barbares qui avaient fait une expédition contre les Grecs et le temple d’Apollon, temple commun des Grecs, et contre lesquels le peuple aussi a envoyé les fantassins d'élite et les cavaliers combattre pour le salut commun, comme à ce sujet la ligue des Étoliens et le stratége Charixénos ont envoyé à Athènes une députation pour s'entendre sur les moyens def...» Ici l'inscription est brisée, on ne distingue plus qu'un mot: povos- x0v, sans doute un combat de musique. Cette découverte qui in- dique le vrai sens des Zwryor, que Bæœckh n'avait pu deviner, 1 Pausanias, X , xIx-Xxv. 2 Id. ibid. 1x. 3 Journal archéologique d'Athènes, 1861. — 208 — faute de documents, a été complétée par celle de quatre listes de ces jeux que nous avons trouvées sur la muraille pélasgique!. Ces récits merveilleux, ces honneurs extraordinaires, ces jeux: fondés pour la destruction des Gaulois, m'inspirent de la défiance. Partout nos pères sont vaincus, au moins dans les historiens latins et grecs. À Rome, c'est Camille, qui survient brusquement au moment où les derniers défenseurs du Capitole pèsent l'or de leur rançon; il renverse les balances et détruit l'armée des barbares. A Delphes, l'armée qui a vaincu deux fois les vieilles troupes macédo- niennes, franchi le Sperchius, forcé le passage de l'OEta, est tout à coup exterminée par une troupe de quatre mille cinq cents Grecs. Il ne reste même pas un seul homme pour annoncer la défaite; ce qui n'empêche pas ces Gaulois, si bien vaincus et détruits, de fon- der un puissant empire en Asie Mineure. En lisant tous ces récits de brillantes victoires, il est impossible de ne pas se rappeler le lion de la fable, à la vue du tableau où un lion est terrassé par un homme : St les lions savaient peindre ! Si les Gaulois avaient su _ écrire l’histoire! Cette éclatante victoire de Delphes ne serait-elle pas semblable à celle de Camille? Et l'honneur n'en reviendrait- il pas pour la meilleure part à l'historien? Diodore, Justin, Pausa- nias ne forment pas à eux trois une autorité bien imposante; l’a- bondance des détails, loin de me rassurer, ne fait qu’augmenter mes doutes; ce sont ses aventures imaginaires qu'Ulysse raconte le plus longuement. D'ailleurs leur récit n’est qu’un tissu d’invrai- semblances et de contradictions. Que penser de ces phénomènes merveilleux conjurés et réunis à point pour la destruction des Gaulois, exactement comme pour celle des Perses? Comment ad- mettre qu'ils aient été saisis de terreur à la prétendue apparition de dieux de la Grèce, auxquels ils ne croyaient pas. Que dire en- fin de cette armée de cinquante mille hommes anéantie par une poignée de combattants? Non pas que la victoire appartienne de droit aux gros bataillons; l’habileté du chef, la grandeur de la cause peuvent aussi la donner au petit nombre; mais il s’agit ici d’une armée aguerrie, douze fois plus nombreuse et plusieurs fois victorieuse. Et pourquoi, d'après Pausanias même, les Grecs ne font-ils que harceler les barbares dans leur retraite, au lieu de leur couper la route ? nser, Delhi 5, 4775:"6. — 209 — Polybe est une autorité plus considérable, mais les trois pas- sages où il parle de la défaite des Gaulois devant Delphes! me paraissent peu concluants. Dans les deux premiers, c’est seulement dans une phrase incidente qu'il ajoute r@r æepi As\@ods Oüapér- Tuwv. Dans le troisième passage où il est question du corps d’ar- mée de Brennus*, il parle de ceux qui avaient échappé au péril de Delphes, dtaQuy6vTEs Tdr œepi Aeh@ovs x{vduvor , et qui fondèrent un établissement auprès de Byzance; chaque année ils faisaient une incursion sur le territoire de cette ville; les habitants, impuis- sants à les arrêter, ne les éloignaient qu'en payant une forte ran- çon, qui fut plus tard convertie en un tribut régulier. Il y a déjà loin de là à cette extermination totale à laquelle pas un homme n'avait échappé; je trouve même singulier que des vaincus et des fugitifs soient encore assez puissants pour rançonner une ville aussi considérable que Byzance. D'ailleurs tous les historiens anciens ne sont pas aussi édifiés sur la victoire des Grecs et le désastre des Gaulois; et ce seraient plutôt ceux-là qui mériteraient foi; car les historiens grecs et ro- mains ont inventé des victoires, mais jamais une défaite. Cicéron, parlant des entreprises des Gaulois et de leur amour du butin, rappelle leur expédition en Grèce; ils allèrent ad oraculum orbis terrarum vexandum ac spoliandum. Ce passage ne serait pas con- cluant, pris tout seul, puisque «ad indique le but, sans dire s'il a été atteint. Tite-Live est plus précis. Manlius, exhortant ses sol- dats contre les Galates, leur rappelle le pillage de Delphes : Del- phos spoliaverunt, commune generis oraculum, orbis umbilicum. N’attachons pas, si l’on veut, trop d'importance à deux phrases de discours; mais que dire du passage de Strabon“? Il combat l'opinion des historiens qui pensent que l'or pillé à Tolosa par Cépion provenait du temple de Delphes; il juge cette opinion peu probable parce que l'or des offrandes avait déjà été enlevé par les Phocidiens et que le butin a dù être partagé entre les vainqueurs. Voilà donc plusieurs historiens qui ne croyaient pas à la destruc- tion des Gaulois, mais à leur victoire, puisqu'ils prétendaient que l'or trouvé à Tolosa venait de Delphes. En cela ils pouvaient se ! Polybe, F, vr; JT, XX. 2 Jd. IV, xzvr. 3 Cicéron, Pro Fonterio , ch. x. * Strabon, p. 156. MISS. SCIENT. — IT. 14 — 210 — tromper, mais jamais pareille idée ne leur serait venue, s'il eût été constant que le corps d'armée de Brennus avait été détruit. Strabon semble l’admettre, par les arguments dont il se sert pour combattre leur opinion. Les raisons qu’il oppose ne sont pas très- concluantes. Au lieu de cela, si les Gaulois avaient été détruits devant Delphes, ne pouvait-il pas facilement réfuter ses adver- saires ? L'or trouvé à Tolosa n'est pas l'or enlevé de Delphes par plusieurs raisons : la première, c'est que les Gaulois ne se sont pas emparés de Delphes. Et celle-là l'aurait dispensé des autres; s'il ne l'a pas mise en avant, c’est qu'il n’y croyait guère. Enfin, si l'on veut des textes positifs et qui affirment nettement le con- traire de la tradition généralement adoptée, voici des témoignages assez clairs. Appien montre la vengeance d’Apollon poursuivant des peuplades illyriennes qui avaient pris part à l'expédition des Gaulois, et il dit formellement : Ty» Maxedoviar émédpauor ôpoù ua TN? ÉXXddæ aa) moÀ dd Tv ere xai Tr AëeXQinxdv éaÿAnoay, æehhoùs dmo6ahoytes Ouws xat TroTe!. Le sacrilége fut la cause in- voquée par les Romains pour les atlaquer, et nul n’osa prendre la défense des coupables. Enfin Diodore (1. I), rappelant l'hu- meur guerrière et les expéditions des Gaulois, dit : « Ge sont eux qui ont es Rome et ont pillé le os de Dre » Oùror ydp ciouv où Thv pêv Pounr ÉXdvTes, Td dE iepôy rd év Ae1Goïs auhy- œavrtes. Ces passages me paraissent mériter au moins autant de confiance que les récits merveilleux de crédules compilateurs, et même que l’assertion du grave Polybe. Reste le décret qui institue les jeux Zwrypua; à la rigueur, il ne prouverait pas plus qu'un Te Deum après une défaite. Mais, même en l’acceptant, on voit qu'il n’y est pas question de la victoire des Grecs devant Delphes, ni de la défaite des Gaulois, mais seule- ment du combat {uayx) livré aux barbares qui avaient fait une expédition contre la Grèce et le sanctuaire commun de Delphes. S'il y avait eu victoire, le décret n’en aurait-il pas fait mention? Des cavaliers et des fantassins d'élite ont été envoyés par les Athéniens, mais les Athéniens ne sont pas nommés parmi les peuples qui ont défendu le temple; ils combattent seulement aux Thermopyles et harcèlent les barbares dans leur retraite. Quelle cause aurait décidé les Gaulois à rebrousser chemin? La 1 Appien, [liyr, V. — 211 — même peut-être qui leur fit abandonner le siége du Capitole; la mobilité de leur esprit, une rançon payée par les ennemis, des divisions intérieures, le désir de mettre leur butin en sûreté et d’aller piller d’autres pays. Sans rien affirmer à ce sujet, il me paraît prouvé que les Gaulois ne furent pas vaincus et encore moins détruits devant Delphes, et que le sanctuaire fut racheté du pillage par les habitants. L'expédition terminée, ils quittèrent la Grèce pour des pays plus riches et plus fertiles; les Grecs les harcelèrent dans leur retraite, mettant à mort les traînards; peut- être même détruisirent-ils quelques bandes séparées du corps d'armée. Ces petits succès et l'éloignement des ennemis étaient une victoire pour des peuples qui avaient pu craindre un moment d'être subjugués par les barbares. C'était assez pour établir les jeux ZaTnpua ; plus tard, les légendes vinrent embellir la réalité ; la retraite des Gaulois se transforma en déroute, un petit succès en une victoire décisive, où les dieux mêmes avaient pris part (279). Puissance des Étoliens à Delphes. Pendant les luttes des prétendants au trône de Macédoine et après l'invasion gauloise, de graves changements eurent lieu à Delphes et dans la composition de l’amphictyonie. Une puissance nouvelle, celle des Étoliens, s'était élevée dans la Grèce du Nord. Une partie de la Thessalie et la Locride tout entière étaient entrées dans leur ligue. La ville de Delphes devenait pour eux une impor- tante position stratégique; elle commandait la route qui va de la Phocide à Amphissa et de là en Étolie; c'était un poste avancé qu'ils se hâtèrent d'occuper. Ils en étaient déjà les maitres au temps de Démétrius Poliorcète; le roi de Macédoine ne put y aller présider les jeux pythiens et il les fit célébrer en Attique!. Le patronage du temple et l'assemblée amphictyonique donnaient à cette ville üne importance encore plus grande; les Étoliens s’en étaient également emparés. Ce fut un des griefs allégués par les Macédoniens et les Achéens, quand ils s’unirent pour leur faire la guerre. Xura- vaxopeïola dé na Toïs Âp@rxrioouw éypaÿar Toùs vôuous xai Tv mep} rù ipèv éÉovoiar, y Airwhoi æapipnrrar vüv, BouXéuevo Ty xara T0 ipèv Emixparely aÿro{?. Ce passage de Polybe est le seul témoignage de l'histoire sur le parti que les Étoliens essayèrent 3 Plutarque, Démétrius. 3 Polybe, IV, xxv, 7 — 212 — de tirer des vieilles institutions de la Grèce. Les Étoliens sont connus pour leur turbulence et leur brigandage; il est intéressant d'étudier leur habileté politique, dont n’a pas parlé l’Achéen Po- lybe. Les inscriptions nombreuses de cette époque peuvent jusqu’à un certain point suppléer à son silence. Elles nous font connaître les modifications apportées par les Étoliens dans la composition du conseil amphictyonique. Le premier changement avait été l’intro- duction de la Macédoine avec les deux voix enlevées aux Phoci- diens; ils les recouvrèrent par leur courage dans la guerre de l'in- dépendance et surtout dans l'invasion gauloise; mais ces change- ments n'étaient que Lire et n'avaient pas altéré sensiblement la forme du conseil. Il n’en fut pas de même avec les Étoliens!, Voici une liste des hiéromnémons à l’époque dont il s’agit : Éto- liens 5; Delphiens, 2; Phocidiens 2: Locriens 2; Rédbnse os Aérien F5 ; Épidauriens 1. Ainsi sur dix-sept voix, cinq appar- tiennent aux Étoliens. Dans la plupart des décrets, les Étoliens sont encore plus nombreux; ils ont souvent onze et jusqu’à quatorze hiéromnémons. Ils sont toujours nommés les premiers, après eux viennent deux Delphiens. Parmi les autres peuples, ceux qui pa- raissent le plus fréquemment sont les Phocidiens et les Béotiens, d'ordinaire avec deux voix. Pour les autres ils ne sont nommés que rarement et avec un suffrage, les habitants d'Histiée trois fois, les Lacédémoniens une seule fois?. Si nous comparons cette liste à la liste primitive, nous voyons que les petits peuples de Thessalie, qui avaient quatorze voix, ont disparu. Étaient-ce les suffrages "A ces peuples que les Étoliens s'étaient attribués? Ou bien des composé l’assemblée à leur gré, sans tenir compte des traditions? Quoi qu'il en soit, il esl certain qu’ils en étaient les maîtres. [ls n’avaient laissé à Athènes et à Sparte que l’unique suffrage dont elles disposaient; la rivalité possible de ces deux républiques, malgré leur décadence, leur portait sans doute ombrage; et, de leur côté, elles s’abstinrent en général de paraitre dans une assemblée où une part si petite leur 1 Lebas, n° 833 842; Inscr. Delph. n° 2 et suiv. ? Voici une liste de la même époque, mais un peu différente. Elle est tirée d'une inscription publiée récemment par M. Wescher, dans le Bulletin de i Institat archéologique de Rome (1865, p. 99): Étoliens , h; Phocidiens, 2; Béotiens, 2; Athéniens, 1; Eubéens, 1; Sicyoniens, 1. — 213 — était faite. Les Eubéens n'étaient pas à craindre; les Phocidiens, les Béotiens semblent, sinon avoir fait partie de la ligue, au moins avoir été ses alliés. Quant aux Delphiens, qui, pour la première fois, avaient deux voix à l’assemblée, ils paraissent tout dévoués aux Étoliens. Quel usage firent-ils de cet instrument dont ils s'étaient emparés ? On ne peut le savoir que par les inscriptions, et il semble, d’après celles qui nous sont parvenues, qu’ils se bornèrent, comme les anciens hiéromnémons, à l’administration du temple et des choses sacrées. La plupart sont des décrets accordant des privi- léges réels ou purement honorifiques aux étrangers qui ont fait preuve de piété envers le temple, par exemple, en dénonçant les voleurs des richesses sacrées, ou ceux qui ont rendu quelques ser- vices : ainsi le héraut sacré du conseil (éepoxrpuË) , les architectes qui ont surveillé les travaux du temple, d’autres qui avaient entre- tenu avec soin le sanctuaire de Minerve Pronæa, un Argien qui avait consacré dix boucliers pour la course armée des jeux py- thiens!, un Delphien qui avait la surveillance du gymnase, de la grande chapelle et de la panoplie des Amphictyons?. Ils dis- posent même des honneurs que la ville de Delphes décerne à ses proxènes; parfois ils les mettent sous la protection spéciale des Amphictyons, condamnant à une amende celui qui les attaquera eux ou leurs biens, et requérant les hiéromnémons présents et les villes qui font partie de l’assemblée de leur assurer leur té tion. Naturellement, c'était aux Étoliens qu ‘appartenait la prési- dence des jeux pythiens et des Zwrrpua. Leur action paraît donc s'être bornée à l'administration de tout ce qui touchait au sanctuaire; mais, au moyen des affaires reli- gieuses, on pouvait facilement intervenir dans les affaires poli- tiques, et, comme les Etoliens avaient à leur disposition la force matérielle , il est probable qu'ils profitèrent de ces prétextes. En effet, un traité d'alliance entre les Étoliens et les habitants de Céos stipule que les Étoliens ne les attaqueront pas sous le pré- texte d’une accusation amphictyonique du@exruorimôv ÉyxAnua. C'est le seul indice que nous ayons du parti politique que les Étoliens avaient essayé de tirer de l'assemblée reconstituée à leur profit. Cette arme pouvait être dangereuse entre leurs mains; aussi ! Lebas, n° 835 et sq. ? Inser, Delph. n° 1. $ Corpus Inscriptionum, n° 2,350. D la ligue Achéenne et la Macédoine, exclues du conseil, voulurent la leur arracher; ils promirent de rétablir les lois de l’ancienne assemblée et de lui rendre l’intendance du temple. Tous les partis étaientreprésentés à Delphes; celui des Étoliens paraît avoir été le plus fort. Ils étaient les maîtres de la ville et en relations très-fréquentes avec elle, comme le prouve le grand nombre d'esclaves affranchis à Delphes par des habitants de l'É- tolie proprement dite ou des villes réunies à la ligue. Leurs dé- crets pour régler les frontières des villes de la Thessalie méri- dionale étaient affichés à Delphes! ; de même, les remerciments de la ville d'Érythrée au peuple étolien ; un de leurs citoyens fai- sait un legs à la ville de Delphes; outre les offrandes de l'invasion gauloise, ils y dédiaient un petit exèdre que Dodwell a encore vu au commencement du siècle; ils ÿY avaient élevé en l'honneur du roi Eumène leur allié un monument dont une inscription at- teste l’existence?. Les Delphiens avaient été gagnés par le don de deux voix au conseil amphictyonique; un de leurs premiers ci- toyens donnait à son fils le nom de Drlairwos, et à son petit- fils celui de [avaræiw)os. Les rois de Macédoine avaient aussi un parti influent dans la cité, au moins au temps de Persée ÿ. Le roi y faisait afficher le dé- cret qui rappelait les exilés et leur promettait la restitution de leur biens; il faisait préparer devant le temple une colonne sur laquelle il devait placer sa statue*; l’un des citoyens les plus im- portants était assez dévoué au roi de Macédoine pour donner asile aux meurtriers qui tentèrent d’assassiner Eumène. Enfin Persée lui-même se rendit à Delphes, après avoir soumis les montagnards de l'OEta; malgré le soin qu'il avait pris de ménager les popula- tions sur son passage, malgré la courte durée de son séjour, son 1 Lebas, n° 842. ? Je donne le texte de cette inscription; Rangabé l’a publiée d’après une copie qui n'était pas tout à fait exacte. BAZSIAEAEYMENH BAZSIAEQEATTAAOY:. TOKOINONTONAIT@AOQN APETAZSENEKENKAIEYEPTE SIASTAZTOTITOEONOZ Polybe, XXVI, v. * Tite-Live. he — apparition en maître dans le sanctuaire jeta la terreur chez tous les Grecs partisans de Rome, et ce fut un des prétextes allégués par le sénat pour lui faire la guerre. Les Delphiens étaient aussi en bons rapports avec les futurs maîtres de la Grèce. Dans les grandes circonstances, les Romains avaient continué à consulter l’oracle; sa renommée donnait de l’au- torité à ses réponses, et l'éloignement permettait aux députés de les accommoder aux desseins du sénat. Une ambassade avait été envoyée après la bataille de Cannes et conduite par l'historien Fa- bius Pictor; une autre avait consulté l’oracle pour la Mater Idæa qu'ils allaient chercher en Asie Mineure. Quand les Romains, vainqueurs de Carthage, entreprirent la conquête de la Grèce, ils ne négligèrent pas de rendre de grands honneurs au sanctuaire et d'assurer ses priviléges; son influence pouvait en faire un utile allié. Le vainqueur de Philippe, Ftami- ninus, après avoir proclamé la liberté de la Grèce aux jeux Isthmiques, consacrait à Delphes des boucliers d'argent et une couronne d'or avec une inscription! Après la défaite d’Antiochus, M. Acilius Glabrion fixa de nouveau les limites du territoire sacré, mais ce fut en se conformant aux sentences des hiérom- némons ?. Les Romains n'intervenaient que pour consacrer les droit sdu sanctuaire *. Comme les généraux qui l'avaient précédé, Paul-Émile ne négligea pas de rendre hommage au dieu de Del- phes. Lui-même, dans la lettre qu'il écrivait au sénat pour rendre compte de sa campagne, rappelait qu’il s'était rendu à Delphes et qu'il avait sacrifié à Apollon Pythien. Après sa victoire, il y revint encore et mit sa statue sur la colonne que Persée avait destinée à la sienne. — La politique constante des Romains avait été de respecter et d’honorer les dieux et les sanctuaires des peuples soumis. Le sénat, qui protestait de son respect pour le sanctuaire de Téos et s’engageait à reconnaitre son inviolabilité, ne pouvait pas avoir moins d'égards pour le sanctuaire de Del- phes. Une inscription, bien mutilée, a conservé les fragments de trois décrets rendus à cette époque ® pour confirmer les priviléges ! Plutarque, Flamin. ? Corpus Inscr. n° 1711. 3 Plutarque, Paul. Enul. Tite-Live, XLV, axvir. # Lebas, n° 60. $ Id. n° 852, a. b. c. — 216 — des Delphiens. Le sénat décrétait que la ville serait libre, exempte d'impôts, qu'elle continuerait à posséder le territoire consacré et à se gouverner selon ses anciens usages. Les Delphiens pouvaient donc compter sur la bienveillance des vainqueurs; les premiers citoyens ne dédaignaient pas d’accepter le titre de proxène que la ville leur décernait !. Le vainqueur de Philippe, Titus Quinctius, devenait ainsi le protecteur de la cité; plusieurs membres des plus nobles familles, des Valerïus, des Acilius, des Emilius se chargeaient de défendre ses intérêts devant le peuple et devant le sénat. Ainsi, grâce au sanctuaire, les Delphiens continuaient prospérer, malgré la décadence de loracle; tous les partis les ménageaient, Car leur faiblesse matérielle empéchait de redouter leur rivalité, et la force morale des souvenirs et de la religion donnait du prix à leur alliance. Les nombreuses inscriptions découvertes à Delphes, et qui datent de cette époque (de 214 à 163), nous permettent de pé- nétrer plus avant dans les affaires de la république, et de voir quelle était son organisation à l’intérieur, quelles étaient ses rela- tions à l'extérieur. La décision des affaires appartenait au peuple. « Il a semblé bon à la ville de Delphes, dans une assemblée régulière, avec le nombre légal de suffrages. » Tel est le préambule ordinaire des décrets; il est souvent abrégé et remplacé par cette simple for- mule : ÉdoËe T& moher. À cette assemblée du peuple appartenait le droit de décerner les honneurs et les priviléges de la proxénie; elle pouvait de même accorder l’exemption de certains impôts; non-seulement à un citoyen, mais encore à ses descendants. Le premier magistrat est l’archonte éponyme, qui donne son nom à l’année; au-dessous de lui, un sénat composé de six mem- bres, appelés indifféremment archontes ou sénaleurs. Ils n'étaient en charge que pendant un semestre, trois par trois; l’un d'eux prenait aussi le titre de greffier du sénat. Dans une ville sacrée comme Delphes, les fonctions religieuses étaient les plus importantes. Au premier rang, les deux prêtres d’Apollon Pythien. Ils sont nommés à vie et égaux en dignité; car on retrouve les mêmes noms sous plusieurs archontats et dans un ordre différent. Il n’est pas question, dans les inscriptions, du collége des cinq Hosii dont parle Plutarque, ni des prêtres ! Inscr, Delph. n° 5. — 217 — des autres divinités. Mais, à côté des prêtres d’Apollon, il est fait mention d’autres fonctionnaires. Le néocore, comme son nom l'indique, était chargé de toute la partie matérielle du temple. Cette charge, assez humble à l’origine, était relevée par la gran- deur et da richesse du sanctuaire; et elle était devenue assez im- portante pour être confiée à des hommes qui avaient obtenu l'honneur de l’archontat, comme un certain Ménès, qui fut néo- core pendant plusieurs sacerdoces successifs. Après le néocorc, on trouve quelquefois des personnages appelés 7poordra, dé- fenseurs. Is semblent avoir eu pour charge de protéger les biens du dieu et de défendre ses droits devant les tribunaux. Signalons encore l'architecte du temple, à qui revenait le soin d’assigner les tentes qu’on élevait pendant la célébration des jeux pythiens et de veiller à la conservation des offrandes faites au dieu; l’épi- mélète du gymnase, d’autres surveillants de la grande chapelle, de la panoplie des Amphictyons, etc. En rapprochant les noms qui reviennent dans les inscriptions, ou voit qu'à cette époque il n’y avait plus à Delphes d’aristocratie politique ou religieuse. Les prêtres d’Apollon n'arrivent au sacer- doce qu'après avoir rempli les différentes charges de la cité; nous les voyons d’abord simples citoyens, puis sénateurs, archontes ; preuve évidente qu’il n'y a plus de familles sacerdotales investies d'un privilége héréditaire. De même dans l’ordre politique, les familles sont toutes unies par des mariages, et tout semble cal- *culé pour ouvrir à tous l'accès aux honneurs. Ainsi il est rare de rencontrer un citoyen qui ait été deux fois archonte; il n’était pas nécessaire de confier le pouvoir à des mains exercées, dans une république qui n'avait pas de guerres à soutenir. C'était le contraire chez des belliqueux Étoliens, dont les: stratéges sont souvent nommés à côté des archontes delphiens; on trouve plu- sieurs de ces stratéges investis trois et quatre fois de la première magistrature de la ligue. À Delphes, on ne rencontre pas de ces citoyens qui arrivent promptement aux premiers honneurs, et que leur habileté rend nécessaires aux cités dans les circonstances difficiles. Tous arrivent au pouvoir par une marche régulière et paisible; ils se font connaître en figurant comme témoins dans les ventes d'esclaves; ils gagnent la bienveillance de leurs concitoyens en acceptant la charge de garants, par laquelle ils s’obligent à protéger les esclaves affranchis contre ceux qui voudraient de — 218 — nouveau les asservir; la responsabilité était assez grande, puis- qu'en manquant à ses devoirs le garant fourni par le vendeur s’exposait à une amende considérable. Ces services civils condui- saient au sénat; la plupart arrivaient ensuite à l’archontat, quel- ques-uns à la prêtrise. : Les inscriptions nous font encore connaître plusieurs détails de l’organisation intérieure de la cité. Nous connaissons ainsi le nom de deux impôts, # xopayia et Tù iatpuôr !. La première de ces charges, la chorégie, est bien connue; il s'agissait de fournir aux frais d’un chœur. Cette obligation existait dans toutes les ré- publiques grecques; elle pesait sur les plus riches citoyens, et assez lourdement, comme on peut le voir dans les plaidoyers des orateurs attiques. Quant au éarpxôr, c'est la première fois que nous trouvons ce mot dans ce sens; quelques explications sont donc nécessaires. Il y avait dans les villes grecques des médecins publics, élus par l’assemblée et payés par l'État ?; ils avaient pour charge de soigner gratuitement les malades. La somme qu'ils re- cevaient de l’État était réunie au moyen d’une contribution qui s'appelait ro éarpsxôv. I] faut croire que cette espèce de traitement ne suffisait pas d'ordinaire aux besoins de ces médecins publics. Sans doute ils rançonnaiïent les malades qu’ils auraient dû soi- gner gratuitement, ou ils ne montraient pas un zèle bien vif pour visiter ceux qui étaient trop éloignés; car plusieurs décrets, ren- dus en l'honneur de médecins, allèguent comme un titre à la reconnaissance publique leur désintéressement et leur empresse- ment à soigner les malades. Une des nouvelles inscriptions d’af- franchissement nous montrera de quelle manière ils diminuaient leurs travaux. Le maître est un médecin, et, tout en vendant au dieu son esclave, il stipule que, pendant cinq ans encore, il lai- dera à exercer la médecine, moyennant la nourriture et lhabil- lement. Si ce Dionysos avait été un médecin particulier, n’au- 1 ÉdoËe 74 mé êv dyop& Teheia oûu iQ T& évyouw Druoliwvt xai ÉxyOvos drTéÂeray eiuey yopayias xai soÿ éarpuxod. ([Inscr. Delph. n° 16). * Pour l'histoire des médecins publics dans l’antiquité, voir un intéressant chapitre de M. Perrot, dans son Voyage en Galatie, p. 47, et une curieuse inserip- tion de Karpathos, publiée par M. Wescher dans la Revue archéologique, 1863, p- 460. 9 Ei dè ypetav &yor Aroyboios, ouviatpeuére Aduwy mer’ aüroÿ ëTn DÉvTE, Aau6dvwy rà y rèv TpoPèy mévra nai évdvdionduevos xai oTpouarx Xap- Sdvwv. (Inscr. Delph. n° 234.) — 219 — rait-il pas craint de perdre ses clients en leur envoyant à sa place son esclave? Au contraire, on comprend sa conduite si c'était le médecin public, payé au moyen de la contribution, rù éarpeno». Pour suffire à ces visites qu'il ne pouvait faire payer, il avait be- soin d’un aide, et il se le procurait à bon compte, en s’assurant les services peu coûteux de son ancien esclave, qu’il envoyait à sa place chez les malades de basse condition, ou qui étaient trop éloi- gnés de la ville. Outre les charges publiques, il y avait les contributions parti- culières pour les tribus ras ouubokas êy Tàs Quhas didous 1. Le mot @uAr correspond au latin gens et désigne une réunion de fa- milles associées par le culte d’ancêtres communs; les contributions dont il est ici question étaient destinées à pourvoir aux frais des sacrifices et des festins célébrés par la tribu. À côté de ces asso- ciations, il s’en forme d’autres nommées épavo:. Ces communautés ont également le caractère religieux, mais, au lieu d’être réservées à des citoyens issus d’une même origine, elles sont ouvertes à tous, et même à des étrangers. Il n’est pas besoin d’exposer en détail la nature de ces sociétés; il suffira de rappeler que les membres qui lès composaient payaient une cotisation, appelée épavos, pour faire des sacrifices à leur divinité protectrice et cé- lébrer des repas en commun. En outre, ces sociétés prêtaient aux membres qui'se trouvaient dans le besoin, mais elles pouvaient mettre hypothèque sur les biens, ou, d'après une inscription ?, exiger la garantie d’un tiers, qui devenait responsable. Cette dette portait aussi le nom d'épavos. On a trouvé un grand nombre de ces sociétés dans les autres villes de la Grèce, au Pirée surtout et à Rhodes ou dans les îles voisines. On voit qu’elles existaient éga- lement à Delphes, et que les habitants avaient recours à ce mode d'emprunt, puisque plusieurs maîtres, en vendant leurs esclaves, stipulent que ceux-ci acquitteront pour eux la dette contractée envers la communauté ou éoavos 5. Les affaires civiles les plus importantes paraissent avoir été à cette époque les ventes d'esclaves, à en juger par le nombre de ces documents: on les trouve sur les murs du théatre, sur la muraille pélasgique qui soutient la terrasse du temple, sur les 1 Inscr. Delph. n° 66. 2 Ibid. n° 139. 3 Jbid. n° 107, 126,139, 215. — ruines d’un petit édifice demi-circulaire, sur des plaques de mar- bre isolées; on en connait près de cinq cents environ, et il y en a encore bien d’autres sur les ruines que nous n’avons pas pu dé- gager. Ces actes nous apprennent beaucoup de détails intéressants sur les lois civiles de Delphes, sur les contrats, les obligations auxquelles ils donnaient naissance, les tribunaux d’arbitres ap- pelés à juger les différends entre les maîtres et les affranchis, les garanties que le possesseur d’un esclave devait fournir au dieu qui l’achetait, les actions en justice auxquelles ces ventes don- naient naissance !. Il importe surtout de signaler un fait qui est de la plus grande importance pour connaître la condition de la femme dans l'antiquité. On sait qu’à Athènes elle était tenue dans une perpétuelle minorité et ne pouvait faire aucun acte de la vie civile sans l'assistance de son tuteur, désigné par la loi et appelé du nom significatif de xÿosos. À Delphes, au contraire, et en gé- néral dans la Grèce du Nord, la femme n’est pas frappée de cette incapacité civile; elle a le droit de vendre et de faire des con- trats, elle peut paraître devant les tribunaux et intenter une ac- tion. Quelque contraire que cette condition de la femme paraisse aux usages de l'antiquité, les exemples sont trop nombreux pour que le fait puisse être révoqué en doute ?. Pour les affaires publiques de la ville, c’est encore aux inscrip- tions qu’il faut recourir. Les Delphiens, nous l’avons vu, avaient toujours été avides de présents; à cette époque, ils se faisaient un revenu en vendant à des étrangers riches et vaniteux la célébra- tion de services funèbres et de fêtes qui portaient leur nom, « Archonte Démosthène, mois Poitropios, Alcésippos, fils de Bouthéras, de Calydon, a fait aux conditions suivantes donation au dieu et à la ville de Delphes de 130 pièces d’or, 22 mines et 30 statères; à la mort d'Alcésippos, la ville de Delphes, avec l'in- térêt de l'or et de l'argent, célébrera chaque année un sacrifice, fera un festin public en l'honneur d’Apollon, et donnera à cette fête le nom d’Alcesippeia; le sacrifice sera fait au mois Héræos; la pompe partira de l'aire et sera faite par les prêtres d’Apollon, ? Dans un mémoire lu à l’Institut et qui a été imprimé dans le Journal géné- ral de l'Instruction publique (juillet 1863), j'ai traité en détail toutes les questions relatives à ce mode d’affranchissement. 2? Inscr. Delph. n° 16. 3 Jbid. n° 436. — 221 — l'archonte, les prytanes et tous les autres citoyens. » C'est une affaire publique entre la ville et un particulier. Moyÿennant une certaine somme, le donateur a le droit de faire ses conditions, de spécifier les cérémonies, de fixer l'époque de la fête, le chemin que suivra la pompe; il peut mettre en mouvement les prêtres, les magistrats et le peuple tout entier. Les clauses de ce contrat sont annoncées trop simplement pour ne pas avoir été d’un usage fréquent. On reconnait là ce caractère des Delphiens que rail- laient les comiques, en les représentant une couronne sur la tête et un couteau à la main, toujours occupés à célébrer des fêtes et des festins, aux frais des étrangers. À la même époque, un décret du peuple reconnaissait l’invio- labilité du territoire de Téos, que les habitants consacraient à Bacchus!. Ce décret, adressé sous forme de lettre aux Téiens, avec plusieurs autres de différents peuples, montre l’empresse- ment des Delphiens à reconnaître le privilége d’une ville où rési- dait la compagnie des artistes Dionysiaques qui venaient, aux jeux pythiens et sotériens, donner à Delphes des représentations théâtrales. Les relations des Delphiens avec les peuples étrangers étaient très-fréquentes, grace à l'importance du sanctuaire d’Apollon. Un grand nombre d'habitants de la Grèce du Nord venaient à Delphes pour affranchir des esclaves en les vendant au dieu; il importait d'assurer au dehors l'exécution de ces contrats et de protéger la liberté de l’affranchi contre toute attaque. De là des conventions conclues avec les peuples voisins, Locriens, Étoliens, Phocidiens, habitants de la Béotie, de la Doride et de la Thessalie?. Peut- être même ces conventions n’avaient-elles pas seulement pour objet les affranchissements d’esclaves, mais tout l'ensemble des lois civiles de ces divers pays et tous les rapports entre les Del- phiens et les étrangers. C'était une nécessité dans la Grèce, où les États étaient si nombreux et si rapprochés; toute transaction serait devenue impossible, si un contrat fait à Delphes n'avait plus été valable dans la cité voisine. Le nombre des décrets de proxénie# et surtout la liste des 1 Pour cette inscription, voir le teste publié dans Lebas, corrigé et complété, d'après l'estampage , par M. Waddington, 84. ? Inscr. Delph. n° 47, 110, 111, 120, 144, 156, 169. 3 Jbid. n°‘ 7-18, 491,452, 457, 458, 460-465. — 922 — proxènes, qui comprend cent trente-deux noms, montrent qu'à cette époque la ville de Delphes avait des Pppuns avec toutes les cités du monde antique. Ces textes sont loin de donner la liste complète des proxènes de Delphes, mais ils suffisent pour prouver qu'il y en avait dans toutes les villes de la Grèce. Lorsqu'on en trouve à Scarphée en Locride et à Patræ en Achaïe, à Lilæa en Phocide, est-il probable qu’il n'y en eût pas à Corcyre, à Mégare, à Sparte, quoiqu'l n’en soit pas fait mention dans les inscriptions que nous connaissons ? Il ne suffisait pas d’avoir plusieurs proxènes à Thèbes, il en fallait encore dans les autres villes de la Béotie, à Coronée, à Tanagre, à Chéronée, à Lébadée, à Oropos. De même pour les autres États de la Grèce, pour l'Épire, pour la Thessalie et la Macédoine. Chaque ville, même comprise dans une confédération, conservait son indépendance municipale et traitait séparément les affaires qui la concernaient. Les Delphiens avaient donc soin, dans cha- cune d'elles, de s'attacher un ou plusieurs citoyens en lui décer- nant les honneurs et les priviléges de la proxénie. Ces relations d'amitié s’étendaient bien au delà de la Grèce et . des pays voisins. Depuis la lointaine colonie de Panticapée, relé- guée au fond du Pont-Euxin, jusqu’à la florissante cité d’Alexan- drie, nous trouvons des proxènes delphiens, non-seulement dans les grandes villes de Byzance, de Lesbos, de Chios, de Samos, d'Éphèse, de Cnide, de Rhodes!, etc. mais encore à Alabanda, dans l’intérieur de la Carie, à Tlos, en Lycie. Dans l’ile de Chypre, à Laodicée, à Apamée en Syrie, en Phénicie, nous trouvons aussi des habitants qui s’honoraient de ce titre et s’efforçaient de le mériter par les services rendus à la ville et aux particuliers ?. Alexandrie surtout entretenait des rapports fréquents et amicaux avec la ville de Delphes puisque, en quelques années, nous voyons décerner la proxénie à seize habitants de cette ville. Il en était de même à l'Occident; il y avait des proxènes del- ! Les proxènes étaient naturellement choisis parmi les personnages les plus influents de Ia cité; nous en avons un exemplé pour ceux de l'ile de Rhodes. Dans un article de la Revue archéologique (avril 1865), j'ai signalé l'un des proxènes, HiQarionos KakËelyov, qui avait été trésorier dans sa patrie, et l'un des commissaires rhodiens chargés de régler les différends de Samos et de Priène. ? Voir Bæœchk, n° 225, — 223 — phiens à Syracuse, à Agrigente, à Messine, Tauromenium, Argy- rippa, Brindes, Ancône, Élée, Canusium même, et enfin à Rome et à Marseille. Le proxène avait pour fonctions de donner l'hospitalité aux ambassadeurs !, de les introduire auprès du peuple, de leur assurer des places aux théàtres, en un mot de remplir tous les devoirs d’un hôte à l'égard d'une ville étrangère et de ses citoyens. C'était en les remplissant d’abord de bonne volonté qu'on méri- tait ce titre et les priviléges qui y étaient attachés. Ils sont les mêmes à Delphes que dans les autres cités de la Grèce : doukia, do@dheta, l'inviolabilité sur terre et sur mer, en paix comme en guerre; zpoduxia, le droit de se faire rendre justice avant les autres; poedola, une place réservée au théâtre et dans tous les jeux; puis éréssa, l'exemption des droits d'entrée et de sortie qui. pesaient sur les étrangers; éyxTäous yäs uai oixias, le droit d'acquérir et de posséder des terres et des maisons; enfin des priviléges particuliers à la ville de Delphes, rpouavreia, le droit de consulter le premier l’oracle, droit décerné quelquefois à des peuples tout entiers, et Seapodouia rév Ivory nat Ewrnpior?, le droit de recevoir les théores ou députés sacrés envoyés par la ville de Delphes à l’occasion des jeux pythiens et sotériens. Tous ces priviléges ne sont pas toujours énumérés; mais comme le décret ajoute «et tous les autres priviléges que la ville accorde aux autres proxènes et bienfaiteurs , » on peut conclure qu'ils sont implicitement contenus dans un seul titre. Quelquefois on ajou- tait à ce décret des honneurs extraordinaires : une couronne de lauriers, récompense nationale des Delphiens , un éloge public. Le greffier du sénat était chargé de faire graver le décret dans l'enceinte sacrée ou sur une stèle, et nous trouvons même dans une inscription cette addition : dans le lieu le plus en vue“. La proxénie n'est pas une institution particulière à Delphes, elle est commune à toute la Grèce; on en a trouvé dans presque toutes les cités. Pour me borner à Delphes, il est facile de voir que ce titre d'hôte et de bienfaiteur avait des sens différents, selon la personne à qui il était conféré. Pour le plus grand nombre, _ Pollux, III, Lix. Suidas, ido£evos. Corpus inscript. n° 225. Inscr. Delph. n° 15, 17,452, 465. Lebas, n° 372. Id. n° 881. => © NW — 2924 — c'était la récompense de services rendus et la confirmation offi- cielle des fonctions dont on s'était d’abord chargé volontairement. Pour quelques-uns, c'était un pur honneur; par exemple, lors- qu'il était décerné à une femme, comme à la prêtresse de Minerve à Athènes, pour la belle conduite de la pompe pythienne, il est évident qu’elle n’avait pas de fonctions à remplir, non plus que cette poétesse que les Héracléens récompensaient ainsi des éloges donnés à leur ville. Enfin, quand cet honneur était conféré à un Flamininus et à un Valérius, n'était-ce pas une demande de pro- tection et de véritable patronage ? CHAPITRE VIL DOMINATION ROMAINE. La conquête romaine n'avait causé aucun préjudice au sanc- tuaire de Delphes; respecté, honoré par les vainqueurs, il échappa aux malheurs qui accablèrent les autres peuples de la Grèce. Mais c'était déjà beaucoup de subsister dans la ruine générale; 1l ne fallait plus prétendre à aucune influence. La guerre civile lui fut plus funeste encore; il ne pouvait échapper aux maux qui frap- paient Rome même et l'Italie. II fallut livrer ces richesses, qui le consolaient de son autorité perdue depuis longtemps. Sylla avait besoin d'argent pour payer ses troupes et repousser les généraux de Mithridate ; le sanctuaire d’Apollon était riche et sans défense; c'est à lui qu'il eut recours. Les Amphictyons essayèrent vaine- ment de détourner par des prodiges l'agent qui était chargé de rap- porter ces trésors. Sylla! n’était pas religieux, mais c'était un dé- vot superstitieux comme Louis XI, avec lequel il a plus d’un trait de ressemblance. Quand son intérêt le commandait, il savait im- poser silence à ses scrupules; ainsi il n’avait pas hésité à toucher aux richesses sacrées; mais il portait toujours avec lui une petite figurine d'Apollon enlevée de Delphes, et, au moment du danger, il l'embrassait avec une ardente dévotion. Il en était ainsi des figures de Notre-Dame que le roi de France avait sur son chapeau, et aux- quelles, dans le besoin, il adressait de ferventes prières et de sin- gulières confessions. Sylla avait eu besoin d'argent, il en avait em- ! Plutarque, Sylla; Diodore de Sicile, XXXVII, vu. — 225 — prunté au dieu, mais il essayait de s'acquitter avec les dépouilles d'autrui et remboursait l’oracle en lui donnant la possession d’une partie de la Béotie. | Le sanctuaire n'avait pas encore perdu tous ses visiteurs. Les jeunes Romains qui allaient étudier à Athènes et achever leur édu- cation par un voyage en Grèce ne manquaient sans doute pas de se rendre à Delphes!. Plus d’un interrogeait l’oracle sur sa des- tinée, poussé sinon par une foi réelle, au moins par la curiosité. Cicéron , encore obscur, mais déjà préoccupé du désir de la gloire, lui demandait comment il deviendrait très1llustre. D’autres es- prits forts tendaient un piége au dieu et se moquaient de ses ré- ponses?. Le sophiste Daphitas lui avait demandé s'il retrouverait son cheval; or il n’en avait jamais possédé. La Pythie lui répondit qu’il retrouverait le cheval, mais qu'il en serait précipité et péri- rait; et Daphitas de triompher de la réponse du dieu. Le crédule Valère Maxime qui raconte cette anecdote ajoute que ce sophiste tomba aux mains du roi Attale qu’il avait outragé et qu'il fut pré- cipité du haut d’une montagne appelée Cheval. Ces questions insi- dieuses ou ironiques montrent quelle était la décadence de l'oracle, même avant la conquête romaine. Ou bien, on s’adressait à lui de bonne foi, mais pour lui faire des demandes ridicules aux- quelles le dieu répondait avec un sérieux qui fait sourire. Les ha- bitans d’Astypalæa , effrayés de la multiplication des lièvres sur leur territoire, demandèrent au dieu ce qu'il fallait faire. Il leur répondit fort sagement qu'il fallait nourrir des chiens. Quand un oracle est réduit à répondre à de pareilles questions, il faut qu'il soit tombé bien bas; et cette décadence était d'autant plus irre- médiable qu'elle n’était pas due aux attaques de ses ennemis, mais à sa propre faiblesse. Les philosophes ne l’attaquaient pas au nom de la raison; au contraire, on rendait hommage à sa véracité dans le passé, on vantait le rôle important qu'il avait joué dans l’his- toire de l’ancienne Grèce*; le célèbre philosophe Chrysippe s’ap- pliquait même à recueillir les réponses de l’oracle et ne les ad- mettait que sur des autorités considérables. Mais, pour le moment, tout le monde s’accordait à reconnaître qu'il était bien déchu. Ci- céron, après avoir parlé de sa gloire passée, ajoute : Nunc minore ! Plutarque, Cicéron. 2 Valère Maxime 1, xvrr. 3 Cicéron, De Divinatione, 1. MISS. SCIENT. — 11, 15 — 226 — gloria est, quia minus oraculorum veritas excellit. I en indique comme la cause probable l’affaiblissement du souffle qui inspirait la Pythie. Potest autem illa vis quæ mentem Pythie divino afflatu concitabat, evanuisse vetustate, ul quosdam exaruisse amnes aut in alium cursum contortos et deflexos videmus. Strabon ! en parle comme Cicéron, comparant à sa gloire passée sa décadence présente : No» pèv oÙr œhrywpeirai muws Tù ispèr, mporépor d’ ÜrepÉai\6TwS ÊTL- UÂTO. Quant à l’amphictyonie, elle resta aux mains des Etoliens, même après leur défaite, car ils figurent avec quatorze ou quinze voix dans des inscriptions postérieures à cette époque. Ce fut seulement après la conquête que l'assemblée fut réorganisée; on y rappela les députés des peuples qui l'avaient composée autrefois. On peut le voir par la liste dont nous avons parlé plus haut. Il n’y a, dans les historiens ni dans les inscriptions, aucune trace de changement jusqu’à la fin de la république. , Auguste réorganisa l'assemblée ? et voulut y dust le pre- mier rang aux habitants de la ville de Nicopolis, fondée en mé- moire de la victoire d’Actium. Il leur attribua les suffrages des Magnètes, des Maléens, des Ænianes, des Phthiotes, désormais confondus avec les Thessaliens, et des Dolopes, dont la race avait disparu, c’est-à-dire dix suffrages sur vingt-quatre. Au temps de Pausanias, il Y avait trente Ampbictyons, mais il n’en nomme que dix-sept; à qui appartenaient les treize autres voix?? C’est ce qu’il a négligé de nous dire. Les habitants de Nicopolis avaient-ils conservé tous les suffrages que leur avait attribués Auguste? On n’arriverait pas encore au chiffre de trente; il doit donc y avoir une erreur dans le texte. Peu importe, au reste. Le conseil am- phictyonique, à l'époque romaine, n'avait plus la moindre impor- tance; c'était un débris du passé et son autorité était bornée à l'administration du sanctuaire. Les richesses artistiques du temple n’échappèrent pas plus que les autres au pillage; Néron, dans son voyage en Grèce, vint à Delphes et enleva cinq cents statues de bronze pour décorer ses palais; malgré cela, c'était toujours un des sanctuaires les plus riches, puisque, du temps de Pline, il y avait encore plus de trois mille statues. ! Strabon, IX, x11. 2 Pausamias, X. — 49 — Sous les Antonins, Delphes sembla renaître comme la Grèce entière. La plupart des monuments d'Athènes encore debout, en dehors de l’Acropole, datent de l’époque d’Adrien : le portique qui porte son nom, les portes de l’Agora, le théâtre et le stade d'Hérode Atticus, le temple de Jupiter Olympien achevé, la porte d’Adrien , qui sépare la nouvelle ville créée par l’empereur de l’an- tique cité de Thésée. Il en fut de même à Delphes. Hérode Aiti- cus faisait recouvrir le stade de marbre pentélique; Plutarque cé- lèbre la naissance et l'accroissement du faubourg de Pylæa, ville nouvelle qui s'élève aux portes du sanctuaire, comme l’Athènes d’Adrien à côté de l’Athènes de Thésée. Les Grecs réunis à Pla- tée avaient voté des remerciments à Adrien, le sauveur de la Grèce; j'ai retrouvé cette inscription, qui fut placée à Delphes. Ce grand nom de Platée, cette assemblée de tous les Grecs dans un lieu consacré par la défaite des Perses ne montrent-ils pas le soin que prit Adrien de ranimer les souvenirs nationaux 1? La religion même semblait se ranimer, et il est intéressant de voir dans les écrivains de cette époque quels étaient les défen- seurs ou les ennemis du sanctuaire. Parmi ses défenseurs, les uns revenaient simplement aux anciennes croyances. Pausanias est le type de ces dévots crédules, prompts à accepter tous les récits merveilleux, à rapporter les légendes les plus fabuleuses, à ad- mettre toutes les prédictions de l’oracle. Jai eu assez d'occasions de parler de Pausanias pour ne pas y revenir. Son livre n’a rien de personnel; c’est l'écho des exégètes, cicerone sacrés qui se chargeaient de promener les visiteurs dans les lieux célèbres. Plutarque nous a tracé un portrait peu favorable de ces guides de profession. Comme les cicerone, ils avaient leur leçon apprise par cœur et la récitaient sans pitié pour les auditeurs qui les sup- pliaient d'abréger?; étaient-ils forcés de se taire un instant, ils se hâtaient de reprendre la parole et de débiter avec la foi la plus 1 Inscr. Delph. n° 468. J'ai trouvé dans les ruines d° Éphèse les fragments d’une lettre adressée par le même empereur aux habitants d'Éphèse ; elle est malheureusement mutilée, mais elle suflit pour montrer avec quel soin l'empe- reur parcourut les principales villes de la Grèce. Dans les lignes qui présentent un sens, on voit qu'il parle d'un voyage fait à Rhodes et d'un autre à Éleusis. H y a là de quoi justifier les expressions, peut-être un peu emphatiques, de l'ins- cription de Delphes : Aÿroxpdropr Âdpravé owrñp: puoauéve nai SpéVavri rh £auroû ÉXdO& oi ais Haaralas ouvlovres Éd Anves xapioTñpiov évélnuar. ? Plutarque De Eï delphico, 11, v, xt. — 228 — intrépide les prodiges les plus merveilleux et les prédictions les plus étonnantes. Mais si les visiteurs leur faisaient quelque question imprévue , ils ne trouvaient rien à répondre. Au-dessus étaient les prêtres, les théologiens, les philosophes. Les prêtres, comme ce Nicandre que Plutarque met en scène, avaient un corps de doc- trines et le sens de tous les rites religieux, au moins le préten- daient-ils; mais, quand on les interrogeait, ils ne répondaient aux questions que par un sourire mystérieux et la défense de le révé- ler aux profanes. Les chants des SeoÂdyor avaient une bien plus grande portée; d’après Plutarque !, il semble qu'ils soient revenus aux données primitives du panthéisme, d’où était sorti le paga- nisme. Les philosophes inclinaient aussi de ce côté; ils s’effor- çaient par le symbolisme de ranimer la religion affaiblie et de don- ner un sens métaphysique à toutes ces vieilles légendes auxquelles le monde ne voulait plus croire; ils travaillaient? en même temps à identifier les religions de la Grèce et de l'Égypte et à montrer que la diversité n'était qu'apparente et dans les signes extérieurs; qu’au fond c'était la même vérité exprimée par des symboles di- vers. La divinité était une, et les différents dieux étaient la per- sonnification des aspects particuliers sous lesquels elle apparaît aux hommes. Bacchus et Apollon ne sont pas deux dieux distincts, mais deux côtés opposés de la force divine : l’un représentait l'u- nité, l’autre la variété. Avec ce système, tout détail avait un sens métaphysique ; les nombreux surnoms d’Apollon correspondaient aux différents degrés de la science des initiés. Chacun trouvait une interprétation d’après ses études; ainsi, pour le fameux E du temple, le philosophe y voyait une affirmation de Dieu, qui seul est; le mathématicien, la glorification du nombre cinq, qui joue dans les lois du monde un rôle si important; le dialecticien, la parti- cule qui fait le fond de tous les raisonnements. Cette recherche, le plus souvent subtile et raffinée, du sens de ces symboles chan- geait au fond la religion, mais elle en conservait l'extérieur ; c’est là ce qui explique comment le paganisme put se maintenir encore si longtemps et opposer au christianisme une résistance acharnée. Les légendes fabuleuses étaient trop visiblement absurdes pour résister si longtemps; elles n’eurent de force que par les systèmes ! Plutarque, De Eï delphico, xx. 2 Id. De [side et Osiride. — 229 — philosophiques qu'y mettaient les écoles. Plutarque appartient à la fois à ces deux sortes de défendeurs du paganisme; il incli- nait à accepter les prodiges, les oracles, il avait été prêtre d’A- pollon, il célébrait exactement les pompes et les chœurs; par nature il était crédule; mais son esprit était trop éclairé pour s'en tenir à cet extérieur; il se complaisait dans ces subtilités mé- taphysiques ou mathématiques qu’il a placées dans la bouche de ses interlocuteurs. Mais ces hautes idées n'étaient pas accessibles à la foule; 11 lui fallait une doctrine plus facile et des symboles plus grossiers. Elle était attirée vers ces dieux de l'Orient et de l'Égypte, Mithra, Sé- rapis, Osiris, qui avaient pour eux la nouveauté et l'attrait des mystères; la première des thyades de Delphes avait été initiée par son père et sa mère au culte d'Osiris. Les dieux qui donnent la santé étaient surtout en faveur. La Pythie avait de plus rudes concurrents dans ces jongleurs ventriloques qu’on appelait Pythons et qui prétendaient que le dieu descendait en eux pour les inspirer. Enfin la magie fut la véritable religion de l'empire romain; les livres de Tacite et de Pline mon- trent quelle faveur elle avait acquise, et l'on comprend l'engoue- ment des anciens pour cet art qui prétendait soumettre les dieux mêmes à la volonté de l’homme. Aussi ceux qui le possédaient étaient les maîtres: le célèbre Apollonius de Tyane venait à Delphes et entrait dans le temple en véritable triomphateur. Ils étaient pour l’oracle des rivaux redoutables et plus à craindre que les chré- tiens, dont les doctrines étaient encore peu connues et persécutées. Parmi les adversaires du temple, les plus bruyants, sinon les plus importants, furent les sceptiques. Lucien ne ménagea pas plus Apollon que les autres dieux. 11 lui reprochait surtout l’ambi- guité de ses oracles et la perte de ceux qui s'y étaient confiés; il s'amusait à le représenter sans cesse en course, obligé de courir à Delphes, dès que la Pythie mâchait le laurier sacré et agitait le trépied ; il proposait un décret pour l’obliger à choisir une de ces trois professions, prophète, poëte ou médecin. Mais en somme ces railleries, qui ne sont pas toujours très-spirituelles, n'avaient pas beaucoup de portée; Lucien était isolé et n'eut sur son temps qu'une influence très-restreinte. Plutarque est le témoin affligé de cette ruine. De son temps, une seule Pythie suffisait pour répondre; les sancluaires si nom- — 230 — ' breux de la Béotie avaient disparu; les païens ressentaient une vague inquiétude qu’atteste cette histoire : le grand Pan est mort. L’amphictyonie subsistait, mais que pouvait être cette assemblée? Les jeux pythiens avaient continué ; d’autres jeux du même nom avaient été fondés dans les grandes villes de l'Asie Mineure et de la Grande-Grèce; les jeux étaient alors exploités par des concurrents de profession qui se rendaient successivement aux différentes fêtes de la Grèce ; les inscriptions de l’époque sont pleines de ces vainqueurs qui comptent leurs triomphes par dizaines. Ainsi, de toutes ces antiques institutions qui faisaient autrefois la grandeur de Delphes, il ne restait plus qu'une ombre. Dans la longue ré- sistance du paganisme contre la religion nouvelle, Delphes ne joua aucun rôle; depuis longtemps, ce n'était plus, que de nom et de souvenir, l’'oracle du genre humain, le centre du monde; c'était une petite ville libre qui obtenaït, grâce à la mémoire des temps passés, les égards des gouverneurs et des empereurs ro- mains; elle témoignait sa reconnaissance par des statues élevées aux princes et des honneurs décernés à ses patrons. Elle ne tomba pas tout d’un coup, elle disparut peu à peu. Le riche musée qu'elle contenait avait déjà été pillé par Néron, il le fut encore par Cons- tantin et Théodose, qui embellirent Constantinople aux dépens de la Grèce entière. Le triomphe du christianisme lui porta le dernier coup et commença la ruine des édifices eux-mêmes, ruine qui a continué sans interruption Jusqu'à nos jours et que pour- suivent les habitants du village moderne. Octobre 1861. RAPPORT DE M. BOUTARIC, SUR UNE MISSION EN BELGIQUE, À L'EFFET DE RECHERCHER . LES DOCUMENTS INÉDITS RELATIFS À L'HISTOIRE DE FRANCE AU MOYEN ÀGE. 1°" Octobre 1864. Monsieur le Ministre, Je viens rendre compte à Votre Excellence du résultat de la mission que vous avez bien voulu me confier, à l'effet de recher- cher dans les bibliothèques et les archives de Belgique les docu- ments inédits concernant l’histoire de France au moyen âge. J'ai consacré près de cinq semaines à ces recherches, qui n'ont pas été infructueuses, ainsi que Votre Excellence pourra s’en con- vaincre par le rapport que j'ai l'honneur de lui adresser. Ce rap- port, pour plus de clarté, sera divisé en trois parties. Dans la pre- mière, je ferai connaître les dépôts que j'ai visités; J'énumérerai les ressources qu'ils offrent à ceux qui s'occupent de notre histoire nationale, les moyens de recherche qu'ils mettent à la disposition du public; je m'attacherai à indiquer exactement les inventaires ou catalogues imprimés, qui pour la plupart sont peu connus en France et dont quelques-uns sont excellents. Je crois que les renseignements de ce genre seront accueillis avec faveur et pour- ront rendre quelques services. Les connaissances bibliographiques sont indispensables aux personnes qui se livrent à l’érudition historique, surtout à une époque comme la nôtre où l'on publie à l’envi dans tous les pays les documents qui éclairent le passé. En France, on n’est pas assez au courant des publications faites à l'étranger, publications dont plusieurs ont pour nous un intérêt puissant. J'ai essayé, pour ma part, de combler cette lacune en ce qui concerne la Belgique, pays qui a eu des rapports intimes avec le nôtre, et dont une partie, la Flandre, a été pendant long- temps un fief relevant de la couronne de France. Dans la deuxième partie de mon rapport, je donnerai la liste chronologique et l’analyse sommaire des documents inédits que j'ai recueillis. Quand je dis « documents inédits, » je n’oserais affirmer qu'il n’y en aït pas quelqu'un qui n'ait déjà vu le jour; mais on peut être sûr qu'il ne figure pas dans les grandes collec- tions historiques et diplomatiques, ni même dans les ouvrages de quelque importance parus en France et en Belgique. Un document publié dans une revue que personne ne lit plus, ou dans un livre introuvable, a toute la valeur de l’inédit. J'ai cru devoir, dans le but de faciliter les recherches, donner une liste générale des do- cuments qui m'ont semblé intéressants, en ayant soin d'indiquer la provenance et la cote exacte de chacun d'eux. Ce système est à mes yeux préférable à celui qui consistait à faire suivre la des- cription de chaque fonds d’archives ou de chaque manuscrit de la mention des documents contenus dans ce manuscrit ou dans ce fonds. Peu importe à l'historien la provenance d’un document, du moment que son authenticité est hors de doute. Du rappro- chement de pièces conservées dans différentes archives jaillit sou- vent une lumière inattendue. J'ai apporté quelques modifications au système que j'avais adopté quand il s’est agi de certains documents qui n’ont de valeur que groupés et qui perdraient tout intérêt à être disséminés, à leur date, dans une liste générale : telles sont les pièces compo- sant les cartulaires ecclésiastiques. Ce sont en effet des actes au moyen desquels on peut faire l’histoire d’un domaine. Ce qu’on y rencontre ce sont des mentions géographiques et topographiques s'appliquant à des localités circonscrites dans un rayon bien dé- terminé; mais ces mentions sont éparses dans différentes chartes qui ont toutes un lien commun, lien qu'on ne saurait rompre sans s'exposer à perdre le fruit de rapprochements dus à un heu- reux hasard. Dans la troisième et dernière partie, j'insérerai la transcription de quelques actes qui ont une véritable importance et qui éclai- rent des faits considérables de nos annales politiques, ou nos anciennes institutions administratives, ou bien encore l’histoire de notre commerce national. Je regrette que le temps m'ait fait défaut pour copier tous les documents que j'avais notés comme — 9233 — susceptibles d'être publiés avec fruit pour les études historiques. J'ai pensé qu'il était de mon devoir de rapporter le plus grand nombre possible de notices de documents inédits. L’existence d'un document précieux étant signalée, il sera facile aux personnes qui auront besoin de le connaître dans sa teneur de s’en procurer la copie, grace à la provenance et à la cote que j'ai eu soin d’in- diquer. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mon profond respect. a E. Bouranic. es CRM PREMIÈRE PARTIE. NOTICE SUR LES BIBLIOTHÈQUES ET LES ARCHIVES QUE J'AI VISITÉES, . AINSI QUE SUR LES FONDS ET LES MANUSCRITS RELATIFS À L'HISTOIRE DE FRANCE. Je me suis rendu directement à Bruxelles, ville où j'avais l'espoir motivé de faire une riche moisson. Deux grands établis- sements s’ouvraient devant moi, la bibliothèque de Bourgogne et les Archives générales du royaume. La Bibliothèque devant être fermée à cause des vacances à partir du 15 août, ce fut par elle que je commençai. Le département des manuscrits de la Biblio- thèque royale porte le nom officiel de Bibliothèque des ducs de Bourgogne : elle se compose, en grande partie, de manuscrits provenant des ducs de la maison de France et copiés par leurs ordres. La plupart remontent seulement au xiv° et au xv° siècle et sont richement enluminés. C’est surtout par les miniatures et au point de vue des arts que cette bibliothèque est recomman- dable. Le catalogue a été imprimé en 1842, en trois volumes in-folio. Le premier, outre une ample préface racontant d’une manière un peu diffuse l’histoire de la Bibliothèque, renferme l'inventaire proprement dit de tous les manuscrits, au nombre de dix-huit mille. Cet inventaire n'offre aucun ordre méthodique. Les tomes II et IIT contiennent le catalogue méthodique des volumes classés suivant les règles généralement suivies pour le classement des bibliothèques. Ce catalogue est très-sommaire et reproduit les titres tels que les portent les manuscrits. On n’a pas recherché les auteurs des ouvrages anonymes. Dans le but de grossir le nombre des manuscrits, on a assigné un numéro particulier à chaque partie de ces nombreux volumes de mélanges tels qu'on en trouve dans toutes les bibliothèques : il en résulte qu’un seul volume porte jusqu'à trente numéros. Tel qu'il est, ce catalogue doit être accueilli avec reconnaissance. J'avais fait, avant mon départ, le — 92355 — relevé des numéros des manuscrits qui paraissaient rentrer dans l’objet de ma mission et qui étaient en assez petit nombre. J'ai déja touché quelques mots du caractère particulièrement artistique des volumes de l’ancienne Bibliothèque des ducs de Bourgogne. Ce grand établissement ne renferme que des livres proprement dits; les chartes originales, les papiers d'État, les car- tulaires, sont déposés, sans exception, aux Archives du royaume. La Bibliothèque s'interdit toute acquisition de ce genre, laissant ce soin aux archives, dont l'administrateur général mérite tous les éloges pour le zèle avec lequel il enrichit son dépôt, souvent au prix de lourds sacrifices. Le gouvernement belge se montre libéral quand il s’agit de combler les lacunes de ses archives, et il est tel petit volume in-8° qui a été payé 5,000 francs. | D'après ce que je viens d'exposer, il n’est pas étonnant que la Bibliothèque de Bourgogne ne m'ait pas présenté un vaste champ à exploiter : cependant mon labeur n’a pas été entièrement stérile. Je remarquai avec surprise que la plupart des manuscrits que j'avais notés comme devant être examinés par moi étaient reliés en maroquin rouge aux armes de France. D’autres avaient une reliure non moins somptueuse et étaient ornés d’une N. Pour ces derniers cette splendide livrée apprenait à elle seule que ces vo- lumes, après avoir été enlevés sous la République, portés à Paris, reliés sous le règne de Napoléon I", avaient été rendus à la Bel- gique en 1815. Ces manuscrits, qui avaient été choisis en 1794, par les commissaires Faujas, Leblond et de Waïlly, étaient au nombre de 1,519. Quant aux volumes reliés aux armes de France, voici leur histoire. Ils ont été enlevés en 1746, après la capitu- lation de Bruxelles, par Desnans, conseiller au parlement de Besançon, qui av, été chargé par le Gouvernement français de faire transcrire, dans les bibliothèques et les archives belges, les documents qui pouvaient intéresser la France!. Desnans prit une centaine de manuscrits originaux qui furent déposés à la biblio- thèque du roi Louis XV; on les restitua en 1770 au gouverne- ment autrichien, alors possesseur de la Belgique. Ils revinrent de ! Les copies rapportées par Desnans sont aujourd’hui déposées à la Biblio- thèque impériale et cataloguées dans la collection Moreau. Ce recueil offre une confusion au milieu de laquelle il est difficile de se reconnaitre. On y rencontre pourtant des pièces précieuses, mais les recherches y sont longues et pénibles ; en outre les copies sont mauvaises. — 236 — nouveau à Paris sous la République, pour retourner, en 1815, à Bruxelles. Il faut reconnaître que Desnans et les commissaires de la Répu- blique firent des choix intelligents : ces derniers surtout, qui avaient carte blanche et prenaient tout ce qui leur convenait, se montrèrent gens de goût et jetèrent leur dévolu sur tous les manus- crits qui, à un point de vue quelconque, offraient un sérieux intérêt. J'ai examiné une centaine de manuscrits, et mon attente a été souvent déçue. I ne faut pas oublier que j'avais pour mission de rechercher exclusivement des documents inédits; car, si j'avais dû m'occuper de la valeur de manuscrits renfermant un texte déjà édité, le résultat éût été tout autre; mais je n’ai pas voulu franchir les limites de mon programme. J'ai noté les manuscrits suivants : N° 7244. Registre in-folio, en papier, écriture de la fin du xv° siècle, reliure moderne en maroquin rouge... «C’est ce que messire Jehan, seigneur de Lannoy et Thoison d'Or ont dit au roy de par monseigneur le Daulphin, et comme ses ambassadeurs, en la forteresse de Monbason, en la présence de son grand conseil, le vendredi neufvième de février, l'an mil tu zvin, et ce prononcé par la bouche du devant dit messire Jehan de Croy : «Sire, vostre très-humble et très-obéissant filz nous envoie par « devers vous en la plus grant humilité que en ce monde faire peult… » Suit la requête des ambassadeurs, qui demandent la rentrée en grâce du Dauphin (depuis Louis XI), alors a à la cour du duc de Bourgogne. Fol. 245 et suiv. «Réponse faite par le roy, qui fut lue en un escrit par le chan- celier de France. » Fol. 2/9. «C'est ce que les ambassadeurs de monseigneur de Bourgoigne ont dit au roy de par mon dit seigneur en la forteresse de Mont- bason, en la présence de son grant conseil, le vendredi 1x° jour de février l'an mil r11° VIT, ce prononcé par la bouche du devant dit monseigneur Jehan de Croy (au sujet des réponses faites pré- cédemment à Vendôme Par le roi aux requêtes du duc. —— Défiance réciproque). » Fol. 254 v° et fol. suivants. Réponse faite par le roi, par écrit, lue par le chancelier, fol. 265 r°. N° 7261. Vol. en papier, in-fol. écriture de la fin du xv° siècle. « Ce sont les articles fais et accordés entre le roy et monsigneur le duc de Bourgoingne, touchant la trefve faite et conclue entre eulx. » (13 septembre 1475.) — 237 — N° 11060. Vol. in-8°, en vélin, fin du xv° siècle, miniatures. Livre d'heures de Jean, duc de Berri, frère de Charles V. Le catalogue imprimé attribue ce volume à Wenceslas, duc'de Brabant; c'est une erreur. Il a incontestablement appartenu au duc de Berri, dont il renferme un admirable portrait. Le duc est à genoux, tourné à droite; derrière lui le Christ et saint Jean. Les têtes seules des personnages sont enluminées; les vêtements sont simplement lavés à l'encre de Chine. Dans un encadrement formé par des rinceaux délicats, on remarque les armes de Berri, de France, à la bordure de gueules engrelée, l'ours et le cygne et le chiffre du duc Jean &G. V. chiffre demeuré jusqu'ici inex- pliqué. Ce portrait est le plus beau qui nous soit parvenu d’un personnage du xiv° siècle. C’est un des plus précieux spécimens de l’art français, et cela n’a rien qui doive étonner, car le duc de Berri, dont il reproduit les traits, s’est distingué par son amour éclairé des arts, ses goûts littéraires et sa curiosité des belles choses, N° 11182. Vol. in-fol. en vélin, dernières années du xv° siècle, 39 pages, fol. 2. « Ci commence un petit traitties nouvellement fait et composé, appelé le Malheur de France; mais premièrement parle du très- haut, très-noble et très-redoubté prince monseigneur l'archiduc d’Austriche, avec aulcuns des subjectz de ses pays. » L'auteur de ce poème déplore la rupture du mariage projeté entre le jeune roi Charles VIIT et l'archiduchesse Marguerite. C'était un Bourguignon zélé, et le, manuscrit a appartenu à un autre Bourguignon encore plus fanatique, ainsi que l’attestent les vers suivants qu'on lit sur un feuillet de garde : Vive Bourgoigne et Charrollois Et bran de chien pour les François. Le poëme débute ainsi : Picquars renommez Bourguignons pasmez Recouvrez couraige, Flamans réfourmez Prenez ung train saige. L'auteur célèbre ensuite longuement les louanges de l’archiduc Philippe, puis il arrive à l'objet principal de ses vers : « Raison = 18 — remonstre au roy de France le péril et dangier là où il s’est mis et bouté par avoir délaissiet l’aliance qui estoit entre luy, l'aigle et le lyon, par moyen de la très renommée fleur madame Margue- rite.» Le lion était l’archiduc, et l'aigle l’empereur Maximilien. Une miniature représente le roi de France, vêtu d’une robe bleue fleurdelisée. La Raison, vêtue de blanc, les épaules couvertes d’un manteau noir, en costume monacal, lui adresse des remon- trances. Elle lui reproche son manque de foi et l’accuse presque de bigamie : Las, aux nobles roys Anciens de Valoys Point tu ne ressemble, Car tu as les loix * Enfraint et les droits Du canon ensemble. Du vivant ton père Tu pris pour première La fleur Marguerite; . De ta foy entière Tu luy en fis chiere, Tu n'en es pas quite. Car, dès son enfance, Elle fut en France Royne receupte, Et par l'ordonnance De toy l’aliance Fut du tout conclute. Car tu l’espousas Et puis la baïsas En mode françoyse, Présens les Estats Mandez pour ce cas Sur les ponts d’Amboyse. Le poëte raconte ensuite comment Charles VIII, malgré les pro- messes faites à Marguerite, épousa la duchesse Anne de Bretagne, qui était fiancée au père de Marguerite. Le mariage du roi avec la Brette est nul et doit être rompu. Charles VIIT est dans l'obli- gation de reprendre Marguerite; quant à l'enfant qu'il avait eu d'Anne, l’auteur pourvoit généreusement -au sort de ce bâtard. . . Ton fils feroyes EÉvesque de Troyes, D'Amiens où Soissons. — 2359 — Raison terminait en prédisant toutes sortes de malheurs si le roi ne suivait pas ses conseils : l'année 1503 devait être une an- née fatale. Ces prédictions funestes s’'accomplirent avant le terme prescrit, par la mort prématurée de Charles VII. N° 10419. Vol. in-fol. vélin, écriture du commencement du xv° siècle, reliure du xvur° siècle, en maroquin rouge, aux armes de France, 95 fol. ; C’est l'apologie du meurtre du duc d'Orléans par le duc de Bourgogne, due à J. Petit. Ce manuscrit renferme une dédicace au roi. « Comme vray et très loyal subgiet et obéyssant à vous son roy et souverain segneur, mon très redoubté segneur, monse- gneur le duc de Bourgoingne, conte de Flandres, d'Artois et de Bourgoingne palatin... est chy venu présentement par devers la vostre très noble et très haulte majesté royal, pour vous obéir, revérer et servir de toute sa puissance, comme il est tenu et obligié par très grands et pluiseurs obligacions : des quelles furent par moy proposées douze o prumier propos de la justification de mon dit segneur de Bourgoingne. en vostre hôtel Saint-Pol, le vin jour de march l’an 1407, sur le fait de la mort et occision de feu Loys, qui se disoit nagueres duc d'Orléans; les quelles obligacions ne sont pas à taire quant à présent, mais sont bonnes et doibvent estre plaisans à oïr repéter et retraire. » La 1° obligacion est Proximi ad proæimum, eic. » N° 1477. Volume en papier avec quelques feuillets en parche- min, xiv° siècle et xv° siècle ; intitulé « Stile du Parlement et des requestes du Palais et quelques anciennes ordonnances. » Ce ma- nuscrit a appartenu à François Pithou, avocat au parlement. C’est le Style de Guillaume Du Breuil, mais il offre des différences avec l'imprimé. Une bonne édition de Guillaume Du Breuil est à désirer: le nouvel éditeur consulterait avec fruit ce manuscrit ainsi que le recueil d'ordonnances qu'on y a Joint. J'ai cru utile de signaler les manuscrits suivants, bien qu ils ne concernent pas le moyen âge. On sait que les archives du minis- tère de la marine ont fait des pertes sérieuses, et qu’elles offrent de nombreuses lacunes. L’indication suivante est bonne à relever. Le n° 3111 renferme un inventaire, malheureusement trop sommaire, des minutes des ordres du roi et dépêches concernant la marine du Levant et du Ponant, le commerce, les Indes orien- tales et occidentales, le Canada, les îles d'Amérique, les pays — 210 — étrangers, les prises, les fonds et les galères, de 1666 à 1706. Total des volumes, 400. On remarque, pour les années 1666- 1667, la mention de correspondances de la main de Colbert. N° 3152. État des correspondants secrets qu'avait à l'étranger le ministre Pontchartrain : à Londres, M. Mandel, Suédois; M. Kart, Allemand ; à Madrid, le père Buyretta; à Amsterdam, M. de Saint- Maurice. N° 7401. Histoire des finances pendant le règne de Louis XV, 1 vol. in-4° de 317 pages. Ouvrage curieux accompagné de pièces justificatives tirées des originaux qui étaient entre les mains du marquis de Lassay, 1 vol. in-4°. Ce travail a perdu une grande partie de son intérêt depuis la publication, faite en France, de dif- férents ouvrages sur Law et son système, notamment de l’excel- lent livre de M. Émile Levasseur. | En résumé, la Bibliothèque de Bourgogne m'a fourni fort peu de documents : du reste j'étais prévenu. Ce fut avec un véritable empressement que je me rendis aux Archives du royaume, où j'étais assuré de faire bonne récolte. Je dois dire que mes espé- rances ont été de tout point surpassées : ici le temps me fit dé- faut. Une année entière d’un travail assidu ne suflirait certaine- ment pas pour se procurer une notion exacte de tous les documents relatifs à notre histoire qui sont renfermés dans les différents fonds de ce riche dépôt. Je me trouvai en présence d’une masse effrayante de chartes et de registres; mais j'ai rencontré dans le per- sonnel des archives des guides d’une complaisance inépuisable et d’un savoir à toute épreuve. Je n'ai eu qu'à suivre les indications qu’on me donnait. Les archives du royaume de Belgique, placées au Palais de Justice, dans un ancien couvent de jésuites, sont un des dépôts les plus considérables et les mieux tenus de l'Europe. Les travaux d'inventaire s'y poursuivent avec intelligence et activité sous la direction de l’archiviste général du royaume, M. Gachard. Les archives voient leurs collections s’accroître sans cesse par la réu- nion des archives d'anciens corps politiques, de greffes, de no- tariats, de communes. Elles s’enrichissent aussi par des acquisi- tions faites à prix d'argent. Gräce à sa persévérance, le Gouver- nement belge a obtenu récemment la restitution de plusieurs milliers de documents anciens provenant des chambres des comptes, qui avaient été transportés à Vienne lors de la révolu- 241 — tion française. Un grand nombre de pièces ayant cette origine ont été réintégrées au mois de juillet de cette année, quelques jours avant mon arrivée. On m'en a accordé gracieusement la commu- nication. En l'absence de M. Gachard, retenu à l'étranger pour le service des archives, je m’adressai à M. Alexandre Pinchard, chef de section, qui a mis à me guider dans mes recherches, à me communiquer les catalogues, à attirer mon attention sur les fonds qui pouvaient m'intéresser, une obligeance dont je suis heureux de le remercier. Je vais passer rapidement en revue les fonds des archives de Bruxelles que j'ai examinés et qui renferment des documents relatifs à l’histoire de France au moyen âge. Le principal fonds est celui des anciennes chambres des comptes de Flandre et de Brabant; il comprend plus de 30,000 registres, dont l'inventaire est fait. On en a déja publié trois volumes. Le 1°, n° 1 à 1776, a paru en 1837. Le 2°, n°% 1777 à 15715, paru en 1845. Le 3°, n° 15716 à 2236, paru en 1651. Le 4° est actuellement sous presse et ne tardera pas à paraître. Les registres de la chambre des comptes de Flandre se référant à l’époque où la Flandre a appartenu à des comtes français, se ‘trouvent aux archives du département du Nord, à Lille, où la chambre avait son siége avant la réunion définitive de cette ville à la France. Il y a aux archives de Bruxelles des copies authen- tiques de ces registres, copies qu'il peut être utile de consulter, car, sous la République, on a lacéré les registres originaux pour en enlever les titres nobiliaires, et presque toujours les feuillets détruits, sous prétexte qu’ils relataient des lettres de noblesse, renfermaient d’autres actes véritablement intéressants. Dans l'inventaire de Bruxelles, les documents sont divisés en plusieurs séries : 1° cartulaires et recueils historiques; 2° registres généraux; 3° comptes de la maison des souverains... 7° aides, subsides, etc. La série la plus importante est celle des cartulaires. Les sui- vants renferment des pièces intéressant notre histoire. N° 1. Cartulaire de Brabant, reg. en vélin, 127 fol. xiv° siècle, chartes de l'an 1168 à 1324. Les originaux des chartes de ce cartulaire ont été transportés, en 1794, à Vienne, où ils sont encore. MISS, SCIENT. — 11. 16 — DUO N° 2. Registre en papier composé de deux parties : la première, écrite au xIv° siècle, concerne principalement le Limbourg. La seconde partie a été écrite au xv° siècle. N° 29. Cartulaire du duché de Luxembourg, intitulé Hommar- gta Luxemburgie, rédigé en 1343. Il renferme 296 actes des années 1264 à 1343. Documents précieux sur Metz, Verdun; renseignements sur l’état de la propriété en Lorraine, où il y avait un grand nombre d’alleux que leurs propriétaires convertirent en fief, moyennant un avantage pécuniaire. Les n*% 30 et 31 sont des copies anciennes et authentiques du n° 20. N° 32. Registre, partie en papier, partie en parchemin, écrit au xv° siècle, intitulé : « Copies de lettres touchant Luxembourg, délivrées à monseigneur le Duc en achetant par lui la propriété dudit pays. » J’y ai trouvé et transcrit deux curieuses lettres mis- sives de Louis XI au duc de Bourgogne. La première, datée de Moliherne, le 12 octobre; la seconde, datée de Bordeaux, le 26 janvier; sans indication d'année. N° 36 à 39. Quatre registres in-fol. en papier, transcrits en 1625, contenant les copies des chartes de Luxembourg, rangées par layes {nous disons en France layettes), consacrées chacune à une ville ou à un fief. Tome I, laye Lorraine, fol. 694 à 720: tome IV, laye Verdun, fol. 121 à 163. Chaque volume est pourvu d’une table alphabétique des matières. Ce recueil authentique fut fait, en 1625, pour conserver les titres du chartrier original de Luxembourg, titres dont plusieurs étaient menacés de destruction par les effets du temps. Le chartrier original a été porté à Vienne en 1794; il s'y trouve encore. Le traité de 1:69 avait reconnu à la France le droit de posséder les pièces relatives aux domaines qui étaient passés sous la domination française. Ces pièces avaient été enlevées en 1747, lors de l'occupation de Bruxelles par les Français. Où se trouvent-elles en ce moment? Je l’ignore; ce qui est certain, c’est qu'elles ne sont pas déposées aux Archives de l'Empire. Les n° 48 à 55 sont des copies modernes des cartulaires du comté de Hainaut, conservées aux Archives du département du Nord, Même observation pour le n° 56, cartulaire du comté de Namur. N° 81. Registre en papier, intitulé Registre des tonlieux, wi- — 245 — naiges et autres droits, chartes, ordonnances, tarifs, du xin° au xvi° siècle, concernant les villes de Flandre, dont plusieurs sont françaises, telles que Saint-Amant, Armentières, Arras, Avesnes, Bapaume, Denain, Condé, Douai, Gravelines, Landrecies, Lille, Lens, Saint-Omer, Valenciennes. N° 106. Dialogue des communications tenues à l'assemblée de Calais entre le cardinal légat, ambassadeur du roi d'Angleterre, le nonce du pape, le chancelier de l'empire et le chancelier du Prat, 1 vol. in-4°, en papier, xvi° siècle. Ce dialogue est une fic- tion. | N° 116. Registre en papier, intitulé Lettres et dépêches pen- dant le traité de paix de Vervins, 1598, in-4°; fin du xvi° siècle ou commencement du siècle suivant. N° 127. Liste des magistrats de la ville de Lille, de l'an 1375 à 1640. Les différentes séries de registres des chambres des comptes de Flandre et Brabant m'ont donné des documents très-intéressants, mais seulement pour la fin du xv° et le commencement du xvi° siècle, principalement celles qui sont intitulées Tonlieux, Li- -cences, contributions, comptes d'artillerie et des munitions de guerre, comptes des vivres et munitions de bouche pour le service militaire, etc. M. l’archiviste général Gachard à publié une notice sur les comptes en rouleaux conservés aux archives générales du royaume. Ces rouleaux sont au nombre de plus de 12,000 : 3,200 con- cernent la Flandre, très-peu intéressent la France !. J'ai pris‘un extrait des comptes des travaux faits de 1374 à 1376 à l'hôtel des comtes de Flandre à Paris. Les documents de l’ancienne chambre des comptes de Flandre, restitués par l'Autriche au mois de juillet de cette année, m'ont offert une riche mine à exploiter. II y a de ces pièces un inven- aire manuscrit, divisé en séries, répondant chacune à une sei- gneurie ou à une classe de documents de même nature, J'ai trouvé un grand nombre de documents intéressants dans les séries inti- tulées Courtray, Tournay, traités, mariages, Flandre. Le chartrier des ducs de Brabant a été en très-grande partie 1 Bulletin des séances de la commission royale d'histoire, 2° série, t. VE, n°1. 