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A . . i © L : D Û … CES “ « - > = s. “ « “ « “ - L ‘ \ à -— ” =. - - . ‘ Or n A : « > : + , i à. . à s “ . : Munmnnm nm + 0 à - : “ hr em mm msn mn — L del mmbrasimensen un q em = PEL nés. m, = ne eg 2 = dm de fes € - - . 14. “ : 5 « CPE TC TET EE ‘ « . sitio é e - - ee pus @ rt ce be à . 227 Veir ‘msn, 40 à » - Sn ne mi = 16 en MOVE 1 * _ . é > ému mm dis me em 27 = me nom = æ 1e ‘ e L : L * menant ni = à: D : . si. . sein : | nn . “ : ns et ml mm à L . 2 “ mire rr te --. “à - ‘+ ns nas mr m0 à Û Sn vor que où “min sus er 4 : = -+ ..s . rs sémeeme bum r m ». s L . . : “ 2" . + ei... ect ri per ms sem etre ete =: 1. : # = : tu + pierres nt cm ad dm À. 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CHOIX DE RAPPORTS ET INSTRUCTIONS PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES DE MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DES CULTES ET DES BEAUX-ARTS. TROISIÈME SÉRIE. TOME QUATRIÈME. PARIS. IMPRIMERIE NATIONALE. M DCCC EXX VII k AAOFEOS AT TE: Le À e Abe TIANOTERCA ET MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE. ARCHIVES DES MISSIONS SCIENTIFIQUES. RAPPORT AU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS SUR LE SERVICE DES MISSIONS ET VOYAGES SCIENTIFIQUES EN 1879, PAR M. DE WATTEVILLE. = — € ——— — Monsieur le Ministre, Pour déférer à un vœu formulé par l’Assemblée nationale, un de vos prédécesseurs, M. de Cumont, créa une Commission scien- tüifique ! chargée de donner son avis sur les demandes de missions ! Voici la liste des membres de la Commission des voyages et missions scien- tifiques pour l'année 1875 : MM. Jourdain, secrétaire général du ministère, président : Desjardins, sous-secrétaire d'Etat au ministère de l'intérieur; Bardoux, sous-secrétaire d'État au ministère de la justice ; Charton, député à l'Assemblée nationale; Martial Delpit, député à l'Assemblée nationale ; Anisson-Duperron, député à l'Assemblée nationale; Lefèvre-Pontalis, député à l'Assemblée nationale; Bertrand (Alexandre), conservateur du musée de Saint-Germain ; Chevreul, membre de T'Institut ; Delisie (Léopold), membre de FInstitui; MISS: SCIENT. —— IV. 1 Los adressées à votre ministère et d'éclairer Votre Excellence sur Puu- lité et l'opportunité des projets d'explorations scientifiques qui lui étaient soumis. VUE Permettez-moi de vous exposer rapideinent, Monsieur le Mi- nistre, les travaux de celie Commission pendant l’année 1875 et de vous rappeler et les noms des savants auxquels vous avez accordé des missions, et les résultats de leurs voyages, de leurs recherches. Dans l’année qui vient de s'écouler, la Commission des missions s’est réunie six fois. Elle a eu à donner son avis sur 43 demandes de missions; elle en a écarté 15, elle en a admis 28. En outre, les membres qui la composent ont eu à lire les nombreux rapports adressés par les missionnaires, et à vous indiquer ceux de ces mé- moires qu'ils ont jugés dignes d'être insérés dans les Archives ! que publie le ministère de l'instruction publique. MM. Delarbre, directeur de la comptabilité au ministère de la marine: Maunoir, secrétaire général de la Société de géographie; Milne Edwards, membre de l’Institut: Gaston Paris, professeur au Collége de France; 3. Quicherat, directeur de l'École:des chartes; Ravaisson (Félix), membre de l’Institut ; Léon Renier, membre de l'Institut: -. Scheffer, directeur de l'École des langues orientales ; Du Mesnil, directeur de l'enseignement supérieur; Baron de Watteviile, chef de la division des sciences et lettres; Servaux, chef de division adjoint, chargé du bureau des travaux histo- riques et des sociétés savantes, secrétaire. | ! Les Archwes des Missions scientifiques et littéraires comptent aujourd'hui dix-huit volumes répartis en trois séries : 1" série, 8 vol. — 2° série, 7 vol. — 3° série, en cours de publication, 3 vol. Le troisième volume de cette dernière série comprend deux livraisons. La première, parue en mars 1876, contient : 1° Un rapport sur les questions archéologiques discutées au congrès de Stockholm, par M. A. Bertrand; 2° Un mémoire sur l'ile de Kos, par M. O. Rayet; 3° Un recueil d'inscriptions et monuments figures de la Thrace, par M. Albert Dumont; 4° Un rapport sur la mission au mont Athos, par M. l'abbé Duchesne et M. Bayet. D Ce dernier travail, qui compte près de 250 pages d'impression, a longtemps retardé la publication de la livraison par suite des difficultés de Fenvoi des épreuves à Rome et à Athènes. La seconde livraison renferme : à Un rapport de M. Bayet, qui fait suite au précédent mémoire; LES L'année 18974 a légué à l'annee 1875 trois missions en cours d'exécution et qui se continuent même en 1876. La première est ceile du docteur Harmand, dont les travaux pendant l'année 1875 ont eu pour théâtre une partie du Cam- bodge et l'ile de Pha-Quôc dans le golfe de Siam. Dans son premier voyage, il avait exploré le nord-ouest du Cambodge. Après avoir visité une partie de la côte sud du lac Tonlé-Sap et la chaîne de Company-Chenang, le voyageur a re- monté la rivière du Pursat et les montagnes où prend sa source cei affluent du grand lac. M. Harmand s'est ensuite rendu à Angkor. où il a pratiqué des fouilles intéressantes, et il se disposait à ga- gner Bassac après avoir étudié la ligne de partage des eaux du Tonlé-Sap et du Mékong, quand il fut pris de la fièvre des bois, qui l'obligea à rabattre sur Saigon , où il a passé ia saison des pluies. M. Harmand a recueilli pour nos collections nationales, pen- dant cet itinéraire, près de deux mille échantillons zoologiques, parmi lesquels on nous signale du Muséum un certain nombre de pièces qui manquaient aux collections. Quelques-uns des mammi- fères, des oiseaux, des reptiles, des poissons envoyés sont nou- veaux pour la science. M. Harmand s'est efforcé de grouper pour lies mêmes espèces animales des spécimens d'âge, de taille, d’aspects différents, afin de faire connaïtre l'étendue des variations qu'elles peuvent subir. On se félicite de la précision des renseignements qui accompagnent ces pièces, et des soins donnés par le voyageur à ieur préparation. . M. Harmand était accompagné par un botaniste, ancien employé du Muséum de Paris, M. Godefroy, qui s'était mis à sa disposi- . tion avec le plus compiet désintéressement. M. Godefroy a formé un herbier de sept cents espèces, accompagné de notes d’une haute importance. La seconde des missions accordées en 1874. et non encore terminées, est celle de M. Molard. 2° Un rapport sur une mission scientifique en Italie, par M. G. Rayet; 3° Un mémoire de MM. Bringuier et de Tourioulon sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oil; 4° Un troisième rapport par M.ie comte H. de La Ferrière, sur des recherches faites au British Museum et au Record Office, concernant les documents relatifs à l'histoire de France au xvr° siècle. (Les deux premiers rapports ont été publiés dans ie même recueil des Archives des Missions, savoir : 1°* rapport. 2° série, tome V; — 2° rapport, 3° série, tome I.) PRNET ee M. Molard, archiviste paléographe, a été envoyé à Turin et à Gênes pour rechercher dans les archives si riches de ces deux villes “les chartes, titres, actes, correspondances qui peuvent intéresser l'histoire de France en général. À Gênes, ses investigations ont sur- tout porté sur les pièces des archives qui se rapportent à l’histoire de la Corse, qui fut pendant si longtemps soumise aux Génois. De- puis le commencement de sa mission, M. Molard a envoyé de nom- breux rapports et 3,500 fiches contenant l'inventaire des archives de Saint-Georges. M. Molard, en outre, a terminé l'inventaire des archives triées. Get inventaire comprend 7,272 numéros. Enfin, M. de Sainte-Marie, attaché au ministère des affaires étrangères, a continué une mission commencée depuis long- temps pour explorer les ruines de Carthage. M. de Sainte-Marie a fait parvenir à l’Académie des inscriptions et belles-lettres des mé- moires et 2,188 estampages d'inscriptions phéniciennes. Les ins- criptions originales avaient été envoyées en France par ses soins; mais elles étaient embarquées sur le Magenta. Lors de la cata- strophe qui détruisit ce vaisseau, le monde savant put craindre une perte irréparable; mais, grâce aux efforts intelligents et dévoués du personnel de la flotte, ces épaves précieuses purent être sauvées. La plupart sont actuellement déposées à la bibliothèque Nationale et seront bientôt mises à la disposition du public. M. de Saïnte-Marie a envoyé, en outre, soit en France pour nos musées, soit en Algérie, une statue, une statuette, 150 vases de toutes sortes, 40 lampes antiques et 3 Hermès phéniciens. L'inscription d’Altiburos (inscription néo-punique de-huit lignes) est déposée au Louvre, ainsi qu’une double inscription romaine trouvée à Carthage et qui a servi de socle à deux statues différentes d’empereur romain. Qu'il me soit permis maintenant, Monsieur le Ministre, d’abor- der le sujet de ce rapport; de vous énumérer, en suivant l’ordre chronologique des décisions, les missions accordées en 1875. En tête de la liste se place M. Cournault. Cet archéologue a dessiné en Suisse et en Allemagne les antiquités gauloises qui se trouvent dans les collections publiques ou privées de ces deux pays. M. Cournault a procédé au dépouillement des musées de Zurich, Schaffouse, Bâle, Berne, Constance, en Suisse; de Sig- maringen, en Prusse; de Munich, en Bavière. Il a rapporté dans plusieurs portefeuilles 250 dessins ou aquarelles comprenant un cs ff ; Qpers uombre considérable de bijoux, d'armes, de meubles, d'outils des époques dites préhistoriques ou de la période gauloise. Ces porte- feuilles, propriété de l'État, sont déposés à la bibliothèque Natio- vale et sont dès à présent à la disposition des érudils. M. Charles Robin, membre de l’Institut, fut envoyé en Algérie pour faire des recherches sur le développement embryogénique des hirudinées. À la suite de ce voyage, il a adressé un rapport à Votre Excellence et a publié un volume important. M. Sayous, professeur de l'Université, a obtenu une mission en Autriche et surtout en Hongrie, pour se livrer à des recherches historiques et philologiques. Les résultats de ses recherches sont consignés dans des rapports parvenus au ministère. Je ne dois pas oublier que M. Sayous a négocié avec succès des échanges de doubles entre la bibliothèque Nationale et la bibliothèque de Buda-Pesth. M. le docteur Fouqué, directeur adjoint du laboratoire des hautes études au Collége de France, a continué ses travaux antérieurs sur le volcan de Santorin. Cette mission nouvelle lui a permis de dresser une carle de Santorin et des mers qui baignent cette île, de cons- tater au milieu de la baie de Santorin l'existence d’un cône de dé- jections sous-marin; d'étudier la température de la mer autour de ce foyer volcanique; enfin d'étudier les produits cristallisés et les gaz du volcan. M. le docteur Fouqué était accompagné par un jeune natura- liste, M. de Cessac, qui a rapporté de ce voyage une splendide collection de vases et de terres cuites datant de l’époque préhis- torique pour Santorin, de l'époque la plus reculée pour l’île de Chypre. M. de Cessac a fait généreusement don à l'État de ces collections. | Lebut de M.de Cessac, en accompagnant M. le docteur Fouqué, était de se préparer par l'étude du volcan de Santorin à des re- cherches toutes nouvelles sur les volcans de la er de Behring. En effet, M. de Cessac accompagne M. Pinart dans l'exploration difficile des côtes si peu connues de cette mer et du territoire d'Alaska. Cette mission a pour objet, d’une part, l'étude de l’his- toire naturelle et de l'anthropologie; de l’autre, les points si obs- curs encore des émigrations d'Asie en Amérique. Déjà M. Pinart est en Californie et M. de Cessac va bientôt le rejoindre. M. Pinart a fail au Muséum d'histoire naturelle un premier envoi dont la haute importance a été constatée, au sein de ss À la Commission, par M. de Quatrefages. Cet envoi comprend entre autres des ossements caractéristiques qui prouvent que des espèces qui récemment encore vivaient sur les rives de l'océan Pacifique ont reculé vers le nord et se trouvent actuellement sur les limites des régions arctiques. M. Victor Guérin, qui depuis longtemps avait entrepris la des- cription complète de la Palestine, est retourné dans cette région pour faire cette fois le relevé de la haute et de la basse Galilée. Dans plusieurs rapports, M. V. Guérin décrit les huit cents lo- calités qu'il a visitées, et dont plus de cent ne figurent sur aucune carte. Ses explorations, tout le fait espérer, vont jeter un jour tout nouveau sur nombre de points de la géographie biblique. M. Jobert, parti pour se livrer à lexploration scientifique du Brésil au point de vue des études zoologiques et botaniques, n’a pas encore envoyé de rapport. Il en est de même de MM. Savorgnan de Brazza et Marche, qui sont partis, envoyés tout à la fois par le ministère de la marine et par votre administration pour traverser obliquement l'Afrique de la côte orientale à la côte occidentale. On sait que ces messieurs sont parvenus sur les bords de lOgowé, qu'ils remontent ce fleuve. Mais nous n'avons pas encore de rapport. On peut le présumer, nous n'aurons de nouvelles de ces courageux voyageurs que lorsqu'ils auront terminé leur périlleuse entreprise: Les Établissements du roi saint Louis sont, sans contredit, un document capital pour l'étude de Phistoire de la législation fran- çaise. M. P.Viollet, archiviste, a exploré les bibliothèques d'Orléans, de Tours, d'Agen, de Montpellier, de Genève, de Rome, de Ve- nise, de Munich. I a rassemblé les différentes leçons des manus- crits que possèdent ces nombreux établissements, ce qui lui per- mettra d'établir un texte définitif qu'il va bientôt publier. M. Viollet, en outre, a découvert, dans les bibliothèques et dans les archives des villes qu'il a visitées, un nombre considérable de pièces intéres- sant au plus haut degré notre histoire nationale. M. Legrand, déjà connu par des travaux antérieurs , est retourné en Grèce recueillir ces chansons, ces traditions populaires qui vont chaque jour s’effaçant de la mémoire des vieillards, dépositaires des antiques traditions. M. Legrand a rapporté, de plus, des copies de manuscrits grecs du xiv° au xvn siècle. Ces travaux ont recu l'approbation de PAcadémie des inseriptions. Re M. de Rochemonteix, parti pour explorer dans la haute Égypte les territoires situés entre Beni-Haçan et Gelft, a envoyé plusieurs fapports sur les monuments des premières dynasties; mais nous n'avons pas encore reçu les estampages annoncés par sa dernière dépèche. Au Pérou, M. Ber, professeur à Lima, consacre ses loisirs à des recherches d'anthropologie et d'archéologiepréhistoriques. Il a, à plusieurs reprises, envoyé à la Société d'anthropologie des crânes qu'il avait recueillis dans ses fouilles. Il vient de transmettre au Ministre une collection remarquable de vases en terre, d’idoles, d'étoffes, d'armes, et même un vase et un collier en verre trou- vés dans une cité ensevelic sous les sables, à quelques kilo- mètres au nord du Callao. Ces précieux débris de civilisation disparue ont été attribués par Votre Excellence au musée de Saint- Germain. En même temps que M. Ber, un jeune professeur de l’'Univer- sité, M. Ch. Wiener, dirigeait ses investigations sur le Pérou et sur la Bolivie. Au sortir de France, M. Wiener a été d'abord vers le Brésil, pour étudier les relations qui avaient pu exister entre les peuplades indigènes de cet empire et les races qui peuplaient les États des Incas. S. M. l'Empereur du Brésil mit à profit le pas- sage de notre compatriote pour lui demander d'explorer la pro- vince de Sainte-Catherine. Cette mission a donné d’heureux résultats et pour le Gouvernement français et pour le Gouverne- ment brésilien. M. Wiener a envoyé plusieurs rapports, il a copié des inscriptions tumulaires. En ce moment dix-sept caisses d’anti- quités américaines sont embarquées à bord des vaisseaux de l’es- cadre et sont en route vers la France. Les richesses paléographiques de l'Espagne sont encore peu con- nues. | M. Graux a visité les bibliothèques publiques de ce pays pour dresser l'inventaire des manuscrits grècs qu’elles renferment. Tout en s'occupant de cet utile travail, M. Graux a pu copier des textes inédits de saint Basile et de saint Jean Chrysosiome, un traité entier de météorologie de l'époque de l'empereur Juslinien, des lettres de Synésius, du médecin Harpocration; enfin il a col- lationné un manuscrit de l’empereur Nicéphore Phocas sur les incursions en pays ennemi. à . M. l'abbé Sauvage a été chargé d'une mission en Belgique, Pl Re pour rechercher les documents inédits relatifs à l’histoire de la France, et particulièrement à celle de la Normandie. M. Sauvage a adressé un rapport dans lequel :l indique les principaux centres qu'il a explorés et qui sont au nombre de quatre : Liége, Anvers, Gand et Bruxelles. Dans cette dernière ville il a visité trois dé- pôts : le Museum Bollandicum, la Bibliothèque de Bourgogne et les Archives du royaume. À ce rapport M. l'abbé Sauvage a joint un Inventaire des nu- nules des ordres du Roy et depesches concernant la Marine du Levant et du Ponant, le commerce, les Indes orientales et occidentales, le Canada, les isles de l'Amérique, les païs étrangers, les prises, les fonds et les galères. M. l'abbé Sauvage a aussi donné au ministère deux cahiers de textes divers qu'il a copiés dans sa mission. M. le docteur Gayat a été étudier en Algérie les maladies des yeux, si redoutables dans ces régions. Outre un mémoire lu à l’Académie des sciences, M. le docteur Gayat a envoyé trois rap- ports qui seront publiés in extenso dans la Revue des sociétés sa- vantes (partie scientifique). M. Rayet, attaché à l'observatoire de aber aété visiter Les élablissements astronomiques de Palerme, de Naples et de Rome; le rapport de cette mission a été imprimé dans nos Archives. C’est pour faire des recherches de même nature que M. Marié- Davy, directeur de l'observatoire de Montsouris, a été comparer à Nice les instruments français et les instruments italiens destinés à faire des observations magnétiques. Dans le cours de Fannée 1874, M. Stenfort avait recueilli sur la côte ouest de la Bretagne les algues et la végétation marine. En 1879 il a continué ses études sur la côte nord de cette province et sur le littoral de la Normandie. M. Sienfort, au retour de sa première mission, a publié un volume intitulé : Les plus belles plantes de la mer. À la suite de sa seconde mission, il a envoyé un rapport. L'Amérique du Sud presque entière, tel est le champ d'inves- tigation de M. Édouard André. Avant d'aller au Brésil, au Pérou, dans la république de l'Équateur, comme il se propose de le faire, ce naturaliste a traversé les États-Unis de Colombie. Une lettre du consul’ de France à Bogota nous apprend que sa mission a été facilitée par l'appui des autorités locales; qu'il a déja expédié en UND France douze caisses de plantes vivantes, un herbier de quatorze cents plantes sèches et trois mille oiseaux, reptiles, poissons re- cueillis dans les eaux du Rio Magdalena ou dans l'État de Cun- dinamaria. M. Masqueray, professeur au lycée d'Alger, a commencé à la fin de l'année 1875 l'exploration archéologique de la région du Mzab, dans le Sahara algérien, région peu connue et dans laquelle il a découvert des monuments épigraphiques d’une haute importance pour l’histoire de l'administration romaine en Algérie. D’un ins- tant à l’autre nous attendons les estampages de ces précieux do- cuments. | En Tunisie, M. le capitaine d'état-major Roudaire continue les grands travaux de nivellement entrepris dans une campagne pré- cédente. Ils lui permettront de s'assurer d’une facon absolue de la possibilité de créer une mer intérieure en Tunisie et en Algérie, d'utiliser là 16,000 kilomètres carrés improductifs de la région des Chotts, d'assurer au commerce des voies nonvelles de commu- nication. Des dépèches de M. le Ministre des affaires étrangères, des lettres de M. le capitaine Roudaire nous ont appris que les opérations scientifiques s’accomplissaient avec grand succès. Enfin M. Armingaud s’est rendu à Florence pour terminer des travaux depuis longtemps commencés sur l’histoire de Cosme de Médicis. M. de la Savinière a obtenu une mission pour étudier la flore si peu connue des îles Célèbes, et M. Meyrignac a été aux Antilles et dans l'Amérique du Sud dresser la statistique médicale de ces contrées el se livrer à des études de pathologie comparée. Ces trois derniers voyageurs, partis au commencement de l’année courante, n'ont pu encore nous donner des nouvelles de leurs explorations. | | Tel est, Monsieur le Ministre, l'exposé, suivant l'ordre chrono- logique, des missions accordées en 1875. Jose espérer que Votre Excellence éprouvera quelque satisfaction en comparant les résul- tats obtenus et les très-modestes ressources du budget du service des missions. Pour résumer ces résuitats, permettez-moi, Monsieur le Mi- nistre, en ne rappelant que pour mémoire les dons faits à nos grands établissements {musées, Muséum d'histoire naturelle, Ar- chives, bibliothèques, etc. etc.), de mettre sous vos yeux la réca- pitulation des missions accordées en 1875 ;-en les répartissant par DNS UN 4 , (E ENT] non É Ex grandes régions, on trouverait qu il a été accordé par Voire Ex- cellence : Missions En COFOPES PR LP RC creer Tu ==" en ATQUENRE CRE PR RER Re ÿ; Lai ef AsiG RER RON EI OST RER 21 'enfAménqestisereen tot st. Er Si, au contraire, on voulait les classer méthodiquement, sui- vant la nature des études, on trouverait que : — 11 missions ont pour objet des recherches historiques où ar. chéologiques ; ; 9 missions, des recherches d'histoire naturelle; 2 missions, des recherches médicales; 3 missions, des recherches philologiques; 3 inissions, des recherches astronomiques ou géodésiques. Des vingt-huit missions accordées en 1875, plusieurs sont en cours d'exécution et doivent se continuer pendant l’année 1676; ce sont les missions de : MM. Ber {Pérou), Cournault (Suisse, Allemagne), Masqueray (Algérie), Sainte-Marie (Tunisie), Wiener (Pérou-Chili), E. André (Colombie, Équateur, Brésil), Jobert (Brésil), Pinart et de Cessac (Alaska), Savorgnan de Brazza et Marche (Afrique centrale), La Savinière (Célèbes), Roudaire (Tu- nisie), Armingaud (Italie), Meyrignac (Antilles, Amérique du Sud}, le docteur Harmand {Cochinchine), Molard (Italie). Nous avons la ferme assurance que les savants dont je viens d'avoir l'honneur de vous exposer brièvement Îles travaux, Mon- sieur le Ministre, continueront avec bonheur et avec succès à jus- lilier votre confiance. Tout peut faire espérer qu'ils contribueront puissamment à faire progresser la science et à soutenir à l'étranger la juste réputation acquise par les savants français. Je suis, Monsieur le Ministre, etc. Baron pe WATTrEVILLE. RECHERCHES FAITES DANS LA BIBLIOTHÈQUE DE LA HAYE ET DANS LES ARCHIVES DU ROYAUME DE HOLLANDE, PAR M. HERMILE REYNALD. Depuis la révolte des Pays-Bas contre la domination espagnole jusqu'aux traités de la triple et de la quadruple alliance, signés à la Haye en 1717 et 1718, ïl s'est écoulé plus d’un siècle, et pendant toute cetle période la Hollande n'a pas cessé de jouer un rôle important dans l'histoire de l'Europe. Puissante par sa marine et par l’élendue de son commerce, mais bornée à un petit territoire, divisée par les querelles religieuses, enfin exposée par les défauts de sa constitution aux luttes de deux partis rivaux, pas- sant tour à tour de l'indépendance d’une république fédérative au régime presque monarchique du staihoudérat, elle ne main- tint sa liberté et son crédit que grace à une succession de grands hommes, Guillaume ie Taciturne, Maurice de Nassau, Barne- veldt, Jean de Witt, Guillaume IT, Heinsius, qui, sous des titres et avec des sentiments divers, en firent à plusieurs reprises le centre des négociations de la diplomatie européenne. Du jour où la Hollande se révolte contre l'Espagne, Henri IV et Élisabeth l'aident a conquérir son indépendance pour affaiblir la maison d'Autriche. Un moment abandonnée par les faibles et imprévoyants ministres de Marie de Médecis, cette politique est bientôt reprise par Richelieu, qui négocie avec la République le partage des Pays-Bas espagnols. Mais déjà effrayés de l'agrandis- sement de la France, les Hollandais redoutent de se donner des voisins trop puissants, et, au moment où va se signer la paix MO Le de Westphalie, ils se séparent de la France pour traiter sépa- rément avec l'Espagne. Cette politique d'équilibre et de circon- spection fut constamment poursuivie par Jean de Witt. Obligé de défendre la République contre l'Angleterre jalouse de son com- merce, il combattit avec succès les Stuarts, mais finit par échouer dans ses efforts diplomatiques pour arrêter l'ambition de Louis XIV. I parvint en effet avec l’aide du chevalier Temple à former contre le grand roi la triple alliance de 1665 qui arrêta ce prince au mi- lieu de ses victoires et lui imposa la paix d’Aix-la-Chapelle, mais il attira quelques années plus tard sur la Hollande cette formi- dable invasion au milieu de laquelle il fut emporté avec son frère, victime de la fureur populaire, fureur dont le prince d'Orange sut au moins profiter, s'il ne l'avait pas fomentée lui-même. Dès ce moment la politique hollandaise ne trahit plus ni fai- blesse ni hésitation; elle n’a qu'un mobile, la haine de la France, et jusqu’au traité d'Utrecht cette passion dirige toutes les pensées de Guillaume d'Orange et d'Heinsius. Efficacement servie par la révocation de l’édit de Nantes, qui dans tous les pays protestants suscite à Louis XIV des ennemis acharnés, et par la révolution de 1688, qui, donnant à Guillaume III le trône d'Angleterre, unit contre la France les puissances maritimes, cette haine provoque d'abord la formation de la ligue d’Augsbourg, puis celle de la Grande-Alliance, repousse les tentatives pacifiques de Louis XIV, lui impose aux conférences de Gertruydemberg les plus humi- fiantes conditions et semble devoir aboutir au démembrement de la France, quand des changements inattendus viennent dissoudre la coalition européenne et préparer la paix d'Utrecht. Ce rapide aperçu montre assez de quel prix doivent être pour l'histoire de cette époque les nombreux documents que la Hollande possède dans ses archives. Comme Venise, à qui elle a succédé dans la direction du commerce, la Hollande a toujours eu auprès des principales cours de l'Europe des agents habiles et bien informés. Obligés de gouverner plus encore par la persua- sion que par l'autorité de leurs charges, Barneveldt, Jean de Witt, Heinsius étaient tenus d'exposer aux États généraux toutes les négociations qu'ils étaient chargés de diriger; leurs craintes, leurs espérances, leurs hésitations aussi bien que leurs actes sont reproduites dans une vaste et minutieuse correspondance. Forcé de nous restreindre dans des recherches où nous avons ms 3 — eu de nombreux devanciers!, nous n'avons du insister que sur quelques points moins explorés ou intéressant plus particulière- ment l'histoire de la France. Ainsi, pour la première période de cette histoire, les Mémoires du président Jeannin, ceux des ambassadeurs Winwood, Dudlev- Carleton sont utilement complétés par les dépêches que notre ambassadeur Choart de Buzanval envoya à la cour de France depuis le mois de mai 1597 jusqu'au mois de novembre 1608. Ces dépêches et ces mémoires, dont M. de Vreede a publié quelques extraits?, sont à la bibliothèque de la Haye. C'est un manuscrit de deux volumes in-folio, contenant 2,298 pages, et intitulé Propositions de M. Buzanval. Ce précieux ouvrage avait appartenu à Jean de Witt. Il renferme l'histoire de nos négociations avec la Hollande pendant la période qui précéda l'arrivée du président Jeannin. Il sera curieux de le rapprocher des cinq recueils de lettres et de mémoires du comte de Buzanval que possède la bibliothèque Nationale, surtout si l'on peut y joindre la corres- pondance encore éparse du résident hollandais, alors accrédité auprès de Henri IV, François Aarssens. Ce personnage, dans lequel Richelieu reconnaissait un des trois grands politiques de son siècle, est également remarquable par ses talents et par sa perversité. Protégé de Barneveldt, qui l'attacha dès sa jeunesse à Duplessis-Mornay, il s'éleva bientôt au poste de résident, gagna l'amitié de Henri IV et servit les intérêts de la Hol- lande, sans négliger sa propre fortune, car sa disgràce le trouva très-riche. Sa perspicacité le rendit importun aux conseillers de Marie de Médicis, quand ils décidèrent la régente à renoncer à la politique de Henri IV pour se rapprocher de la maison d'Autriche. Aussi Marie de Médicis, tout en lui prodiguant les témoignages de sa faveur, insista-t-elle auprès du gouvernement hollandais pour qu'Aarssens ne fût pas maintenu à son poste. Celui-ci, attri- ! Entre autres, M. Jubinal, mort il y a quelques jours à peine {Lettre à M. de Salvandy sur les archives de la Haye), et M. Combes, professeur à la Faculté des lettres de Bordeaux. Je regrette de n'avoir ici qu'à signaler leurs rapports sans pouvoir les analyser. M. Combes à en outre publié quelques pages pleines d'intérêt sur la correspondance de Jean de Witt avec le chevalier Temple rela- vement aux négociations de 1667 et 1668. ? Lettres et négociations de Paul Choart, seigneur de Buzanval , et de Francois Aarssens, suivies de quelques pièces diplomatiques concernant les années 1503, 1298 et 1602-1606. Leyde, 1816. Me buant sa disgräce à Barneveldt, tourna sa colère contre lui, lat- taqua dans deux pamphléts où il le désignait comme un partisan de lEspagne, et servit d'instrument aux passions habilement exploitées par Maurice de Nassau pour décider la chuie et la mort de Barneveldt. Les dépèches d’Aarssens, dont une partie est conservée aux archives de la Haye dans. les registres de 1600 à 1610, sont des plus importantes pour l'histoire de l’époque. D'ailleurs, en ce qui concerne celte période, la lumière est aujourd'hui à peu près faite. La naissance de la République des Pays-Bas et les efforts qui ont assuré son indépendance ont été racontés avec une exactitude passionnée par M. Lothrop Motley. L'illustre historien vient de compléter son œuvre en écrivant la vie de Barneveldt et ses luites contre Maurice de Nassau. Ce dernier ouvrage, vivement et inutilement attaqué par M. Groen van Priesteren au point de vue du parti protestant le plus rigoureusement orthodoxe, fixe, selon nous, d’une manière définitive le caractère plus politique encore que religieux des partis qui divisaient alors la Hollande. M. Motley montre avec autant de précision quelles étaient alors les relations de la Hol- lande avec les pays étrangers. Tandis que le sot roi d'Angleterre, Jacques [”, s'engageait avec plus de précipitation que de bonheur dans la controverse théologique, et se plaignait qu'on ne tint pas assez compte de ses propres décisions, la France s'en tenait aux questions politiques et cherchait à conserver dans la Hollande une alliée fidèle contre l'Espagne. Pour ce qui concerne la France, M. Motley s’est surtout servi des mémoires d’Aubry du Maurier, et cite presque à chaque page l'étude consacrée à ce diplomate par notre collègue, M. Ouvré, professeur d'histoire à la Faculté d'Aix. De pareils témoignages d'estime accordés à l’érudition fran- çaise par un Juge aussi compétent méritent d'être signalés. C’est volontairement que j'ai laissé de côté tout ce qui regarde l'époque de Jean de Witt. Cet homme d'État a été déjà l'objet de travaux importants, et M.Lefèvre-Pontalis, qui pendant un séjour prolongé en Hollande a recueilli sur sa vie et son temps les docu- ments les plus précieux, mettra sans doute bientôt en pleine lumière la physionomie du grand magistrat, qui, après avoir si longlemps travaillé à la grandeur et à la sécurité de sa patrie, est mort sous les coups d’une populace furieuse en martyr de la hberté. Quant aux relations extérieures de la Hollande à cette — 03. époque, aux négociations dont elle à été le centre et à la guerre qui a suivi, les remarquables travaux de M. Mignet et la savante histoire de Louvois par M. Rousset ne nous laissaient plus rien à dire. Pour ce qui touche à la révolution de 1688 et à la ligue d'Augs- bourg, il semble que le sujet a été épuisé par Macaulay, et qu'on ne peut rien ajouter aux renseignements si abondants de lhis- torien anglais, mais c'est précisément à cette période que se rap- portent les premières pièces d’une publication malheureusement interrompue, celle de M. Van der Heim, aujourd'hui ministre des finances et enlevé pour longtemps sans doute aux lettres par la politique. Nous voulons parler des papiers d'Heinsius. On sait comment dès sa jeunesse Heinsius devint l’ami et le confident de Guillaume d'Orange. Quand celui-ci fut monté sur le trône d'Angleterre, Heinsius lui ménagea toujours dans les États généraux des allés fidèles et dévoués; c'est par eux, par leurs démarches pressantes auprès du parlement anglais qu'il aida Guillaume à entrainer l'Angleterre, presque maigré elle, dans la grande alliance de 1701; c'est lui enfin qui, après la mort de Guillaume IE, devint l'âme de Ia coalition et arrêta les plans qu'Eugène et Marlborough exécutaient sur les champs de ba- taille. De 1689 à 1720 son histoire est celle même de ia Répu- blique. A la mort d'Heinsius ses papiers ne furent pas déposés dans les archives de l'État. Ils restèrent, comme nous l’apprend M. Var der Heïm dans sa préface, en la possession de sa sœur, qui avait épousé en 1684 M. Antoine Van der Herm. Depuis cetie époque ces papiers ont été soigneusement conservés dans la famille de l'éditeur actuel. Ils remplissent, nous dit-il, une soixantaine de cartons dans lesquels est disposée avec ordre la vaste correspon- dance du grand pensionnaire avec tous les hommes d'État de son temps, les agents officiels ou secrets de la République, ainsi que ses projets de diverses natures, traités de paix, traités de com- merce, négociations de tout genre. Pour apprécier l'importance de ces documents, il suffit d'étu- dier ce qui a déjà été publié de la correspondance d'Heinsius avec Guillaume IE. Depuis qu'il est entré dans les affaires publiques jusqu'au moment de sa mort, qu'il füt à la Haye, à Londres ou au château de Loo, Guillaume n'a Jamais laissé passer une as ÙG == semaine sans écrire à son fidèle confident; souvent ses lettres sont plus rapprôchées encore, et les ressorts les plus secrets de la politique y sont exposés au grand jour. Les deux fascicules déja publiés par M. Van der Heim vont de 1683 à 1697. Le premier comprend d’abord quelques lettres sur les événements qui ont précédé la révolution de 1688 , les négociations de la République avec l'Angleterre de 1689 à 1691, les négociations avec l'électeur de Brandebourg et les autres États allemands, les négociations avec l'Autriche, les négociations avec le Danemark et la Suède à propos de la question de Sleswig-Holsiein, enfin le traité avec la Savoie, et des documents sur la guerre d'Italie, jusqu’à la paix de 1696. Dans le second fascicule nous trouvons d’abord trois pièces en français, quelques détails biographiques sur les prin- cipaux personnages de l’époque, un rapport secret de Bruyning à Heinsius du 7 novembre 1663 et une note sur la campagne de Flandre, puis une longue suite de lettres entre Heinsius et Guil- laume IIL, et aussi entre Heinsius et des résidents hollandais, tels que Geldermalsen, et Wassenaer-Opdam. La correspondance d'Heinsius avec le roi Guillaume nous est du reste à peu près connue aujourd'hui. Une copie en a été donnée en 1827 par la famille Van der Heim aux archives royales, et M. Sirtema de Grovestins a publié une grande partie de ces lettres dans son Histoire des luttes et civilités politiques entre les puissances maritimes et la France. (8 volumes, Paris, 1868.) La lecture de ces pièces rend encore plus sensible le regret de ne pas voir publier la correspondance d'Heinsius avec le duc de Marlborough. Les fragments donnés par M. de Vreede sur l’année 1706 (Amsterdam, 1851) nous montrent déjà quel rôle prépon- dérant ont joué pendant cette guerre, non-seulement sur les champs de bataille, mais dans les négociations entre les divers États, les rapports constants d'Heinsius avec le général anglais. Les Mémoires de Coxe et surtout les dépêches publiées par Murray nous permettent déjà d'apprécier dans toute son étendue le génie de Marlborough, de cet homme extraordinaire, grand tacticien, habile diplomate, orateur éloquent, mais en même temps dévoré d'une ambition et d'une avarice sans limites, souple jusqu'à la per- fidie, traître envers son roi et sa patrie, et qui corrompait par les vices les plus bas un esprit vraiment supérieur. Avec les lettres d'Heinsius on pourra suivre dans tous leurs détails les di- LA verses péripéties qu'eut à traverser la coalition, les dissentiments survenus entre les belligérants, les difficultés nées de leurs succès même, et reconnaître dans le grand pensionnaire le chef habile qui, toujours maïtre de lui, apaise Îles querelles, ramène la con- corde, triomphe des oppositions sans jamais se laisser détourner de son but, la ruine de la France. Les archives de la Haye possèdent bien une partie de cette correspondance, mais dans un tel état de délabrement que M. Van den Berg, malgré son extrême obligeance, n’a pas cru pouvoir la mettre à la disposition du public. C’est une raison de plus pour désirer que M. Van der Heim puisse bientôt achever son excellente publication. Heureusement les archives de la Hollande renferment sur cette époque d’autres documents qui sont d'un grand prix. C'est d'abord la correspondance de Hermitage. Cet écrivain français, qui, après avoir été à Londres l'agent des Vaudois, est entré en 1 Un écrivain allemand, M. de Noorden, auteur d'une histoire de la guerre de la succession d'Espagne dont ïl n'a encore paru que deux volumes, nous donne dans sa préface quelques détails sur ces archives qui lui ont été communiquées par M. Van der Heim. «Je n'exagère rien, dit-il, en affirmant que les études faites par moi dans les archives d'Heinsius m'ont d'abord encouragé à écrire en détail et à développer l'histoire politique et militaire de ia guerre de succession, tandis que dans le plan original elle ne devait que servir d'introduction à une histoire de l'Europe à partir de la paix d'Utrecht. Aux riches matériaux que possèdent les archives d'Heinsius, grâce aux relations officielles et secrètes des ambassadeurs ou des agents employés par les Pays-Bas dans les diverses capitales de l'Europe, s'ajoutent dans cette collection, disposés avec un ordre admirable, les rapports des députés de la Hollande, les correspondances de nombreux généraux au service de ia République, les ouvertures secrètes des négociations ouvertes par la France pour obtenir la paix, les mémoires des ambassadeurs étrangers fixés à la Haye et les nombreuses lettres adressées au grand pensionnaire par des princes et des hommes d'État; enfin il s'y trouve de nombreuses dépêches écrites le plus souvent de la main même d'Heinsius ou corrigées par lui. Quelques correspondances particulières du magistrat hollan- dais, telles que ses nombreuses lettres à l'ambassadeur hollandais près la cour de Londres Vryberge, ont été rendues à la famille et déposées aussi dans les archives d’'Heinsius. On y trouve encore les copies de nombreuses dépêches et instruc- tions anglaises, dont j'ai vainement cherché les originaux à Londres.» Cette citation indique bien la valeur de ces archives; on le comprend mieux encore quand on voit quel parti M. de Noorden a su tirer des dépêches de de Hop, de Buge, de Geldermaisem et de Bruyning pour l'histoire des années qui ont suivi la paix de Ryswick et précédé la guerre de la succession. MISS. SCIENT. — IV. 2 RÉ 1693 au service de la Hollande, à continué pendant près de qua- rante ans une correspondance où sont consignés tous les faits qui lui paraissent intéressants, nouvelles politiques, débats du parle- ment, faits divers, comme les mariages, la mort des personnes de distinction, les duels et les assassinats. C’est un véritable journal où l'on trouve sur la guerre de succession, sur les dispositions du gouvernement anglais, sur l'établissement de la banque, et enfin sur l’état général de la société, des indications précieuses. La bibliothèque nationale de la Haye possède également sur cette époque des documents importants. Nous y signalerons en premier lieu une collection de près de quarante volumes, appelée collection Duncan, du nom de l'Écossais qui l'a formée au xvin siècle, pendant qu'il était attaché à la cour de Hollande. Elle se compose d’une quantité considérable de pamphlets, libelles, pièces de toute espèce, réunies un peu au hasard, car l’auteur semble n'avoir tenu qu'à une condition, c’est que les ouvrages recueillis par lui pussent se prêter au format in-quarto. Mais il y a dans cette vaste collection une foule de pièces curieuses, soit en hollandais, soit en latin, soit en français. Pour en donner une idée, il me suffira d'indiquer ici que ce recueil renferme sur les seules années 1619 et 1620 deux volumes de pièces concernant la politique intérieure de la France ou les rapports de cette puis- sance avec la cour d'Espagne. Ces écrits d'importance très-inégale sont en grande partie l'œuvre des protestants, et respirent la haine la plus vive contre 1 Espagne et le clergé. Une des premières pièces du recueil est intitulée : Remoñtrance très-humble à la reine mere ré- gente en France. L'auteur lui conseille de maintenir la paix, de consulter les seigneurs, le clergé, le tiers état, c’est-à-dire de con- voquer les États généraux. La régente est priée de respecter la re- ligion réformée et de chasser les étrangers : « Commandez que dans Paris il n y ait pas tant d'épées étrangères. » Elle doit aussi imposer silence à tout prédicateur malfaisant : « Vous devez d’un comman- dement absolu qu'il banisse de ses prédications toutes invectives, allumettes de sédition, qu'il ne prêche que sur le texte, l’obéis- sance du sujet envers son roi. S'il fait autrement, traitez-le à la façon de frère Anthoine Fradin, cordelier, qui fut chassé et banni du royaume par Louis XI, pour avoir passé les bornes de ses prédi- cations, et disputé à l'État en sa chaire, au lieu de prêcher l’'é- vangile. » 2 0 La pièce qui suit n'est pas moins curieuse; c'est une satire en vers dont on nous excusera de ne donner que le titre et les pre- miers couplets : « Le Patér noster des jésuites dédié à Philippe IIT, roi des Espagnes, pour ses étrennes de la présente année, avec un Ave Maria des bons catholiques français désirant leur bannisse- ment, à la reine régente de France. » Philippe roi de tous les hommes, Nous ne serons jamais muets De confesser tous que nous sommes Les chers enfants de qui tu es Pater noster. Aussi la troupe jésuitique Sur les bienfaits reçus de toi, Chante incessamment ce cantique Très-heureux Philippe, ô grand roi, Qui es in cœlis. Que Ravaillac, maudite engeance, Par nous: si bien catéchisé Pour massacrer le roi de France Au lieu d'en être méprisé, Sanctificetur. S ah alloniele der uns ce e. eos elle) sbalshiet eue) some es Sihale ap = ele lieuer ele Mes (4 'adiat es el ste tir die Philippe, tu sais que la France _ Nous veut mal à cause de toi, Ne souffre pas ta grand puissance Qu'elle nous puisse donner loi, Sed lhibera nos. Aïnsi puisses-tu, Ô grand prince, Suivant nos jésuiliques yœux, Du monde faire une province Et accomplir ce que tu veux. Amen. À côté de nombreux pamphiets, cette collection renferme des pièces diplomatiques, des traités de théologie, des considérations sur la guerre de Trente ans, enfin des documents de tout genre, 2. 2 9.22 et qu'à cause même de leur abondance nous ne pouvons que si- gnaler aux recherches des savants. Nous avons au contraire eu le temps de lire en entier et d’ana- ne un manuscrit plein de renseignements, qui touchent de très- près à notre histoire, c'est le journal de M. Cuypert, député des États généraux, chargé de suivre les opérations de l’armée anglaise pen- dant l’année 1706. Ce journal, tenu très-exactement, ne nous révèle pas seulement des détails assez piquants sur la personne même de l’auteur, savant philologue et numismate, qui est devenu après la guerre membre correspondant de l'Académie des inscrip- tions et belles-lettres; il nous montre l'attitude des provinces con- quises pendant cette campagne, les sentiments des populations et les prétentions des vainqueurs. Nous y trouvons encore, dans certaines révélations sur la jalousie qui animait les divers coalisés, le secret des hésitations qui ont souvent arrêté la marche des vainqueurs, ou bien ont changé le but de l'expédition. Il y a là sur les débats entre les Hollandais, le roi de Prusse et les Anglais, soit pour la marche des troupes, soit pour le choix de leurs quar- tiers d'hiver, des discussions où se trahissent des défiances d’ailleurs assez légitimes. Ce manuscrit renferme, entre autres pièces cu- rieuses, une patente de l'empereur d'Allemagne et du roi d'Espagne Charles IT (c'est-à-dire l'archiduc Charles), nommant Marlborough gouverneur général des Pays-Bas. Cu ypert nous explique comment la Hollande s'oppose à ce que le général anglais accepte cette dignité, et son récit, rapproché des lettres écrites à cette occasion par Marlborough lui-même (Marlborough’s Despatches by Murray), présente certains contrastes qui ne sont pas sans intérêt, enfin on trouve dans ce manuscrit, à côté des pièces officielles, une lettre du P. Tournemine écrite en 1706 à un Français alors au service de la Hollande, pour lui Lie combien les circonstances pré- sentes seraient favorables à la paix. Cette lettre, destinée à être montrée d'abord aux députés hollandais, Qu aux États géné- raux, se rapporte aux négociations entamées à cette époque par la France !, un moment accueillies par la Hollande, mais qui ne ! Pour l'histoire de Cuypert et l'analyse de son journal, voyez la Revue historique, n° du 1‘* octobre. Quant aux négociations de 1705 et 1706, elles ont été l'objet d’un mémoire que nous avons adressé à l’Académie des sciences morales et poli- tiques, et dont la lecture a été commencée par M. Barthélemy Saint-Hilaire, dans les séances du 19 et du 26 août, Hat: Eu devaient pas aboutir. La correspondance échangée à cette occasion entre Cuypert lui-même, Heinsius et Marlborough montrent jus- qu'où les alliés portaient alors contre la France la haine et la mau- vaise foi. Il faut encore signaler un recueil manuscrit, en deux volumes in-folio, de lettres écrites en français, sans nom d'auteur, sur Îles débuts de la régence du duc d'Orléans, et principalement sur les rapports du gouvernement français avec le fils de Jacques IT, au moment où ce dernier préparait son expédition en Écosse. Ces lettres, qui, dans l'opinion du savant M. Campbell, sont l'œuvre d'un député aux États hollandais, renferment sur cette époque des détails très-précis. L'importance de la Hollande est alors con- sidérablement diminuée; et quoique les traités de la triple et de la quadruple alliance (1717-1718) se signent encore à la Haye, c'est l’Angleterre qui prend la place de la Hollande dans la diplo- matie européenne, comme dans le commerce maritime. Désor- mais c'est à Londres et à Paris que s’agiteront les intérêts du monde. Il ne serait pourtant pas impossible de trouver encore dans les archives de la Hollande de précieux renseignements sur les années qui suivirent le traité d'Utrecht. Nous ne serions pas étonné qu'on püt y renconirer, par exemple, quelques détails sur les intrigues nouées par le ministre de Charles XIT, Goërtz, de concert avec Alberoni, pour renverser le régent au profit de Philippe V, rétablir les Stuarts sur le trône d'Angleterre et remanier toute l'Europe. Après avoir indiqué le résultat de nos recherches, il nous reste à témoigner notre reconnaissance à tous ceux dont la bienveillance nous les a rendues faciles. Notre ministre plénipotentiaire à la Haye, M. Target, nous a constamment prêté le concours le plus empressé, et les démarches de notre excellent consul, M. Durer- nois, nous ont épargné bien des fatigues. Le directeur de la biblio- thèque royale, M. Campbell, le savant auteur d’une histoire de l'imprimerie, et le sous-directeur, M. Dekeith, se sont fait un plaisir de se mettre à notre disposition. Nous n'avons pas trouvé un accueil moins aimable auprès du directeur des archives, M. Van den Berg , et de son collaborateur, M. de Jong, qui, avec une bonne grace sans égale, nous a lui-même indiqué un grand nombre de pièces importantes. Nous avons dû aussi d'utiles renseignements à deux membres des Etats généraux , M. Jonkbloet, savant éditeur a HR de vieux romans flamands et d'anciens poëmes français, ainsi qu'à M. Wintgens, possesseur d'une riche collection de gravures qui, rangées par ordre de dates, forment une véritable histoire pittoresque de la Hollande. Hermize REYNALD, Professeur à la Faculté des lettres d'Aix. MISSION SCIENTIFIQUE EN ABYSSINIE ET À ZANZIBAR, PAR ACHILLE RAFFRAY. — ss — Paris, le 3 mai 1879. Monsieur le Ministre, Par arrêté en date du 23 juin 1873, vous m'avez fait l'honneur de me charger d’une mission scientifique gratuite pour explorer la faune de Zanzibar. De retour à Paris, après vingt et un mois de voyage, je m'empresse, Monsieur le Ministre, de vous adresser le rapport de mon voyage et de vous retracer à grands traits quels en ont été les résultats. Parti le 20 juillet 1873, je me suis d’abord arrêté à Massaouah sur les côtes d'Abyssinie, et, profitant d'une occasion favorable qui m était offerte par le vice-consul de France, j'ai pénétré dans l'intérieur de ce pays. Je me dirigeai d'abord vers les montagnes de l'Hamacen, à travers une région déserte et brülante nommée Samarh. Dans les vallées basses, que je rencontrai ensuite, je pris quelques Céto- nides et Élaterides, des Lépidoptères du genre Papilio, Brutus, Nireus et Demoleus. Je ne tardai pas à arriver sur les hauts plateaux d'Abyssinie, où la saison pluvieuse touchait à sa fin. Ces pluies tombent régu- lièrement tous Îes jours avec une grande intensité, entre 1 heure et 6 heures du soir, depuis le mois de mai jusqu'au mois de septembre. C'était le moment favorable pour la récolte des insectes, et j'en fis d’amples inoissons, parmi lesquelles se trouvent un nombre considérable d'espèces non encore décrites, et qui de- mandent du reste à être étudiées à loisir. Les espèces les plus marquantes sont un Tefflus { Tefflus Raffrayi, de Chaudoir). Con- trairement à nos Carabes d'Europe, que cet insecte remplace en DL) Afrique, le Tefflus vit dans les terrains marécageux; l'odeur péné- trante qu'il répand, analogue à celle des Panagéides, atteste sa parenté avec ces derniers, dont il se rapproche du reste par beau- coup de caractères. D'autres Carabiques vivaient avec lui sous les pierres, Chlœnius, Brachinus, Zuphium, Siagona. Dans les en- droits plus secs, des Anthia Ferreti et Galinieri, des Ténébrionides, Adesmia, Zophosis, Tentyrides, Ocnera, Opatrides; sur les fleurs voltigeaient des Cétonides (Pachnoda Siæhlini), des Oxythyrea, des Mylabrides. Ces plateaux, élevés d'environ 3,000 mètres au-dessus du ni- veau de la mer, sont généralement couverts de prairies; les col- lines qui les sillonnent nourrissent beaucoup d'essences d'arbres, la plupart épineux, parmi lesquels on distingue surtout une Euphorbe arborescente, le Kolkoual. Je descendis ensuite dans la plaine du Mareub, qui, par son insalubrité , fut si fatale à l'expédition de Quartin-Dillon. La tem- pérature y était beaucoup plus élevée et la végétation offrait un caractère plus tropical; j'y pris des Longicornes (Ceroplesis), des Buprestides (Sternocera Acmeodera), des Cétonides. J'y remarquai aussi d'énormes Calaos, qui vont généralement par couples, cher- chant dans les prairies les vers et les insectes qui composent leur nourriture, et un rapace assez rare, le Spizaëte huppard. Le 11 septembre j'arrivai à Adoua, capitale du Tigré, et je m'y arrêtai pendant un mois. Jouissant d’un climat tempéré, d'eau excellente, située dans une plaine fertile et entourée de montagnes, dont la plus importante est le mont Chelloda, cette ville est une localité précieuse pour un naturaliste. J'y pus faire de riches moissons, d’abord le Tefflus que j'avais pris précédemment, l’An- thia Lefebvrei, des Helluonides, puis des Paussides, insectes myr- mécophiles et toujours fort rares. J'en ai rencontré jusqu'à neuf espèces différentes en Abyssinie, mais j'ai eu surtout la bonne fortune d'en prendre un d'assez grande taille (Paussus procerus) pour constater un phénomène des plus curieux et inconnu. Les Paussides vivent au milieu des fourmis, qui les respectent, soit par affection, soit plutôt par crainte; ils sont en effet munis d'un appareil détonant semblable à celui des Brachinus, et cette détonation peut se reproduire trois fois de suite. Le gaz lancé ne tache pas la peau en brun, comme celui des grands Brachinus, et ne cause pas de brülure sur Pépiderme; mais, recueilli sur ur QT PRE corps quelconque, il se précipite immédiatement en une cristal- lisation jaunàtre, qui, mise en contact avec une muqueuse, pro- duit l'effet d’un caustique. C’est sans doute par ce moyen qu'ils tiennent les fourmis à distance et peuvent en paix se nourrir des matières végétales accumulées par ces hyménoptères. Les reptiles, rares partout en Abyssinie, étaient assez abon- dants dans les marais fournis par la petite rivière de l'Assam; les plus curieux étaient les Crotaphapeltis rufescens et Psammophis sibilans. Les maisons, dans la capitale du Tigré, sont construites généra- lement en pierres et couvertes soit d'une terrasse, soit d’un toit de chaume. On peut estimer la population de cette ville à environ 4,000 habitants. Adoua est la résidence habituelle du Raz Bariaou, gouverneur du Tigré et oncle du roi actuel. Le 19 octobre je partis d'Adoua pour me rendre, par le Tem- biène et les Agaos, à Débratabor, où j'espérais trouver le roi. Je iraversai d’abord des plaines où se dressaient des roches basaltiques rangées comme une muraille et courant de l'est à l’ouest sur une longueur de plusieurs kilomètres. Ces plaines me fournirent de bons insectes buprestides et d'as- sez nombreux lépidopières qui voltigeaient sur les bords de la petite rivière Ouéri, affluent du Taccazé. Le pays était pittoresque et la température plus élevée. Du village de Dabbatadios, je pouvais découvrir un panorama splendide, à l’ouest le massif du Sémiène, à l'est la chaîne des Ambas, et au sud les plaines chaudes du Tembiène. Les Abyssiniens nomment Ambas des montagnes qui servent de prisons politiques , et sur l'une desquelles est encore détenu Go- basier, l'ancien rival du roi actuel. Ces montagnes sont en gradins disposés par plans inclinés et verticaux formés de roches strati- liées. Presque toutes sont terminées par une muraille naturelle cou- ronnée d'un plateau, sur lequel on dépose les victimes de la po- litique éthiopienne. | La faune des plaines du Tembiène est plus tropicale; le bana- mer, le cédratier et le citronnier y donnent d'excellents fruits; le baobab y abonde; le sol est généralement sablonneux , et j'y ai remarqué quelques Perdricidæ intéressants. Le terrain va s'élevant jusqu'à Saka, petit village au pied du- quel se creuse, au milieu de montagnes escarpées, la fertile vallée d'un des plus grands affluents du Taccazé, le Tellaré, dont le cours sinueux forme aussi la limite entre le Tigré et l’'Amarah. Après avoir traversé le Tellaré j'entrai dans les montagnes des Agaos et du Lasta. Je ne tardai pas à arriver à Sokota, qui est la ville la plus importante de cette région et l'ancienne capitale des pays Âgaos, aujourd’hui démembrés en plusieurs provinces. Sokota est assise sur un plateau fort élevé, et la température est tombée, le matin à 7 heures, jusqu'à 11° cent. Son importance comme population peut être comparée à celle d'Adoua, mais elle est le centre d’un commerce bien plus considé- rable, en raison du passage des caravanes indigènes venant au pays des Taltals et portant jusque dans les pays Gallas de petits pains de sel genme qui constituent la monnaie divisionnaire du pays. Je visitai à quelques kilomètres de Sokota une église cophte des plus curieuses. Pour la construire on a dû creuser dans le flanc d’une montagne une carrière à ciel ouvert d'environ 12 à 15 mètres de profondeur, au milieu de laquelle a été ménagé un bloc immense parallélogrammatique accolé encore à la montagne par un de ses petits côtés. On a fait communiquer le fond de cette excavation avec le pied de la montagne par un chemin partie en tranchée, partie en tunnel. Le bloc, ainsi séparé de la montagne sur trois faces par une vaste tranchée, fut fouillé comme une crypte, en ménageant des colonnes carrées qui soutiennent la voûte au moyen d'arcades en plein cintre; sol, colonnes, arcades et voûtes sont tout d’une seule pièce. Cette église est divisée en deux parties, d'abord un péristyle sans colonnade, puis l’église propre- ment dite; l’un et l'autre sont tapissés de fresques sur toile du style byzantin, exécutées par les indigènes et sous le régne du Ouagchoum Gramadine, père du même Gobasier qui disputa à lohannes le trône d’Abyssinie, et fut vaincu à Adoua {(xwnr siècle). La roche qui forme les murs et les colonnes, et qui a l'aspect d'un granit de couleur vineuse, a été polie avec soin et même ornementée de quelques moulures qui à l'extérieur simulent des panneaux, et à l’intérieur des soubassements et des corniches; les colonnes sont ornées d’un chapiteau en moulures sur lequel repose la voûte; plusieurs petites fenêtres ont été ménagées, et dans le sacro-saint, au-dessus de l'autel, j'ai remarqué une eroix grecque qui a été sculptée en relief dans Le mur. Sous le sol même de l'église on a creusé une petite crypte qui a — 27 — servi de sépulture aux princes du pays, el entre autres au Ouag- choum Gramadine. Ces sépultures sont des coffres en bois recou- verts de cuir et ornés de clous et de charnières en cuivre. D'après les renseignements qui m'ont été donnés sur les lieux mêmes par un prêtre, et qu'il m'a dit être puisés dans des manuscrits apparte- nant à l'église, elle aurait été construite en l'an 522, par l'empereur Atié-Kabel, qui s'était chargé de punir les juifs d'Arabie pour les insultes qu’ils faisaient aux chrétiens allant visiter le Saint- Sépulcre; malgré mes objections sur cette date, il persista à la maintenir, et les recherches que j'ai faites depuis mon retour en France m'ont fait connaître que cette date était exacte. _ Je pris aux environs de Sokota des insectes intéressants, et, après un arrêt de quelques jours, je continuai mon voyage vers le sud à travers les montagnes des Agaos; ce ne fut pas sans diffi- culté, car ce pays est frempli de rebelles, nommés Chouftas, qui cherchèrent, mais en vain, à me molester. Je pus traverser ce pays, mais sans l’explorer. Après quelques jours de marche, je rencontrai le Taccazé qui coulait alors de l’est à l’ouest dans une vallée pittoresque. J’y cap- turai quelques belles Cicindela. Sur la rive gauche de ce fleuve, j'entrais dans le Béguémédeur, où je trouvai un reptile à museau corné, constituant une espèce nouvelle, genre du Scaphiophis (Scaphiophis Raffrayi, Beaucourt), genre connu seulement par une petite espèce de Guinée, et une belle vipère {Causus Rhombeatus). j Le Béguémédeur est un pays riche, formé de larges vallées fertiles, et que les indigènes prétendent être malsain dans la saison des pluies. Enfin Je rejoignis le roi sur les rives du Nil Bleu, nommé Abbaï par les Abyssiniens. Ilohannes était en marche avec toute son armée pour aller combattre, de l'autre côté du Nil Bleu, Raz-Adal, prince du Godjam et alors insurgé. Je fus reçu par lui avec beaucoup d'affabiité et je suivis sa fortune pour pénétrer dans le Godjam. Je vis en passant le Nil Bleu qui coule au milieu d’une vaste plaine, à l'extrémité de laquelle il forme une cataracte d'environ vingt mètres, pour se précipiter en bondissant entre deux murs de basalte. | 7 C’est quelques kilomètres plus bas que les Portugais, vers l'an UE Jo 1500, jetèrent d'une roche à l'autre un pont qui subsiste encore et sur lequel nous pûmes traverser l'Abbaï. De l’autre côté s'étendent les hauts plateaux du Godjam, qui sont couverts de jungles. Je descendis à la suite du roi jusqu’au 11° latitude nord, sous le même parallèle que les sources du Nil Bleu, qui, m'a-t-on dit, sortent d’un terrain bourbeux situé dans une haute montagne, dont je voyais la silhouette dans la direction de l’ouest. Nous fimes halte pendant quelques jours et j'eus le plaisir de voir plusieurs fois le roi : c'est un homme de trente-quatre ans, à la figure impassible; ses traits sont réguliers, sa peau noire. Il est très-intelligent et son ambition est effrénée; il déteste ses grands vassaux, mais 1l les comble d'honneurs en attendant le jour où il aura la force nécessaire pour les écraser. Dans les grandes circonstances il revêt son manteau de brocart et sa couronne d’or à triple étage, mais il est ordinairement vêtu comme les riches Abyssiniens. Il a pour compagnon fidèle un magni- fique lion très-bien apprivoisé. Son armée est composée d'environ 40,000 soldats, suivis de près de 60,000 bouches inutiles, femmes et serviteurs; il ne doit guère avoir plus de 2,000 fusils, très- anciens ou de mauvaise qualité. Les autres soldats sont armés de lances gigantesques, de sabres semi-circulaires à deux tranchants et d'un vaste bouclier rond en peau d’hippopotame. Ils montent pour le combat des chevaux d’assez maigre apparence, mais ils sont excellents cavaliers. Le système fécdal, qui régissait l'Europe au moyen âge, fleurit encore en Abyssinie, dans l’armée comme en politique; chaque petit potentat est maître absolu dans son pays, paye au roi un tribut annuel en argent et en hommes, et ne relève que de lui- même; de là des guerres civiles constantes. Le but de lohannes est de détruire cet état de choses et de réunir dans une seule main les rênes de l'État : mais il trouvera de terribles adversaires, surtout dans le clergé, qui constitue une théocratie riche, nombreuse et puissante, surtout dans l'Amarab. Quant au peuple, il est ruiné par les armées, qui sont sans solde et vivent de rapines. Après quelques jours, je pris congé du roi et me dirigeai vers le nord et le lac de Tzana, que je ne tardai pas à atteindre. Les anti- lopes et les fauves pullulent dans cette région, où je pris quelques espèces de Callichromides. UE Les eaux du lac Tzana sont verdàtres comme celles de l'Océan : il est traversé dans sa partie méridionale par le Nil, dont on dis- lingue assez nettement le courant et les eaux plus bleues. Il abonde en hippopotames, mais ne nourrit pas de crocodiles; ses eaux sont très-profondes et très-poissonneuses; ses dimensions sont d'environ 80 kilomètres sur tous ses côtés. Les habitants des villages riverains sont pêcheurs et naviguent sur le lac dans des pirogues en jonc; c'est aussi à l'aide de ces pi- rogues que je traversai le Nil Bleu à sa sortie du lac; ce fleuve est large en cet endroit d'environ 400 mètres. Je m'arrêtai ensuite dans la petite ville théocratique de Koua- rata et j'y remarquai, ainsi que plus tard à Gondar, mais en plus zrand nombre, des hommes et des femmes surtout dont le teint tait presque blanc et ie type plus voisin du type européen. On me dit dans le pays (mais j'ai peine à le croire) que c’étaient des descendants des Portugais. Après Kouarata, je traversai les plaines du Foguéra, qui sont coupées de nombreuses rivières tri- butaires du lac Tzana. Les oiseaux aquatiques y étaient très-nom- breux ainsi que les échassiers et les Merops nubicus. J'arrivai enfin 1 Gondar, qui est situé entre deux vallées sur un mamelon d’où ‘on découvre vers le sud le lac Tzana, les plaines du Foguéra et du Dembéa et le royaume de Kouara. Cette antique capitale de l'Éthiopie ne peut plus prouver sa splendeur que par des ruines, dont les plus remarquables sont œuvre des Portugais vers la fin du xv° siècle : le château des -mpereurs, construction colossale et qui rappelle un peu nos manoirs féodaux; le château de Raz Michaël, beaucoup moins im- sortant; les bains de l'empereur Atié-Fazzil et une abbaye, le out en ruines. La ville de Gondar appartient presque tout entière au clergé; )n n'y compte pas moins de 43 églises, où j'ai remarqué de très- -urieuses peintures sur bois de style byzantin, et datant de ‘époque des Portugais. La population est inhospitalière, et je pou- sais déjà prévoir les malheurs qui m'arrivèrent ensuite. Mon retour, n effet, ne fut qu'une déroute à travers le Ouoguéra, qui s'étend à mi-côte et au nord-ouest du Sémiène. Assalli par plus de 00 indigènes, je me réfugiai, après une longue résistance et plu- sieurs blessures, dans une église où je fus cerné pendant quatre jours, et d’où je ne sortis qu'après le payement d'une forte rançon. UE Je gagnai à travers mille dangers le Taccazé, que j'avais déjà traversé à 100 lieues environ plus au sud. | Les hauts plateaux du Ouoguéra, dont le point culminant est Debareck, situé, je pense, entre 4,000 et 4,500 mètres, sont dé- nudés et très-froids; j'étais obligé de faire du feu sous la tente. Je pris, parmi les petits insectes myrmécophiles, les Cossyphodes Beccarü et Raffrayi, représentants d’un genre à peine connu. Après le Taccazé, qui nourrit des bandes d’hippopotames et de crocodiles, je traversai la province du Chiré, qui est généralement plate, et j'arrivai à Axoum, la ville sacrée. Là encore se trouvent des ruines, mais remontant à une époque très-reculée. Ce sont des obélisques monolithes en granit, plus ou moins ornementés de dessins réguliers et bien différents des hiéroglyphes. Une inscription grecque, qui fut autrefois transcrite par M. Théophile Lefebvre, et l'aspect de ces monuments font supposer qu'ils sont l'œuvre d'ou- vriers grecs venus d'Égypte. Nulle part autour d’Axoum je ne vis de granit, et les indigènes me dirent que la montagne où ces obélisques avaient dû être taillés était à une distance assez grande. Un seul de ces obélisques, de même taille à peu près que celui de Luxor, est encore debout et intact; les autres sont par tronçons gisant sur le sol, et plu- sieurs sont inachevés. On voit encore à Axoum une église très-vaste et bien conservée, construite par les Portugais. C’est devant le péristyle de cette église, et au milieu de quatre petites colonnes en granit, de même style et sans doute de même époque que les obélisques, que se font généralement sacrer les rois d'Abyssinie. D'Axoum je revins à Adoua, puis je me dirigeai vers la côte à travers les hauts plateaux de l’Agamié et de lOgoulo-Gouzai, qui ne diffèrent pas beaucoup, comme faune et comme aspect, de ceux de l’'Hamacen; je longeai la frontière des pays Chohos, qui forment une petite république très-indépendante et ne voulant admettre aucun chef, même choisi parmi eux; le fond de leur législation très-primitive est la peine du talion. Puis franchissant le col du Tarenta, je descendis dans les vallées chaudes, et le 3 avril 1874 j'étais de retour à Massaouab. Les Abvssiniens, quoique de même couleur que les nègres, se rapprochent bien plus du type des Européens; les femmes sont quelquefois tres-belles. Au moral, d’une bravoure qui frise la témérité, dédaignant le RERO" travail manuel, qui est dévolu aux femmes, ils sont très-infatués de leurs titres et fanatiques en matière de religion. Is redoutent généralement le mariage religieux , qui est indissoluble, et préfèrent des unions temporaires. Grands parleurs, ils discutent des journées entières sur des futilités et accompagnent leurs discours de gestes très-expressifs. La justice est rendue par les chefs du pays ou, à leur défaut, par les vieillards. Les femmes, surtout dans l’'Amarah, tissent des cotonnades sou- vent très-fines. J'allai aussi visiter dans la mer Rouge l'archipel de Dalhac, où l'on pêche les huîtres perlières et qui n'est autrement intéressant que par son aridité et sa chaleur dévorante, Descendant enfin la mer Rouge sur un boutre arabe, j arrivai à Aden vers le milieu de juin, et le 1* juillet 1874 je débarquais à Zanzibar. ‘île de Zanzibar est d’origine corallienne et très-peu élevée au- dessus du niveau de la mer; le climat y est chaud, variant le jour entre 30° et 37° centigrades; l'humidité y est excessive. La ville, qui, vue de la mer, présente une belle ligne de maisons en pierre, nest en réalité qu'un amas inextricable de huttes en terre, couvertes de branches de cocotier. La population peut être estimée à 70,000 habitants : Arabes, Béloutchis, Indiens, Banians et nègres de toutes les provenances. C’est aussi le centre d'un commerce considérable d'importation et d'exportation. | Les possesseurs du sol sont généralement Arabes, et ils le font cultiver par leurs esclaves nègres, mais l'existence de ces derniers est très-douce. Les soldats du sultan sont la plupart Béloutchis. À peine dé- barqué, je me rendis à Bagamoyo, où les missionnaires catholiques ont un établissement très-prospère et très-hospitalier pour les voyageurs. Je m y livrai pendant quinze jours à la recherche des objets d'histoire naturelle, qui sont encore à peine déballés et sur les- quels il m'est impossible de donner des renseignen:ents précis. Je citerai cependant un Goliathide, une Anthia, un Tefllus violet, un Sternocera, constituant autant d'espèces nouvelles, et nombre d’autres Buprestides et de Longicornes. Un habitant du Niamouézi mourut à Bagamoye, sans parents, is Go sans amis; il fut laissé sur le bord de la mer; je m'emparai de son crâne, que j'ai déposé au laboratoire d'anthropologie du Muséum. Malbeureusement Bagamoyo est un pays très-malsain et j'en rapportai la fièvre. Aussitôt guéri, j’explorai l’intérieur de l’île de Zanzibar, qui est couvert de jungles et de broussailles; je visitai le petit village de Tchouaka sur la côte orientale, puis celui de Ton- gou dans le centre de l’île; ce dernier formait une oasis d’une vé- gétation merveilleuse, et les insectes y étaient abondants. Dans les bois pourris il y avait des Brenthides, Morionides et Ténébrionides, sur les arbres et les fleurs des Longicornes (Sternotonus), des Cé- tonides et des Lamellicornes. Les Mammifères étaient représentés par la Civetta vivera, une petite Mangouste, un Lémurien du genre Galago et un singe Cercopithecus Samango. Puis je revins à Zanzibar, dont j'explorai les environs tout en souffrant fréquemment de la fièvre; sur les manguiers en fleurs je trouvai des Cétonides et des Rutelides fort belles et pour la plupart inconnues. . Le 25 octobre je partis pour Mombaza. Cette ville est située sur une petite île séparée du continent seulement par deux bras de mer et renfermant de nombreuses ruines portugaises; elle est re- couverte d’une puissante végétation; les Lépidoptères y étaient très- abondants. Des Papilio, des Danaïdes, des Coprides, de belles Anthia (Cavernosa et Hexasticta), un Tefflus et un Tetralobus com- posèrent la partie la plus intéressante de mes chasses. Je passai de là sur le continent pour me rendre dans les mon- tagnes de Schimba, qui sont situées au sud-ouest de Mombaze et distantes de deux jours de marche. Cette région fait partie du pays des Ouanika, situé entre les 3° el 5° latitude sud et 36° et 37° 30 longitude est 1. Successivement contourné par Rebmann et von der Decken, le massif de Schimba était peu ou pas connu des Européens. Aussi grand fut l’'étonnement des indigènes quand ils virent un blanc au milieu d'eux. Les peuplades qui habitent cette région sont légèrement supé- rieures aux véritables nègres par le physique, mais-n'en diffèrent guère au moral. À peine vêtus d’un pagne, sans aucune industrie, sans gouver- 1 Nika, en langue souahéli, signifie désert, solitude. = 193 = nement, sans religion, ayant à peine la notion d’un être supérieur, très-superstilieux cependant et ayant une confiance absolue dans la sorcellerie, les Ouaschimba vivent dans la plus parfaite oisi- veté, fumant et s'enivrant de vin de palme; les femmes seules. cultivent un peu de manioc qui suflit à leur existence. Le mariage n'est autre chose que lachat de la femme par l'homme; leurs armes sont l'arc et des flèches genéralement em- poisonnées, un long sabre en forme de spatule et uné petite massue. Ils se rasent la tête sauf sur le sommet et ornent leurs bras et leurs chevilles de spirales ou d’anneaux de cuivre: ils ont aussi des colliers et des ceintures de perles. L’altitude de ces montagnes varie entre {oo et 300 metres: Le sol est sablonneux avec quelques veines d'argile, les mamelons sont arrondis et couverts de jungles entrecoupées de bosquets d'arbres, et quelquefois de belles forêls où croissent le Copalier et une liane qui donne abondamment la Gutta-Percha. La faune entomologique de ce pays est des plus curieuses. Les insectes y sont peu abondants, mais appartiennent à des groupes fort intéressants, parmi lesquels celui des Anibia est largement représenté; Je pris aussi des Callichromides et un Siernocera de très-srande taille, des Ténébrionides et de belles Arachnides du genre Phryne, très-remarquable par sa démarche semblable à celle des Crabes et la vivacité de ses mouvements. | Les Ouashimba semblaient s'être habitués à ma présence au milieu d'eux, lorsque tout à coup, et profitant de ce que j'étais retenu sous ma tente par une blessure à la jambe, ils vinrent m'intimer l'ordre de quitter leur pays, sous peine d’être assas- siné, alléguant que j'avais usé de sortiléges pour empêcher la pluie de tomber et de fertiliser leurs terres. La vue de mes armes les intimida d'abord ; mais leur audace allait toujours en augmentant, et je jugeai qu'il était prudent de partir, à mon grand regret, car j'avais formé le projet de passer plusieurs mois dans cette localité. Je revins à Mombaza et de 1à à Zanzibar. Après quelque temps de repos, j'allai visiter l'ile de Pemba, située au nord de celle de Zanzibar. Elle est très-basse et ses côtes profondément découpées laissent pénétrer dans l’intérieur la mer et les palétuviers, qui y forment des marais, vastes foyers de fièvres. Comme habitants et comme végétation , elle diffère très-peu de l'île de Zanzibar. Sa faune entomologique, sauf quelques espèces . MISS. SCIENT. —- IV. 3 = PL ee A qui semblent lui être particulières, diffère aussi très-peu de celle de Zanzibar. | | J'y contractai un accès de fièvre pernicieuse qui nécessita mon retour en Europe, et le 17 avril 1875 Jj'abordais sur la terre de France. J'estime à environ 3,000 espèces de tous les ordres les insectes que j'ai rapportés tant d’Abyssinie que du Zanguebar, et un tiers probablement constitueront des types jusque-là inconnus. La faune d’Abyssinie, en raison de l'altitude et du climat tem- péré de cette région, offre plus de ressemblance avec l'Europe, mais celle du Zanguebar présente des types tout à fait équato- riaux. Ce rapport, Monsieur le Ministre, est déjà trop long, malgré les nombreux faits que j'ai dû passer sous silence; mais je désirais que Votre Excellence n'ignorat point qu'à défaut des vastes connais- sances qui rendraient ces explorations plus fructueuses, le zèle et la bonne volonté ne m'ont pas manqué, pour me rendre digne de l'honneur que vous avez bien voulu me faire en me confiant une mission scientifique. Veuillez me permettre de, vous offrir les sentiments profondeé- ment respectueux avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur le Ministre, de Votre Excellence, le très-humble et obéissant serviteur. ACHILLE RAFFRAY. Archives des missions setendifiques. , EGI ISE COPHTE DE SOKOTA. Fig. EE. L fiques. S SCLETU Archives des méssion. en Et LISE COPATE DE SOKOTA. “ Tr A TT \Ù NE A ju | le Pa dt 4 WE i : ' + . : ; ’ CA é | ra de , \ n (gr Pan EE d AAME DV TIR i DR L “ . PA Pt MN à ñ L : ? cé AN: sf J ju Lo ÿ | NUE L À | < . À à \ g. | ‘ + C'FR Û , LA | , ‘ à | | . , " É D: * + à : } va LE ‘ à ( | Pr CT D RE RE RO PP erdifiques. LISSLONS SCL “ Archives des m SQUE D’AXOUM, OBELI Po VAE AN VE sure X ’ ‘ ES ‘ ” “ < 4 PAR Ÿ P A . ; Î A . * : 5 ‘ > L2 “ Ê » er. Le : Ê PA : … \1 ‘ » 4 À . 