Velo fèar Ce 9e arte Ts Vs ts metier re à Re - pere > Er AT rt fu É Ré rtiE ARE RE 7 ni PRE Or EPP are he ere : ping opter ar Sad dy en Er mn Pr Lt hotittatiotintatietniett eur ("ent ae > HP Re ar Se 8h AE MD LS BEN 9-08 NA het NE Ad Fate ses re RES PT a be ne re dom heu æ > é ss s me 1 rs nd une Ar 00 ©. 2 SACS MNT FRA EE ST Re ANR PAR er Fa UT Zz — = 4 LSNI NVINOSHLINS S31uvVug17 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NO il > Gt 6 un Pr | D . 5 à su a 5 BP : fm: ke % Fe 7 : 2 ee 2 ë — Ep ca un a un in UE D Æ un CS LES SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLIISNI NYINOSHILIWS S314VH811 LIB un 2 on Z ] tn = £ = A : ,£ 4 à 5 = = Z HN à 5 6 = 6 = ; a NE e) L o L où T NN x E = 2 = Z Ë N 1 = aus 6 = > Æ À. Z n >, pa en Ps (24) | LSNI NVINOSHLIWNS S31YVH917. LIBRARIES SMITHSONIAN _ INSTITUTION NO! 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LIBRARIE 1411 LIBRARIES SMITHSONIAN 3411 LIBRARIES 817 TION TION ARCHIVES ZO0LOGIE EXPÉRIMENTALE | ET GÉNÉRALE PARIS: — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE DARCET, &. ARCHIVES DE à ZOOLOGIE EXPÉRIX ET GÉNÉRALE [ENTALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE HENRI ne LAGAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF (FINISTÈRE) ET DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR-MER (PYRÉNÉES-ORIENTALES) (Laboratoire Arago) PRÉSIDENT DE LA SECTION DES SCIENCES NATURELLES (Ecole des hautes études) TROISIEME SÉRIE TOME DEUXIÈME 1894 PARIS LIBRAIRIE C. REINWALD & Ci 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 145 Tous droits réservés, NOTES ET REVUE Î UN MOT SUR LE SQUALE PÈLERIN!, Par P.-J. VAN BENEDEN, Membre de l’Académie royale de Belgique. Il y a peu d'animaux qui, dans ces derniers temps, aient attiré l’attention comme le Squale pèlerin (Selache maxima); il a la taille des petites Baleines, il a des fanons comme elles, et leur présence est signalée sur les côtes du Groenland et de Norwège comme sur les côtes de nos antipodes. Son nom français vient des replis de la peau, qui forment les fentes bran- chiales, et qu’on a comparés aux collets superposés des pèlerins. Il y a peu de temps, M. Cheeseman, curateur du Musée d’Auckland (Nou- velle-Zélande), m’envoyait des dents d’un Squale pèlerin de 34 pieds de lon- gueur, échoué à l'embouchure de la Wade River, non loin de Devonport, et me priait de vouloir bien les comparer aux dents de ceux qui vivent dans notre hémisphère, qui est censé être leur région propre. Nous avons fait cette comparaison; nous avons fait polir quelques dents pour comparer leur structure intime, et nous avons trouvé le même résultat que notre savant confrère de l’Université d'Édimbourg, sir Turner, qui avait reçu également des dents et des fanons d’un Squale pèlerin de Terre-Neuve. Nous connaissons maintenant plusieurs exemples d'individus de grande taille de cette même espèce, qui sont venus se perdresur les côtes d'Australie; nous connaissons un certain nombre d'individus capturés dans notre hémi- sphère, depuis les côtes d'Islande jusqu’au golfe de Gascogne, les côtes du Portugal et des États-Unis d'Amérique, et nous sommes en droit de dire : le Squale pèlerin, Cest-à-dire le Basking-Shark ou le Bone-Shark, est une espèce cosmopolite, contrairement à l'opinion exprimée dans les ouvrages Îles plus autorisés. Et à ce sujet nous ajouterons qu'il y à plusieurs autres exemples d'espèces cosmopolites ou orbicoles, au moins parmi les animaux aquatiques, et cette ubiquité est pour nous un signe de leur archaisme. Quand Cuvier faisait remarquer qu’il ne trouvait pas de différence entre le Cachalot, qu'il vint du nord ou quil vint du sud, on n’était pas encore en droit de dire que le Cachalot est une espèce orbicole, qui se capture dans 1 Extrait des Bulletins de | Académie royale de Belgique, 3° série, t. XX VI, n° 7, p. 33-36, 1893. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3° SÉRIE. — T. II. 1894. À Ton NOTES ET REVUE. l'Atlantique comme dans le Pacifique, et qui se perd, le mâle du moins, tan- tot sur les côtes du Groenland, tantôt dans l’océan Australien. Aujourd’hui on peut dire que ce Cétacé, comme bien d’autres espèces de cet ordre, sont orbicoles. | | Le Grindewall (Globicephalus melas), espèce qui visite les Féroé avec autant de régularité que les Grives et les Bécasses visitent nos régions tempérées, habite si bien la mer de nos antipodes, qu'un squelette, que nous avons reçu directement de la Nouvelle-Zélande, est absolument semblable, pour la taille comme pour les autres caractères, à celui des'Grindewalls de nos côtes. Parmi les Cétacés, nous pouvons citer encore, comme espèce orbicole, le Dauphin ordinaire, le Delphinus delphis, que l’on à pu croire propre à la Mé- diterranée. Le British Museum a reçu un squelette de cette espèce qui n'est pas à distinguer de celui de nos mers. Parmi les Reptiles mêmes, nous avons cité dernièrement les Sphargis, qui ne sont pas cependant des nageurs par excellence. Nous pourrions signaler également plusieurs Squales qui habitenttout aussi bien le pôle arctique que le pôle antarctique. Et parmi les Mollusques, nous pourrions sans doute citer également les Céphalopodes gigantesques dont on annonce de temps en temps la cap- ture. Le Squale pèlerin se distingue non seulement par sa grande taille, mais également par des mœurs qui l’éloignent de tous les autres Squales ; au lieu de vivre comme eux à toutes les profondeurs ct d’être la terreur des grands et des petits, il ne poursuit que les animaux de petile taille, Méduses, Vers, Polypes, qu'il trouve suffisamment près de la surface. On ne voit jamais le Pèlerin dans les grandes profondeurs, disent les pêcheurs; comme l'Orque, 1l montre sa nageoire dorsale hors de l’eau, ei on le reconnait à distance. Ce Poisson est, relativementaux autres Plagiostomes, ce que sontles Baleines à côté des Cétacés à dents. Ils ne se nourrissent, les uns et les autres, que de Mollusques, de Vers et de Polypes. C’est à cause de ce régime, qui leur est commun, qu'ils ont des organes semblables à des fanons servant de tamis pour séparer le butin. Leur structure indique que ce sont plutôt des dents que des fanons véri- tables. On pourrait leur donner le nom de fanoncules, pour rappeler leur usage. Comme ils avalent souvent les plantes marines en même temps que les Mollusques et les Vers qui les recouvrent, on leur a attribué à tort, comme aux Morses, parmi les Pinnigrades, le régime herbivore, Ces fanons, connus de l’évêque de Trondhjem, Gunner', et de Pennant” au siècle dernier, de Brito Capello # et de Alleman”* dans le courant de celui- i MronDs. Selsk. Skrift, vol. CXI, 1765. 2 British Zoology, vol. CXI, 1769. Jornal de sciencias mathemat., phys. e naturales, n° 7, 1869. * Nature, august.31, 1876. C2 NOTES ET REVUE. ul ci, étaient méconnus par les cétologistes les plus connus, puis furent déli- nitivement déterminés après les travaux de Hannover? sur leur structure et la découverte de leur présence dans le sable pliocène des environs d’Anvers?, ct en Italie, à Orciano, Volterra et Siena*. II NOTE PRÉLIMINAIRE SUR LA DISTRIBUTION DES SEXES DANS LES CELLULES DU GUËPIER ÿ, Par P. MarcHar6. 1] a été dit par Réaumur et il a été répété depuis que les larves de Guêpe mâles se trouvaient placées dans des cellules spéciales, reconnaissables par leur taille définie, et intermédiaires entre celles des femelles et celles des ouvrières. Partant de cette donnée et n’ayant pas à tenir compte des ouvrières pondeuses qui, ainsi que je lai démontré, contribuent dans une large me- sure à la production des mâles, mais dont l’existence était problématique, on pouvait alors conclure que la reine était capable de pondre en quelque sorte à volonté un œuf mâle ou un œuf femelle, suivant la nature de la cellule dans laquelle la ponte s’effectuait. Je ne saurais dire s’il en est ainsi pour certaines espèces à nid aérien, que je n’ai pas encore eu l’occasion d'étudier. En tout cas, il n’en est rien pour les Guêpes communes, celles qui font leur nid sous terre, la Vespa germanica et la Vespa vulgaris. 1 Le 23 octobre 1862, Eschricht m'écrivait: « Eh bien! avez-vous examiné le pelit échantillon de mon morceau mystérieux ? M. Steenstrup vient de me dire que, lui aussi, il a trouvé une pièce semblable dans l’ancien musée de Copenhague, et qu’en Yain il a consulté un grand nombre d’anatomistes européens là-dessus. » 2 Dansk, Vid. Selsk. Oversigt, 1867. 3 Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 1871. 4 RoB. LAwLEY, Resti foss. della Selache trovati a Ricava, Pisa, 1879. 5 Deux notes ont déjà été publiées par moi sur la reproduction des Guëpes, l’une sur la parthénogénèse des ouvrières, dans les Compies rendus de l'Académie des sciences, séance du 30 octobre 1893 ; l’autre sur le réceptacle séminal, dans le Bul- letin de la Société entomologique de France du 28 février 1894. Un article d'ensemble sur la Vie des Guépes a aussi paru dans la Revue scientifique du 24 février 1894. Les résultats qui suivent proviennent d’une première série d'observations faites dans le courant de l’année 1893 dans la Vienne, à [teuil, sur une quinzaine de guépiers. I1 se peut que certains phénomènes soient soumis à différentes variations suivant les années. Aussi, avant de publier un travail complet et définitif sur la reproduc- tion des Guëpes, je considère comme prudent d'attendre que de nouvelles observa- tions viennent me fournir de plus nombreuses données, 6 Par un oubli qu'il importe de réparer, le nom de M. Marchal n’a pas été mis à la note VIIL (Notes et Revue, 1893, p. xxIX.) (La Rédaction.) NOTES ET REVUE. IV Dans ces nids, il y a deux ordres de cellules, les petites et les grandes, le diamètre des premières égalant environ les deux tiers du diamètre des secondes. Les grandes sont construites les dernières à la fin d’août et en sep- tembre et, à elles seules, constituent les gâteaux inférieurs. Pour fixer les idées par un exemple, si le nid se compose de neuf gâteaux, les sept premiers (supérieurs) seront formés de petites cellules, et les deux derniers (inférieurs) de grandes cellules ; il n’y a cependant, dans cette pro- portion, rien d’absolument fixe, et la seule règle c’est que les gâteaux à grandes cellules sont toujours les derniers construits et sont toujours en nombre beaucoup plus faible que les gâteaux à petites cellules. Contraire- ment à ce qui a été dit jusqu'ici, il arrive souvent qu'entre les gâteaux à petites et ceux à grandes cellules il s’en trouve un contenant dans une de ses parties de petites et dans l’autre de grandes cellules. Le passage entre les deux ordres s'effectue alors au moyen d’une ou deux rangées de cellules intermédiaires. Dans le mois d'août, correspondant, ainsi qu’on le sait, au moment de l’ap- parition des mâles chez les Guëêpes à nid souterrain, on trouve, dans les petites cellules de l’un quelconque des gâteaux qui les présentent, à la fois des larves d’ouvrières et des larves mâles. Ces dernières, reconnaissables à la présence d’une large tache grisâtre, géminée et dorsale, correspondant aux testicules, sont distribuées sans ordre au milieu des larves d’ouvrières ; elles sont le plus souvent groupées ensemble par masses Ou par traînées en proportion variable, suivant la saison et suivant les nids; mais que la cellule soit ouverte ou close, il est impossible de dire d'avance si elle doit contenir un mâle ou une ouvrière : les cellules qui les contiennent sont absolument semblables sous tous les rapports. Les nombreux mâles qui éclosent de ces petites cellules sont en général detaille petite ou médiocre, tandis que la majorité des ouvrières écloses à cette époque se trouvent, au contraire, plus grosses que celles des générations précédentes. ae Ainsi donc, les petites cellules ne sont pas, comme on le croyait, réservées exclusivement aux ouvrières, mais elles peuvent contenir en très grand nombre des mâles : il peut même arriver qu'au moment de la grande production des mâles, à la fin d’août, certains gâteaux à petites cellules contiennent beau- coup plus de mâles que d'ouvrières ; dans l’un d'eux, j'ai eu une proportion de 110 mâles contre 50 ouvrières. Pour ce qui regarde les grandes cellules, la distribution des sexes varie suivant l’époque. Dans une première période correspondant à la fin d'août et au commencement de septembre, elles sont occupées indifféremment, soit par des ouvrières de grosse taille, mais n’arrivant pas encore à la taille des reines et que je désignerai sous le nom de femelles intermédiaires, soit par des mâles, ces derniers toutefois paraissant, en général, moins nombreux. Vers le milieu de septembre, les grandes cellules deviennent occupées par des reines ; les cellules à reines ne se reconnaissent des autres grandes cellules que lors- qu’elles sont operculées par la larve ; l’opercule forme, en effet, un dôme très NOTES ET REVUE. V