1l y a de ce travail un tirage à part. 16. CE vue transporté en Autriche; cependant les archives de Bruxelles ont recueilli un nombre considérable de titres du Brabant, mais il n’y en a pas d'inventaire complet. Je citerai pourtant le carton n° 317, où J'ai rencontré des documents d’un haut intérêt. Les archives de l'audience de Brabant renferment un nombre considérable de provisions d'office et de concessions accordées par les ducs de Bourgogne, non-seulement en Brabant, mais encore dans toutes les provinces de leurs vastes États, notamment en Bourgogne et en Franche-Comté. Il y a un inventaire manuscrit, par trop sommaire, rédigé en néerlandais. C’est dans cette série qu'est l'original des lettres de Charles le Téméraire, nommant l'historien Mathieu d'Escouchy son procureur au bailliage de Saint- Quentin. Le récent éditeur de Mathieu, d’après une indication inexacte, recueillie par M. Kervyn et consignée dans la préface des œuvres d'Olivier Chastelain, a cru que cette nomination éma- nait de Louis XI et qu'elle était la récompense des bons services de Mathieu, qui aurait combattu à Montlhéry dans les rangs fran- çais. Or cette conduite est peu probable quand on sait que ce fut Charles le Téméraire qui, en 1467, conféra à Mathieu d’Escou- chy les fonctions de son procureur à Saint-Quentin, à raison « de sa loyaulté, preudommie et bonne diligence. » La trésorerie des chartes des comtes de Namur est fort riche; il y en a un bon inventaire manuscrit, rédigé par M. Piot. La plupart de ces chartes ont été imprimées par M. de Reiffenberg, dans la collection des chroniques belges publiées par le Gouvernement; cependant il y en a encore d’inédites. J’aborde maintenant un fonds des plus précieux, celui des car- tulaires. Ce fonds se compose de registres qui ne font partie inté- orante d’aucuns fonds de conservés aux archives du royaume. Plusieurs de ces registres ont été achetés, d’autres proviennent de dons ou d'échange. Il n’y a pas d'inventaire de cette série, mais une simple liste provisoire. J'ai examiné les manuscrits de ce fonds: voici le résultat de mes observations. N° 1. Cartulaire de Brabant, registre en papier du xiv° siècle et du xv° siècle, cédé par les archives du département du Nord. N° 7. Cartulaire de Flandre, reg. in-fol. en vélin, 96 fol. écri- ture de la fin du xiv° siècle. Ce manuscrit, qui provient de la bi- bliothèque de M”*° la duchesse de Berri, à Rosny, a été acheté à Paris, en 1838, moyennant 400 francs. En voici le titre : « An — 245 — ce livre sont contenues plusieurs lettres, et traictiés, touchans les roys de France et les contes, bonnes villes et communautés du pays de Flandres, dont les originaulz sont, avec plusieurs, au trésor des priviléges, chartres et registres du roy, en sa sainte chapelle de Paris.» Ce volume renferme en effet 34 pièces de l'an 1199 à 1325, sur les relations entre les rois de France et les comtes de Flandre. C'est l'œuvre de Gérard de Montagut, garde du trésor des chartes, qui a signé chaque acte de son seing de notaire. On a joint à chacun des actes rédigés en latin une traduc- tion française. J'ai dressé la table de ce registre, mais je ne la transcris pas 1Cci, ayant constaté que presque toutes les pièces _translatées dans ce registre existent en original au Trésor des chartes des Archives de l'Empire. Je donnerai, dans la seconde partie de mon rapport, l'analyse des actes dont les originaux ne sont point parvenus jusqu’à nous. Ce manuscrit précieux a appar- tenu à P. Pithou, ainsi que le constate une note inscrite sur un feuillet de garde. N° 9°. Cartulaire de Hainaut, reg. in-8°, en vélin, demi-reliure moderne en maroquin rouge, acheté en 1861, à la vente de Jonghe, 4,500 francs, plus 10 pour 100 applicables aux frais. Ce manuscrit est extrêmement précieux ; M. E. Gachet lui a consa- cré une notice exacte !, C’est moins un cartulaire qu’un registre de la chancellerie du comte Guillaume, renfermant quelques actes antérieurs à l’'avénement de ce prince. I donne le texte de 177 actes de l'an 1287 à 1312. On y trouve des documents très- intéressants sur les différends de Jean d’Avesnes avec les habitants de Valenciennes, en 1296, différends dans lesquels Philippe le Bel intervint. J'ai fait dans ce volume une ample récolte de docu- ments. Îl contient aussi des inventaires de meubles et de joyaux; j'ai remarqué des fourchettes à la fin du x° siècle; c’est la plus ancienne mention que je connaisse de cet ustensile de table dont l'usage est relativement moderne, et qui ne figure pas dans les comptes avant la fin du xiv° siècle. N° 10. Cartulaire de Hainaut, reg. in-fol. en papier, écrit au xvI° siècle; copie du cartulaire Carta Maria conservé aux archives de l'Etat, à Mons. N° 22°. Registre de la chancellerie de Philippe le Bel, roi de ! Tome IV, 2° série des Bulletins des séances de la commission royale d’his- toire, p. g el suivantes. — dÈE — France, in-fol. en vélin, écriture du commencement du x1v° siècle, actes des années 1309 et 1310. Acheté à Gand en 1839 moyen- nant 250 francs. La rubrique est celle-ci : « Registrum dupplica- um per me Barr!.» C'est le duplicatum du registre xzv du Trésor des chartes, ainsi que j'ai pu m'en convaincre à Paris, en rappro- chant du registre que possèdent les Archives de l'Empire la table des 194 pièces du registre de Bruxelles. Il est à regretter que ce soit un double, car il aurait été possible de l'obtenir pour nos ar- chives. Il est bon de noter l'existence d’un registre de la chancel- lerie française tenu en double; on en a déjà un exemple dans les registres xxxv et xxxvi de notre Trésor des chartes. N° 36. Petit registre in-fol. en papier, écriture du xvi° siècle. Copies fournies par les villes de Flandre et d'Artois de leurs pri- viléges, en vertu d’une ordonnance de l'an 1570. N° 51 à 58. Cartulaires de l'évêché de Tournay. N° 51. Rec. en parchemin, xim° siècle. — 52. Idem. — 53: x1v° siècle, papier. — 54. Registrum jurium, xv° siècle. — 55 et 56. xv° siècle. — 57 et 58. xvir siècle. J'ai trouvé dans ces cartulaires des documents précieux sur les impôts généraux, notamment le texte inédit et inconnu d’une maltôte imposée par Philippe le Bel, c’est-à-dire d’un des pre- miers impôts sur les objets de consommation qui aient été établis en France. N° 70 et 71. Cartulaires de Saint-Lambert de Liéze, xvir° et xvn siècle. | N° 119 à 132. Cartulaires de Saint-Martin de Tournay. — N° 119. xu° siècle. — 120. xmr° siècle. — 191 et 122. Écrits en 1264.— 123 à 196. xurr° siècle. — Le cartulaire 121 et le n° 129%, qui est un double de 121, renferment les chartes du prieuré de Thourote, près de Noyon. Je me suis assuré par moi-même que les archives du dépariement de l'Oise ne possédaient aucun titre relatif à ce prieuré, sur lequel le Gallia christiana garde le silence; J'ai copié les titres des chartes de ce prieuré, au nombre de 77, du x1° au xim° siècle, et je les donnerai en appendice dans la second partie de ce rapport, sans les fondre dans la liste géné- - rale. On y trouvera de bons renseignements sur la topographie des environs de Noyon. 1 I s'agit ici de Barrau, clerc du roi. 247 — N° 191*. Correspondance relative aux troubles de Valenciennes 1561-1564. Copie du xvin° siècle, restituée par l’Autriche en 1862. N° 230. 73 Lettres originales de Louis XIV au procureur géné- ral du Parlement de Paris, 1713-1714. Convocations, ordres de faire enregistrer. — Don du comte Vilain XIV. N° 290. Kœures et coutumes des villes de Flandre, parmi les- quelles Lens, etc. On m'a communiqué quatre cartons remplis de lettres auto- graphes de personnages célèbres : j'ai trancrit, malgré leur date récente, des lettres de Catherine de Médicis. J'ai noté une lettre de Montluc, pour la signaler à l'éditeur des lettres de ce person- nage que va publier la Société de l’histoire de France. Je ne vous entretiendrai pas, Monsieur le Ministre, d’une volu- mineuse collection de papiers d’État, depuis le commencement du xvi* siècle, comprenant des dépêches d'ambassadeurs, des _ lettres de souverains adressées aux gouverneurs des Pays-Bas, etc. Les dépêches des ambassadeurs auprès de la cour de France ont une importance hors ligne, surtout pour l’histoire du xvi° siècle, et notamment pour celle de la Ligue. Je citerai la correspondance de Peskius, ambassadeur en France sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII; mais ces documents, tous étrangers au moyen âge, sont en dehors de l'objet de ma mission. En outre, ils sont tellement volumineux et ont une si grande importance qu'ils mé- ritent qu'on leur consacre un examen spécial et approfondi. Voilà, Monsieur le Ministre, l'exposé sommaire de mes travaux à Bruxelles. Les archives de la ville, que j'ai visitées, ne m'ont rien offert dont je pusse faire mon profit. On m'a signalé, mais je n'ai pu vérilier le fait par moi-même, l'existence, au collége de Saint-Michel à Bruxelles, appartenant aux jésuites, d’une table générale alphabétique des matières de tous les volumes des Acta sanciorum des Bollandistes, table obtenue par la fusion des tables particulières de chaque volume, et moyennant le sacrifice de deux exemplaires. Cette table peut rendre des services aux érudits et Je l'indique, parce que les pères jésuites communiquent avec libéralité les livres qui sont en leur possession. En quittant Bruxelles, je me rendis à Liége, où il y a de belles archives provinciales. Les lois qui ont prescrit en France la réu- non aux archives des chefs-lieux de département des papiers des — 248 — corporations religieuses supprimées et des anciens corps politi- ques, ont eu leur exécution en Belgique. On donne le titre de papiers d'État aux documents réunis aux chefs-lieux des provinces en vertu d'une loi du 5 brumaire an v; il y en a des dépôts à Bruxelles, Arlon, Bruges, Gand, Liége, Mons, Namur et Tournay. J'espérais trouver à Liége, pays voisin de la France et à affinités françaises, des actes nombreux constatant tes rapports étroits qui ont toujours existé entre les deux pays, notamment au xv° siècle. Jai été déçu dans mon espoir. Les archives de l'Hôtel de Ville ont été dilapidées. Les chartes et priviléges de la cité, qui au moyen àge étaient renfermés dans un coffre à quatre clefs déposé dans Péglise Saint-Jacques, ont eu d’étranges vicissitudes. Confis- qués plusieurs fois, ils furent, en 1794, transportés en Allemagne, où ils sont restés. En 1804, la ville parvint à se faire restituer deux caisses pleines de registres, mais les chartes ont disparu. On trouve sur ce sujet des renseignements dans un rapport fait en 1862, au collége des Bourgmestres et Échevins par une commis- sion chargée de recueillir les documents historiques dans Îles archives communales !. Cette commission a reproduit, d’après d'anciens inventaires, la liste des plus anciens priviléges de Liège. J'ai pris note des chartes qui concernent la France. Les archives de la province sont installées dans l’ancien palais épiscopal, aujourd’hui le palais de justice, dans un local de cons- truction ancienne, mais qui a été intérieurement disposé pour elles et qui est à l'abri de l'incendie. Le conservateur, M. Schom- broot, vient de publier l’inventaire chronologique des chartes de Saint-Lambert, au nombre de 1,294. Quant aux cartulaires de l'évêché de Liége, les archives provinciales, qui sont pourtant les plus riches en cartulaires de toute la Belgique, n’en possèdent pas un de l'évêché. Heureusement le plus ancien cartulaire de l'église de Liége vient d’être trouvé chez un paysan; il est la pro- priété de M. Hénaux ?. Les chartes du pays de Liège sont remar- quables par la beauté de l'écriture; plusieurs du xr° siècle offrent une particularité curieuse, c’est qu’elles sont scellées au revers de l'acte. Je citerai notamment les chartes provenant de l’église | Consultez aussi Gachard, Notice sur deux collections de documents qui manquent dans les archives de la province de Liége. ( Bulletin , 11° série, v. p.174.) 2 Voy. la brochure de M. Hénaux intitulée Le Gartulaire de l'éghise de Liéye. — 249 — Saint-Jacques : 1040, sceau d’Elbert, abbé; 1084, sceau de Henri, évêque de Liège, etc. Je mentionnerai la collection du héraut d'armes Lefort, qui vivait au milieu du siècle dernier, et qui a réuni un très-grand nombre de généalogies et de documents historiques dont plusieurs intéressent la Flandre. M. Bormans a dressé de cette collection une table 20 a été opté en 3 vol. in-8°. En résumé, Liége m'a fourni un très-faible contingent. Il n en a pas été de même Me Gand, qui possède deux dépôts : celui des archives de la Flandre orientale et les archives de la ville. Les archives provinciales, conservées à l'hôtel du Gouverne- ment, dans un local bâti spécialement à leur intention, à l’abri du feu, renferme les anciennes archives des comtes de Flandre dépo- sées jadis au château de Rupelmonde. Un excellent inventaire, publié en 1846 par M. J. de Saint-Genois, me promettait une riche récolte. La réalité a dépassé mes espérances. Dans l'impos- sibilité de copier tout ce qui en valait la peine, je me suis borné à transcrire une longue requête en langue française, adressée vers 1268 au roi saint Louis, pour se plaindre des exactions des péagers de Bapaume. Ce document éclaire l'histoire du commerce au x siècle, et explique la décadence des fameuses foires de Champagne, décadence constatée, mais dont les causes étaient mal connues. Jai vu aussi à Gand des comptes de dépense des comtes de Flandre, au x siècle, qui offriraient aux archéologues de précieux renseignements; des lettres missives en français, etc. Les archives de la Flandre orientale renferment 1,845 chartes an- ciennés, antérieures à la première moitié du x1v° siècle, provenant du château de Rupelmonde. Quant aux archives ecclésiastiques, | elles sont d’une grande richesse, surtout l’ancien chartier de Saint- Pierre, où j'ai vu une prestaire originale émanée d'Éginard, des centaines de pièces des x°, xr° et xur° siècles, d’un immense intérêt pour l’histoire de la condition des personnes. Beaucoup de ces chartes émanent d'hommes libres, qui ne sachant que faire pour conserver leur liberté au milieu des désordres du monde féodal, l’abdiquent au profit de l'église et se font serfs d’une abbaye. J'ai remarqué le sceau d'Arnoul, comte de Flandre, plaqué sur une charte de l'an 939. Ce sceau, gravé dans Olivier de Wree (Sigilla comitum Flandrensium), est intact : c’est le plus ancien sceau de feudataire qui existe et qui ait même été signalé; il ne figure pas es SN dans la belle collection d'empreintes de sceaux des Archives de l’Empire. Ce n'est pas tout; depuis le classement et l'inventaire des ar- chives de Rupelmonde, on a découvert dans les archives du grand conseil de Flandre, au Palais de Justice, à Gand, des centaines de documents originaux, qui ont fait partie autrefois du dépôt de Rupelmonde. On peut consulter sur cette découverte un travail de M. V. Gaillard !. Ces documents font connaitre de quelle ma- nière se faisaient les emprunts au moyen âge, et quel rôle jouaient les foires de Champagne en matière de crédit privé. On trouvera dans la seconde partie de mon rapport l'indication de toutes les pièces des archives de Gand qui ont trait à notre histoire. Les archives municipales de Gand sont magnifiques. J'ai eu pour guide un excellent inventaire dû à feu Prudent Van Duyse, archiviste de la ville, et dont les trois premières livraisons ont paru en 1898. J'ai copié un arrêt inédit et inconnu du Parlement de Paris, de 1293, relativement aux dettes des communes. Cet arrêt érige en système une sorte de banqueroute de la part des villes du royaume, dont la plupart étaient obérées. Les mêmes archives renferment des documents très-intéressants sur le règne de Charles VI. Des notes que j'avais prises aux archives de Bruxelles m'enga- gèrent à ne pas quitter la Belgique sans visiter les archives de la ville de Bruges. Je me trouvai là dans l'embarras des richesses, en présence de cartulaires municipaux offrant le plus haut intérêt. C’est d'après ces registres que M. de Kervyn de Lettenhove a pu- blié une lettre de la plus haute importance adressée par Étienne Marcel au régent Charles. Quant aux archives du Franc de Bruges, M. O. Delepierre a publié l'inventaire des pièces anciennes de ce dépôt, qui n’a pour notre histoire que peu d'intérêt. J'ai examiné quelques manuscrits de la bibliothèque de Bruges; J y ai trouvé, sous le n° 414, un abrégé inédit du Speculum histo- riale de Vincent de Beauvais, autre que l’abrégé duü à la plume d'Adam, clerc de l’évêque de Clermont, et renfermant une con- tinuation , pareïllement inédite. * Bulletin de la commission d'histoire, 2° série, t. VI, p. 323; t. VII, p. 365. On peut aussi consulter de M. V. Gaïllard un ouvrage très-rare, qui ne se trouve pas daus le commerce, intitulé : Les Archives da grand conseil de Flandre, 1859, in-8°, — 251 — DEUXIÈME PARTIE. ————— LISTE CHRONOLOGIQUE DE DOCUMENTS, LA PLUPART INÉDITS, RELATIFS À L'HISTOIRE DE FRANCE, CONSERVES DANS LES ARCHIVES DE BELGIQUE. 1108. Mile fait connaître le jugement de Hugue, abbé de Saint-Amand, et d’Alulf, archidiacre de Thérouanne, commissaires nom- més par Baudouin, évêque de Noyon, dans un procès entre les moines de Saint-Georges d'Anchin et le chapitre de Saint-Martin d'Hesdin, au sujet des confessions, des mariages, des relevailles et des enterrements des habi- tants d'Anchin. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 2.) 1218. Avril. Daniel, avoué d'Arras, abandonne à son frère Robert une partie de l'héritage de leur mère, et stipule que si les biens ,. 1 \ . T . . qu'il a donnés à sa sœur Alix, dame de Nanteuil, lui re- viennent, il en jouira sa vie durant. |(Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 12.) 1218. 29 juillet (octave de la Madeleine). Jeanne, comtesse de Flandre, confirme les libertés dont les habitants de Dunkerque jouissaient sous le comte Philippe d'Alsace. (Gand, Hôtel de Ville, Taneten-Boek, fol. 412.) 1223. Mai. Gui de Châtillon fait connaître qu'Élisabeth de Saint-Pol, sa mère, du consentement des pairs, de ses hommes de fief, maires, jurés et échevins de ses communes, lui a aban- donné pour dix années le comté de Saint-Pol, à condition qu'il payera une somme de 8,000 livres parisis qu'elle devait. (Orig. Gand, Archives provinciales , Rupelmonde, n° 16.) 1229. Avril. Guillaume « de Kaïeu , » sire de Carency, constitue Robert, avoué d'Arras, caution envers Colard de Lions et Hugue _— 96 -— de Braye, bourgeois de Lens, d'une somme de 48 livres parisis. | (Orig. Gand , Archives provinciales, Rupelmonde , n° 29.) 1229. Septembre. Henri Troleyt de Lille prête 320 marcs sterling aux échevins de Gand. dt (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 23.) 1230 (Vers). Enquête sur les droits de justice de la terre de Sailly, au temps d'Eustache de Canteler et de Robert, avoué de Béthune, par l'avoué de Saint-Wast d'Arras; en français. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 40.) 1244. 7 mars. Passe-port du pape Innocent IV pour l’avoué de Béthune, qui se rendait à Rome. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 60.) 1246. Janvier. Marguerite, comtesse de Flandre, déclare que la reine mère lui a permis de recevoir l'hommage des vassaux de Flandre, bien qu'elle n'ait pas elle-même prêté hom- mage au roi de France à cause de la maladie dudit roi. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 7, fol. 17 !.) 1249-1250. Liste des rentes et redevances de l'avouerie de Béthune. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 78.) 1253. 30 avril. L'évêque de Cambrai, l'abbé de Citeaux et le doyen de Laon, commissaires du pape dans le procès entre Gui, comte de Flandre, et Jean, seigneur .de Dampierre, d'une part, et Jean et Guillaume d'Avesnes, d'autre part, décla- rent que Martin, procureur des d'Avesnes, a appelé au Saint-Siége d'une sentence interlocutoire. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde ,; n° 86:) 1203. 19 juillet (le samedi devant la Magdaleine). Jean «de Neelle, chevaliers, sires de Falevi,» déclare « que sire Amis de Rameru, bourgeois de Compiengne, » lui a payé «onze vins livres de tournois, en deniers contant, pour le duc de Brebant, ki les me devoit pour le conte de Soissons. » (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, cartul. 1, fol. 49 recto.) ! Voyez, à la fin de ce rapport, la transcription de ce document, pièces Justi- ficatives, n° 1, — 253 — 1294. 24 mars. Renaud, chevalier, frère du comte de Bar; Amé, sire de Montfaucon ; Érard sire de Valery; Joffroy, sire de Beaumont, et Simon, sire de Clermont, se portent caution de Thibaud, comte de Bar, envers Henri, duc de Lothier, de la somme de 8,000 marcs de Cologne, « CXII solidis pro marca computandis. » (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, cartul. 1 fol. 17 recto.) 1295. 26 mars. Gille, prévôt de Douai, et Arnoul de Gand, chanoine de Liége, empruntent, au nom de Marguerite, comtesse de Flandre, a Amigo Abadingi et a Manietro Rumbertini, marchands de Florence, 3,360 livres tournois, rembour- sables à la prochaine foire de Saint-Ayoul, à Provins, et 78 marcs sterling remboursables à la prochaine foire de Laon, avant qu'on crie hare, hare”. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 508 bis.) 1200. 9 mars. Comptes de Baudouin de Zorghelose et des différents ballis de Flandre, rendus à Douai le 23 février, à Lille et a Male le g mars 1255. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n°72) 1 297. Novembre. Raisons de Gui et de Jean de Dampierre contre Jean et Baudouin d’Avesnes, au sujet de la succession du comté de Flandre, tirées du droit écrit et de la coutume”. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 99.) 1260. 19 mars. « Feria V post Lætare Jerusalem 1 259. » Lettre de créance de Marie, jadis impératrice, en envoyant à saint Louis Henri, duc de Lothier; elle prie le roi de croire le duc comme elle-même sur ce qu'il lui dira au sujet du comte de Boulogne. — À Douai. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, cartul. 1 fol. 28 recto.) 1264. 12 août (le mardi prochain après la feste Sant Lorant). Ferri, ! Ce cri indiquait la fermeture de la foire. ? Deux rôles en parchemin réunis et scellés. — 254 — duc de Lorraine, fait hommage à Henri, comte de Luxem- bourg, son oncle, du château «de Amans et C livres de rente en la chastelerie de Lonwis. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 23 de la Chambre des comptes, fol. 5.) 1266. 1° avril. Pierre, prévôt de Béthune, et Guillaume, prévôt de Mons, se constituent débiteurs, au nom de Marguerite, comtesse de Flandre, de 4,000 livres parisis empruntées par celle-ci à Lambert Hukedieu, pp d'Arras, à la dernière foire de Champagne. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 118.) 1268 (Vers). Griefs des marchands de Flandre contre le péager de Ba- paume à Coupe-Gueule {en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 108 ’.) 1269. 29 janvier (mardi après la saint Vincent) 1268. « Lowy de Luc- cembourg, citains de Mes, » devient homme lige de Henri, comte de Luxembourg, et reprend de lui «en fiez et en homage Welscorf, ma maison et tout ce que je ai et puis avoir à Welscorf et ès appartenances, qui estoit de mon allu... messire li cuens m'at dounei XXX souldées de terre à Menain... je dois le warde chascun an à Thion- ville, son chastel. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 23 de la Chambre des comptes, fol. 38 recto.) 1270. 12 juin {jeudi après la Trinité). Compte des dépenses faites par Makiaus pour le comte de Flandre, en son hôtel, depuis Pâques fleuries (du 17 mars) jusqu'au 12 juin (en fran- çais). Séjours à Reims, Châlons, Vitry, Saint-Dizier, Bar- sur-Aube, Clairvaux, Mâcon, Lyon, Valence, Avignon, Saint-Gilles en Provence, etc. Itinéraire pour la croisade (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, nP'TAte) 1270 (Vers). Inventaire de l’argenterie de la comtesse de Flandre, Marguerite. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l’Au- triche en 1864, Flandre, n° 836.) 1 Voyez, à la fin de ce rapport, la transcñption de ce document, pièces justi- ficatives, n° 11. ‘ 0 1270 (Vers). Enquête sur le droit de l'avoué d'Arras de faire lever par ses sergents les corps des personnes mortes de mort vio- lente dans le territoire de Nœux (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde , n° 151.) 1270 (du 3 novembre) au 3 février 1271. Compte des dépenses faites par Makiel pour le comte de Flandre, au retour de la croisade en Italie. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 146.— Voy. Bulletin de la Commission royale d'histoire, t. Il, p. 285-287.) 1271. 8 octobre. Les échevins de Béthune empruntent a Jacques Le- maire d'Arras 230 livres parisis pour les besoins de leur ville, laquelle somme sera remboursée à Arras. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 153.) 1271. 18 octobre. La comtesse Marguerite donne pouvoir à son fils Gui de terminer le différend qu'elle avait avec le comte d'Artois «vers les parties de Gravelingnes et ailleurs ès marches de Flandre. » (Gand, Hôtel de Ville, Stroom-Bock, fol, 56 verso.) 1271 (Vers). Enquête faite par Henri de Utetkercke, bailli de Berghes, en présence des hommes du comte de Flandre, messire J. Le Pisson, Gillon Brunel, Guillaume le Bruq, etc. pour déterminer les limites de la Flandre et de l'Artois, entre les villes de Gravelines et d'Oyes. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, Stroom-Bock, fol. 21.) 1272. 11 juillet. Grégoire X confère à Jean, fils du comte de Flandre, la dignité de prévôt de Lille, bien qu'il ne soit âgé que de vingt-deux ans. (Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 167.) 1273. 11 Janvier. Grégoire X permet à Robert de Béthune, fils du comte de Flandre, de cohabiter avec sa femme Yolande, comtesse de Nevers, bien qu'ils soient cousins au troi- sième degré et qu'ils se soient mariés sans permission. (Orig. Gand, Archives provinciales , Rupelmonde, n° 173.) 1274. Aout. La comtesse Marguerite annonce que les frais de la guerre avec l'Angleterre seront supportés par les villes de Flandre. Gand, Ypres, Douai et Lille ont choisi quatre Anglais, — 256 — et les marchands anglais quatre Flamands pour procéder à une enquête sur les prises faites pendant la guerre. (Orig. Gand, Hôtel de Ville , chartes confisquées , n° 66.) 1276. 19 mars. Amaun «Le Maçon » amende les dommages qu'il a cau- sés au chapitre de Besançon : il donnera tous les ans au chapitre trente livres de cire, et lui abandonne deux mai- sons sises à Besançon, dans la Grande-Rue, entre la mai- son de feu Renaud de Saint-Pierre « et furnum liberorum. » (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 197.) 1276 (vers). Jean, duc de Brabant, écrit à sa tante Béatrice, et lui donne de bonnes nouvelles de sa sœur la reine de France (Marie de Brabant). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 205.) 1277. O février (Saint-Germain-en-Laye). Lettre de Félicie, dame de Peroë, à Béatrice de Courtray, pour lui donner des nou- velles du roi et de la reine de France (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 201.) 1277. 28 mai {vendredi après la Saint-Urbain). Accord de mariage - entre Jeanne, héritière du comté de Rethel, et le fils aîné de Robert, comte de Nevers (en français). (Copie du temps. Gand, ASE provinciales, Rupelmonde, n° 207.) 22 décembre 1276 au 13 juin 1277. Compte des dépenses faites par Guillaume, chapelain du comte de Flandre (en français). (Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 209. — Voy. Bul- letin de la Commussion royale d'histoire, t. I, p- 145 et suiv.) 9 janvier au 20 août 1278. Compte des débours de Pierre, aumônier de Gui, comte de Flandre: itinéraire : Bapaume, Lyon, Paris, etc. Rouleau de dix mètres de long, écrit des deux côtés (en français). (Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 233.) 1279. 10 juillet. Philippe le Hardi invite le comte de Flandre à ordon- ner aux communes de rendre leurs comptes. (Vidimus de 1470. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 251.) M 1280 (Vers). Compte des dépenses du comte de Flandre à Paris, Lyon. etc. rouleau original {en français). (Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 283.) 1280 (Vers). Plaintes par divers aux commissaires enquêteurs nommés par le comte de Flandre, pour redresser les torts commis par ses officiers. (Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 884 et suiv.) 1280 (Vers). Enquête pour savoir si les gens de la maison de Roubaix étaient tenus de charroyer les engrais. (Rôle. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 961.) 1280 (Vers). Enquête faite par le sire de Lalaing et maître Érard sur le droit d'arsin entre l'abbaye de Saint-Amand et la ville d'Orchies (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 283.) 1281. Mai. Gui, comte de Flandre, emprunte, par les mains de Geof- froi, son sergent aux foires de Bar, 2,000 livres qu'il rendra, à la prochaine foire de Provins, aux prêteurs, qui sont des marchands de Sienne. (Orig. Gand , Archives provinciales, Rupelmonde, n° 291.) 1281. Septembre. Gui, comte de Flandre, emprunte, pendant la foire de la Saint-Jean à Troyes, à des marchands siennois, 3,000 livres remboursables à la foire prochaine de Saint- Ayoul à Provins. (Orig. Gand , Archives provinciales, Rupelmonde, n° 297.) 1282. 22 mai. Acte par lequel Régnier Tholomei de Florence, notaire | apostolique, fait savoir qu'en sa présence Jean, évêque de Metz, a emprunté pour ses affaires, à Bonaventure, fils de Jean de Sienne, de la société des fils de Salem- bene, et à Jean, fils de Jean Salembene, 500 livres de - petits tournois «de pura et vera sorte de turonensibus. » (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 310.) 1282. Juin. Simon, fils de Jean, seigneur de Chateauvillain et de Luzy, emprunte, a la foire du mois de mai à Provins, à des marchands de Sienne, une somme de 1,720 livres tour- MISS. SCIENT. — II. di 258 — nois, remboursables à la prochaine foire de la Saint-Remy a Troyes. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 313.) * 1282. 26 septembre (le samedi après la saint Mathieu). Enquête faite, sur l'ordre du comte de Flandre, par Sohier de Bailleul et Jean de la Tourele, sur le droit que les habitants de Berghes-Saint-Winnoc prétendaient avoir de vendre leurs denrées à Dunkerque (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 317.) 1283. 5 janvier. Mémoire de Charles d'Anjou, roi de Sicile, au roi de France, pour appuyer la réclamation qu'il faisait du Poi- tou et de l'Auvergne, dépendant de {a succession d’AI- phonse, comte de Poitiers et de Toulouse, frère de saint Louis, mort en 1271” (Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 793.) 1283. Janvier. «Les eschievins et toute li communités de le vile de Courtrai» reconnaissent devoir «à no boine amie à Em- melot de Paris quatre cens livres et sissante et quatre livres de parisis ke ele nous presta, et crei et délivra de son propre catel en boine monnoie loial et bien contée, sans vilaine convenance, à no requeste et au grant be- soing destraignant de nous et de no vile de Courtrai de- vant dite, et nient pour autrui.» On rendra la somme à Arras «en boine monnoie ki u tans de paiement courra à Arras, de coi bourgois s'acquitera à l’autre, au samedi prochain après le tiephaine M.CC.LXXXXIL. » (Orig. cancellé. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées. Courtray, n° 201.) 1283. 1° juin. Martin IV ordonne à l'official de Tournay de faire res- tituer aux religieuses de Saint-Sauveur de Lille les biens dont elles avaient été dépouillées. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 334.) 1284. 2 mars (jeudi après les Brandons). Le parlement de Paris homo- logue un accord entre l'évêque et ia commune de Tour- ! Le parlement maintint le roi en possession de ces domaines, qui étaient des apanages et qui revinrent à la couronne par suite de l'extinction de la ligne directe des apanagistes. Cet arrêt, qui est le plus, ancien sur celte matière, régla la législation en fait d'apanage. 959 — nay, au sujet de la nomination de la maïtresse des bé- guines et de la maison du change. (Bruxelles, Archives royales, fonds des cartul. n° 52, fol. 3 recto.) 1284-1285. Enquête faite, sur l'ordre du comte de Flandre, par le seigneur de Dampierre, le seigneur d’Auchy et Jean de Menin, sur les querelles élevées entre les villes de Douai et de Lille, à la suite d’une joute célébrée à Douai (en français), et jugement. Douze pièces, documents curieux pour l'histoire des mœurs. (Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n°” 369 à 378, et 1830, 1031.) 1289. 22 juillet. Honorius IV fait savoir aux abbés de Saint-Denis et de Saint-Lucien de Beauvais, qu'en considération des ser- vice rendus par le roi de France à l'Église, le roi pourra recueillir les legs qui lui seront faits sans en déduire la dime. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 385.) _ 1289 (Vers). Procédures, devant le parlement de Paris, entre le comte de Flandre et le comte d'Artois, au sujet de l'abbaye de Clairmarais, et entre le comte de Flandre et les habi- tants de Beauquesne, au sujet de la juridiction sur cer- tains de ces derniers (en français). (Orig. Gand , Archives provinciales, Rupelmonde, n°* 4o1 à 403.) 1286. 11 février (lundi après l'octave de la Purification, 1285). Phi- lippe le Bel confirme les lettres patentes par lesquelles Gui, comte de Flandre, donne à son fils, Jean de Namur, en accroissement de son fief de Winendale, plusieurs schorres et jets de mer. (Orig. Bruxelles, Trésorerie des chartes de Namur, n° 185.) 1286. Août. Philippe le Bel confirme un accord entre l'évêque Michel et la commune de Tournay, au sujet de la fabrication de la monnaie ; « el mois de juillet lendemain de: witaves saint Jehan-Baptiste. » (Bruxelles, Archives royales, fonds des cartul. n° 51, fol. 37.) 1287. 20 février. Honorius IV ordonne aux évêques de Cambrai et d'Arras de réprimer les clercs de leurs diocèses qui com TL — 260 — mettaient des vols, rapines et homicides , lesquels méfaits demeuraient impunis. (Orig. Gand , Archives provinciales, Rupelmonde, n° 429.) 1287. 3 août (dimanche après la fête de saint Pierre-aux-Liens). Arrêt du parlement de Paris défendant à l'archevêque de Reims d'inquiéter les échevins de Gand au sujet de la taille qu'ils exigeaient des clercs trafiquants. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, coffre de fer, layette J, n° 13, copie. Witte-Boek, fol. 104.) 1287. 13 septembre (le samedy apres la « Nativitei Nostre-Dame »). Jean, comte de Hainaut, emprunte à Bertingon «Paillat,» ci- toyen de Metz, 600 livres de messains remboursables a la Pâques prochaine, et donne comme garants son cousin Jean, seigneur de Dampierre, Gille, dit Rigaut, seigneur dou Roelz, et Rasse, seigneur de Liedekerke. (Bruxelles, Archives royales, fonds des cartul. n° 9°, fol. 1 42 verso.) 1287. 11 octobre (le samedi après la Saint-Denis). Henri, archidiacre de Tournay, confie à Jacques les fonctions de son vicaire dans l’église de Commines. (Bruxelles, Archives royales, fonds des cartul. n° 51, fol. 1 recto.) 1287. 12 novembre. Enquête entre les habitants de Douai et le sire de Wasiers (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 453.) 1290. 6 février (lundi après la Chandeleur, 1289). Mandement de Phi- lhippe le Bel au baiïlli de Vermandois de laisser, en vertu d'un arrêt du parlement de Paris, les officiers de l'évêque de Tournay conduire leurs prisonniers dans les rues de la commnne de Tournay. (Bruxelles, Archives royales, fonds des cartul. n° 53.) 1290. 14 août. Philippe le Bel mande au comte de Flandre que Îles royaux d'or qu'il vient de faire frapper auront cours au cours de dix sous de petits tournois chaque. Les florins d’or sont prohibés. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 538.) 1290 (Vers). Pièce de procédure entre les communes de Bourbourg et LR nt. él — 261 — de Berghes-Saint-Winnoc. Le procureur de Berghès s'op- pose à la récusation de certains témoins (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 587.) 1291. 19 juillet (jeudi avant la Madeleine). Mandement de Philippe le Bel, daté de Pierrefonds, au bailli de Vermandois, de saisir les biens du comte de Hollande situés en France, en représailles de l'arrestation, par ordre du comte, de personnes placées sous la protection du roi. (Gand, Hôtel de Ville, Witte-Boek, fol. 107 verso.) 1291. Août. L'abbé et le couvent de Saint-Thierry de Reims dénoncent à Gui, comte de Flandre, la conduite tenue envers leur maison de Pethesem par Henri de la Croix et Gilon de Bacelerot, l'un bailli et l'autre châtelain de Pethegem, qui, avec plus de vingt-huit hommes armés, avaient pillé ladite maison. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de Namur, n° 233.) 1291. Au parlement de la Toussaint. Arrêt du parlement de Paris, concernant la réduction et le payement des dettes des communes de France. (Gand, Hôtel de Ville, Witte-Boek, fol. 109, et Wetten ende Costumen, fol. 72.) 1291. Arrêt du parlement condamnant Sohier de Bailleul, chevalier, bailli de Gand, à faire amende honorable pour ses vio- lences envers la commune. Jean Panetier, ou tout autre, se rendra à Gand pour veiller à l'exécution de cet arrêt. (Gand, Hôtel de Ville, Wetten ende Costumen, fol. 79 verso.) 1292. 3 juin. Mandement du bailli de Vermandois, pour lui faire con- naître que la coutume du parlement de Paris n'était pas de faire payer les frais des lettres et cédules délivrées par lui. En conséquence, ledit baïlli ne payera pas le coût des lettres qu'il avait obtenues contre les héritiers de Jean de la Bourse. (Vidimus du temps. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 638.) 1292. 27 juillet. Compte des décimes perçus par Jacques, abbé de Va- ! Voyez le texte dans les documents annexés, n° 111. = — A — lenciennes, depuis le 12 mars 1287 jusqu'au 27 juillet, montant à 100,428 livres 3 sols 2 deniers tournois. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 166.) 1202. 16 novembre (dimanche après la Saint-Martin). Assignation, par Guillaume Bardin, bailli de Vermandois, aux éche- vins de Bruges, de comparaître au parlement de Paris. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par lAu- triche, Flandre, n° 656.) 1202. 2 décembre. Philippe le Bel accorde a l'évêque de Tournay la . jouissance d’une portion des murs de la ville de Paris. 1202 (Vers). « Domui sue site Parisius prope portam que dicitur porta Sancti Marcelli anectimus in perpetuum , donamus et con- cedimus usum et utilitttem murorum et tornellorum nostre ville Parisiensis sitorum retro domum predictam, prout se comportat dicta domus, cum muris et tornellis predictis, a domo comitis Barri ex una parte, usque ad domum que fuit magistri Mathei de Savigniaco, que quondam fuit domine de Bovis ex altera, tenendos, inha- bitandos, et cooperiendos absque perforacione prout ipst episcopo et dominis dicte domus expedire videbitur, ita famen quod nos et successores nostri dictos muros et tor- nellos retrahere et recipere possimus quociens propter necessitatem vel utilitatem publicam dicte ville Parisien- sis viderimus expedire. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 52, fol. 4 verso.) Daniel Boursier, chapelain de Termonde, se plaint de ce que le baïlli du comte de Flandre ait confisqué et remis au procureur du roi de France cinq pièces de drap qu'il avait fait faire avec l'argent de la succession de sa mère, et qu'il avait confiées à des marchands de Termonde pour les mettre en vente à la foire de Metz. Les marchands, ne les ayant pas vendues, les rapportaient quand on les leur prit à Courtray comme marchandise prohibée. Ces cinq draps étaient estimés 37 grands florins et 18 gros. (Orig. Gand, Archives provinciales, Grand conseil, n° 819.) 1204. 12 juillet. Philippe le Bel renouvelle au comte de Flandre l’ordre de veiller sur les côtes et d'empêcher qu'on transporte des armes et des vivres en Angleterre. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde , n° 730.) 1204. 1204. 1294. 1204. 1204. 1204. 1209. a — 20 juin (octave de la Trinité). Mandement de Philippe le Bel, daté de Senlis, au baïlli de Vermandois, d’ordonner au comte de Flandre Gui de donner procuration aux bour- geois de Gand qui voudront plaider au parlement contre les Trente-Neuf. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 108.) 3 août. Mandement au bailli d'Amiens d'ajourner au parlement le prévôt de Lille, que les comtes de Flandre et d'Artois accusaient de s'être fait délivrer des joyaux enlevés à une femme et déposés à l'abbaye de Clairmarais. Si le fait est constant, on fera promettre au prévôt de restituer ce qu'il a pris. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, u° 731.) 28 septembre. Mandement au comte de Flandre de se rendre au parlement, à Paris, a l'octave de l'Épiphanie, pour sou- tenir l'appel que les procureurs de la commune de Gand ont porté au roi d'un jugement dudit comte. (Orig. Gand , Archives provinciales, Rupelmonde, n° 738.) 12 novembre {vendredi après la saint Martin d'hiver). Philippe le Bel accorde à l'évêque de Tournay un droit de pava- gtum à Helchin, pour subvenir aux frais de la réparation des chaussées et des rues de ladite ville. « Apud regalem abbatiam Beate Marie juxta Pontisaram. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 53, fol. 5 recto.) 22 novembre. Mandement au baïlli d'Amiens de ne pas inquié- ter les Anglais qui habitent le royaume, qui y ont des possessions ou qui y sont mariés, ni de saisir leurs biens, même au cas où ils se seraient absentés, pourvu que ce füt pour leurs affaires. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 739.) Novembre. Philippe le Bel permet à Jean, évêque de Tournay, d'établir un marché à Helchin, le mardi de chaque se- maine. « Apud regalem abbatiam Beate Marie juxta Pon- tisaram. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 53, fol. 5 verso.) 24 janvier (lundi après la Saint-Vincent, 1294). Philippe le Bel fait savoir que Jean, évêque de Tournay, «ad quem spec- 12309" 1299. 1209. 1290: 1209. 264 — tat, ut dicebat, jus cudendi monetam in civitate Torna- censi, ad instantiam nostram benigne concessit quod nos monetam nostram grossam argenteam cudi faciamus per quadriennium continue in civitate Tornacensi, et nichi- lominus idem episcopus monetam suam eudi faciat, si viderit expedire. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 53.) 1* mars. Mandement de Philippe le Bel au comte de Flandre d'empêcher de molester Jacques et Barthélemy de Lille, qui étaient accusés d'avoir tué un individu banni pour avoir arraché les yeux à un clerc, attendu que tuer un ‘banni n’est pas un crime. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 749.) 3 mars. Philippe le Bel révoque tous les gardiens établis en « C’est « C'est Flandre pour surveiller l'importation e et l'exportation des laines de Flandre, d'Angleterre et d'Écosse. Défense au comte de Flandre de A porter en Angleterre des armés et des vivres. (Orig. Gand , Archives provinciales, Rupelmonde, n° 350.) l'ordenance faite par nostre seigneur le roy de France et par son consel, de l'assentement des prélas et des barons de son royaume, pour la défense et seurté du royaume » (en français). (Bruxelles, Archives royales , cartul. 53, fol. 6 recto.) l'ordenance faite par nostre signeur le roy de France, par les prélas, barons et de siens consel et autres de son royaume qui à ce furent présent, pour la commune def-. fense necessaire et hastive du royaume de France » (autre que le numéro précédent). (Bruxelles, Archives royales, cartul. 53, fol. 6 ?.) 16 avril {samedi après l’octave de Pâques). Le roi déclare qu'une ordonnance qu'il a faite pour lever des impôts indirects dans le royaume (voyez les deux numéros précédents) ne pourra porter préjudice à l'évêque de Tournay. Cette or- * Voyez le texte dans les documents annexés, n° 1v. ? Voyez thid. n° v. me. DO — donnance s’exécutera pendant deux années, à partir de la prochaine fête de la Toussaint. — Donné à Creil. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 53, fol. 5 verso.) 1299. 20 avril. Guillaume de Mortagne, chevalier, et Jacques de Donze, clerc et receveur du comte de Flandre, accordent, au nom dudit comte, aux échevins et à la commune de Lille le droit de percevoir une maltôte à partir du 30 avril prochain, pendant une année, le tout moyennant la re- mise au comte d'une dette de quatre mille livres, dont ïl est tenu envers la ville de Lille. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 757.) 12099. 8 mai. Mandement de Philippe le Bel au comte de Flandre pour se plaindre de ce que les marchandises anglaises étaient admises en Flandre malgré les défenses du roi, et de ce que les gens du comte forçaient les agents du roi qui avaient saisi des marchandises prohibées à les restituer. Le comte enverra les coupables en prison au Châtelet, à Paris. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 760.) 1295. 10 juin (vendredi après l'octave de la Trinité). Mandement de laisser jouir le comte de Flandre de la confiscation des laines et autres marchandises qui passeraient du pays du comte à celui des ennemis du roi. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, Flandre, n° 658.) 1299. 22 juin. Mandement au comte de Flandre pour l'informer que le roi a permis à des marchands de Florence et de Sienne d'exporter les laines anglaises déposées sous séquestre en Hollande et en Flandre, et de les vendre en France. (Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 769.) 1295. 18 juin (samedi avant la Saint-Jean). Jugement de l'ofhicial de l'évêque de Paris, renvoyant absous de l'accusation de meurtre sur la personne de Grille Fordin, étudiant à Pa- ris, Nicolas Bayart, Jean de Zele, G. de Saint-Nicolas et Gaussuin Knif, de Gand, étudiants à Paris, qui avaient agi dans le cas de légitime défense. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, n° 205.) 1299. 28 juin. Mandement au comte de. Flandre de mettre en liberté — 266 — plusieurs bourgeois de Gand, arrêtés à l'occasion d'une lettre qui leur avait été adressée par un sergent du roi. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 771.) 1209. 14 juillet. Philippe le Bel fait savoir qu'il a permis aux Écossais de trafiquer en France; il les défendra contre le comte de Blois et sa femme, qui réclamaient une dette contrac- tée envers eux par É roi d’ Écosse, et ne permettra pas qu'on saisisse leurs biens en France. (Orig. Gand , Archives provinciales, Rupelmonde n° 772.) Même date. Mandement du roi de France au baïlli d'Amiens de res- pecter la permission accordée à des marchands d'Écosse et de Sienne, d'introduire dans le royaume 2,000 sacs de laine. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 573.) 1209. 106 juillet. Mandement du roi à Jean Arrode et à Guillaume Mar- tin de Trappes, leur défendant de se mêler des ports et issues de Flandre et de l'exportation des armes, vivres et - chevaux, et de l'importation de marchandises provenant de pays ennemis, à moins que le comte ne se montre négligent. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1834.) 1209. 17 juillet. Le roi fait savoir qu'il a donné l'ordre d’arrèter dans son royaume tous les bourgeois de Metz qu'on à trouvera, en représailles de l'emprisonnement à Metz de Jean, dit Souler, bourgeois de Troyes. $ (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 774.) 1209. Juillet. Les échevins et consaulx de la ville de Messines se plai- gnent au comte de Flandre de ce que l’abbesse de Mes- sines voulait les contraindre à payer l'impôt du centième denier dont elle avait accordé la levée au roi de France sur ses hôtes et sur lesdits habitants, sans le consentement des échevins (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 778.) 1299. 2 septembre. Arrêt tiré des registres de la cour du roi, décidant qu'une somme de 95 livres, que les échevins de Bruges ont condamné Jean du Sac à restituer aux héritiers de Jean de la Bourse, doit appartenir au roi à titre de legata indistincte relictu. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 783.) —— 368 — 1299. Septembre. Robert, comte de Nevers, fait savoir qu'à sa prière les échevins de Béthune ont emprunté pour lui, à Robert Crespin et à Baude, son frère, 600 livres, à Arras; à Co- lart d'Arras, 200 livres; à Isabelle Figonnelle de Lens, 200 livres. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 787.) 1299. 29 novembre. Philippe le Bel ordonne au comte de Flandre de remettre entre les mains des gardes des foires de Cham- pagne Jean-Legrand, citoyen de Metz, arrèté à Ypres avec ses biens par les gens du comte, par ordre du roi, en re- 1 D Li . \ , . présailles de l'emprisonnement à Metz d'un bourgeois de Troyes nommé Jean Soler. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmond:, n° 789.) 1290. 7 janvier. Philippe le Bel autorise le comte de Flandre à tirer des vivres de France pour sa terre de Namur, malgré la défense générale d'exporter des vivres, établie pendant la durée de la guerre avec l'Angleterre. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 794.) 1290. 28 février. Arrêt du parlement de Paris mettant à néant l'appel des Trente-Neuf de Gand contre le comte de Flandre : les maisons démolies seront rebâties, etc. 0 (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 110.) 1290. 15 avril. Philippe le Bel prie le comte de Flandre de lui faire remettre la part qui lui revient de l'impôt du cinquan- tième qui a été levé à Gand. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 820.) 12906. 7 mai. Raoul d'Harcourt, archidiacre d'Eu, remet au comte de Flandre la fixation des dépens adjugés par la cour des pairs aux bourgeois de Gand qui ont appelé au roi des comptes rendus par les Trente-Neuf. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes conlisquées, n° 114.) 1296. 8 mai. Philippe le Bel cite le comte de Flandre au parlement, pour répondre à Pierre le Monnayer et à son associé, bourgeois d'Amiens, qui réclamaïent un navire anglais qu'ils avaient pris en pleine mer sur les ennemis du royaume, vaisseau que le comte avait illégalement mis sous sa main. Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 821.) Fs l Il 1290. 1200. 1206. 1296. 1206. 1296. 1296. 1206. us ur 23 juin. Mandement du roi au comte de Flandre de restituer les objets enlevés aux marchands écossais, attendu que ceux-ci sont amis du royaume. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 827.) Juin. Philippe le Bel prend sous sa protection les habitants de Gand «qui sont ses sermentés devant tous hommes, » et ce en récompense de leur grande loyauté. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 116.) 19 août. Gui, comte de Flandre, reconnaît devoir à Pierre Gen- cien, valet du roi de France, 500 livres tournois pour achat de chevaux. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 533.) 27 août. Mandement au comte de Flandre de maintenir en li- berté provisoire certains échevins et bourgeois de Douai dont la cause était pendante par-devant le parlement de Paris. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 833.) 29 août. Mandement au comte de Flandre de restituer, dans le plus bref délai, les cuirs, laines et autres marchandises confisquées en Flandre sur le comte de Buchan et autres Écossais, ces objets étant destinés aux ambassadeurs du ro d Écosse. qui se trouvaient en ce moment à Paris. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 834.) 20 septembre. Mandement au comte de Flandre de comparaître au parlement, au sujet d'un accord qu'il avait conclu avec les Trente-Neuf de Gand, accord préjudiciable à la fois au roi et à la commune. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 836.) 13 octobre. Mandement au comte de Flandre de remettre au baïlli d'Amiens plusieurs habitants de Bayonne qui avaient été pris sur un vaisseau, et un Allemand nommé Pape, lesquels sont des ennemis du royaume et seront conduits devant le roi. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 840.) 7 décembre. Mandement au comte de Flandre de remettre au 1296. 1207. 1207. 1297. 1297. 1297. ENT baulli de Vermandois, Jean Hakebart, que ledit comte avait fait transporter sur les terres de l'empire et qu'il tenait prisonnier, bien qu'il ne fut pas son justiciable. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 848.) 12 décembre. Mandement au comte de Flandre de faire re- mettre au prévôt royal de Beauquesne, Gossuin de Saint- Aubin, chevalier, coupable d'injures et de voies de fait à Douai, contre Nicolas Bonebroque, homme de la suite de Raoul de Bruillac et du baïlli d'Amiens, réumis alors a Douai, dans l’église des frères prêcheurs, pour termi- ner certaines affaires au nom du roi. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 849.) 28 janvier. Philippe le Bel annonce à Gui de Dampierre, soi- disant comte de Flandre, qu'il lui envoie les évêques du Puy et d'Amiens pour lui signifier ses ordres. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 859.) Janvier. Décision des prévôt, jurés, échevins, conseil et com- mune de Valenciennes contre les échevins qui s'étaient opposés a l'entrée des envoyés du roi de France à la porte Cambraisienne (en français). Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 51 verso. ) 9 3 février. Robert, fils aîné du comte de Flandre, s'engage à payer à Robert du Mainil, bourgeois de Lille, 248 livres parisis, prix d'un grand cheval morel. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 864.) Mars. Procuration de Gui, comte de Flandre, pour poursuivre à Rome les affaires qu'il avait contre Philippe le Bel. Les procureurs du comte sont l'évêque de Tournay et l'abbé de Messines. (Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l'Au- triche, Flandre, n° 660.) Minute d'une requête adressée au roi d'Angleterre par le comte de Flandre, pour lui demander aide contre le roi de France, auquel il avait déclaré qu'il se regardait comme délié de son serment de fidélité envers lui. (Bruxelles, Archives royaies, Trésorerie de Brabant, carton 317. n° 2.) — 270 — 1297. 1° mai. Gille de Harlebecke, chanoine de Courtray, lit, au nom de Robert, fils aîné du comte de Flandre, l'appel de ce dernier au pape contre le roi de France. (Acte notarié. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde , n° 888.) 1297. O juin. Raoul de Clermont, connétable de France, donne à sa femme, Isabelle de Hainaut, la maison de Brios et ses dépendances. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 146 verso.) 1297. 28 juillet. Estimation des chevaux de messire Gérard le Mor et des chevaliers et écuyers de sa compagnie, afin que, si ces chevaux viennent à périr dans la guerre contre le roi de France, le comte de Frandre lui en rembourse le prix, qui varie, pour les chevaux de guerre, de 300 à 120 livres tournois. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 902.) 1297. 29 août. Philippe le Bel confirme les priviléges de la ville de Lille, qu'il vient de conquérir sur le comte de Flandre. (Vidimus de 1463, Gand, Archives provinciales, n° 907.) 1298. 21 mars. Acte de fondation à Paris d'une société par des mar- chands italiens, pour opérer le change et faire le com- merce : la société se compose de six parts. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 597.) Même date (mercredi après Pâques). Lettre missive des ambassadeurs du comte de Flandre auprès du Saint-Siége. {Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par lAu- triche, Flandre, n° 660.) 1298. Sans date. Autre dépêche émanée des mêmes que la précédente. (Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l’Au- triche, Flandre, n° 666.) 1299 (Vers). Liste de 950 personnes, appartenant aux différentes cor- porations d'Ypres, punies d'amende, de prison, où ban- nies pour rébellion contre le roi de France. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1049.) Fin du xrri° siècle. Plaintes contre les baiïllis de Lens et de Béthune. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 823.) 1301 1301 1302. 1302. 19303. 13053. 1304 1306. — 271 — . Juin. Philippe le Bel casse les Trente-Neuf de Gand établis par le comte de Flandre. — Donné à Wynendal. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 135.) . Novembre. Lettre de Philippe le Bel « sur les grans discorz, dis- sensions, grans questions et males volontés et haynnes qui avoient longuement esté en la ville de Gand, entre chiaulx de Gand. » — Donné à Senlis. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 8.) 11 mai. Jacques de Châtillon, lieutenant du roi en Flandre, re- çoit la capitulation de la ville de Gand. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 140.) 2 septembre. Philippe le Bel fait savoir qu'un arrêt du parle- ment a ordonné qu'Isabelle de Hainaut, veuve de Raoul de Clermont, connétable de France, serait reçue à l'hom- mage de la terre de Brios. — Donné à Beauvais. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 146 verso.) 1* mars. « Mathie le Pierche, citains de Mes, donne en fiez et en homaige à Henri, comte de Luxembourg, nostre grange et les appartenances que nous avons à Saint-Pierre oz Harainnes; et de ce ai je données bones lettres saileez de monsieur Badewin, abés de Saint-Vincent de Mez. » (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, cartul. 23, fol. 38 verso.) 20 septembre. Jean, duc de Bretagne, et Robert, duc de Bour- gogne, promettent de donner au roi des otages pour qu'il fasse sortir de prison le comte de Flandre et son fils Guillaume. — Donné entre l’Ecluse et Douai. (Vidimus du temps. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1092.) . 80 avril (la nuit de may). Les échevins et jurés de Lille rati- fient la sentence rendue par leurs coéchevins Jakemer Louscourge et Mikiu Noirbier, conjointement avec les échevins de Gand, de Bruges et de Douai, contre les meurtriers des échevins d’Ypres. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées , n° 152.) 20 janvier (mercredi avant la Saint-Vincent). Philippe le Bel 7 restitue, à la prière de l'évêque de Liége, à certains mar- chands de Malines, leurs marchandises, qui avaient été confisquées pour les punir d’avoir donné asile à des gens qui avaient commis un meurtre à la foire de Saint-Ayoul. (Orig. sous le sceau des Foires de Champagne. Malines, Hôtel de Ville, n° 33.) 1305. Sans date de mois ni de jour. Liste des otages donnés par la ville de Bruges au roi de France et pris parmi les métiers. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde,n°*1115àa1118.) 1306. Janvier. Philippa, comtesse de Hainaut, emprunte, jusqu'a la mi-carême, à Jean Hanekin et à Jean Liénard, bourgeois de Saint-Quentin, 656 livres 16 sous, pour rembourser la veuve et les exécuteurs testamentaires de Thiébaut le Juys, de Waïlly, qui lui avait prêté pareïlle somme. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 7 verso.) 1306. Janvier. Guillaume, comte de Hainaut, confirme le don d’une rente de 30 livres tournois fait par son père à Baudouin de Rouvroy, laquelle rente sera perçue chaque année à la Saint-Remy, sur les profits et revenus des polies de la draperie de Maubeuge. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 11 verso.) 1306. 13 février (le diemence devant le jour des Cendres). Le comte de Hainaut charge Jehan Sausset et maître Jehan Hen- nière de se rendre vers le roi de France pour s'excuser de ne pas assister à la journée que le roi devait avoir contre les gens de Flandre, attendu qu'il était en Hol- lande, « sans pais et sans triuwes, pour coi je ne puis estre en vo présence, dont 1l me poise forment. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 12 verso.) 1306. 13 février. Philippa, comtesse de Hainaut, attendu que le roi de France a octroyé six mille livrées de terre a Jean, comte de Hainaut, «pour les causes des alliances, » prie le roi de recevoir hommage par procureur. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9”, fol. 13 recto.) ! Voyez Van Doren, archiviste bibliothécaire de la ville de Malines, Inventaire des Archives de la ville de Malines, publié sous les auspices de l'administration communale ; Malines, 1862; 2 vol. in-8°, se ÉD = 1306. 6 mars. Lettres du roi ajournant Aelis, dame de Nesle, et son époux, Guillaume de Flandre, pour comparaître au par- lement et y entendre la requête de Jean de Hainaut, qui demandait à être admis à prêter hommage pour la terre de Brios. — A Vernon. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 145 verso.) 1306. 10 mars. Mandement du roi à Gautier d'Autrèche, chevalier, de faire une enquête sur les réclamations du comte de Haï- naut, qui demandait le payement de différentes sommes que le roi lui devait : «pro stipendüs et municionibus castrorum dicti comitatus, et ratione equiturarum contra Flamingos... Pro garnisionibus et aliis a gentibus dicti comitis, gentibus nostris maris, in Zelandia liberatis : item pro stipendiüs gentium armorum dicti comitis qui fuerunt apud Curtracum , et pro restauris equorum... Item quod macine seu ingenia, berfredi et mantelli dicti comitis nobis fuerunt ante Insulam commodata.» Gautier fera son rapport à la Chambre des comptes. (Bruxeiles , Archives royales, cartul. 9’, fol. 148 recto.) 1306. 30 avril. Guillaume , comte de Hainaut, donne à cens à Jean Bonin, Lombard, la fabrication de la monnaie qu'il vou- lait faire frapper à Walaincourt, dans le donjon, laquelle monnaie consistera en pièces appelées cokibus. - (Bruxelles, Archives royales, cartul. 4", fol. 17 verso.) 1306. 1” août. Guillaume, comte de Hainaut, fait don, à condition d'hommage, a maïtre Jean Hennière, en récompense de ses services, de vingt-cinq livrées de terre à asseoir en ses mares et ses gaves de Bouchain. (Bruxelles , Archives royales, cartul. 9”, fol. 17 verso.) 1306. 24 août. Pierre li Jumielz, bailli de Vermandois, ordonne à Jean de Laïître, sergent royal en la prévôté de Saint-Quentin, d'ajourner à Paris, au prochain parlement, messire Gau- tier de Bouzies, pour répondre à l'abbé de Saint-Denis au sujet de la terre de Sollempnes, qu'il prétendait tenir, non dudit abbé, mais du comte de Hainaut. (Bruxelles ; Archives royales, cartul. 9", fol. 168 verso.) 1306. Août. Quittance du comte de Hainaut à Charles, comte de Valois et d'Anjou, de la somme de 17,500 livres tournois, MISS, SCIENT. -— II. 18 — 27h — à raison du mariage dudit comte de Hainaut avec la file dudit comte de Valois. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 24 verso.) 1306. 20 septembre. Robert, comte de Flandre, écrit aux gens de son comté de Flandre : il s'étonne qu'ils n'aient pas encore payé l'amende due au roi de France; qu'ils viennent la payer promptement à Bruges : il y a péril dans la demeure. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 438.) 1306. 25 décembre. Jean Villani, de la compagnie des Perruches de Florence, déclare avoir reçu du comte de Flandre 12,000 livres parisis, le gros florin « delle mache » pour 60 sols, à titre d'arrérage de ce que la Flandre doit au roi par suite du traité de paix. — Il donnera décharge de cette somme de la part du roi ou de son trésorier du Temple. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1142.) 1306. Rôles de quatre tailles levées en Flandre, au profit du roi, pour les navires et les soudoyers, pour les Zélandais et pour les florins, et payées par les villes de Flandre au terme de la Saint-Jean. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 99.) 1306. Compte du baïlli de Berghes-Saint-Winnoc. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil.) 1306. État des sommes reçues des villes de Flandre par Thomas Fin, receveur du comte de Flandre, on le premier po à faire au roi. (Que: Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 114.) 1307. Février. Philippa, comtesse de Haïnaut, fait savoir que la ville de Valenciennes ayant répondu pour elle auprès de Jean Chastelain, bourgeois de Reims, d'une somme de 4oo florins d'or «ke on dist la royne, ki keurent or en droit pour xLvinr sols de Parisis de la floive monnaie,» elle abandonne à ladite ville les revenus de la justice d'Ansaing et la seigneurie en toutes choses, etc. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 29 recto.) ! Ce Jean Villani n’est autre que le chroniqueur. — 275 — 1307. 20 mars. Traité d'alliance entre Charles, comte de Valois, et Louis, comte de Nevers : ils se serviront réciproquement, Charles avec 200 hommes d'armes, Louis avec 100 seu- lement, et 1,000 hommes de pied, contre tous, sauf contre le roi de France. Charles donnera sa fille Isabeau au fils ainé de Louis. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1178.) 1307. 5 juin. Robert, comte de Flandre; Henri, comte de Luxembourg ; Guillaume de Flandre, sire de Termonde; Gérard, sire de Sotteghem... les procureurs de Gand, Bruges, Ypres, Furnes, Bergues, Lombarzide, Loo, Cassel, Gravelines, Dunkerque et Mardike, promettent d'engager le duc de Brabant, le comte de Nevers et leurs partisans à ratifier, avant la prochaine fête de l’Assomption, le traité conclu avec le roi de France à Loches. (Vidimus du 8 juin 1307. Gand, Archives provinciales, n° 1165.) 1307. 29 juin. Guillaume, comte de Hainaut, autorise Joseph le juif ses enfants et ses maisnies, à demeurer dans le comté de Hainaut, la où il n'y aura pas de Lombards, pendant une année. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 55 verso.) 1307. Juin. Guillaume, comte de Hainaut, prolonge les pouvoirs des arbitres choisis par son père pour décider des questions élevées entre lui et le chapitre de Cambrai au sujet de 1a “régale pendant la vacance du siége épiscopal de Cambrai. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 56 verso.) 1307. 20 septembre (le nuit Saint Mahiu). Guillaume, comte de Haiï- naut, nomme des procureurs pour le représenter dans le procès qu il avait, à la cour du roi de France, contre le couvent de Marchiennes. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 61 verso.) 1307. 6 décembre. Philippe le Bel fait savoir que Charles de Valois et Jean, comte de Namur, se sont soumis à son arbitrage au sujet de la propriété du comté de Namur. Le roi sera assisté de son frère Louis, comte d'Évreux, de Gaucher de Châtillon, comte de Porcien, et autres de son conseil. Le comte de Namur ne pourra être condamné à perdre 18, — 276 — son héritage ni à faire un pèlerinage ou voyage outre L2 mer en personne. . (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartirier de Namur, n° 315.) 1307. 28 décembre. Guillaume, comte de Hainaut, donne à monsei- gneur Renier de Grimaldi (des Grimaus), amiral général du roi de France, 300 livres de rente de petits tournois noirs OU Mmonnoie au vaillant, en échange de la terre de Coudekerke, en Zélande, dont il lui avait fait donation , et dont ledit amiral ne pouvait jouir: (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 64 recto.) Même date. Philippa, comtesse de Hainaut, achète à Étienne Marcel, drapier à Paris, pour 1,218 livres 12 sous 6 deniers de drap : elle payera 418 livre 12 s. 6 d. avant de quitter Paris, et le reste avant la mi-carême. Moreau des Hales et Nicolas Miette se portent pléges de ce dernier payement. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 65 recto.) 1307. Inventaire de ia chapelle de la comtesse de Hainaut (en français). (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 172 verso.) 1308. 14 janvier. Philippa, comtesse de Hainaut, s'engage à payer a Jean Névelon et à Simon Névelon, bourgeois de Paris, 379 livres parisis, 1° « pour un lion d'or garni d’esme- raude et de perles, XF* et X livres parisis de la forte monnoie ; 2° pour un capel d'or à rubis et à esméraudes et à gros pelles d'Orient, VEI® livres pariSis, cent sols parisis ke mésires, cui Dieus absoille, Hi devoit pour un fremal d’or kii donna à le demiselle de Lille. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 0°, fol. 66 recto.) 1308. 16 janvier. Philippa s'engage à payer 200 livres parisis de forte monnoie à Guérin de Saint-Lis, orfévre de Paris, prix d'une ceinture d'or garnie de rubis et d'émeraudes. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 66 verso.) 1308. 22 avril. Guillaume, comte de Hainaut, nomme monseigneur Watier, seigneur de Bouzies, maître Jean Henniere et maître Jean de Florence, pour le représenter (aux états généraux convoqués) à Tours, ces trois semaines de Pasques. Il ne peut s'y rendre en personne, étant dure- 1308. 1308. 1308. 1308. 1308. 1308. 1308. — 277 — ment empêché pour grosses besoingnes qui touchent a lui et à son héritage en Hollande. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 86 recto.) 12 mai. Guillaume, comte de Hainaut, donne pleins pouvoirs à Thieri dou Casteler, baïlli de Hainaut, et à Jean Bernier, prévôt de Valenciennes, pour mettre et ôter les échevins de Valenciennes «ou grant bourk; et ailleurs. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 87 verso.) 21 juin. Guillaume, comte de Hainaut, autorise la ville de Va- lenciennes à lever pendant six années un impôt sur les marchandises, afin d’acquitter les dettes municipales. (Bruxelles, Archives royales, cartul. g° ‘ol. 92.) 23 juin. Philippe le Bel décharge les Flamands d'envoyer, con- formément au traité conclu avec eux, 3,000 personnes en pélerinage, a condition de payer 300,000 livres de forts tournois. — À Poitiers. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1187.) 9 juillet. Guillaume, comte de Hainaut, accorde à la ville de Va- lenciennes la levée de l’assise qu'il lui avait concédée, jusqu'a ce qu'elle ait payé les sommes pour lesquelles elle s'était engagée en faveur dudit comte envers les Crespin d'Arras. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 110 verso.) Juillet (ou mois de fenal). Guillaume, comte de Hollande, s'engage à garantir et indemniser de tout préjudice la ville de Maubeuge, à raison de sa garantie, qu'elle avait donnée aux Crespin d'Arras, d'une somme qu'il avait em- pruntée. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 111 recto.) er 1° août. Guillaume, comte de Hainaut, donne commission à Pierre Rampot, clerc, de demander au roi de France les lettres et obligations que ledit roi avait reçues du comte son père. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 9°, fol. 117 verso.) 1° septembre (samedi après la collacion de saint Jehan). Hue Chaingne, citains de Mez, prête a Henri, comte de — 278 — Luxembourg, 500 livres en deniers tournois, et reçoit en gage tout ce que le comte a en la ville de « Maranges deseur Mainieres. Je ai prié Baudouin par la patience de Dieu abbeit de Saint-Vincent, et maistre Gobert doien de Mes, que il metent leur saiel avec le mien. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 23, fol. 38 verso.) 1308. 14 octobre. Philippe le Bel ordonne de faire droit sans retard aux Flamands qui avaient eu à souffrir pour avoir em- brassé, pendant la dernière guerre, le parti du roi de France. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1190.) 1309. 10 mai. Philippe le Bel, sans rien changer au traité conclu, l’adoucit en faveur des Flamands. — A Paris. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1198.) Même date. Philippe le Bel mande à Robert, comte de Flandre, de ne pas opprimer le Franc de Bruges. (Bruxelles, Archives royales, chartes restitutes par l’Autriche, Flandre, n° 818.) 1309. 11 mai. Philippe le Bel décharge du payement de tout impôt les biens situés dans les renenghes d'Ypres. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1190.) 1309. Mai. Emprunt par Gérard d'Auxerre, procureur du comte de Flandre, par-devant les clercs des foires de Champagne, à deux marchands italiens, de 7,000 livres de petits tour- nois noirs «en cors et sur le cors de la foire de Provins, comme argent reçu sur le cors de la foire.» (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, _ n°563.) 1309. Compte de l'hôtel du comte de Handre. (Orig. Bruxelles, Archives royales, rouleau de la Chambre des comptes.) 1309. Recette de l'espier de Saint-Omer et de Bourbourg, du lardier de Bourbourg et de Berghes. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 157.) — 279 — 1310. 9 février. Mandement donné au parlement pour contraindre le comte de Flandre à exécuter un arrêt rendu précédem- ment par la cour pour la duchesse de Lorraine. (Vidimus du temps. Gand, Archives provinciales, n° 1206.) 1310. 6 mars: Jean de Flandre constitue le douaire de Marie d'Artois. — À Paris. - (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de Namur, n° 335.) Même date. Jean de Flandre, en constituant le douaire de Marie d’Ar- tois, déclare que, s'il n’a que des filles de ce mariage et un héritier mâle d’un autre mariage, ces filles auront, l'ainée, 1,000 livres de terres et 1,000 livres de forte monnaie en deniers: la seconde, 500 livres de terres et 800 livres en deniers, etc. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de Namur, n° 336.) 1910. 12 avril. Philippe le Bel mande au comte de Flandre qu'il est très-mécontent de sa négligence à payer ce qui lui est dü. — Donné à Paris. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1212.) 1311. 16 juin. Philippe le Bel annonce au comte de Flandre que les prisonniers faits de part et d'autre dans la guerre entre ledit comte et le comte de Hainaut doivent être mis en liberté, conformément aux clauses de la trêve. (Orig. Gand, Archives proviciales, Rupelmonde, n° 1229.) 1311. D octobre. Mandement aux baïllis d'Amiens et de Vermandois d'ajourner au parlement Louis, comte de Nevers et de Rethel, sur les chefs suivants : 1° il a entravé l'exécution des traités; 2° il a voulu emmener ses enfants hors du royaume; 3° il prétend que le roi détient injustement l'administration du comté de Flandre. (Orig. Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 223.) 1311. Exposé des dommages que les pêcheurs de harengs de Dunkerque ont eu a subir de la part des Anglais de 1297 à 1310 (en français). (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 355.) 1312. Mars. Philippe le Bel confirme et vidime un acte par lequel Gui, comte de Flandre, échange avec sa femme et Jean de 1312. 1312. 191: 1312. 13191 LOTO. 1919. — 280 — Namur, leur fils, une rente annuelle de mille livres, que lui payait là ville de Bruges, contre des marais et des polders possédés par [sabelle et son fils. — À Paris. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de Namur, n° 364.) 10 juin. Philippe le Bel prolonge jusqu'au 29 juillet les trêves entre le comte de Flandre et le comte de Hainaut, en _vertu des pouvoirs qu'il a reçus des deux parties. (Orig. Gand, Archives provinciales, n° 1246.) 30 juin. Philippe le Bel nomme Hugue Paliart, clerc; Pierre de Galard, maïître des ärbalétriers de France, et Baudouin de Longué, pour régler les contestations au sujet des limites de la Flandre et du Hainaut. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1240.) 19 juillet, Lettres de répit accordées par Philippe le Bel aux Ë Flamands pour les sommes qu'ils doivent au roi. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 242.) 25 juillet (le mardi avant la Saint-Pierre ès liens). Lettre de Marigny à Simon de Rie, chapelain du cardinal Napoleone, au sujet des affaires de Flandre’. (Copie moderne. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l'Autriche, Flandre, n° 691.) Lettre des habitants de Béthune au comte de Nevers pour le prier de leur accorder un endroit afin d'y confiner les lépreux, et le droit de bannir de leur ville les mauvaises gens, etc. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1258.) 14 avril. Acte d'appel au pape de Louis, comte de Nevers, des mauvais traitements et dénis de justice qu'il a reçus du roi de France, de son conseil, d'Enguerran de Marigny et de Guillaume de Nogaret. — À Gand. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1260.) 15 avril. Acte de même nature que le précédent, mais plus explicite. (Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1840.) 1 Voy. des extraits de celte lettre, documents n° vi. — 981 — 1313. 19 juin. Mandement de Philippe le Bel à Guillaume de Dam- pierre, sire de Saint-Dizier, de faire savoir ce qu'il compte faire pour contraindre les Brugeois à démolir leurs forti- fications , ainsi qu'ils s’y étaient engagés; chose qu ils refu- saient d'exécuter. Guillaume s'était porté plége de l'exé- cution, par les Flamands, des clauses du traité avec la France. — Donné à Pontoise. : (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1262.) 1313. 26 juin. Philippe le Bel invite les échevins et le conseil de la commune de Gand a veiller à ce que le produit des impôts levés pour payer le roi ne soit pas détourné de sa des- tination. —- Donné à Pontoise. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 254.) Même date. Mandement du roi au comte de Flandre de faire abattre les fortifications de Gand. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l'Au- triche. Flandre, n° 693.) 1313. 2 août. Philippe le Bel fait savoir que le comte de Flandre s'est engagé à faire abattre les fortifications de Gand et d'Ypres, et lui a livré, en garantie de l'exécution de diverses autres promesses, la châtellenie de Courtray. — Donné à Arras. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1264.) 1313. 5 août. Philippe le Bel prolonge jusqu à la mi-août la trêve ; entre les comtes de Flandre et de Hainaut. — Donné à Arras. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1265.) 1313. 13 septembre et 9 octobre. Pièces relatives à un procès dans le- quel les habitants de Berghes réclamaient à ceux de Bourbourg, 1° 500 livres parisis, 2° 8,000 livres (en fran- çais. ) (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n°* 1267 et 1268.) 1314. 10 février (dimanche après l'octave de la Chandeleur). Philippe le Bel fait savoir que Robert, comte de Flandre, ayant perdu son scel, on apportera les lettres scellées par lui pour vérifier si elles n’ont pas été faites en fraude. (Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restiluées. Flandre, n° 820.) — 282 — 1314. 26 avril. Philippe le Bel fait savoir que Robert, comte de Flandre lui a cédé Lille, Douai et Béthune, à la place d’une rente annuelle de 10,000 livres. Hugue de La Celle et Pierre de Galard traiteront avec les commissaires du comte de la remise de ces villes et de leur territoire. [ls éclairciront les difficultés qui surgiront au sujet des limites. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1284.) 1314. 19 mai. Robert, comte de Flandre, nomme Guillaume de Ne- vele pour procéder en son nom à la délimitation ci-dessus. (Orig. Gand, Archives provinciales, n° 1286.) 1319. 22 juin. Louis X, roi de France, déclare que, dans les comptes du trésor du Temple rendus à la Saint-Jean 1307, ïl est constaté que Thomas Fin a payé au roi 50,000 livres tournois, faible monnaie, au compte des communes de Flandre. (Vidimus du temps. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n1012:) 1316. 1° mars. Charles, comte de Valois, et Louis, comte de Nevers, confirment le traité par lequel ils étaient convenus, Charles de donner en mariage, et Louis d'épouser une fille dudit Charles : toutefois, au lieu d'Isabeau, Louis épousera à son choix une des trois filles de Charles et de Mahaut de Saint-Pol. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1320.) 1316. 20 octobre. Philippe, régent du royaume, donne un sauf-con- duit aux gens du comte de Flandre pour venir a Paris con- clure le traité de paix qui avait été préparé. (Vidimus du temps. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, . n° 1316.) 1316 (Vers). Préliminaires de la paix entre le roi de France et le comte de Flandre. (Minute orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1321 à 1325.) 1317. 30 septembre. Âcte par lequel il est constaté que Robert de Pontrohard et Guillaume Bloek, baïlli de Cassel, ont signifié à Giraud, prévôt des souldoiers en garnison, au nom du roi de France, dans le château de Cassel, de — 283 — n'avoir pas à faire de grands approvisionnements dans ledit château, contrairement au traité de paix. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1333.) 1317. Rôle de parchemin renfermant les propositions faites à Jean XXII par les ambassadeurs du roi de France et ceux du comte de Flandre, pour l'exécution de la paix. (Minute. Bruxelles, chartes restituées. Flandre, n° 697.) 1319 (Vers). Plaintes adressées au comte de Flandre par plusieurs marchands de Dunkerque qui avaient été maltraités par les Anglais sur les côtes d'Angleterre, où ils se rendaient pour le commerce des vins, des laines, pour y chercher le charbon des fèvres, etc. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1374.) 1320 (jour de la Saint-Matthieu). Traité de mariage entre Robert, comte de Flandre, et Jeanne de Bretagne. (Copie en parchemin. Bruxelles, Archives royales, chartes resti- tuées. Mariages, n° 565.) 1320. 13 mai. Répit accordé par le roi de France aux Gantois pour la première échéance de leur quote-part de l'indemnité de guerre. Ils ne payeront que lorsque les autres villes au- ront rempli leurs engagements. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 287.) 1320. Traité de mariage entre Marguerite, fille de Philippe le Long, et Louis, petit-fils de Robert, comte de Flandre. (Copie en parchemin. Bruxelles, Archives royales, chartes resti- tuées, n° 564.) 1320 (Vers). Robert, comte de Flandre, écrit à son fils Louis, qui de- mandait à l'entretenir, que, d'après l'ordre du roi de France et autres causes, il ne lui donnera audience que lorsque Louis lui aura remis le château de Bevre. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1383.) 1322. 29 janvier. Arrêt du parlement adjugeant le comté de Flandre à Louis, comte de Rethel, contre Robert de Flandre. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées. Flandre, n° 700.) — 28h — 1323. 1* décembre. Requête au Parlement par Mathieu de Lorraine et Mahaut sa femme, pour se faire adjuger le comté de Flandre. (Bruxelles, Archives royales, chartes restitutes. Flandre, n° 825.) 1324. 1° mars. Louis, comte de Flandre, confirme le don de la maison appelée le Boin Jardin, sise en la comté de Nevers, fait par son père Louis à Gobert, sire d'Aspremont et de Dun; mais, comme le roi de France empêche l'exécution de ce don, il accorde au donataire une rente de 300 livres sur l'espier de Bruges. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1408.) 1326. 26 avril. Charles le Bel, roi de France, prend sous sa protection les bourgeois de Gand et d’Audenarde. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 331.) Même date. Mandement du roi aux gens du Parlement de s'occuper des procès que pouvait avoir Robert de Flandre. (Vidimus du prévôt de Paris. Gand, Archives provinciales, Rupel- monde, n° 1417.) 1327. 18 octobre. Constitution de 4,000 livres de rente sur la baronnie de Douzy et la terre d’Antraing, à titre de douaire par. Louis, comte de Flandre, en faveur de sa femme, Mar- guerite, fille du roi de France. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1426.) 1327. Liste des viniers de Lille qui ont payé l'assise des vins pendant les quatre premiers mois de l'année. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1430.) 1328. 16 septembre. Robert de Flandre, seigneur de Cassel; Waleran, comte de Luxembourg, et les autres commissaires du roi de France, font connaître le traitement que recevront les 500 otages que la ville de Bruges s'est engagée à livrer. (Minute. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1446.) 1328. Septembre. Mandement de Philippe de Valois de ne réparer les murs de Courtray qu à certaines conditions. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, Flandre, n° 705.) — 285 — 1328. 26 octobre. Hugue de Crusi, garde de la prévôté de Paris, fait 4 savoir qu Alard de Portre, de Bruges, mesureur de vin, s’est rendu, comme un des otages de la ville de Bruges, à Paris, et qu'il s'est représenté chaque jour devant Robert de Clichy et Jean Maugars, commis par le roi pour sur- veiller lesdits otages. (Orig. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1452.) 1329. 26 mars. Mandement au baïlli de Senlis de lever le séquestre mis sur des marchandises flamandes saisies à Compiègne et ailleurs, malgré le sauf-conduit royal. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 354.) 1329. 1* mai. Philippe de Valois ordonne au comte de Flandre de contraindre les villes d'Ypres, de Bruges et leurs adhé- rents, de payer aux villes de Gand et d'Audenarde une somme de 100,000 livres, qui leur avait été imposée par le roi Charles le Bel. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 340.) 1330. 7 mars. Déclaration de Philippe de Valois au sujet du droit du comte de Flandre d'établir des impôts sans l'autorisation du roi. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, fol. 192 de l'inventaire. ) 1330. 8 mars. Mandement à Jean du Mur, clerc du roi, de remettre, en si vertu d’un arrêt du parlement, le comte de Montfort en possession d'une partie du comté de Rethel, possession dans laquelle il était injustement troublé par Louis, comte de Flandre. (Copie du temps. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 2572.) 1330. 17 mars. Mandement à Tote Guidi de payer aux villes de Gand ‘et d'Audenarde une somme de 100,000 livres, levée à titre d'indemnité sur Ypres et Bruges. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquéés , n° 367.) 1330. 4 mai. Mandement de Philippe de Valois aux baiïllis de Lille et de Tournay de contraindre les détenteurs de lettres de créances sur la ville de Gand de les rapporter dans les trois mois pour recevoir le payement du sort sans usure. (Orig, Gaud, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 356.) — 286 — 1330. 30 juin. Mandement du roi en parlement à Jean du Mur, clerc, de recevoir les hommages d'une partie du comté de Rethel adjugée à Jean, comte de Montfort, hommage que le comte de Flandre s'était fait rendre indüment. {Vidimus du temps, Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1614.) 1331. 17 avril. Philippe de Valois déclare que le comte de Flandre a siége au parlement comme pair de France. (Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées. Flandre, n° 792.) 1331 (Vers). Requête des habitants d'Alost et des terres relevant de l'Empire de ne pas contribuer au payement des sommes dues au roi de France par les Flamands, et réponse à cette requête. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées. Flandre, n° 734.) 1331 (Vers). Requête des habitants de Bruges et Gand contre ceux d’Alost et les habitants des terres de l'Empire qui se pré- tendaient exempts. (Voyez le numéro précédent.) (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées. Flandre , n°7902) 1332. 19 février. Homologation par le roi d'un accord entre Jeanne de Bretagne, dame de Cassel, et Louis, comte de Flandre. (Orig. Gand, Archives provinciales, n° 1658.) Même date. Mandement au comte de Flandre de recevoir, dans les trois quinzaines, Jeanne de Flandre à l'hommage de Cassel et de Bornheim. (Copic du temps. Gand, Archives provinciales, Rupelmonde, n° 1660.) 1333. s, janvier. Philippe de Valois ordonne au comte de Flandre d'annuler l'acte par lequel il cédait aux Gantois une somme de 1,108 livres parisis, cet acte ayant été fait «en temps que le comte avoit entour soy gens qui foel- lement et petitement le gouvernaient, » en démembrant le fief de la nie et de la comté de Flandre. (Vidimus du temps. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 373.) 1333. 17 décembre. Arrêt du parlement condamnant les habitants — 287 — : d'Ypres et de Gand à payer leur part dans les 300,000 livres dues au roi pour le rachat de 3,000 pèlerins d’outre- mer. (Orig. Bruxelles, chartes restituées, Flandre, n° 740.) 1334. 12 juin. Louis, comte de Flandre, engage aux maïîtres des foires de Champagne les revenus du comté de Nevers, avec promesse d'indemniser le comte de Hainaut, qui s'était porté garant pour lui, et le roi de Bohême, de 9,000 florins d’or. (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes du Grand conseil, n° 569.) 1334. Août. Traité de paix conclu à Amiens entre l'évêque de Liége et le duc de Brabant, par l'entremise de Philippe de Valois. (Bruxelles, Archives royales, cartul. de Brabant, fol. 17.) 1336. 12 août. Mandement du roi au comte de Flandre de contrain- dre les habitants de Bruges, Gand et autres villes à payer ce qu'ils doivent au roi de France. (Copie sur parchemin. Bruxelles, Archives royales, chartes resti- tuées. Flandre, n° 748.) 1337. 12 décembre (vendredi après «feste Saint Nicholai»). Henri, conte de Bar, fait savoir que «en la présence l'abey de ; Flabvement, nostre amei cosin monsigneur Walerant de Luxembourg, signeur de Linei, monsigneur Ansel, signeur de Janville... et grant foisons de plusours altres, venimes à Assey en Weynie et fait homage au comte de Luxembourg le moitiet de Marville, d'Arencey et des appartenance. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 23 de la Chambre des comptes, fol. 5.) 1338. 10 juin. Philippe de Valois donne un sauf-conduit aux Gantois qui viennent en France. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 395.) 1338. 13 juin. Philippe de Valois con$ent à ce qu on lève l'excommu- nication lancée contre les Flamands, excommunication qui mettait des entraves au commerce; ils pourront tra- fiquer avec les Anglais. (Gand, Hôtel-de-Ville, Oude Wetten-Bæk, fol, 177.) 1343. — 285 — 10 mars. « C’est la lettre de l'accord que li roys de Boeme et conte de Luxembourg et li cons de Bar que ce qu'il ont à Verdun seroit moitiet et moitiet pour tous jours. » (Bruxelles, Archives royales, cartul. 29 de la Chambre des comptes, fol. 69 recto.) Même date. « C’est la lettre que les citains et habitans de Verdun sunt en la garde et conduit ie roy de Boeme et conte de Luxembourg , » à condition que ceux-c1 respecteront leurs priviléges et franchises. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 29 de la Chambre des comptes, fol. 68 verso.) | Même date. « C'est la lettre que li citains et habitants de Verdun sunt en 13/9. 1355. 1363. 1303. 1306. 1366. la garde et seur conduit le conte de Bar. » (Bruxeiles, Archives royales, cartul. 29 de la Chambre des comptes, fol. 70 verso.) 10 novembre. Mandement du roi au baïlli d'Amiens et aux gardes. des ports et passages de laisser passer les mar- chands de Flandre pendant la trêve. —— À Breteuil. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées. Flandre, n° 756.) 22 mai. Confirmation des priviléges de la ville de Tournay par le roi Jean. F (Bruxelles, Archives royales , chartes restituées. Tournay, n° 3.) 8 mars. Les échevins äe Tournay créent une rente viagère en faveur de Colin Matart, pour contribuer à payer l’aide de la rançon du roi Jean. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l'Au- triche. Tournay, n° 5.) 25 août. Les échevins de Tournay créent une rente de 60 livres en faveur de Jacquemon le Noirier, pour contribuer’ à payer la rançon du roi Jean. (Orig. Bruxelles, chartes restituées par l'Autriche. Tournay, n° 6.) 10 novembre. Charles, régent, accorde des lettres de répit pour une année aux Gantois. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées , n° 448.) 22 novembre. Robert de Fiennes, connétable de France, accorde un sauf-conduit jusqu'à Noël aux Gantois. (COrig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées , n° 449.) — 289 — 1368. 16 septembre. Lettres de Charles V sur le payement des rentes de la ville de Tournay. — A Tournay. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l'Autriche, Tournay, n° 8.) 1369. 25 avril. Charles V, faisant droit aux réclamations du comte de Flandre au sujet du transport de la Flandre gallicante, cédée jadis moyennant une rente de 10,000 livres, ordonne à ses officiers et sujets des villes, châteaux et châtellenies de Douai, Lille et Orchies de remettre ces places au comte. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 454.) 1370. 15 janvier. Mandement du roi aux baillis et gardes des ports de respecter les sauf-conduits des marchands flamands. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées , n° 57.) 1374. Mandement au bailli de Senlis et autres de laisser passer en franchise tous les blés que l'on portera en Flandre : les conducteurs jureront qu'ils ne les enverront pas en An- gleterre ni en pays ennemi. (Gand, Hôtel de Ville, Grœne-Boek , fol. 21.) 1375. 20 décembre. Charle$ V ordonne de citer au parlement de Paris ceux qui s'opposeraient a ce qu'on assignat les revenus . du roi à Tournay à décharge de la ville. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, Tournay, n° 11.) 1374-1376. Comptes de l'hôtel du comte de Flandre à Paris. (Orig. Bruxelles, Archives royales , rouleaux !.) 1382. Décembre. Articles entre les députés du‘roi et le comte de Flandre d'une part, et la ville de Gand d'autre part, pour traiter de la paix. (Copie sur parchemin. Bruxelles, Archives royales, chartes resti- tuées, Flandre, n° 764.) 1382. Pourparler entre Bruges et les députés de Charles VI. (Cahier. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par lAu- triche. Flandre, n° 762.) 1 Voyez le texte dans les documents, n° vir. } MISS. SCIENT, — 11, 19 — 290 — 1385. 12 octobre. Charles VI invite les Gantois à reconnaitre le duc Philippe comme comte de Flandre. Le roi est venu lui- même dans le pays pour ce fait. Il promet oubli du passé et maintien des priviléges. (Orig. Gand , Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 426.) Même date. Lettre missive de Charles VI aux Gantois pour leur offrir leur pardon. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, Flandre, n° 767.) Même date. Instructions de Charles VI à ceux qui doivent traiter avec les Gantois. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, Flandre, n° 768.) 1385. 5 novembre. Sauf-conduit accordé par le roi aux députés de Gand qui doivent se rendre à Tournay pour conférer avec les gens du roi en présence du duc de Bourgogne. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 478.) 1385. 6 novembre. Charles VI offre le pardon aux Gantois. — Troyes, (en flamand). (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 478.) 1385. Articles proposés de la part des Gantois et réponses de Charles VI. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par VAu- triche, Flandre, n° 769 et 770.) 1386. Mars. Confirmation par Charles VI du pardon accordé par le duc de Bourgogne à la ville de Gand. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 489 bis.) 1402. Émancipation de Jean de Bourgogne par son père. (Bruxelles, Archives royales, trésorerie de Brabant, carton 337, 1 12) 1411. 27 mai. Henri, roi d'Angleterre, et le duc de Bourgogne, avec l'autorisation du roi de France, prolongent pour cinq ans la trêve conclue le 10 mars 1406, relativement aux rap- ports commerciaux entre la Flandre et l'Angleterre. (Vidimus des échevins de Lille. Gand, Hôtel de Ville, n° 500.) 1411. 12 août. Charles VI en son conseil abroge l'ordonnance défen- dant, sous peine de corps et d’avoir, à tous vassaux et — 291 — sujets de prendre du service en la compagnie du duc de Bourgogne, celui-ci ayant promis de venir en aide au roi contre le duc d'Orléans. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 502.) 1411. 21 | septembre. Lettre missive de Charles VI aux Flamands étant en la compagnie du duc de Bourgogne, pour les remercier de l’aide qu'ils lui ont donnée contre les rebelles, « pour ce que le fait et poursuite que nostre dit cousin {de Bour- gogne) poursuit de présent est nostre propre fait et touche nostre personne et generacion, nostre honneur et l'estat et prospérité de tout nostre royaume, si grandement que plus ne peut, à la destruction duquel Charles, duc d'Orléans, le duc de Bourbon, les contes d'Alençon et d'Armignac rebelles et désobéissans envers nous, et au- tres leur complices, tendent de tout leur povoir et se sont vantez faire nouveau roy. » — Signé Charles. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 503.) 1411. 23 septembre. Missive de la duchesse de Guyenne, dauphine de Viennois, aux Flamands étant en la conpagnie de son cher et amé pere le duc de Bourgogne, pour les remer- cier de l'avoir, aidé à défendre l'honneur du roi. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 507. die date. Missive de la duchesse de Guyenne, dauphine de Vien- nois, aux Flamands étant en la compagnie de son très- cher père, le duc de Bourgogne, pour les remercier de l'avoir aidé à « défendre l'honneur du roi.» (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 509.) Même date. Lettre du prévôt des marchands et des bourgeois de Paris aux gens de Flandre en la compagnie du duc de Bour- gogne pour leur faire savoir qu'en considération des ser- vices qu'ils ont rendus au roi ils recommanderont leurs intérêts commerciaux aux autres villes de France. « Escript à Paris soubz le scel de la prévosté des marchands, les tous vostres les prévost des marchans et bourgois de la bonne ville de Paris. » (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 510.) 1413. 10 septembre. Lettre de Charles VI aux habitants de Bruges 19 = 90 — pour les instruire des désordres arrivés à Paris le 28 avril précédent. (Orig. scellé, Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, Deinse, n° 1093.) 1414. 16 octobre. Procuration du duc Jean de Bourgogne, comte de Flandre, pour conclure un traité de paix entre le roi de France, d'une part, les trois états de Flandre, se duc de Brabant et la comtesse de Hainaut. (Vidimus du temps. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n''o11:) 1415. Février. Traité d'Arras entre le roi et le duc de Bourgogne : original avec le procès-verbal des serments au dos. (Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées.) 1419. 19 janvier. Missive de Charles VI aux doyen, échevins et con- seillers de Gand pour les prier de lui rester fidèles, « ainsi que noble courage doit faire en adversité, » et d'envoyer du secours au comte de Saint-Pol. Il leur donne des détails sur la prise de Rouen ainsi que sur les conférences de Saint-Maur-des-Fossés entre le duc de Bourgogne et les Anglais. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 523.) 1419. 7 novembre. Procuration du duc de Bourgogne pour conclure une trêve avec le roi d'Angleterre. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, traités, n° 513.) 1423. 17 avril. Traité entre le duc de Bedford, le duc de Bourgogne et le duc de Bretagne. (Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, traités, mn mA 0) 1423. 18 avril. Jean, duc de Bretagne, et Philippe, duc de Bourgogne, déclarent ne point déroger au traité fait entre eux au cas où l'un des deux traiterait avec le Dauphin. (Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, traités, n° 516.) 1424. 16 février. Le conseil du duc de Bourgogne, chargé du gouver- nement des Pays-Bas, ordonne de publier le traité éta- — 293 — blissant la liberté de commerce entre les quatre mem- bres, les députés de l’Artois, de Lille, de Douai et d Or- chies , et la ville de Tournay. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, n° 540.) 1429. 18 septembre. Charles VIT déclare que Paris, Saint-Denis, Vin- cennes, les ponts de Charenton et de Saint-Cloud sont compris dans la trêve conclue en la sollicitation du comte de Savoie. (Vidimus, du prévôt de Paris. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l'Autriche, traités, n° 522.) 1436. Sept pièces relatives aux poursuites exercées par-devant le par- lement de Paris contre messire Jean de Commines, che- valier, accusé du meurtre de Jacques de Bourbon, seigneur de Préaux. (Gand, Hôtel de Ville, Witte-Bock, fol. 206-208) 1439. 24 novembre. Philippe. duc de Bourgogne, amortit les biens acquis par les chartreux de Dijon. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience.) 1441. 6 mai. Retenue par le duc de Bourgogne HA ne Hamerot, prévôt de Mons, comme maître d'école du comte de Cha- rolais. (Orig. Bruxeiles, Archives royales, chartes de l'audience.) 1441. 18 mai. Provision, par le duc de Bourgogne de l'office de con- cierge de l'hôtel d'Artois, a Paris, en faveur de Nicolas de Neuville. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience. ) 1441. 14 septembre. Lettres de provision de concierge de l'hôtel de Brabant au pont de Charenton, accordées par le duc de Bourgogne. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience.) 1446. 1° novembre. Le pape Eugène autorise le cardinal Nicolas. comme légat « latere, à résoudre les doutes au sujet de la paix d'Arras entre le roi et le duc de Bourgogne. (Bruxelles, Archives royales, trésorerie de Flandre, carton 317, n° 14.) 1449. 1/52. 1453. 1455. 1/95. 1/40. 1455. 1456. 1459. — 294 — 19 janvier. Lettres de rémission accordées par Charles VIT aux gens d'armes du duc de Bourgogne pour les maux, dom- mages, excès commis par eux dans le royaume depuis la paix d'Arras, sauf forcement de femmes et boutement de feu. (Orig. Bruxelles, Archives royales, irésorerie des chartes, car- ton 317, n° 15.) Compte du baïlli de Bailleul. (Rouleau orig. Bruxelles, Archives royales, rouleaux.) 6 octobre. Sauvegarde par le duc de Bourgogne aux prêcheurs -de Montboson. (Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience.) 26 mai. Charles VII permet au duc de Bourgogne de lever des troupes dans ses seigneuries du royaume de France pour marcher contre les Turcs. (Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, Flandre, n° 1146.) 3 octobre. Création par le duc de Bourgogne d'un tabellion à Longwy. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience.) 16 décembre. Lettres de provision par le duc de Bourgogne de baïlli de Chalon en faveur de Pierre Germain. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience.) 30 janvier. Bulle de Calixte IIT sur la croisade projetée par le duc de Bourgogne. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l’Autriche, traités, n° 528.) 18 octobre. Lettres de provision accordées par le duc de Bour- gogne de l'office de tabellion général en Bourgogne à Alain Rougemont, de Baume-les-Nonains. (Orig. Bruxelles, Archives royales ,. chartes de l'audience. ) 4 février. Amortissement par le duc de Bourgogne en faveur de l'église de Lens. (Orig. Bruxelles, Archives royales , chartes de l'audience.) — 295 — 1459. 1° octobre. Amortissement par le duc.de Bourgogne de 50 livres de rente aux chartreux de Dijon. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience.) 1460. 17 avril. Lettres de sauvegarde de Charles VIT en faveur de la cité et ville du pays de Liége, jointe une petite lettre sur le droit d’aubaine. (Priviléges perdus de la ville de Liége. Rapport au collège des bourgmestres et échevins, p. 36.) Même date. Lettres de Charles VII pour demander des grains aux Lié- geois. (Rapport, p. 36.) | 1461. 21 octobre. Amortissement par le duc de Bourgogne en faveur de l'église de Saint-Jean-Baptiste de Dijon. (Orig. Bruxelles, Archives roÿales, chartes de l'audience.) 1462. 12 janvier. Lettre de Louis XI au duc de Bourgogne. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 32 de la Chambre descomptes, fol. 211.) 1462. 4 octobre. Guillaume, comte de Saxe, et Anne, sa femme, an- noncent aux prélats, comtes, barons, chevaliers, vassaux (chentibus), communautés, citoyens, paysans (colonis) et habitants du duché de Luxembourg et des comtés de Chiny et de la Roche, que le transport par eux fait à Charles VIT, le 20 mars 1458, tient toujours, mais que Louis XI a transporté ses droits au duc de Bourgogne. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, cartul. 32, fol. 20 recto.) Même date. Les mêmes confirment la cession faite par Louis XI de ses droits sur le Luxembourg et les comtés de Chiny et de la Roche. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, cartul. 32, fol. 20 recto.) 1462. 12 octobre. Lettre de Louis XI au duc de Bourgogne. (Bruxelles, Archives royales, cartul. 32, fol. 21°.) 1462. 25 novembre. Louis XI abandonne au duc de Bourgogne ses ! Voyez le texte dans les documents, n° vin. 2 Jbid. n° 1x. — 296 — droits sur le duché de Luxembourg, les comtés de Chiny et de la Roche-en-Ardenne. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, cartul. 32.) 1464. 24 février. Remontrance de Louis XI au duc de Bourgogne au sujet du projet du duc d'aller en croisade, sans être sùr d'une longue trêve avec le roi d'Angleterre. — À Lille. (Copie. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées, n° 1160.) 1467. 25 septembre. Lettres de provision par le duc de Bourgogne de l'office de son procureur au baïlliage de Saint-Quentin, en faveur de Mathieu d'Escouchy *. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience. } 15 août. Ligue entre Charles de Bourgogne et Ferdinand LATE d'Aragon. (Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l'Autriche, traités, n° 539.) 1472. 1° janvier au 31 août. Compte de la réformation des nouveaux acquêts aux pays d'Artois, Boulenois, Ponthieu, Péronne, Montdidier et Roye. | (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 24661.) 1472. 24 mars. Lettres de provision de Gilbert de Ruple, comme tré- sorier des guerres. | (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 25542.) 1472. 24 mars-31 août. Compte rendu par Gilbert de Ruple, conseiller et trésorier des guerres du duc de Bourgogne. = (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, n° 25542.) 1472. 24 avril. Prolongation de la trêve jusqu'au 15 juin entre Louis XI et le duc de Bourgogne. (Orig. Bruxelles, Archives royales, trésorerie de Brabant , chartes, carton 317, n° 17.) 1473. 24 mai. Lettre où l'on donne la réponse du cardinal d'Albi, ! Voyez le texte dans les documents, n° x. — 297 — lieutenant général des armées françaises, au secrétaire du roi d'Aragon, qui était venu proposer une trêve. (Orig. Bruxelles, Archives royales, trésorerie des chartes de Bra- bant, carton 317, n° 18 B.) 1473. 24 mai. Récit de ce qui s’est passé à l’armée française lorsque les députés du roi d'Aragon vinrent offrir une trêve. (Orig. Bruxelles, Archives royales, trésorerie des chartes de Bra- bant, carton 317, n° 18 C.) 1474. 1° juillet. État des taxes pour l'amortissement des fiefs acquis depuis 60 ans par les maisons religieuses, gens de main- morte et non nobles dans les baïlliages d'Arras, Bapaume + et Avesnes. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 24665.) 1474. Compte des taxes des nouveaux acquêts aux comtés d'Artois et de Saint-Pol. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 24681.) 1474-1475. Compte de Jean des Planques des taxes des amortissements et nouveaux acquêts en la conté d'Artois, Boulenois, Guisne, Ponthieu, Saint-Pol, Amiénois, Péronne, Mont- didier et Roye. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, trésorerie, n° 24465.) 1474-1475. Compte de la recette des taxes des amortissements dans les châtellenies de Lille, Douai et Orchies. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 24461.) 1477. 17 mai. Le duc de Bourgogne nomme Druet Lecocq, de la com- pagnie de Jacques de Luxembourg, capitaine général en _ Artois et Picardie, prévôt de la Bassée. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience. ) 1479. 31 août. Concession de prébende en l'église d'Arbois à P. Bon- temps. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience.) 1479. 19 décembre. Concession de prébende en l’église d'Arbois, à Antoine Largeot. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes de l'audience.) 1483. 1488. 1/88. 1491. 1491. 1488. TT 22 janvier. Louis XI accorde aux trois membres de Flandre d’élire des commissaires laïques sur le renouvellement des coutumes. (Orig. Bruxelles, Archives royales, chartes restituées par l'Autriche, Flandre, n° 801.) . 17 janvier. Charles VIIT accorde aux échevins de Gand de frapper de la monnaie d’or et d'argent au nom du comte de Flandre. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 562.) . 18 janvier. Lettre missive de Charles VIII aux échevins de Gand; il leur rappelle que Maximilien a enfreint le traité conclu à Arras avec Louis XI. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 748.) 27 janvier. Assignation au parlement de Paris des président et gens des chambres des comptes et du conseil de Flandre, les baïllis et agents du duc d'Autriche, coupables d'abus. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, n° 564.) 7 mars. Charles VII reçoit à amitié perpétuelle les trois membres . de Flandre et leurs adhérents. Le maréchal des Querdes s’entendra avec eux. — À Amboise. (Orig. Gand , Hôtel de Ville, chartes confisquées, n° 566.) 12 octobre. Mandement de Charles VIII de permettre aux habi- tants de Gand et de l'Écluse de prendre 1,200 muis de blé, mesure de Paris, moitié en Normandie et moitié en Picardie, et 2,000 pipes de vin, moitié à la Rochelle, moitié à Bordeaux. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, n° 779.) 19 octobre. Charles VIIT autorise les Gantois à faire battre de la monnaie d'or et d'argent sur l'ancien pied des florins à la croix de saint André ou de saint Jean, de sorte que Île marc d'or et d'argent n'excède pas le prix de la monnaie frappée en France. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, registre G, fol. 97-) 22 octobre. Charles VIIT confirme les lettres de monsieur de Clèves, lieutenant du duc Philippe de Flandre, faisant DU remise des dettes dues aux adhérents de l'empereur Maxi- milien. — À Baugé. (Orig. Gand, Hôtel de Ville, n° 569.) 1491. 19 octobre. Charles VIIT confirme les arrangements pris par Phi- lippe de Clèves avec la ville de Gand : il ne conclura pas de paix sans l'y comprendre. (Orig. Gand , Hôtel de Ville, n° 780 de l'inventaire.) 1510. 16 avril. Lettre de Louis XII au grand conseil de Malines pour l'engager à rendre justice au sieur de Malberg dans un procès au sujet d'une terre située dans le Luxembourg et appartenant à l'abbaye de Saint-Denis en France. — Signé Loys. (Orig. Bruxelles, Archives royales, autographes.) 1516. 8 octobre. François I“ cède au roi catholique le revenu de l’aide ordinaire que les rois de France levaient en Artois, cela pendant la vie du roi catholique, de son épouse et de son hoir mâle. — Au Louvre. (Orig. Bruxelles, Archives royales, trésorerie de Brabant, car- ton 337, n° 23.) 1939. 1° mars. Quittance donnée par les enfants et héritiers de Franz Von Sickengen, du pays de France, de ce que le défunt réclamait. (Orig. Bruxelles, Archives royales, trésorerie de Brabant , layette Z, n° 115.) 1543. 10 février-29 septembre. Quatre volumes en français renfermant les comptes rendus par Jean Pottier, receveur du centième denier levé sur les marchandises passées par Valenciennes pour mener en Flandre. (Bruxelles, Archives royales, Ghambre des comptes, registres n° 25425-25428.) 1543. 10 août-10 janvier. Levée du centième à Dunkerque. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 23397.) Li 1543. 10 février-27 septembre. Huit volumes contenant le compte gé- néral de la recette du centième levé sur les marchandises chargées, tant par eau que par terre, pour être empor- 1545. 1 943. 1943. 1544. 1 545. g 067. 1 568. — 300 — tées des pays de par decà, à Gravelines, Dunkerque, Arras, Douai, Valenciennes, etc. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registres n° 23357 à 23564.) 10-28 février. Compte de Jean Pottier, du centième levé sur les marchandises passant par Bouchain pour être distribuées en Cambrésis. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 23388.) 3 17 février-12 juin. Compte d'Antoine Becquet, du centième levé a Douai sur les marchandises pour tirer en France. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 23302.) Aoùt-29 septembre 1545. Six comptes de Jean Sarrazin, bour- geois d'Arras, commis à la recette du centième denier levé sur les marchandises conduites en France par Arras. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registres n* 23373-23376.) 6 novembre-29 septembre 1545. Trois comptes du centième de- nier levé par J. Bastien. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registres n°” 23379-23381.) . 22 octobre-10 février 1545. Compte du centième denier levé par Marc de Fontenay, à Douai. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 23394. 6 février-24 septembre. Compte du centième denier levé à Douai. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registrès n°* 23395-23396.) 29 novembre. Lettre de Catherine de Médicis à la duchesse de Parme, gouvernante des Pays-Bas. Sign. autographe . (Bruxelles, Archives royales, autographes. ) 20 avril. Lettre de Montluc au duc d’Albe, au sujet d'armes l Voyez le texte dans les documents, n° x1. ” == achetées pour lui et qui avaient été saisies par les Espa- gnols sur mer. (Autogr. Bruxelles, Archives royales, autographes.) 1572. 19 avril. Isabelle, reine de France, écrit au duc d’Albe. — A Blois. (Sign. autographe. Bruxelles, Archives royales, autographes.) 1574. 8 mai. Isabelle écrit au grand commandeur de Castille pour lui recommander le sire de Huca. Apostille de sa main (en espagnol). (Orig. Bruxelles, Archives royales, autographe.) 1581. 1° mai-31 août. Compte de P. de Castille de la recette du droit de licence sur les marchandises entrantes et sortantes dans les villes maritimes de Flandre, à Dunkerque, Gra- velines et Saint-Omer. (Bruxelles, Archives royales, Chambre des comptes, registre n° 24555.) 1584. 22 novembre. Lettre autographe de Catherine de Médicis au duc de Parme. (Orig. Bruxelles, Archives royales, autographe.) 1589. 30 décembre. Lettre d'Isabelle, reine de France, au duc de Parme, pour lui recommander le capitaine Gacon. (Orig. Bruxelles, Archives royales, autographe.) 1998. 21 août. Lettre autographe de Henri IV à l’archiduc Albert. (Orig. Bruxelles, Archives royales, aulographes, ) ! Voyez le texte dans les documents, n° x. — 302 — : APPENDICE. Tuble des actes concernant le prieuré de Saint-Amand, près de Thourote (Oise), conservés dans le cartulaire de Saint-Martin de Tournay. (Bruxelles, Archives du royaume, fonds des cartulaires, n° 121.) 1° Carta Baldrici Noviomensis episcopi de dono Sancti Amandi. Anno 1163. Fol. 222 verso. 2° Sententia curie Remensis quod in prioratu nostro de Sancto Amando procurationes non debet habere episcopus Belvacensis. 1227. Fol. 223. * 3° De omnibus ad allodium de Machemont pertinentibus, sigillum Baldrici (Noviomensis episcopi). 1156. Fol. 224 verso. 4° De quarta parte que per Gorinum nobis provenit in nemoribus de Machemont, tam in defensis quam in communibus. (Carta J. Novio- mensis et Thorote, castellant.) 12168. Fol. 225. 5° De terragio unius modiüi terre de decima de Machemont et de Camberone. {Carta J. castellani Noviomensis et Thorote.) Dec. 1214. Fol. 226. 6° De decima de Machemont quam Henricus dedit nobis. 1206. (Carta Stephani episcopi Noviomensis.) Fol. 226. 6° bis. Carta Baldrici. 1153. Fol. 226. 7° De redditione nemoris quod dicitur ad Radulphi Fossam, supra villam de Camberone. (Carta Johannis, castellani.) 1214. Fol. 227 recto. 8 Privilegium de Berlenriva. (Noticia absque data.) Fol. 227 recto. 9° De Montegniaco. (Carta Simonis episcopi Noviomensis.) 1337. Fol. 227. 10° De terra, censu et nemore, et decima de Montegni, que omnia tenemus a canonicis Beate Marie Noviomensis. 1130. Fol. 220. 11° Carta Symonis Noviomensis episcopi de tribus vineis apud Lan- drimont. 1224. Fol. 229. 12° Carta Ursi-Campi de pensione tritici que nobis debitur pro domo de Lacheni. (Balduinus, abbas Ursi-Campi.) 1205. IV non. Julu. Fol. 231. 13° Carta Stephani, episcopi Noviomensis, de pace reformata inter nos et Ursi-Campum 1205. Mense septembr. Fol. 231. 14° Carta de possessionibus de Landrimont. (Hugo abbas.) Absque data. Fol. 232 verso. — 303 — 19° Carta Ursi-Campi quod ad molendinum de Louvet possimus an- nis singulis molere X modios absque multura. 1205. Fol. 232 verso. 16° Carta Symonis, Noviomensis episcopi, de collatione molendino- rum de Allencourt. 1130. Fol. 233. 17° De molendino de Trachi. (Carta Domini Baldrici, Noviomensis episcopi.) 1160. Fol. 235. 18° Item de molendino de Trachi, sigillum B. abbatis Sancti Vin- cent Silvanectensis. Absque data. Fol. 235. 19° De concordia facta inter nos et Sanctum Richarium. 1 184. Fol. 236. 20° De VI minis hybernagii et tantumdem avene pro terragio et decima terrarum Sancti Richari. 1184. Fol. 236 verso. 21° De XX solidis annuatim reddendis pro decima Plene-Vallis ab ecclesia de Tries juxta Thorotam. 1150. Fol. 237 recto. 22° De decima Sancti Hylarii de Cosdun. (Carta Radulphi, domini Cosduni; absque data). Fol. 237. 23° Carta Odonis, episcopi Belvacensis, de decima in pago Belvacensi. 1144. Fol. 237 verso. 24° De decima Sancti Ylarii de Cosdun (absque data). Fol. 239. 25° De concordia inter nos et Radulphum filium Hugonis Dureboise. 1174. Fol. 240. 26° De excambio terre Ansoldi de Remin pro modio bladi sibi in- ducto pro area molendini de Clarvet. 1220. Fol. 241. 27° De duobus modiis frumenti ad molendinum de Spermont et di- midio in grangia Odonis de Cosdun. Sigillum B. Belvacensis episcopi. 1178. Fol. 242. 28° De duobus modiüs vini quos Johannes Thorote, castellanus, re- misit ecclesie nostre castri ipsius. 1170. Fol. 242. 29° De libertate emendi terras citra le Mas nobis concessa ab abbate et monachis Sancti Medardi, et compositio inter nos et pape super di- versis querelis. 1187. Fol. 245. 30° Carta castellani Thorote de prato quodam apud Bellam-Ripam, et de terra que dicitur vinea Haganon. 1173. Fol. 246. 31° Carta de X solidis ad pitancias nostras pro anima castellane Thorote nobis datis. 1212. Fol. 247. 32° De compositione facta inter nos et Wiardum de Trachi, super vivario suo et molendino suo. April. 1238. Fol. 248. 33° De XXXVIIT solidis annuatim solvendis, sigillum Ansoldi Com- pendiensis abbatis (absque data). Fol 249. 34° De dimidio modio bladi quem debet nobis J. de Remin die na- tivitatis B. Johannis. 1225. Fol. 249. 35° De IT minis terre pertinentibus ad pitancias , quam emimus a Radulpho dicto de Cumont, in territorio de Machemont. Januar. 1248. Fol. 250. — 304 — 36° De X solidis quos nobis debet domus Sancte Margarite de El- lincort. Jan. 1225. Fol. 250. 37° Deterra quam emimus a Johanne bobee a fratribus suis, jacente ad viam que ducit de Montegni apud Camberone. Febr. 1246. Fol. 251. 38° De V minis terre a Berrive emptis a Theobaldo de Cameli et Emmelina ejus uxore, filia Drouardi de Mommakes. Oct. 1257. Fol. 253. 39° De uno modio bladi quem dedit dominus G. conventui Sancti Amandi super terragium de Plaissie. Juinnet 1246. Fol. 254. 41° De quitacione sextarii et dimidü vini qui petebatur super vineam de Biertainval. Jun. 1237. Fol. 255. 42° De terra quam emimus a Radulpho Maton ; ad pitancias pertinet. 1245. Fol. 156. 43° De vinea Me end 1180. Fol. 256. Lk4° De terra filiorum Arnulfi cognomine Rorelini. Fol. 2,56 44° bis. Carta de Cosduno. 1176. 45° Recognitio Radulphi de Montmartin, militis. de modio tritici. Mart. 12406. Fol. 258. 46° De IV minis terre jacentibus ante domum monialium de Gerau- mont. 1225. Fol. 259. 47° De terra ad pitancias pertinente Johannis, abbatis Tornacensis (absque data). Fol. 260. 48° De mina una frumenti pro decima camporum de Arvana. (Carta Radulphi domini de Cosduno; absque data). Fol. 260. 49° Carta domini de Cosduno de parco suo accipiendo in vinea qe Daridans appellatur. 1199. Fol. 261. 50° De manso Michaelis Longi. Jan. 1251. Fol. 261. 51° Et de IT minis terre quas emimus a Nicolao Longo. Jan. 1251 Fol. 262. 52° De II minis terre et nemore que emimus a Nicolao de Montegni. 1249. Fol. 263. 53° De Trachi. (Carta ecclesie Sancte Marie Majoris Silve.) 1162. Fol. 264. | 54° De concordia facta inter nos et Rainaldum militem mi Trachi pro molendino de Alencurte. 1170. Fol. 265. 55° Abbas Ursi-Campi de confirmatione libertatis domus Sancti Amandi et omnium que quoquo modo acquisivit ad diem qui in hac carta scriptus reperietur. Mart. 1220. Fol. 267. 56° De Trachi. (Carta Amalrici Silvanectensis episcopi.) 1162. Fol. 268. 57° De una mencoldata nemoris et IT virgis emptis a Willelmo de Tricort. Jan. 1248. Fol. 269. 58° De concordia redditus Compendiü. 1181. Fol. 258. 59° Sigillum Ansoldi de Remin de excambiatione molendini de Cla- rois, pro terra ad Crucem Morelli. 1228. Fol. 270. — 305 — 6o® Quod apud Trachi aliud molendinum non debet fieri. {Sigillum Amalrici episcopi.) Fol. 272. 61° De toltis vinearum nostrarum et passagio per terram de Cos- duno. (Carta domini de Cosduno.) 1152. Fol. 274. 63° De manso Albrede vendito. (Sigillum Tornacensis ecclesie sue abbas Tornacensis ; absque data). Fol. 274. 64° De area molendinum de Clarois. 1220. Fol. 274. 65° De nemore de Ofemont empto a Radulpho de Bolonge. Jan. 1238. Pot.279. 66° Carta Ivonis abbatis. 1180. Fol. 276. 67° De terra ad pitancias pertinente. Mai 1231. Fol. 276. 68 De commutatione facta inter Andream de Diva et ecclesiam de Machemont et Tirefol et Pleno-Monte. {Sigillum Baldrici, Noviomensis episcopi; absque data). Fol. 277. 69° De decima novalium nobis concessa. Dec. 1211. Fol. 278. 70° De decima Ysane. 1207. -— Carta altera de eodem. 1211. Fol. 276. ' ” 71° De tribus obolis quos debemus apud Noviomum, pro censu nostro. 1097. Fol. 279. 72° De censu nostro apud Noviomum. 1097. Fol. 279. 73° De terra pertinente ad pitancias quam vendidit nobis Petrus, miles, cognomine Sarracenus. Jul. 1248. Fol. 280. 74° De terra idem quam emimus a domino Petro, milite, cognomine Sarrazin. Jan. 1248. Fol. 280. 75° De III minis terre et nemoris emptis a Petro Plunkot et Colaia, uxore G. de Camberona, pertinentibus ad pitancias. Octobr. 1238. Fol. 281. 76° De eo quod nos debemus habere quartam partem nemoris siti in monte de Machemont. Jan. 1229. Fol. 282. 77° Concordia cum castellano Belvacensi de grangia apud Cosdu- num. Jul. 1259. Fol. 282. MISS. SCIENT, — Il, 2a — SU — TROISIÈME PARTIE. DOCUMENTS INÉDITS. k. 1246. Janvier. N. S. Marguerite, comtesse de Flandre, déclare que la reine mère lui a permis de recevoir les hommages de Flandre, bien qu'elle n'ait pas prêté hommage au roi de France, à cause de la maladie dudit roi. Margarita, comitissa Flandrie et Haynonie, universis presentes litte- ras inspecturis salutem. Noverint universi quod, karissima sorore nostra quondam comitissa Flandrie sublata de medio, ad dominum regem accessimus pro faciendo eidem quod debebamus de homagio, raschato, conventionibus et securitatibus. Quia vero idem dominus rex, infirmi- tate gravatus, in tali statu erat quod non erat expediens eidem super hoc verbum deferri, ne forte de morte predicte sororis nostre ipsius animus turbaretur, de voluntate domine regine matris ejus, et ipsius domini regis Francorum et ejus consilii, et de assensu nostro, super sacrosancta juravimus quod eidem domino regi et ejus heredibus fideles erimus et fideliter serviemus et jura eorum servabimus, bona fide, contra omnem creaturam que possit vivere et mort. Et per hoc et per raschatum nostrum quod feceramus , et quia idem rex erat infirmus, concessum fuit nobis a curia quod nos homagia Flandrie reciperemus tali modo quod ex ista concessione de recipiendis homagiis Flandrie a nobis antequam predicto domino regi homagium fecissemus, eidem domino regi aut ipsius heredibus nullum posset prejudicium generari, nec racione hujus factr nobis aut heredibus successoribus nostris ac- crescere posset jus aliquid in futurum. Actum apud Pontisaram, anno Domini M°CC° XLV, die martis post Epiphaniam. (Bruxelles, Archives du royaume, cartul. 7, fol. 11.) {L. Vers 1268. Fragment d'une plainte adressée au roi de France par des marchands flamands, au sujet des exactions que leur faisait subir le péager de Bapaume à Coupe-Gueule. À un jor qui passés est, vindrent marcheant de la foire de Troies — 307 — et passèrent a une vile qui-a non Coupe-Gueule par dehors Batpaumes, et vint hi paagierres de Batpaume et aresta icheus marcheans qui ve- noient de Troies, et leur mist sus qu'il en avoient enporté le paiage de Batpaumes et les fist destrousser, et li marcheant li respondirent qu'il n'en avoient point enporté de son paiage. Il en fist un destrousser maugré sien et à force, et trova en la male de celui une aune de drap dont di dras tout entiers s'estoit paagies à l'aler en la foire de Troies; et pour ce que li dras n'estoit d'une sieute raportoit-il cele aune de drap et l'avoit fet coper pour raporter au baiïlliu, car li dras estoit en la merci la comtesse de Flandres, et li marcheans qui li dras fu a non Jehans Bachelers d'Ipre; et si en prist-on XXX sols. Et un autre marcheant destroussa-il en après; si trova en sa male ginginbras dont il avoit usé et acheté por son mangier. Ce fu Jakemes hi Rois, de Dickemue, et li paagiers dist qu'il en estoit en amende de LX sols, et 1 marcheans en fina et les paia. En après, il destroussa un autre marcheant et trouva en sa male for- mages qui avoient cousté X deniers + de tornois, et dist li paagierres qu'il estoit en forfet de LX sols. I en fina et à tort et maugré sien, et paia les LX sols, et si fu cil meismes. Et si destroussa un autre marcheant et trova en sa male demi camelot qu'il avoit achaté por faire un sorcot à sa feme et por son user, et dit li paagierres qu'il estoit en amende de LX sols, et il en fina et les paia, et a non Salemons Nesekin. Et il ï ot un autre marcheant qui avoit un cuiret desous lui en sa sele, et li paagiers li demanda qu'il avoit en ce cuiret? Et li marcheans li respondi et dist que ce estoit argent en plate, et li paagierres li dist qu'il estoit en forfet de LX sols. IH en fina et en prist XXXII sols, et il sunt rendu. En en après si vint uns voituriers de Batpaumes qui aportoit une charge d'encens, et il demanda al paagier qu'il devoit? Et dist li paa- gierres qu'il li devoit XXV deniers de paaiage et IV sols d'outrage, et cil éstoit joenes voituriers et n'avoit pas longement usé le paiage de Batpaumes. Et en après si vint uns autres voituriers qui estoit d'aage et avoit usé le paiage de Batpaumes maint jor, et aporta une charge d'encens, et il demanda al paagier qu'il devoit? Et li paagiers dist qu'il ne devoit que XXV deniers par tout. Del premier qui estoit Joenes et ne savoit l'usage, il prist XXV deniers et IV sols d'outrage, et del daerain, qui estoit an- ciens et savoit l'usage, il ne prist que XXV deniers. Et en après si vint uns autres voituriers qui aporta cucre goutant: si demanda au paagier qu'il devoit ? Et li paagiers dist qu'il devoit XXV de- niers, et s'en passa outre atant; mais il estoit preudon et d'aage, et savoit les usagés. | 20. 308 Au tiers jor après vint uns hom qui n'avoit pas usé le païage de Bat- paulmes qui aportoit cucre goutant et demanda au paagier qu'il des Et paagiers dist XXV deniers et IV sols d'outrage. Et en après vint uns garçons de Flandres de Brugburgh à Batpaumes et aporta XXVIIT harens dont les testes des harens furent coupées et les queues. Il aresta le garçon et li demanda où il portoit ces harens. 1 dist qu'il les portoit à Soissons por son mangier, car il i aloit por aprendre françois , et li paagiers dist qu'il en devoit XIV deniers et demi de paiage, et li garçon dist qu'il n'avoit nul denier, car il ne savoit que ce montoit, mais volentiers li donroit tous les harens encsemble : li paagiers ne le vout pas por ce lessier passer, ains le destrainst à ce qu'il li convint paier XIV deniers. Hélas, dist 1i garçons, ma mère ne les acheta que IV deniers. Et en après vint Jehans de Flamertingue, mercier d'Ypre qui repaire en ea et es foires de France. Si aporta en sa male trousse derrière lui IT piax de loutre, et demanda au paagier qu'il devoit por les HT piaus, et il hi dist XXVII deniers et demi, et il les paia, dont la male, s’ele fust toute chargiée, ne deust que XII deniers et demi, (si comme) s'en seulent passer tuit marcheant merchier. En après vint uns autres merchiers, Herbers a non; st aporla sa malle troussée derrière lui et vot paier au paagier XII deniers et demi, l'us et la coutume qu'il avoit usé et li paagier dist que ce ne feroit-il mie, ains voloit qu'il nommast toutes les choses qu'il avoit troussées derrière lui, l'une pièce après l'autre, et li preudon dist que ce ne feroit-il mie qu'il ne l’avoit onques usé; par force li nomma toutes les pièces qui estoient en sa male et nomma dras de soie qu 1l estoient en sa male, et li paagiers li dist que chacune pièce devoit III deniers d'outrage. Et en après li nomma dras à or, dont li paagiers li dist qu'il «devoit VIII deniers de la pièce d'outrage. En après li merciers nomma qu'il avoit en sa male crespines par dozaines et coutiax par dozaines, et -eorroies et bourses et autres pluseurs choses de quoi li paagiers leva et cprist jusqu'à VI sols d’esterlins, dont li merciers n'avoit acostumé à ‘rendre ane XII deniers tornois, par toute sa male. En apriès si porta un vallet de Clusieres un chent de creveices et passa parmi Cope-Geule, et le vit li paagiers de Batpaumes, et li commanda qu'il s’acuistast des escreveices qu'il portoit : cil dist qu'il n'en devoit nule riens et li pria qu'il preist la moitié des escreveices et les plus bieles et le lessast aller car 1l n'avoit point d'argent; et ül dist que non Æeroit ançois li fist paier à force II deniers tournois que il emprunta à a vallet qui aloit avoecques lui. En après si vint un marcheans qui venoit de la foire de Bar : si avoit achaté XL livres de soie, et 1l demanda qu'il devoit au paagier de Bat- paumes, et il répondi qu'il devoit IIT deniers de la livre, il les paia et — 309 — li avoirs s'en alla jusques à Arras. Quant il vint à Arras, il fist desloier le toursel en quoi cele soie estoit loiee et fist cele soie peser, et trova des XL livres qu'il avoit achetées à Bar XLI livres et demie au pois d'Arras, et il estoit drois, car li pois de Bar est plus fort de celui d'Arras de tant comme il y trova plus. Ce sevent bien tuit marcheant et d'Arras et d'aïllors, et pour le cruture de ce pois 1l le mist à LX sols d'amende; et les paia. Et cil merciers meismes si ot troussé unes chauces coussues derrière lui por son user, et il li destrossa et l'en mist à LX sols : il les paia. Et uns autres hons d'Ypre qui a nom Jehans Vetehere raportoit HI palettes; s'ala au paageur et li demanda s'il en devoit riens, et li paageres de Bapaumes dist : oil, XIIT deniers tornois : il en fina et si aloit en l’ost madame la contesse de Flandres. Et en après vinrent marcheant qui avoient achaté IT gelines por lor mangier, et passèrent parmi Coupe-Gueule et vint li paagiers de Ba- paume, s'en prist V deniers. Et après vint une preude feme qui avoit achaté I millier de Pater- nostres à Bruges, et passa parmi Cope-Gueule, et li paagiers hi demanda qu'ele portoit, et ele dist que ce estoient Paternostres por revendre, et il dist qu'ele devoit de chascun cent XII deniers, et ele les paia, et toutes. les paternostres n'avoient cousté que XI sols. Et après vint uns bachelers d'Ypre chevauchant à Coupe-Gueule, et vint li paagiers, si le detint et li demanda paage de son cheval, et li bachelers dist qu'il n'en devoit point, car il ne l’avoit pas achaté à Troies, et si li paagiers li demanda s'il i avoit achaté nule autre chose, et il dist que nenil fors que 1 pou d'espicerie por faire sa sause, et li paagiers li demanda où elle estoit, et cil respondis : en sa bourse; et li paagiers dist qu'il devoit de l'espicerie IIIT deniers tornois d'outrage et XII deniers por le cheval qui l'aumonière portoit, car il estoit si comme il disoit entrés en dozaine. Li bachelers a nom Lambert Spikinc. En après vint uns preudom de Flandre qui enmenoit I] de ses enfans seur une somme en ÎI paniers pour querre lieu là ou il peuscent apren dre françois, et li paagiers de Coupe-Gueule le vist et li dist qu'il s'ac- quitast. Et li prodom s'esmerveilla moult, et li demanda de quoi ? Et le paagiers li dist des IT enfans qu'il devoient outrage. Li preudom de- manda combien ? et il dist XXI deniers et demi, et cil les paia. Et nous vous faisons à entendre que se l'en achatast une livre de commin VI deniers et l'en meist la livre en VII sachez, si prendroit-il et a ja pris de chascun sachet II deniers, et prend et a pris ausi de chascun cendal II deniers, et de chascune penne d’aigniax IT deniers, et d'un bariselet d’une livre ou de demie livre ou d'un quarton, Il de- niers, ja tant ne sera petit, et d'une bouteille de guingembre jà tant ne sera petite, IT deniers, où d'une boiste d'anis IT deniers d'outrage. — 10 — Et pour ce tort. fet et pour cel..outrage leissons nous. à -achater es! foires de Champaigne etes foires de Frances, et si achatons à ceus.qui apendent à l'Empire qui ne’ doivent pas de chemin ; et-ensi en pert mesires li rois de France,ses paiages por de paaigé, de Batpaumes-etpor, le grant larreucin que on 1 fait, et cil de l'Empire qui l'achatent l'amai- nent à Bruges, et là l'achatent li marcheans de Flandres. hits Après d'une touaille dont on sue les mains, on en prent Il: do d'outrage. Après d'une coife que uns hom met,en.son: chief, on en prent re la dousaine Il deniers. Après d'un chent-de canneve ou de coton, on-en peur VII diet et demi d'outrage. | LE | Après d'une dousaine de cordewan I-deniers, d'outrage: :, ° ne hols Après li paagers prent et a pris de chiaus d'Ypre. IX -deniers, plus d'une kerke qu'il ne fait de chiaus d'Arras ou de Saint-Omer. Et quant il a pris son droit paage, si demande. il arrière et ve ie outrage que deseure est dite. | Après de wesde que li bourgeois d'Ypre assemblent dedens la cas telerie de Péronne, li paagérs les vuet constraindre qu'il voisent par _Batpaumes por assembler lor wesde, et après çou qu'il seront assamblé si viout-il qu'il reviegne autre fie par Batpaumes por paier autre fie luer paage. D'autre part uns bourgois avoit achateit wesde à livrer en un " la ik avoit son autre wesde asamblé. Chius qui mena ce wesde ne paia point de son paiage, li paagiers vint après, si aresta ce wesde por le meflet que cil fist qui le mena. H avint que Gülkin Obric passa parmi Cope-Guele et porta sor son col: unes forches por tondre en Champaigne por waignier son pain. Li paagiers li demanda LX sols, et il 1 laissa son sorcot; ces forches furent villes et usées grant tans et si ne le portoit mie por vendre, et cedist Tierris li clers. En après vint 1 valles d'Ypre qui a nom Lamkins Spikinc; si passa à Coupe-Gueule, si portoit demi livre de chitewal en un saccelet en sa bourse por son user et son manger. Si demanda au paagier s'il en devoit riens ? Et li paagiers li dist : oil, fait-il, vous devez dou saccelet Il de- niers et del cheval qui l'aumonière porte XXI deniers : il les paia. Et après vint un garchons d'Ypre qui a nom Nasekin Halle à Coupe- Gueule, et porta un fromage de Brie por son manger et por son user : li paagers en prist III tornois. En après vint Jehan de Flamestinghes, uns merciers d'Ypre; si aporta à Coupe-Gueule [IX hanas de masere en un hanepier. Li paagiers en prist XVIII deniers, et si ne devoit nient. après ci] meismes porta. uns lorains qui fu envoiés à un borgois — 311 — dYpre qui a nom Salemons Belle por .son user et son chevauchier. Li paagiers en prist LX sols de forfet. Et après vint un marchean d'Ypre qui a nom Hebers, et paia à Bat- paumes de TIT bastons d'or, de chascun VIII deniers, et si ne devoit de ce. nule chose. . En après vint uns marcheans d'Ypre à Batpaumes qui a nom Gherars li merciers ; si amenoït mercherie sor I sommier. Il demanda al paager combien il devoit? Li paagiers dist XXV deniers et demi dou cheval, et li paagiers li demanda avant quel mercherie il 1 avoit? Li marcheans li respondi : mercherie mellée. I li convint nomer toutes les pièces : il nomma il d'or, dont il prist del baston VIII deniers. Après 11 nomma ermines LVI; il en prist X deniers et si prist de chascun camelot II de- niers, et si prist de croisettes de Limoges, de chascune croisette III de- niers, si prist d'outrage del sommier ki leva dusk’à XXIV sols et II deniers. En après vint uns marchans d'Ypre qui a nom Gillies de Baiïlluel ou reper de Lendit qui ore passa en l'an de l’incarnation M.CC.LXVI an, si mena une bale de poivre et une bale d'alun : il en paia XXV deniers dou paiage et IF sols d'outrage de la balle de poivre, et en la bale de poivre avoit demi livre de poivre en un sackelet; il en prist IT de- niers, : En après vint Herbers uns merchiers d'Ypre : si aporta mercerie toursée derière lui en une torsoire, dont il ne soloit doner ke XII de- niers tornois. Li paagier en prist un marc d'esterlins. En après un borgois d'Ypre vint de Champaigne : si porta une cote de camelot taillie et cousue en sa male : li paagers le sui après dusqu'à Assieres et le fist la destrousser, et trova cele cote en sa male. Si le mist à XI sols d'amende. En après il prent d'une pine d'ivoire III deniers d'outrage, qui nient ne doit, et il prent d'un forchiet qui cousta XIV deniers, il en prist IL deniers d'outrage, et si ne doit rien : D'un millier d’ is IV deniers qui nient ne Far D'un bockevan, ET deniers ; D'une herbe k'on apiele astrologue qui cousta III deniers, il en prist LILI deniers ; De piaus d'or et d'argent qui nient ne doivent, il en prent de le douzaine, III deniers. D'une bale d’orpiment dont on taint les candelles, il en prent V sols de une bale, et si ne doit nient. D'un pain de sucre qui ne doit que II deniers, il en prent III deniers d'outrage. D'une toursoire de mercerie quemunal que uns marcheans porte derrière lui troussiée, qui ne doit que XIT deniers tornois, il en prent — XXV deniers, et de cel mesme avoir, quant il aura paiet son droit paage, si reprent-il autre fie outrage. Li voiturier de Nueve-Église dient que Hi paagers de Batpaumes prent d'un sauclet dont on ne soloit prendre ke I denier, k'on en prent ore II deniers. Il dient d'autre part de sucre goutant de quoi on ne soloit prendre que XXV deniers, on en prent ore XIT deniers por le cheval, et IIIT sols d'outrage de le bale. Après d'un bariselet dont on ne soloit donner que I denier, on en prent ore II deniers. Après d'un drap d'or qui ne soloit paier que [III deniers, on en prend ore VIII deniers. Après il dient ke li drap ki ont paiet leur paiage à Faler en foires de Campaigne, s’il reviennent arrière (le reste manque). (Orig. Gand, Archives provinciales, chartes de Rupelmonde, n° 118.) HIT 1291. Arrêt du parlement de Paris réglant la manière dont on liqui- dera les dettes des communes du royaume. IL est ordené des debtes des communes des villes que tuit Hi crean- cier soient appelé par IT fois en eulx senefiant que c'il ne vienent avant que des ores en avant, tous leurs dettes ls ne seront ouis. Après, li creancier qui venront seront constraint et amené premiere- ment à rabaisser premierement de leur dette qui fu d'usure ou soup- pecenueuse d'usure premierement en legiere commissance sur ce et en apres de la dette que demourra pure et loial il seront enorté à faire relas d'autre partie et amené se on puet à ce sans aucune contrainte faire. Après, de teles debtes qui demourront ostée l'usure et ostée ce qu'il relairont de leur volenté, il sera fait en tele manière car on saura et enquerra-on diligaument de la culpe, de la malice, de la tricherie des administrateurs par les quels la commune aura esté damaigé, et sera exécution faite de la qualité dou damaige en leurs biens moebles et non mobles en quelzconkes lieus il soient et à quexconkes personnes il soient venu après obligation dessus dis biens soit par vendage soit par donner payement, et dou remanant l'exécution sera faite es biens seule- ment moebles tous de la commune en quexkonques lieu il soient, et es non moebles tant seulement qui seront hors des villes des communes qui les tiengne soit par des rentes à vie ou vendage ou par doen ou payement. Après, tuit cil qui ont rentes à vie sous les dites communes seront appelé qui viengnent à tous leurs estrumens et à tout leur lettres, en eulx senefiant que si ne vienent dedens terme convenable que de ore — 315 — en avant seur les dites rentes il ne seront point oui. Et quant il seron venus on saura à eus et par leur lettres de la qualité dou pris et dou tens des achaz. Et se il ont recheu par tant de tens les rentes que la profiz (de la rechoite vaille a tant comme li profiz) du pris ou plus, li paiement des dites rentes sera suspendus jusques à tant que la com- mune sera délivrée des debtes. Après, pour ce qui creancier et les communes sont adamagies en moult des choses pour l'occoison des mavas serjanz, dui serjant seront establi en chascune commune à gajez souffisans à faire exécution des choses devant dites, selonc la fourme qui leur sera baïllie et contera on I fois l'an et jurront que oultre leur gajez il n'en prendront riens taut fust-il qu'il leur fust offert. Après, li heritage qui sont dedens les viles devant dites ne seront mie vendu ne donné en paiement pour ce que li cors de la commune ne soit destruit et pour ce que on ne trouverait mie de legier acheteurs. Et après, qu'il ne moveront nule cose se il ne demandent première- ment congie aux establis devant diz qui leur donront ou deneeront heu premierement conseil s’il est à donner ou à deneer. Et à ce faire et loyaulment acomplir seront establis baïllis et espé- ciment pour Haem et pour Noyoen le bailli de Vermandois et Estienne dou Change. Et, puis le terme assenés au creanciers, si comme il est dit pardessus, il sera donné congie aux hommes des dites communes qu'ils puissent leur marcheandise en alant ou en venant à foires ou à merchiez mener, et en telle manière que nulz, pour l'occasion des debtes, en eulx ne en leur biens ne puist sa main estendre, se ne sont les personnes qui pour nous à ce et pour ce seront establies. Ce fu fait au Parlement de La Toussaint, l’an de grace mil CC. HI" et onze. (Gand, Hôtel de Ville, Wetten ende Costumen des Nederlanden, fol. 71.) ! H y a une autre copie, mais infiniment moins bonne, avec des lacunes et offrant des non-sens, dans le Witte-Bæœk, fo]. 109. Le Wetten et le Witte-Bæk sont deux cartulaires de la ville de Gand du xv° siècle : une note inscrite en tête du Wetten, qui fut acheté en 1842 par les archives de la ville de Gand, porte que ce registre est la copie du Witte-Bæk ou Livre blanc : ceci esl entièrement inexact, principalement en ce qui concerne Farrêt de 1291. Il y a dans le Wetten des membres de phrases entiers qui ne se trouvent pas dans le Livre blanc. L’ortho- graphe en est aussi meilleure et plus conforme à celle du xin° siècle. — VUE — 1209. Ordonnance de Philippe le Bel pour la levée Ha tout le r oyaumeé d'un impot sur les objets de consommation. C'est l'ordenance faite par nostre seigneur le roy de France. et, par son consel, de l’assentement des prélas et des barons de son royaume, pour la défense et seurté du royaume. Premièrement l'en prendra par tout le royaume de Franche seur qui- conques personnes, de chascun tonnel de vin à la moïson d’Aucerre!, V sols parisis. LE Item chascune queue, Ils. VI d. par. e1 quelque leu ke il seront trouvet. : | Item de quascun sestier de froument par tout le royaume à la mesure de Paris, VI d. et tous autres blés dont l'en fera farine, HIT d. Item de chascun sestier de sel à la mesure de Paris du vendeur, EL s. Et est à entendre que li Roys nostres sires fera lever ces cosses, par tout le royaume en son domaine. Li conte, li baron, et li prélat tenant.en baronnie-sans plus, le feront en leur tieres lever par leur main, enttel manière que il y aura gens establis de par le roy qui verront avoic leur gens le compte de la recepte, et la moytié en recevront pour le roy et.li baron cascuns en sa tiere aront l’autre moytié pour cou ke il puissent plus metre à servir le Roy en sa guerre. Et aront laitres li baron ke ceste levée ne leur puisse tourner à pré- judice ou temps à venir et durera cette ordenance jusques de prou- chaine fieste de Toussains en IT ans continues tant seulement. La manière dou lever jusqu'à tant que autrement en soit ordenet sera tele. ll ara en cascune boine ville preudoumes jurés establis qui venront es villes et es villages quanz touneaus et quantes queues il y ara, el tantost leveront de quascun tonnel et quascune qÊte que il poront trouver le feur dessus dit. _ Item il ara preudoumes jurés establis qui feront saavoir es villé quels quantités il i ara de blés et fera l'en mesurer ou faire estimation par boines gens et prendra l'en de chascun sestier le fuer dessus dit. Item :l ï ara preudoumes jurés qui saueront par tous les leus où l'on vent sel, combien l’en en vendera et en prendront ou vendeur le fueur dessus dit, et ne pora nus vendre sel, fors à le mesure ke li Roys esta- blira en ciertains lius où li baron ki lever le feront en leur tieres si comme 1l est dessus dit. (Bruxelles, Archives du royaume, cartulaire n° 53 du fonds des cartulaires, évêché de Tournay, fol. 6 recto.) V , A. Autre ordonnance ayant le même objet que la p' écéderite. C'est l'ordenance faite par nostre signeur roy de Base par les pré élas, barons de sum consel et autres de son royaume qui à’ce furent présent pour la coumune deflense neccessaire et hastive du royaume de Franche le quel li anemi de plusieurs parties entour s'efforcent de envaiir.et dommager a leur povoir par pluseurs diverses parties où il convient meiftre très grans missions pour tout le commun profit et pour eskiever li grant damage qui autrement s'en suivroit; il est acordé pour le moins de grief dou peuple lores que chascun tonniel de vin de la moison d'Aucerre paiera V s: par. et les autres d'autel moison à l'avenant. Chascun sextier de fourment à la mesure de Paris avenable, VI d. par. Chascun sestier d'autre blé dunt l'un fera farine, de pois, de fèves et d'autres leum, HI d. par. Chascun sestier de sel à la mesure de Paris, IT s. par. Chascun beuf ou vache audesous de XX s. par. VI d. par. Chascun de XX s. par. juskes à XL, VIIT d. par. Chascun audessus de XL s. XII d. par. Chascun porc HIT d. par. D'un veel, II d. par. D'une beste aleniere, II d. par. Et ne païera nulle bieste selle n'est vendue HIE s. tournois u plus. Les deniers seront levé des dites cosses ki vendues seront et du ven- deur tant seulement. (Le reste conforme à l'ordonnance précédente.) (Bruxelles, Archives du royaume, cartul. 53, fol. 6 recto.) VI 1312. 29 juillet. Lettre d'Enguerran de Marigny a Simon de Rie, au sujet des affaires de Flandres *. Mes chiers amis, frère Simon, jay reçu vos lettres et veu ce que vous m'avez escript comme ces gens de Flanires, nobles et non nobles, sont ardans et esmeus, et ont guernieur desir de la guerre qu'ils n'orent ! Cette lettre est évidemment apocryphe et fabriquée par le parti flamand pour déconsidérer Marigny en le présentant comme un traître à l'égard du roi de France. — J10 — oncques et espéciaument pour les bonnes nouvelles qu'ils ont oÿ d’Ale- maigne pour monsegneur Loys, vostre mestre. Si vous faiz assavoir, frère Symon, que si vos mestres et cele gent de Flandres ont esté si ardans, je ne m'émerveille pas, pour les chaus qu'il a fait si grans, et que la saison le devoit, mais j aÿ espérance à ce que la my aoust sera partant que le temps commence volontiers à refroidir, que leur chaleur s'en abaissera plustost, ne ne seront mie se ardans d'avoir guerre comme ils sont maintenant. D’endroit de ce que vous n'aves pas osé avoir encore touchié sus les paroles que vous et moy eusmes ensemble à Arras, pour ce que vous les avez ainsi trouvés esmeus et ardans, aussy vraiement, frère Simon, n'en aije point parlé par de ça, car en telle manière aisje trouvé nos seigneurs tous ardans et espris de la guerre... Messire de Nevers, quant il sera bien connaissant et remembrant des paroles que je lis dis à Hellechin, il sara que je l'aray bien et loyaument conseillé pour le bien de sa personne, et toutes voies je ne pense pas à li tollir si grans biens que pour cause de moy il soit destourbé ne empeschié d'avoir le royaume d’Allemaigne et le royaume de France... Je ne vous en scai autrement à respondre, et vraiement, frère Simon, on ne pour- roit bien le royaume de France depecier par parole, ains il convendroit asses d'autre œuvre. Et aussy tost aroit le conte de Flandres et monsieur Loys, son fils, le royaume de France bien et en pais comme ïl aroit recouvré Lille et Douay. Et d'endroit de ce que vous m'avez escript qu'il li est rapporté de par les nobles d’Allemaigne que s'il veut tenir et accomplir les convenances en la manière que vous les avez traities qu'il ne demourra pas pour argent qu'il ne soit le roys d'Allemaigne ne qu'il paie la quantité que vous avez promise, laquelle vous estes certains qu'il y payera bien. Sachiez, frère Simon, qu'il est grant péchié de tiex choses dire, et ceux en emporteront le loyer que les emprennent, car vraiement tel est commenceur des besoingnes que n'est mie mestre de les appaisier, et à autres gens qu'à moy pourriez vous dire et mander tiex nouvelles... Dieu vous gart. Donné à Paris le mardy devant la S' Pierre aux liens, de par le seigneur de Mariegny. (Copie moderne. Bruxelles, Archives royales, pièces restituées par l'Autriche.) VII 1374-1376. Extrait des comptes de réparation de l'hôtel de Flandre à Paris (hôtel d'Artois). Ce sont les mises et receptes faites depuis le XV° jour de novembre lan mil CCC LXXIIII jusques à la sepmaine de après Pasques en sui- vant, qui furent l'an LXXV par Guiot Mariset, consierge de l'hostel de monseigneur de Flandres à Paris, faites el convertiz es réparacions — 317 — dudit hostel de mondit seigneur par l'ordenance et marchie fait par maistre Eustace de la Perre, procureur de mondit signeur en Parle- lement, tant de merriens comme d'autre choses nécessaire ou dit hostel. Tout l'ouvrage dont cy dessuz est faite mention si a esté faite tant au donjon’, en la grant sale, es deux grosses tours es chambres d'entre les dites grosses tours comme en toutes les chambres devers la chambre de monseigneur oultre la salle, excepté la petite chapelle tenant à la grande et un petit retrait dessouz la chambre de monseigneur. » Il est question ensuite des grandes galeries qui étaient decouvertes et qu'il était urgent de couvrir, de la grand chambre tenant a la bouteillerie et à la salle, de tuiles pour couvrir les tournelles. {Autre compte à partir du 22 novembre 1376. On refait les murs des galeries qui ne valaient rien, des lambris pour asseoir de petites galeries devant la salle ; on consolide les clochers de la chapelle qui menagçaient de tomber et d'endommager les maisons voisines.) (Bruxelles, Archives royales, comptes en rouleavx. Hôtel du comte de Flandre à Paris.) VIIT (1462.] 26 janvier. Lettre de Louis XI au duc de Bourgogne, au sujet du Luxembourg. Es lettres dudit roy qui furent données à Bourdeaulx le XXVF jour de janvier, signé Loys, de la Loere, est contenue la cause qui s'en suit : «Et quant aux lettres du transport qui fut fait à feu nostre tres chier seigneur et père que Dieu absoille dudit duchié par les ducs et duchesse de Saxe, nous avons fait savoir à ceulx que cuidions que les deussent avoir et qui avaient charge de telle chose devers nostre dit seigneur et père en son vivant, Mas il n'y a personne qui les ait. et avons entendu que le cardinal ait principalement charge de la dite matière et qu'il doit savoir mieulx que autre, où sont les dits tittres. Porquoy lui en escriprons afin qu'il nous les rendre, et ce fait les vous ferons bailler, car nous voulons que joyssez de nostre dit transport ainsi que accordé le vous avons. » (Bruxelles, Archives du royaume, cartul. 32 de la Chambre des comptes, Luxembourg , n° 32, fol. 21.) ! [ne faut pas confondre l'hôtel des comtes de Flandre à Paris avec l'hôtel d'Artois, qui leur appartenait aussi, rue Mauconseil. Le donjon dont il est ici question était sans doute dans le genre de celui qui existe encore rue Maucon- seil et qu'on croit avoir été construit par Jean sans Peur pour se mettre en sû- reté. (Sur ce donjon, voy. Guilhermy, Itinéraire archéologique de Paris, p. 229, et M. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. 1, p. 359.) IX [1462.] 12 octobre. Extrait d’une lettre close de Louis XI au due de Bourgogne, à Moliherne, le XII octobre. Au surplus le roy de Behaingne nous a puis naguere escript par homme propre qu'il a envoié devers nous, que, se nostre plaisir estoit, lui et les roys de Hongrie et de Poulenne desireroient bien avoir aliance et confederacion avecques nous, principalement pour l'expulsion des ennemis de la foy chrétienne, à quoi nous avons fait response que , en toutes choses qui seroient pour le bien et exaltation de la sainte foy catholique et expulsion des ennemis d'icelle, nous serions bien joyeux et contens d'avoir avecques eulx et tous autres princes chrestiens bonne intelligence et confédération. Si, vous avons bien voulu escripre ces choses , afin que en soiez adverti et aussi pour vous acertener que se le dit roy de Bahaigne vouloit parler ou faire mencion du dit duchié de Luxembourg ou d'autre chose quelconque qui vous peust tourner à préjudice, nous n'y entendrons en quelque manière, mais vous en. advertirons ; et en ceste matière et toutes autres aurons tousjours voz affaires en espéciale faveur et reccommendation comme les nostres propres. (Bruxelles, Archives du royaume, cartul. 32 de la Chambre des comptes, n° 32, fol. 21.) À 1467. 25 septembre. Lettres de provision de procureur du duc de Bourgogne à Saint-Quentin accordées par le duc de Bour- gogne à l'historien Mathieu d'Escouchy. Charles, par la grace de Dieu, duc de Bourgogne, de Lothier, de Brabant, de Limbourg et de Luxembourg, comte de Flandres, etc. savoir faisons que, pour la bonne relacion qui faite nous a esté de Ja personne de nostre bien amé Mahieu d'Escouchy et de ses sens et soufh- sance, icellui Mahieu d'Escouchy, confiant à plain en ses loyauté, preudommie et bonne diligence, avons fait, institué, ordonné et cstably, faisons, institauons, ordonnons et establissons par ces présentes nostre procureur en nostre ville et bailliage de S' Quentin ou lieu de feu Oudar dede Portes .: .:....:.,,04 NS Donné en nostre ville de Ranédles 2,0 E Sbpieritee 1467. (Orig. en parchemin , scellé en cire rouge. Bruxelles, Archives du royaume , chartes de l'audience.) — 919 — 1507. 20 novembre. Lettre de Catherine de Médicis à la duchesse de Parme. Ma sœur, j'escripiz présentement au sieur de la Forest, ambassadeur du roy monsieur mon fils près de vous, vous faire requeste permettre le transport par deça de certaine quantité d'armes que les habitans de la ville de Rouen y veulent achepter, en quoy je vous prie, ma seur, me voulloir gratifher et le croire sur tout ainsy que vous feriez moy mesmes, pryant Dieu, ma seur, vous donner en parfaicte santé ce que plus desirez. Du boys de Vincennes, le XXIX° jour de novembre 1567. Vostre bonne seur, CATERINE. Suscription : À ma seur madame la duchesse de Parme. régente et gouvernante es pays bas. (Orig. signature autographe. Bruxelles, Archives du royaume, aulographes.) XII 1584. 22 novembre. Lettre de Catherine de Médicis au duc de Parme. Mon nepveu, aytent prisonié le prévost de Cambray nomé Survie ? du tamps de mon fils, et de lors s'étant mys à ranson e neanmoyns tout jour y ly est demeuré. Ce que ayent entendu, ne volu fallyr vous fayre la présante pour vous pryer de comender qu'il soyst remys en lyberté par la ranson qu'il a dejea acordée, vous aseurent que set que en fayré je l'estymeré comme se s'étoyt à ma personne propre, et en parel an autre aucasion je sere byen ayse de reconestre le plesir que m'en fayres, le quel je tyen tout aseuré pour avoir tous jour coneu particulyèrement la bonne volonté que vous portes en sete aseurance fayre sui prient Dyeu vous avoyr en sa sainte et digne guarde. De Saint-Germayn en Lay, ce XXII° de novambre 1584. Je vous prie ausi layre delyvrer le sieur Davys. Votre bonne tente, CATERINE. A mon nepveu le prince de Parme. (Orig. entièrement de la main de Catherine. Bruxelles, Archives du royaume, autographes.) nememgraes der oi» Le Le +. eratiduit eff: pauses: «he tréensaqn: aux ae Deshatrensane efs pour de 7 cs Has sévce seed ane ob bats Ho ai ND pr: “ap 99 hat utpudg dame éupie Gras api “dk nismaderratene; lisa À PAPE TI mena ns HAS RER NET doit PNR CPU ES nes 2e) curteiieué OR Antec br atées Li x (LL " NE RME ‘oki Ars et hs FALL di aa vies RE NE: % par EUUTE : lies SE rer IE [oCRES ke, vid LUN - LPRE # nl si tk Fr. Fr vie le AS ten ire fi: ut ju ad x caleretas" vb. pi dlnsiatte sgieofe: tp à ms Bees cas mor rate Er à he RU LS LL à RUE ue Le cie For PAR af as pa RES sersdtei) : sb AU a | + sripé Basso perd): sb provia EIS diaosiq usbes 2 nier agigsens ï TE A CXAL thèls # sol CHE ral | il en 6 es: BEN Mt Dre. 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Cette lettre renfermait une petite carte représentant d’une manière approchée la situa- tion des cratères et l'étendue occupée par la lave, huit jours après le début de l’éruption. Elle était en outre accompagnée de deux esquisses renfermées dans un étui en carton, et don- nant une idée assez exacte de la forme et de la position relative des cratères. Les deux esquisses avaient été faites par M. Ber- thier, l’un des plus habiles photographes de Paris, qui a bien voulu m’accompagner pendant toute la durée de mon excursion !. Elles avaient pour objet de vous permettre de suivre la descrip- tion faite dans ma letire, en attendant que les photographies exécutées par mon compagnon de voyage fussent mises sous vos yeux à noire retour à Paris. J'ai appris depuis lors, avec bien du regret, que ma lettre ne vous était pas parvenue. Je vais donc aujourd’hui reprendré entiè- rement le récit de mon voyage. Je suis parti de Paris, le 19 février, en compagnie de M. Ber- thier et de M. Asseline, un de ses élèves. ; Le 22 février, nous sommes arrivés à Giarre, au pied de l'Etna, * C’est un de ces deux dessins que l'on trouvera reproduit plus loin. MISS. SCIENT. — 11. 