2 ; ‘ … ; “ ‘ ES . a: is n ù vas PT DE | x h : à £ LA . ": bare esbaer eng LE AL Re : \ 27 f » SA, £ - L] : : [ vues RS | i ; | | . | | + L RAPPORT SUR UNE MISSION EN PALESTINE, PAR M. GUÉRIN. PREMIER RAPPORT. Jérusalem, le 6 juin 1875. Monsieur le Ministre, Avant de quitter la ville sainté pour me rendre directement à travers la Samarie à Nazareth, qui va être le point de départ des nouvelles recherches dont Votre Excellence a daigné me charger en Galilée, je crois devoir vous rendre compte sommairement des quelques remarques que j'ai faites pendant mon voyage de Mar- seille à Jaffa, et, en second lieu, du nouvel et consciencieux exa- men auquel je viens de me livrer au Kharbet el-Médieh, l'an- tique Modin, des restes du monument que j'ai signalé le premier, en 1870, comme étant le tombeau des Machabées, monument dont l'attribution a été depuis contestée, mais que j'affirme main- tenant plus que jamais être ce mausolée célèbre ou, du moins en offrir les débris. I. f DE MARSEILLE À JAFFA. Parti de Marseille le 14 mai dernier, je débarquai à Smyrne le 21 au matin. Cette grande ville, nonchalamment assise au fond de son admirable golfe, a presque doublé d’étendue et de population depuis vingt ans; elle compte actuellement 200,000 habitants. Il n'entre pas dans mon dessein de vous la décrire ici; d’ailleurs je n'ai pu jeter sur ses principaux monuments qu'un très-rapide coup d'œil. Je me bornerai à dire à Votre Excellence que les trans- formations qu’elle a subies ainsi que ses agrandissements ont fait et 9 de D Un continuent à faire disparaitre de plus en plus les traces de l'antique cité dont elle a conservé le nom. Celle-ci s'élevait en amphithéatre sur les pentes du mont Pagus. La première fois que j'abordai à Smyrne, en 1892, la citadelle qui couronnait cette hauteur était encore aux trois quarts debout, et l’on retrouvait dans le parement extérieur: de ses tours et de ses courtines un très-orand nombre .de beaux blocs provenant de la ville ancienne. Aujourd'hui on enlève ce parement pour bâtir des magasins et des maisons, et dans quelques années peut-être il. ne subsistera plus de cette vaste citadelle que le blocage intérieur. En montant sur l’une des tours, je contemplai de là la ville entière avec ses minarets, ses mos- quées, ses églises et ses sombres cimetières qu'ombragent de gigan- tesques cyprès, hauts comme nos peupliers. Plus près de moi je distinguais l’enceinte encore reconnaissable d’un ancien stade et celle d’un théâtre. Au loin vers l’ouest s'étendait à perte de vue l'immense golfe qu'envahissent peu à peu les atterrissements for- més par l’'Hermus. À une faible distance au nord serpentait le Mélés, humble ruisseau qui se vante d’avoir vu naître Homère sur ses bords. À l’est l'horizon était fermé par les montagnes de la Lydie dont Sardes était la capitale. Le long de la côte, au nord et au sud, je considérais les riches campagnes et les montagnes aux formes variées de cette molle et douce Ilonie où dorment près du rivage tant de villes autrefois célèbres et maintenant détruites, Clazomène, Téos, Lébédos, Claros, Notion, Colophon, Phygela et Éphèse qui les éclipsait toutes par la magnificence de son fa- meux temple de Diane dont on cherche depuis quelques années à exhumer les débris. J'évoquais dans mon esprit, en présence d’un tel panorama illuminé par un soleil resplendissant sous la voûte azurée d'un ciel sans nuages, tous les souvenirs que l’histoire et la poésie ont attachés à ces lieux célèbres. C'est, en effet, à travers un pareil prisme qu'il faut les contempler. Autrement on serait souvent altristé par des désenchantements cruels, en voyant ce que sont devenues ces cités, jadis si florissantes. Smyrne elle- même, qui est actuellement la véritable reine de l'Asie Mineure, ne doit pas être considérée de trop près, car l’incurie musulmane y éclate à chaque pas, et à côté de belles maisons européennes d'ignobles échoppes tombent en ruine. Je redescendis du mont Pagus où j'aurais volontiers passé des heures entières, tant était grand l'attrait qui m'y relenait, et Je En, de m'inchinai devant l'auguste mémoire de saint Polycarpe en passant près des restes d’une petite église consacrée à ce vénérable martyr; puis je me rendis à Bournabat, village situé à 8 kilomètres et demi de Smyrne, sur les dernières pentes du mont Sipyle, et où les riches habitants de cette espèce de capitale ont des villas charmantes au milieu de jardins plantés de citronniers, de grenadiers, d’orangers et de vignes, mais où m'attirait principalement un nouvel établisse- ment d'éducation pour les jeunes filles, fondé par nos sœurs de cha- rite. Je le visitai avec l'intérêt qu'il mérite. J'avais également visité à Smyrne le collége des Lazaristes, l'école des frères de la Doctrine chrétienne et l'hôpital français. Toutes ces fondations, dues à la France, sont dignes et ont besoin d'être puissammient soutenues, car en même temps qu'elles contribuent à transmettre et à faire luire d'âge en age le flambeau toujours allumé du catholicisme sur l'Orient dégénéré, elles perpétuent-également notre langue, nos bienfaits et l'amour de notre nationalité sur cette terre qui est de- venue la proie de la barbarie et que se disputent toutes les in- luences rivales de l'Europe divisée. Je manquerais donc à tous mes devoirs de Français et de chrétien, si je ne signalais à votre at- lention et à la reconnaissance de mon pays des établissements qui l'honorent et dont la prospérité fait partie intégrante de celle même de la France. Le soir du même jour j'étais de retour à bord de lIlissus, c’est le nom du paquebot qui m'avait amené et qui allait poursuivre sa route. Le 22, à dix heures du soir, nous touchâmes à Rhodes. Il me fut impossible de débarquer dans cette île que j'avais explorée out entière en 1854 et où j'aurais bien désiré constater par moi- même les effeis de la violente explosion d’une ancienne poudrière remontant à l'époque des chevaliers, et qui en 1856, à la suite de la chute de la foudre, éclata soudain et réduisit en cendres la belle église de Saint-Jean-Baptiste que j'avais visitée et décrite deux ans auparavant. Je me souviens fort bien qu’en causant une fois avec le pacha qui gouvernait alors l’île, je lui avais dit qu'une quantité assez considérable de poudre devait être cachée quelque part de- puis le dernier siége que la ville avait soutenu contre les Turcs. Pavais lu, en effet, dans une fort curieuse relation de ce siége mé- morable, écrite par un témoin oculaire, que le grand maïtre de l'artillerie, poussé par une basse jalousie contre Villiers de lIle- Adaun , ne rougit pas de trahir l'Ordre tout entier de Saint-Jean, en — 58 —. enfouissant dans des souterrains une partie des poudres dont il avait la garde, ce qui força les chevaliers à se rendre. Or, ce sont précisément ces poudres, traitreusement cachées depuis tant d’an- nées, qui, en 1856, prirent feu pendant un orage et produisirent dans la ville des désastres terribles : plus.de 400 habitants restè- rent ensevelis au milieu des décombres de l'église et de plusieurs maisons écroulées. Quand j'avais fait part au pacha de l'existence de cet ancien dépôt de poudre et que je lui avais conseillé de s’en préoccuper, il m'avait répondu : Dieu est grand, Dieu seul sait tout et pourvoit à tout. On conçoit, à cause de cela, que je dusse désirer de jeter un nouveau coup d'œil sur cette ville célèbre devant la- quelle, malheureusement, nous ne fimes que passer, notre paque- bot n’ayant qu'un voyageur à y prendre et aucune marchandise à embarquer. Nous poursuivimes donc notre route le long des ri- vages de la Lycie, puis de la Pamphylie et de la Cilicie. Le 24, nous abordèmes à Mersina vers onze heures et demie. Après avoir parcouru un instant cette ville toute moderne qui sert de comptoir maritime à Tarsous, l'antique Tarsus, patrie de saint Paul, je me rendis à cheval aux ruines de Pompéiopolis, ja- dis Soli, situées à 8 kilomètres de distance. À deux heures je fou- lais les débris solitaires de cette grande ville, aujourd’hui complé- tement déserte. Le mur qui l’environnait avait été bâti en belles pierres de taille, il est presque entièrement démoli et l’on en fouille actuellement les fondations pour en extraire des matériaux de construction. L'intérieur de la ville est également exploité de tous côtés comme une vaste carrière de pierres, de colonnes et de marbres. D’innombrables excavations à moitié cachées par d’é- paisses broussailles et que le printemps a tapissées de chardons, de fleurs et de hautes herbes, arrêtent à chaque pas l'explorateur. Néanmoins j'ai pu reconnaître les traces d’un théâtre dont les gra- dins ont été tous enlevés et dont il subsiste une belle voûte cintrée en pierres de taille qui sert quelquefois de refuge aux bergers. J'ai également suivi quelque temps les vestiges assez considérables d'un aqueduc d'apparence romaine et qui amenait à Pompéiopolis les eaux d’une rivière voisine. Mais ce qui tout d’abord, au mi- lieu des ruines de cette ville, l’une des plus importantes jadis de la Cilicie, attire et captive l'attention, ce sont les restes d’un im- mense portique à jour ou avenue de colonnes gigantesques qui traversait la cité d'est en ouest et aboutissait presque à son port. LY co T2 Ces colonnes, dont une cinquantaine au moins sont encore debout, sont couronnées de chapiteaux corinthiens: elles étaient, en outre, au-dessus de leurs chapiteaux, surmontées d'ornements divers, tels que vases ou statues. De plus, quelques-unes d’entre elles portent vers la moitié de leur füt une sorte de console engagée dans l'épaisseur d’un tambour et destinée sans doute à servir de base à une statuette. Une cinquantaine d’autres colonnes sem- blables. jonchent le sol de leurs débris au milieu d'énormes touffes de myrte du sein desquelles elles semblent émerger. En me fai- sant jour à travers ce fourré, j'ai pu copier cinq fragments d’ins- criptions grecques gravées sur ces colonnes. Beaucoup d’autres ont probablement échappé à mes recherches, qui ont été nécessaire- ment très-hâtives et très-superficielles, car à quatre heures j'ai dû m'arracher, à mon grand regret, à l'étude de cette vieille cité à la- quelle Pompée, en la réparant, avait enlevé le nom de Soli pour lui donner le sien, et qui est condamnée à disparaître lambeau par lambeau, par suite de l'agrandissement continu de Mersina. Dans une trentaine d'années, peut-être il restera peu de chose de cette ville; car après avoir démoli presque entièrement son enceinte, ses temples et son théâtre, on s’acharne actuellement après les belles colonnes dont je vous ai parlé, en les attaquant et les sapant par la base. Une fois qu'elles ont été violemment projetées à terre comme ün grand arbre déraciné et que leurs tambours déplacés ont roulé sur le sol avec leurs chapiteaux mutilés dans la chute, elles sont ensuite brisées et dépecées pour devenir de simples maté- rlaux de construction ou pour être portées dans des fours et trans- formées en chaux, triste destinée réservée à ces superbes colonnes qu'envieraient, comme ornement, nos plus opulentes cités. À cinq heures et demie j'étais de retour à Mersina et l’Ilissus se remettait bientôt en marche. | î Le 25, je débarquai à six heures du matin à Alexandrette. Cette ville, toute moderne, située au fond d'un grand golfe, sert de comptoir maritime à Antioche et à Alep. Les environs en sont na- turellement très-fertiles, mais trèsmarécageux, ce qui force pen- dant l'été, à cause des fièvres qui règnent surtout alors, la plupart des habitants aisés à chercher un asile plus salubre dans les mon- tagnes voisines. Le 26, à cinq heures du matin, notre paquebot, qui était reparti la veille au soir d'Alexandretie, jetait l'ancre devant Latakieh. " — 10 — | Je me hâtai de descendre à terre pour visiter cette ville, l'antique Laodicée ad mare, ainsi appelée pour la distinguer d’autres villes du même nom. Sa position est admirable et les jardins qui l’entou- rent sont très-fertiles; mais elle est elle-même grossièrement bâtie et plus grossièrement encore entretenue. Les colonnes de marbre et de granit qui ornaïent jadis ses temples et ses autres édifices publics se retrouvent, les unes dans les mosquées dont elles décorent l'in- térieur, et les autres, en beaucoup plus grand nombre, dansd'épais- seur des jetées et des bastions qui défendent l'entrée de son port à moitié ensablé, et où elles ont été engagées comme des espèces de poutres transversales. Les deux monuments antiques dont les restes y méritent, d'une manière plus particulière, l'attention de l’archéo- logue sont un temple et un arc de triomphe. IH ne subsiste plus du premier que quatre colonnes de grande dimension, couronnées de chapiteaux corinthiens. Le second est encore en partie debout. On remarque au-dessus des frontons qui décorent ses façades des trophées d'armes assez élégamment sculptés. Les mustflmans ont muré ses ouvertures et l'ont transformé en oualy. À neuf heures du malin, le même jour, notre paquebot pour- suit sa route vers Tripoli, où nous arrivons à quatre heures du soir, pour en repartir à sept heures et demie. Je consacrai ce court intervalle de quelques heures à parcourir - cette ville que sépare de sa marine et de son port une distance de trois kilomètres. La route que l'on suit est bordée de frais jar- dins où abondent les orangers, les grenadiers, les citronniers, les figuiers et les müriers; çà et là aussi s'élèvent quelques élégants palmiers. À l'entrée de la ville, on remarque la grande maison fondée en 1863 par nos sœurs de charité. Tenue avec un soin parfait par ces dignes filles de Saint-Vincent de Paul qui font hon- neur à la religion et à la France partout où elles s'établissent, elle réunit comme externes un assez grand nombre de jeunes filles ap- partenant à tous les cultes, et beaucoup de pauvres petites orphe- lines, la plupart Maronites, qui autrement mendieraïient dans les rues. À l’école est adjointe un dispensaire où les sœurs prodi- guent gratuitement leurs soins, leurs conseils et leurs remèdes à tous les malades qui viennent les consulter. En sortant de leur éta- blissement et de leur gracieuse chapelle, on retrouve immédiate- ment l’incurie musulmane qui éclate partout dans les rues, dans les bazars, dans les maisons. Le temps m'a manqué pour aller vi- D Es siter l’ancien château de Raymond et ia grande mosquée qui passe pour être une ancienne église chrétienne consacrée à saint Jean-Baptiste à l'époque des croisades. De retour à la marine, j'examinai quelques tours dans la cons- truction desquelles or a fait entrer un grand nombre de fûts mo- nolithes de colonnes, soit en marbre, soit en granit, et je m'em- pressai ensuite de regagner notre paquebot qui allait lever son ancre. Le 27, au matin, nous étions à Beyrouth. Cette ville, la plus belle actuellement de la Syrie, a pris depuis quelques années de trèsgrands accroissements. Je ne reconnaissais plus la cité que J'avais vue en 1852 renfermée alors dans une enceinte qui l'étrei- gnait. Ces vieilles murailles n'existent plus, ayant emporté mal- heureusement avec elles tous les souvenirs qu'elles rappelaient, et la ville a débordé de toutes parts au dehors, s’élevant par étages successifs sur les pentes de riantes collines parsemées de figuiers, de mélias, de sycomores et surtout de müriers. Jusqu'à six heures du soir Je promenai mes pas et mes regards dans cetle charmante cilé que je visitai et que je décrirai avec plus de détails quand J'aurai achevé l'exploration de la Galilée et que j'irai dans quelques mois my rembarquer pour la France. Là, encore les établisse- ments qui dominent et qui effacent tous les autres, ce sont ceux de la France, établissements de charité ou d'éducation, parmi lesquels il faut signaler celui des sœurs de charité, celui des dames de Na- zareth et le magnifique collége des Pères Jésuites qui, lorsqu'il sera terminé, sera l’une des merveilles du Levant, à cause de sa position et de sa vue incomparables, de ses vastes proportions et de la belle harmonie de son ensemble. Le 28, à huit heures du matin, je débarquai définitivement à Jaffa, après avoir serré cordialement la main à l'excellent com- mandant de lIlissus, qui, pendant toute cette longue traversée de quinze Jours, avait mis obligeamment à ma disposition ses carles marines que je consultais sans cesse, afin d'étudier, chemin faisant, toutes les côtes des continents ou des îles que nous longions. LL. NOUVEL EXAMEN DES RUINES D’EL-MEDIEH ET DU TOMBEAU DES MACUABEES. En foulantenfin le sol sacré de la Palestine que j'ai déjà à plu- se ÉD ; sieurs reprises sillonné sur tant de points, et où il me reste néan- moins encore tant à explorer, le premier problème qui se dressait en quelque sorte devant moi sur la route de Jaffa à Jérusalem, et que j'avais à résoudre, était celui de l'authenticité du tombeau des Machabées que j'avais découvert en 1870. On sait que M. Cler- moni-Ganneau y a pratiqué des fouilles en 1874, et qu'ayant trouvé une croix dessinée en mosaïque au fond de l’une des tombes, il en avait conclu que ce monument était chrétien. Cette croix en un tel endroit semblait, en effet, au premier abord, renverser mes conjectures et faire écrouler par la base ma prétendue dé- couverte. | « La présence de ce symbole irrécusable, disait ce savant orien- taliste, nous interdit désormais de considérer ce monument, dans son état actuel, comme celui des Asmonéens; il est chrétien et probablement byzantin, ce que confirment, d'autre part, les don- nées architecturales recueillies dans les excavations. Quant à l’exis- tence des pyramides, rien n’en est venu apporter une preuve; les encastrements signalés comme ayant été destinés à les recevoir n'ont jamais pu remplir cet office. Le nombre de sept, qu’on avait cru pouvoir déterminer comme celui des tombeaux, se réduit à trois... Le long parallélogramme dans lequel on avait voulu loger les sept sépulcres est hétérogène et s'est allongé à des époques suc- cessives. » ° J'ai déjà , dans le dernier chapitre du deuxième tome de l'ouvrage que j'ai publié récemment sur la Samarie, réfuté ces diverses ob- jections. Avant de les réfuter de nouveau, je voulais revoir ce mo- nument, tel que les fouilles pratiquées en 1874 par M. Clermont (anneau l'ont laissé. Le 29 mai, le lendemain de mon débarquement à Jaffa, J'étais donc au Kharbet el-Medieh, c'est-à dire sur l'emplacement de Mo- din. Il est inutile, je pense, que je démontre ici par des preuves empruntées à l'histoire, à la topographie et à la ressemblance des noms, que les ruines de Medieh sont celles de lillustre patrie des Machabées. Ces preuves, si je ne m'abuse, ont été suffisaniment développées dans mon ouvrage sûr la Samarie, et j'y ai moi-même réfuté l’erreur que j'avais commise en 1863, lorsque, dans mon étude sur la Judée, j'avais cru pouvoir reconnaître, d’après Robin- son, l'emplacement de Modin dans le village actuel de Latroun. Je m'étais alors sans doute approché de la vérité en me rapprochant CN HA de Lydda, non loin de laquelle il fallait, suivant Eusèbe et saint Jérôme, chercher Modin. Modsiu, xœouy myoior Atoom6cws..... Modeim, vicus juxta Diospolim. .... Auparavant la plupart des voyageurs plaçaient cette ville à Souba, qui est beaucoup trop éloignée de Lydda et dont le nom n'offre aucune ressemblance avec celui de Modin, tandis qu'El- Medieh n’est qu'a deux petites heures de Lydda et renferme, en outre, dans son nom les deux consonnes qui constituent celui de Modin : la terminaison seule varie. C’est donc à El-Medieh et non à Latroun, dont le nom également n'offre aucun rapport avec l'appellation de Modin, que nous devons nous arrêter définitive- ment pour fixer cette ville. Ceci une fois posé et admis comme un point incontestable, je crois qu'il est impossible, après les ex- plications que je vais donner à la suite d'un examen très-conscien- cieux, et deux fois répété en quatre jours, du monument en ques- tion, de résister à la conclusion qu'il offre bien réellement les restes à jamais précieux du mausolée des Machabées. En effet, non con- tent d'avoir moi-même, en quittant Jaffa, dirige mes premiers pas vers El-Medieh, j'y ai ensuite, après un court repos à Jérusalem, conduit quelques personnes désireuses de voir les débris de ce mo- nument célèbre, et dans cette seconde visite J'ai pu par un nouvel examen en étudier les moindres détails. Au lieu d’avoir renfermé sept chambres sépulcrales parallèles, comme je l'avais d'abord supposé, avant d’avoir pratiqué des fouilles assez complètes pour avoir une idée précise de l'intérieur du mausolée, celui-ci n’en contient que quatre, ainsi que cela ré- sulte des excavations exécutées par M. Clermont-Ganneau. Je me hâte donc d’avouer que cette première supposition de ma part était erronée et je mempresse de la rectifier. Mais ce que j'affirme avec plus d'autorité que jamais, après avoir examiné attentivement cha- cune de ces quatre chambres sépulcrales, c’est qu’elles ont dû pri- mitivement renfermer sept tombes, dont trois existent encore, et que l'emplacement des quatre autres est aussi en partie reconnais- sable, malgré les dévastations que ces chambres ont subies. J'affirme pareillement que le long parallélogramme courant de l'est à l’ouest, qui délimite et contient ces quatre chambres paral. lèles, ne m'a paru nullement hétérogène, mais au contraire conçu le Mie et exécuté à la même époque, les angles en étant parfaitement ré- ouliers et l'appareil des pierres étant le même, du moins dans la partie inférieure. Les remaniements et les dégradations qu'il a pu subir n’en ont point altéré le plan primitif. Les quatre chambres ouvraient toutes sur la façade nord. La plus belle et la plus impor- tante semble avoir été celle de l'extrémité orientale. Pavée en mo- saique, elle contenait trois tombes creusées dans le roc, une à l’est, une autre au sud et la troisième à l’ouest. C'est au fond de la tombe de l'est, à l'endroit probablement où reposait la tête du mort, que M. Clermont-Ganneau a trouvé une croix dessinée en cubes Jaunes, rouges et noirs sur fond blanc. Je reviendrai plus tard sur cette croix, qui, bien loin de détruire ma première hypothèse, la confirme pleinement à mes yeux. La partie supérieure de cette chambre, construite en belles pierres de taille que le temps et les hommes ont ébréchées, mais dans lesquelles il est encore facile de reconnaitre les pierres blanches et polies signalées par la Bible et par Josèphe, était recouverte de magnifiques dalles reposant sur des blocs superbes taillés en quart de rond. Ces détails ont été reproduits fidèlement par M. Mauss dans le plan qu'il a levé de ce monument après mes fouilles. Deux de ces dalles sont encore en place et sur l'une d'elles on remarque les traces d’un encastre- ment. La seconde chambre, contiguë immédiatement à la première, n'avait qu'une tombe aujourd’hui détruite, mais dont, je le répète, quelques vestiges sont encore visibles. Il en est de même de la troisième. La quatrième enfin renfermait deux tombes dans deux com- partiments que séparait un mur de refend percé d’une porte. J'y ai trouvé encore quelques ossements brisés. La partie la plus orien- tale de cette chambre avait été fouillée par moi en 1870, et j'y avais également recueilli alors plusieurs ossements humains et cinq petits cubes de mosaïque. Ces trois dernières chambres ont été probablement moins re- marquables que la première. Sur deux des pierres, dont l’une est actuellement déplacée, qui sont à la partie supérieure du mur de séparation établi entre la troisième chambre et la quatrième, on observe un encastrement trèsmarqué dans l'axe même du monu- ment et qui mesure 1°,80 de long. Cet encastrement, que J'avais signalé en 1870 et que M. Mauss avait indiqué dans son plan, se 0. lui a paru, ainsi qu'à moi, avoir pu servir de base à une petite pyramide. | j'oubliais de dire qu'en pratiquant une étroite tranchée le long de la façade septentrionale da monument, pour retrouver les portes qui y donnaient accès, M. Clermont-Ganneau a déchaussé en par- tie une colonne monolithe enfouie dans le sol. Un fragment de colonne semblable gît renversé dans la quatrième chambre, c'est- à-dire celle de louest. Moi-même en 1890 j'avais observé, à vingt-cinq pas de ce monument, neuf à dix tronçons de colonnes monolithes identiques aux deux penis: M. Mauss les avait également vus et mesurés après moi. Je n’en ai plus retrouvé qu "un ss cette fois-ci; les autres, au dire des habitants d'ElMedieh, ont été transportés il y a trois ans à Lydda; on avait déjà auparavant dépecé et vendu comme matériaux de construction ou même trans- porté intacts dans la même ville, ainsi qu'à Ramleh, d'autres frag- ments analogues provenant pareillement du inême monument. Mais il est temps maintenant, après tous ces détails dont je ga- rantis l'exactitude, de chercher dans la Bible ceux qui se rappor- tent au tombeau des Machabées. Voici les versets où il en est question: 25. Et misit Simon et accepit ossa Jonathæ fratris sui et sepelivit ea in Modin, civitate patrum ejus. 26. Et planxerunt eum omnis Israël pese magno, et luxerunt eum dies mullos. 27. Et ædificavit Simon super sepulcrum patris sui et fratrum suo- rum ædilicium altum visu, lapide polito retro et ante. 28. Et statuit septem pyramidas, unam contra unam, patri el matri et quatuor fratribus. 29. Et his circumposuit columnas magnas, et Super columnas arma, ad memoriam æternam; et juxta arma naves sculptas, quæ viderentur ab omnibus navigantibus mare. 30. Hoc est sepulcrum quod fécit in Modin, usque in hanc diem. PMlacho°L Fr, & 1x.) | Reproduisons actuellement le passage correspondant de Josèphe : Zion D nai uwyueïor uéyiolor Guoddumos TS marpi ai rois ddeX- Goïs adroÿ x Àldou Xsuxoÿ nai dveËsouévou. Eis mou d durd al me- pionloy dvayayær üdos, oloùs mepi adrd P&Aera xai o1vAous uovoi- fous, SauuaoTôv idetr Xpñua, dviolnot* moùs ToûTois dË ai Dupaidas énTà vois Te yoveüot ai rois ddeAGois, Énao là piav, duodduyoEY . (Antig. Judaiq. 1. XHE, e. vi, S 5.) ” ET De ces deux passages, tant de la Bible que de lhistorien Jo- sèphe, il résulte que Simon n'érigea le mausolée qui nous occupe qu'après la mort de son père, de sa mère et de ses quatre frères. Où avaient-ils déjà été enterrés précédemment? la Bible nous le dit au même endroit : | «Et ædificavit Simon super sepulcrum patris sui et fratrum suorum... » Ils avaient été dépôsés dans des sépulcres taillés dans le roc, à la manière judaïque, et Simon érigea au-dessus de leurs tombes, qu’il réunit dans une même enceinte, un mausolée bâti en belles pierres de taille, surmonté de sept pyramides, y compris celle qui devait orner sa propre tombe, et entouré d’un portique que soute- naient des”colonnes monolithes sur le haut desquelles on avait sculpté des trophées d'armes et des vaisseaux. If était visible de la mer et les navigateurs pouvaient le saluer en passant. Je le demande maintenant à tout esprit impartial? Où trouver en Palestine un autre monument sépulcral qui se rapporte mieux à la description que nous donnent la Bible et Josèphe du mausolée des Machabées, que celui dont je viens de décrire de nouveau les restes, avec encore plus de précision qu’en 1870, eee aux fouilles qui ont été faites depuis les miennes? Rappelons-nous que nous sommes sur le point culminant de la colline d'El-Medieh, qui domine la mer de 220 mètres, que là nous sommes dans le voisinage de Lydda, que de ce point on aper- çoit la Méditerranée dans une très-grande étendue, depuis Césarée au nord jusqu’à Ascalon au sud; que le monument que j'ai signalé à l'attention publique avait sept tombes, qu'il était surmonté de pyramides, comme le prouvent les encastrements que j'ai mention- -nés, qu'il était environné de colonnes monolithes, comme le dé- montrent les quelques fragments de füts brisés dont j'ai parlé, fragments nombreux il y a cinq ans, et qui l’étaient encore davan- tage auparavant, au dire unanime des habitants. Mais, me direz-vous, comment expliquez-vous la croix en mo- saique découverte par M. Ganneau et constatée par vous-même au fond de la cuve sépulcrale de la première chambre? Cette croix ne semble-t-elle pas donner à penser que le monument est chré- tien? À cela je répondrai, comme je l’ai déjà fait dans mon der- nier ouvrage, qu'une semblable conclusion me paraît singulière- ment forcée, Tout ce qu'il est légitimement permis de conclure de RE l'existence de cette croix, c’est qu'elle a été placée au fond de la cuve susdite à l'époque chrétienne, mais elle ne démontre nulle- ment qu'elle soit contemporaine du monument primitif et qu'elle doive le dater. Loin, en effet, de prouver que le mausolée dans la première fosse duquel elle a été dessinée n'est pas celui des Machabées, elle justifie, au contraire, selon moi, victorieusement mon hypothèse. Car d’un passage de saint Jérôme dans l'Onomas- ticon, au mot Modeim , il ressort que, à la fin du 1v° siècle de l'ère chrétienne, la mémoire des sept Machabées, princes Asmonéens, se confondait, dans la vénération des peuples, avec celle des sept frères Machabées martyrisés avec leur mère, l'an 166 avant notre ère, sous Antuochus Épiphane, par conséquent à la même époque et sous le même prince contre lequel Mathathias et ses vaillants fils avaient levé l'étendard d’une sainte insurrection pour la défense de leur foi et de leur nationalité. Voici le passage de saint Jérôme : « Modeim, vicus juxta Diospolim, unde fuerunt Machabaæi, quorum hodieque ibidem sepulcra monstrantur. Satis itaque miror quomodo Antiochiæ eorum reliquias ostendunt aut quo hoc certo auctore sit creditum. » En s'exprimant ainsi, saint Jérôme semble évidemment ne point distinguer ici les deux familles des Machabées, toutes deux juives et contemporaines, l'une composée de martyrs, l'autre de héros, mais ayant cela de commun que, s'inspirant des mêmes principes et du même dévouement, elles ont su lutter jusqu’à la mort, soit devant le tribunal d'un tyran, soit sur les champs de bataille, pour la revendication des croyances religieuses de leurs aïeux et de leur indépendance nationale. Les sept premiers Ma- chabées étaient vénérés, à Antioche principalement, dès les pre- miers siècles de l'Église, dans une basilique élevée en leur hon- neur, et où leurs saintes reliques étaient l'objet d'un culte spécial. Les sept autres Machabées reposaient à Modin dans le mausolée érigé par Simon, l'un d'entre eux, après la mort de tous les autres membres de sa famille. On conçoit sans peine que si une pareille méprise a pu échap- per à saint Jérôme, c'est qu'elle était, de son temps, partagée par un grand nombre de chrétiens. Par conséquent, tout porte à croire qu'alors les tombes des Machabées Asmonéens, à Modin, étaient entourées de la vénéraiion publique, tout comme à Antioche les si Se reliques des autres Machabées dans la basilique qui leur avait été consacrée. La croix que M. Clermont-Ganneau à trouvée dans Île fond de la cuve orientale de la première chambre de notre monu- ment ne doit donc plus nous surprendre, et malgré cette croix, ou plutôt à cause de cette croix même, je me confirme de plus en plus dans mon hypothèse. La fosse où elle a été découverte com- mençant la série des tombes, devait, à mon avis, avoir recu primi- tivement la dépouille mortelle du chef même de la famille, qui avait d’ailleurs succombé le premier, c'est-à-dire de lillustre et saint vieillard Mathathias, dont le sépulcre, en raison des vertus et ce la piété exemplaire de cet auguste personnage, a ‘fort bien pu avoir été transformé plus tard en une sorte d’oratoire chrétien. Nord. ‘D : CES Je joins ici un petit plan du monument. Ce plan est à la vérité un peu grossièrement fait par un simple ouvrier de Jérusalem qui m'avait accompagné; mais je n'avais pas trouvé d'architecte qui pût se rendre avec moi à El-Medieh. Toutefois ce plan, tel quil est, donne une idée exacte de ce mausolée. La première chambre, I, renferme, comme on le voit, trois tombes encore très-reconnaissables et à moitié intactes. La tombe À, marquée d’une croix en mosaique ajoutée à l'époque chrétienne, . est, à mon avis, celle de Mathathias.” . © La tombe B me paraît être celle de la mère des Machabées. La tombe C, celle d'Éléazar Machabée qui fut tué glorieusement dans une bataille livrée à Antiochus Eupator, non loin de Bethsura (Antiq. Jadaiq. XIT, 1x, $ 4). La seconde chambre, Il, contenait dans un tombeau D, actuellement rasé, dont j'ai figuré l'empla- cement visible encore néanmoins sur certains points, les cendres à “jamais illustres de Judas Machabée, qui succomba si héroïque- ment après son frère Éléazar, et dont par conséquent la tombe devait suivre la sienne (Antig, Judaïq. XI, x1, $ 2). sn OR La tombe E de la troisième chambre, IE, est également détruite, mais il est possible encore d'en suivre les linéaments. Cette tombe devait être celle de Jean Machabée, qui périt dans une embuscade en se rendant, sur les ordres de son frère Jonathas, vers les Arabes Nabathéens (Antiq. Judaiq. XII, c. 1, S 2). La quatrième chambre enfin, IV, renfermait, dans deux com- partiments, deux tombeaux. Dans le tombeau F, que j'ai fouillé en 1870 et qui est actuellement détruit, j'ai trouvé cinq petits cubes de mosaïque et trois ossements humains. Ce tombeau doit être celui de Jonathas Machabée, qui fut assassiné par Tryphon (Antiq. Judaïq. XII, c. vi, $ 5). La forme du septième tombeau, G, est encore très-reconnais- sable. En remuant la terre qui recouvre cette fosse rasée, j'ai re- cueilli des fragments d’ossements. Ce tombeau ne peut être que celui de Simon Machabée, qui mourut après tous ses frères, assas- siné par son gendre Ptolémée (Antiq. Judaiq. XIIT, c. vi, $ 4). Après tous ces détails, Monsieur le Ministre, je crois que l’on reconnailra que je n'ai point trompé l'Académie, lorsque le 27 juin 1870 je lui annonçais que j'avais découvert le tombeau des Ma- chabées et lorsque je suppliais mon pays de faire l'acquisition des restes précieux de ce mausolée. À cette époque le terrain qui les contient n'avait aucune valeur, et pour 3,000 francs j'espérais pouvoir l’acquérir, achever les fouilles et l'environner d’un mur, pour le soustraire à la destruction complète qui menace mainte- nant les débris de ce monument. Aujourd'hui les prétentions des habitants d'El-Medieh seraient sans doute beaucoup plus élevées, car leur attention a été vivement éveillée, et leur convoitise par conséquent très-excitée par les fouilles qu'on a déjà pratiquées deux fois en cet endroit et par les visites assez nombreuses que ces ruines vénérables ont reçues. Je quitte donc Jérusalem avec le vif regret de ne pas être à même de donner à la France un tombeau qui dans nos malheurs serait pour nous une leçon et une espérance, en nous rappelant ce qu’une famille héroïque a pu accomplir jadis pour la défense de sa foi et de sa patrie. Demain je partirai pour la Galilée, et Nazareth sera pendant deux mois mon quartier général et l'endroit où je viendrai de temps en temps rédiger mes notes et me reposer un instant des fa- tigues de mes explorations. Si Votre Excellence avait quelque ordre MISS. SCIENT. — IV. l — 50 — | à me transmettre, ce serait dans cette ville qu'elle ‘devrait me le faire parvenir. | | En terminant ce rapport que je vous écris à la hâte par une cha- leur déjà excessive, je vous renouvelle, Monsieur le Ministre, l'as: surance du profond respect avec lequel je suis | Votre très-humble et très-reconnaissant serviteur, V. GüERN. DEUXIÈME RAPPORT. Nazareth, le 20 juillet 1835. Monsieur le Ministre, Votre Excellence a dû recevoir le rapport que j'ai eu l'honneur de lui adresser de Jérusalem sur les premiers résultats de mes recherches en Palestine. Aujourd’hui je vais vous donner quelques détails sur les nouvelles investigations que je viens de faire depuis mon arrivée à Nazareth. En traversant la Siämarie pour me rendre dans cette ville, j'avais étudié de nouveau, chemin faisant, les ruines imposantes du mont Garizim, et, à mon grand regret, J'avais constaté que, depuis mon derpier voyage, on avait presque complétement détruit les pré- cieux restes de l’église octogone bâtie par l’empereur Zénon sur l'emplacement de l’ancien temple des Samaritains. Les belles pierres de taille exhumées, il y a quelques années, parles Anglais, lorsqu'ils fouillèrent ces débris vénérables, et les fragments de colonnes qu'ils avaient trouvés ont été transportés à Naplouse comme simples matériaux de construction, et avant peu les ara- sements encore visibles auront complétement disparu. La vaste piscine antique signalée et décrite par M. de Sauley comme atte- nante à l'enceinte sacrée de l'ancien temple samaritain, et encore presque intacte il y a cinq ans, a perdu une grande partie de son revêtement et elle s'écroule de toutes parts. Quant à cette enceinte elle-même, après avoir résisté à tant de siècles de destruction et après avoir abrité de ses tours et de ses puissantes murailles le temple des Samaritains bâti par Sanaballète, puis celui de Jupiter hellénien , et enfin l’église de Sainte-Marie fondée sur les décombres et probablement avec les débris de l'édifice précédent, elle com- ms D mence à étré’attaquée dans ses ruines jusqu'ici respectées, et plu- sieurs des énormes blocs qui la composent ont déjà été déplacés pour être brisés et changés en petits moellons. À Sebasthieh, l'antique Samarie, j'avais jeté également un nouveau coup d'œil sur les restes de la belle église de Saint-Jean- Baptiste, l’un des plus remarquables spécimens de l'architecture religieuse des croisés en Palestine, et sur la crypte célèbre où l'on vénérait autrefois les cendres du saint précurseur du Christ et celles des prophètes Élisée et Abdias. Une fois parvenu à Nazareth, je commençai aussitôt d'une ma- nière méthodique l'exploration de la Galilée, et d’abord je par- courus, village par village, toute la plaine d'Esdrelon qui jadis faisait partie de cette province. Le Djebel Dahy ou petit Hermon, qui s'élève à l'est dans cette immense plaine, a été pareillement de ma part l'objet d'un examen attentif. Je visitai successivement tous les villages à moitié ou tota- lement ruinés qui sont suspendus à sés flancs volcaniques ou gisent à ses pieds : Naïm, où Notre-Seigneur ressuscita le fils unique d'une pauvre veuve; Endor, où Saül alla consulter la py- thonisse avant la bataille fatale dans laquelle il devait succomber avec son vaillant fils Jonathas sur le mont Gelboë; Sunam, près de laquelle campèrent les Madianites ei les Amalécites avant leur combat contre Gédéon , et où le prophète Élisée rendit la vie au fils de la femme charitable qui lui avait donné l'hospitalité; Malouf, dont l’histoire ne parle pas, mais dont la nécropole tout entière creusée dans le roc est irès-intéressante et assez bien conservée. M'avançant ensuite vers l'est à travers d'autres villages qu'il serait trop long de mentionner ici, je gravis la montagne que couronnent les ruines de la forteresse de Kaukab el-Haoua. Cette forteresse mesurait 200 pas de long sur autant de large, et de trois côtés, vers le nord, le sud et l’ouest, elle était environnée de fossés profonds creusés dans le roc; du côté de l’est l'escarpement de la montagne suffisait à sa défense. Sa forme était celle d'un rectangle. Ses murs, construits en gros blocs, les uns complétement aplanis, les autres taillés à bossage, reposaient sur un soubasse- ment à talus incliné et recouvraient de vastes souterrains dont quelques-uns à voûte cintrée m'ont paru antérieurs au moyen âge. Une tour en saillie, de forme carrée, flanquait chacun des angjles; en outre une autre tour protégeait, à la partie centrale de chaque A . face, les portes qui donnaient obliquement accès dans le corps de la place. Au milieu de la forteresse on remarque les arasements d’un mur en belles pierres de taille courant de l’ouest à l’est au-dessus d’un magasin souterrain. Je suis porté à y voir les restes d’une ancienne église, à cause de la présence d’une colonne de granit gisant non loin de là. Deux autres tronçons de colonnes également en granit et qui ont attiré ailleurs mon attention me paraissent avoir appartenu au même édifice. Les ruines de cette citadelle aux trois quarts renversée sont maintenant habitées par une vingtaine de familles arabes qui ont élu domicile soit dans quelques-uns des magasins souterrains dont j'ai parlé, soit dans de misérables hutles orossièrement bâties avec d'anciens matériaux. À l'époque des croisades, ce château fort était celui de Belvoir, ainsi nommé à cause de la vue très-élendue dont on jouit du point culminant qu'il occupe et qui doit dominer de mille mètres au moïns la vallée du Jourdain. | R Une fois descendu dans cette vallée, je franchis le fleuve au Djisr el-Medjameh, et cheminant vers le sud le long de sa rive orientale, je poussai jusqu'aux ruines de Thabakat-Fahil, l'antique Pella, jadis l’une des principales villes de la Pérée et où les pre- miers chrétiens se réfugièrent, lors du siége de Jérusalem par Titus. Cette cité importante est aujourd’hui complétement détruite et abandonnée. L'un de ses plus remarquables monuments jonche de ses débris une belle plate-forme, en partie artificielle, qui s'étend auprès d'une source très-abondante, appelée actuellement Aïn el-Djerm, dont les eaux limpides forment un ruisseau qui serpente dans une riante vallée toute couverte d’un épais fourré de lauriers-roses, d’agnus-castus, de tamariscs, de roseaux gigan- tesques et de saules. Or sur la plate-forme que j'ai signalée gisent pêle-méle entassés des fûts monolithes de colonnes de différents diamètres, des tambours énormes appartenant à d’autres colonnes beaucoup plus considérables, des chapiteaux brisés, les uns corin- thiens, les autres ioniques, el beaucoup de magnifiques pierres de taille confasément amoncelées. Là probablement s'élevaient autre- fois un temple et un portique. Au-dessus vers le sud, sur une hau- teur voisine, deux autres édifices sont pareillement renversés de fond en comble avec les colonnes monolithes qui les ornaïent. Quant à la ville proprement dite, elle s’'étendait sur une longue colline courant de l'est à l’ouest, au nord de la vallée qu'arrose UT. ven l'Ain el-Djerm. Cette colline est tout entière envahie em ce mo- ment par des broussailles, des asphodèles et des chardons desséchés par le soleil, à travers lesquels il est quelquefois bien difficile de se frayer un passage. On heurte en outre à chaque pas des tas de matériaux de toutes sortes provenant de la démohtion de maisons et d’édifices. En m'’avancant à travers ces obstacles sans cesse renais- sants, je parvins à l'extrémité occidentale de la colline, et redes- cendant ensuile sur un plateau moins élevé, je me trouvai er présence d’une ancienne basilique chrétienne qui date peut-être de l'établissement du christianisme à Pella; car, à en juger par un pan de mur encore debout et par quelques arasements d’ab- sides, elle avait été construite avec des blocs de dimensions con- sidérables reposant sans ciment les uns au-dessus des autres. À l'ouest et au sud de cette église, de grandes constructions atte- nantes, elles-mêmes bâties en belles pierres de taille et presque entièrement rasées, devaient avoir une certaine magnificence, or- nées qu'elles étaient de colonnes corinthiennes dont les füts et les chapiteaux mutilés gisent à terre en cet endroit. Au delà vers l’ouest, je n'aperçus plus de ruines sur ce plateau; mais, en dirigeant mes pas vers le sud, je remarquai sur un mon- ticule qui domine l'oued el-Djerm la base d’une colonne encore en place, seul reste d'un petit portique qui décorait sans doute cette humble colline. De là on pouvait jouir de l'aspect charmant que devait offrir cette vallée lorsque, au lieu d’être envahie tout entière, comme elle l’est maintenant, par le fourré inextricable dout j'ai parlé, elle était occupée par de fertiles jardins au milieu desquels des ruisseaux intarissables répandaient la fécondité, l'agrément et la vie. Au bas de ce monticule, une avenue monte légèrement vers l’est, le long de l’oued el-Djerm, à droite, et de la colline où s’éten- dait la ville, à gauche. Cette avenue était autrefois bordée de co- lonnes monolithes dont on rencontre encore çà et là quelques füts brisés qui la parsèment; elle rejoignait la source et la belle plate- forme que jai mentionnée. Le coucher du soleil me surprit pendant que j'explorais ces ruines solitaires; je regagnai ma tente que j'avais fait dresser non loin de la source. Âu milieu de la nuit, de nombreux chacals vinrent rôder et faire entendre leurs miaulements plaintifs autour de moi ; ce sont, avec des sangliers qui abondent dans les fourrés de l'oued el-Djerm , les seuls habitants de cette ville déserte. Une autre cité de la Pérée, plus importante encore, appelait mon attention, pendant que j'étais dans l'antique pays de Galaad, c'était Gadara, aujourd'hui Oumm Keis. Je la visitai quelques jours après. Gadara est située sur le plateau onduleux d’une haute montagne au sud du Cheriat el-Mandhour, l'Hieromax de Panti- quité, l’un des principaux affluents du Jourdain. Elle était très- vaste et ornée de magnifiques édifices. Une longue avenue pavée de belles dalles et bordée de colonnes la traversait d’est en ouest. - À droite et à gauche de cette avenue s’élevaient sur divers monti- culés de nombreux monuments bâtis tous en pierres de taille et décorés pour la plupart de colonnes monolithes, les unes calcaires, les autres basaltiques, et soit corinthiennes, soit ioniques. Ils jonchent partout le sol de leurs débris. Plusieurs temples qui, à l’époque chrétienne, ont dû être transformés en églises sont pareil- lement renversés. Le monument le mieux conservé est un vaste théâtre construit avec de superbes blocs basaltiques. La plus grande partie des galeries voütées en plein cintre qui soutenaient les gra- dins est à peu près intacte, et avec de légères réparations pour- rail servir encore. Ce théâtre, en effet, n'avait pas été, comme beaucoup de théâtres grecs, adossé aux flancs d'une colline demi- circulaire; mais il avait été complétement bäü, les différents étages de gradins, dont plusieurs sont encore en place, reposant sur des voûtes de galeries superposées. Les spectateurs assis sur ces gradins, principalement sur les gradins supérieurs, avaient de là une vue magnifique ; ils embrassaient du regard la moitié du lac de Tibériade, une partie de la vallée du Jourdain, tout le quartier occidental de leur propre ville et le fertile plateau qui s'étend au delà. Au nord de ce théâtre, on avait ménagé pour s'y rendre une belle plate-forme artificielle mesurant 140 pas de long sur 4o de large; elle s’'appuyait sur une suite de magasins voûtés parallèles, construits en pierres de taille et dont dix-sept sont intacts; elle était elle-même décorée de colonnes basaltiques, comme le prouvent beaucoup de füts monolithes couchés par terre en cet endroit avec leurs chapiteaux corinthiens. Ün second théâtre est bien moins conservé que le précédent. Situé vers l'extrémité orientale de la ville, il regardait le nord. Les gradins avaient été disposés sur les flancs inclinés et semi- circulaires d’une colline dont les pentes avaient été appropriées à soir ER cet usage. Toutefois on avait également, pour soutenir une partie des gradins et faciliter l'entrée et la sortie des spectateurs, cons- truit une galerie voûtée dont la moitié existe encore, et qui avait été bâtie comme le reste du monument avec des pierres de taille d'un grand appareil. Toute cette ville est actuellement, comme Pella, hérissée d'un bout à l’autre de broussailles, de chardons et de hautes herbes, du milieu desquelles les ruines émergent, attirant sans cesse l’explora- teur qui cherche continuellement à en écarter ce fourré importun. Çà et là aussi s'élèvent quelques vieux arbres, témoins d’un passé depuis longtemps évanoui. Quant aux habitants actuels d'Oumm Keis (tel est le nom moderne de Gadara), ils ont presque tous élu domicile dans l’antique nécropole de cette ville. La cité des morts égalait par sa magnificence et par son étendue celle des vivants; elle se composait de très-nombreux caveaux mortuaires pratiqués dans le roc. Comme les mieux conservés et les plus con- sidérables servent aujourd'hui de demeures à autant de familles d'Arabes qui y vivent en véritables troglodyÿtes, je demandai au cheikh d'Oumm Keis de vouloir bien m’accompagner dans cette visite. Il se prêta de bonne grâce à mon désir et je pénélrai avec lui dans une vingtaine de ces anciennes grottes sépulcrales. Elles affectent presque toutes la forme que voici. Une large et profonde _entaille verticale pratiquée dans le roc conduit par plusieurs degrés à une porte monolithe ornée ordinairement de moulures imitant de gros clous, et de filets qui semblent la diviser en différents pan- neaux. Cette porte, d’un poids et d'une masse énormes, est basal- tique et roule encore après tant de siècles dans les mêmes trous où sont engagés depuis deux mille ans peut-être ses gonds de pierre. Un linteau la couronne; il est de même presque toujours basal- tique et sa face antérieure est décorée d’un disque entre deux rosaces. Un seul m'a offert une inscription; elle a été gravée en caractères grecs, la voici : j EP OU Après avoir franchi cette porte, on se trouve dans une chambre plus ou moins vaste et renfermant parfois des enfoncements qui jadis contenaient des sarcophages. Là sont entassées dans les ténèbres des familles entières, des poules, des ânes et même des chevaux. Quant aux sarcophages qui remplissaient ces antiques asiles de la mort, ils sont disséminés maintenant en dehors des grottes sépulcrales et jonchent par centaines de leurs débris mu- tilés le plateau rocheux au milieu duquel elles avaient été creusées. La plupart, en effet, ont été non-seulement ouverts et violés, maïs réduits en pièces par les habitants d'Oumm Keis, qui espéraient y trouver des trésors. Presque tous basaltiques, ils étaient ornés sur leurs faces de disques, de guirlandes et de rosaces. Très-peu sont demeurés à peu près intacts; jai remarqué sur l’un d'eux une tête d’Apollon avec les emblèmes du dieu de la lumière; sur un se- cond, une tête de femme; sur un troisième, un enfant figurant un génie. Gadara était séparée par une rivière importante d'une ville voisine nommée Amatha et située au nord de cette rivière: GCelle- el, le Cheriat el-Mandhour de nos jours, l'Hieromax d'autrefois, ainsi que je l'ai déjà dit, roule ses eaux rapides, et sur beaucoup de points mugissantes, dans un lit tortueux dont les berges sont en partie basaltiques et se dressent en certains endroits verticalement, semblables à des murailles gigantesques dont l'aspect est singu- lièrement austère et imposant. Elle forme ainsi une limite natu- relle entre le Djoulan au nord, l'antique Gaulanitide, et le pays de Galaad au sud. Je sortis donc de cette dernière contrée en fran- chissant le Cheriat el-Mandhour et j'entrai dans la Gaulanitide Inférieure. Je traversai à gué ce torrent, mon cheval ayant de l'eau jusqu'au haut du poitrail, et je me trouvai immédiatement après au milieu des ruines de Hammeh, jadis Amatha, signalée par Eusèbe et par saint Jérôme, dans l'Onomasticon, comme étant dans le voisinage de Gadara et comme renfermant des sources d'eaux chaudes. « Est et alia villa in vicinia Gadaræ nomine Amatha, ubi calidæ aquæ erumpunt. » Dans un autre passage de l'Onomasticon, au mot Gadara, il est également question de ces sources thermales et de l'établissement de bains qu'on y avait fondé au pied de la montagne de Gadara. « Gadara, urbs trans Jordanem, contra Scythopolim et Tibe- ms Fi) == riadem ad orientalem plagam sita in monte, ad cujus radices aquæ calidæ erumpunt, balneis super ædificalis. » Cet établissement de bains fut la première grande construction dont les ruines attirèrent mes regards quand je fus arrivé à Ham- meh. Il avait été bâti avec de beaux blocs basaltiques parfaitement appareillés et se composait de plusieurs grandes salles voüûtées, aujourd'hui aux trois quarts démolies, et dont l’une encore en par- tie debout renferme un réservoir où bouillonne incessamment une source très-considérable dont les eaux forment ensuite un ruis- seau et ont une température qui dépasse 50 degrés. Elles sont légèrement sulfureuses et, dit-on, très-salutaires pour certaines maladies. Aussi sont-elles encore fréquentées, même de nos jours, au mois d'avril principalement, car dès le 15 mai la chaleur est telle à Hammeh, que dominent de tous côtés des hauteurs soit basaltiques, soit calcaires, et où plusieurs autres sources thermales jaillissent du sol, que les baigneurs se hàâtent de se retirer, aban- donnant cette petite ville, bouleversée du reste de fond en comble, à sa solitude et aux moustiques qui dès lors y abondent. La plus grande partie de l'emplacement qu'elle occupait est maintenant couverte d'un épais fourré de doums, espèce d’acacias, au milieu desquels on se heurte sans cesse à des tas de matériaux basaltiques, restes de maisons démolies. J'Y ai rencontré également quelques colonnes de basalte qui devaient jadis orner un temple, plus tard peut-être transformé-en église, et les restes d’un théâtre adossé à une petite colline; quelques gradins sont encore en place; il avait été bâti avec de belles pierres de taille, mais sans galeries _voûtées comme le théâtre de Gadara. Deux autres villes considérables de la Gaulanitide, sans compter plusieurs villages , furent ensuite l’objet de mes recherches, je veux parler de Fik, jadis Aphek, et de Kalàt el-Hasen, l'antique Gamala. Fik est encore un village très-peu peuplé, mais très-étendu, qui s’arrondit en demi-cercle et comme en amphithéâtre, à la nais- sance d’une riche vallée où coule une source importante qui forme le ruisseau de l’Oued el-Fik. Beaucoup de maisons sont actuellement abandonnées et tombent en ruine. En les parcourant Jai remarqué que plusieurs d’entre elles contenaient des débris antiques, tels que linteaux de portes, pieds-droits, colonnes, les unes calcaires, mais la plupart basaltiques. Une mosquée, elle- même détruite, a remplacé une ancienne église chrétienne qui, RAS à son tour, avait dû emprunter ses colonnes à un édifice anté- rieur. L'emplacement d’une seconde église en dehors du village est encore reconnaissable dans un enclos planté de figuiers et de orenadiers, où abondent de nombreux petits cubes de mosaïque, restes de son ancien pavage, et où gisent plusieurs tronçons de colonnes monolithes. Cette ville de Aphek ou Apheca est signalée dans le passage sui- vant de l’Onomasticon. « Usque hodie est castellum grande Apheca nomine juxta Hip- pum, urbem Palestinæ. » | Il ne faut pas la confondre avec plusieurs autres villes du même nom, mentionnées dans la Bible, mais situées ailleurs. Non loin de Fik, vers l'ouest, s'élève une montagne isolée qu’en- vironnent de trois côtés des ravins profonds; vers l'est une sorte de longue chaussée étroite et facile à défendre la rattache aux mon- tagnes voisines, Cette montagne est couronnée de ruines appelées Kalat el-Hasen; c'est, selon toute apparence, l'antique Gamala. J'en ai exploré les débris solitaires, autant que me l’a permis la végétation luxuriante d'herbes et d’arbustes sauvages qui y croïssent de toutes parts. Un mur d'enceinte ayant une épaisseur de 1%,50 l'environnait partout où les énormes rochers basaltiques qui constituent les rebords supérieurs de la montagne présentaient des escarpements moins abrupts et moins verticaux. Les maisons avaient été bâties sur plusieurs points en étages successifs les unes au-dessus des autres; il va sans dire qu’elles sont toutes renversées. Plusieurs temples, plus tard transformés en églises, étaient décorés de colonnes monolithes, soit de basalte, soit de . granit gris, maintenant dispersées çà et là. Mais le monument le mieux conservé occupe le centre de la ville. Il avait été construit avec de superbes blocs basaltiques parfaitement agencés ensemble sans ciment, et figurait un hémicycle muni de plusieurs gradins demi-circulaires qui permettaient de monter sur une petite plate- forme du haut de laquelle on pouvait contempler toute la ville, le lac de Tibériade et un assemblage varié de vallées et de mon- tagnes. Devant cet édifice s'étend une belle plate-forme percée de plusieurs regards et jadis ornée de colonnes de granit aujourd’hui couchées sur le sol. Elle recouvre une vaste et magnifique citerne en partie creusée dans le roc et en partie bâtie avec de belles pierres de taille. | SR 7: Mt Le lac de Tibériade, avec les immortels souvenirs qu'il rappelle, avec les ruines qui en bordent les contours, avec les problèmes divers que ces ruines soulèvent et qui ne sont pas tous encore résolus, méritait de ma part un examen scrupuleux et tout spécial. J'en ai fait le tour complet. Sans entrer ici dans des détails qui dépasseraient de beaucoup les limites d'un simple rapport et qui me prendraient de longues heures que je dois plutôt consacrer à l'exploration de la contrée où je me trouve en ce moment, je dirai seulement à Votre Excellence qu'avec plusieurs savants voyageurs je place à Et- Tell, situé à 4 kilomètres au nord du lac, la ville de Bethsaïda Julias, qui avait en outre deux établissements sur les bords du lac à Aradj et à Mesadieh. Sur la rive orientale le Khar- bet Douka est une ruine dont le nom ancien n'est pas connu. Le Kharbet Kersa, que les Bédouins prononcent Guersa, me semble occuper l'emplacement et conserver le nom légèrement altéré de l'antique Gerasa où Notre-Seigneur débarqua un jour en venant de Capharnaüm et guérit un possédé du démon. L'esprit impur ayant demandé à entrer dans un troupeau de porcs qui paissait sur les montagnes voisines, l'Évangile nous apprend que le troupeau tout entier se précipita dans les eaux du lac et y périt. « Et magno impetu grex præcipitatus est in mare ad duo millia, et suffocati sunt in mari. » {Saint Marc, c. v, v. 13.) On comprend parfaitement ce verset si l’on place au Kharbet Kersa cette ville de Gerasa, qu'il ne faut pas confondre avec une autre ville beaucoup plus importante du même nom, située dans le Djebel Adjloum et appelée aujourd’hui Djerach. En effet, c’est un peu au sud du Kharbet Kersa que les montagnes qui bordent le lac s'en rapprochent le plus, en formant là une sorte de petit promontoire qui s'avance en pente jusqu auprès de la rive, et c'est là le seul endroit sur les bords orientaux du lac d’où les troupeaux aient pu se précipiter dans les flots, Partout ailleurs sur cette rive l'expression de præcipitatus est in mare eût été impropre. La rive occidentale au contraire offre plusieurs promontoires, mais le fait précédent s'est passé sur la rive orientale, puisque les trois évan- gélistes qui le racontent sont unanimes à nous dire que l'endroit où Notre-Seigneur débarqua en venant de Capharnaüm était au delà du lac, par conséquent sur sa rive orientale, Capharnaüm étant sur la rive occidentale. Les ruines de Soumrah , malgré leur faible importance actuelle, = Q0Q — me paraissent être celles de Hippos. Il ne faut pas s'étonner de n'v voir que des débris de maisons arabes. Un village musulman semble en effet avoir remplacé cette ville dont l'étendue devait étre beau- coup plus grande que l’espace occupé aujourd’hui par les ruines. Mais combien de villes importantes de la Palestine ont laissé encore moins de vestiges que ceux qu'offre le Kharbet Soumrah? et, sans nous éloigner du lac, la ville de T'arichée n'est-elle pas elle-même presque complétement détruite et comme effacée du sol? Et cepen: dant nous savons par Josèphe qu'elle était très-peuplée et d’une importance au moins égale à celle de Hippos. Sur la rive occidentale du lac, à 3 kilomètres au plus du rivage, le Kharbet Kerazeh doit, à mon avis, être identifié avec Corozaïn. J'y ai trouvé les débris d’une jolie synagogue en belles pierres ba- saltiques et plusieurs magnifiques blocs sculptés et taillés en formé de conques marines. Tout le monde a présente à l'esprit la malé- diction prononcée par Notre-Seigneur contre cette ville coupable : « Væ tibi, Corozaïn.....» (Saint Matthieu, c. xt, v. 21.) À Tell Houm je reconnais l'emplacement de Capharnaüm, que saint Jérôme dit être à 2 milles de Corozaiïn. « Chorozaïn , oppidum Galilææ, quod Christus propter incredu- litatem miserabiliter deplorat et plangit. Est autem nunc deser- tum in secundo lapide a Capharnaüm. » Effectivement Tell Houm n’est séparé de Kerazeh que par un intervalle de 45 minutes de marche, ce qui répond aux deux milles de saint Jérôme. On admirait encore à Tell Houm, il y a peu d'années, les restes d’une superbe synagogue. Ces restes, que j'avais moi-même étudiés en 1870 et qui avaient été exhumés avec beaucoup d'intelligence et de soin par une commission anglaise, sont maintenant en grande partie détruits ou transportés ailleurs. Les Bédouins qui campent dans les environs, voyant l'intérêt que les voyageurs portaient à ces ruines remarquables, se sontimaginé qu'elles recélaient des trésors. N’en trouvant pas dans les fondations, ils les ont cherchés dans les colonnes, dans les chapiteaux, dans Les blocs les plus richement sculptés , qu’ils ont brisés et mutilés avec un acharnement aveugle qu'enflammait une convoitise insensée. D'un autre côté, les habitants de Tibériade sont venus quelquefois extraire de ce même endroit de beaux matériaux de construction, de telle sorte qu'aujourd'hui les précieux fragments de celte syna: gogue ont diminué au moins de moilié depuis cinq ans, enlevés Le + ET pe où réduits à l'état de pierres informes, el si de pareilles dévasta- tions continuent, on cherchera vainement dans un avenir prochain les restes et même l'emplacement de cet édifice vénérable qui eut l'insigne honneur d'entendre souvent les jours de sabbat la parole du Christ pendant qu'il résidait à Capharnaüm, qui fut témoin de plusieurs de ses miracles, qui avait eu pour fondateur le cen- turion romain dont Notre-Seigneur guérit le serviteur malade, et qui avait alors pour chef Jaïre dont il ressuscita la fille, enfin qui faisait l’orgueil des habitants incrédules de cette ville. C'était là sans doute le monument qu'ils montraient avec fierté et qui avait élevé jusqu’au ciel leur folle et criminelle vanité. «Et tu, Capharnaüm, numquid usque in cœlum exaltabe- ris) usque in infernum descendes.....» (Saint Matthieu, c. xi, M 25.) Bethsaida de Galilée, distincte de Bethsaïda Julias, me semble devoir être identifiée avec le Kharbet Khan Minieh, et l’anse ma- récageuse où se perdent les eaux de l’Aïn et-Tin, aux trois quarts comblée actuellement et couverte de roseaux, d'agnus-castus, de lauriers-roses et de doums, servait autrefois de port à cette bour- gade de pêcheurs. Celle-ci, à part quelques vieux pans de murs et quelques arasements encore visibles dans la plaine, a été comme anéantie. Comprise par Notre-Seigneur dans les mêmes malédic- tions que Corozaïn, « væ tibi, Corozaïn, væ tibi, Bethsaïda! » elle a subi une dévastation plus complète encore que sa voisine, parce que, élant assise sur les bords du lac dont Corozain est éloignée de 2 kilomètres et demi, les matériaux provenant de ses édifices et de ses maisons ont pu être facilement transportés par barque à Tibériade. Au sud de Khan Minieh s'étend la fertile plaine de Génézareth, le Rhoueïr de nos jours, à l’ouest de laquelle s'élève la colline d'Abou-Choucheh, srte probable de l'ancienne Kenret, conme M. de Saulcy l'a supposé avec raison. À l'extrémité méridionale de la plaine se trouve le village de Medjdel qui a conservé le nom et la position de l'ancienne Magdala ou Magedan. Au sud de Medjdel est Thabarieh, l'humble héritière du nom et du magnifique em- placement de Tibériade. Hammam avec ses quatre sources thermales représente la petite ville célèbre par ses bains, appelée jadis Hammath ou Emmaüs. Enfin le Kharbet el Mellaha et le Kharbet el-Kerak nous offrent den ÈS 20 tout ce qui reste de T'arichée, ville autrefois puissante et considé- rable, mais depuis longtemps rasée de fond en comble. A l’ouest du lac de Tibériade, j'ai en outre, Monsieur le Ministre, parcouru presque loules les villes ou bourgades et même les simples villages ruinés ou encore debout qui sont situés entre le lac et Nazareth. Sans signaler à Votre Excellence toutes ces localités, je mention- nerai seulement ici Hattin, qui en 1187 fut témoin de la désas- treuse bataille dans laquelle succomba avec Lusignan le royaume latin de Palestine, le Kharbet Arbed, jadis Beth-Arbel avec ses grottes fameuses fortifiées par Josèphe et les beaux débris de sa synagogue; Yakouk, l'antique Houkkok; Eilboun, lPancienne Ail- bon; le Kharbet Oumm el-Amed, où j'ai trouvé les restes d’une synagogue et d’un superbe mausolée; Baheineh, Roummaneh, la Rimmon de la tribu de Zabulon, le Tell Rouma, la Rouma de. l'historien Josèphe, Sefourieh, jadis Sepphoris, etc. ete. Sur le mont Thabor j'ai constaté et considéré avec beaucoup d'intérêt la précieuse découverte que les KR. P. Franciscains de Nazareth viennent de faire, après des fouilles considérables, des restes d'une grande église qui, à l'époque des croisades, appartenait au couvent de Saint-Sauveur consiruit sur le point culminant de cette mon- tagne célèbre, à l'endroit où la tradition place la transfiguration de Notre-Seigneur. Cette église était ensevelie sous une masse énorme de décombres; rasée par les musulmans qui avaient construit par- dessus une tour très-puissante, elle renferme une crypte longue de 30 mètres et large de 6, à l'extrémité orientale de laquelle on a trouvé un autel encore debout. Cette crypte, en partie taillée dans le roc vif et en partie bâtie avec des pierres très-régulières, date peut-être des premiers siècles de l'ère chrétienne; dans tous les cas, elle me parait bien antérieure à l’église qui la recouvrait et qui a pu être relevée par les croisés sur lés ruines d’une église plus ancienne. | è Tel est en peu de pages, Monsieur le Ministre, le résumé très- abrégé, mais fidèle, des diverses explorations que j'ai faites en Galilée, depuis mon arrivée à Nazareth, c'est-à-dire depuis le 12 juin. J'ai depuis ce jour étudié : 1° La plaine d'Esdrelon et le Petit Hermon; 2° Les villes de la Pérée situées au delà du Jourdain, tant dans le pays de Galaad que dans la Gaulanitide, qui faisaient partie de la Décapole et étaient en relation incessante avec la Galilée, et que pour celte raison j'ai cru devoir comprendre dans le cercle de mes recherches : 3° Les alentours du Jac de Tibériade; h° Les villes, bourgades ou villages situés entre le lac de Tibé- riade à l’est et Nazareth à l'ouest. Je vais maintenant poursuivre mes investigations dans la partie occidentale de la basse Galilée jusqu'à la mer; puis je monterai dans la haute Galilée que j'explorerai méthodiquement de la même manière. 3.8 Malgré les chaleurs toujours croissantes qui parfois m'accablent et brisent mes forces, malgré aussi le choléra qui, dit-on, com- _mence à sévir à Damas et menace de se répandre de là en Palestine, j'espère, Monsieur le Ministre, qu'avec l’aide de la Providence, je mènerai à bonne fin les laborieuses et pénibles recherches dont j'ai sollicité l'honneur et que vous avez daigné me confier, et que je répondrai dignement à ce que Votre Excellence et l’Académie attendent de moi. Au-dessus de ma tente flotte le pavillon français qui me suit partout. J'ai ainsi tous les jours devant les yeux cette noble et symbolique image de la patrie absente. En la contemplant, je songe souvent avec tristesse à tout ce que j'ai laissé en partant, et alors des souvenirs bien chers assiégent et émeuvent profondé- ment mon cœur de fils, de frère, de père et d’époux, mais en même temps ce drapeau semble me répéter sans cesse qu'avant de revoir mon pays et ma famille, je dois, comme Français, chercher à les honorer autant qu’il est en moi, et, en dépit de tous les obstacles, marcher courageusement jusqu’au bout à l’accomplissement total de la mission dont j'ai été chargé. | J'ai l'honneur d'être, Monsieur le Ministre, avec le plus profond respect, le très-humble serviteur de Votre Excellence. V. GüuERIN. he TROISIÈME RAPPORT. Caïfa, le 20 septembre 1875. Monsieur le Minisire, J'ai eu l'honneur d'envoyer à Votre Excellence, il y a deux mois, mon deuxième Rapport sur les résultats de la mission scien- tifique que vous avez daigné me confier pour la Palestine. De retour à Caïfa, où je vais passer deux ou trois jours pour rédiger ce troisième Rapport, je n\empresse de vous rendre un compte très-sommaire, mais fidèle, de l'emploi de mon temps pendant les deux derniers mois qui viennent de s'écouler. J'avais parcouru précédemment la plaine d'Esdrelon, le Djebel- Dahy, le territoire occupé par les villes de la Décapole, tant en deçà qu’au delà du Jourdain, tous les alentours du lac de Tibé— riade, enfin la partie orientale du massif montagneux de la basse Galilée. Pour être méthodique dans mes recherches, je devais naturellement achever l'exploration de cette province et monter ensuite dans la haute Galilée. R En me rendant d’abord à Cäïfa pour y porter moi-même à M, le vice-consul de France en cette ville le rapport que je venais de rédiger, afin qu'il eût la bonté de le transmettre à M. le consul oénéral de Beyrouth, qui devait vous le faire parvenir, je visita, chemin faisant, plusieurs anciennes villes, aujourd’hui misérables “villages soit debout, soit renversés. À Maloul, la Mahlal du Tal- mud , jadmirai les restes d'un grand mausolée antique construit en magnifiques pierres de taille. I paraît avoir été à deux étages. La chambre sépulcrale, qui contenait jadis quatre sarcophages, sous quatre enfoncements rectangulaires, est elle-même voûtée en plein cintre. Elle était autrefois environnée de demi-colonnes et de pilastres que les habitants du village sont malheureusement en train de démolir actuellement, afin d'en vendre les belles pierres de taille, qu'ils commencent par réduire en moellons. Samounieh, la Simonias signalée par Josèphe (Wie de Josèphe, $ 24), n'est plus qu'un amas informe de ruines couvrant les pentes et le sommet d'une colline. Quelques colonnes éparses et de nom- breuses pierres de taille mélées à de menus matériaux indiquent l'importance qu'avait jadis cette petite ville, où je n’ai trouvé que trois pauvres familles de fellahs. Le E À Zebda ja remarque une dizaine de tombeaux creuses dans le roc et de sarcophages mutilés, restes d’une autre ville ren- versée de fond en comble. | Beit-Lehem, la Béthléem de la tribu de Zabulon, m'offrit les débris, mais fort peu reconnaissables, d’un édifice orné jadis de colonnes monolithes, qui a pu être une synagogue avant de deve- nir une église chrétienne. Tabaoun, la Tabaoun du Talmud, n'a guere d’antique que ses citernes. Il en est de même de Koskos et de Oumm el-A’mad. Gheikh-Abreikh , sur sa haute colline, entourée de trois côtés par des ravins, a succédé à une ancienne cité dont subsistent les arase- ments d'un édifice bâti en pierres de taille, des fûts de colonnes mutilées , des sarcophages brisés et de nombreuses citernes. J'incline à y reconnaitre la ville de Gaba mentionnée par Josèphe, comme étant à 6o stades de Simonias (Wie de Josèphe, $ 2h). À peine étais-je arrivé à Caïfa, qu'à la suite sans doute de mes fatigues précédentes et d'insolations répétées, je fus pris soudain d’un accès de fièvre tellement violent, que je crus un instant qu'il allait mettre un lerme à ma mission et à ma vie. Mais bien- tôt, grâce aux soins intelligents d'un bon frère du mont Carmel, médecin de ce couvent, je pus, à force de quinine, triompher du mal qui me torturait. La chaleur était alors énorme. Après quel- ques jours de repos, je pus remonter à cheval, et je n'eus qu’à remercier la Providence, qui ne m'avait retiré un moment ja santé que pour me la rendre presque aussitôt. Depuis lors, malgré les nouvelles fatigues, sans cesse renaissantes, que j'ai subies sept se- maines durant, je n'ai plus ressenti de nouvel accès de fièvre, et jai pu visiter environ 280 localités, villes ou villages, habitées encore ou depuis longtemps renversées, sur lesquelles j'ai recueilli des notes précises qu'il m'est absolument impossible de résumer aujourd hui à Votre Excellence dans un simple rapport de quelques pages, mais qui sont les matériaux d’un ouvrage étendu que j'espère avoir l'honneur de vous offrir plus tard, ainsi qu'à l'Académie. | J'ai parcouru d’abord toute la partie occidentale de la région montagneuse dont j'avais étudié la partie orientale. Les vil- lages et les ruines y abondent. Chaque colline, chaque montagne avaient été jadis non-seulement cultivées sur les pentes, mais en. core habitées au sommet. C'était donc une suite presque non MISS. SCIENT. — IV. 9 — 66 — | né interrompue d’ascensions à entreprendre, ascensions quelquefois très-pénibles, tant les sentiers qui serpentent le long des flancs rocheux et souvent hérissés de broussailles de beaucoup de ces hauteurs sont d'ordinaire affreux et capables de décourager le voya- seur, surtout lorsqu'il y chemine avec effort sous les rayons d’un soleil dévorant. Toutes ces collines, toutes ces montagnes ont été tour à tour gravies par moi, et j'ai pris note sur place de tout ce que j'y ai vu, ruines antiques, rüines du moyen âge, ruines plus récentes encore. J’ai recueilli ainsi beaucoup de noms de villes ou de villages sur lesquels l'histoire se tait complétement, et dont le passé est à jamais enseveli dans l'oubli. Quelques-unes de ces loca- lités néanmoins ont eu jadis une véritable prospérité à l’époque chananéenne, judaïque et chrétienne. De la première et de la se- conde époque il subsiste encore des citernes, des réservoirs ou bir- kehs, des tombeaux creusés dans le roc, des sarcophages, des pressoirs de différentes formes pour l'huile et pour le vin, des orottes factices, des tours de défense construites avec des blocs énormes, plus ou moins bien équarris et reposant sans ciment les uns au-dessus des autres, des terrasses artificielles bâties égale- ment avec des pierres grossièrement taillées et de grand appareil, des restes d'enceintes murées qui ont subi d'ordinaire des remar- niements ultérieurs, et des vestiges d’édifices sacrés ou profanes, tels que tronçons de colonnes, linteaux et pieds-droits gigantes- ques, cubes de mosaïques, etc. À l’époque chrétienne primitive, c'est-à-dire antérieure à l'invasion musulmane, il faut rapporter les débris de beaucoup d'églises et de couvents bâtis avec de belles pierres de taille qui ont été empruntées souvent à des monuments . plus anciens; les colonnes de ces églises étaient d'ordinaire mono- lithes et les chapiteaux doriques ou corinthiens. Plusieurs enceintes murées, des magasins souterrains à voûtes cintrées et en pierres de taille, doivent pareillement avoir précédé l'invasion musulmane et dater soit de l’époque romaine, soit de l’époque byzantine. Lors de l'arrivée des croisés, beaucoup de ces villes étaient probablement depuis longtemps en pleine décadence. Devenus maïtres du pays, nos pères y construisirent des châteaux forts, d'autres couvents ou d’autres églises, ou relevèrent celles qui étaient renversées. Ces constructions des Latins en Galilée ont été elles-mêmes en grande . partie détruites; j'en ai examiné et j'en décrirai plus tard les ruines. Enfin, dans le courant du siècle dernier, le fameux Dhaher- ND elOmar a fondé, sur plusieurs points importants de la Galilée. notamment à Chefa-Amar, à Kalat-Djeddin, à Abilin, à Deir- Hannah, à Kalat-Chema, etc., de puissants châteaux forts, eux- mêmes à moitié démolis de nos jours. Les ruines donc en Palestine s'accumulent sur les ruines, et quand on essaye d'y soulever la poussière du passé, on est souvent embarrassé pour distinguer nettement les couches successives de tant de décombres et de dé- bris confusément entassés. Mais je me hàte de sortir de ces considérations générales, pour aborder la discussion de quelque problème particulier. H est, dans la basse Galilée, au cœur même de la contrée, une plaine vaste et fertile, appelée de nos jours Merdij-ei-Bathouf; jadis elle était connue sous le nom de plaine de Zabulon. nscphe la désigne sous celui de plaine d'Asochis : Hxor or mdvres els rù uéya on év © OuétpiGor” Âcwyis &oîs üvoua Tour®. (Vie de Josèphe, $ 41.) Il y séjourna quelque temps dans une ville ainsi appelée, et qui par conséquent devait être importante, puis- qu’elle avait donné son nom à la plaine : Evvaybévres dé &o))dot wavrayober nara Tv émiodoar fxov sis Âcoylr mé, éba Sy Tir xarékucuv émouobunv. (Vie de Josèphe, $ 68.) | Dans un troisième passage, Josèphe semble indiquer qu elle était sur la route la plus directe conduisant de Sepphoris à Gabara, car Jonathas, ennemi personnel de l'historien juif, après être des- cendu de Sepphoris à Asochis avec les autres députés ses collègues, _se rendit de là à Gabara : Ilapa de ZerQopir ir eis Âcwylr naraËdyres, oi évreder ma- parhnoicws roïs Îa@nvoïs xareGbwr adrär..... Kara léfapa de YEVOUÉVOUS. . .. . (Vie de Josèphe, S 45.) Ün quatrième passage du même écrivain nous apprend qu'elle était tombée précédemment au pouvoir de Ptolémée Lathyre, qui s'en était emparé un jour de sabbat et y avait fait dix mille pri- sonniers et un grand butin : : Irodeuatos 0” éÉaiQvuns ÊTITEO DV Âcwyei rh Ts l'aluhaios wo- Âet cdéGaors aipeï xaTa npards aûTiv, xaù mEpi uÜpia cuuaTa nai mov éréoar #)abe }ciav..... (Antiq. Judaïig. 1. XIE, c. xnr, $ 4.) Immédiatement après, Josèphe ajoute , dans le paragraphe sut- vant, que Ptolémée, maïtre d'Asochis, essaya aussitôt, mais en 2 : } | — 68 — vain, d'emporter de force Sepphoris, peu éloignée, dit:1l, dé la ville qu'il venait de ravager : [espoicas de nai Zér@uwpeo punpôor &mwber =. DEROpÜNUÉPNS, Tels sont les renseignements que l’histoire nous fournit sur Asochis , telle est la ville dont il s'agit de retrouver l'emplacement, qui n’a encore élé déterminé par personne avec quelque certi- tude, aucun village, aucune ruine de ce nom ou d’un nom tant soit peu approchant ne se trouvant n1 dans la: plaine d'El-Bathouf, ni sur les collines qui l'entourent. Tâchons cependant de résoudre ce problème. De 8 Les villages encore debout qui environnent la plaine sont les suivants : Kefer-Menda, Roummaneh, Aouzeir, Baeineh. Kefer-Menda, village que le docte Robinson incline à identifier avec Asochis, est désigné dans le Talmud sous ce même nom, qui est par conséquent antique. Roummaneh est la Rimmon de la tribu de Zabulon. Aouzeir n'a jamais été qu’un simple village. Baeineh a dû être autrefois beaucoup plus important qu'au- jourd'hui; mais, à l'époque des croisades, cette localité est dési- gnée sous le nom de Lebeyne. Je suis donc disposé à penser que celui de Baeineh n’est qu'une altération d'un nom antique à peu près semblable. Quant aux ruines qui entourent cetle même plaine, en voici la liste : Kharbet Rouma, Kharbet Oumm el-Amed, Kharbet Nahtef, Kharbet Meslakhit, Kharbet Kana, Kharbet Khan el-Bedaouieh. Ces six ruines sont celles d'autant de petites villes ; mais il yen a deux que nous devons immédiatement éliminer, à savoir Kharbet Rouma et Kharbet Kana. Rouma est signalée par Josèphe sous ce même nom. Parmi les Juifs qui se distinguèrent le plus au siége de Jotapata, 1l men- tionne deux frères, Netiras et Philippe, originaires de Rouma en Galilée : Aprolor per Todror éPdynoar ddeXGoi dio Neripas nai Dihum- Tos dmd Pouuäs xauns, l'akuaïos xai aûroi. (Guerre des Juifs, 1. IE, ÉVITSNS TON.) Kana a également conservé sans la moindre altération son nom antique. Ce n’est pas ici le lieu d'examiner s’il faut y reconnaître la Cana de l'Evangile, où Notre-Seigneur accomplit l'un de ses premiers miracles. Cette discussion, que j'aborderai plus tard dans SR“ oR mon ouvrage, quand Je parlerai de Kefer Kenna, m'écarterait trop de mon sujet. Reste donc forcément à choisir, pour y placer le site de Asochis, entre Kharbet Oumm el-Amed, Kharbet Nahtef, Kharbet Mesla- khit et Kharbet Khan el-Bedaouieh. Ces quatre noms sont mo- dernes et d’origine purement arabe; mais les ruines auxquelles ils sont attachés sont antiques et dignes d'intérêt. 3 Au Kharbet Amed, j'ai trouvé les restes d'une ancienne syna- gogue dont il subsiste encore quelques tronçons de colonnes mu- ülées et de belles pierres de taille. J’y ai remarqué aussi les débris d'un mausolée qui paraït romain. | Le Kharbet Nahtef m'a offert sur une colline qu'elle couvrait tout _entière les vestiges d'une ville importante bouleversée actuellement de fond en comble. Quelques fragments de colonnes sont égale- ment épars çà et là au milieu d’une masse énorme de matériaux de toutes sortes, quelques-uns de grandes dimensions. Les ruines de Meslakhit sont également bre mais toutefois moins que les précédentes. L Le Kharbet Khan el-Bedaouieh, appelé pareïllement Kharbei Bir el-Bedaouieh, a été décrit par plusieurs voyageurs comme se composant uniquement d’un puits et d’un khan arabe aujourd'hui en partie démoli. Maïs s'ils avaient examiné seulement l'intérieur de ce puits, lequel est construit en belles pierres de taille, ils se seraient convaincus aussitôt que, si le réservoir qui l'avoisine peut avoir été réparé ou même bàti par les Arabes, il est lui-même antérieur à linvasion musulmane, et par conséquent au khan ruiné que l’on voit auprès. Donc ce puits tout seul indique que dans le voisinage nous devons trouver les ruines d’une localité an- üque. Or, précisément au-dessus du puits et du khan, s'élève une jolie colline aux pentes douces et depuis longtemps livrées à la culture. Mais les innombrables tessons de poterie qu'on y ren- contre prouvent qu'autrefois ces pentes elles-mêmes étaient habi- tées: elles conduisent d’ailleurs, par diverses terrasses successives, à un plateau supérieur tout couvert de ruines. Ces ruines, il est vrai, sont loin d'être toutes antiques, et l’on voit qu'un village musulman, lui-même détruit, a succédé là à une ancienne ville. De celle-ci 1l subsiste encore les arasements d’une puissante con- struction bâtie en magnifiques pierres de taille et flanquée sur l’une de ses façades de deux tours carrées. Sous cette espèce de ee me forteresse règne un vaste caveau éclairé par plusieurs soupiraux : aujourd’hui bouchés, et voûté en plein cintre; il a été également construit avec des pierres de taille très-régulières. Les ruines que je viens de signaler suffisent pour démontrer l’ancienne impor- tance de cette localité, el tout me porte à croire qu’elles appar- tiennent à l'antique Asochis. À mon avis, c'est dans ce château fort qu'a dû résider Josèphe pendant son séjour dans cette ville. Trois raisons me semblent justifier l'identification que je pro- pose : 1° L'importance même et la beauté de cette construction ; 2° Le voisinage de Sepphoris. D'un passage de Josèphe, en effet, il résulte que les villes d’Asochis et de Sepphoris étaient très-rapprochées l’une de lautre. Or 4 kilomètres tout au plus séparent Safourieh, l'antique Sepphoris, du Kharbet Khan el- Bedaouieh; | 3° L'une des routes les plus directes conduisant de Sepphoris à Gabara devait passer auprès du puits dit Bir el-Bedaouieh, ce qui s'accorde très-bien avec le passage de Josèphe où il est dit que les députés galiléens, äprès être descendus de Sepphoris à Asochis, se rendirent ensuite à Gabara, aujourd’hui Kharbet Kabreh. L’ex- pression de descendre dont se sert Josèphe, sis À cwyir XATAGAVTES, est très-juste, car l’acropole de Sepphoris est à 297 mètres au- dessus de la mer, et le point culminant de la colline d’El-Bedaouieh n'est plus que de 197 mètres. | Non loin de la plaine d'El-Bathouf, une autre localité, beau- coup plus célèbre que la précédente, demandait de ma part un examen sérieux. Il s’agit de Jotapata, immortalisée par le siége héroïque qu’elle soutint contre les Romains. Je n’avais point à la retrouver, car elle a été identifiée depuis longtemps avec Djefat, et cette identification est parfaitement fondée. J'avais seulement à en étudier les ruines, le site et les environs, afin de mieux com- prendre toutes les circonstances du siége mémorable raconté par Josèphe. Cette étude, que j'ai faite avec soin, m'a amené à con- clure, comme je le montrerai plus tard, qu'il ne faut pas prendre à la lettre, ici comme dans beaucoup d’autres occasions, tous les détails du récit de Josèphe. Il y en a qui s'accordent très-bien avec la nature des lieux, mais il y en a d’autres aussi qui parais- sent invraisemblables quand on a examiné le terrain, et que je regarde comme empreints d’une sorte d’exagération orientale. es: D — Josèphe, par exemple, nous parle de ravins entourant la ville, d'une profondeur telle que le regard ne pouvait sonder d'aussi effroyables précipices. Or j'estime à 120 mètres au plus l'altitude du point culminant de Djefat par rapport aux vallées qui l'envi- ronnent de trois côtés. Ensuite je goute que la ville de Jotapata ait jamais pu renfermer une population aussi considérable que celle qui résulte des chiffres de l'historien juif, lequel affirme que quarante mille habitants succombèrent dans ce siége (Guerre des Juifs, liv. IT, chap. vu, $35). Enfin, que penser de la cachette mys- térieuse au fond de laquelle Josèphe se déroba quelque temps aux recherches des Romains et de l'artifice qu'il employa pour sauver sa vie, malgré les quarante compagnons ui occupaient avec lui la . même citerne, et qui préférèrent la mort à la honte de se rendre aux vainqueurs? De nombreuses cavernes et citernes sont creusées soit sur le plateau, soit sur les flancs de la hauteur de Djefat; plu- sieurs sont d'anciennes carrières transformées ensuite er réservoirs plus ou moins vastes et profonds. J'en ai examiné au moins une vingtaine, mais aucune de celles dans lesquelles j'ai pénétré n'au- rait pu dérober longtemps ni Josèphe ni ses quarante compa- gnons aux regards et aux mains des Romains, qui, une fois maîtres de la ville, en scrutaient toutes les cavernes pour y tuer impi- toyablement ceux qui s’y étaient réfugiés. On me dira peut-être : De ce que vous n'avez pas trouvé de cachette assez secrète pour avoir pu servir de théàtre à la scène singulièrement dramatique racontée par Josèphe, faut-il en conclure qu’elle n'existe pas? Faut-il surtout accuser la véracité de l'historien et révoquer Île fait lui-même en doute? | | J'avoue que je suis loin d’avoir exploré toutes les grottes et toutes les citernes de Djefat, mais je crois avoir examiné les plus consi- dérables, et si sur ce point, comme sur les points précédents, je n'accepte le témoignage de Josèphe qu'avec quelque réserve, c'est que l'étude de cet auteur sur les lieux mêmes m'a démontré que dans certaines circonstances il a préféré à la pure et exacte vérité l’exagération qui communique aux faits une couleur plus drama- tique. D’autres villes de la basse Galilée appelaient également mon attention , telles que Sogane , actuellement Sakhnin ; Araba, aujour- d'hui Arabeh; Gabara, jadis l’une des plus grandes cités de cette province et qui n'est plus maintenant qu'un monceau de ruines Sa: a 2 5 a 2 = D ee sous le nom de Kharbet Kabreh ; Saab, le village de Chaab de nos jours ; Caboul, qui a conservé fidèlement son nom antique; Zabu- lon, qui a transformé légèrement le sien en celui d’Abilin, etc. Il est inutile de dire que je les ai toutes visitées. Descendant ensuite des montagnes dans l'immense plaine de Saint-Jean-d’Acre, j'ai sillonné celle-ci dans toutes les directions, depuis Caïfa, au sud, jusqu'au Ras en-Nakoura, au nord. Tous les villages renversés ou encore debout dont elle est parsemée ont servi tour à tour de but à mes explorations. Je devais naturellement étudier avec un soin tout particulier ia ville de Saint-Jean-d’Acre. Je ne pouvais pas espérer que j y re- irouverais aucune trace de l’antique Acco, ni même de Ptolémais, auxquelles elle à succédé; mais la ville du moyen âge a joué un. tel rôle dans l'histoire, à l'époque des croisades , et elle a conservé de nos jours une telle importance, que je n'oubliai rien pour la voir en détail. Grâce à la bienveillance du commandant de place, je pus visiter Îles remparts, les bastions , les anciennes prisons, les magasins souterrains, dont plusieurs doivent dater de l’époque des croisades. Je pénétrai également dans toutes les mosquées, pour m'assurer si quelques-unes ne seraient point d'anciennes églises converties ensuite en sanctuaires musulmans. L’enceinte actuelle sans doute est toute moderne, et celle qui entourait la ville au moyen âge est détruite de fond en comble; il faut la reculer par la pensée à 600 mètres au moins au nord et à l'est de celle que lon voit aujourd'hui. Il est donc indispensable de tenir compte de ce fait capital, si l’on veut bien comprendre les opérations mili- taires racontées par les historiens latins ou arabes des croisades, à propos des différents siéges que la ville a soutenus alors, notam- ment lorsqu'elle fut attaquée par les forces réunies de Philippe- Auguste et de Richard Cœur-de-Lion, et défendue par l'armée de secours de Saladin. Les principales circonstances de ce siége mémo- rable, qui dura si longtemps, avec des péripéties si diverses, avec tant d’assauts meurtriers et de batailles non moins sanglantes, sont facilement saisies et acquièrent un jour et un intérêt nouveau sur le terrain, quand on replace les remparts, les tours et les bastions là où ils étaient, et que du haut de l'ancienne colline de Toron on embrasse du regard toute la ville et une grande partie de la plaine, le cours sinueux du Bélus, la colline de Kisan, où Saladin établit quelque temps son quartier général, et la montagne de Kharouba, ST. Vs où il dut se réfugier pendant l'hiver, quand la plaine, détrempée par les pluies, eut été transformée en marais. Après avoir achevé de parcourir la basse Galilée et la plaine de Saint-Jean-d’Acre, je commençai l'exploration de la haute Galilée, que sépare de la basse la grande et riche vallée de Medjdel Keroum. En effet, au nord de cette vallée, la plupart des mon- tagnes ont une altitude plus considérable qu'au sud, circonstance - qui a naturellement établi une ligne de démarcation entre ces deux parties de la même province : de là les deux dénominations dif- férentes de haute et basse. Généralement plus abruptes et plus hérissées de broussailles encore que les montagnes de la basse Galilée, silonnées par des oueds plus profonds et plus sauvages d’aspect, munies de sentiers qui ont cessé d'être entretenus depuis de nombreux siècles et sont quelquefois à peine praticables pour des chèvres, les différentes chaines montagneuses de la haute Galilée sont, d'un autre côté, excessivement riches en ruines de toutes sortes, que recèle souvent un fourré épais de térébinthes, de chènes verts, de lentisques, de caroubiers, de lauriers et d’arbousiers. Ce fourré, à travers lequel il faut s'ouvrir un passage bon gré mal gré, si l'on veut avoir une idée des constructions dont il cache les débris, était jadis rem- placé par des villes considérables qui avaient quelquefois une belle enceinte fortifiée, des édifices ornés de colonnes monolithes, soit temples, soit synagogues, soit églises, d'innombrables citernes, de grands réservoirs, des caveaux funéraires, des sarcophages, de gigantesques montants de pressoirs munis de rainures latérales et dont j'ai trouvé des spécimens complétement identiques, au milieu des plus anciennes ruines de la régence de Tunis, ce qui me fait incli- ner à penser que cette espèce particulière de pressoirs est d'origine chananéenne. Sur ces mêmes montagnes, envahies maintenant en partie par de hautes broussailles, une culture intelligente s'était partout emparée du sol, et, là où une végétation parasite et luxu- riante d'arbres et d'arbustes stériles, de ronces et de chardons gigantesques frappe seulement les regards, là s'élevaient par ter- rasses successives de belles plantations de figuiers, d'oliviers, de vignes, d'amandiers et d'autres arbres fruitiers; là, de nombreuses maisons et tours de garde étaient éparses avec des pressoirs creusés dans le roc où construits avec les énormes blocs monolithes dont je viens de parler. Que l'on ne s'imagine point que je trace 1ci un on 2 5 A mr nes tableau de pure fantaisie, œuvre factice de mon imagination. Non ; je relate fidèlement en témoin oculaire ce que j'ai vu et noté à chaque pas, et tous les jours j'ai pu constater de plus en plus la vérité de cesp aroles de l'Ecriture : Chacun était assis sous sa vigne et sous son figuier. D'ailleurs nous savons que la Palestine était extraordinairement peuplée, par rapport aux limites étroites dans lesquelles «lle était renfermée; nous savons également qu’à l’ex- ception de quelques villes de la côte, l'unique occupation des habi- tants était la culture du sol. Il n’est donc point étonnant que nous retrouvions encore maintenant, même dans les endroits en appa- rence les plus sauvages, les traces de cette ancienne culture. Ainsi, par exemple, les trois massifs du Djebel Djermak, du Djebel Beit Djenn et du Djebel Zaboud, qui dressent à l’ouest de Safed leurs flancs abrupts et hérissés de broussailles, paraissent, vus de loin, “uniquement propres au päturage des bestiaux. Eh bien! en les par- courant, j'ai rencontré d'innombrables vestiges de murs d’enclos destinés à délimiter des propriétés particulières, et des’ murs de soutenement formant terrasse. Un seul et unique village, celui de Beit Djenn, végète maintenant au cœur de ces trois montagnes; mais jadis plusieurs villes et villages dont j'ai retrouvé les restes y fiorissaient. La vigne y croît merveilleusement à une altitude de plus de 1,000 mètres. Le vieux cheik druse de Beit Djenn ma offert, à mon passage, une grappe énorme de raisin qui, par ses dimensions réellement gigantesques, me faisait songer à celles que les espions envoyés, par Josué dans la Terre promise avaient rapportées de la vallée d'Escol. Je serais infini, Monsieur le Ministre, si je voulais actuellement aborder l'étude des ruines que j'ai examinées successivement sur toutes ces montagnes; et comme il ne me reste plus guère que six à sept semaines avant le commencement des pluies, qui mettront nécessairement un terme à mes explorations, il vaut mieux, je pense, que je réserve ce travail de cabinet pour une époque ulté- rieure et que Je poursuive maintenant, sans plus de retard, le cours de mes recherches. J'ai encore, en effet, à explorer : 1° le district de Sour; 2° celui de Saïda, si toutefois le cordon sanitaire qui maintenant encore l'entoure, à cause du choléra, est bientôt levé; 3° les environs de Safed, que le choléra décime toujours. J'espère qu'avec la fin des chaleurs, qui commencent à tomber, cette malheureuse épidémie | ee Qes disparaîtra entièrement des parties de la Palestine qu’elle a en- vahies et où l'on ne peut se rendre actuellement qu'à la condition de faire ensuite une longue quarantaine. Au nombre des 280 localités que j'ai visitées soit dans la basse, soit dans la haute Galilée, il en est 44 qui ne sont marquées sur aucune carte et qui avaient échappé, je crois, aux recherches de mes devanciers. Elles sont toutes ruinées; quelques-unes n'ont dû être que de simples villages, mais d’autres ont été de véritables villes. En voici la liste, en attendani que je puisse les décrire plus tard : 1° Kharbet Bessouma : 2° Kharbet Cheratah: 3° Kharbet Kaisarieh; h° Kharbet Mahouz (très-considérable) : 5° Kharbet Hazimeh ; 6° Kharbet Deidabeh ; 7° Kharbet Abou Khaouarif; 8° Kharbet Dar Rharbieh ; 9° Kharbet Kalansaoueh ; 10° Kharbet Kabou el-Menaouat ; 11° Kharbet el-Amoud ; 12° Kharbet Oumm el-Amed, qu'il faut distinguer de Kharbet Oumm el-Aouamid, autre ruine infiniment plus importante, étu- diée avant moi par MM. de Saulcy, de Vogüé et Renan, et qui est celle d’une grande ville. Le Kharbet Oumm el-Amed dont il est question ici n'a été qu'un village; 13° Kharbet Oumm ech-Choukof; 14° Kbarbet et-Thouaireh: 15° Kharbet elFakhoura (considérable) ; 16° Kharbet el-Yanouhieh (considérable). Il est probable que ce nom est antique. J'ai trouvé en cet endroït plusieurs tombeaux creusés dans le roc et de nombreux cubes de mosaïques épars çà et là; 17° Kharbet el-Khaznebh ; 18° Kharbet Ferkha : 19° Kharbet Akbara {assez important); 20° Kharbet Ebria; 21° Kharbet ed-Deir ; 29° Kharbet Chefnin ; CSP dm ul: on 2 ARE nd * A a ve et ve 23° Kharbet Semoukhi1a : 24° Kharbet Kersifa (ville autrefois considérable ; citernes nom- breuses, colonnes, belles pierres de taille, pressoirs, tombeaux); 25° Kharbet el-Hameimeh ; | 26° Kharbet er-Rabateh : ; 27° Kharbet Charkieh {grande bourgade antique dont l'empla- cement est aujourd'hui en partie cultivé); 28° Kharbet Zouïleh (grande bourgade antique dont l'empla- cement est aujourd'hui en partie cultivé); 29° Kharbet elMansourah;. 