saillant, au-dessous de la cellule, tandis que Îles grandes cellules operculées et occupées par des femelles intermédiaires ou par des mâles sont fermées par un opercule à peu près plat. À cette époque, il y a encore un certain nombre de grandes cellules occupées par des mâles et se distinguant le plus souvent de celles occupées par les reines par un opercule surbaissé ; mais elles devien- nent de plus en plus rares, el, pendant le mois d’octobre, les grandes cellules deviennent exclusivement occupées par des reines. Les grandes cellules ne sont donc spécialisées pour les reines qu'à la fin de la saison et, au début, elies peuvent contenir des ouvrières de grosse taille et des mâles. Dans aucun cas, il n’est construil de cellules sur un type spécial pour le sexe mâle ‘. Il résulte de ce qui précède que les œufs femelles, pouvant devenir, sans doute suivant les conditions alimentaires, soit des ouvrières, soit des reines, sont pondus indifféremment dans l’un ou dans l’autre des deux ordres de cel- lules. Quant aux œufs mâles, ils sont, dans une première période, pondus également sans élection spéciale, tandis qu’à la fin de la saison ils sont exclus des grandes cellules et sont uniquement pondus dans les petites. En admettant qu'il existe une faculté élective pour la ponte des œufs chez la reine Guêpe, elle est donc, en tout cas, beaucoup moins développée que celle qu’on accorde généralement à la reine Abeille. a —————————————— [LI UNTERSUCHUNGEN UBER DEN KREBS. DIE ZELL-ERKRANKUNGEN UND DIE GESCHWULSTBILDUNGEN DURCH SPOROZOEN, Par le docteur Ludwig PFEIFFER ?. (Analysé par À. Labbé, docteur ès sciences.) Le docteur Pfeiffer qui, depuis plusieurs années, publie de nombreux tra- vaux sur les Protozoaires parasites, à réuni sous ce titre, en deux volumes dont un atlas de microphotogrammes, l'ensemble de nos connaissances sur les Sporozoaires pathogènes. En outre des faits et des dessins déjà contenus dans le précédent livre de l’auteur, Die Protozoen als Krankheiserreger, l'ouvrage renferme des docu- 1 Tous ces détails doivent être considérés comme s'appliquant uniquement aux deux espèces communes, Vespa germanica et Vespa vulgaris. Je ne puis encore rien dire des autres espèces. 2 Mit 62 Textfiguren und einem Atlas von 80 Microphotogrammen, chez Fischer, Iéna, 1893. VI NOTES ET REVUE. ments intéressants et inédits qui, malgré le titre un peu spécial, Uber den Krebs, intéressent certainement plus les zoologistes que les médecins. L’au- teur, dans sa préface, émet le vœu que les zoologistes s'occupent de l’évo- lution et des transformations de ces organismes inférieurs, dont les médecins jusqu'ici se sont seuls occupés. Or, dit M. Pfeiffer, « Die Mediciner sind heute noch schlechte zoolaogen ». Le sujet de l’ouvrage est de prouver par l'étude des différents Sporozoaires et des maladies cellulaires qu'ils occasionnent que le cancer est une affection parasitaire causée par un Sporozoaire. Mais Île fonds même des travaux de M. Pfeiffer, son « leit-motiv », consiste dans cette thécrie du dimorphisme de développement chez les Sporozoaires, théorie contre laquelle M. le professeur Schneider s’est si vivement élevé et qui reste, en somme, à démontrer, encore qu'elle paraisse très probable. Le docteur Rudolf Pfeiffer, de Berlin, ayant trouvé dans l'intestin de jeunes lapins une Coccidie à développement simple d'Eimeria, émit le premier l'idée (1894) que cette Coccidie était une forme évolutive du Coccidium perforans Leuckart, et qu’ainsi une même Coccidie pouvait avoir, suivant les circon- stances, un double développement : â° Un développement endogène simple (Eimeria) reproduisant l'infection chez le même individu par Schwärmersporencysten ; 90 Un développement exogène à deux degrés (Coccidium) reproduisant l'in- fection chez d’autres individus par Dauersporencysten. Le docteur Ludwig Pfeiffer, qu’il faut se garder de confondre avec le pré- cédent, étendit cette théorie à toutes les Coccidies d’abord, à beaucoup d'autres Sporozoaires ensuite, bouleversant ainsi toutes les classifications. C’est ainsi que chez la Salamandre, le Karyophagus Salamandræ Steinhaus serait le Schoarmersporenstadium de la Coccidie, dont le Coccidium proprium Schneider serait le Dauersporenstadium, Chez le Lithobius, il y aurait une Eimeria (Æimeria Schneideri Bütschli) pour répondre à l’Adelea ovata Schneider qui serait le Dauerstadium. Les Grégarines et les Klossia manquent de Schwarmercysten, mais il n en serait pas de même des autres Sporozoaires, suivant le docteur Pfeiffer, et le double développement, qu'il soit trouvé ou non, serait la règle dans le groupe. L'ouvrage de M. Pfeiffer comprend sept parties. Dans la première, il étudie les infections cellulaires par les Grégarines (Clepsidriana, Aclinocephalus, Monocystidées du lombric) et les Klossia des Mollusques. Dans la deuxième partie, il étudie les Coccidies et leur double mode de reproduction. Nous ne voulons pas discuter ici cette théorie séduisante. Nous avons, il est vrai, reconnu que chez les Hémosporidies des Batraciens et des Reptiles, probablement aussi chez les hématozoaires des Oiseaux, il existe un double mode de reproduction représenté chez les premiers par des cytocysles à microspores et à macrospores !, chez les seconds par les formes haltéridienne 1 V. LaBBé, Dimorphisme de reproduction chez ies Hémosporidies (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 5 juin 1893). NOTES ET REVUE. vil et amæbidienne'. Mais chez toutes les Coccidies vraies que nous avons étu- diées, en particulier chez les Reptiles, les Batraciens et les Oiseaux ?, nous n'avons jamais rencontré de Sehwarmercysten. Ceux-ci, s’ils existent, sont certainement rares. Il paraît donc prudent de se réserver et de ne pas trop tôt généraliser un fait d'évolution qui, peut-être, n'est qu'accidentel. Outre la Coccidie du Lapin et celle de la Salamandre, M. Pfeiffer rappelle la curieuse Coccidie que Podwissozki a trouvée dans l'œuf de Poule et qui, pour lui, est le Schiwarmerstadium (?) du Coccidium tenellum Raillet. Il rap- pelle en outre ce fait intéressant, que Schuberg aurait trouvé, dans l'intestin des Souris, un Coccidium qui serait le Dauercysten de l’'Eimeria falciformis, La troisième partie de l'ouvrage étudie les maladies de la fibre musculaire causées parles Sarcosporidies. Là encore, il y aurait un double développement, la forme Dauercysten, par exemple, serait représentée par les tubes de Miescher. L'auteur établit la similitude des formations carcinomateuses avec les tumeurs formées par les Sarcosporidies, qui ne seraient pas des parasites «polyphages », mais seulement des parasites adaptés à la cellule musculaire. Avec les Microsporidies des Arthropodes et des Crustacés, la Pébrine des Vers à soie, M. Pfeiffer place les infections musculaires assez problématiques des muscles des Batraciens et des Reptiles, déjà signalées par Danilewsky (Cen- tralblatt f. Bakt., 1891). Chez les Myxosporidies, outre des faits déjà connus et l'étude déjà faite des parasites du Syngnathe, du Caranx, du Barbeau, du Brochet, etc., l’auteur relate une infection très curieuse qu’il a découverte chez le Thymallus vul- garis et qu’il nomme Polyneurilis parasilica. Ce serait une infection des nerfs par une Myxosporidie, proche parente de celle du Barbeau. Cette Myxosporidie se trouve dans les nerfs (nerf optique intra et extra cérébral, pathétique, tri- jumeau, facial, etc.), et même dans le sympathique, sous le névrilemme. Si l'exactitude de la position du parasite était vérifiée, il serait très intéres- sant de constater que la cellule et le tube nerveux ne sont pas plus indemnes des parasites intracellulaires que les autres tissus. Les Amæbosporidies, groupe créé par Schneider pour le seul genre Ophryo- eystis, est étendu par M. Pfeiffer aux pseudo-parasites de l’épithélioma conta- giosum du Pigeon, de la maladie de Paget et du carcinome épithélal. Nous n’insisterons pas sur Ces pseudo-parasites, que Ce soient de vraies individua- lités zoologiques ou des formes de dégénérescence ; leur nature parasitaire est trop controversée, bien que M. Korotneff ait récemment encore, sous le nom de Rhopalocephalus carcinomatosus, décrit les inclusions bizarres des cellules cancéreuses comme un Sporozoaire intermédiaire aux Coceidies et aux Grégarines. Quelques pages sont consacrées aux deux dernières parties de l'ouvrage qui traitent des Hémosporidies et Cytamæbiens des Batraciens et Reptiles, des 1 V. LaBeé, Sur les parasites endoglobulaires du sang de l Alouette (Comples rendus de la Société de biologie, 8 juillet 1893). 2 V. Lapzé, Sur les Coccidies des Oiseaux (Comples rendus de l'Académie des sciences, 22 mai 1893). VIN NOTES ET REVUE. Hématozoaires des Oiseaux et de la malaria humaine, ainsi que des parasites (?) de l’exanthème aigu chez l’homme. Il est regrettable que M. le docteur Pfeiffer ait trop tôt et sans preuves sulf- fisantes généralisé cette théorie du dimorphisme qui, dans lPavenir, peut cependant être vérifiée et expliquer ainsi des faits restés obscurs. Mais, malaré quelques légères inexactitudes et quelques erreurs, l'œuvre de l’auteur est considérable et attirera certainement l'attention des naturalistes sur ce groupe des Protistes parasites encore si peu et si mal connu. IV SUR UNE NOUVELLE MÉTHODE DE COLORATION ÉLECTIVE DES GLANDES HYPODERMIQUES Par E.-G. RACOVITZA. On connaît depuis longtemps l’affinité de ces glandes pour toutes les cou- leurs hématoxyliques ou dérivées de l’aniline. Dans la technique, de nom- breux procédés sont indiqués pour les colorer électivement sur coupes. Avec l’hématoxyline, la safranine, le bleu de méthylène, on obtient des prépara- tions excellentes. On a cependant quelquefois besoin de se rendre compte de la distribution des glandes de l’hypoderme ou de leurs rapports réciproques. Ou bien on veut constater dans une série de forme embryonnaire la modification qu'elles subissent et l’ordre de leur apparition. Ainsi j'avais constaté, chez le Micro- nereis variegata adulte, que les glandes sont distribuées avec une régularité parfaite, et qu’en même temps, chez le jeune, leur nombre est excessivement restreint. Pour pouvoir suivre commodément, chez les embryons de divers âges, l’ordre de l'apparition et la distribution de ces glandes, il me fallait une méthode qui, tout en me permettant de garder l'animal entier, me donnât la possibilité de rendre son corps assez transparent pour ne pas gêner l’obser- vation. | La méthode que je vais exposer remplit toutes ces conditions, mais je dois faire observer qu’elle ne peut être utile à celui qui veut étudier les glandes en elles-mêmes, à celui qui veut faire leur histologie. C’est une méthode purement « topographique », si je puis m’exprimer ainsi, et à ce titre elle peut rendre, je crois, de grands services. En outre, on ne peut l’employer que sur les petits animaux ou sur de petits fragments d’un animal. Je me suis adressé comme fixateur à l'acide acétique, cristallisable, qui a la propriété de fixer les tissus tout en les laissant transparents, et comme colo- rant j'ai pris le vert de méthyl dont l’électivité pour le mucus est bien connue. Mais comme ce colorant a aussi la désagréable propriété de se décolorer très NOTES ET REVUE. IX vite, je résolus de lui adjoindre la liqueur de Ripart et Petit qui possède la propriété d'empêcher sa décoloration et qui constitue en même temps un excellent liquide conservateur. Voici la manière de procéder. On prend l'animal aussi vivant que possible et on le place dans un ménisque d’eau sur une lame de verre. On doit prenüre garde de ne pas trop le maltraiter, car, dans ce cas, les Annélides ont l’habi- tude de sécréter abondamment leur mucus, ce qui rendrait la coloration des glandes moins nette. Ou tient la lame d’une main au-dessus d’une cuvette rem- plie d’eau distillée, et l'on arrose vivement l’animal avec l'acide acétique. Après quelques instants on laisse tomber la lamelle dans l'eau distillée pour empè- cher l’action trop prolongée de l'acide qui est très nuisible pour les tissus. On place alors l'animal, qu'il est inutile de laisser laver longtemps, dans un mélange A composé de la manière suivante : Solution de vert de méthyl dans l’eau distillée à 0,3 °/,.. 1 volume, NABREERS Liqueur de Ripart et Petit................. Ro ceret mL ie Voici la formule de cette liqueur que je copie dans la Biologie cellulaire du chanoine Carnoy, page 95 : Chlorure de CUMLE EER PRE SRE TRE sente Er O 0 AcélaS OCR ON ae 0or ME ee mb EE 0e 0 ,30 Acide acétique cristallisé......... D nccocle ete 1 00 ® Eau camphrée (pas saturée)........ CE SAR 15 ,00 Den CHERNEC ESS ECC RO EORIONNE hr itere He 00 La coloration se fait très vite, mais elle paraît dépasser le but qu'on s'était proposé. Au bout de quelques minutes, l'animal, tout en restant transparent, se teinte uniformément en vert. Après vingt-quatre heures, les glandes sont fortement teintées, mais les noyaux des cellules sont aussi colorés en vert, et dans tout le corps persiste une légère teinte verdâtre. Ce n’est qu'au bout de plusieurs jours (trois à six) que le but estatteint. Le corps de l'animal est trans- parent et complètement incolore,les noyaux mêmes ont perdu leur coloration et ne s’aperçoivent plus; mais les glandes sont colorées d’une manière extrè- mement intense en bleu. Pour rendre l'observation encore plus facile, je plaçai les pièces dans le mélange suivant : Glycérine pure. 27 nc nine .. 1 volume. Mélange B Biqueur de Riparbel Petit. MN Les pièces doivent séjourner deux ou trois heures dans le mélange éclair- cissant, pour être.tout à fait propres à l’observation. On les montre et on les observe dans le mélange. On peut voir sous le microscope, d’une manière extrêmement nette, les glandes qui ressortent en bleu sur le fond transparent comme du cristal, du corps de l’animal. Ces préparations ne sont pas durables. Au bout de trois ou quatre jours, la coloration, qui avait commencé à pâlir, devient tout à fait indistincte. Il y a un moyen de la faire revenir exactement comme elle était avant ja décoloration. On n’a qu’à plonger les pièces dans le mélange À pour obtenir ce résultat. X NOTES ET REVUE. On peut répéter ces colorations un nombre indéfini de fois avec un résultat tout aussi satisfaisant. On peut conserver sans danger Îles pièces dans le mélange A aussi long- temps que l'on veut. J'ai essayé cette méthode sur diverses Annélides toujours avec le même succès. Mon ami le docteur Hecht l’a expérimentée sur les Eolidiens, et il a obtenu aussi de bons résultats. Cette méthode, comme je l'ai déjà dit, ne peut s'appliquer qu’à de petits animaux ou à de petits fragments d’un animal. Il est certain aussi que l’em- ploi de l'acide acétique glacial ne permet pas une bonne conservation des éléments histologiques. Pour remédier à ce dernier inconvénient, J'ai essayé de fixer les pièces avec le sublimé acétique, ce merveilleux fixateur pour les Annélides, et j’ai obtenu de bons résultats; seulement la transparence de la pièce fut moins parfaite. . J'ai encore une chose à faire observer : c’est que je n’ai obtenu de résultats parfaits qu'avec du vert de méthyl fourni par le docteur Grubler, de Leipzig. V SUR LE MÉCANISME DE LA PERFORATION DES CLIONES, Par E. ToPpsenr. Étant donné que, pour creuser leurs galeries, les Cliones ne font point usase de leurs spicules et ne produisent aucune sécrétion acide, force est bien d'admettre aujourd’hui, au sujet de leur mode de perforation, ce qui, de prime abord, paraissait le moins probable, une action purement mécanique de leurs parties molles exercée directement sur les pierres et les coquilles choisies pour abri. Malgré leur amæbicité incontestable, les choanocytes, les cellules granu- leuses et les cellules sphéruluuses du choanosome ne doivent pas prendre une part active dans l’accomplissement du phénomène; il ne semble pas douteux, en revanche, que le rôle soit réservé aux cellules contractiles. Dans tous les Spongiaires, la division du travail est parfaitement répartie, et ce sont ces éléments de revêtement du corps et des canaux aquifères qui, réglant le jeu des stomions, des proetions, des sphincters, des pores et des oscules, des diaphragmes tendus çà etJà dans les canaux, se chargent de provoquer de proche en proche tous les mouvements d'ensemble. Ils constituent Fen- veloppe de la larve, à l’époque de sa métamorphose, avant même que les autres éléments aient achevé leur évolution, et ce sont eux que l’on trouve partout au contact immédiat des parois des galeries de Cliones. NOTES ET REVUE. XI Ces cellules jouissent, chez les Cliones, d’une contractilité notablement supérieure à la moyenne; c’est un fait d'observation facile et qui prête un appui solide aux théories nouvelles de la perforation. L'énergie dont elles sont douées n’a toutefois rien d’exceptionnel; celles de Tethya lyncurium, par exemple, supportent assez bien la comparaison avec elles. Et surtout, il faut remarquer que, par leur constitution, elles ne se distinguent absolument pas de celles des autres Éponges siliceuses. Leur forme, irrégulière, est chan- geante, et c'est, jusqu'à présent, par une supposition toute gratuite, que certains auteurs ont attribué aux prolongements grêles, au moyen desquels elles s'unissent parfois les unes aux autres, une signification particulière. Ces constatations précises ne nous donnent malheureusement pas la clef du mystère. Je l’ai longtemps cherchée sans succès!. La question est évi- demment de savoir si les fragments de calcaire ou de conchyoline que détache J'Éponge pour s’enfoncer dans son support sont extirpés par simple traction ou, au contraire, découpés et façonnés. Dans les deux cas, l’action se localise toujours, ne s’exerçant, de proche en proche, que sur des aires d'autant plus restreintes que la galerie est alors moins spacieuse, ou que l’animal est plus jeune ou moins robuste; les fossettes creusées dans les meilleures conditions mesurent seulement 40 à 50 & de diamètre. 1l est inutile de considérer les diaphragmes interlobaires, souvent ménagés dans la paroi calcaire des galeries, comme des points d'appui per- mettant la pression ou la traction; outre que l'effort ne se transmet sans doute pas à grande distance, comme s’il s'agissait d’un muscle, on doit remar- quer que l'embryon, simplement posé sur la pierre ou sur la coquille,manque d’un pareil point d'appui, et aussi que, lorsque les galeries s’élargissent, les diaphragmes calcaires, se détruisant peu à peu, se trouvent remplacés, aux dépens du revêtement interne des canaux aquifères, par de minces sphincters contractiles, sans que pour cela la perforation s'arrête ; ces sphincters exis- tent, en abondance variable, sur le trajet des canaux de toutes les autres Éponges : ils servent à régler le courant circulatoire. Dans une note récemment communiquée à l’Académie des sciences, M. Au- gustin Letellier ? s'est montré partisan de la première hypothèse, celle d’une traction exercée par les Cliones. Des expériences ingénieuses lui ont prouvé que des corps relativement mous, tels que des fils de caoutchouc, auxquels on imprime des mouvements combinés de torsion et de traction excessive- ment faibles mais très multipliés, sont capables d’arracher à une valve d’huitre à laquelle on les fait adhérer des parcelles de calcaire ou de nacre. Il a cher- ché ensuite à se rendre compte de la résistance que peut opposer à la rup- ture la chair des Eponges perforantes, afin de déterminer si elle est capable, de son côté, de produire un effort comparable à celui qu’il avait provoqué de la part des fils de caoutchoue. Peut-être n’a-t-il pas été très bien avisé en choisissant pour ce caleul la chair des oscules, toujours plus dense que celle 1 Contribution à l’élude des Clionides (Archives de zoologie expérimentale et générale, 2e série, vol. 5 bis, 1887, 4e mémoire), ? Une action purement mécanique suffit aux Cliones pour creuser leurs galeries dans les valves des Huîtres (Comptes rendus, 30 avril 1894). X11 NOTES ET REVUE. des galeries fines, en raison de la grande quantité de spicules qui s’y accu- mule ; mais ses affirmations sur ce point peuvent être adoptées sans discus- sion, Car j'ai souvent constaté par moi-même que, malgré la mollesse de leur chair abritée dans les galeries, les Cliones jouissent d’une ténacité notable ; j'ai vu bien des fois des pierres fèlées, dont la fèlure était d’abord impercep- tible, se diviser lentement, leurs moitiés s’écartant au fur et à mesure que s’effilait la chair de l'Eponge qui longtemps les avait seule maintenues en contact. De ce qui précède, M. Letellier conclut que les tissus des Cliones sont assez résistants pour arracher, parcelle par parcelle, le calcaire et même la nacre des coquilles d'Huîtres. Il essaye ensuite de démontrer que cette puissance de traction est réellement utilisée et qu’elle explique tout le mécanisme de la perforation. Ces déductions ne sont peut-être pas très rigoureuses. Si je ne m’abuse, l'expression les tissus implique cette idée que tous les éléments concou- rent à l’accomplissement du phénomène, et, en même temps, cette autre que le travail effectué est le résultat du tiraillement exercé de place en place par toute une masse de chair. Cela me paraît fort contestable, d'après tout ce que j'ai rappelé plus haut. En outre, M. Letellier ne sort pas du domaine des suppositions quand il émet cette opinion que les Cliones creusent réellement leurs galeries en con- tractant énergiquement les cellules de leur tissu pour arracher des parcelles de calcaire de la valve de leur hôte. Loin de moi l'intention de lui reprocher de n’avancer aucun fait d'observation directe; je ne sais que trop combien la chose est difficile. Mais la solution qu’il donne du problème n’en est pas moins une pure hypothèse. Les considérations à l’aide desquelles il se propose de l’étayer n’infirment pas d’autres manières de voir : si la nacre présente une résistance énorme à une traction qui lui est non plus perpendiculaire, mais parallèle, il se peut aussi qu’elle gêne la Clione au cas où celle-ci perforerait par pression ou par incision. D’autres objections plus graves s'élèvent, qui font l’objet principal de cette note. M. Letellier est parvenu, par traction, à détacher des parcelles de calcaire ou de nacre. Quelle configuration ont ces parcelles ? Et sont-ce bien des parcelles que les Éponges perforantes arrachent à leur support ? A celte question, la réponse à apporter est franchement négative. Les corpuscules rejetés ne possèdent pas une forme quelconque. Invariable- ment, leur face profonde se montre arrondie. Leur face externe peut, au début de la perforation, être plane, dans le cas d’un support lui-même aplani ; par la suite, elle porte un certain nombre d’entailles hémisphériques, em- preintes des corpuscules précédemment enlevés. Pour agrandir sa retraite, la Clione va toujours creusant de proche en proche des fossettes, ainsi parfai- tement arrondies, d'un diamètre à peu près uniforme dans une galerie donnée. NOTES ET REVUE. XIII L'hypothèse d’une simple traction tient-elle compte de cette particularité si caractéristique ? Le poli des surfaces ne semble-t-il pas résulter plutôt d’un découpage conduit jusqu’au bout? Dans une valve d’Huitre, il existe très souvent des couches épaisses, très blanches, où, au lieu de se disposer en plaques solides et transparentes, le calcaire, composé d’un enchevêtrement de petites aiguilles, reste mou et friable. Des tiraillements peu énergiques les déchiquetteraient irrégulière- ment. Au lieu de cela, la Clione s’y creuse les mêmes logettes que dans le calcaire compact et en détache des corpuscules de même volume et de même figure. Les lamelles externes de la valve sont faites de colonnettes prismatiques de calcaire emprisonnées dans une trame de conchyoline et faciles à diviser dans le sens vertical et dans le sens horizontal. On devrait s'attendre à ce que, sous l'influence d’une simple traction, ce morcellement ait lieu. Au con- traire, sans tirer profit d’une organisation aussi avantageuse pour eile, la Clione taille dans ces feuillets des corpuscules identiques aux autres, ronds par en dessous, et intéressant d’un seul coup plusieurs colonnettes. Enfin, dans les plaques épaisses de conchyoline, le travail de creusement aboutit au même résultat; les corpuscules détachés apparaissent comme mo- delés sur leur face profonde. Des efforts de traction sont-ils capables de produire de tels effets? Cela n’est rien moins que vraisemblable, et l'hypothèse inverse semble plus con- forme à la réalité. Mais comment expliquer la pénétration, par leur énergie propre, des cellules contractiles de l'Eponge dans leur substratum ? Là git la difficulté. M. Letellier n’a pas manqué d'envisager, lui aussi, cette hypothèse. Seule- ment, il a songé à une pression en masse. L'expérience lui a montré « qu'on détache des lunules de calcaire, semblables à ceiles qu’on observe dans le canal central des Cliones, en pressant avec une pointe mousse sur le calcaire des valves d’une Huître ». Il a d’ailleurs bien vite abandonné cette manière de voir, sans insister davantage sur les détails de la forme des lunules ainsi obtenues. De sorte que, pour le moment, le problème n'a pas reçu toute la solution qu’il exige, VI SUR LE FONCTIONNEMENT DU REIN DES HELIX, Par L. CUÉNOT. On sait que le rein des Gastéropodes Pulmonés, et spécialement celui des Helix, sécrète des concrétions volumineuses, à structure radiée, formées par de l'acide urique mélangé à divers produits mal connus. D’après un travail XIV NOTES ET REVUE. récent de M. Girod!, ces concrétions ne seraient pas rejetées telles quelles au dehors, comme on l'avait toujours cru; dans la première portion de l’uretère, tapissée