21 — 9322 — et, le 23, nous étions sur le lieu de l'éruption. Jusqu'au 6 mars nous ne l'avons plus quitté. | Pendant toute cette période, pour éviter les pertes de temps, nous nous sommes installés sur les flancs de la montagne, à la base de la lave, dans des étables abandonnées, où nous avons eu souvent à souffrir du froid et quelquefois même de la faim. La terre était couverte de plus d’un mètre de neige, et, chaque nuit, le thermomètre descendait à cinq ou six degrés au-dessous de zéro. Les huttes dans lesquelles nous nous abritions étaient cons- truites avec des blocs de lave, sans ciment, et le toit en était ra- rement complet. Votre Excellence pourra juger d’après cela qu'il nous a fallu quelque persévérance. Avant cette époque, le lieu de l’éruption avait été visité par quelques voyageurs; il l’a encore été depuis; mais, pendant ces treize jours, nous n'avons trouvé sur la neige, autour des cratères, que les empreintes de nos pieds avec celles des chevreuils et des sangliers. Le matin, quand la neige était dure et fortement gelée, la marche était assez facile; mais quand un rayon de soleil venait à paraître au milieu de la journée, alors la neige se ramollissait, et l’on enfonçait à chaque pas jusqu’à la ceinture. Cependant le moment était très-favo- rable pour l'étude de l’éruption, et les phénomènes chimiques qui s'y accomplissaient alors montraient qu'elle n'avait encore rien perdu de son intensité. J'ai donc, pendant ces treize jours, fait une étude attentive de la disposition des cratères, parcouru toute l'étendue de la lave, et examiné, au point de vue chimique, les fumerolles qu'on y rencontrait à chaque pas. Les résultats géné- raux de mes observations sont consignés dans une lettre que j'adressais à mon excellent maître, M. Ch. Sainte-Claire Deville, en même temps que Jj'écrivais à Votre Excellence, et qu'il a bien voulu communiquer à l’Académie des sciences. Dans cette lettre}, je montre que le désordre qui semble régner dans les éruptions volcaniques n’est qu'un désordre apparent, qu'il s'y passe une sé- rie de phénomènes mécaniques, physiques et chimiques soumis à des lois déterminées. Cette assertion a été solidement établie par les travaux savants et nombreux de MM. L. de Buch, Élie de Beau- mont, Dufrénoy, M. Gemeilaro, Ch. Sainte-Claire Deville, Abich et Bunsen. * Voir plus loin un extrait de ce travail. << M — Pour la confirmer dans le cas actuel, j'ai successivement étudié les deux ordres de phénomènes. Pour ce qui regarde la partie topographique et physique de l'éruption, je pars de ce principe, qu'un volcan n’est autre chose qu'un trou de communication entre la surface du globe et la masse incandescente qui en remplit l'intérieur. Tout autour de ce point, l'écorce terrestre se fendille avec une grande facilité. Les choses se passent comme sur un morceau de verre qui a reçu un choc, et où l'on voit, en effet, autour d'un point central de rupture, une série de fêlures divergeant dans toutes les directions, une étoilure, comme lappelle M. Élie de Beaumont. Quand la pression des fluides contenus sous l'écorce terrestre acquiert une certaine éner- gie, le sol se déchire; mais la déchirure qui se forme ne se fait pas irrégulièrement : c'est toujours une fissure linéaire dirigée suivant un des rayons du cercle, dont l’orifice principal du volcan repré- sente le centre. Cette fissure, bien que linéaire, est cependant de largeur iné- gale dans l'étendue de son parcours ; elle présente des parties plus larges, des espèces de boutonnières : ce sont les cratères. C’est par là surtout que se fait l'écoulement de la lave et des matières volatiles qui viennent de l’intérieur du sol. Les cônes volcaniques qui s’échelonnent tout autour sont formés par les matières rejetées. Il résulte de cette théorie que, dans une éruption, les cratères - doivent se trouver sur une ligne sensiblement droite, passant par l'axe du volcan. C’est, en effet, ce que les observations de MM. Ge- mellaro et Élie de Beaumont ont établi pour les éruptions qui ont eu lieu à l’Etna depuis cinquante ans. Mais la fissure n’est pas toujours facile à constater, et souvent on admet son existence sans avoir pu l’observer directement. Dans l’éruption actuelle, au contraire, la fissure existe sur une grande longueur, et, avec des caractères spéciaux qui en font un sujet d'étude des plus intéressants. Outre la disposition des cratères et la distribution de la lave, j'ai donc eu à considérer cette fissure, qui forme le caractère le plus remarquable de l’éruption actuelle. | En même temps, la partie chimique de l'éruption est venue appeler mon attention. Les fumerolles, qui sont si nombreuses sur la lave, et qui la couvrent de si riches couleurs, ont été regardées pendant long- 21: ER temps comme produisant confusément, sans aucune espèce d'ordre, une foule de sels et de matières volatiles mal étudiées. M. Ch. Sainte-Claire Deville est venu le premier mettre de l’ordre dans ce chaos. Il a classé les fumerolles, déterminé la nature chimique de leurs produits et montré comment le degré d'activité d’une fu- merolle, sa température, et la composition chimique des maté- riaux volatils auxquels elle donne naissance, sont liés d’une ma- nière parfaite. Ces études-difficiles, qui demandent l'emploi d’un laboratoire de chimie portatif, n’ont pu être entièrement complétées par lui, et, en marchant sur ses traces, je trouvais un vaste champ de travail ouvert devant mot. | Du 13 février au 10 mars, j'ai étudié sans relâche ce genre de question; mais, en attendant que l’éruption eût suivi ses phases ordinaires, et qu’elle fût entrée dans sa seconde période, j'ai quitté l’'Etna pendant un mois, pour m'occuper de ses annexes, c’est-à- dire, des sources gazeuses abondantes en Sicile, et dont l’exis- tence est intimement liée à celle du volcan. Il était très-intéressant de savoir si la composition des gaz dé- gagés par ces sources minérales avait varié par suite de l’'érup- tion. Comme terme de comparaison, j'avais les analyses exécutées sur les mêmes gaz, en 1855 et 1856, par M. Ch. Sainte-Claire Deville. Je suis donc allé successivement recueillir ces gaz à Paterno, à San Biagio et à Valcorrente, près de Catane, au lac de Palici, près de Palagonia, aux volcans boueux (macalube) de Girgenti, et enfin aux sources sulfureuses de Ségeste. Je n'avais pas intention d'employer un mois entier pour re- cueillir ces gaz, mais le mauvais temps et la difficulté des com- munications en Sicile m'ont fait éprouver de grands retards. Je suis resté particulièrement à Girgenti pendant quinze jours, ne pouvant sortir, ni par mer, à cause du manque de bateau à vapeur, ni par terre, à cause du gonflement des eaux du Platani. Pendant ce loisir forcé, j'ai étudié la ville antique d’Agrigente et les matériaux de constructions employés par ses anciens habitants. Je crois avoir obtenu des résultats qui pourront intéresser les ar- chéologues. ; Mon compagnon de voyage, M. Berthier, a profité de notre ex- cursion à travers la Sicile pour photographier les principaux — 325 — monuments du pays. Il à particulièrement obtenu de très-belles épreuves des temples de Girgenti et de Ségeste. Enfin, depuis le 13 avril, nous sommes de retour à l'Etna. J'ai repris les études dont j'ai parlé plus haut, et, pour faciliter mon travail, j'ai fait construire une hutte de branchages tout près des cratères. La neige ayant fondu, et les jets de pierres étant devenus moins fréquents, il m'a été alors permis de voir l’éruption dans tous ses détails. | En étudiant attentivement la fissure, j'ai trouvé, pour ainsi dire, écrite par la main de la nature l’histoire complète de l’érup- tion, depuis la première minute de son début; et actuellement je suis en mesure de la raconter en quelque sorte aussi fidèle- ment que si jen tenais le récit de la bouche d’un témoin ocu- laire. Enfin, voyant que personne ne s’occupait de faire le plan de lé- ruption, je me suis mis à ce travail de géodésie avec des instruments qui m'ont été obligeamment prêtés par les ingénieurs du chemin de fer, et, dans quelques jours, je serai en mesure de vous en- voyer un plan aussi exact que je pouvais le faire en travaillant seul et sur une si vaste étendue de terrain. De son côté, M. Berthier, malgré les circonstances défavorables . dans lesquelles nous nous sommes souvent trouvés (mauvais temps, vapeurs sulfureuses et chlorhydriques, pluies de cendres etc.), est parvenu à faire des photographies qui pourront intéresser à la fois les artistes et les savants. J'oubliais de dire à Votre Excellence que j'ai fait l'ascension du cône central de l’Etna, analysé et recueilli les gaz des fumerolles qui s'y rencontrent. Dans quelques jours je quitterai l’Etna, à regret, je l'avoue, car l’éruption est loin d’être terminée, et il serait encore très-in- téressant d'assister à son déclin. Je compte me rendre de là aux iles Éoliennes pour étudier Vulcano et Stromboli, et enfin termi- ner ma tournée par l'étude du Vésuve et de la solfatare de Pouz- zole. Avant de vous entretenir des phénomènes physiques et méca- niques de l’éruption, qui feront l'objet principal de cette lettre, je demande à Votre Excellence la permission de réparer, en quel- que sorte, la perte de ma première lettre, en résümant dans les ke be pages suivantes la communication qui à été faite en mon nom à l'Académie des sciences | : « L’éruption a commencé dans la nuit du 30 au 31 janvier dernier. « Pendant la journée précédente avaient eu lieu deux secousses de tremblement de terre, l’une à midi, l’autre vers quatre heures et demie de l'après-midi. «Au moment où l’éruption a débuté, à dix heures et demie du soir, une secousse d’une violence extrême s’était fait sentir. Elle se composait d’oscillations verticales et de mouvements horizon- taux, lesquels s'effectuaient principalement dans la direction du sud-ouest au nord-est. Cette violente secousse a offert cetté parti- cularité, qu’elle s’est fait exclusivement sentir sur le flanc nord- est de la montagne. À Eavina, près Piedimonte, elle a été d'une intensité telle, que les habitants, effrayés, sont sortis de leurs maisons et sont restés dehors toute la nuit, sans oser rentrer sous leurs toits. À Catane, au contraire, le tremblement de terre a étési faible qu'il a passé inaperçu. « Aussitôt après cette secousse, l’éruption a commencé, et l'on a vu des gerbes de feu s'élever sur le côté nord-est de l'Etna, en un point élevé de 1700 mètres environ au-dessus du niveau de:la . mer, à 500 mètres du pied du monte Frumento, ancien cône d’éruption, situé lui-même à la base du volcan principal. «Jusqu'à quatre heures du matin, il y a encore eu quelques petites oscillations du sol, mais peu marquées, et depuis lors on n’a plus constaté aucun mouvement sensible dans le voisinage de l'Etna. ; « L'éruption actuelle a on eu peu de signes précurseurs. Ge- pendant, l'intervalle de temps considérable (treize ans) écoulé depuis la dernière éruption importante, l'apparition de la lave au sommet du cratère central de l'Etna, lors de la petite éruption de 1863, et le même fait observé dans le courant de l'été dermier, enfin la position, relativement peu élevée, des nouveaux cratères, pouvaient faire présumer que cetle fois les phénomènes volca- niques allaient présenter une grande intensité. « En effet, aussitôt le sol entr'ouvert, la lave s’est mise à couler rapidement; en deux ou trois jours elle avait parcouru une lon- L Ce travail était adressé de Giarre, à la date du 10 mars. En sueur de 6 kilomètres, sur une largeur de 3 à 4, avec une épais- seur variable, mais atteignant souvent de 10 à 20 mètres. « Le terrain sur lequel la lave s’est étendue d’abord offre une pente moyenne d'environ 4 à 5 degrés. Après avoir parcouru cet espace en détruisant tout sur son passage, et laissant seulement quelques rares îlots de végétation entre ses coulées, le courant de lave est venu buter contre un ancien cône d’éruption, nommé le monte Stornello. Là il s’est divisé en deux bras. L'un, dirigé vers l'ouest du monte Stornello, a continué à marcher, mais avec une extrême lenteur; l’autre, au contraire, passant à l’est du même cône volcanique, s’est précipité dans une vallée étroite et pro- fonde, nommée la valle della Colla Vecchia, encaissée entre le monte Stornello et la chaîne de la Serra Buffa. En ce point, la lave se précipitait d’une hauteur de 50 mètres, charriant à sa sur- face des blocs solidifiés qui tombaient avec fracas du haut de cette cascade de feu. Enfin bientôt la vallée tout entière était comblée, le courant continuait encore sa marche sur une longueur d’en- viron 3 kilomètres, et finissait par s'arrêter sur l'emplacement d’une ancienne lave nommée la Sciarra de la Scorcia-Vacca, à une altitude de 800 mètres. « Tel était l'aspect de la lave à la date du 6 février. « Depuis cette époque, la coulée de la Scorcia-Vacca s’est entiè- rement arrêtée et a cessé d'avancer. Le bras occidental au con- traire a continué de progresser, se divisant lui-même en deux coulées étroites, situées toutes les deux entre le monte Stornello et le monte Crisimo. « Le point de séparation de ces deux coulées est à une altitude de 1321 mètres; au-dessus, par conséquent, de la base du Stornello. La plus rapprochée de ce cône, à laquelle je donnerai le nom de coulée Antonio, a marché jusqu'au 21 février et s’est arrêtée à une altitude de 1039 mètres. L'autre, la plus rapprochée du Cri- simo, et que je nommerai coulée Carmelo, a cheminé jusqu’au 23 février, et s'est arrêtée à une altitude de 1186 mètres. Ces deux coulées, bien que devenues fixes à leur extrémité, n'ont cependant pas cessé de progresser. Elles fournissent encore çà et là, chaque jour, de petite dérivations latérales. « En outre, le 6 mars, il s’est formé, à l’ouest des cratères, une nouvelle coulée dans laquelle la lave s’avance avec rapidité, et qui peut-être atteindra l'importance des précédentes. D « Quant aux cratères, ils sont actuellement au nombre de sept. Cinq sont compris dans une vaste enceinte de forme elliptique dont le grand diamètre est sensiblement dirigé suivant une ligne E. 26 degrés N. À ces cinq cratères correspondent cinq cônes, plus ou moins échancrés à leur base, et au pied desquels se trouvent les cratères, Les cônes les plus élevés, et en même temps les plus échancrés, sont ceux qui sont aux extrémités du grand axe de l’el- lipse. Is ont environ 50 à 60 mètres de haut. Le plus rapproché de la base du monte Frumento porte sur son revers, à mi-hau- teur, les deux derniers cratères. | « L’enceinte elliptique formée par les cônes, et comprenant dans son intérieur les cinq premiers cratères, constitue une espèce de grand cratère général. Partout le sol y est ouvert et crevassé. « L’enceinte est fermée de tous côtés, excepté vers l’ouest, où elle présente une large solution de continuité, par laquelle s’échap- pent les torrents de lave. Son plus grand diamètre intérieur est d'environ 400 mètres, le plus petit d'a peu près 100 mètres. Une ligne droite tracée suivant la direction du plus grand diamètre de cette enceinte passe, quand on la prolonge, à l'ouest du monte Frumento, et, à plus forte raison, à l’ouest du cône central de l'Eina. « Il semble donc, au premier abord, qu'il n’y ait aucune rela- tion simple entre les positions de ces différents points. Mais une observation attentive montre bientôt le contraire. En effet, de la base du Frumento jusqu’au cône le plus rapproché, c’est-à-dire sur une longueur d'environ 5oo mètres, existe une profonde fissure, produite probablement dès le début de l’éruption. Cette large déchirure du sol n’a pas été remarquée par les personnes qui sont montées sur les lieux de l’éruption, dans les premiers jours de février. Mais cela tient, sans doute, à ce que, préoccu- pées de la vue des cratères, elles auront négligé de monter plus haut, ou encore parce qu’elles en auront été empêchées: par la crainte des pierres, qui tombent en abondance de ce côté. . « Cette fissure est dirigée suivant la ligne E. 28 degrés N. Elle fait donc un angle d'environ 2 degrés avec la direction de la ligne d'implantation des cratères, et cependant elle en est la continua- tion évidente. Sa largeur dépasse généralement 10 mètres, sa pro- fondeur est variable, mais souvent considérable. En quelques points, on n’en voit pas le fond. Elle est à demi remplie de blocs — 329 — de lave solidiliés et refroidis, car la neige y est déjà accumulée sur une certaine épaisseur. Cette lave a dû y couler rapidement du Frumento vers les cratères, ce qu’indique la forme des blocs, et, de plus, elle devait être en grande masse et à une très-haute température, car, de chaque côté, à 20 mètres de distance, des pins gigantesques sont entièrement carbonisés. De tous ces faits 1l résulte donc que cette fissure s’est formée probablement au début même de l'éruption, et qu’elle n’est que le commencement de celle sur laquelle les cratères actuels sont implantés, comme de véri- tables boutonnières. « Enfin sur son prolongement, du côté supérieur, s'étend une dépression qui dessine un sillon profond sur le flanc du Frumento, et l’échancre à son sommet. Cette dépression fait aussi un petit angle avec la direction de la fissure, avec laquelle elle se continue cependant d’une façon insensible. « Le grand axe de l’enceinte des cratères, la déchirure du sol ci-dessus mentionnée, et la dépression du Frumento, forment ainsi une ligne brisée très-voisine de la ligne droite. Maintenant, si l'on imagine cette ligne brisée continuée à son extrémité supé- rieure, suivant la même loi, son prolongement passe presque exactement par le sommet du cône central de l’Etna. On peut donc considérer les bouches volcaniques actuelles comme situées sur un rayon passant par le sommet de la montagne. «Le même fait a été remarqué plusieurs fois dans d’autres éruptions, et je me rappelle particulièrement l'avoir observé au Vésuve, à l’éruption de 1861, où j'ai eu l'honneur d'accompagner M. Ch. Sainte-Claire Deville et d’être son collaborateur. « Après avoir étudié la stratigraphie de léruption actuelle, mon attention s'est portée principalement sur l'étude des fume- rolles. « Pour me faire comprendre, j'ai besoin de rappeler que M. De- ville y a distingué des fumerolles sèches, des fumerolles acides, des fumerolles ammoniacales, des fumerolles sulfhydrocarbo- niques, et des émanations carbonées. « Les premières sont caractérisées par la présence du chlorure de sodium, et par l'absence de la vapeur d'eau et des vapeurs acides ou alcalines. Elles correspondent au maximum d'intensité volcanique. On les rencontre sur la lave encore incandescente. «La seconde espèce de fumerolles se reconnait à lacidité des — 330 — vapeurs émises, formées d'acide sulfureux, d'acide chlorhydrique, de chlorures de fer, avec accompagnement d’une grande quantité de vapeur d’eau. « Les fumerolles de la troisième espèce sont souvent alcalines et renferment les chlorydrate et carbonate d’ammoniaque. «Enfin, les dernières contiennent principalement l'acide sul£ hydrique, l'acide carbonique et même le gaz des marais. « Celles-ci corréspondent au minimum d'activité volcanique; les deux espèces précédentes, aux degrés intermédiaires. « J'ai constaté à l’'Etna la présence de ces quatre variétés de fu- merolles, et dans l’ordre indiqué précédemment. Les fumerolles sèches, dont J'ai condensé les produits, se trouvent sur la lave encore incandescente; les fumerolles acides, dans les points où la tempé- rature est supérieure à 400 degrés; les fumerolles alcalines, dans des points où la température est inférieure à celle-ci, mais géné- ralement supérieure à 100 degrés; enfin, j'ai reconnu la présence de l'acide carbonique dans un ancien cratère très-voisin (le Con- cone), où la température ne dépassait pas la température ordinaire. «J'aurais vraisemblablement encore retrouvé l'acide carbonique au fond de la fissure creusée entre les cônes actuels et le monte Frumento, mais il était trop dangereux de descendre dans cette crevasse profonde, à demi recouverte de neige; j'ai dû momenta- nément y renoncer. «Non-seulement, quand on s'éloigne du centre d’éruption , on rencontre les fumerolles dans l’ordre précédemment indiqué, — ce que j'ai constaté par de nombreuses analyses faites sur place, — mais encore sur une même coulée de lave (coulée d’Antonio), j'ai eu le bonheur de pouvoir montrer à M. Sylvestri, professeur de chimie à l’Üniversité de Catane, qui me faisait l'honneur de m'ac- compagner, au centre de la coulée, des fumerolles sèches, plus près du bord, des fumerolles acides, et, tout à fait au bord, des fumerolles alcalines. «Les trois variétés de fumerolles se trouvaient ainsi sur une même section transversale d’une coulée, à moins de 5o mètres de distance l’une de l’autre, avec la température et la composition chimique que leur assignait leur situation. « Dans toutes ces fumerolles, quelles qu'elles soient, l'air atmos- phérique qui accompagne les vapeurs est toujours dépouillé d’une partie de son oxygène; il n’en contient plus généralement que 18 — 931 — = à 19 pour 100, et dans certaines fumerolles alcalines la propor- tions d'oxygène peut encore s'abaisser au-dessous de ce chifire. « D'abord je dois signaler dans l’éruption actuelle labsence singulière, mais très-nette, du soufre et de tous ses composés. Nulle part sur la lave je n’ai senti l'odeur si caractéristique de l'acide sulfureux; nulle part je n'ai vu noircir le papier à l’acétate de plomb; enfin les matières volatilisées qui recouvrent les blocs de lave, traitées, après dissolution dans l’eau distillée, par le chlorure de baryum, ne m'ont pas donné de précipité sensible. « En un mot, l'érupüon actuelle, quand on considère les pro- duits de volatilisation qu’elle fournit, est caractérisée (au moins Jusqu'à présent), dans tous ses degrés, par les composés du chlore, et, tandis que Île soufre et ses composés manquent totalement, on trouve en abondance le chlorure de sodium, le chlorure de cuivre, l'acide chlorhydrique, les chlorures de fer, le chlorhydrate d’am- moniaque |. « J'aurais désiré étudier les produits volatils des cratères, mais l'abondance des pierres et des fragments de lave lancés en l'air à chaque instant, dans toutes les directions et à de grandes hau- teurs, en rendent encore l'approche impossible. « Cependant je puis aflirmer que le centre d'activité de lé- ruption actuelle se trouve aujourd'hui dans la partie la plus basse de la grande enceinte volcanique qui s'est formée, et que les trois cratères les plus voisins du Frumento sont moins actifs que les quatre autres. « En effet, tandis que ces derniers projettent dans l'air de la lave liquide, incandescente en plein jour, et émettent une fumée presque incolore, les trois bouches supérieures ne lancent que de la lave solidifiée, des pierres noires, et donnent une fumée épaisse chargée de vapeur d'eau et de cendres d'un brun foncé. Les fumées incolores me paraissent correspondre aux fumerolles sèches de la lave, les fumées noiratres aux fumerolles aqueuses des périodes suivantes. « Les quatre cratères inférieurs délonnent aussi autrement que les trois autres. « Ceux-ci produisent, environ deux ou trois fois par minute, de l Dans une lettre postérieure, l'auteur annonce que les composés relatifs du soufre ont fait aussi leur apparition. — 9332 — très-fortes détonations, ressemblant au roulement du tonnerre. Les cratères inférieurs, au contraire, font entendre sans cesse une série de bruits tellement redoublés, qu’il est impossible de les compter. Ces bruits se succèdent ainsi sans trêve ni repos; ils sont éclatants, distincts les uns des autres. Je ne puis mieux les com- parer qu'au bruit produit par une série de coups de marteau tombant sur une enclume. Si les anciens ont entendu semblable bruit dans une antique éruption, je conçois fort bien comment l’idée leur est venue d'imaginer une forge au centre de l'Etna, avec des cyclopes pour ouvriers. « Je n'ai rien encore d’important à dire sur la composition de la lave. Elle est noire, riche en pyroxène, fort attirable à l’aimant. Je me réserve de l’étudier plus tard. « Quant au cratère central'de PEtna, depuis le commencement de l’éruption il produit d’épaisses fumées blanches qui couvrent continuellement son sommet, et l'abondance de ces fumées paraît augmenter les jours où les cratères présentent aussi le plus d’acti- vité, comme si la poussée intérieure se faisait sentir simultané- ment des deux côtés. « Pour aider à suivre les descriptions que je viens de faire, je joins à ma lettre un fragment de la belle carte de Walters- hausen, sur lequel on a représenté approximativement l’état de l'éruption à la date du 6 février. J’y joins, en outre, deux croquis faits par mon ami M. Berthier, qui, malgré le mauvais temps et le ciel presque toujours couvert, a déjà pu faire quelques belles photographies, et en qui j'ai trouvé, non-seuleinent un artiste habile, mais encore un compagnon de voyage intrépide. En cer- tains moments, nous avons eu besoin de tout notre courage pour nous soutenir contre les difficultés des lieux et du climat. » Ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de le dire à Votre Excellence, j'étais de retour à l'Etna le 12 avril. La saison était devenue plus douce, les pentes de la montagne élaient en grande partie dégagées du manteau de neige qui les couvrait naguère, et j'ai vu avec plaisir que j'allais pouvoir cir- culer en toute liberté autour du foyer d’éruption. Pour en facili- ter l’étude et éviter les pertes de temps, j'ai fait immédiatement construire dans le voisinage des cratères une hutte avec des mor- ceaux de lave et des branchages de pin. La cabane en ruines, où six semaines auparavant J'avais passé des nuits si froides avec mes Cratère n° 4. Cratère n° 3. Cratère n° 2. Cratère n° 1. Crat. n° 5, Crat.n° 6. Crat, n° 7: din nmsmmmf—-mmm mm mm me — 333 — compagnons, était encore à trois heures de marche des cratères, bien qu'elle en fût l’habitation la plus rapprochée.Enfaisantins- taller un abri plus voisin, je réalisais chaque jour une économie de cinq ou six heures de marche pé- nible. Depuis le 13 avril jus- qu’à ce jour, je ne l'ai plus quitté, sauf un seul jour où un incendie nous a forcés de déménager à la hâte. Mais le lendemain la hutte était reconstruite et tout le mal réparé. Dans ces conditions, j'ai donc pu étudier à loi- sir toutes les manifesta- tions de l’érupüon, et je viens aujourd’hui vous en rendre uncomptedétaillé, du moins en ce qui touche la partie mécanique et to- pographique des phéno- mènes. Je traiterai succes- sivement des nouveaux cratères, de la fissure dé- terminée par l’éruption et de la coulée de lave qui s'en échappe encore. Étude des cratères. L'aspect général des cratères s'est modilié; cependant il est facile, — 334 — malgré ces changements, d'en reconnaître la disposition pri- mitive. | EP Ils sont toujours au nombre de sept principaux, situés sûr un même axe, dirigé sensiblement vers le milieu du monte Frumento et vers le point culminant de l’Etna. Le cône le plus rapproche de la base du monte Frumento, qui, sur son revers, porte deux cratères {cratère n° 6 et cratère n° 7 de la figure ci-jointe), n'a subi aucun changement. Il est facile de se rendre compte de cette particularité, en re- marquant que ces deux cratères ont cessé complétement, depuis le 20 mars, de donner aucune projection; et, par suite, de nou- veaux matériaux ne s’accumulant plus sur les pentes du cône qui les porte, il n'y a plus de raison pour qu'aucun changement de forme s’y manifeste. Tous les autres cratères ayant, au contraire, gardé leur activité, ont subi des modifications plus ou moins no- tables. | Le cratère n° 5, le plus rapproché du précédent, situé au sommet d’un cône naguère profondément échancré vers le nord- est, a complété son rebord. Le cône dans les flancs duquel il est creusé offre toujours, vers le sud-ouest, un bord élevé qui forme encore aujourd'hui le point culminant du système, et, vers le nord- est, une échancrure; mais cette échancrure n’est plus qu’une simple dépression, et, de ce côté, le cône n’est plus entaillé jusqu'a sa base, comme il l'était dans la première période de l'éruption. La hauteur a peu changé; elle est de 42 mètres au-dessus du pied de cette fissure si remarquable qui, partant du monte Fru- mento, vient aboutir près des cratères. À l’ouest, elle est de 66 mètres, et à l’est de 67 mètres au-dessus de sa base. Le sommet du cône précédent est à peu près au même niveau; il est plus bas de quelques centimètres seulement. Le cratère n° 1, le plus éloigné du monte Frumento, se trouve situé à un niveau beaucoup plus bas. Du côté nord-est, c’est-à- dire du côté de la pente de la montagne, sa base est inférieure de 62 mètres à celle du: cône le plus éloigné du côté opposé, ce- lui qui porte les cratères n° 6 et n° 7. Le cône qui renferme ce cratère possède une hauteur de: 87 mètres au-dessus de sa base du côté nord-est, et de 78 mètres seulement du côté est. C'est, de tous les cônes, le plus élevé au-dessus de sa base; et — 335 — cette élévation maxima s'explique quand on songe que c'est la le point où l’éruption présente depuis longtemps son maximum d'intensité. C’est là que les projections de lave, solide ou liquide, ont été les plus fréquentes. Cependant, à cause de son niveau, re- lativement plus bas, il paraît, au premier abord, moins haut que les cônes situés du côté opposé. Dans la première période de l’éruption, ce cône était imcom- plet ; il présentait une large ouverture du côté sud-ouest. Aujour- d’hui cette ouverture est, en grande partie comblée et réduite à une simple échancrure. Les trois cratères intermédiaires, n°% 2, 3 et 4, ont subi des changements encore plus profonds : tous les trois étaient à peu près complétement dépourvus de parois élevées du côté nord-ouest; mais chacun d'eux était borné, du côté sud-est, par un amas de matières rejetées, et tous ces amas réunis formaient une espèce de muraille ondulée limitant de ce côté la grande enceinte ellip- tique que J'ai décrite dans ma première lettre. Aujourd’hui ces cratères se sont isolés. Le plus inférieur {le n° 2) est actuellement au sommet d’un cône presque régulier. Les deux autres sont placés à côté l’un de l’autre, au milieu d’un cône éga- lement complet, quoique plus irrégulier. Ainsi on peut dire, d’une façon générale, que les cratères de . l'éruption actuelle, qui, dans les premiers mois de leur produc- üon, n'avaient qu'un cône incomplet, une moitié de cône, sont aujourd’hui pourvus d’un rebord circulaire à peu près entier. Les demi-cônes existant dans la première période de léruption se liaient les uns aux autres d’une façon continue, et tournaïent tous leur concavité vers un point central situé au milieu du système. Par suite, il en résultait cette apparence singulière d'une grande enceinte elliptique, dans l’intérieur de laquelle tous les cratères étaient creusés. Les deux plus rapprochés du monte Frumento, étant, au contraire, placés sur le revers de l'enceinte, faisaient seuls exception à cette règle. Aujourd’hui nous avons une série de cônes contigus, mais dis- üncts. La ligne qui joint leurs sommets n’est pas une ligne rigou- reusement droite, c'est une ligne courbe très-allongée, et par conséquent très- voisine de la ligne droite. Cette ligne prolongée passe loujours, à quelques degrés près, par l’axe du monte Fru- mento et du cratère central de l'Etna. — 330 — On serait volontiers tenté d'expliquer le changement opéré dans la formes des cratères, en remarquant que, dans les pre- miers temps de l’éruption, le vent a soufflé presque constamment de l’ouest vers l'est, et que, depuis six semaines, ce sont les vents de direction opposée qui ont dominé. D’après cela, en effet, il ne serait pas étonnant que les matières rejetées par les bouches volcaniques se fussent d’abord accumulées vers l’est, de manière à former des demi-cônes de ce côté des ori- fices, et qu'ensuite ces mêmes matières, poussées par le vent du côté opposé, eussent fini par constituer des cônes complets autour de chaque bouche. Mais cette explication, qui s'applique à per aux cratères intermédiaires, n°* 2, 3 et 4, ne convient plus quand il s’agit, par exemple, du cratère n° 1, dont l’échancrure était tournée vers le sud-ouest, pas plus qu’au cratère n° 5, dont la paroi était ou- verte dans la direction contraire. | Je crois plutôt que, au commencement de léruption, les ma- tières lancées par les bouches et Lombant vers l’ouest étaient en- traînées, au fur et à mesure de leur chute, par les courants de lave qui sortaient de ce côté. Depuis ce moment, la lave liquide s'étant frayé un chemin souterrain et ne paraissant plus au jour qu'au bout d’un certain espace, les débris accumulés autour de chaque cratère ont pu prendre une forme conique régulière. On peut encore ajouter la raison suivante : L’éruption a commencé par une ouverture du sol, par une fissure sur laquelle tous les cratères sont échelonnés. Or, dans l'origine, la lave et les produits volatils enfermés dans l’intérieur du sol et soumis à d'énormes pressions, sont sortis avec violence par tous les points de cette ouverture. Cependant elle s’est bientôt obstruée en partie, et la sortie des matières fluides ne s'est plus faite que dans une portion de son étendue. Cette portion est préeisément la région des cratères, et princi- palement la partie comprise entre le cratère n° 1 et le cratère n° 5. Dans cet intervalle , les matériaux fournis par la fissure , étant très-violemment chassés au dehors, ne pouvaient s’accumuler entre les bouches trop actives et trop rapprochées les unes des autres. Les débris rejetés devaient donc former une enceinte elliptique autour de la ligne d'ouverture, et non des cônes distincts et isolés. — 337 — Maintenant, les deux raisons précédemment données, savoir celle de la direction particulière du vent et celle du passage de la lave vers l’ouest, suffisent pour expliquer comment cette enceinte s’est trouvée incomplète vers l’ouest !. Depuis lors, l’action volcanique s’est affaiblie, la portion de la fissure qui était ouverte s’est obstruée peu à peu, et les bouches des cratères se sont de plus en plus limitées; elles n'étaient d’abord que les points principaux d’une ouverture linéaire, elles sont de- venues chacune un petit orifice isolé. À partir de ce moment, cha- cune d'elles s’est trouvée dans les conditions où se trouvait aupa- ravant toute la portion ouverte de la fissure, et, par suite, possède actuellement une enceinte spéciale, c’est-à-dire un cône d’éruption. Après avoir étudié les variations de forme des cratères et de leurs annexes , voyons les variations qu'ils ont présentées, du 19 mars au 20 mai, dans leur degré d'activité. Les cratères n°® 6 et 7, les plus rapprochés du monte Frumento, lesquels fournissaient de si abondantes fumées pendant tout le mois de février et le commencement de mars, ont cessé de rien produire dans l'intervalle du 15 au 20 mars. Depuis lors, ils sont complétement éteints, et le sommet du cône qui les porte pré- sente seul quelques fumerolles sulfhydriques, sur lesquelles je me propose de revenir. Le cratère n° 5 a également beaucoup perdu de son énergie volcanique. Quand je l'ai revu le 13 avril et pendant les six jours suivants, il ne donnait que de rares fumées blanches formées principalement de vapeur d’eau. Le 19 avril, il a repris subite- ment une certaine activité; il fournit actuellement des vapeurs sulfureuses et chlorhydriques, et lance des pierres incandescentes qui forment, dans l'obscurité de la nuit, des gerbes de feu riva- lisant pour l'éclat avec les bouquets des plus beaux feux d’arti- fice. Ces pierres, lancées à de prodigieuses hauteurs, retombent sur les flancs du cône et le couvrent, pendant quelques minutes, de brillantes étoiles. De telles projections accompagnées de détonatidns violentes se produisent environ toutes les cinq ou six minutes. 1 1] existe encore une raison plus péremptoire de ce dernier fait, tirée de la disposition de la fissure. J'en parlerai plus loin, en décrivant cette importante déchirure du sol. MISS. SCIENT. — II. 22 — 338 — Cette recrudescence du cratère n° 5 s'explique tout naturel- lement par l'extinction à la même date du cratère n° 2. Celui-ci ayant subitement cessé de fonctionner, l’autre a sur-le-champ éprouvé un redoublement d'énergie. Dans les journées qui ont précédé le 19 avril, le cratère n° 5 produisait mollement et avec lenteur des fumées blanches acides, qui paraissaient sortir sous une faible pression dépassant à peine celle de l'atmosphère. Pen- dant ce même temps, le cratère n° 2 était au contraire le siége de détonations multipliées. Il projetait des pierres incandescentes, et offrait, en un mot, tous les caractères que présente actuelle- ment le cratère n° 5. Cependant, les fumées de ce dernier sont plus noires, ce qui tient, sans doute, à ce que les gaz et les va- peurs qui en proviennent doivent, avant de sortir dans l’atmos- phère, traverser une couche épaisse de fragments pulvérulents, dont une partie se trouve ainsi entraînée sous forme de cendres. 7 Dans les intervalles des détonations, le cratère semble éteint, ses parois seules, dans leurs parties les plus élevées, donnent quel- ques fumées acides; mais, au moment où une détonation com- mence, on voit les pierres qui garnissent le fond du goufre s’agiter tumultueusement, et bientôt un flot de fumée sort brusquement, en entraînant un Jet de pierres. Quant au cratère n° 1, ses détonations ont conservé leur ca- ractère de continuité: seulement, leur intensité a considérable- ment diminué, et, au lieu d’être accompagnées par ce bruit de martelage si remarquable des premiers temps, elles n’offrent plus qu’un violent sifflement, semblable à celui d’un jet de vapeur sor- tant d’une chaudière à haute pression. Les projections de pierres s'y produisent encore, mais elles ne dépassent guère le bord du cratère. Les fumées qui en sortent sont blanchàtres, épaisses, for- tement acides, chargées d’acides sulfureux et chlorhydrique, de chlorure de fer et de chlorhydrate d’ammoniaque. Les parois du cône sont revêtues d’une couche épaisse de ces deux sels. En montant au sommet de ce cône, J'ai constaté avec surprise l'énorme volume qu'ont dû présenter les blocs de lave liquide lancés par le cratère dans les premiers temps de l’éruption. En effet, ces masses de lave, en retombant sur les flancs du cône, s’y sont appliquées et aplaties. Aujourd’hui on y trouve par suite, à chaque pas, des espèces de galettes de lave solidifiée, larges d’un à deux mètres. — 339 — Le 13 avril, les cratères n° 3 et n° 4 étaient déjà complé- tement éteints. Chacun d'eux n’a qu'une seule bouche. Le cratère n° 1 présente deux bouches situées sur une ligne faisant un angle de quarante-cinq degrés environ avec l'axe gé- néral des cratères. Les cratères n° 2, n° 5, n° 6 et n° 7 en ont chacun trois très- rapprochées en triangle au fond de leur cavité. Enfin , pour terminer ce qui est relatif à la topographie de cette portion centrale de l’éruption, il me reste à parler d’un petit cra- tère n° 8, situé au nord-ouest des cratères n° 6 et n° 7, en con- tact avec eux, et sur la ligne droite qui en joint les centres. Ce petit cratère est en connexion évidente avec les deux pré- cédents. Entre lui et son voisin, le cratère n° 7, il existe une large crevasse, qui a régulièrement entaillé la face externe de ce dernier. Ce cratère n° 8 est éteint depuis longtemps. Ses manifesta- tions avaient déja complétement cessé quand je suis arrivé à l'Etna le 23 février. I n’a donc fonctionné que dans les premiers temps de l’éruption. Étude de la fissure. J'arrive maintenant à la partie la plus intéressante des faits que J'ai observés, c’est-à-dire à l'étude de la fissure, dans la portion su- périeure aux cratères, là où elle a conservé sa forme primitive. Cette déchirure si remarquable du sol est actuellement débar- rassée de la neige qui la remplissait naguère presque entièrement, et j'ai pu, avec le plus vif intérêt, en observer toutes les particu- larités. Quand on la suit, à partir de son extrémité inférieure, on trouve qu’elle commence au contact du cône n° 6, en un point dont l’altitude, calculée au moyen d'observations barométriques, est de mille six cent quatre-vingt-huit mètres; elle se dirige de là vers le milieu de la base du monte Frumento, qu’elle échancre même sur une longueur d'environ cinquante mètres. Le niveau du sol à son extrémité supérieure est de mille huit cent quatre mètres; sa longueur totale est de cinq cents mètres. Ses bords sont très-irréguliers, et, malgré cela, sa largeur varie peu dans toute l'étendue de son parcours; elle semble s’élargir 22, en SN pour former une espèce de delta qui embrasse la base des cratères; mais cette apparence tient uniquement à la lave qui en est sortie, et qui s'est étalée en arrivant vers les points les plus bas. En plusieurs points, elle est encombrée par d'énormes blocs de lave qui s’y sont solidifiés. Dans d’autres, ce sontles laves anciennes constituant ses parois qui se sont écroulées et sont venues la remplir en partie. Chaque jour, quelques-uns de ces blocs se détachent et tombent au fond de sa cavité. Pour ces raisons, sa profondeur est très-variable; actuellement, sa profondeur moyenne est de deux à trois mètres; en quelques points seulement elle atteint cinq à six mètres. Dans les premiers temps de l’éruption, elle était bien plus considérable. Au-dessus du point où la fissure semble se terminer à la base du monte Frumento et sur son prolongement, se trouvent encore trois cavités circulaires, dont le diamètre est de trois à quatre mètres, la profondeur de deux mètres, et qui sont éloignées seu- lement de quelques mètres les unes des autres. À partir de là, sur toute la portion moyenne du flanc du monte Frumento, la confi- guration du sol semble n'avoir éprouvé aucun changement; mais dans le tiers supérieur de la montagne, la fissure reparaît; seule- ment elle y présente un aspect particulier. C’est un enfoncement du sol, à pic sur ses bords, large de trente à quarante mètres, pro- fond de un à deux mètres, ou ce qu'on appelle généralement une faille. | En atteignant le bord du cratère du monte Frumento, cette faille s’élargit; elle acquiert, en ce point, une largeur de soixante et seize mètres, et devient en même temps profonde de 2",50. Puis elle se continue sur le cratère même du monte Frumento, jus- qu’au centre de ce cratère, où elle forme une dépression circu- laire dont le diamètre est d'environ dix mètres, et la profondeur d’un mètre. Cette dépression est taillée à pic, comme si elle était faite à lemporte-pièce. Dans tout le parcours de la faille, ses bords sont accompagnés de nombreuses crevasses, larges de trente à cinquante centimètres, très-profondes et parallèles entre elles. À partir de ce point central, la faille continue encore jusqu’à l'autre bord du cratère du monte Frumento, et même sur l’autre — 5h41 — revers de cet important cône volcanique; mais elle y est moins marquée, et n’est plus enfoncée que de quelques décimètres. Enfin, de l’autre côté, en face, on la retrouve sur le monte Concazze.sur une longueur d'environ soixante mètres, et là, elle offre même quelque chose de spécial. En effet, au bas du monte Concazze, dans le pli de terrain compris entre le monte Frumento et le monte Concazze, on trouve au milieu de la faille un enfon- cement du sol de forme circulaire, large de cinq à six mètres, profond de trois à quatre, fournissant d'abondantes fumées de va- peur d’eau, à une température voisine de cent degrés. Le point le plus élevé de la fissure se trouve situé à une alti- tude de deux mille deux cent vingt mètres. Jusque-là elle ne présente qu'une seule interruption, c’est sur la portion moyenne du flanc du monte Frumento; mais là encore on en trouve l'indication. En effet, dans tout cet intervalle, le flanc de la montagne est couvert de fumerolles à vapeur d’eau, semblables à celles qui existent plus bas et plus haut, dans la fissure elle-même. La température de ces fumerolles varie entre soixante et quatre-vingts degrés, elles sont parfaitement neutres au papier à réactif. Leur présence en ce point montre d’une façon très-nette l'existence d'une température élevée à une faible pro- fondeur. L’éruption actuelle a donc ouvert et fendu en deux le monte Frumento. Si l’on regarde les cratères actuels comme implantés sur la fissure, on trouve qu'a partir de sa portion la plus basse, c’est-à- dire depuis le pied du cône n° 1 jusqu’à sa partie la plus élevée, à la partie inférieure du monte Concazze, elle présente une lon- gueur d'environ deux kiiomètres. Entre ses points extrêmes, la différence de niveau est de cinq cent quatre-vingt-quinze mètres. Enfin elle a peut-être été encore plus étendue au commence- ment de l’éruption; car, de l’autre côté du cône n° 1 on trouve au milieu de la lave, sur une longueur de quatre cents mètres, une profonde dépression, large d'environ trente mètres, ressem- blant à une route profondément encaissée. Elle est malheureuse- ment recouverte d’une couche épaisse de cendres, qui empêche de savoir précisément si c'est une continuation de la fissure, ou si c'est simplement l'emplacement de la portion médiane d'un vaste courant de lave, ayant coulé dans les premiers temps de — 312 — l'éruption. Ce qui tendrait à faire adopter la première opinion, c'est que, à sa partie supérieure, elle est comprise entre deux énormes prolongements du cône n° 1, ressemblant à des contre- forts, et dont il est tout à fait impossible d'attribuer l’origine à la formation d’un courant de lave. | Si l'on adopte cette opinion, la région des cratères ne serait pas située tout à fait à la partie inférieure de la fissure; elle en serait distante d'environ quatre cents mètres. | Cette portion centrale de l’éruption présente encore quelque chose de particulier, sur lequel je veux appeler votre attention. La fissure, au lieu d'y être simple comme dans le reste de son étendue, y possède deux ramifications transversales. La première se trouve dans la partie la plus élevée des cratères : c’est sur elle que sont ouverts les cratères n° 6, n° 7 et n° 8. La seconde, moins importante que la précédente, est située à l'autre bout de la région; elle porte le cratère n° 1 avec ses deux bouches. C’est cette disposition de la fissure principale et de ses deux ramifications qui, dans les premiers temps, donnait au foyer central de l’éruption actuelle l'apparence d’une grande enceinte ouverte vers le nord-ouest, et qui donne encore actuellement à la ligne des cônes la figure de la lettre E ouverte dans la même di- rection. Enfin, en observant les alentours de la fissure dans sa portion comprise entre la base du monte Frumento et le cratère n° 6, on arrive à obtenir de curieux renseignements sur le début de l'éruption. L'emplacement sur lequel elle s’est faite était couvert d’une haute futaie de pins, et ce sont ces arbres qui vont nous servir à présent à faire un récit exact de son commencement. Quand on considère des terrains d’origine sédimentaire, on a, pour se guider dans leur étude, une foule de débris animaux et végétaux, qui se trouvent dans les couches constituant le sol, et servent, comme des médailles, à retracer l’histoire des époques anciennes de la vie du globe terrestre. Mais, généralement, pour les phénomènes d’origine ignée, ces précieux témoins manquent entièrement, et l'on est ré- duit à de simples conjectures plus ou moins hasardées, toutes les fois que les phénomènes en question n'ont pas eu lieu sous les yeux d’observateurs compétents. Dans le cas actuel, nous avons les analogues des fossiles, et les arbres à demi carbonisés par la * : — 343 — lave vont nous indiquer la marche de l'éruption, au moment où les explorateurs y manquaient encore. Ceux de ces arbres qui sont situés sur les bords de la fissure, tout près de la base du monte Frumento, sont carbonisés à leur base sur une hauteur de deux à trois mètres, ce qui prouve que la lave en coulant s’est élevée à ce niveau. De plus, la carbonisation n’atteint pas généra- lement le centre de l'arbre, ce qui montre encore que le contact avec la lave incandescente et fluide n’a duré qu'un temps assez court, sans quoi l'arbre aurait fini par disparaître comme ceux qui, plus bas, se trouvent chaque jour englobés dans les courants de lave. La pente du terrain étant très-forte (elle est de vingt-sept degrés), la lave liquide s’est rapidement écoulée, et le sol y est revêtu actuellement d’une couche solidifiée qui n’a que quelques décimètres d'épaisseur. | Ainsi donc, au début de l’éruption, un véritable flot de lave liquide, très-fluide, est sorti brusquement par la partie de la fissure ouverte à la base du monte Frumento, et s'est rapidement écoulé. En même temps, il y a eu projection violente d’une masse con- sidérable de gaz et de vapeurs, entraînant à de grandes hauteurs des fragments de lave liquide assez incandescents pour retomber avant solidification. Quelques-unes de ces masses, tombant au mi- lieu des branches d'arbre, s’y sont arrêtées, et l’on trouve actuelle- ment au faîte des pins, au milieu des branchages à demi brisés, des morceaux-de lave moulés sur les contours de l'arbre. Plus bas, la pente étant moins forte, la lave liquide a ralenti sa marche et s'est accumulée sur une plus grande hauteur; aussi, les arbres sont-ils carbonisés à des hauteurs de trois et quatre mètres au-dessus du niveau actuel de la lave solidifiée. Cependant, cette lave, qui les entourait, était assez liquide pour se mouler parfai- tement sur leur contour, prendre toutes les empreintes de l'écorce et leur former une espèce d’étui en se refroidissant. Tous les _ arbres enveloppés ainsi dans la lave ont eu de la sorte un étui protecteur, qui les a garantis du contact immédiat de la lave li- quide pendant qu’elle continuait à couler tout autour. Mais, l'étui étant lui-même doué d’une haute température, il est arrivé sou- vent que l'arbre a continué à brüler, et, aujourd’hui, l’étui reste seul, ressemblant à ces Luyaux bitumés que l'on emploie à Paris pour la conduite du gaz. Souvent aussi la combustion de l'arbre — 34h — a été incomplète, il y a eu seulement carbonisation plus ou moins avancée, et nous retrouvons un grand nombre de ces arbres en- .core debout, quoique charbonnés à la base et revêtus de leur en- veloppe protectrice. L’étui de lave a ordinairement une épaisseur de dix à vingt cen- timètres; sa surface extérieure est rugueuse, sa surface intérieure représente le moule de l'arbre. Du côté opposé à la pente du ter- rain, la lave en fusion arrivant de la partie la plus élevée de la fissure s'est accumulée en plus grande quantité contre l'arbre, et il en résulte que l’étui, au lieu de présenter son épaisseur nor- male, y offre vers l'extérieur une saillie prismatique ressemblant à ces arêtes en forme de coin, que l’on établit en avant des piliers des ponts, pour les protéger contre le choc des glaces. | Un autre fait non moins curieux est encore arrivé dans un très- grand nombre de cas. L’étui de lave, quelque temps après sa soli- dification, s’est souvent fendillé et réduit en fragments, lesquels ont été ensuite entraînés par le courant. Alors l'arbre est resté-à nu, et les blocs de lave solide, transportés et roulés à la surface de la matière fondue, sont venus le frotter et le rayer en passant. Les arbres qui se sont trouvés dans ce cas sont donc couverts de stries et de raies parallèles, inclinées sensiblement suivant la pente du terrain. Ges stries ressemblent énormément à celles que l’on observe sur les rochers qui encaissent les glaciers, et leur mode de formation est, comme on le voit, tout à fait analogue. De plus, leur disposition montre que le niveau de la lave a dû s’abaisser rapidement, car elles sont régulièrement distribuées sur toute la portion de l'arbre qui a été ensevelie dans le liquide incandes- cent, tandis que, si le courant avait gardé longtemps le même ni- veau, une certaine portion de la surface de l'arbre serait beau- coup plus usée et rayée que le reste. La lave a donc jailli d’abord de la base du monte Frumento, * mais, probablement, au bout de quelques heures, le siége prin- cipal de l’éruption était déjà établi dans les points où il s’est main- tenu depuis, et la lave n’est plus sortie que du voisinage des cratères. Étude de Ja lave. Je vous ai indiqué précédemment la formation rapide de la coulée principale, celle de la Golla Vecchia, et essayé de vous — 345 — donner une idée de la vaste étendue de terrain envahie par Îles courants de lave jusqu’au 6 mars. | Je vais maintenant vous faire connaître leurs progrès nouveaux ; car leur marche dévastatrice, ralentie un moment, n’a jamais cessé, et aujourd'hui même elle semble avoir repris un nouveau degré d'énergie. Du côté de l'est, il y a eu peu de changements. La grande cou- lée de la Colla Vecchia n’a plus subi aucune modification, si ce n’est du côté sud-est, où elle a fourni une petite dérivation dans un ravin voisin de la Serra della Boffal, nommé Cava degli Elici. Les coulées Antonio et Carmelo, comprises entre le monte Stor- nello et le monte Crisimo, n’ont pas changé non plus. Mais à l’ouest l'étendue de terrain nouvellement couvert par la lave est très- considérable. Il s’est formé plusieurs courants, dont le principal a envahi tout l’espace compris jusqu’au pied des Due Monti. Une de ces ramifications continuant sa marche à l’ouest du monte Crisimo, a pénétré dans le ravin de Linguagrossa, et menacé, pendant plusieurs jours, le territoire de cette commune. Cette coulée s’est arrêtée le 4 avril; mais, à côté d’elle, il s’en forme chaque jour de nouvelles, et, la nuit, l’espace compris entre les cratères et les Due Monti présente l'aspect d’une véritable plaine de feu. La sortie du liquide incandescent est donc loin d’être terminée, et, bien que l’activité des cratères ait notablement diminué, Je ne doute pas que les nouveaux courants de lave n'arrivent encore à couvrir une très-vaste étendue de terrain. L’envahissement a lieu actuellement dans le piano di Ranno, au nord-ouest des Due Monti, et autour du monte Cavacci, qui forme déjà un ilot au milieu de la lave. Ainsi l’'éruption actuelle dure depuis plus de trois mois, les cra- tères ont perdu une partie de leur activité, mais sont encore le siége de phénomènes volcaniques importants, et l'écoulement de la lave semble se produire avec une intensité nouvelle. Par conséquent, à tous les points de vue, l’éruption de 1865 est peut-être la plus remarquable de toutes celles qui ont eu lieu à l'Etna depuis cinquante ans. Les fameuses éruptions de 1832 et ! Serra Buffa de la carte de Waltershausen. — 3416 — de 1852, quiont attiré en Sicile des savants de tous les points de l'Europe, ont été certainement moins importantes et surtoutmoins dignes d'intérêt. Quant à celles du Vésuve, elles sont bien peu de chose, si on les compare à ces gigantesques manifestations de l'Etna. | | Avant de terminer cette lettre j'ajouterai encore quelques considérations sur le mode de formation des coulées de lave, m'étant trouvé dans des circonstances favorables pour en faire une étude attentive; bien que je ne me dissimule pas que cette étude ne puisse ajouter que fort peu de chose à l'analyse si com- plète que M. Élie de Beaumont a faite de ces phénomènes 1. Quand un champ de lave est entièrement formé, les courants s’y étant superposés dans toutes les directions, il est difficile dy re- connaître un ordre quelconque; mais, quand on assiste à la forma- tion des coulées, tout change d’aspect pour l'observateur, et alors la plus grande régularité remplace un désordre apparent. Une coulée se compose, en effet, de trois parties : un courant principal qui en occupe le milieu, et deux moraines latérales. Le courant principal contient seul de la lave liquide, laquelle coule sur le sol, dont elle est séparée ordinairement par un lit de blocs solidifiés qu’elle entraîne en avançant. Souvent aussi, au- dessous du lit de matières fondues, il se développe des gaz et des vapeurs qui soulèvent la masse visqueuse de manière à laisser des cavités plus ou moins considérables au-dessous d'elle, après solidi- fication. Ordinairement, le courant de lave fluide donne naissance à une roche compacte, quand il se refroidit sur une pente qui n’est pas trop forte. Avant de se solidifier entièrement, il progresse, en se refroidis- sant à la surface, de manière à présenter une croûte extérieure solide, tandis que toute sa masse intérieure est encore à l’état li- quide. Puis, le mouvement de transport continuant, la croûte formée se brise, et ses fragments, d’abord anguleux, deviennent peu à peu arrondis par suite du frottement qu’ils exercent les uns sur les autres. Ainsi donc, dans le courant principal, on peut distinguer trois parties superposées : 1° Un lit de blocs de lave roulés; ! Recherches sur le mont Etna. (Annales des Mines, 3° série, t. IX et X). ne 2° Une couche de lave liquide ps devient compacte en se re- froidissant ; | 3° À la surface du courant, un autre lit de blocs de lave angu- leux ou roulés, suivant la distance à laquelle ils ont été trans- portés. Quant aux deux moraines er Su elles résultent du dépôt progressif de ces blocs de chaque côté du courant principal. En effet, les pierres charriées à la surface de 1a lave liquide dévient bientôt à droite ou à gauche, et, en tombant de chaque côté du courant principal, constituent deux moraines latérales. Dans le voisinage du point d’origine d’une coulée, ces moraines n'existent pas encore, et, à sa terminaison, elles se confondent avec le courant principal, qui, recouvert de blocs, y forme une véritable moraine terminale. C’est donc dans la portion moyenne du parcours d’une coulée que la disposition normale s’observe avec le plus de facilité. Enfin, quand un courant ainsi constitué s’est arrêté et qu'il semble refroidi, un autre cas se présente encore fréquemment. IL arrive très-souvent, en effet, que la solidification de la lave n'est que superficielle; l’intérieur de la masse du courant princi- pal reste longtemps liquide, et alors, surtout si la pression inté- rieure vient à augmenter par la production d’une nouvelle quan- tité de lave, la croûte solidifiée n'offre plus une résistance sufli- sante pour retenir le liquide pesant qu'elle contient : elle se brise à sa base, et un courant secondaire sort avec impétuosité. Le trou de sortie est ordinairement situé très-bas, à la partie terminale du courant primitif, ou encore latéralement, au pied d’une moraine. Ces courants secondaires ressemblent, pour leur mode de formation , aux courants d’eau que l’on obtient dans un système d “éclusage assez communément employé, et dans le- quel l’écluse est soulevée verticalement, de manière à offrir au liquide un orifice de sortie situé à la base du réservoir. Ces courants secondaires, que j'appellerai courants par éclu- sage, sortent quelquefois par un orifice net taillé à pic; alors leur surface ne charrie pas immédiatement de blocs solides, mais souvent aussi l’orifice de sortie est peu à peu entamé sur son pourtour, et la lave du courant secondaire charrie immédiate- ment les débris de la coulée qui lui a donné naissance. Dans tous les cas, celle-ci se vide du liquide qu’elle contenait; alors, — 318 — la surface du courant principal s’affaisse, la croûte qui la for- mait se brise en une multitude de fragments, et le courant prin- cipal se trouve profondément encaissé entre ses deux moraines latérales. Voilà ce qu’on observe le plus souvent. Cependant il peut en- core arriver que la couche compacte déjà formée à la surface du courant primitif soit assez solide pour ne pas se briser; alors elle présente une surface à peu près horizontale, située à un niveau plus élevé que celle du courant secondaire. En admettant que le fait puisse se reproduire plusieurs fois successivement, c'est-à-dire, que ce premier courant par éclusage puisse donner naissance à un second, celui-ci à un troisième, et ainsi de suite, on arriverait peut-être à expliquer la disposition singulière que présentent les courants de lave ancienne situés sur le penchant Nord-Est de l'Etna. Ces courants, dont les principaux sont ceux qui forment actuel- lement le lit des torrents de Linguagrossa, de Ghireto, de Mascali, de Torromio, de Pietrafissile et de Sant Alfio, ont coulé sur des pentes relativement assez considérables !, et sont constitués par de la lave compacte très-feldspathique. Tous présentent la structure si caractéristique des courants principaux, savoir : un lit de lave compacte entre deux nappes de blocs roulés, dont la supérieure a généralement été entraînée par les eaux. Je ne doute pas qu'ils n'aient été pourvus de moraines latérales, mais, ces moraines composées de roches roulées et brisées et, par suite, plus altéra- bles, ont été envahies par la culture, et le courant principal reste seul en évidence. Maintenant, ce qui frappe au premier abord, quand on les observe, c'est cette particularité, qu’au lieu de suivre la pente du terrain, la lave y est disposée en gradins successifs ressemblant aux marches d’un immense escalier. | Si l’on admet que chacun de ces gradins représente un courant par éclusage, on a immédiatement la raison de cette curieuse dis- position, Sans regarder l'explication précédente comme satisfaisant à tous les cas, je crois cependant qu’elle peut, bien souvent, servir à rendre compte du fait observé. 1 M. Élie de Beaumont évalue à huit degrés environ la pente moyenne des talus latéraux de l'Etna. (Ann. des mines, t. X, p. 564.) — 349 — À l'appui des indications contenues dans ma lettre, J'expédie aujourd’hui à Paris par les messageries impériales un tronc d'arbre rayé par la lave, avec son étui, renfermé dans deux caisses. Deux autres caisses, faisant partie du même envoi, contiennent des échantillons variés de lave et de produits sublimés dans les fume rolles. Je comptais encore joindre à ma lettre la carte de l’érup- tion, mais le temps me manque pour la tracer, et, bien que j'aie pris toutes mesures nécessaires, je suis forcé de remettre à plus tard la construction de ce plan, qui serait pourtant si utile pour l'intelligence de mes descriptions. Jusqu'à présent, j'ai parlé seulement des phénomènes phy- siques et mécaniques de l’éruption; il me reste à décrire les phé- nomènes chimiques, qui ne sont pas moins remarquables. Les fumerolles sont toujours le siége principal de ces derniers phénomènes. Elles forment quatre variétés distinctes, savoir : 1° Les fumerolles sèches, 2° Les famerolles acides, 3° Les fumerolles alcalines, . 4° Les fumerolles à vapeur d'eau, avec ou sans accompagne- ment de gaz carburés. J'ai déjà rappelé! les caractères distinctifs de ces quatre va- riétés; ils sont aussi nets et aussi tranchés que possible, et, le plus souvent, un simple coup d'œil jeté sur une fumerolle per- met de déterminer immédiatement la catégorie à laquelle elle appartient. Je regarde donc cette classification comme une des plus légitimes de toutes celles qui ont été établies en histoire na- turelle. Cependant les phénomènes naturels ont un caractère de con- tinuité dont les classifications les mieux ordonnées ne peuvent tenir aucun compte. C’est pourquoi, en étudiant les quatre va- riétés énumérées plus haut, on se trouve conduit, par l'observa- tion des faits, à voir les liens qui les unissent. J'aurai donc, non-seulement à vous signaler les modifications qu’elles ont éprouvées dans leur siége et dans leur degré de fré- quence depuis le commencement de l’éruption, mais encore la manière dont le passage se fait d’une catégorie de fumerolles à la catégorie suivante. | Page 329. — 350 — 1° Fumerolles sèches. — Elles manquent complétement aujour- d'hui dans la région des cratères. Le plus actif de tous, le cra- tère n° 1, est déjà arrivé à la seconde période, et n’est plus qu'une fumerolle acide. Mais, au début de l’éruption, pendant le mois de février, il n’en était pas ainsi. Ceux des cratères qui pré- sentaient le maximum d’action étaient encore à la période sèche: Le cratère n° 1, par exemple, donnait des fumées claires, trans- parentes, n’exhalant aucune odeur acide. Les parois étaient dé- pourvues de ce riche dépôt de chlorure de fer et de chlorhydrate d’'ammoniaque qui les couvre actuellement, et la lave fondue. qu’il projetait en abondance, à des distances énormes, témoignait de la haute température qui régnait dans l’intérieur, La réunion de tous ces faits divers nous montre donc qu’à cette époque il offrait tous les caractères des fumerolles sèches. Un autre fait bien curieux vient encore corroborer cette opi- nion. Les pierres qu'il projetait de tous côtés, au lieu de rougir le papier de tournesol humide, présentaient au contraire une réac- tion alcaline très-marquée, due à l’action d’un dépôt blanc, uni- forme, qui recouvrait la surface de chacune d'elles. Or le même dépôt blanc se retrouve exactement, avec tous ses caractères, à la surface des blocs de lave, aussitôt après la solidification des cou- lées, au moment où elles sont encore exclusivement le siége de fumerolles sèches. Si donc on le regarde, dans ce second cas, comme le produit de pareilles fumerolles, on doit aussi, dans le premier, lui attribuer la même origine. Ceci posé, permettez-moi d'entrer dans quelques details sur cette matière blanche si intéressante. Elle forme à la surface des pierres une couche d'environ un quart à un demi-millimètre. Sa couleur est d’un blanc pur. La texture est cristalline, mais les cristaux sont tous microscopiques, de telle sorte qu'à l'œil nu elle a l'apparence d’un dépôt pulvé- rulent légèrement agglutiné. Au goût, on dirait qu’elle est entière- ment composée de chlorure de sodium. L'eau la dissout sans résidu. L'analyse qualitative y fait facilement reconnaître la pré- sence du chlorure de sodium, du sulfate de soude, du carbonate de soude, et des sels de potasse correspondants. Ces derniers y sont bien moins abondants que les sels de soude, et, parmi ceux- ci, celui qui domine de beaucoup par sa quantité est le chlorure de sodium. | — 351 — On n’y trouve généralement aucune trace de sels de fer, ni de sels ammoniacaux. Dans les premiers temps de mon séjour à l'Etna, j'ai cru que c'était un produit d’efflorescence, et que les sels contenus dans les pores de la lave humide en sortaient par la dessiccation ; mais bientôt j'ai reconnu que ce dépôt apparaissait déjà sur la lave encore fortement chauffée, et que l'humidité de l'atmosphère n’entrait pour rien dans sa formation. Au contraire, après une pluie, je l'ai vu disparaître sans retour de tous les points qui avaient été mouillés. C’est donc un produit de volatilisation, et non un dépôt cristallin formé par efflorescence. Son alcalinité est due principalement au carbonate de soude qu’il contient. Ce sel y est en quantité suffisante pour qu'après dissolution et addition d’un peu d’acide acétique dans la liqueur on obtienne aussitôt un abondant dégagement d’acide carbonique. Pour peu qu'il y ait des fumerolles acides dans le voisinage, les carbonates ne tardent pas à se transformer en chlorures et en sul- fates. Alors l’alcalinité de la matière disparaît. Quand l'atmosphère devient humide, elle disparaît encore très-facilement, à cause de la solubilité considérable des carbonates alcalins. En constatant cette alcalinité du dépôt blanc des fumerolles sèches, et la présence du carbonate de soude, je me suis immé- diatement demandé comment, en condensant les vapeurs de ces fumerolles à l’aide d'appareils spéciaux, j'étais arrivé à obtenir seulement du chlorure de sodium, avec un peu de sulfate de soude, sans recueillir de carbonate. Mais, en réfléchissant au phé- nomène, J'ai pensé que cela tenait, sans doute, à la durée trop courte de mes condensations, et à la très-grande volatilité du chlorure de sodium, comparée à celle des autres sels. Le dépôt blanc trouvé à la surface de la lave pouvait être regardé comme le produit d’une distillation à haute température continuée pen- dant plusieurs jours, tandis que les condensations opérées par moi duraient à peine quelques heures. Voulant alors me rapprocher des conditions de la nature, j'ai installé un appareil condensateur sur une fumerolle sèche, dé- cidé à l'y laisser un temps suffisant pour pouvoir trancher la question ; et déjà, au bout de vingt-quatre heures, J'ai constaté sur les bords de l’entonnoir qui couvrait la fumerolle la présence in:- dubitable d’une petite quantité de carbonate de soude. Il y existait, — 352 — en même iemps, une proportion plus forte de sulfate de soude, et enfin les parois intérieures de l’entonnoir et de lallonge placée à la suite étaient revêtues d’une couche abondante de chlorure de sodium. L'hypothèse qui m'avait guidé pour faire cette expérience se trouvait ainsi pleinement justifiée. Les carbonates alcalins sont donc, aussi bien que les chlorures et les sulfates, caractéristiques des fumerolles sèches, et ce fait remarquable vient, par suite, justifier encore la distinction de cette catégorie de fumerolles. Maintenant, comment expliquer la présence du carbonate de soude dans ce dépôt? Le chlorure de sodium et le sulfate de soude se trouvant dans la lave en quantité notable ,il n’est pas éton- nant de les rencontrer dans les matières volatilisées à sa surface: mais le carbonate de soude ne s’ÿ rencontre pas en quantité sen- sible : il ne peut donc provenir que d'une réaction chimique opérée au moment de la volatilisation. Quelle peut être cette réaction, qui donne ainsi naissance à du carbonate de soude? Jai cru d’abord en trouver la raison dans la présence des fluorures, que l’on rencontre si ordinairement en petite quantité dans la lave, lesquels en réagissant sur les silicates, pourraient engendrer de la soude caustique, et par suite du car- bonate. Mais justement ici, comme pour donner un démenti à cette hypothèse, la amené de fluor renfermée dans la lave est nulle, ou si faible, qu'on ne peut en constater l'existence par le moyen ordinaire. Les autres explications qui me sont venues à l'esprit étant de pures hypothèses qu'il m'était impossible de démontrer directe- ment, j'ai préféré renoncer à l'interprétation du fait plutôt que de m'abandonuer à ces suppositions gratuites. Je dois ajouter que la présence du carbonate de soude à la surface de la lave actuelle n’est pas un fait exceptionnel. Dans les fissures de la lave de 1669, cette lave si importante , qui, partie de Nicolosi, faillit détruire la ville de Catane, on en trouve égale: ment, et même un peu au sud de Catane, sur le bord de lamer. J'ai appris de mon ami M. Sylvestri que ce carbonate de soude était exploité industriellement. Le cratère n° 1 n’est pas le seul qui ait fourni des projec- ions recouvertes de la couche blanche alcaline. Tous les cratères sans exception en ont produit de semblables, même les cratères — 393 — n° 6 et n° 7, qui sont éteints depuis longtemps. Il sembie même que ceux-ci n'aient jamais passé par la période acide avant de s’éteindre, ou au moins qu'ils l’aient franchie irès-rapidement ; car, pendant plusieurs jours après leur extinction, toutes les pierres tombées sur leurs parois extérieures offraient le dépôt al- calin, et ce n'est que quand les émanations du cratère n° 5 sont devenues fortement acides que toute trace d’alcalinité y a disparu. Quant à la lave, elle fournit encore en beaucoup de points, aux environs du monte Cavacci, des fumerolles sèches entière- ment conformes à la description que M. Ch. Sainte-Claire De- ville en a donnée, et autour desquelles on trouve le dépôt volatil dont je viens de parler. A côté de ces fumerolles, il s’en produit actuellement d’autres très-nombreuses, qui forment le passage entre les fumerolles sèches et les fumerolles acides. Elles offrent, en effet, des carac- tères intermédiaires. Elles sont acides, et quelquefois très-forte- ment; elles fournissent de la vapeur d’eau, en quantité variable, mais souvent d’une façon très-notable. Sous ces deux points de vue, elles se rapprochent donc des fumerolles acides, mais elles s’en éloignent par leur température plus élevée, qui est toujours celle du rouge, et enfin, par leur dépôt, constitué presque entière- ment de chlorure de sodium. Les sels de cuivre, qui se trouvent en très-petites quantités mêlés au chlorure de sodium des fumerolles sèches, se rencontrent ici en proportion beaucoup plus forte; ils sont même quelque- fois en quantité telle qu’ils masquent le chlorure de sodium. Ces sels sont au nombre de deux principaux : 1° Un oxychlorure d’un très-beau vert et nettement cristallisé : 2° Un sous-oxyde brun, affectant quelquefois l'apparence de petits prismes enlacés et tellement ténus qu'on dirait une petite houppe de soie brune; mais, d’autres fois, ces cristaux sont apla- tis, brillants, et ressemblent, à s'y méprendre, à des cristaux de fer oligiste. La ressemblance avec cette substance est d'autant plus frappante, que souvent ils affectent la forme de prismes acicu- laires groupés vers un centre commun, comme le fer oligiste de l'ile d'Elbe. La moindre humidité suffit pour les hydrater et ame- ner leur suroxydation. | 2° Fumerolles acides. — Ce sont actuellement les plus éom- unes. On n'en rencontre plus d’autres aux cratères, et elles con- MISS. SCIENT. — II. | 23 — 93954 — 4 tinuent d’être abondantes sur la lave. Leurs principaux produits sont toujours l'acide chlorhydrique, le chlorure de fer et sur- tout le chlorhydrate d’ammoniaque. L’acide sulfureux et le soufre s’y rencontrent également, mais en quantité très-faible , comparativement. Ces deux produits sont d’une rareté extrême dans les fumerolles de la lave. Dans la ré- gion des cratères, ils sont beaucoup plus abondants, et, chose remarquable, parmi les deux cratères qui restent actifs aujour- d’hui, savoir : le cratère n° x et le‘cratère n° 5, c’est es a. 55 présente l'énergie la plus faible, c'est-à-dire, le cratère n° 5, qui fournit la plus grande quantité d'acide sulfureux. L’acide sulfhydrique s’observe bien rarement dans les fume- rolles acides. Jamais je ne l'ai rencontré dans celles de la lave, et je ne l'ai trouvé qu’une seule fois dans celle des cratères, au sommet du cône qui porte les cratères n° 6 et n° 7. Au cratère central de l'Etna et dans les îles Éoliennes, je lai observé depuis dans les mêmes conditions, et il y est accompagné d'acide carbonique. Ce caractère particulier, que possèdent les fumerolles acides fournissant de l'acide sulfhydrique, joint à leur température peu élevée, ne dépassant guère 100, me les fait regarder comme in- termédiaires entre les fumerolles acides véritables et les fume- rolles d'ordre inférieur. Le soufre, que l’on y rencontre cristallisé ou fondu, s'y trouve intimement mélangé avec le chlorhydrate d’ammoniaque et n’oc- cupe pas de position spéciale dans la fumerolle. Quant à l'acide sulfureux, j'ai constaté plusieurs fois qu'il s’é- chappait directement du sol et ne provenait pas d’une combus- tion de vapeurs de soufre au contact de l'air. 3° Fumerolles alcalines. — Elles se trouvent exclusivement sur la lave. Je n’en ai jamais rencontré sur les cratères. Elles sont ex- trêmement nombreuses. On les compte par centaines, surtout à la partie inférieure de la lave, entre le monte Stornello et la Serra della Boffa. Cependant, de même que les Rntioiie acides, elles semblent moins abondantes qu’au commencement de l’éruption. On en voit un grand nombre d’éteintes. Ordinairement elles sont arrondies, tandis que les fumerolles acides sont allongées, linéaires. Elles ne contiennent jamais de — 355 — chlorure de fer en quantité un peu notable. Leur sel le plus abondant est le chlorhydrate d’ammoniaque, mais le plus carac- téristique est le carbonate de la même base. Les fumées blanches, qui s’en dégagent en abondance, sont fortement alcalines; cepen- dant, le dépôt solide qui se forme autour des orifices de la fu- merolle est entièrement composé de beaucoup de chlorhydrate et d’une trace de sulfate d’'ammoniaque; le carbonate, étant très-vo- latil, ne se dépose pas. Il en résulte que le dépôt qui se forme ainsi ne bleuit plus le tournesol quand on vient à le dissoudre. Le chlorhydrate d'ammoniaque pur offre cette même particu- larité de donner, d’une part, un liquide neutre quand on le dis- sout, et, d'autre part, des fumées alcalines quand il est volati- lisé, même à une basse température, à cause de sa facilité de dissociation. On pourrait donc croire que l’alcalinité des fumées est due exclusivement aux vapeurs de ce sel; mais ces fumées condensées donnent un liquide alcalin, précipitant l’eau de chaux, offrant, en un mot, tous les caractères d’une dissolution de car- bonate d’ammoniaque. L'existence de ce sel est donc incontestable. La position des fumerolles alcalines, dans les parties déclives de l’éruption, là où la végétation acquiert d'ordinaire son plus grand développement, a fait penser déja que l’'ammoniaque du chlorhydrate provenait de la décomposition de matières organi- ques. On peut, a fortiort, faire la même hypothèse sur l’'ammo- niaque du carbonate; et, dans certains cas, les choses se passent ainsi en réalité. En effet, dans certaines fumerolles alcalines, le chlorhydrate d’ammoniaque déposé est bleutre , et, en l’évaporant doucement sur une lame de platine, on obtient un résidu organique peu volatil, en partie soluble dans l’eau, ‘laissant, après sa com- bustion, une petite quantité de cendres. Dans ces circonstances, il est très-probable que la fumerolle a une origine organique. Mais il est impossible de regarder ce cas comme le cas général. La masse de sels ammoniacaux produite dans Péruption actuelle est tellement considérable, qu'elle est hors de toute proportion avec la quantité d'azote appartenant aux matières organiques en- glouties par la lave. Enfin, pour rendre compte de la couche de chlorhydrate d’am- moniaque qui revêt les cratères, il faudrait supposer qu'ils se sont ouverts au milieu d’un véritable dépôt de substances azotées, hypothèse tout à fait inadmissible. 23. — 356 — Outre les sels ammoniacaux, on rencontre encore, dans les fu- merolles alcalines, du soufre et de l'acide sulfhydrique, rarement de l’acide sulfureux, et alors ce dernier provient évidemment de la combustion des deux autres corps. DEL. Le soufre paraît aussi, lui-même, venir de la décomposition dé l'acide sulfhydrique au contact de l'air, car on ne le trouve qu'au point où les vapeurs arrivent à l'extérieur. Dans ces fumerolles, le dépôt de soufre occupe une position particulière : il est situé au bord extérieur de la fumerolle, quel- quefois même à une distance de deux à trois mètres, et toujours en un point dont la température ne dépasse nl on degrés, tan- dis que le centre de la fumerolle est souvent à une température beaucoup plus élevée. 4° Fumerolles à vapeur d’eau. — Elles sont assez nombreuses sur les cratères dans les portions qui sont près de s PNEUS dans la fissure et sur les bords de la lave. Contre mon attente, je n'V ai jamais trouvé ni acide sulfhy- drique, ni acide carbonique. 1 Pour terminer, il me reste à ajouter quelques mots de généra- lités sur le siége des fumerolles et sur la manière dont elles se succèdent. | Celles des trois dernières catégories, quand elles appartiennent à la lave, sont toujours situées sur les moraines latérales des cou- lées, et plus souvent sur la face externe que sur la face interne. Jamais on ne les rencontre sur les courants principaux. Il en est de même de ces fumeroiles à sels de cuivre que j'ai regardées comme intermédiaires entre les fumeroles sèches et les fumerolies acides. ; Les véritables fumerolles sèches sont au contraire situées sur les couranis principaux. Sur toute l'étendue du vaste champ occupé par la lave de l’érup- tion actuelle, je n’ai pas trouvé une seule exception à cette règle. Maintenant, entre toutes ces fumerolles, il n'existe aucun rap- port nécessaire de génération. Elles se succèdent souvent sans pro- céder l’une de l'autre. Ainsi, une fumerolle sèche ne devient pas nécessairement acide, puis alcaline, pour se transformer enfin en fumerolle à vapeur d’eau pure. Dans quelques jours, j'aurai l’honneur de vous adresser le résultat de mes observations sur le cratère central de l’'Etna, sur — 357 — les cratères de 1852, placés d’une façon si remarquable au milieu du Val del Bove# et enfin, sur les évents volcaniques des îles Éoliennes. Cette nouvelle lettre sera le complément naturel de celle que je vous écris aujourd'hui. Je suis, avec respect et reconnaissance, Monsieur le Ministre, De Votre Excellence, Le très-humble et très-obéissant serviteur, F. Fouque. Ÿ- sie # = T ü., LUE Ne ET ny À CT CI < dés 4 tn Mrs 3 ssà DOMINENT At Vore 1e et 4 a à gs r À qi PS A CN En, < « US OP * Fèe eui-d'a * £. ag 4 1h L % BALL ï Fr VA sq l Ë 2 à ; de © ris 5 Né. LÉ a 4 1 1 ; ” "TT 4 L C + Ve 4 5 Gÿe de td A EX E à | DRE à L \$ à ef € $ rai à VS n y (1 j WU ÉRTTe cle t d ; (MINE: 00 + r Cr. “? ET r3 0 “ À LEURS 4 ca FA VENT ; vw dre MÈRE. 1e 2 cendre État Fa kr ne A, ve fat ER \ ENT * x LABS : * . f pes RAPPORTS SUR LES RÉSULTATS D’UNE MISSION DANS LES ARCHIVES D'ESPAGNE ET DE PORTUGAL PAR M. ALFRED DEMERSAY. M. Alfred Demersay, à la suite d’une mission scientifique qu'il a remplie de 1844 à 1847, dans l'Amérique méridionale, sous les auspices du département de l'Instruction publique, a entrepris et presque terminé la publication d’une Histoire physique, écono- mique et politique du Paraguay !. Chargé, en 1862, pendant le cours de cette publication, d’une nouvelle mission ayant pour objet de rechercher dans les archives de l'Espagne et du Portugal les docu- ments relatifs à la domination de ces deux puissances dans le nouveau monde, M. Demersay a exploré successivement les biblio- thèques de Barcelone, de Valence, les archives des Indes à Séville, les nombreuses collections du Portugal, et enfin la riche biblio- thèque de l’Académie de l'Histoire, à Madrid. M. Demersay a fait connaître les résultats principaux de ses recherches dans une série de rapports dont nous extrayons les passages suivants ? : Monsieur le Ministre, hi,né Les établissements scientifiques ou littéraires de la Pénin- sule, beaucoup plus nombreux qu'on ne se le figure généralement en France, ont en même temps une importance très-réelle; et 1 2 vol. grand in-6°, avec atlas de planches teintées et deux cartes. Paris, Hachette. ? Ces rapports ont été adressés à M. le comte Walewski, ministre d'État, qui avait alors dans ses attributions le service des Missions scientifiques et litté- raires. — 360 — nous ne possédons encore que des notions imparfaites sur la na- ture, l'étendue de leurs richesses, et sur les hommes savants, modestes et zélés qui ont accepté, au-prix d’un traitement mo- dique, la tâche laborieuse de les mettre en ordre, d’en dresser l'inventaire et de veiller à leur conservation. Les bibliothèques de l'Espagne et du Portugal, toujours AURA en livres anciens, sont, en revanche, assez pauvres en ouvrages modernes; situation facile à expliquer par cette circonstance qu'elles ont été formées par la réunion des bibliothèques des cou- vents, lors de leur suppression, et que les allocations portées au budget de l'État pour achat de De nouvelles sont tout à fait insuffisantes. Une autre conséquence de leur origine, c’est qu’elles contiennent un grand nombre de doubles, même dans la série des livres rares et précieux. ù .....A Lisbonne, les établissements scientifiques qui me pro- mettaient la plus ample moisson de documents inédits sont, dans l'ordre de leur importance : | Les Archives du royaume, La Bibliothèque publique, Les Archives d'Outre-mer , La bibliothèque de l’Académie des sciences. Voici, en peu de mots, ce que ces diverses collections mont offert de plus particulièrement intéressant. Les Archives du royaume {0 Archivo Real ou do Tombo), dont on fait remonter l’origine au 11 avril 1390, existaient déjà sous le règne de D. Joäo [*, dans la tour du château fortifié de Lisbonne, appelée do Tombo (littéralement, Tour du Registre), parce qu’on y conservait les registres des dépenses de la couronne, en même temps que les trésors du roi!. Lors du tremblement de terre, ce précieux dépôt fut préservé de la destruction par le dévouement du conservateur (guarda-mor), Manoel da Maya. En 1757, il fut transporté dans le couvent de San- Bento (Saint-Benoît), dont al occupe, toujours sous le nom de Torre do Tombo, les longues ga- leries voütées et les étroites cellules. I faudrait, Monsieur le Ministre, plusieurs volumes pour faire une énumération même sommaire des richesses que contiennent ! O livro dos Tombos da Corûa, ou Proprios da Corûa. — 361 — ces archives célèbres, dont l’histoire a été écrite par J. Pedro Ri- beiro!. À cet immense dépôt de papiers d'État, concernant toutes les branches de l'administration, sont venues s'ajouter, en 1835, les archives des couvents supprimés, celles des corporations reli- gieuses et de certains tribunaux exceptionnels abolis, parmi les- quels je citerai la Mesa de Consciencia e Ordems. Cette collection, qui s'accroît incessamment, renferme aujour- d’hui plus de vingt mille liasses (maços), et chaque liasse se com- pose de plusieurs centaines de documents. L'Inquisition seule a fourni les pièces de quarante mille procès, c'est-à-dire les élé- ments les plus précieux pour écrire l’histoire de cette institution néfaste, et une mine inépuisable pour les romanciers et les fai- seurs de mélodrames. Quelques ouvrages manuscrits ont une grande valeur bibliogra- phique ou historique; tel est l'Atlas de Fernäo Vaz Dourado, telle est la Bible célèbre du couvent de Belem, dite dos Jeronymos, que le duc d’Abrantès (Junot) avait rapportée en France, et qui fut restituée au Portugal à l’époque de nos revers, après de longs pourparlers diplomatiques. Ce chef-d'œuvre de talent et de patience ne comprend pas moins de sept gros volumes in-folio; il date de la fin du xv° siècle. Enfin, la Torre do Tombo renferme encore une bibliothèque spéciale de quatre à cinq mille volumes, de législation, de litté- rature et d'histoire. Lorsque le marquis de Pombal eut décidé la suppression de l’ordre des Jésuites, il fit réunir dans ces archives tous les docu- ments à la charge de la célèbre compagnie qu'il put se procurer. On les renferma dans des armoires auxquelles cette destination spéciale fit donner le nom de Armario jesuitico. Plus tard, Pombal tira de ce dépôt les pièces publiées sous le titre de Preuves de la Déduction chronologique, à la suite de l'ouvrage dont on lui attribue généralement la paternité ?. La connaissance de ces faits une fois acquise, c'était dù côté de l’Armario que je devais diriger mes recherches, dans l'espoir ! Memorias authenticas para a lustoria do real Archivo , colligidas pelo primetro lente de diplomatica o Desembargador Joäo Pedro Ribeiro. Lisboa, 1819. ? Deducçäo chronologica e analitica e petigäo de recurso do doutor Joseph de Seu- bra da Sylva ; — Provas de Deducçäo chronologica. Parte F et I"; Lisboa, 1768, in-18. — 302 — d'y découvrir des documents concernant l’histoire des Missions du Paraguay, que leur nature toute spéciale pouvait avoir fait rejeter des Provas de Deducçäo chronologica. L'Armario jesuitico existe toujours, mais il a singulièrement perdu de son importance. Depuis la mort du grand marquis, le Portugal a traversé bien des révolutions; des gouvernements de tendances très-opposées ont présidé à ses destinées, et vous ap- prendrez sans étonnement, Monsieur le Ministre, la soustraction d’un grand nombre de pièces que les partis politiques avaient in- térêt à faire disparaître. Cependant j'ai passé en revue celles qui restent encore au nombre de plusieurs centaines; et ce travail, long et fatigant, tant à cause de leur mauvais état de conservation que du caractère particulier de l’écriture portugaise à cette époque, m'a fourni de nouveaux éclaircissements sur l’origine des préten- tions réciproques des deux puissances péninsulaires à la possession du Rio de la Plata, prétentions qui se firent jour au moment même de la découverte des provinces Argentines. tres L'ancienne bibliothèque royale avait été détruite par le tremblement de terre du 1% novembre 1755. Une collection de livres rassemblés au palais, au mois de mai 1775, devint le noyau d’une nouvelle bibliothèque qui fut définitivement installée, en 1796, dans les bâtiments du couvent de San-Francisco, où elle se trouve encore sous le nom de Bibliothèque publique. En octobre 1853, cet établissement renfermait cent trente-deux mille volumes, sans compter les ouvrages, — au nombre de trois cent mille, dit-on, — provenant des couvents supprimés en 1835. Je laisse de côté les imprimés, et, parmi les dix mille manus- crits qu'il contient, je choisis ceux dont j'ai fait l'analyse. Sous ce titre : Papiers concernant la remise de la Colonie du Saint- Sacrement, et avec cette annotation pleine d’attraits pour un chercheur, raros e particulares, J'ai trouvé des documents d’un très-haut intérêt sur la longue guerre Hispano-portugaise, suscitée par la fondation de la Colonia en face de la ville de Buenos-Ayres, et par la contrebande à laquelle se livraient les Anglais; sur le siége de cette place, et la coopération des Indiens des Missions, qui y perdirent leur P. Procureur. Cette collection comprend treize pièces sur ces différentes matières, et une relation de toutes les opérations de la guerre de 1735 (in-fol.). — 363 — Dans un volume d’un format beaucoup plus petit, intitulé Journal de la marche que fit l'armée portugaise combinée avec celle de S. M. C. pour l'évacuation des sept Missions de l' Uruguay (Diario da segunda marcha que fizemos com o nosso exercito portuguez auxiliando 0 de S. M.C. para a evacuaçào das sete Missoens...), on trouve un récit très-circonstancié de la campagne de 1755-56. Ce journal anonyme, mais dû, je crois, à un officier du rang de colonel, est tenu Jour par jour, et relate avec l'exactitude la plus scrupuleuse la marche des deux armées. Il éclaire d’une vive lumière une foule de points restés obscurs dans l’histoire de cette longue expédition , d’ailleurs peu connue. Après avoir présenté le tableau de la composition des forces alliées , l’auteur raconte tous les combats; — il compte les morts et les blessés dans les deux camps; — il énumère les ressources des Indiens, et donne des détails sur leur artillerie, en confirmant ce que certains historiens ont contesté, à savoir que les rebelles avaient eux-mêmes fabriqué leurs canons à l’aide des procédés mis en usage dans les premières années qui suivirent l'invention de la poudre. Ce manuscrit contient encore la copie de papiers fort im- portants trouvés sur la personne d’un cacique tué par les alliés. Ces documents établissent ou confirment la participation des Jésuites dans le soulèvement des Missions cédées par le traité de 1750, traité contraire aux intérêts de l'Espagne, et que cette puissance, éclairée par lopposition des missionnaires, se hàta d'annuler par la Convention de 1761. Enfin, le Diario décrit très-minutieusement l’église de Saint- Michel, capitale des sept Missions de la rive gauche de l'Uruguay. Ce monument remarquable de larchitecture jésuitique fut incen- dié quelques années plus tard, et j'en ai représenté les ruines dans l'Atlas qui accompagne mon Histoire du Paraguay. J'ai extrait cette description afin de pouvoir la comparer à la mienne. J'ai fait aussi copier les passages principaux de ce manuscrit, avec l'intention de les offrir à la Bibliothèque impériale, si vous les jugez dignes de figurer dans ses riches collections. Les Archives d'Outre-mer (0 Archivo de Ultramar) occupent une vaste salle située au-dessus des bureaux du ministère de la ma- rine, dont elles font partie. Elles renferment, ainsi que leur nom l'indique, tous les papiers concernant les colonies. Là se trouvent . — 304 — réunis avec ordre es dépêches (officios) des vice-rois du Brésil; les rapports des présidents des provinces, adressés, soit à leur chef immédiat, soit au premier ministre; les propositions relatives aux opérations militaires, aux reconnaissances des rivières, aux travaux publics, etc. La partie politique de ces rapports, — je ne parle que de ceux qui concernent l’Amérique, — signale à chaque instant des usur- patious de territoire commises par les Espagnols, et s’efforce de démontrer la nécessité d'arrêter ces envahissements par la fonda- tion de postes et d'établissements militaires; elle fait, pour ainsi dire, jour par jour, l’histoire des relations du Brésil avec ses VOISINS. Au milieu de cette immense collection, quarante-huit rapports émanés des vice-rois de Rio de Janeiro m'ont fourni des rensei- gnements d’un haut intérêt sur les points suivants : Guerre avec l'Espagne dans la Plata, — Cession et reprise de la Colonia, — Occupation de lile Sainte-Catherine, en 1777, — Projets d'attaque contre les établissements espagnols, etc... . . Enfin, une dernière dépêche, du 14 décembre 1802, présente le tableau de la situa- tion politique et militaire de la province de Rio-Grande du Sud à une époque postérieure à la guerre de 1801, dont la conséquence fut la perte définitive, pour l'Espagne, des sept Missions de l'Uru- guay : leur cession au Portugal, par le traité du 13 janvier 1750, avait excité le soulèvement des Indiens, que J'ai rappelé plus haut. J'ai consulté avec fruit la correspondance des gouverneurs de Saint-Paul, dont le territoire s'étend jusqu'aux confins du Para- guay. On sait la guerre acharnée que pendant plus d’un siècle les Paulistes, sous le nom de Mamelucos, firent aux établissements des Jésuites, dont ils enlevaient les habitants pour les envoyer travail- ler aux mines, ou les vendre comme esclaves sur les marchés de Rio et de Bahia. te La bibliothèque de l’Académie des sciences de Lisbonne n'est pas publique ; mais une simple présentation suffit pour en ouvrir les portes. Elle renferme cinquante mille volumes environ, qui proviennent en très-grande partie du couvent de Jésus, dont elle occupe le vaste emplacement. Les manuscrits, peu nombreux (on en compte huit cent trente-trois), sont inventoriés dans un ca- _ — 365 — talogue ayant pour titre : Catalogo