30° Kharbet el-Hadjar (ruines d’une petite ville chananéenne, qui me paraissent les plus anciennes peut-être de la Palestine; tout y est creusé dans le roc ou construit avec d'énormes blocs véri- tablement cyclopéens) ; Fr 31° Kharbet Kefr Benin {ruines étendues sur une colline cou- verte actuellement de figuiers, de vignes, d’oliviers et de brous- sailles); 32° Kharbet Amsa ; 33° Kharbet Bezirieh; 34° Seroueh (ruines étendues, belles pierres de taille, arase- ments de plusieurs anciennes maisons, restes d’une tour en appa- reil colossal, citernes, etc. ); 35° Kharbet Channah: 36° Kharbet Djabrieh (bourgade renversée, au milieu d’épaisses broussailles) : 37° Kharbet Deir es-Seiah (ruines d’un beau couvent et d'une vaste église ornée de colonnes à chapiteaux corinthiens et anté- rieure certainement à l'invasion arabe: nombreux cubes de mo- saiques, amas confus de magnifiques pierres de taille) ; 38° Kharbet el-Betachieh (autre ancien couvent fortifié avec église ornée de colonnes monolithes; vestiges considérables d'un beau mur d'enceinte en pierres de taille) ; 39° Kharbet Arebbin (ancienne petite ville sur une haute col- line; restes d’une église bâtie en pierres de taille et décorée inté- rieurement de colonnes monolithes; citernes et grottes antiques; plusieurs maisons antérieures à l'invasion musulmane et encore en partie debout); | ho° Kharbet Hanouta; 41° Kharbet el-Abbasieh ; 42° Kharbet el-Rhernb; 43° Kharbet Kerkera (petite ville fort ancienne, sur une mon: tagne rocheuse isolée de toutes parts et commandant loued du même nom ; bouleversée aujourd'hui de fond en comble et hérissée de broussailles; elle n’est plus habitée que par quelques pauvres Bédouins qui y font païître leurs troupeaux ): 44° Kharbet el-Amerieh. Telles sont, Monsieur le Ministre, les 44 localités que je crois avoir reconnues le premier soit dans la basse, soit dans la haute Galilée. | Quant aux inscriptions que jai recueillies, elles se bornent à six, toutes grecques, et, sauf une qui est complète, les auires sont mutilées; je les ai copiées à Chefa-Amar, à laroun, à Maroun et à Dibel. Que si maintenant j'ose entreprendre une nouvelle exploration de Sour et de ses environs, et ensuite de Saïda, malgré les beaux et savants travaux qui ont été publiés sur ces deux villes et sur les districts dont elles sont comme les chefs-lieux, c'est que, dans le champ si riche des ruines de la Palestine, il y a, ce me semble, place pour tout le monde. Même après que les uns y ont récolte les plus amples moissons, d’autres peuvent venir encore pour glaner à leur tour et ramasser caà et là les gerbes oubliées par les premiers moissonneurs. En ierminant ce rapport, Monsieur le Ministre, je crois devoir vous communiquer le détail suivant : j'ai arboré le drapeau fran- cais au-dessus de ma tente, sur des montagnes et dans des loca- lités où il n'a peut-être jamais paru. Je puis affirmer qu'il a été partout respecté par les musulmans, par les Druses, par les Mé- tualis, par les Grecs; mais, par les Maronites , il a été de plus ac- clamé. Chaque fois que j'arrivais dans un village maronite où je devais passer la nuit, et où par conséquent je faisais dresser ma tente, aussitôt que la bannière française y était placée, le curé, accompagné des vieillards de l'endroit, s’empressait de se rendre au-devant de moi et de me souhaiter la bienvenue. Tous me répé- taient à l'envi que la France, malgré ses malheurs, était toujours leur patronne et leur unique amie, qu'ils n'avaient d’espoir qu'en elle et qu'ils faisaient des vœux sincères afin qu'elle reprit dans le monde, et en Orient principalement, la prépondérance et l'in- fluence dont elle jouissait autrefois: Quand c'était un jour de di ut. res manche et que j'assistais à la messe dans une église maronite, après l'office, le prêtre, en m'apercevant, adressait publique- ment une prière particulière pour la France, prière que tout le peuple répétait à haute voix, hommes, femmes et enfants. Vous devez penser, Monsieur le Ministre, que mon cœur de Français était profondément ému, lorsque j'entendais ainsi, dans des mon- tagnes perdues et dans de misérables villages, monter vers le ciel, en faveur de notre infortunée patrie, les voix de ces pauvres fellahs recueillis et agenouillés, qui ont gardé pour la France, en dépit de sa gloire éclipsée et de son abaissement actuel, un invincible et inaltérable amour. J'ai l'honneur d’être, Monsieur le Ministre, avec le plus profond respect, Le très-humble serviteur de Votre Excellence, V. GuERIN. QUATRIÈME RAPPORT. ù Paris, le 29 janvier 1856. Monsieur le Ministre, De retour de la mission scientifique que Votre Excellence avait daigné me confier pour la Palestine, je vais résumer brièvement dans ce quatrième rapport les dernières explorations que j'ai ac- complies dans les divers districts que jy ai visités, à partir du 25 septembre, jour où je me remis en marche après avoir achevé mon troisième rapport, jusqu’au 1 1 décembre, date de mon rem- barquement à Beyrouth pour la France. Durant ces deux mois et demi, j'ai voyagé presque sans interruption huit et souvent dix heures par jour, et j'ai examiné environ 300 localités, les unes dé- truites et abandonnées depuis longtemps, les autres encore habi- tées. Un certain nombre d’entre elles n'étaient marquées sur aucune carte. Toutes seront plus tard décrites séparément avec les souve- nirs qui s’y rattachent, dans l'ouvrage développé que je vais com- mencer à rédiger sur la haute et basse Galilée, et qui fera suite à mes précédents travaux sur la Judée et la Samarie. Aujourd'hui SORT PE _Je me bornerai à donner à Votre Excellence une simple et courte analyse des principaux résultats de mes recherches pendant cette dernière tournée. La ville de Tyr faisait partie, il est vrai, de l’ancienne Phénicie; mais comme elle confinait au territoire de la tribu d’Aser et qu'elle devait être dans des rapports incessants avec cette tribu, je crus devoir la comprendre dans l'ensemble de mes investigations. Une foule de voyageurs sans doute l'avaient déjà visitée avant moi, el il pouvait paraître téméraire de ma part d'en entreprendre une nouvelle étude après plusieurs des savants éminents qui m'y avaient précédé. Tout le monde connaït les fouilles importantes que M. Renan y a pratiquées et les doctes chapitres que ce célèbre orientaliste a consacrés à cette ville et à ses environs dans son grand ouvrage intitulé: Mission de Phénicie, p. 527 et suivantes. Antérieurement à M. Renan, M. Jules de Bertou avait fouillé sur divers points le sol de cette même cité en 1838 , et publié en 1843 un Mémoire très-consciencieux qui avait pour titre: Essai sur la topographie de Tyr. En 1863, M. Poulain de Bossay, dans ses Re- cherches sur Tyr et sur Palætyr, avait fait preuve d’une rare érudi- tion et adopté quelques-unes des assertions avancées par M. de Ber- tou, notamment en ce qui concerne l'affaissement prétendu de toute la partie occidentale de l’île et l'existence d'une longue digue sous-marine s'étendant au loin à partir de la pointe sud-ouest dans la direction du cap Blane. Ces deux assertions, au contraire, ont paru très-problématiques à M. Renan, qui rejette d’une manière presque absolue la première, et incline également à repousser la seconde. | «M. de Bertou, dit-il (p. 564), croit avoir constaté l'existence d'une immense digue sous-marine partant du petit ilot le plus rap- proché de la pointe du mur gg et se dirigeant vers le cap Blanc. Nous n'avons jamais pu voir cette digue. M. du Boisguéhenneuc, après l'avoir plusieurs fois cherchée, en nie la réalité. Les marins en déclarent l'existence peu croyable à priori. Je sais combien 1l est délicat de prononcer avec assurance ces sortes de propositions négatives. Nous étions à Sour en la saison des mers agitées; il fau- drait, pour faire une expérience décisive, étudier les parages en question par une mer tout à fait calme... Nous appelons donc sur ce point un nouvel examen. » | C'est à cet appel de M. Renan que j'ai essayé de répondre. Me se GO rue trouvant moi-même à Sour dans la saison des mers iranquilles, ayant déjà visité cette ville à plusieurs reprises en 1852, en 185%, en 1863 et en 1870, ayant, de plus, étudié en 1860 les ruines des deux plus importantes colonies qu’elle avait jadis fondées, à savoir celles d'Utique et de Carthage, étant, de plus, au courant des diverses théories auxquelles sa topographie et son histoire avaient donné lieu, je crus que le desideratum formulé par ce sa- vant académicien s'imposait en quelque sorte à mes recherches et me faisait comme un devoir, non. pas sans doute de m'ériger en arbitre et en juge de la question, mais d'apporter en qualité de témoin oculaire mes affirmations personnelles pour tenter du moins de l’éclaircir. | Le 29 septembre, par une mer très-calme, je quittai le port septentrional de Sour; c’est le nom que les Arabes donnent actuel- lement à la ville que les Grecs et les Romains désignaient sous ce- lui de Tyr et qui, à l’époque de la domination musulmane, a re- pris, avec une très-légère altération, le nom phénicien de Tsôr, qui signifie rocher. La barque que je montais était mue par deux rameurs qui avaient ordre de s’avancer doucement et lentement, et de suspendre même souvent le mouvement de leurs rames, afin d’agiter le moins possible la surface de l'eau et de ne pas trop en troubler la transparence. Le gouvernail était dirigé par un vieux pêcheur d’éponges, habitué depuis sa jeunesse à plonger dans les flots et pour qui les profondeurs des parages de Sour n'avaient plus de secrets. Assis près de lui, ma montre et ma boussole à la main, j'étais constamment penché sur le bord de la barque, inter- rogeant et sondant sans cesse du regard les ondes presque dia- phanes que nous ridions à peine en les sillonnant, et notant avec soin les distances, les directions et les moindres objets qui méri- taient mon attention. Je parcourus ainsi durant plusieurs heures tous les alentours immédiats de la presqu'île tyrienne et je ne re- vins à terre que quand mes rameurs épuisés ruisselaient de sueur sous les rayons d’un soleil dévorant. Quelques jours après Je re- commençai la même expérience avec d’autres rameurs et un autre vieux pêcheur d'éponges dont les renseignements concordèrent complétement avec ceux que m'avait fournis le premier. Or, de ces deux reconnaissances que j'ai faites des parages de Tyr et des affirmations de ces deux pêcheurs, résultent les assertions sui- vantes : EN Fe 1° La digue qui vers le nord et vers l’est délimite de ce côté, quoique aux trois quarts renversée, le port septentrional de la ville, était jadis précédée d’une autre digue , actuellement sous-marine, et qui donnait ainsi à ce port une plus grande étendue qu'il ne l'a eue depuis, quand il a été resserré dans l'enceinte actuelle. Beau- coup de colonnes gisent couchées dans les flots entre ces deux digues. Ce port, appelé autrefois port sidonien parce qu'il regardait Sidon, est aujourd’hui en grande partie ensablé, et un certain nombre de maisons et de magasins cccupent, en outre, du côté de la terre ferme, une portion assez notable du bassin antique depuis longtemps sans doute comblé en cet endroit. Les fouilles exécutées sur ce point par M. Renan le prouvent péremptoire- ment. : 2° Les petits flots situés au nord de ce port abritent un peu la vaste rade qui le précède contre les vents d'ouest, mais la laissent ouverte aux vents du nord. Le plus considérable de ces ilots por- tait jadis probablement le nom de tombeau de Rhodope. Il est en partie plat, déchiré par plusieurs échancrures et balayé comme les autres par les vagues quand la mer est forte. Sa surface tailla- dée et rugueuse ne m'a offert les traces d'aucune construction, mais on voit que sur certains points elle a été autrefois exploitée comme carrière, et les gros blocs que l'on en a extraits ont dû être projetés dans les flots vers l’ouest; car de ce côté on distingue sous l’eau et la rame heurte les vestiges d’une digue submergée qui reliait sans doute cet ilot à celui qui l’avoisine vers le sud. Quand cette digue était debout, elle protégeait davantage la rade contre les vents d'ouest. On a également extrait des blocs des autres îlots, comme le prouvent différentes entailles qui y ont été pratiquées par la maïn de l’homme à une époque probablement très-reculée. | 3° À l’ouest des rochers plats qui bordent les contours occiden- taux de la presqu'île tyrienne, rochers qui sont battus et recou- verts par les vagues lorsque la mer’est tant soit peu houleuse et qui ne sont à sec que lorsqu'elle est tout à fait calme, on aperçoit sous l’eau en différents endroits les restes d’un mur épais que l’on pourrait confondre avec une ligne de récifs sous-marins, mais qui, au dire des deux pêcheurs qui me servaient de guides, est bien réellement dû à la main de l'homme. Ce mur avait eu jadis pour but de conquérir sur la mer tout l’espace occupé par ces ro- MISS. SCIENT. —— 1. 6 PT chers, en les rendant insubmersibles, et d° agrandir, d'autant le péri- mètre de la ville de ce côté. C’est sur l'un de ces rochers plats, vers le nord-ouest de la pé- uinsule, que l’on remarque une vingtaine de füts de colonnes en granit gris étendus horizontalement. | Guillaume de Tyr, en nous racontant le siéve et la prise de cette ville par les croisés en 1124, nous apprend qu’elle était défendue du côté de la mer par un double mur flanqué de tours, et du côté de la terre, c'est-à-dire vers l'est, par une triple enceinte que pro- tégeaient des tours à la fois très-élevées et très-rapprochées les unes des auires. « Erat autem (Tyrus) ex parte maritima per circuitum muro clausa gemino, turres habens altitudinis congruæ proportionali- ter distantes. Ab oriente vero, unde est per terras accessus, muro clausa triplici, cum turribus miræ altitudinis, densis admodum et prope se contingentibus....» {Guillaume de Tyr, 1. XIIE, c.w.) Pour ne parler en ce moment que de l'enceinte qui du côté de la mer, c’est-à-dire vers l'ouest, protégeait la ville à l’époque du siége qu'en firent alors les croisés, comme elle était double, ainsi que cela résulte de ce passage, Je retrouve ces deux remparts, l'un dans les resies du mur actuellement submergé que je viens de signaler, l’autre dans celui dont tous les voyageurs ont depuis longtemps mentionné les ruines et que l'on démolit progressive- ment d'année en année. Ce dernier, situé en deçà et à l’est du pré- cédent, était encore cà et là debout avec une partie des tours qui le flanquaient, lorsque, en 1852, je visitai Tyr pour la première fois. À présent tout le revêtement extérieur en a été enlevé, et pour arracher les nombreux fûts de colonnes engagés transversalement dans l'épaisseur de la construction, on détruit jusqu'au blocage même, qui finira par disparaître complétement. Tout l’espace qui s’étendait entre ces deux remparts avait été jadis conquis par les anciens Tyriens sur la mer, ainsi que je l'ai dit plus haut. Ils avaient exploité comme carrière, puis aplani sur beaucoup de points la surface des récifs qui bordaïent l'ile vers l’ouest, et ces ré- cifs, ainsi en partie nivelés et défendus contre l'invasion des flots par une digue actuellement sous-marine, avaient pu servir d’as- siette à des constructions aujourd’hui détruites de fond en comble et dont les débris ont dû être depuis longtemps emportés par la mer, qui reprend sans cesse, quand elle est haute et forte, posses- — 83 — sion de ces rochers bas contre lesquels elle brise quelquefois avec fureur. Cà et là néanmoins et netamment vers le nord-ouest, de lourds fûts de colonnes de granit ont résisté par leur masse à la violence des vagues, et couchés sur le roc, sont là comme des té- moins irrécusables des constructions dont j'ai parlé. Y a-t:il eu de ce côté, comme le prétend M. de Berlou, affaisse- ment de la péninsule tyrienne, et est-ce là la conclusion qu'il faut tirer également du passage suivant de Benjamin de Tudèle? Ce juif espagnol, qui visita la Palestine en 1173, s'exprime en effet ainsi à propos de Tvyr: « Que si l'on monte sur les murailles de la nouvelle Tvyr, on voit l'ancienne Tyr ensevelie sous les eaux de la mer qui ia couvre, à un jet de pierre de la nouvelle. Et pour en découvrir les tours, les places publiques et les palais qui sont au fond, on n'a qu'à s’y transporter dans une chaloupe. » { Voyages de Benjamin de Tadèle, 1 vol. in-8°, p. 32.) | À mon avis, il n’est pas besoin de supposer un affaissement du sol dû à quelque violent tremblement de terre pour expliquer ce dernier passage qui est certainement empreint d'une grande exagé- ralion, mais que je suis loin néanmoins de rejeter complétement. J'ai affirmé précédemment qu'à peine sorti de l'enceinte actuelle du port septentrional, on apercevait sous les vagues plusieurs fûts de colonnes gisant dans la mer et un peu plus loin les soubasse- ments d’une grosse digue sous-marine. Je m'imagine qu'à l'époque des croisades, c'està-dire à celle où Benjamin de Tudèle accomplit son voyage en Palestine, le port de Tyr était déjà réduit du côté du nord et de l'est à l'enceinte restreinte dont les débris émergent seuls de nos jours au-dessus de l'eau; et comme on distinguait sous les flots, au delà de cette digue, des colonnes, de gros blocs et d’é- normes tronçons de murs, Benjamin de Tudèle, au lieu d'y voir les restes d’une première enceinte, crut y reconnaître les vestiges d'un quartier submergé de la cité antique, vestiges dont il exagéra l'importance, en parlant de palais, de tours et de places publiques engloutis sous la mer. Je ne crois pas non plus qu'à l'ouest du mur sous-marin dont j'ai signalé l'existence à l’extrémité occiden- tale de la presqu'île, on puisse actuellement apercevoir sous les flots d’autres débris que ceux de ce mur découronné de toutes ses assises supérieures; mais ces débris ont pu faire supposer à Ben- jamin de Tudèle qu'il y avait pareillement de ce côté une partie de l'ancienne ville recouverte par les eaux de la mer. En résumé, 6. SENTE jusqu'a nouvel ordre et jusqu'à plus amples imformations obtenues au moyen d’investigations sous-marines plus complètes avec un appareil à plongeur qui me manquait, j'incline comme M. Renan à n’admettre aucun affaissement considérable de la presqu'ile vers l’ouest et vers le nord, et en cela j'hésite à adopter l'hypothèse émise par M. de Bertou et acceptée par plusieurs savants, entre autres par M. Poulain de Bossay. 4° Le bassin qui, au sud de la presqu'ile, a été signalé par M. de Bertou comme une sorte de Cothon, analogue à celui de Carthage, que M. Poulain de Bossay identifie avec le port égyptien men- tionné par les anciens, et que M. Renan considère comme une re- prise de la mer sur des terrains bas jadis remblayés et reconquis par elle depuis que la digue qui les mettait à l'abri des flots a été en partie détruite, me paraït être un vérilable port et est appelé ainsi par tous les pêcheurs actuels de Tyr que j'ai consultés. Seule- ment ce port n'était pas complétement fermé vers le sud, comme le veut M. de Bertou, et ne communiquait point par un canal tra- versant la ville du sud au nord avec le port septentrional ou sido- nien. [l n'avait pas non plus son embouchure vers la pointe sud-est, comme le suppose M. Poulain de Bossay; mais il communiquait avec une très-belle rade ou avant-port par une ouverture laissée libre dans la digue vers le milieu à peu près de son développement. Cette ouverture a conservé encore aujourd’hui le nom de bab el mina (porte du port). La digue en question a 5oo mètres de long de l'ouest-sud-ouest à l’est-nord-est. Elle a été construite avec de trèsgros blocs et du béton qui a acquis la dureté et l'apparence du roc le plus dur. On pourrait croire, à première vue et en l’exa- minant superficiellement, que c'est une simple ligne de récifs natu- rels; mais, en la considérant de plus près, on reconnait aussitôt que c'est l'ouvrage de l’homme et que d'innombrables débris de poterie ont été incrustés dans une épaisse couche de mortier. En partie sous-marine actuellement, elle renferme un assez vaste bassin qui vers l'est affecte la forme d'un étroit triangle et qui, en- sablé de ce côté, est encore trop profond vers l’ouest pour pouvoir être regardé comme un simple empiétement de la mer sur d'an- ciens remblais fouillés et creusés par les vagues. Le long de cette même digue J'ai observé une vingtaine de fûts de colonnes couchés et ensevelis sous les flots; ils sont tout couverts de petits coquil- lages qui y adhèrent fortement. 5° De nombreuses brèches pratiquées dans ce mole livrent maintenant le bassin qu'il délimitait à la violence des vents du sud. L’une de ces ouvertures, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, servait jadis d'entrée à ce port et le mettait en communication avec une vaste rade où avant-port que protégeait une digue gigan- tesque signalée déjà par M. de Bertou dès 1838. Cette digue, par- tant de l'un des petits îlots qui avoisinent la pointe sud-ouest de la péninsule, se prolonge vers le sud-est l'espace de sept à huit cents mètres au moins, puis elle se dirige vers l'est. Aujourd'hui tout entière sous-marine, elle est ensevelie sous plusieurs mètres d’eau, et ne défend plus, par conséquent, contre les vents d'ouest et de sud le magnifique avant-port qu’elle abritait autrefois. Je lai suivie avec une barque dans la plus grande partie de son étendue, et J'ai à plusieurs reprises ordonné à mes rameurs de s'arrêter, afin de pouvoir l’examiner plus à mon aise. Comme j'en étais séparé par une couche d’eau de trois ou quatre mètres de profondeur, je n'ai pas pu naturellement l'étudier de près, mais la mer étant calme, J'ai pu néanmoins l’apercevoir suffisamment pour m'assurer que j'avais là sous les yeux une sorte de long et large mur soit affaissé sous les vagues, soit découronné de toute sa partie supérieure. « N'est-ce point une longue ligne de récifs sous-marins? » demandai- je à dessein en divers endroits au vieux pêcheur qui me servait de guide dans cette exploration. « Non, me réponditil chaque fois, c’est bien un mur dû à la main de l'homme et entièrement identique à celui qui ferme le bassin que vous avez vu précédemment. Con- sidérez, pour vous en convaincre, ces énormes blocs détachés qui gisent sur le sable au fond de la mer.» Cette vaste enceinte sub- mergée est brisée sur plusieurs points; mais elle paraît avoir eu deux ouvertures principales donnant entrée aux navires vers l'ouest et vers le sud. Tel est en peu de mots, Monsieur le Ministre, le récit fidèle de ce que j'ai observé dans mes deux excursions maritimes autour de Tvyr. Ce n’est là, je l'avoue, qu'une simple reconnaissance, et pour avoir un travail complet et définitif sur cette matière, il faudrait que le Ministère de la marine en chargeàt pendant la belle saison des hydrographes capables, munis d'appareils à plongeur, qui étudie- raient avec soin tous les parages de Tyr en s’éclairant dans leurs recherches de tous les renseignements que. pourraient leur four- nir les pêcheurs de la ville. Autrement ils pourraient courir Île — 86 — risque de passer, sans s'en apercevoir, au-dessus de tronçons en- gloutis de môles antiques. La chose, je crois, en vaudrait la peine. il s'agit, en effet, non pas d’une cité ordinaire, mais de l'un des anciens comptoirs maritimes les plus célèbres du monde, d'une ville qui a été la métropole de Carthage et dont les navires parcou- raient jadis toutes les mers. Les ports d'une pareille ville devaient être proportionnés à son immense commerce et capables de rece- voir les nombreux bâtiments qui y entraient ou en sortaient. Un plan exact de ces ports et des digues actuellement submergées qui les défendaient n'a été encore fait par personne, et cependant, là consistait la principale gloire de Tyr, beaucoup plus que dans ses palais ou dans ses temples dont on cherche sans cesse à exhumer les débris. ” Protégée du côté de la mer par une double enceinte, Tyr, comme je l'ai dit plus haut d’après un passage de celui des his- toriens des croisades qui devait le mieux la connaître, puisqu'il en fut archevêque, était défendue à cette époque du côté de la terre par trois murs flanqués de tours très-élevées et très-rappro- chées les unes des autres. Cet historien ajoute, en outre, qu'au delà de cette triple enceinte régnait une palissade munie d’un large fossé dans lequel on pouvait, en cas de besoin, introduire l'eau de la mer par les deux bouts. « Ab oriente vero, unde est per terras accessus, muro clausa tri- plici, cum turribus miræ altitudinis, densis admodum et prope se contingentibus ; præterea et vallum late patens, per quod facile ejus cives possent mare introducere in alteruirum. » Cette triple enceinte est depuis longtemps détruite en grande partie; mais il en subsiste encore des débris plus ou moins considé- rables, les uns apparents, les autres ensevelis sous des monticules de sable qui s'élèvent progressivement. Ces monticules mêmes, avec les espèces de petits vallons qui les séparent, indiquent par leur direction celle des remparts dont ils dérobent à la vue les restes , et des fossés ou chemins de ronde qui s'interposaient entre chaque enceinte. Quant à la palissade et au large fossé où les habitants de la ville pouvaient à l’époque des croisades introduire l'eau des deux baies qui s’arrondissent au nord et au sud de la péninsule, il faut en chercher la place au delà de ces trois lignes de dunes; mais le sable, là aussi, a tout. envahi. Ce n’est pas ici le lieu de décrire l'intérieur de la ville. Qu'il me suffise de dire un mot à Votre Ex- NW cellence des fouilles qui ont été pratiquées, il ÿ a quelques mois, par les Allemands dans l’ancienne cathédrale. On sait que cet édi- fice a été bâti par l'évêque de Tyr, Paulin, et qu'Eusèbe, évéque de Césarée, prontnes le discours de consécration sous le règne de Constantin. C'était la plus belle et la plus grande église de la Phé- nicie. Au xr° siècle on y montrait encore le tonibeau d'Origène. En 1190, l’empereur Frédéric Barberousse y fut, dit-on, enterré. C’est principalement dans le but de rechercher et d'emporter les restes de cet empereur, que les Allemands entreprirent les fouilles dont je viens de parler. Comme une partie de l'emplacement que la basilique occupait avait été envahie par un certain nombre de masures musulmanes habitées par autant de familles de Métualis, ils commencèrent par acheter et raser ces maisons, puis ils ou- vrirent différentes tranchées à travers les nefs, les absides et le transept. Ces tranchées mirent, il est vrai, à nu plusieurs lom- beaux; mais ces lombeaux étaient tous brisés et avaient été, selon toute apparence, violés depuis longtemps. Aucun d’entre eux, que je sache, n'offrit ni signes ni fragments d'inscriptions propres à faire reconnaitre celui de l’empereur Frédéric. En poussant les excavatiôns sur certains points à plusieurs mètres de profondeur, on découvrit les assises inférieures d’une partie de la basilique, as- sises consistant en pierres de taille très-régulières et remontant vraisemblablement à la fondation même de l'édifice: les assises supérieures, au contraire, d’un appareil moindre, semblent attes- ter une restauration de l'époque des croisades. De tous côtés gi- saient sous un énorme amas de décombres de superbes füts de colonnes monolithes de granit rose et d’autres de granit gris. Ces colonnes, provenant probablement des antiques temples de Fyr, avaient été, à l'époque byzantine, couronnées de chapiteaux co- rinthiens en marbre blanc, d’un travail très-soigné. Plusieurs de ces beaux chapiteaux sont encore çà et là épars au milieu des ruines, mais ils ne tarderont pas sans doute à être soit mutilés, soit enlevés. Sur une base de colonne à droite et à l'entrée de l’ab- side centrale on remarque un À et un Q tracés en caractères grecs de moyenne grandeur, et entre les deux lettres une croix byzantine sculptée, contemporaine, selon toute vraisemblance, de la fonda- tion de l’église. Au nombre de ces füts renversés à terre, il en est deux qui sont incomparables de grandeur et de perfection. Ce sont des piliers gigantesques auxquels sont adossées deux dewi-colonnes, ét BRU le tout monolithe, de granit rose et admirablement taillé et poli. Ces deux piliers, qui devaient se faire vis-à-vis, du moins je le suppose, à l’une des extrémités de la nef centrale, et dont l'un, malheureusement, est déjà à moitié brisé, ornaient peut-être jadis soit le fameux temple de Melkarth, la divinité en quelque sorte nationale de Tyr, soit celui de Jupiter Olympien. Ils ont dû être taillés, en effet, dans la haute Égypte, et rien que le transport de masses pareilles, par les dépenses et les efforts qu'il a dû coûter, indique l'importance de la ville à laquelle elles étaient destinées et la splendeur du monument qu’elles devaient décorer. Différentes conjectures ont été émises sur la direction et l'éten- due de la digue jetée par Alexandre pour relier l'ile au continent, et sur la position de Palætyr. | Je les discuterai plus tard, me bornant à dire aujourd'hui que cette digue me paraît avoir été dirigée de l’est à l’ouest dans une longueur qui ne devail guère dépasser 700 mètres, largeur pro- bable du détroit à l'époque d'Alexandre, et que Palætyr était située autour des grands réservoirs de Ras-el-Aïn, ayant pour acropole la colline connue actuellement sous le nom de Tell-Rachidieh. Les villas de cel établissement continental pouvaient s'étendre dans la plaine le long de l’aqueduc jusqu’auprès de la colline dite Tell-ei-Ma’chouk, que couronne l’oualy de ce nom, lequel a dü remplacer un sanctuaire paien. Quant à l’'aqueduc, il a pu être reconstruit à l’époque gréco-romaine, mais dans sa fondation pre- mière je le regarde comme phénicien, ainsi que les réservoirs des- tinés à l’alimenter. Il est difficile de croire, en effet, que les an- ciens Phéniciens, lors de la plus grande splendeur et de la plus grande prospérité de Tyr, aient négligé des sources aussi abon- dantes que celles de Ras-el-Aïn et n’aient pas cherché à les emma- gasiner dans des réservoirs, pour les promener ensuite au moyen de canaux à travers leur plaine afin de la féconder, et pour les rap- procher de leur ville afin de l’approvisionner d’eau. Tout le monde connait le passage de Ménandre rapporté par Josèphe (Antig. Ju- : daïq., 1. IX, c. xiv, $ 2), et où il est dit que Salmanasar, assiégeant Tyr et ne pouvant s'en emparer, mit des gardes en se retirant auprès des canaux où les insulaires venaient puiser de l'eau, ce qui força ceux-ci pendant cinq ans à se contenter des citernes et des puits qu'ils avaient creusés. | AnatetEas do rûv Âcouptur Baotheds xaréoînos QUXauas émi Toù + os. moTauod xai Tv Vopaywyiv, où diaxwavoouot Tupious dpioacbas : ua TOÙTO ÊTES MÉVTE YEVOUEVOY ÉXAPTÉNOQY DIVOYTES EX QpEdTov OPUXTY. | Après avoir étudié Tyr, je parcourus successivement tout le district qu'elle avait jadis occupé, puis tout l’ancien territoire des tribus d’Aser et de Nephthali : ils correspondent actuellement à ce que lon appelle le Belad Becharah, le Merdj Ayoun, le Djebel Sa- fed et l'Ardh el-Houleh. Dans l'impossibilité absolue où je suis, Monsieur le Ministre, d'analyser, même très-sommairement, dans ce Rapport, toutes les ruines que j'ai examinées dans ces quatre districts où se pressaient autrefois tant de villes et tant de villages, je me bornerai à dire à Votre Excellence qu'une cinquantaine n'étaient marquées sur au- cune carte; elles trouveront plus tard place sur la mienne et seront décrites dans l'ouvrage que je publierai sur la Galilée. J'ai visité pareïllement toutes celles qui avaient attiré lattention de mes de- vanciers. La plupart d'entre elles, il est vrai, sont à peine imen- tionnées dans l’histoire, qui ne cite guère que les plus célèbres. Toutefois elles n’en sont pas moins dignes d'être étudiées, car ce sont comme autant de témoins d'un passé depuis longtemps éva- noui, et, pour qui sait les interroger, elles complètent les rensei- gnements que nous fournissent sur cette contrée les historiens sacrés et profanes. silos: Non loin des Eaux de Merom , ou ancien lac Semechonitis, s’éle- vait jadis une ville importante, dont la position est encore incer- tane. Elle est mentionnée dans la Bible sous le nom de Hazor, en hébreu -ixn, en grec Âcwp, en latin Asor, et elle appartenait à la tribu de Nephthali. À l'époque de Josué, elle paraît avoir été la capitale du roi Jabin. Celui-ci, avec tous les autres princes qu'il avait convoqués et réunis, fut vaincu près des Eaux de Merom; après sa défaite, Hazor tomba entre les mains du vainqueur, qui la livra aux flammes. 5. Conveneruntque omnes reges isti in unum ad Aquas Merom, ut pugnarent contra Israël. 10. Reversusque statim (Josue) cepit Asor : et regem ejus percussit gladio. Asor enim antiquilus inter omnia regna hæc principatum te- nebat. _ 11. Percussitque omnes animas, quæ 1bidem morabantur..... ipsam- que urbem peremit incendio. (Josué, XI, v. 5, 10 et 11.) — 90 — Josué remporta cette victoire vers l'an 1450 avant J. C.; 150 ans plus tard, un autre roi du nom de Jabin et possédant également une capitale appelée Hazor, identique très-certainement avec la précédente, opprima les Israélites pendant vingt ans; son armée fut anéantie par Barak et la prophétesse Débora sur les bords du Cison. (J'uges, c. IV, v. 1-23.) Josèphe, en nous racontant le même fait, nous apprend que la capitale de ce roi, Asor, était située au-dessus du lac Semechonitis, lopandita: dé élu... Ürd laiyou Toù Tor Xavavaiwr Fmeieces XATAÏOUXOÏLT EL. (no ydp 8 À ccpou TÔXEWS ÜpUaUEvOs, AÙTN d'ÜmÉpHEUTUL TS Zenexcvéridos Xtuvns. (Anti. Judaiq., 1. V, c. v, $ 1.) Ce dernier passage nous montre qu'il faut chercher cette ville de Hazor, capitale, tant du premier Jabin vaincu par Josué, que de celui qui fut défait et tué par Barak, auprès et au-dessus du lac Semechonitis. Salomon, dans la suite, rebatit une ville appelée Heser dans la Vulgate. «Hæc est summa expensarum quam obtulit rex Salomon ad : ædificandam domum Domini et domum suam, et Mello, et mu- rum Jerusalem, et Heser, et Mageddo et Gazer. » (Rois, 1. IT, c.1x, V. 15.) Dans la version des Septante, cette ville est écrite Écép. Mais dars le texte hébreu nous lisons 721, Hazor. Josèphe la nomme Âcwpos. (Antiqg. Judaig., 1. VE, c. w, Sa.) Plus tard encore une ville de Hazor est mentionnée comme l'une de celles qui tombèrent aux mains de Theglathphalasar, roi d'Assyrie, et dont les habitants furent transportés dans les États de ce conquérant. | « In diebus Phacee regis Israël venit Theglathphalasar, rex As- ur, et cepit Aion, et Abel-Domum, Maacha et Janoë, et Cedes, et Asor, et Galaad, et Galilæam, et universam terram Nephthali, et transtulit eos in Assyrios. » { Rois, 1. IV, c. xv, v. 20.) Cette Hazor est évidemment celle qui nous occupe en ce mo- ment, étant citée avec d’autres villes de la tribu de Nephthali. Josèphe la mentionne également à côté de Kudiva, en hébreu Ke- dech, en latin Cades et Cedes, sous le nom pluriel de À cape. tt Judaïq,, 1: IX, c; x1, Sa}. ms dé 2: L'an 144 avant J. C., la plaine de Hazor fut le théâtre d'une bataille entre Jonathas Machabée et les généraux de Démétrius. Jonathas Machabée avait campé pendant la nuil dans un endroit appelé les Eaux de Gennésar, c’est-à-dire près du lac de Tibériade. Le lendemain, avant le lever de l'aurore, 1l se rend dans la plaine de Hazor, où il rencontre les troupes de Démétrius. Ses soldats, sur- pris par une embuscade placée dans les montagnes qui bordent la plaine vers l’ouest, sont d’abord en proie à une telle panique qu'ils prennent la fuite; mais ensuite, à la vue de Jonathas combatiant intrépidement l'ennemi avec une poignée d'hommes et victorieux, ils reviennent à la charge et poursuivent leurs adversaires jusqu’à leur camp de Cades. (Machabées, 1. I, c. x1, v. 63-74.) De ce témoignage que confirme un récit analogue transmis par Josèphe à ce sujet, il résulte que la plaine de Hazor, située très- probablement au pied de la ville ainsi appelée qui, comme la plu- part des cités fortes d'alors, devait être placée sur une hauteur, se trouvait entre le lac de Gennésar ou de Tibériade au sud et la ville de Kedech ou Cades au nord, puisque Jonathas, parti des rives du lac, rencontra l'ennemi dans la plaine de Hazor et le poursuivit jusqu’auprès de Kedech, où était son camp. Ces différentes données fournies par la Bible et par Josèphe re- lativement à la ville de Hazor, Asor ou Asora, concourent toutes à nous la montrer comme étant située un peu au sud de Kedech, sur une hauteur dominant le lac Semechonitis, identique lui-même avec les Eaux de Merom. Or précisément en cet endroit s'élève une très-haute colline qui surplombe au-dessus du lac Houleh, le lac Semechonitis des anciens. Elle est connue sous le nom de Tell- el-Harraoueh, et des ruines irès-importantes la couronnent. Son sommet constitue une plate-forme inégale qu'une puissante enceinte environne. Celle-ci, aux trois quarts renversée, était flan- quée de huit tours carrées construites, comme la muraille elle- même, avec de gros blocs assez mal équarris et reposant sans ci- ment les uns au-dessus des autres. Au dedans, et principalement vers le sud-est, on distingue les arasements de plusieurs construc- tions considérables bâties avec des blocs polygonaux. Un certain nombre de citernes creusées dans le roc, particulièrement sous les tours, sont ou intactes ou à moitié comblées. Des sycomores et des térébinthes ont pris çà et là racine au milieu des ruines. La ville dont cette forteresse formait l’acropole s'étendait au dessous, — 92 — vers l’est, sur plusieurs terrasses successives. Bouleversée de fond en comble, elle n’est plus habitée que par quelques bergers qui promènent leurs troupeaux sur ses débris solitaires. Des herbes sauvages, des broussailles et des chardons gigantesques entremêlés de caroubiers, de térébinthes et de chênes verts, croissent partout sur l'emplacement qu'occupaient jadis des maisons et quelques édifices publics. La ville paraît avoir été détruite dès l'antiquité elle-même, car rien n'y atteste des réédifications modernes, et tout, au contraire, y porte la trace des âges les plus reculés, notamment l'appareil polygonal des blocs employés et l'absence de ciment. Dans les ruines d’un seul édifice qui a peut-être eu une destina- tion religieuse, j'ai remarqué quelques belles Sn de taille équarries avec soin. En 1870, j'ai déjà signalé le Tell- drole comme le site très-probable de l’ancienne Hazor. Après avoir de nouveau, cette fois-ci, étudié cette localité et relu attentivement sur les lieux mêmes tous les textes de la Bible ou de Josèphe relatifs à. cette cité importante, J'incline de plus en plus, avec le capitaine Wilson, à fixer définitivement en cet endroit la vieille capitale du roi Jabin, placée par Robinson au Kharbet-el-Khoureibeh, el par un autre éminent voyageur, M. de Saulcy, au Kharbet-el-Khan. Le Grand Hermon méritait de ma part une étude toute spéciale. Cette montagne célèbre, la plus considérable et la plus haute de la vaste chaîne de l’Anti-Liban , formait jadis vers le nord-est la limite de la Palestine. À ses pieds jaillissent les trois principales sources du Jourdain, et florissaient autrefois plusieurs villes importantes, _entre autres Dan et Panéas ou Césarée de Philippe. De nombreux villages, dont quelques-uns sont très-peuplés, comme Hasbeya et Racheia, sont encore disséminés sur ses flancs. Les Arabes la dé- signent maintenant sous le nom de Djebel ech-Cheikh, parce qu’elle tient comme le premier rang parmi les montagnes voisines, et sous celui de Djebel et-Teldj, parce qu'elle est couverte de neige pendant la plus grande partie de l'année; ses sommets même ne sont presque jamais dépouillés complétement de cette blanche couronne qui étincelle de loin aux rayons du soleil; d'où vient que, dans l'antiquité, les Phéniciens lappelaient Sirion, du mot Sarah- qui signifie briller. Le nom de Hermon que lui donnaient les Hé- breux était dû à son altitude et à sa masse imposante. Dans deux passages des Livres saints (Juges, ©. 11, v. 3, — I Paralipomènes, Dés QU c. V, v. 23), elle est nommée Baal-Hermon, sans doute parce qu'elle était consacrée à Baal. Eusèbe nous apprend qu'elle était vénérée elle-même comme sainte par les païens : Daoir dé eis ëri vÜv Àsoucr ôpos dvoudéeobos, nat ds iepèv rinâoÿar Ürd Tv vor. (Onomasticon, au mot Acouwv.) Saint Jérôme ajoute que sur son point culminant était un temple célèbre en honneur parmi les paiens. « Diciturque in vertice ejus insigne templum, quod ab ethnicis cultui habetur. » Or les ruines de ce temple existent encore et n'ont été vues que par un fort petit nombre de voyageurs. J'entrepris donc de les examiner, et me trouvant à Hasbeya, village considérable situé sur les pentes occidentales du Djebel ech-Cheikh, à 900 mètres au moins au-dessus de la Méditerranée, je pris un guide pour me rendre au sommet de la montagne. Après six heures et demie d’une ascension très-pénible, j'atteignis les ruines que j'étais venu visiter. Elles sont généralement connues parmi les Arabes sous le nom de Kasr Antar {château d’Antar) et occupent l'une des trois princi- pales cimes de la montagne. De là, à une altitude d'environ 2,800 mètres, le regard embrasse l’un des plus beaux horizons qu’il soit peut-être donné à l’homme de contempler. La Palestine presque tout entière, tant au delà qu'en deçà du Jourdain, une partie de la Cœlésyrie avec les deux grandes chaînes montagneuses qui l’encadrent, celles du Liban et de l'Anti-Liban, l'immense plaine de Damas et la verdoyante ceinture des admirables jardins qui entourent cette vaste cité, ces contrées et d’autres encore se déroulent au loin devant les yeux du spectateur comme un incom- parable plan en relief aussi étendu que varié, bordé vers l’est par le désert et à l'ouest par la Méditerranée. Que diraï-je maintenant de tous les souvenirs et de toutes les pensées qui assiégent alors l’es- prit en présence d’un tel panorama? Pour moi, qui depuis 1852 avais tant voyagé dans la Palestine où j'avais visité près de deux mille localités, j'éprouvai un plaisir infini à refaire comme en un instant, par un simple coup d'œil, toutes les longues et fatigantes explorations que j'y avais accomplies à plusieurs reprises. J'aper- cevais toutes les montagnes que j'avais gravies, toutes les val- lées que j'avais parcourues, mais tellement rapprochées par la perspective que les intervalles s'évanouissaient et qu'elles sem- blaient toutes comparaïitre et accourir en quelque sorte devant 24 QE moi, afin de me permettre de les examiner dans leur ensemble, après les avoir éludiées séparément et en détail. J'aurais volontiers donné un libre cours à mon admiration et consacré plusieurs heures à cette espèce de revue générale de la Terre sainte, depuis Dan jusqu'à Bersabée, pour employer les expressions de l'Écri- ture; mais un vent violent et glacé balayait l'observatoire aérien où j'étais placé, et, avant de redescendre de ce sommet, J'avais à _ considérer les ruines qui le couronnent. Ces ruines consistent en une enceinte circulaire dont les arasements seuls sont visibles : -elle avait été bâtie en belles pierres de taille et environnait un cône rocheux dont les flancs ont été jadis exploités comme carrière, et au centre duquel a été creusée une sorte de chambre à ciel ou- vert que Jincline à regarder comme un sanctuaire païen d’une époque très-reculée. Là, à mon avis, était adoré le dieu Baal, ou peut-être la montagne elle-même divinisée et confondue avec la divinité dont elle portait quelquefois le nom, comme le prouve la désignation de Baal-Hermon par laquelle la Bible la signale en deux passages différents. Cet endroit, en effet, est le point culmi- nant du Djebel ech-Cheikh. À l'angle sud-ouest de ce même cône gisent sur le sol les débris renversés d'un temple construit avec des blocs d’un bel appareil, les uns complétement aplanis, les autres légèrement relevés en bossage, et qui doit être celui dont parle saint Jérome dans le passage cité plus haut. Ce cône et ce temple sont ensevelis sous une épaisse couche de neige pendant les trois quarts au moins de l’année, et c'était là le haut-lieu le plus élevé et de l'accès le plus difficile que fréquentaient les anciens Chananéens. À l’époque de saint Jérôme il était encore l'objet d’un culte spécial de la part des païens. De même que Tyr, Damas était en dehors du cercle proprement dit de mes recherches; mais cette grande cité, l'une des plus an- ciennes et des plus importantes de la Syrie, avait été également dans des rapports si étroits et si incessants avec la Palestine, sur- tout avec ses districts du nord, c’est-à-dire avec la Galilée, que je ne pouvais pas la laisser en dehors de mon programme et de mon itinéraire. Je m'y acheminai donc par une route assez rarement suivie pàr les voyageurs, à travers le Grand-Hermon. Les remparts de cette ville, plusieurs fois réparés, mais dont les assises infé- rieures, sans être antiques, sont néanmoins antérieures à l'invasion musulmane, ses principales portes qui sont de la même époque, ENT". VO sa citadelle à moitié détruite, bâtie avec les ruines el sur l'empla- cement d’une autre plus ancienne, sa grande mosquée surtout - avec ses divers minarets, ses beaux portiques et son immense par- vis, furent naturellement l’objet de mon examen. Ce vaste édifice, comme on le sait, n’est autre chose qu'une ancienne basilique chré- tienne qui paraît avoir remplacé elle-nème un temple païen. Longtemps interdit aux chrétiens sous peine de mort, il peut maintenant être visité par eux, moyennant une graüfication plus - ou moins considérable qui se monte d'ordinaire à une vingtaine de francs. On y admire de nombreuses colonnes surmontées de chapiteaux corinthiens et des mosaïques byzantines assez bien con- servées. Au-dessus d’une belle porte extérieure à moitié ensevelie actuellement, et richement décorée, j'ai lu l'inscription grecque suivante déjà relevée sans doute par d’autres voyageurs : + BACIAIACOYXEBACIAIATIANTONTONAIUNEON KAIHAECTIOTIACOYENTACHTENEAKAITENEA + « Ta royauté, Ô Christ, est une royauté qui embrasse tous les siècles, et ta domination s'étend à tous de génération en généra- tion. » | Cette inscription est probablement contemporaine de la fonda- tion même de la basilique, qui passe pour remonter à Arcadius,. fils de Théodose, et par conséquent elle date de la fin du 1v° siècle ou des premières années du v°. Sielle a été respectée jusqu'à pré- sent dans une ville aussi fanatique que Damas, c'est d'abord que les musulmans ne la comprennent pas, et qu’ensuite il faut, pour la voir, monter, au moyen d’une échelle, sur lés terrasses d’un bazar. On n’ignore pas qu'en 1860, en même temps que des mas sacres affreux avaient lieu à Damas, le quartier chrétien fut com- plétement incendié, même l'hôpital français, où tant de malheu- reux appartenant à toutes les religions avaient été soignés avec le désintéressement le plus dévoué. Ce quartier est aujourd’hui pres- que entièrement rebâti, et l'hôpital francais, relevé de ses ruines, continue, comme par le passé, à être le refuge de toutes les mi- sères. Pendant tout le cours de l'épidémie cholérique qui vient de sévir si cruellement à Damas, où plus de 10,000 victimes ont suc- combé au fléau, nos sœurs de charité, secondées par nos Laza- ristes, ont, nuit et jour, vaillamment fait leur devoir en prodiguant à tous les malades leurs soins, leurs conseils et leurs remèdes. Elles ont ainsi honoré, non-seulement le nom chrétien, mais en- core celui de la France, en ne se vengeant que par des bienfaits des persécutions et des outrages qu'elles ont essuyés il y a peu d'années. Il est impossible de visiter Damas sans qu’aussitôt le souvenir de saint Paul ne se présente à l'esprit. On montre encore dans la rue Droite l'emplacement de la maison de Jude, où le terrible per- sécuteur de l'Église, appelé à devenir le grand apôtre des nations, : recut l’hospitalité et où Ananias lui imposa les mains et lui rendit la vue. On montre aussi sur les remparts l'endroit d’où il aurait été descendu dans une corbeille pour échapper aux Juifs qui vou- laient le mettre à mort. Enfin, à l'entrée et tout près de la ville, on signale le lieu où, ébloui d’une lumière éclatante, il aurait été terrassé par une force divine, pendant qu'une voix céleste lui di- sait : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » l 3. Et cum iter faceret, contigit ut appropinquaret Damasco; et subilo circumfulsit eum lux de cœlo. 4. Et cadens in terram audivit vocem dicentem sibi : Saule, Saule, quid me persequeris ? (Actes des apôtres, c. 1x, v. 3 et A.) Cette tradition est relativement assez récente, et, d'après une autre qui est beaucoup plus ancienne, le fait raconté dans le pas- sage précédent se serait passé ailleurs, près du village actuel de Kaukab, à 12 kilomètres environ de Damas. J'incline, pour mon compte, à adopter pleinement cette dernière opinion, car elle remonte à une date voisine de la primitive Église et ensuite elle est confirmée par deux témoignages qui me paraissent concluants. Métant transporté, en effet, à Kaukab pour étudier, se- lon mon habitude, la question sur les lieux mêmes, j'ai remarqué, au pied de ce village et sur la route de Jérusalem à Damas, les ves- tiges d’un édifice tourné de l’ouest à l'est et que les habitants de l'endroit appellent encore Kniseh ou l'église. Il en subsiste encore le seuil d’une porte et deux fragments de colonnes. Le reste est en- seveli sous un amas de terre et de décombres, et sous des tombes musulmanes. Comme saint Paul avait eu la vision miraculeuse qui le convertit pendant qu’il cheminait sur la route de Jérusalem à Damas et qu'il approchait de cette dernière ville, c'est sur cette route également qu'avait dû être construit le sanctuaire destiné à es perpétuer ce grand événement. Or l'église dont je signale les dé- bris est sur les bords de la route et non dans le village. En second lieu, à cinq minutes de Kaukab, s'élève une colline toute couverte de blocs basaltiques et qui semble être un ancien volcan. Ni ses flancs ni son sommet ne m'ont offert les traces d'aucune construc- tion antique; mais ayant demandé à un métualy qui me servait de guide comment elle s'appelait, il m'a répondu à plusieurs reprises qu’elle portait de temps immémorial le nom de Tell mar Boulos, Colline de Saint-Paul. Le nom attaché à cette colline et les ruines de l’église que je viens de mentionner témoignent, selon moi, en faveur de la tradition qui place à Kaukab le fait mémorable dont il s'agit en ce moment. De Damas, j'allai payer mon juste tribut d'admiration aux ruines gigantesques de Baalbek dans la Cœlésyrie, en visitant, chemin faisant, celles d’Abila et de Chalcis; puis je rentrai dans les limites de la haute Galilée, dont j'achevai de parcourir les villages que je n'avais point encore examinés. J'explorai ensuite la plus grande partie du district de Saïda, l'antique Sidon, ville que j'avais déjà visitée'à plusieurs reprises. Je découvris également dans cette dernière tournée quelques localités anciennes qui paraissent avoir échappé à mes devanciers. Des pluies torrentielles et presque con- tinuelles me forcèrent alors d'interrompre mes recherches. J'avais d’ailleurs à peu près épuisé les ressources qui avaient été mises à ma disposition, et il ne me restait plus que la somme nécessaire pour retourner en.France. Je m'acheminai donc vers Beyrouth, où je m'embarquai le 11 décembre pour Marseille. Telle est, Monsieur le Ministre, l'analyse fidèle, mais très-suc- cincte, de la mission dont vous aviez daigné me charger pour la Palestine. J’ai visité environ huit cents localités, dont une centaine au moins n'étaient marquées sur aucune carte. Il m'est permis, je crois, de dire que je n'ai épargné aucune fatigue, ni reculé de- vant aucune difficulté pour répondre à la confiance que Votre Ex- cellence avait mise en moi. Malgré les chaleurs extraordinaires qui ont régné en Palestine jusqu’au 15 octobre, malgré aussi le cho- léra qui a sévi dans plusieurs des contrées que j'avais à parcourir, jai poursuivi constamment mes pénibles explorations. Je vais maintenant coordonner toutes mes notes et elles serviront de base à un ouvrage qui aura probablement trois volumes et qui com- prendra la haute et la basse Galilée, la Décapole, Tyr, Sidon MESSS SCENE: —— IV. 7 FL ONE Damas et Baaibek. Une carte détaillée, comme dans mes précé- dents travaux sur la Judée et sur la Samarie, permettra au lecteur de me suivre facilement à travers le réseau quelquefois assez com- pliqué de mes marches et de mes investigations. J'ai l'honneur d’être, Monsieur le Ministre, avec le plus profond respect, le trés-humble serviteur de Votre Excellence, à V. GüEnix. MÉMOIRE SUR UNE MISSION EN HONGRIE, PAR M. SAYOUS. 26 août 1875. Monsieur le Ministre, La mission que vous avez bien voulu me confier au printemps de 1875 avait un double objet. Je devais profiter des occasions qui pouvaient se présenter de compléter nos collections scienti- fiques en ce qui concerne la Hongrie, et je devais compléter mes propres recherches depuis longtemps commencées sur l'histoire de ce pays. Je n’insisterai pas dans le présent rapport sur le premier but de ma mission, lequel a déjà fait l'objet d’une correspondance avec votre ministère et les chefs de plusieurs de nos établissements, entre autres M. l’Administrateur général de la bibliothèque Natio- nale. Je me bornerai à rappeler que j'ai pu négocier un échange de crànes entre le Muséum et la Société d'anthropologie, d'une part, M. le pasteur et député Szilady, de l'autre; que M. le professeur d'anatomie Lenhossék m'a promis pour les mêmes établissements des présents considérables; que j'ai fait exécuter des photographies d'un cràne historique du musée de Pesth, remontant au commen- cement du x‘siècle, ayant par conséquent une grande valeur anthro- pologique. Laissant de côté cet ordre de questions dans lesquelles ma compétence n'était pas suffisante pour me permettre d'être autre chose qu'un intermédiaire , je rappellerai que j'ai négocié un échange entre les précieux doubles du Musée national de Pesth et les publications du ministère; qu'en outre l'Académie hongroise m'a promis ses publications historiques et pour la bibliothèque Nationale et pour celle de l'Institut. Dans ces diverses tractations — 100 — comme dans mes recherches personnelles, lesquelles ont eu lieu presque toutes dans la ville de Pesth, malgré quelques excursions dans les comitats du centre et du nord, j'ai eu particulièrement à me louer de M. Paul Hunfalvy, bibliothécaire de l'Académie, de M. Horvath, bibliothécaire de l’Université, de M. l'abbé Fraknoi, bibliothécaire du Musée national, le Hongrois qui connaït le mieux les archives de son pays; enfin de M. François Pulszky, directeur du Musée national. Je passe à mes travaux historiques, auxquels sera consacrée toute la suite de ce rapport. Ils n'étaient pas destinés à une étude spéciale, soit par sa nature, soit par l'étendue chronologique des faits à étudier : mon désir était de compléter sur tous les points les données que m'avaient fournies, et les bibliothèques de Paris, et ma bibliothèque personnelle, et mes precédents voyages en Hongrie. J'ai été assez heureux, grâce aux facilités qu'on a eu l’obligeance de m'accorder, pour accomplir cette tâche avec une rapidité relative. Aussi je me propose ici, non pas d'approfondir un point parti- culier de l’histoire de Hongrie, mais de classer les diverses sources qui permettent de reconstruire cette histoire, sans distinguer mes recherches récentes des recherches que j'ai poursuivies à d'autres époques, de peur de compliquer mon exposé dans toutes ses par- lies. Une étude générale comme celle-ci n'ayant jamais été entre- prise ni en Allemagne ni en Hongrie, dans aucune langue, se fera peut-être pardonner, à cause de la nouveauté, quelque sécheresse et quelque longueur. | Les documents de toute espèce relatifs à l'histoire de Hongrie jusqu'en 1815 peuvent se ramener à qüatre grandes catégories : les archives et collections de manuscrits ; les recueils de pièces offi- cielles, de diplômes; les chroniques rédigées par des contempo- rains ou par des auteurs qui n'étaient pas trop éloignés des événe- ments; enfin les ouvrages composés à une certaine distance des événements par des historiens, les ouvrages historiques proprement dits !, modernes, très-modernes même pour la plupart. Ces grandes catégories doivent être subdivisées, au moins les trois dernières, la première ne comportant pas une longue étude en dehors du pays même. Les pièces, les chroniques, les histoires ! Les travaux philologiques, géographiques, etc. de nos contemporains ou de leurs devanciers seront rangés dans cette catégorie. — 101 — peuvent être de provenance hongroise ou de provenance étran- vère. En outre il est difficile de ne pas classer à part, entre ce qui est purement national et ce qui est complétement étranger, les do- cuments de source autrichienne, ou bohême, ou croate, en un mot ceux qui émanent d’un des pays dont la vie a été souvent mêlée à celle du peuple magyar. Nous aurons donc à distinguer les pièces, chroniques et histoires de provenance hongroise, austro-slave, étrangère. il ARCHIVES ET COLLECTIONS DE MANUSCRITS, ETC. Deux causes contribuent à la complication et à la dispersion des archives hongroises ! : d’abord le caractère même de l’histoire et des institutions nationales, surtout depuis le xvr° siècle jusqu'a ces dernières années, caractère aussi opposé que possible à la cen- tralisation; ensuite une lente et sourde lutte entre la nation et la cour de Vienne, l’une et l'autre voulant attirer à elles les archives, signe et gage pour l'une d'indépendance, pour l’autre de domi- nation, Cependant les Magyars auraient tort d'en vouloir à la maison de Habsbourg; car avant 1526, date de l'avénement de cette maison au trône de Saint-Étienne, nous n'avons que des no- tions confuses sur les anciennes archives royales, tandis que de- puis lors des collections sérieuses et durables ont commencé. Il n'en est pas moins vrai que l’on comprend le désir des Hongrois d’aug- menter les archives de leur capitale, désir en partie réalisé aujour- d'hui, bien que Vienne ait conservé les Ungarische Acten des secrètes Archives impériales et royales et celles de la Chambre impériale, précieuses collections où les chercheurs modernes ont puisé et puiseront longtemps encore. . Bude possède les archives de la Chambre royale hongroise, essen- üellement relatives à l'histoire financière et datant seulement de 1618, mais ayant recueilli par deshérence ou confiscation les par- chemins, même politiques et remontant jusqu'au moyen âge, de plusieurs grandes familles, — les archives du Palatin fondées par 1 La meilleure étude générale qui en ait encore été faite est la préface des Magyar orszézggyülést Emlékeh (Monuments des Diètes hongroises), Budapest, 1874, publication de l'Académie, par M. Fraknôi. Je me sers de ce travail après lavoir en partie vérifié dans des visites aux archives de Bude et à quelques autres, = F0 la Diète de 1723, celles du Pays fondées par celle de 1790, et qui s'enrichissent tous les jours, — celles de la Chancellerie royale magyare, enfin celles du gouvernement de Transylvanie, qui datent de la réunion de cette principauté aux États de la maison d'Au- triche, c'est-à-dire de la fin du xvr siècle. On peut compter encore parmi les archives ayant un caractère public celles des Saxons transylvains à Hermannstadt, et celles d'Agram pour le royaume distinct, mais uni, de Croatie. Ces diverses archives publiques et générales ne sont pas les seules qui aient servi et servent encore à restituer le passé de la Hongrie. Les nombreux chercheurs dont nous indiquerons plus loin les publications les ont mises à contribution, comme cela était inévitable, mais ils ont fouillé plus activement les archives parti- culières et locales. Au premier rang de celles-ci il faut placer celles des grandes familles, les Batthyäany, les Erdædy, les Karolyi, les Teleky, etc., conservées dans leurs châteaux , souvent avec beaucoup de soin, quelquefois avec négligence. Ce sont surtout les recueils très-modernes qui ont profité de ces trésors de famille, longtemps d’un difficile accès, aujourd’hui généreusement ouverts aux travail- leurs sérieux. Viennent ensuite les évêchés et les monastères, par- ticulièrement l'archevêché primatial de Gran et la maïtresse ab- baye des Bénédictins sur le mont de Pannonie. Enfin ïl faut indiquer les archives des Comitats, d'où l'on a tiré beaucoup de pièces précieuses concernant le plus souvent desquestions locales, quelquetois même des intérêts nationaux. Il n’y a pas jusqu'à de simples établissements d'instruction, comme le collége réformé de Débreczin, qui peuvent montrer avec orgueil des parchemnins des rois ou des princes de Transylvanie. s Cette excessive dispersion n’a pas arrêté, comme on le verra, les érudits magyars depuis le milieu du xvnr° siècle jusqu’à nos jours, et sil est encore impossible de dresser un inventaire complet des richesses historiques de leur pays, du moins on peut dire que le domaine de l'inconnu se restreint tous les jours, et que déjà l'on est arrivé au point où, à côté des pièces d’un haut intérêt, sont exhumés des documents qui ne servent qu’à confirmer une qua- trième, une cinquième ou une vingtième fois des faits dûment constatés. La Hongrie ayant été mêlée à diverses époques, soit à la politique générale, soit à la politique de telle ou telle maison souveraine, — 105 — les archives étrangères recèlent des documents qui font partie inté- grante de son histoire. Aussi n’ont-elles pas été oubliées : celles de Bruxelles et de Londres pour l’époque de Charles-Quint et de Fer- dinand , celles du ministère des affaires étrangères de Paris et celles de Londres encore pour les alliances de Louis XIV avec les mécon- tents hongrois, celles de Naples pour les campagnes des rois ange- vins, et celles de Venise pour une lutte séculaire sur les côtes de l'Adriatique; bien d’autres encore, fouillées depuis vingt ou trente ans par des chercheurs tels que MM. Simonyi, Hatvani, Ovary, Petrovics, ont apporté leur pierre ! au monument national. A côté des archives proprement dites il faut placer les collections de manuscrits. Ceux de l'Académie et du Musée national qui ont une valeur historique ont été en général publiés; je n'aurais à signaler que quelques-uns des manuscrits de Nicolas Bethlen (fin du xvu° siècle), une partie des notes de Pétrovics et le manus- crit de Szirmay sur les Jacobins de 1794. Mais il y en a d’autres qui ont de l'importance en tant que manuscrits, à cause de leur date ou de leur belle exécution. La célèbre bibliothèque de Ma- thias Corvin a été dispersée dans toute l'Europe, et la patrie de ce roi n'en a conservé que douze volumes, dont trois dans la biblio- thèque Teleky à Maros-Vasarhely ; comme ce ne sont que des copies d'auteurs anciens sacrés ou profanes, ces exemplaires ne sont qu'in- directement des sources de l’histoire hongroise, d'autant plus qu'ils sont pour la plupart l’œuvre de copistes florentins; ils attestent . seulement la part prise par le gouvernement hongrois du xv° siècle à la renaissance des lettres antiques. Deméme il existe de nombreux codices renfermant les plus anciens monuments de la langue, dont une partie seulement a été imprimée : ils sont presque tous con- sacrés à des légendes dépourvues de caractère national, et n’offrent par conséquent d'intérêt que pour l'histoire de la philologie ?. Les diverses bibliothèques, celle de l'Académie surtout, n’en renferment pas moins d'une quarantaine. Donnons une place à part au Dub- niczense Chronicon, qui contient une courte biographie des rois du moyen âge, et au Pray-Codex, où se trouve une prière funéraire, le plus ancien monument de la langue, peut-être du xuf° siècle. La bibliothèque de Vienne abonde en richesses de ce genre : 1 Voir au Il. 2 Voir au IV. — [0 — elle possède non-seulement sept des plus beaux volumes de Ja Cor- vina, entre autres le magnifique Saint-Jérôme {in Marcum), mais aussi la plus vieille traduction de l'Ancien Testament en magyar (Bécsi ou Wiener Codex) et les plus anciens manuscrits de chro- niques telles que le Notaire anonyme et Thurôczy. La bibliothèque de l'abbaye de Mœlk, située sur le Danube entre Linz et Vienne, est aussi l’une de celles où l'on a trouvé le plus de manuscrits, sur- tout les textes des plus anciennes lois. Hors de l'empire Austro- Hongrois, les restes de la bibliothèque de Mathias sont nombreux à Munich, à Wolfenbüttel, à Bruxelles, à Paris, etc. Nous possé- dons aussi dans le fonds Dupuy de la bibliothèque Nationale et surtout dans la collection Godefroy, propriété de l’Institut de France, des documents précieux sur l’histoire des princes tran- sylvains et de leurs alliances pendant la première moitié du xvn° siècle. | Aux archives et aux collections de manuscrits il est naturel de joindre les musées historiques, et dans le sens le plus général les: monuments. Malheureusement nul pays n’est plus pauvre que la Hongrie en architecture, à cause des ravages des Turcs : les seules contrées du nord qui y ont échappé ont conservé quelques belles églises gothiques, telles que celle de Kaschau , et les ruines encore grandioses des châteaux du bord du Waaget du palais de Visegrad sur Le Danube. Les restes des monuments romains de la Dacie, et leurs inscriptions expliquées par MM. Ernest Desjardins et Floris. Romer!, n'appartiennent pas à l’histoire nationale des Magyars, . puisqu'ils sont antérieurs à leur arrivée. En revanche, le musée de Pesth ? offre à l'étude de l'historien, outre les objets qui remontent au temps des Avares, selon M. F. Pulszky , une suite complète de pièces de monnaie depuis les premiers rois jusqu’à nos jours, les sceaux des différents pouvoirs et des différentes villes, les bi- joux des grands seigneurs et des grandes dames, les armes attri- buées aux plus célèbres guerriers. Pour cette branche des documents comme pour celles précé- demment indiquées, Vienne renferme dans ses palais un complé- ! Acta muse nalionalis hungaric, in-fol. Pesth, 1873. 2? M. Floris Romer est aussi l’auteur d’un savant catalogue de ce musée. en plusieurs langues. * À Magyarorszägi Avar Leletekrôl, mémoire lu à l'Académie en 1874. (Des objets avares trouvés en Hongrie.) — 105 — ment indispensable : 1! faut visiter l'Ambraser Sammlung pour les armes hongroises et turques, et les collections du Hof pour les mé- dailles et pièces d'orfévrerie commémoratives. Quant aux estampes contemporaines des événements, elles se trouvent pour la plupart en tête ou dans le corps des ouvrages publiés en si grand nombre à partir du xvi° siècle, et dant il sera question au chapitre I. » IT PIÈCES OFFICIELLES, DIPLÔMES, LETTRES Î. A. — Pièces de provenance magyare. I faut citer avant tout trois recueils volumineux dus à l’érudi- tion nationale dans la seconde moitié du dernier siècle et au com- mencement de celui-ci. Les deux premiers, les Annales de Pray ? et l'Historia critica de Katona*, ne sont pas sans doute de pures collections de documents, puisque l’un présente un récit continu, l’autre une série de discussions quelquefois minutieuses ou pué- riles; mais dans lune comme dans l'autre les documents em- portent le reste de l'ouvrage. Quant au Codex diplomaticus de Fejér“, il ne consiste que dans une immense série de documents accom- pagnés de quelques notes. Remontant tous les trois aussi haut que possible dans l'histoire des Hongrois et même au delà, ils s'arrêtent, Pray en 1554, Katona en 1810, Fejér en 1439. Si complet que paraisse le Codex diplomaticus pour le moyen age, des recherches récentes ont permis d’y ajouter un riche sup- plément pour la période des rois de la dynastie d’Arpad, laquelle s'arrête en 1301 : ce supplément, publié par M. Wenzel, forme une des séries des Monumenta Hungariæ historica *, collection de ! Il va sans dire (et cette observation s'applique aussi aux autres catégories) que j'entreprends seulement une classification des sources de quelque impor- tance, et non pas une liste complète des documents et ouvrages apportant une contribution accidentelle à l'histoire hongroise. ? Vindobonæ, 5 vol. in-fol., 1764. 8 Pestini, in-8°, 1770, 42 vol. i Budæ, in-8°, 1830, 10 tomes dont la plupart ont cinq ou six volumes. Aussi lorsqu'on renvoie au Codex diplomaticus, on met souvent avant le numéro de la page deux chiffres romains, dont le premier désigne le tome, le second le volume. . 5 La collection totale compte aujourd'hui, dans ses diverses séries, environ — 106 l'Académie hongroise qui s'accroîft chaque année de plusieurs volumes. 11 faut toutefois remarquer que le Codex diplomaticus et son supplément, où domine l'élément ecclésiastique, ne sont mi l’un ni l’autre composés uniquement de pièces nouvelles/ et que M. Wenzel puise dans Migne ou dans les Monumenia de Theiner !, comme Fejér puisait dans Rainaldi ou dans Farlati. Les diverses archives hongroises dont il a été question plus haut n’en sont pas moins la provenance principale de ces quatre grands recueils. Il en est de plus spéciaux, et concernant, soit des rapports d’une nature exceptionnelle, comme ceux des Hongrois et de l’admi- nistration ottomanne pendant l'occupation turque ?, soit une région très-bornée, comme les recherches documentaires de G. Wagner sur les comitats de Zips et de Sàros ÿ, soit enfin une série particu- lière d'institutions, tels que la OUR En des conciles nationaux de Péterfy*, ou les études de Batthyany sur les évêques de Csanad®. En outre presque tous les ouvrages dont il sera question plus loin s'appuient sur des documents dont il serait impossible de dresser i ici la liste. Mais nous avons réservé une série très-importante, celle des actes législatifs, des lois votées par les diètes et promulguées par le pouvoir royal. Depuis Marie-Thérèse jusqu'à nos jours chaque diète a son journal, et les moyens de publicité pour les décisions gouvernementales abondent de plus en plus. Mais les périodes antérieures sont, sous ce rapport, plus difficiles à recons- truire : c'est par exception que nous possédons le discours de Szluha en 1722, si important pour le vote de la Pragmatique- Sanction 7. Déjà Kovachich avait suivi altentivement les Vestigia 70 vol., et s’'augmente rapidement. Les deux principales séries, Scriptores et Di plomala, en ont en tout 50. C’est dans les Diplomata que se trouvent les 10 vol. de l'Arpédhori uj okménytér (Nouveaux documents du temps des Arpäd), supplé- ment à Fejér dont il est ici question. !_ Vetera monumenta historica Hungariam sacram 1llustrantia, Romæ, 1859. Tôrüli-magyar-kort tôrténelmi emlékek, recueilis par MM. Srilagyi et Szilädy, et a par l’Académie, 8 vol. in-8°, Pesth, 1863-1871. $ Analecta Scepusu sacri et profant, Viéandé 1774, 4 vol. in-8°. 4 Sacra concilia Ecclesiæ Rom-Cath. in regno Hansen iæ celebrata (1016-1715), Posonii, 1741, 2 vol. in-fol. 5 Series episcoporum Csan4d. Mbæ carohinæ, 1790, 2 vol. in-4°. Orszäggyülès naplojai (Acta diætalia), 1 vol. in-fol. pour chaque diète, le plus souvent en hongrois et en latin. . 7 Dans Salamon : À magyar Kirdlyi széx betoliése, Pesth, 1866. — 107 — comitiorum apud Hungaros ? à travers l'histoire: cette tache a été reprise par M. Fraknôi ?, avec beaucoup de science et de critique, pour la période embrouillée des xvi° et xvrr° siècles. Les lois des rois Arpad ont été collationnées par Endlicher Ÿ sur les meilleurs manuscrits. Le Corpus juris hungarici* renferme les lois des xv°, xvi° et xvn° siècles : 11 commence par un ouvrage, qui a été souvent publié à part, du grand jurisconsulte et homme d° État Verbôczy”, ouvrage qui nest pas seulement un résumé authentique et auto- risé des coutumes magyares au commencement du xvi° siècle, mais qui est aussi tout rempli d’allusions politiques et tout fré- missant des passions de la petite noblesse. Restent les recueils de lettres, que nous envisagerons à part, tout en rappelant que les ouvrages déjà cités, surtout celui de Pray, en contiennent beaucoup. La série des lettres proprement dites, de celles qui sont autre chose que de simples rescrits, commence avec Jean Hunyade, sur la limite du moyen âge et des temps mo- dernes 6. Le second Hunvade, le roi Mathias Corvin, en a écrit un grand nombre, qui forment une source historique de premier ordre 7. Après sa mort, les habitudes épistolaires deviennent géné- rales parmi les hommes d'État, et l'on voit commencer la série des Epistolæ Procerum de Pray® qui continuera pendant deux siècles. À côté de ce recueil varié, trois prélats politiques et négociateurs, Pierre de Varda®, Verancsics!?, Pazmany!!, qui savent manier plu- sieurs langues, ainsi que les intérêts les plus divers du domaine ! Budæ, 1790, in-8°, 4 voi. y compris les suppléments. ? Monumenta comitialia, publiés par l'Académie. Le 2° vol. est de 1875. $ Monumenta Arpadiana, Saint-Gall, 1849. # 2 vol. in-fol., Tyrnaviæ, 1741. Notons aussi la Forma processus Judicu crimi- nalis , Tyrnaviæ, 1697. à * Decretun tripartitum Juris CR inclyti regnl RE nr dont une multitude d'éditions ont paru en latin ou en mag gyar, à partir de 1522. ; $ Epistolarum Joannis de Zredna, etc. (dans les Scriptores rerum hungaricarum de Schwandiner). 7 Epistolæ Matthiæ Corvini, Cassoviæ, 1743. 8 Posonii, 1806, 3 vol. 9 Petri de Varda epistolæ, Posonti, 1786, in-4°. 10 Les lettres de Verancsics, les récits de ses ambassades et ses essais histo- riques forment une grande partie de la série Scriptores des Monumenta publiés par l'Académie (t. IT, LIT et suiv. de cette série). 11 Les lettres de Päzmäny sont éparses dans divers recueils. Voy. surtout l'ou- vrage de M. Fraknèi sur ce prélat, en 3 vol. Pézmany és Kora, Pesth, 1869. — 108 — temporel et du domaine spirituel, contribuent à éclaircir des évé- nements embrouillés, avec des hommes d'épée et de gouvernement tels qu'Étienne Bäthory! ou le Palatin Nicolas Eszterhäzy?, Mais à côté de la Hongrie proprement dite, les Magyars de Tran- sylvanie ont eu des princes habiles et instruits dont les lettres sont précieuses à consulter, Gabriel Bethlen, surtout les deux Georges Räkoczyÿ. Plus tard un autre Räkôczy plus célèbre, l’allié de Louis XIV, laissera de riches archives, où puiseront M. Thaly* et M: Fiedler $, et jusque dans l'exil de ce guerrier malheureux, l'un de ses fidèles compagnons, Koloman Mikes, écrira ses cu- rieuses Lettres de Turquie$. Dans une époque plus rapprochée de la nôtre viendra la correspondance du comte Dessewffy avec le poëte Kazinczy 7, B. — Pièces de provenance austro-slave. La couronne de Hongrie appartenant depuis trois siècles et demi à la maison d'Autriche, après avoir été longtemps convoitée par elle, il n’est pas surprenant que ies savants autrichiens aïenl eu à recueillir bien des matériaux intéressant l’histoire hongroise. C'est en effet toute une partie, et non pas la moins importante, des deux vastes publications de l’Académie de Vienne, les Archives ÿ et les Fontes rerum austriacarum ® : MM. Chmel, Firnhaber, Zeibig ont surtout éclairci les longues et sourdes luttes du xv° siècle, la politique à la fois vacillante et tenace de Frédéric I et de son fils; MM. Teutsch et Krones, les institutions des villes allemandes 1 Sigismundi Augqusti nec non Stephani Batoru epistolæ, Lipsiæ, 1 703. ? Dans trois recueils différents : 1° quelques lettres traduites en latin, Jil. Do- muni Esterhazy literæ, ete., Viennæ, 1664 ; — 2° recueil de M. Toldy (en magyar), Pesth, 1852 ; — 3° recueil de M. Räth, Pesth, 1861, 8° vol. du Magyar türténelmu tar. * Recueillies par M. Szilägyi : t. XXI, XXIIT, XXIV des Diplomata, lettres en hongrois, en français , en latin. * Had és belügy (guerre et intérieur), 3 vol. de l’Archivum Rékôczyanum pu- blié par l'Académie, Pesth, 1873. ° Actenstüchke zur Geschichte Franz Räkôczy s (t. IX et XVII des Fontes rerum austriacarum, Vienne, 1855 et 1858). S Tôrôkorszägi levelek, Szombäthelyen, 1794. 7 Grôf Dessewffy Jézsef levelezése Kazinczy Ferenczhez, 3 vol., Pesth, 1860. * Archw für Kunde œsterreichischer Geschichtsquellen, t. 1, TEL, V, VITE, XXI, XXIV, XXXI, XXXIV, XXXVII, XL, XLIIL ? TVIL,X, XIL,.XIs XIV XN XIX NX SAN NT — 109 — dans le royaume de Saint-Étienne, MM. Hôfler et Gindely, la politique des Habsbourg aux xvn° et xvu° siècles. Des publications particulières ont complété ou précédé ces entreprises collectives. Citons en particulier l’histoire documentée de Ferdinand [°° par Bucholtz !, les pièces relatives aux relations entre l'Autriche et la Porte par Gévay?, les Monumenta habsbur- gica de Chmel *, et l'Autriche sous Frédéric IIT#, de M. Kurz. Les autres ouvrages que nous pourrions citer ici seront mieux à leur place à titre de chroniques ou d'histoires. Toutefois nous ne pouvons terminer l'étude des pièces d'origine autrichienne sans indiquer quelques correspondances politiques : celle du prince Eugène, en langue allemande *, où il est souvent question des troupes hongroises et de leurs chefs; celles de Jo- seph II avec Léopold et Marie-Thérèse © et avec Catherine de Russie ?, toutes deux publiées par M. d’Arneth; celles de Thugut Clerfayt et Würmser avec leur gouvernement, imprimées par M. de Vivenot ®. Si les Hongrois ont eu dans les Habsbourg des souverains à l'égard desquels il s’efforcaient avec des succès divers de maintenir leur indépendance, ils ont eu dans les Slaves du Sud, Croates et Dalmates, des sujets ou des vassaux qui à leur tour s’efforçaient de maintenir leur indépendance contre les Hongrois. Aussi des col- lections de pièces relatives à ces peuples rentrent-elles dans les matériaux de leur histoire : citons avant tout l’Ilyricum sacram de Farlau®, et les Acta croatica de Kukuljevitch 1, difficiles à aborder ! Geschichte der Regierung Ferdinand des Ersten, Vienne, 1831, 9 vol., surtout le derniër. ? Urkunden und Actenstücke zur Geschichte der Verhältnisse zwischen Œsterreich , Ungarn und der Pforte, 3 vol. in-4°, 1838. 3 Vienne, 3 vol., 1854. * Vienne, 1832, 2 vol. in-8°. (Il faut remarquer que l'empereur Frédéric III (1439-1493) est quelquefois appelé Frédéric IV, à titre d'archiduc d'Autriche.) 5 Sammlung der hinterlassenen politischen Schriften des Prinzen Eugens von Sa- voyen, Tubingen , 1811. — Citons aussi, à ce point de vue, les Principes de stra- tégie de l'archiduc Charles, sur la campagne de 1796 en Allemagne. $ Maria-Theresia and Joseph IT, Ihre Correspondenz , 3 vol. 7 Joseph IT und Katharina von Russland : 1hr Briefwechsel, Vienne, 1866. $ Thugut, Clerfayt und Würmser, Vienne, 1860. ® Venetiis, 1701, 8 vol in-fol. 0 U Zagrebu , 1863, in-4°. — 110 — pour la plupari, étant écrits en langue slave. Il convient d'y ajouter le De Regno Dalmatiæ et Croatie! de Lucius, qui sans doute présente un récit suivi des événements jusqu’au xv° siècle, et qui contient de véritables chroniques, telles que celles de Paulus de Paulo et de Thomas de Spalalo, mais qui consiste surtout dans une série de diplômes et de priviléges accordés par les rois magyars à leurs alliés douteux contre Venise, à leurs sujets intermittents de la côte italo-slave de l’'Adriatique. C. — Pièces de provenance étrangère. . Si le royaume de Saint-Étienne passe avec raison pour un des pays de l'Europe les plus caractérisés et les plus isolés au point de vue de la race et de la langue, il n’en est pas moins vrai que ce sol fertile et ce peuple de braves ont été gouvernés et convoités par plusieurs maisons souveraines étrangères : de là des rapports d'alliance ou d'hostilité qui ont laissé des traces dans les archives du nord et du midi, et qui sont plus complétement révélés par des publications en grande partie récentes. L'Italie se présente la première par ordre de date, et sous deux aspects différents, Naples et Venise. La politique des Angevins des Deux-Siciles dès le célèbre frère de saint Louis Charles d'Anjou, celle de ses descendants les Angevins de Hongrie à l'égard du royaume de Naples pendant le xrv° siècle, la lutte du roi Louis [® contre Venise, tels sont les grands faits expliqués par la collection de M. Wenzel ?, utile même pour l'histoire de France. M. Wenzel et quelques-uns de ses confrères ont aussi extrait des archives de Venise“ des détails concernant des projets d'union entre les dynasties hongroises et les maisons de France et de Milan. Sur une époque plus rapprochée de nous, le xvin° siècle, l'Académie de Vienne a publiéS une série intéressante : les rapports des ambassadeurs véni- 1 Amstelodami, 1678, in-fol. ? Magyar diplomacziai emlékeli az Anjou-Korbôl (Monuments diplomatiques du temps de la maison d'Anjou) , formant une nouvelle série des Monumenia Hungariæ historica, 2 vol., 1874 et 1879. Le titre latin est Acta extera. 5 Les principales sources vénitiennes ont été les Libri Pactorum, la Copia de Commemorial, les Misti del Senato. — Les Registri Angioit ont été la principale source manuscrite de Naples. Ÿ V.le Uj Magyar Museum (Nouveau musée hongrois, Journal qui à düré quelques années) de 1851 et de 1853. 5 T. XXII des Fontes rerum austriacarum. — 111 — liens à la cour d'Autriche, qui montrent à quel point la diplo- matie de cette république, jusque dans son extrême décadence, avait conservé son habileté proverbiale à observer les gouverne- ments et les peuples. Les États de Charles-Quint ne comprenaient pas la Hongrie dans leur vaste ensemble, puisque la Hongrie appartenait, non sans compétition, à son frère Ferdinand; mais elle prenait une grande place dans les préoccupations et dans la politique de l’il- lustre empereur. Il en résulte que sa correspondance, extraite par Karl Lanz! du précieux fonds de Bourgogne de Bruxelles, est un des matériaux de cette histoire. De plus, M. Hatvani a tiré des mêmes archives et de la même bibliothèque une collection com- plète des pièces intéressant son pays?. Une autre capitale de Charles-Quint, Besançon, fournit dans les Papiers d'État du car- dinal de Granvelle$ plus d’un utile renseignement. De son côté, la politique française dans le Levant, dont les documents ont été publiés par M. Charrière #, avait dans le parti national hongrois, qui reconnaissait pour roi Jean Zapolya, un de ses principaux objectifs. Nous devons aussi bien des informations à la Correspon- dance de Napoléon pour les événements du commencement de ce siècle 5. L’Angleterre a été dès le moyen àge une de nos sources de docu- ments, grace à la curiosité de Mathieu Paris, qui lui a fait recueillir une foule de lettres relatives à l'invasion des Mongols 6. Plus tard, la politique de Henri VIII relativement à la rivalité de Ferdinand et de Jean Zapolya, qui était au fond celle de Charles-Quint et de François [* 7, celle de Cromwell, protecteur de toutes les mino- rités protestantes sur le Continent 8, celle des ministres de la reine Anne au sujet de l'insurrection de François Rakoczy, ont fait l Correspondenz des Kaisers Karl V, Leipzig, 1844, 8 vol. ? Les 4.premiers volumes des Monumenta, dans la série Diplomata, Pesth, 1857-1859. * Publiés par Ch. Weiss, Paris, 1841. Négociations de la France dans le Levant, 4 vol. in-4°, Paris, 1848-1860. 5 Vol. XI-XIX. : 6 Historia Major, ed. Wats, Londini, 1640, ou Paris, 1644. — Rééditée à Londres par M. Luard, 1872-1874 , mais ce second volume s'arrête à l’année 1216. — Traduite en français par M. Huillard-Bréholles , Paris, 1840 (tome V). 7 Tome V de la série Diplomata des Monumentu. 