par un épithélium vibratile, il se ferait une sécrétion alcaline (sel de soude), qui attaquerait les globules uriques dès leur sortie du rein et les trans- formerait en urate de soude, rejeté ensuite à l'extérieur dissous dans l’eau. A un point de vue général, il peut sembler assez bizarre qu’un produit de désassimilation soit rejeté par un rein à l’état solide, pour être ensuite trans- formé dans l’uretère; je n’avais rien constaté de semblable dans une étude précédente sur l’excrétion chez les Pulmonés 2, ce qui m'a engagé à revoir ce point de détail. J'ai expérimenté sur Helix pomatia L., Helix nemoralis L. et Limax maxi- mus L. Si l’on élève ces Pulmonés en captivité, au bout de quelque temps on trouve sur les parois du cristallisoir de petits amas blancs ou jaunâtres, pesant parfois jusqu'à 4 et 6 milligrammes, généralement accolés aux excréments ; ces amas sont formés entièrement par des concrétions uriques, nullement atta- quées ni corrodées, identiques à celles contenues encore dans les cellules rénales. Cette simple observation, que j'ai répétée un grand nombre de fois, prouve donc d’une façon indiscutable que les concrétions sécrétées par le rein sont bien éliminées en nature, et non transformées en route. | Ces masses de concrétions ne sont rejetées qu'à des intervalles très éloi- gnés, quinze jours, un mois et plus, suivant lactivité de l’animal ; durant la période d’hibernation (cinq mois), les Helix ne rejettent absolument rien. Enfin, il est facile de provoquer l'élimination en injectant à des Pulmonés une solution physiologique d’indigo-carmin ou de safranine, substances qui sont éliminées par le rein en se fixant précisément sur les concrétions uriques ; au bout de huit jours environ, l’animal rejette des amas de concrétions colo- rées en bleu ou en rose, identiques à celles renfermées encore dans le rein. A l’état normal, l’uretère ne renferme qu’une faible quantité d'eau, conte- nant peut-être en dissolution quelques produits de désassimilation encore in- connus, provenant du liquide des vacuoles rénales, mais pas de concrétions. Par contre, si l’on ouvre un Helix au moment du rejet, ce qui m’est arrivé plusieurs fois, la seconde partie de l’uretère (celle qui longe le rectum) est absolument bondée de concrétions intactes ; la première partie ciliée est à peu près vide, et en y poussant une injection de tournesol très sensible, on peut se convaincre qu'il ne s’y fait aucune sécrétion alcaline. Il me semble que la démonstration est suffisamment complète pour ne pas insister davantage ‘. 1 P. Ginon, Observations physiologiques sur le rein de l'Escargot (Comptes rendus, t. CXVIIT, 5 février 1894, p. 294). 2? L,. CuëNoT, Études physiologiques sur les Gastéropodes Pulmonés | Archives de biologie, t. XIT, 1892, p. 683). 5 Travail du laboratoire de zoologie de la Faculté des sciences de Nancy. NOTES ET REVUE. xv VII SUR LES SCYPHISTOMES DES BACS DE L'AQUARIUM DU LABORATOIRE ARAGO ! Voilà bientôt deux ans et demi que les Scyphistomes se sont développés dans un bac où ne vivaient que des Cérianthes, des Vérétiles, Pennatules et Ilyanthes; nous n'avions pas pu leur attribuer une autre origine que le trans- port de leurs larves par les courants d’eau alimentant l’aquarium. La repro- duetion par bourgeonnement était telle que les parois du bac se trouvaient blanchies ainsi que les grains de sable du fond par la multiplicité des individus. Mais, malgré les soins et toute l'attention, jamais pendant cette longue pé- riode on n'avait vu un seul Scyphistome se strobiliser. Cr, à la date du 10 juin 1894, tout à coup les Scyphistomes se sont allon- cés, quelques-uns sont arrivés à 1 centimètre de long. Les tentacules se sont recourbés ou sont tombés et le cylindro-cône qui à succédé au Scyphistome s’est partagé en anneaux, la strobilisation était des plus évidentes. Il y a donc eu une longue période d’un état bien différent et il devenait dif- ficile de ne pas être frappé de ce très long retard apporté à la transformation. Rien de particulier à dire sur les jeunes Méduses qui se sont séparées, qui ont flotté et disparu sans laisser de traces après elles. Tout le reste de l’évolution est conforme à ce qui est connu et devenu classique. H. »E L.-D. 1 Voir une note précédente sur le développement du Scyphistome dans l'aquarium. Le directeur : H. px LACAZE-DUTHIERS. Les gérants : G. REinwaz» et Ci, A1 a tr { F We d'eiri | d EU GONE ù à A or Ÿ \ S : ’ 5 _ "| * où ON EE h à “ 4 % 9 LIT ; 7 \ RTE } ? à J À cet " NN? \ ; À £ } 1 j ER ELA Ë ; } A 0: 4 es À } “ \ | È % ro } S AS à ï : ï : Ps A À { 1 1 2 1 t ; { (& x! h 7 A F y: J dE 11 VS 4 Vi L# è \ F * \ 1 1 a 1 ; U : n } n f 5 y d j L MES 5 R { | f | À ” ‘ PL { l | | f à & | À % r » À f | \ , < SET j | (L e " ll #. À : à ÿ are HAS x é \ s $ ï QUE”) I fs lens Au Î | ONE) " t \ | < 3) \ | $ CYAN f l ÿ l ( 5 Ÿ ( | \ L ’ Ne ; ; ' Le ) } dune OR 1e L AA ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HERMANN FOL Les Archives ont perdu un collaborateur dont les travaux font le plus grand honneur au recueil. Lié par une étroite amitié et une grande estime à M. Hermann Fol, j'aurais déjà exprimé mes regrets sur la perle que fait la science en la personne de ce naturaliste éminent ; mais une lueur d'espé- rance m'était restée comme à tant d’autres ; tous nous avons long- temps cru qu'il reviendrait. Une notice vient de paraître en Suisse qui ne laisse plus d'espoir de revoir notre savant collaborateur. Une famille désolée sera heureuse dans sa douleur de voir rap: peler aux naturalistes combien celui qu’elle pleure a une large place dans le souvenir du monde savant, et combien sont estimés les beaux mémoires publiés par notre regretté collaborateur. Les Archives, s'associant de tout cœur aux sentiments pieux qui ont été manifestés en Suisse, s'empressent de reproduire la notice de M. Bedot. H, D6 LACAZE-DUTHIERS, ARC, DE ZOOL, EXP. ET GÉN, — 3 SÉRIE, — Te I 1894 1 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 19 HERMANN FOL SA VIE ET SES TRAVAUX «Deux ans se sont écoulés depuis le jour où Hermann Fol quittait le port de Brest pour entreprendre, sur son yacht l'Aster, une explo- ralion zoologique de la Méditerranée. Depuis ce moment, aucune nouvelle du voyageur n’est parvenue à sa famille, et toutes les re- cherches entreprises pour éclaireir le mystère de cette disparition ont été infructueuses. «Aujourd’hui, le doute n’est plus possible. Les tristes pressenti- ments des premiers temps se confirment chaque jour davantage et nous obligent à admettre la réalité d'un sinistre dans lequel Her- mann Fol aura trouvé la mort. La perte considérableæque la science vient d’éprouver nous fait un devoir de retracer brièvement la car- rière si active de ce naturaliste distingué. Nous tenons, en outre, à exprimer à sa famille la part que le monde savant et tous les amis des sciences prennent à son irréparable malheur. « Hermann Fol naquit à Saint-Mandé, près de Paris, le 93 juil- let 1843, de parents genevois. Après une jeunesse maladive, il fut envoyé à Genève pour y suivre les cours du Gymnase et de l’Aca- démie. C’est à ce moment que le goût des sciences naturelles com- mença à se développer chez lui, grâce à l’enseignement de professeurs illustres tels qu'Édouard Claparède, F.-J. Pictet et de la Rive. « Sur les conseils de Claparède, H. Fol alla continuer ses études de médecine et de zoologie à léna. Il y devint l'élève assidu de Gegen- baur et de Hæckel, et accompagna ce dernier dans une exploration scientifique des îles Canaries. Le voyage eut lieu pendant l'hiver 1866-1867, en compagnie de M. Richard Greeff, actuellement pro- fesseur à l'Université de Marbourg, et d'un naturaliste russe, M. Ni- colas de Miclucho-Maclay. « Un vaisseau de guerre prussien, la Viobé, transporta Hæckel et HERMANN FOL. 3 ses compagnons aux îles Canaries. Ils avaient choisi, pour y passer l'hiver, l'ile de Lanzarote, d’où ils rapportèrent un riche butin zoolo- gique. Le retour eut lieu par la côte d'Afrique, et à Mogador, l'expé- dition se partagea. Fol et Miclucho-Maclay s'arrêtèrent quelques jours dans ce port pour y faire les préparatifs nécessaires à un voyage dans l’intérieur du pays ; puis ils se rendirent, accompagnés de quelques soldats et serviteurs indigènes, à Marokech, l'ancienne capitale du Maroc. Le voyage était périlleux à cette époque, à cause des nombreuses bandes de Maures qui parcouraient et pillaient le pays. Il réussit cependant fort bien. La petite caravane put regagner la côte à Casabianca, où Fol et son compagnon s'embarquèrent pour l'Espagne. Cette expédition scientifique eut une influence décisive sur la carrière des deux jeunes naturalistes, Tandis que la traversée du Maroc déterminait chez Miclucho-Maclay ce goût des voyages qui en fit plus tard un des explorateurs les plus distingués de la Nouvelle-Guinée, Fol se sentait attiré surtout par le charme de la mer. C’est à partir de ce moment que se développa chez lui cette passion de la navigation qui devait lui être si funeste. « De retour en Europe, Fol reprit ses études, d’abord à l'Université d'Heidelberg, puis à Zurich, et enfin à Berlin. C'est là qu'il les ter- mina, en 1869, après avoir passé brillamment les examens du doc- torat en médecine. « C'était l'habitude, à celte époque, d'étudier la médecine lors- qu’on se destinait aux sciencesnaturelles; maislathèse pouvaittraiter d'un sujet purement zoologique. Fol présenta donc un travail sur l’anatomie et le développement des Cténophores, qui était le fruit des recherches faites à Lanzarote. Il s’attacha surtout à décrire avec un grand soin le premier développement el les organes des sens des Cténophores. Ce mémoire ne passa pas inaperçu. On vit qu’il s’agis- sait, non pas seulement d'un travail péniblement élaboré en vue d'un examen de doctorat, mais bien de recherches absolument per- sonnelles et dénotant des qualités d’observation de premier ordre. «Lorsque Fol revint à Genève, il y obtint facilement l'autorisation 4 11. DE LACAZE-DUTHIERS. de pratiquer la médecine; mais il préféra s'adonner entièrement à la zoologie qui l’attirait au bord de la mer. Il installa d'abord un petit laboratoire à Messine, où il passa plusieurs hivers, puis, lors- qu'il se fut créé une famille par son mariage avec M''e Bourrit, ces voyages devenant plus difficiles, il songea à se rapprocher du pays. C’est alors qu'il vint se fixer à Villefranche, où il chercha plus tard à établir une station zoologique. « Les années passées au bord de la Méditerranée, loin du monde et à l'écart des stériles discussions universitaires, furent les plus im- portantes et les plus productives de la carrière de Fol. C’est de cette époque que datent ses grands travaux, parmi lesquels nous devons citer en premier lieu les Études sur le développement des Mollusques, qui ont fait l’objet de plusieurs mémoires publiés dans les Archives de zoologie expérimentale. Ils renfermaient une abondante moisson de faits nouveaux, observés avec une scrupuleuse exactitude et une con- naissance complète de la technique micrographique, à laquelle on commençait à reconnaître une importance de plus en plus grande. Fol s’attachait avant tout à l’observation stricte des faits et à leur interprétation de la manière la plus plausible. En revanche, il pro- fessait une profonde antipathie pour les théories qui ne lui sem- blaient pas appuyées par des preuves suffisantes, ce qui explique les critiques parfois acerbes que sa plume laissait échapper. « À mesure qu'il avançait dans ses recherches embryogéniques, Fol se sentait attiré par les problèmes si captivants de la féconda- tion et des premiers phénomènes du développement. Il les étudia pendant plusieurs années, principalement chez les Échinodermes, et recueillit une quantité considérable d'observations, publiées en 1879 dans les Mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève, sous le titre de : « Recherches sur la fécondation et le com- mencement de l'hénogénie chez divers animaux. » « Dans cet ouvrage, Fol combatlit l'opinion des naturalistes qui considéraient la vésicule germinative comme une véritable cellule et défendit la théorie cellulaire de l’ovule. 