dos manuscriptos da Livraria, ete. pertencente &os religiosos da terceira ordem da penitencia de N. P.S. Francisco ; 1826, 2 vol. in-fol. Les ouvrages y sont classés alpha- bétiquement, mais non par ordre de matières ou par noms d’au- teurs, ce qui rend les recherches longues et difficiles. Je n'ai rien découvert, Monsieur le Ministre, de particulière- ment intéressant dans la bibliothèque de l’Académie des sciences, et Je ne ferai mention ici que de deux manuscrits renfermés dans un volume in-4°, intitulé Collecçao de cartas escritas da India äos soberanos e suas resoluçoes... (Collection de lettres écrites de l'Inde aux souverains el leurs décisions...) Le premier de ces documents est une dénonciation adressée au roi de Portugal au sujet de l’ex- ploitation par ies Jésuites d'une mine d'argent située aux envi- rons de la colonie et sur un territoire dépendant de ses domaines. On sait aujourd'hui ce qu'il faut penser des richesses extraites du sol par la célèbre Compagnie, et des informations positives ont mis à néant ces imputations gratuites. Le second manuscrit, beaucoup plus volumineux, comprend un ensemble de Notes sur les questions qui paraissent à l’auteur de nature à intéresser son souverain. Je citerai celles qui concer- nent les Missions, — leurs richesses, — les moyens de s’en em- parer, — d'arrêter les progrès de la puissance de l'Espagne, etc. En dernière analyse, ce mémoire fournit de nouvelles et intéres- santes preuves des rivalités et de l'ardent antagonisme qui divi- saient, dans le nouveau monde comme dans l’ancien, les deux puissances péninsulaires. Mais tous les documents relatifs à l’histoire des possessions transocéaniques du Portugal ne sont pas renfermés dans les riches collections de sa capitale, et bon nombre des plus intéressantes font partie de la bibliothèque de la ville d'Evora, chef-lieu de la province d’Alemtejo. Fondée en 1805, par l'archevêque Manoel do Cenaculo, dans les dépendances de son palais, la bibliothèque d'Evora renferme 25,000 imprimés, et 2,000 manuscrits déjà catalogués en partie. Le premier volume de ce catalogue, dû à l’érudition de J. H. da Cunha Rivara, a paru sous ce titre : Catalogo dos manuscriptos da bibliotheca Eborense; Lisboa, 1850, in-4°. On attend la publica- tion du second. æ — 366 — La partie déjà publiée du travail de M. Rivara renferme Vin- dication des pièces relatives à l'Amérique, et cette circonstance, que je connaissais de longue date, a beaucoup facilité mes re- cherches. F Parmi les documents dont j'ai cru devoir faire une étude ap- profondie, je citerai les suivants : La correspondance du général en chef des troupes portugaises, Gomez Freire de Andrade, avec le marquis de Pombal et legou- verneur de Buenos-Ayres, pendant la guerre de 1754, dite des Missions. Cette correspondance comprend les réponses aux lettres de Gomez de Andrade, et, parmi elles, il en est de fort impor- tantes. Ainsi une dépêche du marquis de Valdelirios (Buenos- Avyres, 25 novembre 1754) met hors de doute la sincérité du concours prêté par l'Espagne à la mise à exécution du traité, si désastreux pour elle, du 13 janvier 1750. Or Votre Excellence sait combien cette sincérité a été suspectée. Des lettres du général . Andonaëgui, commandant des troupes espagnoles dans la même campagne, font aussi partie de ce dossier volumineux. Sur le même sujet, ïl faut citer encore un Traité pour la suspen- sion des hostilités entre les troupes alliées et les Indiens révoltés, du 14 novembre 1754, signé sur les bords du rio Jacuhy; Un journal de la campagne de 1755, malheureusement in- complet : il a 16 pages; Une traduction de la lettre écrite, par les Indiens de la mission de San-Luiz, au gouverneur de Buenos-Ayres, contenant leurs plaintes et leurs protestations contre le traité de cession au Por- tugal des sept villages de la rive gauche de l’Uruguay : l'original de cette pièce peu connue est en guarani; Enfin, des considérations présentées par l'ambassadeur du Por- tugal à Madrid, au sujet de la non-exécution de ce traité. Sept de ces documents m'ont paru avoir assez d'importance pour mériter plus qu’une analyse; et, grâce aux bons offices du bibliothécaire, j'ai pu les faire copier. Sous le nom de Musée, la bibliothèque d’Evora renferme en- core une collection d'objets assez disparates; quelques tableaux, dont un est attribué à Van Dyck, des ivoires du moyen âge; et, parmi les objets d’art dont son fondateur s’est plu à l’enrichir, un émail auquel je veux consacrer quelques lignes; sa valeur histo- rique servira d’excuse à ma digression. — 3607 — Cet émail, que je regarde comme un des beaux spécimens de l’art français à l’époque de la Renaissance, malgré la tradition qui lui assigne une origine byzantine, est un triptyque de Limoges. Sur la pièce centrale comme sur les pièces latérales, qui s’ap- pliquent en volets sur la première, sont représentées les scènes principales de la Passion du Christ. La monture est d’or massif, unie et sans ciselures. Or on lit dans une inscription latine collée sur le couvercle de la boîte qui renferme ce précieux calvaire, qu'il aurait appartenu au roi François [*. Pris dans ses bagages à la bataille de Pavie, ce serait un trophée de cette journée célèbre. Comment et à travers quelles vicissitudes a-t-il passé des mains des Espagnols dans celles de l'archevêque d’'Evora ? C’est ce que la tradition ne fait pas connaître. Elle assure seulement que le docte prélat a refusé de cet émail des sommes considérables; et cette fois il est bien permis de la croire. Encore un mot. Un pareil trophée est sans valeur historique pour le Portugal, qui n’a pas eu la gloire de nous en dépouiller; il n'a qu'une valeur vénale, facile à apprécier celle-là; et peut- être penserez-vous, Monsieur le Ministre, qu'il y aurait là matière à des négociations , à un échange qui restituerait aux collections splendides du Louvre un joyau dont la place me paraît toute marquée dans le Musée des Souverains. MT Tous les instants de mon séjour à Séville ont été exclusi- vement consacrés à l’étude des documents d’un si haut intérêt his- torique déposés aux Archives des Indes | Archivo de Indias). C’est la Bourse (casa lonja), remarquable édifice gréco-romain, bâti par le célèbre architecte Herrera pour le commerce de la capitale de l’Andalousie, à la fin du xvr° siècle, qui a recu le pré- cieux dépôt des documents concernant les colonies hispano-amé- ricaines. Les salles qui les renferment, spacieuses et aérées, oc- cupent tout le premier étage du bâtiment, qui a la forme d’un carré parfait. On y monte par un large escalier en marbres de couleur. Des voûtes épaisses mettent ces trésors à l'abri des at- teintes du feu. Vers 1784, Charles IL ordonna la réunion de tous les papiers relatifs aux affaires d'Amérique. Dans ce but, on fouilla les riches archifes de Simancas, la bibliothèque de l’Escorial, les dépôts — 368 — des différents ministères et surtout celui de la Direction des Colo- nies (Direccion de Ulitramar). Depuis cette époque, des envois suc- cessifs et presque journaliers rendent le vaste espace consacré aux Archives des Indes de plus en plus insuffisant. Aussi est-il grande- ment question d’ajouter les salles du rez-de-chaussée à celles du premier étage, et d’affecter un autre local aux transactions com: merciales. L'entrée des Archives n’est pas publique. Elles ne s'ouvrent aux hommes d'étude que devant un Ordre royal (Orden real) dé- livré par la Direction des Colonies. Lors de mon premier séjour à Madrid, j'avais fait la demande de cette autorisation, et j'eus la satisfaction, en arrivant à Séville, de la trouver entre les mains de l'archiviste. L'ordre qui me concernait contenait — faveur spéciale — l'autorisation de faire des extraits des pièces, et, au besoin; d'en prendre copie. J'ajouterai que j'ai rencontré dans le direc- teur et les employés principaux de cet établissement, remarqua- ble encore par l’ordre et la bonne tenue, un accueil empressé, et que j'ai dû à leur obligeance quelques infractions légères aux dispositions restrictives du règlement. Les pièces déposées aux Archives des Indes sont classées par Cours suprêmes (Audiencias), dans un catalogue général (indice), et divisées pour chaque Cour, selon leur caractère séculier ou ec- clésiastique, en Ramo secular, et en Ramo ecclesiastico. Le premier comprend les actes de l'autorité administrative, les ordonnances (autos, bandos) des vice-rois et des gouverneurs; les rapports officiels, les cédules royales, les délibérations des muni- cipalités (Cabildos); le second (ramo ecclesiastico), les décisions de l'autorité diocésaine, la correspondance des évêques et des cha- pitres avec le cabinet de Madrid et les gouverneurs des provinces. Les papiers composent des liasses soigneusement empaquetées et rangées avec ordre sur des tablettes de bois de cèdre. Elles portent en suscription l’année et la nature des affaires qu’elles concernent, le plus souvent sans aucun résumé analytique. Le Paraguay, comme toutes les provinces Argentines, ressortis- sait à l’Audience de Charcas. J'ai donc commencé par relever dans le catalogue général de cette Cour suprême les numéros de toutes les liasses concernant les provinces du Paraguay et des Missions, et même celle de Buenos-Ayres, devenue, en 1776, le siége d’une vice-royauté dont l'autorité s'étendit dès lors sur les deux äutres. — 369 — Un numéro correspond toujours à plusieurs liasses, et chaque liasse renferme jusqu’à 50 pièces. Ce travail achevé, j'ai fait le dépouillement de celles qui, d’après leur titre ou par la date de l’année à laquelle elles se rapportaient, me promettaient des dé- tails et des éclaircissements sur certains épisodes intéressants ou peu connus de l’histoire du pays. Trop souvent j'ai dû me con- tenter d’une simple analyse ou d’un extrait; mais plusieurs docu- ments m'ont paru assez importants pour mériter d'être copiés en entier. Les manuscrits qui ont attiré plus particulièrement mon atten- tion étaient relatifs : 1° À l’histoire de la découverte du Rio de la Plata; 2° Aux troubles {alborotos) qui ont agité à plusieurs reprises et si profondément la province du Paraguay, de 1724 à 1731; 3° Aux Missions des Jésuites. Voici, Monsieur le Ministre, l’indication des principaux : . . Un registre contenant les copies manuscrites des cédules royales m'a fourni les moyens de rectifier les dates, souvent erronées, des ordonnances relatives à l’organisation, aux prérogatives et à la juridiction du Conseil royal et supréme des Indes, de la Casa de Contratation et du Consulado, tribunaux institués, le premier à Madrid, et les deux autres à Séville, dans les premières années du xvr siècle, pour connaître des affaires coloniales et juger les diffé- rents qui survenaient entre les négociants autorisés à commercer avec le Nouveau-Monde. Je dois encore, Monsieur le Ministre, avant de finir celte aride énumération, mentionner certains règlements d’un haut intérêt, concernant l'envoi des religieux destinés à la conversion des In- diens. Dans cette réglementation minutieuse, tout est prévu : le nombre, la nationalité et jusqu’à l’âge des missionnaires ; les frais de nourriture et d’entretien à bord des bâtiments du roi; en un mot, les plus petits détails du voyage. Enfin on conserve précieusement enfermée dans une armoire, et recouverte d’une double garde de maroquin rouge, une liasse de papiers du plus haut intérêt : « C’est, dit excellemment un voyageur moderne, comme le livre d’or de l'Amérique.» Avec quelle émotion la main tourne ces précieux feuillets, ces pages détachées de l’histoire du nouveau monde, ou qui contiennent les MISS. SCIENT. — II. 24 — 370 — épanchements intimes des grands hommes qui en ont fait la con- quête, depuis les conventions arrêtées entre Colomb et les rois catholiques sous les murs de Grenade, jusqu’à la lettre dans la- quelle Magellan supplie son souverain de lui choisir une femme, dont son àge, dit-il, lui permet encore de désirer la société ! Après un séjour de trois semaines, que je me suis vu à regret dans l’obligation d’abréger, J'ai quitté Séville pour revenir à Ma- drid. Le terme assigné à ma mission était expiré, et j'ai dès lors consacré tous mes instants à l'examen de la bibliothèque de l’Aca- démie de l'Histoire. Les manuscrits relatifs à l'Amérique, et concernant plus parti- culièrement la question historique dont je poursuis l'étude, com- posent presque exclusivement deux très-volumineuses collections : la Coleccion Muñoz, et la Coleccion Mata Linares. Le premier de ces recueils a été formé à la fin du dernier siècle et dans les premières années de celui-ci, par D. Juan Bautista Muñoz, cosmographe-major des Indes, dont il avait été chargé par le roi d'écrire l’histoire. C'était pour pouvoir s'acquitter digne- ment de cette tâche difficile, que ce savant infaüigable avait ras- semblé une immense quantité de pièces presque toutes copiées de sa main dans les archives de Simancas, de Séville, dans les biblio- thèques de Madrid, d’Evora, de Lisbonne, et dans les dépôts des différents ministères des deux royaumes. Ces manuscrits, du plus haut intérêt historique, ne comprennent pas moins de 95 vo- lumes in-folio et de 32 volumes in-/4°. Quelques-uns, malheureu- sement, ont été perdus; mais le catalogue en fait connaître le contenu. Îl existe, en effet, une table analytique de ce recueïl important, intitulée : Indice de la coleccion de manuscrilos pertene- cientes a la Historia de Indias q° escribia D. J. B. Muñoz, etc.. mais à l'égard de certains volumes, de ceux compris entre le 76° et le 89°, par exemple, cette table ne fournit pas d'autre indication que la date de l’année à laquelle ils se rapportent. Les trois premiers volumes de la Collection Muñoz renferment le commencement de l'Histoire générale des Indes, à laquelle travaillait ce laborieux écri- vain au moment de sa mort; et, parmi ceux qui m'ont fourni les plus utiles renseignements, je citerai les 12°, 36°, 67° et 79°. Le 12° contient, entre autres pièces importantes, un mémoire Com- posé en 1778, sur l'ordre du roi, par le chef de la marine de la — 311 — province de Séville, D. J. Antonio Enriquez (23 pages in-folio). Ce mémoire énumère les manuscrits relatifs à l’histoire de l'Amé- rique, existant dans les archives de Simancas, de Séville, de Cadix et de Rome. Il est suivi d’un travail analogue pour les couvents de lAndalousie (Archivo de la cartuja de las cuevas de Sevilla, del convento de S. Antonio de Padua, etc.). La Collection Mata Linares est due à un amiral de ce nom, qui paraît avoir vécu longtemps dans l'Amérique méridionale. Elle a été offerte à l'Académie de Histoire par le marquis del Socorro, un de ses descendants : elle se compose de 80 volumes in-folio. J'y ai prisle titre, la date et la substance de 75 pièces. J’ajouterai que Navarrete a largement puisé dans ces deux recueils pour l'ou- vrage qu'il a publié sous e titre de Voyages ei Découvertes des Espagnols \. Après ces deux collections volumineuses, je dois mentionner à la hâte celle de Mateos Murillo, et des liasses nombreuses classées sous ce titre : Papeles de los Jesuilas. J'ai trouvé parmi ces papiers plus d’un document intéressant, par exemple, la correspondance du roi d'Espagne avec le P. Provincial du Paraguay, en 1751- 1753, lors de la révolte des Indiens des Missions (j'ai fait copier trois de ces lettres); un mémoire des missionnaires, daté de 1754, dans lequel ils s'efforcent de justifier leurs néophytes du refus d'abandonner la rive gauche de l'Uruguay, et de se soumettre à l'exécution du Traité de Limites de 1750; en dernier lieu, plu- sieurs Rapports des évêques du Paraguay sur l'état des Missions jésuitiques à différentes époques de leur histoire. Enfin, il fallut songer au retour. Je quittai Madrid avec Fin- tention plutôt de reconnaître que de fouiller les innombrables documents historiques enfouis dans les célèbres archives de Si- mancas. Un accident, trop commun en Espagne, et qui pouvait avoir pour moi les conséquences les plus graves, s’opposa à l’exé- cution de ce projet, et m'obligea à modifier mon itinéraire. Après avoir traversé le Guadarrama, entre l’Escorial et Valladolid, au milieu de la nuit, la voiture qui nous emportait au galop de ses dix mules, heurta contre une borne kilométrique, et fut violem- ment renversée. Ce choc terrible la brisa. Cinq personnes furent 1 Coleccion de los Viages y Descubrimientos 4° hicieron por mar los Españoles. 5 vol. grand in-8°. Madrid, 1825 à 1837. 24. — 372 — blessées, et, quoique une des moins maltraitées, je dus rentrer à la hâte en France pour y trouver les soins que réclamait ma santé. .... Je me propose d'offrir prochainement à la Bibliothèque impé- riale la copie ou l’analyse des manuscrits les plus importants que J'ai recueillis. Tels sont, Monsieur je Ministre, les résultats de patientes in- vestigations qui rachèteront, je l'espère, par leur intérêt, ce qu’elles ont nécessairement d'incomplet. Les deux métropoles (l'Espagne et le Portugal), jalouses de leur autorité, n’en délé- guaient qu'une partie aux représentants de la personne du roi dans les Indes, et administraient par elles-mêmes leurs possessions iransatlantiques, au grand préjudice des intérêts des colons. Aussi la masse des papiers de toute nature accumulés par une corres- pondance de plusieurs siècles est-elle, pour ainsi dire, effrayante. En attendant que la lumière se fasse dans ce chaos, et que des générations entières de chercheurs se consacrent au dépouille- ment et à l'étude de matériaux si précieux pour l’histoire du nouveau monde, de longues années, des siècles peut-être, s'é- couleront. Pour moi, en présence d’une pareille tâche, je ne me dissimule pas que, tout en prolongeant de six semaines le terme que Votre Excellence avait assigné à ma mission, je suis resté encore loin du but que je m'étais flatté d'atteindre. Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur le Ministre, L'assurance de mes sentiments très-respectueux. D' À. DEMERSAY. RAPPORT SUR LES RECHERCHES FAITES À LA BIBLIOTHÈQUE IMPÉRIALE DE SAINT-PÉTERSBOURG CONCERNANT LES LETTRES ORIGINALES ET MANUSCRITS FRANÇAIS SORTIS DE FRANCE, PAR M. LE COMTE HECTOR DE LA FERRIÈRE, CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE POUR LES TRAVAUX HISTORIQUES. ——cñ_— — Saint-Pétersbourg, janvier 1 863. Monsieur le Ministre, J'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence un premier rap- port sur ma mission en Russie. Elle était d'abord limitée à la copie des lettres de Catherine de Médicis; mais d’elle-même elle s'est élargie. En présence de ces milliers de chartes, de manus- crits, de lettres autographes de nos rois, de nos reines, de nos hommes d'état, de nos hommes de guerre, de nos ambassadeurs, de nos savants; en présence de toutes ces richesses apportées à Saint-Pétersbourg par la même main ,-il n’était guère possible de s’en tenir à une seule correspondance, et de laisser de côté tant d'autres documents qui intéressent à un degré non moins égal notre histoire nationale. La première pensée de dresser le cata- logue des documents historiques français qui se trouvent à l'étran ger m'est donc venue à Saint-Pétersbourg. Ce rapport a pour but de suppléer par quelques détails à la — 974 — sécheresse inévitable d’un catalogue, d'en mettre en lumière les parties saïllantes, d'appeler l'attention sur les documents de cette volumineuse collection dignes d’être copiés plus tard; enfin, de placer sous les yeux de Votre Excellence un premier choix des lettres les plus importantes. Je n’en dirai jamais assez pour bien faire apprécier l'étendue de nos pertes et indiquer les moyens de les réparer. | Mais, tout d’abord, on se demande comment toutes ces lettres et tous ces manuscrits sont venus en Russie. Dans les années qui précédèrent la révolution de 1789, vivait à Paris un jeune secré- taire d’ambassade russe, nommé Pierre Dubrowski, d’une noble famille de Kiew. Lié avec les littérateurs de lPépoque, collec- tionneur infatigable, il achetait et recevait de toutes mains. C'est ainsi qu'il eut de Court de Gebelin, qui lui-même l'avait reçu de Jean-Jacques Rousseau, un charmant manuscrit sur vélin, de Tite-Live, que Catherine de Médicis avait apporté d'Italie, et dont elle avait fait présent à l’abbaye de Saint-Denis, d’où ül sortit sans doute à l’époque des guerres de religion. La révolution vint en aide à Dubrowski. Lors du pillage de la Bastille {1l en fut le témoin, Je me le suis laissé dire), il acheta sur les lieux mêmes des centaines de liasses encore aujourd’hui maculées de boue. Plus tard, lors de lincendie de labbaye de Saint- Germain- des-Prés, il put également acquérir ces splendides manuscrits sur vélin, ces recueils entiers de lettres originales dont la perte a laissé de si grands vides dans nos collections historiques des xvi° et xvn° siècles. Au moment de la révolution , il est utile de le rappeler, nos archives étaient déposées à la Bastille et à l’abbaye de Saint-Ger- main-des-Prés. Méon a dressé le catalogue des manuscrits latins et français de cette dernière collection. Grâce à son travail, il m'a été facile de relever d’une manière exacte les défcit de lan- cien catalogue de l'abbaye. Ainsi j'ai pu constater que la plus grande partie des manuscrits, perdus pour nous, se irouve à la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Pour preuve plus certaine, le catalogue qui accompagne ce rapport suit l'ordre des numéros de l’ancien catalogue de Saint-Germain. Je suis donc dispensé d’entrer dans de plus longs détails, et je me bor- nerai à noter ici que c’est presque du monastère de Corbie qué tous ces manuscrits sont sortis. Plusieurs sont cités dans la Nou- — 375 — velle diplomatique et remontent aux v° et vi siècles. Les autres is viennent de la collection Coislin. Pour nos manuscrits français sur vélin, la perte n'est pas _moindre : parmi ceux de la collection de Saint-Germain-des-Prés, j'ai à citer le Temple de la Force et de la Prudence, dédié à Louise de Savoie, le Jardin des nobles, le Roman de la guerre de Troyes, les lettres de saint Jérôme, traduites en français, et présentées à. Anne de Bretagne par Anet de la Tour; la Vie de Plutarque, en. français ; enfin le plus précieux de tous, qu’a reproduit Montfaucon : Pièces concernant Louis XII, par Anne de Bretagne. — « Vers la- tins, vers français, miniature à chaque pièce ; » c’est ainsi que le- catalogue de Saint-Germain-des-Prés nous donne le titre de cet admirable manuscrit. La première miniature représente la chambre de la reine avec le lit de chène à colonnes torses. Anne de Bretagne est assise de- vant un table; à son col pendent une chaïîne et un gros médaillon; à ses pieds , son chien couché sur un coussin ; près d’elle, son perro- quet sur un perchoir. Ses dames d'honneur sont à genoux; elles sujvent la reine des yeux et semblent s'associer à son chagrin. C’est là un vrai tableau et le meilleur portrait peut-être qu'on ait d'Anne de Bretagne. Dans le catalogue, j'ai consacré de longues pages à ce manuscrit. Je citerai encore le Jeu d'aventures d’amour, sur vélin, où une main du xvi° siècle a intercalé ce vers : Quand je vois ces mignons tout empourprés d'audace ; l’altercation des trois Dames; les amours du roi René et de Jeanne de Laval, merveilleux manuscrit dontchaque page renferme deux strophes. Les miniatures capricieuses qui courent le long des. pages, les légères arabesques qui s’enroulent autour des marges, tout est de la main du bon roi, artiste et poëte. Si, laissant de côté les manuscrits de Saint-Germain-des-Prés, nous passons à ceux des autres collections qui sont venues à Saint- Pétersbourg, l’'énumération n’est pas moins douloureuse. Plusieurs seraient dignes de figurer dans notre musée des souverains : le livre d'heures de Jeanne de Bourgogne, la femme de Philippe-le- Bel, le livre d'heures de Louis XII, le livre d'heures de Marie Stuart, le compagnon de sa jeunesse, le muet confident de ses tristesses durant les longs jours de la captivité, sur le vélin du- — 86 — quel, d’une main tremblanie, elle a écrit ce quatrain qui semble résumer sa destinée : Qui jamais davantage eut contraire le sort, Si la vie m'est moins ulile que la mort, Et plustost que changer de mes maux l’adventure, Chascun change pour moy d'humeur et de nature. J'arrive aux chartes; elles sont nombreuses. Le catalogue les reproduit une à une en suivant l’ordre chronologique. I s'ouvre par une charte de 1110 de Lisiard, évêque de Soissons; puis il passe en revue la série des chartes du couvent de Saint-Antoine de Paris, que le hasard à rassemblées 1à. L'analyse très-détaïllée de ces dernières ajoutera quelques renseignements à ceux que nous fournit déjà le Cartulaire de Notre-Dame de Paris, édité par le sa- vant Guérard. Dans cette longue suite de donations faites aux re- ligieuses de Saint-Antoine, de ventes consenties par elles, on re- trouvera beaucoup de noms du xn° et du xm° siècle, déjà cités dans le Cartulaire de Notre-Dame, que nous avions sous les yeux en faisant ce dépouillement. | C’est l’abbaye de Saint-Antoine qui a la plus grosse part dans la collection de Saint-Pétersbourg ; après elle, l’abbaye de Chelles; le reste n’est plus qu’un pêle-mêle de chartes de toutes nos pro- vinces que le vent révolutionnaire a balayées et jetées là comme des épaves. Je me bornerai à quelques mentions pour en bien préciser la valeur : : Devis de charpenterie et de couverture au chastel es Rouen (1352); rouleau de plusieurs mètres de long, dont voici le pre- mier article : « À Robert le Balenchin pour tasche à luy baïllée pour faire œuvre de couverture, c’est assavoir à la porte de l'entrée du chastel au dehors du pont-levis et la maison où demeure Robert du Greïl jouxte la cohue!, et emploier au dit chastel plusieurs milliers d’essentes ? sur les noes$ du degré des chambres le Roy et la Reyne, et pour VIII maisons en la rue de L'osmosne. » Rôle de l'imposition cueillie à Bayeux en 13954. ! L'endroit où se rendait la justice. ? Petites pièces de bois qui tenaient lieu de tuiles. 3 Conduites d’eau. — 371 — Parties des rentes de la ville de Caen en 1389. Compte des réparations faites au château de Beauvoir en 13841. Plaids tenus à Cany, en 1378, par le sire de Caudebec. Recettes de diverses foires en Normandie au xrv° siècle. Rôle pour la guerre de Gascogne en 1343. Un compte du xiv° siècle, de la prévôté de Saint-Jean-d'Angely. Le compte de Huard, bouteiller du comte de Blois en 1375. Le vin de Sologne dominait dans ce caveau du xiv° siècle, et la charte mentionne les vins d'Orchieze, de Saint-Jangon et de Montiz. La déclaration du temporel de l’archevêché de Narbonne au xiv® siècle. s Des comptes de fouage, des rôles d’amendes pour les villes de Saint-Lô, de Bayeux, de Mortain. Nous entrons dans l'histoire proprement dite par un volume qui renferme uniquement des lettres du xv° siècle; c’est le n° 71 de la collection : Louis XI, Charles VIIT, Philippe de Clèves, Hu- gües et Jean de Châlons, l'amiral Coulon, André d’'Harcourt, le grand sénéchal de Brézé, Charles d'Armagnac, Guy de Laval, Jean, sire d’Albret; Guillaume de la Marche, le comte de Dunois. Robert de la Mark, Philippe de Crèvecœur, François d’Avaugour, François, bätard de Bretagne; notre grand historien Philippe de Comines, et de celui-là les lettres sont nombreuses; Louis II de la Trémouille, les sieurs de Chabannes et d’Albon, Gilbert de Bourbon, comte de Montpensier, Louis Malet, sieur de Craville : voilà les grands noms qui remplissent les pages de cet important volume. 11 comprend une partie des règnes de Louis XI et de Charles VIIT. Je ne puis plus me contenter d’une simple mention; il faut citer en entier les documents : | LETTRE DE LOUIS XI AU CHANCELIER. « Monsieur le Chancelier, « Vous respondrez à monseigneur de Tours de par moy que de- puis que je l'ai congneu la grant plaie qu'il vouloit faire sentir la couronne, je ferois grant péché et que je craindrois fort ma conscience de le croire de rien ny lui demander conseil ny pour riens, ny vouldrois riens en demander. «Item vous lui direz quant je luy escript se fust qu’il voulsist prier Dieu pour ma santé, par quoy il n’avoit que faire de s’en — 378 — mesler plus avant, car il me semble qu'il estoit plus tenu à moy que à monsieur le cardinal Balue et au cardinal sancti Petry. « Item dictes luy franchement que me déplaist qu'il a mis la main à la charrue et regarde darrière luy et que tant que je le voy parcial je ne me vouldrois fier en luy. | « Chancelier, faites justice incontinent de celui qui a tort et in- continent me mandez et laissez toutes mes besongnes pour ce faire. | « Escript à Méhung-sur-Loire, le XXII jour d’aoust 1482 1. » Si Louis XI écrivait avec cette familiarité énergique, elle ne lui déplaisait pas dans la bouche de ses serviteurs; voici une lettre du sire d’Estouteville, le prévôt de Paris, où la crudité de langage est certes bien hardie : «Sire, je me remets à vositre bonne grace tant si humblement comme je puis et vous plaist sçavoir, Sire, que j'ai veu Monsei- gneur d'Aux ? à Vernon, et lui ay dit que m'avez chargé de lem- mener quant et moi, il m'a dit qu'il ne viendra point se vous ne luy escripvez, car il est bien ayse avec monsieur de Torcy et ne luy fault pas de chevaux, parce qu'il va en bateau et qu'il est aussitost assis à table que mon dict sieur de Torcy. «Sire, je vous assure qu'il est bien amendé depuis que vous ne le vistes, et vaut beaucoup mieux qu'il ne faisoit, et Denys aussi, qui est avec luy. Si ce est vostre plaisir de l'avoir, il faudra que vous lui en écriviez, et je le ramènerai quant et moy. Il dit que vostre vue luv a cousté deux cens escus du sien, et encore cou- choit-il sur les bancs, et le bailla-t-on à gouverner comme le veau à Brillac, qui lui fit écorcher les fesses à Évreux à force de le mener rudement après vous, dont il n’est pas bien content. «Sire, il vous plaira moy mander et eommander vos bons plai- sirs pour les accomplir à l’aide de Dieu, Sire, qui vous donne bonne vie el longue et accomplissement de tous vos bons désirs. « Escript au petit Andely, le XXIX° jour d'avril 1480 ÿ. » ! N° 71 de la collection. * L’archerêque d'Auch, Jean V d'Armagnac. ? N° 71 de la collection et des autographes. — 379 — LETTRE DE LOUIS DE BRÉZÉ, grond sénéchal de Normandie et comte de Maulevrier, AU ROI LQUIS XI. « Sire, tantet si humblement que faire puis à vosire bonne grace me recommande, plaist vous sçavoire, Sire, que je vous envoie la plus viste lévrière et la plus hardie de vostre royaume, et se vous voulez jamais avoir de bonne rasse de l’ung de voz deux lé- vriers blancs, faictes en la saillir duquel qu'il vous plaira, car elle porte les plus puissans lévriers du monde et les plus beaux; s’il vous plaist, quant elle sera saillie, me la laisser en garde, il n’y a homme au monde qui vous nourrisse mieux les lévriers que je feray. | « Sire, je commence fort à apprendre à aller, et mais que j'en sois ung petit peu meilleur maistre, je iray devers vous pour vous monstrer que je voys de bon pié en avant, vous suppliant, Sire, qu'il vous plaist me commander vos bons plaisirs pour vous obéir, comme celui qui veut vivre et mourir en les accomplissant, priant le benoitz filz de Dieu, Sire, qu'il vous donne très-bonne vie et longue avec l’entier accomplissement de voz vertueulx et magna- nimes désirs. « Escript en vostre chasteau de Rouen, le VI jour de janvier 1481 !.» Voici encore une lettre de l'amiral Coulon à Louis XII ; « Sire ,Je me recommande à vostre bonne grace, lantet si humble- ment comme je puis, et vous plaist sçavoir que J'ay reçu vos lettres, et pour icelles me escripvez que le brasseur que vous ay envoyé dernièrement ne faict guères, et n’est point bien tout à vostre ap- pétit, et que je vous envoye le meilleur faiseur de ceulx de Hol- lande que je pourray trouver. Sire, je vous enverray maintenant en vostre ville de Rouen le père de ma femme pour se enquérir où il pourra trouver des meilleurs et suffisans de la ville pour ce faire; et aussi moy-mesme j'iray en vostre ville de Harefleur et Caudebec et par tout le pays, tellement que je vous enverray à ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, Recueil de lettres originales du xv° siècle. — Documents français, n°71. =, QD ceste fois que pourrez choisir et prendre ce qu’il vous plaira. Je suis pour le présent à vostre ville de Honfleur, où je besoigne pour le faict de vos navires; mais est nécessaire que appointiez aucune provision sur le faict de vos marigniers, ou aultrement il ne s’en pourroit trouver nulz pour venir dehors avecques moy. «Sire, aultre chose ne vous sçay que escrire, priant Nostre Sei- gneur qu'il vous donne bonne vie et longue, et accomplissement de vos très haultz et nobles désirs. « Escript en cette ville de Honfleur, le XV de mars 14821.» Les limites de ce rapport ne me permettent que peu de cita- tions; toutefois je mentionnerai une lettre du gouverneur de la Bastille, Philippe d’Aviller, à Louis XI, dans laquelle il se plaint que la dépense de l’évêque de Verdun n’a été taxée qu'à deux francs, et de ce qu'il n’a rien reçu pour la garde du connétable ; Le serment de fidélité prêté à Louis XI par monseigneur de Ne- mours, dans l’église d'Angers, le 13 juin 1470, entre les mains de M. de Naudemont et devant la vraie croix de Saint-L0:; La révolte des chanoines de Séez, racontée à Louis XI par Jean du Vergier. La compagnie du maréchal de Gié marcha sur la ville où les chanoines s'étaient retranchés, refusant de recevoir leur nouvel évêque monseigneur de Laval. Lorsque l’historiographe Godefroy écrivait son histoire de Charles VIII, pour nous parler de la fatale campagne de Naples, il avait sous les yeux les lettres du roi et celles du duc d'Orléans. Ce sont justement ces lettres, dont il a imprimé une partie, qui ont été apportées en Russie; mais il ÿ en a d’autres encore écrites d'Italie que Godefroy n’a pas reproduites. À chaque page elles té- moignent du dévouement du duc d'Orléans au roi, de ce qu'il fit pour conjurer de plus grands revers. Je crois utile de donner ici les lettres de Charles VIIT et celles du duc d'Orléans qui appar- tiennent à l’histoire de leur temps. LETTRE DU DUC D'ORLÉANS AU ROI CHARLES VII. « Mon très-redoupté et souverain seigneur, à vostre bonne grace me recommande tant et très-humblement que faire le puis. ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, Documents français, vol. 71 fol. 86. — (Autographe.) — 381 — « Monseigneur, sitost que fus arrivé en cette ville de Rouen, j'ay envoyé en toute diligence quérir mon lieutenant, lequel estoit allé mener des gens à Honnefleur pour armer vos navires, ainsi que le vostre admiral et ceux qui en ont la charge luy avoient fait sçavoir, et avoit mon dit lieutenant mené avecques luy le cappi- taine Philippes du Moulin et sa compaignie et aussi ung nombre des miens et d’autres de vos ordonnances avecques des gens de pié tant que gendarmes. Mais quand vos ditz gendarmes ont esté là, le dict vostre admiral et ceux qui ont la charge de la mer ont assemblé le conseil des mariniers et ont trouvé que vostre navire n’estoit puissant de combattre le gros navire d'Angleterre, et, pour descharger le peuple, ont renvoyé les dits gens de guerre et mon lieutenant. « Monseigneur, je me suis enquis à iceluy mon lieutenant sil avoit point oy de nouvelles du demourant de leur armée, et s’ilz faisoient nulz semblans de descente. Il m'a respondu qu'il a fait ouyr ung marchant italien qui ne fait que venir d'Angleterre, en la présence du dit admiral, lequel a respondu ce qui est contenu en sa déposition, laquelle je vous envoye, et s’il vous plaist le dit marchand je vous envoyray. « Monseigneur, je feray diligence d'en sçavoir plus au long et toujours vous en advertiray, et si survient riens, je mettray peine de vous servir le moins mal que je pourray. Si je vois que ce ne soit riens, je m'en retourneray incontinent devers vous. Monsei- gneur, j'ai trouvé par decà le peuple en grant désespoir pour la pillerie des gens d'armes et m'en suis informé, mais J'ay recon- gneu que les grans plaintes sont venues des gens de pié lesquelz on a fait aller et venir trois ou quatre fois sans que besoin en feust, et y a eu ung petit ordre jusques icy. « Monseigneur, je y eusse pieçà mis l’ordre, mais je ne sçay qui sont les commissaires ne les cappitaines qui en ont la charge, car rien n’est adressé à moy, comme dernièrement que Je fus par deçà je vous fis scavoir. Touttefoys, Monseigneur, J'ay envoyé de tous costés et espère en donner si bonne provision que vostre pauvre peuple en sera soulagé, qui en a bon besoing; aussi ay envoyé par- tout pour faire servir les gens d'armes et mettre en leurs garni- sons. | « Monseigneur, ceux de cette ville m'ont fait une grant re- montrance de leur prisonnier, qui est en la Conciergerie, et m'ont — 382 — prié vous en escripre et vous supplier qu'il vous plust y donner quelque provision; autrement ay paour qu'il en vienne quelque scandale. « Mon très-redoubté souverain seigneur, commandez-moy tou- jours voz bons plaisirs pour iceulx accomplir et prie le Créateur vous donner très-bonne vie et longue et l’accomplissement de voz très-nobles désirs. » Ka) juin 1484 Là » LETTRE DU DUC D'ORLÉANS, DEPUIS LOUIS XII ; À SON COUSIN M. DE TORCY, JEAN D'ESTOUTEVILLE, Grand maître des arbalétriers. « Mon cousin, je me recommande à vous, je croy que entendez assez des piecà les parolles que Monsieur de Lorraine a toujours dites de moy, dont les effetz s’en suivent à son pouvoir tellement que à son pourchassement il a amené le roy dedans Orléans, et tellement le presse contre la volonté, qu'il a fait défendre à ceulx de ma ville d'Orléans de me mettre dedans: il s’est vanté d’ame- ner le roy en ceste ville de Beaugency, délibéré de servir et obéir le roy, mais de mon pouvoir je me garderay que Monsieur de Lorraine ne me gestera plus de mes places. « Mon cousin , le dit sieur de Lorraine et ceux qui sont ayecques luy vous pourroient faire escripre par le roy et. vous donner à en- tendre plusieurs choses autres que véritables, comme avez peu co- gnoistre qu’il a fait par ci-devant; je vous prie que n’y veuillez ajouster foy et entendre qu’il n’est question que de Monsieur de Lorraine et de moy. Je vous’ prie et vous requiers, comme mon cousin et amy, que me veuiller porter et favoriser à l'encontre du sieur de Lorraine et en toutes mes bonnes querelles ainsy que au- trefoys m'avez promis, car au regard de moy je ne fis jamais mi ne vouldrois faire chose qui fust contre le roy. Mon cousin, je prie à mon seigneur qu’il vous donne ce que désirez. « Escript à Beaugency, le XXX° Jour d’aoust 14842. » 1 Chartes et lettres des rois de France, n° 33 de la collection. ? Original signé, — {Chartes ct lettres des rois, reines et enfants de France.) — N° 34 de la collection. — 383 — Voici maintenant les lettres écrites durant la guerre d'Italie. A celles du duc d'Orléans je joins celles de Charles VIN : LETTRE DE LOUIS, DUC D'ORLÉANS, DEPUIS LOUIS XIT, À PIERRE DE BOURBON (le sire de Beaujeu). « Monsieur mon cousin, ce jourd’hui et depuis j'ai dépesché le doyen de Lisieulx pour aller devers vous. Le sieur Ludovic a en- voyé devers moy ung de ses gens, nommé messire Françoys de Casal, par lequel il m'a fait dire que pour ce que le roy est son ennemy et à ceste cause que je meisse entre les mains de messire Galéas de Saint-Severin, qui dit estre mon serviteur et amy, ceste ville et autres mes places, et que je me retire oultre les monts; et il me baïillera seureté telle que je vouldray de me rendre et faire rendre tout incontinent que le roy sera de retour delà les monts en France, et que je n’y perdray rien, et se je ne le veux faire, il mettra peine de la prendre par force et m'en gester hors à mon grant dommaige et de tous mes gens et subjelz, sur quoy je lui av promptement et sur-le-champ fait response que la ville et place estoient miennes et de mon patrimoyne et héritaige, par quoy de les mettre en autres mains ne m'en aller hors et mes pays je n’en estois point délibéré, et toujours me trouvera icy ou au devant de luy prest et appareillé de me défendre et attendre le roy ainsi qu’il lui a pleu me mander et escripre, puis peu de temps en çà et à ceste cause ay renvoyé incontinent le sieur de Casal pour dire à son maistre cette response. Dont vous ay bien bien voulu adver- tir, pour qu’en toute extresme dilligence me veuillez secourir et ayder à sauver et garder les passaiges pour le retour du roy, ou autrement vous entendez assez l’inconvenient qui en peut adve- nir et le danger où est la personne du roy, s’il n'est secouru, car j'ay nouvelles seures que le roy des Romains est à Trente avec- ques trente mille hommes que les Italiens luy ont payés et doit estre dedans XII jours vers Bolloigne ou Florence, et pour ce pour Dieu prévoyez à tout de vostre costé, car Je suis délibéré de vivre et mourir pour servir le roy et lui faire honneur. « Lundy ou mardy sans point de faulte doy avoir le siége icy, et est déjà leur avant-garde à la Rocque, qui n’est qu'à trois mille d'icy. * « Monsieur mon cousin, je vous mercie tant comme je puis des — 384 — bonnes offres et promesses que m'avez fait dire et vous prie que veuillez continuer, et toujours me trouverez bon et loyal parent et amy, priant nostre Seigneur qu'il vous donne ce que désirez. « Il me semble que en diligence devez m'envoyer Saint-André ou quelque autre homme de bien, car je suis mal pourvu de telz gens. «Le XVII avril 1494, le jour du vendredi saint à midi !.» LETTRE DE CHARLES VIII AU SIRE DE BEAUJEU. «Mon frère, j'ai esté adverty d’un arrest que les gens de ma court de parlement ont naguères donné au profit du chapitre de l'église de Roye sur la restitution du glorieux Monseigneur saint Florent, que le feu roy mon père, que Dieu absolve, incontinent après la réduction en son obéissance de la dicte ville, fist rendre en l’abbaye fondée en l'honneur du dit saint près Saumur, dont autrefois il avoit esté ravy par un comte de Vermandois en temps de guerre et transporté au dit lieu de Roye, et pour ce que en la déduction du procès mon procureur n’a point esté cy, j'ay fait expédier lettres tant patentes que missions adressans aux gens du parlement pour le recepvoir à opposition contre l'exécution du dit arrest, ainsi que par icellez pourrez voir. Je vous prie, mon frère, que, s’il estoit nécessaire d’avoir d’autres provisions pour la con- duite de la dite matière que celles que j'en ay commandées, vous les ferez expédier en la meilleure forme que vous pourrez, car J'ay singulière affection que le dit corps saint demeure au dit lieu en suivant l'intention et vouloir de mon dit feu père, et adieu, mon frère, qu'il vous ayt en sa garde. « Escript à Ast, ie XXVIIF° jour de septembre ?. » LETTRE DE CHARLES VIII AU SIRE DE BEAUJEU. « Mon frère, j'ay receu aujourd’hui lectres de Monsieur le car- dinal de Saint-Denis, par lesquelles il me fait sçavoir des nouvelles de Naples et mesmement de la rupture que le prince de Besi- ! Original signé. — {Chartes et lettres des rois, reines et enfants de France.) — N° 34 de la coïlection. ? Original signé. — (Chartes et lettres des rois, reines et enfants de France.) — N° 34 de la collection. — 385 — gnane et le sieur de Précy ont faite sur les gens de dom Fernand d’Arragon qui a esté de VII et VIII hommes, ainsi que verrez par le double des lettres et d’un petit mémoire que je vous envoye ci- dedans enclos, et pour ce, mon frère, qu’il est besoing prompte- ment secourir mon cousin de Montpensier qui est dedans le chas- teau neuf de Naples, je vous prie faites venir devers vous les gens de nos finances et advisez le moyen pour recouvrer en toute extresme diligence la somme de soixante et dix mille francs pour le dit service et armée de mer qu’il y fault envoyer devant le sixième Jour de décembre; autrement mon dit cousin de Mont- pensier et ceux qui sont avecques luy seront contraints à aban- donner tout, et en faisant diligemment le dit service, qui n'est pas de grands frais, ilz demeureront en seureté et se recouvrera tout ce qui est hors de mon obéissance, et en en suivant le recou- vrement de tout le royaume; par quoy je vous prie de rechef, mon frère, y entendre en manière que promptement je sois secouru et servy de la somme, et au demourant pour donner ordre à tous mes affaires je feray la plus prompte diligence que possible me sera de mon retour, et espère à l’ayde de Dieu ceste feste de Tous- saint sans point de faulte estre à Lyon, auquel lieu vous me trou- verez, ainsi que vous ay dernièrement escript, et y ferez rendre les gens de mes finances, el adieu, mon frère, qu'il vous ayt en sa garde. « Mon frère, il faut faire diligence de faire partir cette armée de mer, que dedans le sixiesme de décembre elle soit devant le dit chasteau neuf, autrement ils seront contraints de le rendre et pour ce faire ont baiïllé ostages !. » LETTRE DU ROI CHARLES VIII A PIERRE II, DUC DE BOURBON. « Mon frère, j'envoye Paris, mon valet de chambre, porteur de ceste par devers vous pour vous compter bien au long de mes nou- velles, et tousjours selon que mon affaire se portera je vous en fe- ray sçavoir. Je partirai demain ou mardyÿ pour aller à Parme et rapprocher le camp où est partie de mon armée pour là faire ce que je trouveray par conseil, dont en toute diligence je vous adver- ! Original signé. — (Chartes et lettres des rois, reines et enfants de France.) — N° 34 de la collection. MISS. SCIENT. — 11. 25 — 380 — tiray. Mon frère, au surplus, je vous prie que vous ayez l’œil en mes affaires de delà et à oster la pillerie de mon royaume, car vous sçavez que c'est la chose du monde que plus me déplaist, et sovent m'escripvez et faites sçavoir de vos nouvelles et ce que sur- viendra et vous me ferez plaisir, et à Dieu, mon frère, qui vous ait en sa sainte garde. «Escript à la ville d’Ast, le cinquième jour d'octobre 1494 !.» LETTRE DE LOUIS, DUC D'ORLÉANS, DEPUIS LOUIS XII, AU DUC DE BOURBON (le sire de Beaujeu). «Monsieur mon cousin, à ceste heure sont venues lettres d’un mien amy, qui me advertist que la cause pourquoy le sieur Ludo- vic a dissimulé jusques ici à me assiéger a esté et est parce qu'il a congneu que Je suis délibéré de me deffendre et ne partir d'icy, et que pour ce faire j'ay assemblé le plus de gens que j'ay peu, et à ceste cause il y veult venir avec une grande puissance, laquelle il fait toute extresme diligence d’assembler et amène mille hommes d’armes et XV” hommes de pié, lesquelz il doit avoir demain ou jeudy tous ensemble, et incontinent me doit venir poser siége de tous costés. À quoy, avec l’ayde de Dieu, je pense résister, mais que j'aye mon secours, ainsi que par tant de foiz vous ay rescript et espère y faire un tel service au roy qu’il en sera à jamais parlé. «Je vous prie, mon cousin, que faciez dilligence partout à m’en- voyer gens, et se n’aviez envoyé en Suisse, ne faillez à y envoyer, comme je vous ai dernièrement escript. « Escript à Ast, le XXI jour d’avril?. » LETTRE DE LOUIS D'ORLÉANS, DEPUIS LOUIS XII, AU DUC DE BOURBON (le sire de Beaujeu). « Monsieur mon cousin, j'ay présentement receu les lettres que m'avez escriptes, et vous mercie de la bonne diligence que avez faite et faites chacun jour pour envoyer gens de par deçà pour le service du roy où il est requis plus que jamais pour plusieurs rai- sons faire extresme dilligence et faire marcher les gens d'armes 1 Original signé et contre signé Robertet.—{Chartes et lettres né rois, reines et enfants de France.) — N° 34 de la collection. ? Chartes et lettres des rois de France. — N° 34 de la collection. — 307 — jour et nuit sans attendre leurs bagaiges ne autres choses, et ceulx qui sont les premiers comme la compaignie de monsieur le ma- reschal de Rieux, les fault faire venir en diligence devant sans attendre les autres, vous priant, Monsieur mon cousin, que ainsi le veuillez faire, car si J’ay quelque prompt secours, comme vous ay escript, je pense faire ung tel service au roy que en longtemps en sera parlé. «Je vous ay escript deux ou lroys foys touchant le fait des Suisses à ce que envoiez devers eulx pour en avoir deux ou troys miile , qui est la chose du monde qui plus peut faire au fait du Roy pour plusieurs raisons que pouvez assez entendre, et vous prie de- rechef, Monsieur mon cousin, tant comme je puis, que si fait ne l'aviez, y veuillez en toute dilligence pourveoir, et me faire sça- voir ce que en aurez fait, ensemble de toutes autres choses, et dé- pescher tous les jours la poste pour nous faire sçavoir de voz nou- velles et je vous feray sçavoir des miennes, en priant Dieu, mon cousin, que vous doint ce que désirez. » « Escript à Ast, le XXII! jour d'avril 1495 !.» Je touche aux dernières années du xv° siècle sans avoir laissé de côté aucune lettre historique. Pour le xvi° siècle, ma tache va de- venir plus difficile, car les documents abondent et la plupart ont une certaine valeur. Je n'ai pas à m'arrêter à Louis XII. À partir de l'année 1500, les quelques lettres de lui, les quelques chartes éparses dans le recueil des rois et reines de France sont de médiocre importance. I n’y a guère plus à dire de François [‘: une lettre de lui au duc de Mantoue, 28 juin 1528, une ou deux lettres à M. de Ville- roy, deux billets de sa charmante sœur Marguerite d'Angoulême, une ou deux chartes de Louise de Savoie, quelques dépêches d’am- bassadeurs disséminées çà et là, une lettre du connétable de Mont- morency, 13 juin 1533, au bailli de Troyes, ambassadeur en Angleterre, à l’occasion du couronnement de la reine d’Angle- terre, dont il le prie de « lui mander au long les cérémonies, tour- nois et triomphes, » voilà tout ce que j'ai pu recueillir sur ce long règne. 6 La part d'Henri IT est plus considérable; un volume entier lui 1 Chartes et lettres des rois de France. —- N° 34 de la collection. — 388 — est consacré sous ce litre : Minutes originales des lettres écrites par Henri LI et François IT; c'est le n° 17 de la collection de Saint-Pé- tersbourg. J’ai également retrouvé quelques lettres de lui dans le recueil des lettres des rois et reines de France, n° 34 de la collec- tion. Mais ce n'est qu'à partir du règne de François II que les documents de la bibliothèque de Saint-Pétersbourg prennent un véritable intérêt historique; là tout est à prendre, tout devrait être copié. Voici d’abord une lettre que François Il écrivait à Philippe II pour lui recommander sa sœur, cette jeune Élisabeth de Valois, la fille bien-aimée de Catherine de Médicis, que Brantôme alla visi- ter en Espagne, et dont il nous a laissé un si charmant éloge : «Mon bon frère, je ne vous manderay point de mes nouvelles par la reine madame ma sœur, car elle vous en dira plus et rendra meilleur conte de l'amitié que je vous porte que autre personne quelconque, mais je vous la recommanderay bien comme une des choses de ce monde que j'ay la plus chère, et vous prieray comme telle la recevoir et aimer pour l'amour de lobéissance que vous trouverez en elle et de l'amitié que me portez, qui m'obligera de plus en plus à vous rendre le semblable en toutes choses que je cognoistray vous estre agréables et à vous demeurer tant que je vivray Î.» Je fais suivre cette missive d’une lettre de Marie Stuart à Phi- lippe Il; elle aussi veut FERRAND à Philippe Il la compagne de son enfance. «Monsieur mon bon frère, si la reine madame ma sœur s'en alloit en lieu où je ne l’estimasse si heureuse et contente qu’elle est, je ne me pourrois tenir de plaindre et regretter infiniment sa présence et compagnie, pour la perte que je fais en mon particu- lier si grande que son semblable ne puis je recouvrer, mais co- gnoissant combien est grand son heur, je veux oublier mon mal pour me resjouir de sa bonne fortune avec vous et je m’asseure que tous recevront tel contentement d'elle que plaindront le roy monseigneur de l'avoir perdue, et encores que ses vertuz et l'ami- ! Chartes et lettres des rois, reines et enfants de France. —- N° 34 de la col- lection des autographes. \ °— 389 — tié que luy portez la vous rendent assez recommandée, si est ce que pour luy tesmoigner et à vous la bonne amitié que je lui porte, je ne veux faillir d'y adjouster ceste mienne recomman- dation, vous priant la recepvoir comme d’une personne qui l’ayme le plus du monde et qui veut toujours estre !.....» M. Louis Paris, dans la Collection des documents inédits sur histoire de France, a consacré un volume aux Végociations sous François II. Je puis avancer sans exagération qu’il y a assez. de do- cuments à Saint-Pétersbourg pour en former un second volume, et je vais rapidement les énumérer. Lettres de François IT, dont plusieurs de haute importance, adressées au duc de Savoie et au Roi de Navarre. ; Dépêches originales de L’Aubespine, évêque de Limoges (vo- lume n° 97 de la collection). Aucune de ces lettres n’a été imprimée par M. Louis Paris. Lettres originales d'Élisabeth de Valois à Catherine de Médicis (volume LIII de la collection). Elles sont réunies dans le même volume à soixante et douze lettres originales et en espagnol de Phi- lippe IT à Catherine de Médicis, collection d’un immense intérêt qui mériterait d’être réunie à notre collection de Simancas des Archives impériales. Journal privé d'Élisabeth de Valois , envoyé à Catherine de Médi- cis par une des Françaises qui avaient suivi Élisabeth en Espagne. Ün fragment de ce dernier mémoire en fera juger l'importance : « Madame, ne voullant faillir continuer au discours que je vous envoiay par Mons. de Rambouillet, je reprendrai au XXIX° jour d'avril pour vous dire comme ce jour-là la royne vostre fille avoyt une robbe de taffetas viollet toute chamarée de large passement . d’or, la cotte de satin blanc couverte de broderie d’or, et coyfée à l'italienne de rubiz et diamanz. Elle et madame la princesse furent ensemble en lytière ouyr la messe en une église appelée Saint-Pierre-le-Martyr, puis après disnée Sa Majesté passa le temps à acoustrer ses poupées et son cabinet, et après fut veoyr madame la princesse en sa chambre, où elle demeura jusques au souper, après lequel ledit sieur de Rambouillet vint prendre congé d’elle et achepva le reste du soir à deviser avecques nous. Ce jour-là 1 Chartes et lettres des rois, reines et enfants de France. -- N° 34 de la col- lection. = Où =: Sa Majesté voulut estre commère d'un fils de son apothicaure et pour compères Mons’ le Prince et le comie d’Albe. Elle y envoya madame de Vineulx, toutes ses filles et gentilshommes, et le dict prince le marquis de Laure, et le nommèrent Charles. Le mardYy, dernier du dict mois d'avril, elle estoit vestue d’une robbe à bour- relez de toille d’or, la cotte de satin blanc couverte de broderye d’or, et coyfée à l’Ytalienne. Après disner, elle joua longuement aux martres!, puis alla au dortouer de ses filles faire achepver sa paincture. Depuis souper elle passa le temps à deviser comme de coutume. Ce jour-là les ambassadeurs angloys eurent audiance du roy. Le mercredy, premier jour de may, elle avoyt sa robbe et cotte que madame la princesse luy donna, qui est comme je vous ay escript.par cydevant, et coyfée à l’espaignolle de rubiz, diamanz et grosses perles entrelacées par dessus ses cheveulx, le carquan semblable avecques le diamant que le Roy lui a donné. La dicte princesse ouyt la messe avecques elle, et après disner Sa Majesté dansa ung peu avecques ses filles, qui estoient ce jour-là toutes habillées à l’espaignolle de robbes de velours viollet bordées d'un petit bord entrelacé d’un satin viollet, la cotte et pourpoinct de satin cramoisy chamarrés de petites bandes de satin blanc, que le roy leur avoit données à chascunes et jusques aux chapins chausses et toille pour leur faire des chemises. La dicte dame alla visiter la comtesse d'Ureigna, qui estoit malade, et puis le Roy, monsieur le Prince et madame la Princesse la vindrent trouver pour aller veoyr ung combat de thoreaux qui se faisoyt en la grand place près ce palais en l’honneur du nom du roy. Les dictes dames es- toyent ensemble dans une lytière descouverte, et nous toutes après à cheval. Le dict sieur Roy estoit au costé gauche de la dicte lytière et le dict prince au devant avecques le sieur dom Jouan. Il estoyt sept heures avant qu'ilz en retournassent, et après se retyrèrent chascun dans sa chambre sans qu’il Y eust ce soyr aultre chose de nouveau. Le lendemain elle avoyt une robbe à l’espaignolle, à taf- fetas vert couverte de passemenz d’argenz, la cotte de satin cra- moisy et gaufré couverte de mesme passement à lozanges, coyfée à l’espaignolle d’esmeraudes, diamanz et perles. Après disner, elle joua aux martres, puis dansa quelque temps et après s’'amusa à son cabinet et à piler elle-mesme des rozes pour faire de la con- l Espèee de jeu d'ossclets. — 391 — : serve. Monsieur l'ambassadeur la vint veoyr, qui y demeura jus- ques à cinq heures. Elle soupa retyrée et après dansa en sa garde robbe avecques ses filles des branles au son de la musette. Le ven- dredy matin sa mygraine l'empoigna, qui fut cause qu’elle ne se leva point, mais ouyt la messe, disna et soupa dans le lict, où madame la princesse la vint veoyr sur le soyr et ny eut aultre chose le dict jour. Le samedy sa migraine lui cessa, et prit ce jour-là une robe de taffetas gris mouchetté bordée d’un passement d’or, la cotte à l’espaignolle, de satin incarnat à bandes de velours cramoisy couvertes de petiz cordons d’or, et coyfée comme dessus. Après qu’elle eut disné et devisé quelque temps avecques ses filles, elle alla escripre en son cabinet où elle s’amusa après à l’acoustrer. Et ayant soupé fut veoyr après madame la princesse en sa chambre où elle demeura jusques à plus de dix heures. Le dimanche Sa Majesté fut preste de bonne heure. Ayant une robbe de toile d'argent faicte en broderye de cordons d’or, la cotte de toille d’or frizé d'or, et coyfée à l’italianne de rubiz et diamanz avec le carquan et son gros diamant. Monsieur le cardinal de Burgos la vint trouver de bon matin, qui la mena ouyr la messe à Saint- Pierre-le-Martvr, où elle fut jusques à une heure. Madame la prin- cesse n’y alla poinct parce qu’elle se trouvoyt mal. Sa Majesté passa le temps après disner à deviser et à jouer aux martres, et puis escripvit jJusques à souper pour la dépesche de Clermont. La nuict suivante, environ une heure après mynuict, une femme des filles de la Royne, appelée Chesneau, qui avoyt durant ce voiaige este tousiours mallade de la fiebvre quarte et en ce lieu, pour en estre guerrye et mieux sollicitée, fut mise en une religion de femme où la paouvrette perdit son entendement et devint si folle qu’elle‘se meist mille resveryes en la teste et en aultres disoyt que les dictes religieuses la voulloyent faire bouillir et puis crever les veulx parce qu'elle estoit luthérienne, de quoy elle eut si grande peur que une nuict, pendant qu'une des religieuses avecques laquelle elle couchoyt dormoyt, se leva d’auprès d'elle et s’abilla en religieuse et trouva façon de sortyr pour s'en venir au palais, où elle arriva qui n’estoyt à grand peine jour, conty- nuant depuis infinité de vrayes follies, dont la plus grande fut que la dicte nuict du dimanche estant couchée avecques la femme de Quintinyère en sa chambre au dortouer, pendant qu'elle dormoyent, se leva avecques sa cotte et vint ouvrir la fe- » — 392 — nestre de la dicte chambre (que deux ou trois jours auparavant plusieurs hommes avoyent essayé d'ouvrir, ce,qu'ilz n’avoient peu) et comme elle faisoyt bruict en courant, la dicte femme s’esveilla qui luy demanda qu'elle faisoyt et qu’elle se vinst cou- cher pensant que ce feust la porte qu’elle ouvrit. Elle luy respondit qu’elle dormist hardiment et qu'il falloyt qu’elle allast parler à ceulx qui l’apelloyent, et disant ce propos se jecta du hault en bas en la rue hors du dict palais, où elle se meist toute en pièce parce qu'il y a de haulteur plus de vingt toises, et mourut en cette sorte sans pouvoir estre secourue. La Royÿne avoyt le lundy une robbe de satin jaulne doré chamarée de large passement d'argent découpé et doublé de toille d'argent, la cotte de toyle d’or playne, et coyfée à l’Ytalianne. Elle passa le temps après disner à jouer aux martres, puis à piler des roses et à acoustrer des escorces de cytrons pour confire. Don Henricques, frère du vice roy de Na- ples, venant ditallye, lui vint baiser la main, et après, l’ambas- sadeur de l’empereur print congé d'elle pour s’en retourner. Elle et madame la princesse furent ensemble aux vespres aux Corde- liers, où elles vysitèrent ce qui y estoyt de beau, et après, s’al- lèrent pourmener en coche hors la ville jusques au souper, depuis lequel la Royne passa le temps à jouer et à deviser. Le mardy elle avoyt une robbe à la françoyse de tafetas turquin avec six passe- menz d’or alentour, la cotte de satin viollet faite en broderye d’or et d'argent, et coyfée comme de coustume. Après disner Clermont et Noyant prindrent congé d'elle, puis joua longuement aux mar- tres, à acoustrer son cabinet et à faire de la conserve, et ung peu devant souper alla veoyr madame la Princesse. Le mercredi Sa Ma- Jesté estoyt vestue d’une robbe de toille d'or damassée d'argent, la cotte et manches de toille d'argent frizée dor, et coyfée à l’italianne d'une coyfe dor et d'argent à brodeures desmeraudes. Elle ne feit aultre chose ce jour là que ce quelle avoyt faict l’aultre aupara- vant. Madame la princesse la vint trouver pour aller ouyr vespres en ung couvent de femmes appellé Saint-Pol, où les religieuses leur fyrent une fort belle collation, qui fut accompaignée d’une commedye en espaignol jouée par les dites religieuses. Après sou- per la Royne ne feit aultre chose que devyser avecques la prin- cesse d'Evoly, qui l’estoyt venue veoir. Le jeudy elle avoyt une robbe de toille d’or et d'argent damassée avecques une cotte de toille d’or et d'argent frizé, les manches de mesmes, coyfée de — 393 — diamanz et perles avecques le collier et la saincture semblables. Tout le jour elle ne feit aultre chose que jouer, acoustrer son ca- binet et faire des confitures. Vendredy x° may elle fut ung peu mallade le matin et ne se leva qu'après disner sur les trois heures. Elle print une robille à l’espaignolle de satin jaulne bandée de passement d'argent, la cotte de satin blanc découpé, bandée de petitz passemenz d’or sur des bandes de velours cramoisy, le pourpoinct de satin blanc bandé des mesmes passemenz, et coyfée à l’espaignolle de diamanz et perles. Elle et madame la Princesse s’allèrent pourmener sur le soÿr en coche en une petite mayson de plaisance hors la ville, où elles soupèrent de la viande que le roy leur envoya avec force fruictz nouveaulx. Et sur les dix heures se retirèrent aux torches; on ne fut en peine de faire dresser les tables, car elles firent mettre le couvert à mesme terre soulz une petite galerie, et elles s'assirent pour avoir plus de fraischeur et nous toutes aussi. » Il est temps d'arriver à Catherine de Médicis. La bibliothèque de Saint-Pétersbourg ne possède aucune lettre de sa jeunesse. Au reste, cette première moitié de sa vie ne compte guère pour la politique. Sa correspondance (je parle de la partie emportée de France) ne commence, à vrai dire, qu’avec le règne de Charles IX. Elle prend alors un grand intérêt. La reine écrit tantôt à M. de Bordillon, lieutenant général en Piémont, tantôt à Monluc, au roi de Navarre, à l’évêque de Limoges, ambassadeur en Espagne. La prise de Rouen, les négociations entamées pour la paix de 1563, la reprise du Havre sur les Anglais, les délibérations du concile de Trente, toute cette époque si agitée de notre histoire vient. s'encadrer dans ces longues lettres écrites chaque jour; car sa plume est vraiment infatigable. Dans les années suivantes, les relations diplomatiques tiennent une plus grande place; l'administration intérieure de la France nous apparaît dans ses moindres détails. M. de Carces, qui com- mandait en Provence, le président de Birague, MM. de Tournon et de Ville-Parisis, nos ambassadeurs à Rome, M. du Ferrier, notre ambassadeur à Venise, M. de la Forest, notre ambassadeur à Londres, tels sont les principaux personnages auxquels s'adressent ces dernières lettres de Catherine de Médicis, toutes marquées au coin de la prudence et de la plus souple politique. Ce n’est pas tout encore : la Russie possède la plus grande par- — 394 — tie de la correspondance de Catherine avec son fils, le duc d'Anjou, durant la seconde guerre civile, depuis la journée de Meaux jusqu’à la paix de Saint-Germain (8 août 1570). I y a peu de lettres de Catherine de Médicis dans les années 1971, 1972 et suivantes; mais, si l’on va jusqu’à l’année 1579, et jusqu’à l’année même-de sa mort, il y en a un volume entier; c'est sa correspondance intime avec Henri III. Son voyage en Lan- guedoc, les paroles échangées pour le mariage d'Élisabeth d'An- gleterre et du duc d'Alençon, les tristes hontes infligées à sa fille Marguerite, sa dernière entrevue avec le roi de Navarre (1586), les négociations qui suivirent la journée des Barricades : cette triste fin du règne d'Henri IT s’éclaire par les nombreuses lettres que je rapporte et dont il est inutile de donner ici des fragments, puisqu'elles paraîtront en entier dans la Collection des documents inédits sur l’histoire de France. | | Indépendamment des lettres de Charles IX, qui font partie du recueil des lettres des rois et reines de France, et de quelques au- tres éparpillées çà et là, sa correspondance a été spécialement réunie dans deux volumes, les n°% 21 et 21 bis de la bibliothèque de Saint-Pétersbourg. Tous deux faisaient autrefois partie du dépôt de Saint-Germain-des-Prés ; 1l n’y a pas à s’y tromper : les som- maires placés en tête de chaque lettre sont de la même main que les sommaires des volumes du fonds de Saint-Germain, que nous possédons encore. Ces deux volumes, Monsieur le Ministre, dont le catalogue ne donnera que l’analyse, sont du nombre de ceux que je regrette de n’avoir pu copier. Le premier s'ouvre par quelques dépêches de Charles IX à ses ambassadeurs; puis suivent de nombreuses lettres adressées à M. de Nemours, à M. de Burie, qui commandait en Guyenne, au maréchal de Bordillon, au duc de Montpensier, à MM. de Carces, de Tende, de Joyeuse, à l’occasion des troubles de la Provence et du Languedoc, enfin à Monluc. Charles IX revient souvent sur les démélés de ce dernier avec Jeanne d’Albret; il lui fait part des avertissements sévères qu'adresse Catherine de Médicis à la reine de Navarre pour réprimer son infatigable propagande et pour évi- ter le danger d’un conflit avec Philippe IT, dont elle deviendrait l'occasion ; il invite le rude capitaine à se comporter doucement avec la reine sans l’offenser ni l'irriter de paroles « d'autant que cela ne peut en rien servir aux affaires de l’estat. » — 395 — Plus tard, lorsqu'en 1566 le fils de Monluc voulut entreprendre son fatal voyage, disposé, comme le disait énergiquement son père, à plustost servir le Turc que demeurer inutile, Charles IX ne lui épar- gna ni les avertissements ni les prudents conseils. La lettre qu'il écrivit en cette circonstance mérite d’être reproduite : « Monsieur de Montluc, tout ainsy que j’avois trouvé bien mau- vais que le cappitaine votre filz eust, comme j'avois esté adverty, donné parole de secours à ung estranger sans ma permission, aussi ais-je esté bien fort aize d’avoir entendu comme le tout s’estoit passé, et qu’en cela il n'ait rien faict qu'escouter ce qu’on lui a dict sans s'obliger ny de parole ni de promesse aulcune, et, puisque cela est, il ne fault point qu'il aille de ce costé là, mais qu'il continue le voyage que me mandez, que je le trouve très-bien, pour vu qu'il ne s'adresse en lieu dont le roy catholique mon bon frère, ni mes autres amis et alliez soient offensez ny dont ilz me puissent faire plainte, et en quelque lieu qu'il aille, qu'il regarde bien l'exemple de ceux qui de lout temps ont esté devant luy en tel pays, et com- bien leur fin et retour a esté malheureux ou peu fructueux, affin que, cela bien pesé , il regarde de ne s'adresser en lieu dont il puisse avoir tant de peine, d’incommodité et si peu de fruict, que je ne veulx pas qu'il se perde, ni ceulx qui sont avec luy, puisque j'espère m'en servir un jour en quelque meilleure occasion, comme je sçais qu'il en est digne et qu’il saura et voudra très-bien faire !. » Puisque j'en suis aux citations, je ne puis laisser de côté la fin d'une dépêche de Charles IX à l’évêque de Limoges, dépêche évidemment dictée par Catherine de Médicis, car le roi n'était qu'un enfant, et la reine y maintient d’une main bien ferme l'indépendance et la dignité de la couronne de France à l'égard de Philippe 11. C’est un document qui appartient à l’histoire de l'époque : « La fin de ma lettre sera de vous parler d'ung propos que m'a tenu l'ambassadeur du Roy mon bon frère et qui m'a esté confirmé par le sieur Dauzances, qui est qu’il me prioit m'asseurer que si j'avais besoing de son ayde pour l’establissement de mon obéis- sance qu'il y emploieroit tout ce qu'il seroit en sa puissance, el en ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. — Lettres de Charles IX, & IT, (93. — Minute originale. — 396 — . cela ne faire difficulté à toute occasion de l’employer comme le meilleur et plus parfaict amy que j'eusse en ce monde; mais qu'il me prioit ne trouver estrange si, aimant et embrassant comme il faict la conservation de la religion, il ne pouvoit estant requis par aucuns de mes subjects de l’ancienne religion de leur assister à la manutention d'icelle, s’ilz estoient contraincts de s’eslever et prendre les armes pour cest effect de les secourir à employer ses forces etsa puissance en leur ayde, sur quoy je vous prieray quant au premier point le remercier très-affectueusement de ma part de ceste bonne volonté, qui m'est une obligation de luy faire pareille offre en toutes choses où il aura besoing de mon ayde, secours et faveur, encores que, Dieu mercy, je voie toutes choses en mon royaume en tel estat que j'espère avoir sans y employer per- sonne telle auctorité et obéissance que je le scaurois désirer. Mais quant au second poinct qui touche l'élévation de mes sub- jects, je ne me puis tenir de trouver ce propos aussy estrange en regard de la bonne et parfaicte amityé, estroicte alliance et fra- ternité qui est entre nous. D’aultant que n'’estant licite à aulcun subject de s'élever contre son prince pour quelque occasion que ce soit, Je ne puis croire que en une cause commune qui touche et regarde tous les princes et potentatz, ceulx de mes subjectz qui se seroient tant oubliez puissent trouver crédit, faveur, supportet ayde envers ceulx qui me seroient amys, et moins envers luy qui d’aultant qu’il m'est plus grand amy et estroictement allié les de- vroit plus rejetter. À quoy quant l'amitié qui est entre nous ne le y convieroit, il devroit estre incité par la recongnoissance d’un semblable bon offre que le feu roy mon seigneur et frère a faict envers luy, quant à Amboise Mazères l’advertit qu'il y avoit des Espaignols qui avoient conjuré contre luy, dont il luy donna sou- dain advertissement, lequel advis encore qu'il ne soit venu de moy, ains de mon dict frère si est ce que je me promets tant de l'amitié du roy mon dict frère, que j'estime et veulx croire quil ne m'aime moins qu'il faisoit luy qui me faict plus tost espérer que cognoissant telz mutins, rebelles et ennemys de moy et ma couronne, s'ilz s'adressent à luy, non seulement il les rejettera comme ennemys et perturbateurs du repos public, mais m'adver- tra de leurs noms et qualitez pour en faire faire la pugnition et chastiment tel que leur malheurte le mérite. Autrement il me fera cognoistre le peu d’assurance qu’il y aura à faire de sa bonne vo- — 397 — lonté tant de fois réitérée. Sur ce que je ferai fin, priant Dieu, Monsieur de Limoges, qu’il vous ait en sa saincte et digne garde !. » Je reviens à la deuxième partie du n° 21, où l'on a groupé toutes les lettres de Charles IX à son frère le duc d'Anjou, à par- tir du 2 décembre 1567. À chaque page, il est question des opé- rations militaires de la seconde guerre civile, dont les fatigues étaient mal supportées par les gentilshommes de la maison du roi, si nous en jugeons par une lettre où Charles IX énumère toutes leurs doléances; ils se plaignaient d’être mal logés depuis qu'ils avaient rejoint l’armée; il leur devenait impossible de supporter de telles incommodités. Cette correspondance se poursuit jusqu’au moment du siége de la Rochelle, en 1573; on y entrevoit toutes les craintes qu'avait Charles IX que le duc d'Anjou ne s’y fût en- gagé à la légère « sans avoir moyen d’y faire ce qu'il y apparte- noit. » On y entrevoit également toutes les espérances qu'on mettait en Lanoue pour éviter l’effusion du sang. Jusqu'à la fin, la voie des négociations fut tentée. Dans une lettre du 13 février 1573, Charles IX invite son frère à essayer jusqu’à la dernière extrémité de traiter amiablement avec la Rochelle, il lui rappelle qu'il a. bien des fois, à cette intention, dépêché l'abbé de Jadagne. « La voie de la force est douteuse et sujette à bien des hasards; la fin. quelque heureuse qu’elle soit, sera toujours dommageable; de la ruine de la Rochelle et de celle de ses sujets il ne peut lui revenir que perte. » Une fois le siége engagé, le jeune roi en suit les di- verses phases; le plan de la ville sous les yeux, il se rend compte du projet adopté pour combler le port; il n’a aucune confiance dans les résolutions de la reine d'Angleterre. « Dans ses propos il a toujours de belles paroles, mais peu d'effet; elle attend pour prendre un parti sur ce que adviendra du siége. Montgomery fait de grands préparatifs en Angleterre; il faut veiller sur la flotte, se tenir sur ses gardes. » Et, rapprochement singulier, Charles IX écrivait ces lignes au moment même où le duc d'Alençon traitait de son mariage avec Élisabeth. Tout en s’occupant des choses de la guerre, des approvision- nements de l’armée, que rendait difficiles la cherté des vivres sur- venue en Bretagne et en Normandie, Charles IX, quoique déjà affaibli par le mal qui devait l'emporter, ne cessait de se livrer 1 Volume LXXXVI, {° 84. — Concile de Trente. — Minute originale. — 398 — avec rage au plaisir de la chasse, s'attaquant aux sangliers de la forêt de Fontainebleau, seul, à pied, l’épieu à la main. Une fois entre autres il faillit être victime de son imprudent courage; un moment même le bruit courut qu'il avait été mortellement blessé. Pour dissiper ces craintes, qui avaient pénétré jusqu'à la Rochelle, Catherine écrivit de sa main au duc d'Anjou : «Mon filz, Jay esté d'advis de vous envoyer ce courrier pour aultant que je m'asseure que l’on fera croire que le roy vostre frère seroit fort blessé, mais Dieu mercy ce n’est pas guères, il est vray, qu'il a échappé un grand coup, car il s’est mis en opi- nion de tuer le sanglier à pied à coup d’espieu, et ils n'y estoient pas encore beaucoup, et estant Brion et Fontaine et Huy à pied voulant enferrer le sanglier, il ÿY a retourné son mesme espieu sur le pied et luy a coupé auprès du gros orteil, mais il n’y touche point au nerf, mais seulement quelques tendons, et affin que l'on ne vous fasse pas le mal plus grand , je vous en ay voulu advertir incontinent, car je l’ay vue panser, et sa blessure n’est pas plus longue que ceste raye; il est au lit, espère que dans cinq ou six jours il sera aussi gaïllard qu’il fut jamais. Je prie à Dieu quil vous garde de plus grande blessure et vouldrois estre asseuré que luy et vous n'en eussiez jamais de plus dangereuse. Envoyez quel- qu’un de vostre part pour le visiter, il en sera bien aise |.» . Le 23 mars suivant, Charles [X écrivait de Fontainebleau à son frère le duc d'Anjou : «Je commence à me guérir de ma petite blessure, j'espère l'estre bientost du tout; je garde le lit de peur de ia defluxion et vous asseure ma plaie n'avoir esté que de la moitié à peu près aussi grande que celle que j'ay eue au bras.» Les lettres de Henri IIT, sans parler de quelques-unes éparses dans le recueil des lettres des rois de France, dépassent de beau- coup comme nombre celles de Charles IX; elles se subdivisent en deux parties bien distinctes qui comprennent cinq gros volumes : dans les deux premiers, les letires qu'Henri II écrivait lors- qu'il n’était que duc d'Anjou, durant la période de la seconde guerre civile, de 1567 à 1570, toutes signées de sa main et com- plétant la correspondance de Catherine de Médicis et de Charles IX pour tout ce qui tient aux opérations, aux diverses fortunes de ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, vol. XX, {° 84. é — 399 — cette longue campagne de 1569, que signalèrent les deux victoires de Moncontour et de Jarnac; dans les trois autres volumes, les let- tres autographes et confidentielles de Henri III à Villeroy. À l’exa- miner, son écriture semble tout d’abord régulière, mais elle n’est pas formée, les lettres s'alignent sans s'unir, sans se rejoindre; certainement c'est une des écritures les plus difficiles à déchiffrer. Comme intérêt, cette correspondance laisse bien loin celle de la seconde guerre civile; c’est l’homme qui s'y révèle, l'indolent, l'efféminé monarque qui de son lit écrivait ces lignes à Villeroy : «J’ay eu le plaisir d’avoir veu vostre mémoire très bien faict comme tout ce qui sort de vostre boutique, mais il fault bien pen- ser, car nous avons besoin de regarder de près à nos affaires. Je seray sitost là que ce seroit peine perdue d'y répondre. Aussi bien suis-je au lit non malade, non pour polironner, mais pour me retrouver frais comme la rose.» Voici encore quelques lignes de sa main à M. de Bellièvre : « Monsieur, j'ay accordé aux commédiens de avoir ce qu'ilz avoient à Blois, je veux qu’ainsi soit faict et qu'il n’y ait pas faulte, car j'y prends plaisir à les oÿr que je n'ay eu oncques plus par- faict. » La correspondance du duc d'Alençon , dont il nous reste à parler, ajoute quelques renseignements à ceux que nous avons déjà sur la seconde guerre civile et la campagne de 1569. Elle comprend deux volumes, le n° 36 de la collection de Saint-Péterbourg. Resté à Paris, le duc d'Alençon surveillait l'envoi des poudres, les approvisionnements de l’armée, les rentrées d'argent, ce qui n'était pas la partie la plus facile de sa mission. Dans une lettre du 17 novembre 1569, il écrit à Charles IX qu'il lui est impossible d'envoyer les sommes qu’on lui demande « s'il ne s'ayde de la vais- selle et des chaisnes d’or. » Dans une autre, il fait part de l'offre du duc de Florence , qui propose cent mille écus, mais exige le dépôt des joyaux de la couronne à titre de gage. Il émet l'avis de les re- mettre, mais après les avoir estimés. Selon lui, leur valeur doit être portée à 500,000 livres. Ce n'est pas d’ailleurs « un vraigage, mais plustost un témoignage de dette. » Dans le second volume, il y a quelques lettres de lui à sa mère, Catherine de Médicis; il y est question de ses projets de mariage avec la reine Élisabeth. La plupart des autres lettres sont adressées à Henri II, un peu à toutes les époques, mais principalement vers — 00 — la fin de sa vie, si tristement agitée. Futiles entreprises, aussi vite abandonnées que conçues, misérables fluctuations, incessantes de- mandes d'argent, voilà les éternels sujets de cette correspondance où manquent totalement le sens moral, le sens politique. Quelques années plus tard, le même homme s’appellera Gaston d'Orléans. J'en ai fini avec les quatre fils de Catherine de Médicis; voici le moment de m'occuper de ses trois filles. Déjà j'ai dit quelques mots d’Élisabeth de Valois, de la monotonie de sa vie, étroitement murée dans l'étiquette de la cour d'Espagne. Mais, au milieu des misères de ce royal esclavage, une dernière misère lui était ré- servée, c'est, au début de sa vie, d’être condamnée à entrer dans les intrigues de la politique; ainsi le voulait Catherine de Médi- cis. Entre ses mains, la jeune reine devait être l’instrument des- tüiné à agir sur l'esprit de Philippe IL. « Bien que Dieu mercy, écrivait-elle à l’évêque de Limoges, elle ait le naturel bon et l'en- tendement tel que quand elle le voudra appliquer à quelque chose, je m’asseure qu'elle le fera bien, si est-ce que pour la jeunesse qu’elle a, elle ne peult avoir tant de cognoissance que l’âge et l'expérience des choses du monde luy pourront apporter, et je scay combien vos sages discours et advis luy sont venus en ayde 1.» Les lettres de l’évêque de Limoges serviront donc à nous révéler toutes sortes de particularités peu connues sur Élisabeth et Phi- lippe IL Catherine de Médicis exigeait de lui les plus privés détails sur sa fille de prédilection, sur ses rapports les plus intimes avec son mari. Qu'on en juge : « Elle est si faicte déjà à la façon d’icy, écrivait l’évêque, que pour contenter tout le monde il ne luy faudroit entre autres choses que d’avoir ung enfant comme chascun désire. Je ne puis croire, Madame, que ce ne soit bientost, car elle est réglée en toutcomme il fault, de bonne complection et seine, et le roy son mary aussi, qui couche toutes les nuits avec elle. Je lui faits toujours continuer la recepte des œufs selon vostre lettre ?, » Si la mère pouvait se réjouir de l'affection que Philippe II té- moignait à sa fille comme époux, elle ne rencontra pas toujours les mêmes satisfactions sur le terrain de la politique. Élisabeth, ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, vol. CVIT. 2 Jbid. _ — loin d’agir, comme l'espérait sa mère, sur la pensée de PhilippeIT, en subit au contraire plus d’une fois l'influence. Ce n’est pas certes la douce princesse de la paix, comme on l’appelait en Espagne, qui d'elle-même eût écrit à Charles IX : « J’ay receu de bonnes nou- velles de la bataille que vous avez eue par l’eyde de Dieu qui vous a tant favorisé, espérant que ainsy le fera affin que parracheviez à vous venger de ces méchans traistres, ce que je vous supplie, et n'avoir plus de pitié, sinon leur monstrer qui vous estes!. » Je ne puis mieux terminer cette trop courte digression sur Éli- sabeth qu’en citant en entier une lettre d'elle à Catherine de Mé- dicis, où elle lui parle de Don Carlos: « Madame, combien que je vous aye rendu response aux lettres qu'il vous a pleu m'escripre, par Sainct Supplice, si ne laisseray-je pour cela à vous mander des nouvelles de ceste compagnie qui sont très-bonnes, Dieu mercy, et peuvent estre que telles sachant que vous estes en bon santé. Je ne vous saurois que mander du mariage du Prince ? sinon ce que Je vous ai escrit déjà tout plein de fois qu'il est en estat que l’on n'en peut parler, vous pouvez penser si j'en aurai soin, estant la chose du monde que je désire le plus. Ma cousine et Madame de Clermont partirent mercredy. Je ne vous diray point l'ennui que j'ay porté de perdre si bonne compagnie; elles ont esté accompagnées du prince demi lieue, et pour ce, Madame, que l'ambassadeur le vous mande plus ample- ment, je ne vous en feray plus long discours sinon vous dire que ayant eu lettres de leurs pères leur commandant qu’elles s’en allassent, Curton, Quintinière, Montal, les deux Fumel, je ne leur ay pas voulu refuser le congé et faire perdre les partis qui les de- mandoient, m'asseurant, Madame, que vous ne le trouverez mau- vais, puisque c’est pour se marier, et aussi, Madame, que vous me ferez cet honneur de les retenir à vous ou à ma sœur tant qu'elles se mariassent, de quoi je vous supplie très-humblement, vous asseurant, Madame, qu’elles se sont si bien gouvernées en ce pays que j'ay occasion de m'en contenter; je vous supplieray encore un coup de leur montrer que vous avez le service qu'elles m'ont fait agréable. Je laisseray ce propos et vous diray comme je vous en- voye par ma cousine et par madame de Clermont des gans que ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, vol. LIT. ? Don Carlos. MISS. SCIENT. —— 11. 