5 Même volume. — 112 l'objet des recherches et des publications de M. Simonyi!. Cette dernière montre, pendant la guerre de la Succession d’Espagne, tout un côté de la politique des puissances protestantes. Notons en passant que la correspondance des réformateurs concerne assez souvent la Hongrie?. Les lettres de Lady Montagu renferment une curieuse description de ce pays en 1717 HI CHRONIQUES, MÉMOIRES, ETC. AVES Chroniques de provenance magyare. Au moyen âge fort peu de Hongrois ont écrit sur les événements qui s'étaient accomplis de leur temps, ou même sur les événements antérieurs; et parmi ceux qui font exception, la plupart étaient des ecclésiastiques d’origine étrangère. Cela tient à deux causes : d’abord des anciens chants nationaux et des traditions de la con- quête rien ne nous est arrivé directement, car ils ont été enveloppés dans la proscription du paganisme; ensuite la culture chrétienne et latine a été importée par des étrangers, et il lui a fallu du temps pour devenir nationale. Les deux premiers siècles de la Hongrie chrétienne n’ont d’autres chroniques que les légendes des troïs princes canonisés, saint Étienne, saint Emmerich, saint Ladislasi. Les plus importantes sont celles d'Étienne I”, avec lesquelles l'évêque Hartvicus com- posa une biographie. À côté de ces légendes se placent celles du solitaire Zœrard, et de l’évêque Gerhard de Csanad, martyr de sa foi. Les chroniques proprement dites ne commencent que vers la fin du xn° siècle, et n'offrent pas, elles non plus, une réelle va- leur historique. En effet, il en est d’extrémement sèches, qui ne sont à proprement parler que des listes de rois, comme le Chronicon 1 2 vol. de la récente série intitulée Archivum Rékôczyanum ; les 3 autres sont les 3 volumes déjà cités de M. Thaly. ? V. les Epistolæ Theologicæ Theodori Bezæ (Genevæ, 1553), la collection Her. minjard, etc. Letters of Lady Montagu, London, 1778. Tous les documents indiqués dans ce paragraphe se trouvent dans les Mo- numenta Arpadiana d'Endlicher. Voy. la critique sévère et savante que M. Wat- tenbach a faite de ces légendes dans son travail intitulé Deutschlands Geschichts- quellen im Mittelalter, bal 1858. — 115 — posoniense , ou mème, avec un peu plus de détails, les Gesta Hunga- rorum de Simon de Keza, lequel a heureusement laissé deux petits traités très-utiles sur les nobles étrangers venus en Hongrie et sur les classes inférieures !. Deux autres sont plus intéressantes comme étant la reproduction écrite des vieilles traditions, la Marci chronica? et surtout celle du Notaire Anonyme du roi Béla . Malheureusement l'auteur n'indique pas duquel des quatre rois Béla il s’agit : l'étude du texte et des noms propres qu'il contient ne permet guère de l'attribuer-qu'au troisième ou au quatrième, par conséquent à la fin du xn° siècle ou au milieu du xin°. Ce n'est donc qu'un écho lointain des vieux bardes. De plus il est surchargé de légendes absurdes, et visible- ment destiné à justifier la conquête par un droit de possession antérieur. Toutefois il est conforme, par les traïts essentiels, aux assertions et du russe Nestor et des Byzantins, et pour l'invasion d'Arpäd par exemple il n'est point à exclure de la liste des sources historiques “. Au milieu du xi° siècle appartient l'intéressante chronique de Roger sur l'invasion mongole*. Le xrv° siècle n'a guère que la chronique de Küküllô sur. Louis le Grand, roi de la maison d'Anjou, laquelle a été intercalée depuis dans Thurôczy. Nous sommes arrivés au début des temps modernes, au règne de Mathias Corvin, sous lequel les sources nationales deviennent nombreuses. Ce serait même déjà une première phase de la cul- ture historique, puisque Thurôezy °, Bonfinius 7, Ranzani $ {ce der- nier, il est vrai, très-peu important), ont la prétention de raconter 1 De nohbilbus advenis, — De udvornicis dans les Monum. Arp. d'Endlicber. ? M. Toidy en a donné quelques fragments dans son Olvasékünyv (Livre de lecture), Pesth, 1868. 3 Le Notarius Anonymus Belæ se trouve dans Endlicher, dans Schwandt- ner, Scriptores rerum hangaricarum, 2 vol. in-fol., Vienne, 1746. # Telle est l'appréciation à laquelle je suis arrivé sur cette chronique, trop exaltée par la plupart des Hongrois et par Amédée Thierry, trop rabaissée par la eritique allemande (MM. Wattenbach, Ræssler, etc.), tout en reconnaissant que celle-ci a raison quant à l'époque tardive du document. L'Anonyme n'est pas un romancier et n’est pas un historien : il a recueilli et raconté avec des ornements arbitraires des traditions nationales qui pour les faits essentiels sont confirmées par les sources sérieuses. 5 Rogerü carmen miserabile, dans Schwandtner. 5 Dans Schwandiner. 7 Rerum hungaricarum decades quatuor, Basilæ, 156$, in-foi. $ Dans Schwandiner. AIISS. SCTENT. — IN. (w+ + DR tout le passé du pays, el que la forme de Decades donnée par Bon- finius à son ouvrage fasse de lui, au moins par l'intention, une sorte de Tite-Live hongrois. Mais ils sont trop des compilateurs de légendes et de chroniques anciennes pour être qualifiés d’historiens, et d'autre part ils ont été témoins des derniers événements qu'ils racontent. Sur eux, comme sur un nommé Callimaque}, narrateur du désastre de Varna, l'influence littéraire de la Renaissance est évidente, et d'autant plus naturelle qu'ils ont passé une partie de leur vie en [talie. C'est d'Italie, du pays qui lui fournissait ses copistes el ses mer- veilleux manuscrits, que Mathias attira les hommes qui racon- tèrent son règne et celui des derniers Jagellons, Galeotto Marzio de Narni, qui dédia à Jean Corvin un recueil d'anecdotes relatives à son glorieux père ?; Tubero, l'auteur d’élégants commentaires sur l'époque encore brillante mais déjà tourmentée qui précéda la ba- taille de Mohäcs ÿ, et que la chronique de Szeremi“ révèle avec plus de vérité dans son grossier latin. On peut donc dire que les chroniques concernant la seconde moitié du xv° siècle et le pre- mier quart du xvi° sont l'œuvre, les unes de vrais Magyars, les autres d’'Ialiens magyarisés par la faveur quelquefois prodigue des rois. Il semblerait qu'avec la bataille de Mohacs ce mouvement ait dû s'arrêter dans ie désordre et le déchirement du pays. Il n'en est rien : au xvr° et au xvr° siècle on écrivit beaucoup sur les événe- ments contemporains, et la Réforme, sans dominer Jamais entiè- rement, eut une double action : elle donna une existence régu- lière et scientifique à la langue nationale, qui tendit toujours plus à devenir celle des chroniques et des mémoires, et elle répan- dit, même chez ses adversaires, l'instruction et la curiosité; €’est même elle qui introduisit véritablement l'imprimerie en Hongrie °. ! Dans Schwandtner, : Dans Schwandtner. # Dans Schwandtner. ‘ Dans les Monumenta Hungariæ historica, à. I de la série Scriptores. * Excepté un très-petit nombre d'ouvrages déjà imprimés sons Mathias Corvin ct ies Jagellons. — La Bibliothèque de l’Académie à Pesth renferme une pré- cieuse collection d'éditions princeps des écrits protestants de cette époque : le réformateur Erdæsi (Sylvestris) rédigea la première grammaire, le réformateur Juhäsz (Melius) le premier ouvrage de botanique, etc. — 115 Enfin nous devons indiquer d’une façon générale les ouvrages de théologie et de polémique, les pamphlets et brochures des deux côtés !, les récits faits par les protestants, soit luthériens, soit cal- vinistes, soit même unilaires, de leurs progrès, de leurs institu- tions et de leurs souffrances *?, comme renfermant des renseigne- ments précieux sur les mœurs et la vie nationale pendant ces deux siècles. À côté des écrits religieux il faut citer la poésie, qui fournit aussi quelques notions historiques, et distinguer la poésie latine et la poésie magyare. En latin, à Cortesius, panégyriste de Mathias Corvin , succèdent Uncius* pour les souvenirs du temps passé, et Schesæus pour la description des souffrances récentes de la Tran- sylvanie®. En magyar, la poésie populaire ou savante, mais plus souvent populaire, après avoir donné quelques chants historiques épars dans divers recueils et surtout des mystères, des ballades, des chansons dont l'importance historique n’est qu'indirecte 5, de- vient, au temps des dernières grandes insurrections contre l'Au- triche, un véritable trésor pour lintelligence de la vie nationale, trésor recueilli par M. Thaly? Bornons-nous désormais, pour les xvi° et xvu° siècles, à l’histoire proprement dite. Il faut d’abord indiquer le grand ouvrage d'Ist- vanfi 5, capital pour le premier de ces deux siècles; mais un grand nombre de chroniques ei de relalions spéciales le complètent ou le 1 C'est aussi la Bibliothèque de l'Académie qui possède la collection, formée patiemment par Jancsé, de brochures et de pamphiets, dont beaucoup d'unica et beaucoup avec de curieuses gravures, relatifs à l’histoire hongroise des xvi', xvu° et xvrrI° siècles. ? Par ex. Monumenta Evangelicorum in Hungaria historica, publiés par M. Fab6, 3 vol., Pesth, 1861; — Länyi Funda Davidis, 1636; — Historia diplomatica de statu religions evangelicæ in Hungaria, 1710, im-fol. — V. aussi lampe, Historia ecclesiæ reformalæ in Hungarw, Trajecti ad Rhenum, 1728 , et les Memorabiliu de Ribinyi, 1787. 5 Imprimé à la suite des Décades de Bonfinius. 4 Poematum libri septem de rebus ungaricis, Cracoviæ, 1599. 5 Ruinæ Pannonicæ libri quatuor, Cibinü, 1797. $ Les principaux recueils sont ceux d'Erdélyi : Népdalok és mond&k (Chants et contes), Pesth, 1846, 3 vol., et de MM. Axény L. et Gyulai P. Pesth, 1832, 2 vol. ( Mayyar néphôltséi Gvüjtemény). 7 Adalékok a Tôkôly és Rakôcz i-Kor irodalom tôrténetéhez, Pesth, 1872, 2 vol. 8 Nicola Isthvanft Pannoni Historicrum de Rebus Ungaricis libri XXXIV, Co- _loniæ Agrippinæ, 1622, in-fol. — 116 — dépassent. Ce sont d'abord huit chroniques locales de Transylvanie publiées par Joseph Kemény !, puis Baronyai, Brutus et François Forgäch, publiés tous trois par lAcadémie?; diverses relations diplomatiques insérées par Kovächich * dans ses Scripiores minores ; Olah et Jérôme Laszky, donnés par Mathias Bel“; Bizarrus, Bu- dina, Soiter, réunis aux ouvrages importants des époques précé- dentes par Bongarsÿ, puis par Schwandiner, dans leurs grandes collections: enfin Szalärdy, Székey, Cserei5, Sômôgh?, Ursinusÿ, et ke long récit singulièrement intitulé Chronicon Fuchsio-Lupino- Oltardinum”®, lesquels ont été publiés séparément. Si nous envisageons à part le xvn° siècle, et plus spécialement l'époque dramatique où les Magvars de Hongrie et de Transvl- vanie, avec les princes de cette dernière contrée, résistèrent à l’ab- solutisme de Léopold, les documents n’abondent pas moins, et ils prennent plus volontiers qu'auparavant la forme du journal ou des mémoires. | La langue française a été plusieurs fois employée : elle l’a été. pour la rédaction d'ouvrages anonymes sur les Révolutions de Hon- griel9; elle l’a été par deux illustres Transylvains, le comte Nicolas Bethlen !! et le prince François Räk6ezy!? dans la composition de leurs mémoires. La langue magyare partageait avec le français le terrain en partie abandonné par la langue latine comme langue historique : la preuve en.est dans les mémoires de Babocsay et de Kemény Janos, publiés depuis longtemps par Rumy %, comme dans ! Deutsche Fundgruben der Geschichte Siebenburgens, Kilausenbourg, 1840, 2 vol. ? Tomes XIIT, XVI et XVII des Scriptores ( Monumenta). 2 vol., Budæ, 1798. Adparatus ad historiam Hungariæ. Posonii, 1735, in-fol. Rerum hungaricarum scriptores varuü. Francofurti, 1600, in-fol. $ Ujabb nemzeti Kônyvtér (Nouvelle Bibliothèque nationale). Pesth, 1852, 3 vol. 7 Ambrosu Simigiani hist. (dans les Scriptores rerum transylvanicarum). 8 Casparis Ursini Velu de Bello Pannonico libri decem. Vienne, 1762, in-4°. Coronæ, 1847. 10 2 vol. in-4°, la Haye, 1739. 1! Imprimés à la suite des Révolutions de Hongrie. 12 Jbid. Monumenta hungarica. Pesth, 1817, 3 vol. in-8°. — Malgré ce titre latin, le recueil est entièrement composé de vieux textes magyars, parmi lesquels il faut citer les [Instructions de Georges [* Räkéczy à sa cour et à son armée. EE — 117 — ceux de Michel Teleky, de Tekeli et de plusieurs autres | récem- ment mis au jour par l'Académie. Depuis 1711 jusqu'en 1815, la Hongrie, volontairement sou- mise à la maison d'Autriche, et même pendant le long règne de Marie-Thérèse, oublieuse de sa propre langue au profit de l'alle- mand, ne produit que peu de mémoires ayant une valeur origi- nale : le comte Karolyi sous Charles VI?, Keresztesi ? sous Joseph IF, font à peine exception. En revanche, les études vraiment histo- riques commencent alors, comme nous le verrons bientôt, et de plus, à partir de 1780 ou 1790, la poésie nationale produit dans Peczeli, Baroti, Virag, Berzsényi, Verseghy, Bacsanyi, Csokonai, Kisfaludy, des patriotes dont les vers ont souvent une réelle im- portance historique“. Le temps des chroniques est passé, et nous sommes arrivés déjà à l'histoire contemporaine et à ses modes variés d'information. B. — Chroniques de provenance austro-slave. En outre des chroniques dalmates déjà signalées dans le recueil de Lucius, la Bohème et l'Autriche possèdent dans leurs monu- ments historiques un bon nombre de récits indispensables au point de vue de l'histoire hongroise, et d'autant plus précieux qu'ils servent à contrôler et à corriger les traditions magyares, ces docu- ments ayant surtout été composés dans les périodes où le royaume indépendant de Bohème et l’archiduché d'Autriche étaient en lutte ou en rivalité avec leurs voisins orientaux. La Bohème nous offre, sans parler des nombreux documents, qu'il n'y a pas lieu d'énumérer ici, utilisés par MM. Palacky et Dudik dans leurs grandes histoires’, une suite de renseignements, particulièrement sur le xn° et Îe xm siècle. Si la chronique de Pul- kava et celles de ses continuateursS sont bien sèches et n’ont d'autre mérite que d'embrasser quatre siècles, celle du chanoine Vincent ! Tomes XXIIT, XXIV et XX VII des Scriptores. ? Karolyi Sändor ônéletträsa | Autobiographie). Pesth, 1865. 3 Keresz tesi J. egykora eredeti napléja (Journai originai). Pesth ; 1868. 4 Les pièces les plus importantes de ces divers ie se trouvent dans le recueil de M. Toïdy (4 Magyar irodalom Kézulônyve. Pesth, 1855, 2 vol.), 5 Voir au IV, B. : ve le tome III de Dobner : Monumenta historica Boennæe. Pragæ, 6 voi. in- 1764. — 118 — de Prague! est la principale source pour les événements de 1164 ; le Chronicon aule regiæ donne d’assez curieux détails sur les expé- ditions de Jean de Luxembourg ?, et le Chronicon Bartossi* montre la participation des Hongrois aux guerres contre les Hussites. Dobner les a déjà réunies et publiées toutes au siècle dernier. Une histoire de Bohème plus ancienne et plus générale est celle de l'évêque d’Olmütz Dubrawsky* Cosmas de Prague est utile pour la première moitié du xn° siècle . Enfin le recueil de Erben5, que nous pouvions indifféremment classer dans notre première ou dans notre seconde catégorie, contient des pièces qui éclair- cissent surtout l'invasion des Mongols. Si de la Bohème et de la Moravie nous passons à l’Autriche proprement dite, c'est le recueil de Pez? qu'il faut ouvrir : 1à se trouvent les chroniques d’Arenpeck, de Thomas de Haselbach, et de nombreux évêchés ou diocèses, où l’on a eu soin de consigner les événements qui s’'accomplissaient un peu en deçà ou un peu au delà de la frontière hongroise au moyen âge. Plus importantes en- core sont les Annales de Mœlk, insérées par M. Wattenbach, avec plusieurs des chroniques précédentes, dans là grande collection de Pertz$ : on y suit, comme dans plusieurs publications de Kollar® et de Chmel1, la lutte tantôt politique, tantôt guerrière, de Frédéric III contre la maison de Hunyade. C'est ici le lieu d'indiquer les œuvres d’Æneas Silvius Piccolomini, qui, avant son court pontificat sous le nom de Pie IT, fut le serviteur dévoué de la maison d'Autriche, et qui peut figurer parmi les sources autri- chiennes avec ses lettres !!, son histoire de Bohême !, son tableau de l'Europe sous Frédéric III, ouvrages où il est souvent ques- tion de la Hongrie. ! Dans Dobner, t. [°. ? Dans Dobner, t. V. 3 Dans Dobner, t. I®. Dubravu Olomuzensis episcopt Historia Boiemica. Bâle, 1575, in-fol. Dans Pertz, t. IX (Mon. Germaniæ historica). Regesta: Boheniæ et Moraviæ. Prague, 1855, in-4°. Scriptores rerum austriacarum veteres ac genum. Lipsiæ, 1721, 2 vol. in-fok. Annales Mellicenses. Dans le tome IX des Mon. Germ. (Scriptores ), Analecta Vindobonensia. Vindobonæ, 1762, 2 vol. im-fol, 10 Due Handschrifien der k. k. Hofbibliothele in Wien. Vienne, 1841, 2 vol. in-8°. Dans ses OEuvres complètes, Bâle, in-fol. Æneæ Sylou Senensis de Bohemorum historia. Francfort, 1587, in-°. ® De Statu Europe sub Frederico LIT (dans Freher, t. IT). (i [= a] 9 7 — 119 — Plus tard, pendant les luttes et les insurrections du xvu* siècle , et dans les époques encore plus rapprochées de nous, on s’est fré- quemment occupé de la Hongrie à Vienne, soit dans des ouvrages d’érudition et de critique que nous avons eu ou que nous aurons l'occasion d'indiquer, soit dans des livres d'histoire qui sont de vrais panégyriques des empereurs et des jésuites, comme ceux du jésuite JS. Wagner! ; soit dans des brochures et pamphlets?, accompagnés souvent de gravures, parmi lesquels nous citerons ici le Procès des trois comtes exécutés en 1671 %, et les attaques du savant tacticien Montecuccoli* contre la manière de combattre de la noblesse magyare. CC: — Chroniques de provenance étrangère. Les deux contingents les plus considérables de beaucoup sont celui de l'Allemagne {même sans l'Autriche) et celui de Pltalie. Les Italiens ont eu à subir deux invasions magyares très-diffé- rentes : d’abord les incursions des premières années du x° siècle, dont le Chronicon venetun de Dandolo® a conservé le souvenir, non sans exposer la rivalité de Venise et de la Hongrie dans les siècles suivants; puis, après un intervalle qui n'est occupé que par le soi-disant Bernard le Trésorier$ et Richard de San-Ger- mano, les campagnes du roi Louis I d'Anjou contre Jeanne de Naples, relatées par Villani?, Gravinaÿ et les chroniques d'Este, de Sienne et de Modène?. Tous ces documents, comme les Annales Bonincontrit %, relatives au siècle suivant, ont été conservés par Muratori dans son œuvre monumentale. Dans les temps modernes, l'ltalie n’a pas revu les Hongrois, ! Historia Leopaldi Magni, Augsbourg, 2 vol. in-fol. — Historia Josephi 1 C«- saris, Vienne, 1745, in-fol. ? La plupart figurent dans la collection Jancs6, qui appartient à l'Académie. * Vera et deducta descriptio criminalium processaum in tres reos comites. Viennæ, 1671,in-fol. (avec gravures). * Dans Katona, t. XXXIIL. 5 Dans Muratori, t. XII. $ Dans Muratori, t. VIT. — M. de Mas-Latrie a démontré, en publiant la vraie Chronique (en vieux français) d'Ernoul et de Bernard le Trésorier (Paris, 1871), que . ouvrage attribué à ce dernier par Muratori est l'œuvre du moine Pippino. 7 Dans Muratori, t. XIV. 5 Ibid. 1. XII. Pb EN. En XXE. — 120 — exceplé ceux qui faisaient partie des garnisons autrichiennes; mais, en revanche, beaucoup d'Ttaliens ont été introduits par la politique autrichienne dans les affaires hongroises, surtout au xvrr° siècle. On comprend dès lors que la littérature italienne, aux temps de la décadence, plus qu'aux temps de la grande Renaissance, qui ne serait représentée ici que par Paul Jove!, se soit consacrée en partie à exposer, non sans fanatisme religieux et monarchique, les événements qui s’accomplissaient dans le bassin moyen du Danube. L'Académie de Pesth a publié les récits de Francesco della Valle et de Contarini? sur la grandeur pittoresque et la chute tragique d'un aventurier à moitié Vénitien , à moitié Turc, Aloys Gritti. Spontoni® et Tomasi*, entre autres, se sont occupés des prises d'armes en Hongrie et en Transylvanie au début du xvu° siècle. Avant la bataille de Saint-Gothard, c’est Pessina® qui fait retentir le cri d'alarme dans la chrétienté. Plus tard encore, tandis que Manone et Lopez? célèbrent les victoires remportées sur les infidèles et les mécontents, J. B. Vico descend jusqu’à faire le panégyrique en vers$ et en prose° du bourreau Caraffa. Cette série est close, après les victoires du prince Eugène, par les études de Marsigli sur la grandeur et la décadence militaire de l'empire ottoman !©. Les matériaux allemands forment une suite plus continue, au moins pendant le moyen âge. Regino de Trèves!l et Flodoard = qu'à vrai dire nous pouvons réclamer, bien qu'il figure dans les collec- tions germaniques, sont les témoins intéressants et véridiques des Hongrois paiens et de leurs incursions furieuses, avec Thietmar, 1 Pauli Jovu Hist. sui temporis. Florentiæ, 1550, in-fol. ? Dans le Magyar Türténelmi tér (collection historique spéciale). Pesth, 1857, t. IE. 3 Historia della Transilvania. Venetia, 1638, in-4°. * Delle guerre et rivolqiment del Reyno d’Ungarta. Venetia , 1621, in-4°. * Ucalegon. Lithomishi, :664. ® L'Ungheria vendicata, etc. Milano, 1686. © Historia delle passate e correnti querre d Ungaria. Napoli, 1688. | $ Opuscoh di G. B. Vico. Napoli, 1810. De rebus gestis Antoni Caraphæï. Neapoli, 1716, in-4°. 9 Stato nulitare dell Imperio Ottomano , etc. Amsterdam, 1932, 2 vol. in-fot, 1 Perntzsdt 2 Pertz, t. III. 13 Thid. 9 — 121 — Widuchind!, Luitprand? et les auteurs non moins purement germaniques des annales de Fulde et de Saint-Gall?. Sur les pre- miers temps du christianisme en Hongrie, nous trouvons l’histoire de l'évêché de Passau 4, Lambert 5 et Ekkehardÿ, surtout Heriman- nus Augiensis?. À l'époque des grandes croisades et de Frédéric Barberousse, apparaît un témoin peu bienveiïllant, Otto de Fri- singen$. Les luttes des Allemands et des Magyars coalisés contre les Slaves d'Ottokar sont éclaircies par des chroniques que Boehmer a publiées, celles de Volkmar et d'Hermanus Altahensis®. La Si- lésie envahie par Mathias Corvin a pour annalistes Cureus!° et Eschenloer, secrétaire de la ville de Breslau 4. Un prisonnier alle- mand de Nicopolis, Schilthberger }?, a raconté ses malheurs. Les temps modernes sont beaucoup moins riches en documents: de la catégorie que nous étudions présentement. Toutefois les guerres contre les Turcs, surtout celles du xvn° siècle, ont donné lieu en Allemagne, et tout particulièrement dans la ville de Nu- remberg, à des publications accompagnées de gravures, dont les titres sont parfois interminables ©. Très-différents sont les mé- mroires de Schmettau sur les campagnes malheureuses qui se ter- minèrent par la paix de Belgrade . Il faut ensuite aller jusqu'à Gentz 15 pour trouver un écrivain allemand qui se préoccupe de la Hongrie. 1 Pertz, t. IIL. 2 Ibid. nPentrott FE: * Tome [* de la Germania sacra de Hansiz. Augsbourg, 1729, in-fol. 5 Pertz;t. V. 6, Pertz it... VI. 7 Pertz, t. V. 8 Ottonis episcopi Frisingensis Chronicon. Basileæ, 1569, in-fol. 9 Dans les Fontes rerum germanicarum. Stuttgart, 1843. 10 Gentis Silesiæ Annales. Wittenber g,1971,in-fol. Gesch. der Stadt Breslau, publiée par Kunisch. Breslau, 2 vol. 1827: . © Voirle Taschenbuch für die vaterländische Geschichte de Hor mayr, 8° année. Vienne, 1827. 8° Historische Lorbeer-Kranz, etc., 1664. — Die alte und neue Teutsche-Dacia, 1666, suivi de Das bedrängte Dacia, par Jean Bethlen. — Der blutig lang. . Adler-blitz, etc. 1684. M Mémoires secrets de la querre ee Hongrie, pendant les campagnes de 1787, Lu 1739. Francfort, 1786. ” * 6 vol. dont un en français. Stuttgart, 1841. — 122 — Les matériaux de provenance française sont fort espacés : après Flodoard, déjà indiqué, et Albert d'Aix, qui suit l'itinéraire des premiers croisés!, on ne ne peut citer que Boucicaut, l'un des héros de Nicopolis?. Ensuite nous ne trouvons que les allusions de Commrines et le récit des guerres turques dans la grande Hhis- toire de de Thou$ jusqu’en 1665. Alors commence une série d'ouvrages, le plus souvent anonymes“, sur Îes troubles de Hon- rie, ouvrages manifestement destinés par le gouvernement de Louis XIV à cimenter et à expliquer ses alliances avec les mécontents, en évitant tout soupçon d'indulgence à l'égard du protestantisme. Nous ne pouvons terminer cette courte série française sans un mot pour l’aimable et cosmopolite prince de Ligne. Reste l'Orient : les Slaves ne sont représentés que par quelques mots du Russe Nestor et par des passages plus nombreux et plus détaillés du peu bienveillant historien polonais Dlugoss7. Les Byzantins se sont beaucoup occupés des Magyars à trois époques différentes : Léon VI et Constantin Porphyrogénètef, lors de leur arrivée et de leurs conquêtes, qu'ils ont étudiées avec la plus grande perspicacité et les plus exactes observations; Nicétas Cho- niates et Cinnamus”®, au milieu du xu° siècle, quand la politique des deux États se trouvait en rapports continuels; Ducas et Chal- cocondylas 10, lors des croisades qui ont précédé et suivi la prise de Constantinople. ! Dans Bongars, Gesta Der per Francos. Hanoviæ, 1619. ? Livre des fuicts du mareschal de Boucicaut (collection Petitot, t. VI). # Thuanus, Historiarum sut temporis lib. CXXXVIIT, Londres 1933. va aussi quelqnes passages des Economies royales de Sully. Excepté les Discours du Chevalier du Mai, Lyon, 1665. — Mais l'Histoire des troubles de Hongrie (Paris, 1685, 4 vol.) et divers ouvrages sur Tekeli et Rà- kéczy sont anonymes. 5 (Œuvres et Mémoires. Paris et Bruxelles, 1860. $ La chronique de Nestor a été traduite par Louis Paris (Paris, 1834, 2 vol. in- 8°). 7 Historic Sas Francfort, 1711, 2 vol. in-fol. 5 Tactica. — De administrando imperio, dans, l'édition de Bonn des Historiens byzantins. * V. Stritter : Memoriæ populorum. . . e scriptoribus historiæ byzantie erute , À vol. in-4°; Petropoli, 1771. "0 Publiés l’un en 1834, l'autre en 1843, dans la collection de Bonn. — 123 — Les anciens auteurs musulmans Macoudi!, Ibn-Foslan?, Aboul- Feda%, Ibn-Dasta *, jettent quelque jour sur les difficiles et obscures questions d'origines. Le prince arménien et chrétien Haython ÿ s'est un peu occupé des invasions mongoles , ainsi que les auteurs chinois résumés par le Père Gaubil®. Les sources turques sont très-nom- breuses pour le xv° et le xvi° siècle : on les trouve dans Hammer. La traduction de l'une d'elles, l'Histoire de la campagne de Mohaecs, par Kemal-Pacha-Zadeh, nous a été donnée par M. Pavet de Cour- teille 7. IV HISTOIRES ET ÉTUDES DIVERSES. À. — Histoires et études dont les auteurs sont magyars. Les travaux généraux ou spéciaux, comprenant plusieurs vo- lumes ou concentrés en de simples brochures, dans lesquels l’his- toire de Hongrie est exposée avec érudition et critique, sont presque tous très-modernes et datent même plutôt du milieu que du commencement de notre siècle. Toutefois il serait injuste de ne pas tenir compte des laborieux précurseurs du xvm° siècle, Palma $ et Mathias Bel®, qui ont composé de grands ouvrages d’en- semble, l'un historique, l'autre descriptif; Benkô, grand érudit, surtout pour la géographie ecclésiastique 1° ; Haner 1, Wallaszky F, Horanyi}#, les fondateurs de l'histoire littéraire et de la biographie, ! Traduit par MM. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, 2° vol. Paris, 1863. * Dans Frœhn : De Baschkiris, etc. Saint-Pétersbourg, 1822 (dans les Mémourcs de l'Académie, t. VIT). * Traduit par Reinaud. Paris, 1838. * Voir à la suite des Romänische Studien de M. Ræssler. 5 Dans le t. IT de Reiner Reimeccius Steinheimius, Helmæstadii, 1585, in-4°. 5 Histoire de Gentchiscan et de toute la dynastie des Mongous, tirée de l'histoire chinoise. Paris, 1739. 7 Paris, 1850. $ Notitia rerum hungaricarum. Pestini Budæ et Carsoviæ, 3 vol. in-8°, 1785. * Mathie Belu Notitiu Hungariæ nove, 3 vol. in-fol., 1735. 0 Milkovia, Viennæ, 2 vol., 1781, et Transylvania, Viennæ, 1778. 1 Das Kônigliche Siebenbürgen. Erlangen, 1763. — De Scriptoribas rerum hun- garicarum et transylvanicarum. Viennæ, 1798. 7? Conspectus rapublicæ lit. in Hung. Posonü, 1785. © Memoria Hungarorum scriptis editis notorum. Viennæ, 1775 , 3 vol. in-8°. — 124 — les auteurs de l’'Ungrisches Magazin, première revue savante et na- tionale fondée à Presbourg dès le règne de Joseph IL! IL faut ac- corder moins d'attention à des compilateurs quelquefois partiaux, tels que les jésuites Kazy ?, Timon’, Schmitth #, Kaprinai *. Une seconde période de préparation s'étend de 1800 à 1840 environ. Alors commencent les ouvrages de vulgarisation acces- sibles à tous les lecteurs : aux Siècles magyars de Viräg racontés en langue nationale $ succèdent les grandes Histoires de Fessler7 et de Majläth 8. Les recherches accessoires, nécessaires à l'édification d'un monument historique, font chaque jour des progrès, comme l'attestent et la publication des vieux textes par Dôbrentei”, et les travaux de numismatique de Schœnvisner !!, et les albums archéo- logiques commencés par Fr. Kubinyi 4, et les brochures ©? que ses grandes publications de diplômes n’empêchaient pas Fejer de com- poser. Il ne faut pas oublier non plus les recherches dans le do- maine de la paléographie, de la géographie ancienne et de la géographie administrative moderne entreprises par Schwartner #, Katansics # et Kovachich !. Enfin, ces trente dernières années n’ont pas été moins fécondes en études historiques qu'en publications de documents. La Hon- 1781 et ann. suivantes. Historia regni Hungariæ, 3 vol. in-fol. Tyrnaviæ, 1740. % Imago novæ et antiquæ Hungariæ, Vienne, 1754, in-4°. 4° Imperatores oltomanici, etc. Tyrnaviæ, 1774, in-fol. 5 Hungaria diplomatica temporibus Matthiæ de Hunyad. Vienne, 1767. S Magyar Szazadok, Budan, 1808. Une nouvelle édition, complétement refondue par M. Klein , n'est pas encore achevée. Leipzig, 1867 et années suivantes. 8 Geschichte der Magyaren, Vienne, 1828, 5 vol. — Geschichte von OEster- reich, Hambourg, 1834. rg, ° Régi D Nyelvemlékek. Bude, 1838, 3 vol. in-4°. 10 Notuia Hungaricæ re numariæ. Bude, 1801, in-4°. 1 Nous les avons vus à l'Exposition universelle de 1867 : quoique récents, ils sont le résultats de recherches déjà anciennes. 2 Elles avaient toutes pour objet des questions relatives aux origines des Ma- gyars. 13 [ntroductio in rem diplomaticam œvr intermedu præcipae hungaricam, Budæ, 1002. Istri adcolarum Geographia vetus e monumentus..... eruta. Budæ, 1826, Vol. in-4°, 15 Indices reales historici in decreta comitialia, Budæ, 1806 : c'est un vrai dic- tionnaire de géographie administrative. — 125 — grie a trouvé dans ME Horväth ! et dans Szalay ? des historiens na- tionaux qui ont su embrasser dans son ensemble, avec tous les renseignements possibles, le passé de leur pays. De plus, elle a vu paraître un grand nombre d'ouvrages spéciaux, dont nous indique- rons seulement les principaux en les divisant en cinq séries : études d’une époque particulière, études d’une région ou d’une ville à part, études d'histoire juridique, études d'histoire ecclésiastique; _enfin études d'archéologie, de mythologie, d’ethnographie, etc. Les grandes guerres contre les Turcs surtout ont fait l’objet d'ouvrages spéciaux, dont le plus vaste est celui du comte Joseph Teleky sur l'époque des Hunyades *, époque également étudiée par MM. Kiss* et Knauz 5. Jaszay a décrit l’état du pays après la bataille de Mohacs$. Szalay 7 et Hatvani$ ont fait le portrait politique des principaux personnages du xvi° siècle. M. Salamon a réuni en un livre capital ® les traits, épars dans une foule de documents, de la Hongrie soumise à l'occupation turque, et M. Szilagyi a commencé un grand ouvrage sur les princes de Transylvanie !, dont mieux que personne il connaît l'histoire. C’est également M: Szilagyi qui, avec son Histoire de Transyl- vanie 11, occupe le premier rang dans la série des études régionales et locales. À côté de lui se présentent M. Szab6 avec ses études approfon- dies sur les premiers temps ©, M. Jakab avec son histoire de la ville 1 Magyarorszég Tôrtenelme (Histoire de Hongrie). Pesth; 1865, 6 vol. ? Szalay a écrit toujours en hongrois, mais son histoire ayant été traduite en allemand, je la citerai de préférence sous cette forme plus accessible : Geschichte Ungarns, trad. Wôgerer. Le dérnier volume n'est pas encore traduit. 3 Hunyadiak Kora Magyarors-ägon, 10 vol. Pesth, 1852. Les derniers volumes sont remplis de documents. # Hunyadi Janos utolsé hadjérata. (La dernière campagne de Jean Hunyade). Pesth, 1857. 5 Az orsz4gos tandcs tôrlénete (l'Histoire du Conseil national). Pesth, 1859. $ À magyar nemzel napjæ, etc. Pesth, 1846. 7 Adalékok (Contributions). Pesth, 1861. 8 Tüôrténelmi Zsebkôünyv (Manuel historique). Pesth, 1857, % Magyarorszäg a t6rôk hôdutäs Koräban , Pesth, 1864. (La Hongrie au temps de l'occupation turque.) 10 Raäkôczyak Kora (Le temps des Räkcécy), ouvrage inachevé. Erdélyorszäg tôrtenete, 2 vol. Pesth, 1866. 2 À magyar vezérek Kora (Le temps des ducs hongrois). Pesth, 1869. — Biborban Született , etc. (Mémoire sur Constantin Porphyrogénète). Pesth, 1865.— Divers articles dans le Buda Pesti Szemle (Revue de Pesth-Bude). — 126 — de Klausenbourg!, M. Szücs avec son histoire de Debreczin?, M. Hornyik avec celle de Kecskemét*, M. de Zieglauer* et surtout M. Teutsch avec son histoire des Saxons de Transylvanie 5, L'ouvrage le plus général d'histoire juridique est le Commen- taire de Bartal; plus récents et plus approfondis sont les travaux de M. Hajnik sur les différences qui séparaient au moyen àge la Hongrie de l'Europe féodale ?, et sur la condition des Juifs, Szle. menics a suivi l'histoire des lois à travers l'histoire politique ?, Czech a étudié l'ancienne question du serment à la constitution 10, et M. Pesty celle du duel judiciaire en Hongriell, L'histoire ecclésiastique catholique a surtout été étudiée par Länyi'?, Jerney a fait des recherches érudites sur les églises et les couvents 15. Le recueil intitulé Cahiers de Gyÿôr 4 est en grande partie consacré aux travaux de ce genre; et le plus grand des polé- mistes catholiques, le cardinal Päzmäny, a trouvé un biographe des plus compétents dans M. Fraknôi®. Les protestants ont continué à beaucoup écrire sur l'histoire de leurs églises et de leurs écoles : outre l'auteur anonyme d’un livre considérable publié en alle- mand 5, il faut citer ici l'histoire du Collége de Säros-Patak, par J. Szombath!7, publiée seulement de nos jours, diverses études de M. Révész el une courte histoire générale par M. Balogh 1, L'his- 1 Kolozsvér tôrténete, Bude, 1870, 2 vol. ? Sz. K. Debreczen véros türténelme. Debreczen, 1870, 3 vol. in-8°. # Pesth 1860, 2 vol. Hermannstadt, 1869. ® Geschichte der Siebenbürger Sachsen , 2° édit. Leipzig, 1872, 2 vol. ‘ Pesth, 1847. ? Magyarors:g. . . és a hübéri Eurépa. Pesth, 1867. ® Dans le Magyar Akadémiai Ertésitô de 1866. * Dans le VI® vol. des Annales de l'Académie, 1845. 10 Jbid., 3° vol. 1838. !L À perdüntÿ bajuinésok, 1867. Magyar/üld eyyhäztôrténetei, Nagyszombatban, 1844, 3 vol. 1 Kaptalanok és Konventek dans le Magyar tôrténelmi tér, de 1856. Gyüri fazetek. Raab, 1861, 4 vol. in-&. D Pézmäuy és Kora. En 3 vol. L'auteur portait alors (1869) le nom allemand de Franki. " Geschichte der evang. Kirche in Ungarn. Leipzig, 1851. © Särospatak, 1860. Par exemple sur les étudiants protestants hongrois dans les universités _ étrangères, ete. A Magyar prot. Eqyhéz türténelem. Debreczen, 1868. toire de Debreczin est d’ailleurs toute une parüe de l’histoire de la réforme hongroise: À Reste à dire quelques mots des sciences en quelque sorte latérales qui rendent des services à l'histoire. L'archéologie, avec MM. Ro- mer, Erdy, Henzlmann et ME Ipolyi, a étudié les monuments et les médailles de toutes les époques et consigné les résultats de ses recherches dans les précieuses Communications de l'Académie. La géographie statistique à fait d'immenses progrès, dont le signal a été donné par Fényes? il y a trente ans, et suivi plus récemment par M. Konek* et Jean Hunfalvy#. Le frère de celui-ci, M. Paul Hunfalvy a surtout pris la géographie au point de vue ethnogra- phique et philologique®. Successeur de Gyarmathy f, et de Re- guly?, précurseur de Budenz$ et de toute une école aujourd'hui florissante, il a rattaché les Magyars à la branche finnoise de la race oural-altaïque, contredisant en cela et avec toute raison lé- rudition précieuse mais trop hardie de Jerney® et les préjugés de ses compatriotes. La mythologie est surtout représentée pan MM. Ipolyi et Csengeryl!, Enfin M. Toldy, pour l'histoire litté- raire À, M. Fogarassy, pour da lexicosraphie nationale !#, doivent L Archæologiai Küzleményel et Régiségtani Kozl: ? Magyarorszég/leiräsa. Pesth, 1847, 2 vol. Az Ausztri&i-Magyar monanchia staustikai KézihônyuePesth, 1868: » À Magyar Birodalom természet viszonyainak leirasa (Description des rap ports naturels du royaume de Hongrie), grande publication de l'Académie: 5 Utazds a balt-tenger vidékein (Voyage dans les pays de la Baltique). Pesth, 187a, 2 vol. —4 Kondai Vogul-Nyel. Pesth , 1873:—4 Vogulnép és füld. Pesth, 1864, et divers articles et mémoires, surtout dans le Buda Pesti Szemle. 5 Affinitas lingnæ hungaricæ cum linguis Fennicæonginis grammatice demons- trata. Gæœttingen, 1799. 7% Le plus hardi voyageur hongrois, avec M: Vambéry. M:P: Hunfalvy à pro- lité de ses travaux. % Auteur du Magyar-Uyor üsszchasonlité sz6tér, Pesth, 1873, non encore achevé, et rédacteur, avec M. Szarvas, de la revue philologique intitulée : Magyar nyelôr. ® Son principal ouvrage est le Keleti utazsa. Pesth, 2 vol:, 185w: 10 Magyar mythologia. Pesth, 1854. 11 Dans ses'lôriéneti tanulmänyoh. Pesth , 1870: Outre des recueils déjà cités, M. Toldy a publié les œuvres de plusieurs poëtes, et donné une Histoire littéraire qui, pour de moyen âge sa été traduite en allemand : Gesch. der ungar Litter. Pesth, 1855: 1 Principal auteur du grand dictionnaire de la langue nationale ;récemment lerminé. ni D figurer dans cette énumération, qui ne serait complète que si l'on dépouillait la Revue de Pesth}, les Annuaires de l’Académie et ses diverses publications par cahiers ?, comme aussi celles des sociétés savantes, telles que la Société d'Histoire nationale et la Société littéraire qui porte le nom du poëte Kisfaludy#. B. — Histoires et études de provenance austro-slave: Le mouvement qui porte les esprits aux recherches historiques, surtout depuis quarante ans, est général dans l'orient comme dans l'occident de l’Europe : en même temps qu'il se produisait en Hongrie, on a pu le remarquer dans les autres Etats de la monar- chie autrichienne, à Vienne et à Prague en particulier. Dans tous ces différents pays la tendance est la même, essentiellement natio- nale dans le sens le plus strict du mot, ou plus exactement ethno- graphique; le patriotisme de race n'est nulle part aussi fort que dans ces régions compliquées quant à l'origine et quant au langage de leurs habitants. Aussi l’histoire de Hongrie, dont il est souvent question à propos des guerres ou des alliances, est-elle traitée par les écrivains des autres Étais avec infiniment moins de bienveil- lance qu'elle ne l'est par les écrivains Magyars. Cette observation s'appliquant aux Slaves plus qu'aux Alle- mands de Vienne, c’est par eux qu'il importe de commencer. La orande histoire de Bohême de M. Palacky° est une source indis- pensable de renseignements et d’appréciations utilement com- plètes par les Antiquités slaves de SchafarikS; celle de Moravie par M. Dudik? est malheureusement beaucoup moins avancée; elle n'est pas moins savante et détaillée, mais le patriotisme slave y est beaucoup moins énergique. M. Gindely s'est occupé surtout du règne de Rodolphe et des préliminaires de la guerre de Trente ans *, époque qui intéresse la Hongrie, moïns directement que la ! Buda-Pesti Szemle, dirigé aujourd'hui par M. Gyulai, l'un des secrétaires de l'Académie. 2? EÉrtesitüx, lôrténelmi tér, etc. ‘3 Szdzadok. “ Les Annuaires de la Kisfaludy Tärsasäg contiennent surtout des articles d’es- thétique et de critique littéraire, mais avec des considérations historiques. 5 Geschichte von Bühmen. Prague, 5 vol. 6 Slawische Alterthümer, 2 vol. 7 Mährens allgemeine Geschichte, 6 vol. Brünn, 1860. $ Rudolf IT und seine Zeit. Prague, 1863. nue DR Bohème il est vrai. Deux Croates, l'un au xvur° siécle, l'autre de nos jours, Ratkay ! et M. Racky ?, ont fait des recherches sur l’his- toire des Bans de Croatie et sur les origines du droit public et de l'indépendance nationale. Enfin deux savants de premier ordre, MM. Czœrnig et Miklosich ont fait, l'un la statistique ethnogra- phique du royaume de Hongrie comme du reste de l'empire, l’autre da statistique des mots slaves incorporés, à diverses époques, dans la langue magyare*. È Nous n'avons que peu de chose à tirer des anciens historiens et historiographes de la maison d'Autriche, tels que de Roo$ et Khe- venhüller$. À la fin du dernier siècle, Kollar?, et au commence- ment du nôtre, Demian $ et Hormayr®, sont plus instructifs. Mais c'est surtout avec Hammer, avec son Histoire de l'Empire Otto- man ! et son Histoire de la Horde Dorée !!, que les travaux autri- chiens prennent un haut intérêt au point de vue de l'histoire hon- groise. L'histoire populaire de l'Autriche, véritable monument sous son titre modeste l?, nous offre les appréciations intéressantes de MM. Krones, Hôfler, Jæger, etc., qui complètent celles de Lich- nowsky dans son Histoire des Habsbourgs . M. Adam Wolf a tiré des Mémoires du Prince Joseph Khevenhüller un tableau de la cour de Marie-Thérèse #, et M. Gross-Hoffinger a composé la meil- leure étude sur Joseph IT. Mais on doit mettre hors de pair les ! Memoria Requm et Banorum Croatiæ, etc. Vienne, : 772, in-4°. & ? Odlomei iz Drzavnoga prava Hrvatskoga. Vienne, 1861. $ Ethnogruphie der ôsterreichischen Monarchie, 3 vol. in-4°. C'est d'après les travaux de Czærnig qu'ont été faites les cartes ethnographiques de l'Autriche, telles que celle de M. Kiepert. * Die Slawische Elemente im Magyarischen. Vienne, 1871. * Annales... Habspurgicæ gentis. OEniponti, 1592. 5 Annales Ferdinandai. Leïpzig, 1716. 7 Historiæ Jjurisque publici Regni Hungariæ amænitates. Vienne, 1783. Tableau géographique et politique des royaumes de Hongrie, etc. ? vol. Paris, 1809. 9 Jien s Geschichte. Vienne, 1823. 10 Traduite en français par Hellert, 1835-1843, 18 vol. avec un atlas très- utile. 1 Geschichte der goldenen Horde. Pesth, 1870. 2 OEsterr. Geschichte für das Volk, en 17 volumes. 5 Geschichte des Hauses Habsburg, 8 vol., Vienne, 1839. Aus dem Hofleben Maria Theresiws. Vienne, 1858. 15 Leipzig, 1865. 8 MISS. SCIENT. — IY. 9 — 130 — deux grands ouvrages, admirablement documentés, de M. d'Ar- neth : l'Histoire du Prince Eugène! ei l'Histoire de Marie-Thérèse ?. C. — Histoires et études de provenance étrangère. Tous ces ouvrages, excepté quelques descriptions de la Hon- grie contemporaine en anglais, parmi lesquelles nous signale- rons celle de M. Patterson, descriptions qui ne rentrent pas dans un cadre de critique historique, sont écrits en français ou en al- lemand. | Un livre assurément bien oublié est l'Histoire Générale de Hon- grie par de Sacy ; pourtant elle est loin d’être sans valeur, car les sources anciennement connues ont été bien consultées par l’auteur: Les travaux de de Guignes sur les Huns sont encore plus anciens #. Les tableaux de Klaproth® et l'Histoire des Mongols de d'Ohsson 6, utile pour l'invasion de 1241, sont, au contraire, beaucoup plus récents, comme les travaux de M. Dussieux ? et de Paganel$ sur des questions spéciales, et comme le grand ouvrage de M. Mignet”, qui, en plusieurs passages, révèle la politique de Louis XIV à l'égard des mécontents hongrois. Mais c'est surtout le grand mou- vement de 1848 qui éveilla la curiosité de l'Europe occidentale . sur les Hongrois, peu étudiés jusque-là, et sur les peuples leurs voisins : de là une série assez considérable d’études spéciales dont quelques-unes doivent trouver ici leur place. Auguste de Gérando, Français de naissance et Hongrois d'adop- tion, a décrit la Transylvanie et les mœurs politiques des Ma- gyars 0, M. Chassin a raconté avec chaleur les exploits de Jean Hu- nyade, rattachés par lui avec raison à la mission historique de la pi Prinz Eugen von Savoyen, 3 vol., Vienne, 1864. Geschichte Maria Theresia’s. Vienne, 1863 et suiv. Yverdon, 1780, 3 vol. ‘ Histoire générale des Huns. Paris, 1756. Tableaux historiques de l'Asie. Paris, 1826, in-4°. — Voy. aussi l'Asia polyglotta. Paris, 1823. ® La Haye, 1834, 4 vol. $ Essai sur l'invasion des Hongrois. Paris, 1839. $ Histoire de Joseph IT. Paris, 1843. ® Négociations relatives à la succession d'Espagne. Paris, 4 vol. in-4°, 1835 et suivantes. 12 [2] ot 1 L’Essai sur l'esprit public en Hongrie est de 1848, la Transylvanie et ses habt- tants, de 1850. — 131 — patrie de ce héros !. Amédée Thierry a examiné les légendes hon- groises relatives à Attila et à l'origine de leur nation?. M. Saint- René Taillandier a exposé avec érudition et avec éloquence la lutte de Podiebrad contre Mathias Corvin *. M. Léon Feer nous a permis de nous rendre mieux compte des Mongols et de leurs invasions“, et M. Louis Léger nous a rendu service dans ses études sur la my- thologie slave et les apôtres du christianisme dans cette région de l'Europe. De même M. Rambaud, à propos de Constantin Porphy- rogénète 6, et M. Vivien de Saint-Martin, à propos des Khazars’, ont contribué à éclaircir les difficiles questions d’origine, questions qui ont été reprises au point de vue géographique et au point de vue philologique par M. de Ujfalvy Ÿ, devenu presque notre conci- toyen par ses fonctions dans l’Université de France. Enfin le désir d'être complet pourra seul m'excuser de citer l’auteur du présent rapport ® pour ses études qui ne sont que des fragments d’une fu- ture histoire générale. Il n’y a guère que deux historiens onitds (non autrichiens) qui se soient occupés spécialement de la Hongrie, Engel dans un ouvrage qui a vieilli et dont le plan est compliqué !, et Selig Cassel !!, Mais d’abord il faut y ajouter les études d’ethnographie historique de F. H. Müller ? et de M. Roessler , et les travaux du D" Ditz sur l'économie rurale de ce pays, comme aussi la l La Hongrie, son génie et sa nussion, 1856. ? Attila et ses SUCCESSEUES , 2 vol., 3° édit., 1865. # Tchèques et Magyars. Paris, 1869. * Tableau de la grammaire mongole (résumé de celle de Schmidt), Paris, 1868, etc. (indique qu'il y a d'autres ouvrages). 5 Cyrille et Méthode. Paris, 1868. 5 L'Empire grec au x° siècle. Paris, 1870. 7 Dans les Nouvelles Annales des voyages, 1850. $ Surtout Les Migrations des Touraniens. Paris, 1873. * Histoire des Hongrois et de leur littérature politique (1790-1815). Paris, 189 — Les origines et l'époque païenne, Paris, 1874, par Ed. Sayous, ainsi que plu- sieurs articles insérés dans divers recueils, et trois mémoires lus dans le cours de cette année 1879 à l'Académie des sciences morales et politiques (l'Invasion des Mongols ; — la ne où me de Mathias Corvin; — les relations de la France avec les princes de Transylvanie à l'époque de la querre de Trente ans). 10 Geschichte des ungarischen Reichs. Halle, 1797, 4 vol. in-8°. Li. Magyarische Alterthümer. Berlin, 1848. ? Der ungrische Volkstamm. Berlin , 1837. 15 Romænische Studien. Leipzig, 1871. ñ Die ungarische Landwirthschaft. Leipzig, 1867. ui CE — 132 — carte ethnographique de Kiepert. Ensuite beaucoup d'historiens allemands sont utiles à consulter sur des périodes distinetes: MM. Dümmler ! et Giesebrecht? sur les premières invasions, Raumer sur l’époque des Hohenstaufen *, O. Wolf sur les excur- sions des Mongols en Europe‘; les historiens de la guerre de Trente ans, Forster‘, Schiller 6, Keym’, etc.; Pfister $ sur les époques les plus diverses; enfin, MM. de Sybel®, Hæusser !° et Springer !! sur la période qui correspond chez nous à la Révolu- tion et à l'Empire. Notons en terminant les études ethnographiques et philologiques de Max Müller en Angleterre !?, et de l’héroïque Castrén #, de M. Dobner à Helsingfôrs l#, en anglais, en suédois et en allemand, études qui ont contribué à fixer la place des Magyars dans la clas- sification des peuples, et nous pourrons clore cette longue liste des plus importants documents et ouvrages de toutes sortes relatifs à l’histoire de la Hongrie jusqu’en 1815. J’ai donc terminé, Monsieur le Ministre, la tâche que Je m'étais fixée au début de ce Rapport, parce qu'elle convenait mieux que toute autre à la nature des recherches que vous-aviez bien voulu me mettre à même de continuer et d'achever. J'espère que ce tra- vail pourra être consulté avec fruit par d’autres encore que par des historiens spéciaux de la Hongrie, l'histoire de ce pays étant ! Geschichie des Ostfränkischen Reichs. Berlin, 1863, Geschichte der deutschen Kaiserzeit. Brunswick, 1863. 3 Geschichte der Hohenstaufen und ihrer Zeit, Leipzig, 6 vol., 1823, Geschichte der Mongolen. Breslau, 1872. 5 Wallenstein ,; 3 vol. Berlin, 1828. Hist. trad. en français de la guerre de Trente ans. Geschichie des dreissigjæhrigen Krieges. (Fribourg en Brisgau, 1863.) Hist. d'Allemagne, traduite en français. [0] Hist. du temps de la Révolution, traduite en français. 10 Deutsche Geschichie (1786-1815). Leipzig, 1854. 1 Geschichte OŒEsterreichs. Leipzig, 1863. Letter to chevalier Bunsen. Londres, 1854. Surtout les Vorlesungen über die finnische Mythologie. Saint-Pétersbourg , 1853. | 4 Outre le Vorgleichendes Waærterbuch der Finnisch-Ungrischen Sprachen (Hel- singfors, 1874), M. Donner a utilement complété l'Histoire de la philologie alle- mande de Benfey par son OEfversicht af den Finsk Ugriska Sprakforskningens his- toria (Coup d'œil sur l'Histoire de la philologie ougro-finnoise). Helsinglors, 1873. NET — continuellement mêlée à celle des peuples voisins. C’est dans cette espérance, Monsieur le Ministre, que je vous prie de vouloir bien agréer mon Rapport, malgré son imperfection, et croire à l'expres- sion de mon profond respect. Epouarp Sayous, Professeur d'histoire au Lycée Charlemagne, Membre de l'Académie Hongroise. ; rs for U À + 1 ame ent . « $ ne ® É - re - À = LA É : PRES, AE RER ve CONS 2.) ; (4 « : à L: Y tre L'ENT TS 4 ‘sa L 4. GA : 3 e PAR AC N Een :* PRET ur mn #3 À Es ; À Us PAPE , lé no D ÉETS ve ta. Est x Nc LE 5 J x a A ù 52 += av M E ra ! "Eu ci TIME Fi re HORS J À É A4 gli, a “ns ia 4 ; 8. C5 NT LE Sd 14 , de gi HE Lérii 4 ù £ ” Pyx 7 Ie rs TE d À ; FL cg dr SR NE 4 rares MSA NAT MEET der ‘ ñ ; <: ; ÿ si sit À . RENAN T LE RL NCIS NC CS TR PE 2 l'E FEU UM Eee ; ; | REA : £ + Jrâi “ Mars ces DOCARIE 5 #» EAU oaitee LPS si Lie ET CLIS S ALT ASE me. 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Avant la fin de la première année, je vais avoir l'honneur de vous présenter un résumé succinct des résultats que j'ai obtenus. Tout d’abord je dois observer que mon travail consiste surtout en dessins à l’aquarelle gouachée représentant, presque toujours de grandeur naturelle, les objets qui ont surtout fixé mon atten- tion. Ces dessins, en y comprenant les quarante feuilles que j'ai déposées à la bibliothèque Nationale au mois de mars 1875, for- ment déjà un total de plus de trois cent soixante-dix feuilles, où plus de deux mille cinq cents objets sont reproduits. Au mojs d'avril prochain j'aurai l'honneur de remettre la plus grande par- tie de mes dessins au Comité des missions. Je dis la plus grande partie et non pas le tout, parce que quelques-uns de ces dessins, bien que tout à fait terminés en ce qui concerne leur exécution artistique, ne sont pas encore accompagnés de la légende qui in- dique leur provenance et démontre l'intérêt qu'ils peuvent offrir au point de vue des recherches historiques. Cette lacune doit être attribuée, d’une part, au manque de catalogues pour la plupart des musées , et, d'autre part, à l'absence des conservateurs de Berne — 136 — et de Munich au moment de mon séjour dans ces villes. I me suffira d’un entretien de quelques heures avec ces conservateurs pour obtenir Îles renseignements qui m'ont fait défaut jusqu'a pré- sent. | De tous les musées que j'ai visités dans mes voyages, le plus complet et surtout le mieux disposé pour l'étude chronologique des monuments de l'antiquité est assurément le musée de Zurich. Grâce à la savante direction que M. Îe docteur Ferd. Keller a im- _primée aux études archéologiques, grâce aux soins intelligents de M. Escher, conservateur du musée, les collections présentent un ensemble de documents historiques classés dans un ordre métho- dique qui inilie rapidement le visiteur à la marche laborieuse que l'humanité a suivie à travers les siècles. À défaut de l’histoire écrite, les produits, souvent bien modestes, de l'industrie des pre- miers àges viennent vous révéler, mieux peut-être que ne le fe- raient les livres, les mœurs, les usages, les relations commerciales, le desré de culiure des peuplades qui se succédèrent sur le sol de la Suisse actuelle. | Depuis l'an dernier seulement on à trouvé des témoignages cer- tains de la présence de l'homme en Suisse pendant la période dite glaciaire. La grotte du Kesser-Loch, près de Thayngen , canton de Schaffouse, analogue à celles des Evzies et de Laugerie-Basse, dans la Dordogne, à fourni une grande quantité de silex taillés en lames par la main de l’homme, et d’ossements d'animaux dont quelques-uns sculptés ou gravés ont attiré l'attention de tous les savants de l'Europe. On trouvera, dans les dix planches que j'ai consacrées à la représentation des objets de Thayngen, les élé- ments nécessaires à l'appréciation de cette importante découverte. Le musée de Schaïlouse possède la moitié des objets du Kesser- Loch, l'autre moitié a été acquise par le musée de Constance. Le musée de Zurich en possède quelques échantillons, et le Bristish Museum s’en est procuré deux pièces en os dont la gravure a été reconnue fausse. La grotie funéraire de Studen-Wies, située sous la colline de Dachsenbühl, près d'Herblingen, canton de Schaffouse, a fourni aussi quelques objets de l'époque lacustre de la pierre polie que j'ai dessinés. J’ai aussi reproduit tout ce qu'on a trouvé à Ebersberg, canton de Schaffousé, station terrestre de la pierre polie. Au milieu de la grande abondance d'objets de la période la- — 137 — custre de la pierre polie que possède le musée de Zurich, il était nécessaire de faire un choix. Je me suis donc borné à la reproduc- tion des principaux types, qui constituent à eux seuls une longue série de renseignements sur l'industrie déja fort avancée des hommes de cette époque. On pense que les grandes haches n'étaient pas emmanchées, mais dirigées par la main de l’homme, qui en obtenait de bons effets en utilisant leur poids pour faire pénétrer le taïllant dans le bois. Les haches de moyenne grosseur étaient pourvues de manches droits ou coudés, en bois d’if et généralement protégées par un morceau de corne de cerf dans lequel elles étaient fixées au moyen de bitume. Quant aux petites, elles avaient pour manche un an- douiller de cerf plus ou moins grand. Le travail des pierres a été l'objet de plusieurs remarques que je n'ai pas manqué de signaler. Outre les armes de pierre, les lacustres avaient des massues de bois et de grands arcs qui servaient à lancer des flèches armées d’une pointe en silex fixée par le bitume. On a trouvé aussi des couteaux en bois dif; mais leur innocuité les a fait ranger parmi les instruments de cuisine. ee Les outiis et les instruments d'os, les objets de parure, les cro- chets destinés à suspendre les filets ou les vêtements dans les ca- banes, ont été aussi l'objet de mes études. Une grande partie de ces rares spécimens du travail du bois vient de Robenhausen, station du lac de Pfaffikon, canton de Zurich. Bien que souvent très-grossièrement fabriquée, la poterie la- cusire n'en présente pas moins un très-vif intérêt. En l'étudiant, on peut suivre, en quelque sorte pas à pas, la marche que l'esprit de l'homme a suivie pour s'élever de lécuelle de terre impure à peine façonnée, jusqu'aux élégants vases, à col allongé, qu'on renconire aux stations d’Auvernier et de Môringen. À ces époques primitives l'homme n'avait point encore imaginé cette petite plate- forme tournant sur un pivot qui aide si puissamment le travail de la main et permet de faire jaïllir en quelque sorte d'une motte de terre les formes multiples que la pensée veut imprimer à un vase. M. le docteur Gross, de Neuveville, à surpris dans ses fouilles le secret du potier lacustre. Il à trouvé un vase en voie de formation et l’a soigneusement gardé dans un bocal rempli d’eau. Voici comment on s y prenait pour façonner un vase : on pétris- sait une épaisse base en terre, de forme ronde et plate, puis on — 138 — -ajoutait sur les bords une bande de terre, puis une autre. On élevait ainsi, par des superpositions successives de bandes d'argile, le vase à la hauteur qu'on voulait atteindre, en lui donnant la forme désirée. Quand le vase devait être rond, on se servait d’une pierre en forme de boule dont M. Gross a trouvé un exemplaire. Il est sur- prenant qu'avec des moyens aussi peu commodes on soit arrivé à produire des vases parfaitement proportionnés et qui laissent très- peu à désirer sous le rapport de la symétrie et de l'harmonie exacte de leurs lignes. | L'ornementation des vases lacustres a suivi, dans ses progrès, le travail de préparation de la terre et l'étude des belles formes. J'ai cru utile de reproduire, en une centaine de dessins, les diffé- rents motifs qui ont servi à orner les vases depuis l’impression des doigts et celle des ongles jusqu'à ces élégantes divisions de lignes imprimées dans la terre au moyen d’un petit outil de bois, puis remplies d’un argile blanc qui détache vivement l'ornementation sur le fond noir du vase. Ces nielles ingénieuses sont tout à fait particulières à la poterie lacustre et à celle des tumulus qui lui est contemporaine. Elles étaient pratiquées en même temps que les peintures noires et rouges dont j'ai trouvé quelques spécimens à reproduire. Je ne veux pas quitter la poterie lacustre sans signaler les beaux échantillons qui viennent d'être trouvés par M. le docteur Gross, à Auvernier. Les vases apodes constituent assurément la plus belle série quon ait découverte jusqu'à présent. Ils appartiennent à l'époque du bronze et avec eux nous arrivons à cette période bril- lante de la civilisation des lacustres qui nous donnera les épées de bronze incrustées de fer, les élégants bracelets, les délicates épin- gles et tous ces objets destinés au travail, à la guerre ou à la pa- rure des femmes, dont l’'habile exécution ne pourrait être surpassée par celle des ouvriers de nos jours. La collection de M. le docteur Gross, à Neuveville, canton de Berne, a été souvent mise à con- tribution par moi et m'a fourni la matière d’une trentaine de feuilles. J'ai aussi reproduit les bronzes lacustres des musées de Zurich, de Bâle, de Berne, de Neufchâtel. Comment nier, après avoir vu la multitude d'objets en bronze que produisent les fouilles des stations lacustres, que le travail de ce métal fut pratiqué par les habitants de ces cités opulentes? C'est cependant ce que M. Linden:- schmit a essayé de faire et ce que, à sa suite, ont répété les archéo- — 139 — logues allemands. M. ie docteur Gross peut fournir contre cette thèse des arguments péremptoires, car il a trouvé des moules en argile et en grès de faucilles, de bracelets, de gouges, d'épingles qui ne laissent aucun doute sur leur emploi. Le musée de Zurich possède six creusets en argile portant encore des traces du cuivre qui y a été fondu. Ils viennent de la station de Robenhausen, au lac de Pfaffikon. Plus au nord, sur les-bords du haut Danube, à Beuron, on a découvert de nombreux débris d'objets mal venus à la fonte et des résidus du métal qui indique la présence, en ce lieu, d’uve fonderie de bronze analogue à celle de Larnaud. Si M. Lindenschmit se borne à revendiquer pour les Etrusques les - grands vases qu'on a découverts dans quelques tumulus, il est dans le vrai; mais s’il dénie aux Gaulois de l’époque lacustre l'in- dustrie du bronze, les faits viennent positivement à l’encontre de son opinion. Les objets en métal qui paraissent se rapporter à Fépoque la plus ancienne sont les haches, en cuivre pur, affectant la forme simple des haches de pierre. J'en ai dessiné cinq à Zurich, trois ont été trouvées dans le canton, une à Evendingen, canton d’Ar- sovie, et une près de Zug, en 1875. Il y en a une au musée Na- tional de Munich. On partit de cette première donnée pour créer une multitude de formes adaptées aux besoins nombreux de l'in- dustrie. J’ai dessiné une hache, à la Société d'histoire de Munich, qui est pourvue de son manche coudé et qui provenait d’une mine de sel où elle avait été trouvée avec quatre autres emmanchées de mème. Au musée de Berne, on en montre une qui est incrustée de nombreuses lamelles d'or en forme de losange. C'est le seul exemple qu’on puisse citer d’un pareil luxe d’ornementation. Il est probable que ces instruments servaient aussi d'armes; mais il est à remarquer qu'on les trouve souvent mêélés à des outils et quel- quefois à des vases de sacrifice. Il est de petites lames minces et larges auxquelles on avait attri- bué le nom et lusage de nos rasoirs. M. le docteur Keller pense, avec raison, Je crois, que ces instruments, impropres à raser, ser- vaient à couper la barbe, le linge, les peaux ou toule autre ma- uère pour lesquelles nous employons les ciseaux. Nous en aurions conservé l'usage dans le couteau à pied qui sert aux ouvriers qui travaillent le cuir. Souvent ces lames sont munies d’un anneau de suspension qui à dû servir à les attacher à la ceinture. C’est du — 140 — moins l'indice d’un usage familier et du besoin que l'on éprouvait de les avoir sur soi, à la portée de la main. Il y en a de doubles, également munies d’un anneau de suspension. Les couteaux ne sont pas rares dans les stations lacustres. Ils se distinguent toujours par une grande élégance de formes et sont souvent couverts d'ornements gravés avec une habileté remar- quable, sur le dos et sur fe plat de la lame; j'en ai dessiné bon nombre de spécimens : les uns ont des manches en corne de cerf, tandis que les autres sont d’une seule pièce de bronze, lame et poignée; quelques-uns sont à douille. La forme des poignards se rapproche de celle des lames d'é épée. Beaucoup d'entre eux sont très-larges à la base et rappellent les armes grecques. Le lac de Peschiera m'en a fourni onze, conservés au musée de Zurich. il n’est pas de musée qui n'en possède quel- ques exemplaires. Les lames d'épée, avec ou sans poignée, sont classées avec raison parmi les objets les plus intéressants qui nous restent des temps antiques. J'en ai dessiné neuf à Zurich, neuf à Sigmaringen, onze à Munich, ‘une à Constance, trois à Bâle, treize à Berne, une à Neufchâtel, six dans la collection du docteur Gross, à Neuveville. Ces armes ont été trouvées, soit dans le sol, soit dans les lacs. On en rencontre rarement dans les tu- mulus; cependant ceux de Veringenstadt ea ont fourni plusieurs (musée de Sigmaringen). Quelques-unes de ces épées sont d'une beauté de formes remarquable. Je citerai particulièrement celle du musée de Berne qui a été trouvée à Inneringen (Autriche) qui a été acquise au prix de 4,000 francs. Tout en conservant à peu près la même forme, les pointes de lance présentent cepen- dant quelque variété dans leurs types à mesure qu'on s'avance vers la vallée du Danube, où elles sont plus grandes et quelquefois très-finement gravées. I en est de même des pointes de flèche, dont quelques-unes sont munies d’une sorte d'éperon dont l'usage n’est pas encore expli- qué. Je ne puis entrer ici dans l’aride nomenclature de tous les bronzes que j'ai dessinés et particulièrement des objets de parure, colliers, bracelets, fibules, pendeloques, etc. La grande variété de forines appliquées aux bracelets est vraiment surprenante. Il en est de même pour les épingles. Au sujet de ces dernières, Je men- tionnerai une remarque-qui m'a été communiquée en Allemagne, c'est que les grandes épingles n'ont point été trouvées près de la — 141 — tête des morts, mais croisées sur la poitrine , au nombre de deux, ce qui semblerait indiquer qu'elles servaient à retenir les vête- ments. Cet usage existe chez les Bédouines d'Algérie; mais les épingles dont elles font usage n’ont pas les dimensions démesurées des épingles gauloises, dont quelques-unes atteignent la longueur de 84 centimètres {musée de Berne). La série des objets divers trouvés dans les tumulus m'a semblé devoir être toujours scrupuleusement reproduite à cause de l'inté- rêt que présente leur réunion pour leur classification chronolo- gique et leur comparaison avec les objets lacustres contemporains. Le musée de Zurich m'a fourni à ce sujet la matière de 45 des- sins, celui de Bale, 12, celui de Berne, 35, celui de Sigmarin- gen, 21. Quant à ceux de Munich, je n'ai pas encore pu les classer par les motifs que j'ai donnés plus haut. L'or est fort rare dans les tumulus, et l'argent ne s'y trouve qu'aux temps les plus rapprochés de nous. Le fer serait beaucoup plus abondant qu'il ne se montre sous les vitrines des musées, si on ne le recueillait pas dans un état d'oxydation tel qu'on s'empresse volontiers de le rejeter comme impropre aux études. À Vilsingen, près de Sigmaringen, j'en ai vu une masse.qui remplissait un grand panier et qui sera certai- nement abandonné par la personne qui achètera les bronzes. Ce n'est, en effet, qu'un amas de débris informes provenant d'un char de guerre et qu'il eût été du plus haut intérêt de retrouver dans un etat de conservation analogue à celui du bronze. = Quant aux vases d'argile des tumulus qu'on trouve assez sou- vent brisés, 1l faut tout le soin qu’a mis M. le docteur Keller à les restituer pour en obtenir des sujets d'étude. Je n’en ai trouvé qu'au musée de Zurich, et leur intérêt est d'autant plus grand qu'ils offrent un moyen de comparaison instructive avec les vases lacustres de la même époque. Je les ai tous dessinés. On y re- marque des urnes, des plats creux incrustés, des tasses ou coupes a boire, mais aucun de ces vases apodes qui semblent avoir fait l'office de nos vases à tenir l'eau fraiche. Quelques plats sont peints et leurs couleurs sont très-bien conservées. À Sigmaringen commença pour moi l'étude des antiquités gallo- danubiennes. Les collections formées par le prince de Hohenzol- lern comprennent, en effet, une série d'objets provenant des tumu- lus de la vallée du haut Danube, qui ont une grande analogie avec — 112 — ceux de la vallée du Rhin. À mesure qu’on s'avance vers l'Est, le caractère des antiquités gauloises se modifie, en ce sens que les formes des bronzes deviennent plus élégantes, plus correctes et qu'une part plus grande est faite à l'ornementation, sauf cepen- dant pour les bracelets, que j'ai trouvés jusqu'à présent plus sim- pe qu'en Suisse. On se rapproche de la Grèce, dont l'influence n’a pas été étrangère au bon goût que les Gaulois des bords du Danube ont su apporter au travail des métaux, tout en conservant les types qu'ils avaient en propre. Le musée national de Munich en présente déjà de notables exemples. | Outre les bronzes des tumulus, le musée de Sigmaringen en contient d’autres venant des environs d'Ulm et d’Augsbourg. Au delà de ces villes, ou plutôt au nord de la vallée du Danube, on ne trouve plus de traces du séjour des populations gauloises. Les tu- mulus qu’on attribue aux Germains ne contiennent qu'un vase d'argile et les os d'un cheval. Ils sont bas et de petite dimension. T1 faut aller jusqu'au Schleswig pour voir paraître la belle indus- trie du bronze du nord qui a tant de rapports avec celle qui nous occupe. La Société bavaroise d'histoire de Munich a réuni, dans le cou- vent où se tiennent ses séances, des objets de natures diverses qui présentent un intérêt d'autant plus grand que les provenances en sont bien connues. Je dus à l’obligeance du conservateur, M. le major Wurdinger, la faveur de travailler dans ce petit musée qui n'est pas ouvert au public. Parmi les objets curieux que je pus dessiner, je citerai trois épées en fer, trouvées, l’une à Bruch |Ba- vière), les deux autres à Alt-Oetting, sur l’Inn, dont la forme est exactement celle des lames d'épée en bronze. Il est évident pour moi que ce fut par limitation des armes de bronze que débuta le travail des armes de fer, et ces épées en sont un exemple frap- pant. Il en fut de même pour les lances, les couteaux, les poi- gnards, etc. L'usage du fer se substitua donc peu à peu à celui du bronze comme l'usage du bronze s'était substitué à celui de la pierre, et il ne me semble pas nécessaire de supposer que c'est à une invasion de peuplades venues d'Orient qu'on doive attribuer cette transformation. On voit aussi, dans cette période de transi- tion, des lames de fer dans des fourreaux de bronze, et, fait plus rare, une lame de bronze dans un fourreau de fer (musée natio- nal bavarois). — 145 — Les larges épées de fer trouvées dans les sépultures gauloises de l'Uetliberg, près de Zurich, celles du champ de bataille de la Tiefenau, près de Berne, celles du Jura bernois sont représentées, dans mes dessins, par de nombreux spécimens qui peuvent don- ner une idée du travail, souvent très-soigné, de ces armes de guerre, surtout remarquable aux épées de la station de Marin ou de la Tène, au lac de Neufchitel. J'ai aussi dessiné, à l'administration du chemin de fer de l'Est, à Munich, de larges épées trouvées près de Ratisbonne, au mo- ment des travaux de cette voie nouvelle. Ces armes sont poste- rieures à l'occupation romaine. On pense qu'elles ont appartenu aux Ostrogoths, qui avaient conservé à Ratisbonne les fabriques d'armes que les Romains v avaient établies et qui produisaient les célèbres épées noriques (ensis noricus). Les pointes de lances gau- loises en fer offrent en Suisse et en France cette singulière parti- cularité, que souvent les aïlerons en sont ondulés comme ceux des lances de bronze danubiennes; tandis que, dans ces pays, les ailerons de bronze sont toujours tout droits. : On conserve au musée de Sigmaringen et à celui de Coire deux casques à crête arrondie, exactement de la même forme, trouvés, l'un à Botzen (Tvrol), l’autre à Igis, au nord de Coire. Le musée de Munich possède un casque à crête aiguë, muni en avant de deux tiges de métal et dont la forme est tout à fait semblable aux casques gaulois trouvés en Normandie. Il serait intéressant d’en connaître la provenance. Je ne veux pas prolonger plus longtemps la nomenclature assez aride des objets qui font le sujet de mes dessins. Les documents que je fournirai dans deux mois sont peu susceptibles d'être analysés avec quelque intérêt, et c'est sewlement en les feuilletant qu'on pourra prendre une idée du travail étendu auquel je me suis livré. Veuillez, Monsieur le Ministre, agréer l'expression de mes sen- timents de dévouement très-respectueux. CH. CourNAULT. fe sois és 0 di 1 pers DUSPSTE AP “gi ab eat. 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M, nt menée dati ci pd so Er des: cher trset re 2 De RME | OR +: 7 LIAER EU AN Er ET Me ae k 4 . + RAPPORT SUR LES INSCRIPTIONS PUNIQUES RÉCEMMENT DÉCOUVERTES À CARTHAGE, ADRESSE À M. L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, PAR M. PHILIPPE BERGER, ATTACHÉ À LA COMMISSION DES INSCRIPTIONS SÉMITIQUES. Paris, le 15 avril 1876. Monsieur l'Administrateur général, L'examen attentif des inscriptions puniques envoyées de Car- thage par M. de Sainte-Marie, et qui se trouvaient à bord du Ma- genta lors de l'explosion de ce bâtiment, a dissipé les craintes qu’on avait dû concevoir, et atténué dans une notable mesure les regrets que l'ouverture des caisses avait inspirés. L'envoi comprenait 2,088 stèles, plus ou moins intactes, d'une hauteur moyenne de 0®,30 et couvertes pour la plupart d'inscriptions en écriture et en langue phéniciennes. Chacun de ces petits monuments, pris isolément, présentait peu d'intérêt; cétaient des ex-voto qui répétaient tous la même formule avec la monotonie d’une longue prière; et pourtant, comme M. Renan l'avait dit à plusieurs reprises à l'Académie des inscriptions en annonçant les décou- vertes successives de M. de Sainte-Marie, leur ensemble était très- instructif. La comparaison de cette masse unique d'inscriptions, provenant de la même ville et sans doute du même temple, fournit les renseignements les plus précieux, tant au point de vue de lar- chéologie qu'à celui de la mythologie, et même, jusqu’à un certain point, de l'histoire de Carthage. Les pierres avaient, en outre, une régularité de forme et d’ornementation qui les rendait très- propres à décorer les murs d'un musée. Aussi les savants qui s'intéressent à l'épigraphie et à l'archéo- MISS. SCIENT. — IV. 1Q .— 146 — logie puniques ont-ils été très-heureux quand ils ont appris que vous vouliez bien accueillir cette collection, et que vous vous étiez entendu avec Son Exc. M. le Ministre de l'instruction publique pour la faire envoyer à la bibliothèque Nationale. Malheureusement ces pierres ont été presque toutes plus ou moins fortement atteintes par le feu. On pouvait même craindre qu'elles ne fussent entièrement perdues. Nous devons à M. l'amiral Roze d'en posséder encore la plus grande partie. Au milieu de tant d'autres préoccupations et malgré la difficulté de l’entreprise, il s'est immédiatement occupé de faire rechercher et recueillir tous ces fragments qui avaient été dispersés par l'explosion , et les trente caisses que vous avez reçues par ses soins comprennent la presque totalité des inscriptions de M. de Sainte-Marie. Au pre- mier aspect, on pouvait croire quil ne restait plus que du plàtras; néanmoins un examen sommaire a suffi pour nous convaincre que le mal, quoique très-réel, était moins grand qu'il ne parais- sait tout d’abord , et pour nous faire reconnaître un certain nombre des monuments que les estampages avaient déjà signalés à notre attention. Voici en quelques mots, Monsieur, l’Administrateur général, l'état actuel de la collection : Sur les 2,088 pierres qui la composaient, 300 environ ont été transformées en chaux ou réduites en morceaux trop petits pour qu'on puisse espérer d’en rien tirer. Nous avons rempli trois caisses de débris qui ne sont bons qu’à être jetés. Un nombre à peu près égal de pierres très-mutilées, mais portant des lettres ou des symboles, a dû être, à ce titre, conservé provisoirement. Le restant peut se répartir encore en plusieurs catégories. En effet, le feu n’a pas agi de même sur toutes les pierres. Les unes ont été entièrement calcinées; elles ont pris une couleur de suie qui per- met difficilement de reconnaïtre les caractères dont elles sont cou- vertes; en même temps la pierre est devenue friable et se casse au moindre choc. D’autres ont été également brülées; elles sont noires par places; seulement cette couleur inégale et sale n'a en- dommagé que la surface de la pierre; elles sont solides. Sur d’autres, en dernier lieu , la flamme n’a laissé qu’une teinte d'un gris uniforme , sur laquelle les creux formés par les lettres ou les images se détachent en noir. Cette teinte donne à la pierre un cer- ain air antique qui n’est pas désagréable. On peut en évaluer le — 117 — nombre à quatre ou cinq cents. Enfin, 102 pierres, formant un en- voi distinct, ont échappé au feu et sont arrivées intactes. C'est principalement dans ces deux dernières catégories que nous avons pris les éléments de l'exposition provisoire que nous avons faite sur vos indications. Nous y avons réuni des spécimens des différentes sortes d'inscriptions que nous possédons, comme aussi des différents motifs d’ornementation, de telle sorte qu'en les voyant on püt se faire dès à présent une idée de l'ensemble. Telle quelle est, cette petite exposition surpasse en intérêt, nous ne craignons pas de le dire, la collection d'inscriptions de même es- pèce que possède le musée Britannique: et pourtant il s'en faut de beaucoup que nous ayons réuni là toutes les inscriptions bien con- servées ni tous les monuments curieux. Le classement des cent pierres que nous avons ainsi mises à part n'offrait pas de difficultés. Il en était autrement de l'ensemble de la collection. Dans quel ordre fallait-il la ranger ? Trois systèmes étaient en présence. On pouvait grouper les inscriptions d'après les noms propres , de façon à rapprocher les individus de même nom ; un semblable classement, à sa place peut-être dans un recueï scientifique, n’eüt rien dit aux yeux, et aurait eu le tort de réunir des monuments très-disparates. On pouvait aussi prendre pour base la forme des lettres, en mettant à profit les indications paléogra- phiques qu'elles fournissent. Cette disposition eût été assez satis- faisante, parce que le plus souvent les monuments qui se ressem- blent pour l'écriture se ressemblent aussi par leur forme générale; mais elle était rendue très-difficile par le mauvais état de conserva- tion des textes. Il ne nous restait donc qu'à noùs laisser guider par leur ressemblance extérieure et à les classer par taille, par format et par sujets. Cette classification, à laquelle on peut reprocher d'être assez artificielle, est la seule qui ne blesse pas la vue et permette de donner une apparence quelque peu régulière à ces monuments; mais, en outre, elle n'est pas aussi étrangère à tout ordre scienti- fique qu'on pourrait le croire tout d’abord. Les ex-voto de Carthage ont en effet un double intérêt : archéo- logique et épigraphique:; ils portent des inscriptions et des images. Or ces images n'ont pas un simple attrait de curiosité; elles ont une signification précise; elles sont en quelque sorte un com- mentaire perpétuel des textes auxquels elles servent d'illustration ; ro — 148 — elles représentent tantôt le métier de celui qui faisait l'offrande, tantôt l’offrande elle-même, tantôt un symbole purement religieux, de telle sorte qu'en les regardant on a sous les yeux tout l’intérieur d’un temple de Carthage avec ses vases, ses ustensiles sacrés, ses victimes et ses prières. Permettez-moi quelques explications sur les principaux sym- boles. J'emprunterai mes exemples, autant que possible, aux pierres qui sont en ce moment exposées au public. Le symbole le plus fréquent, celui qui constitue en quelque sorte l’ex-voto, c'est la main. Cette main ouverte et levée (lad) occupe presque tou- jours la pyramide qui termine la stèle [Voyez les n° 59, 6x, 77 à 81.] On pourrait être tenté de voir dans cette main la marque de l’adoration; mais, comme M. Lenormant nous j'a fait observer, le geste de la prière, c’est plutôt la main vue de profil que nous retrouvons sur un de nos monuments {60); la paume de la main, cest le symbole divin qu’encore aujourd'hui l’Arabe met sur sa porte pour écarter les mauvaises influences. Peut-être, dans origine, avait-elle une signification mythologique précise et se confondait-elle avec l’obélisque, symbole de la puissance mâle? Le mot Jad ne signifie pas seulement la main levée, il désigne toute espèce d'objet dressé; les idées même de main et de puis- sance sont liées si étroitement chez les peuples sémitiques qu'on passe sans cesse de l’une à l’autre. Nous croyons pourtant que la conception primitive s'était peu à peu effacée pour faire place à une pensée purement spirituelle, celle de l'exaucement, c'est-à- dire de la bénédiction divine venant répondre à la prière. — Quelquefois la main est accostée de deux oreilles (44); sur une de nos stèles même, entre les deux oreilles (41) on a gravé une bouche entrouverte, comme pour représenter par une figure la formule qui termine un grand nombre d’ex-voto et qui est tou- jours sous-entendue quand elle manque : « Parce qu’il a entende sa voix, qu'il le bénisse. » Au-dessous de la main, et quelquefois à sa place, se voit le disque de la planète Vénus surmonté d’un croissant, symbole de la déesse Tanit, à laquelle sont dédiés tous ces ex-voto (29, 32). On dit que le croissant représente, non pas les phases de la lune, mais celles de la planète, qui avaient déjà été observées, paraît:l, par les anciens. L'astronomie n’a pas de secrets pour le ciel de l'Orient. Nous avons pourtant peine à nous faire à cette idée; la — 149 — Lune et Vénus, Diane et Astarté, se touchaient de trop près, dans les religions de l'Asie antérieure, pour qu'on puisse s'étonner de les voir confondues dans une même adoration. Peut-être n'est-ce pas la seule représentation de la déesse que nous ayons à signaler. Sur presque toutes les pierres, même sur celles qui ne portent rien d'autre, on remarque de petites figures conventionnelles qui ont ane robe, les jambes écartées et les bras levés en lair ( al 4 6, 10, 11, 13); elles sont dessinées d'une facon si rudimentaire qu'il faut être habitué à ces sortes de monuments pour y retrouver une forme humaine. Souvent on en voit deux ensemble, sup- portées par des fleurs de lotus dont les tiges se rejoignent par en bas; quelquefois encore leur tête est formée par la planète cou- ronnée du croissant (65). C'est l’image de Tanit. Le dieu solaire, Baal Hammon, est représenté par l'Uraeus, disque ailé qu’en- tourent deux serpents (20, 61, 63, 64); ce symbole, d'un usage constant sur les monuments d'Égypte, est plus rare à Carthage. L'inscription occupe, en général, le milieu de la stèle; elle sur- monte ellemême un symbole dont la signification est peu claire, mais qui mérite une étude attentive, deux caducées ornés de ru- bans (3,5, 6, 15); d’autres fois elle en est accostée. Ces caducées sont fréquemment remplacés par des palmiers, quelquefois même par des colonnes avec des chapiteaux qui supportent un vrai fron- ton, de manière à offrir l’aspect d’un petit temple ou naos (13, 45). Une pierre sans inscription nous retrace l'acte religieux d’une façon plus complète encore : devant le naos se trouve un autel, et en face de lui, un homme qui fait son offrande à la divinité. On ne peut trouver une explication plus claire de nos inscriptions. Ces ornements et ces symboles, disposés tantôt d'une façon, tantôt d’une autre, forment le cadre de l'inscription et des objets, des arbres ou des animaux qui l’accompagnent. Parmi ces der- miers, il en est un qui revient plus souvent que tous les autres, c'est le bélier (72, 93, 94); il est toujours là, grand ou petit, bien ou mal fait; de telle sorte que, sans ses cornes, on serait tenté de le prendre parfois pour un lévrier ou pour un cheval. On trouve aussi, mais rarement, des pigeons (62, 67). Deux fois nous avons rencontré des taureaux (68, 69). L'un d'eux, d'un dessin remarquable, a malheureusement été brisé; l'autre, plus naïf de formes, est plein de mouvement; il tombe, une des jambes de devant repliée sous lui et Pautre étendue, en baïssant la tête et en — 150 — ouvrant les naseaux. Les estampages nous ont aussi conservé un cheval et un éléphant, le seul jusqu’à présent qu’on aït trouvé figuré en dehors des monnaies; les originaux sont perdus. Il faut mentionner encore deux souris (66) et des poissons en assez grand nombre. Mais qu'est-ce qu'un animal au pied fendu, au col large et aux formes massives qui est monté par un homme nu (58)? M. de Longpérier pense que c'est un hippopotame; en tout cas, il semble bien que le sujet soit allégorique. Nous en dirons autant d’un homme dans une posture obscène (57), d'un génie ailé qui porte entre ses mains un disque dans un croissant (58) et d'une divinité malheureusement fruste; elle a la queue et le ventre d’un pygmée, seulement ses jambes sont très-longues (56). Nous passerons rapidement sur lès arbres; en dehors des pal- miers, qui sont innombrables (34, 70, 75, 87, 96), nous nen avons trouvé que deux qui soient curieux : c'est un grenadier (50) et un tamarise (52). Les objets inanimés sont plus variés. Quel- quefois ce n’est que de l’ornementation pure, des urnes sans grand caractère, des couronnes qui étaient certainement faites d'avance ei qu'on achetait avee le monument. D’autres sont plus intéressants; on voit qu’ils ont été gravés exprès; ils représentent la profession de celui qui faisait l'offrande ou Foffrande elle-même. Les vases mêmes nous permettent de saisir nettement celte dis- tinction; en effet, à côté des urnes dont nous avons parlé, on pos: sède toute une collection de pots dessinés avec grand soin, et qui accusent les formes les plus diverses (33, 39 et 41). Une stèle qui est malheureusement perdue, en contenait six d'espèces différentes, Il en reste assez néanmoins pour que leur comparaison soit très- instructive. On trouve aussi des outils en assez grand nombre : la hachette (91), le marteau et les tenailles (88 à 90), l'herminette (11), une charrue (82), une voiture (84), des armes, des lances (8, 87), une panoplie avec le casque triangulaire, autant qu'on peut en juger malgré la cassure qui en a enlevé le sommet (86), une série de gouvernails (81, 83), et même la proue d’un navire de tout point semblable à celles qui se voient sur l’aes grave des monnaies étrusques. Ces représentations attendent une étude spéciale, et quand elle aura été faite, elles nous fourniront des renseignements précieux sur la date de ces monuments et sur l’industrie de Carthage; car elles font défiler sous nos yeux tous les dons qui affluaient dans — 151 — les temples, où venait les entasser la reconnaissance des Cartha- | ginois. Je me suis arrêté longuement aux représentations figurées, Monsieur l’Administrateur général, parce qu’elles forment la partie la plus neuve des découvertes de M. de Sainte-Marie et la plus intéressante pour le public. Les inscriptions se ressemblent toutes ; ce sont des ex-voto à Tanit conçus dans les mêmes termes : A MA DAME TANIT PENÉ-BAAL ET A MON SEIGNEUR BAAL HAMMON, VOEU FAIT PAR MAGON, FILS DE BOMILCAR, FILS DE MAGON, PARCE QUIL (ELLE) A ENTENDU SA VOIX, QUIL (ELLE) LE BENISSE! J'aurais de la peine à vous en citer une qui ne rentre pas dans ce cadre; les noms seuls varient. La formule n’a pas même le mé- rite de la nouveauté. On connaissait déjà deux cents inscriptions du même genre; le musée Britannique en possède à lui seul une centaine, de telle sorte qu'on pourrait se demander à quoi bon rechercher encore des inscriptions dont on peut en quelque sorte deviner le contenu d'avance. Elles ont pourtant une valeur réelle. En effet, dans toutes les inscriptions, et la remarque ne nous appartient pas, il y a deux choses : ce qu’elles veulent nous dire, et ce qu'elles nous apprennent sans le vouloir; or c'est presque toujours par ce qu’elles nous apprennent accidentellement qu'elles sont réellement instructives. Il nous importe peu qu’un Carthagi- nois nommé Adonibal ou Hannon ait fait une offrande quelconque à Tanit; mais l'examen de ces noms et leur comparaison nous ap- prennent une foule de choses auxquelles le donateur n'avait pas pensé. Aujourd'hui nous possédons les noms de trois à quatre mille Carthaginois : c’est tout un état civil de Carthage; il nous est donc permis de croire que nous avons la liste à peu près complète des noms qui y étaient usités. Or il est un fait qui saute tout d’abord aux yeux, c’est la proportion très-forte des Hamilcar et des Bomil- car. Nous ne cherchons plus sous ces noms, comme on le fit d’abord, les héros des guerres puniques, ils reviennent trop fré- quemment, mais nous voyons dans cel usage constant du nom de Melquart un souvenir de la métropole, de Tyr dont il était le dieu spécial et tutélaire, et la preuve que Carthage était bien restée, par ses traditions religieuses, une colonie tyrienne. Ne Les autres noms propres, sans avoir un caractère aussi