11 chercha à déterminer HERMANN FOL. > exactement la valeur et le mode de formation des globules polaires auxquels il donna le nom de corpuscules de rebut. Enfin, c'est à lui que revient l'honneur d'avoir observé pour la première fois, sous le mieroscope, l'acte même de la pénétration du zoosperme dans l'œuf. Dans un chapitre spécial, il décrivit les phénomènes particu- liers observés dans les cas de fécondation d'œufs malades et de pé- nétration de plusieurs ZOOSpermes. Cette étude l’amena à proposer une nouvelle hypothèse sur la formation des monstres doubles ou multiples, hypothèse qu'il reprit plus tard dans un travail sur l’ori- gine de l'individualité. «Le Conseil supérieur de l'instruction publique d'Italie avait offert à Fol, en 1876, la chaire d’anatomie comparée à l'Université de Naples. Il préféra ne pas quitter complètement son pays, où il accepta, deux années plus tard, la chaire d’embryogénie comparée et de tératologie. Cette position modeste, qu'il occupa jusqu'en 1886, avait l'avantage de le retenir à Genève pendant le semestre d’été seulement. En hiver, il pouvait continuer ses travaux au bord de la mer, à Villefranche. Pendant cette période, Fol poursuivit avec une ardeur infatigable ses recherches dans tous les domaines de la zoologie. Profitant des avantages que lui procurait sa position de professeur d'embryogénie, il fit une remarquable collection d'em- bryons humains, dont l'étude à fourni le sujet de plusieurs mé- moires importants. Pendant les dernières années de sa carrière, Fol avait réuni, en outre, une quantité considérable de matériaux pour l'embryogénie comparée des Vertébrés. IL avait en portefeuille un travail important dont les planches, admirablement dessinées, étaient déjà gravées, mais dont toutes les notes ont malheureuse- ment disparu avec lui. « On peut difficilement se rendre compte de la merveilleuse acli- vité que déployait Fol dans tout ce qui touchait à ses occupations favorites. Les travaux des élèves qu'il avait réunis dans son labo- raloire et son professorat étaient l'objet de sa constante préoccu- pation. 6 H. DE LACAZE-DUTHIERS. «En dehors de son enseignement ordinaire, il donna à différentes reprises des cours libres sur les parasites de l’homme et sur la zoo- logie générale. Il savait captiver l'attention de ses auditeurs, moins par sa parole un peu froide, que par la clarté de son exposition et de ses idées, et par la nouveauté de ses vues. | « À côté de ses occupations scientifiques, Fol étudia avec passion la photographie, où ilespérait trouver de nouvelles applications à la micrographie. Il se lança même fort avant dans celte voie, fut un des fondateurs de la Société photographique de Genève, et publia, soit dans {a Revue suisse de photographie, soit dans la Mature, plu- sieurs articles se rapportant à ce sujet. « Le Congrès international d'hygiène, réuni à Genève en 1882, eut un intérêt tout particuiier, grâce à la présence et aux discussions de deux savants éminents, MM. Pasteur et Koch, dont l'autorité en microbiologie était universellement reconnue. Une question d'une actualité aussi captivante que celle du rôle joué par les microbes dans notre économie devait préoccuper un esprit comme celui de Fol. Aussi le voyons-nous, dès l’année suivante, se mettre avec ardeur à l'étude des microbes. Les résultats de ses recherches ont été communiqués, soit à la Société de physique et d'histoire natu- relle de Genève, soit à l’Académie des sciences de Paris. À la suite de ces travaux, le conseil administratif pria MM. Fol et le docteur P.-L. Dunant d'étudier la qualité des eaux qui alimentent la ville de Genève. Parmi les conclusions auxquelles est arrivé Fol dans le domaine deda microbiologie, il en est plusieurs qui ont été discu- tées ; mais si ses travaux sont maintenant dépassés, grâce aux pro- grès rapides que cette science a accomplis depuis quelques années, on ne doit pas oublier cependant que ce savant fut, à Genève, l’un des premiers à comprendre l'importance capitale de cette question. Il eut à cet égard une très heureuse influence qui se fait encore sentir actuellement. «Malgré le zèle qu'il apportait à ses études sur les microbes, Fol n'en continuait pas moins ses recherches zoologiques en portant HERMANN FOL. 7 surtout son activité dans le domaine de l'anatomie microscopique. Ce champ d'observations laissait entrevoir de fructueux résultats, mais il était souvent difficile de ne pas s’égarer dans le dédale causé par l'abondance des observations nouvelles surgissant de tous les côtés à la fois. Il fallait un homme doué d'une façon remarquable pour tenter de condenser toutes ces données éparses en un ouvrage d'ensemble. Fol entreprit cette œuvre pour laquelle il était tout qualifié par ses travaux antérieurs et par une connaissance appro- fondie de la technique histologique. La première livraison du traité d'anatomie microscopique, écrit en allemand, parut en 1884 et con- tient seulement la technique histologique. Les épreuves de la seconde livraison étaient imprimées avant le départ de Fol. Nous espérons que son éditeur ne tardera pas à publier un ouvrage d'un si grand intérêt. « À la même époque, Fol entreprenait la publication du ARecueil zoologique suisse. Il n'existait auparavant, en Suisse, aucun recueil périodique consacré exclusivement à cette science; cette nouvelle publication comblait donc une lacune très sensible. Elle rendit un service important aux zoologistes suisses, CL contribua à augmenter la renommée scientifique de notre pays. « Un regrettable incident universitaire, sur lequel il est inutile de revenir ici, engagea Fol à renoncer à la chaire qu'il occupait depuis neuf ans. Il alla s'établir à Nice. Quelques années auparavant, il avait cédé au gouvernement français son laboratoire de Villefranche. Cette station zoologique, dépendant de l'École des hautes études, était dirigée à cette époque par lé docteur Jules Barrois. Lorsque Fol quitta Genève, le gouvernement français le nomma directeur adjoint du laboratoire de Yillefranche. Celte nouvelle position lui permit de continuer ses recherches favorites, tout en cherchant à donner plus d'extension à la station zoologique. « Tout ce qui touchait à la mer intéressait Fol. À côlé de nom- breux articles sur des sujets se rapportant à la pêche, on lui doit une série d'observations très intéressantes, faites avec la collaboration de 8 1. DE LACAZE-DUTHIERS. M. Édouard Sarasin, sur la pénétration de la lumière dans la profon- deur de la mer et des lacs. « Mais l'étude des phénomènes intimes de la fécondation fut tou- jours une de ses principales préoccupations. Dans le dernier travail important qu'il publia, et qu'il intitula le Quadrille des centres, Fol décrivit avec une netteté parfaite les différentes transformations que subissent le noyau spermatique et le noyau ovulaire pendant la fécondation. Il s’attacha surlout à montrer que la fécondation ne consistait pas uniquement dans la réunion de ces deux noyaux, mais dans une série de transformalions des corpuscules centraux qui les accompagnent, Le spermocentre et l’ovocentre se divisent chacun en deux moiliés, et la fécondation n’est achevée que lorsque chaque moitié du spermocentre s’est fusionnée avec une moilié de l'ovocentre, ce qui donne naissance aux deux corpuscules polaires de la première figure de division. « Ces résultats viennent compléter heureusement les Recherches sur la fécondation, qui seront toujours la partie la plus remarquable de l’œuvre de Fol. « Un petit vapeur, l’Amphiaster, était attaché au laborataire de Villefranche. Fol l'avait aménagé avec un soin tout particulier pour la pêche dans les grandes profondeurs ; il fit, à son bord, de nom- breuses croisières au large de Nice et jusque sur les côtes de la Corse, C'est alors que le désir lui vint d'entreprendre un voyage de longue durée. | « Après avoir oblenu du ministre de l'instruction publique de France une mission pour l’étude zoologique des côtes de la Tunisie et de l'archipel grec, il fit l'acquisition d’un nouveau yacht, l’Aster, qu'il arma en vue d'une campagne de plusieurs mois. Son but était de poursuivre une étude des Éponges de la Méditerranée dont il voulait faire une monographie. Le 13 mars 1892, il s'embarquait au Havre à destination de Nice. Quelques jours plus tard, l’Aster touchait à Benodet, et depuis lors, on n’a plus eu de ses nouvelles. « La disparition de ce savant éminent est une perte irréparable HERMANN FOL. 9 pour Genève, car, malgré les raisons qui l’en avaient éloigné, il était toujours resté attaché à son pays. Il laisse une œuvre considérable, qui lui a conquis une place bien marquée parmi les premiers em- bryogénistes de notre époque. Ses travaux lui avaient valu de nom- breuses distinctions. Membre associé de plusieurs sociétés savantes, entre autres de la Société impériale des amis des sciences de Moscou et de la Société belge de microscopie, de la Société royale de micros- copie de Londres, de la Société néerlandaise de zoologie, de l’Aca- démie Léopold-Carolienne, il reçut, en outre, du gouvernement français la croix de la Légion d'honneur et la rosette d’officier de l'Université, en récompense des efforts qu'il fit pour créer à Ville- franche une station zoologique. « Mais son plus beau titre de gloire est d'avoir consacré toute sa vie et toutes ses forces à la science et d’être mort pour elle. » D LE DIRECTEUR des Archives veut ajouter l'expression de ses pro- fonds regrets et une nouvelle manifestation d'estime pour le savant que son grand dévouement à la science a perdu, Il désire répéter combien grande était son admiration pour les recherches d'Her- mann Fol. — J'ai beaucoup vu et connu l’éminent successeur de Claparède. Il aimait à fréquenter mes laboratoires de Roscoff et de Banyuls. Quel- quefois il semblait un peu raide; sa froideur n'était qu'apparente, elle était due à une extrême réserve; sous des dehors très froids était caché un grand fonds de bonté, de générosité et d'affectueuse amitié. On peut le dire, il aimait à sa façon et, s’il ne se livrait pas facilement, il n’en avait pas moins des dévouements très tenaces. Une année, j'étais retenu par la maladie en Périgord ; il se dé- tourna de ses voyages scientifiques pour venir me voir et s'enquérir de mon état. Je n'ai jamais oublié sa visite sympathique et cette marque d'affection. - Quand on avait su s'assurer sa confiance, il s’'abandonnait dans de 10 1. DE LACAZE-DUTHIERS, charmantes et spirituelles conversations, n’oubliant pas de prendre sa revanche quand on l'avait attaqué injustement et atteignant son but par quelques mots aussi mordants que bien mérités. Dans ses opinions scientifiques cf ses jugements, je l'ai toujours vu guidé par un sens juste et une grande impartialité; aussi l’ai-je beaucoup apprécié comme un savant plein de droiture et d'honnèê- teté scientifiques. Ilressentait vivementle mal qu’on avait voulu lui faire, et bien des ennuis qu'il éprouva n'étaient dus qu’à cette excessive réserve et cet abord froid qu'il gardait en face des personnes, qui se mépre- naient facilement sur la nature de ses sentiments. Dans un moment de découragement, il m'écrivait qu'il abandon- nait la science : il était profondément attristé, on l'avait poussé à bout! Ii eut même la pensée de détruire toutes ses notes et de donner à de jeunes savants tout son matériel scientifique. Je lui répondis qu'il ne pouvait, avec autant de belles études que celles qu'il avait publiées ou qu'il avait en portefeuille, songer à déserter la science et à se désintéresser des progrès de la zoologie nouvelle, qu'il cultivait avec autant de succès que d'éclat. Il continua ses tra- vaux et fit paraître, quelque temps après, ses très remarquables recherches sur l'essence même de la fécondation. Ses ennuis se calmèrent en faisant les préparatifs de la campagne qui lui a été fatale. Dans plusieurs de ses voyages à Paris, nous avions souvent causé de l'avenir, et il se laissait aller parfois volontiers à exprimer un vague désir que je n'avais garde d’éloigner. « Ma famille, disait-il, a émigré en Suisse à la suite de la ré- vocation de l'édit de Nantes, et il m'est facile et possible, sans démar- ches, de reprendre quand je le voudrai mon titre de citoyen fran- Gas. » Mais il aimait passionnément sa patrie d'adoption et retardait tou- jours sa détermination définilive. Il s’intéressait vivement à tous mouvement et progrès scientifiques JIERMANN FOL, at d’où qu'ils vinssent,et rien de ce qui pouvait se passer du côté de la science, en France, ne le laissait indifférent. La mission qu'il avait eue du ministre de l'instruction publique, à laquelle je m'étais beaucoup intéressé, l'avait rendu très heureux, el nous nous en étions beaucoup entretenus. Ses projets et son plan étaient excellents ; il voulait transformer son bâliment l’Aster en un laboratoire, tout en faisant de lui son habitation et son principal instrument de travail et de recherches. Après avoir dragué, pêché et recueilli les matériaux de ses études, il voulait aller mouiller dans un port sûr et tranquille, ayant autour de lui, baignant dans l’eau, ses objets d'étude, habitant et travaillant à bord de l’Aster ; il voulait se suffire à lui-même. Et lorsqu'il aurait ainsi épuisé une localité, il se serait occupé de chercher une autre station, appareillant sans nouveaux préparatifs et recueillant, pour aller mouiller dans un autre milieu tout aussi sûr et aussi tranquille, où ses éludes eussent été continuées dans les meilleures conditions. C’est ainsi qu'il voulait et devait faire le tour de la Méditerranée pour