26 — 02 — vous me mandiez, les uns perfumés de blanc, les autres de noiret d’autres sans perfumer sinon lavés qui sont quatre douzaines, aussi fais-je trente-six pièces de reseuf (sic) plain ; s’il n’y en a assez, vous me le manderez, j'en feray chercher davantage. Je vous envoie aussi deux tapis qui m'ont semblé propres pour Chenonceaux; si vous les trouvez beaux, j'en trouveray davantage. Je n’ai pu trou- ver de lit, je ne faudray d'en chercher. Ma peinture n’est encore achevée, et cependant Saint-Sulpice vous porte ma peinture. Je feray fin vous suppliant tenir toujours en vostre bonne grâce. » De la seconde fille de Catherine de Médicis, de Claude de Lor- raine, il n’y a que peu de lettres; elles se trouvent comprises dans le recueil consacré à la maison de Lorraine. J'en détacherai une seule, et je ne puis mieux choisir qu’en re- produisant celle qu’elle écrivait à sa mère à l’occasion de la mort de sa sœur, Élisabeth de Valois, dont je viens de parler : «Madame, ayant veu par la lettre de Vostre Majesté lextresme perte que j'ay faite par la mort de la Reyne ma sœur, qui m'est un ennui tel que si n’est la consolation que je reçois de Vostre Ma- jesté et vos commandemens, auxquels je me force autant que je puis d’obéir, il me seroit fort difficile de passer ces Journées sans qu’il ne me redouble, connaissant la perte que fait nostre Majesté le Roy et son royaume, qui redouble merveilleusement mon ennui pour la crainte que J'ai que l'ennui que reçoit Vostre Majesté ne fasse valoir pis votre santé, qui me fera vous supplier très-hum- blement penser que vous en avez encore cinq, lesquels vous per- dant perdroient toust et ce pauvre royaume, lequel est tant affligé, lequel avec l’aide de Dieu et de vous, Madame, sera bientost en repos. Et me semble, Madame, que toutes les occasions doivent vous faire renforcer et user de vostre constance et vertu accoutu- mée, le plus patiemment que vous pourrez et vous modérer, car, Madame, vous nous le savez si bien dire, si que je m'eflorce tant que je puis et je feray encore plus, quand je sauray que Vostre Majesté sera sortie de cette angoisse. » Je m'arrêterai un peu plus à Marguerite de Valois et aux do- cuments qui la concernent : un volume entier de ses lettres est venu en Russie; il en contient quarante - deux, inconnues à M. Guessard et à tous ceux qui après lui se sont occupés d'elle. La ? Vol, LIT, ff 107 et 108. {Autographe.) — 103 — négociation de son mariage se trouve tout au long dans les dépè- ches de Biron, envoyé par Catherine de Médicis et Charles IX pour en traiter, et certes la tâche était difficile. IT y avait bien des obstacles à vaincre : d’abord, Jeanne d’Albret ne voulait quitter Nérac que lorsque ses villes lui auraient été rendues, et elle se plaignait amèrement de La Valette , puis les termes de la procura- tion que lui présentait Biron pour le mariage étaient loin de la satisfaire; elle acceptait bien le choix du cardinal de Bourbon, mais à titre d'oncle et non de cardinal. « J’ay peine, écrivait Biron, à connoistre son but, elle le retient encore à soy. » Une lettre d'elle à Catherine de Médicis nous initie à toutes ses défiances : « Il vous plaist, Madame, lui écrivait-elle, m’asseurer que mon filz et moy estant près de vous aurons faveur, honneur et bon trai- tement, comme m'a dit monsieur le Mareschal, et ayant vu par le passé commencer l'effect et se continuer autrement, je suis à com- plexion soupçonneuse, Madame, comme vous sçavez bien qui me fait avoir crainte grande que nonobstant que voz volontez soient bonnes comme je ne fais nul doupte, que ceux qui jusques icy ont eu pouvoir de la altérer en mon endroict et lesquels sont en mesme crédit et n'ont point diminué leur malice contre moy, fissent toujours de mesme, vous suppliant très-humblement en- core, Madame, que je ne suis pas si ignorante que je ne cognoisse bien que toute nostre grandeur dépend de voz Majestez et le très- humble service qui nous oblige et appelle à vos pieds, pour y em- ployer vie et biens; mais je suis ung petit glorieuse, je désire y estre avec l'honneur et faveur que je pense mieulx mériter que d’aultres qui en ont plus que moy. Je craindrois, Madame, vous fascher de ces propos, si vostre bonté ne m'avoit accoustumée en mes jeunes ans au privilége que ma vieillesse me pourroit donner de parler privément à Vostre Majesté, vous suppliant très-hum- blement, Madame, de prendre comme m'avez toujours fait cet honneur, et à l’avenir me faire paroistre à bon escient que vous m'honorez de vostre amitié, et me tenir en vostre bonne grace, à laquelle je présente mes très-humbles recommandations et supplie Dieu, Madame, vous maintenir en sa saincte grace et longue vie. « De la Rochelle, ce II de janvier !. » À ces obstacles venaient s’en joindre d’autres, la maladie du ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, vol. LIIT. 26. — Om — jeune roi de Navarre, et le grave état de santé où se trouvait elle- même Jeanne d’Albret. Elle s’en explique dans une lettre à Charles IX : «Monseigneur, je ne vous saurois trop humblement remercier de l'honneur qu'il vous plaist me faire de me vouloir voir, ce que je désire par raison plus que vous pour la faveur et bien que ce me seroit; mais, Monseigneur, ma santé, à laquelle, à mon grand regret, j'ay esté contrainte de céder, ne me le permet si tost que je le souhaite, et aussi ne m'arrestera pas tant que je ne sois preste, aussitost que j'aurai pris des eaux chaudes, à me mettre en chemin pour venir satisfaire à vostre commandement, comme je vous l’ay fait entendre par le sieur de Pardaïillan, et depuis par monsieur de Beauvoir, qui, J'espère, sera bientost vers vous, qui me fait vous supplier très-humblement, Monseigneur, trouver bon que je parachève mon voyage que je ne puis différer sans faire grand tort à ma santé, laquelle je désire d'autant plus recouvrer qu’elle sera employée à vosire très-humble service, et sur cela, Monseigneur, je présenterai mes trés-humbles recommandations à vos bonnes graces, et prieray Dieu qu'il vous donne sa saincte grace en longue et heureuse vie. « Ce XXIV d’aoust, de Pau, vostre très-humble et très-obéissante tante et subjecte ! Par ces trop courtes citations, vous le voyez, Monsieur le Mi- nistre, on retrouverait dans les lettres de Biron, dans celles de Jeanne d’Albret, toute l’histoire des négociations du mariage d'Henri IV. En avançant dans la vie de Marguerite de Valois on retrouve- rait également l’histoire de toutes ses hontes. Catherine de Médi- cis, si réservée qu'elle fût, a des explosions de douleur quand il s’agit des humiliations de sa fille : « Avec ces nouveaux troubles, écrivait-elle à Villeroy, je reçois tant d’ennui des lettres qui font mention de ma fille, que j'en suis cuidée mourir depuis que je suis de deçà, ne se passant eun seul jour que je n’en aye quelque nouvelle alarme, qui m'afflige si fort que je ne me sentis Jamais en telle peine. Ce que l’on tient pour certain et qu'elle ne peut nier, elle a écrit à mon filz le duc de Lorraine, j'ay veu les lettres, ; et, impériale de Saint-Pétersbourg. — Documents français, vol. LITT, f 1. (Autographe.) = 406 — pour le prier de la recepvoir en son pays. Ce me sont des afilic- tions si dures que je seus comme hors de moy.» M. de Birague fut mêlé à toutes les négociations qui eurent-lieu pour arriver à un rapprochement entre le roi de Navarre et Mar- guerite de Valois. Ses lettres sont à Saint-Pétersbourg. Dans l’une d'elles il raconte à Catherine de Médicis qu'il a été jusqu’à dire au roi de Navarre que «retarder de quatre jours seulement de re- prendre sa femme, c’estoit la déshonorer, et faire penser que ce fust plustost pour la mespriser que autrement, que ce n’estoit pas le moyen que le roy fist quelque chose pour luy. Il me sembla, ajoute-t-il, qu'il estoit quasi en peine, car il me dit qu'il envoyoit un gentilhomme à Vostre Majesté pour y satisfaire, que je fisse que la reyne fille de Vostre Majesté vous recommandast ses affaires et moy que je fisse bon office. Je luy expliquais que la reyne et moy ferions ce que nous pourrions. Sur ce le roy, dit en termi- nant Birague, m'a envoyé vers la reine sa femme avec une lettre dont le double est icy enclos.» Malheureusement, je n’ai pu re- trouver cette curieuse lettre. [Il est bon à noter que les ministres protestants, nous le savons par Birague , conseillaient au roi de Navarre de reprendre sa femme , et, s’il ÿy avait guerre à cause d'elle, beaucoup n'étaient pas disposés à le soutenir. Comme nous sommes loin du temps où Marguerite écrivait à sa mère : « Je suis aux bains de Bagnères, où je suis venue pour voir s’il-me seroit si heureux que de pouvoir faire pour vous augmenter le nombre de vos servi- teurs. Plusieurs s’en sont bien trouvées. Je ne faudray estant de retour à Nérac de vous advertir du profit que j'en auray reçu ! » Comment Henri IL pouvait-il se plaindre des hontes infligées à sa sœur ? Le premier de tous n’avait-il pas donné l'exemple du mé- pris où il la tenait? Dans l’une des lettres imprimées par M. Gues- sard, Marguerite fait allusion à ce triste moment de sa vie où, chassée de la cour, elle se vit soupçonnée d’un accouchement clan- destin, et où elle fut soumise aux plus dures humiliations. Parmi les lettres rapportées par moi de Russie, j'en trouve une qui jette quelque clarté sur ces tristes scènes de l’année 1583. Marguerite y implore la pitié de sa mère, et dignement se relève de l’affront qu'elle vient de recevoir : « Madame, puisque l’infortune de mon sort m'a encliné à telle. ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. — 8506 — misère que je ne sais s’il se peut que désiriez la conservation de ma vie, au moins, Madame, puis-je espérer que vous voudrez la con- servation de mon honneur, pour estre tellement uni avec le vostre et celui de tous ceux ou celles à qui j’ay cet honneur d’appartenir que je ne puis recevoir de honte qu'ilz n’en soient participans, principalement mes niepces, au préjudice desquelles le déshon:- neur que l’on me voudroit procurer apporteroit plus qu’à nuls autres, qui me fait, Madame, vous supplier très-humblement en ceste considération ne vouloir permettre que le prétexte de ma mort se prenne aux dépends de mon honneur et réputation et vouloir tant faire non pour moi, mais pour tous ceux à qui je touche de si près, de tenir la main que mon honneur soit justifié, et qu’il vous plaise, Madame, aussi que j'aye quelque dame de qualité et digne de foi qui puisse durant ma vie témoigner l’estat auquel je suis, et qui , après ma mort, assiste quand l’on m'ouvrira pour pouvoir, par la cognoissance de cette dernière imposture 1, faire cognoistre à chacun le sort que l’on m'a fait par ci-devant. Je ne dis pas ceci, Madame, pour retarder l'exécution de l’inten- tion de mes ennemis, ef ne faut qu’ils craignent que pour cela il leur manque prétexte pour me faire mourir, car si je reçois cette grace de vous, Madame, j'écrirai et signerai tout ce que l'on vou- dra de moy vivante, » ( | Qu'il me soit permis de revenir à Jeanne d’Albret : le recueil de ses lettres est sans contredit un des plus importants de la bi- bliothèque de Saint-Pétersbourg?. Soixante et quatorze lettres de la mère d'Henri IV, adressées à Charles IX ou à Catherine, quelle heureuse rencontre! Nous savions déjà que c'était une àme fière et virile, qu’elle maniait énergiquement et finement l'ironie, qu'elle portait très-haut sa dignité de reine, très-haut l’indépen- dance de sa couronne, menacée par Philippe II, mais nous ne connaissions. qu'imparfaitement ses rapports avec Catherine de Médicis. Dans les lettres retrouvées en Russie, il ÿy a donc toute une révélation. Jeanne d’Albret a une sorte de déférence pour la reine mère: elle s'incline devant son intelligence, devant sa fermeté ; elle a pour elle des flatteries, des mots qui, quand elle écrit à d’autres, ne reviennent jamais sous sa plume. ! Elle fait allusion à l'accusation d'accouchement clandestin. ? Documents français, vol. LIIT. — WE — . Voici d'abord une première lettre écrite à la fin de l’année 1562, peu de jours après la mort du roi de Navarre; elle demande à Catherine de Médicis un lieutenant qui ne soit pas des ennemis du feu roi de Navarre : «Je vous supplieray très-humblement, Madame, me pardonner si la colère me fait oublier d'écrire trop hardiment, protestant que vostre service, la grandeur du roy et de ses estats, à laquelle je suis très-affectionnée, me piqueront plus que mon particulier, et parce que Dieu m'a faict ceste grace de purger mon cœur de l'avarice et de l'ambition, vous ne cognoistrez jamais que l’une ni l’autre me fassent plaindre de vous importuner. Mais ainsi que j'ay le cœur si vray et d’autant que je suis esloigné de ces deux vices, je m'appreste à un soin curieux de conserver l'honneur de mon filz, lequel m'est demeuré mary et enfant tant aimé, Madame, que avec la grace de Dieu je lui désire estre telle que ceux à qui il a cet honneur d’appartenir cognoistront qu’en faisant pour luy Je leur élève un fidèle serviteur, et sachant bien que tous mes pouvoirs manquent sans vostre faveur et bonne grace, je l'ay re- quise en mon affliction et davantage l’aÿ trouvé favorable. » Ce qu’elle redoutait le plus alors, c’est que le maréchal de Saint-André (dont elle ignorait la mort) fut désigné pour com- mander en Guyenne comme lieutenant de son jeune fils; car iné- vitablement il prendrait Monluc sous ses ordres, ce qui, selon elle, «estoit rentrer de fièvre en plus mauvais mal, » et elle ajoute : « J’ay trop eu cet honneur d’estre nourrie près de votre personne et ay trop appris ce dernier réseau des ruses de la cour pour trou- ver cela bon, et affin que je ne retombe en ce malheur que vous me pensiez si outrée de mon devoir que mes paroles s'adressent plus haut que là où je puis et veux bien toucher, je n’ignore point, Madame, cette parfaite volonté, cette amitié, ce désir d’advancer que portez à mon filz et à moy, je ne le puis ignorer par vos tant dignes effetz qui m'obligent à baiser les pas par où vous passez. » L'année suivante, lorsque Catherine de Médicis prit d'elle-même la défense de la reine de Navarre auprès du pape, voici en quels termes celle-ci la remercie : « Madame, vostre bonté à prévenir la requeste très-humble que j'avois à vous faire me voyant si estrangement traitée du pappe à prendre ma cause en main, l'ayant fait de telle affection, Madame, qu'il ne me reste qu'à baisser la teste, confessant ne pouvoir Ja- — 08 — mais recognoistre ceste digne faveur dernière et couronnant toutes les autres, et sçachant, Madame, qu’en telle nécessité mes ordinaires requestes ne pourroient vous augmenter cette saincte et charitable affection que vous monstriez à mon affaire, il me suffira, Madame, vous dire que je me remets du tout entre les bras de votre puis- sante protection pour y estre conservée comme celle qui n’a jamais fait estat de grandeur que sous icelle et à laquelle l’on n’aspire point de nuire seulement; car si mes estatz si petits et néanmoins si préjudiciables à ceux du roy et vostres ne tiroient plus grand ruine après eux, je ne serois si vivement, laschement et mécham- ment recherchée de ceux qui vous font voir à travers de la perte dont ilz me pourchassent, comme plus ilz désirent la vostre, Ma- dame; ce propos me touche de si près au cœur que de peur de vous fascher par l'affection dont j'en parle d’une trop longue lettre, je la finiray en cet endroit. Je pense, Madame, que l’un de mes plus grands désirs est de vous aller faire très-humble service, ce que je ne puis sans que monsieur de Grammont soit icy, puisqu'il vous a plu luy permettre d'y venir. Je vous supplie très-humble- ment, Madame, luy commander de partir maintenant, car je me délibère, lui arrivé, vous aller trouver en quelque part que vous soyez, et vous aller baïser les pieds de meilleure affection qu’au pape. Je supplieray doncques le bon Dieu, Madame, vous maintenir en prospérité, comme le désire !.....» À quelque époque que ce soit de la vie de Jeanne d’Albret, elle ne parlera jamais autrement à Catherine de Médicis, même lors- qu’elle aura à se plaindre de l’inobservation des traités et de l’oc- cupation de ses villes ; cette dernière lettre en témoignera : « Madame, je loue Dieu que Vos Majestez cognoistront par les effectz l'obéissance que je porte au service de voz dites Majestez et par mesme moyen que mal à propos l’on vous rompt la teste de maintes fausses plaintes. Je désirerois que le Roy fust aussy bien obéy en son édict de pacification partout son royaulme, comme il est icy et aux lieux où j'auray moyen de ce faire; mais c’est à moy, Madame, à en faire la juste plainte, et toutes mes villes et maisons en plusieurs lieux encore pleines de garnisons et n’y es- tant rentrée comme il est ordonné par l’édict, je fais très-humble requeste à Sa Majesté de se faire obéir et de me faire en cela jus- ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, vol. LIT, fol. 58. (Autographe.) — 09 — tice, comme aussi, Madame, je vous supplie très-humblement y tenir la main comme ma bonne dame et maistresse, sur la faveur de laquelle j'ay toujours appuié mes affaires, et vous continueray la volonté de vous estre très-humble servante, et sur ceste asseu- rance je prieray Dieu, Madame, qu’il vous donne sa saincte grâce. « La Rochelle, ce IIT de octobre!. » Une seule fois peut-être dans cette longue correspondance l'iro- nie se fait Jour; mais si, emportée par la colère, Jeanne d’Albret fait sentir involontairement sa griffe, c’est avec certaines réticences, certains ménagements; elle finit par caresser la main dont elle a éprouvé l'énergie et la puissance. « Madame, j'ay receu celle qu'il vous a pleu m'’escripre par le sieur de Quincé, et suis marrie que le succès de Beauvoir est tel- lement retardé par ses gouttes qu'il n’a su partir par le désir que j'ay que mes affaires vous soient véritablement monstrées, et ne pouvant choisir autre qui les sache si bien, j'ay attendu sa guéri- son, que j'espère sera dans peu de jours que je vous l’enverray, et quant à l'honneur qu'il vous plaist me faire de souhaiter en vostre compagnie et que pensasiez que Jay oublié le lieu dont j'ai cet honneur d’être sortie, si je n’y vais, je vous supplie très-humble- ment croire, Madame, que ce sera toujours avec mon plus grand contentement quand je penseray estre si heureuse que vous pou- voir faire très-humble service, ne me pouvant oublier moi-mesme ni le lieu d’où despend ma grandeur, auquel par tant de debvoirs de sang, de subjection et d'office, je suis appelée, que mon prin- cipal dessein sera toujours d’y satisfaire par très-humble service et obéissance comme bonne Françoise de tous ces costés là, et ne sais pourquoy, Madame, vous me mandez que voulez voir mes en- fans et moy et que ce n'est pas pour nous mal faire; pardonnez-moi si lisant ces lettres j'ay eu envie de rire, car vous me voulez asseurer d'une peur que je n’ay jamais eue el ne pensay jamais, comme l'on dit, que vous mangissiez les petits enfans. Je ne sais, Madame, si sur cela l'on vous a voulu baïller quelque opinion, mais les effectz de mes services tant passés que présens et à venir vous doivent assez me faire cognoistre, et voudrois mettre en garantie la généralité de la cause de la religion dont je ne me veux départir, pour monstrer ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, vol. LIT, fol. 10. « A la royne ma souveraine dame.» (Autographe.) — A10 — ma fidélité et le désir de voir le roy obey en ses édictz et son royaume paisible. Voilà les choses pour lesquelles, Madame, j'em- ploieray vie et biens, et pour l'espérance que j'ay de vous en man- der davantage par le sieur de Beauvoir, je ne vous en diray da- vantage. Vous verrez, Madame, par la dépesche de mon fils.au Roy que remporte le sieur de Quincé, la défaveur qui lui a esté faite, m'asseurant que c’est au desçà de Vos Majestez; mais pour me faire paroistre de l’effect de vos promesses, je vous supplie très-humblement, Madame, donner ordre que nous ne soyons plus traitez si indignement, car, comme il vous plaist me le mander, nous sommes si proches que vostre bonté ne peut estre qu’elle ne nous touche, et sur cela je prieray Dieu, Madame, vous donner très-longue et heureuse vie. De la Jarrie, près la Rochelle, ce VIL aoust !. » Dans cette galerie des femmes du xvi° siècle, il en est une dont la place semble marquée à côté de Jeanne d’Albret, c’est Rénée de France, l’intelligente protectrice des artistes et des poëtes, la consolatrice, le refuge des proscrits. Lorsque dans ces temps de luttes fratricides tous les cœurs s’endurcissaient, la digne fille de Louis XII eut des larmes et de la pitié pour tous ceux qui souf- fraient. De sa ville de Montargis elle avait fait un lieu d'asile; et quelles paroles touchantes elle savait trouver pour implorer Ca- therine de Médicis en faveur des persécutés ! «Sur la parole que Vostre Majesté m'a donnée, lui écrivait-elle, de se contenter que je retirasse ceux qui ne vouloient ni voul- droient prendre les armes contre le Roy, avec l'impossibilité des femmes et des enfans qui n’ont où aller, ni moyen de desloger, non plus que j'ay, je vous supplie croire ce que vous dira l'avocat Robert de leur pauvreté et nécessité et danger à quoy il seroit.de leur vie s’ilz partoient sans vostre faveur et seureté. ». Dans cette même lettre, il ÿY a un passage plus important à no- ter, c’est celui où elle parle à Catherine de Médicis de son gendre, le duc de Guise, qui venait d’être frappé par Poltrot. Dans la bouche de Rénée de Ferrare, de la zélée protestante, l'éloge du duc semble prendre une singulière grandeur : «Madame, il vous plaist vous doulloir du serviteur que Dieu a ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Documents français, vol. LIT, fol. 41. «A la royne ma souveraine dame.» (Autographe.) — ll — osté au roy et à vous, qui estoit mon gendre et m'estoit bien cher et aimé comme enfant propre, parquoy je vous remercie très- humblement du tesmoignage qui vous plaist porter de l'honneur et faveur que luy avez fait de vous esire tant fiée en luy que me rend certaine que vous aurez ma fille et leurs enfans tousjours en votre bonne grace et protection, dont 11z ont bon besoing, et par ce que vous en ay escript par cy devant plus particulièrement, ne vous en feray aultre réplique, m'’asseurant aux parolles qu’il vous plaist m'en escripre, ne voulant obmettre de vous remercier en- cores très-humblement du soin qu'il vous plaist prendre de ma santé que je m'efforceray davantage de conserver pour vous obéir et servir. Il vous plaira de vostre auctorité oster l’occasion et moyen à ceulx qui ne désirent pas moins me oster la vie que à ces pauvres gens que Jj ay conservés sur vostre parole ; me remettant de tout à ce que le dict Maisons et le dict porteur vous reféreront plus parti- culièrement de ma part, ne vous engageray, Madame, de plus longue lectre que des très-humbles recommandations en vostre bonne grace !.» Les maisons de Navarre, de Condé, de Bourbon-Montpensier, de Lorraine, de Montmorency, ont chacune un recueil à part. Autant de lacunes dans notre histoire ; car l'analyse d’un catalogue, si détaillée qu’elle soit, ne peut suppléer à de tels vides. Je commence par la maison de Navarre. Le n° 52 des docu- ments français renferme les lettres et minutes originales d’An- toine, roi de Navarre. La première est de 1558; il y explique à Henri Il pourquoi il n’a pas exécuté son entreprise sur l'Espagne. Les garnisons espagnoles ont été renforcées, et il a cru devoir con- gédier les légionnaires. Puis commence une série de lettres d’un grand intérêt pour les règnes de François II et de Charles IX. Je me limiterai à une seule, qui peint bien l'homme tel qu'il fut, es- clave de ses plaisirs, esprit léger et mobile. Elle est du 11 jan- vier 1560 et adressée à M. de Fresnes, conseiller du Roi : « Si vous avez bien considéré ce que je me permettois de mon voyage d'Espagne, vous trouverez que mon attente s’est bien fort rap- portée à vostre opinion, laquelle d'autant que vous m'avez plus franchement déclarée, plus aussi me croist l'obligation de beau- l Chartes et lettres des rois, reines et enfants de France, n° 34 de la collec- von des autographes. (Original signé.) — 149 — coup d'amitié et du bon vouloir que vous pouvez asseurement promettre de moy et quand tout est dit, ce sont promesses et offres d’'Espagnolz à ceux qui peuvent bien penser n’avoir guères occasion de les aymer qu’ilz ont voulu mener par belles paroles, de vaines espérances, pour me payer à la fin de la monnaye de leur pays, qui me sera toute ma vie la plus suspecte de fraude et faulseté qui se forge au demourant du monde, et leur pardonne de bon cœur s’ilz m'en trompent. Je vous prie qu’ainsi vous le pourrez com- modément faire, car je ne veux rien de contrainte de mes amis, me continuer quelquefois de voz lectres. Si ces amours sont froides par de Îà, nous avons icy les montagnes et les matières toutes propres pour ne donner ni recepvoir guères de chaleur, mais en récompense, si vous avez estomac aussi vieil et morfondu que je le pense gaïllard, je vous feray feste de nos vins. Mais , voiant comme vous faites l'amour, je donne maintenant le bouquet aux facons à ceux qui les aiment mieux que les dames, priant Dieu, Monsieur de Fresne, qu’il vous donne autant d'heure et de bien que le vous en désire vostre meilleur amy. « De Pau, le VI janvier 1560 !». Si l'on veut bien juger les deux frères, les comparer l’un à l’autre, le contraste se présente de lui-même; il suffit de mettreen | regard de cette prose à l'humeur facile le langage énergique et noble qu’arrachaient au prince de Condé les tristes approches de la guerre civile. Cette lettre est si éloquente, si digne de l’histoire, que l’on nous pardonnera de la citer en entier: « Monsieur, combien que j'aÿye peu prévoir dès longtemps une partie des malheurs que je voy tous prochains aujourd’huy, si est ce que je puis bien dire que je voy beaucoup pis que je m’ay actendu, car le tesmoignage que ma conscience m'a toujours rendu tant de l’innocence des églises refformées que de vostre bon natu- rel et de toutes mes actions m’avoit persuadé qu'en faisant com- paraison de ceulx qui sont auteurs de ces troubles avec moy, qui ay cest honneur de vous estre frère, et duquel l'entière obéissance Jusques icy vous a tousjours esté congneue, vous seriez pour le moins avec le temps plustost esmeu à suyvre le droict de affection * Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, vol. LXIIT, fol. 23. (Original signé. ) — 13 — fraternelle qu’à vous incliner aux persuations et artifñices de ceulx qui ne sont jamais accreus et semblent encores ne se pouvoir maintenir que de la ruyne de vous et des vostres. Et de faict, Mon- sieur, je n’ay point encores perdu cette espérance, quelque appa- rance que je voys du contraire, qui est la seule cause qui m’a main- tenant esmeu à vous escripre la présente, plustost avec larmes de mes yeulx qu'avec l’encre de ma plume, car quelle chose plus triste et plus pitoyable ne pouvoit advenir que d'entendre que vous venez la lance baissée contre celuy qui voudroit le premier et devant tous aultres opposer soy-mesmes à ceux qui prétendroient de vous approcher, et que vous mectiez peine de ravir la vye à celluy qui la tient d’ung mesme père et mesme mère que vous et qui jamais ne l’a espargnée et ne la voudroit encore espargner pour la conser- vation de la vostre. Considérez icy, s’il vous plaist, Monsieur, et je vous en suplye bien humblement, quelle occasion vous pour- roit esmouvoir à une telle et si estrange chose. S'il est question de la religion, il n'y a homme qui puisse mieulx juger que vous si nous sommes tels que pour nostre religion il faille que le droict de nature avec toute équité et humanité ayt moins de lien envers vous que contre les plus exécrables de tout le monde. Si vostre conscience ne peult approuver tous les points de nostre confes- sion de foy, aussy suis-je asseuré que vostre naturel ne sçauroit aprouver telles et si extresmes cruautés qui se commettent contre nous, tant s’en fault que de vostre plein gré vous voulussiez en estre le chef et premier aucteur. S'il est question de l'estat et grandeur du Roy, qui est celluy, Monsieur, après vous et vostre lignée, à qui cela touche de plus près qu'à moy, jugez, si vous plaist, qui en est-le plus soigneux, ou celluy qui s'offre à toute rai- son et justice pourveu que les autheurs de ces troubles s'absen- tent afin de n’estre juges et parties, ou bien ceulx qui ayment mieulx tout remettre en péril et qui desjà sont cause de tant de meurtres et misères infinies plus tost que de donner lieu par leur absence à la paix qu’ilz ont déchassé par leur présence. Jugez aussi, car advenant {ce que Dieu ne veuille permectre), que suy- vant leur intention ils eussent par vous mesmes deffaict et ruyné ceulx qui aujourd'hui s'opposent à leur ambition, en quelle seu- * reté sera ceste couronne dont vous estes establi le protecteur, et quelles forces vous resteront pour au besoing la pouvoir conserver et garantir? S'il est question de vostre réputation et grandeur, — AE — vous pouvez vous souvenir, Monsieur, que ce sont ceux-là les- quels il n’y a pas encore deux ans ne se fussent contentez de la vous ravir aultrement qu'avec vostre vye. S'ils ont changé despuis d'affection, je n’en sçay rien, et le temps le monstrera; mais quant à moy, à Dieu ne plaise que l’obéissance que je vous doy meure jamais qu'avec moy, voires mesmes à la condition de renaistre en ceulx qui ne peuvent sortir de moy qu'ils n’ayÿent cest honneur d’estre voz plus proches parens de vostre sang et voz naturels ser- viteurs. Et cependant, Monsieur, vous me permectrez d'ignorer comme ceulx-là vous peuvent estre amys, qui, non contens de cher- cher pour la deuxième fois la mort de vostre frère, osent bien en- treprendre jusque là de vous faire ministre et instrument de leur mauvaise volonté. Or, Monsieur, tout cecy soit dict affin que, sinon pour l'amour de moy, au moins pour l'honneur de Dieu et le res- pect de vous mesmes, vous considériez toutes ces choses avant que de passer plus oultre contre celluy qui par ung naturel debvoir est ung second vous mesmes, et qui de sa part ainsi que jamais Dieu aydant il ne faudra à son devoir, aussi aymerait trop mieulx la mort que de survivre aux calamités qui en suivroiïent l’effect d’ung tel combat, de quelque costé que la victoire inclinast; mais s’il est ainsi que ceulx qui sont cause de ces misères continuent jusques au bout, et s’il ne vous plaist brider leur affection par l’auc- torité que Dieu vous a donnée, nous espérons, Monsieur, qu’a- vec l’ayde de celluy duquel nous maintiendrons l'honneur jusqu’à la dernière goutte de nostre sang vous pourrez en bref, sans vous envelopper en ce qui leur est propre et qui est tout indigne de vous, veoir une issue qui vous éclaircira de toutes leurs entre- prinses et conseils, et qui sera cause que vous cognoistrez mieulx que jamais de quelle affection non pas moy seulement, mais aussi toute ceste compaignie vous est après Dieu et la Majesté du Royet de la Royne entièrement dédiée. | | «Monsieur, après avoir présenté mes très-humbles recomman- dations à vostre bonne grace, je prieray le Créateur vous conserver en toute heureuse prospérité et santé. « D'Orléans, ce XIIT jour de juing 1562 1.» Cette lettre fait partie du recueil n° 39, où figurent tous les ? Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. — Documents français, vol. XXXIX, page 42,f° 3 et 4. — 15 — princes de la maison de Condé. Il y a trente lettres de Henri de Bourbon, quelques-unes de la belle Charlotte de Montmorency. Ce volume se ferme sur les lettres écrites par Louis de Bourbon, en 1646. | Je ne séparerai pas ce recueil de deux autres qui complètent Vhistoire de la maison de Bourbon au xvr siècle. Le premier, n° {o, contient quarante-neuf lettres originales de François de Bourbon-Montpensier, dit le prince Dauphin, de 1568 à 1579, lettres adressées à Charles IX, Henri III, Catherine de Médicis et Villeroy. Le second , n° 41, renferme soixante lettres originales de Louis de Bourbon-Montpensier, adressées à Charles IX, Henri IL et Ca- therine durant cette même période. En regard des maisons de Bourbon et de Condé, nous place- rons la maison de Lorraine. Si jamais on donnait suite à une pu- blication des lettres des Guise, il y en a là un certain nombre contenues dans deux recueils. Le premier, n° 50, a pour titre Letlres et minutes originales du cardinal de Lorraine et du duc de Guise; elles sont au nombre de trente-six, reliées sans ordre de date, dont trente-trois du car- dinal, et trois seulement du duc de Guise. La plupart de celles du cardinal de Lorraine pourraient prendre place dans un volume supplémentaire des négociations sous François II, notamment celles qui sont adressées au roi de Navarre. Dans l’une d'elles, le cardinal lui refuse le maréchal de Termes pour lieutenant en Guyenne, comme trop important pour y faire service; dans une autre , il l'appelle à Fontainebleau. Cette correspondance ajoute quelques détails nouveaux à ceux qu’on connaît déjà sur le conflit qui eut lieu à Paris, en 1565 , entre François de Montmorency et le cardinal. Ce fut M. de Seurre que le cardinal députa auprès du roi pour le justifier. | Le second recueil a pour titre Lettres originales des ducs, prin- ces et princesses de la maison de Lorraine et de Guise, n° 51. C’est le plus précieux des deux. Il renferme cent trente lettres réu- nies là sans ordre de date, dont quelques-unes appartiennent au xv° siècle. La première, du xvwi°, est écrite par le duc de Guise à Catherine de Médicis pour lui annoncer sa victoire de Dreux. Ce volume est encore une des pertes de la collection de Saint-Ger- main-des-Prés. Toutes ces lettres en faisaient parties : lettres de _ — 16 — Chrétienne de Danemarck, lettres de Claude de Lorraine, la se- conde fille de Catherine de Médicis; lettres du cardinal de Guise, écrites lors de sa mission en Espagne; lettres de Catherine de Lor- raine, fille de Claude, duc d'Aumale, à sa belle-fille ; lettres du duc du Maine. Si nous franchissons le xvi° siècle, nous retrouvons là en- core des lettres de Christine de Lorraine, duchesse de Florence, et petite-fille de Catherine de Médicis; des lettres d'Henri de Lorraine, datées de l’année 1616; enfin, des lettres du duc de Guise à Richelieu et à Louis XIIT, à l’occasion du siége de la Ro- chelle. | | À elle seule la maison de Montmorency a un volume, le n° 103. Il renferme soixante et douze lettres, la première écrite par le connétable à Louise de Savoie, en 1529. De cette date, on passe brusquement à l’année 1555, puis à une série de lettres de l’an- née 1560, où il est longuement parlé des troubles du Languedoc, de la sédition de Nîmes, où coula tant de sang. Le connétable se trouvait à Yvetot au mois d'octobre 1562, lors de la descente des Anglais au Havre, et il écrit au roi Charles IX pour lui dire qu'il n’a pu s’y opposer comme il l’espérait. Dans les années suivantes, à plusieurs reprises, il se plaint à Catherine des calomnies répan- dues contre lui et cherche à s’en justifier, « n'étant pas d'humeur à endurer de telles choses.» Les lettres de ses fils, François de Montmorency et le maréchal de Damville, font suite aux siennes; celles de ce dernier racontent toutes les guerres de Montgomery dans le Béarn. L'opinion du temps lui demanda un compte sévère de la mort de Terride et de ses compagnons, qu’il tarda tant à se- . courir. Voici comment il s’en explique dans une lettre à Charles IX : «Estant en chemin pour secourir le comte de Terride, que le comte de Montgomery tenoit assiégé dans le chasteau d'Hortes, je fus adverty de la surprise qui luy estoit advenue de la reddition entière de toutes les villes du Béarn. » En terminant, il ajoute que la Gascogne, l'Armagnac, le Bigore sont ruinés, les villes pillées. I cherche Montgomery pour le combattre. Monluc, qu'il a envoyé avec trois cents chevaux et deux mille hommes de pied, a repris Mont-de-Marsan. Il n'est pas hors de propos de comparer cette la- conique défense avec lés propres assertions de Monluc. Dans une lettre à Charles IX, le maréchal de Damyville s'excuse vivement de n’avoir pu secourir M. de Terride : « Sire, je puis as- seurer, lui dit-il, que si vous eussiez été en la place de M. de Ter- — 17 — ride, je n’eusse pu faire une plus grande et extresme diligence pour vous secourir que j'ay fait pour luy a peine de ma teste.» Dans une autre lettre au roi du 4: septembre suivant : « Quant à moi, ajoute-t-il, je ne veulx me prester de charger personne, voullant touttefois que où Vostre Majesté saura que j'en suis cou- pable de la moindre chose du monde que je n’en aye faict mon debvoir, elle me fasse trancher la teste. J’ai baillé au sieur de Moreau une carte par laquelle vous verrez où les ennemis se sont assemblés, le chemin qu'ils ont print, là où ils ont passé les ri- vières, et la grande distance qu'il y a eu toujours entre eux et moy, qui est pour le moins de vingt-cinq ou trente lieues, non que pour cela je veuille accuser M. de Terride, car la faute est énormément grande. » Nous voila amené à parler de Monluc. La plus grande partie de ses lettres originales, et principalement celles des dernières an- nées de sa vie, avaient été emportées en Russie. Si nous en excep- tons les lettres de Catlierine, nous ne connaissons rien de plus curieux pour l’histoire des guerres de religion, où il prit une si grande, une si cruelle part. Dans la pensée d’en faire profiter la nouvelle édition de Monluc, que la Société de l'histoire de France a confiée à M. de Ruble, nous avons rapporté cette correspon- dance en entier. À elle seule elle compte plus de cinq cents pages: elle servira à compléter les commentaires du grand capitaine, à éclairer certaines parties de sa vie restées un peu dans l'ombre; elle ajoutera à sa réputation comme écrivain, et fera surtout res- sortir ce qu'il y avait de violent, de profondément irascible dans cette àme de bronze. Lorsque le sang lui montait à la tête, il ne se connaissait plus : « Si Dieu vous fait la grasce, écrivait-il à Charles IX, que puis- siez échapper de vos fortunes la couronne assurée sur vostre teste, vous pouvez dire que c’est un grand lévrier échappé dedans une forest de la bouche de cinq cents loups. J'ay de bons amis auprès de Vostre Majesté qui me prestent toujours quelque charité, disant que j'ay donné au diable vous, la Royne et tout vostre Conseil. «a Pleut à Dieu qu'il m'eust cousté la moitié d'une main, mais qu'il me demeurast deux doigts pour tenir la bride de mon cheval, et que ceux-là qui vous font ces rapports fussent autant loyaux et fidèles serviteurs comme je vous suis; et vos affaires s’en iroient beaucoup mieulx. Je ne me courrouce jamais à vous, mais bien à MISS. SCIENT. — II. 27 — 18 — la Royne et à vostre Conseil, parce qu'il faut que de Sa Majesté et de son dit Conseil sorte tout le bien. Si je me colère, c'est pour vos affaires; il faut que chacun prenne patience de mon impatience. » Il écrivait au roi, en 1569 : « Je voy vostre Guyenne perdue, la noblesse désespérée et se voyant sans secours, et le commun peuple se rend huguenot pour conserver ses biens et ses vies. On en dit en un commun proverbe que la médecine pitoyable fait les plaies véreuses. » Maintenant nous allons passer en revue les lettres des hommes de guerre du xvr siècle, que possède la Russie. Après Monlue, pla- çons le maréchal de Biron. Pour ce dernier, nous avons le vif regret de n'avoir pu faire copier cent vingt-cinq lettres originales réunies dans le n° 78 de la collection des documents français. Biron fut envoyé en Provence en 1563 avecla mission de rendre compte au roi de la façon dont la justice y était administrée, et l’édit exécuté; il devait aller trouver MM. de Tende et de Somme- rive, et leur exprimer le déplaisir que lé roi éprouvait de toutes les plaintes qui lui venaient de leur gouvernement. Les instructions qui lui furent données témoignent de la sincérité que l’on appor- tait à exécuter l’édit de pacification. De l’année 1564, sa correspondance saute brusquement ? à l’an- née 1568; elle entre dans le récit des guerres de cette fatale année, puis elle passe à l’année 1573, et prend à cette date plus d’im- portance encore, puisque Biron assistait au siége de la Rochelle, et que toutes ses lettres sont adressées à Charles IX et à Catherine de Médicis. À partir de 1573, il y a une nouvelle lacune jusqu’en 1579, où Biron reparait mêlé à toutes les affaires de la Guyenne, à toutes les négociations avec le roi de Navarre. La dernière lettre, adressée par Biron à Henri IE, est du 29 mars 1505. Il est une autre correspondance qui servirait de pendant à celle de Biron et qui la compléterait, ainsi que celle de Monluc, c’est celle de Joyeuse. Le volume qui la renferme contient soixante et une lettres et quatre-vingt-six pages in-f, n° 95. C'est l’histoire des luttes religieuses du Languedoc. La plupart des lettres de Joyeuse sont adressées au roi Charles IX, à Catherine de Médicis, à Henri Ill, au connétable de Montmorency. Voilà donc deux grandes provinces, le Languedoc et la Guyenne sur lesquelles nous pouvons recueillir, en Russie, de nombreux do- ù — 19 — cuments pour leur histoire au xvi° siècle. Il en est une autre non moins digne d’être étudiée, c’est la Bretagne, et pour celle-là en- core il y a un volume entier de lettres, n° 86, du duc d'Étampes, qui y commanda. Il est bon de rappeler ici que, appuyé sur Mati- gnon, le duc d'Étampes, en 1562, fit ce retour offensif qui remit la Basse-Normandie sous les ordres et l'autorité du Roi, et força Montgomery à aller s’'enfermer à Rouen. Pour subvenir aux frais de la guerre civile, Catherine de Médicis l’engageait à se servir de l'argenterie des églises; et voici ce qu'il lui répond le 11 sep- tembre 1562 : « J’ay affaire à ung peuple si religieux et scrupuleux en ces choses-là, que, s’ilz entendoient qu’on les voulust prendre, ilz ne le pourroient, surtout ceux de la Basse-Bretagne, facilement endurer. » Il avise de la faire déposer dans quelque ville principale de chaque évêché, « sous couleur de l'y retirer et garder, et, pour ayder à la garder, imposer chaque paroisse à 15 ou 20 livres. Cette ressource procurera 13 à 20 mille livres. » Si nous nous reportons aux dernières années du xvi° siècle, nous mentionnerons encore trente-deux lettres originales de Henri d’An- goulême, le bâtard de Charles IX, à Catherine de Médicis. Cette correspondance est importante pour l'histoire de Provence, où il fut envoyé. Si des capitaines nous passons aux hommes d'État, il y en a deux dont les lettres méritent d’être signalées. Nous voulons parler de celles du cardinal d'Armagnac et de celles de Villeroy. Du cardinal, il y en a soixante-deux, depuis l’année 1562 jus- qu’à l’année 1585, la plupart adressées à Charles IX, à Henri IT, à Catherine de Médicis. Nous nous bornerons à citer celle qu'il écri- vait au Roi à la nouvelle de la journée de la Saint-Barthélemy : « Sire, nous avons été adverty de l’heureuse victoire que Dieu vous a donnée à l'encontre de ses ennemis et vostres. Nous en re- mercions dévotement sa divine Majesté, et espérons qu'en reco- gnoissance de si grand bien, Sa Majesté chassera en brief hors de son royaume toutes les hérésies pour y faire honorer et servir Dieu selon les institutions de l’église catholique, de quoy je vous fais requeste, comme l’un des plus anciens prélats de ce royaume et plus affectionnez. » Villeroy, c'est l’homme d'état, le politique par excellence. Dans une longue lettre à Henri IT, que je regrette de n'avoir pu rap- porter, il expose la situation de l'Europe et passe en revue l'état 27 - — 120 — intérieur de la France. Sa correspondance, qui renferme quarantc- neuf lettres et qui ne contient pas moins de quarante-neuf feuil- lets, se continue sous le règne de Henri IV. La plupart de ces dernières lettres sont adressées à M. de Beaumont, notre ambas- sadeur en Angleterre. Dans cette longue revue du xvi° siècle, nous avons réservé une place à nos ambassadeurs. À cette époque, notre diplomatie a tenu un si haut rang, elle a été servie par des hommes si ha- biles, que l’on ne saurait trop regretter les pertes que nous avons faites de tant de dépêches, de tant de lettres inutiles entre les mains de ceux qui les ont recueillies, et qui dans les nôtres pourraient aider à expliquer la marche de notre politique extérieure. Nous allons du moins indiquer les sources où l’on pourrait aller puiser. Déjà nous avons cité quelques lettres de l'évêque de Limoges, ambassadeur en Espagne. C'était, nous l'avons dit, le conseiller de la jeune reine Élisabeth de Valois, l'intermédiaire dont se ser- vait Catherine de Médicis pour faire passer les avis qu’elle adres- sait à sa fille. Sa correspondance, dont la plus grande partie est aujourd'hui à Saint-Pétersbourg, a donc un caractère intime; c'est comme un journal privé de la cour d'Espagne. Aussi, je n'ai pas hésité à la faire copier en entier; elle me viendra en aide pour ma publication des lettres de Catherine de Médicis, et peut-être un jour sera jugée digne d’être imprimée séparément. En atten- dant, une nouvelle citation en fera ressortir la valeur. Nous choi- sissons de préférence une lettre qu’écrivait l'évèque de Limoges à Catherine de Médicis, pour lui annoncer le rétablissement presque miraculeux de Don Carlos, des jours duquel on avait un instant dé- seSpéré : « Madame, comme par mon dernier courrier le Roy : et Vostre Majesté ont veu la mort prochaine du Prince, par ce mot de lettre vous entendrez s’il vous plaist sa résurrection, ainsi se peult-elle appeler avec le plus particulier et exprès miracle de Dieu que oncques se soit veu donnant tout cela aux grandes, continuelles et dévotes prières de tout le pays lesquelles vous tesmoigneront, Ma- dame, tous ceux qui ont esté par decà avoir esté si générales et vrayes parmy toute l'Espaigne et avec tant de larmes et lamenta- uons continuelles, qu'il fault recognoistre ceste grace particulière de Dieu, car le X de ce mois, qui est la date de mes dernières, son — 21 — père, ainsi que Je donnais advis, l’'abandonna au soir comme tous les médecins après luy avoir dict que dedans une heure il ren- droit l'esprit. Vintle dict seigneur six grandes lieues jusques à ung monastaire nommé saint Jheronimo, proche de ceste ville, lequel désolé prince qu'oncques fust passa la nuit sans se vouloir cou- cher que tout vestu sur le lict d’un religieux où il se jeta, et le len- demain estoient les draps et autres appareils acoustumés en telles en telles calamités prests à dresser. Le duc d’Albe, qui estoit de- mouré près ce pouvre enfant abandonné, persista à le veiller et faire doulcement secourir de ce que peult souffrir telle extrémité, ne lui trouvant plus de pouls ni d'haleine, si est ce que luy sen- tant toujours quelque chaleur sur l'estomac différa de luy donner l’unction qui estoit preste en une salle, tant que le jour appro- chast, sur la pointe duquel ledict prince commença à se plaindre quelque peu et feist longtemps encores qu’il eust l'esprit du tout allienné de resveries; il'avoit trois jours qu'il print etavala quelque restaurant, sur lequel avec ung appareil de longuent d’un Maure de Vallance, il y a plus de quarante ans que l'on tient pour mira- culeux en ce pais, il commença à reposer quelques heures et par après fut conforté d'autre restaurant. Ayant les médecins depuis commencé à sentir quelque renforcement de son pouls et diminu- tion de fièvre, la dessus ce vieil chirurgien Maure, homme maladif, que l’on avoit envoyé quérir à Vallance, arriva n'ayant peu aupa- ravant faire si grande diligence, ains seullement envoyé de son onguent, les autres chirurgiens l'ayant abandonné, cestuy ey la pensé si bien que le dict Prince a perdu les resveries, son visage est désenflé, la fièvre fort petite, parle, se lève sur son lict, boyt et mange de ses mains et se monstre sa plaie fort belle. De là ceste occasion que le roy son père y est relourné en diligence d'autant que le dict Prince ie demandoit continuellement et la royne qui ne peult pour leur infinie amitié tarder de le visiter en brief. Con- tinuant ceste santé laquelle lon tient pour toute certaine d'autant que J'entends que Monseigneur le connestable fut de sa dernière plaie pensé du dict onguent et présuppose que Vostre Majesté en aura ouy parler piéça, mais soit après la grace Dieu que par ce secours ou autre caché aux hommes il ayt recouvré garison, il se peult vanter estre sorti d'un extresme péril !. » ! Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. — Documents français, vol. XC VITE, n°22, 85. — 122 — M. de Saint-Sulpice remplaça à Madrid l’évêque de Limoges. Nous avons encore à regretter un volume entier de ses dépêches originales apporté à Saint-Pétersbourg (le n° 111 de la collection des documents français). Notre Bibliothèque impériale possède plusieurs copies de sa correspondance, copies parfaitement iden- tiques. Parmi Îles manuscrits français de la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg se trouve une de ces copies. Avant de passer en Russie, elle avait appartenu à M. de Turgot, évêque de Séez, en 1716. Eu la comparant avec le recueil des lettres originales de Saint-Sulpice, j'ai constaté que beaucoup d’entre elles n’y étaient pas comprises. Elles méritaient donc d’être copiées. Ce sont peut- être les plus curieuses, car Saint-Sulpice continue Île journal de l'évêque de Limoges, et fait part à Catherine de Médicis des plus intimes particularités de la vie de sa fille. Une seule citation per- mettra d’en juger : au nom de Catherine de Médicis, il s'était dou- cement plaint à Philippe II de ce que la reine Élisabeth restait si longtemps éloignée de son époux : « À quoy, ajoute-t-il, il me res- pondit qu'il n’eust si longtemps attendu à la faire venir, n’eust esté la malladye de ses principalles Dames et qu’il eust faïllu qu’elle fust venue seulle, joinct aussi la fiebvre du Prince, qui pour son mauvais gouvernement le reprend de jour à aultre, mais que, si veoit que ces choses aillent si lentement comme elles font, il ne fauldra à la faire venir. Sur quoy je luy repliquay que oultre le commandement que j'en avoys de Vos Majestés, de la Royne sa femme, de l'en solliciter, que le désir que nous avions de luy veoir des enfans m’esmouvoit encores davantage à l'en supplier, et aussy pour nous maintenir toujours en la bonne opinion que nous avons qu'il est bon mary. De quoy en riant il me remerscia des bonnes considérations que je luy représentois, et qu'il mectroit peyne de se mainctenir en ceste réputation que nous avions en France de luy. Au sortir de là je trouvay le Prince d’Evoly en l'antichambre qui m’attendoit, lequel, après avoir discouru de plu- sieurs aultres propos, m'asseura que les raisons que sa dicte Ma- Jesté catholique m’avoit dictes estoient la seulle cause du retarde- ment de la venue de la royne vostre fille, et m'a dict bien affec- tionnément qu'il failloit que son maistre pensast d’avoir des enfans de la dicte dame Royne vostre fille en ce que c’estoit ce de quoy il estoit nécessaire qu'il eust plus de soing. » Après la perte des dépêches de l’évêque de Limoges et de Saint- MS Sulpice, enregistrons celle des lettres de nos ambassadeurs au concile de Trente. La Russie en possède un volume entier, le n° 86 de la collection. Dans ce recueil se trouvent confusément mêlées des minutes originales, des lettres de Catherine de Médi- cis et de Charles IX, des lettres de Lansac, et ce sont les plus nombreuses, des lettres des cardinaux dé Tournon, de Lorraine et de la Bourdaisière. Je signale ce recueil en première ligne comme un de ceux qui de toute nécessité doivent être entière- ment copiés. Ajoutons au bilan de nos pertes la correspondance originale de Lamothe-Fénelon !. En examinant les volumes qui la renfer- ment, javais sous les yeux la publication que M. Teulet a faite des dépèches de cet éminent diplomate. De cet examen il résulte qu'un certain nombre des lettres de la collection de Saint-Péters- bourg n’ont pas été connues de notre savant éditeur. C’est encore là un vide à remplir. Je ne suis pas encore arrivé au terme de cette longue revue. Je ne puis passer sous silence le recueil des dépêches de MM. de Seurre et Nicot, nos ambassadeurs en Portugal, le n° 110 des do- cument{s français. Ce volume commence par une longue lettre de M. de Seurre au Roi, datée de Lisbonne, le 30 janvier 1560. M. de Seurre entre dans de minutieux détails sur les colonies espa- gnoles en Amérique. Cette lettre se termine ainsi : «Je vous envoie un sommaire du revenu du Roi de Portugal et un relevé de leur navigation, pouvoir et forteresses dans l'Inde orientale. » Sa cor- respondance avec le cardinal de Lorraine fourmille de minutieux détails dont nos archéologues pourront faire leur profit. «Il y a un François, lui écrit-1l le 12 novembre 1559, par deçà, qui fait tirer et polir de beaux marbres en ce royaume, et m'a dit que le feu roy, ayant vu les monstres qu'il lui apporta, lui en commanda de faire tirer certaine quantité de plusieurs sortes pour les em- ployer au Louvre, ce qu'il a fait, mais à cause des guerres ne les a pu faire transporter en France. S'il vous plaist, Monseigneur, qu’il continue en cela et le faire aider de quelque argent, il en aura ce caresme prochain mille ou douze cens pièces bien belles, pour € ! Correspondunce diplomatique de Bertrand de Salignac de Lamothe-Fénelon, ambassadeur de France en Angleterre, de 1568 à 1573, publiée pour la pre- mière fois sur les manuscrits conservés aux Archives du royaume. Paris et Lon- dres, 1838-1841, 7 volumes in-68°. oo ME au printemps venu les conduire lui-mesme en France, où par mesme moyen il en fera charger pour vostre maison de Meudon. Je vous envoie des monstres qui sont belles afin que vous puissiez monder de quelle sorte de marbre et combien vous voulez qu’on en fasse charger pour vostre maison; et par mesme moyen j'en envoye à M. de Cluny, surintendant des bastimens du Louvre, à ce qu'il voie ce qui sera nécessaire pour ce lieu, puis vous en par- ler, puisque lui-mesme a fait instance auprès du feu Roy pour le faire commander à ce dit François. » | Une lettre du 30 janvier 1560 n'est pas moins curieuse : « Je vous envoie une table, une grande chaïse et deux petites qui sont venues de la Chine, lesquelles j'ay découvertes sur les aavires qui sont venus de la Chine, qui sont les plus rares que j’ay pu recouvrer pour vous honorer, et que vous prie d'accepter d'aussi bon cœur, comme je vous présenterois volontiers chose meilleure et plus digne de vous que celle là, si la pouvois recouvrer, et vous ay par cy-devant escript que je vous avois découvert trente-deux pièces de marbre de couleur et que vous les envoyerois par les pre- miers navires de Rouen qui viendroient par deçà, mais mon mal- heur à voulu qu'il n’en soit venu qu’un depuis cela qui s’appelle {a Conception du Hävre de Grâce, lequel est si petit et si foible que ne les avons su charger dedans et eu toutes les peines du monde à luy en faire porter quelques-uns, qui sont le reste de quelques autres que j’avois faittirer cet été par commandement de la royne, dont lui avois envoyé, faute de moyens, la plus grande partie à la Rochelle. Mais j'espère que Dieu me donnera bientost ceste grace d’avoir les moyens de faire cet envoy. » M. de Seurre ne se dissimulait pas le peu d'importance que présentait l'ambassade de Portugal, et, touten demandant son rap- pel au Roi, ïil l'engageait à ne pas le remplacer. Il n’en fut point tenu compte, car Nicot ne tarda pas à venir à Lisbonne. Il yétait envoyé pour traiter du mariage de Marguerite de Valois avec le jeune roi de Portugal. Dans une lettre de lui à la reine mère, j'a glané quelques détails piquants sur l'impression que produisit sur le jeune Roi le portrait de la belle Marguerite de Valois. «Le portrait de Madame a tellement contenté tous ceux de cette court qu'il n’est possible de mieux; de sorte que ceux qui m'ont parlé de l'affaire dont j'ay souvent escript à Vostre Majesté ont reçu de ceste vue une plus grande ardeur du désir qu'ils disent C2 De 21 et montrent avoir. On m'a fait entendre de chez le Roy que, sitost qu'il le vist, il le baisa et l’accola et oncques depuis ne s'en est voulu desaisir. » | Si l’on veut savoir ce qu’il pensait du jeune prince, il dit dans une autre lettre « que c'estoit un très-beau jeune prince, et qu'on lui a fait des comptes merveilleux de l'opinion qu’il a prise de madame Marguerite; » et il ajoute : « De vrai tout le pays désire ce mariage. L’infante donna Maria estoit avec le Roi quand je luy ay baisé la main, qui est une belle princesse, et si richement estoit parée qu'il sembloit qu’il ne fust demeuré perle en l'Orient. » Dans une lettre du même jour au roi, il entrait dans plus de détails en parlant du jeune prince de Portugal : « J'observai en lui parlant les traits de son visage, de son re- gard, de son parler, de toute sa contenance que croissant en âge il sera un peu mal aisé à gouverner et qu'il tiendra de la sévérité ou de la cruaulté, et sera hautain plustost que aultrement, et telle est l'opinion de plusieurs qui l'ont bien vu. Il s’enquert par le mesme de Messieurs et Mesdames, et s’arreste plus longuement sur Madame Marguerite, ayant entendu les graces dont Dieu la pourvue, et j'estois adverty qu'il aimoit bien en entendre parler. » Mais, sans sortir du xvi° siècle, outre ces recueils spéciaux, il y a d’autres lettres de nos ambassadeurs disséminées un peu partout; il suilira de nommer Bochetel de la Forest, Mauvissière, du Ferrier, ambassadeur à Venise. De celui-là il y a une lettre bien hardie; il ne cache pas à Catherine de Médicis qu'à l’étran- ser on lui attribue ainsi qu'à son fils, le duc d'Anjou, la pensée de la Saint-Barthélemy, et qu'on a lieu de s'étonner qu'elle se soit mise du côté de Philippe IV, de celui qui, aux yeux de l'opi- nion publique, passe pour le meurtrier de sa fille. Cette lettre a sa place marquée dans notre publication des lettres de Catherine de Médicis. | . J'ai réservé pour le dernier un recueil de quatre volumes, le n° 98 de la collection. Il embrasse toute la seconde moitié du xvi' siècle, à partir de l’année 1558, et renferme près de quatre cents lettres. Tous les noms du xvi° siècle v ont leur place; toutes les provinces, toutes les villes peuvent y glaner des matériaux pour leur histoire. Soubise s'excuse du pillage des marchandises fait à Lyon, sur la misère du temps; Burie, qui commandait en Guyenne, se plaint des soldats espagnols que lon ne peut faire — 126 — marcher: M. de Noaiïlles entretient la reine Catherine des troubles de la Guyenne: les protestants du Languedoc adressent des re- montrances à Charles IX; M. de Sansac envoie un mémoire sur les affaires du Poitou; les nobles de la Guyenne, le parlement de Bordeaux, adressent également des remontrances à Charles IX; les habitants de Saint-Jean-d’ Angely réclament la nomination de leur maire, « autrefois, disent-ils, élu par les vœux du Saint-Esprit. » Il est à remarquer qu’au milieu des plus grands troubles Cathe- rine de Médicis sut toujours trouver des heures pour s'occuper de ses jardins, pour enrichir sa bibliothèque, augmenter sa collec- tion de curiosités. M. de Pierrebon, nous le voyons dans ce re- cueil, lui envoie de Marseille une table de porphyre, une autre table de serpentine entaillée et ouvrée de diverses pierres, des têtes et petites statues de marbre que M. de Ville-Parisis avait expédiées d'Italie. I y joint des noyaux de pêche d’aubaine, et des noyaux d’alberges et des pruneaux, afin que Sa Majesté ait les meilleurs fruits de la Provence. Dans d’autres lettres, il donne de curieux détails sur Marseille, sur le quai qu'on y construisait en 1566, sur notre marine, sur le mouvement commercial de la Mé- diterranée. Dans le second volume on rencontre quelques lettres de Chà- tüllon. Bien peu de jours avant la seconde prise d'armes, il écrit à la reine Catherine qu'il trouve étrange que le Roy lui ait écrit une lettre comme « à ung brouillon ou perturbateur du repos publie, il lui a semblé qu'une telle dépesche eust été mieux employée à un marcel ou autre de telle humeur qu'à luy.» H faudrait tout citer, les lettres de Louis de Birague, de Ta- vannes, de Castelnau, de d'Entragues, qui commandait à Or- léans; de Guy Chabot, de Bastien de Luxembourg, du comte du Lude, de Mandelot, gouverneur de Lyon; de Christophe de Thou, à l’occasion de l'arrêt rendu contre tous ceux qui étaient morts à la bataille de Saint-Denis; de Schomberg, de Turenne, de Guy de Daillon, de M. de Sigognes, du président Vialar, qui dénonce à Henri IT le ministre protestant Changy, qui, d'accord avec l’am- bassadeur d'Angleterre, dirige toutes les intrigues des protestants en Normandie. LU Ces quatre volumes méritent d’être signalés d'une manière toute particulière à Votre Excellence; à eux seuls ils motiveraient un nouveau voyage en Russie, car l’histoire des deux règnes de — 27 — Charles IX et de Henri IL y est tout entière. Tous les quatre ap- partenaient au fonds de Saint-Germain-des-Prés, et c’est une des plus grandes lacunes que nous ayons à déplorer... Avant de nous séparer du xvi° siècle, nous ne pouvons laisser de côté une longue série de documents sortis de France. Nous voulons parler de la correspondance de tous les potentats ou princes de l'Europe avec nos rois et nos reines. D'abord, et en première snS les brefs originaux des papes sur vélin, depuis 1492 jusqu’en 1628. {N° 58 de la collection.) En voici l’'énumération : Ün bref d’'Innocent VIIT. Trois brefs de Léon X à François [*. Dans le dernier, il annonce au roi qu’il rend ses biens à Achille Borromée. Trente-neuf brefs de Pie V à Catherine de Médicis, Charles IX, le duc d'Anjou, du 21 avril 1569 au 21 mai 1570. Vingt brefs de Grégoire XIII à Catherine de Médicis et Charles IX, depuis le 10 juin 1572 jusqu’au 20 avril 1574. Six brefs de Sixte-Quint à Henri IIT et Catherine de Médicis. Neuf brefs de Clément VII à Henri IV, Villeroy, le duc de Guise. Neuf brefs de Paul V. Ce volume se termine par trois brefs d'Urbain VIF, dont un à M. de Puisieux, les deux autres au cardinal de Richelieu. Le catalogue en donnera une analyse très-détaillée. On y dé- mêle, en plus d’un endroit, au milieu de quelles diflicultés se débattait la reine Catherine de Médicis, et quelles répugnances il lui fallut vaincre pour en arriver à la paix de 1570. Nous citerons en témoignage le bref de Pie V au cardinal de Lorraine, en date du 2 mars 1570. Il ne peut approuver les conditions de la paix avec les hérétiques; elles sont pour lui la cause d’une grande dou- leur. Le roi, vaincu , n'aurait pu en accepter de plus détestables ; la douleur qu'il en éprouve s'augmente encore de celle que lui a causée l’assentiment du cardinal de Lorraine. S'il en était ainsi, malgré tout ce qu'il a toujours trouvé en lui de sagesse, il ne peut s'empécher de lui dire que, dans de telles conditions, il n'en à pas trouvé une qui ne doive troubler l'esprit du cardinal et sur la cause de la religion catholique et sur la dignité de la couronne. Pour ce qui est de la religion, qu'est-ce que reconnaitre la li- berté de conscience des huguenots si ce n’est leur permettre 1m- — 128 — punément la pratique de leur hérésie? Ge n’est pas autre chose que d'établir et consolider cette perversité hérétique condamnée par les lois divines et humaines. Si leurs biens, leurs dignités sont rendus aux hérétiques, si les jugements pris contre eux sont cas- sés, toute différence cesse entre eux. et les catholiques, et quelles conséquences pour la religion! Il ne voit pas qu’on rende leurs biens aux catholiques, qu'on donne l'ordre de rebâtir les églises brülées et pillées. Quelle sécurité peut sortir d’une pareille paix? Ce n’est qu’un pacte de servitude, l’asservissement du royaume. Il l'engage à ramener le roi aux conseils qu’il lui donne, et à le sortir, lui, de lPangoisse où il se touve. Passons aux autres correspondances étrangères, et, en première ligne, à celle des princes et princesses de la maison de Savoie avec la cour de France. Ellé comprend quatre volumes in-folio, dont voici l'indication : | Le premier renferme quatre-vingt-une lettres. La première est adressée par Blanche, fille du marquis de Montferrat et d'Él sabeth de Milan, à Anne de France, la fille de Louis XI, pour lui recommander les droits de son fils mineur, Charles de Sa- voie. | Les lettres les plus remarquables de ce volume sont celles du duc de Nemours (Jacques de Savoie). Sa correspondance com- mence, en 1563, par une lettre à Catherine de Médicis, pour lui recommander les enfants du duc de Guise, dont plus tard il épou- sait la veuve. Elle se termine, en 1584, par une lettre à Henri I, dans laquelle il lui rappelle qu’il porte les armes depuis trente-six ans et qu’il est le plus vieux capitaine de l’armée. Elle est pleine d'intérêt pour tout ce qui tient aux guerres de religion, notam- ment dans la campagne de 1568 et de 1569, où il joua un si srand rôle. Le duc de Nemours commandait à Lyon. Une lettre de lui jette quelque jour sur les intelligences que les étrangers avaient dans cette ville pour entretenir la guerre civile et avoir toujours sous la main des armes à leur disposition : « Madame, les catholiques de Lyon ont élu l'avocat Dozayrre que vous connaissez pour aller trouver Vos Majestés et faire en- vers elle quelques remontrances, lequel n’a voulu prendre cette commission, sans premièrement vous la communiquer et estre ac- compagné d'une letire de moy, laquelle je ne luy ay peu refuser pour seulement, Madame, vous parler en ceste lettre mesme de — — ADD — deux points, laissant tous les aultres à luy et pour mestre aussy sur le lieu. L’ung, Madame, est une chose de quoÿ je vous ay souvent parlé, de quoy je n’ay jamais pu estre résolu qui est du pouvoir que les Allemans et Suisses ont de entrer et sortir armés en Lyon, qui est chose si dangereuse que Lyon sera tousjours armé, de la part desquels ils feront et font magasin sous l'ombre de marchandise en chacune de leur boutique de trois et quatre cents corsellets et arquebuses du nombre qui leur plaict et n’en veulent vendre à personne que de leur part, mettant aux aultres le prix si hault qui ne l'en peult acheter. Vous en ordonnerez ce qu'il vous plaira. L'autre, Madame, est qu'il a pleu à vos dictes Majestés mander qu'il fust fait recherche d'armes par devers catho- liques et devers ceux de la religion prétendue réformée. Il me semble que cela appartient à ceux qui commandent par le com- mandement du roy comme ses lieutenans. Vostre Majesté y pourra pourvoir comme bon lui semblera et me tiendra s’il lui plaist en sa bonne grace, et prieray Dieu, Madame, qu'il doinct à Vostre Majesté très-longue et très-heureuse vye. » Le second volume renferme cinquante-sept lettres originales d’'Emmanuel Philibert, duc de Savoie, adressées à Charles IX, Henri IT, Catherine de Médicis et à divers personnages de la cour de France, de 1569 à 1580. | Le troisième volume renferme uniquement les lettres de Mar. guerite de France, sœur d'Henri II et femme d'Emmanuel Phili- bert, duc de Savoie. Elles sont au nombre de cinquante-six, la plupart adressées à MM. de Bordillon, de Morvilliers, au cardinal de Lorraine, et ce sont les plus curieuses. On ne saurait trop regretter ces lettres de la digne fille de Fran- çois I‘, de celle qui la première protégea Ronsard. Le quatrième volume contient cinquante-six lettres de Charles Emmanuel, le grand-duc de Savoie, écrites de 1583 à 1616, et toutes de sa main; les premières, adressées à Henri et à Catherine de Médicis, les dernières, à M. de Villeroy. 11 nous reste à examiner rapidement les autres correspondances étrangères. | Lettres originales des hommes illustres d'Angleterre (n° 72), de 1478 à la fin du xvr° siècle. | | Nous y remarquerons les lettres de Jacques Stuart à Charles IX et à Catherine de Médicis, celles de lord Flemming, ainsi que — 30 — celles des principaux seigneurs d'Écosse à Charles IX, pour de- mander la délivrance de Marie Stuart. Lettres originales des grands d'Espagne, ambassadeurs et autres personnages illustres (n° 73). Là encore il y aura beaucoup à prendre : lettres du duc d’Albe à Catherine de Médicis, qui compléteraient notre collection de Simancas; lettres de la comtesse d’Ureigna à Catherine de. Mé- dicis, à l’occasion d'Élisabeth de Valois, sa fille; lettres de Ruy Gomès à Catherine de Médicis. Le reste du volume est consacré au règne de Henri IIF, et nous ne saurions trop le recommander à l'attention de Votre Excellence, car ce volume renferme soixante et douze lettres, qui, de toute nécessité, devraient nous revenir en France. | Lettres des divers princes et potentats de l'Italie (n° 43). Ce vo- lume commence par une lettre de Robert de Saint-Severin, : gouverneur de Milan en 1483; il renferme des lettres de François de Mantoue à Gilbert de Bourbon, à la Balue, à Madame de Beau- jeu, de l’Elbène à Catherine de Médicis, du grand maître Lava- letie, d’Alphonse d’Este, de Barbara, duchesse de Ferrare; du duc de Nevers, Louis de Gonzague; de Christine, duchesse de Toscane, à M. de Villeroy, lorsqu'elle envoya en France M. de Ga- dague pour recueillir la succession de sa grand’mère, Catherine de Médicis; enfin quelques lettres des doges de Venise. Lettres des rois, reines et princes de Portugal (n° 69). La plupart de ces lettres sont adressées à la reine Catherine, au cardinal de Lorraine, au roi Henri IV. Lettres originales des princes Margraves de Brandebourg. Toutes ces lettres sont sorties de France et adressées à nos rois et à nos reines depuis le règne de Charles IX. Leitres des princes el princesses de la maison de Saxe avec la mai- son de France, de 1546 jusqu’à 1586 (n° 8 de la collection). Une partie de ces lettres sont en allemand. Deux volumes des lettres des Électeurs, Princes et Palatins du Rhin, au Roi et Reines de France jusqu'en 1574 (n° 9 de la collection). = Un volume de lettres des Princes de Bade à Charles IX et Cathe- rine. Un volume des lettres des électeurs ecclésiastiques. On aurait une ample moisson à y faire depuis les lettres de Frédéric, comte pa- latin, en 1555, et celles de Jean Casimir, en 1570, jusqu’à celles — SI — de Louise Julienne, palatine, à Henri IV. Le deuxième volume comprend toute une suite de lettres durant le règne de Louis XIII et celui de Louis XIV jusqu’en 1705. Lettres du duc de Wurtemberg (n° 11 de la collection). Ce vo- lume commence par les lettres adressées par le duc de Wurtem- berg à Charles IX. À partir de l’année 1568, il contient une suite de lettres à Henri IV et Marie de Médicis, de haut intérêt pour les affaires de l’Allemagne. Lettres des rois de Danemark [n° 13 de la collection). Le vo- lume s'ouvre par une lettre du roi Frédéric à Catherine de Médicis, le 8 juillet 1567. Il renferme une suite de lettres de Christian IV à Henri IV et à Louis XIII. La correspondance du roi de France se continue jusqu’en 1650. Lettres originales des Empereurs d'Allemagne et de leurs enfants avec la cour de France. Pour cette dernière série, le temps ne nous a pas permis d'en- trer dans les détails. Plus tard, s’il nous était donné de retourner en Russie, nous arriverions peut-être à extraire de chacune de ces lettres, qui traitent de nos relations avec l’Europe, la partie vraiment historique, vraiment digne d’être publiée. Nous voici arrivé aux dernières pages de ce rapport, trop long peut-être, mais qui pourtant ne comprend que le xvi‘ siècle. A côté des lettres originales, des lettres missives, la Russie pos- sède encore sur le xvi° siècle des manuscrits qui doivent au moins être sommairement mentionnés, quand ce ne serait que pour in- diquer qu'ils existent, qu’ils sont là. Qui sait? Cela mettra peut- être en veine de voyage quelque zélé touriste, quelque passionné collectionneur, qui, sur la foi de notre indication, ira lui aussi s’enfermer pour des mois sous les voûtes de la grande salle des autographes de la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, si hospitalière, si accessible aux recherches. Traités de paix entre les rois de France et ceux des autres pays, depuis 1465 jusqu’en 1558, où l’on trouve une longue harangue du premier président du Parlement de Paris à l'empereur Charles V _ sur la délivrance de François 1°, et le journal de ce qui s’est passé durant la négociation. — Manuscrit de trois cent soixante-huit feuillets. Portrait de la cour de François I" et autres portraits. — Ma- nuscrit de quarante-quatre feuillets. — 1932 — Divers discours et mémoires de Claude de la Châtre, 1555- 1594. — Manuscrit de quatre-vingt-dix-sept feuillets. Recueil des lettres de Henri I à M. de Villeroy, et de Henri IV à la duchesse de Beaufort. — Manuscrit de vingt-neuf feuillets. Conférences d'Ardres pour la paix de Cateau-Cambresis. — Manuscrit de cent quinze feuillets. Lettres et dépêches de messire Paul Hit, sieur de Maissé, ambassadeur à Venise, avec les responses ès années 1539-159o- 1591-1592 et 1593. — Manuscrit de trois cent quatre-vingt- quatre feuillets le premier volume, trois cent vingt-neuf feuillets le deuxième, et quatre cent soixante et dix-neuf feuillets le troi- sième. Dissolution du mariage d’entre Henri IV et Marguerite de Va- lois. — Manuscrit de trois cent soixante et un feuillets. Brefs, discours et remarques sur la vie et naïssance d'Henri IV, où se voient les preuves généalogiques de lalliance d’icelui et de la reine Marguerite, ensemble les motifs, causes, poursuites, pro- jets et pourparlers tant du mariage de ladite dame avec ledit seigneur que dissolution d’iceluy. — Manuscrit de trois cent vingt feuillets. Mémoires de feu M. le duc de Bouillon, contenant l’histoire de sa vie. — Manuscrit de cent neuf feuillets. - Jacques de l'Hospital. Description de mon voyage en Allemagne en 1564. — Manuscrit autographe de soixante et douze feuillets. L'auteur termine ainsi : « Je récite la plus grande partie de ce que ay veu tant à la mort de l’empereur que chez les autres princes d'Allemagne ou aux villes. » — Portrait. Recueil de plusieurs choses mémorables qui contient différentes choses remarquables, remontrances, mémoires et autres pièces relatives à l’histoire de France, depuis 1573 à 1602.— Manuscrit de cent quarante -six feuillets. Veuillez agréer, Monsieur le NT l'hommage de mes sen- tüments respectueux. C'° Hector pe La Ferrière. RAPPORT SUR UNE MISSION EN ITALIE, PAR M. C. HIPPEAU. l'RAFESSEUR À LA FACULTÉ DES LETTRES DK CAEN. Caen, 5 septembre 1865. Monsieur le Ministre, Pendant le voyage que j'ai fait, dans les mois de mai et de juin, en Italie, où votre Excellence m'avait chargé de représenter, avec MM. Mézières et Hillebrand, l'Université de France, aux fêtes célébrées à Florence, en l'honneur du 600° anniversaire de Dante, j'ai complété à Florence d’abord, puis à Bologne, à Modène, à Turin, à Milan et à Venise, les recherches que j'avais commen:- cées en 1859 et en 1860, sur les relations de la France avec la cour de Rome. Grâce à l’ordre admirable introduit, par le savant, M. Bonaini, dans les archives de la Toscane, successivement en- richies de 350 dépôts particuliers, et principalement des archives diplomatiques, civiles, militaires, judiciaires et commerciales de la république et du principat de Florence, de celles de Piom- bino, d'Urbino, des Cervini de Montepulciano, des Strozzi, etc. J'ai pu en peu de temps arrêter mon choix sur les principaux do- cuments que je me proposais d'en extraire. . Parmi les pièces relatives aux négociations ayant eu lieu entre la France et le gouvernement pontifical, je me suis attaché à re- cueillir les communications adressées à la cour de Rome, sous le titre de avizzi, par les nonces apostoliques résidant en France et dans les autres capitales de l'Europe. Ces avizzi n'étaient pas seu- lements envoyés à Rome, ils étaient communiqués à quelques souverains par la chancellerie romaine, et ils se trouvent en grand hombre à Florence, par suite des fréquents rapports, à toutes les époques, entre cet État et le Gouvernement pontifical. MISS. SCIENT. —- II, 28 — 134 — On peut puiser dans ces précieux écrits des renseignements importants sur sa politique traditionnelle à l'égard de la France. Les pièces officielles, renfermées dans les formes calculées de 1a diplomatie, laissent beaucoup à désirer à cet égard; les raisons cachées se révèlent bien plus complétement dans les lettres confi- dentielles des nonces. | À cette source de renseignements il faut joindre les rapports des ambassadeurs envoyés par le Gouvernement de Florence dans les différentes cours de l'Europe. Ils rendent compte de leurs observations, de leurs entretiens avec les diplomates français et étrangers; ils font connaître les opinions et les jugements qu'ils recueillent autour d'eux. Ces relations sont aux pièces officielles, ce que sont aujourd'hui les commentaires de la presse aux actes politiques des Gouvernements, dont elle cherche à pénétrer les motifs ou à prévoir les conséquences. Vous savez, Monsieur le Ministre, quel parti les savants de tous les pays ont tiré de ces relations des ambassadeurs, et prin- cipalement de celles que possèdent des archives de Venise. Cesont de ; précieuses révélations qui ont répandu de vives lumières sur ‘état de la France au xvr° siècle. C'est, après avoir quitté Florence, dans la biliothèque des ducs de Ferrare, à Modène, que j'ai pu puiser le plus largement. Les anciens ducs de la maison d'Este considéraient leurs archives comme « le diamant le plus précieux de leur couronne. » Elles ont servi de fondement aux grands travaux historiques de Muratori et de Tiraboschi. Fermées au public par Ferdinand V, elles ont au- jourd'hui pour conservateurs MM. Campi et Mignoni, qui les ont classées avec soin, et en font les honneurs aux étrangers avec autant d'urbanité que de savoir. J'ai trouvé M. Campi occupé de mettre en ordre d'innombrables notes recueillies par lui dans ce vaste dépôt, sur les hommes d'État, les artistes, les guerriers, les hommes de lettres, au sujet desquels les archives lui ont fourni des renseignements. Le marquis Guiseppe Campori y a trouvé les matériaux d'un travail des plus intéressants sur un grand nombre d'artistes et de poëtes italiens. Parmi les personnages dont il existe des lettres à Modène, on peut citer d’abord tous les princes et toutes les princesses de la maison d'Este, presque tous les rois de France depuis Louis XI, Catherine de Médicis, Diane de Poitiers, les ducs de Guise, — 435 — Alexandre VI, Lucrèce Borgia, le Tasse, l’Arioste, Titien, Fra Bartholomeo, etc. etc. C’est dans les cartons qui contiennent les dépêches des ambassadeurs à Rome que j'ai recueilli le plus de documents. L Ma récolte a été moins abondante à Bologne et à Turin. Quant à Venise, où les étrangers reçoivent aujourd'hui un si gracieux accueil de M. le comte Dandolo, directeur des archives, et de M. l'abbé Valentinelli, conservateur de la bibliothèque de Saint-Marc, lorsqu'on a fait le compte effrayant des 2,276 bi- bliothèques que contiennent les 360 salles du couvent dei frari, remplies des archives de la célèbre république, on conçoit qu'il faut déjà beaucoup de temps pour s'orienter au milieu de cet immense labyrinthe d'appartements gémissant sous le poids des 12 millions de liasses de papiers. En jetant un coup d'œil sur quelques-uns des registres appartenant au conseil des Dix ou à la chancellerie des Doges, sur ceux qui contiennent les instruc- tions données aux ambassadeurs, les dépêches de ceux-ci et leurs rapports au Sénat, et principalement sur les relations écrites de Rome, j'ai compris que l'on ne trouverait en aucun lieu du monde, excepté au Vatican, un plus grand nombre d'éclaircissements sur la politique suivie envers la France par ce gouvernement ponti- fical, qui n’est demeuré étranger à aucun des grands événements de l’histoire des sociétés modernes. Mais il faudrait, pour se livrer à un travail sérieux, un séjour de plusieurs années au milieu de ces richesses historiques, qui ont déjà été si heureusement exploitées par MM. Tommaseo, Al- beri, Randon-Brown, Cérésole, Armand Baschet et de Mas Latrie. Je ne perds par l'espoir de faire plus tard un plus long séjour dans ces belles cités italiennes, auxquelles on ne peut jamais dire un adieu définitif. J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de Votre Excellence, Monsieur le Ministre, un aperçu des principaux documents que j'ai apportés en France, et que je serai heureux de communiquer aux hommes d'étude qui pourraient en avoir besoin. J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, Monsieur le Ministre, votre très-humble et très-obéissant serviteur. C. Hipreac. DOCUMENTS CONCERNANT LES RELATIONS DE LA FRANCE AVEC LA COUR DE ROME, DEPUIS LA FIN DU XIV‘ SIÈCLE JUSQU'AU COMMENCEMENT DU XVIII”, TIRÉS DES ARCHIVES DE FLORENCE, DE MODÈNE, DE BOLOGNE ET DE VENISE. SOMMAIRES : ΰ ARCHIVES DE FLORENCE. 1336. 30 octobre. Les conseils des marchands de la porte Sainte-Marie de Florence ont été accusés de se dérober à l’obéissance due à la cour de Rome et au roi de France Philippe VI. — Ils exposent à ce prince leur conduite et l’assurent de leur fidélité. (CL. X., dist. 1, liasse 0.) 1343. 13 septembre. La seigneurie de Florence à Jacopo de’ Alberti et à Nicolao Guicciardini. — Ils ne pouvaient supporter la tyrannie du duc d'Athènes. Ils ont écrit au pape et aux cardinaux pour leur faire savoir comment ils s’en sont délivrés. Les députés aviseront à ce qu'il conviendra de faire lorsqu'ils auront pris connaissance de tout ce qui s’est passé. (CI. X, dist. 1, liasse 0.) 1346. 8 mars. La seigneurie de Florence à Lorenzo et à Nicolao, am- bassadeurs près le roi de France. — Le duc d'Athènes, ce fils de Mammon, est allé trouver le pape à Rome. pis Ne manquez pas d'exposer au roi de France sa conduite * Quoique plusieurs des pièces dont je donne ici l'inventaire ne concernent pas directement la France dans ses rapports avec la cour de Rome, j'ai pensé, dans l'intérêt des travailleurs, qu'il était utile de les indiquer. — 137 — et la nôtre. Nous vous envoyons des lettres adressées à Sa Majesté par les communes de Pérouse, de Sienne, ‘d’Arezzo, de Volaterre, etc. accusant fortement le duc. (CI. X, dist. 1, liasse 9.) A 21 mai. La seigneurie de Florence aux Dix de la Balie de Bolo- gne. — Instructions sur la conduite qu'ils doivent tenir à l'égard du roi de France. I ne faut faire aucune allusion au droit royal. Le roi de France a en Italie la suzeraineté , et non l'autorité souveraine (imperium). Nous devons craindre d’exciter contre nous à ce sujet l'Empereur et les autres princes de l'Allemagne. Offrez au roi 1,500 lances et 500 balistaires. Si le comte de Savoie entre dans la ligue, il devra fournir un contingent proportionné à sa puissance. (CI. X, dist. 3, lasse :.) 