marqué, nous conduisent au même résultat. [1 semblerait, en effet, que nous devions trouver sur nos ex-voto les noms de tout un peuple ; il n'en est rien pourtant, et l’on acquiert bientôt la conviction que nous avons affaire à un nombre de familles assez restreint. Sans doute les noms de famille, à Carthage, ne répondent pas à l’idée que nous nous en faisons aujourd’hui; à vrai dire, l'Orient ne con- nait que des noms individuels, mais ces noms individuels ne se donnaient pas d'une façon arbitraire; il y avait des noms hérédi- taires dans chaque famille; seulement cette hérédité ne passait pas du père au fils, à Carthage du moins, mais du grand-père au petit-fils. Le petit-fils d’un Bodastart s'appelait presque toujours Bodastart; les noms des générations intermédiaires pouvaient va- rier, la règle n’en restait pas moins généralement fixe; chaque famille avait un nom fondamental qu'on appellerait volontiers son nom religieux. Or sur nos inscriptions de Carthage, les mêmes noms reparaissent sans cesse; on sent par là se confirmer l’opi- nion d’après laquelle Carthage était tout entière dans son aristo- cralie, composée des anciennes familles émigrées de Tyr et de Sidon. Les noms étrangers, nous les verrons paraïître, mais plus tard, à l'époque romaine. Au temps de la grandeur de Carthage, de peuple, il n'y en avait point; il n’y avait que des mercenaires et des esclaves qui inscrivaient des graffiti sur les murs, mais qui n'existaient pas comme individus. Le plus souvent les noms propres ne sont accompagnés d’au- cune qualification; de temps en temps néanmoins on trouve à leur suite des désignations géographiques ou des noms de métiers; nous en devons la meilleure part aux savantes traductions de M. Derenbourg. Les désignations géographiques sont rares et obs- cures ; il n'y en a qu'une qui saute aux yeux: les mots «peuple de Carthage » s’étalent au bas de quatre ou cinq inscriptions. Les noms de métiers sont plus fréquents et plus variés. On pourrait mème en tirer une objection contre l'existence de cette aristo- cratie exclusive dont nous avons cru retrouver la trace dans les noms. Mais d’abord il convient d'observer que laristocratie de Carthage n'était pas une noblesse guerrière, mais une aristocratie commerciale; les Carthaginois étaient des marchands; et puis ces noms de métiers ou ces titres ont un cachet particulier; ils ont presque tous un caractère religieux ou honorifique; sans vouloir — 153 — pousser les choses à l'excès, ils nous permettent d'apprécier l'étendue de cette population qui vivait du temple et lui emprun- tait une partie de son caractère sacré. Ce sont tout d'abord des prêtres, des sacrificateurs, des hiérodules, des corporations re- ligieuses, puis de ces métiers qui se ratiachaient plus ou moins directement au culte et se groupaient autour des temples : des graveurs, des marchands d'encens et de vases, etc. , puis aussi des ouvriers en, métaux, dont le métier était considéré comme ano- blissant, même dans l'antiquité, des repousseurs, des fondeurs d'or et d’airain, enfin des hommes exerçant des professions que nous appellerions aujourd'hui libérales, des médecins, des scribes, des « maîtres » {Rab), mot dont il est assez difficile de préciser la valeur. Ces termes, dont un certain nombre nous sont déja fami- liers par l'hébreu, demanderont aussi à être étudiés. Plusieurs d'entre eux nous sont encore obscurs à cause de leur brièveté même : ilest souvent difhicile, en l'absence de tout contexte, de dé- terminer le sens d'un mot, même quand on en connaït la racine. Il est un titre pour lequel nous n'avons aucune hésitation, c’est celui de suffète. Il revient près de vingt-cinq fois. On s'était même demandé, à cause de sa fréquence même, s'il ne désignait pas des magistrats d’un ordre inférieur; suflète signifie juge en phénicien. Le doute n'est plus guère possible, et 1l s’agit bien ici des magis- trats suprêmes de la République. En effet, ces titres se répartissent sur Six noWs, qui sont précisément ceux des suffètes que l'histoire nous fait connaître : Hannon, Magon, Asdrubal, Himilcon, Bomil- car, Adonibal; peut-être les suffètes de nos inscriptions ne sont-ils pas les mêmes que ceux dont l'existence nous était déjà connue par d’autres textes historiques: mais ils appartiennent incontes- . tablement aux mêmes familles que les premiers. Il y a plus : ces noms se rapportent à des individus qui avaient entre eux des liens de parenté ; ils ne se rattachent pas à six familles différentes, mais seulement à deux ou trois dans lesquelles les noms de Bomilcar et d’Adonibal ont une prédominance marquée. Or une ancienne tradition raconte que deux familles venues de Tyr, celles des Bé- lides et des Melquartides, accaparèrent pendant de longues années la dignité de suffète et la rendirent héréditaire chez elles. Quoi qu'il en soit de cette légende, dont l'accord avec les monuments est assez remarquable, il semble bien qu'il y ait eu là une sorte d’oligarchie au sein de l'aristocratie carthaginoise. , — 154 — En somme, nos inscriptions nous fournissent peu de renseigne- ments particuliers de quelque intérêt, mais de précieuses indi- cations générales, qui toutes concordent sur le caractère aristo- cratique et conservateur et sur l'organisation religieuse et civile de l’ancienne Carthage : voilà pour l'histoire. La mythologie a, elle aussi, quelque chose à gagner à ces découvertes. Les noms d'hommes, en effet, sont presque tous théophores, c'est-à-dire qu'ils marquent une sorte de consécration à la divinité; ils se com- posent du nom d’un dieu et d’un mot qui marque la dépendance de l’homme et le lien qui le rattache à ce dieu : «serviteur d’As- tarté», «don de Melquart », « Baal fait grâce». Ils font ainsi dé- filer sous nos yeux les noms de la plupart des dieux qui étaient l'objet de l’adoration des Carthaginois. À vrai dire, ils ne sont pas très-nombreux; ce sont les noms que répètent tous les peuples sé- mitiques : Baal et Astarté, Moloc et Milcat, Eschmoun, Melquart; ils nous étaient déjà connus sans le secours de l’épigraphie. Elle nous à pourtant rendu service en fixant la valeur d’un ou de deux noms moins connus : Sancôn, Cid, Aris; à n'en pas douter, ce sont là aussi des noms de dieux. Nous pourrions l’affirmer à priort, alors même que nous ne les connaïtrions qu’en composition, car la règle est invariable : toutes les fois qu’on rencontre un nom d'homme formé d’un mot joint à un attributif, on peut être sûr que ce mot couvre un nom divin. Mais nous avons encore une auire source de renseignements qui nous permet de vérifier ces hypothèses. En effet, à côté des noms de prêtres ou d'hiérodules se lit le nom du temple et du dieu spécial auquel ïls étaient attachés. On pouvait donc s'attendre à retrouver les dieux que nous fournissaient les noms d'hommes; cest en effet ce qui a lieu : à côté des temples d’Eschmoun et de, Melquart, nous voyons cité un temple d’Aris. Mais, en outre, nous avons appris par ce moyen des noms nouveaux, celui d’Allat (ou Illat), forme féminine du dieu El; d’autres encore;. enfin, à deux ou trois reprises on trouve les noms de temples qui réunis- saient deux divinités, l'une mâle, l’autre femelle, unies d’une façon si étroite, qu'il est difficile de ne pas y voir de vrais herma- phrodites : Eschmoüun-Astarté, Moloc-Astarté; peut-être faut-1l ranger dans la même catégorie Gid-Melquart et Gid-Tanit? Ce sont là des divinités nouvelles dont les noms propres ne nous don- naient aucune idée. — 155 — Nous aurions voulu retrouver parmi les noms de ces dieux celui de Sancôn; il n’en a rien été. Peut-être d’autres seront-ils plus heureux. Il est vrai qu'on l’a découvert tout récemment à Athènes, sur une inscription phénicienne, avec une forme lé- oèrement différente, Ascôn; mais Athènes nous rapproche déjà beaucoup plus de l'Orient que Carthage. Un autre fait non moins curieux, c'est l'absence presque complète, dans les noms propres, de la divinité qui revient le plus fréquemment sur nos monu- ments, de celle à laquelle ils sont tous dédiés, de Tanit. Cene sont pas là les effets d'un simple hasard : le panthéon des noms propres n’est pas exactement celui de Carthage; celui de Carthage se res- sent déja de l'influence de l'Égypte et du syncrétisme qui en est la conséquence; celui des noms propres nous reporte à une mytho- logie plus simple et plus primitive, qui est celle de la Phénicie. Quoi qu’il en soit, ces noms de divinités sont un véritable gain pour la mythologie, car non-seulement ils complètent le panthéon de Carthage, mais ils nous ouvrent sur sa religion des aperçus nouveaux , et les renseigsements de ces inscriptions sont d'autant plus précieux qu’on ne peut pas les contester. On peut toujours révoquer en doute les explications et même les citations d'un au- teur ancien : entre lui et nous il y a place pour trop d'erreurs; tandis que lépigraphie nous met en possession de documents de première main et nous fait toucher les originaux eux-mêmes. Tous ces faits acquerraient une valeur encore plus grande, s'il. élait possible d'en préciser la date. Malheureusement les textes sont muets sur ce point. Les inscriptions de Carthage jusqu'ici connues ne portent pas une seule indication d’ère ni une seule date. Pourtant il est impossible que l'examen d’une aussi grande masse de monuments ne laisse pas une certaine impression d’en- semble, impression qui est confirmée par la comparaison avec les inscriptions de date plus récente qu’on désigne du nom de néo- puñiques. On serait tenté tout d’abord de prendre pour crite- rium la paléographie. Sans doute elle nous fournit des indica- tions précieuses; mais ce criterium demande à n'être employé qu'avec une grande réserve, d’abord parce qu'il nous laisse trop de latitude, puis parce que ce qu’on croit être le fait d'une anti- quité plus ou moins haute n’est bien souvent qu'une affaire de cal- ligraphie. L’ornementation nous permet d'arriver à un résultat beaucoup plus précis, parce qu’elle est soumise à des influences — 156 — connues dont on peut, jusqu’à un certain point, déterminer la date. Or on ne peut regarder ces monuments sans y remarquer l'influence de l’art grec : les oves, les volutes, les colonnes de style ionique le révèlent à la première vue. Il nous est donc impossible de faire remonter les inscriptions de M. de Sainte-Marie et toutes celles du même genre au delà du 1v° siècle avant J. C. Nous ne sommes pas limités d’une façon moins précise par en bas. En effet, sur les inscriptions néo-puniques, l'écriture et l’art ont entière- ment changé; les monuments sont en général plus grands, les sujets qu'ils représentent plus compliqués, mais exécutés avec moins de soin. Mais surtout, on y voit paraître des noms soit bar- bares, soit romains, qui sont entièrement absents de nos inscrip- tions. Il semble donc que nous soyons obligés de mettre ces inscrip- tions aussi près que possible de la chute de Carthage; mais, d'autre part, nous ne pouvons pas les faire descendre plus bas. Les traces d'organisation civile et religieuse que nous avons recon- nues, l'accumulation même de ces ex-voto dénotent une civilisa- tion florissante et une organisation fonctionnant depuis longtemps sans interruption, et nous obligeraient, si nous voulions en placer la date après la chute de Carthage, à descendre jusqu’à une époque où elles n'étaient plus possibles. Au contraire, tout s'explique si l’on admet que ces monuments, accumulés dans un temple aux derniers temps de la république, y ont été surpris par la ruine de Carthage. Carthage a été démolie, et ces matériaux, plus ou moins taillés, sont entrés dans les murs d’une maison romaine, en attendant qu'ils vinssent revêtir ceux de la bibliothèque Nationale. Le sort de ces pierres, témoins de la chute de Carthage et de tant de catastrophes, pourrait exciter à bon droit l’incrédulité, si nous n'avions l'exemple tout récent d’un dernier accident, le plus étrange de tous, que nous déclarerions légendaire, s’il ne s'était passé sous nos yeux, et qui paraîtra invraisemblable un jour à ceux qui en liront le récit. Veuillez agréer, etc. PuiciPPpe BERGER. RAPPORT À M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE SUR LA MISSION DES CHOTTS. ÉTUDES RELATIVES AU PROJET DE MER INTÉRIEURE, PAR LE CAPITAINE ROUDAIRE. Monsieur le Ministre, Au mois de décembre 1875, vous avez bien voulu me confier une mission qui me permettait de continuer des travaux com- mencés depuis plusieurs années. Chargé en 1872 et 1873 par M. le Ministre de la guerre d'opérations géodésiques en Algérie, j'avais pensé qu'il serait possible d'introduire les eaux de la Médi- _ terranée dans la vaste dépression connue sous le nom de région des chotts, c'est-à-dire de faire pénétrer la fertilité, le commerce, la vie, jusqu'au cœur du Sahara algérien, en transformant en mer intérieure des lagunes actuellement dangereuses et insalubres. Un nivellement géométrique exécuté en 1874 et 1875 dans les chotts algériens, sous les auspices de M. le Ministre de la guerre et de M. le Gouverneur général de l'Algérie, justifia ces prévisions. 1 fallait poursuivre les études sur le terriloire tunisien et recon- naître, par des opérations nouvelles qui se relieraient aux opéra- tions antérieures, si le projet que j'avais conçu était pratiquement MISS. SCIENT. — IV. 11 — 158 — réalisable. Ces nouvelles opérations devant avoir lieu sur un terri- toire étranger, M. le Ministre des affaires étrangères a pensé qu'il était nécessaire de leur donner un caractère purement scienti- fique. La Commission des missions, instituée auprès de votre mi- nistère, ayant émis un avis favorable, vous m'avez chargé, avec l'assentiment de M. le Ministre de la guerre, de poursuivre en Tu- nisie les études que je venais de terminer en Algérie. Pendant la durée de cette mission, je vous ai tenu au courant de la marche des opérations; je viens aujourd'hui vous rendre compte des résul- tats obtenus. Pour faire comprendre la portée de ces résultats, 1l est indis- pensable de résumer préalablement les travaux antérieurs. D'un autre côté, un grand nombre de documents nouveaux ayant été réunis sur la région des chotts, dont l'étude topographique com- plète vient d’être faite au moyen de méthodes scientifiques ri- goureuses, il y a lieu d'examiner successivement les questions suivantes : — Le bassin des chotts est-il bien l’ancienne baie de Triton desséchée? — Quelles sont les difficultés à surmonter pour y introduire les eaux de la Méditerranée? — Quels moyens pra- tiques la disposition particulière des bassins et la nature géologique du sol permettent-elles d'employer pour vaincre ces difficultés le plus économiquement possible? — Quelle sera l'influence de la mer intérieure, aux points de vue climatérique, agricole et com- mercial, sur l’Algérie, la Tunisie et le Sahara lui-même? — Quelle est enfin la valeur des différentes objections élevées contre le projet? | | Tels sont, Monsieur le Ministre, les différents points traités dans ce rapport que J'ai divisé en six parties portant les titres suivanis : 1° Résumé des opérations antérieures; 2° Opérations exécutées en Tunisie ; 3° Identité du bassin des chotts avec la baie de Triton; h° Aperçu des terrassements à exécuter; 9° Conséquences de la submersion du bassin des chotts; 6° Examen des objections élevées contre le projet. + PREMIÈRE PARTIE. RÉSUME DES OPÉRATIONS ANTÉRIEURES. À 50 kilomètres au sud de la ville de Biskra, située dans {a province de Constantine, au pied de l'Aurès et aux abords du Sahara algérien, se trouve une vaste dépression qui se prolonge de l'ouest à l’est sur une étendue de 375 kilomètres, jusqu'au golfe de Gabès, dont elle n'est séparée que par de légères ondula- tions du sol. Le fond de cette dépression est occupé par des sur- faces planes ou légèrement inclinées, nivelées par l'action des eaux et couvertes de sel cristallisé qui leur donne l'aspect d'im- menses plaines couvertes de gelée blanche et même de neige, tant la couche en est épaisse en quelques endroits. D’après les analyses de M. Le Chaielier, ingénieur des mines, ce sel est presque toujours du chlorure de sodium pur; quelquefois cependant il est mélangé de sulfate de soude. Dans certaines parties du chott El-Djerid, il atteint une épaisseur de 60 et même de 80 centimètres. Il est absolument blanc et tellement pur que les indigènes lemploient comme sel de cuisine. Toutes ces surfaces planes recouvertes de sel sont désignées par les Arabes sous le nom de chotis, en Algérie, et de sebkhas, en Tunisie. Ces deux mots sont absolument synonymes. L'expres- sion chott, que j emploierai le plus souvent, signifie exactement rivage. Les trois chotts les plus importants sont : le chott Melrir, le choti Rharsa et le chott El-Djerid. Le premier est en Algérie, le second partie en Algérie et partie en Tunisie, et le troisième, le plus rapproché du golfe de Gabès, est en Tunisie. Depuis longtemps ces bas-fonds avaient attiré l'attention des savants. En 1845, M. Virlet d'Aoust!, partant d’altitudes déter- minées par M. le commandant de Boblaye, calculant celle du chott Melrir d'après la pente de Toued? Djeddi, et s'appuyant sur des traditions anciennes, avait conclu que ce chott était au- dessous du niveau de la Méditerranée, et que la mer avait autre- fois baigné une partie, sinon la totalité de la base méridionale de la grande chaïne de l'Aurès. Plus tard, des observations baromé- triques faites par MM. Vuillemot, Marès, Dubocq, Ville, avaient également donné des altitudes négatives. Mais les résultats n'avaient ! Comptes rendus de l'Académie des sciences, 2° semestre 1874, p. 218. ? Oued signifie rivière. — 160 — pas le caractère de précision nécessaire; ils présentaient entre eux | des écarts considérables. L'altitude de Biskra, qui servait de point de départ, était elle-même fort incertaine. Ainsi les uns lui attri- buaient une élévation de 85 mètres au-dessus du niveau de la mer, les autres de 140 mètres, tandis qu'en réalité elle est de 124 mètres, cornme l'ont établi depuis nos travaux géodésiques: Aussi M. Ville, ingénieur en chef des ponts et chaussées, qui avait étudié la question avec un soin particulier, écrivait-il, en 1865, qu'on ne pouvait conclure avec certitude, de toutes les données obtenues jusqu'alors, que le chott Melrir füt au-dessous du niveau de la mer. Quelques savants cependant admettaient le fait sans discussion. En 1864, M. Charles Martins, après avoir décrit les chotts qu'il venait d'explorer et. qu'il considérait comme les lais d'une mer saharienne, s'exprimait ainsi : « Le dernier de ces chotts s'arrête à 16 kilomètres seulement de la mer. Que cet isthme se rompe, et le bassin des chotts redevient une mer, une Baltique de la Médi- terranée ?.» Le projet de mer intérieure était impliciiement con- tenu dans cette phrase. Quelques années plus tard, en 1869, un écrivain qui n'avait visité ni les chotts ni le seuil de Gabès, et qui ne s’appuyait par conséquent que sur ces assertions fort vagues, M. Lavigne, publiait dans la Revue moderne un article intitulé Percement de l’isthme de Gabès. Dans ce travail, plutôt littéraire que scientifique, l’auteur exposait en termes convaincus, et même enthousiastes, les heureuses conséquences du percement du seuil de Gabès. Malheureusement il admettait en principe que les chotts étaient au-dessous du niveau de la mer, sans donner aucune preuve à l'appui. Quels seraient la profondeur de la nappe d’eau, son étendue, les espaces stériles ou cultivés qu'elle recou- vrirait? II ne pouvait répondre même approximativement à aucune de ces questions. Aussi cet article, qui ne s'appuyait sur aucune donnée scientifique sérieuse, passa-t-il à peu près inaperçu; ce ne fut qu'en 18;4 que j'en connus l'existence, grace à M. Mau- noir, secrétaire général de la Société de géographie, qui me le communiqua. | Le service géodésique de l'Algérie, auquel j'étais attaché, ne pouvait rester indifférent à cette question. Dès 1865 elle avait l Exploration dans les bassins du Hodna et du Sahara, p. 709. ? Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1864. rtf — 161 — préoccupé plusieurs ofliciers d'état-major, parmi lesquels je cite- rai notamment M. le capitaine Bugnot. Aussi regardions-nous comme un des travaux géodésiques les plus importants à exécuter la méridienne de Biskra, qui devait permettre de relier par un réseau de triangles le chott Melrir à ka Méditerranée, et par con- séquent de déterminer exactement le niveau de ce chott. Ce ne fut cependant qu'en 1872 que M. le colonel Saget, alors directeur du Dépôt de la guerre, voulut bien, sur ma demande, me confier ce travail, en m'adjoignant M. le capitaine de Villars. - De 1860 à 1863, M. le commandant Versigny avait établi un réseau de triangles géodésiques de premier ordre entre Alger et Bône. Cette triangulation s'appuie sur deux bases mesurées, l'une près de Blidah, par le commandant Versigny; l'autre près de Bône, par le commandant Perrier. Les longitudes, les latitudes et azimuts de départ avaient élé obtenus par des observations astro- nomiques faites à Alger, d'abord par le commandant Versigny, ensuite par le commandant Perrier. Les altitudes élaient rappor- tées au niveau le plus bas de la Méditerranée, indiqué par le ma- réographe des ponts et chaussées à Alger, et venaient se vérifier à Bône. te": C'est sur cette chaine, dont les opérations avaient été exécutées avec toute la précision possible, que devait s'appuyer la méri- dienne de Biskra. Nous primes comme bases de départ les deux côtés Zouaoui, Schouf-Melouk et Fortas, Zouaoui, situés près de Constantine. Les signaux étaient dégradés, mais il me fut facile de les faire réparer, grâce aux repères scellés au centre de chacun d'eux et restés absolument intacts. Les opérations commencèrent le 1° mai 1872 et furent ter- minées le 1° juin 1873. La forme que nous avions adoptée pour nos signaux était celle d'un tronc de cône en pierres maçonnées à la chaux hydraulique, surmonté d’une mire à volets : le tronc de cône était peint en blanc, la mire en noir. Je n’entrerai pas dans le détail des opérations géodésiques. Elles ont déja fait l’ob- jet d’un assez long mémoire! que j'ai soumis à l'examen de l’Aca- 1 M. Yvon Villarceau , de l’Académie des sciences, dont l'autorité en geodésie est reconnue du monde savant tout entier, a examiné minutieusement ce mémoire. En 1875, il a bien voulu appeler, dans les termes les plus bienveillants, l'atten- tion du Congrès international géodésique , réuni à Paris, sur la précision particu- lière avec laquelle les opérations de la méridienne de Biskra avaient été exécutées. 2 1e démie des sciences. Je rappellerai seulement que les angles hori- zontaux étaient mesurés au moyen d'un cercle azimutal muni de microscopes à micromètres, construit par MM. Brünner. Voici le tableau des triangles de la chaîne : ERREUR NOMS 3 pro- ERREUR ANGLES. L ANGLES RÉDUITS. | bable | , : É CÔTES. DES SIGNAUX. cal- | RÉPARTIE. SPHÉRIQUES. culce!. Tehouelt:.s ans 5356831" ,01 |o",94| +o'',29| 5356831",30 | 30114",01 Zouaouit# stone 96 4260 00 |o 79, +o 25| 96 4260 25 | 40260 06 | Schouf-Melouk....| 49 8914 796 |1 33| Ù — V, dans lesquelles V représente la vitesse à la surface. — 225 — déversoir qui permettra de régler à volonté le niveau des eaux dans le chott Rharsa, de facon à le faire baisser au fur et à me- sure que la tranchée d’Asloudj deviendra plus profonde, et à re- porter par conséquent l'entrée des eaux dans cette tranchée suc- cessivement en arrière du point I au point K. Le niveau de l’eau dans le chott Rharsa sera à ce moment à 12 mètres au-dessous de celui de la mer, et un chenal de 12 mètres de profondeur aura été creusé à l’ouest du point K. Le calcul des terrassements à exécuter pour creuser la tranchée initiale du seuil d’Asloudj donne les résultats suivants : an LR ee dd 85,662 mètres cubes. SEAT © À PENSE PS APR PRE 71,959 PONS re... Jin 139,332 Re 502,826 ee ON RS 6 ins. .Lliefl 309,488 Re PRE AU. Murmhas most 4). 84,000 Fonds. 20e 1,193,267 mètres cubes. Le calcul des déblais du chenal définitif ayant, comme je l'ai déja dit, 12 mètres de profondeur, 5o mètres de largeur au pla- fond et des talus à +, donne 26,676,917 mètres cubes. Il en résulte qu'on aurait à faire entraîner par les eaux la différence de ces deux volumes, c’est-à-dire 25,483,650 mètres cubes. Ge volume de sable et d'argile, en se répartissant sur la sur- face du chott Melrir, y produira lexhaussement insensible de 0*,0038. Seuil de Kriz. La eroûte supérieure qui recouvre les eaux du chott El-Djerid étant en moyenne à 15 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée, il est probable qu’en creusant dans le seuil de Kriz une tranchée amorce à 6 mètres au-dessous de ce niveau moyen, on obtiendrait un courant qui creuserait le chenal défini- tif. Ainsi que celle du seuil d’Asloudj, cette tranchée initiale aurait une largeur de 4 mètres au plafond et une pente de 0",07 par ki- lomètre vers le chott Rharsa; mais comme on se trouverait en présence de sables compactes, il suffirait de donner aux talus une inclinaison de + au lieu de +. La vitesse moyenne y serait de 0,34 et la vitesse contre les parois 0",26 par seconde. Cette tranchée aboutirait au point N dans le bassin du chott Rharsa et se pro- — 226 — longerait ensuite jusqu'au point L coté — 12,01, en suivant la pente naturelle du sol et en y traçant un sillon dont la profondeur constante serait de 1 mètre. Pour creuser cette tranchée on aurait à exécuter les déblais suivants : SEGHON. D. 2 ON CINE EURE 79.430 mètres cubes. TS D ne ee 849,231 ET PORC PR EEE 624,319 QE POELE RENNES NE 1,227,106 hrs Pie 2er eee 172,030 es ee RON 7 ne nt ne 34,800 ri anse à 14e OR 50,000 S DOTE, LEP 9,097,720 mètres cubes. Les déblais du canal définitif, ayant 12 mètres de profondeur au-dessous du niveau de la mer, seront de 50,176,500 mètres cubes. Ce volume, réparti sur la surface du chott Rharsa, y pro- duira un exhaussement inappréciable de 0”,037. Seuil de l’oued Melah. On creusera dans ce seuil une tranchée ayant une profondeur de 1 mètre au-dessous de la marée basse, une pente de 0”,07 par kilomètre vers le chott Djerid et une lar- geur de À mètres au plafond avec des talus à +. Ici l’action du courant sera puissamment secondée par celle de la marée, dont ‘élévation est de 2 mètres à 2",50,. et deux fois par jour la vi- tesse atteindra 0",57 dans la tranchée initiale. Ajoutons qu'il s'y engagera en outre une barre ou mascaret dont la force d'impulsion serait considérable. | Pour creuser cette tranchée on aurait à exécuter les terrasse- ments suivants : SOCIAL 25,150 mètres cubes. SI SMS RQ RTC 418,000 Lliurt OU NET. COHOIA 0, D FT 60261000 0 OM NUL OU. 1 Die 5,044,000 set ON UE GAIN TERRE 11 .. 4,632,000 se M Mob ab Monllua di Lai 064an TOP AC ANIT EE 21,409,150 mètres cubes. Les déblais du canal définitif seraient de 109,810,000 mètres — 227 — cubes. Les eaux auront donc à entrainer la différence entre les deux volumes, c'est-à-dire 88,400,850 mètres cubes. Cet énorme volume de sable ne produirait au fond du chott Djerid qu'un exhaussement de 0",018. | Additionnons les terrassements des trois tranchées initiales : Tranchée amorce du seuil d'Asloudj........ 1,193,267 — + . EIRE y: - 2-4 3,037,720 e — de l'oued Melah... 21,409,150 Tosan.. és 0125, 640:4930 On n'aurait donc que 25,640,137 mètres cubes à déplacer di- rectement, soit en chiffres ronds 30 millions de mètres cubes, pour parer aux éventualités. qui pourraient se produire, telles qu'une modification du type que nous avons adopté pour les tranchées amorces ou une profondeur plus grande à donner à celle de Kriz. Dans le rapport que j'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence, je ne dois traiter que le côté scientifique et économique du pro- blème. Cependant, la question financière jouant un rôle pré- pondérant dans l'opinion qu'on peut se fairé sur la possibilité d'exécution, il est indispensable de donner quelques indications générales. D'après les renseignements précis qui m'ont été fournis par MM. Le Masson et Dauzats, ingénieurs de la Compagnie de Suez, le prix de revient du mètre cube ne peut dépasser 75 cen- times ou 1 franc au maximum, tous frais généraux compris. Les dépenses probables sont donc de 25 à 30 millions. En indiquant ces chiffres, j'ai voulu donner une idée approxi- mative des terrassements et démontrer que les seuils, malgré leur hauteur, ne sont pas un obstacle sérieux, grâce à la force énorme dont le remplissage des bassins permettra de disposer. Les calculs et les devis définitifs ne pourront être établis que lorsqu'on aura fait encore quelques nivellements de détail, en même temps que des sondages dans les seuils, ainsi que dans le chott El-Djerid, afin de se-rendre exactement compte de l'affais- sement qui s'y produira quand il aura été déversé dans le chott Rharsa. Le système que je viens d'exposer repose sur les lois de l'écou- lement des eaux, et par conséquent sur des données scientifiques — 228 — indiscutables!. I] arrive rarement, dans la pratique, que l'on puisse l'appliquer, puisqu'il faut avoir un grand bassin à remplir à l’aide d’un réservoir plus élevé. Le cas s'était cependant présenté, sur une petite échelle, aux lacs AÂmers, et nous avons vu que des ingénieurs . distingués ont songé à en profiter pour hâter le creusement du canal. Sans entrer dans aucun développement, M. Le Verrier a exprimé la même idée devant l’Académiedes sciences, en faisant remarquer que la dépression des choïts n'étant séparée du golfe de Gabès que par des sables, l’eau se chargerait d'établir la communication dès qu'on lui aurait ouvert le plus petit passage. Les chotts Melrir et Rharsa ayant une surface totale de 8 mul- liards 50 millions de mètres carrés et une profondeur moyenne . de 24 mètres, il faudra y jeter 96 milliards 600 millions de mètres cubes pour les remplir jusqu'à la cote — 12. Nous avons vu que le débit annuel d'un canal de communication ayant 5o mètres de largeur au plafond et 12 mètres de profondeur se- rait de 36 nulliards 965 millions de mètres cubes, dont 11 faut retrancher 8 milliards 50 millions enlevés par l'évaporation. Il resterait danc 28 milliards 915 millions contribuant réellement au remplissage, et les 96 milliards 600 millions de mètres cubes nécessaires seraient débités en trois ans et quatre mois. | À ce moment la Méditerranée devrait encore verser dans les trois bassins 156 milliards 6oo millions de mètres cubes, ce qui demanderait un peu plus de six ans, car la surface d'évaporation ayant augmenté, le volume efficace fourni annuellement par le canal de l'oued Melah ne serait plus que de 23 milliards 915 mil- lions de mètres cubes. C'est donc environ neuf ans qu'il faudrait pour obtenir le remplissage de la mer intérieure; mais dès la qua- trième année les différents bassins seraient recouverts d'immenses nappes d’eau accessibles aux pelits bateaux et dont l'influence sa- lutaire sur les conditions climatériques de l'Algérie se ferait immié- diatement sentir, | Ces calculs sont établis sur les dimensions minima que devront avoir les canaux pour satisfaire aux besoins de la navigation. Mais il sera facile d'augmenter la profondeur, la largeur surtout de ces canaux, et de réduire par conséquent le temps nécessaire au remplissage. Je n'ai pas tenu compte en outre du surcroît de vi- 1 Voir à la fin la note A. — 229 — tesse produit par la marée dans le chenal de l'oued Melah. Le chiffre de neuf ans est donc un maximum !. On objectera peut-être que nous ne tenons aucun compte des imbibitions ou pertes par infiltration. L'expérience des lacs Amers, où les terrains sont de même nature que ceux des chotts, a prouvé que les imbibitions étaient à peu près insignifiantes. D'un autre côté, les eaux introduites dans les chotts s’y logeront d'abord dans les dépressions les plus profondes et ne présenteront à Févapora- tion qu'une surface très-restreinte, qui augmentera progressive- ment et n'atteindra la surface totale des bassins inondables qu'au moment même où le remplissage sera terminé. En supposant que l'évaporation se produirait dès le début sur toute celte surface, nous l'avons donc exagérée de manière à compenser largement les pertes par infiltration. Ve PARTIE. CONSÉQUENCES DE LA SUBMERSION DES CHOTTS. Le remplissage des lacs Amers a modifié d’une façon notable les condilions climatériques de l'isthme de Suez. Le 22 juin 1874 M. de Lesseps signalait le fait à l'Académie des sciences. « Il y a vingt ans, disait-il, on ne voyait presque jamais pleuvoir dans l'isthme. Je constate que nous sommes obligés maintenant de faire venir des tuiles de France pour couvrir nos maisons. Nous avons eu, celte année surtout, des pluies considérables. » Les améliora- tions les plus importantes se sont produites à Ismaiïliah, situé au nord du lac Timsah, à 75 kilomètres de la Méditerranée. Les en- virons de cette ville forment maintenant une grande tache de verdure qui tranche sur les régions arides qui les entourent, et la végétation gagne de proche en proche. La surface totale des lacs Âmers, y compris le lac Timsah, est de 258 millions de mètres carrés. La hauteur moyenne de la couche d'eau évaporée en 24 heures étant de 0”,003?, il en résulte que 774,000 mètres cubes par jour sont transformés en vapeur. Nous avons vu au cha- pitre précédent que cette masse est doublée par les vents secs et ! Dans ma pensée et dans celle de M. Dauzats, ingénieur à la Compagnie de Suez, ce maximum sera réduit au moins de moitié. D'après les calculs théoriques, le remplissage des lacs Amers devait nécessiter trois aus. Or cette opération s’est effectuée en sept mois, quoiqu'on ait retenu les eaux au moyen de barrages. 2? Voir page 219. — 250 — chauds du sud. Elle est alors entraînée vers ie nord, où elle se condense et se résout en pluie en rencontrant des courants atmos- phériques plus froids. Ce qui se passe au nord des lacs Âmers se passerait à bien plus forte raison au nord de la mer intérieure, dont la surface d’évapo- ration serait cinquante-deux fois plus considérable. La nature y à d’ailleurs placé ce qui n'existe pas en Égypte, la grande chaîne transversale de l’Aurès, pour remplir le rôle de condensateur. Ce massif, dont les points culminants dépassent 2,300 mètres d’alti- tude, conserve, même au cœur de l'été, une température assez basse pour qu'on y trouve encore de la neige. La surface du bassin sub- mersible étant de 13 milliards bo millions de mètres carrés, l’éva- poration moyenne en 24 heures y sera de 39,150,000 mètres cubes, et par les vents secs et chauds du sud, du sud-ouest et du sud-est, très-fréquents dans cette région, comme l'ont constaté tous les voya- geurs, elle atteindra 78,300,000 mètres cubes ou 783 millions d’hectolitres. Cet énorme volume d’eau sera alors transporté vers le nord sous forme de vapeur et y rencontrera bientôt la haute barrière de l’Aurès dirigée de l’ouest à l’est et placée par consé- quent en travers de sa route. Le courant tendra alors à s'élever pour franchir cet obstacle, et par conséquent à se refroidir par suite du travail de dilatation produit. Le refroidissement sera considé- rablement accru par la basse température du massif montagneux. La vapeur se condensera en nuages et finira par se résoudre en pluies. Une grande partie de ces pluies fertilisera le versant méri- dional de l'Aurès, qui se couvrira de végétation, et reviendra vers la mer intérieure, transformant les torrents actuels en rivières per- manentes et régulières. De Chegoa à la frontière tunisienne s’étend une immense plaine comprise entre les derniers contre-forts de l’Aurès au nord et le rivage septentrional des chotis au sud; elle n'a pas moins de 150 kilomètres de longueur sur une largeur moyenne de 40 kilo- mètres. Cette vaste surface se compose de terres d’alluvion en- tièrement stériles aujourd’hui, à quelques rares oasis près, mais qui deviendraient admirablement fertiles si elles étaient arrosées. « Ces alluvions, dit M. Le Chatelier, ingénieur des mines de la mission en 1874-1879, diffèrent de celles de France par l'absence d'argile et la présence du sulfate de chaux en très-grande abon- dance. Elles donnent un sol d’une très-grande fertilité partout où il — 281 — y a un peu d’eau pas trop salée, circonstance malheureusement très-rare. » En 1873, nous avons traversé vers la fin de mars plusieurs oasis de cette région. Les Arabes moissonnaient déjà, et cependant cette récolte, qui d’ailleurs était admirable, n'avait été ensemencée que vers la fin de décembre. L’attention des colons al- gériens s'est portée plusieurs fois de ce côté. Dans son Exploration scientifique des bassins du Hodna et du Sahara, M. Ville dit qu’un comité agricole s'est formé pour demander la concession de plu- sieurs milliers d'hectares, après la réussite du premier puits arté- sien à El-Feidh. I ajoute que les sondages n'ont pas réussi encore, mais qu’il n’y à pas lieu de désespérer du succès, et qu'il faudrait des appareiïls permettant d'atteindre à une profondeur de 300 à oo mètres. Que l’on juge d’après ces tentatives de l'importance agricole que prendrait cette région le jour où la nier viendrait lui apporter des voies de communication, une sécurité absolue, un climat plus tempéré, des pluies régulières. N'est-il pas certain qu'elle se transformerait en une immense oasis couvrant une super- ficie de 600,000 hectares? En Tunisie, une étendue aussi consi- dérable de terres serait également rendue à la culture. Dans ces terres que la sécheresse rend aujourd'hui absolument stériles, le travail si long et si pénible du défrichement serait épargné aux colons. Le climat y conviendrait admirablement bien au coton, qui aime les terrains chauds et humides. Toute la ré- gion d’ailleurs est tellement favorable au cotonnier qu'on le cultive dans les oasis du Souf, où il n’y a cependant que du sable. Mais il suffit d’un peu d'humidité pour qu'il s'y développe et produise de fort belles capsules. J'en avais recueilli de remarquables à Debila en 1875. Quels magnifiques résultats n’obtiendrait-on pas dans les terres si riches en humus situées sur le littoral nord des chotts! Mais les bienfaits de la mer intérieure ne se feraient pas sentir seulement sur ses bords, ils s'étendraient au delà de Biskra jusqu’à la vaste et fertile plaine d'El-Outaya, où plusieurs fermes ont déjà été créées, jusque sur le Tell lui-même, comme je vais n’efforcer de le démontrer. C’est un fait certain et que personne ne contestera en Algérie, qu'il suffit non point de quelques jours, mais de quelques heures de sirocco, pour dessécher la masse des épis lorsque la moisson est en pleine floraison. Le désastre ne s’accentue pas uniformé- ment sur louies les récoltes, parce qu'elles sont plus où moins + avancées selon les altitudes et les accidents de terrain, mais il est d'autant plus considérable que les épis sont plus rapprochés du moment de la floraison. Je cite les céréales parce qu'elles forment la principale richesse agricole de l'Algérie ; mais presque tous les produits du sol subissent l'influence fatale du sirocco. Les pro- priétés désastreuses de ce vent proviennent de son extrême séche- resse. En quelques heures il absorbe toute l'humidité du pollen et détruit par conséquent le fruit ou le grain dans sa fleur. Or nous venons de voir que le sirocco en passant sur la mer intérieure se chargerait de 783 millions d’hectolitres d’eau transformés en va- peur. Il cesserait donc d’être un vent sec, brûlant tout sur son passage. Il deviendrait inoffensif, bienfaisant même, car il amène- rait des pluies et des orages dans le Tell. Le vent du sud est un vent pluvieux pour la France : ce n'est pourtant que le sirocco lui- même qui s'est chargé de vapeurs en traversant la Méditerranée. Il a conservé presque toule sa chaleur, mais il a si bien perdu toutes ses propriétés nuisibles en devenant humide, que lors- qu’il souffle au printemps on voit la végétation se développer sous son influence avec une merveilleuse rapidité. La mer intérieure sera pour l'Algérie ce que la Méditerranée est pour la France. Comment estimer les richesses agricoles créées par les pluies nouvelles ou sauvées des désastres du sirocco? Il y a des élé- ments d'appréciation qui nous manquent. Ce qu'il y a de cer- tain, c'est que les deux fléaux les plus redoutables de l'Algérie et de la Tunisie, le sirocco et la sécheresse, seraient énergiquement combattus par la submersion du bassin des chotts. Or on compte en ce moment, en Algérie seulement, 3 millions d'hectares ense- mencés de céréales et produisant un rendement d'environ 17 mil- lions de quintaux. La province de Constantine y entre pour plus du tiers, et c’est justement celle qui verra son climat éprouver les améliorations les plus notables. On peut se faire une idée d’après ces chiffres de l'influence considérable que la mer intérieure exercera sur la production générale du Tell !, Tous les Arabes racontent que les chotts étaient encore, il ya un ou deux siècles, recouverts d’une couche d’eau dont la profon- deur a diminué d'année en année et qui a fini par disparaître. Ce fait est évidemment la conséquence d’une modification progressive qui n'a cessé de se produire dans le climat de la région depuis la 1 Voir à la fin la note B et la note supplémentaire. — 233 — disparition de la baie de Triton, puisque tous les auteurs anciens nous représentent l'Afrique proprement dite et les bords du lac Triton comme une des contrées les plus riches et les plus fertiles du monde. « Les bords du lac Triton, dit Scylax, sont habités tout autour par les peuples de la Libye dont la ville est située sur la côte occidentale. Tous ces peuples sont appelés Libyens, et mal- gré leur teint jaunâtre ils sont naturellement fort beaux. Le pays qu'ils habitent est excessivement riche et fertile; de là vient qu'ils nourrissent beaucoup de nombreux troupeaux. » Polybe nous ap- prend que Massinissa, voyant le grand nombre des villes bâties autour de la Petite-Syrte et la richesse du canton des emporia ou places marchandes, jeta des yeux jaloux sur les revenus que Car- thage en tirait. Diodore de Sicile parle également avec admiration de la fertilité de l'Afrique proprement dite. Sous la domination des Romains, ces contrées devaicnt être encore très-prospères, si l'on en juge par le grand nombre des établissements qu'ils y ont fondés. Le bassin des chotts est couvert de ruines romaines. Les stations anciennes et les localités actuelles dont l'identité est géné- ralement admise sont les suivantes : Tacape. Gabès. Aquæ Tacapitanæ. EL Hamma Gabès. Vepillium. Kebilli. Turris Tamalleni. Telmine. Thigæ. | Kri. ? Tizurus. Tôzeur. Aggarsel-Nepte. Nefta. Cafsa. Gafsa. Isker1. 7 Biskra. Gheoua. Laghouat. Thykimat. Tadjemout. Mais la Table de Peutinger et l'Itinéraire d’Antonin énumèrent plusieurs autres stations. La Table indique une route conduisant d’Aggarsel-Nepte (Nefta) à Tacape (Gabès) par la rive méridionale du chott et le sud du Nifzäoua et sur laquelle se trouvaient : done Mens de Fe Lee COR SN ER RE Te Me } 115 milles, ÉRRNS. D LNS Dar Ee- | 24 RUE PEU EL PL nues che e #4 TMETENCEE FORT En Lee ce se da 6 DNCNES 2. SP RTS ANS PROS QU | 18 Abe: 0800, HIDCEDND Li FAITES j Te Une autre route indiquée également sur la Table de Peutinger conduisait de Gafsa à Tacape par les stations suivantes : CADRE ns SE VOTES VOS 2e CNE er | 23 milles. TOAATIE.. en ee CR TE re ae m4 SITES VON ete RE A MTS Base 4 Aque Paca ee - nt: à 5 Tape Te. SUD CN TS } 16 Enfin Fitinéraire d’Antonin indique une troisième route qui allait de Tacape à Leptis Magna par la frontière militaire de la Tripolitaine. D’après M. Ch. Tissot, qui s’est beaucoup occupé de cette question de géographie ancienne, cette route allait en réalité de Tacape à l'extrémité de la presqu'ile du Nifzäoua, où elle atteignait Turris Tamalleni (Telmine) et reprenait de ce point la direction de fest, puis du sud-est pour gagner Leptis Magna par la chaîne tripolitaine. Voici le nom des stations de Tacape à Agma : Tacape Re TE EEE MAT ER EE ; AUS 18 mulles. MURS Li AR LL dense “ape Agarlavas sure po de enr cé Re RAS hs j lurnis-Tamallenis., 7.69... PS Te 30 9 Ad Templum PRET ON AA (er rt : Betezeos. ”. . .... MOME M EG ot of Auxiimde y... 04 RARE, CN ONE É 4e Agma ds ICrA JaSe EN AE pois AE re PR D 50 Agarlavas, Ad Templum, Berezeos se trouvaient ainsi, Mi M. Tissot, dans le bassin même du chott Djerid. Je citérai encore les ruines assez importantes d’un poste romain qui était situé à Besseriani, à 8 kilomètres au sud de Negrine. La corniche d’un pan de mur très-bien conservé nous y a servi de repère dans nos opérations de nivellement en 1875. Le nombre de ruines qu'on trouve encore dans le bassin des chotts est beaucoup plus grand que celui des stations relatées dans l'Itinéraire d’Antonin et la Table de Peutinger. Aussi, comme les anciens noms ont complétement disparu, il est difhcile de retrouver avec eertitude la place de ces stations. D'après les traditions arabes, l'oued Souf, dont le lit compléte- LL — 9235 — ment desséché est aujourd'hui recouvert par les sables, était autrefois un fleuve majestueux. C’est en souvenir de cet ancien état de choses que la région que ce fleuve arrosait avant de tomber dans le chott Melrir est encore désignée sous le nom d'oued Souf (rivière du Souf). Le retrait des eaux de la mer a donc profondément modifié le climat de ces régions jadis florissantes, et les fleuves puissants qui l'arrosaient, comme l'oued Djeddi, lIgharghar et l’oued Souf, ont fini par disparaître presque complétement. Le desséchement de la baie de Triton a eu tout d’abord pour résultat de creuser devant ces fleuves un gouffre de 25 à 30 mètres de profondeur; alors la vitesse de leur cours s’est accélérée et le volume de leurs eaux diminuant en même temps, par suite d’une évaporation plus rapide due à une plus grande sécheresse de l'air, leurs lits se sont trouvés périodiquement à sec et ont été en partie envahis par les sables. Puis les pluies diminuant d'année en année, ils ont fini, à l'exception de l’oued Djeddi, par ne plus exister qu'à l'état légen- daire. Autrefois l’oued Djeddi formait la ligne de démarcation entre la terre et les sables. Sur la rive gauche ou septentrionale, les _terres cessaient brusquement au lit du fleuve, les sables commen- çaient du côté opposé. Aujourd’hui l’oued Djeddi, dont le cours a diminué, n’est plus une barrière suffisante et les sables ont fini par le franchir. N’est:l pas permis d'espérer que si la présence de la mer venait de nouveau révler l'écoulement des eaux de l’oued Djeddi et modifier les conditions climatériques, le cours de cette rivière reprendrait sa régularité et son importance primitives, et que, réunie à la mer intérieure, elle opposerait un obstacle 1in- franchissable aux sables du sud, dont l’envahissement lent mais continu menace déjà les oasis du Djerid et principalement Nefta. La mer intérieure serait également, dans une certaine mesure, une barrière pour les sauterelles. Ces insectes nuisibles se divisent en deux espèces distinctes : les grandes sauterelles ailées et les criquets. Les premières voyagent par vols souvent considérabies qui s'abattent sur les récoltes. Ceux de ces vols qui chercheraient à traverser Ja mer intérieure pourraient s’y noyer en partie, surtout s'ils étaient surpris par un vent contraire. Mais les sauterelles les plus nuisibles sont les criquets. Ceux-ci s’avancent du sud vers le nord. par bandes régulières et innombrables. Partout où ils — 236 — passent, et ils couvrent quelquefois des zones de plusieurs kilo- mètres, ils ne laissent que la ruine et la désolation. Rien ne les arrête. Si l'on creuse un fossé devant eux, les premiers le comblent de leurs corps et le torrent reprend sa marche dévastatrice. La mer intérieure serait pour eux un abime. L’oued Djeddi lui-même leur présenterait une barrière suffisante le jour où ses eaux au- raient repris leur volume primitif. Or il faut remarquer que ce fleuve, qui prend sa source bien au delà de Laghouat, coule de l’ouest à l’est et traverse l’Algérié dans toute sa profondeur depuis la frontière du Maroc jusqu’au chôtt Melrir. Toutes ces modifications se produiraient au nord de la mer intérieure seulement. Quelle serait l'influence de cette mer sur le climat des régions situées au sud ? Les vents du nord, du nord-ouest, du nord-est, moins secs et moins chauds que ceux du sud, n’enlèveront-guère à la nouvelle mer que 300 millions d'hectolitres en 24 heures. Non-seulement ils ne trouveraient pas sur le littoral sud de massif montagneux pour les refroidir, mais ils s'y méleraient au contraire à des couches atmosphériques plus chaudes. Les vapeurs d’eau qu'ils transporteraient se dilateraient donc de plus en plus au fur et à mesure qu'elles s’avanceraient vers le sud, et ne se transforme- raient certainement en nuages et en pluies qu'en rencontrant au centre de l'Afrique les massifs montagneux de l’Aaghar. Cepen- dant, si nous considérons que le bassin des chotts s'étend jusqu’à ce massif central, qui donne naissance à l’Igharghar et à l’oued Souf, dont les eaux se perdent aujourd’hui dans les sables, il n'est pas déraisonnable d'admettre que les régions situées sur le cours de ces fleuves, dont le tribut annuel serait certainement augmenté d'une façon notable, subiraient l'influence des pluies produites par la mer intérieure et verraient leur climat s'améliorer d’une façon lente mais progressive. L'oued Souf et lIgharghar étaient des fleuves puissants à l’époque de la baie de Triton. Ne devons-nous pas espérer que la reconstitution de ce golfe leur rendrait au moins en partie leur splendeur passée? Mais si les oasis du Souf et de l’oued Rhir ne doivent pas profiter immédiatement des pluies créées par la merintérieure, elles ressen- tiront pourtant du jour au lendemain l'influence bienfaisante de son voisinage. Les écarts de température sont excessifs dans la région des chotts. Pendant les mois de décembre et de janvier 1875, il gelait — 957 — toutes les nuits; le thermomètre descendait quelquefois à 8 degrés au-dessous de zéro, tandis que dans le jour il marquait 25 et 30 degrés. Ainsi que nous l'avons expliqué dans la note B, les va- peurs d’eau nouvelles répandues à l’état invisible dans l'atmosphère auraient pour résultat immédiat de faire disparaître ces écarts excessifs et de rendre le climat beaucoup plus tempéré sur le rivage sud aussi bien que sur le rivage nord. Quelques personnes se sont demandé si la mer intérieure n’exer- cerait pas une influence sensible sur le climat de l’Europe, on a même parlé de retour vers l’époque glaciaire. Je traiterai ces deux questions qui sont intimement liées entre elles en discutant, dans le chapitre suivant, les objections élevées contre notre projet, et j'espère démontrer que le climat de l’Europe ne subirait aucune modification appréciable. Résumons en quelques mots les améliorations produites sur le climat de l'Algérie et de la Tunisie : Les vents du sud se chargeraient en vingt-quatre heures de 783 millions d'hectolitres d'eau transformés en vapeur qui iraient arroser la Tunisie et l'Algérie; une surface considérable de terres d’alluvion situées sur le littoral nord des chotts serait rendue à la culture; le sirocco, qui dessèche les moissons en fleur, deviendrait inoffensif, bienfaisant même, puisqu'il amènerait des pluies et des orages dans le Tell; les rivières reprendraient leur cours régulier et permanent. Les sauterelles et les sables du sud seraient entravés dans leur marche vers le nord. Dans la partie du Sahara algérien située sur le littoral sud de la nouvelle mer, Îles modifications seraient moins importantes. Le climat cependant y deviendrait immédiatement plus tempéré et pourrait même à la longue ressentir l'influence des pluies nouvelles qui par les vents du nord iraient tomber sur le versant septen- trional du massif montagneux de lPAaghar, et reviendraient vers les chotts par les vallées de lIgharghar et de l'oued Souf. Aux points de vue économique et commercial, la mer intérieure transformerait les régions de l'Algérie et de la Tunisie situées au sud de l'Atlas. Il est difficile de se faire actuellement une idée de la richesse de ces contrées !, auxquelles il ne manque qu’une sécu- 1 Parmi les richesses de ces contrées nous citerons : les bois de construction et les minerais de l'Atlas et de l’Aurès, où l’on vient de découvrir encore tout récemment des mines de cinabre ; les bois de luxe, comme le tuya, le cèdre, ete. ; MISS. SCIENT. —— IV. 16 — 238 — rité complète et des .voies de communication faciles, pour que l'agriculture, le commerce et l'industrie y atteignent un haut degré de prospérité. Par la vallée de loued Djeddi, tout le sud de l'Algérie se trouverait en relations plus faciles et plus promptes avec les ports de la nouvelle mer qu'avec ceux du littoral médi- terranéen. Cette vallée deviendrait une grande voie commerciale traversant notre colonie dans toute sa profondeur, depuis la fron: tière du Maroc jusqu’à celle de Tunisie. Quelle impulsion nouvelle donnée à l’industrie de ce magnifique pays ! Quelle transformation profonde, si l'on songe que le climat se modifierait en même temps! Ce serait la fertilité et la vie substituées à la stérilité et à la mort, la civilisation refoulant le fatalisme. Avec les ports de la mer intérieure et la ligne militaire de Poued Djeddi, il n’y aura plus d'insurrection possible en Algérie. La sécurité sera aussi complète au sud de l'Atlas que sur le littoral méditerranéen. Les Arabes, se sentant pris entre deux feux, ne songeront même pas à se révolter. Cette question est des plus importantes au point de vue de la colonisation. Depuis le com- mencement de l'occupation, les insurrections se sont renouvelées pour ainsi dire périodiquement malgré les sages efforts faits pour les prévenir. Alors nos malheureux colons voient détruire en quelques jours leurs travaux de plusieurs années. Il est vrai qu'on leur fait payer par les Arabes une indemnité largement suffisante pour couvrir les pertes; mais souvent aussi ils sont, eux ou leurs familles, les premières victimes de la cruauté des insurgés. Certes ces courageux et héroïques pionniers ne se laissent pas détourner par de telles considérations de la tâche à laquelle ils se sont voués, mais combien d'autres se seraient joints à eux, s'ils n'avaient été arrêtés par la crainte de ces dangers. J'ai entendu objecter qu’en cas de guerre avec une nation euro- péenne, la mer intérieure permettrait aux flottes ennemies de venir prendre l'Algérie à revers. À cela je répondrai que le détroit d'Asloudj commandera tout le bassin situé sur le territoire algé- rien. Î1 nous suffira donc d'établir à l'entrée de ce détroit, près l'alfa, dont il se fait aujourd'hui un commerce si considérable, et qu'on ne trouve que dans cette région; les troupeaux, les cuirs, les laines des nomades, les céréales, les dattes et autres produits du sol. Le commerce des dattes s'élève à lui seul à plusieurs millions, et cependant elles valent à peine, dans le pays, se cen- times le kilogramme. — 239 — de la frontière tunisienne, un poste fortifié pour surveiller le pas- sage et être absolument les maîtres dans les eaux françaises!, L'argument est péremptoie, et cependant je ne puis m'empêcher d'ajouter que ce ne serait pas une raison, ce détroit n'existàt-il pas, pour ne pas poursuivre l'exécution du projet. Toutes les fois qu'une nation construit un chemin de fer, un télégraphe, une route, un pont, elle crée un instrument utile entre ses mains, mais qui peut se retourner contre elle en cas de revers dans une guerre avec une nation voisine. À-t-on jamais tenu compte de pa- reïilles considérations ? D'après les chiffres et les renseignements que M. Largeau a eu l'obligeance de me fournir, le commerce d'importation et d’ex- portation entre le Httoral méditerranéen et le Soudan s'élève à la somme de 52 millions par an. Les produits exportés sont les ivoires du Bernou, les dépouilles d’autruche, les cuirs préparés, rouges et jaunes, le musc, l'encens, les peaux de léopards, les tapis de Tombouctou. Les objets d'importation se composent de toiles de coton d'Europe de toutes les couleurs, de tissus de toutes sortes pour turbans, de draps, de soieries, de ioulards, d'indiennes, de corail brut, de bijoux en argent, d'outils, d'armes, de fruits, de bougies, de camphre, de caïé, de sucre et enfin de farines. Les négociants de Rhadamès, qui ont tous passé plusieurs an- nées dans le Soudan , affirment que le commerce de ce pays pour- rait prendre une extension beaucoup plus considérable, car de sol y est d’or, disent-ils, et il serait possible d’en tirer de quoi nourrir ie monde entier, Mais, en raison de l'insuffisance des moyens de transport, on a dû se borner jusquà ce jour à l'exploitation des produits les plus précieux, qui représentent des valeurs considé- rables sous un petit volame; ainsi le coton qui pousse partout sans culture, les gemmes, les huiles et nombre d'autres produits dont l'industrie européenne pourrait tirer un excellent parti, doivent être abandonnés par les caravanes comme étant d'un transport trop difficile à dos de chameau. Outre les difficultés des transports, un obstacle a toujours em- pêché ces produits de s'écouler en grandes quantités vers le golfe de Guinée, c'est la barrière paludéenne qu'il faut franchir pour arriver à la côte, et à l'abri de laquelle tous les roitelets ou chefs de tribus échelonnés sur la roule prélèvent sur Îes marchands in- 1 Voir à la fin la note C. — 210 — digènes une infinité de droits de passage qui augmentent souvent le prix des marchandises au point d’en rendre la vente impossible. C'est ce qui explique pourquoi le commerce du Soudan a tou- jours choisi de préférence la route du littoral méditerranéen. Dans l'antiquité, les Garamantes et les Phazaniens, qui furent assujettis par Cornelius Balbus, étaient les intermédiaires de ce commerce et avaient leurs entrepôts à Garama et à Cydamus. Pen- dant la période d'invasion des conquérants arabes, les transactions cessèrent, mais reprirent plus tard, et Ouargla eut ses époques de splendeur comme tête de ligne des caravanes et principal entrepôt des marchandises qui venaient du nord par Touggourt et El-Oued, et du sud par le pays d’Aïr et le Aaghar, où un grand marché était établi sur les bords de la sebkha d’Amadghor. | Aujourd'hui le commerce du Soudan échappe complétement à l'Algérie, dont les caravanes ont abandonné la route pendant la pé- riode de la conquête. Des pays de production les marchandises sont transportées sur les deux grands marchés sahariens, qui sont Rhât au sud-est, et Tombouctou au sud-ouest. De Rhît, les cara- vanes se dirigent sur Rhadamès, et de là sur Tripoli. De Tom- bouctou elles prennent la route d’Aïn Çalah, d’où les marchandises sont expédiées soit sur Tripoli par Rhadamès, soit sur le Maroc. Quelques-unes cependant vont directement de Tombouctou au Maroc sans passer par Aïn Çalah, de même que d'autres vont di- rectement de Rhät en Egypte par Mourzouk. Mais Rhadamès et Aïn Çalah n’en sont pas moins les deux principaux entrepôts du commerce saharien. À plusieurs reprises des tentatives ont été faites pour attirer en Algérie les caravanes de Rhadamès et d’Aïn Calah; jusqu'à ce jour elles sont restées infructueuses. Il est facile d’en comprendre la raison : si les caravanes ne viennent pas échanger leurs produits sur notre littoral, c'est non-seulement parce qu'elles auraient à faire un trajet plus long que pour se rendre à Tripoli et au Maroc, mais surtout parce qu'elles traverseraient notre co- lonie dans toute sa profondeur, qu'elles relèveraient de notre auto- rité dans ce parcours et qu'elles crâindraient ainsi de compromettre leur indépendance. Tout le monde sait les courageux efforts tentés par M. Largeau pour attirer les caravanes rhadamésiennes. Il ne faut pas désespérer de les voir couronnés de succès, surtout si des foires importantes sont créées à El-Oued et à Touggourt, comme M. le Gouverneur général de l'Algérie en aurait formé le projet. — 241 — Mais, par suite de la cherté des transports à dos de chameau, notre commerce ne pourra leur livrer, dans les postes éloignés, qu'à des taux très-élevés les objets qu'elles demandent en échange de leurs produits. Si la mer d'Algérie était créée, toutes les difficultés se trouve- raient levées en même temps. Nos nouveaux ports se trouveraient aussi rapprochés de Rhadamès que Tripoli, plus rapprochés d’Ain Galah que n'importe quel point du littoral marocain. Notre com- merce et notre industrie pourraient y livrer à bas prix les objets d'échange, grâce au peu de cherté des transports par eau. Les ca- ravanes s’arrêtant sur les confins de notre colonie, sur un territoire pour ainsi dire neutre, n'auraient plus à craindre d’être inquiétées par notre autorité. Des bords de la nouvelle mer, notre influence et notre prestige accrus rayonneraient vers le centre de l'Afrique et assureraient au loin, sur les routes sahariennes, la sécurité si recherchée des caravanes. Qui pourrait douter que le commerce du Soudan ne reprit alors la route qu'il a toujours suivie et dont il ne s'est momentanément détourné qu’en raison de l'état troublé de l'Algérie pendant la période de la conquête ? Ce mouvement serait d'ailleurs favorisé par les Touaregs, qui sont les maïtres des routes du Sahara et dont tous les voyageurs ont constaté les sympathies pour Îa France. L'exécution du projet de mer intérieure aurait un immense re- tentissement jusque dans le centre de l'Afrique. Rien n’a donné aux Arabes une idée plus haute de notre puissance et de notre grandeur que le percement de l'isthme de Suez. À la séance du 10 juillet 1876 de l'Académie des sciences, M. de Lesseps, après avoir déposé, au nom de Votre Excellence, le rapport provisoire que j'avais eu l'honneur de lui adresser, disait qu'ayant recu la visite de l’agha de Touggourt, Si Mohammed ben Driss, dont le dévoue- ment aux intérêts français est bien connu, il lui avait demandé ce qu'il pensait du projet de mer intérieure. « Aujourd'hui, lui répondit l'agha, je puis rendre de grands services à la France en usant demoninfluencesur les tribus nomades et turbulentes du sud, pour les maintenir dans la soumission, mais si vous faites venir la mer dans le Sahara, il ne se trouvera plus un Arabe pour mettre en doute votre puissance; tous s'inclineront devant vous. Vous n'aurez plus besoin de moi. » Il y a quelques années, troïs chefs Touaregs sont venus à Phi- — 2h2 — lippeville. Ils regardaient avec indifférence nos routes, nos maisons, nos chemins de fer eux-mêmes; mais en arrivant sur le port, ils restèrent saisis d'étonnement à la vue de la mer. Ces hommes, qui n'avaient jamais parcouru que le Sahara, pour lesquels l’eau avait tou- jours été chose rare et précieuse, contemplaient avec stupéfaction cette immense nappe d'eau dont leurs regards ne pouvaient sonder ni les limites ni la profondeur. Quelle vive impression la vue d’un pareil spectacle produiraït sur l'esprit de ces peuples le jour où on pourrait leur dire : « À la place de ces fiots qui ont apporté ici la fraîcheur et la vie, et dont tu admires limmensité, hier encore il n'y avait que de la boue, des sables, des marais fiévreux. C’est la France qui a fait cela. » VI: PARTIE, EXAMEN DES OBJECTIONS ÉLEVÉES CONTRE LE PROJET DE MER INTÉRIEURE. De nombreuses objections se sont élevées dès le début contre le projet de mer intérieure. La lecture des premiers chapitres de ce rapport consacrés à l'exposition des méthodes scientifiques em- ployées et aux résultats obtenus, lexamen+des registres de nivelle- ment ! qui lui sont joints ne pouvant faisser subsister aucun doute sur la précision de nos opérations, il n’y a plus lieu de discuter la valeur des chjections qu’on avait faites sur la hauteur de l'isthme de Gabès, dont le relief et la constitution sont exactement connus aujourd’hui. Je ne puis cependant me dispenser de parter des tra- vaux de la Commission italienne. Cette Commission avait été chargée par la Société de géographie de Rome d'étudier listhme de Gabès. Après une exploration assez rapide faite en juin 1873, elle a publié, dans le Bulletin de la Société, un rapport où nous ne trouvons, sur les résultats du nivellement, que cette phrase : « Pour résultat final des opérations de nivellement dont les détails seront publiés, on trouve que la cote inférieure de l'embouchure de la sebkha El-Fejef (pointe du chott El-Djerid) est de 53”,40 au- dessus du niveau de la mer.» Nous avons vu que les résultats de notre nivellement de proche en proche, vérifié à 8 centimètres près à la mire 61, avaient établi que le point culminant du seuil n’est lui- mème qu'à 46,36 au-dessus de la marée basse. Or ce n’est pas le ! Ces registres étaient trop volumineux pour être imprunés, — 945 — point culminant, mais bien un point situé à environ 15 mètres au- dessous, pour lequel les Italiens ont trouvé la cote de 53",40. D’après eux, le point culminant serait par conséquent à 68",40 au-dessus du niveau de la mer. lis ont donc commis une erreur d'environ 22 mètres. Au Congrès international, j'avais prié M. Cor- renti, président de la Société de géographie de Rome, de me donner quelques renseignements sur le genre d'opérations exécutées par la Commission italienne. Il ne put répondre à ma question. Mais, con- naissant rigoureusement aujourd'hui le relief du seuil de Gabès et par conséquent l'erreur importante commise par la Commission italienne, il me semble impossible d'admettre qu’elle ait eu recours à des méthodes précises comme le nivellement géométrique ou le nivellement géodésique. Peut-être s'est-elle contentée de prendre successivement, au moyen de l'éclimètre, les distances zénithales d’une série de jalons échelonnés, en mesurant au pas la distance qui les séparait; et encore serait-il difficile, malgré le peu de pré- cision de ce procédé, de se rendre compte de l'erreur commise. En arrivant dans le Nifzaoua, nous avons trouvé les populations très-émues et peu disposées à nous accueillir avec bienveillance, car la Commission italienne avait affirmé que les oasis de cette région seraient submergées. Or toutes les oasis du Nifzaoua et du Djerid sont, même dans les parties les plus basses, à 20 mètres au minimum au-dessus du niveau de la mer. H y a donc là une nou- velle erreur de 20 mètres au moins, mais en sens inverse de la première; et comme il n’est pas admissible que les savants italiens aient avancé de semblables assertions sans les fonder sur des opé- 1 rations scientifiques quelconques, il en résulte qu'ils ont commis. une erreur de 42 mètres au moins entre l'extrémité orientale du chott El-Fejef et le Nifzaoua. À la séance du 18 juin 1876 de la Société de géographie 1ta- lienne!, M. le président Correnti signalaïit, parmi les communica- tions géographiques les plus importantes, celles qui concernaient l'exploration que nous venions d'accomplir dans les chotts tuni- siens. Tout en rappelant que l'expédition italienne de Gabès avait abouti à des résultats très-différents des nôtres, il exprimait le vœu de voir nos conclusions de meïlleur augure couronnées de succès. ! Explorateur du 6 juillet 1876. — 24h — Je suis très-reconnaissant à M. le président Correnti des paroles gracieuses qu'il a prononcées en cette circonstance, maïs il n’échap- pera à personne qu'elles renferment l’aveu des doutes que les membres de la Commission italienne avaient conservés eux-mêmes sur l'exactitude de leurs propres observations. Le 13 juillet 1874 M. Ch. Houyvet adressait à l’Acadénnie des sciences une note ainsi conçue ! : « Il ne suffirait pas de rétablir une mer intérieure en Algérie, 1l faudrait la maintenir. «Or, en supposant la mer établie au moyen d’un canal, cette mer perdrait tous les jours une énorme quantité d’eau par l’éva- poration, sans qu'il lui arrivàt aucune quantité d'eau douce équi- valente. L'eau évaporée ne serait remplacée que par l’eau salée arrivant par le canal, et bientôt la mer intérieure serait au maxi- mum de saturation. L’évaporation continuant, il se ferait un dépôt de sel qui finirait par remplir tout l'espace de la mer intérieure ; de sorte que le projet soumis à l’Académie aurait pour résultat de créer à grands frais une immense saline. » Quelques jours après je répondais à M. Houyvet en faisant re- marquer que la mer Rouge et la Méditerranée perdaient par l'éva- poration beaucoup plus d’eau qu’elles n'en recevaient directement de leurs affluents; qu'elles étaient alimentées par l'Océan, el que cependant il ne se formait aucun dépôt de sel au fond de ces mers ; que la salure de la Méditerranée et de la mer Rouge n'étant même pas sensiblement plus prononcée que celle de l'Océan, il existait nécessairement des courants sous-marins aux détroits de Gibraltar et de Bab-el-Mandeb. « I est facile, ajoutais-je?, de se rendre compte de la formation de ces courants inférieurs. Prenons, par exemple, la Méditerranée et l'Océan, qui communiquent par Île détroit de Gibraltar, et sup- posons qu'à un moment donné ces deux masses d’eau aient exacle- ment la mêmé densité et le même niveau. Bientôt le niveau de la Méditerranée baissera par suite d’une évaporation plus active, et les eaux de l'Océan se porteront vers cette mer : le courant supé- rieur sera créé. En même temps la salure de la Méditerranée ! Comptes rendus de l'Académie des sciences, 2° semestre 1874 , p. 101. 2 I. p.289. = 95 -—— augmentera; mais aussitôt que la couche placée au-dessus du plan horizontal tangent au fond du détroit sera devenue sensiblement plus dense que la couche correspondante de l'Océan, l'équilibre sera encore rompu, en sens inverse cette fois, et il se formera un contre-courant inférieur, nécessairement plus faible que le courant supérieur. On peut donc affirmer qu’il se fait inévitablement un échange constant d’eau et de sel entre deux mers communiquant ensemble et soumises à une évaporation inégale. « On objectera peut-être que le peu de profondeur du canal de Gabès ne permettra pas au courant inférieur de se produire. Nous pourrions répondre que le canal sera creusé dans des sables peu consistants, que par conséquent nous devons compter sur la rapi- dité du courant qui s'y établira, au moment du remplissage du bassin des chotts, pour porter sa profondeur à 15 ou 16 mètres ; que d’ailleurs nous aurons plusieurs siècles devant nous avant que le péril devienne imminent; et que par conséquent nous au- rons bien le temps d'approfondir et de draguer; mais nous affr- mons qu'une profondeur de 8 à 10 mètres suffirait pour qu'un contre-courant inférieur s'établit dans le golfe de Gabès. Nous n'avons qu'à citer ce qui se passe dans le Bosphore et les Darda- nelles. On sait que la mer Noire recoit de ses affluents plus d’eau qu'elle n'en perd par l’évaporation ; il se produit alors un courant supérieur, de cette mer à la Méditerranée. Plusieurs expériences faites dans les Dardanelles par le comte Truguet, lieutenant de vaisseau , ont prouvé qu'il existe un contre-courant inférieur, dont la vitesse est moindre que cel'e du courant supérieur, et qui se fait sentir à des profondeurs variant entre 3 et 8 mètres. « Rappelons enfin ce qui a lieu dans les lacs Amers, qui ne com- muniquent avec la mer Rouge et la Méditerranée que par un canal de 8 mètres de profondeur. L'évaporation y étant très-active, les couches inférieures auraient dû se saturer rapidement; cependant M. de Lesseps, en communiquant à l’Académie le résultat de ses savantes recherches sur la formation des bancs de sel qui occupent le fond des lacs, a dit que ces bancs continuent à se dissoudre. Il faut donc qu'il existe dans le canal un courant inférieur entraïnant les sels vers la Méditerranée et la mer Rouge, et que l’action de ce courant suflise pour empêcher la saturation des couches infé- ricures des lacs. » M. Ferd. de Lesseps, faisant connaître, le 15 mai 1876, à { Aca- — 2h46 — déinie des sciences le résultat de nouvelles observations faites aux lacs Âmers, a répondu d’une façon définitive à l’objection de M. Houyvet. Cette communication intéresse de trop près la ques- tion de la mer intérieure pour que je ne demande pas la permis- sion de la reproduire entièrement : «M. FErp. DE Lesseps. Jai eu l'honneur de soumettre à l'Aca- démie des sciences, il ya deux ans, des considérations sur le régime probable des eaux des lacs Amers de l’isthme de Suez, pendant la période de formation du banc de sel qui occupe ie milieu de l'un de ces lacs, et les hypothèses que l'étude de cette région de l'isthme et celle de la structure du banc de sel suggéraient sur le mode probable de sa formation. | « Je désirerais aujourd'hui compléter cette note, en exposant les résultats des dernières recherches faites sur le degré de dissolution du banc de sel et sur le régime actuel des eaux du lac. «Les observations recueillies peuvent être utiles au projet d'inondation des chotts tunisiens et algériens, et répondre, dans une certaine mesure, aux objections qui ont été élevées contre la possibilité de cette entreprise, objections qui nous avaient été égale- ment faites au sujet des lacs Âmers, el que l'expérience a démontré n'être pas fondées. La principale objection portait sur les difficultés supposées du remplissage de ces vastes bassins et sur la longueur de temps qu’exigerait l'opération, par suite de l’'évaporation et de l'absorption de terrains desséchés depuis des siècles. | « Aucune difficulté ne s’est produite; le remplissage total, cubaut en nombre rond 1,500 millions de mètres cubes, s’est effectué régulièrement, en sept mois de temps, du 18 mars àäu 24 octobre 1869, par des déversoirs construits provisoirement pour retenir la violence des eaux, dont les courants auraient pu interrompre nos travaux et dégrader les berges du canal. «Mais bien avant que les lacs fussent inondés, des mémoires, basés sur des calculs théoriques, nous avaient prédit qu'ils se dessécheraient de nouveau sous l’action solaire, leurs eaux ne pouvant se renouveler suffisamment par les deux branches du canal, dont la section est relativement restreinte. « Le degré de salure des eaux dans les lacs s'éleva assez rapide- nent tout d'abord, et, bien que les sondages faits sur le banc de sel à diverses périodes indiquassent que la dissolution, assez ac- — 2h47 — uve, était la cause principale probable de la saturation, 11 conve- nait d’être fixé à cet égard. Les dernières constatations prouvent que la dissolution du banc de sel continue à se produire et que la salure des eaux, loin d'augmenter sous les effets combinés de la dissolution et de l'évaporation , est, au contraire, sensiblement en décroissance. « Voici, à l'appui de celte assertion, quelques chiffres résumant les résultats de l'analyse que M. le directeur de l'école des Ponts et Chaussées a obligeamment consenti à faire faire, à son labora- toire , sur les échantillons d’eau des lacs Amers et du canal, ainsi que ceux des sondages relevés au-dessus du banc de sel. « Les plus récents de ces sondages, faits en octobre 1875. d'après une carte présentée avec cetle note , indiquent que le banc s'est dissous sur une hauteur moyenne de 0,80, depuis les cons- tatations faites en 1869 après le remplissage, lesquelles avaient déjà fait reconnaître la dissolution d'une première couche de 0",40 environ. Ce serait, en tout, une couche de sel de près de 1,20 d'épaisseur qui se serait dissoute en six ans sur les trois quarts de la surface du banc. Ce résultat ne s’est pas produit uniformément sur toute la surface ; il a été plus actif sur les arêtes du banc et dans la région nord, où ont eu lieu des approfondissements de près de 1”,30, tandis que certaines régions du centre et la par- te sud, recouvertes d’une couche dsssile mêlée à des coquil- lages agelomérés , paraissent , pour cette cause, résister davantage à la dissolution. « La surface du banc de sel étant de 66 mullions de mètres carrés , le volume approximatif dissous en six ans, depuis l'intro- duction des eaux, peut étre évalué à 60 millions de mètres eubes, donnant, à la densité de 1,5, un poids de 90 milliards de kilo- grammes. « Deux analyses en ont été faites : la première sur des échantil- lons puisés en octobre 1872, la deuxième sur des échantillons de juillet 1874. « En octobre 1872, le poids du volume de sel dissous était au moiss égal à la moitié du poids ci-dessus, soit à.. 45,000,000,000 kilog. « En y ajoutant celui que les eaux de la Méditerranée et celles de la mer Rouge te- À reporter. - .:...:. 45,000,000.,000 Reportalitastuct.s ... 45,000,000,000 kilog. naient déjà en dissolution en arrivant dans le bassin, on aura : Volume introduit par la Méditerranée : 1° Lors du remplissage. .... 500,000,000" 2° Ultérieurement par suite de la dissolution du banc.... 30,000,000 DOME Te ee 530,000,000 Lesquels, à 4o kilogrammes de résidus par mètre cube, représentent un poids de sel HO APE CES DA EL AL BRL LEE + AD RAR 21,200,000,000 Volume introduit par la mer Rouge : 1° Lors du remplissage. .... 950,000,000" 2° Uliérieurement.......... 30,000,000 TOTAL Lee ... 980,000,000 Lesquels, à 43 Kilogrammes de résidus par mèlre cube, représentent un poids de sel MES cu De os 22 RE Ue Ue ... 42,140,000,000 Mona su QU Ru ..... _108,340,000.000 « Tel est le poids de sel, ou mieux de résidus solubles, qu'au- raient dû contenir les eaux du bassin des lacs en 1872, non com- pris les résultats de l'évaporation. Ce poids, divisé par le volume liquide , égal à 1 milliard 480 millions de mètres cubes, donne un résidu moyen de 73,20 par mètre cube, tandis que la moyenne de onze échantillons des eaux de ce lac, dosés par évaporation au laboratoire des Ponts et Chaussées, ne donne que 71',10 de résidus par mètre cube. «Mais, pendant cette période de trois années, l'évaporation avait ajouté son contingent de sel aux poids précédents ; il est fa- cile d'évaluer ce qu'il a été au minimum. Pendant le remplissage, l'évaporation a été mesurée très-exactement et a été trouvée varier, en été, de 3 millimètres à 4””,5 par vingt-quatre heures. «En prenant pour moyenne de l’année une épaisseur de 2 mil- limètres seulement, on arrive, la surface des lacs étant de 196 mil- lions de mètres carrés, à une évaporation annuelle de 143 mil- lions de mètres cubes, représentant un poids de sel, à 71 kilo- — 249 — grammes par mètre cube, de 13 milliards 916 millions de kilo- grammes, soit pour trois années 41 milliards 748 millions de kilogrammes. «Le produit de cette évaporation, ajouté au total précédent, donne un chiffre de 150 milliards 88 millions de kilogrammes, qui, divisé par celui du volume liquide, indique que si les eaux ne s'étaient pas renouvelées en partie, elles auraient contenu en dissolution, en 1872, un poids de 101,40 de résidus par mètre cube, tandis que l'analyse n'a trouvé que 71*,10. « Le même calcul démontre que, la dissolution du banc ayant continué en 1873 et 1874, la salure des eaux de ces lacs aurait dû augmenter en proportion du poids du volume de sel dissous et de celui de l'eau évaporée, et dépasser au moins le chiffre donné par l'analyse de 1872. Or c’est le contraire qu'indiquent les do- sages des derniers échantillons : les eaux relevées en 1874 sont moins salées que celles de 1872; la moyenne de quinze échantil- lons puisés dans les lacs donne 66*,06 de résidus au lieu de 71*;10 en 1872. « Le dosage du chlore indique avec beaucoup plus d’'approxi- malion le degré de salure des eaux. Voici les moyennes des deux époques : FT UIOEE à 21e 27 jeu des -:-.. 38,9 par mètre cube. Rd dl rte ce 0 36°,7 — « Conclusion. — Il est donc incontestable que, malgré la disso- lution du banc et l’'évaporation , la salure diminue et que les eaux se renouvellent. « Par quel moyen ce phénomène s’opère-t-il? Ce ne peut être que par les courants. La différence notable de densité existant entre les eaux des lacs Amers et celle des extrémités du canal doit créer des courants de fond, par lesquels les eaux lourdes se ren- dent à la mer, tandis que les courants de surface amènent aux lacs les eaux moins chargées de la mer ét compenser les pertes de l’évaporation. « Ï est probable que la salure avait atteint son maximum peu de temps après le remplissage, lorsque les parties les plus spon- oieases et les plus accessibles du banc eurent été dissoutes. La dé- croissance de salure démontre que léquilibre tend à se rétablir entre les lacs et les mers, et que la vitesse d'écoulement des eaux 4 — 252 — nous avons de la pluie au moins une fois par mois. Des végétaux commencent à pousser naturellement dans le désert même, dans les terrains situés en Asie le long du canal; et comme de ce côté il n'entre par infiltration que de l’eau salée, il faut conclure que la végétation est due à l'influence des pluies. En outre, le climat de Suez semble modifié, car les habitants de la ville se plaignent beaucoup moins qu'autrefois des chaleurs de l'été. Il en est de même pour les voyageurs qui traversent la mer Rouge. » On a objecté que le canal de communication fournirait tout au plus assez d'eau pour contre-balancer l’évaporation, et que par conséquent la mer intérieure ne se remplirait jamais. On vient de voir que la même objection avait été faite à M. de Les- seps, à propos des lacs Âmers, qui pourtant se sont remplis en sept mois, quoiqu'on n'ait pas toujours laissé ouvertes toutes les aiguilles des déversoirs. Cette objection reposait d'ailleurs sur les observations faites sur l'évaporation de petites surfaces comme celle d’un évaporomètre; c’est ainsi qu'on avait trouvé que l'éva- poration en Égypte était de 0,02 en vingt-quatre heures , tandis que l'expérience a prouvé qu’elle atteint tout au plus 0,003, en moyenne , sur de grandes surfaces salées comme les lacs Amers. Nous avons vu, au chapitre IV, que l'évaporation annuelle n’attein- dra sur la mer intérieure que 13 milliards de mètres cubes, et que le volume d’eau fourni par le canal de communication sera de plus de 36 milliards de mètres cubes pendant la période de rem- plissage. Nous avons vu également que le remplissage des divers bassins exigerait au maximum neuf ans, mais que la présence de la mer intérieure ferait, dès la quatrième année, sentir l’in- fluence bienfaisante de sa présence. Une fois le remplissage complétement terminé, le canal de l'oued Melah n'aura plus à fournir annuellement à la mer inté- rieure que les 13 milliards de mètres cubes enlevés par l'évapo- ration. Il se produira donc dans le canal un courant supérieur, allant du golfe de Gabès vers les chotts, et dont il est difficile de prévoir la vitesse ; car, d’une part, il s’établira en même temps un courant inférieur, et d'autre part, une partie du volume d’eau en- levé à la nouvelle mer par lévaporation lui sera rendue par les rivières. Ces deux causes différentes tendraient, la première à augmenter la vitesse du courant supérieur, la seconde à la dimi- DS nuer. En admettant qu'elles se compensent entre elles, la vitesse moyenne du courant supérieur serait de 0",46 par seconde, et bien inférieure par conséquent à celle du courant qui s’est établi entre Suez et les lacs Amers, où elle atteint 1 mètre. M. Cosson, membre de l’Académie des sciences, a élevé contre le projet de mer intérieure plusieurs objections! qui peuvent se résumer ainsi : 1° D'après les données fournies par M. Roudaire lui-même , et le peu de pente qu'il attribue au chott Melrir, les eaux, suivant les anfractuosités de cet immense bassin sans profondeur, pénétre- raient dans les innombrables dépressions aboutissant au chott. La mer saharienne n'aurait donc pas de limites plus nettes que le chott lui-même et s'étendrait dans les terres en immenses flaques sans profondeur. Plusieurs des oasis de l'oued Rhir seraient fatale- ment submergées, et c'est par millions que devrait se chiffrer le dommage causé dans l’oued Rhir seul par la mer nouvelle, sans parler des mêmes désastres qui se produiraient dans la Tunisie méridionale, où se trouvent les principaux centres de population et les pays les plus riches en dattiers. Le puits artésien d'Oum el- Thiour et l’oasis de Mraïer sont placés sur la carte de M. Roudaire à 8 ou 10 kilomètres du chott, tandis qu'ils sont en réalité situés sur ses bords mêmes et seraient submergés au moins en partie par la nouvelle mer. 2° N'a-t-on pas à redouter que les eaux de l’oued Rhir, et même celles de la nappe artésienne qui en occupe toute l'étendue et qui contient, malheureusement, déjà une quantité trop considérable d'éléments salins, ne deviennent, par l'excès de salure dû aux in- filtrations, impropres aux besoins de l'homme et à l'irrigation? 