en étudier la faune, surtout les Éponges, dont il rêvait de faire une histoire complèle à tous les points de vue. Dans de telles conditions, quelles richesses n'aurait pas recueillies un savant tel que Fol, qui, rompu à tous les procédés variés existant ou qu'il inventait de la technique histologique, ajoutait à cela une grande sûreté et habileté de main! Il était aussi ingénieux à modi- fier les instruments lui permettant de réussir dans les opérations les plus délicates qu'habile à les manier. Jl me souvient qu'il m'avait chargé de présenter à l'Académie des sciences une note sur la fécondation et la pénétration du spermato- zoïde dans l'œuf, et pour appuyer sa démonstralion, il m'avait en- voyé une préparation d'œufs d’Oursins fécondés artificiellement et dans le micropyle desquels on voyait le spermatozoïde engagé. On sait combien cette question a été controversée, et combien la difficulté de l'observation a causé d'opinions diverses. Que dire d’une telle préparation et de sa conservation ? Ne prouve-t-elle pas, 12 H, DE LACAZE-DUTHIERS. mieux que les paroles ne peuvent le faire, l’habïileté du micro- graphe ? Les lecteurs des Archives doivent vivement regretter le travail technique, et surtout pratique, qu'Hermann Fol devait préparer pour les Archives, pendant les longueurs et le temps perdu de ses traver- sées : la science fait là une véritable perte. La dernière fois que j'ai eu le plaisir de le voir, c'était au moment de son départ de Paris pour le Havre, où il allait armer l’Aster. J'avais beaucoup insisté sur les dangers que présentait la navigas tion dans l'Océan, surtout au sortir de la Manche et dans les eaux d'Ouessant, de Brest et du Raz de Sein. « N'oubliez pas, lui ai-je répété souvent, qu'il y a là-bas la baie des Trépassés. » Il était plein de confiance et d’ardeur, fort courageux à la mer, si ce n’est même jouant avec le danger; il ne voyait que le succès de ses recherches, sur lequel il revenait avec enthousiasme quand je lui parlais prudence. Il se berçait des plus douces illusions. Son ardeur, lui si froid, aurait entraîné et convaincu les plus sceptiques. Saurons-nous jamais comment a péri ce bâtiment, dont le nom rappelle l’une des plus belles découvertes de celui qui à disparu? Apprendrons-nous un jour de quelles circonstances dramatiques a été entourée la mort de ce naturaliste éminent, qui prit une si grande part dans la connaissance des faits intimes qui se passent lorsque les éléments caractéristiques des sexes viennent en contact, lorsqu'ils subissent les premières transformations, conséquences de la fécondation ? Les nombreuses publications de Fol ont été indiquées avec grand soin ; il est inutile de les énumérer de nouveau. J'ai voulu rappeler simplement quelques souvenirs intimes et répéter, une fois de plus, combien était grande mon estime pour ce savant dont nous regret- tons la perte prématurée.Quels que soient les progrès de la science, une étude bien faite, une chose bien vue, restent établies quand le savant qui les à publiées à été scrupuleusement exact. Les recher- ches d'Hermann Fol étaient frappées au coin dela plus remarquable HERMANN FOL. 13 exaclitude. Les interprétations hasardées n'étaient pas son fait. Il voulait voir et bien voir. Certes, à l’âge où la mort a surpris un savant d’une telle valeur, la science était en droit d'attendre encore beaucoup de lui; aussi sa mort restera-t-elle un deuil cruel pour les amis de la zoologie, de l'embryogénie et de l’histologie. Il est des douleurs auxquelles on n’apporte point de consolation. Les marques de sympathie peuvent, tout au plus, adoucir les chagrins causés par une disparition dont les circonstances et les causes restent encore un mystère. Que la famille malheureuse et désolée d'Hermann Fol sache, au moins, que son nom ne sera pas oublié dans le monde scientifique et qu'il sera inscrit parmi ceux des viclimes que leur amour el leur dévouement pour la science ont conduites à la célébrité. Fol est un bel exemple à citer à la jeune génération, car il était à l'abri des soucis des soins matériels el, s’il a exposé ses jours, ce n'élait point en poursuivant la fortune, car la science n’était pas pour lui un moyen, elle était un but élevé et plein de désintéressement. H. LE LACAZE-DUTHIERS. ÉTUDE LA FAUNE DÜ GOLFE DU LION 11. DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l’Institut. En plus d’une occasion, j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention des zoologistes sur la faune de la mer de Banyuls, de cette parte du golfe du Lion qui, du cap Creus au cap Béar, baigne la fin de la chaîne des Albères, terminant les Pyrénées-Orientales à l’est et sépa- rant la grande plaine du Roussillon, en France, de celle de Lam- pourdan, en Espagne. Pour apprendre à connaître cette partie inexplorée de nos mers, en s’éloignant des côtes et comme il convient, il était indispensable d'avoir à sa disposition des moyens autres que ceux dont je dispo- sais au laboratoire Arago, n'ayant eu jusqu’à l’année dernière qu'un bateau à voile du tonnage habituel des bateaux de pêche du pays. Depuis le mois de mars dernier, les conditions sont changées, et le vapeur mis à ma disposition m'a permis de mettre à exécution un projet que je caressais depuis fort longtemps. À Pour établir une bonne carte, sur laquelle seraient indiquées jes stations des animaux divers, il fallait tout d'abord, c'était de la plus grande importance, commencer par avoir le plan cadastral, si l’on peut ainsi parler, du fond de la mer. Il était indispensable de faire une étude préliminaire des fonds, telle que, sachant à quelle profon- 16 H. DE LACAZE-DUTHI!ERS, deur on lançait la drague ou le filet, et connaissant la nature du fond, on pût chercher les relations existant entre les différents fac- teurs propres à faire juger des conditions biologiques dans lesquelles se développaient les animaux. Ce travail avec un petit bateau à voile était, sinon impossible, du moins d’une difficulté telle que j'ai jusqu'ici reculé devant l’exécu- tion de mon projet. Le golfe du Lion est le golfe des contrastes, comme toute la ré- gion pyrénéenne qui l’avoisine et lui forme rivage. En été, le plus souvent les calmes y sont absolus et persistants. Mais pour peu que les vents changent et fraîichissent, c'est la tem- pête déchaînée. La mauvaise réputation du golfe parmi les marins est justifiée. En moins d'une demi-heure et sous un ciel d'une splen- dide pureté, la mer se forme et on la voit, démontée, arriver bientôt du large. Les moindres imprudences dues à l’incurie ou aux bra- vades des marins catalans sur des bateaux d’un faible tonnage peu- vent déterminer des malheurs. Il s'en produit tous les ans. Dans ces conditions, comment profiter de ces calmes indispen- sables à l’exéculion de bons sondages et de dragages fructueux ? Que de peines et de dangers, que de temps perdu, si l’on bravait le golfe avec les moyens ordinaires ! Bien des lois, pour fuir devant les bourrasques, mon bateau n’a-t-il pas été obligé d'aller prendre son mouillage en relàchant à Rosas, sur les côtes d'Espagne. Dès que j'ai eu sous la main les moyens précis et rapides que la vapeur donne, j'ai pris toutes les mesures nécessaires pour COM- mencer ces recherches. Depuis longtemps, j'avais pu m'’assurer, par de nombreux voyages sur les côtes du Roussillon, que la richesse de la mer y était grande. Dès que j'ai eu un personnel faisant des recherches sous mes ordres, après la création du laboratoire, mes prévisions ont été dépassées, les moissons ont élé des plus belles. Les savants étran- gers, Yenus au laboratoire et connaissant la plupart des stations maritimes, ont été unanimes à reconnaitre cette grande richesse: \ ÉTUDE DE LA FAUNE DU GOLFE DU LION. 17 Aussi, depuis l’origine de la station en 1881, des travaux nom- breux et fort importants pour la zoologie française ÿ ont élé accom- plis, et les jeunes savants qui s’y sont formés et qui, restés fidèles au laboraloire, sont, par cela même, familiarisés avec le genre de re- cherches dont j'ai eu l'honneur d'entretenir l’Académie, seront-ils les collaborateurs dont je resterai entouré. Est-il besoin d'ajouter que, si chacun a sa part dans le travail et la peine, il aura tous ses droits réservés dans les publications qui fe- ront suite à ces recherches? Dès mes premières relations avec les pêcheurs du pays, j'appris qu’à quelques milles au large et dans l’est de Banyuls existait une fosse profonde, qu'ils nommaient /’Abime, au fond de laquelle, avec la longueur habituelle de leur filin, les engins de pêche n’arrivaient pas, et où les animaux, quand ils en prenaient, étaient, disaient-ils, marqués d’un tel caractère qu'ils ne pouvaient les méconnaitre et les confondre avec ceux vivant dans le voisinage des côtes. Cette seule indication ne devait-elle pas éveiller une curiosité bien légitime? Qu'était cet abime; quelles étaient ses limites, sa position précise; était-ce une faille entre les crêtes des Albères pro- longées sous la mer; quelle était la nature du fond, si l'on pouvait l'atteindre ; quels animaux l’habitaient? On le voit, les questions se posaient en foule. Il y avait surtout à reconnaitre, en dehors de cette partie dite si profonde, quelle était la configuration et la nature des fonds en face des deux grandes plaines du Roussillon et du Lampourdan. Ce travail a été entrepris par l’un de nous, par M. G. Pruvot, pro- fesseur à la Faculté des sciences de Grenoble, qui, atlaché ‘depuis plus de dix années au laboratoire, y a fait de nombreuses recherches bien connues des lecteurs des Archives, et qui au tempérament d’un vrai marin joint un amour de la science, une ardeur et un zèle au-dessus de tout éloge. Il est venu, en 1893, de Grenoble à Banyuls à toutes les vacances et a exécuté près de deux cents son- dages, tous parfaitement relevés au sextant el au compas de relève- ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GËN, — 3€ SÉRIE. —= Te Ile 1894, 2 18 H. DE LACAZE-DUTHIERS. ment, en prenant des points de repère sur les montagnes et les vieux monuments de la côte. Les instruments, convenablement choisis et bien installés à bord, étaient maniés par M. Pruvot, aidé du mécanicien de la flotte David, aussi intelligent que dévoué, délégué auprès de mon laboratoire par le département de la marine. Les résultats déjà obtenus sont précieux. Nous connaissons maintenant les fonds sur une surface d'environ 1 700 kilomètres carrés jusqu’à 40 kilomètres au large dans l'est, et l'on trouvera dans le travail de M. Pruvot les détails les plus impor- tants sur les inégalités du fond du golfe ef sur leur nature. Le vapeur qui a servi à ce travail a été construit d’après les indi- cations que j'ai données, et spécialement aménagé pour nos études. A l'avant est un treuil à vapeur, qui remonte nos dragues et nos engins avec une facilité extrème, en pelotonnant un câble formé de fils d’acier de 800 mètres de longueur ; à l'arrière est fixée une ma- chine à sonder de Belloc, avec laquelle on estime très facilement et très vite la profondeur, une aiguille marquant sur un cadran le nombre des mètres parcourus par le plomb de sonde. C'est avec une corde de piano, ou fil d'acier, que le sondage est fait; quand on a stoppé par un temps calme, à l’aide d'une poulie de renvoi placée à bäbord d’une façon très utile par mon habile mécanicien, le fil n’offrant pour ainsi dire pas de résistance et de prise aux agitations de la mer, la sonde descend à peu près à pic. Nous n'avons pas manqué de contrôler, d’ailleurs, les résultats fournis par cet appareil dans des points de la côte où le calme et la profondeur permettaient la vérification la plus exacte. D'abord, nous n’avons cherché qu’à prendre quelques indications générales sur les stations des animaux; maintenant que nous con- naissons et la nature et la configuration du fond, dans les cam- pagnes prochaines les drague, chalut et engins des corailleurs se- ront traînés méthodiquement dans toutes les directions, et autant de fois qu'il sera nécessaire pour faire une étude complète de la ÉTUDE DE LA FAUNE DU GOLFE DU LION. 19 faune et inscrire sur la carte de M. Pruvot les stations les plus ordi- naires des animaux. Je tenais à faire cette première communication afin d'établir le plan des recherches qui vont être continuées pendant plusieurs aunées, et probablement étendues aux côtes d’Espagne restées jus- qu'ici inexplorées. Il sera ultérieurement plus facile d'indiquer les relations existant entre les stations des animaux et la nature des fonds, ceux-ci étant connus. Je dois, en terminant, dire comment les moyens indispensables pour entreprendre un travail aussi étendu, dans des conditions sem. blables à celles que je viens d’indiquer, ont été mis à ma dispo- sition. Il y a deux ans, au sortir de l’une des séances de l'Académie, où j'avais fait connaître des faits curieux constatés à la suite des pêches de Banyuls, et où je disais qu’une embarcation à vapeur devenait indispensable pour étendre le champ de nos études, l’un des audi- teurs les plus assidus me rejoignit dans le vestibule et s’offrit spon- tanément à m'aider dans mes travaux qui l’avaient intéressé. « Je mets 50 000 francs à voire disposition pour faire construire l'embar- cation qui vous est nécessaire, me dit-il; aménagez-la comme il vous conviendra. » Le yacht fut commandé et construit sans bruit. J’allai à Toulon pour son aménagement définitif, je l’armai et le conduisis au laboratoire Arago, le 22 mars 1893. Là, il servit tout d’abord aux nombreuses excursions et pêches que firent les élèves de l’École des Hautes-Études, venus de Paris à Banyuls pendant les vacances de Pâques. Celui qui m’offrit généreusement et spontanément un don aussi magnifique est bien connu de l’Académie. Au nom de la science à laquelle ma vie est consacrée, au nom de mes collaborateurs et au mien, j'adresse les plus vifs, les plus chaleureux remercie- ments au prince Roland qui, par sa générosité, a concouru à la réussite de grandes entreprises scientifiques faisant honneur à la France. 