1389. 21 mai. La seigneurie de Florence à Gérardo de Bondelmonti et Lodovico de’ Albergotti. — Ils diront au comte de Savoie que l'alliance est conclue avec Modène et Faenza. Ils le prieront d'envoyer ses ambassadeurs dans ces villes, à l'exemple de Florence et de Bologne. (CL. X, dist. 3, liasse 1.) 1390. 23 juin. Instructions données par les Dix de la Balie à Philippe Corsini, ambassadeur en France. — Il assurera le roi de France de leur fidélité; lui rappellera les services que la commune de Florence a rendus à sa maison. Il le priera d'écrire en Italie qu'il tient Florence et Bologne pour ses filles dévouées. Ses prédécesseurs ont toujours été les ennemis des tyrans et les protecteurs des peuples libres et en particulier des Guelfes. Ils offrent au roi pleins pou- voirs en Italie. S'il refuse, ils le prieront de trouver bon qu'ils cherchent d'autres défenseurs. Visiter la reine mère de messer Bernabo et l’engager à parler au roi en faveur de Florence. (CI. X, dist. 3, liasse 1.) 1390. 25 février. Rapport de Lodovico de’ Albergotti et de Tomma- seo Sacchetti, ambassadeurs à Bologne. — Les Bolonais sont disposés à s'unir avec Florence; quant aux demandes à adresser à la France, ils ne peuvent le faire eux-mêmes directement, le pape le leur ayant interdit sous peine de —. HO == censures ecclésiastiques. Il faut faire comprendre à S:S. la nécessité d’une alliance avec la France. (CI. X, dist, 2 , liasse 7:) 1396. 14 juillet. Relation de ser Pero, ser Peri, de San Miniato, aux Dix de la Balie. —- I1 a vu à Avignon le cardinal de Flo- rence, qui l'a bien reçu. Le comte d'Armagnac paraît dé- cidé à faire une expédition en Italie contre le comte des Vertus. Conditions de son concours. 1 serait nécessaire, pour avoir l'appui du roi de France, de dépenser beau- coup d'argent, afin d'acheter ses conseillers, comme l'a fait le comte des Vertus. (CE. X, dist. 3, liasse 1.) 1396. 23 décembre. Les Dix de la Balie à Ubaldo Ubertini à Lucques. — Les Bolonais et les seigneurs lombards ont ratifié la ligue formée avec la France. Les forces de Florence sont maintenant sPipanées: (CI. X, dist. 4, re) 1.) 1396. 23 décembre. — ne ah de Niccolo Trescobaldi aux Dix de la Balie. — Même sujet. (CL X, dist. 4, liasse, 1.) 1396. 27 décembre. Rapport de Maso degli Albizi aux Dix de la Balie, sur son ambassade en France. — Il a réussi auprès du roi, qui permet aux Florentins de tirer des troupes de France et de faire porter en tête de leurs soldats la bannière française. | : (CI. X, dist. 4, liasse 1.) 1396. 27 décembre. Rapport de Bonacorso Pitti et Dix de la Bale, sur le fait de l'alliance avec la France. — Le roi et la reine lui ont donné de bonnes paroles. : (CI. X, dist, 4, liasse 1.) 1397. 3 octobre. Relation de Lorenzo de Montebuoni et de Bartolo- meo de’ Popoleschi, ambassadeurs de Florence auprès du pape Boniface IX. — Nous avons exposé au souverain pontife les motifs qui nous ont engagés à nous liguer avec le sérénissime roi de France. Nous n'avons d'autre but que la conservation de la liberté de l'Italie menacée par le comte des Vertus. Nous nous sommes plaints de l'envoi fait à celui-ci de la copie d'une lettre écrite à la chancel- — 159 — lerie romaine. Le pape nous a répondu que cette commu- nication avait été faite à son insu. (CL. X, dist. 2, liasse 7.) 1398. 27 août. Rapport aux Dix de la Balie par Berto d'Agnolo Castel- lani, sur son ambassade auprès du comte d'Armagnac. _ H croyait rencontrer le comte en Provence. Il a trouvé tout disposé pour une expédition en Italie; mais, au mo- ment de partir, ce prince a appris que la paix allait se conclure entre le duc de Milan et Florence. IL est fort irrité. (CL. X, dist. 2, liasse 7.) 1404. 3 août. La Seigneurie à Boucicaut. — Les Florentins envoient des ambassadeurs en France. Demande d’un sauf-conduit. (CI. X, dist. 1, hasse 18.) 1404. 28 novembre. La Seigneurie à Boucicaut.— Elle le prie d'assurer la France de son affection. Elle se félicite du traité de paix conclu avec Pise. (CI. X, dist. 1, liasse 18.) 1406. Instructions données à Bonacorsi, ambassadeur en France, pour la cessation du schisme. 9 (CI. X, dist. 1, liasse 18.) 1407. Les Dix de la Balie aux ANA ER chargés de travailler au rétablissement dé l'unité de l'Église. — Cette question importante exige de leur part une grande attention. Ils doivent s'en occuper exclusivement. | (CI. X, dist, 1, hasse 18.) 1407. 23 mars. Les mêmes aux mêmes.-—-Même question. Ils défendent la cause de Dieu et la paix de la chrétienté. Ils engageront le pape Grégoire à aller à Carrare et le pape Benoît à se rendre à Cavezza; là ils feront connaître les moyens à em- ployer pour le rétablissement de l'unité de l'Église. (CI. X, dist. 1, liasse 18.) 1407. 30 mars. Les mêmes au même. — Nouvelles instances; éloges donnés au roi de France. Hi faut garder entre les préten- dants une sage neutralité (2 pièces). (CI. X, dist. 1, liasse 18) = (M0 — 1407. 14 février. Instructions très-détaillées données à messer Maso degli Albizzi, a messer Lorenzo Ridolfi et à Nicolo di Gio- vanni da Uzzano, ambassadeurs auprès du pape (Gré- goire XIT) et de son compétiteur (Benoît XIIT).—Recom- mandations pressantes. Ils feront tous leurs efforts pour amener les compétiteurs à un accommodement. Des con- férences vont avoir lieu à Pise. Les Florentins ne veulent pas souffrir que le schisme désole plus longtemps l'Italie et la chrétienté. Si les deux prétendants ne font rien pour rétablir l'unité, Florence saura prendre un parti vigou- reux et agir en conséquence. (CI. X, dist. 1, hiasse 19.) 1408. 21 avril, 6 et 8 mai. Aux mêmes. Ils iront à Lucques ou se trouve le pape. Ils parleront aux trois cardinaux avec lesquels ils ont noué des intelligences. — La neutralité et l'indif- férence seraient le meiïlleur parti à prendre en cette cir- constance; mais il faudrait que les Vénitiens agissent de même. Ils feront entendre aux deux adversaires qu'il ne suffit pas de donner de bonnes paroles; il est temps de les appuyer par des actes formels (5 pièces très-importantes). (CL X, dist. à, liasse 19.) 1408. 27 août. Les magnifiques et puissants seigneurs, le prieur des Arts et le gonfalonier de justice du peuple et de la com- mune de Florence, à messer Bartolomeo Popoleschi. — Ils sont chargés d'obtenir des prélats réunis à Pise leurs signatures pour les articles arrêtés par la commune de Flo- rence. : (CI. X, dist. 1, liasse 19) 1408. 28 août. Les mêmes à maestro Antonio dell’ Ordine de’ Minori et à messer Stefano Bonacorsi. — Ils offriront au Saint- Père, maintenant à Sienne, les hommages de respect et de fidélité dus au chef de l'Église. Is lui feront des observa- tions respectueuses, mais fermes. Défense aux commis- saires d'accepter des gratifications de qui que ce soit. (CI. X, dist. 1, liasse 19.) 1409. 16 mai. Instructions des Dix de la Balie à Francesco Torna- buoni.— Le Concile est réuni à Pise. Ils prendront toutes les mesures nécessaires pour assurer la liberté des confé- rences. Jls résisteront aux tentatives faites par le roi La- 1426. 1451. 1491. 1491. 1451. — ll — dislas, dont la flotte a paru sur les côtes d'Italie. Repré- senter à la noble maison de France que c’est à elle surtout : qu'il appartient de faire cesser les désastres que cause le grand schisme. (CI. X, dist. 1, liasse 19.) 5 juillet. Lettre des Dix de la Balie à Marcello degli Strozzi, am- bassadeur à Venise. — Bruits divers répandus au sujet des dispositions du roi d'Aragon à l'égard du pape. (CI. X, dist. 3, liasse 4.) 8 juillet, Rapport de Donato Donati aux Dix de la Balie, écrit à Rome. — Le pape ne s'explique pas nettement au sujet de ses dispositions à l'égard de la République. 1 recon- naît cependant les services qu'elle lui a rendus. Quelques . cardinaux sont favorables à Florence (2 pièces). (CI. X, dist. 2, liasse 22.) 3 décembre. Angelo Accajuoli aux Dix de la Balie. Lettre écrite de Poitiers. — Il fait connaître quelles sont les dispositions de la France à l'égard de Florence. Paix avec l'Angle- terre. (C1. X, dist. 2, lasse 22.) 21 décembre. Angelo Accajuoli aux Dix de la Balie. — Il vient d'avoir plusieurs conférences avec le roi de France (Charles VII) à Saint-Maixent, à Tours et à Poitiers. Le roi parait disposé à entrer dans la ligue de Milan et de Florence. Il est prêt a prendre leur dnbe contre tous, excepté contre l Église. Conditions de cette alliance. Rap- ports entre la France et l'Angleterre. Dispositions du roi à l'égard de la Catalogne. . (CI. X, dist. 2, liasse 22.) 27 décembre. Le cardinal d'Anjou, légat du pape, au duc de Milan. — I] lui fait le récit des fêtes qui sont célébrées à Tours par le roi de France. (CL X, dist. 2, lasse 22.) . 28 septembre. Instructions données à Angelo de’ Accajuoli et a Francesco Ventura relativement à la ligue formée avec la France contre le roi d'Aragon et la république de Venise. (CI. X, dist, 1, lasse 44.) — 42 — 1462. 12 mai. Lettre écrite de Venise à Piero Diotisalvi de Florence, sur les affaires de France et le duc de Bourgogne. (Carte strozziane, liasse 297.) 1478. mai et juin. Médiation de la France entre la république de Flo- rence et le pape Sixte-Quint.— Lettre écrite à Tomacello, envoyé du roi de Naples. Fragment d’une autre lettre écrite à Soderini, député de Florence. Actions de grâces rendues au roi de France, pour sa conduite généreuse envers la république. Instructions données à Thomas Ri- dolfi et Guidantonio Vend: ambassadeurs en France (6 pièces). | (CI X, dist. 1, lasse 71.) - 1478. 22 juin. Les Dix de la Balie exposent aux ambassadeurs de la ligue les faits qui se sont passés, afin qu'ils avisent aux moyens à employer pour la défense des intérêts qui leur sont confiés. k (CL. X, dist. 1, lasse 72.) 1478. (Du 4 au 31 juillet.) Instructions données à Filippo Pandolfini, ambassadeur à Venise. — Le pape Sixte IV a publié un interdit contre la ligue. Il y a deux partis à prendre : armer assez de soldats pour la défense de la république en cas d'attaque, ou se soustraire à l’obédience du pape et rap- peler l'ambassadeur à Rome, pour sauver l'honneur de la république. Sentiments des adversaires de la ligue. On compte sur l'appui de la France. La république a donné a son ambassadeur l’ordre de concourir avec celui de France à la réunion d’un concile. Communication de lettres reçues de Venise (8 pièces). (CL X, dist. 1 , liasse 71.) 1478. (Août et septembre.) Les Dix de la Balie à Hieronimo Morello, à Venise, et à Filippo Pandolfini. — On a reçu des nou- velles de Rome; les affaires de la république ont été ha- bilement conduites. Des commissaires ont été envoyés au camp. Tout ira bien, à l'honneur de la république et à la confusion du pape. Le roi de France a pris en main les intérêts de Florence. On désire l’arrivée du duc d'Anjou. Annoncer cette bonne nouvelle à l'illustrissime seigneurie de Venise. Il faut continuer à faire des démarches auprès du roi de France. Nous n'avons pas comme lui une prag- — 443 — matique sanction; cependant nous sommes disposés a adopter à l'égard des bénéfices vacants une juridiction nouvelle. Éloges à à la république de Venise : la remercier de son concours {12 pièces). (CI. X, dist. 1, liasse 71.) 1479. (De mars à septembre.) Espérances de paix. Instances à ce sujet des ambassadeurs d'Angleterre. Demande d'une trêve. Ordre à Pandolfini de quitter Rome si le pape refuse de donner satisfaction. — Entrevue des ambassadeurs et du pape. Colère de celui-ci. Scènes dramatiques. Tentatives du pape pour désunir les impériaux, les Anglais et les Français. Trois lettres de Louis XI à la république. Pro- jet d'une expédition contre le Turc (43 pièces très-inté- ressantes). (CL. X, dist. 1 , liasse 71). 1481. (D'avril à septembre.) Guidantonio Vespucci, ambassadeur à 1494. Lettre Rome, aux Dix de la Balie. — Détails nombreux sur la politique de la cour de Rome à l'égard de la France et de l'Italie. Engagements pris par la France au sujet de l’ex- pédition contre le Turc. Bulle de Sixte IV à ce sujet. C'est d’après les conseils de la France que ce projet d’ex- pédition a été mis en avant : « Suadente præsertim hoc, ut profertur, Christianissimo Francorum rege, qui inter alios catholicos reges et principes spontaneus ad hoc opus adjutor et cooperator accidit, etc.» (12 pièces). (C1. X, dist. 6, liasse 1.) d'Alexandre VI à Lucrèce Borgia, sa fille (très-impor- tante). (CI. I, dist. G, liasse 104.) 1489-1495. Expédition de Charles VIIL. Explications données par l’am- bassadeur de France. Détails sur l'expédition. Relation d’un consistoire dans lequel le pape résume toutes les affaires d'Italie et expose l’ensemble de la politique fran- çaise. Politique suivie par la cour de Rome. Critique de la pragmatique sanction. — Bulle d'Alexandre VI contre le roi de France (9 pièces). | ( Carte strozziane, liasse 2/3.) 1499-1500. Expédition de Louis XII. Détails sur les ambassadeurs de France (4 pièces). (CI. X,, dist 1, liasse 103.) — hlk — 1525-1527. François [® et ses rapports avec l'Italie. Lettres de Jacob Salviati au cardinal Salviati. De Bonnivet au même pour le le remercier de ses bonnes dispositions à l'égard du roi. Deux lettres de Sadolet. Bonnivet à l'archevêque de Ca- poue. Il est au camp devant Pavie et il désirerait éviter l'effusion du sang. Propositions amicales de Clément VII. Démarches du clergé français pour obtenir la liberté du pape, détenu au château de Saint-Ange. Détails sur les États-Généraux. Instances du pape pour la conclusion de la paix (12 pièces). (Carte strozziane, liasse 157.) 1530. Lettres de Pierre Aretin sur les différents princes du temps. (CL I, dist. F, liasse 102.) 1532. Lettres de Ludovic l’Arioste. (CL. I, dist. G, liasse 244.) 155. 16 avril. Copie d'une lettre écrite par le pape Marcel II à l'évêque de Viterbe, alors nonce apostolique auprès du roi très- chrétien. (Carte strozziane, liasse 235.) 1501-1567. Instruction donnée par le roi à l'abbé Nichet. Nécessité d'un concile. Lettre de Charles IX à Cosme de Médicis, duc de Florence et de Sienne. II lui envoie le sieur d'El- bène. Lettre du pape (Pie IV) au Grand-Duc pour qu'il envoie au concile un grand nombre de prélats pour con- tre-balancer le crédit de la France (1562). (Carte strozziane , liasse 310.) 1963. Lettre a M. Menerbetti, ambassadeur de Toscane en Espagne, sur les révolutions d'Allemagne et de France. (Légation d'Espagne, liasse 1.) 1563-1629. Ambassadeurs d'Espagne a Rome. Lettres nombreuses aux ducs d'Urbino. (CI. I, dist. E, lasse 102.) 1571. 31 août. Lettre du protonotaire Medici au Grand-Duc. Il a fait connaître au pape l'intention où se trouvait le roi de se _ réconcilier avec l’amiral et le roi de Navarre. Cette nou- velle a causé à sa sainteté (Pie V) la plus vive douleur. — 45 — «Point de salut, si ces deux chefs de parti n'abjurent pas leurs erreurs ! » ( Carte strozziane, liasse 31.) 1972. 91 mai. Lettres de Charles IX à son ambassadeur à Rome. ll se plaint de l'arrogance du duc d’Albe (2 pièces). (Carte strozziane, liasse 31.) 1572. 8 octobre. Deux lettres du nonce au duc de Savoie. I a vu le roi et la reine de France. Ils conseillent au pape de ne pas leur envoyer de légat. Ils craignent les ennuis que lui causeraient les Anglais et les hérétiques d'Allemagne, par suite de la grande exécution faite en France, dopo una esecuzione si grande fatta in Francia (2 pièces). (Carte strozziane, liasse 315.) 1583-1986. Le pape, à la requête de l'ambassadeur de France et du cardinal d'Este, veut envoyer en France un légat. Il dé- signe M. de Navaret. Celui-ci n'est pas accepté. Le pape menace de rappeler le nonce apostolique. Dans ses lettres au Grand-Duc il expose toutes ses idées sur les affaires de France (26 lettres). 1585-1587. 42 lettres de Giovanni Alberti, évêque de Cortone, am- bassadeur du Grand-Duc à Rome.— Pendant deux années Alberti rend compte au Grand-Duc de ses conversations avec le pape sur les affaires de France. Ces lettres con- tiennent une foule de renseignements sur les sentiments de la cour de Rome à l'égard des partis et des hommes les plus remarquables de cette époque (42 pièces). (Legazione di Roma, archivio mediceo, liasses 36 et 37.) 1989. Récit de l'assassinat d'Henri III. — Lettre de Lenoncourt sur cet événement. (Archivio mediceo, liasse 807.) 1589. Opposition faite au cardinal Morosini, légat apostolique en France. 1589. 36 lettres de Giovani Nicolini, ambassadeur du Grand-Duc à Rome. — Événements survenus en France depuis l'assas. sinat du duc de Guise et du cardinal de Lorraine. Empri- sonnement du cardinal de Bourbon. Conversations de 1900. 1990. 1590. 1900. — 46 — Niccolini avec le pape sur tous ces faits. Lettre de Cathe- rine de Médicis demandant de l'argent au Grand-Duc. Instructions données au légat, partant pour la France, sur l'état du royaume. Les princes. Les huguenots. La ligue. L'Espagne. Le roi de Navarre. Le duc de Mayenne, du lieutenant général de l'État et couronne de France. Négociations des ligueurs avec la cour de Rome. (Legazione di Roma, liasse 315.) Suite des communications faites au Grand-Duc par son ambas- sadeur à Rome Giovanni Niccolini. Négociations entre le pape (Sixte-Quint) et les ligueurs. Le duc de Lorraine proposé comme roi de France. Propositions de Henri IV pour sa réconciliation avec Rome. Protestations du roi d'Espagne (15 lettres). (Legazione di Roma.) Tentatives faites par le Grand-Duc auprès du pape, pour arrêter la publication du monitoire lancé contre Île roi de France a cause de l'emprisonnement du cardinal de Bourbon et de l'assassinat du duc de Guise et du cardinal de Lor- raine. (Legazione di Roma.) Lettre écrite par le cardinal de Vendôme au Grand-Duc pour ob- tenir la couronne de France. Suite des communications faites par Niccolini. — Bruits sur l'empoisonnement de Henri IV. Intrigues d'Olivarez en faveur de la ligue. Réaction à Rome contre l'Espagne. Opposition faite par quelques cardinaux contre certaines mesures imposées au pape par Philippe IL. Il est question d'excommunier celui-ci à cause des protestations arro- gantes faites par son ambassadeur (15 pièces). (Legazione di Roma.) 1590. (Mai et juin.) Consistoire tenu à Rome. Lettre du légat et du cardinal de Vendôme. Tentatives faites pour détacher Biron du parti royal. Le roi de France gagne du terrain à Rome. Révélations de l'abbé de la Boderie sur les senti- ments du duc de Mayenne à l'égard du pape. Les Espa- gnols voudraient qu'on leur livrât Marseille. La Boderie négocie habilement pour l'empêcher (q pièces). (Legazione di Roma.) — 47 — 1590. (Juin etjuillet.) Mort du cardinal de Bourbon. Négociations de 19590. FO - 1991. 1992. Luxembourg pour réconcilier le pape avec le roi. Ré- ponses évasives. On songe à faire un roi de France, soit du duc de Mayenne, soit du duc de Savoie. On dit que .le pape a demandé au duc de Saxe s’il se chargerait de conduire 20,000 fantassins et 2,000 cavaliers qu'il se propose d'envoyer en France au secours de la ligue. Les Espagnols poussent à la guerre civile. Is profiteront des troubles occasionnés par la réunion des États-Généraux pour s'emparer du Dauphiné et de la Provence. Nouvelles du siége de Paris. Extrémités auxquelles sont livrés les Parisiens (21 lettres de Niccolini). (Legazione di Roma.) Suite des communications de Niccolini. — Le pape envoie, dit- on, deux prélats en France, l'un aux princes catholiques qui suivent le roi de Navarre, l'autre auprès de la ligue. S. S. s'étonne de la longue résistance des Parisiens. Il ex- prime son mécontentement au sujet de la conduite de l'Espagne. (Legazione di Roma.) Sept lettres sur les affaires de France au Grand-Duc.— Intrigues de Philippe I. (Legazione di Roma.) Lettres de Barignani au duc d'Urbino. Récits de la guerre de la " Ligue. (CI. I, dist. C, liasse 253.) Discours adressé au Saint-Père (Innocent IX). —Exposition com- plète et raisonnée de tout ce qui s'est passé en France dans les années précédentes. État des esprits. (Carte strozziane, liasse 300.) 1592-1594. Lettres du cardinal del Monte au Grand-Duc. — Le pape a dit en consistoire que Grégoire XIV à dépensé pour les affaires de France plus de 600,000 écus Son trésor est épuisé. On veut faire de l'infante d'Espagne une reine de France. Le pape a peur de l'Espagne. La maison de Lorraine se croit à la veille de triompher (11 lettres). ( Legazione di Roma.) 1593. Efforts du Grand-Duc pour obtenir l'absolution de Henri IV. — er Les docteurs de l'Université de Pise sont consultés sur cette question. Lettre du docteur Mazzoni. (Archivio mediceo.) 1003. Correspondance d'Acquaviva, général des jésuites, avec le duc d'Urbino. (CL. I, dist. G, liasse 167.) 1595. Dépêches de Niccolini.—Tentatives d’assassinat contre Henri IV. Les jésuites sont inculpés. Effet de cette nouvelle. Depuis un an les Espagnols avaient résolu de se défaire du roi. On craint que celui-ci, outré de cet attentat, ne soit moins disposé à abjurer. Nécessité de se montrer moins difficile que par le passé, à l'égard de ce prince (4 pièces). 1999. à des dépêches de Niccolini. — Les jésuites. On attend des nouvelles de France. Irrésolutions du pape. Négociations pour l'absolution du roi. Décret du parlement {du 29 dé- cembre 1594). On attend le cardinal du Perron. L'Es- pagne continue de menacer. Le duc de Saxe assure que, quand bien même il verrait de ses propres yeux le pape bénir le roi de Navarre, il ne le croirait pas. S. S. attend pour prendre un parti les propositions de du Perron : (14 pièces). (Carteggio di Roma.) 1595. (Juillet.) Suite des dépêches de Niccolini. — Opinions diverses sur l’arrivée de du Perron et sur la conduite que tiendra le pape. Arrivée de du Perron. Procession publique. Questo ha dato nel naso all Spagnoli. L'ambassadeur d'Es- pagne ne quitte pas les jésuites. Cardinaux qui obéiront au Pape Cardinaux partisans de la ligue. Bon eflet de la première entrevue de du Perron avec le pape. Écrit contre l'absolution saisi par ordre de celui- -ci. Pamphlets contre Henri IV (6 pièces). ( Cartessio di Roma.) 1595. Suite des dépêches de Niccolini. — Prières publiques ordonnées par le pape pendant les négociations. On écrit de Rome au roi de Navarre contre du Perron et d'Ossat, jugés in- capables. Visite de ces deux négociateurs aux cardinaux. Les dispositions du pape paraissent favorables { 14 pièces). (Carteggio di Ro ra.) — 49 — 1595. (Août.) Consistoire. Discours du pape. Émotion générale. — Le pape expose l'état des affaires depuis l’année 1570. Nou- velles tentatives de l'Espagne, qui accuse Henri IV de mauvaise foi. Après son absolution , dit-on, il exigera mille choses impossibles, etc. Nouveau consistoire. — Condi- tions proposées par le pape pour l'absolution. Lenteur calculée. Casau à Marseille (21 pièces). 1595. Suite des dépêches de Niccolini. — Choix du légat a envoyer en France. Plusieurs noms sont mis en avant. On se pré- pare à la cérémonie de l’absolution. Difficultés diverses (9 pièces). (Carteggio di Roma.) 1595. (Septembre.) Cérémonie de l'absolution. — Henricus Christianis- simus rex Francorum. Félicitations adressées à ce sujet au pape par le Grand-Duc (19 pièces). (Carteggio di Roma.) 1595. Suite des dépèches de Niccolini. — Rumeurs diverses au sujet des mesures prises par Henri IV contre les jésuites. — _ Ratification faite par le roi des conventions arrêtées entre le pape et le cardinal du Perron (3 pièces). (Carteggio di Roma.) 1596-1397. Lettres écrites à la cour de Rome par le duc d'Urbino. (CI. I. dist. G, liasse 167.) 1597-1598. Lettres écrites de Rome au Grand-Duc par François de Luxembourg. — Ouvertures de paix entre la France et l'Espagne. — Henri IV ne veut rien conclure sans en avoir référé à ses alliés des Pays-Bas et d'Angleterre. — Nouvelles de France. — Projet de mariage entre la sœur du roi et le marquis de Pons. 1599-1604. Dépêches de Giovanni Battista Niccolini au Grand-Duc. — Négociations à l'occasion de la dissolution du mariage du roi et de Marguerite de Valois. — Lettres du roi à M. de Béthune, son ambassadeur à Rome. — Lettres de M. de Béthune au Grand-Duc (15 pièces). (Carteggio di Roma.) MISS, SCIENT, —— 11. 20 — 50 — 1565-1605. Lettres d'Albergotti Fabro au duc d’'Urbino sur les affaires de France, d'Espagne et d'Italie. (CI. I, dist. G, liasse 167.) 1605-1606. Dépêches du comte Orso au seigneur Vinta, et du comte d'Elci au Grand-Duc.— Détails historiques sur la média- tion de la France entre Rome et Venise. — Quelques considérations sur les projets du roi à l'égard de l'Italie. — Dix lettres de l'ambassadeur Piero Guicciardini au Grand-Duc sur toute cette affaire (26 pièces). (Gartesgio di Roma.) 1607. Lettres du cardinal de Joyeuse sur les démêlés entre Rome et Venise (5 pièces). 1615. Rapports de Lucas Fabbroni à la Grande-Duchessse sur les États- Généraux de 1614. — Lettres du pape (Paul V) à l’as- semblée. — Réponses à ces lettres. — Lettre de l'évêque d'Orléans, écrite au nom de l'ordre ecclésiastique. (Carte strozziane, liasse 53.) 1618. Instances faites à Rome pour la condamnation du livre de Bou- langer, dans lequel il traite d’hérétiques Henri III, Cathe- rine de Médicis et le cardinal de Lorraine. — Lettre de Boulanger au cardinal Bonsi. — Lettre de Guicciardini, ambassadeur à Rome. — Arrivée de Bartolomeo Concini (frère du maréchal d'Ancre), demandant la protection du pape pour lui et pour le maréchal. — I voudrait que le pape cassât l'arrêt porté contre celui-ci par le parle- ment. — Les Français qui se trouvent à Rome considèrent cette demande comme absurde (7 pièces). (Carte strozziane, liasse 53.) 1621. 18 juillet. Instructions données par le pape au P. Tobia Corona, envoyé auprès du roi de France et du duc de Savoie. — Longue exposition des intérêts de ces deux princes et du Saint-Siége. (Carte strozziane, 312.) - 1623 Lettre du pape Urbain VIIT au roi de France. (Carte strozziane, 312 } — 51 — 1658-1662. Papiers divers concernant la mission de Colbert à Rome et à Florence. | (Carteggio di Roma.) 1667. 24 mar. Discours du duc de Chaulnes, ambassadeur de France | à Rome, sur le Sacré-Collége. 1668. Trois lettres de Louis XIV au cardinal Borghèse, sur les indults accordés par le pape (3 pièces È Bt L } (Archivio mediceo.) 1678-1681. Relation complète de l'affaire de la régale. — Bref du pape Innocent XI. — Trois lettres du même à Louis XIV (5 pièces). (Carte strozziane, 299.) 1079-1680. Lettre de monseigneur l'évêque de Pamiers au roi, sur la régale. — Lettre d'Innocent XI. — Réponse de l’évêque d'Orléans (3 pièces). (Carte strozziane, 290.) 1680. 3 avril. Arrêt du parlement contre le traité de la régale. (Carte strozziane, 299.) 1680. 21 x jai Lettre de Louis XIV au pape Innocent XI. _— strozziane 299.) 1680. 11 novembre. Lettre d’un ecclésiastique de Rome à un ami de Paris, en réponse à l'arrêt du parlement au‘sujet des re- ligieuses de Charonne. (Carte strozziane, 299.) 1680. Copie de la lettre adressée au roi par le clergé de France, au su- jet de la lettre du pape Innocent XI. (Carte strozziane, 299.) ire et réflexions sur cette lettre. 1680. Mém: } (Carté strozziane, 299.) 1681. Mémoire présenté aux cardinaux par l'ambassadeur de France, au sujet de la régale. — Arrêt du parlement sur un li- belle imprimé en forme de bref du pape, adressé à l'é- vêque de Pamiers (2 pièces). 1682. Déclaration de l'assemblée générale du clergé de France. — 20% J — 152 — Lettres de ces mêmes députés au pape Innocent XI. — Réponse de Sa Sainteté à la lettre précédente. — Pro- testation du clergé français (4 pièces). 1687-1688. Lettres de l'abbé de Gondi, secrétaire du Grand-Duc, au cardinal d'Estrées, et réponses de celui-ci, au sujet des droits des ambassadeurs à Rome.— Relation d’une séance à la réunion du Saint-Office. — Lettres des cardinaux Co- lonna et d'Albano. — Deux relations sur l'entrée du marquis de Lavardin à Rome (29 pièces). / (Legazione di Roma, liasse 208.) 1690-1695. Lettres du cardinal Janson et du duc de Chaulnes (10 pièces). (Legazione di Roma.) 1715-1716. Le clergé et le parlement se proposent de convoquer un concile national à Orléans, avec l'assistance d'un légat apostolique. — Si le pape refusait d'envoyer un légat, le concile n’en aurait pas moins lieu. — Lettres et rapports sur ce sujet (10 pièces). 1740. Correspondance du comte Fede avec l'abbé de Gondi, au sujet des affaires du cardinal de Noailles, archevêque de Paris (70 pièces). (Legazione di Roma.) 92 ARCHIVES DE MODÈNE. 1483-1484. Lettres relatives à la ligue organisée par ie pape contre les Vénitiens (28 pièces). (Légations de Rome.) 1495. 15 janvier. Convention entre le pape et le roi de France. (Légations de Rome. ) 1545. Conventions entre François [”, roi de France, duc de Milan, seigneur de Genève, et le roi d'Angleterre Henri VIII, seigneur d'Irlande. (Légations de Rome.) 1555. Ambassade du cardinal de Guise. — Entretiens avec le Saint- Père sur les affaires de France (13 pièces). (Légations de Rome.). — 153 — . 1559. Affaires de France. — Détails sur le prince de Condé et l'amiral Coligny. 1560. Discours de monseigneur de Carnavalet sur la présente guerre. 1560. Lettre de François Il au duc de Ferrare. — Copie de la procla- mation de la reine d'Angleterre et protestation de l'am- bassade de France (3 pièces). 1560, 1561 et 1566. Relations de la révolte de Flandre. — Considéra- tions sur les guerres civiles de France (4 pièces). 1515-1567. Commentaires des cardinaux Dicolalai et Santa-Croce sur les guerres civiles de France (2 volumes manuscrits). 1583. 22 mai. Relation de Bandinelli, résident du duc de Ferrare à Rome, sur les affaires de France. — Déclaration des causes qui ont mü M. le cardinal de Bourbon et MM. les pairs à s'opposer à ceux qui veulent subvertir la religion catholique et l'État, (Légations de Rome.) 1985. Manifeste de Sixte-Quint contre Henri de Bourbon. 1585. Instructions données à M. l'abbé della Vernucchi se rendant au- près du duc de Ferrare. 1587. Protestation de Henri de Bourbon contre l'entrée des ennemis | en France et l’armée des ligueurs. 1588. Les Dati de Paris. — Relation complète. 1588-1 589. Plusieurs lettres de Torquato Tasso. Dans celle du 21 juil- let 1589, il fait une histoire touchante de sa vie. (CI. I, dist. G, liasse 276.) 1589. Discorso : che sia bene il Pontefice ed altri principi d'Italia a consentire la corona di Francia al re di Navarra. 1589. Protestation du roi de France contre la félonie des ducs de Mayenne et d'Aumale. 1 589. Discours sur cette question : Le roi de Navarre embrassant le ca- tholicisme peut-il être béni par le pape et reconnu comme roi de France ? — 54 — 1590. Remontrances du roi de France au sujet des États-Généraux de Provence. 1591. Supplications adressées au roi pour qu'il se fasse catholique. : 1992. Avertissement de Sa Sainteté aux princes italiens au sujet des affaires de France. 1593. Allocution aux catholiques de France par le cardinal de Plai- sance. 1993. Discours de Bonmercati sur l’état des affaires en France. —— Réu- nion des États-Généraux pour élire un roi. Lettres et av- vizzi sur les mêmes sujets (25 pièces). 1998-1617. Correspondance du comte Lelio Arrivabene avec le duc d'Urbino. — Détails sur le duc de Nevers. — Mauvais procédés du duc de Mantoue. (CL. 1, dist. G, liasse 261. 1604-1618. Lettres écrites de Naples et de Bologne au duc d'Urbino par Mazarin. 1510. Relation de l'assassinat de Henri IV. Lettres adressées à l'ambas- sadeur de France à Rome. — Relations des ambassadeurs de France à Venise et à Rome sur les suites de ce funeste événement. (CI. I, dist. G, liasse 181.) 1641. Relation sur l’état de la France par le cavalier Angelo Corren, ambassadeur du duc de Ferrare. 1643. Lettres dans lesquelles M. de Lionne rend compte de son entre- vue avec le pape au sujet de Mazarin (il padre Mazzarini). 1655. Lettre de M. de Lionne. — Plaintes contre le cardinal de Retz. — Contre la violation faite par le pape des PRÉ de d Église gallicane. 1656. Lettre du même au sujet de la reine Christine. 1662. Lettres et explications échangées entre le pape Alexandre VI et Louis XIV, à l’occasion des tentatives faites à Rome contre le duc de Créqui, ambassadeur de France (15 pièces). 1662-1663. Lettres de M. de Lionne et du duc de Créqui sur cette affaire (12 pièces ). 1665. 16065. 1668. 1670. 1678. 1681. 1682. 1684. 1685. 1088. 1688. 1689. 1689. 1690. — 155 — Détails sur Christine de Suède, donnés par M. de Bourlemont, ambassadeur de France à Rome. Mémoire de Denis Talon contre l'archevêque de Tarse, nonce du pape, qui avait fait imprimer une bulle en France sans la permission du roi. — Réponse à ce mémoire (2 pièces). Discours de Clément IX au Consistoire, sur la conclusion de la paix entre la France et l'Espagne. Deux lettres de Louis XIV au pape (2 pièces). Instruction pour les nonces envoyés en France. LA Considérations sur les affaires de l'Eglise et les propositions qui seront soumises à l'assemblée du clergé de France (+ re- registre relié). Libertés de l'Église gallicane (20 pièces). Mémüire sur les affaires publiques. — (Relations de fa France avec la cour de Rome.) Lettres du pape Innocent XI à Louis XIV et de Louis XIV au pape (8 pièces). Détails sur M. le marquis de Lavardin. — Lettres de Louis XIV. — Réplique à M. de Lavardin par le comte Cazoni (6 pièces). Lettre de Louis XIV au duc de Ferrare. — Il se plaint de Ja partialité de la cour de Rome en faveur de l'Autriche. Lettre de Louis XIV au comte de Grignan, lieutenant du gou- vernement de Provence, pour l'envoyer à Avignon reven- diquer la ville et le Comtat-Venaissin. — Ragioni del Cristianissimo re sopra Avignone. Relation de Girolamo Venier, ambassadeur de Venise. — Carac- tère et politique de Louis XIV. — Ses ménagements en- vers la cour de Rome. — Sa piété. — Influence de ma- dame de Maintenon. — Ministres. —- Princes du sang. — Princes contemporains. Lettre et rapport de M. de Mellort au cardinal d'Este. — Le pape — 456 — veut s'unir à l'empereur. — M. de Melfort l'en dissuade. — Discours au pape (Alexandre VIIT) en faveur de la paix. 5690. Relation de la bataille de Staffarde, avec une note de la main de Muratori (1787). 1693. Réflexions sur la lettre écrite au pape (Innocent XII) par l’empe- reur et le roi d'Espagne, au sujet de la paix de Nimègue. :099-1727. Lettres du cardinal de Noaïlles au duc de Modène. — Lettres de Rome et de Paris (15 pièces). 3° ARCHIVES DE BOLOGNE. 1688. Mémoire contre le marquis de Lavardin par un théologien de Salamanque. 1597. Deux lettres de Bossuet au cardinal d'Aguirre, sur le Livre des Maximes de Fénelon et sa condamnation à Rome (2 pièces). A° ARCHIVES DE VENISE. 1592. Dépêches de l'ambassadeur Vénitien Paolo Paruta faisant part de ses conversations avec le pape Clément VIIT, qu'il dé- tourne du projet d'entrer dans une ligue de tous les princes italiens contre la France, proposée par Philippe II (10 pièces). 1659. Vita e lettere del cardinale Mazzarino. — Lettre sur la vie et les mœurs de Mazarin, écrite par un religieux au prince de Condé (2 volumes manuscrits). (Archives de la bibliothèque de Saint-Marc à Venise.) 5° ARCHIVES DE TURIN. 1304-1706. Inventaire des pièces relatives aux nÉBOCE entre la cour de Turin et la cour de France. 1742. Histoire des relations de la maison royale de Savoie avec la cour de Rome, jusqu'a l'année 1742 (Materie ecclesias- tiche, 2 vol. in-fol.). INSCRIPTIONS GRECQUES D’ÉGYPTE RECUEILLIES EN 1861 À PHILÆ, ÉLÉPHANTINE, SILSILIS, LIBAN EL—-MOLOUK, ABYDOS, ANTINOË, SAKKARAH ET ALEXANDRIE, PAR M. GUSTAVE DEVILLE, MEMBRE DE L'ÉCOLE FRANÇAISE D'ATHÈNES |. 1. Philæ. — Petit édifice de l’ouest. (V. Letronne, II, p. 194.) TOTIPOCKYNHMA KEIMOYNTITETEIICIC AE EET TOIAUWN MAPPATHMEIPION ICITOCOIAUWN KAIABATOYKAIT(WT.KA.CK.Y.OY TÔ mpooxtvryua Keiuour Iereotos ... .[uai] To[r] Géwr Gapà Tÿ (LUPIWYU LE lo: r@[v| Dir xai AGdrou, xai T&[v réxvwv aÿroÿ]. Remarquer æappä pour æapé, et l'emploi de et pour v dans la forme probable aupiwvbue. L'Abaton était une île voisine de Philæ, où Osiris avait son tombeau. Les prêtres seuls pouvaient y descendre. 1 M. Dugit, mon collègue à l'École d'Athènes et mon compagnon de voyage, a relevé un certain nombre de ces inscriptions, qu'il m'a autorisé à joindre aux miennes, se chargeant pour sa part des textes épigraphiques que nous avions recueillis en commun sur divers points de l'Asie Mineure , et notamment à Per- game. Nos notes sont publiées ici à titre de simples renseignements pour l'étude des inscriptions grecques d'Egypte. — G. D. — 158 — 2. Philæ. — Sur la face nord du grand pylône. RE ST CS EN - gagou Goo Tÿ Se ule|yioly lord ai Gapd TOÏS ÉV TO À rc Seoïs. La première ligne contenait le nom a visiteur, précédé de k [oi-- mule ordinaire Tù GLOCXUVAUA. 3. Philæ. — Cour intérieure du grand temple, sur une colonne. KE..\AC...O.AEMN.IOY KeGaäs IIroeuaiou (?) K.. Xe IRON TE TR al ee CL RUE YHwot F..C.THN.<..IANIC.N BoÙs Tv xUpiav lo». Le nom propre KeGaäs n’est pas sans exemple dans les proscynèmes égyptiens, et [IroAeuaïos est un des plus fréquents. Remarquer la forme #xwr, qui se montre souvent à Philæ. (Letronne, Il, p. 31.) h. Philæ, — Sur une colonne du grand portique de l'ouest. NA.YAUICHKO : |: : mais mT at ETC) E.MOYOAPIOY ee EN LV ETAT AOWI mu: LKTYBI.B L.x'.Tuéi. 6’ Ce proscynème obscur est de l'an 20 (de A LE souverain ?), le 2° jour de Tybi. 2. Éléphantine. — Sur un autel de granit. OEWMETAAGWAMMONI | Oed peydlw À pont. 6. Silsilis. — Grottes et carrières, au-dessus d'Edfou (Apollinopolis magna). XAPHE Xdpys. 7. Susilis. CEPATTIC Séparis. On a gravé à côté, sur le rocher, deux petites palmes et mne clef ansée. — 159 — 8 Silsilis. TTETETOYINHEXEMENYCTIET APOYPICXEMENIKAIT PITTANTPTIOL Ileremouivys Xeuevds, Ilerapoüpis Xeuer[ds] nai. ..... Gravé dans une petite chambre, au fond de laquelle on remarque une statue de dieu grossièrement taillée dans le roc. Petepouinis et Petarouris sont deux noms propres égyptiens. Le dernier mot doit être aussi un nom propre, Xepevÿs ou Xeuvüs, ethnique (de Chemnys, ville dédiée au dieu Chem, et appelée par les Grecs Panopols). Les epsilons et les sigmas carrés paraissent indiquer une basse époque. 9. Süsilis. TOTIPOCKYNHMA M pOQ ; BIOYCTTA PONS DUT DT à TAXI 1: RATE ATA® AU PARU KAIHIWNOC HE QUE EAEPOCTTAPAT( 4 à ef ANA L'ON To wpoouvvmua M{apuo]u [IavoA]6éov (ou ILoAuéiou }) oo ET: T0 PORN [uolsagé à (2) DE [xai] AiGléhov] ÉD N- VE Kamiwvos ERA [K}éAepos mapoà T@ La ae Mépvont (}). Gravé sur le portique extérieur d'un petit temple dont le fond est divisé en trois cellas. Ce proscynème a été biffé : il est à peu près indéchiffrable. Ceux qui l'ont écrit faisaient probablement partie de la garde romaine des car- rières. 10. Silsilis. TTIZTOKAHZ EYMENOYZE HK.IENTQIKBL TTAXQNIB ILoToxÀÿs Eüuévous ÿx[w]e &v r@ x6' L. ay 167. C'est sans doute un des plus anciens pr oscynèmes de Silsilis. La forme des lettres peut le faire remonter au dela du pr emier siècle avant notre ère. La date doit se traduire : La 22° année de.... de Pachon, le 12. Toutefois, l'iota d'yxœr n'est pas l'indice diète borne époque. — 60 — I y a d’ailleurs dans les carrières d'assez nombreuses traces du pas- sage des curieux ou de la présence des travailleurs : des marques d'ins- truments, des coups de pointe réguliers, des trous carrés, des flèches qui ont servi de repère, des signes hiéroglyphiques, tels que palmes, clefs ansées, et des inscriptions arabes. 11. Biban el-Molouk. Les Arabes appellent Biban el-Molouk la chaîne de montagnes qui s'élève sur la rive gauche du Nil, et qui domine du côté nord la grande plaine de Medinet-Abou. Ce nom veut dire Portes des rois. C'est là, en effet, que se trouvent, creusés dans la montagne, les tombeaux des an- ciens rois de Thèbes. Les inscriptions suivantes viennent de ceux des tombeaux qui por- tent les numéros 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9, 14. Nous n’en avons pas trouvé dans les numéros 11,16, 17, 18, 19. Ces inscriptions ont été laissées, comme on sait, par les voyageurs grecs qui ont visité les syringes, et elles ne remontent pas au delà du règne de Ptolémée Alexandre. Plusieurs sortes de difficultés en rendent la lecture très-laborieuse. D'abord, comme elles sont placées dans des souterrains, elles ne paraissent qu'a la lueur des bougies ou des torches, de sorte que, même en suivant pas à pas et avec une attention extrême les parois des couloirs, on risque encore d’en laisser échapper plus d’une. Ensuite elles n'offrent pour la plupart que des lettres mal formées, ou bien elles se confondent les unes avec les autres: elles se mêlent à des colonnes d’hiéroglyphes sans nombre; ou enfin elles: sont _tracées en cursiwe, ce qui accroît singulièrement la difhculté de la tâche. Il y en a même qui se trouvent plus près du plafond que du sol, de sorte qu'on ne peut essayer de les déchiffrer sans bâtir d’abord une sorte d'échafaudage de pierres. Le plus grand nombre des inscriptions suivantes est inédit. Tombeau n° 1 ou tombeau de Ramsès III. (V. Letronne, IT, p. 296.) IACIOC KAICY ECIOCC KTHK TAYTHN CYPIFTAI AONTEC EOAYMACA MEN lämios nai Ev[vléoios éury[v] Tatryr oûpryya idérres Saupdaaper. — hô1l — 12. (V. Letronne, II, 297.) ACKA HTTIA AHC IATPO TO (?) AoxÀnymiddns iaTpôs ©... 13. (V. Letronne, II, 297.) TTOHPICMYYOOY AAIEWC TICWCIC MACUNIC CKOIP... Iléypis M.U6ov (?) dltéws..... CHOIP... Les deux derniers mots sont douteux. Faut-il lire, d'apres M. Le- tronne, yotporwÂns où ox01vomo16s 14. KACCIAC A Kasoias AHMHTPIOC AyunTptos. 15. ANNATIANAPXOC Âvvartavapyos (?) lACONOC ldo[w|vos. Le deuxième nom est assez commun dans les Syringes. 16. (V. Letronne, II, 298.) EYHPANQPOIAWNOC. . ... EÿGpévwp Dikwvos ETIITTOAEMAIOYTOYTITOAC émi IIroAsuaiou roù IroAs[uatov] MHNOCTTAHAIOY UnvÈs Ba. .... La forme des lettres confirme le jugement de M. Letronne sur la date probable de cette inscription, qui d’ailleurs m'a paru moins com- plète qu'à l’auteur de la copie communiquée à ce savant. 17. (V. Letronne, II, 551.) KTHCIAC Kryoias HPAIWN Hpalwv|os]. 18. AHMHTPIOCACKAHITIAA Ayuyrpuos Âoxkmmtad|ys] EYHPONOCAPICTOMAX Eÿ@povos ÂpioTouéy[ov] APTEIOC | Àpyetos. == di == 19. (Transcrit dans Letronne, 11, 508.) TOPDYPIOC IAWNEGAYMACA 20. KOAAOYOEHC Ko}2odbns. > D NIKACIOC | Nixdo1os. 29: KAAANTIGN j _ KaawTioww. 2 [ACON ldcwv. 21. BHCAC Byoûs. MEMNO Mépvolvi]. Je crois bien ce Byoäs auteur du proscynème versifié, page 267 du recueil de M. Letronne. Il a encore écrit son nom dans une autre sy- ringe. Il n’est pas possible de lire autre chose que Byoûs. 25. (V. Letronne, IT, 308.) |E. PUNICANAPOMHXOY EOAYMACA Moins complet que dans le recueil de M. Letronne. 26. TAHNICEIA(UW NOMME I-C Iaynis eidov [é0avuaca ?]. D 7. TTIKAEYC ... GIX}EUS HPAKAEIWTHC Hoax}ercwTys. 28. ( V. Letronne, II, 309.) | IPMOC Pipuos. 29. + AICAT Aicyv|Aos|. 30. APCINC Àpouv|6r]. E ere6yis ()) 59.1 HPAKAEIAIWNOC Nom au génitif dérivé de Hoanheldms. 34 AHMHTPIOC Aypyrptos. — 165 — 34. ... OAEPOKYM [To mpocutvmual HEURE M:... 2. T@v [éu&r] TTANTON DAVTOY. DT. AA 1 7 PO Où PE FHAE:: .-PIOCAO ON KA...COTEMBHXIOCMH EYEPTETHCAYTO... .M'ENOME NOC.KTOMAATA.... [Tà mpooxtrmua (?).... MERCURE PANES aÿToù ()) xai Ts] ÜreuSÿy1os uy- Toùs dvé[ypaer] Edepyérns adrû[s ouy|yevoue- 36. | ICIAI sé ee 4 C'est la plus simple expression du proscynème. 37. (Transcrit dans Letronne, II, 300.) TIMOOEOCYEPKIOKWMHTHC EMNHCBOHETTAT AOGWODIAOTTATITIOY TOYAA..WCKAIMAZIMOY . CTATIAIOYIAIOAOTOYTON AOTIWTATUHWNKAIDI... ON KAIOYAÏACTIA :.: . 51... TACTITOY:.HTOPOC THCAXAPIC.Y..ANZZZ Je n'ai pu découvrir le mot oixovépou ajouté par M. Letronne à la lin de la deuxième ligne. Il ne me paraît pas non plus qu'il y ait eu roù Bacikéws à la troisième; le mot altéré doit être le nom du père de Phi- lopappus. Je signale aussi é010A6yovu (et non édiou À6you), mais sans atta- cher d'importance à cette leçon. La Nota utriusque imperü assimile l'idros X6yos au comes rationalis. 38. Tombeau n° 2. Ayunrpios Mooyos va... 39. KE. 40. CKOPAICKOCICTO Exopdicxos io lopyoa. — 64 — A1. OVEIDIA OBEAAIA Ces deux noms appartiennent, bien entendu, à la même visiteuse : Ovidia Obella. DE TTAPNA CCOC [Mapracoôs. 13. AYKOZ Adxos 44. (Transcrit dans Letronne, Il, 296.) M.VOLTVRIOS 45. (Transcrit dans Letronne, II, 295.) OHBAIACCYPITTACETWKAIMEMNONACEMNON O.YMA..HCTEXNHCOYPANIOCKYNIKOC A6. (Transcrit dans Letronne, IT, 296.) _NIK..AC AHMHTPIOC MAKEAUWN 47. (Transcrit dans Letronne, II, 296.) EPMIAC OECCAAOC ADIKETO 48. (Transcrit dans Letronne, II, 296.) TENODAN ÉYHIAHTOC AOHNAIOI Je lirais ÆevoQdvms, au lieu de EevoGy. A9. ANOPOTOC Âvop@ros CYHNIT. :. À Eunvir[ov|. Ce personnage était de Syène (Assouan). = AO — 50. AAIMAXIC | ATIAC AOK AIC (?) | CEAEYKOC HKG) Auipayis, Ayilas, Aouxéltos|, Eéhsunos, no. Quatre noms et un verbe au singulier. Le premier nom est sûr; on le retrouve ailleurs dans les syringes. 5 À CABINOC E4x6iv0s. LA NOYM HNIOC IHAOC OAYM * ICO YTIAP NY Nouuyyios [@iA0600@0s ].... [Oauuriou ?].... Numénius est le nom d'un philosophe pythagoricien d'Apamée (con- temporain de César), qui appelait Platon un « Moïse atticisant » (Suidas), et aussi celui d'un rhéteur qui écrivit à l'empereur Adrien une conso- lation sur la mort d'Antinouüs. 53. EIP ()) THAIOC HK( 5 2 A AE on: U405S AEMAICNOY Hrokeuxio| in à 409 | ie ...Muoos... HK( LA.TTA.YNIAC xw LA .Iaüvre a... La dernière ligne contient l'indication de l’année et du mois : an- née 30, de Payni, le. .2 59. AIONYCO AHPOCNIK NOY Atovuood|w|pos Nux[ad|ov. MISS. SCIENT, — 11. 30 56. KACCI AC ; ;; CIMMAP KOCOECC AAOC | Kacoirs [Tiuapyos ?| Gecoaos. sh TTOAEMAIOC Irohepatos. 58. APABIANOC À pa&iavôs. 59. EYATOPAC Eÿayopas. 60. IEXOMAXOC loyouayos. Fo TISIAHE ILoidns. L'ethnique seul est resté. 62. MAP KIOC KEAAACICFO PAHCEN Mépuios Ke} Gs (2) icTopnoer. 65. AIAYMOC ex urirs di: HPHMON TACITIMOY POAIOC DAICKOC PAAOC Afdupos Aldèpou ?|..., Hynuwr Haorréuou Pôdos, DAioxos P[68]0s. 64. TOTPOCKOI Tà &pocx|t] NYMAAIO v\y|ua At] KGPOCIETTO x0p0s èTo[inoe] KATIOAAWNOC xATo}Awv|i|os . . ON YPCIOK .: Pôvupoti[s]? Le dernier nom n'appartient peut-être pas a ce proscynème. 15. (V. Letronne, IT, 296.) TOTPOCKYNHMA KYCICAPMHNIC M. Letronne donne Iéxucuis. — 67 — £66. Celle-ci est à l'encre rouge et tres-difhcile à lire. PAMOME. 4 NEOK Ixêos [Toyrixds ?| Neox!ksidov ?] MEMNONATIOYAYAH Méyuvovd mou aÿdy- ENTAKAYONKAYAPC EPTA HAUOV....... É jui | a MM TPE PIFFON r@v ouptyywr (?) RARES TX KOMHN ...GQuôumr (?) .... TOHK.NANAYAON ..TÜ[v vüv)| &vaudor ....KAXO.TITIOYACOA .. [AiyulxTéou (3)... LEE RALEE LE)c.N D OS RE. | 2 MS CO.®DI.HN coGinv..... JAZOCTIONTIKOC Îxèos Hovrixds MET ATIONOYKA UETA mOvOU xd- T&. yo (?). Cette inscription {métrique ?) fait évidemment allusion au colosse de Memnon, qui chantait autrefois (Méuvovi mou atônerra xAtor), et qui s’est lu {vavdor). 67. (V. Letronne, Il, 288.) MAPKOC OTYPIOC PWMAIOC. M. Letronne donne Oÿortptos. 68. YAAICCYPOC vais Eüpos (?) 69. AIONYCIOCÉIAOZENOYICTOPHCA 70 {Y. Letronne, IT, 2804] | ET WPOIMHTAAKACIAON M. Letronne donne £d0v. 71. ITTTIACMYZ Inmias Môs. Mÿs , dvoua xûpror {Suidas). Remarquer la forme différente des deux sigmas. 72. MYPYAHNAIOCATAOWN Murskmvatos (?) Aydov. 73. (V. Letronne, Il, 288.) C.KPATHCAPICTONIKOCHAGOC Le dernier mot peut se lire Abe (que donne M. Letronne), ou 7À60[v|. 30. — 168 — 74. BHCAC Byoûs IAGWN dv EOAYMACA ébatpaca. Voici encore le personnage qui a inscrit son nom dans la syringe n°4, eh quiet probablement aussi l’auteur de l'inscription rapportée par M. Letronne, t: IL, p. 267. 75. (V. Letronne, IT, 290.) OEPMCYEOIC EYDHPOCYNIC OPION M. Letronne donne aux deux dernières lignes EÿGpoovry, iXépuov. 76, AN...ATPA Avlrer]éroa AAI.E.AY LPS PTS EOGEACAME . Peacapé- NHTIO.TA FLE PAGES ut AE M... OU "1 Dre AAMHCYYPOC Aëuns Yupos. Wupos peut être un ethnique : de l'ile de Psyra ? 78. TTYPOC Ho[p]|pos EOAYMACA EOaduaoa. F0 KAAAÏIOTTIC KaAômis ANTIOXEVC Âvrioyeds EAOGWNKAI é)Odv nai EIAGWNT AC cid@v Tàs CYPIFTAC GUpryyas EOAYMACA éOatuaca. 80. {V. Letronne, Il, 294.) IANVARIVSPPVIDIETMIRAVI LOCVMCVMFILIAIANVARINA VALETEOMNES Je ne trouve pas sur ma copie le mea que donne M. Letronne (fils mea Januarina ). 81. TAHNICC Ilay»os, OEODIAOC. OsoGros, NAELES TE Aylunrots|, ATIOAAWI Âmo}w[m0s| ICTOPHCAN icTopnoar. = (NN) 2 p2. APICTOKAHC APICTOKAEOYC_ 83. OATYPTOTUWAHC (?) à dpruromwÀms ()) PTE NN 7 SON ATTATVOC ÂTläruos. .. 84. APYTON ApÜTwy. 85. TIEAOY HéoŸ ANEZ.N. ÀXeË[d]r[dpov] DERMEMO. bi morob His PVR 52) COPAIN Pret 86. (V. Letronne, IT, 289.) MONT ANOC ŒPAKA Cette transcription constate l'absence d'e au commencement du se- _ cond mot. 87. MOYKIANOC:AANTIOYTIAYTAAUWTHC (à) Le premier nom seul (Mucianus) est sûr. Le reste de la ligne parait contenir un ethnique. 88. APICTOMENOC CWUTAAOY 89. ENIWNKPHC ... [Hap/|sviwr Kons. PARC ROAD LL Y À'RTH PxETO EvÜa. Peut-être sont-ce deux fins de vers hexamètres. 90. (V. Letronne, Il, 289.) YEMWNOOY HKW 91. AEYKIOCKYAGWNIATAC Aevxtos KudwmaTas. Encore un Crétois. Il est de Cydonie. 92. APTEMIAWPOC 93. ZHNOAOTOC Znvodoros KAAAID.NOY F KaAu@lal]vouls|. — 70 — ga. DIAOCTPATOC 95. | | TANIC 96. ONNOC perf er 97. NI®. BAIPYTOETTIAUWN KAIOFPAYAC. .. Je ne lis que à Emidos nai d yodVas. 96: | VENMAY... Commencement de nom égyptien. 99. MENHC Mévys. 100. (V. Letronne, IT, 315.) FAIOCIOYAIOMAICTAPTOCHKE MEXIP IE La conjecture de M. Letronne (TTAIC CITAPTIOC) me parait bien | douteuse. H y a de plus ici le quantième du mois : de Mécluir, ie 15. LOT 0 CAPATTION 102. AHMHTPIOC NAWNEOYAM … Ayresos [ildè» &0[atnaca ?] 103. KYPIAAOCEIAEN 104. EAPCUN KYAWNIATAC Encore un Crétois de Cydonie. 105. OAAAOC @4) dos. 106. OOMUWN HKG _! Gduor (?) pro. Vo TITOAEMAIOC 08. TYPWNOC …Tpavos. Ce nom en suppose un premier, au nominalitf. 109. (Ÿ. Letreoue AL 250 AHMHTPIOCACKAAGWNITHCIAGW NEO AY MACA M. Letronne donne eidwv. — 71 — SPPD: PONIKOC...VOCIAONKAIEGAYMACA [Avô]|pôrmos. .. [e]idov xai édatuaca. EYE. AEUN #22. TOTIPOCKYNHMAEYCEBIOY 1135. TOTIPOCKYNHMANOYMHNIOY 114. TOTIPOCKYNHMAKAAAIOTT To moooxtvmua Kakkom|iou]. 115. APAKON 116. AUWCIBEOC APMATIOC 117. KPHCHK.. Kons ñx[w]. 118. APICTOKAHC APYTUON 119. KEDAAGWN 120. OEObIAOC SETICPUE KACOBOY KA![e|o6ovf ou] CEAKIC [é|Édus. Sur le sens remarquable de é£@us, cf. Franz, Elementa epigraph. grecæ. p. 374. 121. BANNOCMAMIEYC Bävvos (2) Mapueus (?) CHPANOCAPMATOYPA Eypayds (2) dpuaroëpa (à) ETPAYA ëyoaÿalv](?) Apuaroÿoa parait être la transcription du mot latin armatura, qui aurait le sens de garde du corps. Ynpavés est la transcription de Serra- aus, NOM romain. 122. {Y. Letronne, Il, 301.) EYTWCANACTACIW TWYUTOTIOTHPTOYENAO WPIONOCTOYAOK Cette inscription , à l'encre rouge, a été biffée. Elle est accompagnée d'une croix: elle est donc de l'époque chrétienne, comme M. Letronne l'avait pensé. ee MD Il y a bien distinctement EYTOC, et non EY(WC, au commence- ment. AOK peut être le commencement de doxpærérou. 29 É. FC... ANACTACIWTWKO TOTOTOTHPHTH... Celle-ci est au fond du même tombeau, derrière le sarcophage. On l'a tracée aussi à l'encre rouge. Elle est conçue à peu près dans les mêmes termes, car il doit y avoir EYTOWC à la première ligne. La seconde se termine par une abrévia- tion qui cache, je crois, le mot xéumyrt. 124. Niue ANRE TER OCATOT: NYMONOPECTIAAHNHIAGUWT.NNIOCEXOYC OYTOTEAH.YC..T.BNIICETIIONTA IE Le Re Cr TOYT.NAKY@NAHA.TICOCEITTA XAIPETE 24 . Opeciddmr RAEANÈRES ne bbrome dd). 20... érmruiovra () SO nr HÜWY. ....EÎTO XUIDETE. Inscription à l'encre rouge. Elle a été biffée, ce qui la rend presque indéchiffrable. On voit néanmoins qu'elle est en hexamètres. 125. Tombeau n° 4. IAET AIPOC AMMONIOY 126. TIOAYKAETOC HohuxAe[iros. 127. | TIPICKOC 128. Tombeau n° 6. a À à G AMMONIOC À np[ælvros. 129. OEKA...» M}A|0e KAlaudros ?| | CEABA de)6a- NOC v0s. — 173 — 130. CEYHPOC Severus, nom romain. Les rares inscriplions de ce tombeau sont toutes de la plus basse époque et à peine lisibles. 131. ENCHEL-HPRES Loir -nS Kpys, TP .JACAPHC ji. INos, EYAIK.KPH.. Eÿdmlos] Kpy{s|, .. DAOAAMOZ .. DrA60auos [Kpys| Ne PA [lo To- À. red. Leln- is Ale [o|av. Ce proscynème est placé au-dessus de la porte même du tombeau. 132. AIAYMOC Aduuos ICTOPHC ioTopyo|a] HAMHNOE IA Paulelrlw|0 10’. La date est : de Phaménoth, le 14. 133. Tombeau n° 7. EXOPO..POAIOC l)) 154. Tombeau n° 8. ITTTOKPATHC lATPOC La rencontre du nom et de la profession est curieuse. Suidas cite sept médecins, tous natifs de Cos, du nom d'Hippocrate et de sa fa- mille. Celui-ci est-1l aussi un de ses descendants ? 135. (V. Letronne, If, 299.) BIT AAIOCKAIÏTTIT YI..A ICTOPHCAMEN M. Letronne lit Ilir7@Aaxos (2?) à la fin de la première ligne. 156. (V. Letronne, If, 2aq.) NIKWNCYPAKO Néuwr Évpaxo[votos|. 137. (V. Letronne, IE, 299.) ATTIANOC TAIHNOC EIAON M. Letronne donne à la seconde ligne FAAHNOC. es AN = 138. MHTPO MyTpô[dwpos ?] AICEI Ôis ei- AON 00. 139. (V. Letronne, IT, 309.) TTEPTINAE IEPÂZ 140. (V. Letronne, Il, 304.) DIAOIENOCPHT(PEI PrAdËevos pnTwp el- AON 007. 141. (V. Letronne, I}, 305.) MHTPOA OCMAPW NEITHCAC MEMNONI TTAC M. Letronne suppose ioTopnoas après Mapwveirys. 149; ACEAAOC Âced)os (WAETEFTON œde yéyova (?). 1453. WMObIAOC (?) CAXINOC (à) li. (V. Letronne, Il, 302.) MICOYICAOGATOC TOTPOCKYNHMA M. Letronne lit Auoov@is à la première ligne. 145. ; TTPICKOC A6. ICXYPION A7. APICTEYC 148. AIOKAHC LA. TOTIPOCKYNHMAAAEEANAPOY 150. KTICTHC es APS 151. (V. Letronne, If, 303.) AAYTTIOC ICTOPHCA METAKTICTOY Il est évident que ces deux proscynèmes se suivent. FT TTACEAAOC Ii. Ace} os COAEHONL(O). : -ypeméme KTTAYNIHK( x Taüve uw. or XEIWEYCAMMONIOYICTOPHCA Xerÿeds Àppwviou is10pnos. 154. IEPAZTIANIO ΣpaË Iavio[v] OTEONA... MA AE Pie ro Di …. ICTOPHCA . .ioT00no2. 155. - AIONYCIOC 156. MONIC [Âulu[æ|veos] ? EPIMNOY Épéuvou. 97. TTOAEMAIOC 158. (V. Letronne, IT, 504.) MPÉAETVS.HIC.FVIT Je lis M et non VS devant LAET VS. 159. AAEEANAPOCHKO A}£Eavdoos rfxco (WAECYNIEPAIC wÔe oÙv icpais Nouv M AR La... .. : se GBEUWNHPF AI Sedv 7 Ya. +. | ANNE LT lé Lien ER JE ET D LAN LS Ts 4 160. Tombeau n° 0 FTOTAM&WN Horazwr TITANOCHK Terävos 7x[w|. = ON 161. (V. Letronne, IL, 315.) EYCTAOIOCATIOAAWNIOY ICTOPHCA M. Letronne ne donne que la première ligne. 162. {V. Letronne AL Sa4) IANVARIVS PP VIDIET MIRAVI M. Letronne donne de plus LOCVM à la seconde ligne. 163. (V. Letronne, II, 316.) KAEOTTATPA KAsoTaTpa ICT icT|6pnoa|. Copie plus complète que celle de M. Letronne. 164. (V. Letronne, Il, 315.) | AAMITUNHK&WMETACTATIOYTIANIOY .L.H Cette copie est plus exacte. Il faut lire #xw et Havéou. De plus, il y a une date, an 8. . 165. NEMMAC Neppäs (?) YIOCAFFICATOC vids Àyxioäros (?) 166. EAENOC ÉXevos AMACTPICXIOC Apaolpis, Xios. 167. (V. Letronne, IT; 315.) CWTHPIXOCKAIHPAKAEIAHCHKAMEN WAEALKAAYAIOYHAMENOOZ 168. | MAKAPIOC 169. (V. Letronne, Il, 314.) AABIOC CODICTHC EIAON 17: RES OCAPAT "put . os OpaË lIAWNEOAYMACA idwr Éfatuaoa. = ER = 1. 00 CAPATTI[WINAAEEANAPEYC À cËardceds aol AeËdvdpetos (Suidas). Nous verrons bientôt une troi- sième forme de cet ethnique. 72. - .-6EOC [Awpo]ÿeos OKY . à Ku[6-| HPIOC np1os. P75. TOTIPOCKYNHMAATAGOYKAITHCMHTPOC KAITHCCYMBIOYKAIT(WNTEKNON bIAUWN TO mpooutryua Ayaloÿ nai Ts unToùds xai Ts SUuÉiou xai Tüv Téuvwy [ai TOY] Gihwv. 174. (V. Letronne, Il, 311.) XOCPOHCAPMENI OCIAWNEOAYMACA p2D. KIPIAAOCK K[u]praos x[ail EF. Ed0[vônuos] sg D: Ra. à sr mal ra: À héiricut Eax[uäs »| 176. NEIAOC 177. (V.Letronne, Il, 272.) IavoÀG10os Haroumohirys idwr Éfatuaca nat Éuvnolnr Tor éucr T'AVT OV 178. AIOKAHC KY@N Aron] ÿs nc. 179. AypyTo1os ioTopnoa. 180. KOYPEYC Est-ce un nom propre ? 181. KYPIAAOCCYN Küprhos où TOICTEKNOIC TOÏS TÉAVOIS ICTOPH icTopn|oa|. 182. À XéEavdpos émapyos OySwr Dir (dar. ..., Le mot qui manque est sans doute édaÿpacx. — 78 — 183. Mapyuia KAavdia. 184. (V. Letronne, Il, 309.) Avtowvia Ayoimmeivy Üratiuy io10pyoa. 185. Méyos. 86. OEOYPAC Ocb@pac[os]. 187. CABINOC Sabivos. 188. HKGWNOYMHNIA ua Nouuyvia. 189. | FABIANOC F latin pour ®. 190. ICIAWPOCANAPOMAXOY Lore TAYPINOC 1992. PANATAS dari a pe TONER EUR TPli .… Tpiqiè. À MMPANEN., 6, | Je ne distingue que Triphis, nom d'une déesse égyptienne (voy. Le- sue q P 8yP Y tronne , I, 232, 11, 479), à qui s'adresse ce proscynème. 193. (V. Letronne, If, 314.) IJANVARIVSPPVIDIET MIRAVILO 194. | NIKOAAOC | ICTOPHCA 195. (V. Letronne, Il, 266.) ÉmiGévios ioTopnoa: oùdevds ()) éfatnaca ÿ un rdv Afbov. 196. (V. Letronne, IT, 269.) MNHCOH ACKAHTTIAAHC IJATPOCAET EU B TPAI.ICXVPA LI ANTONINOYME XEPA — no 197. WEMMGWNEHC 298: (V. Letronne, IS) IOYAIOC | lovAtos AHMH Ayuy- TPIOCXEI Tptos y{e]- ATAPXOC Àiapyos ICTOPHCAC io Topnoas EMNHCSHN éuvnoûnr THCKYPIAC Ts HUpiAS MOYAAEA mou ddeÀ- HCIOYN Gÿs louvi- À | IAW as lotdwo- AC , as. La copie de M. Letronne s'arrête a THC rs ligne ). 199. IOYAIOC lovluos AHMH Ayuy- TPIOCXEI rotos y[r|- AIAPXOC hiapyos ICTOPHCAC icTopñoas EOAYMACA _ éfaduaca. Second proscynème du même personnage. 200. APCIOCICTOPHCAC À petos iclopyoas TOTIPOCKYNHMAETTOI TÔ MPOOAUVAUX ÉTOi- HCAT(WNODIATATOUN noa Tor GiÂrdTwr AAEAPUON dde) Gav. 201. KONNOCAAPI Kôvvos Adot[av- OYYIICEOAY où vids] éfau- MACA Lac a. Suidas cite un Kôvvos, joueur de Îyre. 202. ACKAHTTIOC | EOAYMACA 203. (V. Letronne, Il, 308.) MAŒIMIANOC EOAYMACA — 180 — 204... (V. Letronne, I, 514:) Aiuos Atovdotos xai Adurawr @idco@os cidouev. 205. TOTPOCKYNHMAKAHMATIOYKAIOPIGWNOCKAITIANT&ON Td mooonvvqua KAmuariou ai [Q |pécœvos UAl DÉVTHY. 206. ATIPIWNIATPOCICTOPHCACEOAYMACA Ampiwv iarods iolopnoas éfaiuaoa. 207. TYANEYCKACTAAIOC....IAWN EOAYMACA ...[Tuaveus?) Kao7ä@los.. . idcv ÉOatuaox. 208. {V. Letronne, Il, 308.) OEOXAPHCCXOAACTIKOCHITE|PWTHCEBAYMACA 209. (V. Letronne, Il, 315.) TOTIPOCKYNHMAT(NTEKNWNAPTEMIAUWPOYKAITHC..YNHCA..IO Cette copie donne de plus xai rÿs yuvÿs aÿroÿ. 210. (V. Letronne, Il, 314.) L: Hauovüns Hapæwvbou. 211. ICTOPHCAC OEOKPI TOTAMOWN TITANOC TOC lo7opyoas Osôxpi|Tos] Horduwr Tirävos. [éfatuaca ?] 212. (V. Letronne, 11,313.) EMNHCOHOEOKPITOC OCHAIPAPXHC 215. AMMONIC ICTOPHCA 214. Nedpuowr. 7) EF OYATT: OùAT|10s] HPO.IANOC Ip dans. — 81 — 216. (V. Letronne, If, 308.) OIAATPIOCHIAOCObOC TO B OEACAMENOC M. Letronne donne Pro Topos. SET. APPOAICIOC AGoodioos AAKEAE Aaned|au6-| NIOCTT TT K/ VIOS. 218. GEOTEKNOCOK.. Ocoteuvos Ôd x.. TTOIOCACKAAGW 010$ Àox1À«- NITHCICTOPHCA vitns ioTopnoa. #0105 est sans doute la syllabe finale d’un nom de métier. 219. (V. Letronne, II, 533.) AAAOYXOC Aadoÿyos CXOAACTIKOC ocyohaolixnds IAT.HAGON iar| pds] 7À00v KEOGAYMACA xéOatuaox. M. Samuel Sharpe a mal lu cette inscription. Au lieu de Aadoÿüyos, il écrit AA oûyuos, et raus au lieu de ar. 220. KAITOAETHKAEOBOYAIANOC FAOAYMANOH.... HCACAMIINTNIHCAAEADI AOC Kai ro éyæ KAso6ovAravds [uélyæ Saüua vorlous| [éurnoünr ris ?| dde }Çt- dÿs (?) Les deux premieres lignes forment un hexamètre. 221. (V. Letronne, II, 313.) BOYPIXIOCCXOAACTIXOC ACKAAUWNITHCICTOPHCACKATETNOUNE MAYTOYAIATOMHETNWKENAITONAOMON TOMAFCAOIAMON CSN NE, 722. Héros ioTopyoas. MISS. SCIENT. — J1. 31 —, HO — 2993. OAYMACTACCYPIFTFAC Oavuaolès oupryyas AAE=ANAPOIOTIOINII À XcËardpetomo}irys AWPIOEOUC.OMOC EN." Amp lEos. .. ......0 . TACTÉNETACT EME RRRERRRUULAr A On voit ici une troisième manière d'exprimer la qualité de citoyen d'Alexandrie. h 224. (V. Letronne, II, 275.) Avréyovos Aupaoumrôs i0@v dTepebaUua a. 225. (V. Letronne, IT, 272.) Peidpos, Odvowr. 220; WCAEIAONGYMOCMENATAOO!.... ws d'eidor, SÜuos uëv dyabo... ...TOo xai Tdù éypaÿa... se Cette inscription est une des plus mutilées et des plus négligemment écrites des syringes. Les deux premières lignes ont été plutôt devinées que lues. Je dis- tingue à la fin le mot ërous et le commencement de péyeip ou pecop#. 297. (V. Letronne, Il, 215.) EPMOTENHCAMACEYC .. MEN AAAAC CYPINFACIAUWNEGAY MACATHNAE TOYMEMNONOC TAYTHNOC.ICTO PHCACYTIEPEODAYMACA = OR — 228. KAOOAIKOCOEOAMOC NHPAPENECTOAESAY KafoAmds Geodos |?) . .yayer s T0de Saÿl[ua]. Ce personnage a voulu dire sans doute qu'il avait conduit, accompa- gné un tel dans la syringe, qui est désignée ici par le mot Saüpe. 224: HPAKA-1.2 Hodne[10s] KOMHIE. 40u[7s| €CHBAH.... OyBat- AOC. js d0S E9AYMACA éOaduaoa. 230. OEOKPITOCKIAIEIA Oeôxrpiros KiAtË ia- TPOCIAGUN Toùs idcwv [ébatuaca]. Tr. BAOYAAOCA®PO Babu} os ÂGoo- AICIOCTPY®ŒUWN ANTAIOCKATITIA dic1os , TpÜCwr Avraios KarTwa- NONIDE, 72 2 | dox10s [eidor] KAIEOAYMA ua ÉVatua- CA calr|. 232. (A l'encre rouge.) - KAAYAIOC KAaÿdros + RNPRPARR TS .. OAIACHMOTATOC à draomuôTaTos KAOOAIKOC Kabolixds €OAYMACA Efabpaosx METATHC UETY Tÿs FAMETHC YaueTÿs MORE 7. fout di KAAYATA KAavdia ICTOPHCA ioTopno a. Voici un autre rationalis ou procuralor fisci. Il s'intitule 6 dacypôta- Tos, ce qui le met au-dessous de MVectarios de Nicomédie {Letronne, I], 276), 6 Aaumrpôraros Kafolumds AiyünTou. AuaomuôTaros répond à per- Jectissimus, et Aaumpéraros à clarissimus. Sa femme a écrit son proscynème au-dessous. 233. Voici également un KafoAtxôs, décoré comme le précédent &u titre de dtacmuôTaros. Si la restitution est exacte, Antonius était Kafolmxoôs d'Égypte et de Phénicie. il nous apprend qu'il fut longtemps citoyen de Rome, 7 Bacrhkstousa, titre qui passa plus tard à Constantinople. Les es A (A l'encre rouge.) ANTONIO OEWAOPOC OATACHM... KAOOAIKOCT..X TIOYHC DOINIKHC TOAITHCENTH BACIA..0.CHP@OMH XPONGITOAAW AIATPIYACKAI TAEKEIGAYMAT EIAONKAITAENTAYOA Avrævio(s| Ocodwpos ô dixomu[oTaros] KaGoluxds [ris Aiyÿ- mou xaid| Dorwixns mo}iTys Év Tÿ EaoiA[evotoy] Pour Xp0vw moÀG darpiÿas nai Ta éxet Saluar|a| eidov nai T4 évTradba. merveilles de Rome et de l'Egypte l'ont également frappé. 231. NEMECIANOCTIOAÏTHCTOYOEIOYTIOIHTOY OMHPOYATIOKAOGOAIK&WNYOAAATIOYKAIATIO HPEMONIWNMEILCYA...AIAbOPOYCTIPAEEIC MAHOYPOCKAIKAOOAÏKOCONT AIOIKHCEWCICTOPHCACEOAYMACA Neueotavrds, moitns TOÙ SElou GOITOÙ U Î (l Oppov, dmd Kabolumv [AiyümT]ou xai dd Hyepovewr... diagôpous mpdËers Méyoupos xai Kadolmèds wv TÎÿs] Atommoews, iolopyoas ébatuaioa. Cette inscription est à l'encre rouge et en lettres peu lisibles. Némésianus, en s'intitulant compatriote du divin Homère, ne s'est pas douté que c'était assez mal désigner sa patrie. Le personnage dont il s’agit a passé, comme il le dit, par les fonctions de receveur particulier (érù Kafolm&v), de président de province (dmù ilyeuôvwr) et de major (Mayoupos), et s'est enfin élevé à celle de rece- veur du diocèse. 235. 230. Tombeau n° 14. TTOAEMAIOC EPMOdYAOY ÉAPMOYOI Hrosuaïos Épuo@{f|>ov. Nom de mois égyptien. C'est la date d’un proscynème. — 85 — 237. Abydos. Les ruines de cette ville sont au pied de la chaine libyque, un peu au-dessous de Girgeh. Elles consistent principalement en un temple que M. Mariette a fait déblayer en partie (car les sables l'avaient recouvert jusqu'aux combles). Ce temple, assez rarement visité par les VOOR: parce qu il est éloigné du Nil d'à peu près deux heures, compte néan- moins parmi les plus curieux de l'Égypte. D'abord on ne trouve pas de peintures plus belles, même à Thebes, et quelques-unes des figures qui décorent les murs sont d'une rare perfection de dessin. Ensuite, la construction même du temple présente quelques particularités, entre autres des voûtes. . Sur les combles de ce temple, qui sont de niveau avec le sol envi- ronnant, par suite de l’'amoncellement des sables, on trouve un grand nombre de pieds gravés dans la pierre. Ces images singulières ne se montrent pas indifféremment dans toutes les parties des temples. A Karnak, à Philæ, à Abydos, elles occupent toujours l'espèce de terrasse ‘qui couronne tous les temples d'Égypte, et il ny en a pas ailleurs. C'est une façon de dire Je suis venu. Ces pieds sont accompagnés d'inscriptions ou plutôt de lettres, qui sont tout ce qui reste aujourd'hui des noms des pèlerins. La formule dyabÿ roy est très-fréquente. Je donne ci-après quelques fragments. 1° DIAAAEADOC. Àya0ÿ TX - aT... 3° À yabÿ TÜyn és] 4° Tù æpooxtrmua AüolnXlias . + 238. Antinoé. ANTINOO! Avtiv0@ ETIIDANEI ÉmiGaver DEIAOCAKYAAC Deidos ÂAxvAGs ETIICTPATHPOC émioTpérny0s OEHBAIAOC OyÉaidos. Cette inscription est sur un piédestal de granit renversé. Elle est en assez beaux caractères. Je m'étonne de ne l'avoir trouvée dans aucun recueil. 239. Nécropole de Sakkarah. Cette inscription était encore inédite lorsque je la recueillis : mails , depuis lors, elle a été publiée par M. Egger dans le Bulletin : So- * — 186 — ciété des Antiquaires de 1803, d'après un estampage communiqué par M. Mariette. Je m'abstiens donc de la reproduire. * 240. Sérapéum. CEPATTEIGEUWI Éepdirer Üew MEFEIETG@IKAI peylélolæ nai TOICCYNNAOÏE TOis GUvvdoIS OQEOCILYTEPATIOAAWTOL Seoïs dmèp Âmo}}Gros ATIOAAGEETUN !1B MM L.. B ÀÂroXGs érôv 1€ M....6. Cette inscription m'a été communiquée par M. Mariette. Elle pro- vient du vaste établissement religieux de Memphis, connu sous le nom de Sérapéui. Les lettres, assez mal formées et n'entamant presque pas la pierre, sont gravées sur une des tranches d'une petite table à libationss de forme quadrangulaire. L'auteur de cette offrande a voulu obtenir du dieu Sérapis et des autres dieux adorés dans le même temple la guérison du pr qui est nommé dans l'inscription. La date est peu lisible. M peut être la premiere lettre de pr. 941. Alexandrie. — Au Consulat de France. LÉ, te Re Cie OEOYOEAHCANTOCKAI TOYXPICTOYAYTOYETTITHCITANEYAAIMONOC BACIAEIACTONTATIANTANEIKWNTGNAECTIOT ON HMGUNOYAAENTINIANOYKAIOYAAENTOC KAIFPATIANOYTUWNAIGNIWONAYFOYCTUON ENTHEYTYXECTATHAYTUWNAEKAETHPIAEITETPA TIYAONETTWN YMONTOYBEIOT ATOYBACIAEGWCHMUNOYAAENTOC EKOEMEAIWNEKTICOHEMTITHCAPXHCTOYKYPIOYZF74 AAMTIPOTATOYETTAPXOYTHCAIT YTTOYAIAIOY TTAAAAAIOYAOTICTEYONTOCKAIETTIKEIMENOY TŒKTICOENTITETPATIYAWBAAOYIOY KYPOYMOAITEYOMENOY ETTATAOGW y A 14 L JE | | # Toÿ wavronparopos Oeoÿ SsAñoavros ai Toù Xpioloù aÿroÿ, mi Tÿs wavevdaiuovos Baorhslas Ty Tà mévro v|xwvrwr deororor mu@v Oùasvrimavo uai OùtÂsvros ua L'oatravoÿ Tv aiwviwr Avyouo low, év Th edruyeolarp adrwr dexaerypid|e|, rerpd- ET GuÀov Émwvuuor ToÙù Setorérou Baorkéws muwr Oùdkevros ëx Seuchiwr éxtioôn, mi Tÿs dpyñs TOoÙ xyupiou Aaumporérou érapyou ris AiyUumlou AiAiou [Lx kadiou, AoyioTevovros nai èmixcumévou T@ xricÜÉvVTI TerpartÀw Daoviou Küpou molirevouévou. ÉT’ dya0@. L'inscription est gravée sur un morceau de granit plus large que haut. La face qui porte l'inscription est ornée sur le côté droit d'une espèce de corniche qui, sans doute, se continuait sur les trois autres côtés et for- mait ainsi un encadrement. Le commencement de la première ligne a souffert : roÿ mavroxpéropos est une restitution proposée par M. Egger, d'après une copie communiquée par M. Renan, et qui laisse voir nette- ment les lettres . OVIIANI....OIOC. Les caractères ne sont 6 aussi beaux qu'on pourrait s y attendre, puisqu'il s'agit d’un monument public. La suite, jusqu'a la sixième ligne, nous donne la date de l'inscrip- tion, les noms des empereurs alors vivants, et un échantillon du style officiel en usage dans les actes publics, au 1v° siècle de l'ère chrétienne. Les deux magistrats nommés sont : 1° Ælius Palladius, préfet d' É- gypte, décoré du titre de clarissimus (Aaumpôtaros); 2° Flavius Cyrus, qui exerçait les fonctions de décurion (mohwrevôuevos) et portait le titre de curator de la cité (AoyioTeüwr). Comme décurion et comme curalor, il avait surveillé l'érection de l'édifice. INDEX DES NOMS Àyab6s, 173. Àyébowv , 72. Àyias, Do. Àyprmreivy, 18/4. Àyxioûs, 165. Àdpravôs, 201. ÀÂGäs, 144. Ailuos, 204, 241. AicyxvAos, 29. Âuv}Gs, 238. À XSËavdpos, 85,149, 199, 182. À ümios, 151. Audolpis, 166. Afapor, 5: Âupœvos, 125, 128, 153, 156, 213. Âvaoldoios, 122, 123. Avdpôpayos, 190. Andpouyyos, 25. Awdpôvimos, 110. Âvraios, 231. Âvtiyovos, 22/4. Âvrivoos, 238. AvTiTéT pa, 7ÂCE ÂvTovia, 184. Badôu)os, 231. Bävvos, 121. Byoûs, 24, nie “ B PROPRES. AYT&YIVOS , 1 96. ÂpTœvios, 233. ÀÂvop&s, lis Âmiavôs, 137. Âmolwmos, 64, 81, 161. Âmo)Àës, 240. Âtpiwv , 206. À pa&iavos, 56. Àpeuos, 200. Âpioleÿs, 147. AptolonÀÿs, 82, 118. Âpiolôuayos, 18. Apiolôpevos, 88. Âpiolommos, roi Àpuérios, 116. À punis , 65. Âpouwôn, 30. Àpreufwpos, 02; 209. Âcehos, 142, 152. Âox]AnmTiddms, 12, 18, 196. ÂoxÀnÿTm10s, 202. ÀTlarus, 83. Adonla, 237. AGpodlo1os, 217, 2912 Berduos, 139. Bouplytos , 221. — 189 — F Faïos, 100. l'oariavôs, 241. A Aadoïyos, 219. Auovdo10s,69, 155,204, 237. Agiuayis, 50. Arovuoodwpos , 55. Anpyrp:os, 14, 18, 33, 38, 46, At6oxopos, 64. 102, 109, 179, 198, 199. Apäuwy, 119. Aiduuos, 63, 132. Aoûtwv, 84, 118. AtoxXÿs, 148, 178. Awotbeos, 116, 223. E Eipmyhos, 53. Eÿduos , 131. ÉAevos, 166. Edepyérns, 35. ÉmiGarys, 238. | Eÿpérys, 10. ÉriGävios, 199. Evoéios, 112. Épuuvos, 156. EvoTZébos, 161. Épyias, 47. EdGiAnros, 48. Éppoyévys, 227. EdGpdvwp , 1 6. Éppo@ruos, 235. EÿGpuy, 18. Eÿayôpas, 59. É Znvédoros, 93. H Hyppor, 63. Hpax}etdéov, 32. Hpalwr, 3: Hpäx}e1os, 220. Hpax}eldms , 167, Howdtavôs , 215. (®) OaÀ0s, 105. @soGros, 81, 120. Odpowr, 104, 22. Oe0Gpaolos, 186. Osbduos, 228. Ocoyäpns, 208. Oecbdwpos, 233. Oépuoubis, 79. GebxpiTos, 211, 212, 230. buy, 106. AedTeuvos, 218. labos, 66. lanuarina, 80. Tanuarius, 80, 162, 193. Îdotos, 11. low, 195, 23. lépaë, 139, 194. louAia, 37. loÿtos, 100, 198, 199. Kat iw, 0. KalavTiwy, 22. Ka liGavys, 93. KaAAOMIS, 79, 114. Kacolas, 14, 56. KaoTälios, 207. Keiuouy; 1. KéXep, 9. KeAÀGs, 62. KeGaäs, 5. KeGdlwy, 119. K/AË, 39. Letus, 158. Aduns, 77. Aaumrewv, 164, 204. | Aedxos, 91. Maxéptos, 168. MaËiavôs, 203. MéËpos, 37. Mapuia, 183. Mépros , 62. Mäouos, 67. — 90 — louvéa, 198. Immlas, 71. inroxpérys, 134. loudwpa, 198. loldwpos, 190. loyopayos, 6o. loxvpiwv, 146. K KAaudla, 183, 232. KAavdos, 232. KAsoGouAtavos, 220. KAe06ovÀo$, 120. KAsoméroa, 163. KAmudrios, 205. Ko}ot0ms, 20. Kôwvos, 201. Kryoias, 17. Kriolys, 150, 191. Küpr]os, 103, 179, 181. Küpos, 2/1.  Aéwy, 111. Aouxluos, Do. Aduos, 43. - M Mévns , O9. Myrp6dwpos, 138, 141. Movrtavos, 86. Méoyos, 38. Mouxtavôs, 87. Mÿs, 71. Netldupor, 214. _ Neïÿos, 176. Neuesotavds, 234. Nepuäs, 165. Neox}eidns , 66. Nuxdo1os, 21. EevoGarns, 48. Ovderdta OBEX IX, 41. Opeoiadns, 124. OreuSyyis, 35. Orupros (Oüerupuos ?), 67. [ayvios, 26,81. [alddos, 241. Iapwvüns, 210. Iéscos, 154, 164. Iévis, 99. ILavéÀGos , 177. Iapracoôs, 42. Ilaciriuos, 63. IéioŸ, 85. Ileprivaë, 130. Ilerapoüpis, 8. Hereéyuis , 31. ITereyois, 1. Porunrähuas, 70. Zabivos, D1, 187. Nixdaos, A6, 194. Néxwy, 136. Nôvvos, 96. Nouumvia, 188. Nouuyrios, 52 ; 113. [rl OdaÀsvtimiavds, 241. Oùays, 241. OùÀr10s, 219. Oùpäros, 45. Ieremouivns, 8. ILo7oxÀÿs, 10. ILiocwois , 13. Hôypis, 13. IHoAvxAerros, 120. IHôrÀtos, 222. ILopGüpuos, 10. Joräpwr, 160,211. oioxos, 1/45. IroAepaïos, 3,16, 97, 1 235. Iüpgos, 78. P ÿ Zapariwy, 101, 171. 07097, ÈeAGarôs, 129. Xé}euxos, 90. Zéparis, 7. Xevÿpos, 130. Eyparos, 121. Zxopdioxos, Lo. Étariluos, 37. Tavpivos, 191. Tu00eos, 37. Terév, 160,211. Volturios, 44. FaGravoôs, 1 89. Deidos, 238. Petdpuos, 225. DrAdde}Gos, 237. DrAdrptos, 216. Drkérapos, 125. PrA6dapuos, 131. PrGËevos, 69. Xäpns, 6. Xeiÿeus, 153. Wepwrôys, 90, 197. Qpior, 200: — 92 — T V Etérios, 104. Evvéotos, 11. Eupos, 68. Zwxpérys, 75. Zwrédns, 88. Ewrnpiyos, 167. Tiros, 37. TpüGwvr, 231. Tüpwr, 108. D Di0mamTos, 37. D:A601paros, 94. Délwy, 16. Diouos, 28. PAdéos, 109. DAdouvios, 241. DAloxos, 63. Pévupois, 64. X Xoopô»s, 174. Y Wüpos, 77. Q RAPPORTS À L'EMPEREUR SUR UNE MISSION SCIENTIFIQUE EN ORIENT, PAR M. E. MILLER, MEMBRE DE L'INSTITUT, BIBLIOTHÉCAIRE DU CORPS LÉGISLATIF. o PREMIER RAPPORT. Paris, février 1865. Sire, Je dois rendre compte à Votre Majesté de la manière dont j'ai compris et rempli la mission qu'Elle a bien voulu me confier. Il s'agissait d'aller explorer les bibliothèques des monastères grecs de l'Orient, surtout celles du mont Athos,et d'appliquer mes con- : / . \ d naissances paléographiques à la recherche des ouvrages, des frag- ments d'ouvrages appartenant aux belles époques de la littéra- ture grecque, et qui avaient pu échapper aux investigations de mes savants devanciers : d’Ansse de Villoison, le révérend Rob Curzon, Zachariæ, Fallmerayer, Tischendorff, Porphyrios, le gé- néral Sébastianolf et surtout Mynoïde Mynas!, qui a fait un long séjour dans ces couvents,-et en a rapporté un grand nombre de manuscrits précieux. Il y avait, de ma part, pour ainsi dire imprudence, et presque présomption, à entreprendre un nouveau voyage d'explorations littéraires après des recherches si multipliées et si fructueuses, faites par des savants si habiles et si expérimentés. Depuis plu- sieurs siècles les bibliothèques des couvents grecs de l'Orient ont été mises à contribution, comme le témoignent les collections de l Je suis l'orthographe adoptée par Mynas Ini-même. H serait plus régulier d'écrire Mixoïne Minas. . — 94 — l'Europe savante, et, entre autres, le riche dépôt des manuscrits de la Bibliothèque impériale de Paris. Qu'on ajoute à cela les incendies, les guerres et l’incurie des moines qui détruisaient, vendaient ou laissaient périr leurs documents littéraires. Autant de motifs pour croire à l’insuccès d’une nouvelle mission de ce genre. D'un autre côté, certaines découvertes importantes m'a- vaient créé des précédents, et peut-être des obligations. On se sou- venait du précieux manuscrit des Petits Géographes que j'avais le premier mis en lumière; on se rappelait l’importante décou- verte des fragments de Nicolas de Damas, que j'avais faite à l'Es- curial en 1843, et le livre des Philosophumena, publié à Oxford en 1851. Ces précédents attiraient sur moi l'attention du monde savant, et, par cela même, me rendaient la tâche plus difficile. Il m'a donc fallu un certain courage et une grande résignation pour me charger d’une mission aussi délicate et d’un résultat aussi incertain. Je me disais toutefois qu’on me tiendrait compte de la situation; on ne me rendrait pas responsable de la pau- vreté des bibliothèques grecques du Levant au point de vue litté- raire, et, si mon voyage était infructueux, on me saurait au moins gré des efforts que j'aurais tentés pour qu'il n’en fût pas ainsi. D'ailleurs, je nourrissais encore au fond du cœur quelque espé- rance; plusieurs fois j'avais eu la main heureuse et je me lais- sais aller à une impulsion instinctive qui me disait de partir. Je partis donc confiant dans ma bonne étoile et dans ma longue pratique des manuscrits. Mes pressentiments ne m'ont pas trompé, et je suis heureux d'annoncer à Votre Majesté des résultats avan- tageux. Lorsqu'il s’agit de l'antiquité grecque, rien n’est indiffé- rent : le moindre débris sauvé du grand naufrage liltéraire com- pense bien des peines et bien des sacrifices. C'est la qualité et non la quantité qui relève le prix des découvertes. Mais avant. d'indiquer les résultats de mon voyage, je dois, en quelques mots, dire ce que j'ai fait pour les obtenir, les dépôts littéraires que J'ai explorés, les manuscrits que j'ai examinés, l’état dans lequel ils se trouvent, leur genre, leur nombre, leur antiquité, etc. Ma première destination fut Constantinople. Je désirais explorer les bibliothèques de cette ville, surtout celle du Sérail, dont on a tant parlé, et sur laquelle régnait encore une grande incertitude. Je me rendis d’abord à Bucharest avec l'intention de parcourir les couvents de la Valachie, dans le cas où ils m'auraient offert ne quelques chances de découvertes. Mais j'avais peu d'espoir de ce côté; les monastères grecs de ce pays sont d’une fondation rela- tivement moderne, et il était difficile de supposer qu'il possé- dassent des manuscrits anciens. En effet, je fus bien vite édifié à ce sujet. Un des ministres du gouvernement valaque voulut bien me montrer un recueil très-important sur les couvents grecs de la Moldavie et de la Valachie, avec une description très-détaillée des manuscrits et de tous les objets précieux qui y sont conservés. Rien qui soit digne d'être signalé. Des évangiles, des liturgies, des livres d'heures plus ou moins anciens, avec une reliure plus ou moins précieuse. Je visitai en détail les bibliothèques de Bu- charest, celles de l’école et de l’archevêché, mais je ne fus pas plus heureux. Dès lors je renonçai sans regret à une exploration qui menaçait d'être longue et sans profit pour la science. Je quittai donc Bucharest et je me rendis directement à Constantinople. Arrivé dans l’ancienne capitale de l'empire grec, mon premier soin fut de visiter les bibliothèques du patriarche de Jérusalem et de celui de Constantinople. L’une que l’on me permit de voir en détail, contient environ 400 manuscrits grecs, mais presque tous théologiques; l’autre est sans aucune importance. Une de mes préoccupations, comme je l'ai dit plus haut, était d'examiner avec la plus sérieuse attention les manuscrits occiden- taux conservés dans la bibliothèque du Sérail. Il s'agissait d’une négociation à entamer et d’une autorisation à obtenir; cela devait demander plusieurs jours, j'en profitai pour aller visiter quelques monastères grecs situés dans les environs de Trébizonde. On m'avait beaucoup parlé de ces couvents, et entre autres de celui de Souméla. Malgré le long voyage à entreprendre sur la mer Noire je n’eus pas un moment d’hésitation, mais j'en fus pour mes peines, que je regrettai beaucoup moins que le temps perdu. Les monastères sont situés à une assez grande distance de Trébi- zonde. Le consul de France, M. Schefer, frère de notre célèbre orientaliste, ne voulant pas me laisser entreprendre seul cette expédition, se mit avec ses gens à ma disposition, et nous allâmes ensemble visiter les couvents en question. J'appris qu'effective- ment Souméla possédait autrefois plusieurs manuscrits impor- tants, mais j'ai le regret de dire que la disparition de ces monu- ments littéraires coïncide avec le séjour de Mynoïde Mynas dans ce monastère. Les souvenirs que ce dernier y a laissés, ainsi qu'au — 196 — mont Athos, justifient pleinement la méfiance que les momes montrent maintenant aux voyageurs qui viennent visiter leurs bibliothèques. Quand je revins à Constantinople, la négociation, grâce à lin- termédiaire de M. Outrey, premier drogman de l'ambassade de France, avait réussi. Son altesse le grand vizir avait donné des ordres pour que tous les manuscrits occidentaux du Sérail me fussent communiqués. Je me hâtai de profiter de cette permis- sion, et j'allai m'installer dans une des salles du palais, où l'on m'apporta tout ce qu’on put trouver en fait de manuscrits grecs et latins. J'ai tout lieu de croire qu’on y a mis une extrême com- plaisance, car on m'a communiqué jusqu'à des feuiiles de par- chemin gâàtées par l'humidité, et même des volumes imprimés, qu’on avait pris pour des manuscrits. Ceux que j'ai examinés sont au nombre d’une centaine environ. Les ouvrages qu’ils renferment appartiennent aux belles époques de la littérature. Il ne s’agit plus là, comme dans les bibliothèques des couvents, d’évangiles, de livres liturgiques, de pères de l'Église, de collections canoni- ques, etc. mais bien d'auteurs dont les noms réveillent des sou- venirs et des espérances : Homère, Polybe, Aristote, Plaute, Tacite, Tite-Live, Jules César, etc. Un certain nombre de ma- nuscrits latins proviennent de la bibliothèque de Matthias Corvin ; ornés de blasons, de miniatures et admirablement écrits, ils ont presque tous été exécutés en Italie pendant le xv° siècle. Parmi les manuscrits grecs, j'en signalerai trois qui méritent l’attention des philologues. 1° Une histoire des événements qui ont suivi la prise de Cons- tantinople, tels que la prise de Sinope, de Trébizonde, etc. Cet ouvrage, écrit en grec et inédit, est partagé en dix livres et a pour auteur un certain Critobule!, écrivain inconnu d’ailleurs. J'ai déjà eu l’occasion de parler de ce manuscrit en envoyant à Votre Majesté un fragment curieux sur la fabrication de la poudre à canon, fragment que j'avais remarqué en parcourant l'ouvrage. Cette histoire serait un supplément utile à la collection grecque de la Byzantine. 2° Un très-beau manuscrit du x1° siècle contenant les écrits de 1 M. Tischendorf a publié la lettre dédicatoire de Critobule à Mahomet IT, p- 123 de sa Notitia editionis cod. bibl. Sinaitici, Lepsiæ, 1860, in-4°. — 97 — Héron d'Alexandrie. 