3 C'est dans la région même désignée pour être envahie par la mer projetée ou dans son voisinage presque immédiat que le dattier donne ses plus abondants et ses meilleurs produits. C'est le pays des dattes par excellence , le Blad el Djerid, qui serait occupé par la mer nouvelle ou soumis à l'influence de son voisinage. Si le climat de cette partie du Sahara devait se rapprocher de celui du e 1 Comptes rendus de l'Académie des sciences , 2° semestre 1834, p. 435. MISS., SCIENT. —— IV. 17 PME — littoral méditerranéen, où le dattier ne muürit qu'exceptionnelle- ment ou imparfaitement ses fruits, ne serait-il pas à redouter que la production des dattes, la véritable richesse de la contrée et presque son seul article d'exportation, ne füt compromise, même à une assez grande distance du littoral de la mer nouvelle? N'’est:l pas à présumer, d'autre part, que lès cultures qui pourraient être introduites seraiént bien loin de compenser la perte certaine à la- quelle on exposerait le pays? J'ai déjà répondu à ces différentes objections !. Je vais les re- prendre l’une après l’autre en ajoutant de nouveaux arguments tirés des études faites depuis 1874 dans le bassin des chotts : 1° En se fondant sur nos propres données pour en déduire que la mer intérieure s'étendrait de tous les côtés dans les terres en immenses flaques sans profondeur, l'honorable M. Cosson avait étendu à toute la région ce que nous disions seulement de la sur- face plane et lisse qui forme le fond du chott Melrir, pour la- quelle nous n’avions constaté qu'une inclinaison de 25 centimètres par kilomètre. Mais cette surface est entourée de mouvements de terrain tellement accentués, comme l'ont établi nos divers nivelle- ments, qu’en beaucoup de points les bateaux pourraient venir jeter l'ancre à 4o0o mètres du rivage, par 10 ou 12 mètres de fond. On s'en rendra facilement compte en consultant les coupes verti- cales jointes à la carte. Déjà sur la carte d'essai que nous avions publiée en 1874, on pouvait voir que le signal de Chegoa, situé sur le bord du chott Melrir, se trouvait cependant à 12 mètres au- dessus du niveau de la mer. Le rivage probable de la nouvelle mer n'y avait pas été tracé au hasard, et la preuve, c'est qu'il s'écarte peu du rivage définitif fixé par les nivellements rigou- reux exécutés depuis cette époque. Ainsi que je l’ai déjà dit, c'est au nord du chott Melrir que le bassin inondable se terminerait par les pentes les plus douces; et encore la plage y serait-elle moins basse qu'en certains points du golfe de Gabès. Les oasis de Mraïer et d'Oum el-Thiour étaient bien à leur place sur notre carte d'essai, comme on peut s’en convaincre en la com- parant à la carte définitive. ! Comptes rendus de l'Académie des sciences, 2° semestre 1874, page 501. — 9255 — L'oasis de Mraïer est située sur les bords mêmes du bassin inon- dable. Les parties les plus basses de cette oasis seraient recouvertes d'une couche d’eau de 2 à 3 mètres de profondeur. Mais il serait facile de les préserver en les entourant préalablement de digues. Ce travail serait insignifiant en comparaison des travaux gigantesques de même nature exécutés en Hollande. Les oasis de Nsira, Dendouga, Sidi Mohammed Moussa, se trouvant à 15 ou 16 mètres au-dessous du niveau de la mer, se- raient , 1l est vrai, infailliblement sacritiées. Mais elles sont en dé- croissance, et comptent à peine de 7,000 à 8,000 palmiers en tout. Pas un seul dattier ne serait submergé dans le Souf ni en Tunisie. Nous voilà bien loin des désastres redoutés par l'honorable M. Cosson. _ 2° H est impossible que les infiltrations de la mer saharienne puissent arriver à la nappe artésienne. Les puits traversent tou- jours plusieurs couches imperméables avant d'arriver à une nappe assez abondante pour les alimenter. Nous avons d’ailleurs me- suré la profondeur d'un grand nombre de puits situés non-seu- lement dans le Souf, mais encore dans les terres de parcours avoisinant le bassin inondable, et nous avons constaté que tous, sans exception, s’alimentent à une nappe plus élevée que le ni- veau de la mer. 3° Le voisinage de la mer est-il si nuisible à la culture du dattier que le croit M. Cosson? Les oasis de Gabès et de l’île de Djerba, situées sur le bord de la Méditerranée, produisent de bonnes dattes. Elles sont moins savoureuses, il est vrai, que celles du Beled el-Djerid. Mais cela tient-il seulement à l'influence de la mer? Il y a de nombreuses variétés de dattiers. Ceux qui sont cultivés au Djerid appartiennent presque tous à des espèces renommées pour leur supériorité. Le Nifzaoua est aussi éloigne de la Méditerranée que le Djerid; le climat y est le même, et cependant les dattes y sont moins bonnes, par suite de la qualité inférieure des dattiers. En Egypte . autour du lac Mensaleh, du côté de Salahieh-Korein, il y a, d’après les renseignements que M. F. de Lesseps a bien voulu me fournir, de grandes foréts de dattiers qui s'étendent jus- qu’au point où vient aboutir l'ancienne tranchée pélusiaque à Taf- ney, et qui croissent dans des terrains salés. Ces forêts, qui touchent pre — 256 — au lac Mensaleh, et par conséquent à la Méditerranée, fournissent cependant les meilleures dattes de l'Égypte. | Il est donc bien certain que le voisinage de la nouvelle mer ne compromettrait aucunement la production des dattes, qui n'est d’ailleurs la seule richesse du Djerid qu’en raison même de la sté- rilité actuelle de cette contrée. On a souvent confondu le projet de mer intérieure en Algérie avec un projet anglais qui lui est postérieur, et qui consisterait à créer une mer saharienne en inondant une vaste partie du désert, dans l’Afrique occidentale, vis-à-vis des îles Canaries. C'est sans doute à cette confusion qu’il faut attribuer les objections de ceux qui redoutent que la mer intérieure ne modifie profondément le climat de l'Europe, et ne nous ramène vers la période glaciaire. H suffit de regarder une carte d'Afrique pour voir combien la surface de cette mer serait insignifiante à côté de celle du grand foyer saharien, où prennent naissance les courants atmosphé- riques que les montagnards de Suisse et de Savoie désignent sous le nom de Fœhn, et qui activent la fonte des glaciers des Alpes. Ces courants d’ailleurs traversent la Méditerranée, où ils se chargent de vapeurs. La présence de la mer intérieure ne ferait donc qu’augmenter d'une manière inappréciable la surface de l'immense nappe d'eau qu'ils sont obligés de franchir avant d'arriver en Europe. L'influence de cette mer serait incontesta- blement locale, comme celle des lacs Amers, qui ont considérable- nent modifié le climat d'Ismaïliah, sans avoir la moindre action sur celui de l'Europe méridionale : elle ne se ferait sentir que sur. l'Algérie et la Tunisie. La mer intérieure existait d’ailleurs sous le nom de baie de Triton, vers le commencement de l'ère chrétienne. Or la période glaciaire n'existait plus à cette époque depuis des milliers d'années. La baie de Triton n’a donc jamais eu d'action sur le climat des Alpes et de l'Europe centrale. Quant au projet anglais, il ne repose encore que sur des don-, nées excessivement vagues. Le Journal ofjiciel du 13 septembre dernier a reproduit, d’après le Standard, le récit d’une expédi- tion anglaise qui vient d'être faite au cap Juby, sous les ordres de M. Mackensie, dans le but d'étudier le projet. Celte expédition n'a pas fait avancer la question d'un pas, et l’on n’est pas encore scientifiquement sûr qu'il existe une dépression inondable dans la région explorée. Si une notable partie du Sahara était submer- gée, il est certain que le climat de l'Europe en serait sensible- ment modifié. Mais nous ne croyons pas, le Sahara tout entier dût-il disparaître sous les eaux, que le retour à la période gla- claire soit à craindre. Les régions situées sous les mêmes latitudes, en Asie et en Amérique, et sur lesquelles l'influence d'aucun foyer analogue au grand foyer saharien ne se fait sentir, sont-. elles envahies par les glaces? L'Europe occidentale jouit, il est vrai, d’un climat plus doux à latitudes égales, mais il est re- connu que c'est surtout au grand courant océanique d’eau chaude désigné sous le nom de Gulf-Stream qu'il faut attribuer cette su- périorité de température. Si je me suis étendu assez longuement sur cette objection, c'est qu'elle n'a pas laissé que sgtbiomat la masse du public, peu versée dans les questions de météorologie et de géologie. Je dois ajouter d’ailleurs qu'elle n'a trouvé aucun crédit auprès des savants. Tous ceux qui se sont prononcés n'ont pas hésité à décla- rer qu'ils la considéraient comme dénuée de fondement. + On nous a objecté encore que les sables finiraient par combler la nouvelle mer. Tous les auteurs anciens, Hérodote, Scylax, Strabon, Pline, etc., ont représenté la Petite-Syrte comme obstruée par des bas-fonds qui rendaient la navigation fort dangereuse. Solin raconte, comme un fait digne d’être signalé, que la flotte romaine put y passer sans accident sous le consulat de C. Servilius et de C. Sempronius. Actuellement les bateaux à vapeur peuvent aller à Djerba. Il n'existe qu'une carte hydrographique du golfe de Gabès, dressée “par les officiers de la marine anglaise (Mehediah to Ras Makha- bez, 1865). D’après cette carte, dans toute la partie du golfe com- prise entre l’île Djerba et l’oued Akarit, on trouve tout le long du littoral des fonds de 6 à 7 brasses!. Au large on à 12, 18, 20 brasses, et plus. Or si l’on songe au faible tirant d’eau des galères antiques, qui naviguaient si difficilement dans la Petite- Syrte, on doit en déduire que, loin de s'être ensaäblé depuis les Romains, le golfe de Gabès s'est au contraire notablement approfondi. Il est facile de comprendre comment les choses. se sont passées ! Brasses anglaises ou futhoms de 1°,83. — 258 — el se passent encore de nos jours. En roulant sur les bas-fonds du golfe, les vagues en remuent profondément les vases et les sables et les entraînent vers le littoral. En général , les dépôts ne peuvent s’'accumuler au fond des mers que dans les parties assez profondes pour que l'action des vagues cesse de s’y faire sentir. De 1à résulte une profondeur minimum, qui décroit en approchant du rivage, où les vagues contrariées par le remous perdent une partie de leur vitesse avant de venir sv briser. La surface de la mer inté- rieure sera assez vaste pour qu'il s'y forme des vagues puissantes qui y maintiendront une profondeur suffisante. 11 est même pro- bable que les sables des dunes qui se trouvent aujourd’hui dans le chott Melrir seront successivement rejetés sur le rivage. On ma objecté, au Congrès, qu'à chaque baisse de niveau déterminée par les chaleurs de l’été, la mer intérieure déposerait sur ses bords une couche de sel qui serait une source de fièvres pestilentielles pour Îles régions avoisinantes. Mais, à ce compte, toutes les mers seraient des foyers d'infection! Est-ce que des variations de niveau considérables, dues à des causes beaucoup plus puissantes, telles que les marées, la direction des vents, ne se produisent pas journellement sur tous les rivages de l'Océan? Sur certaines plages la mer s’avance deux fois par jour de plu- sieurs kilomètres, et se retire ensuite, laissant derrière elle des fiaques d’eau sans profondeur, qui déposent des masses de sel en s'évaporant. Est-ce que ces faits ne se produisent pas sur le hitto- ral du golfe de Gabès lui-même, qui cependant est très-salubre ? On craint l'influence pernicieuse des petites quantités de sel qui se déposeront sur les bords de la nouvelle mer ; mais actuellement les chotts sont recouverts d'immenses couches de sel mélangées à de faibles quantités d'eau sans cesse en évaporation. Au nord du chott Melrir se trouvent , comme je l'ai déjà dit, de vastes marais appelés farfaria. Cette région, qui n'est abordable que vers les mois de décembre et de janvier, est un foyer redoutable de fièvres pernicieuses dont l'influence se fait sentir jusqu’à Biskra. Elle est à l'altitude de 25 ou 30 mètres au-dessous du niveau de la mer. Tous ces marais salants seraient par conséquent recouverts par une profonde couche d’eaux vives et deviendraient inoffensifs. L'objec- tion tombe donc à faux, et fournit au contraire un argument sérieux en faveur du projet. | On a dit qu'il faudrait faire des dragages considérables dans le — 259 — golfe de Gabès, pour permettre aux navires d'atteindre l'entrée du chenal. Mais c'est là une idée préconçue, qui n'a pour point de départ que l'importance exagérée attribuée aux bas-fonds du golfe. Rien ne la justifie. Au contraire, si l'on consulte la carte hydrographique que je viens de citer, la seule qui existe, on voit qu'il y a 7 brasses, c’est-à-dire 12",81 de fond près de l’embou- chure de l’oued Melah. Plus loin la profondeur atteint successive- ment 10, 12, 16 brasses et plus. M. le commandant Mouchez est d’ailleurs chargé en ce moment de relever cette partie de la côte, et élucidera complétement la question !. On a dit encore que la mer intérieure permettrait aux flottes ennemies d'aller prendre l'Algérie à revers. J'ai déjà répondu à cette objection dans le chapitre précédent?, en démontrant que nous serions absolument les maïtres dans les eaux françaises, dont nous commanderions l'entrée, et en faisant ressortir tout ce qu'il y a de puéril dans la théorie qui consisterait à rester désarmé, de peur de voir ses propres armes se retourner contre soi, entre les mains d’un ennemi victorieux. H a été objecté que l'exécution du projet de mer intérieure aurait pour résultat d’éloigner les autruches de la région des chotts et de rendre ainsi les plumes de luxe plus rares et plus chères. Presque toutes les dépouilles d’autruches nous viennent du centre de l'Afrique. Ce serait exagérer que de porter à douze le nombre des autruches qui sont tuées annuellement dans le bassin des chotts. Mais qu'importe! nous admettons que les plumes de luxe deviennent plus rares et plus chères, et nous laissons à chacun le soin de faire justice de cet argument. Il a été fait encore bien d’autres objections, auxquelles je ne pourrais répondre sans sortir du cadre sérieux de ce rapport. Loin de moi la pensée de vouloir établir un parallèle entre l'œuvre grandiose et immortelle de M. de Lesseps et le projet de mer intérieure; mais qui ne se souvient des objections de toute nature qui jusqu'au dernier moment se sont élevées contre le perce- ment de l'isthme de Suez, objections qui n'avaient jamais été sérieuses, l'événement l'a prouvé, que dans l'esprit de ceux qui s'imposaient la tâche ingrate d'entraver l'exécution d'une entre- prise aussi utile que glorieuse. ! Voir la note D. —? Page 258. — 260 — Monsieur le Ministre, Tout en m'efforçant de traiter les diverses questions que sou- lève le projet de mer intérieure, je me suis attaché à être aussi concis que possible. J'ai résumé, sans entrer dans des détails trop techniques, l'ensemble des opérations géodésiques et topogra- phiques exécutées depuis 1872 dans le bassin des chotts. J'ai démontré que ce bassin formait encore, sous le nom de baie de Triton, un golfe de la Méditerranée, à une époque où l'Algérie et la Tunisie avaient atteint un haut degré de prospérité. Cependant, quelque convaincantes que soient pour tout esprit impartial les preuves nombreuses tirées de l’histoire, de la tradition et de la géographie actuelle que j'ai accumulées sur l'identité de la baie de Triton et du bassin des chotts, cette identité ne pouvant être mathématiquement démontrée, il est possible qu’il s'élève encore des objections à ce sujet. Aussi il est un point sur lequel je dois insister d'une façon toute particulière : Si séduisantes que soient ces discussions, elles n’intéressent que très-indirectement le projet de mer intérieure, qui est avant tout un problème de géographie physique. La baie de Triton n'eüt-elle jamais existé, 1l n'en serait pas moins acquis à la science qu'il y a actuellement, au sud de l'Algérie et de la Tunisie, une vaste dépression dont le niveau est inférieur à celui de la Méditerranée, et que cette dépression, occupée par des marais insalubres, serait recouverte par les eaux de la mer si elle était reliée au golfe de Gabès. Quels que soient les phénomènes qui ont donné naissance aux seuils dans lesquels il faudrait creuser des tranchées, ces seuils sont uniquement composés de sables mobiles ou compactes à travers lesquels les eaux de la Méditerranée se chargeraient d'établir elles-mêmes la communication dès qu'on leur aurait ou- vért le plus petit passage. En mettant en regard les dépenses à faire pour mener cette entreprise à bonne fin et les avantages immenses qui en découle- raient, il est permis de considérer dès aujourd’hui la création de la mer d'Algérie comme un projet dont la réalisation est certaine. Amélioration profonde du climat de l'Algérie et de la Tunisie, et par conséquent accroissement considérable de la richesse agricole de ces contrées, où la sécheresse seule est un obstacle à Ia fertilité — 261 — nalurelle du sol ; sécurité complète du sud au nord de notre colonie, voies de communication faciles et économiques, développement du commerce et de l’industrie, nouvelle direction imprimée au com- merce du centre de l’Afrique, telles seraient en quelques mots les heureuses conséquences de l'exécution de ce projet. Les dépenses seront couvertes par les droits de passage, de navigation, de pêche, par la concession d'une partie des terres, absolument incultes aujourd'hui, qui sont situées autour et princi- palement au nord de la mer future, et qui acquerront une valeur sérieuse, non-seulement à cause de leur situation avantagense et de leur fertilité naturelle, mais encore parce qu’elles compren- dront l'emplacement des nouveaux ports. Mais ces bénéfices di- rects, immédiats, qui sufliront à rémunérer largement les capitaux engagés, seront insignifiants à côté des résultats généraux, tels que l'amélioration du climat, la valeur nouvelle ou la plus-value don- née au sol de l'Algérie et de la Tunisie, l'essor imprimé au com- merce et à l’industrie, en un mot, l'accroissement de la fortune publique et par conséquent du bien-être général. C'est là le point de vue élevé et patriotique auquel doivent se placer tous les es- prits éclairés, tous les hommes de cœur, et qui ne peut manquer de les rallier à un projet dont la réalisation serait le couronnement de la conquête de l'Algérie. Le jour où des travaux scientifiques m’eurent prouvé que le chott Melrir était au-dessous du niveau de la mer, et où j'entrevis la possibilité de transformer des bas-fonds stériles et malsains en une mer qui porterait la vie et la fertilité dans des régions mornes et désolées, je crus qu’il était de mon devoir de consacrer toutes mes forces à l'étude de cette question. Grâce à votre appui, Mon- sieur le Ministre, j'ai pu terminer en Tunisie les travaux que j'avais commencés en Algérie, et remplir ainsi la tâche que je n'étais imposée. Je vous prie d’agréer l'expression de la gratitude profonde que je vous dois pour la haute bienveillance que vous m'avez té- moignée et dont M. le baron de Watteville, chef de la division des sciences et des lettres auprès de votre ministère, m'a transmis les marques constantes avec une sympathie qui me les rendait encore plus précieuses. | ! Les droits de pêche dans les lacs Amers sont aujourd'hui une source impor- tante de revenus. La pêche du lac Mensaleh est à elle seule affermée onze cent mille francs. — 262 — Veuillez me permettre, Monsieur le Ministre, de ne pas ter- miner ce rapport sans adresser mes remerciments : À M. Ferd. de Lesseps, qui depuis 1874 n’a cessé d'accorder au projet de mer intérieure un appui auquel son éclatante au- . torité donne une si grande valeur, et qui a bien voulu en même temps me témoigner une bienveillance pour laquelle je le prie d’agréer l'expression respectueuse de ma reconnaissance et de mon dévouement ; À l'Académie des sciences, qui, dans sa haute sollicitude pour toutes les applications de la science au progrès de l'humanité, a toujours accueilli avec intérêt les communications relatives au projet de mer intérieure, et qui a bien voulu, en outre, nommer une commission chargée d'étudier la question ; À M. Paul Bert, qui en 1874 a pris devant l’Assemblée na- tionale l’initiative d'une demande de crédit destiné aux études préliminaires, et qui a ainsi déterminé l'organisation de la pre- mière Mission ; À l’Assemblée nationale, qui, dans sa séance du 31 juin 1874, a voté à l'unanimité le crédit destiné aux premières études ; À la Société de géographie de Paris, au sein de laquelle j'ai tou- jours trouvé de nombreux et puissants encouragements, et qui a bien voulu contribuer aux frais de la mission des chotts algériens; À la Commission des missions, qui sest montrée particulière- ment favorable à la mission que vous m'avez confiée; Au gouvernement tunisien, auprès duquel j'ai trouvé le plus bienveillant accueil, et qui, par son appui moral et les moyens matériels qu'il a mis généreusement à ma disposition, m'a rendu cetle mission plus facile; À tous ceux enfin qui, de près ou de loin, m'ont facilité ac- complissement de la tâche que je m'étais imposée comme un de- voir envers mon pays, et notamment à la presse, qui a accueilli le projet de mer intérieure avec une sympathie si marquée. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'hommage du profond respect avec lequel j'ai l’honneur d'être votre très-humble et très- dévoué - KE. ROUDAIRE, Capitaine d'état-major. — 263 — NOTES. NOTE A. J'ai tenu cependant à’ avoir à ce sujet l'avis d'un ingénieur spécial. Voici la réponse que m'a faite M. Dauzals, ingénieur à la Compagnie de Suez : «Si les seuils, ainsi que toutes les apparences paraissent le démontrer’, sont bien exclusivement formés de terrains facilement affouillables, tels que sables, sables argileux , vaseux ou argiles tendres, et qu'aucun filon rocheux n’en forme l'ossature, ce qu'il n'a pas été malheureusement possible de vérifier d’une façon positive par des sondages descendant jusqu'au plafond du chenal projeté, l'approfondissement des tranchées initiales par l'utilisation de l’action dynamique des eaux de remplissage me semble devoir infailliblement réussir et donner, quant à la profon- deur du moins, le résultat désiré. « Quelles difficultés, en eflet, pourraient se présenter (en dehors de celles de la dureté ou de la plasticité des terrains) qui ne puissent êlre facilement surmontées ? «La vitesse d'écoulement sera-l-elle assez considérable pour entamer les terrains, puis pour les charrier jusqu'au fond des bassins ? «Ce n'est là qu'une question de plus ou moins grande pente a donner aux rigoles initiales au commencement de l'opération. Les volumes d’eau à déplacer étant énormes et les hauteurs de chute très-considérables, on arrivera toujours, en augmentant les pentes d'écoulement suivant la de- mande des terrains, à obtenir les vitesses initiales nécessaires. « Les vitesses d'écoulement croissant en même temps que la section de la veine liquide en marche, le mouvement de déblaï, une fois com- mencé, augmentera très-rapidement au fur et à mesure que la tranchée s'approfondira, et celte accéléralion de la vitesse est, je pense, une des meilleures conditions du succès. « En effet, tandis que les matières ténues et légères, limons et argiles, seront transporlées, avant de se déposer, aussi loin que les eaux s'éten- dront, les sables et autres malières plus lourdes tendront à se déposer ! En forant les puits artésiens de la région des chotts, on a obtenu des pro- fondeurs de 200 à 250 mètres, sans jamais rencontrer autre chose que des couches alternatives de sable et d'argile. — 964 — plus tôt, suivant leur ordre de densité, dès que la veine liquide, quit- tant la tranchée, perdra de sa vitesse en s’épanouissant. «Ces dépôts formeraient bientôt aulant de barres redoutables, d'ob- stacles qu'il faudrait abattre ou tourner, si la vitesse du courant, en s’accélérant sans cesse par l’approfondissement du chenal, ne venait pas aider puissamment à la répartition des déblais sur le fond du bassin inondé, en transportant de plus en plus loin les matières entraînées. «Ces barres sous-marines ne pourront cependant pas être évitées dès que les eaux, atteignant un certain niveau dans le chott, viendront opposer aux alluvions du henal la mème résistance que la mer oppose aux eaux d'un fleuve. Mais, par suite de la grande profondeur des chotts et de leur immense surface, ces plis ne pourront jamais atteindre une altitude appréciable, encore moins être gênants pour la navigation. . « Que se passera-t-il dans la tranchée mème ? Évidemment des ébou- lements importants se produiront au fur et à mesure que le pied des talus sera rongé et excavé par le courant. Ces éboulements pourront même avoir parfois une grande importance. Qu'arrivera:t-il alors ? « Les eaux s'accumuleront et s’élèveront derrière ce barrage accidentel jusqu à ce que leur poussée soit suffisante pour le culbuter; cette poussée sera d'autant plus puissante que, les eaux continuant à couler en aval, la différence de niveau augmentera la charge d'entrainement. La veine liquide ne pourra pas tourner l'obstacle, puisqu'elle rencontrerait latéra- lement une résistance plus grande dans les terrains vierges; l'obstacle sera donc nécessairement emporté. Si, par extraordinaire, au début de l'opération la masse éboulée résistait à la poussée des eaux, on en serait quitte par l'exécution de quelques terrassements qui viendraient l'aider. «Je ne vois donc pas, en résumé, qu'aucune objection sérieuse puisse ètre opposée à ce système aussi simple qu'économique de relier les chotts avec la mer et d'obtenir un chenal suffisant pour la navigation. « Si les terrains sont suffisamment homogènes, ce chenal pourra peut- être être oblenu en ligne droite. Dans tous les cas, quelques retouches pourraient êlre exécutées à la drague, sans aucune difficulté, si elles étaient nécessaires, » NOTE B. Nous n'avons envisagé les masses d'eau enlevées à la future mer par l'évaporalion que dans ns effets langibles produits par leur condensalion en nuages, en rosées, en pluies fertilisantes. Mais la vapeur d'eau répandue dans l'atmosphère à l'état invisible exerce elle-même sur les conditions climatériques, et par conséquent sur la vie des èlres organisés el sur la végélation, une influence considérable. Celle influence a été — 265 — récemment mise en évidence par les expériences concluantes de Tyn- dall ". Il a prouvé que l'air en lui-même se comporte pratiquement comme le vide par rapport à la transmission de la chaleur, tandis que la vapeur d’eau invisible, que l'air contient toujours en plus ou moins grande quantité, possède en mème temps une grande transparence pour la lumière et une grande opacité pour la chaleur. Sans la présence de celte vapeur, le rayonnement serait excessif pendant la nuit, et toutes les plantes que la gelée fait périr seraient détruites. Pendant le jour, au contraire, l'ardeur des rayons du soleil serait intolérable. Aussi, dans les pays ou l’air est relativement sec, comme dans le sud de l'Algérie, et principalement dans le Sahara, les écarts de température sont-ils exces- sifs. L'introduction dans l'atmosphère des énormes quantités de vapeur fournies par la nouvelle mer, en ne les considérant que comme un écran contre le rayonnement et contre l'ardeur des rayons solaires, suffirait donc à transformer, en le rendant beaucoup plus tempéré, le climat de l'Algérie et de la Tunisie. NÜTE cC. Quelques personnes, tout en reconnaissant l'importance du détroit d'Asloudj, qui commande l'entrée des eaux françaises, m'ont objecté que la clef de la mer intérieure se trouverait en Tunisie, et que cette circon- stance pourrait préoccuper le gouvernement francais et le rendre défa- vorable à l'exécution du projet. D'autres, à l'inverse, ont craint que l'op- position ne vint du gouvernement tunisien, qui pourrait voir dans l'intérêt que la France ou toute autre puissance aurait à s'emparer du détroit de Gabès une menace pour son indépendance. La vérité est qu'au point de vue du développement de leur richesse, la France et la Tunisie ont toutes deux un intérêt de premier ordre à la réalisation de la mer intérieure, et que cet intérêt se concilie avec les exigences de la politique la plus sage et la plus prévoyante; car le canal de Gabès sera neutralisé par le fait même de son existence, comme l'a été le canal de Suez. Il a été souvent question des projets d de conquêle qu'une puissance européenne nourrissait autrefois contre l'Égypte. L’exéculion du canal de Suez en a rendu la réalisation impossible, car toutes les nations sont aujourd'hui puissamment intéressées à l'indépendance de l'Égypte, et l'Angleterre elle-même, qui a son passage libre pour les Indes, et qui par sa marine aura longtemps une influence prépondérante sur l Égypte, n’a pas d'intérêt à s'emparer de ce pays. De même la neutralisation du canal de Gabès, inscrite dans les acles de concession des deux gouver- nements intéressés, tout en sauvegardant les intérêts de la France, de- ! Tyndall, La Chaleur, traduction de Fabbé Moigno, 2° édit, p. 346 et suiv. — 9266 — viendra la garantie la plus ‘sûre de l'autonomie de la Tunisie. Si riche et si fertile que’ Soil ce pays, quels que soient les éléments de prospérité qu'il renferme , il est trop faible pour se défendre lui-même contre une nation européenne, et l'on peut dire que son exislence est à la merci des événements politiques. Il n’en sera plus ainsi lorsque le canal de Gabèés sera créé et neutralisé, car l'Europe tout entière sera intéressée au maintien du statu quo. Si la Tunisie était menacée, la France la dé- fendrait à tout prix, comme les autres nalions la défendraient au besoin contre la France. Toutes ces réflexions se sont nécessairement présentées à l'esprit des hommes éclairés qui sont à la tête du gouvernement tunisien. Mais nous avons pensé qu ‘il était nécessairé de rassurer ceux qui, comprenant toute l'importance du projet de mer intérieure, craignaient que des difficultés d'ordre politique n’en vinssent entraver l'exécution. NOTE D. M. le commandant Mouchez vient de rentrer à Paris après avoir ter- miné l'hydrographie de la côte tunisienne. Il a reconnu l'exactitude des profondeurs d'eau relatées , près de l’oued Melah, par la carte anglaise que jai cilée. La navigation est très-facile dans cette partie du golfe et l'on peul jeter l'ancre à moins d’un demi-mille de l'embouchure de la ri- vière. Le mouillage y est excellent, M. Mouchez, de qui je tiens ces ren- seignemenis, a eu l'obligeance de me communiquer le résultat de ses sondages et j'ai pu les utiliser pour la construction de la carte jointe à ce rapport. La profondeur relative du golfe de Gabès en ous de l’oued Melah est une preuve nouvelle à l'appui de celles que j'ai invoquées pour démon- rer que le lit de cette rivière représente les vestiges du détroit qui re- hait les chotts à la Méditerranée. — 267 — NOTE SUPPLÉMENTAIRE. Les recherches de Tyndall sur l'absorption de la chaleur par la va- peur d'eau permettent de se rendre compte, au moyen de calculs fort simples, de l'influence que la mer intérieure exercera sur le climat des régions voisines. Résumons d'abord les conclusions du physicien anglais : «L'air par lui-mème se comporte pratiquement comme le vide par rapport à la transmission de la chaleur, tandis que la vapeur d’eau pos- sède à la fois une grande lransparence pour la lumière et une grande opacité pour la chaleur. « Plus l'air se rapproche de l’état de pureté absolue, et plus son action sur la chaleur rayonnanie se rapproche de celle du vide. « L'air a d'autant plus d'action sur la chaleur rayonnante, qu'il con- tient plus de vapeur. L’absorplion atteint son maximum lorsqu'il est parfaitement saturé. « Dans les circonstances habituelles, sur 200 atomes d'air, il yen a à peine 1 de vapeur aqueuse. Cet atome a 80 fois plus d'énergie absorbante que les 200 autres, et par conséquent, en comparant l'açtion d'un atome d'oxygène et d'azote à celle d'un atome de vapeur aqueuse, nous arrivons a la conclusion que le dernier est 16,000 fois plus puissant que les premiers. « En considérant la terre comme une source de chaleur, on doit ad- mettre comme certain que 10 au moins pour 100 de la chaleur qu'elle tend à rayonner dans l'espace sont inlerceptés par les 10 premiers pieds d'air humide qui recouvrent sa surface”. Ce fait seul indique assez l'énorme influence que cette propriété nouvellement constatée de la vapeur d'eau doit avoir dans les phénomènes de la météorologie. | «La vapeur, qui absorbe si avidement la chaleur, la rayonne aussi abondamment. «Le nuage visible forme le chapiteau d’une colonne invisible d’air saturé. Le sommet d’une semblable colonne élevé au-dessus de l'écran saluré plus bas qui s'appuie sur la terre, en rapport immédiat avec l'es- pace, doit se refroidir par le rayonnement, et nous re devons pas cher- cher ailleurs que dans cette action physique la formation des nuages. « Les montagnes agissent comme condenseurs de la vapeur, mais de ! «J'ai des raisons de croire, ajoute Tyndall, que dans quelques circonstances l'absorption surpasse considérablement cette proportion. » — 268 — quelle manière ? En partie sans doute par le fs de leur masse, froid qu’elles doivent à leur élévation, mais aussi parce qu'au- dessus d'elles il n’y a pas d'écran d'air saturé d une densité sufisante pour arrêter leur chaleur. GCelte chaleur par conséquent se perd dans l'espace sans com- pensation. « Les montagnes agissent encore comme condenseurs en faisant monter l'air humide et en en déterminant la dilatation. L'air en s’élevant fait un travail et perd de sa chaleur une partie proportionnelle au travail accompli. «Si l'on enlevait à l'air qui recouvre la terre la vapeur d’eau qu'il contient, il se ferait à la surface du sol une déperdition de chaleur sem- blable à celle qui a lieu à de grandes hauteurs. La suppression pendant une seule nuit d'été de la vapeur contenue dans l'atmosphère qui re- couvre l'Angleterre serait accompagnée de la destruction de toutes les plantes que la gelée fait périr. Dans le Sahara, le froid de la nuit est quelquefois très-pénible à supporter. « Partout où l'air est sec, l'échelle des températures est considérable. «M. Martins a trouvé que, sur le pic du Midi, la quantité dont la cha- leur du sol exposé au soleil dépasse celle de l'air est deux fois aussi grande que dans la vallée, au pied de la montagne. Pendant la nuit, le refroidissement dû à la radiation est beaucoup plus considérable. Plus la question sera étudiée, dit en terminant Tyndall, et plus on se convancra du rôle important que la puissance de radiation et d'absorption de la vapeur Joue dans les phénomènes de la météorologie. » : Tyndall n'indique jamais la température et rarement la force élas- tique des vapeurs contenues dans l'air sur lequel il a fait les expériences qui l'ont conduit à ces conclusions. Mais, comme cet air était pris à la surface du sol, en Angleterre, nous devons admettre qu'il était à la tem- pérature de 12 à 15 degrés et qu'il contenait la moitié de la vapeur né- cessaire pour le saturer, ce qui est l'état hygrométrique le plus fréquent. Or, 1 mètre cube d'air à demi saturé, sous la pression barométrique 0®760, contient, à la température de 10 degrés, 4571 de vapeur, et, à la température de 15 degrés, 65 11. La moyenne de ces deux quantités est 58° 41. Supposons que la mer intérieure soit entourée de vastes espaces oc- cupés par une atmosphère absolument sèche. L'évaporation journalière y sera, comme je l'ai démontré, de 0"003 et produira 3 kilogrammes de vapeur par mètre carré, c'est-à-dire la quantité nécessaire pour fournir 5541 de vapeur à 554,5 mètres cubes d'air. La surface du bassin inon- dable, étant de 13 milliards 5o millions de mètres carrés, distribuera donc en 24 heures 5541 de vapeur à 7,203 milliards de mètres cubes d'air. Ce volume, réparti sur l'Algérie et la Tunisie, dont la superficie ME :. ‘ totale est d'environ 300,000 kilomètres carrés, les recouvrirait d’une couche d'air humide de 24 mètres (72 pieds) de hauteur. Ces chiffres permettent de se faire une idée précise de l'influence considérable que la mer intérieure exercera sur le climat de l'Algérie et de la Tunisie, en se rappelant que 10 au moins pour 100 de la chaleur que la terre tend à rayonner dans l'espace sont absorbés par les 10 premiers pieds d’air humide qui la recouvrent. J'ai dû supposer que les vapeurs s’étendraient latéralement pour se mélanger aux couches'atmosphériques les plus rapprochées du sol. 1l est incontestable qu'elles tendront d'abord à s'élever avant de se distribuer au-dessus des régions voisines, mais le résultat sera toujours le même, puisque l'absorption est proportionnelle à fa quantité äbsolue de vapeur mélangée à l'air. En s’élevant, d'ailleurs, l'air se refroidira et tendra à se rapprocher de son point de saturation, qu'il atteindra entre o et 5 de- grés. Il se formera alors des nuages, dont l'influence sera encore plus considérable que celle de la vapeur invisible, C'est ce qui arrivera tou- jours par les vents de sud. Admettons, et nous ne nous éloignerons certainement que fort peu de la vérité, que ces vents secs et chauds soient à la tempèrature de 25 degrés et se chargent en lraversant la mer intérieure de 1160 de vapeur par mètre cube, c’est-à-dire de la quan- tité nécessaire pour les salurer à moitié. Le courant d'air rencontrera au nord le massif de l’Aurès , s’élèvera pour franchir l'obstacle et se refroi- dira par suite du travail de dilatation, du contact avec les flancs de la montagne, où règne une basse lempérature, et du rayonnement vers les espaces supérieurs. Îl atteindra son point de saturation vers 14 degrés, et les vapeurs se condenseront alors en nuages et en pluies. Lorsqu'on con- sidère que les masses de vapeur produites en 24 heures représenteront, par les vents du sud, un volume de 78 millions de mètres cubes d’eau, et que l'on cherche à se représenter l’action qu'elles exerceront sur le climat, d’abord à l’état invisible comme écran protecteur contre le rayon- nement et contre l'ardeur des rayons solaires, ensuite par leur conden- sation en nuages et en pluies fécondes qui produiront elles-mêmes de nouvelles vapeurs, l'esprit reste confondu des résultats merveilleux qu'il entrevoit. À l'action immédiate de ces phénomènes viendra s'ajouter l'in- fluence toujours croissante d'une végétation qui se développera avec une prodigieuse rapidité sur ce sol auquel il ne manque que de la fraîcheur et de l'humidité, et que l'on peut considérer comme vierge, tant il est peu cultivé depuis quinze cents ans. Plus on examine la question de près, et moins on est surpris des descriptions que les auteurs anciens ont faites de la richesse et de la fécondité de la Numidie et de l'Afrique proprement dite, vers l'époque où la baie de Triton existait encore. Cette richesse, cette fécondité disparues , la submersion du bassin des chotts les fera re- naître. Jamais peut-être l'homme ne pourra se proposer un but plus utile ALESS, SCIENT. = IV. 18 — 1290 — et plus grand; jamais il ne lui sera donné d’ exercer sur les éléments une action aussi directe et aussi puissante. Il a été objecté récemment que la hauteur actuelle des collines de Gabès et la PrÉsEnEe de ruines encore debout le long du littoral ne permettaient guère d'admettre qu'il ait existé, à l'époque historique, un détroit reliant à travers le seuil de Gabès le bassin des chotts à la Méditerranée. Les ruines dont il est question ne sont pas réellement debout. Elles se composent de débris épars, au milieu desquels quelques pans de murs, quelques füts de colonnes se dressent à peine çà et là. Non- seulement rien ne prouve que le sol sur lequel elles reposent est resté immobile, mais l'examen de quelques-unes d'entre elles permet au contraire d'affirmer qu'il a subi un soulèvement. À Souze, qui occupe sur le littoral, au nord de Sfax, la place de l'ancienne Hadrumète, des fouilles récentes ont mis à découvert un pan de mur dont la base était autrefois baignée par les eaux de la mer, comme Île prouvent de nombreux lrous piriformes au fond desquels on voit encore quelques coquilles marines lithophages. Ce pan de mur est actuellement à une douzaine de mètres au-dessus du niveau du golfe. Entre Souze et Tunis, à 3 ou 4 kilomètres au sud du caravan- sérail de Bir-Loubit, se trouvent les ruines d'un petit poste romain. Toutes les pierres de taille qui forment la base de l'édifice sont incrus- tées, jusqu'à 70 centimètres au-dessus du sol, de coquilles lithophages. Ces ruines, dont le pied plongeait autrefois dans la Méditerranée, en sont aujourd'hui distantes de 1,500 mètres et la dominent d'une :eé zaine de mètres. * Les ruines de l'ancien port de Tacape (Gabès) sont actuelles à 1 kilomètre dans l'intérieur des terres. Il est évident que là encore il y a eu exhaussement du sol. Le versant oriental du seuil de Gabès est jonché de coquilles marines parmi lesquelles on trouve des paquets d’huîtres agglomérées. Tous ces faits iémoignent que le littoral a subi un soulèvement récent depuis Gabès jusqu au nord de Souze, et permettent en outre d'assigner avec certitude à cet événement géologique une date posté- rieure à l'occupation romaine, Ce soulèvement, qui a été de 12 à 15 mètres près du rivage actuel, a dû atteindre son maximum d'intensité sur la crète des collines qui bordent le golfe de Gabès. Or ces collines n'ont que 45 mètres d'alti- tude en face de l'oued Melah, et l'on a constaté près de Cagliari, en Sardaigne, située précisément sur leur direction prolongée vers le nord, un soulèvement Irès-récent de 90 mètres. L'élévation du seuil de — 271 — Gabès ne_peut donc fournir un argument contre l'existence d'un détroit reliant, à l'époque historique, les chotts à la Méditerranée; et les ruines invoquées pour démontrer l'impossibilité d'un soulèvement pos- térieur à l'occupation romaine portent au contraire les traces irrécu- sables de ce phénomène. Fos û L Le be 6 ; à 2 sie 0 5) N n FER L à > É à ns a: Er Li Asp qu " “ a À sp BE Pie as a da, ie pu vs er 7 pirate 4 re UE # €: SITE rat HrAT “, ET RAXÈEE FUN arabes RES ST PLUME 0e aa er 2e Fate LE. “a a) à 1 og jee LUE rate ‘4 « BATIR dre Wii: AT PRARTE sm pes A dede dr en. er nets die d ere nr 7 (4 ue k | AA + 1 Eu : FC à C2 5 vas. y Ÿ RE NECE AU At ME AN er M L ARTS Ÿ RTS PNOUNE LO EN Te SU 7e nn Fes ati RANGER MANROE RRRN TR PR AS EE RS ibn 3 ñ 4 “M PEU ONE TL par LEE TE bu: nes ray la & Les Heu | Lite darts So 921. ja slots eh 5 Poe: . ‘à ne, ORNE TA ART JAMES #8 ke ur sine #6 154 a. 4 r RE. f K' Ar aa FENTE: ; Ru x 2 Jai té De 5 i RAR AT RUES Re es tue à Ag FPT M El nds, MST Fa fax Ps fa DORE LOS PTE, sn RUE ‘db HSE RME 3 + Nauoer pipi PAAYS une El pen mt DATE 7 LC LS ad le FAN Léna ts ARE TT US | 4h REP FH POUTINE EE D sg: TE 2 ME : SU Mur pi ph. 4 ve ue 44. à FA rires re a” c ‘a HR ANNE à AR To ee AC 1 cr 6 x | d'in} ; sde. de 16 ca) me à ER. ve re dé si Ta CAT k. # Fan à Ent NE 4 PRET de FL n PET \e Jour. Re e = “À | RARE DA A Let 14 ee. ÿ “Œé, , LE] APTE UP 2" He 20 | ; LA a, ( * = \ L 0 : f , > ï ‘ INSTRUCTIONS SOMMAIRES POUR LES VOYAGEURS qu, SANS ÊTRE NATURALISIES, VOUDRAIENT CONTRIBUER À L'AVANCEMENT DES SCIENCES NATURELLES, PAR M. MILNE EDWARDS. Les professeurs du Muséum d'histoire naturelle ont publié un cahier d'instructions pour les voyageurs naturalistes. Les zoolo- gistes, les botanistes et les géologues y trouvent l'indication des services qu'ils peuvent rendre aux sciences dans les colonies et les autres parties du globe incomplétement explorées, et par consé- quent il serait superflu de revenir sur ce sujet; mais les personnes qui n'ont pas étudié d'une manière spéciale l'histoire naturelle peuvent aussi contribuer très-utilement aux progrès de cette branche des connaissances humaines, lorsqu'ils visitent des pays lointains, et c'est à leur zèle que nous faisons appel en ce moment. En effet, tout voyageur, sans être zoologiste, botaniste ou géo- logue, peut, dans certaines régions, former des collections pré- cieuses pour les naturalistes, car ceux-ci ont, à chaque instant, besoin de comparer directement les differentes espèces d'animaux et de plantes qui vivent sur les divers points de la surface du globe; or, ni le Muséum d'histoire naturelle de Paris, ni aucun autre musée, soit en France, soit à l'étranger, n'en possède la série com- plète, et il est rare que des collections formées dans des pays lointains ne puissent servir à y combler quelque lacune regrettable. Pour la solution de nombreuses questions d'un intérêt considé- rable, les naturalistes ont également besoin d'être bien renseignés sur la composition de la faune et de la flore de chacun des divers ON points du globe, sur la distribution géographique de chaque ‘espèce, sur les conditions dans lesquelles celles-ci vivent et sur les particularités organiques que les représentants d'une même espèce peuvent ie lorsque ces conditions varient. Il leur faut donc trouver réunis, dans les musées publics, les objets nécessaires pour ces travaux de comparaison , et tout voyageur 1n- telligent peut contribuer à leur procurer ces objets d'étude. C’est surtout dans la partie intertropicale de l'Afrique et dans les nombreuses iles du Grand Océan que les voyageurs peuvent rendre à l’histoire naturelle des services considérables, lors même que cette science ne leur serait pas familière; car la faune et la flore de l'Afrique sont peu connues, et il serait fort désirable d'avoir des échantillons de tous les produits naturels de chacune des îles de l'Océanie et des régions circonvoisines. Les navigateurs qui visitent ces parages ne peuvent que r rare- ment depéses du temps nécessaire pour la formation de collections importantes ; mais les personnes qui font un séjour de plusieurs mois dans une contrée peu explorée peuvent y recueillir sans grande difficulté une multitude d'objets intéressants, et pour rendre leurs recherches fructueuses il leur suffira de prendre certaines précautions à l'effet d'assurer la bonne conservation de leurs collections et d'adresser celles-ci au ministère de l'instruction publique, par les soins duquel l'étude ultérieure en sera faite par des hommes spéciaux. Plusieurs missionnaires appartenant aux congrésalions religieuses instituées pour la propagation du chris- tianisme chez les peuples non civilisés ont déjà rendu de la sorte des services importants, et c’est particulièrement à leurs coopéra- teurs que nous demandons des services analogues. Ce ne sont pas seulement les objets remarquables par la beauté de leurs couleurs ou la singularité de leurs formes que nous désirons obtenir, mais des échantillons de tout ce qui vit ou qui a vécu dans la contrée explorée, car souvent les insectes les plus obscurs ou les plantes les plus chétives sont pour la science d'un grand intérêt, et cest avec raison que l'illustre Linné a dit : Natura maxime miranda in DURIMUIS. — 275 — COLLECTIONS ZOOLOGIQUES. SE. Pour toutes les collections d'objets d'histoire naturelle, l'étique- tage des échantillons est une chose des plus importantes : 1l faut attacher à chacun de ceux-ci ou placer dans le paquet qui les con- tient l'indication précise de la localité où ils ont été recueillis; il faut ne pas mêler des échantillons provenant de localités différentes et, autant que possible, il faut faire connaître, à l’aide de notes, les principaux caractères de la localité en question : par exemple, pour les espèces aquatiques, si elles se trouvent dans la mer, dans l’eau saumatre ou dans l'eau douce; la profondeur à laquelle on les rencontre et la nature des fonds sur lesquels elles vivent; pour les espèces terrestres, l'altitude et les principaux caractères phy- siques du lieu où elles ont été recueillies (par exemple, prairies, bois, rochers, etc.). L'emballage des collections est aussi une chose des plus néces- saires à soigner. Jamais il ne faut laisser dans les caisses des vides qui permettraient le ballottement soit des objets, soit des boîtes ou bocaux qui les renferment. Tout interstice doit être rempli par du papier, du foin, du varech ou quelque autre substance élastique. Le son et le sable, ainsi que les autres matières en poudre, ne valent rien pour cet usage; car les objets que l’on y place descen- dent pe à peu jusqu’au fond par l'effet des mouvements auxquels les caisses sont exposées pendant leur transport, et là ils portent inégalement les uns sur les autres et sont exposés à se détériorer rapidement. Pour l'emballage de certaines collections, il est éga- lement nécessaire de prendre d’autres précautions dont il sera question ci-après. Les collections zoologiques les plus faciles à former et à conser- ver sont celles "de Coquilles et d'insectes; nous les recommandons donc d’une manière spéciale à tous les voyageurs. Pour les Coquilles, lorsque lanimai qui les habite (et que les naturalistes désignent sous le nom de mollusque) s’y trouve, il faut l'en extraire soit avec une grosse épingle, soit avec un scalpel où un canif, les laver et les emballer de facon à les empêcher de se frotter entre elles. Lorsqu'elles sont très-fragiles, elles doivent être — 270 — enveloppées avec beaucoup de soin dans du coton ou quelque autre substance de consistance analogue et placées chacune à part, soit dans une boîte, soit dans du papier. Les Coquilles terrestres, même les plus vulgaires en apparence, telles que les coquilles de coli- maçons, doivent être recueillies aussi bien que les Coquilles d’eau douce et les Coquilles marines. Pour les bivalves, il faut conserver intacte la charnière et pour les coquilles univalves il faut y jcindre l'opercule lorsqu'elles appartiennent à des mollusques dont le pied est garni d'un disque servant à fermer l'entrée de leur demeure, ainsi que cela se voit chez beaucoup de Gastéropodes marins. : Lorsque le voyageur aura à sa disposition de l'esprit-de-vin, il devra aussi conserver dans cette liqueur quelques exemplaires de chacune des espèces de mollusques qu’il trouvera et avoir soin de casser préalablement les coquilles, de façon à permettre au liquide conservateur d'agir sur toules les parties du corps de l'animal. A défaut d’esprit-de-vin ou d'autre liqueur spiritueuse riche en al- cool, on peut employer au même usage de l’eau-de-vie ordinaire additionnée d'acide borique dans la proportion de 6 à 7 grammes par litre, ou bien encore une dissolution saline composée de la manière suivante : Eau de pluie. he M STI AE A AR EME tu 1 litre. DEL TE CSI D US D ln EL le PURE 115 grammes. Alun sie Mn le Lie nés Melle + Us is te HA EC 6 e [so ee 0m; a 05) 5 Caletlelis 6o GE SüDIITRE COTTOBITS Fo Le ee A TE cenligr. S2 Les Mollusques terrestres (Colimaçons, Limaces, etc.) se ren- contrent en général dans les lieux ombragés et humides, dans les mousses, au pied des arbres ou arbustes, sous les feuilles mortes, sous les pierres calcaires, dans les fentes des rochers et contre les vieux murs. La plupart de ces animaux sont nocturnes ou crépus- culaires, et les Testacelles (qui ressemblent à des Limaces, mais portent sur la partie postérieure du corps une petite coquille) vivent presque constamment sous terre. Les Mollusques d’eau douce vivent pour la plupart dans les petites sources, les mares et les étangs : quelques-uns de ces ani- maux, notamment les Planorbes (dont la coquille est enroulée en forme de disque), fréquentent de préférence les fossés bour- ges RRQ some: beux et d’autres se trouvent dans les eaux thermales, même les plus chaudes; enfin il en est aussi qui habitent les grands fleuves aussi bien que les lacs et les ruisseaux, par exemple les bivalves appelés Moulettes et Anodontes, dont les variétés sont presque in- nombrables et intéressent beaucoup les zoologistes. Il faut chercher les Mollusques terrestres et fluviatiles non-seulement parmi les plantes aquatiques, sur lesquelles beaucoup de ces animaux aiment à grimper, mais aussi au fond de l’eau et sur ou sous les pierres submergées. Pour pêcher ces divers Mollusques on fait ordinairement usage d'une sorte de trouble ou d'un bouquetou (fig. 1), instruments qui consistenten une poche dont les bords sont fixés à une sorte de ra- quette portée au bout d’un long baton !. Les coquilles marines que les vagues rejettent sur les plages sont souvent dans un assez bon élat de” conservation pour être utiles à collectionner ; mais il est en général préférable de les avoir tout à fait fraîches, et pour cela il/est utile de se procurer à l’état vivant les Mollusques auxquels elles appartiennent. Beaucoup de ceux-ci (principalement"des bivalves) se tiennent enfoncés dans le sable, et il faut les déterrer à l’aide d'une bêche au moment de la-basse mer; d'autres rampent sur les rochers que la mer en se retirant laisse à découvert, et Iôrsqu’on rencontre dans des flaques de grosses pierres dont la base n’est pas ensablée, il est bon de les retourner, car presque toujours on trouve adhérant à leur sur- face inférieure des Mollusques ainsi que d’autres animaux inté- ressants pour Île naturaliste. ? Lorsque le voyageur ne possède pas ces engins de pêche, il peut facilement les fabriquer grossièrement en reployant sur elle-même une bande de bois vert trèes-flexible, analogue à un cerceau, dont on réunit les deux bouts l'un à l'autre au moyen d'une ficelle. Le sac du trouble peut être fait avec du canevas ou toute autre toile à tissu lâche. — 278 — Il faut se rappeler aussi que certains animaux à coquille vivent dans des trous plus ou moins profonds qu'iis creusent dans les rochers, et que c'est seulement en brisant la pierre à coups de marteau qu'on peut les en extraire. C’est à raison de ce mode d'existence que divers Mollusques bivalves ont été désignés sous les noms de Pétricoles, de Saxicoles, etc. Les Tarets sont des Mollusques qui attaquent d'une façon ana- logue les bois submergés et y construisent des tubes calcaires dont la longueur est souvent considérable. Il ne faut pas négliger d'en recueillir lomqu on en découvre et il convient de ne pas les séparer du bois où ils sont logés. Dans les régions intertropicales, il y a souvent à quelque .dis- tance en mer des récifs madréporiques ou bancs de corail sur les- quels on peut, à cerlains moments, marcher en n'ayant de l’eau qu'à mi-jambe, et ces localités sont particulièrement riches non- seulement en Mollusques, mais aussi en beaucoup d’autres ani- maux importants à collectionner, par exemple des Vers, des Our- sins (ou Hérissons de mer), des Actinies (ou Anémones de mer) et des Polypes, dont nous parlerons plus longuement ci-après. En brisant à coups de marteau ces coraux on trouve dans leurs inter- stices un grand nombre d'animaux d'espèces très-variées. Pour se procurer les Mollusques qui vivent à de plus grandes profondeurs, il est en général nécessaire d'employer des engins de pêche tels que la drague, la salabre et la nasse. La drague est une espèce de räteau en fer garni d’un sac en filet et attaché à une corde au moyen de laquelle on la descend au fond de la mer et on la traîne de manière à racler le sol et à ramasser tout ce qui se trouve sur le chemin de l'engin. Elle doit être cons- truite de façon à ce qu’en tombant elle se place toujours dans une position telle que la lame faisant fonction de râteau s'applique sur le sol, et pour la faire fonctionner on fait avancer lentement à la voile le bateau auquel on lattache. C’est à l'aide de cet engin que nos pêcheurs font habituellement la récolte des Huîtres. On peut le construire de différentes manières; et le modèle dont nous donnons ici la figure (fig. 2) est recommandé par les natu- ralisies américains, qui en font grand usage pour l'exploration du fond de la mer. Cette drague est composée : 1° d’un cadre en fer dont le se postérieur est percé d’une rangée de trous et le bord antérieur — 279 — garni de deux anses mobiles susceptibles d’être reployées en de- dans ou réunies comme dans la figure ci-jointe et attachées à une forte corde ; 2° d’ün sac en filet à mailles serrées fixé au cadre par son bord antérieur et fermé du côté opposé au moyen d'une corde de facon à pouvoir être ouvert pour faciliter l'extraction des objets contenus dans son intérieur. Si le fond sur lequel on drague n'est pas très-uni, 11 est bon d'envelopper ce filet dans un second sac fait en grosse toile et ouvert au fond pour laisser passer l’eau : dans la figure ci-jointe ce sac est représenté ouvert pour laisser voir le filet inclus; enfin l’une des anses est solidement attachée à la corde de halage et tient à l'autre anse au moyen de ficelle facile à ronipre, car il arrive souvent que le cadre de la drague s'accroche à des rochers, et on serait exposé à la perdre si on ne pouvait la faire basculer; mais lorsqu'un accident de ce genre se présente, il suffit d'imprimer quelques mouvements brusques à la corde pour rompre la ficelle susmentionnée, et alors le cadre n'étant tiré que par un de ses bouts se dégage. IL est aussi à noter que le poids de l'engin doit être d'autant plus grand que la profondeur à laquelle on veut draguer est plus considérable, et que la corde de halage doit avoir une longueur égale à environ deux fois cette profondeur, afin de donner à l'engin l'inclinaison convenable. Sur les fonds rocheux la drague est d'un emploi difficile ou même impossible; mais l'engin que les pêcheurs de corail em- ploient de temps immémorial , et que l'on appelle une salabre, peut rendre de grands services. Il consiste (fig. 3) en une croix en bois ou en fer suspendue à une longue corde, alourdie par une pierre et portant à l'extrémité de chacune de ses branches des fuseaux de filasse, un faubert ou un filet analogue à un petit épervier, mais : — 280 — dont les mailles sont faites avec du filin à peine tordu destiné à accrocher les objets qu’il touche. Après avoir descendu la salabre au TE [1 1] tt DH fond de la mer, on la soulève un peu et on la laisse retomber alter- nativement; à chaque descente les fils se déploient et s’étalent sur le fond, puis au moment de l’ascension balayent, pour ainsi dire, la portion correspondante du sol sous-marin et y ramassent une mul- titude d'objets, tels que des Mollusques, des Oursins, des Poly- — 281 — piers et des Éponges!. On se sert aussi de la salabre pour se pro- curer les objets qui se tiennent fixés sur les flancs des rochers sous-marins; mais il faut un peu de pratique pour bien manœu- vrer cet engin dans ces conditions, tandis que pour la pêche ordi- naire on réussit du premier coup. Il y a aussi des Mollusques nageurs de très-petite taille qui, dans les moments où la mer est calme, viennent flotier près de la surface de l'eau, et pour les prendre on emploie avec avantage un petit filet trainant attaché à un cerceau et garni de grosse mousse- line ou de quelque autre tissu analogue, qui, à la façon d’un tamis, laisse passer facilement l’eau et retient les animalcules en suspen- sion dans ce liquide. Cet engin est aussi très-bon pour la récolte des petits Crustacés pélagiens qui doivent être conservés dans l'esprit-de-vin. Du reste, tous les procédés de pêche employés dans les localites à explorer peuvent donner de bons résultats, et il est utile d’accom- pagner parfois les pêcheurs afin de recueillir les objets que ceux-ci trouvent dans leurs filets, mais négligent de ramasser parce qu'ils ne sont pas comestibles. Les gros Mollusques céphalopodes (c’est-à-dire dont la tête est garnie de tentacules servant de pieds pour la locomotion), par exemple les Poulpes ou Minars, les Seiches et'les Calmars ou En- cornets, peuvent être conservés soit dans l'alcool, soit dans la liqueur saline dont nous avons déjà fait mention (page 276). Les Crabes, les Homards, les Langoustes et les autres animaux que les zoologistes désignent sous le nom commun de Crustacés habitent les mêmes localités que les divers Mollusques dont nous venons de parler et peuvent être recueillis par les mêmes procédés ; mais leur conservation peut être assurée par d’autres moyens. Ainsi, lorsque l'enveloppe rigide qui chez les Crustacés tient lieu de peau est épaisse, il suffit de faire sécher lentement la dépouille de l'animal, après en avoir retiré la chair et les viscères, et pour ! Les Oursins sont hérissés d’épines souvent très-longues ou d'espèces de ba- guettes calcaires, et l'emballage de ces Zoophytes, ainsi que celui des Étoiles de mer, nécessite beaucoup de soin. I est bon d'envelopper chaque individu séparé- ment dans du coton, puis dans un linge ou dans du papier, car ces objets sont extrémement fragiles. Les Éponges et fa Gorgones ou polypiers flexibles qui res- semblent à des ar Lee peuvent être desséchées on conservées dans l'esprit-de- vin. — 282 — le vider de la sorte, on soulève par son bord postérieur l'espèce de bouclier dorsal ou carapace qui le recouvre, et avec un couteau on enlève les parties molles sous-jacentes. On peut conserver aussi les Crustacés dans le sel de cuisine ou dans lesprit-de-vin; mais il ne faut pas les mettre dans la dissolution saline dont nous avons parlé précédemment, car ce liquide leur enlèverait en partie les matières calcaires contenues dans leurs tissus et les rendrait mous. Il est aussi à noter que les pattes et les autres appendices de ces animaux étant très-fragiles, il est bon de les reployer contre le corps avant de les faire sécher, et d’envelopper chaque individu séparément dans un morceau de linge ou dans du papier. Dans les pays où l'on trouve des Écrevisses d’eau douce, des Crabes de terre, etc., il faut rechercher ces Crustacés avec non moins de soin et les préparer de la même manière. | Les Madrépores et les autres Zoophytes (ou animaux qui, par leur conformation, ressemblent à des plantes) doivent être des- séchés lorsqu'ils ont une consistance pierreuse; et lorsqu'ils sont mous, comme c’est le cas pour les Anémones de mer et les Holo- thuries, dont une espèce est appelée Trépang par les Chinois, il faut les conserver soit dans l'alcool, soit dans la liqueur saline; la gly- cérine peut être employée avec avantage pour la conservation des petites espèces dont la substance est très-délicate, I n'est pas jusqu’au sable et aux dépôts vaseux de la plage et du fond de la mer qui ne renferment une multitude de corps vivants trop petits pour être distingués à l’œil nu, mais dont l'étude mi- croscopique est nécessaire pour la solution de diverses questions scientifiques d’un haut intérêt. Il convient donc de recueillir des échantillons de ces dépôts constitutifs du sol sous-marin et de les joindre aux autres collections zoologiques. S: 34 Les Insectes abondent dans presque tous les pays. La chasse en est facile et ne nécessite que peu d'instruments. Le meilleur moyen pour prendre à la fois un grand nombre de ces animaux est de promener vivement sur les plantes des prairies ou des clairières un troubleau, ou sac de toile dont l'ouverture est attachée à un cercle de fer fixé à l'extrémité d’un bâton : c’est ce qu'on nomme chasser en fauchant. En dirigeant cet instrument alternativement à droite et à gauche, on empêche les Insectes, — 283 — même les plus agiles, d'en sortir, et on accumule au fond du sac tous ceux qui se trouvent sur son passage. On les y prend ensuite un à un, soit avec la main, soit avec des pinces, et d'ordinaire on les pique avec une épingle dont la grosseur est appropriée à la taille de l'animal. Les Coléoptères (insectes tels que les Hannetons et les Bêtes-à-bon-Dieu, dont les ailes de la première paire, appelées élytres, sont épaisses et ressemblent à des boucliers) doivent être piqués sur lélytre droite; les Diptères, les Hyménoptères, sortes de mouches à deux ou à quatre aïles, ainsi que les Papillons (ou Lépidoptères), doivent être piqués au milieu du corselet; enfin les Orthoptères (Sauterelles, Criquets, etc.) et les Névroptères (insectes à corps grêle dont les ailes sont transparentes et réticulées comme de la dentelle) doivent être piqués un peu plus en arrière, entre la base des ailes. | Pour les petites espèces, il est préférable de ne pas les fixer de la sorte, et pour conserver celles dont lenveloppe offre assez de consistance, les Coléoptères et la plupart des Hémiptères par exemple, il suffit de les placer dans de petites boîtes ou dans des flacons remplis de rognures de papier (ou même de coton à défaut de papier). Ce procédé est même applicable aux grosses espèces, et il peut être employé toutes les fois qu'on n'a pas le temps de piquer avec soin les produits de sa chasse. Pour les Papillons, on peut aussi se passer d'épingles, car un des meilleurs modes de conservation dont les voyageurs puissent se servir pour les Insectes de cet ordre consiste à renfermer chaque individu à plat dans un morceau de papier ployé en fiche et rabattu sur les bords, comme une papillote. Les petits Insectes à téguments mous doivent être conservés dans l'esprit-de-vin, car la dessiccation les déforme sou- vent au point de les rendre presque méconnaissables. C'est aussi dans cette liqueur qu'il faut conserver les Chenilles, ainsi que les autres Larves, et il serait bon d'y placer également un certain nombre des Insectes dont on possède déjà des individus desséchés, car on pourrait souvent en tirer parti pour des recherches anato- miques. La chasse aux Papillons se fait ordinairement à l'aide d’une chape ou poche en gaze disposée comme le sac du troubleau dont on se sert pour faucher. Ces insectes se trouvent principalement dans les champs où les fleurs abondent et sur la lisière des bois; mais il faut les chercher aussi dans les lieux obscurs, car pendant ON — le jour les espèces nocturnes s’y tiennent imimobiles, appliquées contre les murailles ou l'écorce des arbres. Avec un peu d'adresse, on peut alors les piquer sans les saisir préalablement, et si l’on craint de les manquer ainsi, il faut d'abord les couvrir avec la pince à gaze |, à travers les mailles de laquelle on fait passer l'épingle. Lorsque l'air est calme et la nuit obscure, on peut aussi faire avec avantage la chasse aux flambeaux, car il suffit de placer une lumière dans un lieu bas et découvert pour y attirer une multitude de Phalènes et d’autres insectes nocturnes. Mais pour avoir de beaux Lépidoptères il vaut mieux se procurer des Che- nilles, les nourrir avec des feuilles de la plante sur laquelle on les a trouvées, et piquer le Papillon aussitôt qu’il a achevé ses méta- morphoses, car les individus que l'on prend au vol sont rarement frais. ; Pour les Coléoptères, il ne suffit pas de battre les buissons et de faucher sur les plantes herbacées; il faut aussi chercher ces insectes sous l'écorce des arbres, dans l’intérieur des champignons, sous les pierres et même dans le sol : pour cela il est bon de se munir d’un écorçoir, instrument qui ressemble beaucoup à un ci- seau de menuisier, mais qui est un peu courbe et se termine par une sorte de spatule pointue. Les Insectes aquatiques se prennent à l'aide d’un troubleau sem- blable à celui dont on se sert pour faucher, mais dont la poche est en canevas clair au lieu d’être en toile. Enfin, pour s'emparer des Guêpes, des Abeilles et des autres Hyménoptères, dont Ja piqüre est souvent à redouter, on doit avoir une pince dont les branches sont disposées comme des raquettes et garnies de tulle à larges mailles ou de toile métallique. La conservation des insectes que l’on a piqués nécessite quelques soins. Pour empêcher les Lépidoptères de s'abimer les ailes en se débattant, on peut se contenter, aussitôt leur capture, de leur comprimer le thorax en dessous; mais en général il faut, au retour de la chasse, faire périr promptement tous les insectes dont on s'est emparé, et pour atteindre ce but, le meilleur procédé con- siste à les placer à sec dans un vase entouré d’eau bouillante, car une température élevée les fait mourir en quelques minutes. On peut aussi les tuer assez promptement en les renfermant dans un L Ou pince à hyménoptères, — 285 — flacon avec un peu d’éther. Les boites destinées à recevoir les col- lections entomologiques doivent être en bois léger, et avoir au moins 7 centimètres de profondeur; on en garnit le fond avec du liége ou avec des plaques de quelque autre matière végétale très- tendre, et on doit avoir soin d'y enfoncer les épingles autant que possible. Quand les insectes sont grands, il faut encore les assu- jettir à l’aide de plusieurs épingles placées à l'entour, car si un individu vient à se détacher, non-seulement il s’abîime, mais il détériore souvent tous ceux au milieu desquels il est alors ballotté. Aussitôt qu'une boîte est pleine et que les insectes sont suffisam- . ment desséchés, il faut la fermer et coller des bandes de papier sur toutes les jointures; mais dans les pays chauds, où les insectes destructeurs abondent, cette précaution ne suffit pas toujours : quelquefois il faut encore placer ces boîtes dans une caisse de fer-blanc soudée de toutes parts !. Dans ce cas, il est nécessaire de bien sécher le tout avant d’en opérer la clôture, afin d'empêcher les moisissures de s'y développer. Les Araignées et autres animaux de la même classe sont moins nombreux que les Insectes, mais méritent aussi de fixer l'attention des voyageurs. Certaines espèces vivent dans l’eau, mais la plu- part sont terrestres et se tiennent sur des arbustes ou dans des trous creusés soit dans les vieux murs, soit dans la terre. L'industrie que .beaucoup d'araignées déploient dans la construction de leur demeure ou des piéges destinés à arrêter leur proie est très-re- marquable : les nids des Mygales, par exemple, sont très-curieux ; ce sont des cavités cylindriques creusées soit en terre, soit dans des écorces, et dont l'entrée est garnie d’un couvercle à charnière. Enfin, nous signalerons aussi les espèces réputées venimeuses et celles qui vivent en parasites sur d'autres animaux. La conservation des Arachnides offre quelques difficultés : par la dessiccation ces animaux se déforment beaucoup, et dans l'alcool ils perdent leurs couleurs; il faut donc, autant que possible, con- server les échantillons de la même espèce par l’un et l'autre de ces procédés, en ayant soin de les numéroter de façon à pouvoir les identifier. | Les Poissons d'eau douce diffèrent non-seulement selon le 1 On peut employer à cet usage de vieilles boîtes à sardines ou à conserves alimentaires d'Appert. MISS. SCIENT. — IV. 19 — 986 — pays, mais encore selon les rivières et les lacs où ils vivent. Il est donc très-important d'envoyer tous ceux qu'on pourra se procurer. Quoique parmi les Poissons de mer il y en ait plusieurs qui se trouvent dans divers parages, le plus grand nombre appartient à des rivages, à des golfes particuliers. Il sera donc utile d'envoyer ceux qu'on trouve dans les contrées qui n'ont pas été attentive- ment explorées par les naturalistes, ceux même qui se vendent sur les marchés. On les mettra dans de l'alcool ou dans de l’eau-de-vie chargée d'acide borique, et avant de les y plonger il convient de pratiquer sur la ligne médiane du ventre une petite fente pour que le hquide conservateur puisse pénétrer facilement jusqu'aux viscères. Il est également très-utile d’envelopper chaque individu dans du linge, dans du foin, ou dans quelque autre matière analogue, afin de les empêcher de frotter les uns contre les autres. Lorsqu'ils sont trop gros pour être conservés de la sorte, on enverra simplement la peau bien desséchée, en ayant soin de conserver la tête, les dents et les nageoires. Il est essentiel que les nageoires soient bien éten- dues lorsqu'on les fait sécher : pour cela, on les colle sur du pa- pier, ou bien on en écarte les rayons en les attachant à des fils. Les Reptiles seront également mis dans l’eau-de-vie, à moins que leur grande dimension ne permette d'y conserver que la peau, ce qui vaut beaucoup mieux que d'envoyer celle-ci desséchée. Les Tortues peuvent être facilement préparées pour la conserva- tion par la section préalable du plastron ou sternum , qu'on détache avec la scie au niveau des prolongements latéraux qui l’unissent à la carapace. Il importe de laisser dans la peau des membres les pièces osseuses, dont on enlève les portions musculaires. Il faut faire de même pour le cou, que l’on doit conserver avec la tête, ainsi que les téguments des régions du corps non recouvertes par Ja boîte osseuse, En écorchant les Serpents pour en avoir la peau, il faut y lais- ser la tête et bien prendre garde de ne pas endommager les écailles. Il faut aussi beaucoup de soin pour ne pas casser la queue des Lézards. Il serait à désirer qu'on püt envoyer le squelette des Poissons et des Reptiles trop grands pour être mis dans la liqueur. Pour préparer ces squelettes, il suffit d'enlever grossièrement les chairs et de faire ensuite sécher parfaitement l'ensemble des — 287 — os, sans les séparer. Le squelette entier doit être placé dans une boîte avec du coton ou avec des rognures de papier. S'il est trop long, on pourra le séparer en deux ou trois parties. a Reptiles et les Poissons se décolorent si rapidement ue qu’ils sont placés dans l'alcool ou desséchés, qu'il serait d’une extrême importance de joindre à ceux de ces animaux que lon envoie en France des croquis coloriés portant des numéros cor- respondants, alors même qu'ils seraient très-imparfaits comme dessins zoologiques. Si ces croquis ne pouvaient être faits, il fau- drait y suppléer par des notes où seraient mentionnées avec soin les particularités les plus remarquables du système de coloration. S 4. Les collections d'Oiseaux et de Mammifères sont difficiles à for- mer. Lorsque ces animaux sont de très-petite taille on peut les con- server dans l'esprit-de-vin, en prenant les mêmes précautions que pour les Poissons; mais en général il faut les dépouiller avec beaucoup de soin et faire subir à la peau certaines préparations destinées à la mettre à l'abri de la putréfaction et des attaques des insectes. Or, ces opérations ne peuvent être faites d'une manière satisfaisante par des personnes inexpérimentées, et tout voyageur qui se propose d'explorer un pays lointain ferait bien de prendre quelques leçons de taxidermie dans le laboratoire du Muséum d'histoire naturelle, où ils trouveront un accueil empressé. En général, on peut se procurer facilement des Oiseaux et des Quadrupèdes par les soins des chasseurs du pays. Pour ne pas en- dommager les Oiseaux il est nécessaire : 1° de proportionner à leur taille la grosseur du plomb employé pour les tuer; 2° de bien _essuyer avec du coton le sang qui s'écoule de la blessure et d'y mettre une couche de quelque poudre absorbante, telle que du plâtre ou de la cendre fine; 3° de tamponner avec du coton ou de la filasse toutes les ouvertures naturelles pour empêcher les vi- danges; 4° de sécher également, avec de la poussière, les plumes lorsqu'elles sont mouillées; 5° de rabattre les plumes dans leur position naturelle et d'empêcher qu'elles ne soient froissées; 6° de placer l'oiseau dans un cornet de papier en l'y introduisant la tête la première. Dans les pays chauds, les Oiseaux doivent être mis en peau {c'est-à-dire écorchés) le plus promptement possible, parce que 19. — 288 — les plumes se détachent de la peau dès que la putréfaction com- mence. | Pour les Mammifères, il n’est pas nécessaire de prendre des pré- cautions aussi minutieuses : les individus de grande taille, dont le transport serait trop dificile, peuvent être écorchés sur place; mais on aura soin de ne fendre la peau que sur la ligne médiane ven- trale et d’y laisser les os des pattes et de la tête, après avoir retiré la cervelle du cràne. | On trouve dans le Dictionnaire universel d'histoire naturelle publié par Ch. d'Orbigny (article Taxidermie) de très-bonnes indications pour la « mise en peau » des Oiseaux, et nous croyons utile de reproduire ici ces instructions : ; « L'Oiseau placé sur le dos, la tête à gauche de l'opérateur, on écarte les plumes du milieu du ventre, sur lequel on fait une inci- sion longitudinale jusqu'au croupion ; on prend ensuite les bords de la peau avec la main gauche, et de l’autre, avec le manche d’un scalpel, on la dégage de dessus les chairs jusqu'à ce qu'on ait mis à découvert les cuisses, que l'on sépare de la jambe à larticula- tion du genou, laissant le fémur après le corps. Il faut, lorsque l'on dépouille un oiseau, saupoudrer de plâtre pulvérisé chaque partie mise à nu; le plâtre absorbe le sang et la graisse et em- pêche que les plumes ne puissent se salir en se collant sur le corps. « Ensuite on détache la peau-du derrière tout autour de la queue, que l’on sépare du tronc un peu au-dessus de l'insertion de ses plumes, puis avec une pince on maintient le corps par la colonne vertébrale et l'on défait la peau avec les ongles jusqu'aux ailes,’ que l’on désarticule à l'extrémité de l’hamérus, près de la four- chette. On fait ensuite filer la peau du cou jusque sur la tête, en ayant soin d'enlever les sacs des oreilles de leur cavité. Pour les _ grandes espèces on est forcé de se servir d’un instrument, mais pour les petites il faut l’éviter; alors on pince la peau fortement, très-près du crâne, de manière à faire sortir le sac de sa cavité. On détache la peau des yeux sans attaquer les paupières. Cela fait, on désarticule la tête du tronc à la dernière vertèbre cervicale, on la débarrasse de toutes les parties charnues, et l'on extrait le cerveau avec une curette; on peut aussi couper le derrière de la tête, mais toujours lorsqu'elle est pour rester dans la peau. « La tête ainsi dépouillée, il faut tout de suite la bourrer et la préserver avec grand soin. On remplit les yeux avec du colon sous — 289 — lequel on met du savon arsenical pour corroder les chairs et sur les joues, que l'on remplace par du coton haché bien fin. La tête ainsi faite, on met avec un pinceau du savon sur la peau et on la retourne en la tenant de la main droite avec une petite pince plate appelée brucelle, tandis que de la gauche on plisse la peau, que l’on remonte jusqu'à ce qu’on voie le bout du bec, que l'on tire à l’aide du fil passé dans les narines, mais en ayant la précau- tion de maintenir la peau. Avec un peu d'habitude et de soin on vient facilement à bout de cette opération. « L'Oiseau étant ainsi retourné, on le pend par le bec et on le secoue légèrement pour faire tomber le plâtre qui se trouve parmi les plumes; celles-ci sont remises en place, soit en soufflant dessus de haut en bas, soit avec une brucelle, Il ne faut jamais attendre que la peau soit sèche pour faire cette opération; car les plumes ne reviendraient que très-difficilement. On écarte ensuite les pau- pières et on les maintient écartées avec le coton, que l'on retire un peu de l'orbite et que l’on étale de manière à bien former un œil rond. Il est nécessaire d’avoir beaucoup de précautions en arran- geant les paupières; car les petites plumes qui sont autour d’elles se chiffonnent très-facilement. Pour remédier à cet inconvénient, on prend une aïguille avec laquelle on les remet en place, sans déranger aucunement leurs: barbules. On se sert aussi de cette même aiguille pour peigner les plumes de la tête et pour remettre en position les sacs des oreilles. Mais pour bien réussir dans cette opération et bien faire la tête de l'Oiseau, il faut plisser la peau de cette partie, pour qu'elle ne se plaque pas sur les os, et pour pou- voir remettre les oreilles en place plus facilement. Il s'agit main- tenant de bourrer très-légèrement le cou, ce que l’on fait avec une seule mèche de filasse assez grosse pour remplacer les parties charnues, mèche que lon enduit de savon arsenical ! que l’on fourre dans le cou et qu’on fait entrer aussi dans la tête par le trou occipital, ce qui a l'avantage de bien réunir le cou avec la tête sans laisser aucun vide autour de cette dernière. On dépouille ensuite les ailes en détachant la peau de dessus les muscles, jus- qu'aux os de l'avant-bras {le radius et le cubitus), que l'on met à découvert seulement en dessus, parce que si l'on détachait les plumes qui sont insérées en dessous on ne pourrait les remettre ! Nous indiquerons ci-après la composition de ce préservatif. — 290 — en place que très-diflicilement; il serait quelquefois même impos- sible d'y parvenir. On enlève de dessus les os toutes les parties charnues, et l’on passe entre le radius et le cubitus un fil assez long, destiné à attacher les ailes et à les maintenir dans leur véri- table place; on met une couche de préservatif entre les os et la peau et l'on fait rentrer l'aile à sa place. Les deux ailes ainsi dé- pouillées, on les attache ensemble avec le fil passé entre les os, en eur conservant la distance qu'elles avaient au repos durantJa vie de l'animal. Le seul moyen pour obtenir ce résultat est de prendre sur le corps lui-même des mesures qui donnent cette distance. «Après cela on dépouille les membres postérieurs, autour des- quels on tourne un peu de filasse pour remplacer les chairs. On enlève ensuite les parties charnues qui sont restées à la base de la queue, sur laquelle on met du préservatif. Il ne reste plus alors qu’à remplir le corps. Après en avoir bien préservé la peau ‘avec du savon, on met par-dessus de la filasse hachée le préservatif, en ayant la précaution de ne jamais bourrer en long, mais bien en large, pour faire les muscles pectoraux et pouvoir, sans allonger et tirailler la peau, réunir les deux bords de l’incision. Quand le bourrage est à point, on coud à point de suture et de manière que les plumes ne soient pas retenues ou prises par le fil. « Lorsque loiseau est bourré et cousu, on remet les plumes du ventre en place, puis on le retourne et l’on place les ailes dans leur situation naturelle et la moins embarrassante, c'est-a-dire fer- mées et posées le long du corps. On replace les plumes qui pour- raient être dérangées, on les maintient par une bande de papier qui entoure l'oiseau et que l’on attache en dessus avec une épingle. Il faut, avant de mettre cette bande, placer les jambes de manière que les talons ne dépassent pas la naissance de la queue; dans cet état de préparation, on n’a plus qu’à mettre l'oiseau dans un en- droit sec et à l'ombre et à le laisser sécher en le retournant chaque jour et en veillant à ce que les plumes ne se dérangent pas. Une remarque à faire, c’est que les peaux d'oiseaux séchées au soleil, dans une étuve ou dans un four, ne peuvent jamais ou presque jamais être montées, paree qu’elles deviennent très-cassantes. « Pour les Oiseaux aquatiques, on est presque obligé de les dé- pouiller par le dos, les plumes du ventre étant très-épaisses et souvent de couleur très-claire : aussi, pour eux, la préparation est un peu plus difficile. En outre, comme ils sont pourvus presque SN. 0 toujours d’un petit cou et d’une grosse tête, il faut, pour dépouiller celle-ci, faire une incision sous la gorge (de même que pour les ruminants), incision qui se prolonge un peu sous le cou et par laquelle on enlève toutes les parties charnues. Immédiatement après le dépouillement, il faut recoudre les deux bords de la peau du cou, afin d'éviter que le savon que l'on va y introduire ne salisse les plumes de cette partie. » | Si l'oiseau avait une crête charnue, il faudrait en conserver la tête dans l’eau-de-vie. Lorsqu'on aura plusieurs individus de la même espèce, 1l sera toujours ulile d'en envoyer un dans cette liqueur. | Il est désirable d’avoir non-seulement le mâle et la femelle, mais plusieurs individus de la même espèce, les uns plus jeunes, les auires plus âgés, car les oiseaux diffèrent beaucoup selon l’âge. Il sera très-utile d’avoir aussi les œufs et les nids. Pour conserver les œufs, on y fait un petit trou aux deux extrémités, on les vide ’ et on les emballe dans du son ou dans de la poussière bien tassée. On aura soin d'indiquer, par des numéros correspondants à ceux que porte la peau, quelle espèce les a pondus. Sans cela, ces sortes de collections sont inutiles. On prendra la même précaution pour les nids, qui doivent toujours être emballés dans une autre boîte que celle où sont les œufs. | On enverra, quand cela sera possible, le squelette des oiseaux trop grands pour qu'on puisse les mettre dans la liqueur. Les peaux d'oiseaux, de même que les peaux de mammifères, seraient promptement détériorées par les insectes rongeurs si on ne prenait la précaution d'en enduire la surface interne avec des matières préservatrices. On emploie ordinairement à cet usage le savon de Becœur. L'Ad- ministration du Muséum en fournit volontiers à ses correspondants, et d’ailleurs on peut le préparer facilement de la manière suivante. Prenez : ATOME DTINÉTISE: ur E 7 Po ne 3b5 ph ox bp spbp 55 Php 155p> veau jpro of5 puvpnp ppp : PIDP 3975 DE NDPSD PNIINS DA PS JDIS C’est, comme dit l’auteur de la notice manuscrite placée en tête du volume : « Adnotatio de quibusdam rabbinorum nugis diluvii tempora definientium et astrorum tunc situm. » Le recto de 1 a a été gratté, blanchi à la craie et en quelques ! Ces feuillets, dans le manuscrit, sont paginés 112-117; le feuillet suivant reprend à 71. Cette pagination, qui souligne si nettement la transposition, est due à un des possesseurs du manuscrit, qui fait remarquer celte transposition dans une description assez bien faite du codex placée à la prennère page. — 390 — endroits récrit, Sur le feuillet blanc qui sert de garde on voit au verso une table des matières en latin, table due à un possesseur moderne du manuscrit; au recto, des signatures hébraïques de pro- priétaires ! et deux tables des matières en hébreu de deux époques différentes, mais toutes deux assez anciennes {xvi siècle ou xvrr°? ). Il résulte de l'examen de ces tables que notre manuscrit était beau- coup plus étendu et disposé dans un autre ordre que maintenant. En effet, elles donnent les traités suivants : Jomah, Mischnah Scheka- lim de R. Juda, fils de Benjamin Reischa(?) (manque dans notre ma- _nuscrit), Soukah, Beza, Rosch Haschanah, Thaanith (manque), autre commentaire sur T'haanith (manque), Prières publiques des jeûnes? (manque, hors la fin), Meghillah, Haghigah, Maskin (manque). Comme nous l'avons vu, l’ordre de notre manuscrit est, en re- mettant à leur place les feuillets intercalés de Haghigah : Jomah (manque la fin; — lacune embrassant Thaanith et la prière des jeünes), fin de la prière des jeünes, Weghillah, Haghigah, ces trois dernières parties se suivant sans pouvoir être séparées. Puis, en haut du folio 119 a commence une nouvelle série: Soukah, Beza, Rosch-Haschanah, faisant un tout par elle-même. La comparaison des tables et du manuscrit montre clairement que le manuscrit comprenait jadis Jomah complet avec Mischnah Schekalim, qui ter- minait un folio; que la série Soukah, Beza, Rosch-Haschanah, qui venait ensuite, a été transposée d’une pièce, après la série T'haanith , prières des jeûnes, Meghillah et Haghigah, placée dès lors à côté de Jomah et de Schekalim ; que la fin de Jomah et Schekalim, T'haanith et une partie de la prière des jeûnes sont tombés, ce qui a déterminé l’ordre actuel du manuscrit, et qu'enfin une dernière transposition a eu pour résultat d'intercaler quelques feuillets de Haghigah dans ! Une première signature, d'une écriture presque aussi ancienne que le ma- uuscrit, porte les mots: «À moi, Moise, fils de Benjamin Finzi,» suivis des lettres pointées 95, acrostiche de la seconde moitié du psaume cxtr, ver- set 6. Une seconde signature plus récente répétée quatre fois donne le nom d'Isaac, fils de Moïse Finzi, lequel, d’après une autre note, a acheté le manuscrit à Benjamin. La conclusion la plus vraisemblable qui ressort de ces notes est que Moïse, fils de Benjamin Finzi, avait vendu son manuscrit à un sien neveu por- tant, selon l'usage, le nom de son grand-père, et que ie fils de Moïse, Isaac, l'avait racheté à son cousin Benjamin. La famille des Finzi, encore florissante en Italie, porte un nom connu dans la littérature juive de la fin du moyen âge. ? L'indication du second commentaire et des prières publiques manque dans l’une des tables qui sans doute désigne le tout par le mot Thaantth. — 391 — Jomah. Quant à Maskin, qui occupait primitivement la fin du manuscrit, il est difficile de dire où et comment il a disparu. _. 