20 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Que M.le commandant Guyou reçoive aussi l'expression de ma gratitude pour les soins qu'il a pris dans le choix de mes instru: ments. Il a poussé la complaisance jusqu'à me prèler, à Banyuls, le concours de sa science, en vérifiant mes compas et me donnant des conseils les plus utiles pour l'installation des appareils destinés aux sondages. NOTES DE BIOLOGIE PAR ÉMILE-G. RACO VITZA Licencié ès sciences de la Faculté de Paris, Sous ce titre, j'ai l'intention de publier une série d'articles sur les mœurs des animaux, surtout de ceux qui vivent dans la mer. Ce côté de la zoologie est généralement assez négligé pour di- verses causes, dont la principale est, je crois, le peu de temps qu’on passe dans les laboratoires maritimes. Il en est autrement pour moi, car j'ai l'occasion de séjourner de longs mois à Roscoff et à Banyuls. La libéralité avec laquelle on donne tout le nécessaire aux travailleurs et l'entière liberté dont on jouit dans ces deux labora- toires facilitent singulièrement la tâche de ceux qui veulent faire des observations biologiques. Le vivier du laboratoire Arago, qui communique librement avec la mer, est une scène admirablement disposée pour montrer les drames ou comédies de la vie animale. Couché sur son mur, on peut suivre, pendant les journées de calme, les moindres mouve- ments des bêtes innombrables qui y fourmillent. La transparence de l’eau est telle que les mouvements des plus petites bestioles peuvent être suivis Sur un fond recouvert d'un ou plusieurs mètres d’eau. | Un vivier a, sur un aquarium, l'avantage de représenter le milieu naturel dans toute sa vérité. Les animaux y viennent et s'y installent de leur propre gré, et l'emplacement choisi est sûrement celui qui leur convient le mieux. Celui du laboratoire Arago, enclos de tous 22 ÉMILE-G. RACOVITZA. côtés par des murs, présente un abri sûr que les animaux n'ont pas manqué de mettre à profit. Aussi, la vie exubère dans cet espace mesurant moins d’un hectare. À côté des Oursins, des Moules, des Gébies, des Cérithes, des Grapsus, des nombreuses Annélides, etc., qui constituent la population fixe du vivier, il y a une population flottante d'hôtes de passage. Il en est d’autres qui s'installent pour un certain temps ou pour un certain but, et ce ne sont pas les moins intéressants. C’est surtout aux mois d'avril et mai que l'animation est grande et que les visiteurs affluent. À cette époque se font les fiançailles, les familles se fondent et les domiciles nuptiaux se bâtis- sent. À côté du palais construit par le Gobius minutus, les Acera bullata exécutent leur danse curieuse en agitant leurs vastes lobes pédieux. Les Aplysies, accouplées par trois ou quatre, plaquent de vert les parois du vivier, tandis que les Seiches naviguent sur Île fond, le mâle suivant la femelle. Les Poulpes voraces, les Polycera rayées de jaune, les Labres multicolores, etc., tout cela s'aime, pond, mange, attaque et se défend, offrant ainsi au zoologiste un champ fertile en observations de toute sorte. C'est dans le vivier de Banyuls, sur la grève à Roscoff et dans les aquariums des deux laboratoires que j'ai essayé de pénétrer la vie intime de quelques animaux. De là cette série d'articles, ne formant pas des parties d’un travail d'ensemble, mais des chapitres isolés nés du hasard de l'observation. Toutes les fois qu'il sera néces- saire, je donnerai des détails anatomiques et le plus de figures possibie. Il ne me reste qu’à remercier mon maître, M. de Lacaze-Duthiers, qui à mis à mon entière disposition toutes les ressources de ses laboratoires, et qui ne m'a jamais épargné les enseignements puisés dans sa grande expérience des choses de la mer. En faisant des observations sur les mœurs des animaux, je ne fais que suivre ses conseils et son exemple. NOTES DE BIOLOGIE. 23 [ ACCOUPLEMENT ET FÉCONDATION CHEZ L'OCTOPUS VULGARIS LAM. J. L'ACCOUPLEMENT. Le 14 mars 1894, un grand Poulpe fut pris par un des marins du laboratoire Arago. C'était un des plus grands échantillons qu'on ait vus depuis l'existence de la station. La longueur des bras, de lin- sertion à l'extrémité, était de 93 centimètres, et la longueur du corps de 30 centimètres. On le plaça dans un grand bac, et, malgré une blessure que lui avait faite le croc qui a servi à le prendre, l'animal paraissait très vivace. Le bras gauche de la première paire était coupé au ras de la membrane interbrachiale ; mais la blessure était cicatrisée > depuis longtemps. Ce qui frappait surtout, c'était l'énorme développement des bras; ils avaient, en effet, à l'endroit où ils étaient le plus développés, entre 45 et 50 millimètres de largeur. À cet en- droit aussi, les ventouses fixées sur la glace de l'aquarium avaient 35 millimètres de diamètre. Comme chez cetie espèce les bras ne sont pas très longs, leur largeur donnait un aspect disgracieux à l'animal. On placa dans le même bac une petite Élédone. Le Poulpe s'était si bien fait à sa prison, qu'il la saisit avec ses bras et com- menea à la manger, Je fis mettre dans le même bac une femelle de la même espèce, qui était au moins cinq fois plus petite que le mâle. Deux ou trois heures plus tard, je trouvai les animaux dans une telle position que ma euriosité fut excitée au plus haut degré. Le gros Poulpe était dans un coin du bac, la bouche collée contre la paroi, les bras re- pliés en arrière etle corps tout à fait vertical. La femelle était aplatie sur le sol du bac, à environ 925 centimètres de l'endroit où se tenait le mâle ; la position de son corps était parfaitement horizontale et ses bras étaient repliés autour d’elle. Le mâle avait étendu le bras droit de la troisième paire, et il caressait avec l'extrémité de cet or- 21 EMILE-G, RACOVITZA. gane le corps de la femelle. Gette extrémité, très mince par rapport à la grosseur du bras, se mouvait avec une agilité et une précision remarquables. Tout le reste du bras était fixé avec ses ventouses sur le sol et restait immobile. On voyait seulement de iemps en temps courir sur toute sa longueur des contractions se propageant comme une onde. Le bras, en arrivant au contacl du corps de la femelle, qui était tournée la tête vers le mâle, se recourbait brusquement en S; ce n’est qu'après cette courbure que son extrémité s'agilait. 11 s'agissait évidemment ici des préliminaires de l’accouplement. On sait, depuis les travaux de Steenstrup, que c'est, en effet, le troi- sième bras droit qui est hectocotylisé, et c'est aussi ce bras que le Poulpe avait étendu vers la femelle. Après avoir promené l’hectocotyle sur le corps de la femelle, après avoir iâté celle-ci pendant un certain temps, le mâle fit pénétrer l'extrémité de cet organe dans la cavité palléale. Celle introduction se manifesta, chez la femelle, par des contractions violentes, spas- modiques ; mais elle ne bougea pas et ne fit aucun mouvement pour fuir. Pendant toute la durée de l’accouplement, elle garda cette passivité complète. Ce n’est qu'avant l'introduction du bras hecto- cotylisé que j'ai pu remarquer que le mâle retenait la femelle avec un autre bras, mais tant que l’accouplement dura, l'unique bras en communication avec la femelle était le bras hectocotylisé. Naturellement, je n'ai pas pu voir ce que faisait l'extrémité du bras dans la cavité palléale. La partie qui était en dehors ne présentait rien de particulier ; on voyait toujours courir le long du bras ces contrac- tions dont il a été parlé plus haut. Elles indiquaient du moins que l'extrémité jouait un rôle actif à l’intérieur de la cavité palléale. Je n'ai pas pu voir non plus l’action de la gouttière qui court le long de ce bras, Il m'a bien semblé voir onduler quelquefois le repli qui la limite, mais je n'ai pas vu si des spermatophores y étaient engagés. La figure ci-jointe (fig. 1) essaye de représenter la position et le rapport de grandeur des animaux, Le mâle, à droite, tient son corps dans une position verlicale et s’est fixé à la paroi de l’aqua- ‘ouisS2p opetu ef Zoo Jrenbueu oxred oxorwoad ej op suuiq sep un ; 1 (ogones %) oyjoiez vL op ojvalled 91489 8 SULP 01ÂJ0907904 UOS 9P 9JILU9AFXO] JINPOUI € [] ‘09818 E] JUS SEA SP PSTU €] DAC 9XH 159 (8FI01P R) OJQU 07] "OBLAY 91102108 NP S024 S0P Un suEp Juotwue]dno99e uo s2406jna Snd070O — *T "8 A CEreer ect ne, D - CO le ro me Ov, oviducte ; Or, que jusqu'à la bulle, mais il n'y pénètre pas, il se He Ba lors , ; ducte; V, bulle de termine en avant de cette partie par un bord ar- l’oviducte ; P, pa- pilles et plis qui entourent l’orifice; Sp, Sp. spermato- phores. X 1. rondi très net. J'ai constaté que par l’orifice des deux oviductes sortaient des extrémités de spermatophores (Sp). J'en ai pu même retirer quelques-uns. lis avaient la forme de longs boyaux cylin- driques, contenant une masse visqueuse, dans laquelle se mouvaient les spermatozoïdes. La membrane du tube était de consistance molle et extrèmement mince. Ces boyaux mous ne représentent que la partie qui s’évagine quand l’étui du spermatophore éclate. J'ai trouvé un de ces boyaux dont l'extrémité, qui sortait de l'ovi- ducte, était constituée de cette manière. Par-dessus la membrane mince, il y avait encore une autre membrane épaisse, formée par une substance hyaline. À un certain endroit, ces deux tubes ren- traient en se plissant dans un autre plus gros, en le refoulant devant 36 ÉMILE-G. RACOVITZA. eux. Cette partie représente l'endroit où se fait la rupture entre la véritable gaine du spermatophore et la partie évaginée. J'ai trouvé, du reste, des traces de cette disposition à l'extrémité des autres spermatophores. J'ai vainement cherché, dans la cavité palléale de l'animal, les étuis de ces corps; ils doivent être chassés, dès qu'ils se détachent, par le courant d’eau qui circule dans celte cavité. Plus on avance vers la bulle, et plus on remarque que les parois des boyaux deviennent minces. Dans la partie renflée (Sp') en avant de la bulle de l’oviduete, la forme en boyau estsimplement indiquée, car la membrane n’existe plus. Les spermatozoïdes sont simplement englués dans une masse visqueuse. L'explication de ces faits doit être cherchée dans la manière dont se fait l'éclatement du spermatophore. Après la sortie de l'appareil éjaculateur, les boyaux spermatiques du réservoir sont expulsés à leur tour. ils commencent d'abord par se pelotonner à l’extrémité de la partie dévaginée, en distendant la membrane qui les con- tient; il se forme ainsi un nouveau réservoir spermatique. Mais bientôt la membrane se rompt, les boyaux spermatiques s’étalent et l’on voit leurs contours devenir de plus en plus indécis. A la fin, ils perdent leur forme et on n’a plus qu'une masse visqueuse contenant les spermatozoïdes. La rupture entre la partie dévaginée et l'étui se fait au ras de l'extrémité de ce dernier. Le boyau exceptionnel, décrit plus haut, avait entraîné aussi l'extrémité de l’étui. D'après ce qui précède et d’après les faits qui sont connus chez d’autres espèces, on pourrait reconstituer de la manière suivante ce qui s’est passé dans la cavité palléale pendant l'accouplement : le mâle fixe, avec la spatule de son bras hectocotylisé, les sperma- tophores auprès de l’orifice de l'oviducte; là, en contact avec l'eau de mer, ils éclatent; la partie qui s'évagine entre par l’orifice dans l'oviducte et, en continuant à s’évaginer, elle pénètre de plus en plus profondément, Le réservoir spermatique de second ordre décrit NOTES DE BIOLOGIE. 