11 serait important de le comparer avec une édition de ce célèbre mathématicien, et surtout avec l'excellent mémoire de M. Henri Martin, de Rennes, sur les écrivains qui ont porté le nom de Héron. : 3° Un Ptolémée du xv° siècle, avec de très-belles cartes, pré- sentant quelque analogie avec celui de Vatopédi au mont Athos, surtout en ce qui concerne la représentation figurative des villes. Pendant que j'achevais l'examen des manuscrits du Sérail, arrivait à Constantinople M. Guillemet, artiste d’un rare mérite, auquel M. le ministre de l'instruction publique avait bien voulu donner une mission parallèle à la mienne, et qui était chargé en même temps de me venir en aide avec les ressources de la pho- tographie, dans le cas où j'aurais eu à reproduire quelque ma- nuscrit précieux sous le rapport paléographique. Combinant ses tournées avec les miennes, il devait étudier l'art byzantin, surtout à son origine, et copier religieusement les rares monuments qui en ont été conservés, monuments qui tendent à disparaître inces- samment. Obéissant à un zèle inintelligent, les moines du mont Athos donnent à l’entreprise la restauration de leurs églises, et chaque jour des artistes, sans aucune espèce de talent, viennent couvrir de leurs affreux badigeons les précieux restes de l’art byzantin. Iviron, Vatopédi, Pantocrator, ont déjà subi cette dé- plorable transformation, et Lavra est menacée de la même profa- nation. On connaît, par les heureux essais de Papety, les admira- bles peintures de Panselinos; c’est à cet artiste que M. Guillemet s’est attaché de préférence, s'appliquant à le reproduire dans tout son charme de sentiment et dans toute sa naïveté. Les desseins de Papety, qui a mis son imagination à la place de la réalité, donnent une idée très-fausse de la manière de Panselinos, qui vient d’être intreprété avec un rare talent d’exactitude par mon compagnon de voyage. Indépendamment de ces travaux de repro- duction, si intéressants pour l’histoire de l’art, M. Guillemet a créé et même beaucoup créé. Il a fait une vue et un dessein très- remarquables de chacun des vingt monastères, véritables forte- resses, qui sont disséminés sur le mont Athos. Il a pris en pho- tographie ou dessiné des types, des objets précieux conservés dans les églises; en un mot, il a fait une collection des plus intéres- santes el qui ne peut manquer d'être appréciée par les amateurs éclairés de l'art. Mais j'empiète sur les droits de M. Guillemet; MISS. SCIENT. — II. 32 — 198 — c'est à lui de dire ce qu’il a fait et de donner des détails sur le riche portefeuille qu’il rapporte. C’est ce qu’il expliquera avec une grande compétense dans le rapport qu’il compte adresser prochainement à M. le ministre de l'instruction publique. Dès que nous fûmes réunis, M. Guïllemet et moi, nous tom- bâmes bien vite d'accord. Toutes nos aspirations se dirigeaient vers le mont Athos, et nous avions hâte d'explorer les richesses artistiques et littéraires promises à nos espérances. Je me munis auprès du patriarche de Constantinople des lettres de recomman- dation nécessaires et nous partimes pour la sainte presqu'ile. Notre arrivée coïncida avec de grandes préoccupations politiques; on agitait alors la grosse question des couvents dédiés, et les moines étaient partagés entre la crainte d’être dépouillés de leurs revenus en Valachie et en Moldavie et l’espérance de rencontrer sympathie et protection auprès des têtes couronnées. Les condi- tions dans lesquelles nous arrivions étaient donc de nature à faci- liter notre mission et à rendre les moines moins méfiants que d’ha- bitude et plus généreux dans leurs communications. Nous nous étions établis au skite de Saint-André, situé à quelques minutes de la petite capitale nommée Caryès. C’est dans cette vilie, comme on le sait, que se tient le conseil général de tous les monastères du mont Athos. Chacun y envoie un représentant, qui est nommé pour deux ans. Dans des réunions qui ont lieu plusieurs fois par semaine, on discute les affaires générales et particulières des cou- vents, affaires dans lesquelles intervient le kaïmakan ou gouver- neur turc, toutes les fois qu’elles ne sont pas purement ecclésias- tiques. C’est le plus ancien corps délibérant connu. Cette réunion forme ce qu'on appelle le grand conseil du mont Athos. Avant de commencer notre tournée, il était indispensable de présenter au conseil nos lettres de recommandation. Le nom auguste de celui qui m'envoyait avait bien vite transpiré, et, comme on désirait se concilier sa haute protection, il fut décidé qu'on fixerait un jour pour nous recevoir avec tous les honneurs possibles. Le jour dit, deux cawas, soldats albanais formant la garde du conseil, vinrent nous prendre au skite de Saint-André et nous conduisirent à Caryès. À notre entrée dans la ville les cloches se mirent en branle, pendant que les représentants venaient à notre rencontre et nous conduisaient à la salle du conseil. Je ne raconterai pas à Votre Majesté tout ce qui fut dit de part et d’autre dans cette réu- — 199 — nion. Comme cela ne pouvait manquer d'arriver, la question des couvents dédiés fut mise sur le tapis. Les moines protestèrent de leur dévouement à la France, à l’illustre souverain qui la gou- verne; ils ajoutèrent qu'ils étaient heureux de pouvoir montrer ce dévouement en mettant à notre disposition tout ce qui pouvait nous intéresser. Toute espèce de promesses furent faites à cet égard, et des ordres furent envoyés dans les monastères, pour qu’à notre arrivée tout nous fût communiqué avec la plus grande libéralité. | Dès le lendemain de cette magnifique réception officielle, nous nous mettions en route pour [viron, où nous reçûmes l'accueil le plus hospitalier. Nous y séjournâämes une quinzaine de jours, M. Guillemet s’occupant des peintures byzantines, moi passant tout mon temps avec les manuscrits. Nous parcourûmes ainsi l’un après l’autre tous les couvents, y faisant de plus ou moins longs séjours suivant le plus ou moins d'importance des collections que nous avions à visiter. En général, sauf quelques rares exceptions, nous n'avons eu qu’à nous louer de l'accueil qu'on nous a fait. Quant aux facilités que nous espérions rencontrer pour nos recherches, elles n'ont pas été données partout avec la même libéralité, Mal- heureusement aussi notre mission ne marchait pas aussi vite que la question des couvents dédiés, et, à notre grand regret, nous eûmes à constater un changement notable dans la manière d’être des moines à notre égard, dès le moment où, en principe, cette question eut été décidée contrairement à leurs désirs et à leurs espérances. Il y aurait cependant ingratitude de notre part si nous n’adressions pas des remerciments officiels aux révérends pères d'Iviron, de Xéropotami et de Zographou, qui ont toujours été les mêmes pour nous, c'est-à-dire dévoués, complaisants et faciles dans leurs communications. Cette année encore nous avons pu apprécier la généreuse hospitalité et la grande libéralité des bons pères d'Iviron. Ainsi que je l'ai dit plus haut, les monastères disséminés dans la montagne sont au nombre de vingt, indépendamment des skites, qui, d’une importance moindre, sont cependant encore des constructions considérables. Toutes ces communautés religieuses possèdent des bibliothèques plus ou moins riches. Chiliandari et Zographou, étant des couvents bulgares, ne contiennent pour ainsi dire pas de manuscrits grecs. Les mieux pourvus en ce genre 32. — 500 — sont Vatopédi, Lavra et Iviron. Viennent ensuite Cotlomousi, Pan- tocrator, Esphigménou, Stavronikita. Quant aux autres il serait inutile de les citer. Le nombre des manuscrits grecs conservés dans tous ces monastères, et que j'ai pris la peine d'examiner, monte environ à 6,000. Malheureusement ce sont presque toujours les mêmes ouvrages: évangiles, psautiers, liturgies, saint Jean Chry- sostome, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze et les autres pères de l'Église. Loin de moi la pensée de déprécier ce genre de manuscrits qui, indépendamment de leur importance théologique et littéraire, doivent intéresser vivement le miniaturiste et le paléographe, comme l'ont fort bien prouvé les travaux de M. Por- phyrios et du général Sébastianoff. Dans toute autre circonstance j'aurais pris intérêt à ce genre de recherches; mais ce n’était pas là le but de ma mission. Sans négliger complétement la littéra- ture théologique, je devais diriger mes recherches d’un autre côté et tâcher de découvrir quelque page inconnue ME aux belles époques de la littérature. Les palimpsestes attiraient principalement mon attention. J'en ai rencontré un certain nombre, mais, comme presque toujours malheureusement, c’étaient des livres ecclésiastiques ou théologi- ques cachés sous d’autres du même genre. Les bibliothèques d'Italie sont les plus privilégiées à ce point de vue. En général, ceux qui recherchent des manuscrits n’attachent de prix qu'aux volumes en parchemin. Sans doute ces derniers sont d’une grande importance, surtout quand ils contiennent des ouvrages anciens ; mais il ne faut rien négliger : c’est dans un ma- nuscrit du xvi° siècle que j'ai découvert les fragments de Nicolas de Damas. Il existe aussi une espèce de manuscrits qui méritent un examen sérieux; Ce sont ceux sur papier de coton et datant des x et xiv° siècles. À cette époque, les savants, n'étant pas assez riches pour acheter du parchemin, avaient adopté le papier de coton, qui était beaucoup moins cher. C’est ce qui explique pour- quoi ces manuscrits sont écrits avec une grande correction et con- tiennent presque toujours des ouvrages ou des fragments impor- tants. Remplis d’abréviations, ils ont souvent rebuté les personnes peu expérimentées, qui n’ont pas osé aborder les difficultés d’un pareil déchiffrement. Moins lus que les autres, écrits par des hommes instruits et habiles, ils offrent plus de chances heureuses aux investigations du paléographe. — 501 — S'en tenir uniquement aux bibliothèques des monastères, ce serait négliger une source féconde de découvertes. La presqu'’ile du mont Athos est semée d’une foule d'habitations monacales que l’on désigne sous le nom de kilia. Ces kilia ne manquent pas d’une certaine importance : une maison complète à un étage, avec une ou deux chapelles intérieures, indépendamment quelquefois d’une église extérieure. Chacune de ces habitations est occupée par un ou deux caloyers, qui payent une redevance au monastère dont elle dépend. On y trouve très-souvent des manuscrits provenant sans doute des couvents et dans un état déplorable de mutilation. Presque ious sont lacérés, incomplets; les volumes en parchemin ont été les plus maltraités; ils ont servi à raccommoder des vitres ou à couvrir des pots de confitures. La plupart du temps ce ne sont que des livres d'église sans aucune valeur, mais il arrive aussi quelquefois qu’on est dédommagé de sa peine par la découverte d’un fragment inédit d'un ouvrage important, soit dans des feuil- lets dépareillés, soit sur la couverture d’un volume. J'en ai fait moi-même une heureuse expérience, et, si J'ai un regret, c'est de n'avoir pas pu visiter tous ces kilia. Malheureusement plusieurs se trouvent à une grande distance, et le temps me manquait pour de pareïlles explorations, qui trop souvent sont infructueuses au point de vue littéraire. Il n’en est pas de même pour l'amateur des arts, car chacune de ces églises, de ces chapelles, qui sont innom- brables, renferme des petits tableaux byzantins sur bois et très- anciens. En général, les moines du mont Athos sont très-méfiants, et ils ont raison. On a tant et si souvent abusé de leur confiance! Ils ne montrent pas du premier coup leurs richesses. Il faut les voir souvent, causer avec eux, leur inspirer de la confiance; alors ils deviennent communicatifs et sortent de quelque endroit secret des manuscrits et des objets curieux qu'ils consentent à vendre. Il y en a cependant contre lesquels tout échoue. A les entendre, ils ne possèdent absolument rien; les incendies, les guerres ont tout détruit. Vrai ou non, c’est toujours le motif invoqué pour ne rien montrer. Les touristes sont acceptés, bien reçus même, à la condition qu'ils se contenteront de voir ce qui est exposé aux re- gards de tous; mais, s'ils demandent plus, alors commencent les réticences, le mauvais vouloir, les résistances, et ils sont obligés bien souvent de partir sans avoir pu satisfaire leur curiosité. Ces — 502 — détails sont de nature à faire comprendre toutes les difficultés que j'ai rencontrées dans mon exploration littéraire, malgré ies pro- messes faites officiellement dans le grand conseil de mn pro- messes dont les échos affaiblis étaient venus FAR à la porte de certains couvents. Dans-ces derniers, lorsque la bibliothèque m'était enfin ou- verte, bibliothèque qui bien souvent consistait en plusieurs cen- taines de volumes jetés pêle-mêle sur des planches, j'étais obligé de faire l’examen des manuscrits debout, rapidement et entouré de cinq ou six moines qui suivaient tous mes mouvements et me dévoraient des yeux. Si ensuite, afin d'occuper mon temps d’une manière utile, je les priais de me permettre d’emporter un vo- lume dans ma chambre, ils examinaient ce volume dans tous les sens et avec la plus grande curiosité, et, comme ils étaient inca- pables de le déchiffrer, ils étaient obligés de m'en demander le contenu. Lorsqu'on a une longue expérience paléographique, il est très- facile de dire, à première vue, l’âge présumable d’un manuscrit. C'est ce qui m'arrivait souvent avec les bons pères, et comme la date, placée quelquefois à la fin des volumes, me donnait tou- jours raison, ils étaient émerveillés de mon érudition. Aussi dans plusieurs monastères me pria-t-on d'inscrire en tête de chaque manuscrit l’âge auquel il appartenait. J’acceptai volontiers cette tâche parce qu'elle me donnait l’occasion de faire mon examen avec toutes les facilités désirables. Les grands couvents tiennent-ils en réserve des richesses lit- téraires qu'ils ne communiquent à personne? C’est ce que je n'oserais affirmer. Toutefois je citerai un fait qui pourrait le faire croire. Une personne très-honorable, de Salonique, m'a affirmé avoir, en 1854, vu et tenu entre les mains des fragments d'Ho- mère sur papyrus et des fragments d’un tragique grec également sur papyrus; les premiers appartenaient à Lavra, les seconds à Chiliandari. J’ai eu recours à tous les moyens possibles pour ob- tenir des renseignements à cet égard; 1l m'a toujours été répondu que ces monuments précieux n’avaient jamais existé dans les cou- vents en question. Je me contente de citer ce fait, sans vouloir en tirer de conséquences. Ce que les moines craignent surtout de montrer, ce sont leurs chrysobules. On désigne sous ce terme général les chartes impé- — 9505 — riales ou particulières en faveur d’un couvent, les donations, les contrats de ventes, d'achats, d'échanges, etc. qui forment un en- semble de pièces très-curieuses et très-importantes pour la topo- graphie, les usages et la langue du moyen âge. Les chartes des empereurs et des princes de la maison impériale présentent moins d'intérêt que les autres pièces, parce qu'elles sont rédigées d’après un formulaire convenu et toujours le même. Il est bien regret- table qu’on n'ait jamais imprimé ces actes, dont la réunion aurait formé une collection des plus précieuses; on n'aurait pas aujour- d’hui à déplorer la perte de la plupart d’entre eux, et les moines ne chercheraient pas vainement plusieurs des preuves constatant leurs droits de propriété, preuves qu'ils sont obligés de produire dans la question des couvents dédiés. Toutefois une publication de ce genre ne pourrait être confiée qu'à des savants très-exercés dans la paléographie grecque, parce que la plupart de ces actes sont remplis d’abréviations très-difficiles à comprendre, et de ter- mes qui ne sont plus en usage aujourd'hui. Il n’entrait pas dans mon plan de rechercher et de transcrire ces chrysobules; il m'au- rait fallu un temps plus considérable que celui dont je pouvais disposer. Je me suis donc contenté d'examiner ceux qu'on a bien voulu montrer, entre autres à Chiliandari, qui possède plus de cent cinquante chartes grecques, dont quelques-unes très-ancien- nes, et un plus grand nombre encore en langue slave. Comme échantillon j'ai rapporté la copie de quelques pièces provenant du couvent de Zographou. Après avoir terminée notre tournée artistique et littéraire dans le mont Athos, M. Guillemet et moi nous partimes pour Salo- nique, où je reçus l'hospitalité la plus généreuse chez le consul de France, M. le marquis de Poncharra. Je restai dans cette ville le temps nécessaire pour examiner les manuscrits de Tchaous- Monastir et ceux de l'école grecque. Cet examen ayant été sans résultat, nous primes le bateau à vapeur de Volo, pour de là nous rendre aux Météores, qui sont situés à une petite Journée du Triccala. On sait que ces monastères sont construits sur le sommet d'immenses rochers taillés en forme d’aiguilles. Il y en avait jadis environ vingt-quatre : il n’en reste plus aujourd'hui que sept; tous tous les autres sont en ruines et abandonnés. On ne peut y monter qu'au moyen d’un filet à grandes mailles que les moines font descendre au bout d’une longue corde. La hauteur est effrayante ; > Hi ce voyage aérien ne dure pas moins de cinq minutes. Un autre moyen d’ascension consiste dans des échelles mobiles et verticales suspendues les unes aux autres. La dernière, la plus voisine de terre, est toujours relevée de manière qu'on ne puisse pas monter sans que le couvent soit prévenu. Mais ce moyen est impraticable, surtout pour les personnes qui, comme moi, sont sujettes au vertige. C’est celui qu'emploient les moines, habilués qu'ils sont à mesurer d'un œil indifférent la profondeur de l’abime. Nous avions commencé par le couvent le plus important, celui qui est appelé le Météore. Pendant que j'étais suspendu dans le vide, je ne regrettais ni mes peines, ni mes émotions à l’idée que j'allais me trouver au milieu d’une bibliothèque riche en manuscrits, et d'autant plus intéressante pour moi qu'elle est moins explorée. Mais quel ne fut pas mon désespoir lorsque j'appris que l’hégou- mène était à Constantinople depuis quatorze mois, et qu'il avait, avant de partir, mis les scellés sur la bibliothèque ! I fallut bien prendre mon parti de ce fâcheux contre-temps. Je visitai Barlaam, Saint-Étienne, et les autres couvents, où je ne trouvai rien d’im- portant, et nous retournämes à Salonique. La saison étant trop avancée pour entreprendre de nouveaux voyages, je revins passer quelques semaines à Paris afin de vérifier plusieurs de mes notes, et remettre ma santé un peu ébranlée par les fièvres que j'avais prises au mont Athos. Un de mes regrets les plus vifs était de n'avoir pu visiter le monastère de Saint-Jean dans l’île de Patmos, où l’on conserve une collection de manuscrits grecs. Mais ce regret n'existe plus depuis que j'ai eu le plaisir de voir M. Saccélion, employé à la bibliothèque d'Athènes. Ce savant a rédigé le catalogue des ma- nuscrits en question, catalogue qu'il a bien voulu me commu- niquer. Ce travail, très-bien fait et qui prouve chez l’auteur de grandes connaissances littéraires et paléographiques, tout en ren- dant inutile mon voyage à Patmos, me donne toutefois l'occasion de parler d’une question littéraire pleine d'intérêt, et dont la so- lution me préoccupait vivement. L'ouvrage des Philosophumena, que j'ai attribué et que je per- siste à attribuer à Origène, était composé de dix livres, dont le premier seul était connu. J’ai retrouvé et publié les sept derniers d'après un manuscrit rapporté d'Orient par Mynoide Mynas, en 1843, et dont personne alors, pas même lui, n'avait soupçonné — 505 — l'importance !. I manque donc encore deux livres, le second et le troisième, qui devaient, je voudrais pouvoir dire qui doivent être extrêmement curieux, parce qu'ils contenaient certainement, comme le quatrième, des fragments inédits de poëtes anciens. Cet ouvrage est intitulé : Philosophumena ou Réfutation de toutes les hé- résies. C’est sous ce dernier titre que je l'ai trouvé désigné dans un ancien catalogue? manuscrit de la bibliothèque de Patmos; ren- seignement que je vois confirmé dans la Description de l’île de Patmos et de l'ile de Samos, publiée en 1856 par M. Guérin ancien membre de l'École française d'Athènes, avantageusement connu par les missions importantes qu'il a remplies en Tunisie eten Pa- léstine. Page 101 de cet ouvrage on trouve un catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Saint-Jean. Le nombre en mon- tait jadis à 600; il n’y en avait plus que 240 à l’époque où le sa- vant voyageur la visitait, c’est-à-dire en 1852. M. Guérin a ren- contré tant d’obtacles auprès des moines de Patmos, qu’il a dû se contenter de donner les titres apposés au dos des couvertures ou en tête de chaque ouvrage. Le numéro 156 est ainsi conçu : « Contre les hérésies, in-4°. Sans nom d'auteur. » Plus tard ce ma- nuscrit disparaît et il n’en est plus question. Coxe ne le men- tionne pas dans son catalogue; M. Tischendorf n’en parle pas, et M. Saccélion ne l’a plus trouvé. Ce volume serait donc sorti de la bibliothèque de Saint-Jean postérieurement à l'année 1852. D'un autre côté, on sait que Mynas a été à Patmos, qu'il y a séjourné, et que, parmi les manuscrits rapportés par lui en France, figure celui que j'ai publié; c’est également un in-4°, sans commence- ment ni fin. Si le volume indiqué par M. Guérin est un de ceux dont il n’a pu voir que le dos, peut-être que l'ouvrage en ques- tion n’y était-il déjà plus. Dans ce cas il ne faudrait pas chercher le manuscrit de Patmos ailleurs que dans la Bibliothèque impé- riale de Paris; et il n’y aurait plus d’espérances à fonder de ce côté. Ces détails, qu’on trouvera peut-être un peu trop longs, m'ont paru nécessaires pour expliquer la manière dont mon voyage lit- téraire s’est effectué, dire mes espérances déçues ou réalisées et indiquer les secours et les obstacles que j'ai rencontrés. Voici ! Voyez le Moniteur de 1844, p. 19. 2 Le cardinal Maï a publié un fragment d'un autre catalogue des manuscrits de Patmos dans la Nova Biblioth. Patrum, t. VI, p. 537. — 506 — maintenant la liste des ouvrages ou des fragments d'ouvrages que je rapporte de mon exploration : 1° Commentaire sur les Psaumes avec de nombreuses citations des versions d’Aquila, de Théodotion et de Symmaque. 2° Nouveaux fragments de la petite Genèse. On sait que le texte grec est perdu. On en connaît une version éthiopienne, que M. Dilmann a traduite en allemand. L'abbé Ciriani a retrouvé une partie de la version latine dans un manuscrit palimpseste de Milan. Les fragments grecs que j'ai découverts viennent s’ajouter à ceux que Fabricius avait déjà réunis. 3° Fragments d'histoire ecclésiastique de Théodore le Lecteur et d'un certain Jean, surnommé Diacrinomenos. Ce dernier était l'auteur d'une Histoire ecclésiastique en dix livres, suivant le té- moignage de Photius, qui avait lu les cinq premiers seulement. Les nouveaux fragments appartiennent aux huit premiers 4° Histoire de la fondation d'un monastère grec de la Macé- doine à la fin du xr siècle. On Y trouve un catalogue des manus- crits, des peintures et des objets précieux qui y étaient conservés à cetie époque. 5° Lettres et opuscules inédits de Photius. 6° Pharaphrase des Halieutiques d'Oppien, d'après un manus- crit du x° siècle. L'auteur de cette paraphrase suit le poëte de très- près, en rend le sens très-facile à saisir, et met sur la voie de quelques bonnes corrections. ‘ 7° Les fables d'Esope, mises en vers et en langue vulgaire par un certain George. Ce recueil est curieux parce que l’auteur pa- raît avoir eu entre les mains la collection complète de Babrius. 8° Chrestomathie d'Homère, de Sophocle et d'Euripide, d’après un manuscrit du x° siècle. Indépendamment de l'intérêt qui s’at- tache aux différences de texte, ce recueil moral prouve que, déjà à cette époque, les pièces des deux: célèbres tragiques étaient ré- duites au nombre que nous possédons aujourd'hui. 9° Fragments inédits d'Élien, contenant des noms et des faits historiques entièrement nouveaux. - 10° Explications grammaticales d’une foule de passages extraits de divers auteurs. Cet ouvrage considérable, bien que composé par un chrétien, ne manque pas d'intérêt; l'auteur a puisé aux bonnes sources et contient des citations inédites. 11° Extrait des proverbes de Lucillus Tarrhæus et de Didyme. — 507 — On sait que les grandes collections parémiographiques sont per- dues; nous n'en avons que des abrégés. Parmi les proverbes que j'ai découverts, plusieurs contiennent des citations inconnues d’Aristote, de poëtes comiques et de titres de pièces, et donnent des renseignements nouveaux sous le rapport de l'histoire et de la mythologie. 12° Opuscules de la plus haute importance, et ayant pour au- teurs de très-anciens grammairiens, chez lesquels Photius et Eustathe me paraissent avoir puisé toute leur érudition, l'un pour son lexique, l’autre pour la rédaction de ses commentaires sur Homère. Voici le détail de ces opuscules : Extraits de Claude Casilon : « Sur les expressions difficiles qu'on rencontre dans les orateurs attiques. » Auteur et ouvrage. inconnus jusqu'à Ce Jour. Didyme d'Alexandrie : « Sur les mots difficiles employés par Platon. » Un des innombrables écrits de ce grammairien, perdus aujourd'hui. Épitomé de Zénodore : « Sur la langue d'Homère. » I est cité par Eustathe. | Suétone : « Sur les termes injurieux ou sobriquets, et de leur origine, » On savait que Suétone avait écrit en grec, et qu'il avait composé un grand nombre d'ouvrages dont il ne restait aujour- d'hui que les Vies des douze Césars et de courtes notices sur les grammairiens et les rhéteurs. Le nouvel écrit que je viens de découvrir est extrêmement curieux; il a été cité sous ce titre par le Grand Étymologique. Aristophane de Byzance : « Sur les mots dont les anciens ne se servaient pas. » 13° Recueil d'observations grammaticales : découverte non moins précieuse que les précédentes. Pour en faire comprendre toute l'importance, 1l me suffira de citer les noms les plus célèbres aux belles époques de la littérature grecque, noms qui se trouvent accompagnés de citations et de fragments inédits : Eschyle, So- phocle, Euripide, Pindare, Ménandre, Aleman, Alcée, Archi- loque, Antimaque, et beaucoup d’autres, dont la liste serait trop longue; des noms d'écrivains et des titres d'ouvrages inconnus jus- qu’à ce jour, des rectifications importantes pour l'histoire littéraire, des explications nouvelles, indépendamment d’une foule de ren- seignements qui viennent enrichir l’histoire et la mythologie. LU) — 9508 — Je passe sous silence un certain nombre d’opuscules et de frag- ments inédits qui intéressent les différentes branches de la science, philosophie, médecine, littérature, grammaire, etc. ou des col- lations qui me permettront d'améliorer le texte de plusieurs écri- vains. Tous ces documents trouveront leur place dans tine des pu- blications que je prépare en ce moment. I me resté à expliquer comment ma mission, littéraire et pa- léographique dans l’origine, est devenue plus tard épigraphique et archéologique. J'ai encore ici à constater des résultats non moips heureux. C’est ce qui formera mon second Rapport. SECOND RAPPORT. Paris, 14 juillet 1865. _ÔIRE, Dans les premiers jours du mois d'août de l’année 1863, je me trouvais au monastère de Vatopédi, qui, ainsi que celui d'Iviron, est situé sur la côte orientale du mont Athos. J'avais in- cessamment en face de moi l'ile de Thasos, dont la silhouette se détachäit capricieusement sur un ciel d’une transparence admi- rable. Les chaleurs étaient devenues très-fortes, et, depuis un mois que je travaillais avec une grande assiduité, je me sentais extrêmement fatigué; mes yeux surtout avaient beaucoup souffert dans le déchiffrement et la copie des manuscrits qui m'étaient confiés. Un peu de locomotion m'était devenue nécessaire, et il fallait m'enlever tout moyen de travail. Le monastère de Vatopédi possède plusieurs métoches ou propriétés rurales dans l'ile de Thasos, propriétés qui sont exploitées par un des moines de ce couvent. Je savais d’ailleurs que le port de Panagia, qui se trouve sur l'emplacement de l’ancienne capitale de l’île, renferme un en- semble magnifique de ruines helléniques. Je me décidai donc à aller passer quelques jours dans cette île, et je communiquai ce projet à M. Guillemet, qui l’accueillit avec empressement, heu- reux qu'il était de pouvoir se reposer un peu des peintures by- zantines, et retremper son goût dans l'étude de quelques beaux débris de l’art grec. Je me munis d’une lettre de recommandation. pour Île moine-fermier de Vatopédi, et nous partimes sur un pe- — 509 — tit bâtiment grec. Vingt-quatre heures après, nous débarquions au port de Panagia, et nous acceptions une très-modeste hospita- lité chez ce moine. Nous passämes environ six jours dans l'ile de Thasos, em- ployant tout notre temps à à parcourir les ruines, malgré un soleil impitoyable. Nous avions pris pour guide M. Économidès, jeune indigène avec lequel on nous avait mis en rapport. Dans la plaine située derrière notre habitation et presque au pied de la colline se trouve une colonne carrée, en marbre, et portant les traces d’une grande inscription dont les caractères me paraissaient re- monter à une très-belle époque. Cette inscription était presque entièrement effacée; quelques lettres seulement étaient encore apparentes. Dans l'espérance de voir revivre quelques parties de ce monument épigraphique, je le fis laver et nettoyer. Pendant cette opération, je remarquai un marbre couché horizontalement, affleurant le sol et en jonction avec la colonne. La jonction était trop bien faite pour que ce füt l'effet du hasard. Je pris le pre- mier objet qui se présenta sous ma main et je déchaussai un peu ce marbre. Mais quels furent mon étonnement et ma joie lorsque je découvris la première ligne d’une inscription grecque ! Je suivis le marbre dans la direction horizontale et j'en trouvai un second en adhérence avec le premier, et contenant aussi une inscription; plus loin un troisième du même genre. J'envoyai tout de suite chercher une pioche et une pelle au couvent, et je déblayai cette première assise, qui me donna trois monuments épigraphiques. Au-dessous je trouvai une seconde assise composée de la même manière et présentant les mêmes particularités. Ce fut pour moi un trait de lumière. I y avait là évidemment un mur construit avec les débris des civilisations hellénique et gréco-romaine. Les marbres, toutefois, n'avaient pas été placés au hasard : les inscriptions | étaient disposées dans le bon sens. On remarquait aussi la trace d'anciens noms grecs qui avaient été remplacés par des noms de magistrats romains. Je n'avais pas de firman qui me permit de fouiller : le temps et les outils nécessaires pour une pareille entreprise me man- quaient également. D'un autre côté, il m’en coûtait de renoncer à une découverte qui pouvait en amener d’autres plus importantes. Je comblai le trou que je venais de faire, et je remis les choses dans l'état primitif, en priant M. Économidès de me garder le — 510 — secret jusqu'au moment où je pourrais revenir exploiter la mine épigraphique dont J'avais trouvé quelques filons. J’arrêtai immé- diatement un caïque, et nous retournàmes à Vatopédi pour re- prendre.et continuer no$ travaux. C'est alors que j'eus l'honneur de prier Votre Majesté de me faire obtenir du vice-roi d'Egypte un firman, au moyen duquel je pourrais, avant la mauvaise saison, tenter un essai de fouilles dans l’ile de Thasos. Nous étions alors dans la première moitié du mois d'août. Une quinzaine de jours me paraissaient suffisants pour cet essai, et, si je ne réussissais pas, nous en serions quittes pour une petite perte de temps. Notre tournée dans les monastères du mont Athos nous con- duisit jusqu’à la fin d'octobre. Je n'avais pas encore reçu le firman en question; nous partimes pour Salonique et de là pour les Mé- téores. À notre retour, rien de nouveau, et nous étions au com- mencement de décembre. La saison se trouvant trop avancée, nous renonçàmes à notre projet et nous revinmes en France. Le firman du vice-roi d'Égypte arriva enfin pendant que j'étais à Paris; mais il fallait, pour en profiter, attendre le retour du beau temps. D'un autre côté, M. Guillemet m'ayant accompagné dans mon premier voyage à Thasos, il était juste qu'il profität de l'honneur de ces fouilies, si elles devaient être fructueuses. D’ail- leurs , il n’avait pas eu le temps de terminer ses travaux au mont ÂAthos, et quelques mois encore lui étaient nécessaires. Je réunis mes efforts aux siens pour lui faire obtenir une seconde mission de S. Exc. M. le ministre de l'instruction publique, qui fut assez bon pour accorder cette faveur. Nous nous embarquâmes vers le milieu du mois de mai, et nous nous rendimes directement à Salonique, pour de 1à nous diriger sur Cavale, qui est située en face de Thasos. Enfin le 1° juin nous débarquions dans l’île au port de Panagia. Par exception, cette année, l’hiver s'était prolongé assez tard dans ces parages. Depuis peu de jours seulement le froid et la neige avaient disparu et nous arrivions au milieu de toutes les splendeurs d’un prin- temps d'Orient. Le soleil était rentré en possession de l'atmos- phère et cherchait à réparer le temps perdu. Ses rayons étaient d'une ardeur à nous inquiéter; mais il n’y avait plus à reculer. Je ne comptais, d’ailleurs, que tenter un essai de fouilles, et vérifier jusqu’à quel point J'avais été fondé dans mes espérances de l’année précédente. — 511 — À notre arrivée, le proèdre, ou chef de l'ile, me fit observer que le pacha, gouverneur de Thasos, étant absent pour le moment, il était convenable que j'attendisse soh retour pour lui montrer mon firman et commencer nos travaux. Bien que contrarié par ce nouveau retard, je résolus de le mettre à profit en faisant le tour de l’ile. Je ne parlerai point des villes et des objets d’antiquité que nous avons remarqués pendant ce court voyage. M. G. Perrot les a déjà décrits, très-bien décrits dans le remarquable mémoire qu’il a-publié récemment sur File de Thasos. Ce travail, rempli de recherches savantes, fait le plus grand honneur à l’auteur et vient compléter, en le rectifiant quelquefois, celui de M. Conze, qui a paru en 1860. Notre tournée dans l’île dura une douzaine de jours, au bout desquels nous revinmes au port de Panagia, où le pacha gouver- neur venait d'arriver. Quelques difficultés soulevées par ce der- nier, à propos de l'interprétation à donner au firman du vice-roi d'Égypte, ne tardèrent pas à être aplanies, et des ordres furent donnés pour qu'on me laissät toute liberté dans lexécution de nos travaux. Un cawas même fut attaché à ma personne, pour me venir en aide dans le cas où je pourrais avoir quelques difficultés avec les habitants. Nous étions alors au 15 juin; les chaleurs commençaient à être très-fortes. J’arrêtai quelques ouvriers et nous nous mîimes immédiatement à la besogne. Dès les premiers jours nous fûmes récompensés de nos peines. Indépendamment des marbres que j'avais remarqués l’année pré- cédente, nous en trouvames un grand nombre avec inscriptions. D’autres avaient été taillés pour servir de matériaux de construc- tion et n’offraient plus trace de lettres. Bientôt nous mettions à jour un marbre immense, ayant la forme d'un carré long, mais dont la superficie était informe et n'avait pas été travaillée. I était couché à plat et nous pensions qu'il servait à couvrir l'ouverture d’une tombe; bien que nous fussions privés des instruments nécessaires pour remuer une pa- reille masse, nous parvinmes à la soulever un peu. On glissa au- dessous quelques pierres pour la maintenir, et nous continuämes ainsi cette opération jusqu'à ce qu'il fût possible de distinguer ce qu'il y avait sous le marbre. Nous aperçcümes bientôt des sculp- tures, mais il était difficile d'en reconnaitre la forme et limpor- tance, tant elles étaient couvertes de terre. J’envoyai chercher de — 512 — grands leviers de bois, Il y avait là plusieurs curieux : tous nous prétèrent la main, et l'on put dresser le marbre, qui heureusement se trouva placé dans le bon sens. En même temps la terre se dé- tacha et mit à découvert de magnifiques sculptures. Dans le pre- mier moment, j'eus comme un éblouissement de joie. J'avais de- vant les yeux un bas-relief de la meilleure époque de l’art, assez bien conservé et contenant une inscription très-ancienne. Ce bas- relief, de 0",90 de haut environ, sur 2",50 de long, contient, dans le milieu, une niche carrée de 0",15 de profondeur. À gauche, deux figures, dont l’une est Apollon citharède. À droite, trois muses portant des objets de toilette. Leur costume rappelle celui des personnages représentés sur les basreliefs d’ancien style. De longues robes à petits plis et un diadème de ‘perles dans les cheveux : ces perles même sont figurées par un petit grènetis en métal. Au-dessus de la niche et sur le bandeau est gravée une inscription grecque archaïque de deux lignes et demie. Dans le haut du monument et tout à fait sur le bord, une autre inscription plus moderne et presque entièrement effacée. Cette découverte fut bientôt connue des habitants du port, qui, tous, accoururent pour voir le bas-relief. Dans la crainte de quel- que accident provenant de la curiosité ou de la malveillance, je pris le parti d'établir tout auprès mon cawas, qui s'organisa une petite tente pour y passer les nuits. Les Thasiens sont tellement barbares, qu'ils simaginent que les Européens viennent en Orient chercher des trésors; aussi s’'empressent-ils de casser tous les mar- bres antiques dans l'espérance de trouver de quoi satisfaire leur désastreuse cupidité. Les jours suivants se passèrent d’une manière un peu plus tranquille. Les habitants se faisaient à l’idée de nos fouilles et le nombre des curieux diminuait sensiblement.-Toutefois nous nous trouvions gênés dans nos travaux, parce que les récoltes étaient encore sur pied, et nous étions obligés de fouiller dans un champ d'orge. Malgré ces obstacles, nous continuämes à être favorisés : un certain nombre d'inscriptions anciennes et un petit bas-relief représentant un héros à cheval, dans le genre de ceux qu’on trouve souvent sur les tombeaux, et avec quelques variantes inté- ressantes; mais, ce qui était plus important, c'était un second bas-relief de la même époque que le premier et paraissant appar- tenir au même monument. Ce sont trois muses portant aussi des — 513 — objets de toilette et des diadèmes de perles dans les cheveux ; mais pas d'inscription. Enfin un troisième bas-relief de la même provenance et avec une inscription ne tarda pas à se présenter. On y voit un personnage qui semble être un Mercure, et unc muse dans le costume et dans le genre des autres. Les deux ins- criptions sont en ancien dialecte i ionique. Ces trôis bas-reliefs sont de la plus haute importance ; mon savant confrère, M. de Long- périer, dont l'avis est décisif en pareille matière, n'hésite pas à les faire remonter à une époque un peu antérieure à Phidias. Ces sculptures sont d'un très-grand style ; elles sont plus souples que celles d'Égine et paraissent avoir quelque parenté avec les beaux bas-reliefs trouvés en Asie- Mineure et qui sont aujourd'hui au Musée britannique. C'est ainsi que les journées se succédèrent jusqu’à la fin du mois de juin, amenant chacune des découvertes intéressantes. Indépendamment des monuments figurés cités plus haut, nous trouvàmes un grand nombre d'inscriptions que je copiais avec beau- coup de soin au fur et à mesure qu’elles sortaient de terre. Plu- sieurs paraissent dater au moins de l’an 411 avant notre ère, de cette époque où Alcibiade descendait à Athènes pour établir loli- garchie des quatre cents, ce qu'il faisait sans doute partout où il passait. Ces inscriptions sont toutes du même genre et contien- nent des listes de théores, espèces de magistrats dont les fonctions ne sont pas encore bien définies. Dans l’ile de Thasos, ils étaient au nombre de-trois, comme l’a fort bien remarqué M. Perrot, d’après une ancienne inscription publiée dans le recueil de Boeckh, renseignement confirmé par les nouvelles listes, qui sont divisées en uiädhe: Plus tard cette division par trois disparaît. Une partie de ces listes, les plus anciennes, sont en grec pur, avec des flexions archaïques, jusqu’à l’époque où les noms romains vien- nent se mélanger aux noms grecs. Il y a, dans cette découverte épigraphique, des éléments nouveaux pôur avancer la question des théores, et des notions précieuses pour la philologie. La for- mation des noms propres grecs a été l'objet de travaux remar- quables et a exercé la sagacité de plusieurs savants, tels que Pape, etc. et, en dernier lieu, Letronne. Un très-grand nombre des noms qui figurent sur ces listes sont formés suivant les lois de l'analogie et sont entièrement nouveaux. Il y aurait là matière pour un mémoire trés-intéressant sur l'onomatologie thasienne. 33 MISS. SCIENT: — 11. 3 — 514 — Le dialecte qui domine est le dialecte ionien. Le caractère de l'écriture est très-beau, très-net et rappelle les belles époques de l'épigraphie grecque. L'emplacement sur lequel nous avions fait toutes ces découvertes était une très-grande salle ayant la forme d'un carré long. Aux quatre angles se trouvaient des colonnes car- rées, d’une dimeñsion et d’un poids considérables. Deux étaient encore debout : la première dont j'ai déjà parlé; la seconde, à l'angle opposé, ne portait point trace de lettres. Les deux autres étaient renversées et contenaient chacune une longue inscription. Ces quatre colonnes étaient reliées entre elles par un mur dont les assises supérieures s'étaient écroulées. Ces assises, comme quel- ques-unes du bas, se composaient sans doute des marbres épigra- phiques que nous avons découverts. Le déblayement mit à jour de pavage primitif : c'étaient de grandes dalles de marbre très-usées. Vers le milieu de la salle, sur la droite et près du mur, existe un petit renfoncement, au milieu duquel nous trouvàmes un charmant petit autel votif, avec une inscription très-ancienne et rappelant, pour la forme, les lettres d’un des bas-reliefs cités plus haut. | j À la fin du mois de juin, nous étions parvenus au fond de cette salle ; il n’y avait ni porte ni communication extérieure. Nos découvertes s’arrétèrent en même temps, et, pendant deux jours, nous fouillames sans résultat au dehors du mur. Nous avions été très-favorisés dans le commencement, et nous nous étions habitués à une récolte journalière. Nos ouvriers perdaient sourage ; il fal- lait les stimuler en leur donnant de nouvelles espérances. Je ré- solus alors de me transporter au tombeau d’Antiphon. Au fond de la plaine, à droite, le chemin s'enfonce dans une charmante vallée et conduit à une rangée de tombeaux qui ont tous été fouillés à différentes époques. C’est parmi ces derniers que M. Conze, en 1855, a découvert les inscriptions métriques de celui d'Antiphon, qui devait être magnifique. Des colonnes cannelées, des ornements, des fragments de bas-reliefs’ et de statues gisent 1à sur le sol et témoignent de la barbarie des habi- tants, qui l'ont détruit entièrement. Je passai quelques jours à explorer ces ruines, n’obtenant d’autres résultats que des débris insignifiants. Dès lors découragement complet chez nos ouvriers, que j'avais beaucoup de peine à maintenir en nombre suffisant. Le Thasien — 915 — en général est paresseux. Quand il a gagné quelques piastres, il ne veut plus travailler. Les jours de fête, et ils sont nombreux dans l’almanach des Grecs, il passe son temps à danser et à boire. Tous les matins à quatre heures j'étais sur pied, parcourant Îles champs pour réveiller nos travailleurs, dont plusieurs n'avaient pas la force de se lever par suite des copieuses libations de Îa veille, libations qui se prolongeaient souvent toute la nuit. Je tenais à profiter des heures pendant lesquelles le soleil gravissait le côté opposé de la montagne avant de venir embraser la plaine, et à compenser ces heures d’une fraicheur matinale par un long repos au milieu du jour. Mais, quoi que je fisse, nous n’étions jamais prêts avant cinq heures du matin. L'arrêt que nous éprou- vions dans nos découvertes enlevait toute énergie à nos ouvriers. Les récoltes d’ailleurs nous faisaient concurrence. ls choisissaient ce genre de travail, plutôt que de piocher et de remuer une terre desséchée par le soleil. Les loisirs forcés que nous faisait le calendrier grec, je les em- ployais à parcourir les ruines, à fouiller le bois d'oliviers et à re- cueillir jusqu’au moindre fragment d’épigraphie grecque. Je fai- sais déchausser les débris de sarcophages, en ayant soin de commencer par le côté exposé au nord-est, côté sur lequel bien souvent était gravée l'inscription. C'est dans une de ces courses que je rencontrai les restes du théâtre. M. Perrot les avait déjà reconnus. Quant à M. Conze, il ne les a point vus, parce que, suivant la crête de la colline, il aura probablement passé auprès de ces restes sans les apercevoir. Les Grecs, autant que possible, plaçaient leurs théâtres sur la pente d’une colline ; les flancs de la montagne étaient taillés cir- . culairement, et l'on y disposait les gradins destinés aux spectateurs. Les constructions nécessaires pour la scène et ses dépendances se trouvaient sur le terrain plat qui était situé au-dessous. C'est ainsi que le théâtre de Thasos avait été établi à ciel découvert, suivant l'usage, sur la pente qui regarde le nord-ouest. Vers le milieu de juillet nous nous transportàmes sur l'empla- cement de ce théâtre, qui avait presque entièrement disparu sous une végétation sauvage et abandonnée à elle-même depuis un grand nombre d'années. Au milieu de l’hémicycle une petite place était restée praticable, grâce aux bergers qui venaient s'y installer avec leurs troupeaux de chèvres. I fallait avant tout se 33 . — 516 — faire jour dans ce fouillis inextricable. De mauvaises haches, que j'avais eu beaucoup de peine à me procurer, faisaient avancer bien lentement la besogne. Ce que voyant, mon cawas tira son sabre, et, en peu de temps, il nous donna les moyens de nous recon- naître au milieu de ces ruines. En quelques minutes il fit un abatis tel que nous ne savions plus que devenir. J'en profitai pour construire une immense cabane de feuillage qui nous permit de nous mettre de temps en temps à l'abri des rayons du soleil, et même de nous y installer pendant les heures de repos sans être obligés de redescendre jusqu’à notre habitation. Le demi-cercle formé par ces gradins en marbre se dessinait franchement, ainsi que les constructions, dont il ne restait que quelques ruines. On distinguait aussi les trois entrées des acteurs, celle du milieu ainsi que les deux autres. Mon premier soin fut de faire établir une tranchée, qui, partant du fond de l’hémi- cycle, le partageait en deux et aboutissait à la grande entrée. J’espérais ainsi découvrir le sol primitif et rencontrer l’emplace- ment où devait se trouver le thymélé ou autel de Bacchus. Après avoir creusé deux mètres, nous vimes la brique romaine, qui avait remplacé le pavage en marbre des Grecs. Après la conquête, le théâtre avait été reconstruit, comme l'indique un fragment d'inscription en lettres colossales, que j'ai trouvée dans les brous- sailles au bas de la colline. Malheureusement le moyen âge avait passé par là ; il avait tout détruit, et comblé toutes les anciennes constructions du proscenium. Un fragment de triglyphe provenant de l’entablement et quelques marbres avec de simples ornements d'architecture, c’est là tout ce que produisirent ces fouilles. Pas le moindre débris de statue ou d’objet d'art. De petits morceaux de marbre nous donnèrent une idée du pavage primitif, qui devait . être très-beau et très-soigné. Un certain nombre de gradins sont encore en place, et plusieurs contiennent des signes, des marques et même des noms écrits en très-grandes lettres indiquant la place des principaux personnages. Le gradin du haut faisant face au milieu du proscenium porte le nom Marcus (Maäpuos); sur la gauche celui de Zosimus (Zuwomos), particularités que l’on re- trouve dans quelques théâtres anciens, entre autres dans celui de Syracuse. À droite et à gauche, aux deux extrémités de l’hémicycle, étaient renversés deux marbres gigantesques et d’un poids énorme. nt. jar Avec beaucoup de peine nous parvinmes à les soulever de ma- nière à constater l'existence de grandes lettres grecques, gravées avec une rare élégance. C'était probablement la place réservée aux premiers magistrats de Thasos. Lorsqu'il fut bien constaté que nous n’avions rien a important à attendre des fouilles pratiquées sur l’ancien emplacement du théâtre, nous redescendimes dans la plaine. À peu de distance du port j'avais remarqué, sortant de terre, plusieurs marbres gigantesques et paraissant provenir d’un magnifique et ancien monument. Les récoltes étaient terminées, et des fouilles en cet endroit étaient devenues praticables. Au bout de deux jours nous nous trouvâämes en face de mar- bres d’une dimension telle qu'il nous était impossible de les re- muer avec les engins dont nous pouvions disposer. Ces marbres étaient tombés les uns sur les autres au hasard et dans le plus grand désordre; il y avait là des traces d’une guerre qui avait tout détruit et tout renversé. Je respectai forcément la position de ces blocs travaillés, et je fis fouiller autour et au-dessous. Deux ins- criptions sortirent de terre, qui me prouvèrent que nous étions sur l'emplacement d’un magnifique temple d’Esculape; mais en même temps je constatai avec douleur que le moyen äâge avait encore passé par là. Un mur de construction très-postérieure s’offrit effectivement à nos regards et ne nous laissa plus d’espé- rances de ce côté. Faute d’engins suffisants, nous nous trouvimes arrêtés dans nos travaux, et nous dûmes y renoncer. Nous fimes encore quelques tentatives dans différents endroits où l’on distin- guait des marbres à fleur de terre. Mais ce fut vainement. La saison était trop avancée, la chaleur était devenue intolérable et même dangereuse, nous ne trouvions plus d'ouvriers; d’un autre côté, le mont Athos était là, dans le voisinage, et nous avions quelques travaux à terminer. J'étais d’ailleurs très-satisfait du ré- sultat qui avait dépassé mes espérances. Je n'avais pas eu d'autre prétention que de tenter un essai sur un emplacement déterminé, et de prouver que l'île de Thasos pouvait et devait fournir une riche moisson d’antiquités. Je m’estime heureux d’avoir ouvert la voie aux archéologues, auxquels je laisse encore beaucoup à faire, et de grandes espérances à réaliser. Combien peut-être se trou- vent là de précieux monuments qui n’attendent qu’un coup de pioche pour sortir de terre ! Dans l'attente d'un batiment que l'on m'avait annoncé, je crus devoir mettre en süreté les bas-reliefs et les inscriptions que j'avais réservés comme dignes d’être transportés en France. Je les fis placer dans la cour intérieure du métoche de Vatopédi. Quant au grand bas-relief, afin d'éviter un double transport, je le fis renverser sur une couche de terre molle, et l’on amoncela au- dessus un amas considérable de matériaux divers. M. Économidès voulait bien d’ailleurs se charger de veiller sur ce remarquable objet d’art. Par suite d’un malentendu, nous perdîmes une partie du mois d'août à attendre le navire en question. Ayant appris qu'il n’arri- verait pas avant le milieu de septembre, nous partimes immé- diatement pour le mont Athos, où nous restàmes une dizaine de jours. M. Guillemet, pressé de se rendre à Constantinople, pour faire le portrait du sultan, qui lui a été commandé par le minis- tère des beaux-arts, me quitta pour prendre la route de Salonique, et Je revins seul à Thasos pour procéder à l’embarquement de nos marbres. Enfin le 3 octobre arriva le transport de l'État lu Truite, qui, n'ayant pas été prévenu de sa destination, m'avait pas les apparaux nécessaires pour procéder à cette opération. Mais rien n’est impossible au marin français, qui tire parti de toutes les situations, si mauvaises qu'elles soient. Le commandant Rebecq et son second, M: Marie, déployèrent, dans cette circonstance, un zèle et une intelligence remarquables. Grâce à leurs efforts, et malgré une pluie incessante, je pus faire embarquer tous les mar- bres que j'avais mis de côté. | Indépendamment des objets découverts par nous, j'en aire- cueilli d’autres qui gisaient çà et là sur le sol et qui étaient des- linés à disparaître complétement; telles sont les belles inscriptions métriques du tombeau d’Antiphon. À un an d'intervalle, j'ai pu constater que la pluie avait déjà fait disparaître quelques lettres. Chaque marbre attend le moment où il sera brisé pour faire un mur de jardin ou entrer dans quelque construction C'est ce qui est arrivé à un petit autel votif que j'avais remarqué dans un enclos du voisinage et dont je comptais cette année enrichir notre collection. Les moulures, l'inscription avaient disparu sous le ciseau, et le monument lui-même était allé prendre place dans le mur de l’église de Panagia, que l’on était en train de réparer. H y a environ trois ans, à une cinquantaine de mètres du port — 519 —- el près du ruisseau, les habitants ont trouvé un grand bas-relief représentant une femme assise et tenant un coffret entre ses mains, Sur la frise se trouve une petite inscription en dialecte ionien : Philis, fille de Cléomède. Dans l’idée que ce marbre devait contenir un trésor, on le cassa en dix morceaux, qui furent jetés dans le coin d’un magasin. Le proèdre a bien voulu me permettre d'emporter ces fragments, qui, rajustés avec soin, font aujourd’hui un des plus beaux monuments archéologiques!. La tête de la femme, qui est d’un dessin admirable, est intacte et d’une con- servation parfaite. Pendant que l'embarquement s'opérait, je reçus une nouvelle qui me causa le plus vif plaisir, parce qu’elle me semblait de na- ture à intéresser vivement les amis éclairés des arts. J1 s'agissait du célèbre monument de Salonique, sur lequel se trouvent quatre groupes de statues. On sait que ces statues étaient dans un état déplorable de dégradation; chaque jour amenait une nouvelle mutilation, et il était facile de prévoir une prompte et complète destruction. C’est ce que j'avais été à même de constater pendant mon séjour à Salonique. Dans l'intention de sauver ces précieux restes de l’art ancien, je m'entendis avec le consul de France, M. le marquis de Poncharra, ainsi qu'avec le pacha de Salonique. Grâce à leur concours dévoué et à l'intervention de l'ambassadeur de France à Constantinople, je pus obtenir une lettre vizirienne qui me permettait d'enlever ces statues et de les transporter en France. Je me hàtai de terminer l'embarquement des marbres de Thasos, et je me rendis avec la Truite à Salonique pour recueillir ces précieux débris. Je profite de l’occasion pour remercier offi- ciellement M. le vice-amiral d'Aboville et M. le commandant Moret, qui ont bien voulu m'aider dans cette dernière opération. Avant de terminer, je dois mentionner la conquête d’un marbre de la plus haute importance, qui viendra enrichir notre collec- tion épigraphique du Louvre. Lors de mon voyage en Thessalie et aux Météores, j'ai dû, en revenant, m’arrêter deux Jours à La. risse. J'en ai profité pour examiner en détail cette ville et les en- virons, et pour recueillir toutes les inscriptions grecques que j'ai pu y rencontrer. À vingt minutes de la ville, et presque dans la . direction de Volo, se trouve un cimetière juif abandonné. À force 1 Ce monument est exposé dans la salle du Louvre où se trouvent les frises du Parthénon. ee OO ci de parcourir ce cimetière dans tous les sens, je finis par décou- vrir un marbre contenant une inscription grecque de quarante- neuf lignes, parfaitement conservée et présentant plusieurs par- ticularités nouvelles du plus haut intérêt. C’est un marbre agonistique, je veux dire concernant des jeux publics qui ont été donnés dans la plaine de Larisse, à l’époque de la domination romaine. On y lit le nom des vainqueurs à ces différents jeux. Les concurrents sont partagés en deux catégories, les enfants et les hommes faits. Les jeux qui avaient été célébrés comprennent, entre autres, la course en char, celle à cheval avec ou sans torche, la course à pied avec ou sans armes, le stade, le pugilat, le pan- crace, l’arc, le concours des compositions poétiques, et, ce que j'aurais dû nommer en premier, la chasse au taureau. Le mot taurotheria (raupolnpia), qui désigne cet exercice, est entièrement nouveau; on n’en connaissait pas un seul exemple. Il rappelle les T'aurocathapsies, qui étaient des fêtes où l’on donnait des combats de taureaux. Cette chasse a pris naissance en Thessalie et surtout chez les habitants de Larisse; elle s’est répandue ensuite chez différents peuples de la Grèce. Jules César est le premier qui ait donné aux Romains le spectacle de combats d'hommes contre des taureaux, à la manière des Thessaliens, ce qui a été imité par d’autres empereurs. L'usage s'en est conservé en Europe, mais avec de bien grandes modifications. La force humaine a-t-elle diminué, ou la vigueur des taureaux a-t-elle augmenté? C’est ce que je ne saurais décider. Toutefois, et sans vouloir revenir sur l’éternelle question des anciens et des modernes, je ne puis m'empêcher de constater que tout l'avantage est ici en faveur des premiers. Car on ne voit plus aujourd'hui un homme saisir le taureau par les cornes, lutter corps à corps avec lui, le terrasser, s’asseoir dessus triomphalement et finir par l’égorger. C’est ce-. pendant ce que faisaient les anciens, comme nous l’apprennent les textes, d'accord en cela avec les monuments figurés et tles mé- dailles de plusieurs villes de la Thessalie. L'inscription dont je viens de parler contient bien d’autres no- tions curieuses : ainsi le récitatif ancien et moderne, sur lequel on ne possède aucun renseignement, et parmi les compositions poétiques, le concours de l’épigramme, dans l’acception que les : Grecs donnaient à ce mot, d’où sans doute toutes ces petites pièces de vers sur le même sujet qui figurent dans l’Anthologie. — 521 — Ces détails sont de nature à faire comprendre pourquoi je tenais tant au marbre de Larisse. Grâce à l'intermédiaire du vice-consul de France à Volo, M. L. Fernandez, j'ai pu faire l’acquisition de ce monument précieux, qui se trouve aujourd'hui à Paris. En résumé, voici la liste des objets antiques que j'ai rapportés en France : 1° Les trois bas-reliefs paraissant provenir du même monu- ment et où l’on croit reconnaitre Apollon, Mercure et les huit muses. 2° L’admirable bas-relief de la Philis assise et tenant un coffret; 3° Cinq autres bas-reliefs, dont deux représentent des repas funéraires, et trois des héros à cheval. 4° Quarante marbres avec inscriptions, dont plusieurs datent du temps d’Alcibiade. Je me suis attaché à composer un spécimen important d'épigraphie grecque, négligeant d’ailleurs les monu- ments qui étaient trop frustes. Quant aux inscriptions inédites que j'ai recueillies, elles s'élèvent au nombre d'environ deux cents, dont cent cinquante pour l’île de Thasos, les autres provenant de Salonique et de Larisse. 5° Le marbre agonistique de Thessalie. 6° Les statues de Salonique. 7° Plusieurs marbres présentant un intérêt artistique ou archéo- logique, tels que deux lions de style archaïque, un siége de . marbre paraissant provenir d’une exhèdre, etc. Sire, de pareils résultats, aux trois points de vue littéraire, archéologique et épigraphique, prouvent combien Votre Majesté était dans la vérité quand Elle attachait une grande importance à cette nouvelle mission en Orient. J’ose espérer qu'Elle ne regret- tera pas la confiance dont Elle m'a honoré, et qu'Elle daignera . trouver que je n’ai pas été trop au-dessous de la tâche que J'avais entreprise. Je suis, Sire, avec un profond respect, de Votre Majesté le très-humble et très-obéisssant serviteur. . E. Mizcer. | pr prie Les qu ia 2Fthi ñ iadbrrsoir: se à in we coupées ee jo fai Fi 2 20 xèe EURE ph i AIDES. abus “+ Havas inbiate éloi cn 'igd eal 4e, soon. Pin nues es HA cé ttes _:tfetfion ur pates eierf; vai Labob PET es td À d asie 48) taste, arab tnob: .loïtlumend et ai Have & aonènl sat averti ustsh: exo) afq. ob. naoligéapeat CRT reorrdfass AETUIRANÉ PT FAROHNQO À brefs siséonuat-selrsidi - 44080. 29), eurelfieh {wpagitahus . pote sidpiià eiboae snoqroegt ee fa stay qouls 369 , puis zuob doses b'andaonss kaovlxe cohaïu 0 . Ab tusasrangaondument sec à oi L sur B cab | ailstid eh pis dogs . dde ii -éiqpinotaes eds am d ed YL6 110 pie 16 Wretins es désirs aurschrasnt | ab SYHALEU, , LES pi of ta « Abe eur iié Auyobs Sepi Nr D ei dir9 1q de | Cr Ch Lerpittll aus. R soin aiFu LÉ: 4 834 Nes ds | 1318 W: ÉLI dd sd rex. à dt A9 Jr? MIT) ‘1 tp: à de: | £ s3aÉhoct pacxi, abs A3: 9 QUE ONE sis ait bursup Stade. af . 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M. le Ministre a fait répartir ces quatre exemplaires entre les Biblio- thèques impériale, de l'Institut, de la Société asiatique et de la Société de géographie de Paris. M. Léon de Rosny, chargé du cours de japonais à l'Ecole impériale des langues orientales vivantes, consulté par M. le Ministre sur la valeur et l'importance de ce document, a adressé à Son Excellence les rensei- gnements suivants : Le titre de la carte, écrit en caractères chinois Et +T=WNENLZSE. doit être lu, à la japonaise : Fouzi mi zyo-san syou yo-tsi-no zen-dzou, et signifie « Garte complète des pays qui forment les treize départements d'où l’on aperçoit le mont Fouzi. » Le Fouzi ou Fouzi-yama est la plus haute et la plus célèbre montagne de tout l'archipel japonais. Suivant les historiens indigènes, elle s’éleva au milieu du sol essentiellement volcanique de la grande île du Nippon en 285 avant notre ère, et répandit maintes fois la terreur dans le pays par ses violentes éruptions. Situé à peu de distance de Yédo, résidence — 59% — du lieutenant du souverain (empereur temporel des voyageurs), et entre cette ville et Myako, capitale de l'empire et résidence du souverain légi- time ou mikado (l empereur spirituel des anciens auteurs), le mont Fouzi a acquis une immense renommée chez les Japonais, qui le citent comme un des lieux les plus merveilleux de leur archipel. Je possède, dans ma collection, plusieurs peintures ou dessins qui représentent ce volcan chanté par les poëtes et peint avec enthousiasme par les artistes du Nippon. Les treize départements nr il est fait allusion dans le titre repro- duit plus haut sont les suivants : 1 Mou-sasi. 8 Sagami. 2 Avwa. 9 Souroupga. : 3 Kadzousa. 10 Kaï. 4 Simôsa. | 11 Idzou. D Fitaisi. 12 Sina-no. 6 Ko-tsouké. 13 Tôtômi. 7 Simo-tsouké. Un avertissement, dont je donnerai tout à l'heure la traduction, nous fait connaître la date et l’origine de la carte. On y lit : RARIRER Pi fa 8 FF HE Ce qui doit se prononcer en _. É Ten-po midzou-no yÿé tora ki-syoun. Naga-to Founa-kosi Syoû-qou sen. Et ce qui signifie : « Composé par Founa-kosi Syoü-qou, de Nagato, au printemps, dans l'année midzou-no yé tora de l'ère Ten-pé (c'est-à-dire en 1842 de J. Ci Au bas de la carte se trouve une légende, précédée de l'explication des signes conventionnels usités par l’auteur japonais. On y lit : LEMIIREEMÉ En japonais : Yé-do Aki-yama Naga-tosi Bok-sen arawasou. C'est-à-dire : Publié par Naga-tosi Bok-sen, d'Aki-yama, à Yédo. Voici maintenant la traduction de la grande légende gravée à la pr tie supérieure de la carte : «Les cartes complètes de notre pays datent-elles du moyen âge ? — Ce qu'il y a de certain, c'est que toutes les cartes officielles sont conser- _— 525 — vées dans les archives secrètes (du gouvernement), où personne, parmi le-public, ne peut en prendre connaissance. «Sous la période ou ère impériale Gen-wa (de 1615 à 1623 de J. C.), lorsque les guerres furent terminées, le mouvement littéraire prit un grand développement. À cette époque parut le vieillard de l'Eau-Rouge, qui fut en réalité le promoteur des études géographiques. Il connaissait l'astronomie. En simple particulier (littéralement : avec des souliers de paille et un parasol sans manche), il parcourut l'empire pendant plus de dix années. À son retour, il composa cette carte, qui, en raison de ces circonstances, est bien digne d’admiration. « Ceux qui firent des cartes après lui, n’eurent ni sa sincérité ni son zèle (pour la science), et, dans les cartes qu'ils composèrent pour les vendre au public, ils se contentèrent de copier celles des anciens au- teurs, en n'y introduisant que de légers changements. Aussi, c’est bien naturel! aujourd'hui, en fait de cartes géographiques (du genre de celle qui nous occupe), il n'y en a point qui vaillent celle du vieillard de l'Eau-Rouge. Ce qu'il a accompli était difficile, mais (il faut l'avouer) ceux qui suivent ses traces obtiennent une gloire peu couteuse. « D'où vient qu'on peut accomplir (parfois) ce qui est difhcile, et qu'au contraire on ne réussit pas (d’autres fois) dans des choses faciles. Cela vient de ce que l’on possède ou de ce que l'on ne possède pas la sincérité, de ce que l’on a du zèle ou de ce que l’on n'en a pas. Bok-sen, d'Aki-yama (YImmortel sombre des Montagnes d'automne), aimait la géographie et les longues pérégrinations. Les lieux où ses pieds ont atteint, les objets qui ont frappé sa vue, il les a (soigneusement) peints et décrits. Il a pris des informations (de toutes sortes) et a établi la véracité de ses descriptions. Quand il n’arrivait pas à obtenir la vérité tout entière sur un fait, il s'abstenait de le consigner. Il m'a confié un moment sa carte des treize arrondissements et m'a démontré l'exactitude de son travail. « Quant à moi, je dis : « L'empereur à présent améliore toutes choses (en haut), et pendant ce temps-là le peuple se réjouit (en bas). Combien cela est éclatant et majestueux! 11 s'occupe des affaires, et 11 emploie les forces qui lui restent à se réjouir de la joie de ceux qui fouillent dans l'antiquité et qui en admirent les beautés! « Parmi tous les lieux où arrive l'influence littéraire d'un siècle flo- rissant, parmi toutes les choses grandioses que l'on aperçoit en voya- geant dans les provinces orientales, il n’y a rien d'aussi beau que le mont Fouzi-yama. | « Aussi cette carte a-t-elle été faite pour les voyageurs auxquels elle ! Nom de l'éditeur. Voy. ci-dessus. — 526 — est signalée et annoncée. L'une après l'autre les treize provinces y sont représentées. Et, par cela même que cette carte a été faite pour les voyageurs, on y a donné en détail tout ce qui concerne les routes. La perfection du travail et le talent de l’auteur l'emportent sur tout ce qu'on connaît des anciens écrivains. « Quant à la distinction des marées, qui concerne spécialement les astronomes, on n’en avait que faire ici : aussi n’en a-t-on rien dit: «Ah! grâce à cette carte, le voyageur peut tout reconnaître par ses yeux, et il n'a pas besoin qu'on le conduise, Le touriste, qui poursuit sa route de station en station, ne trouve-t-il pas aussi toutes les indica- tions qu'il désire, lorsqu'il examine cette carte ? » Au bas de la carte se trouve un tableau des signes cost employés par l'auteur. Quant aux points cardinaux, suivant une indi- cation japonaise, ils sont disposés comme dans les cartes européennes où le nord occupe la partie supérieure du dessin. Enfin j'ajouterai, pour faciliter l'étude de cette partie du Japon aux géographes qui ne con- naissent point le japonais, que le mont Fouzi-yama, dont il a été plu- sieurs fois question dans ce Rapport, est figuré, non loin de la côte sud- ouest, par un cerçle orné de pointillé et imprimé en jaune, tandis que la ville de Yédo apparaît en rouge au nord-est de cette fameuse mon- lagne. M. Luzel, qui avait été chargé par M. le Ministre de l'instruction publique, en 1864, de rechercher et de recueillir dans le département des Côtes-du-Nord les documents imprimés ou manuscrits relatifs au théâtre de l'ancienne Bretagne, avait envoyé plusieurs pièces intéres- santes sur cette matière. Nous avons annoncé * que ces pièces ont été dé- posées par ordre de Son Excellence a la Bibliothèque impériale pour y être consultées par les personnes qui s'occupent de ces études. M. Luzel, auquel une nouvelle mission de la même nature a été confiée en 1865, dans les départements du Finistère et du Morbihan, ayant transmis, comme résultat de ses recherches, de nouveaux documents concernant les mystères bretons, M. le Ministre en a prescrit, comme précédemment, le dépôt à la Bibliothèque impériale. M. Neubauer, orientaliste, avait été chargé par M. le Ministre de l'instruction publique, vers la fin de 1863, d'étudier, dans la Biblio- thèque impériale de Saint-Pétersbourg, les manuscrits hébreux et par- À Voy: ts [,p. 514. — 527 — ticulièrement une collection de manuscrits karaïtes qui avaient été re- cueillis récemment dans plusieurs communautés juives de la Crimée par M. Abraham Firkowitz, ancien ’hakham ou chef religieux des Karaïtes d'Odessa. M. Neubauer a adressé sur ces manuscrits à M. le Ministre deux rapports, qui ont fait l'objet d’une communication intéressante à l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Sur la demande de l'Aca- démie, Son Excellence a autorisé la publication de ces deux rapports dans le journal de la Société asiatique avec les observations de M. Munk (n° 19 du tome V de la 6° série, mai-juin 1865, pages 534-558). ——_—_—— M. le Ministre de l'instruction publique a confié, en 1865, à M. Paul Meyer, archiviste paléographe, membre du Comité des travaux histo- riques et des sociétés savantes, le soin de rechercher dans plusieurs bibliothèques d'Angleterre les manuscrits qui intéressent l'ancienne lit- térature française, et particulièrement ceux qui peuvent servir au Recueil des anciens poètes de la France, publiés sous les auspices du ministère de l'instruction publique. M. Paul Meyer a adressé à Son Excellence, sur les premiers résultats de ses recherches, un rapport sommaire dont nous extrayons les passages suivants en attendant que nous puissions publier le rapport détaillé qui sera rédigé par M. P. Meyer : « Parmi les additions dont le Musée britannique s’est enrichi dans ces dernières années , il y a plus d'un ouvrage intéressant pour nos études nationales. « Ainsi le numéro additional 17920, acquis en 1849, renferme une traduction provençale de la chronique de Turpin. L'intérêt de cet ou- vr'age consiste en ceci, que l'on connaissait jusqu'a quatre traductions françaises faites au x111° siècle de cette composition apocryphe, tandis qu'on ignorait absolument qu'elle eût été traduite aussi en langue d'Oc. D'autre part, la littérature du midi de la France étant très-pauvre en ouvrages en prose, ce texte nouveau mérite d'être signalé. Aussi en ai-je pris une notice accompagnée de quelques extraits. « Le manuscrit additional 21218 contient un ouvrage provençal assez analogue à la chronique de Turpin : c'est le roman en prose de Phüilo- mena. Ce manuscrit était connu; la Bibliothèque impériale en possède deux copies, l’une dans la collection Doat (tome VII), l’autre parmi les papiers de dom Vaissète; mais on ne savait ce qu'était devenu le manus- crit original , et c’est en vain qu'en 1862 je l'avais cherché à Narbonne, où il était conservé du temps de dom Vaissète. Des renseignements que j'avais pu recueillir alors, il résultait qu'on l'avait porté en Angleterre : je sais maintenant que cette indication était exacte. | «Le manuscrit additional 10015, acquis en 1836, contient un poëme — 528 — intitulé : la Dime de pénitence, écrit à Nicosie en 1288 par un seigneur français, nommé Jehan de Journi; il se termine ainsi : En l'an de l'incarnation De Dieu qui soffri passion M et CCC, se x11 années Estoient de ches conte ostées, Si-commencha et parfurni Che livre JEHANS DE JOURNI, En Chipre, droit à Nicossie, Là où gisoit en maladie; Et qui du nom veut counissanche, Ch’est la Disme de Penitanche. « L'ouvrage, étant un poëme religieux, n'offre pas par lui-même un bien vif intérêt; mais ce qui lui donne de la valeur, c'est d’abord qu'il se présente avec une date et avec un nom d'auteur également certains; c'est surtout qu'il est terminé par une sorte ds péroraison dans laquelle le poëte prie successivement pour chacun des princes de son temps. Cette partie du poëme est pleine d’allusions historiques, généralement aisées à déterminer, et jai cru devoir en prendre une copie exacte. «Enfin, Monsieur le Ministre, j'ai découvert une chronique jusqu’à ce jour inconnue, relative aux règnes de saint Louis et de Philippe le Hardi : la Chronique de Primat, moine de Saint-Denis. Jose à peine employer le mot découverte pour qualifier cette heureuse trouvaille, puisque la chronique en question appartient à la Bibliotheca reqia , fonds dont le catalogue est publié depuis 1734, et qu'a la page 299 de ce catalogue, on lit ces mots que je copie littéralement : «Les chroniques «de Primat, qui sont une part du Mémoire historial de Vincent, trans- «latées par Jehan de Vignay.» Mais il ne paraît pas que jusqu'ici cette indication ait attiré l'attention de personne. « Quelques explications sont nécessaires pour faire apprécier l'impor- tance de ce texte. Primat est un personnage connu. En effet, un manus- crit des Chroniques de Saint-Denis, conservé à la bibliothèque Sainte- Geneviève, contient un prologue en vers où un certain Primaz est présenté comme l'auteur du manuscrit et est supposé l’offrir à un roi de France, qui ne peut être que Philippe IIT ou Philippe IV. Toutefois le passage est obscur, et dom Bouquet, qui l’a publié {t. V, p. 217), en concluait que Primat était le scribe qui avait exécuté ce volume. Dans un mémoire sur les chroniques de Saint-Denis (Acad. des inscr. t. XVIII, 1° partie, p. 402), M. de Waïlly inclinait à croire que Primat avait été plus qu'un simple copiste, et qu'il devait avoir eu quelque part — 529 — à la composition des chroniques. La question en était là, et l'on ne pos- sédait rien qu'on püt attribuer à ce Primat. « Or, le manuscrit du Musée britannique, coté bibl. reg. 19, D. 1. nous offre, sous le nom de Primat, une chronique en quatre-vingts chapitres, allant de 1244 à 1285. Il n'y a donc plus de doute sur la question de savoir si Primat était un copiste ou un auteur original : il peut fort bien avoir exécuté le manuscrit de Sainte-Geneviève qui fut présenté, soit à Philippe le Hardi, soit à Philippe le Bel, et qui s'arrête à la mort de Philippe-Auguste; mais il est en même temps un chroniqueur original, puisque son œuvre nous en fournit la preuve. « Ge n’est point le texte latin de Primat que contient le manuscrit 19, D. 1. mais une traduction de ce texte par un écrivain d’ailleurs bien connu, Jehan de Vignay, qui traduisit pour Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe VI, divers ouvrages, tels que la Légende dorée de Jacques de Voragine etle Miroir historial de Vincent de Beauvais. Cette traduction de Primat , faite aussi à la demande de «la très-honorable et « haute, puissante et noble Jehenne de Bourgoingne, reine de France, » paraît avoir été destinée à compléter l'ouvrage de Vincent de Beauvais, mais toutefois je me suis assuré qu'elle n’est contenue dans aucun des exemplaires du Miroir historial que l'on conserve, soit à Paris, soit à Londres. Voici les paroles de Jehan de Vignay : «et aussi me convient- «il ci faire fin, pour que ce Primat, de qui je ay translaté les croniques « qu'il fist depuis le temps frère Vincent, laissa l'hystoire cy endroit ou «environ; si que je fais la fin de ma translation selonc l'ystoire de celi « Primat. » (Fol. 251 verso.) « Sans doute il vaudrait mieux posséder l'ouvrage original de Primat que sa traduction. Toutefois il y a une compensation : c'est que Jehan de Vignay a intercalé dans la chronique, mais en ayant soin d’avertir le lecteur, certains faits qui étaient parvenus à sa connaissance, et qui ne manquent pas d’un certain intérêt. Ainsi il a ajouté au texte de Pri- mat cinq chapitres (44-8) sur les miracles de saint Louis. « La découverte que je suis heureux de signaler à Votre Excellence n'est pas seulement intéressante en ce qu'elle ajoute quelques faits nou- veaux à l'histoire de saint Louis et de Philippe IIT, en même temps qu'un nom important à notre histoire littéraire, elle permet en outre de rectifier les vues admises jusqu'à ce jour sur un historien bien connu, Guillaume de Nangis. Déjà, il y a quelques années, M. N. de Waïlly, par un mémoire lu à l'Institut et imprimé dans la Bibliothèque de l'École des chartes, avait établi que le moine Guillaume de Nangis avait fait, sans en avertir, de nombreux emprunts à Vincent de Beauvais, qui s'ar- rête à 1244. L'examen que j'ai fait de la chronique de Primat m'amène à cette conclusion que, depuis l’année 1244 jusqu'à la mort de Philippe le Hardi en 1285, Guillaume de Nangis n'a guère fait qu'abréger Pri- MISS. SCIENT, — 11. 24 — 230 — mat. Ainsi ce dernier est avec Guillaume dans le même rapport que Jehan le Bel relativement à Froissart. Ayant eu, il y a quatre ans, le bonheur de découvrir à Châlons-sur-Marne le seul manuscrit connu de Jehan le Bel, je suis heureux d'avoir pu, dans cette mission qui m'est confiée par Votre Excellence, mettre en lumière un ouvrage qui n'est pas d’une moindre importance !. » Dans un second rapport, M. P. Meyer a annoncé à Son Excellence la découverte faite par lui à Glasgow d'un petit glossaire latin-français, écrit vers le milieu du x siècle, et qui donne le sens d’un grand nombre de mots nouveaux ou jusqu'ici imparfaitement expliqués. Enfin, M. P. Meyer a été admis à visiter la bibliothèque de lord : Ashburnham, l’une des plus riches collections privées qui aient jamais existé. I y a étudié deux manuscrits importants de la Chanson d’Aspre- mont et un de la Geste des Lorrains. Lord Ashburnham a bien voulu mettre à la disposition de M. P. Meyer deux exemplaires des catalogues de ses manuscrits, dont un a été déposé, avec l'assentiment du dona- teur, au département des manuscrits de la Bibliothèque impériale. ! Cette découverte a été l'objet d’une communication faite par M. de Waïlly à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, dans sa séance du 1° septembre 1865. | MISSIONS DONNÉES DEPUIS LE 1‘ JANVIER JUSQU’'AU 31 DECEMBRE 1869. MM. Biaz (Paul), capitaine d'artillerie. — Mission ayant pour objet de re- chercher, dans les musées de Londres, de Dublin, d'Edimbourg, de Copenhague et de Schwerin, les matériaux destinés à la préparation d’une Histoire de la civilisation celtique. (Arrêté du 6 février 1865.) Fouqué, docteur en médecine. — Mission scientifique en Sicile, pour étudier l'éruption de l'Etna. (Arrêté du 14 février 1865.) Mézières , professeur à la Faculté des lettres de Paris ; Hippeau, profes- seur à la Faculté des lettres de Caen, et HizLeBrAND, professeur de la Faculté des lettres de Douai. — Délégation pour représenter le département de l'Instruction publique à la solennité du six-centième anniversaire de la naissance de Dante. (Arrêté du 15 avril 1865.) ScximPer, professeur à la Faculté des sciences de Strasbourg. — Mis- sion scientifique aux îles Britanniques et en Allemagne, à l'effet d'y recueillir des matériaux relatifs à la paléontologie du règne végétal et a la botanique microscopique. (Arrêté du 20 avril 1865.) Meyer (Paul), archiviste paléographe, membre du Comité des travaux historiques et des Sociétés savantes.—Mission en Angleterre, à l'effet de rechercher dans les bibliothèques des documents relatifs à l'his- toire littéraire de la France, et particulièrement de copier ou de col- lationner diverses chansons de gestes destinées au recueil des anciens poëtes de la France, publié sous les auspices du Ministère de l’Ins- truction publique. (Arrêté du 20 avril 1865.) 34. — 532 — MM. Boissière et BauDry. — Mission ayant pour objet d'étudier la Moldavie et la Valachie au point de vue de l’histoire, de l’art et de l’archéolo- gie, et spécialement de rechercher et de recueillir les inscriptions romaines existant dans ces pays. (Arrêté du 1°" mai 1865.) HéserT, professeur à la Faculté des sciences de Paris. — Exploration scientifique, au point de vue géologique, de la Westphalie, du Ha- novre, du Danemark et de la Suède méridionale. (Arrêté du 19 mai 1865.) Léouzon Lepuc. — Mission en Danemark, en Suede et en Norwége, ayant pour objet, 1° de dresser un relevé de toutes les publications relatives aux antiquités mexicaines et des collections américaines con- servées à Copenhague; 2° de continuer des études sur la littérature finnoise; 3° de recueillir des documents concernant l'instruction primaire. ; (Arrêté du 9 juin 1865.) De Macxoncour. — Mission a l'effet de compléter ses recherches, dans les bibliothèques de Munich et de Venise, sur les documents relatifs à l’histoire de la guerre de trente ans et du congrès de Münster. (Arrêté du 13 juin 1865.) Murer (Charles). — Mission ayant pour objet de collationner les di- vers manuscrits de Ptolémée existant à Florence, à Rome, à Milan, à Venise et à Vienne, en vue de préparer une nouvelle édition de cet auteur. (Arrêté du 30 juin 1865.) Comes (François), professeur à la Faculté des lettres de Bordeaux. — Mission en Suisse, pour des recherches historiques sur les anciennes relations de la France avec les cantons helvétiques. (Arrêté du 30 juin 1865.) LeJeaAN. — Mission en Boukharie, dans la Perse orientale, le Hérat et l'Afghanistan, à l'effet d'étudier ces contrées au point de vue de la géographie, de l’histoire, de l'ethnographie et de l'archéologie, (Arrêté du 4 juillet 1865.) NN — MM. DaREemMBERG, docteur en médecine. — Recherches, dans les biblio- thèques publiques et privées de Glascow, des documents relatifs à l'histoire des sciences médicales dans l'antiquité et le moyen âge. (Arrêté du 26 juillet 1865.) GiraRD (Julien). — Mission scientifique à l'effet d'étudier l'Anti-Liban et les contrées circonvoisines, au point de vue de la topographie et de l'archéologie. (Arrêté du 25 août 1865.) Boquizzox. — Mission gratuite ayant pour objet la recherche, à Flo- rence et à Pise, des éléments des divers appareiïls qui ont servi aux expériences de Galilée et de ses disciples. (Arrêté du 7 octobre 1865.) De La FEeRRIÈRE (Le comte Hector). — Mission à l'effet de dresser un catalogue des manuscrits et documents relatifs à l'histoire de France existant dans les archives et les bibliothèques de l'Angleterre et de l'Allemagne. (Arrêté du 18 novembre 1865.) Wescner (Carle), ancien membre de l'école française d'Athènes. — Mission en Italie, ayant pour objet de relever dans la partie méri- dionale de cette contrée, et particulièrement dans les ruines de Pompéi, les inscriptions existant sur les parois des grottes, des tom- beaux et autres monuments, et d'étudier les documents recueillis sur cette matière. (Arrêté du 5 décembre 1865.) L'A oo sal sub. olstoiie d'Aoste inmunpi &b oh qu gs (04, sk nu? api amate & DAS Det at 08 PT ae eo pARE Se L OR + FU Fée ob Sora E. hteté"t seb b seu ka jompiisqniost do F tif Ent qu qu à LL at LL sh : douce He Ki AAEUS : FA LITAQEE M ; % À x. 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EMI Es) ser LAS tas pes Career ii RDS TU à $ Fu à? sX te LA ME Vi MU APR A Jér Vic : à ‘Ass de CORRECTIONS POUR LE TOME II DES ARCHIVES DES MISSIONS (RAPPORT DE M. DE LA FERRIÈRE ). Page 375, ligne 16, au lieu de un, lisez une. Même page, ligne 31, au lieu de venues, lisez venus. Même page, ligne 34, au lieu de Philippe le Bel, lisez Philippe le Long. Page 379, ligne 23, au lieu de Louis XII, lisez Louis XI. Page 380, ligne 17, au lieu de Naudemont, lisez Vaudemont. Page 394 , ligne 7, après ces mots: c'est sa correspondance intime avec Henri III, lisez que de choses elle renferme ! Page 397, ligne 20, au lieu de Jadagne, lisez Gadagne. Page 398, ligne 9, au lieu de guères, lisez graves. Même page, ligne 28, au lieu de il a, lisez il y a. Page 415, ligne 31, au lieu de le, lisez se. Page 425, ligne 28, au lieu de Philippe IV, lisez Philippe il. \ DE YO NRA" BMOUT Ja410: 9 O4 TM “ aa AUTHOR 80 1 ao, RAR TANONE AT AE ME, MA rai 5 eu L4 : l st soif nu ob wi ré 46 ni . ASNE Audi. wanss ab sit a VÈ à AMEL A SA" soit AE où sait sb nait de 268 sh | AE dt it VE ro 9ù aaiE der CA" noué oeil matohont\ sf vil TL AA 6 mini ven a LA etmiins MDAO GENE SE VaY y :O a 49 gi Fr . | “Carre att HE 0 stgebett Soil stgnlals sb doll ue .08 00 HOUR rasil EME ab nait un +® | he suit 9 als rot ar BE M à WE st 48 br 1e à ré "1 LOUE sui on ITR où doit bn, hs | TABLE DES MATIÈRES SUIVANT L’ORDRE DANS LEQUEL ELLES SONT PLACÉES DANS CE VOLUME. Mémoire sur l’histoire et les ruines de Delphes, par M. P. Foucarr..... ‘Rapport sur une mission en Belgique, à l'effet de rechercher les docu- ments relatifs à l'histoire de France au moyen âge, par M. Bouraric. . Rapport sur l'éruption de l'Etna en 1865, par M. Fouqué............ Rapports sur les résultats d’une mission dans les archives d’Espagne et de nr por M Are DEMERSAT 2220... ......,.....4...% Rapport sur les recherches faites à la bibliothèque impériale de Saint- Pétersbourg, concernant les lettres originales et manuscrits français sortis de France, par M. le comte Hector de La FERRIÈRE........... Rapport sur une mission en Italie, par M. C. Hxpprau............... Inscriptions grecques d'Égypte recueillies, en 1861, à Philæ, Éléphan- tine , Silsilis, Biban el-Molouk, Abydos, Antinoé, Sakkarah et Alexan- Ne DNS 2... 1... Rapports à l'Empereur sur une mission scientifique en Orient, par CT MR EP PACA CPE PEN EEE EEE Faits divers relatifs aux missions scientifiques et INIérAIreS: : :. 0 Missions données depuis le 1° janvier jusqu'au 31 décembre 1865...... Corrections au rapport de M. de La Ferrière. ...................... & 6 #1 Cd 4, à» + % éd Î de: ALP #, el LPETL =. BAAATTAM 8 te AE & x va - ñ = 0 ù ca x É Ÿ n f. . 163 ï 2. FRE 14 HAT ane Mo mere GO AIS VA NUE NCRGOR TAG AR D D ape PAAIVOE ; “ M anis ep iotl al PrRe: at si ot al ue é \: raloadars 31% sois t l'A onpigteff a: béni | NAATHOES M 'anicy «Sp vçitié tre mattere sb rioteuét £ Smetat ad4 ce ai 26 nos sb a net béta, el tease tation ah sata ù SÉRIE : ARATENC ho té LA Ave .M LT 0 QUE UT € 4 = Le til M afermns sspsthtié af fi sata indie ji csteurart Aisne te ailatil us CAUSE ME taie : LISTEN L'afnrotnobt atétiers 4 M 4, SANG 50 W +et core: de & ré nadué coll, à eds aix citant CRT LE A “tail da énadiné, a. , aab Leds diratolts 0 | UE : RMFTEUE ds 8 au, tenr0) sn Mie matin QUDE ra L NC ACT A A A ERA SA LA È ; NU 2 NC 1. +4 sets VAR ANR rar MU mbisif k9 ra raie PET ik: A Un are ES ai j r fie 4 à ÿ d l ù + - & à î É f “ “ D) u € D" +3 à FU Fe / al ï ” 4 s. A # ” à # La L + Sa ' : DS à LA rt A AS PP nl VER Le æ _… » : > PIRATES RENE ses HÉRERNER + ES ET LITTÉRAÏRES le volume, 7 * 5 Po | L 3 9088 01298 7772