28° Ms. À, 1, 13 (Pasini, n° xxxvir, p. 9). Abrégé du Talmud de R. Alfas avec les commentaires de Raschi, de R. Nissim {dit Ran) Mordechai, Thossaphoth, sur Synhédrin {1-18 a), Makkoth (18 a- 21 a), Schebouoth (22 a-41 a), Aboda Zara (41 a-65 b),Jebamoth (66a-119a), Kekhouboth (1204a-188b), Ghittin (189 a, recom- mencé après quelques lignes à 189 b-230 a). Beau grand in-foho, écriture allemande du xiv° siècle. Pasini réunit à tort le traité Makkoth avec le traité Schebouoth; il a été trompé par l'absence de titre au début de Schebouoth, la place réservée pour ce titre n'ayant pas été remplie. Dans le traité Aboda Zara, les mots sus- pects aux chrétiens ont été soigneusement barrés. Comme dans la plupart des manuscrits de l'Alfasi, les mots français sont ici omis ou traduits en allemand!. Ce manuscrit est de peu d'importance. B. — Manuscrits de la Bible. Je ne pouvais prétendre collationner les nombreux manuscrits de Raschi sur la Bible et spécialement sur le Pentateuque que possède la Parmesane. C'est un travail aussi vaste qu'inutile. Comme je l'ai dit au commencement de ce rapport, les biblio- thèques de l'Angleterre etla Nationale m'ont fourni des documents suffisants pour restituer à peu près complétement le texte des glosses bibliques. Je n'avais çà et là que quelques mots encore obscurs à élucider, et en outre, il me restait une question spéciale à résoudre. a _ J'ai fait remarquer ailleurs? que dans les grands Prophètes et dans les Psaumes jusqu’au psaume 58 , les éditions s’accordent toutes à donner une série de glosses que les nombreux manuscrits de Paris et de l'Angleterre omettent d’un parfait accord. En était-il de même des manuscrits de l'Italie ? Ma tâche ainsi circonscrite consistait donc à examiner les ma- auscrits des Prophètes et des Psaumes; et, quant au reste, les plus anciens et les plus corrects manuscrits dans les passages contenant des glosses encore douteuses: J'ai donc vu à Parme et à Turin les manuscrits suivant(s : ! Cf. Rapport, etc. p. 94. ? Voir Romania, I, p. 152. — 392 — Manuscrits de Parme, — 29° Ms. 2726, Rossi 76. Raschisur les premiers et les derniers Prophètes; vélin, écrit. rabb., 4°, xim° siècle. Manuscrit sans valeur pour l’objet de mes recherches. 30° Ms. 3266, Rossi 387. Raschi sur les premiers et les der- niers Prophètes; vélin, écrit. rabb., in-fol., 2 col., xnr° siècle. « An- tiquus et optimæ frugis codex. » 31° Ms. 2854, Rossi 663. Les premiers et les derniers Pro- phètes, avec le commentaire de Raschi;velin, semi-rabbinique, petit in-folio où grand in-4°, xin° siècle. Commence à Josué, nr, 14, et finit à Maleachi, 1, 4. 32° Ms. 2191, Rossi 551. Psaumes avec le commentaire de Raschi; vélin, écrit. germanique, petit in-4°, xin° siècle. 33° Ms. 2724, Rossi 1044. Commentaire de Raschi sur les Psaumes; vélin, écrit. rabb., in-4°, xni siècle ou commencement du xiv°. — Lacune de Ps. 1 à Lxxxi et de cxxxrt à la fin. 34° Ms. 3095, Rossi 732. Psaumes avec le Thargum, la Mas- sorah et Raschi; vélin, écrit. germ., petit in-fol.,xrrr° siècle. Lacunes de Ps. 1 à vir, 6; dexvr, 8, à xxxvir, 26 !, et de exix à la fin. Dans ce manuscrit, l'écriture du texte de Raschi a pali et est presque ef- facée, ce qui en rend la lecture très-pénible. Les glosses sont sou- vent corrompues. | 35° Ms. 2958, Rossi 34. Les Hagiographes avec la Massorah et Raschi; vélin, écrit. rabb., grand in-4°, xiu° siècle. 36° Ms. 3232, Rossi 32. Les Hagiographes avec la Massorah, le Thargum et Raschi: vélin, écrit. germ., in-fol., 3 vol., xrr° siècle. — Lacune de Ps. xzvinr, 6, à LxxvI1, 40, et dans Proverbes, de Vs 9e ne biPS | 37° Ms. 3204, Rossi 181. Commentaire de Raschi sur le Pen- tateuque , les cinq Meghillothÿ, les Psaumes, les Proverbes et Job; vélin, écrit, rabb., grand in-fol. sur 3 col., xrrr° siècle ou commen- cement du x1v°. 38° Ms. 2338, Rossi 11. Pentateuque avec le Thargum, les cinq Meghilloth, les Haphtaroth#, Job, Proverbes, la Massorah ! Cette seconde jacune n'est pas indiquée dans le catalogue de Rossi. Il est arrivé plusieurs fois au prudent abbé de ne pas mentionner les lacunes motns apparentes placées au milieu de ses manuscrits et qui en diminuaient la valeur. ? Lacunes non mentionnées dans le catalogue de Rossi. Sur les Meghilloth, voir mon Rapport, etc. p. 89, n. 1. [2 Sur les Haphtaroth, voir mon Rapport, ete. p. 89, n. 1. — 395 — et le commentaire de Raschi. Le commentaire sur Job est d’un anonyme. 39° Ms. 2186, Rossi 607. Les Proverbes avec le commentaire de Raschi; vélin, écrit. germanique, petit in-4°, xrr° siècle. ho° Ms. 2046, Rossi 722. Les cinq Meghilloth, les Haphtaroth et Job avec le commentaire de Raschi et la Massorah; vélin, écrit. germanique, petit in-4°, xxrr° siècle. 41° Ms. 2706, Rossi 459. Commentaire de Raschi sur le Pen- tateuque; vélin, écrit. rabb., in-4°, xur° siècle. 42° Ms. 3081, Rossi 924. Pentateuque avec Thargum, cinq Me- ghilloth, Job et le commentaire de Raschi sur le Pentateuque et les cinq Meghilloth, et avec la lettre d'Aman; vélin, in-fol., xni° siècle. Lacune de Genèse 1 à vi, 9. 43° Ms. 3080, Rossi 948. Pentateuque avec Thargum, Haphta- roth, Meghilloth, Thargum d'Esther, et commentaire de Raschi sur le Pentateuque et les Meghilloth; vélin, fol., xnr° siècle. 44° Ms. 2820, Rossi 656. Pentateuque avec Thargum , Haphta- roth, Cantique et commentaire de Raschi; vélin, écrit. germa- nique, commencement du xir1° où peut-être fin du xx siècle. La- cune de Gen. : à Exode xvr, 36, et de Ruth, 1v, 10, à la fin. Le commentaire de Raschi est plus récent {il est du xiv° siècle). Le complément du manuscrit se trouve dans le cod. de Rossi 857 (coté dans la Bibl. sous le n° 2830). A5° Ms. 3226-3227, Rossi 592. Pentateuque avec Thargum, cinq Meghilloth, Haphtaroth et commentaire de Raschi; vélin, écrit. germanique, 2 vol. fol. ,xnr° siècle. Lacune de Genèse 1 à v, 5. Tels sont les manuscrits des commentaires bibliques que j'ai vus en totalité ou en partie à Parme. J'ai laissé les autres, en nombre beaucoup plus considérable, et qui appartiennent au xiv° ou au xv° siècle. À Turin, j'ai vu également un certain nombre de manuscrits bibliques; presque tous ont de la valeur. Manuscrits de Turin. — 46° Ms. À, 1v, 3 (Pasini, I, p. 4, n° ex). Les Prophètes et les Hagiographes, accompagnés sur les marges du commentaire de Raschi et de la Massorah. Gros in-8°, vélin, de 499 feuillets. À la fin du manuscrit, on lit la notice sui- vante : «Moi, Mathathias, fils de R. Isaac, J'ai écrit cette Bible pour R. Salomon, fils de R. Juda Sokhiah, et l'ai achevée le mardi, section Wayetzé de l'an 95 (— 1335), etc. » On voit par là que — 394 — le Pentateuque a été perdu. — L'ordre des Prophètes est Jérémie, Isaie, Kzéchiel. h7° Ms. À, 1v, 27 (Pasini, I, p. 45, n° cxxiv). Ce manuscrit, petit in-4°, vélin, de 317 feuillets écrits en caractères carrés, ren- ferme: 1° Raschi sur les premiers et les derniers Prophètes [le commencement manque, de Josué 1 au milieu des Juges). À la fin des Prophètes, fol. 187 b, on lit une note ainsi conçue : « Sont achevés les treize petits Prophètes et tout le commentaire de l'Écriture, gloire au Puissant et au Majestueux. » Cette ligne semble indiquer que le manuscrit contenait primitivement le Pentateuque. —... 5° (fol. 211) Raschi sur les Psaumes, les Proverbes, Job et Daniel. Variantes assez considérables dans Daniel. 48° Ms. À ,1,92 (Pasini, [, p. 18, n° rm). Raschi sur toute la Bible, grand in-fol. de 221 feuillets, vélin, sur 3 col., xim° siècle. L'écriture n’est pas carrée, comme Île prétend Pasini, mais cursive germanique en gros caraclères. « Caret principio et fine.» — La lacune du commencement comprend Genèse 1, — Nombres xvir, 3. Le commentaire des Chroniques qui termine le manuscrit (il n’est pas de Raschi) est aussi incomplet. 4g° Ms. À , 11, 8 (Pasini, 1, p. 5, n° xnr). Beau manuscrit d'écri- ture germanique du xmr-xiv* siècle, contenant : 1° le Pentateuque avec Raschi, Ramban et le Thargum; 2° (fol. 309) Esther avec Raschi et un commentaire chaldaïque {qui n’est pas le Thargum, quoi qu’en dise Pasini); 3° (fol. 329) Cantique avec Raschi, Ramban etle Thargum. . .; 5° (fol. 341) Lamentations avec le Thargum et Raschi; 6° (fol. 349) l’Ecclésiaste avec le Thargum et Raschi...; 8° (fol. 370) Job avec le Thargum et Raschi; 9° (fol. 400) Haphta- roth avec le Thargum et Raschi. 50° Ms. À, n, 2 (Supplément de Pasini). Ms. grand in-4° du xiv° siècle, vélin, écrit. franco-germanique. Le manuscrit con- tient d’abord Raschi sur le Pentateuque (fol. 1), sur les Psaumes (fol. 102 a), sur Job (123 a), surle Cantique (135 b), Daniel (140 b), Esther (145b), Lamentations (147 a), Koheleth (149 a), Proverbes (155 6), Ezra (164b). À la fin d'Ezra, signature du scribe Samuel. Vient ensuite le Thargum sur les Proverbes, l'Ecclésiaste, les La- mentations, le Cantique, Esther, Ruth, les Psaumes et Job (172 b- 238 a). Les derniers feuillets contiennent le commentaire (in- complet) de R. Moïse sur les Chroniques. | 51° Ms. À, 11, 6 (Pasini, I, p. 5, n° xiv). Raschi sur les Pro- — 595 — phètes et les Hagiographes. Grand in-4° vélin, grosse écriture germanique du xiv° siècle. Commence à Josué, 111, 16.— Ce ma- nuscrit présente des variantes intéressantes et des notes interca- laires signées #°— Rabbi S., qui seraient à étudier pour la consti- tution d'un texte critique de Raschi. 52° Ms. À, 11, 19 (Pasini, [, 6, n° xvr). Raschi sur le Penta- teuque, les Meghilloth et les Haphtaroth. Écriture germanique du x1v® siècle. — Peu intéressant. | 53° Ms. À, m1, 11 (Pasini, I, 6, n° xix). Raschi sur le Penta- teuque, ms. de 1306, vélin, in-4°, écriture méridionale. Le ma- nuscrit a été exécuté à Linz, ville située entre le fleuve Tera et le fleuve Jsil (?)}. Sur la garde on lit le nom de propriétaires du ma- nuscrit: Jacob b. Elézer Halévi de Pavie, Salomon b. Mosché de Kaschilam. Sans entrer dans l'examen des glosses données par ces divers manuscrits de Parme et de Turin, examen qui trouvera place ail- leurs, je me contenterai de dire que tous les manuscrits s'ac- cordent à supprimer les pseudo-glosses des grands Prophètes et des 58 premiers psaumes; preuve qu’eiles sont postérieures et datent du xv° siècle, si elles ne sont pas dues au premier éditeur de Raschi. Mais si la non-authenticité de ces glosses est devenue évi- dente pour moi, le problème de leur origine reste encore obscur, et la question est à réserver. Une question encore importante, sou- levée par l'étude du texte de Raschi, est celle qui a rapport aux derniers chapitres de Job. Les manuscrits se divisent en deux sé- ries suivant qu’ils interrompent ou non le texte de Raschi au cha- pitre x, verset 18. Les uns en effet donnent le commentaire de Raschi complet jusqu’à la fin, les autres déclarent que, la mort ayant empêché Raschi d'achever son œuvre, ils complètent le com- mentaire avec celui d’un autre rabbin, généralement R. Jacob Nazir. Il y a encore là une question de critique de texte que nous réservons pour plus tard, IT GLOSSAIRES HÉBREUX-FRANÇAIS. J'ai déjà donné dans la Romania! quelques lignes des deux glos- saires de Parme, ms. 2924, cat. Rossi 60, et ms. 2780, cat. tome Ep. 169, :70. MISS. SCIENT. — 1V. " 26 — 396 — Rossi 637. Je puis maintenant donner de plus amples renseigne- ments sur ces glossaires, et établir plus solidement des comparai- sons soit avec le glossaire de Bâle, soit avec les glossaires de Paris; soit même avec le glossaire de Leipzig, dont un long fragment a été publié par M. Boehmer dans ses Romanische Studien !. À ces deux textes doivent s'ajouter un nouveau glossaire que j'ai décou- vert à Turin et un dictionnaire hébreu-français déjà signalé par M. Neubauer dans son Rapport sur une mission dans le midi de la France et l'Italie. Le glossaire est coté sous le n° À , rv, 35 (Appen- dice à Pasini, calal. manuscrit}, et le dictionnaire sous le n° À, IV, 13 (Pasini, I, p. 33). À. Je commence par le glossaire de Parme, Rossi 60, dont je complète la description donnée par Rossi dans son catalogue, et par moi dans le passage déjà cité de la Romania. Le manuscrit in-/°, écrit à Taillebourg en août 1279, est de 217 feuillets, dont 214 remplis de glosses à 34 lignes à la page. Il renferme de quatorze à quinze mille glosses, disposées sur trois colonnes; la première à droite contient les mots bibliques à expliquer; la seconde, celle du milieu, les traductions françaises; la troisième, celle de gauche, le commentaire. Celui-ci est composé soit de citations qui ren- ferment le mot traduit, la citation en ce cas est précédée de 2, comme; soit d tent par synonymes, le synonyme est alors précédé de, première lettre de y1®, Li c'est-à-dire signi- fication; soit de la citation et du synonyme réunis; soit enfin d’un extrait de la paraphrase chaldaïque?. Cette disposition que j'in- dique pour le manuscrit Rossi 60 se retrouve également dans Île second manuscrit de Parme et dans celui de Turin. Il manque au commencement la valeur d'un cahier; le recto du premier folio est entièrement effacé; on n’y peut lire que quelques mots cet là, entre autres NY n9on, fin de Waiïetzéÿ. Le verso, qui a également les premières lignes à demi-effacées, commence à Genèse, ! Tome I, p. 165. ? La troisième colonne se dédouble d'ordinaire en deux, car le plus souvent les mots placés sous la rubrique 1923 et les mots placés sous la rubrique 7 forment colonnes à part, * Le Pentateuque est divisé en 52 sections pour les 52 samedis de l'année; chacune est désignée par le mot qui la commence. La section Waietzé comprend les chapitres de la Genèse xxvIIT, 10, à xxx VI, 4. — 397 — xxx, 10. Le glossaire comprend d’abord le Pentateuque (1-34 b), à la fin duquel se trouve la signature du scribe Jechiel: « Sont achevés les Laazim du Pentateuque; béni soit celui qui donne la force à l'homme fatigué et augmente le courage du faible. Jéchiel, Hazak!. » Viennent ensuite les cinq Meghilloth (34 b-43 bis a). Le feuillet 43 bis est formé d'une petite bande de parchemin qui contient sur le recto quatre lignes de texte {les dernières du livre d'Esther), et sur le verso, en gros caractères, des mots hébreux signifiant : « Sont finies les cinq Meghilloth quant aux Laazim, Jéchiel bar Éliézer, » et au-dessus « Ezra, fils de Jéchiel, Hazak Wenithhazak, le scribe ne souffrira d'aucun mal. » Cet Ezra est sans doute le fils de Jéchiel bar Éliézer, scribe comme son père. Viennent ensuite Josué (44 a), Juges (46 a), Samuel (57 b), Rois (61 a), Jérémie (69 a), Ézéchiel (82 a), Isaïe (93 a), les treize petits Prophètes (119a-134a). Le feuillet 134 est également coupé à partir de la notice: « Sont finis les Laazim des Prophètes, louanges à Dieu qui... » Le verso laissé en blanc a été plus tard employé pour des notes talmudiques (Thossaphoth). Après quoi commencent les Psaumes (135 a), les Proverbes (169a). À la fin des Proverbes (181 b) est une note d'une écriture plus récente que je ne comprends pas: 53NN TD SDIDn NNY0 3019 JINN MD13 ND2N 0D29 JINN DOWN VD « Samé- raanou baéikhye aspthe aanou benapht alpheth, benapht aanou benaytou, à Ezra le scribe *.» Ces mots ne sont ni de l'hébreu ni du français. Suivent Job (182 a), Daniel (207 a), Ezra (219 b). Après les trois lignes du verso qui finissent Ezra vient la signature du scribe : « Jéchiel, fils de R. Éliézer, homme fort, Hazak.» Le verso porte des notes de toute nature et de diverses époques. Ce que j y remarque de plus intéressant, ce sont les lignes suivantes: pis? No vpn nn ve M3 JWNUDIN NV927 13; tte 11 N°70 2 HINVP pyp vp Nûx 1 Le mot hazak est un impératif à signification interjective, ayant la valeur du latin age, macte. On ÿ adjoint d'ordinaire un autre mot wenrithhazak = macti simus. De manière que l'exclamation complète équivaut à macte et macti simus. Les signatures des scribes , des écrivains juifs sont d'ordinaire accompagnées de cette sorte d'explit. 2? Cet Ezra n'est pas l'Ezra biblique, connu sous le nom d'Ezra Sopher, 26. — 398 — mots français transcrits en caractères hébreux et qui doivent se lire : Céli ki a écrit céte Hiçon Vivant de bleye 'éte (sic pouretest) son non, Ki a la fille dan Salmon À la cler (sic) façon ?. Des notes postérieures, de la même nature et de la même main que celles du f. 134, couvrent le reste du feuillet, la moitié du recto et le verso du feuillet suivant (217) qui porte la notice finale du scribe reproduite par Rossi dans son catalogue et par nous dans la Romania. B. Le second manuscrit de Parme, n° 2780, Rossi 637, est un in-quarto vélin de 178 feuillets de 30 lignes en moyenne, conte- nant de dix à onze mille glosses, écrites sur trois colonnes. Il com- mence à Genèse, xxx, 54 (le premier cahierest sans doute tombé); il comprend le Pentateuque (1-37 a), les cinq Meghilloth (37 b- ASa), les Psaumes (48 b-71b), les Proverbes (71 -82 a), Job (82 a-99 a). Lie reste du feuillet 99 a, laissé en blanc, est couvert de notes -en hébreu dues à diverses mains relativement récentes, et qui portent en partie sur le calendrier. Elles ont été partiellement enlevées sur les trois marges par la rognure. Après le feuillet 09 s'étend une lacune qui embrasse les livres de Josué et des Juges. Le folio 169 a commence avec la dernière ligne des Juges que suivent Samuel et les Rois (1004-1194); viennent ensuite Jé- rémie (119a-133 a), Ézéchiel (134 a -146 a), Isaïe (146 a-175 b), les treize petits Prophètes (176 a). Le manuscrit s'arrête 178 b au milieu de Job. Il faut remarquer l’ordre dans lequel se suivent les divers livres de la Bible; les Hagiographes précèdent les Prophètes, contre l'usage. La transposition est l’œuvre du scribe, comme on c'est-à-dire Ezra le scribe: maïs c'est le fils de Jéchiel ben Élézer, scribe comme son père. 1 Vivant est un nom propre traduisant hébreu Hayyim où Hayy; quant à bleye, ce doit être un nom de lieu, Blaye sans doute. ? De cette expression, rapprochez par exemple ces vers : A lointain baron Veut sa fille marier Qui a si clere façon Que l'en si porroit mirer. (Leroux de Lincey, Ghants historiques, 1, 182.) — 399 — peut s’en assurer par la pagination des livres. Le texte est accom- pagné cà et là d'additions et corrections postérieures avec nouvelles glosses. C. Le manuscrit de Turin À, 1v, 35, est un in-4° vélin du xrri° siècle, de 180 feuillets. Le manuserit porte paginés 179 feuillets, mais le premier n'a pas été compté (nous le désignons par feuillet ou folio o), sans doute parce qu'il est coupé d’un tiers, et que, presque entièrement noirci, il est dans un fàcheux état de con- servation. Il contient environ onze mille glosses. Il commence avec la Genèse et comprend le Pentateuque (fol. o), les cinq Me- ghilloth (34 a), Josué (42 a), Juges (44 a), Samuel (49 a), Rois (59 a), Jérémie (668), Ézéchiel (78 b), Isaïe (88 0), les treize pe- tits Prophètes (112 b), les Psaumes (128 b), Job (1524), les Pro- verbes (172 a). Le manuscrit s'arrête au ch. xxv, vers. 22, des Proverbes. En tête du manuscrit se lit en hébreu la note suivante d'écriture plus récente: « Les Laazim, M. Raphaël, fils du saint R. Abraham, de mémoire bénie. » C’est sans doute la signature d’un propriétaire du manuscrit, signature reproduite encore fol. 31 a (deux fois !} et 65 a. Les 7 premiers feuillets, ayant été coupés en tête, on a collé des bandes de parchemin sur lesquelles on a reporté les lignes tombées. L'écriture de ces bandes, d’une autre main, ce semble, paraït être de la même époque. Les fol. 17 et 94 ont été lacérés. Le fol. 45 a porte à la marge supérieure une note où je puis déchiffrer les noms d'Isaac, fils de Jacob, et Jacob, fils de Ja- cob; au fol. 133 b, je note la signature Salomon, fils de Salomon Lunel (?). Le manuscrit en grande partie n’est pas ponctué, ce qui en diminue la valeur. I semble qu'il ait été ponetué après coup, vraisemblablement par celui qui a rempli les bandes des 7 pre- miers feuillets, si l’on peut se fonder sur des indices aussi peu sûrs que la forme des points-voyelles et la couleur de l'encre. Presque à chaque page se trouvent des additions de diverses mains et de diverses époques, spécialement aux pages 1254, 133 b. Voici maintenant des extraits de ces trois manuscrits. Nous com- mencons par C, qui prend au premier chapitre de la Genèse. ! La première fois sous cette forme : «Moi, Raphaël, fils d'Abraham, dans la ville d’Inel. » — Inel ou Lvel ou sel, et, comme li =le: nil, Enil ou Enel: Lil, Evil ou Evel; Isil, Esil ou Esel. — 400 — Ms. C: fol. o, recto, illisible. verso , à peu près illisible: N°27 NON nn DD) à : 4 13h09 ON ‘3 DV JD WTINT ND 0 21 En ND ZANINUN nn) 3 24 D197 ‘© D'nON D?Y2/3 NDNIDUIN ubbyS 4 26 VOEANNE UND PUY 170 ‘2 03147 Gin 5 26 177977 9 RSS SSSR ENE MY231 6 28 nn139 ? WD231 NOÙ /2 DHDTN [nav] 8 1, 2 8 D [omeA AN] nn 2 .309x no 9 5 vD9p 9uN D VYININ 41250 10 5 SON 11 1290 L 10 72 INIIN [IN 22 6 TZ NoDILON [MDY] 12 - Hinns D pins nû onb qu'2 Dawn. (MDN 13 é 9927 JD NYVT NII HI NDV2N nDW35 14 7 10 7p1 ND /2 2 [DTPD) 15 8 ND: on ina 2 77 [5n3] 16 9 Dans ponns ‘D 1252 Mas NX 799 17 10 DIS D2N D NOpINND DHBMIQ NU IPID n9112n 18 12 n07pP3 10/3 11207 1 SION NIDTPI 20 14 Fol. 1, recto : es ne PORTE SR RS PE NE a a dédrieus E nn 21 19 np? sw von NN) np D KNBET MNIVIYD 22 21 079) 220n D MJDUNDIMIN nDTIN 23 21 ROTINY V23N D37Y 92 ‘2 y DD11Y 4 25 VAN DISTEON NPDN 26. N12 9 DIM SION à5 n,25;u0,5. WAiN ip 282. DnN2 NN D ? DV9Y 27 mx, a1(?), 8. V5 VN9DN [PU] 2 DANTIPIN 1BNNIONNDINOND HINN VS 29 nt, 7. an0n D 020 nov bn 5 NN NU 31 13 — 01 — Cette partie du fol. 1 est écrite sur une bande de parchemin qui, collée sur le feuillet dont le haut avait été coupé, en recouvre les premières lignes. En relevant les bords mal collés de cette bande, on peut lire une partie des lignes recouvertes. inn931 5 NN& nn 2 973 n7%/2 109 n3pn PS /2 non!) on ne 0N 2 AS ni nan 2 9302 D qna 79 2 An3o "D obiy nan 2 DN D ny wnN 1n% N°12 DIU 11YD2 UN 2 239 win N202 ‘02 012 AU) DN'2 AE AU US 2py2 2 DNDDI 99% D 19%IN 22V2 123 l'3I JONS 9 jnpiwn ‘5 2 no D 2uy mon Nh1'2 GENÈSE DTIPIN MDN 3obis nr; 8. VD NN VIN 31 bis 13 ND ID JAN ZZ% 32 éupor 14 N9032370 na 33 14 NININ ANT 34 15 910 D'UN 35 15 VIANIPRIN Div 36 15 vb wav WDW®N 37 15 F?N0 2py 38 15 39331N0 732% 39 16 NYITNTIND nNPiUn 4o .6 D 2293 4a 17 Voici, imprimée en italiques, la transcription des glosses fran- caises avec la traduction (imprimée en caractères romains) des mots hébreux qu'elles expliquentt: 1. Ame vivante, ame de vie. 2. les cétacés, lédagrons 3. et (bête) sauvage, ésavi. ... 4. à notre image, anlforme 5. et (ils) domineront, ..... ront 6. et domptez-la, ...pres hi (?) TL 4 + DO HER a 8. [et se reposa], érepost 9. verdure, arlb....(?) 10. pour labourer, alaborer 11. et (une) nuée, énue 12. et souflla, ésofla 13. en ses narines, ansénariles 14. aSt 16 17: 18 19 souffle, aléne ldanEN|S ALL... .. fau dieu deh". 2 0" séparera, é...evrt . le bdellium, locrital . Ponyx, lonicle 20. à l’est de l'Assur, ....dlassur 21 22: 23 24 : etille conduisit | fsaau .% 2: . de ses côtes, dss..,.... = assoupissement, antomissemant . nus, nuz 1 Nous ne traduisons pas la troisième colonne renfermant les exemples tirés de la Bible. ou du Thargum, parce qu’elle n’est d'aucun intérêt pour l'objet de nos recherches. — 02 — 25. ils eurent honte, hontetent (?) 26. et seront ouverts, éseront overz 2e AUSÉ NIET 28. (la) voix (?), angrs (?) 29. feuille de figuier, foille de fer 30. et ils cousirent, ecodiret 91. TA ÉTOMIPÉ, verre 30 bis. et ils cousirent, ecodiret 31 bis. tu m'as trompé, .....iça moy A1. 32. tu iras, formati..... Voici le début de B. Fol. 1, recto. 33: . et haine, éhaïne . je mettrai, metré . il lécrasera, écachera toi . tu lui siffleras, sofleras lui . talon, talon . ta souffrance, tadolor . ton désir, tadesirance ton ventre, tonventre en effort, antravail, bob D 29 onÿ sv 2 2933 2n? NY91 n9Dn now ‘b D'TIDN 119N2 WIND DYNOD WDD DVN9D VUS D 101 R)UNIIN N'D 2310 JD m1 02 VENLIN TNT Pons ‘D JUN AND ‘DD MOTDN VV NNINIIPN /J9N 31017 7 03179 AND D'IIDN 53 999 DIN NI 799 DVD DVD WJNIDIN DIN VDO 1U9N 03 DN NET NP DD ID ND MANIP JUIN 113 NI Dÿr 22971 MDP ‘D DN2 22133 DD LÉ) ITDEN HIDIN Dr db D9p D NNN DD UWONEY VID m9? 5 pon vip by 02 9 m32792 39 0 DVD 9 997 179 19 10Y 1DYN3 DYNN JD NI 121 NITIDIN PNY . Nourriture, manger - messagers, messayges . anges, angeys! et me suis arrêté, étardé . etil divisa, éparti . un présent, presant . et les ânes sauvages, épouleyns J GmOE D KE © 8. en sa main, ansoun coungé 9. et J'effacerai, éterdré 10. 11. sa colère, séstres devant lui, pardevant lui Genèse. A XXXI ,r 2 XXXII, 3 l 5 6 7 8 9 10 11 12 12. et (il) se couvre de poussière, époudroye * Les deux yod que nous transcrivons par y sont couverts d'une tache qui rend la lecture du mot douteuse. On pourrait lire encore anyles. oA 4 — 103 — UE Dan A5 NN n7 POLPNDN DIN 12 777 [20 NOMINN ND 13 ue P2D m0 PINT DIDIN NÙ0) PHbNND NM F'ON PANN 12 NI 100 *UD3 Sp 12 DD NPUVIN SPA 14 xxx, 27 pen bye ons ouv Doit NUmDD qu 92 25 27 son 0 avi noon ‘02 mpiop she 16 32 ON AND) DD MIPDD AVIS VvwN) NUIT 17 33 DNN ON VNIDN VIN DYT2ND ON D2 JNPDN V3D D'AON VD 13. et (il) lutta, élouyta 16. boîtant, clochént 14. et (il) détacha, adétacha 17. (l'os) luxé, letressayli. 19. le creux de la hanche, lapaylie (la faille?) dogenouyl Nous arrivons maintenant au manuscrit À qui commence, ainsi que nous l'avons vu, quelques versets avant le passage par lequel débute B, mais dont le feuillet 1 a est si effacé qu’on n’en peut rien lire. Nous passons au verso, après les deux mots.. . () vous ma0x 3 , «le visage de Dieu, les faç (>)... », juste à l'en- droit où nous nous sommes arrêtés dans B, et, pour donner les éléments de comparaison, nous reproduisons en note les leçons différentes que présentent B et C dans les passages correspondants. 02 LD nn jus UDNSN SN) à | 73977 de : SUR VND 2 M La ob nonv ‘9 Su D GUAM NO 3 1h90 D2 CNYIS AN70 HYDS NI ‘MD nÿD) 4 12 1. et tu m'apaisas , éapa. « : .. 3. autre explication (de mon présent), mon. . . 2. mon présent, mon. .... 4. pars, mop (c'est-à-dire mof) VARIANTES DE B ET DE C. DE: D'NNDAIN éapayas moi; C : YWD YNYVDNIN (non ponctué) eu- payasmoy. — ? B: 199 79197; C: HNIN20 NX. — $ B : MD D mon presant; G ne donne pas cette explication. — 4 B : Pie JD moun salud: C: VND 9 (non ponctué) mon saluz. C ajoute une citation que n'ont ni À niB:1ÿ9D DN 3p9% 7729 2. — 5 B: mots placés à la fin de Ia phrase; C: manquent. — © B: AD mof; C: A2 mop. — ? Légers change- ments dans l’ordre des mots dans B et C; B ajoute à la fin l'interprétation chaldaïque : 75h33 Di 1m. — O4 — c Genèse. “pans bhpvcs UROIDIN DNS 5 xxx, 13 PDT 717 21P IDD UINAZITN DPOT 6 14 570 bn DN 12 ID NDONION 7 14 be nn12/9 OWAN 1930 7 NT 1D3 CZUNIDN HN? 8 *0n015 90 D PEEN 0177 8 1 pv35y D DPIN 992 TIEN 10 15 MPODIR OÙ 14 | 5 770 ‘D BNJNEDIp? Npon 12 19 PVD VD CNDND HONDP 13 19 5. (brebis) enfantant, anpant . ... 10. je ferai rester, feré éter 6. et les frappa, e deba. . .0s 11. entier, anterin 7. je mènerai, muré.... 12. la campagne, lachanpéne 8. en mon silence, amon s...p | souc/f) 13. (Une) kesita (monnaie), méyle 9. (selon la) force, avér 1 B: Y3'MIDIN anfantaynz; C : YNIDIN anfla)ntaz. — ? B, au lieu de l'explication donnée par À et par C, a la suivante : on ÙU\D jNSr 55 029 09919. —# B: WN MIIILITN édebatrount os; C : mêmes mots, non ponctués. — # B : WIND maaré; C : 939% ménré ou méneré. — ° B, avant cette phrase, intercale Din x D, C remplace le tout par une autre citation TAN 9, 072 m0 3.6 B: PINIU SON amon souép (=souef); G: mêmes mots non ponctués. — 7? B a Nn39 au lieu de Nn32; C n'a pas DYDUON. — 8 B: VIN avér; C a une autre glosse YNYSDN qui se lit apoyer, mais doit êlre corrigée, ce semble, en à poouer (à pouvoir). — * Ici B et C diffèrent de A. B : 92799 331 noN00A 90 ‘D, C: on2 10 02 Dash 121. — 20 Cette glosse avec l'interprétation manque dans B et dans C. Ce dernier a ici une glosse qui doit être reportée plus loin, n° 15. DY3 i-A 12291 770 ON) 2. 1227nn V9291P DIIDIN, c'est-à-dire : «ils furent affligés», e furet corecéz, comme dans : «et eux se rebellèrent et s’affligèrent, sens de colère.» — 1 C : VIDIN (?) anlerec, leçon fautive; la bonne lecon est donnée par À et B. À ne donne pas de commentaire; B ajoute : 1n73N2 123923 oo 19122 nv; C ajoute : (?) FIN3%32 19329 D0Ù. — % B: N2VD3p? la chanpeyne; C : NIVDIPN? la canpayne. — B remplace ce commentaire par nYpP2 5 sn npon 192; C par 7 DN NT NpP?n IN7 ‘2. — Les deux glosses 11 et 12 sont écrites sur une même ligne dans À, par suite de l'absence ou de ia réduction du com- mentaire. Dans C, les glosses 11, 12 et 13 commencent le recto du folio 7, et sont écrites sur une bande de parchemin ajoutée après coup; cf. plus haut, p. 4o1. La glosse 14 commence le feuillet. — 14 B : N?2YND maaille ; C : NVNTD méyle. — % Au lieu de cette explication, B a : ny jp 07 2922 np, et C: NNN HP P LIN "2. 1 Ce passage manque dans C. B modifie légèrement l’ordre des mots. —? B cite un autre verset: 777 9Y 22V3 ;5C , par suite d'une transposition , donne cette glosse avec une citation autre que celle de A et celle de B, après la glosse 10. Voir à la page précédente, note 10. — * B: N33712 bolont , c’est-à-dire volonta; C : ND3733 volanta. — # À avait d’abord cité le verset 19 pP2n; il a ensuite effacé DU et a écrit après D22, voulant citer le verset 22 * pPYn. B cite le premier, C le second de ces deux versets. — 5 B: »b VY33PTDN émar- candéz lui; C: 5 Ÿ 13P7D%N émarchandez li. C ajoute : 100 991% /3 que n'ont ni À ni B. —5 C a NYN17 doére; il ajoute à la fin : N°37) Entre la glosse 18 et 19, C intercale la glosse suivante (sur Genèse, xxvir, 35[?]) : «9702 (en prudence) ansas, ainsi traduit le chaldéen : en sagesse.» Je sup- pose que ansas doit se lire ansa[gelss[e]. — 7 B: DDYIVINMSN otroyroumes ; C: CDS IN otroyromes. C ajoute 1357 TDIN FNINY 121 «de même, ils consentiront «otroyront». — & C : DX3P 9% NIDNN a étre serconcis. C ajoute : 0 mnA2 ion 123, 93 170 0. B, qui a la glosse N72793p SN acercourcire, ajoute 70 ee puis j21, etc., comme dans C, et finalement bypn19 4? comme dans À. Une note-pastérieure a ajouté dans À les mots 3 n3712 93122, en les faisant suivre de la note ©'7 ŸMD 72 «ainsi explique Raschi ». — ° B: DOTNTN édouroumes. La glose 21 manque dans C.— 1° B: D 22%"D pésibles ; € : &' 292 2DN aplésibles (?). À partir de ce mot, les glosses de C dans le fol. 7 a ne sont plus ponctuées. Aussi je ne les re- produirai que quand par l'orthographe des consonnes elles différeront des le- cons de À. [SA] — 405 — : Genèse. 1npong ‘2 Won WIN DNT 22 DIN NN 14 xxxIV, J Dy2 "0 129 ND 102 DPLTIPN IDLPNN 15 He 0 ‘022 (n07%] pun 02 SNDZZ HpUNn 16 no ‘? Fs30 SPADN HIINDT 17 DNA ND) ‘02 NUNYT D 18 nx7n2 ? TODIISZOIN MINI 19 bypnno D soupe Non bind 20 nt37 Ni) 13n31 ‘? PUDINITN JJNI 21 ao poamen ob 22 14. et (il) se tut, étut 18. douaire, douére 15. et (ils) s’aflligèrent, écourecéret 19. (nous) accorderons, otr. .eromes 16. (il) aima, ....té 20. à être circoncis, & étre ctrconciz 17. et faites-y le commerce, é mérchandé 21. et donnerons, édoromes lui 22. paisibles, apésibléz — 406 — ; Genèse. AMpD D © - ver 1545 DT) 23 xxxIv, 1 2N121 UN +35 /D 242087 DYSNID 24 25 ï SHIPITON DIN D? 25 26 no 20 ‘D DDNNPIN 12Ù 26 29 ‘0100 ‘0 s bn niv 02 San 952 OÙ 27 29 SOUN ‘7 *J2NI 72N DD NDTIND AIN 28 xxxv, 4 °n0 un 0 DU NDNT DDU OP 29 ï Ann 2Ù 727 DÙ 0303927 nnn 30 5 ND + NPD PIN 3: 8 avé 55 SSSire 7 2NT3310DD NO 32 8 73 9 ND NON N'D 20 A OÙ 72 D JIPN 33 8 "939 D AN 920 102 Pb] 23. lieux, los 29. auprès de Schekhem, dejaute sche- 24. affligés, dolosänz khem 25. au fil de l'épée, dtrénchänt 30. l'effroi, depraynemant 26. (ils) firent prisonniers, échétivé- 31. le chêne (hailôn) , lechéne rel 32. autre explication (de halôn), la 27. leur bien, lor avoyr plénure (sens de plaine) 28. le térébinthe (?), leorme 33. alôn bakhoth, nom d’une plaine. 1! B est seul à ajouter la citation D%7 2793 393. C ajoute à la fin : 5295 D OS VD Re V3237 doulanz ; C : 21037 dolors. C, après la citation, ajoute }12N7 as D V3PIIUN atrénkanz; C : N3PJ IN atrnchnt. — À a oublié la citation indiquée par la seule lettre 5 .B et C donnent 27 2 ND. B ajoute ensuite 717 D Le A ne DIDONDN échéytiwéret; C : 279%2%M%DIN non ponctué, sans doute : échétivéret. C diffère pour la fin de la glosse de A et de B : n192 ‘5 D%3%0 +2® 2. Cette glosse dans C est transposée. Elle précède la glosse de 29h *D’2 au lieu de la suivre. — 5 Manque dans C. — 5 BetC:}10D. —7 B: NON ‘9, —56 Le manuscrit porte peut-être 7YN ; dans ce cas, c'est nne faute amenée par le mot DYN de la glosse suivante. Ce nn manque dans B et GC. —°B et C n’expriment qu'une fois le mot D3Ÿ dans l'en-tête. — 10 Au lieu de cette explication, C a N°7" 5 Don D2N71101 2. B ponctue la glosse M3 23957 depreynemant. — ! B : N3NP? lechéyne. Les mots j2%N JD manquent dans C. — ! B : N7337D? laprenure; cf. pour le changement de Fenr la glosse pror qui suit. C : NIIN30D0 lapleneüre (?) ou laplenaüre (?). — B, après VOD, ajoute DV33V%2 J9%N 192; C: NIDD VIIONI 192. — 11 Le mot effacé après 722, dans À, est "MIN ou 22; MN est donné par C; *32 par B. C a à peu près la même lecon que A, il place seulement le N°? avant l'explication que À donne en premier lieu. B n’a que le no qu'il écrit 9392 N'IDIN étre pror (autre pleur). — 07 — 10 13 16 16 #ponpD D wa) wwn : ubnD 34 "4 “PONONT 322 NUJIDNN forum ÊES 35 SJonD 1999 D np j21 9122 ’WÙ INLYID n°922 36 ÿP9pn ND OÙ 72 ‘DD IN N'? 37 SAUP 37/0 DYNINN Wpni 38 NJIND VN72N N? DD 2 DSIND HN 39 EI NIpPIY PS DVD AN 122 NDIPPN 7122 DN 2209 4 1000 mon 405 on YIND 70307 102 bigob D pou ODNIN ND NDT D HONIDIDN (sic) DNDD 41 xxxwT, 7 : [I NN) DID pp} 1220 DN32 92 : NSP NUD 42 by now nDnw vD)1 7797 "uyoun? OA 43 15 DM INIP NII | now noon autre explication {de alon bakhoth), 38. et durcit, éddurcit atre plor 39. ma douleur, mädolor le mot alôn en grec signifiant au 4o. et (il) coucha avec Bilhah, édécoca tre; explication de mon maître, Bilhah 34. detes reins, de tes longes k1. à souffrir, asoprir 35. et (il) monta, éémontä 42. 11 trouva, controvä 36. une pièce (de terrain), piace 43. les mulets, les mols. 37. autre explication (de pièce de ter- rain), érpänt ñ 7h: W3319%7 detélounges. — ? B ajoute : Jun 9235 N3/ HIN DE}, C remplace Îe tout par cette autre citation: EP AN Ju fa glosse tout entière manque dans B. — # B: NX%D peyce. — ® B ajoute 997; C n'a pas 777, mais avant *12%9 il donne 732 que À place avant l'interprétation de Menachem. — B:03D9N arpant; il supprime 2. C n’a pas le ND 7 DLTITININ éandurcit; C : YSYIININ éandurci. — 5 B remplace cette citation par ‘22 3? nn&pn,C par nùp %1p ‘D. C ajoute ensuite la ligne 2DA OÙ 72, ND. Cette glosse se rapporte à Gen., xxxv, 27. — ° B : 9YIND madoulor. — 1° B supprime N0; C ajoute }12N7 7. 1DD.—118B: NDIPITIN édécoucha. — © B,au lieu de ñ11, porte T2N 18? ShENS. il n'a pas, à la fin du com- mentaire, les mots ND 9011 192. La glosse avec le commentaire manque dans C. — #% B : MIDSUN asouprir (à soufrir). — # C a une autre citation N3 YNN93, et ensuite une glosse que n'ont ni À ni B: N°71 N°23 ‘db, mon e chef», mère(=maire), sens de prince (Gen. ,xxxVI, passim). — % B : N237033P countrouva. — Y Les trois derniers mots manquent dans B et C. — !7 wine les mouls (muls). — 8 C : n799 D, la fin manque dans C;B, après la glosse française, porte : N1227 9Y np JPOYND OQ[..IN . — 1 Après cette glosse, 2/4 24 — 08 — Voici la fin du ms. À (fol. 216 recto). ? à < Nchemie. jp 2 DHITONPANN 1 nnp31 1 v,2et3 n3 D END NS EE NUTIDN ON 2 5 nan ‘D 9999 nn 2 DD VID VND DID OI DNN NUD 3 - JY1n2 7722 1N°2711 ‘DD NDUD un 4 13 ji992 JD No. 5 13 125129%13 23 Ü IPN ,nN9ÿ93 6 19 CID 213 13 2"1112, 02 n17172 8 18 1209 N123 FUN WIN /D2 DiN DINITNIP | DN712 9 vi, 8 nubw nnD ‘02 An» Ont 10 v,18 D ON OÙ 7 390131 11 vi, 6 ny JÛN 1p2n 72 DD NUVYDN DVI 12 Dv3327 0 RP PREE DNS 33 14 DIM DV VPN DNDN DVIPID NT 1IPDM a4 Vin, à 1. et (nous) achéterons du froment,ia- 9. (tu es) imaginant eux (ces récits), chéleromes controuvänt os 2. au pouvoir (de notre main) , aforce 10. le pain du gouverneur ? (la traduc- 3. prêt [êtes]-vous prêétant!, prét vous tion manque) prélänz 11. et Gueschmou, tel est le nom de 4. mon sein (secouai-je), messile (m'es- l'individu $ selle?) A ds , aféta # 5. autre explication {de mon sein), mon 13. prophètes, pourpérlors géron 14. et furent chargés de la surveillance 6. secouai-je, écous les portiers , e furet dbéliz les por- 7. (qu'il soit ainsi) secoué, écous tuyers 8. choisies (la traduction manque) B et C s'accordent à donner une glose sur le nom mézuhab de Genèse, xxxvr, 30. B: nn 101 où 9 D 72, : 5m M. Ci 1132, D 72 2NT VD 101 OÙ 79 1 Tel est l’ordre des mots hébreux, ordre rendu, comme on le voit, très-exac- tement par notre glossateur. — ? Transposition dans le texte. — * En hébreu dans le texte. Le mot ‘D3, dans la troisième colonne, n'est accompagné d’au- cune citation, parce qu'il n'y en avait pas à donner. Ce mot a été mis là par inadvertance. — 4 Nous ne voyons pas à quel mot du texte hébreu se rapporte cette glosse, dont le sens est: il fit. — 109 — ; : à Néhémie. 52 15 112) 7 Dm MM, 3 n220 9 winpnibimipnanbin On 29102 16 vi, 6 #29n pPinD "DD 271837 OYPNOD 17 10 npone ‘D Vaox D'END 18 11 nr nbsp wi nabis mp7 nmDDN JD VS 793 19 15 333 M1IYn 03 nNInn ‘D DIN UNTIDNTN D SN) 0 1x, 29 r2p ? van pn wv DINPDN o1 x, 30 120 7 nan nD22 72IN 02 NDI3 NOTION 20 921 22 9 15. ils frappèrent les portes (pour les 19. et feuillede bois (c’est-à-dire d'arbre) fermer), hourtyänt d'huile éfoilje defut doliwe 16. avec l'élévation de leurs mains, an 20. et tu les a sommés {de ne pas déso- lamountemänt de lormeyns béir à la loi) , édéfändis änos (sic) 17.. (buvez des) douceurs, dougors 21. les acquisitions, les achétemänz 18. (et les lévites) faisant taire (le 22. et toute vente, étoutevänte peuple), atésänz , Fin du glossaire C, fol. 179 b (la page est en grande partie effacée) : Proverbes. nan ‘D Aaby 259 01 2 W9DD 2IYNN à xxIY, 21 prog Ÿ vw Dnb mp2 > MibrI370N DD) 2 22 901 ‘D bn 52p ND SpN D 2 9 MANNIND 31I2pP) 3 24 1% v3pn /2 END D VPN ZEN 2h 2wn Dom him 7 OUT DNI) 5 26 EX ‘9 "NDS NYNITINMN /2 VIOSIDNN n1n91 6 27 wa vniny ‘D ANYNDN A7NM) 7 27 DYD V3D 2 W3119p ONCDP 8 31 2297 DN 102% /2 099297P 1012 9 31 Dion pUDD 2 WNYMIIN DT 10 3 1: (Tu ne te) méleras (pas avec...), 5. (paroles) droites, drotors (?) meleras 6. etdispose (ton champ) (?), émontanz ? 2. et la ruine, éledebrisement 7. et puissante (?), évorée ()) 3. (les peuples) maudiront lui, madi- 8, (des) chardons, chardons ront (?) lu 9. couvrirent (la surface), covrirt h. ......... ARR CET EN 10, des orties, orties — 10 — Proverbes. p9nn 2 129303 3pPny 2 DOLTIDIN TPS 11 xxV, à now D ‘D 32110 2 DINAN 1 12 n PD 919p ADD N910 D°)D0 11 9202 2 WITUIN DYND 13 NUS ‘D 30/2 NI NIMMINN TION) 14 10 DMIDND O91Y DVNINDD WYDID NIDN 15 11 02 ‘D 592 NN 9012012 WIMINIPIN N12WD2 16 11 FIND AT PNY DYD21 12 D JNIDN TON /2 WIN YJDIN 17 11 n932p ‘b 39 0n2 1073 /2 VIDIDN nn 18 12 ous 2 DS DNS 14 DUT NP D MIND PDP NIUD 19 13 1 VAN NSpn3 2 992 030200 Dban 20 14 30 ‘D Sp mA 927 2 FNNN27 Di 21 17 nDn9Dn 720 NN DIDYVENT [YDDI 22 + 18 iPn D vor a ANVININ JW es 18 nn ‘9 92 D202 ny30n 2 ANNNID AY 24 19 5509p 1190 ‘2 YANN NI9D 25 20 77/78) 259 729 2 EAN (713) 26 20 1200 D MAIDUIN N° 28 9271 919 ‘D 7 SU 27 20 HDTN "D 9722 V1D32N DN ‘2 F)NTINNP [n3] 29 20 NS dv bou ann) WN CN nnnn 2 Ua Unnin 30 22 11. et (ils) forcèrent, éforcért 21. écarte (ton pas de..), devoye 12. retirant (l’écume de l'argent), 22. marteau, depecement traiant (?) 23. (flèche) aiguisée, aguisiée (?) 13. (les) écumes, ordors 24. (dent) brisée, brisiée(?} 14. te fera rougir, hontoyra tot 25. (celui qui ôte ses vêtements), ..... 195. pommes (d'or), pomés(?) 20, EAST LE ET 16. en (des) couvercles, ancoverturs D PES CUT AL TEE 17. (parole posée sur) ses bases, sésyégs? 28. union, ajoutemant 18. et parure, éparmant 29. (de la) craie, croide 19. comme froid, com. froit 4 rc Je has 20. se vantant, porvantant lui Il conviendrait de donner maintenant la fin de B (verso du fol. 178) avec les parties correspondantes de À et de C. Mais comme 1 Il manque ici la fin de la glosse du verset 14 et le commencement de la glosse du verset 16 (sur le mot 1NNPn1). Cette lacune existe-t-elle dans le ma- nuscrit ou vient-elle de notre copie? — All — ici C est beaucoup plus développé que B, c'est C que je prends pour texte, indiquant en note les variantes des deux autres ma- nuscrits. Je ne reproduis pas pour la première colonne la ponctua- tion du manuscrit. Joel. AN12NA 12 JOWDE DIPD 1W9)92 'NINDD à 1,17 SONIUS +33 MANN 2 NTDIW HNJNI 2 18 nDDY "2 “TINYIS 2990 721 YYNONINI 732 TOUN3 3 18 7007 0 TIINY 113 2 020 MIND 4 19 VIN2 07 031222 VIMUN DUD 1312) 5 pyen ‘D 119n PIN 2 PNY ID : 31%) 6 20 DD VPIDN ‘2 Wa PEN 7 20 17n9) ‘b nn On 2 DIINEN “im 8 nn, 6 1. (les) greniers, grenés 5. furent assurés, furet asséréz (sic) 2. gémissante, sopirose 6. criera, crira 3. (les troupeaux) furent dévastés, fu- 7. (les) ruisseaux, rivages ret dégatéz 8. seront effrayés, aporiront 4. les habitations, manoir 1 Ce passage commence dans C à la ligne 5 du fol. 116 verso, dans A à la ligne 5 à partir du bas du fol. 122 recto, et dans B au verso, ligne 1, du fol. 178. — 2 A: D%393 granges; B: ®9%2937 dégreners. — L’explication est autre dans A et B. À: J9n DD NID DH; B supprime On et ajoute HNI2N DÙ ADINY. — $ Cette glosse manque dans À et B qui la remplacent par une autre inconnue à C: VIN2 O7 072123 DD, [YYDUN : B] YYISIN VND, 12122 « Ils furent dans l'angoisse (Joel, 1, 18), furet anséréz (A), furet aséréz» (B). — 4 A: Div V992%9 sont dégâtéz; B: 937 DAY sunt degatéz. — 5 À et B remplacent cette explication par j199 1 DUNN 103. — A ajoute une autre explication : DUN IDUNN 12, VD TPIN MIIU, N'D sont encorpéz (encolpéz, en faute). — 0 AetB: 39 manoyr. — ? À et B: manque. — 8 À : 9979 DIN ‘7; B: 713 0.59 Cette glosse manque dans À et B; elle n’est pas d’ailleurs ici à sa place et appartient à un autre passage; cf. n. 3. À également a à cette place une glosse qui lui est propre 275% "03, D'ITJONN, DD D nobwn nn Win, (comme l'aube) s'étend (sur les montagnes) (Joel, ir, 2): éténdräs. Cette glosse com- mence le fol, 123 a. — !° A et B: KIN%P criera. La fin dans À est identique à celle de C; B: pyyn ‘) on 9 317 D. — 1 Glosse qui manque dans À et B. _. ci ont plus loin une glosse absente de C sur le mot 111pP 7 danseront (Joel, 11, 5); A: D'ÔN2 17P9 QYnn "2, 03192190 triperont; B : .n9p90 722901 2, 033990 triperunt. — Glosse qui manque dans A et B. MISS. SCIENT. —— IV. | 27 — 119 — 11997pPn 9392 NN 199% TND 9. “bips D son 04 9 PNY Wim aN 129 10 90 D n?w2 1290 2 ADD SNOUR 11 numbow ‘D ani NUUNDOND non 2 Von 20 PE PE ON NIDNDN? NU 13 mon 5 5253 on 9 523771D 1999 14 non vospr No 0m D vus vus D POJIINIEN vu 15 03 D pn pp Ain 9 002) pUDS 2 HAN PEN 16 ® DN3% TD) 7 MO 2% mange /b39pnn DDUNT/2 W%72 119p 17 MIN 1093217 D DNDSN NN DVION ADN D HONNIILIN YDDN 18 TAN RNPAN2/5. ADN oENIr 033 19 9. (la) noirceur, nerté 15. (ils ne) gagneront (pas) d’argent, 10. (ils ne) détourneront (pas leur avoyreront route), tortront 16. ils) feront tumulte, bruyront 11. l'épée, lépée 17. (le soleil et la lune) s’obscurcirent, 12. (autre explication du mot précé- norciret dent), lemesagere 18. (le soleil et la lune) enlevèrent (c'est- 13. (autre explication du mot précé- à-dire perdirent) (leur lumière), dent), lafenesre étuyéret 14. (ils) tomberont, poseront 19. leur éclat, lor clértez 1 Pour les deux derniers mots, À : ñ79%73pn O1w ; B : N1n 331 n9%3p2 59992 12033 DN.—2A:03)0MTIMIN antortrunt. — % Ces trois mots sont précédés dans À de nopy N5; dans B, de np No 4 A manque; B : be 520.5 C donne ici trois explications différentes de non , en répé- tant à chaque fois le mot , au lieu de se contenter, à la seconde et à la troisième fois, de l’abréviation habituelle N'D. À ne connaît que l'explication du n° 11; 70 à FINYDYN ? l'épée. B donne celle de 11 et celle de 13: N1ñ AND)? ND? pion ‘0, N°9, pu 992 792 03, NND l'épée, autre explication : la fe- nètre. — $ B: 0339735 poderunt (faute pour 033959 poserunt?). La fin de la glosse est autre dans À et dans B; A: P3Ù3 09212 ‘223; B: 59 559 by 22 992% D 03 NN. — 7 A: 2319393 gayneront; B : IN 23399590 trésorerunt avoyr. Pour l'explication, À n’a que les trois derniers mots de la glosse de C; B: j1DD 172p9 N9 102, yY2 n0, vx3 vx12 03. Dans C lui-même, les trois derniers mots sont d’une écriture plus petite et semblent avoir été ajoutés après coup. — # B : 2339%%93 bruyrunt. — * La citation du Targum Jonathan manque dans À et B. — 1 Cette glosse manque dans À et B. — !! B : Le nw? manque ; le mot fr. est DNVION élouyéret. Dans À , la glosse omise par le scribe a été ajoutée par une main plus récente; le mot fr. est D'NNIUIN éloyrel. — A: »999p 0 Lor clarté; B : 97p 71? lorcraté. — 13 — ‘ : à Joel. Dos D) bononnh'> 9 NID 19020 on, 11 9 ANN N3PDN 2 DIIDNN 2NDPNI 21 18 nawnD 497 0 ONWY ON D NISIDNDNN OM 22 13 n27 O7IN1 2 NP? ‘DNINN 23 17 node sbwm'> Nopiwonn ‘Own 24 17 par PDT 7 DD ‘nDIN 25 17 1190029 1297 321 PDA IN 92 NONWIDIND MDN 26 20 n97pi 10) 2 °nPD 02 0 IpT 27 20 71790 de NN DN2T ‘2 VNIDNT JUN 28 20 MAN D MANN NID 3022 m0 0 HNIINU INIIX 2930 20-23 20. (qui) supportera lui?, sopra luiy. 26. 1e (démon) caché, la repotayle 21. et (Dieu) fut jaloux, taprint 27. l’oriental, ber (—ver) mizrach 22. et(Dieu)se repentira, éreporpansera 28. sa puanteur, sapouor 23. le portique, le porche 29. son ordure, sordoure 24. à exemple, aessanple 30. (celui) qui enseigne, At eseynat ? 25. (la) honte, lédényemant 1 À : 39 ND sofra lui; B : +30 N7532 soupra lui. Pour le commentaire, À et B se séparent de C; À : DD 1923; B à ces deux mots ajoute 520 N° n1020 ‘D. — 2,8 et 4 Glosses qui manquent dans À et B. — ® Notons cette in- terprétation qui suppose , pour ce passage de Joel, une leçon différente que celle que donnent les éditions. De même A et B, qui avec une citation propre (?wn° n33%0) traduisent , À par D?DIUNN a essanpler ; B par N9DU NN a essaple. — 5 Glosse qui manque dans -À et B. Cette glosse finit le folio 116 verso de C. — 7 Cette glosse a besoin d'explication : L’hébreu haccephoni (*3353n), qui en est l'objet, signifie l’homme du nord, de 393 caphon (nord). Le mot appartenant à la racine de be: çaphan (cacher), ie glossateur, d’après une tradition rabbi- nique, traduit Pu le caché; y voit «l'esprit du mal caché dans le cœur de tout FEVER ». De méme A: 392 N23n 297 92 Le (lerepotayle) K NINN ID) DIN; B: 3202 NDUA 29 [29] M NID 1297 121 (le repot) NID D ON de B ajoute une seconde explication qu'ignorent À et C : le tsaphon, c'est. à-dire le nord; c’est l'interprétation habituelle. — © À manque; B: n°9197 *3197P n27p ‘D «oriental, le mizrach, sens de: vers l’est». Le mot mizrach donné par Bet G. comme s'il était français, est hébreu et veut dire est. Ce mot, d'un usage très-familier, est entré dans la langue vulgaire des juifs de France. —* B : 2379 ND, la suite enlevée par une lacune. — 1° Manque dans À et B. — 1 À et B: N93T9iNC seordoure. — !? À ajoute FNYY1; B: Y*NY, la suite enlevée par une lacune. Après cette glosse, À et B donnent deux glosses qui manquent dans C sur les mots [275] NiN3 IN® 7 «verdoyèrent les demeures (du désert) (Joel, 1, 22). À : DINVNIATN erboéret; B: DINVIITDN erboyért; À et B: 22% N27 393. A: DNÛ 1) 12, 3992910 loménoyr; B : 112 D M9 manoyr. — 1 À : 27. — hlk — : < Joel. De WP 791 ‘2 NID © ND A 1, 23 | FNY2D ‘D 27792 23 32 24 bip nvpun 9 022 PWDD 2 MAIMNIDN PLAI 33 24 porrwn 9 NITINN ND) 34 25 FIN ES #2 SV U SIN 2 WN9YDŸ9D DIV 35 nr, à PS DD /2 FNPAIUN NIMDN) 36 3 nov ? DIX N9P ‘2 DNIDE SNIP 37 5 MOMPUD D MIDVINT LED 38 IV, 2 WELD °N927 2 MINIION NPD 39 2 D Var ED V2 JON 179 2 59) 17) 40 3 ovoan Dbas pps » nibobs does à KIT" NODN nIN2 414 34 Fou E NO3DJDN non 44 nn OÙ DN22 0 43-44 8-3 31. (la) pluie hâtive, primeroge 38. (vallée) de Josaphat, dejugemant 32. (le) blé, blep (=blef) 39. et (je) jugerai, édéréneré 33. et feront tumulle, ébruyront 4o. (ils) jetèrent, getéret 34. et (je) rendrai, érandré 41. en l'auberge, enla governe 35. prophéties, propecies (=profecies) 42. les marches (frontières), lemarches 36. et torches, étorches 43. les Schebaim, (nom d’un peuple) 37. (Dieu est) avertissant, semonat 4h. et l'enfant (jeune fille), élanfunte VD) N1NA0 102, MINVENNND Hiessiyanat (sic); B: PIS 029 DYMDA DNV23, DIINWÈNID kiaseynaint (sic). — 1 La glosse dans À et B est plus complète. Ils er tr (pluie tardive), outre n° (pluie hâtive). A : N19D19D 1110 Na, ot ne ne, SASENS promeroye étarzwe; B : NI3ID39D np 7922 7391 533 NIYWODN primerouge élarzive. — ? Cette glosse manque dans À et dans B. — % A : 139% 392%N cbrouyront?; B : 339 39DN ébrouye- runt, — ! Manque dans À, remplacé dans B par DV à: —_ Les deux glosses qui suivent (34 et 35) manquent dans À et B. — 5 À et B n'ont pas Né ie" cette glosse, À et B en donnent une autre qui manque dans C: 277 903: «et dans les restes» (Joel, r11, 5). A: M0) av D 707)? léremasils (ou — siles?); B : 792 Mn NUS ‘22 D'INNDIINN eanrimaysils (ou — siles?). — $ À manque; B: n9ÿn N°) "D2 vin semouns. — Les deux glosses suivantes (38 et 39) manquent dans À et dans B. — ? A: D" guéret; B: MON jetérel. —.58 À : N39275373N anlagorverne ; il ajoute 02 pe 5925: B: NJTOIIIN angouverne. — * Cette glosse manque dans À et ne B qui la remplacent par une autre inconnue à C sur le mot DVD (1v, 7) «les réveillant» : *71% 991% ‘22, DIN [W3229, B] MIVININI, D NPD; A: ravélaynt os ; B: rébelant (=rév.).— La glosse finale de C {glosse 44), qui d’ail- leurs n'est pas à sa place, manque dans A et B. — 15 — Ms. de Turin À, 1v, 13. Ce manuscrit est indiqué dans Pasini de la manière suivante (I, p. 33): « Membranaeeus, foliis constans 243, charactere scriptus est quadrato cum punctis vocalibus, in quo phrases hebræo-hispanice ordine alphabetico digestæ a quodam R. Abrahamo filio Josephi Cohen. » Sur la garde du manuscrit, au recto, on lit les mots : « Dichiarazione de molte parole difficili in spagnolo, » et sur le verso: « Farrago-dictionum et phrasium Ebrai- carum eum interpretatione hispanica. » Cet espagnol est du vieux français. Le folio 1, laissé en blanc par l’auteur ou le scribe de l'ouvrage, a été plus tard couvert au recto de notes et griffonnages de toute nature, sans aucune importance, à l'exception toutefois du nom suivant : Abraham bar Joseph Hac-Cohen vw, d'Alexandrie. Ce nom, que Pasini a pris pour celui de l’auteur de l'ouvrage, est le nom d'un des propriétaires du manuscrit, comme on le voit par l'écriture qui est relativement récente. Ce nom se trouve reproduit à la fin du manuscrit, fol. 243 a: Abraham bar Joseph Cohen. Un autre nom : Salomon bar Joseph (peut-être le frère du pré- cédent) se trouve au folio 243 b. Puisque nous en sommes au der- nier feuillet, avant d'aborder l'examen du manuscrit, parlons d’une note en hébreu, contenant quelques mots romans {italiens ?), qui se lit au verso. C'est une recette pharmaceutique écrite vers la fin du x1v° siècle, je crois, et retranserite au-dessous, dans le courant du xv° siècle, avec quelques variantes. Je la donne ici à titre de cu- riosité : 3 pol 522 php join Mano ho35 Vor5s 1 PHPE DPED PIE) DEN DODPI DE7P DID pID DD 009 Om 6 por 5 D5EvD 5 pp # vovIN 10P 0° 77 DD qDE Jo PO 39 Pope 79 7P° Dm C'est-à-dire, autant que nous pouvons comprendre: « Pour faire le liniment qu'on appelle barbairol (?), bagia (?), fievel(?), platen (?), lisolage (?), herbe de violette et ses grains, prendre toutes ces herbes; les broyer, en faire une pâte, (prendre) de Îa cire neuve, de la crème, faire bouillir jusqu’à consistance et verser le tout dans de l’eau froide. » J'arrive maintenant au manuscrit. Il comprend deux parties : un dictionnaire et une grammaire : 1 POPE . ep ds à brphrs pupls LD ph bn . — prb . = à fohbr3p D2>223. — 5 La variante ajoute H9. —5 La variante termine par SES (mot gratté, devenu illisible) ::.3 }PL°Y C3L0 Dh po Ppo] PP TP 39; le reste effacé. ER Première partie. — Le dictionnaire est un recueil de phrases bibliques disposées dans l'ordre alphabétique par rapport à un mot important qu'il s’agit de traduire et qui est signalé à l’at- tention par un signe spécial. Les phrases bibliques sont écrites en grands caractères carrés hébreux et forment une colonne étroite au milieu de chaque page. Sur les marges de droite et de gauche sont écrits en petits caractères carrés hébreux les mots français qui traduisent les mots hébreux signalés, non sous la forme abstraite et nue de noms ou d’adjectifs au singulier, de verbes à . linfinitif, mais avec les formes grammaticales propres qu'ils ont dans la phrase citée. Enfin, à l'extrême droite et à l'extrême gauche des marges, sont donnés en regard de ces traductions les radicaux des mots hébreux; ces radicaux forment sur chaque page deux co- lonnes qui constituent réellement le dictionnaire hébreu. Voici le commencement du manuscrit qui donnera une idée de cette dispo- sition, Nous reproduisons les 8 premières lignes, la page en a 16. Ù —2 eh 22N vs emo PR "2N2 TIN2 DD 7NANDIN NID IN DVp2 HNIONAD MD | = e= < n2N ND VAUT D'JiN JDJANDIT Pyonna mains ! 39077 JD JUN 2) | NT EN PONT 0 in ADN D HONT NN DID INT IN NI VIN DD VIN J21 2 pu'oN 109 12 DNA D'32N Mer DOME | DN DIDUYIIININ Van Man 09731] CN ponnot nouvo à ee bp2 DVV3Y nb rex mont Pix SUN DoËbn ven DYD72 1372 P2 DIINET 0 FN 202 "? SiND AT2N2 m2? 1DN ?pn JD NT 09712 7 _ ren bSn OÙ %S Sn Les petits signes qui surmontent les mots hébreux à traduire in- diquent par leur direction si la traduction est à droite ou à gauche. — 17 — Le ® qui surmonte les deux colonnes des racines hébraïques est l’initiale de ©® «racine ». Les mots soulignés sur la colonne de gauche sont d’une autre écriture que le reste de l'ouvrage et, ce semble, un peu postérieure. La première page contient encore une note de ce genre; on en retrouve plus loin dans l'ouvrage, à quelques rares endroits. Dans les notes marginales, les mots ER sont ponctués, mais _non les mots hébreux qui quelquefois les accompagnent et qui expliquent le sens ou la forme grammaticale des termes traduits. - Un pareil texte est intraduisible, à moins d’un. long commen- taire. Faute de place, je me contenterai de retranscrire les mots français avec une brève explication. « Quand la moisson est en tige», ANTUELEMENT. — « Dans les ges de la vallée», ANTuAS, aliter ANFROIT (ou ANFRUIT, mot non ponctué, — c'est-à-dire , en tuyaux, ou , suivant l'autre explication, en fruit). — « Ils s’enorgueillirent », oRGouLIRET. — « Les indigents », DESIYRENZ. — | Les mots qui suivent appartiennent à la note pos- térieure intercalée: MON DESIYREMENT; DSIYRMNT (non ponctué); GAY (au sens de hélas !); DESIYREMENT ; | — « Les formes [ c'est-à-dire, les moules] », FORMES. — « Dans l’engraissement », ANENGRESSEMENT. — « La plaine », PLÉNURE. — [Glosse postérieure : «en pauvreté», ENFOBERTE {corrige enpoverté).] — « Is se lamentèrent», LAMONIÉRET. — «]ls perdirent», DEPERDIRET. — «Ils voulurent», VODRENT. — « Dans la crainte », pEoR. « Il abandonna», DESERTA. On voit par cet extrait que, si l’on se contente de recueillir les mots hébreux expliqués avec leur traduction, on peut dresser un dictionnaire hébreu-français du moyen âge qui ne serait pas sans importance. Voici par exemple la lettre 7 (d). Je dispose le texte sur cinq colonnes. La première, indiquée par la lettre , initiale de ®°® « racine», contient les radicaux hébreux; la seconde contient les mots des phrases bibliques in- terprétés par le glossateur; la troisième, l'explication française que j'en donne; la quatrième, les interprétations ou glosses fran- çaises écrites en caractères hébreux que le glossateur donne des mots hébreux; la cinquième, la transcription en caractères fran- çcais que je donne de ces glosses. Le lecteur qui ignore l’hébreu trouvera ainsi, dans les colonnes de droite, une liste de mots fran- çcais actuels, dont les colonnes de gauche lui présenteront une traduction en vieux français. 10 15 20 25 — 118 — LETTRE DALETH. tes meméles. .,..... INDE Abe) adolor: 408€: RP 1918 Édotan cer MELON N33017 VN VOTRE RC LL re eee N°71 voleras ie ent UN 93 ordure decolons.. W3171p7 NIITIIN penis NUL RER 03999 Pac ee CC EE y°?79 tafonce subese entspit due NY791D0 figues sèches ....... D'pw UD ÉTApatoles er e-cee N99DD NN seré anpressé . .... VONVIDIN VIU anpressera moi... .. D NID YWIDIN loparlement, LU 00: 200 U00 D? | CHOSES Re AUS Car LD NP tes paroles. Ne 9179 ve CLIPArlé MERE CPU V9 DYN AMNASSÉES à ss D me een sn 0e UNNUDN comelorménement, 353% 0 DiP raisathet : SNS LR D) a DAYS AN SE EME DNNODNNN ARMEUÉPE EE Certes ; NDVA9N les PUÉDES Re 0 L'DVA vs lo desert.............. V7 1? amortâdiras ...,... DNIYINOTNIN Monde : sut CURE VIN NID hâture sie pese «koh vErpe NON aile née lens diner EDR Ù tes mamelles +... ..,1.: "32 Er a souffrance ........ n2N70 2N7 étre tent EN NANTI [INT] IL VOIETRS ie Crete NNTY TNT tu polerass Le 10 NID ordure de pigeons. .. 03127 27 DA Deere rene mue) pAtOIE.. 06,0. 127 ta force este né sieste ANS NE fiaueiseche FIAT RLE n927 EL HAIpArOlE +2 722791 serai pressé. .... ss PAIN [P371 tu me presseras..... 93P27n IEHATIET PEER ET n227 ES DATE TEL CE PECORE SEE | tes paroles......, 7919270 éstpañié. OV Re 72379 AMASSÉES.. + se he 0 100 n?27 as comme leur conduite. D9272 radeaux ain yree$ 6 n17217 Et ou PAS qe 7377 ÉRUC Ct n71277 lés'enénes 7.21 07277 lecdésertas Lift 72701 (tu feras périne se" 2370 mortalité. ............ 727 basse. Me n®27-0237 et miel RUE fret Ù237 30 35 ho 45 5o 99 — 119 — écrétromes . ........ WEYIANIPNN MOIANONE . . se mue co Sir VITE gofanoneromes. ....... wD193129i2 polo Au + 2.0 +. NL 391 po es da 192 DU SAR ns sales De sos INSNDN seré ému .... so... JONN 90 LÉO CPP PEER IN 9917 OR PP ORNE ae UN pl des marchemenz. .... V30P 79 ab] MARCHEMIENZ, …. . sue» e Y20P 70 EDS ESC)... ss... (sic) D'TIN péchors. ............... WipND péchement.............. U3DpND cdesent AT à «4 DiN DIIIPNDIN lor péchâle rides NONPYD 55? lo poysson........... DD 19 son oncle..,,,,...... N?PIIN no satente. +. . PAS PPT NOIDU DIE M du de ue d. NOSNDVN delaole. Mig cc. N9INDT ésoles . sptaaéfihs à + 0 « w?iN UN iedlene test à 222 WIN DNNNN madrepolés-s .:......:.. W 713770 TOM AN PAR 2 0 à 0 à oo due: “ON 10 mes AMOrs. ........ D'NON DD Dos rare ete ft D IDN ras et nous multiplierons- É HU as doc ae n2731 ([n39] rangé sous une bannière. 5531 - 937 (nous) rangerons sous la BAMIÈEE SU au sed 1272 Hans... +... 927 bien sa 0. .. 127 = 27 Papas ha see 727 — 737 (je) serai agité. . .. .... NTIN — 171 dorée. 000. . nan TD — ue stupéñé. . ... voue 073 er 017 des pas {des chevaux). n19979 - 977 pas (des chevaux). ..,. n1777 OS Suns at : A1 DÉCREURS mu. acance OA = "417 ES SRE ER AIT 117 et (ils) les pécheront.. 03297 leur pêche (ce qu’ils ont LEE) Eee Eh D'OPTEE DN27 le poisson....,...... 1171 SOMONBle se cu ne da LUDÉ =] 2 An Dates de TER + 10 097172 sa, tante. .. oo. éflepats 2.7. ADP een ses e dans les pots”... . 2. et dans les pots .... VN73721 mandragores....,. | DN717n ie An usé à Re LE à Ines AMOUES . 4.0 2. 1717 dASUBSN A UN HR OM 0757 1 Le lamed (1) est surmonté d’un signe indiquant que FI est mouillée : péchäille ; cf. n° 101, 191, 192, etc. fol. 29, b. 60 79 — 120 — COrOSE. à 0 ee» à EE LI N5171P doierose 1... eee 717017 doléros..r2 tune CE CARRe 1717 doleros. 5, 44% .ure ARE PE 17717 come corement. ..... 03 TP ND 1P és dolorst. 21..7.,7,.1"%. w71917 D'NIN lor corement 02%. 2309 ip nr. lor robes. 2:1..1#i1e8 CEE Sin furet. anpénz.. ...... VIVDIN DE lajerbnt 2 nr 31927 Den. ee N93iD i amenuyséret. ..... DIVPNISDN N aMabise rc -.--cr-er NNDIIN ABUS CE cs 00 te ee FININDN alÉSeMENt. 2... : 4 col DIDINON atésement...,......4... DID ON serâs atéue...... FININVON VND + OS 4 LAON Vin DIN NN jugéret moi........ UM D jugement... ,.0% RE 03031) tancon’. Pin: tre euet .. j1220 tancons Mi A e 31930 étençons (sic)..... 231830 VN a og ei à ET Cle 1333 VN Sd AUPETEEC RE ne CCC AVIIAN e halerere tee AE De mPhE NN Ù femme quia ses menstrues! 111 — 1113 SOMrale. 52e se ee 117 souffrant, . TR n37 SOLAR re es ere 14 comme écoulement. . ... 179 sétfirances 040) 1170 leur écoulement (mens. trnel}Aree à «su se On leurs habits... 21170 furent repoussés....... 119 "Min (als) layeront, . -.... | ES pauvre....... M a 77 73 et (ils) rendirent chétifs . 3371 dans le mortier. . ... 121192 SMHBRCIEUSE. Let re 1947 - 017 silences opens 566 007 silence. . . ... aie LE sou 1970 tu tettairas.. A0 9170 etime: mont. ANUS 7820171 me jugèrent. ......... 3337 - N7 JuSEmENt. ALLAN EMONSE JT JISPULE. Ldiau te ohaa 2 TE disputants .......... 0379 et disputants...... D\3970 eLJUBE. NE Ce * Date PANNE Ja à juger: .....:..2.22e 27? et me réjouirai . ...... VIINT PI 1 Le mot est pris au verset d’Isaïie (xxx, 22): «tu les jetteras au vent comme une femme qui a ses mois,» ce qu'on explique généralement par comme le linge d'une femme qui, etc. Notre auteur traduit par corose, c'est-à-dire couleuse, celle qui a un écoulement. Cf. aux n°* 6o et 62. ? Ou haligucreré. fol. 30 fol. 30, 90 100 109 =. QUE me ékes jugement, ..... 03311 ÜUPYN A PIN INA .… DIINENTIUN gÉnerÂCION . .... r AT 1 agueneraçions ….. demendre...... dates N973907 ménement? ......... Fe DD) ÉRAMAR oo se dre « .. DNTIDIVN LES A EME EE : 2392 Batras li... Sa te du PUNINA D SERA MOUMNS eo à « à 302 NI NN come batement ...... 03003 NDip an son batement.... Dipnz No 3x batäyson ...... SEAT SAS JTNNUI son batement.......... 13002 ji les anpénz. ......... YJIVDIN bp, delanpéñement. . .... DIDINDINTT HeBpEnte. a... NOINDIN? HDRENA ans se a mes à «4e à VINDIN aanpéñemenz. ........ YJDSVDINN detreceront .......... 1319219907 TN. nel . «a L] L2 .2.e 5 GANTS s eteteluls à à «se 4 à s olens...............,... DININ abâste.....,,.......... NOUNON abâtement. DIDUNIN tee aacesas que jugement (?)....... 10 BÉRÉFation., an ssus su na Dig à générations ....... n11579 dé demeurer. ..,,,,., 7370 ce qui fait durer (le DR à à UN n7370 et (tu) battras {le blé). AN2 7 Hate TR cr nÙ7 (tu) la battras. .... n32417n et sera battu. ........ 21131 comme (le) battement. 3752 en son battement. .... sus le Pattase 250 4.44: D 37 SUR Haltage.. «Je: in 370 AES HÉDOUSSES 4e 73 du repoussement. ..... NuxLe) fi repoussée. 0 n3n71n TEPOUSSES nan se - OYD1n7 à repoussements. . nipn 70? mettront à l'étroit.... j1pn7* IE ES à « « « DE RÉRA CENT UE ECM CEE RCE au temps ....... AAC 70 susammENt 44 5e hné sue le Y3 CNT SUIHSANIOE: à ses à Le) l' 3:18 - 017 - 1n7 = pn7 = in ! Le tilde du g qui doit le changer en j a été oublié. — La finale con doit se lire en deux syllabes ci-on. 2? Notre auteur ajoute en hébreu : «à savoir bois et charbon; le sens de dor {radical du mot) est «durée de l'existence ». 3 Battre, dans les expressions qui suivent, a le sens de broyer ; il s’agit de l'action -de battre le blé. “ L’hébreu porte WN°I baträs et non DIN baträs, comme au n° 87; l'ä est cependant suivi d'un alef K qui indique lallongement. Lol da) ai 110 115 120 125 AAMENMSE, ep ne — 192 — dotens. MT une 04 ANR 2307 ERA dei et DEN 2 +anenkett CU de ve DNPININ ‘NX AMENUYSÉZ. es... VYINVIION YNPNITDN vb VYNIION N DIDPNIEN 917 les aménuyséz. ... lor amenuüysement ac As ERe--e .. UNION aponris A ve bee LAN TSIEN SCEREYECR SEL RE PE DIvpy é fu apovri........ .. YIDSDN 32 N povre.. TR ANT PAS N°39 ahañcéreL?.... . (sic) DINAN HÉDONreE ir beusuez 99297 SAINT. LR ne ss... VIOND Sale LU en HR NIDNU notre seNC. .. .. . ss. PIÙ Ni) des senc en ÙUp3Ù 07 lor céneon ee.) en 12273 ai, LÉNÉONS ARR eLL LS 23123919 ONE SES So NAN ES AT EN DNDN é seront atéuz.. YINYYN D3i72 NN du temps (du mois)..... %10 ; DOTCLEAR + « 0 ne du sion PY7 et en (avec) encre .. .. 1723 les humbles (d'esprit)... 3N37 -[77] les humbles. ..... DN217Dn étihnimble..s it... 12731 leur humilité. ........ 027 (tu) te rendis humble. .. n°27 (je) devins pauvre... .. 90109 2 93 se desséchèrent (tarirent). er et il devint pauvre. ..... 5 pauyre......... RE La (mes yeux) se levèrent. .. 197 de pauvreté... 7." n°219 SAAB: ect 350-1303] SAUTER CL PAPER 55 noire sans... ce. 12297 - 07 (la voix) des sangs...... 197 le prix de leur sang..... 007 (les) prix du sang rate 01 se turent. 2.44 sos VOOR etise tairont. ..:.....0 197%) 1 C'est-à-dire échafaud. L'hébreu signifie retranchement, tour, bastion. — Ce mot est suivi dans le texte de noms d'animaux que l’auteur n'a pas su ou n'a pas voulu traduire; ce sont dayah (vautour?), dayoth (vautours?) , dokhiphath (huppe?): il explique ces mots par : : «nom d'oiseau, nom d'oiseaux, nom de reptiles.» Ge fait se reproduit plusieurs fois. Ainsi, au début même de la lettre 7 (d) , le mot daah (milan?) est expliqué seulement par «nom d'oiseau», fol. 32 b, au mot 77, on lit «pierre précieuse brillante ». ? Le mot hébreu est ponctué d’une manière confuse; il faut lire sans doute simplement uhacéret, d'un verbe ahacier —ahausser —adaltiare. Ces deux glosses sont des additions marginales un peu postérieures. Cf. la note 4. * Le mot sang signifie au pluriel en hébreu sang versé criminellement. 139 140 145 ; .. — 923 — Ù a'alesements %. 4 s seu DIDTYON N à silence. .......... n00 79 ER TR bu Solos te N'IVOMN ESplre. Jsssessss ve 017 MORT Jade ds 2% C5S à NOUYN N et s'arrêtera {le soleil). 017) é reflendirà (sic). .... ND73057 VN (autre traduction). .... N esse de d'ail sos 22309 je comparai....... n907 — 107 foret assenbléz.. . .. yNoaun DD furent comparés. ...... 192 anton senblement . . D3D?33% JDN à ta ressemblance... ... 7972 é sanbletune ....,... NI 7230 *N et la ressemblance .... 3273 1,10 CRMRORARIRNR NON 2 je me suis tu..... ... 097) an atésement ....... UODBMENIN, remisiience 52: 242000 "212 PANSAMES eee cle ÜONU3D (nous) pensämes...... 13927 ÉpCnmnEsn ds 2 3 AMEN UONTDNN (autre traduction) ..... iN AleSementt LE OBIEPPES nee ue ce drdiissrde "on HESCMIENE SE PA. ee neuee DIPIPÈON. ÉHERCPMT nY017 RTS DORE LS dd hote < DA) “(ele )itairas. 2. nn en Late ®13 MINON (il) nous fit taire. . ... LPLeRTE FESSES FU . N9®3D (pensant ous ie 17) LUS RTE RRMRIONE ESS Ne 1 1pr 0 (lw) penseras.. nn CONS VERS D LA Li 5: vins NDip comme fumier ....... 19172 - 397 AN dise D'INND TUE Ts es de n39 70 a Co FRS ET EEE DIN 0 pientant ss 0 le 3107-[Y07] ! C'est-à-dire espérames. ? Ici, à la marge inférieure, de la même main qui a écrit les deux glosses du haut de la page (cf. n. 2) et qui a écrit ies notes du premier folio, et quelques autres cà et là dans le dictionnaire, sont écrites trois lignes de citations hé- braïques avec la traduction des mots importants au-dessus. Voici les mots fran- çais : DIVXNT hâcéret; ANNE I depoysor (?), ce mot n'est pas ponctué et sans doute doit être annulé, car il ne correspond pas à un mot hébreu comme les autres ; DJPND, NYVID, WIND IN, poisent (pesant), poisa ou Pie WpP372 PAS. detes brenches ; N°19$37, NY53[I (de)gote, degotera, Dvxp i win NL? chacéret, chacera os; SDIONN aalumer (non ponctué); D3193D3N *N DiN à enpanront os; Chr läys (huis); CYAN FD ton üys; D'VIN win anson üys. 3 Synonymie intéressante. fol. 32, a. 159 160 165 170 — 2h — élalerme deton Me trouyl'.. 29370 7107 ND 20N écachéret moi. ....... Die) DIN étend eee creer NITIVNONN blâtenge. .... ...:...,.. NON 23 ébatrontiast 4-2 UN D3NDAINN meteo iUsee N9V NDP AMENUYSE . ss... NOIJON iamenuyseràs. ...... UNTIIIONIN aamenuyser. .« +... TOPNIONN pneus ER secoue 120 25 LE mio 0e 3 ONE WiPNN seront payrcéz?...,. YYX TND 3170 pay » | Ut anpercemenz. .. .....e VID INDIN PEnCez.L =... -msbrese 8992 Ps LL NE ARR N11P379 come arondèle.. ... NINTIIIN NDP Irene; Le eee CR eeCr NP37D avorissement . ........ MIDU)IIIN TS (Ed RSA Pat à 8 24 411 fé marcher nos..... © 297 ND VAN ARENMERR ON PMRRRR. RASE FINNNI come cotume........ NDWD IP NDÏP sacotüine + HO MUR UE NOW IpPD tanidra Sue DURS (sic) 9730 ) (elle) pleurera . ...... Y07n ni PPOPRETERT 2317 - 2337 et le jus de ton pressoir. 797) m'ectasetente sut cute 29297 = 727 éteindra (leur lumière) .. 7971 DÉqaee RER Bu US 9917 —- 127 et les frapperont. . ... 01pD71 - DT comme toile. ..:...... 7172 qui réduit {en pous- sEsbleest à « (n5ÿ?) P2n = [PT] et (tu) réduiras (en poussière) ...... nP*19) réduire (en poussière)... pP7n PERRET É es ve Ne COR et celui qui a une taie (dans l'œil)... .... ... PT et seront transpercés. .. 17p 11 — 7p7 en blessures (faites par l'épée, lalance). N19P 792 LTANSDEFCES. ce D"pTD DEEE ee eee een eee 7197 - 97] comme l’hirondelle.. .. 71973 MT, seen ete L'or objet d'horreur. ...... INT — N°97 du degré {de l'escalier). 719701 CRE fais-nous marcher ... 122971 — 117 ROLE NANE RAR ANNE € 773 comme (la) coutume... 7772 sa coutume :: 000 : 1297 (il) idinisera Ce ee 7197) ! Le mot hébreu que nous traduisons par Jus signifie proprement larme. ? Evidemment erreur de ponctuation; lire percéz; cf. n° 164. * Erreur de ponctuation: N973% tanidra pour N°973% tanedra, c'est-à-dire tandra. 179 180 189 190 — 1925 — PONUOr. Mere. 1720? DROLE DZ A de He mans die 'enre srémekerwiss laure ab 17p9 92 PORTAL 79P9N dm des ae ele ne Kit CAL RTL che. VIP 1 echéérehoain cas. DANNNIINN De Vo EE A dr HN YANN ES STARS NINTITNN EE RE NES V270N BRAS SUSRODS SE A JESIS UE UN Re = de he a ee de 0 oh UNI HDOTESSOU LE. ss ose à NOYNIIIN delacendre. ............. N973277 ie RE ES fur Ibn *: 151: Re 7 NDiP come égulons . . . D'ATIAN ND\p ieeuloninos. en biu.e ar N D cdbni 7.4. PL | 19p SN ÉREMAVES es à ot ue D'INJIDNN Est finie la lettre daleth. celui qui dirige. . .... 7717 recherchant. ... .... DIIIN —- 277 (je) serai recherché... ©77IN à rechercher ....... WN9T? je AO RPCE DT77N recherchés. . :.... O1 se couvrirent d'herbe .. INT =N®T fol. 33, a. nourrie d’herbe........ N27 se couvrira d'herbe ... NUTIN heghe ns 1.0 ND gras (au singul.)....... J27 - j07 gras (au plur.)..:... 0307 CH ADRESSE ds 1272 de lascbndré, she 1277 etriadlor 2.2 os 7972 -1[n7] Cornime IA 101... s à c'e n72 comme aiguillons.. 11212772 Faiguilons? 4.20 12971 ot chardon * HAUTE Tin et drachmes... .. 0%3593971 nb mix nèon Le dictionnaire s'étend du feuillet 1 b au feuillet 211 a ,-se divi- sant en vingt-deux séries : Alef (1 b); beth (13 b); ghimel {21 b) ; daleth (28b);hé(33b); vav (37 a); zaïn (37a); heth (41 a);teth (57b); yod (60 a); kaph (73 a); lamed (83 b); mem (88 b); noun (98 b); samech {115 b); ! L'auteur explique que la forme hébraïque w 970 , qui est assez bizarre, a la même valeur que ©1972, «à rechercher». =? Remarquez la différence de ponctuation de gras au singulier et au pluriel. Au singulier N°93 gräs, au pluriel N°73 gras. Dans les deux cas cependant le ? est suivi d’un alef qui doit indiquer un allongement. fol. 3378 — 4926 — ain (123 a); pé (138 b); çadé (149 b); koph (158 b); resch (167 b); schin (180 a); thav (205 b-211 a: 2 lignes). Le verso du folio 211, laissé en blanc, a recu diverses notes postérieures: d’abord, en caractères italiens du xvn° siècle, la si- gnature suivante: Seli ze maian chodes mose menica ezig, trans- cription italienne de mots hébreux signifiant : « À moi ce (livre in- titulé) source sainte. Mosé Menica Itzig; » puis en grands carac- tères hébreux quelques mots signifiant : « À moi ce livre appelé source sainte; » le reste, qui contenait un nom, a été effacé, sans doute-par un propriétaire postérieur. J’y lis sûrement Joseph, et après, peut-être David. Je propose la restitution Salomon bar Joseph David en me référant à la signature Salomon bar Joseph qui se trouve à la fin du livre. Entre le feuillet 111 et 112, un feuillet blanc a été coupé par quelque propriétaire qui ne voulait pas perdre une belle feuille de parchemin. Le recto du folio 212 laissé en blanc par l’auteur porte quelques signatures du xvu° ou du xvin siècle en lettres italiennes: Ani israel ben lurim (?). Ani chamae ihuda. — Ani est hébreu et veut dire moi. Au verso commence la seconde partie. Seconde partie. —— Grammaire hébraïque. La préface de la gram- maire qui occupe le folio 212 b et 213 a, jusqu'au commence- ment de la colonne 2, a été partiellement publiée par M. Neu- bauer. Les paradigmes de la conjugaison, écrits en grandes lettres hébraïques carrées, sont disposés sur deux colonnes; ils sont ac- compagnés d’une traduction française écrite en petites lettres hé- braïques carrées. Sur les marges et entre les colonnes se trouvent cà et là, en hébreu, des observations grammaticales. Pour l'intelligence des extraits qui vont suivre, il est bon de re- marquer que la conjugaison hébraïque se compose de trois voix actives (simple, intensive, factitive), de trois voix passives cor- respondant aux trois voix actives et d'une voix réfléchie ou moyenne. Chaque voix comprend cinq temps: l'infinitif, l’impé- ralif, le parfait, le participe présent, le participe passé et le futur. L'infinitif est quelquefois considéré comme un substantif verbal. Les divers temps des verbes peuvent se conjuguer avec des pro- noms régimes qui se soudent à la forme verbale; ex.: pakadtha, « tu as compté »; pakadthant, « tu m'as compté »; pôkéd, « comptant »; <<. 6e — pôkdi, «mon comptant, » c'est-à-dire celui qui me compte, etc. Enfin, souvent à l’intensif, le verbe change de signification. Nous allons passer en revue les plus intéressantes des formes françaises qui traduisent les paradigmes hébreux. Le premier verbe conjugué est 3p9, pakad, compter, type des verbes actifs réguliers. M. Neubauer a reproduit le paradigme du passé de ce verbe; il est inutile d'y revenir. Je note le participe présent content pour le masculin et le féminin du singulier ; contenz pour le masculin et le féminin du pluriel. Le substantif verbal, c'est-à-dire linfinitif pris substantivement, est contement. À la voix intensive où le verbe hébreu est traduit par comender, le substantif verbal est comendize. Au passif et à la voix factitive sont conjugués comme auxiliaires étre et faire, verbes que nous retrouverons plus loin. Le verbe juger (et non jugier) n'offre rien de particulier (fol. 216 a, 1-b, 1 et 2). Fol. 217 a et sqq., le verbe pakad est conjugué avec les pro- noms régimes; les formes françaises de ces pronoms sont lui, toi, moi, 0$, vos, nos, — li, éles (une fois èles, 217 b, col. 2, en bas). Fol. 2184, 2-219b,1, le participe présent et le participe passé (ayant la valeur de noms) sont déclinés avec les adjectifs possessifs : son, (on, mOn, lor, voire, notre conter ou conte. ses , tes, mes, lor, VOS, nos Contors où contes. sa, ta, ma, lor, votre, notre conteresse ou contée. ses, tes, mes, lor, vOS, n0S Conteresses Où contées. Après la conjugaison complète du verbe régulier pakad vient celle des verbes irréguliers hébreux nagasch (approcher) APRIMER ; nalhan (donner) noner, dont les formes françaises n’offrent rien de particulier; yadah (savoir) qui présente des traductions inté- ressantes. | PARFAIT. 1e = re A 0 HDÉESA ES. 08: ©. il sut. 1"° pers. m. pl. . somes.. nous sûmes,. A PEUR HE. 5. -050S. 7. UD Sue. De DELSA ES ao SU je VOUS SEE D perSi S:-4 SO. :.. Je JUS À PERS ÉS - 44 SUSsre à URSS 2° pers. f. pl... sotes... vous sûtes!, 2° pers. m. pl. . sotes... vous sütes. ! La troisième personne du pluriel a été oubliée, sorent ou mieux soret. — I MISS. SCIENT. — IV. 28 — 128 — PARTICIPE PRÉSENT. = m. s.. sunt(sic, non ponctué) sachant. LS A SADENT. … - « à ce LOU sachante. 6 à ra ae sachants. 1. BE SNUERZ he ... sachantes. PARTICIPE PASSÉ. MAS SG. ea su. LI JS. SAS OMS, 2 ri, sue. mn. DL SUE..e .q sus. FL ADL Sue OR er sues. ’ L 1 IMPÉRATIF. 2 Mpers. In. SEM. säches. 2° pers. f. s...... säches. 2° pers. m. pl. .. sächéz. mE APEESET ue sächez ?. INFINITIF. asavôtr. FUTUR. res De € x 1 px 1 pers MS. - = PSaUre . 2° pers.ïn. pl, «. :saunée 3° pers. m.s.... savra. 3. pers. ES ee ec CDI 2° pers. m.s savras. JPHpETS. SEULE - savras. 1 pers. m. pl... savromes. 2° pers. f. pl. ,... savréz. 3° pers. m. pl.... savront. La conjugaison passive se composant de la conjugaison du verbe étre et du participe passé, nous n'avons qu’à donner ici les formes de l’auxiliaire. PARFAIT. e _ e A3 DRAP EC LE fu. dpt ADR. EC. e h e A 2} PES. SON Jusa ; 2 JDE Le - eu futes. 2 POS er 4: fur. a pors. LE RSR Jfumes. est inutile de faire remarquer que l'hébreu a une conjugaison spéciale pour le féminin à certaines personnes et à certains temps. Quant à l’ordre dans lequel se suivent les personnes des temps, chez les grammairiens hébreux généralement, il est inverse de celui qui est adopté dans les grammaires françaises. ! Remarquons le z du pluriel masculin et ls du pluriel féminin. ? Remarquons ces formes étranges de l'impératif : säches avec à long et s finale DPNU avec N sachéz avec à bref vrPw sans N Comme les formes sont données deux fois pour le singulier et deux fois pour le pluriel, on ne peut pas les mettre en doute. * Le » du futur est bien un v et non un u; l’hébreu le rend par un 2 btildé qui ne peut avoir que la valeur d’un ». * Erreur pour fus : fus d’ailleurs se retrouve partout dans les autres conjugai- sons. — 199 — PRESENT. M RER il eu PT Moi D. Der. Phi à SON. À IMPERATIF. 2 Dors D... PER says. 2° pers. Dern Pr. seryz!. INFINITIF. a étre. FUTUR. ri NE MERPRTR ES serd?. 1° pers. pl. …..... Seromes. de DErS 6 QRF 9x sera. 3° (ent à AR Lis seront. PERS Se ed ur seras. 2 PEER Plus: NS EPES. Voix factitive : faire savoir. Nous donnons le verbe faire PARFAIT. D DT SE 22 2 se VA | de 3 DETS- DL: Lee 25 ret. P s P P e e D DER art CNP. D PES Die es eee Jutes. UT PORN f. HN DerSLpl "JUNE. PARTICIPE PRÉSENT. nrrets. £.0 pb. .LGs . fesent. m. et f. pl Lobe 33 £ fesenz. IMPÉRATIF. Emi: :: © je TOO E gr DÉPERS DR eee fêtes. FUTUR. , WApes. SALUE feré. L OPDÉFS BRUN, DL feromes. Up Sans 45 fera. Supers plus 49: feront. FRET SNS} Poe feras. D DES D seschr ferez. INFINITIF. a fayre. _ La voix moyenne du verbe « yadah » savoir, est rendue par étre connu. Les formes données dans notre manuscrit se réduisent aux 1 Ces formes sont les formes normales de notre texte ; dans sebys , l'y représente un yod, le est muet. 3 On trouve aussi seré, ainsi 225, 6, col. 1, etc. 28. — 1350 — suivantes : akeneü, akeneüz, akeneüe, akeneües. L'infinitif est con- jugué ici aussi complétement que possible. de étre akeneü an étre akeneü! a étre akeneü 1? étre akencü. come étre akencü Le verbe decovrir (fol. 229 b et sqq.) se présente sous deux formes : decouvrir et decrovir, employées, ce semble, indifféremment. PARFAIT. decrovit, fol. 230b, 1. decovrit, fol. 229 b, 2. decrovis. decovris. decrovi. decovri. decroviret. decovrirel. decrovites. decovrites. decrovimes. decovrimes. LA « IMPÉRATIF. decrove, 229 b,2,230b,2. decrovez. FUTUR. decroveré, 229b, 2, et a decrovir, 229 b, 2 a. 2905 290 42: decrovir, 231 a, b. decrovera. a decovrir, 230 b, 2. decroveras. decovert(-erz,—erte, -ertes), passim. decroveront. Cette forme évidemment ne peut decroverez. subir de métathèse. Je trouve ensuite pancher (et non panchier); jiter (et non getier); anpléer. Ce dernier verbe, qui est pris au sens de achever, a deux formes dont l'impératif donne le type: anplaye, anpléez. Il traduit la voix active de l’hébreu thom (finir, achever); quant au passif de thom (étre complété), il est rendu par étre antriné. Viennent après : ovrer et porvanter (por vanter, 238 a, 2); apeler (impér. apèle, 2 fois, 238 b, 2,239 a, 1 ; futur, apéleré, etc.) ; parlever, qui fait à l'impératif parlive, parlevez, au futur parleveré, -ras, -ra (une fois parlévera) , -romes, parléverez (deux fois), parleveront. ! Proprement dans le (èv r&) étre akeneü. ? I, c’est-à-dire et; remarquons ce changement de et en 1 devant une voyelle. — 31 — J'arrive au verbe yarah, « craindre, » dont les formes françaises sont intéressantes. PARFAIT. « e È a. » e y . DDR eee «= «07 énsit. > PES DE. crénbiret. D PR ne - ChENOTS. 27 Dé U-ne- crénbites. Epérs.8,/240 07 Erdbt. 1" pers. pl...... crénbimes. FUTUR. re , /] re , Noperssss ace crénb(e)ré 50 n'persypla sf crénb(e}romes. e ns ne e 1 D PELS: 8... Crénb(e)ta. ;. 9°: pers: pl. ...: crénb(e)ront. ENS See crénb(e)ras. 2° pers. pl...... crénb{e)rez. PARTICIPE PRÉSENT. lue, crénbent. pl... crénbenz (sic), répété 2 fois. IMPÉRATIF. MS... .< ren: (IS S SE crén. m.pl.. crébez?. f. pl... crénbez. PARTICIPE PASSÉ. F2 AA RS TR crénbu. RSR en nn crénbue. ma pl... crénhns. £. pl RAT dr a) crénbues. PASSIF. créint. creinte. créintz (sic). ” | creintes. L’: fait parfois défaut: crent, etc. Une fois par erreur furet crent pour furet crenz, fol. 241b, 2 ,en bas. INFINITIF. acrénbre. La grammaire finit par la conjugaison de verbes hébreux tra- duits par governer et étre regrezeli (grillé). Le manuscrit finit fol. 243 a, moitié de la col. 1. Le reste du folio 243 est occupé par des notes dont j'ai déjà parlé. Arrivé à la fin de cette analyse, nous avons encore une question à examiner. Quelle est la date du manuscrit? M. Neubauer, se fondant sur l'absence des abréviations 93 (que sa mémoire soit 1 Je mets le e entre parenthèses parce que le scheva qui le rend dans la trans- cription hébraïque est peut-être quiescent, malgré l’autre scheva qui le précède. ? Sans doute crebez est un lapsus calami pour crénbez. — 132 — bénie) après la citation du nom de KR. David Kamchi, suppose que l’auteur écrivait du vivant de ce grammairien, c’est-à-dire au x°siècle. Ce n’est pas notre avis; l’abréviation a pu être omise par l'auteur. Rien à conclure de cette particularité. Rien non plus à tirer des caractères extérieurs du manuscrit, dont l'écriture, qui est carrée, n'offre aucun élément précisd'’information. Restent les formes françaises qui nous reportent incontestablement au com- mencement du xiv° siècle, au plus tôt. Serait-ce une des dernières œuvres des Juifs de France emportée par son auteur en Italie où il se serait réfugié après le décret de bannissement de Philippe le Bel? Peut-être. | À. DARMESTETER. RAPPORTS SUR UNE MISSION LITTÉRAIRE \ EN GRECE, PAR M. ÉMILE LEGRAND. PREMIER RAPPORT. Athènes, le 31 juillet 1875. Monsieur le Ministre, Je ne suis encore qu'au début de la mission littéraire que vous avez bien voulu me confier, mais les résultats que j'ai obtenus jus- qu’à ce jour sont déjà si importants que je. crois devoir vous en informer. . Dès le lendemain de mon arrivée à Athènes, je me suis mis à l’œuvre. Grâce aux obligeantes indications de quelques amis, je me suis rendu dans plusieurs villages voisins d'Athènes, où se trou- vent des vieillards qui savent un très-grand nombre de chansons populaires et de contes. Ainsi, à Ambélo-Kipos (l'antique Alopèce), _ j'ai écrit, sous la dictée d’une vieille femme, trois contes et vingt- deux chansons. Un peu plus loin, à Khalandri (ancienne Cholar- os, patrie de Périclès), une autre vieille m'a dicté sept chansons et deux contes, ces derniers très-curieux, attendu qu'on y trouve comme un lointain écho de Fhistoire d'OEdipe. Au village de Ménidi, j'ai fait une abondante moisson de distiques, de proverbes et d'énigmes. D’Athènes, je me suis rendu à Thèbes, Livadie et Delphes, et sur ma route j ai pu me procurer encore une grande quantité de documents dans les dialectes du pays que j'ai traversé. Un vieux papas, originaire d’Andros, chez qui J'ai passé la auit, ma remis un volumineux cahier contenant des chansons — M5 — historiques de la fin du siècle dernier et du commencement de celui-ci. Une de ces chansons mérite une mention toute spéciale : c'est celle qui célèbre les exploits du fameux corsaire grec Lambros Katzonis contre les vaisseaux turcs. Les chansons maritimes sont de la plus grande rareté, et celle-ci a en outre le mérite de nous donner de précieux renseignements sur l'histoire d’un personnage encore mal connu et qui fut pendant longtemps la terreur des Ottomans. À Delphes même, j'ai écrit, sous la dictée d’un invalide des guerres de l'indépendance hellénique, plusieurs chants historiques, dont l'un relatif à la mort glorieuse de Marc Botzaris. La petite- fille de ce vieillard m'a écrit elle-même deux jolis contes, dont l'un contient quelques traces de l’histoire d’Andromède. De retour à Athènes, je suis allé à Syra, où l’on m'avait dit que je trouverais de très-nombreux documents. On ne m'avait pas trompé, car les deux jours que j'y ai passés m'ont suffi pour recueillir deux mille vers. On ne possédait que fort peu de chose sur le dialecte de Syra; ce que j'ai entre les mains permettra de l'étudier dans ses rapports avec la langue ancienne et les autres dialectes helléniques. Je dois ajouter, Monsieur le Ministre, que même à Athènes je trouve chaque jour des personnes qui se font un plaisir de me dicter des chansons et des contes populaires, ou qui m'en commu- niquent des copies. Hier encore, un vieillard, originaire de l'ile de Chypre, m'a remis dix-neuf pièces, excessivement intéressantes, dans le dialecte de son pays. Aux documents d'origine purement populaire, que j'ai recueil- lis, 1l faut joindre encore de précieux manuscrits autographes d’un poëte célèbre, Jean Vilaras. Ces manuscrits m'ont été généreuse- ment offerts par M. Th. Orphanidès, professeur de botanique à l’université, et l’un des poëtes les plus distingués de la Grèce mo- derne. Jean Vilaras a publié de son vivant un petit volume de vers, qui a été réimprimé à Zante, il y a une vingtaine d'années. Les poésies que je possède sont entièrement inédites et sont dignes de la réputation dont jouit leur auteur; elles ne comprennent pas moins de mille à douze cents vers. Jean Vilaras a écrit dans le dia- lecte de l'Épire. Lundi, 2 août, je partirai du Pirée pour me rendre à Calamata, afin d'accomplir le voyage que vous m'avez prescrit de faire dans la Laconie. | Permettez-moi d'ajouter en terminant, Monsieur le Ministre, que — 135 — j'ai trouvé auprès du Ministère grec le plus bienveillant accue 1 M. Rhallis, ministre de l'instruction publique, s’est mis de lui- même à ma disposition pour me faciliter la mission dont vous avez bien voulu me charger et que, Dieu aidant, j'espère mener à bonne fin. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance du profond respect avec lequel je suis de Votre Excellence le tout obéissant serviteur, Emile LEGRAND. SECOND RAPPORT. Paris, le 31 octobre 1875. Monsieur le Ministre. Le 31 juillet dernier, j'eus l'honneur de vous adresser d'Athènes un premier rapport relatif à la mission littéraire que vous aviez bien voulu me confier. Les intéressantes découvertes que j'étais heureux de vous si- gnaler, il Y a quatre mois, au début de mon voyage, n'ont fait que se multiplier au fur et à mesure que j'élargissais le cercle de mes investigations philologiques. Je puis dire que le succès de ma mission a dépassé toutes mes espérances; et, après que je vous aurai fait l'exposé de mes travaux, peut-être reconnaïtrez-vous vous-même , Monsieur le Ministre, l'importance des résultats acquis. J'aime à croire que les documents de toute sorte que j'ai re- cueiïllis durant mon séjour en Orient ne contribueront pas peu à faire connaître ei apprécier dans notre pays une branche vivace de la littérature hellénique presque complétement ignorée, et pourtant si digne d'attirer l'attention des philologues. Ils trouve- raient, soit dit en passant, dans l'étude de la langue grecque vul- gaire la solulion de questions ardues, que le dédain qu'ils pro- fessent pour cet idiome les met presque toujours dans l’absolue impossibilité de résoudre. Le présent rapport ne sera, Monsieur le Ministre, que le ré- sumé très-succinct de mes recherches littéraires; je me bornerai, LL — 136 — | aujourd'hui, à vous en indiquer la nature et l'importance, me réservant de vous adresser, ultérieurement, un exposé plus déve- loppé, avec les documents justificatifs à l'appui. Je grouperai sous quatre chefs principaux les documents sé que je rapporte d'Orient : ° Les monuments exclusivement populaires, dont l’auteur est très-souvent inconnu et qui sont, en majeure partie, l'œuvre com- mune de plusieurs collaborateurs travaillant séparément sur une même donnée. Tels sont les chansons, contes, fables, proverbes, énigmes, dictons, adages, etc. ; 2° Les récits populaires (en langue vulgaire) de faits histo- riques ou fabuleux ; 3° Des poésies inédites d'auteurs connus d’ailleurs et d'auteurs tout à fait inconnus :; 4° D’anciennes éditions de livres en grec vulgaire, auxquelles leur excessive rareté donne presque la valeur d’un manuscrit ori- ginal. I LES CHANSONS. Les chansons populaires que j'ai recueillies se divisent naturel- lement en plusieurs catégories Historiques, Religieuses, Romanesques, Funèbres, Amoureuses. Avant de passer à l'examen de chacune de ces catégories, Je dois vous déclarer, Monsieur le Ministre, que la collection de chants populaires inédits que j'ai entre les mains ne comprend pas moins de vingt mille vers de différentes mesures, mais la plupart de quinze syllabes. Chansons historiques. — J'en possède de plusieurs époques, mais les plus anciennes remontent au x° siècle; elles sont facile- ment reconnaissables à leur style byzantin, et au nom des héros 1 — 137 — dont elles célèbrent les hauts faits. Quelques-unes de celles-ci sont consacrées au récit de certains épisodes de la vie aventureuse d'un guerrier contemporain de Constantin Porphyrogénète, Basile Di- génis Akritas, dont je publiais naguère l’épopée, en collaboration avec M. Constantin Sathas !. Ce ne sont pas, on le comprend, les moins curieuses et les moins intéressantes; elles éclairent d’un jour nouveau l'histoire de ces chevaliers errants de l'empire by- zantin, connus sous le nom d’akrites ou gardiens des frontières, sur lesquels les annales ne nous fournissent que des détails confus et peu nombreux. Ces chansons nous révèlent un des côtés les plus pittoresques de l’histoire byzantine, sous la maison macédo- nienne; elles semblent autant d'épisodes détachés d'une grande épopée aujourd'hui perdue ou simplement inconnue, et présentent une trés-frappante analogie avec nos chansons de geste. Tous les événements qu'elles racontent ont eu pour théâtre soit les plaines de l’Asie Mineure et les bords de l'Euphrate, soit les sauvages dé- filés du Taurus et de l’Anti-Taurus. Il en est d’autres d'une époque plus récente et relatives à la conquête turque, dans lesquelles le rhapsode populaire déplore la prise des villes d’Andrinople, de Constantinople, de Trébizonde, et de plusieurs autres grandes cités de l'empire byzantin. Chose curieuse et digne d’être signalée , il n’en est pas une qui n'exprime l'espoir d’une revanche, et qui ne contienne le germe de ce que l'on appelle aujourd'hui « la grande idée ». Les chansons historiques des xvi° et xvn° siècles sont relati- vement peu nombreuses. C’est surtout dans la seconde moitié du xvin° siècle que la muse populaire semble prendre à tâche de multiplier ses plus belles productions. La révolution crétoise de 1770, provoquée par l'inquiète ambi- üon de l'impératrice Catherine, donna naissance à plusieurs chan- sons d'autant plus précieuses qu’elles constituent, pour ainsi dire, les uniques documents que nous possédions sur cette lutte achar- née qui eut, elle aussi, ses héros et ses martyrs. Lors de son voyage en Crète, M. Georges Perrot avait déjà re- cueilli une longue chanson où sont narrés la révolte et le supplice ‘ Les exploits de Digénis Atkritas, épopée byzantine du x° siècle, publiée pour la première fois, d'après le manuscrit unique de Trébizonde, par C. Sathas et Emile Legrand. Paris, Maisonneuve, 1875. — 1358 — du chef principal , maître Jean de Sfakia, et à laquelle j'ai donné place dans mon Recueil!. J'en possède une version nouvelle, qui diffère sensiblement de la précédente et qui nous fait connaître plusieurs particularités d’une certaine importance historique; je possède également une autre pièce, où est racontée l'attaque de Sfakia par l'armée turque, en 1770. La série des chansons hisloriques se termine par celles qui sont relatives aux guerres de Souli et de l'indépendance hellénique, et quelques autres inspirées par des événements plus récents et ayant vivement frappé l'imagination populaire. | 2° Chansons religieuses. — Elles peuvent se subdiviser en plu- sieurs catégories : 1° celles qui concernent la Noël, la Passion et | les différentes fêtes que l'Église catholique a instituées en l’hon- neur de Jésus-Christ; 2° celles en l'honneur de la Vierge Marie; 3° celles en l'honneur des anges et des saints. Parmi ces dernières, les plus curieuses sont celles relatives à saint Georges, l'un des saints les plus vénérés dans l'Église grecque; toutes roulent inva- riablement sur une légende dans laquelle il est très-facile de re- trouver le mythe bien connu de Persée et d'Andromède. 4° Il est enfin des chants religieux, auxquels on pourrait donner le nom de Cantiques spirituels; ils sont absolument dépourvus de poésie ; c’est de la prose mesurée et rimée, rien de plus; mais, au point de vue linguistique, ils sont loin d'êlre sans mérite. C'est surtout sur la Passion que s'est exercée la verve pieuse des fidèles. J’ai entre les mains une collection de vers relatifs à tous les épisodes de cette longue agonie de l'Homme-Dieu, depuis le Jardin des oliviers jusqu’au Calvaire. Pas un détail n’a été omis, rien d’important n’a été oublié. J'en ai une autre sur la colonne de la flagellation, sur les trois chants du coq, sur le roseau que l’on plaça dans la main de Jésus-Christ et la couronne d’épines dont on ceignit son chef sacré; sur la descente de croix, l’ensevelissement, la Mater dolorosa, la Résurrection, l’Ascension, la Pentecôte, etc. Ces vers pieux se récitent plutôt qu'ils ne se chantent et ne sont guère répandus que parmi les catholiques de Syra et de quel- ques autres îles. La langue dans laquelle ils sont écrits dénote un ! Recueil de chansons populaires grecques, recueillies et traduites pour la première fois par Emile Legrand. Paris, 1874. — Un volume in-8°. — 139 — auteur familier avec le grec de l'Evangile et des écrivains ecclé- siastiques. 3° Chansons romanesques. — II est quelquefois assez difficile de les distinguer des chansons historiques. La plupart relatent, en l'embellissant de détails imaginaires, quelque acte de brigan- dage, quelque aventure d'amour, le récit d'un naufrage, ou bien encore les angoisses d'une mère qui a perdu son enfant. 4° Chansons funèbres. — Elles sont excessivement nombreuses et varient suivant l’âge et la condition du défunt. | 5° Chansons amoureuses. — Elles sont ordinairement les plus belles ; le Grec y répand les trésors de sa riche imagination ; il s'y réfléchit, comme dans un pur et fidèle miroir, avec ses qualités et ses défauts. Les distiques surtout présentent souvent des beautés frappantes, de gracieuses images condensées en deux vers, presque toujours rimés; ils sont exclusivement consacrés à célé- brer les charmes de la bien-aimée, à formuler un vœu, à expri- mer une espérance ou des regrets. Je ne puis résister au désir d'en citer ici quelques-uns. Ayyelumn Guwvn muouoa dm domuério oTôua, Ioÿ dvuolaives Tods vexpods nai réoi Pyaé dm Tù yüua. D'une bouche d'argent j'ai entendu une voix angélique qui ressuscite les morts et les tire de terre. Âyd0ve pou yAux6Gwvo, mpaoivo@repouddro, Iloù years Td adyepivd ‘s Ta GpÜdia o° dmoudTw. Mon rossignol au doux ramage et aux vertes ailes, tu as l'étoile du matin sous tes paupières. Taldéo mou yapotGalo xn äompo pou veparrédvbs, Méo” ‘s T9 xapdié pou o Ébala, TprayraQu} Aid uè T àävOm. Mon œæillet bleu, ma blanche fleur d'oranger, mon rosier fleuri, je t'ai mise au milieu de mon cœur. 5 Ta péria oov p ÉTéËare mévra và p' éyaroûve, Kai rwopa med dv Sélouve pudy pa va pè ’dodve. Tes yeux me promirent de m'aimer toujours, et maintenant ils ne veulent plus même me voir une heure. L — AO — Didra Doù TpôTe TOÙs venpods, yià PôTe pme x Épéva, Tati pè mahabwoave dud paria moumiouéya. Serpents qui mangez les morts, dévorez-moi aussi, car deux jolis yeux m'ont rendu fou. Ayamé và oë xuTTdèéw moûoa Évas xpuoès has, Tÿs Dpayräs Td Viaceudu, Ts adyÿs d peveËés. J'aime à te contempler, Ô toi qui es une tulipe d’or, un jasmin du pays franc, une violette de l aurore. Ildpe, yrarpe, T yrarpixd xai OUDE ‘s Ty dou}EIG OU, Tdv môvo Ts xapdobas pou dE ypaGour Tà yaprié oo. Médecin, prends tes remèdes et va-t-en à tes affaires; des souffrances de mon cœur il n'est point question dans tes livres. Hyaoa vis éAmidais pou, où Toù devdpiod Tà EL) da, ÔToÿ Tà maipret à dvepos nai uévouve Tà ÉUa. J'ai perdu mes espérances, comme l'arbre ses feuilles ; le vent les em- porte, et ïl ne reste que le bois [dépouillé]|. Il CONTES POPULAIRES. Il y a deux sortes de contes populaires. Les uns ne sauraient être mieux comparés qu'aux contes de Perrault; les autres ont plus d’analogie avec les Joyeux devis de nos anciens conteurs; ils sont le pendant des Cent nouvelles nouvelles et de l'Heptaméron de la reine de Navarre. Je possède aussi une variante excessivement curieuse du Roman du Renart. Le fond de quelques autres contes se retrouve dans le Roman des Sept Sages, dans l’Hitopadésa, ou dans les récits comiques de Nasreddin-Hodja. Ces précieux documents peuvent donner lieu à une étude de comparaison fort intéressante, et je ne renonce pas à la faire. J'en possède plus de deux cents, écrits dans les divers dialectes de Paros, de Naxos, de Lesbos, de Lemnos, d'Épire, de Macédoine, de Thrace et de Trébizonde. étude de ces différents dialectes donnera lieu à des observa- tons du plus grand intérêt, spécialement en ce qui concerne la prononciation el l'accentuation. Les partisans de la méthode éras- mienne trouveront des arguments en leur faveur dans le dialecte cs CL de Trébizonde et des différentes localités du Pont-Euxin, où l'y se prononce comme notre é français ; ainsi on dit ñ ceAÿyn, é séléné, et non pas À sélini comme partout ailleurs. Dans le dialecte de l'île de Naxos je trouve une particularité des plus singulières, à savoir, des mots ayant l'accent sur la quatrième syllabe : ainsi xaOoumaole, éméprouoaue, et non pas xaoiuaoîe, émeproioape (prononciation du reste de la Grèce). HIT FABLES POPULAIRES. Très-peu nombreuses, elles sont, pour la plupart, des variantes plus ou moins heureuses de celles que l’on attribue à Ésope. Je rattache aux fables plutôt qu'aux contes proprement dits les petits récits dans le genre de celui-ci, qui existe dans plusieurs dialectes et que je traduis littéralement : « Il y avait une fois une femme qui ne cessait de prier Dieu pour que le roi fût en bonne santé. Certaines gens racontèrent ce fait au roi, et le roi manda la femme, afin de lui demander pourquoi elle priait tant pour lui. Et celle-ci lui-dit : « Je prie Dieu de te « laisser toujours vivre, parce que tu nous as écorchés, et que, si «tu meurs, il en viendra un autre qui a, » ui aussi, sa faim à ras- « sasier. » IV PROVERBES POPULAIRES. Leur nombre est presque incalculable. n'est pas sans intérêt de les rapprocher de leurs équivalents en grec ancien. En voici quelques-uns avec leurs correspondants : ° ÀA)œ Tà uéria Toù Àayoÿ, x Aa Ts xouxxouBéyias. — À 0 YAadË, à o xopwry GoéyyeTeu. 2° À os éQaye Tà oûxa xy GAÀos T4 mAnpôve. — Tù xuvds xaxdv Ùs dmÉTIOE. 3° Opéde ]bxo Tor yemudva, và oè Pay Tù xalouaïpt. — Opéta nai Avudets, Spédar nüvas, ds ru Géyovri. (Théocrite.) D’autres proverbes ne sont qu'une simple traduction de ceux — 1h92 — qui nous ont été laissés par les anciens. En voici sept pris au hasard : 1° Kaxoÿ xopdxou xaxdv aÿy6. — Kaxoû x6paxos xaxdv wôv. 2° Kôxuahov éyer d Xdyos. — Üoloür veol TG Ayo. 3° Kôpaxas xopéxou pére dèv fPydber. — KôpaË nxôpaur Glhos, nai TÉTUE TéTlry. 4° Edpios + aÿyù nai mépe Tù pal Trou. — Qùv Tél. D° Ümosos dyam& oTpaSbverau. — TuGhoïrar à Pr mepi rùd Guhoÿ- uevov. (Platon.) 6° Tù pére Toù vomouvpn TpoGy Tr &oyou. — ÜGhaluds deomrorou TIQÎVEL IT TOY. 7° Xdonet càv Tùr yAdpo. — Adpos xEypvwS. Aux proverbes on peut joindre les dictons populaires relatifs à la météorologie, à l’agriculture, etc. V ENIGMES POPULAIRES. Elles sont fort nombreuses, mais ne présentent qu'un mé- diocre intérêt, sauf toutefois au point de vue linguistique. En voici un spécimen Eivar Éva mpäyua où Tù Éyers, dèv Td Sès nai Td yupeveus. C'est-à-dire : Il y a une chose que tu as, que tu ne veux pas et que tu cherches (la puce). | RÉCITS POPULAIRES HISTORIQUES. J'en ai recueilli trois seulement; ils sont en vers politiques de quinze syllabes, rimant deux à deux. Le premier, rédigé en dialecte crétois, est un exposé simple et naïf des faits qui suivirent la révolution des Sfakiotes, en 1770, révolution dont j'ai précédemment parlé à propos de la chanson de maître Jean, personnage qui y joua un des principaux rôles. En voici le fidèle résumé : Alidakis était l’un des plus puissants et — 43 — des plus riches feudataires de la province d’Apocorôna, voisine de Sfakia. Il possédait, entre autres propriétés, tous les versants des montagnes jusqu'à Apocorôna. Cela lui permettait de nourrir de nombreux troupeaux. Quelques mois seulement s'étaient écoulés depuis que les troupes ottomanes avaient étouffé dans le sang la révolte des Sfakiotes, lorsque Alidakis résolut de diriger une nou- velle expédition contre les vaillants débris de ce glorieux petit peuple, afin de l'exterminer complétement. Pour donner une ap- parence de justice à son attaque, il prétextait que les Sfakiotes, qui avaient tout perdu dans la guerre, étaient forcés, pour vivre, de lui enlever ses troupeaux et tout ce qui pouvait servir à leur subsistance. Alidakis avait établi le point central de ses préparatifs de guerre dans le château fort (æ1pyos) qu’il possédait à Prosnéro. Les Sfakiotes, informés de ce qui se tramait contre eux, résolurent, à l'instigation d’un des leurs, nommé Manoussakas, du village de Nimbros, de ne pas attendre l'attaque des Turcs, mais de les pré- venir, avant qu'ils eussent achevé leurs préparatifs. Étant donc descendus de la montagne, longtemps avant le lever du soleil, ils cernèrent le château fort et s’en rendirent maîtres presque sans coup férir. Tous les Turcs qui se trouvaient dans les environs se hâtèrent de fuir, abandonnant Alidakis et ses compagnons. Les Sfakiotes égorgèrent le puissant feudataire et ses satellites, pillèrent son château ainsi que les maisons turques du village, puis s’en retournèrent paisiblement chez eux. Les Turcs n’osèrent pas tirer vengeance de ces représailles. Ce poëme est très-important au point de vue de l'histoire du valeureux petil canton de Sfakia; il ne l’est pas moins comme monument du dialecte crétois, l'un des plus curieux de la Grèce moderne. Il se compose de huit cents vers environs. Le second poëme se rapporte à la dernière lutte d’Ali-Pacha contre les Turcs et à sa mort dans l’île du lac de Janina. Il n’ap- prend rien de nouveau sur les péripéties de ce terrible drame, mais il est précieux pour l'étude du dialecte épirote, dans lequel ilest écrit. Il comprend environ neuf cents vers politiques de quinze syllabes. M. E. Miller avait rapporté de son voyage en Orient une version du même poëme, laquelle ne diffère pas de la mienne. Le troisième poëme est intitulé PuAddx Toÿ Belymeyn xai To Achdureyn. L'événement qu'il raconte date du 30 juillet 1830. M. Aravantinos en a dit quelques mots dans sa Chronique de MISS. SCIENT. — IV. 20 — 8 — l'Épire. Vély-Bey et Aslan-Bey, petits despotes albanais, ne cessaient, à la tête de leurs bandes, de semer le ravage et la mort dans les provinces de Janina et d'Arta. Les choses en étaient arrivées à un tel point que la Sublime Porte se hâta d'envoyer à Bitolia le grand vizir, Reschid Mechmet-Pacha, avec mission de rétablir l’ordre dans la contrée. Le vizir écrivit à Vély et à Aslan une lettre des plus amicales, par laquelle il les engageait vivement à venir le trouver pour recevoir la juste récompense de leurs services, et toucher en même temps la solde arriérée de leurs troupes. Les Albanais, sans défiance, se rendirent à l'invitation. Ce ne fut, pendant quelques jours, que festins et réjouissances; mais l'heure du châtiment devait bientôt sonner. Le 30 juillet, au matin, comme ils assistaient aux évolutions militaires de l’armée otto- mane, le vizir fit diriger contre eux le feu de plusieurs canons chargés à mitraille, et ils tombèrent criblés d’une grêle de projec- tiles. Leurs têtes furent coupées et envoyées à Stamboul. POÉSIES INÉDITES D'AUTEURS CONNUS. 1° Une assez grande quantité de poésies de Jean Vilaras. Comme je l'ai dit dans mon précédent rapport, je possède deux petits volumes de vers de cet auteur, publiés à Zante en 1854 et 1859. Les poésies que je rapporte de Grèce sont complétement inédites, et se composent, en majeure partie, de satires, dont quelques-unes très-spirituelles et très-mordantes. Vilaras mourut en 1823. Ses œuvres sont Justement considérées comme un des plus importants monuments de la poésie grecque vulgaire. 2° Une vingtaine de pièces amoureuses d’un poëte de Cépha- lonie, Étienne Xanthopoulos, sur lequel nous ne savons absolu- ment rien. Ses poésies révèlent une imagination vive et originale; à en juger par le style, l’auteur devait vivre au commencement de ce siècle. | 3° Une collection de satires inédites du poëte zantiote, Kou- tousi, qui vécut au xvrr° siècle. Je considère ces satires comme un des plus précieux monuments du dialecte septinsulaire; elles mé- ritent, à tous les égards, une édition soignée. EDITIONS RARISSIMES. Je me bornerai à signaler l'édition princeps du fameux poëme — la5 — crétois, Érotocritos, de Vincent Cornaro, que l'illustre Coray ap- pelait l'Homère de la poésie grecque vulgaire. Cette édition est presque indispensable à quiconque voudrait donner une édition critique de ce beau poëme. En voici le titre : oëmua épurinèr, Aeyoueror Éporônpiros, œuvbeuéror àmd rdv \ ? / 4 A / c >: \ Fa, œotè evyevéolarov Beréévréor Tôr Koprdpor dmd Tv ywpar Ths Zurias rod vnouod ris Kpnrns, Twpa Tv æpwTnr Popar uë wo)» XÔTOY HO ÉMIMÉAEIQY TUTHUÉVOY, xai AQiepwuévor is Tdv éx)au- mpoTarov ai Aoyiwraroy dDévrnr T'espyior rdv Toavdmpnr. Eis Tir Bevetiar, «dry. Eis rnv TuroypaQiar Avrœviou rod Bôprok, 1713. Con licenza de’ superiori e privilegio. Outre ces documents purement linguistiques, j'ai réuni de nombreux matériaux, tant imprimés que manuscrits, pouvant servir à rédiger un livre sur l’état actuel de l'instruction publiqué en Grèce et dans les provinces grecques soumises à la Turquie. On ne sait presque rien en Occident sur la façon dont fonctionnent ces écoles, fondées presque toutes depuis une quinzaine d'années, et que soutient le grand syllogue philologique de Constantinople. J'ai aussi réuni à peu près tous les livres nécessaires pour écrire une histoire complète de la littérature grecque moderne, depuis le commencement de ce siècle, et j'ai ainsi formé, grâce surtout aux dons généreux qui m'ont été faits, une riche et précieuse col- lection de livres qu'il est souvent très-difficile de se procurer, même au poids de lor. Tel est, Monsieur le Ministre, l'exposé succinct de mes travaux pendant le séjour que j'ai fait en Orient. La publication complète des documents linguistiques jetterait un grand jour sur la question toujours si controversée de la langue vulgaire, que les Grecs ac- tuels s’obstinent à ne pas écrire, bien qu'ils ne sachent pas parler celle qu'ils ont adoptée pour rédiger leurs livres et leurs journaux. Cette dernière est, comme on le sait, une sorte de patois pédan- tesque et prétentieux, que presque tout le monde comprend plus ou moins, mais qu'on ne parlera jamais, parce qu'on ne fait pas remonter un fleuve vers sa source. Je l'ai dit bien des fois déjà, et des académiciens, dont la parole est plus autorisée que la mienne, : LE — 46 — l'ont répété sur tous les tons, la langue du berger et du matelot est plus vivante, plus originale, et, j'en demande pardon à l'Uni- versité d'Athènes, plus grecque que celle qui se débite dans son sein, le jour de quelque grande solennité. J’ajouterai même que quiconque s'aviserait de parler en conversation cette langue incolore et sans vie exciterait l'hilarité générale. Les Grecs com- prendront-ils jamais qu'il est ridicule d'écrire une langue qu'ils déclarent eux-mêmes ridicule de parler ? Je n'ose l'espérer. Permettez-moi, Monsieur le Ministre, d'adresser, en terminant, mes plus sincères remerciments à toutes les personnes qui ont bien voulu me faciliter par leur concours empressé la tâche que vous m'aviez confiée. Je dois citer, en première ligne, MM. Charilaos Tricoupi, ministre de l’intérieur et chef du Cabinet, Rhallis, mi- nistre de l'instruction publique et des cultes, Marc Réniéris, gouverneur de la Banque nationale de Grèce, Constantin Papar- rigopoulos et Théodore Orphanidès, professeurs à l'Université, Paul Lambros, numismate distingué, et, à Constantinople, Son Excellence Christaki Zographos, M. le docteur Héroclis Basiadis, M. Ménélas Négrépontis, M. Athénogène, etc. etc. Agréez, Monsieur le Ministre, l'assurance du reconnaissant dé vouement de Votre tout obéissant serviteur, Emile LEcranp. RAPPORT SUR UNE MISSION EN ITALIE, PAR M. EUG. REVILLOUT, CONSERVATEUR ADJOINT DU MUSÉE ÉGYPTIEN DU LOUVRE. Monsieur le Ministre, Je viens, dans ce premier rapport, rendre brièvement ! compte à Votre Excellence de la mission qui m'avait été accordée par le Ministère de l'instruction publique sur la demande de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et que de fréquentes pe tr m'ont forcé d'accomplir en plusieurs voyages. Cette mission avait pour objet principal l’étude des textes attri- bués par les Coptes au concile de Nicée. Mais j'ai aussi poursuivi mes recherches sur les autres textes écrits en langue égyptienne et qui se trouvent dans les différentes bibliothèques d'Italie. Les col- lections explorées par moi dans ce double but sont au nombre de quatre. Ce sont : à Rome, les bibliothèques du Vatican et de la Propagande; à Turin, le musée des Antiquités; à Naples, la Bi- bliothèque royale. Je ne citerai que pour simple mémoire les biblio- thèques de Gênes, l'Ambrosienne de Milan, l’Angélique et la Bar- berine de Rome, et la bibliothèque Marcienne de Venise, que j'ai également visitées. L’Angélique ne possède guère, en ce qui con- cerne le copte, que les œuvres du savant augustin français Guil- laume Bonjour, qui, l’un des premiers en Europe après Kircher, 1 J'avais d'abord l'intention de donner l’analyse complète de tous les résultats de ma mission dans un seul rapport général, rapport considérable que j'avais rédigé en très-grande partie. Mais j'ai renoncé à ce projet qui m'aurait encore demandé beaucoup de temps. J'ai préféré n'indiquer avec détail que ce qui con- cernait l'objet propre de ma mission et énumérer rapidement les autres très- nombreux documents rapportés par moi et que j'étudierai avec le soin qu'ils méritent dans plusieurs mémoires spéciaux en cours de publication. — LS — s’est adonné avec succès à l'étude de l’égyptien. Les travaux assez nombreux du religieux érudit sur ce sujet sont restés inédits en presque totalité. Ils forment avec un manuscrit de l’Apocalypse le fonds copte de la bibliothèque de son ordre. Quant à la Barberine, on n’y trouve qu'un livre de prières copto-arabe du xiv° siècle et un psautier pentaglotte, arménien, arabe, copte, syriaque et éthio- pien, fort analogue à un autre manuscrit également pentaglotte qui se trouve à l'Ambrosienne de Milan et qui contient les épîtres de saint Paul. Peut-être ces deux volumes appartenaient-ils à un seul exemplaire d’une Bible orientale. Enfin la Marcienne de Ve- nise contient les manuscrits de la célèbre collection. Nani que Min- garelli avait déjà édités en partie et dont il allait publier le reste quand il a été surpris par la mort. Elle possède, en outre, un manuscrit du xvi° siècle des prophètes Isaie et Jérémie et un assez beau livre de prières portant le numéro XLVIL. Mais ce sont surtout les fonds coptes du Vatican, de la Propa- gande, de Naples et de Turin qui, gràce à leurs richesses, ont dü, comme je l'ai dit, m'absorber tout entier et m'ont permis de rap- porter une très-ample moisson de documents précieux, soit pour l'histoire des premiers siècles de l’ère chrétienne, soit pour la phi- lologie copte. J'ai pu ainsi, tout d'abord, compléter la découverte que j'avais faite, il y a deux ans, dans un précédent voyage d'Italie, et qui avait motivé la mission demandée par l’Académie; je veux parler des actes synodiques attribués par les Coptes au concile de Nicée. Ces textes, en partie déjà publiés par moi! et en partie en voie de publication, ont trois provenances différentes. Les uns ont été trouvés à Turin ?, d’autres à Rome, d'autres à Naples. Mais je dois dire que Rome et Naples se partagent, en ce qui concerne nos actes, un seul manuscrit. En effet, les collections coptes de la Pro- ! C’est ainsi, par exemple, que six des pages qui suivent ont été reproduites en tête de ma brochure intitulée Le concile de Nicée et le concile d'Alexandrie. Je donnerai plus loin le détaïl de mes autres travaux sur le même sujet. Mais j'ai réservé pour le présent rapport la partie la plus intéressante de cette étude cri- tique. ? À Turin se trouvent aussi un grand nombre de contrats démotiques que je vais publier sous peu dans les 2° et 3° fascicules de ma Chresitomathie démotique. (Le premier paraît en ce moment à la librairie Vieweg.) Le Contrat de mariage portant le n° 169, 13, est surtout fort intéressant, bien qu'il ait ses analogues au Louvre, au British Museum, etc. ÿ — lh9 — pagande et de la Borbonica de Naples faisaient d’abord également partie du musée qu'avait fondé vers la fin du dernier siècle le car- dinal Borgia. Après sa mort un long procès eut lieu et le fonds copte fut enfin divisé entre la congrégation romaine et les héri- tiers naturels du prélat. C'est la part qui revenait à ces derniers qui se trouve actuellement à Naples. Les manuscrits étaient, primitivement déjà, mélangé les uns avec les autres et en feuillets séparés. Lors de son catalogue du musée Borgia, Zoega reconnut! donc seulement quelques pages des actes de Nicée qui actuellement sont à la Propagande. De mon côté, 11 y a deux ans, je découvris et publiai une partie plus considérable du même livre d’après un autre exemplaire sur pa- pyrus qui se trouve à Turin. Dans mon dernier voyage, j'ai eu le bonheur de trouver encore à Turin quelques feuillets nouveaux de même provenance; mais surtout j'ai pu massurer qu’un long fragment inédit, portant à Naples le n° CCXXXIX, appartenait au même ouvrage, au méme manuscrit, que le fragment numéroté CLIX à la Propagande et édité par Zoega. De la sorte, j'ai pu me faire une idée nette de l’ensemble de cette œuvre conciliaire, com- bler certaines lacunes du traité de morale publié déjà par moi ? et intitulé Gnomes du saint concile, et rétablir en entier le second et le troisième traité concernant la foi et la discipline ecclésiastique. Désormais il n'est plus guère possible de conserver des doutes sur leur origine. Les traités.sur la foi et sur la discipline proviennent du concile qui fut tenu à Alexandrie par saint Athanase au com- mencement du règne de Julien, en 362, et que les historiens con- temporains appellent le concile des Confesseurs. Cette assemblée, composée de ceux des évêques qui avaient eu le courage de lutter pour la foi, sous Constance, jusqu'à la déposition et à l'exil, avait surtout pour but de confirmer et de rétablir, avec la foi orthodoxe, le concile de Nicée, nv &v Nixaia æiolir, dit Socrate, êri BeGaœic- cer tv év Nixaia doËdyte, dit Sozomène. C'était d'autant plus urgent que les ariens, alors en possession de tous les siéges, avaient partout détruit les actes de Nicée. Chacun apporta donc ce qui lui restait des actes du grand concile, et on en promulgua de nouveau ! M. Lenormand, de l’Institut, a fait postérieurement une nouvelle édition de ces fragments avec préface critique. 3 re concile de Nicée d'après les textes coptes, par M. Eugène Revilout. Paris, Imprimerie nationale. (Maisonneuve éditeur.) — 150 — le symbole ainsi que les XXI canons authentiques que des ver- sions grecques, latines, coptes, arméniennes et arabes nous ont fidèlement conservés. On releva également avec soin les listes des Pères qui avaient souscrit aux délibérations de Nicée, et c’est grâce à l'assemblée d'Alexandrie que ces listes sont parvenues jusqu'à nous. Aussi Socrate (liv. I, ch. x), lorsqu'il parle des évêaues siégeant à Nicée, a-t:il bien soin de recourir à l'exemplaire original qui en avait conservé tous les noms et il nous renvoie pour cela au « RS de saint Athanase, évêque d'Alexandrie », @v eis &Àÿ- pes Tù dvouara xeïrac év ré Duvodixé ÀOavaotou Toù À XEnvOpeas émioxomov. Or ce nom de Synodique de saint Athanase était celui que l’on donnait toujours aux actes synodiques de notre concile de 362 tenu sous la présidence et par l'inspiration du grand défen- _seur de la foi, saint Athanase. Saint Grégoire de Nazianze, dans sa première lettre à Clédoine, les désigne expressément ainsi quand il parle des souscriptions que les légats d’Apollinaire firent aux délibérations d'Alexandrie : deé£ovor dé ædvros # dit TOuou œuvo- dunxod À dt” Émiol0Xwy notvwvendy. Oros yap Tüv ouvôdwr à vôpuos. Ce texte est précieux, car il distingue les actes proprement dits, le tome synodique dont parle Socrate, des lettres de communion que notre concile adressa aux églises catholiques et dont une seule a été conservée dans les œuvres grecques de saint Athanase, la lettre aux Antiochiens. Les légats d'Apollinaire qui étaient suspec- tés d’hérésie durent souscrire à la lettre aussi bien qu'aux actes, et ce furent ces souscriptions qu'ils montrèrent plus tard comme preuve de leur orthodoxie. En çe qui touche les lettres, la vérifi- cation de ce fait est facile. Car nous trouvons à la fin de l'épitre aux Antiochiens. la mention suivante: RER dé aol rives Âmrodu- vapiou TO ÉFICAOTOU LOVACOVTES, map’ aÿrod eis TOÈTO DeuQÜévres. Mais le tome synodique lui-mème manquait jusqu’à présent et les plus anciens exemplaires de la lettre aux Antiochiens se bornaïent à y renvoyer !. Aussi Felckmann pensait:il avec raison que cette épiître n’était qu’un fragment tiré d’un livre synodique plus con- sidérable, sans doute celui-là même dont saint Grégoire de Na- zianze parle en même temps que des lettres de communion. C'est ce tome que nous rend le manuscrit Borgia de Rome et de Naples, et selon l'indication fournie par Socrate nous y trouvons la lettre originale des évêques qui ont siégé à Nicée, en compagnie du sym- l Zrer Tr dpyñv To aûroÿ Àoyov. — 51 — bole, des canons authentiques, identiques aux grecs et aux latins, et enfin, après de nouvelles définitions de foi, de lettres d’adhé- sion aux décrets d'Alexandrie, dont quelques-unes se trouvaient déjà en grec à la fin de la lettre aux Antiochiens. Le symbole, que l’on rééditait à nouveau, est tout naturelle- ment précédé du titre : «Concile de Nicée,» TcyN20x0c NNi- KAIA, C'est cette formule qui a fait plus tard attribuer par les copistes au concile de Nicée toute cette œuvre synodale. Et pour- tant il était bien facile de ne pas s’y tromper. Car aussitôt après la nouvelle promulgation de la profession de foi le texte continue : FAT TE THICTIC NTAYKAAC E2PAÏ N6I NNEIOTE. MOPIT MEN ETBE TMNTPE4XIOY À NAPIOC EAXHDMMOC ETNHPE MTINOY- TE XE OYCONT NE. AY D ETBE NKE2AIPECIC THPOY ETE Ca- BEXXIOC MN PHOTINOC MN HAY AOC HCAMOCATEYC MN MMA- NIKAIOC MN OYAXENTIOC MN MAPKION. AY®O TNANAXOEGEMAÀ- TIZE N2AIPETIKOC NAÏ NTAYCHOY2 EXN TKAOOXKH NEK— KAHCIA NATNTAY KATAKPINE MMOOY NSITŒHTŒHEMNTA)MHN NETIICKOTNOC NTAYCHOY2. ETE NAÏ NE NEYPAN MN NEVYE- TAPXIA MN NEYTOAIC. AY O NECTHOY AXAIOC N2M2AX MINOY TE AYCTOVYAAZE EETXAABE NNPAN NNPMTANATOXAH ETBEXE MNE (NPM)NCATEMNT (XnO) NAY NOYCYNECIC NOY HT MN NaAï ETBE N2AIPECIC. « Telle est la foi qu'ont laissée nos Pères d’abord contrairement au blasphème d’Arius, qui dit que le Fils de Dieu est une créature, et aussi contrairement à toutes les autres hérésies, c’est-à-dire : Sabellius, Photin, Paul de Samosate, les Manichéens, Valéntin et Marcion. Nous anathématisons aussi toutes les hérésies qu'ont condamnées les trois cent dix-huit Pères qui se sont réunis et dont voici les noms, les provinces et les villes. Les zélés serviteurs de Dieu ont pris à cœur d'écrire plus soigneusement les noms des Orientaux, car les Occidentaux n'ont pas communauté avec eux en ce qui concerne les hérésies. » IL était aisé de voir que les rédacteurs de cette glose n'étaient pas les Pères de Nicée eux-mêmes, mais-constituaient une autorité officielle qui, bien que certainement compétente, était postérieure à Nicée. Les trois cent dix-huit Pères sont devenus nos Pères pour les zélés serviteurs de Dieu qui recherchent leurs noms et promul- guent leurs décisions. Ils ont pour cette œuvre besoin de réunir — 52 — tous leurs souvenirs, et les souscripteurs occidentaux de Nicée qui pouvaient survivre étant trop loin pour qu’on allât consulter leur mémoire, on ne donne que les noms des plus illustres, comme par exemple ceux d'Osius et des autres légats du Saint-Siége. Du reste, les Occidentaux avaient eux-mêmes si bien perdu les premiérs actes originaux que, peu de temps après, ils furent obli- gés pour posséder quelque chose de Nicée d’avoir recours à la ver. sion que venait de publier le concile d'Alexandrie. Nous en avons la preuve non-seulement dans l'identité des fragments que nous donnent la version latine et la version copte (symbole, canons et souscriptions), mais encore dans la formule suivante qui n’est pas autre chose que la glose copte du concile de 362 et qui, dans le latin, suit semblablement la profession de foi et précède les noms des évêques : « Hæc est fides quam exposüerunt patres primum quidem ad- versus Ârium blasphemum dicentem creaturam esse filium Dei et adversus omnem hæresem Sabellii, Photini, Pauli Samosateni, Manichæi, Valentini, Marcionis, et adversus omnerm omnino hæ- resem, si qua insurrexerit contra catholicam et apostolicam eccle- Siam. Quas omnes condemnarunt Nicæam congregati episcopi tre- centi decem et octo, quorum nomina et provinciæ conscriptæ sunt. Sed plerique studiosi servi Dei magis curam gesserunt Orienta- lium episcoporum nomina describere propter hoc quod Occidens non similiter inquisitionem de hæresibus habuerit !. » 1 J'ai transcrit ici la glose de l'Hispanu. La collection romaine due au pape Gélase supprima les noms des hérétiques. Elle est ainsi concue : «Hæc est fides quam exposuerunt patres primum quidem adversus Arrium blasphemantem et dicentem creatum esse filium Dei posteaque adversus omnem hæresim extollen- tem se et insurgentem contra catholicam et apostolicam ecclesiam. Quam hære- sim cum auctoribus suis damnaverunt apud Niceam civitatem supradictam CCCX VIIL episcopi in unum congregati; quorum nomina cum provinciis suis et civitatibus suis subter adnexa sunt, sed studiosi servi Dei magis curaverunt Orien- talium nomina episcoporum conscribere propterea quod Occidentales non simi- liter quæstionem de hæresibus habuissent.» Mais assurément ces noms ont été enlevés après coup, car après avoir reçu le Synodique de saint Athanase le pape Libère écrivait déjà dans sa lettre aux Illyriens : «Niceni tractatus ad- versus Arrium Sabelliumque cujus Photinus partiaria hereditate damnatur decreta servamus. » Or il est certain que Sabellius et Photin n’ont pas élé nommés dans l'œuvre propre de Nicée, mais bien dans celle d'Alexandrie et particulièrement dans notre glose. (Voir, du reste, pour tout ce qui touche cette question notre Concile de Nicée d'après les textes coptes et les diverses collections canoniques, actuel- lement en cours de publication dans le Journal asiatique.) — 155 — Ainsi, d’après le latin lui-même, il devient évident que la liste d’évêques que nous possédons n'est pas une liste originale rappor- tée de Nicée par les souscripteurs eux-mêmes et où eux-mêmes ils auraient mis leurs nomis, comme cela a lieu dans tous les conciles, mais une liste écrite en Orient, pour les Orientaux, assez longtemps après le concile, et qu'on n'a fait ensuite que traduire en latin. C’est exactement ce que Socrate nous avait appris quand il disait que la seule liste authentique à laquelle il fallait toujours se référer et qui contenait les noms connus des évêques en totalité, eis æÀÿ- pes, existait non plus dans les actes primitifs de Nicée, déjà per- dus, mais bien dans le de os de saint Athanase, le même pe saint Grégoire de Nazianze cite à propos des Apollinaristes, c'est-à- dire dans les actes du concile d'Alexandrie que nous étudions. Entre la glose copte et les gloses latines il existe pourtant quelques variantes. Par exemple les évêques siégeant à Nicée sont appelés nos Pères par le copte, les Pères par le latin. Mais ces omissions et ces corrections des exemplaires occidentaux ne se trouvent ni dans les versions orientales ! étudiées par moi, ni dans le texte que Gélase reproduit en grec dans son histoire du concile de Nicée. ! La glose copte toute complète se compose de trois paragraphes. Le premier se retrouve aussi dans les diverses versions latines, dans le grec de Gélase, dans le syriaque (ms. 62 dé la Bibl. nat., fol. 122) et dans l'arabe (ms. 119, fol. 12, 18, etc.). H a été reproduit plus haut. Le deuxième en est la suite, le développement nécessaire. Les Pères d’Alexan- drie y continuent en leur propre nom : «Car n’honorant pas une personne unique , comme Sabellius qui dit du Père qu'il est aussi le Fils et aussi le Saint-Esprit, mais, comme le premier écrit qui a été établi dans le concile de Nicée, confessant que un est le Père en vérité, un le Fils en vérité, un le Saint-Esprit en vérité, nous anathématisons encore ceux qui disent comme Paul de Samosate que le Fils de Dieu ne fut pas avant la vierge Marie, mais qu'il fut lorsqu'il fut en- gendré selon la chair et qu'autre est le Fils de Dieu, autre le Verbe de Dieu qui est avec le Père de toute éternité, par qui toutes choses sont et qui, à cause de nous, s’est fait homme et a pris chair dans le sein de la vierge Marie. De plus, nous anathématisons ceux qui confessent trois dieux, ceux qui renient le Verbe, qui est le fils de Dieu, comme ne l’étant pas sur toutes ces choses ; nous anathé- matisons toutes les hérésies que nous avons dites et la manie pleine d'impiété des Âriens ». Ce paragraphe est reproduit aussi en entier dans le manuscrit sy- riaque cité plus haut. Enfin vient le troisième paragraphe qui ne fait pour ainsi dire qu'un avec l’en- tête de la liste de souscription. Destiné à relier d’une facon mtime les nouvelles décisions d'Alexandrie aux décrets de Nicée, il est ainsi conçu : «Au sujet de — En effet Gélase nous raconte lui-même avoir autrefois lu et étu- dié un exemplaire complet des actes du concile œcuménique de Ni- cée. Cet ouvrage, très-considérable, avait appartenu à Dalmace, archevêque de Cyzique, et ensuite au père même de Gélase. Le manuscrit en était fort ancien et d'une bonne conservation. II l’étudia beaucoup et prit un certain nombre de notes. Puis le vo- lume changea de propriétaire et il ne put le retrouver. Cependant il en fait une sorte d'analyse, nous dit qu'il renfermait des prescrip- tions spéciales pour chacune des classes de la société, ce qui s’ap- plique très-bien à l’ensemble de nos traités, en reproduit quelques pensées qui se retrouvent dans le copte et enfin donne les canons et le symbole tels qu'ils avaient été promulgués par notre Syno- dique. Tout prouve donc que c'est un manuscrit grec à peu près identique, comme contenu, au manuscrit Borgia, bien que peut- être plus complet, qu'il a eu entre les mains et en partie repro- duit. Or voici comment il transcrit la formule que nous avons déjà retrouvée en copte et en latin (Conciles, t. II, p. 431; Gélase, ch. xxvri) : «© Aÿrn éoliy 5 wiolis y éÉébevro oi &v Nexaia &yior iuèv œaré- pes, oi 6pHédoËo: ÊTITHOTO! > mpATOr pér xaTd Àpelor PARC EAHOUE 70s xœi XéyovTos xTiopa TÜv vidy Toù Seoù xai xaTo Éabeh Aou Te aa Doresvod, nai Ilaukou roù Xauocaréws nai Mavsyaiou xai Oüa- Aevtivou xai Mapxiwvos, nai nxatd ædons dé aipéoews, Tis éma- / Ce ” \ 2 CR / e/ / OR | véoîn Tÿ xabouxÿ nai dmoololuumÿ ÉxxAnoin, oÙs uatéxpiver à év Th Nunaécwr moe: ouvmyuévn Tv dylwr dPOoÏE y ovvodos, y Tà Ovouara, xai Tv érapyxiwr Tor, écliv Ürorerayuéva. » (Ch. xxvi.) la foi 1l a plu éyalement «inst à ceux qui se sont assemblés dans le grand concile et ils ont souscrit, les évêques, chacun des évêques de chacune des villes et des provinces : «Je crois aïnsi.» EXPOSITION DES ÉVÊQUES DU CONCILE DE NICÉE SUR LA FOI. « Voici les noms des ot a. qui ont souscrit, de ceux-là qui se sont assem- blés à Nicée et ont souscrit à la foi orthodoxe. «D'Espagne : «Osius , de la ville de Cordoue: « Je crois ainsi, comme il est écrit ci-dessus ; ete. » Dans la plupart des collections canoniques on n’a conservé du troisième para- graphe que la dernière phrase qui servait d’en-tête à la liste. On ne trouve en la- tin l'incise précédente que dans la seule gélasienne, et encore a-t-elle été, fort mal à propos, rejetée après les canons; mais en syriaque elle a été conservée ainsi que le paragraphe 2 à sa place logique. (Voir pour toutes ces questions notre Concile de Nicée d'après les textes coptes et les diverses collections canoniques.) — 55 — Cette fois l'identité est parfaite. Les Pères du latin sont devenus comme en copte nos Pères. Les noms des hérésiarques sont iden- tiques, et même la faute qui avait transformé Manès en Mani- chéen subsiste dans le grec encore plus choquante que dans le copte, puisque, dans le copte, il y avait « des Manichéens, » Ntmaà- NixA1OC, et, dans le grec, « de Manichéen, » Marsyæiou. C'est vé- ritablement un mot à mot, ou plutôt nous avons ici un extrait, admirablement fidèle, du texte primitif. Malheureusement Gélase se borne à un extrait et 1l l'arrête à la mention des listes nomi- nales qui doivent suivre, sans rien nous dire des Orientaux et des Occidentaux, tandis que fa version latine, qui avait abrégé les phrases précédentes du copte, reproduit avec soin la dernière. Ajoutons que, malgré l'annonce transcrite par Gélase au sujet des noms des souscripteurs de Nicée, ces noms ne viennent pas dans son ouvrage, et il est immédiatement question d’un sujet tout diffé- rent. C'était donc une page qu'il copiait sans y donner une grande attention, et tout nous prouve sa véracité quand il affirme que ce fragment appartenait à un vaste ensemble de constitutions dont il n'avait transcrit qu'une faible partie : « Taÿra êx Tôr omoudaobér- rw» Tois dylois nur watpdoi éxxAnoiaolindv diarumwoecr, pu- xpà x DOG, Thde TŸ ouyypaQh ouvetééauer. » En effet le con- cile d'Alexandrie ne se borna pas à rééditer et à promulguer! tout ce qui subsistait encore des actes de Nicée; mais il voulut aussi compléter son œuvre par de nouvelles décisions dogmatiques et disciplinaires que Gélase, aussi bien que le copiste copte, semble avoir confondues avec l'œuvre même de Nicée. L'erreur était du reste d'autant plus excusable que beaucoup de Pères et même de conciles ont fait, comme nous le prouvons ailleurs, des assimila- 1 Dans notre Concile de Nicée d'après les textes coptes et les dwerses collections canoniques, nous étudions avec soin tout ce qui concerne les fragments dits ni- céens et leurs origines. C'est là que nous discuterons en détail la question de savoir ce qui appartient en propre au concile de Nicée. Ce qu'il ÿ a de certain, c'est que tout ce que le concile des confesseurs promulgua comme œuvre du pre- mier synode subsista désormais dans toutes les collections canoniques et que ce qu'il rejeta disparut sans plus laisser de traces. Je citerai, par exemple, les décrets relatifs à la Pâque et aux Méléciens, qui ne nous sont connus que par les analyses des contemporains. En revanche, il n’est pas bien sûr que la rédac- tion des canons dits de Nicée ne soit pas souvent, comme la liste des Pères, une restitution faite de mémoire. Nous ne pouvons que renvoyer pour tous ces points à l'ouvrage cité. En tions analogues soit entre Nicée et Alexandrie, soit entre Nicée et Sardique. Je ne puis entrer ici dans des développements qui ont trouvé place dans un autre travail. Je ferai seulement remarquer que les décrets complémentaires sur la foi qui se trouvent dans nos actes coptes touchent uniquement aux questions que Socrate, Ruffin, Sozomène, saint Grégoire de Nazianze, saint Épiphane, le bio- graphe d'Eusèbe de Verceil et tous les autres contemporains nous disent avoir été traitées dans le synode de 362. Ce sont surtout : 1° la question d'une ou de trois hypostases dans la Trinité; 2° celle de la divinité du Saint-Esprit; 3° celle de la réalité de l'incarna- tion du Christ. | I s'agissait en un mot d'établir ou plutôt d’asseoir d'une façon définitive les fondements mêmes du christianisme dont le concile de Nicée avait seulement posé la pierre angulaire : la consubstan- tialité du Fils. Aux Pères d'Alexandrie il appartenait, selon l’ex- pression des historiens Socrate et Sozomène , de « nommer la Fri- nité : Kai rpudda œvopacar ». Voici comment Ruffin s'exprime à ce sujet (liv. I, ch. xxix) : « Additur sane in iüllo concilii decreto etiam de Spiritu Sancto plenior disputatio, ut ejusdem substantiæ ac deitatis cujus Pater et Filius etiam Spiritus Sanctus crederetur, nec quicquam prorsus in Trinitate aut creatum, aut inferius, pos- teriusve diceretur. Sed et de differentia substantiarum et subsis- tentiarum sermo eïs per scripturam motus est, græce oÿoras et Ürooîldoes vocant. Quidam etenim dicebant subsiantiam et subsis- tentiam unum videri et, quia tres substantias non dicimus in Deo, nec tres subsistentias dicere debeamus. Ali vero, quibus longe aliud substantia quam subsistentia significare videbatur, di- cebant quia substantia ipsa rei alicujus naturam ralionemque qua constat designet: subsistentia autem unius cujusque personæ hoc ipsum quod extat et subsistit ostendat. Ideoque propter Sabellii hæ- resim tres esse subsistentias confitendas, quod quasi tres subsis- tentes personas significare videretur, ne suspicionem daremus tan- quam illius fidei sectatores quæ Trinitatem in nominibus tantum et non in rebus et subsistentiis confitetur. Sed et de incarnatione Demini comprehensum est quia corpus quod susceperat Dominus neque sine sensu, neque sine anima suscepisset. » Cette doctrine, qui s’opposait aux erreurs naïssantes d’Apolli- naire et de Photin tout aussi bien qu’à celles de Sabellius, de Paul — 157 — de Samosate, etc., se trouve déjà admirablement indiquée par le concile lui-même dans sa lettre aux Antiochiens. Mais elle l'est aussi, plus pleinement encore, dans nos actes coptes qui nous rendent enfin l'œuvre dont nous ne possédions guère que le som- maire. Puis, à la suite de nos traités, comme après la lettre aux Antiochiens, nous rencontrons des lettres d'adhésion marquant assez l'enthousiasme qu'avaient excité dans l'épiscopat catholique les décisions du concile et dont quelques-unes sont identiques en grec et en copie. Voici d’abord le texte grec de l'adhésion de saint Paulin, archevêque d’Antioche, tel qu’il se trouve après la lettre aux Antiochiens (Œuvres de saint Athanase, édition bénédictine, Gi 2f parties p2777 )1: «Éyo Iau}vos oùTws Gpord, ados mapéhabor mapà Tùv wa- TÉpoy, Ovra nai Üpeoloraæ matépa TÉkeioy ai ÜPeolora viov té Xezov, xai ÜDeolmuds Td mvedua Td d'ysov TÉXesov. Aid nai drodéyouai TV MOOSVEVPAUUÉVNY ÉpuNvElNY DEpi Tv Tpiy Ürooldoewr nai Ts ias Ümooldoews fror oûclas, nai Toùs Ppovodyras oùrws. Eÿ- cebès yap él} Ppoveïr xai duodoyeiv Thv dyiav Tpidda É pu De- Tati. Kai wepi ris évasb por moets Où Ts d1” nuâs Peine TOÙ Àdyou Toù marpôs, oÙTws , ADS resie , ÔTE HOT TÜ lodyvyr, à Xéyos oùpE éyéveto, où xaTd Tos doebeoldrous Toùs nes HERO aürèv wemovbévar. À AV Br: ‘dPbpômos de” juäs yÉyover, Ex Ts dyilas ne Mapias nai ee Frans 7Ev- vnbeis. OÙre yàp éuxor, oÙTE see oÙTE dvOnTov ou Ei- XEr Ô AE Oùre ap oiov T° ue roÙ xupiou dvÜpærou dr fe Ho dvéntor elvas adroÿ rù oûua. Über avaler 1e TOÙS Tv &v Nrxoia époñey nbero ar æiolir dferobvras, aa UM pe êx Ts OÙTIAS TOÙ de xœi opogdericn) elvar TÜv VIOY TO Eers Âvabeuarièo 08 ua Toûs AéyovtTas T0 mvebua Tù dy1ov se de” viod he Ére d8 dvabeparitæ Zabeliou xat Porervod ai mâcar aipeoiv, olorxdr Th mioler Th aura Néxœar xai mûr rois DPOYEYPAMLÉVOIS. » Voici maintenant ce qui subsiste! du même document à la fin de nos actes coptes dans les papyrus de Turin : TÉL ER N TA HICTIC KATA TAOFMA NNAGIOTE. TEIOT 1 Le papyrus a malheureusement subi ici plusieurs cassures. Les parenthèses indiquent nos restitutions. ne MER EAWOON NFEXIOC. THHPE EAWOON NTEXIOC. (TETNA ETOY- AÀAB E4WOON NTEXIOC.) ETBE HA XI NOEPMENIX ETCH2 ET- BE THUWMTE N2YTHOCTACIC (MN OY2YTHOCTACIC NOYWT) ETE (naï ne oyoy)cia (NoyæT MN) NETTAXPHY EX(N Trei)2e. oYÿ MNTEYCEBHC TAP TE ETPENTAXPON EXN TEI2E 2N TETPIAC ETOY AXE (MN OY)MNT(NOYTE) NOY(WT. ETBE TUNTPEAXI CAP3Z AG MTXOTOC MTINOYTE TAÏ TE TATICTIC EC)TAXPHY XE À HXAOTOC MNINOYTE EI EVYMNTPHOME ETBHHTN KATA 6€ ETEPE IW2ANNHC XHMMOC XE HAOTOC A4PCAPZ A4OY W2 NUMAN. KATA NACEBHC (AN) ETXDMMOC XE NTAUEI EV- WIBE ETBE NENTAYWONOY. (AXXXA ETBHHTN AUPPOME EBO X- 2N TAPOENOC ETOY ARABE MAPIAX AY AVXNOA EBOX2N NE INA ETOYAAB..... HEACHOMA) AN TE XHPIC ŸVYXH. OY AE TAP NTA4dOPEI AN NOYCHMA NATEIME. OYATEOM FAP HE eTpeadoret NOYCŒOMA NTIMINE. NTAYPPO(ME) ETBHHTN ETBE NAÏ (TN)ANATEMA(TIZE) NOVON NIM ET(AP)NA NTIIC- TIC NTACŒOTE 2N NIKAIX AY ETHAXE AN XE À TŒOHPE EBOX2N TOYCIX MTHEIWT HE AY. D OY20MOOYCIOC MN HEIWT. TNANATEMATIZE ON NOYON NIM ETHAXE XE METNA ETOY- AXE OYKTICMA TE ETAYAAU) EBOX2N HŒHPE. ETI AE TN ANAOGEMATIZE NCABEAXIOC (MN PHTINOC) MN 2XIPECIC NIM NCE2OMOXNOTEI AN NTTICTIC NTACŒOTE 2N NIKAIA Ayo OAXE NIM (ET)WOON 2N ..... NAOBANA(CIOC THA)PXIENICKO- OC NPAKOTE. » «..... Et ma foi selon la doctrine de mes pères. Le Père est parfait. Le Fils est parfait. (Le Saint-Esprit est parfait.) C'est pourquoi je recois l'interprétation écrite au sujet des trois hypo- stases et de l’hypostase unique, c'est-à-dire de l'unique substance, ainsi que ceux qui pensent ainsi. Car il est pieux d’affermir ainsi sa foi dans une trinité sainte et dans une divinité unique. (Quant à l'incarnation du Verbe de Dieu, je crois que) le Verbe de Dieu est venu (s'unir) à cause de nous à la nature humaine selon l'ex- pression de saint Jean, qui dit que le Verbe s’est fait chair et qu'il a habité parmi nous, et non comme l’entendent les impies, qui, à cause de tout ce qu'il a supporté, disent qu’il a souffert quelque changement. (Mais, au contraire, il s'est fait homme à cause de nous en la Vierge Marie et a été conçu du Saint-Esprit. Son corps) n'a pas été sans âme etil n’a pas pris un corps sans connaissance. Car il est impossible qu'il ait pris un corps de celte sorte, puis- = #60 = qu'il se faisait hômme à cause de nous. C’est pourquoi nous ana- thématisons quiconque nie {la foi promulguée à Nicée et quiconque dit que le Fils n’est pas de la substance du Père et consubstantiel avec le Père; nous anathématisons aussi ceux qui disent que le Saint-Esprit est une créature faite) par le Fils. Nous anathémati- sons enfin Sabellius, (Photin) et toutes les hérésies qui ne con- fessent pas la foi promulguée à Nicée et toutes les paroles conte- nues dans le ..... d’Athanase, archevêque d'Alexandrie. » Ces deux versions ne diffèrent guère que dans la dernière phrase; encore la variante tient-elle à une circonstance extrinsèque. La lettre grecque que nous possédons suivait immédiatement, nous l'avons dit, l’épitre dogmatique aux Antiochiens. C’est pour cela que saint Paulin se borne à dire qu’il souscrit à tout ce qui est écrit ci-dessus. La lettre copte a été envoyée au contraire à Alexan- drie isolément des actes qu'il s'agissait d'approuver. Il devenait donc nécessaire de remplacer «ce qui est écrit ci-dessus» par des expressions correspondantes , et saint Paulin met : « (le Synodique) d’Athanase, archevêque d'Alexandrie. » Jusque-là Paulin était suspect à beaucoup de catholiques orien- taux. Saint Épiphane, qui devint plus tard un de ses plus déclarés partisans, évitait sa communion et lui préférait celle de Vital, disciple d’Apollinaire. Mais il nous rapporte lui-même qu'il fut plei- nement convaincu de l'orthodoxie de Paulin quand celui-ci lui mon- tra la souscription qu'il avait faite de sa main à lexposition de foi rédigée par saint Athanase : « Metro éxdéceuws ci es npôs ÊTEL- CEv, Às 70N ro dmohoyias xaper ne TÔv ere À Oavd- oi0Y émouoato Tir ovyxatdleoi * mpoonveyne yèp nai ÉTÉdREN fuir TaUTns TÙ dvréypa@or el” ÜroypaQñs caQis sept pee ëyov pod, xai sep} vod roÿ Tÿs Xpuoloù évarÜpwmioens, xEtpi ŒÜTOÙ TOÙ uaxapitou DaTpès uv À Gavactou. » Aussi a-til bien soin de repro- duire (Heæres. Lxxvn, p. vo la lettre entière de Paulin avec ce titre : Âvréypagor xetpès [lavAivou Toù érioxdmrov. Éyc [auXi- vos Ô émioxomos.oÙTws Ppord xabas mapéhabor dd TÜv marépor. Le reste du texte est identique. Saint Épiphane, ayant ainsi pris connaissance de l’œuvre alexan- drine, fit comme saint Paulin. Il envoya à saint Athanase son adhésion, qui se trouve dans nos actes coptes après celle de l'ar- chevêque d'Antioche : MISS, SCIENT, —— IV. 50 — 60 — CATIA GITIDANIOC HAPXIEMICKOMOC E4C2ÀÏ.* 2X 6H N2ŒB NIM + ACTIAZE NNECNHY ETOY(AAB NTAYCA2H@OVY Las tres EBOX) 2HT(C) NTKOINGNIX MN APIANOC MN TMNTMAI ŒHIBE NCABEXXIOC. EY | EOOY NTETPIAC 2N OYOYCIA NOY WT. TEIDT MN HŒHHPE MN HETNX ETOYAAB. WOMTE N2YMO(CTA)- CIC ..... NOY ..... (NOY)TE NoYæT ..... OY CO.....2N TOIKONOMIA MTICOTHP (T)E(N)TICTEYE 2N OYMNTTEAIOC (ec)oyonz esox ..... TE4..... MICTEYE EPO4 E4OÔ NNOY- TE NTEXIOC AV EA4oOPEi NOYPŒOME EYXHK EBOX AXN NOBE : EAYXI MIICOMA EBOXIM MAPIA AY AUXI TEŸVXH MN THNOYC AY @ 2DB NIM E4ŒHOOT 2M HPHOME EN(AO NC)NAY AN AXXX OYA NOYOT NE TXOEIC IC HEXC, OY' À NE HPPO. OY' À TE TAPXIEPEVC, OYPOME MN OYNOYTE. NENAY AN, AXAA OYA NOYVOT. NTA4MODNE ÀAN 2N OYMNTATŒŒHDIE. XXXA NTA4WMODTE EYNOGE NXAPIC NTE TOIKOIÏINOMIX. » « L'apa Épiphane, archevêque, écrit : «Avant toutes choses j'embrasse les saints frères qui se sont «écartés de la communion des ariens et de l’hérésie novatrice des «sabelliens et ont glorifié la Trinité dans une substance unique : «Père, Fils, Saint-Esprit, trois hypostases, une (substance, une « divinité) unique. Quant à l'économie de l'incarnation du Sauveur, «nous croyons à la perfection évidente de son (incarnation), nous «croyons qu'il est un Dieu parfait qui a pris un homme complet «à l'exception du péché. Il a pris le corps de Marie et il a pris «aussi l'âme, l'esprit et tout ce qui est dans l’homme, et cela sans «former deux, mais un seul, unique Seigneur, Jésus-Christ, un «seul roi, un seul grand prêtre, un homme et un Dieu et non «pas deux, mais un seul unique; ce qui ne fut pas par impos- «sible, mais ce qui fut fait par une grande grâce de disposition « providentielle. » Saint Épiphane était tellement satisfait de la rédaction de cette lettre que, plusieurs années après, en 374, il en reproduit en grande partie les termes quand il résume à la fin de son Ancorat la doctrine orthodoxe promulguée par les évêques catholiques et par lui, c’est-à-dire l’œuvre du concile d'Alexandrie à laquelle il avait ue en. nai Muets, xai mdvres oi OpÜodoË“: érloxomor nai ovAÀ#6ONr mâoa À dyia nafolim éxxÂnota mpùs ras dyaxuVadoas aipécets dxoAoülws T} Tüv éylur éxelywoy marépoy mporerayuérn mloler, oùtws Aéyouer... (Ancorat, ch. axxt.) — hô1 — souscrit. [| dit, par exemple, à propos de lincarnation de Jésus- Christ : « Évavfpomioavra Touréol: Tékesov Gvbpæmov Xa6Gvra, Vuynv, xai côua, xai vobr, xai müvra, el te éolir vÜpwmos, Yw- pis duaprias, oÙx dd T'TÉPUATOS dvopès , oÙdE év dvOpore, d\N eis ÉauTo odpua dvarAdTavTA, Es me dylav évornta. ..... Ris y4p éoîi Küpios Înooùs Xpuolès, nai où düo, à adrès Seds, à aûTds xü- pros, Ô aÿrès (BaosXeus, etc. » { Ancorat, “ cxxr.) Comme on le voit, la dernière phrase du grec est identique à l'une des phrases de notre texte copte. La même identité d’expres- sions se retrouve encore plusieurs fois, notamment quand saint Épiphane parle du Saint- _. : « Ka eis Td d'y10v wvedua w10levo- LE, TÙ Aakñoor Ev vou na x pu Éy TOLS noi HO HO Tabdy ëmi TÔv lopdéomr, Aæho» év Arooékois, oixodv êv dylous. Oùrws œrolelouer êv aùré, bts éolt wvedua &y10v, wvedua Seod, Dvedua TÉe:ov, mvebua mapdxAntor, auriolov, etc.» ( Ibid.) L'une des décisions dogmatiques de nos actes portait dans la version de Turin : (ETRE TE HNX À€ N2ATION TAI TE 90€ ETMNMICTEVYE XE OYTNX NTE HNOYTE NE. OYNNX N2ATION. OYTNX EAXHK €BOX. OYIAPXKAHTOC. OYVATCONTA. OVATNPATA. EAUMDAXE 2M NNOMOC MN NETPOPHTHC MN NAMOCTOXOC. EAGEI EITE- CHT EXM IMOPAANHC. » «Quant au Saint-Esprit, nous croyons que c'est un esprit de Dieu, un esprit saint, un esprit parfait, un paraclet incréé, inac- cessible, qui a parlé par la loi, les prophètes et les apôtres, et est descendu sur le Jourdain. » À part une inversion des deux principaux membres de phrase. les variantes du grec et du copte sont insignifiantes. Ajoutons même qu'elles disparaissent si l'on corrige l'une par l'autre les versions de Naples et de Turin !. 1 Naples a, comme le grec, un esprit paraclet au heu de un paraclet (OY nNx MTIAPAKAHTON). [ supprime aussi le mot inaccessible (OV ATNPATS). Mais, en revanche, il porte un eSprit dwin (OYTNx NNOY TE) au lieu de un esprit de Dieu (OY NA NTE HNOY TE). Nous avons récemment trouvé à la Bibliothèque nationale une ancienne version arabe manuscrite de la partie dogma-. tique de nos actes, qni, sur ce dernier point, donne comme le grec raison au pa- sé de Turin. On y lit en eflet : sn Lane Er nes L Kg x 5 JR LS Loi 3. , — 62 — Mais saint Epiphane ne s'en tient pas là. Non-seulement il repro- duit la doctrine et transcrit la rédaction de nos actes, en ce qui touche la partie dogmatique, à la fin de son Ancorat, mais encore il abrége toute la partie disciplinaire à la fin de son Panarion et en donne les dispositions les plus minutieuses et les traits de mœurs les plus significatifs. On ne saurait demander pour l’au- thenticité de nos actes une plus haute sanction, puisque c’est à eux que saint Épiphane recourt de préférence à toute autre auto- rité quand il veut nous faire connaïtre ce qu’il nomme la foi et le droit de l'Église. Or, les usages des chrétientés de la Syrie avec lesquelles il avait ses relations les plus habituelles étaient tout dif- férents, ainsi que nous le voyons dans les œuvres canoniques de saint Basile. Enfin, après la lettre de saint Épiphane, nous trouvons dans le copte la lettre de l'archevêque Ruffin, qui mérite également d'être citée 1c1 : (2POYDINOC TMAPXIEMICKONMOC EAC2AÏ : FNPAWE EMATE EXN OV ON NIM ETKOINONEI NMMAN 2N MITAPAAOCIC NTIHC- TIC ETOVYOX.TETOVOX À 6 NE THTEXION KATA TMNTNOYTE AV ® KATA TOIKONOMIA NTMNTPŒHOME. COYVOX AP N6I TAI- AACKAXIA NTMNFNOYTE 2N OYOYCIAX NOYWT. ECOVYONZ EBOX AY ECTAXPHY N6I EOMOXNOTIA NTETPIAC ETOY AXE NTN M YXCOYE NMITICTOC. OYTEXION 6€ TE TOIKONOMIA NTÜUNTPHME MTENCHTHP AY (OY)TEX(ON T)}e TE4Ÿ yxH) NEWAAT AN NAXAAY) ACOY NZ NAN EBOX NETKOIN®ONEI À€ MN TEITICTIC CEWOON NMMAN. TAÏ ETOYTCABO MMON EPOC 2ITN IC HEXC HENXOEIC. HAI HEOOVY NA4 MN HEU4EIDWT NATAOOC MN TETINX ETOVYAAB ŒA ENE2 NENEZ. 2AMHN. » «L’archevèque Ruffin écrit : «Nous nous réjouissons beaucoup et nous nous congratulons «avec tous ceux qui sont en communion avec nous et participent «aux traditions de la foi orthodoxe. Saine est l’idée de la perfec- « tion pour la divinité comme pour l'économie de l'humanité. Saine «est la doctrine de la divinité dans une unique substance. Claire «et solide pour les âmes des fidèles la confession de la Trinité «sainte. Parfaite est donc l'économie de l'humanité du Sauveur «et parfaite aussi est son âme : rien ne lui manque; c'est ainsi «qu’elle s'est manifestée à nous, Ceux qui partagent cette foi sont — 165 — «avec nous; car elle nous a été enseignée par Notre-Seigneur Jé- «sus-Christ, à qui appartient la gloire avec son Père bon et le « Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Amen!» Ruffin ou Ruf£nien, auteur de cette lettre, était un évêque dont on ignore le siége. On sait seulement qu'il écrivit à saint Athanase pour lui demander comment il fallait agir à l'égard des ariens con- vertis. Saint Athanase lui répondit par une longue lettre qui se trouve dans ses œuvres {t. I, 2° partie, p. 963). Il lui recomman- dait d'accomplir les décisions du concile d'Alexandrie, dont il ui envoyait les actes pour les lire à son clergé. C’est sans doute alors que Ruffin rédigea l'adhésion que nous venons de lire ci-dessus. Et, en effet, le synode de 362 s'était beaucoup occupé de 1a question des catholiques tombés dans le schisme et des ariens convertis, comme nous le voyons dans l’épitre aux Antiochiens aussi bien que dans tous les anciens historiens ecclésiastiques. L'Éplise en était arrivée, en effet, à un moment fort critique; une lutte décisive se préparait. Les ariens avaient fait depuis vingt ans d'effrayants progrès dans le monde romain. Ils étaient parvenus peu à peu sous le règne de Constance à occuper lous les siéges. Les prélats catholiques les plus fervents avaient été exilés; les autres avaient signé des pro- fessions de foi ambiguës et suspectes, ce qui, selon l’ancienne discipline, les privait à jamais du gouvernement légitime de l Église. C'est sur ces entrefaites que Julien l'Apostat monta sur le trône. Tout d'abord il voulut faire acte de tolérance et il permit aux évêques de quitter le lieu de leur relégation. Mais lui-même il a bien soin de nous dire que ce n’était pas pour les laisser reprendre leurs dignités. IL voulait affaiblir les ariens et non fortifer les ca- tholiques. Car son but était d’anéantir les uns par les autres tous ceux qu'il nommait les impies Galiléens, lèpre de la société humaine (lettre LXIIT). Aussi, en même temps qu'il faisait son ordonnance générale de rappel, écrivait-il à l’hérésiarque Aétius : « Un décret commun à tous ceux, quels qu'ils soient, qui ont été bannis par le bienheureux Constance pour cause de folie galiléenne les a rele- vés de leur exil. Mais toi, je ne me borne pas à t'en relever. .., Je l'invite à te rendre près de nous. Tu te serviras de la poste pu- blique jusqu'à mon camp avec un cheval de renfort. » I croyait alors que les divisions intestines des chrétiens, si elles — 6h — étaient habilement entretenues, suffiraient pour amener leur ruine complète, et il se défendait encore de vouloir employer les me- sures de rigueur : «J'en atteste les dieux, disait-il à Artabius, je ne veux ni massacrer les chrétiens ni les maltraiter contrairement à la justice; je dis seulement qu’il faut leur préférer des hommes qui respectent les dieux, et cela en toutes rencontres. Car la folie de ces Galiléens a pensé tout perdre, tandis que la bienveillance des dieux nous a sauvés tous. Il faut donc honorer les dieux aïnsi que les hommes et les villes qui les respectent. » Au lieu d'un ennemi le catholicisme avait donc à en combattre deux : l’arianisme à l'apogée de sa puissance et le paganisme re- naissant. C’est en partant de ce point de vue qu'il faut juger l'œuvre disciplinaire du concile d'Alexandrie. Avant tout saint Athanase, assisté des quelques confesseurs qui avaient profité de la trêve pour se grouper autour de lui, sentit qu'il avait à ressusciter pour ainsi dire le corps entier de l'Église, Beaucoup d'évêques étaient tombés par faiblesse, d’autres, par ignorance; un grand nombre avaient été trompés par les subtilités d’ergoteurs habiles; enfin, certains eusébiens reconnaissaient main- tenant leur erreur et voulaient revenir de bonne foi à la doctrine du concile de Nicée. Tous, fallait-il les considérer comme héré- tiques, les déclarer déchus du sacerdoce et, s'ils consentaient à rentrer avec de telles conditions dans le sein de l'Église, les sou- mettre comme laïques à une longue pénitence? C'était là la loi traditionnelle et générale contre tous les hérétiques, cela est cer- tain. Mais on crut qu'une situation exceptionnelle devait nécessi- ter des mesures également exceptionnelles. On ne pouvait laisser sans pasteurs la presque totalité des fidèles catholiques. Voici com- ment Ruffin s'exprime à ce sujet dans son histoire ecclésiastique au commencement des deux chapitres sur le synode d'Alexandrie dont nous avons déjà rapporté une partie : « Pergit interea Eusebius Alexandriam ibique confessorum con- cilio congregato, pauci numero, sed fidei integritate et meritis multi, quo pacto post hæreticorum procellas et perfidiæ turbidines tranquillitas revocaretur ecclesiæ omni cura et libratione discu- tiunt. Aliis videbatur fidei calore ferventibus nullum debere ultra in sacerdotium recipi, qui se utcunque hæreticæ communionis contagione maculasset. Sed qui, imitantes apostolum, quærebant non quod sibi utile esset, sed quod pluribus, . ..,. dicebant me- \ — 0 — lius esse humiliari paululum propter dejectos et inclinari propter elisos, ut eos rursus erigerent ne sibimet solis puritatis merito cœlorum regna defenderent, sed esse gloriosius, si cum pluribus illic mererentur introire. Et ideo rectum sibi videri, ut tantum perfidiæ auctoribus amputatis, reliquis sacerdotibus daretur optio, si forte velint, abjurato errore perfidiæ, ad fidem patrum statuta- que converti, nec negare aditum redeuntibus, quin potius de eorum conversione gaudere ...... (Ch. xxviri.) «Cum igitur hujusmodi sententiam ex evangelica auctoritate prolatam ordo ille sacerdotalis et apostolicus approbasset, ex con- cilii decreto, Asterio cæterisque qui cum ipso erant, Orientis in- jungitur procuratio, Occidentis vero Eusebio decernitur. » (Ch. xx1x..) L’épiscopat se trouvait de la sorte reconstitué tout d'un coup. La réunion des catholiques et de tous ceux qui voulaient l'être était opérée et l’arianisme, qui avait toujours triomphé par les équi- voques et les subtilités, était vaincu par un grand acte de bonne foi, de conhance et de franchise. Quant aux hérétiques qui s'obsti- paient à refuser l'offre libérale qu'on leur faisait, leur culpabilité devenait tellement évidente que saint Athanase dut interdire aux fidèles toute espèce de rapport avec eux |. 1 Nous possédons la lettre encyclique que saint Athanase envoya à cette ocea- sion aux moiues orthodoxes. Les Bénédictins n’en avaient qu’une antique version latine. Mais le texte grec en a été en partie retrouvé à Abdelqurna dans une ins- cription contemporaine qui sans doute était placée à la porte d’une des églises monastiques. M. Lepsius la publié le premier; puis il fut reproduit dans le Cor- pus sous le n° 8,607. Le voici : XOANACIOY APXIENIC(KOTOY) AXEZANAPEIAC P(OC TOYC MO) NAZONTAC (AG)ANACIOC TOIC AT(ANTAXOY) (ope)o A O:0O1C- MONAX(OIC TOIC TON) (MON)HPH BION ACKOY(CI KAI EN TIC) (rei) XY 1LAPYMENOIC X(TATHTOIC KA) (noe)eiNoOTATOIC (AA EXDOIC EN KY) (PIW) XAIPEIN. T(& MEN KYPIW EYXAPICT T) (Kex)aPICMEND (Y MIN TO EIC AY TOR mic) (rey)ein iNx MET(A TON ATIGN KAI YMEIC) (exH)Tre zœ@HN xI(WNION. ETEIAH À.E€) TIN(ec}.ei1ciN o1 T(x xPEIOY dronoyci) HEPIOIXOMENOI T(A MONACTHPIA AI OY) ch Restait donc surtout à lulter contre Julien et le culte qu'il com: mençait à ranimer par son fanatisme mystique. Jusque-là saint Athanase, ne craignant plus rien des païens, en avait fait souvent ÀA.EN ETEPON H IN(A WC HPOC YMAC EP} XOMENOI (KAI A} YM(WN EPXOMENOI) EXDCIN ANATAN (TOYC LAIDTAC.) (rhinec Àe eicin o1 (xeroy ci MEN) (MH) dpoNeIn (rx AP&OY cyMnoiaci) A6 KAI CYNEY(XONTAI AV TOIC. ANA) KAIDC AIX FN(DMHC TON AA EXPHON rPAdeEIN) ECHOY A ACA (INA THN EYCEBH NICTIN THN ENE) p(r)HeeicanN (EN VMIN 6Y XAPITI EIXIKPHNH KA) AA OXON (AIATHPOYNTEC MH CKANAXXOY À!) (TIAN) Ob(XICKANHTE ToIc AA ExDoIC.) OTAN (FAP TIC YMAC TOYC EN XS IMICTOYC 6€) OPH (KOINOYNTAC TOIC TOIOY TOIC H AY TOIC CY) N(EYXOMENOYC TANTHC AH OIOMENOI AAIA@OPON) (TOY TO EINAI EC TON THC ACEBEIAC BOPBOPON) (euminTroycin ......... hpEit 8 «Athanasius solitariæ vitæ siudentibus et in fide roboratis ac dilectissimis fra- tribus, in Domino salutem. Domino quidem gratias ago, qui donavit vobis in eum credere ut cum sanctis etiam vos habeatis vitam perpetuam. Quia autem sunt qui- dam, qui quæ sunt Arrii sapiunt, circumeuntes monasteria propter nihil aliud, nisi ut quasi ad vos venientes, et a nobis revertentes, simplices seducant. Qui- dam autem sunt qui adfirment quidem non se sapere illa quæ sint Arrü, pergunt autem et pariter orant cum ipsis; necessario hortantibus sincerissimis fratribus scribere studui : ut piam fidem quam in nobis Dei gratia operatur sincere et sine dolo custodientes, non detis occasionem scandali fiatribus. Cum enim quis vos in Christo fidelis viderit communicare cum talibus, vel cum eis pariter orare, utique opinanfes indiscretum hoc esse, incidunt in cœnum impietatis. Ut ergo nihil tale fiat, sit vobis voluntas, carissimi, eos qui sapiunt quæ sunt impietatis ÂArri avertere; eos autem qui putantur qnidem non sapere quæ sunt Arrü, orant autem cum impiis devitare : et maxime quia quorum sensus exsecramur, horum etiam communionem convenit fugere. Si quis itaque venit ad vos, si quidem ad- fert, secundum beatum Johannem, rectam doctrinam, dicite huic : «Ave et sicuti « fratrem hunc talem suscipite.» Si quis autem simulat quidem confiteri se rec- tam fidem, apparet autem communicare illis, hujusmodi hominem hortamini quidem abstinere se a tali consuetudine et si quidem promiserit, habetote et hunc quasi fratrem; si vero contentioso animo perseveraverit, et hunc quoque vitate. » C’est en vertu de cette lettre de saint Athanase que les Pacômiens recevaient souvent si mal les Sarabaïtes et les disciples de saint Antoine qu'ils soupconnaient d'être hérétiques et qu’ils tourmentaient, en conséquence, de leurs questions, quand ils se rencontraient avec eux. { Voir Mingarelli, Ægyot. cod. reliquiæ, p. cxxxnH1.) — 67 — l'éloge en les opposant aux ariens. Il semble même d'après ses écrits, el surtout d’après son Apologie, qu’il entretenait avec eux de bonnes relations. Mais avec un empereur apostat et polythéiste, tout devait naturellement changer de face. Les vaincus de la veille, les gentils, devenaient les vainqueurs ; les rancunes se ranimaïent; on sentait que la persécution n'était pas loin. Il importait de s'y préparer. Sous les persécutions, ou plutôt encore pendant les trois pre- miers siècles de l'ère chrétienne, l'Église s'était attachée à former au milieu de la société romaine une autre société toute différente qui répondait au mépris par l'anathème, aux incapacités civiles par les interdictions religieuses, à la guerre ouverte par la pro- scription générale de tout ce qui constituait alors la vie civile. Puis était venu le temps des espérances. Une famille princière presque chrétienne sembla promettre des garanties sérieuses de liberté. On put songer à opposer aux persécuteurs des défenseurs, David à Saül; mais, pour cela, il fallait aider dans leurs luttes ces prétendants. Ce furent les prélats des Gaules et de l'Espagne qui, protégés efficacement par le César Constance Chlore, en- trérent les premiers dans cette nouvelle voie et pensèrent qu’il était bon de faire plier l'antique discipline aux nécessités du moment. Les concessions faites alors furent considérables : On permit pour la première fois aux chrétiens d’embrasser le métier des armes, de prendre le cingulum, d'entrer dans les ma- gistratures. Le concile d’Ârles alla mème jusqu’à excommunier les soldats qui, pendant la paix de l'Église, renonçaient au service militaire (canon 3). De son côté, le concile d’Elvire autorisa taci- tement les duumvirs, c'est-à-dire les magistrats municipaux qui étaient chrétiens, à assister aux sacrifices officiels du paganisme où leur présence était, exigée. La seule condition qui leur était faite était de ne pas entrer dans Fassemblée des fidèles pendant l’année de leur charge. Encore le concile d'Arles fut-il plus libéral. Il ordonna aux évêques de donner aux præsides au moment de leur promotion des lettres communicatoires spéciales et de ne les priver de la communion pendant leurs fonctions même qu'à l'instant précis où ils seraient forcés de faire quelque acte contraire à la discipline (canon 7). Enfin la famille de Constance l'emporta et les dispositions prises par les évêques d'Occident furent acceptées par tout le monde. — 168 — L’élan fut tel que beaucoup de chrétiens, qui, par zèle ou par sentiment de devoir, avaient autrefois déposé le cingulum , offrirent de l'argent pour pouvoir retourner à leur vomissement, c’est-à-dire pour rentrer dans les fonctions publiques. Le concile de Nicée fat obligé de proscrire cet abus (canon 12). On en était là quand on-vit tout à coup l'idolâtre Julien s'em- parer du gouvernement. Ce fut un coup de foudre, et saint Atha: nase comprit qu'il fallait rompre avec l’état actuel des choses et retourner courageusement vers le passé. I se borna donc à remettre en vigueur toutes les vieilles lois disciplinaires qui, depuis un demi-siècle, étaient tombées en désuétude. C'est ainsi que, pour séparer autant que possible les chrétiens des païens, il proscrit les jeux du cirque, les grandes chasses, les théâtres, la participation aux réjouissances publiques et aux fêtes des gentils. I défend aux voyageurs et surtout aux clercs d’entrer dans les auberges ouvertes à tout le monde, mais les invite à participer dans les églises où ils passent aux agapes ou repas communs. Enfin, il blâme le grand commerce, qui exige des relations étendues et va- riées , et interdit d’une façon absolue toute espèce de serment. Cette discipline était celle des Pères, ainsi que celle de l'Évangile; mais comme les serments en justice étaient exigés par le droït romain, elle cessa toujours d’être appliquée pendant la paix de l'Église et sous les empereurs chrétiens. Le rétablissement de cette ancienne règle était donc, en 362, un acte direct d'hostilité contre un gou- vernement que l'on considérait comme profane et persécuteur. Saint Athanase ne se contente pas de cela; mais il revient encore sur les dispositions d'Arles et d'Elvire, et semble considérer de nouveau comme excommuniés par le fait tous ceux qui servent l'État dans la magistrature ou dans l’armée. Voici, en effet, com- ment il nous donne la liste de ceux avec lesquels on ne doit avoir aucun rapport, pas même pour en recevoir des offrandes ou des oblations pieuses. | « ETBE NETNPOCOPA À € UE ETOYHHE MTINOYTE EAONE | CANHE ETMTPEACEWA NEAMNTA)PITMICE ETBE OYOYWM 21 CO. MHEA4XI” FAP NTOOTA NOYMATOÏ EATO2T CNOA EBOX. ! La version de Naples porte NTE ANOYTE ETPEAWODNE. ? La version de Naples porte ETBE OY 6IN OY DM. EAMDANXI. — 69 — H OYx EUX... XAAY EOCE H NTOOTA NOY2HFEMON HNTOO- T4 NOYTPATMATEY THC E4ADPK NNOY X ETBE OY2HVY N O4 H OYCTPATHTOC EYXIKBA® MMOG 2ITN NETAAIAZE (sic) MMOOY H OYPMMAO EAXI NNE4ZM2AX NEONC NE4AWBX MMO4 EPOOY 2N TE2PE MN OECD*. H NTOOTA NOYbONEYC NoOY- XIOYE MITATAUMETANOEI H NOY......: MAT ...,... QAN NNETOY DA) EXI NTOOTG. H 20INE EV WHMU)EEILAMDXNON H 2EN PAPMArTOC H NÉTBHK ETMA NNEPAPMATOC H 2ENPEAMOY TE H NETBHK E2ENCYNEAPION..... 2N 2ENCŒO2M H 2ENZ@TPÀ- Doc EYC2AÏ NN2IKON NELAMDXON. H 2EN ZYKOCTATHC NPE4- P2AX H MMETABOXNOC. H MMEOVCTHC H KATHXOC H PpEy- KAOY NOY.TTOYHHE AE (NTE...TINOYTE) EA(WAN X1 N)TOO TA NAAAY NNENTANXOOVY. H EAGANKAGICTA NOY MNTMINE 2N NPE4PNOBE E2OVN ETEPHE MTINOYTE *.. :» 1 La version de Naples porte EATTE (sic). 2 La version de Naples porte EY XI10Y À EPO4 TN NETaTpey-fo- CE. 3 [ei se termine le texte de Naples pour ne reprendre qu'au milieu de la lettre de saint Épiphane. 4 Lei se trouve une lacune de quelques lignes dans le texte de Turin. L’abrégé grec donne en ces termes tout ce passage : «Ilepi dè r@v æpooQopär dQelhes vA- Qeuv à iepeus* édy yàp Ad6n mapà oTparevouévou éxyéopros aiua, À daceloavtos, 4 xléÿayros, ÿ wpayuareurod, } ÉmOpaou, À waoù whovotou droolepnrod, À mapà reÂwdyou émimpdrloyros, À roxoyAÏGou, À ruoxovw ri oirou, À wapà mayrds duap- TOGŸ * à Tosodros iepeds drd rorobruy Édy Ad6m, ywAdy nai TuQAGr mposQéper ÉË aûréy r& Seë.» (Athan. Opp. Il, 363, f.) Le tour édv yap Xd6m du commencement est très-bien représenté dans la version de Naples par EAG)ANXI FAP. Mais la version de Naples comme celle de Tu- rin est beaucoup plus détaillée que le grec dans la liste des excommuniés. A-t- elle tort ou a-t-elle raison, c'est ce que nous allons étudier rapidement. La partie dogmatique de nos actes, dont nous avons retrouvé des traductions coptes et arabes, ne subsiste plus que par fragments en grec. Nous possédons au contraire de la partie disciplinaire (sans compter Larabe quatre versions an- tiques. Deux-d’entre elles sont en grec, deux autres en copte. Mais il faut remar- quer que les deux grecques ne sont que des abrégés plus ou moins étendus, tandis que les deux coptes (celle de Turin et celle de Naples), toutes différentes quant aux expressions mais identiques quant au sens que ces expressions re- couvrent, ont été certainement faiies par deux interprètes travaillant isolément sur un semblable exemplaire grec. C’est donc à elles quil faut avoir surtout recours pour avoir un calque complet et fidèle de toute l’œuvre originale de saint Athanase. L'un des deux abrégés grecs, le plus court, est celui dont nous avons déjà parlé précédemment et qui se trouve à la fin du Panarion de saint Épiphane (Exposit. fidei cathol. ch. xxr et suiv.) : «Jusqu'ici, nous dit-il, nous avons parlé — 170 — «Quant aux oblations, il faut que le Lea de Dieu ne bien garde de ne pas préférer (comme Ésaü) à son droit d’aînesse une de la foi de l'Église catholique. . . . Maintenant il est nécessaire que nous disions quelque chose des lois et des sanctions de cette même Église. ...» Puis, comme règle disciplinaire de l Église, il abrége textuellement et que dans ses moindres détails, en se permettant seulement d’y joindre de temps à autre quelques éclair- cissements et des additions peu importantes, notre traité d'Alexandrie. Quant au second abrégé grec, plus étendu que le précédent bien qu’il ait en- core supprimé des paragraphes entiers et déformé un grand nombre de phrases, il à été publié dans les œuvres de saint Athanase {t. Il, 360 et suiv.) sous le titre de Traité d'instruction pour les moines et tous les chrétiens tant clercs que laïques, Züyraypa didacualias mpôs uovdéoyras nai mévras ypioliavods xAmpixoûs Te nai Aaixoÿs. Il est attribué très-nettement à saint Athanase par le manuscrit, roù é» dyious œarpôs fur ÂOavaciou épyiemiondmou ÂXeardpelas. Il l'est aussi par tous les anciens, comme l'a prouvé son éditeur, le savant Arnold, et en particulier par plusieurs conciles qui en citent des passages sous le nom de saint Athanase. Mais le titre n'est reproduit nulle part; et, en effet, ce titre a été très-certaine- ment ajouté après coup à cette portion du Synodique. Dans la version copte et dans l'arabe les prescriptions disciplinaires suivent immédiatement les définitions dogmatiques avec cette simple liaison : «Quant à la vie des fils de l'Église et principalement des anachorètes, qu’ils enseignent ainsi leurs fils et leur disent ces choses afin qu'eux aussi soient sauvés par la grâce. La grâce veut que ses fils et les fils de la sagesse éprouvent avec soin les choses bonnes et les pratiquent avec libre arbitre. Rendez-vous donc dignes de la foi orthodoxe et de même _que vous les avez entendues gardez ces choses, mes bien -aimés : Avant tout tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme et tu aimeras le prochain comme toi-même. Tu ne tueras pas. Tu ne forniqueras pas, etc. » Mais l’abréviateur grec, qui voulait extraire des actes d'Alexandrie, pour en faire un livre à part, tous les préceptes moraux et disciplinaires, avait besoin d'un titre spécial. Pour cela, il supprima la première phrase, qu'il transporta dans l’en- tête, et il modifia tellement celles qui suivaient immédiatement que, comme l'ont remarqué les Bénédicüns, elles n'offrent presque plus aucun sens. Mais ce ne fut pas là la seule altération qu'il fit subir au texte. Un grand nombre de passages furent corrompus ou supprimés dans cette édition nouvelle, parce qu'ils ne pa- raissaient plus conformes à la discipline du temps. De là vient la coupe forcée de quelques phrases et l'introduction de mots récents ou barbares qui n'étaient pas dans l'original de saint Athanase. La plupart des expressions qui ont été accusées de nouveauté et de bâtardise (voUeia) par les Bénédictins ont été ainsi ajoutées après coup et n'ont comme dueporepiracToy, épyareveobcu, etc., aucun correspon- dant dans le texte copte. D'une auire part, samt Epiphane nous a conservé, dans son propre abrégé, des interdictions , des locutions et des paragraphes qui, se trou- vant dans le copte, ont complétement disparu dans le texte grec de l’'anonyme. Tel est en particulier tout le passage si curieux et si conforme à l’ancienne disci- pline qui concerne l'excommunication des comédiens, des coureurs du cirque et des chasseurs : « Ârounpiooet Séarpa, nai immuods xai xuyñyta.» Le texte copte portait: NNEKAJAHX MN XAAY NPOME EMDAUBDK EHEGOEEATPON — 71 — vile nourriture. Qu'il ne recoive rien ni d'un soldat sanguinaire et violent, ni d'un præses, ni d’un trafiquant mentant à tout moment H INTIKOC H KY NHKION. « Tu ne prieras avec aucun homme qui va au théâtre, aux jeux du cirque et à la chasse». On retrouve la même excommuni- cation en ce qui touche le théâtre dans le concile d’Arles {canon 5), le concile d'Elvire (canons 62 et 67), le concile de Laodicée (canon 54), et, en ce qui touche les coureurs et les jeux du cirque, dans le concile d'Arles (canon 4) et le concile d'Elvire (canon 62). Mais la proscription de la chasse ne se trouve dans aucun autre document de cette époque à ma connaissance et est tout à fait parti- culière à ce concile. Aïlleurs enfin c’est anonyme qui a introduit dans son texte des membres de phrase qui, la plupart du temps, sont en contradiction flagrante tant avec l'esprit du contexte qu'avec saint Epiphane et le texte copte. Ainsi nos deux versions de Naples et de Turin disent avec de légères variantes à propos du haut commerce et des opérations de banque : MHPHPATMATEVYE ETNTHPA. AXXXA OYN 2ENXOPX ŒOON NCEP2OB AN ETIKAZ N2HTOY OVTE NCE CKAI AN. NETOYH2 6E N2HTOY MAY ONE EMNTOY TEXNH MMAY. AOITON ŒAPE TANATKH TA2O0OVY ETPEVPEWODT. NA- NOY T2OB MEN AN. TAHN ETBE TANATKH ETŒOON CEEIPE MrIAÏ. (Texte de Naples.) « Ne te livre pas du tout au négoce. Il y a des pays où lon ne peut ni labourer ni travailler à la terre. Les habitants n'ayant pas de mé- tier sont obligés de faire du négoce. Ce n’est pas une bonne chose. Maïs c’est par nécessité qu'ils agissent ainsi.» Cette interdiction du négoce regardait donc tous les chrétiens, sauf le cas d’absolue nécessité. Aussi saint Épphaé l'avait -11 ré- sumée dans sa forme la plus LE d ’ = a. + ‘ “ * #3 sa : L2 CE n Fe. te : : FC + nr À i [ : NS, i 4 Ë ‘ [2 _ r LE * .: & à ALES 4 \ 1 IE Le . -— ” n ” ñ , v 7 ; RS : ; ë 5 S: € Lt: : #L 9, 0 RS } PF ts 4 LT LYS * M € à - EE k à | : - # , : Le AL EL ERE ; | "AAA 2: | RS CRU UE ET ET PE RU RES à 7 NOTONS : 13 : MAPCE. HE (Le rt À & dei ÿ 20 F ‘ | +4 SUR et LS UE Ù PA TUE S : FIAT ON vu Li: TE &t Pre L'RUE"T Da + { U : j - * \ : AE à ’, “ 1 “LM x + ee L h sx HET" n, © é c 40e n , a 4 s EN NEN NAN NAN ENASENA VEN == Le re Les ArGHives pes Missions SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES sé vendent au prix de o francs le-volume. ON SOUSCRIT À PARIS, CHEZ À. DURAND ET PEDONE-LAURIEL, RUE Cusas, N° 9. À RRINRRRRAONDILIONQOONQORRIONAINIQRERER D É VA MO 0 D DU À © € D 0 0 CU MERE D OL OLOIO LED 0 O0 D (0D © 0 0 010 COLONNDAON ONE A n Ft Nr ‘7 ALU. nu a DAME LULU 3 9088 01298 7863