37 plus haut se forme en avant de la bulle, puis il éclate. Sa mem- brane (?) se dissout et les spermatozoïdes sont mis en liberté, La matière visqueuse dans laquelle ils sont englués ne leur permet pas de sortir: ils en sont empèchés aussi par les parties dévaginées mem- braneuses, qui sont restées dans le conduit et dont les extrémités sortent par l’orifice de l'oviducte. On peut se demander maintenant comment s'accomplit la fécon- dation, en d’autres termes comment l'élément femelle arrive au contact du spermatozoïde. Pour les premiers œufs pondus, il n'y à pas de difficulté, car ils doivent traverser l’oviducte bourré de sperme. Leur sortie, cependant, doit vider l’oviducte de son contenu et alors on ne voit pas comment sont fécondés ceux qui viennent après. Il doit exister une disposition spéciale qui retient les spermatozoïdes et qui joue le rôle de vésicule séminale. Si l'on examine avec Brock! la structure des conduits femelles d'un individu mûr au point de vue génital, on voit que la partie de l'oviducte qui va de l'orifice jusqu’à la bulle présente, sur sa paroi interne, des plis longitudinaux peu élevés et peu nombreux. Ce n’est pas ici que les spermatozoïdes peuvent être mis en réserve; dans la bulle de l’oviducte non plus, car elle est pleine et ne présente pas de poche ; mais la partie de l'oviducte qui va de cette glande à l’ovaire subit, au moment dela maturité sexuelle, une modification qui pour- rait bien être la disposition cherchée. En effet, d'après Brock, cette partie (oc. cit., p. 104), « dans le jeune, possède une lumière en forme d'étoile. À l’époque de la maturité, les plis de la paroi interne, qui donnent l'aspect étoilé, développent des deux côtés des plis secondaires, qui se disposent comme Îles folioles d’une feuille com- posée pennée. Entre les anciens plis naissent encore des petits plis primaires ». On peut donc supposer que c’est entre ces plis que sont accumulés les spermatozoïdes, et que chaque œuf, en passant, en emporte une certaine quantité. i J. Brocx, Ueber die Geschlechtsorgane der Cephalopoden (Zeitschr. f. Wixs.Zocl., t. XXXIL, p. 461 et suiv., 1879). 38 | ÉMILE-G. RACOVITZA. Tout ceci n’est qu'une hypothèse contre laquelle s'élève même, jusqu’à un certain point, l'observation que j'ai exposée plus haut, c’est-à-dire que le paquet de spermatophores va jusqu'à la bulle, mais ne la dépasse pas. Il est vrai que cette observation a été faite quinze heures seulement après l'accouplement et que les sperma- tozoïdes peuvent bien descendre plus tard. Il est aussi bien plus naturel de penser que la fécondation se fait avant que l'œuf ait sa coque, c’est-à-dire au moment où il traverse la portion de l’oviducte située entre l’ovaire et la bulle. III. HECTOCOTYLE. Depuis le grand travail de Steenstrup sur cet organe, tous les au- teurs qui se sont occupés de la systématique des Céphalopodes ont soigneusement noté dans les espèces décrites les modifications de forme et de position qu'il subit, Au point de vue de l'étude anato- mique de l'hectocotyle lui-même, il n’a pas été fait grand'chose depuis, surtout chez des formes comme l'Octopus vulgaris, où la modification que subit le bras est relativement peu considérable. Il me semble donc que la description qui suit ne sera pas inutile, d'autant plus qu’on y trouvera des détails que je crois nouveaux. Comme je l'ai dit au commencement, tous les auteurs ont soigneu- sement noté la forme générale et la position de l’hectocotyle dans les espèces nouvelles qu'ils ont décrites ; aussi y a-t-il déjà un grand nombre de matériaux accumulés, surtout en ce qui concerne le genre Octopus. Hoyle* a essayé d'utiliser ces renseignements pour introduire des subdivisions dans ce genre, si riche en espèces. La forme que nous étudions entrerait, d’après lui, avec l'Octopus marmoratus, etc., dans la catégorie des Octopus à spatule terminale peu développée. En effet,chez l’Octopus vulgaris, cette spatule est tellement peu développée qu'elle peut passer facilement inaperçue. Le bras hecto- cotylisé se caractérise plutôt par le grand développement de la 1 HoyLe, The Voyage of H. M. S. Chalenger (Report on the Cephalopoda, p. 76). NOTES DE BIOLOGIE. 39 gouttière longitudinale ; cette dernière lui donne un aspect tout particulier, aussi n'a-t-il pas échappé aux anciens. On trouve dans l'Histoire des animaux d’Aristote plusieurs passages qui y font net- tement allusion. Les voici, cités d'après Steenstrup * : «Differt mas a femina eo quod habet caput oblongius et genti- tale, quod a piscatoribus vocatur, in brachio album, » (Historia animalium, lib. V, C. x.) Et cet autre : « Polypus vero brachiis et ut pedibus et ui manibus utitur, nam duobus, quæ supra os habet, admovet ori cibum, extremo autem brachiorum, quod est acutissimum et solum eorum ex parte candi- dum et cui ab apice fissura (est autem hæc in spina, spina vero vo- catur par lævis brachii, € cujus latere anteriore acetabula sunt) — hoc brachio in coitu utitur.» (Historia animalium, lib. IV, c. vi.) Il est certain que le «bras blanc» et « bras qui seul est blan- châtre, pointu, séparé en deux à l'extrémité et servant à l’accouple- ment » s'appliquent à l'Octopus et non, comme le veut Roulin”, entre autres, au 7remoctopus. On trouvera la bibliographie jusqu’en 1856 très bien faite dans le travail de Steenstrup, et, du reste, elle est si peu importante pour notre espèce, qu’on peut complètement la négliger. Je vais seu- lement citer de cet auteur le passage qui se rapporte à l'Octopus pulgaris * : « Jai examiné un grand nombre d'individus d'Octopus vulgaris Lam. de la Méditerranée et un Octopode mâle provenant des côtes du Chili. J'ai pu constater chez tous que le bras droit porte, du côté interne ou inférieur, un pli musculeux destiné à former une gout- tière ou un canal servant à conduire Îles spermatophores. À l’extré- 1 Srgensrrup, Die Heclocotylenbildung bei den Cephalopoden (Arch. f. Naturg., Jahrg. 22, 1856, p. 236 et 237, note). 2 RouLin, De la connaissance qu'ont eue les anciens du bras copulateur chez certains Céphalopodes (Annales des sciences naturelles (3), t. XVII, p. 188-191, 1852.) 3 Sreensrrur, Die Hectocotulenbildung bei den Cephalopoden (Arch. f. Naturg:, Jahrg. 22, p. 235 et 236, 1856). 40 ÉMILE-G. RACOVITZA. mité se trouvait une partie élargie, cupuliforme, qui, pourtant, était si insignifiante qu'elle pouvait facilement passer inaperçue. Pour- tant le bras lui-même attirait l'attention par le pli cutané enroulé et par sa longueur moindre. Cependant il n'était pas, comme chez les formes déjà décrites, plus gros que les autres bras’. Au contraire, il paraît du côté externe plus mince et plus pointu que les autres. Je dois ajouter, en ce qui concerne l’Octapus vulgaris, que cinq exemplaires mâles de grande taille avaient tous, sur les bras laté- raux, les quatorzième, quinzième et seizième ventouses développées d'une manière tout à fait disproportionnée, et que la paire supérieure des bras latéraux a les ventouses voisines de celles nommées plus haut d’une grandeur presque aussi considérable. Je n’ai trouvé que sur un seul de ces exemplaires la tendance d’avoir de ces ventouses sur la paire de bras latérale inférieure (troisième paire). En même temps, le troisième bras droit était presque un pied moins long que le troisième de gauche et visiblement plus mince dans sa moitié extérieure. Il avait, à l’extrémité, une surface terminale terminée en pointe. Le pli cutané, très blanc du côté interne, produit l'effet d’une séparation du bras sur le côté en deux parties. Je n'ai trouvé chez aucune femelle de ces grandes ventouses, quoique, ici aussi, les bras latéraux étaient les plus grands.» Comme on le voit par cette citation, la description que donne Steenstrup est assez sommaire, Je vais la compléter sur plusieurs points de détail qui ont échappé à l’illustre teuthologiste. Lorsqu'on a sous les yeux un Poulpe mâle vivant, et si l'on est prévenu, on distingue facilement l’hectocotyle parmiles autres bras. En dehors de sa position déterminée (c’est toujours le troisième de droite), il frappe par son aspect plus vigoureux et par ses dimen- sions moindres. Il est, en effet, plus court que les autres bras. Voici les mesures prises sur un Poulpe de taille moyenne : bras de pre- mière paire, 55 centimètres ; bras de la deuxième paire, 72 centi- 1 Octopus macropus Risso, O. groenlandicus Dewhurst. NOTES DE BIOLOGIE. 4 mètres ; hectocotyle, 51 centimètres. Les bras de la quatrième paire sont un peu plus longs que ce dernier, mais plus courts que le troi- sième de gauche. Un autre caractère plus facile à voir est la présence de la gouttière longitudinale. Elle est formée par un pli cutané longitudinal, qui s'étend sur le côté droit du bras dans toute sa longueur, et par un sillon ayantle même parcours. Le sillon etle pli commencent près du bord de la membrane interbrachiale, sur sa face interne, et à moitié de distance du troisième et du quatrième bras. Tout à fait à son ori- gine, la gouttière apparaît comme un petit sillon, près du bord de la membrane. Le sillon est limité en arrière par un petit renflement musculaire, d’où part une petite bandelette de muscles longitudinaux qui va se perdre entre l'insertion du troisième et quatrième bras. Cette petite bandelette musculaire est facilement visible, lorsqu'on regarde par transparence la membrane interbrachiale étendue. De cet endroit, la gouttière arrive rapidement au bord de la mem- brane interbrachiale, Elle la suit jusqu'au troisième bras et passe sur la face latérale droite de ce dernier. Dans ce trajet, le repli cu- tané, d’abord peu marqué, augmente de largeur el cache complète- ment le sillon qui s’est aussi considérablement élargi. Sur l'animal vivant, le repli cutané est toujours appliqué sur le sillon. Les bords sont minces et divisés par des plis transversaux en lobes peu mar- qués. On ne remarque jamais, à l’état frais, cet enroulement dont parle Steenstrup. La face externe du pli est pourvue de chromato- phores, comme le reste de la peau du bras ; mais sa face interne, celle qui est tournée vers le sillon, est complètement blanche. Le sillon et le pli se terminent à 4 millimètres environ de l'extrémilé du bras fig. 4). A 8 millimètres environ avant l'extrémité du bras, le sillon donne un rameau (d) dirigé en avant de la dernière ven- touse. Cet espace de 8 millimètres est dépourvu de ventouses. Lorsqu'on observe le sillon avec une loupe, on y remarque des plis formant un dessin très régulier dont la description est très diffi- cile à faire. La figure 3 donnera, je l'espère, au lecteur une idée 42 ÉMILE-G. RACOVITZA. très exacte de cette disposition. On voit d'abord un système de sil- lons très marqués, transversaux et ayant un parcours en zigzag. Entre deux de ces sillons, ilÿ en a un grand nombre de plus fins dont la direction est perpendiculaire à celle des premiers. Ils sont Jongitudinaux par rapport au bras, et leur parcours esi aussi en zig- zag. Entre deux de ces sillons, il ÿ en a encore d’autres plus fins per- pendiculaires sur les premiers, donc transversaux par rapportaubras. Les deux pre- miers systèmes de sillons limitent entre eux des plis à contours hexa- gonaux, dont deux côtés sont parallèles etheau- Fig. 3. — Gouttière de l’hectocotyle d’un Octopus vulgaris de grande taille. (Le dessin a été pris au milieu du bras.) coup plus longs pl, pli cutané ; g, sillon muni de ses plis particuliers; p, peau du que les quatre bras hérissée de petits plis cutanés. X 10. autres. En avant du cul-de-sac du sillon qui termine la gouttière (voir fig. 4 c) se trouve une partie (a) qui constitue l'extrémité du bras et qui n’a pas plus de 4 millimètres chez un mâle de taille moyenne. C’est cette partie qu’on appelle la spatule, mais ici elle ne mérite pas son nom. Chez d’autres types, comme l'Octopus grœnlandicus Dewhurst, macropus Risso, punctatus Hoyle, elle prend un grand développement et est pourvue de nombreuses stries transversales. Chez l'Octopus vulgaris, on ne trouve rien de semblable, et il n’y à pas la moindre modification à signaler. Sur la figure 4, des plis ont été dessinés dans cet endroit, mais le dessin a été fait d’après l’extré- mité d'un bras fixé. Sur le bras frais, on ne voit rien de pareil. La peau est lisse, porte des chromatophores, et la spatule ne se dis- tingue des autres extrémités de bras que parce qu’elle ne porte pas de ventouses. J'ai voulu me rendre compte de la structure anatomique de la NOTES DE BIOLOGIE. 43 gouttière au moyen des coupes transversales. Une préparation sem- blable, examinée à un faible grossissement, montre la disposition suivante : la couche épidermique forme à la surface externe des petits plis irréguliers et assez élevés (fig. 3,p). A l'intérieur de la gouttière, au contraire, la couche épidermique paraît moins haute et ne présente que de légères ondulations qui correspon- dent aux plis à contours hexa- gonaux décrits plus haut. En dessous est le derme formé par un tissu lâche contenant dans sa couche la plus externe les chromatophores. Dans la couche dermique de la gout- tière, il ny a naturellement pas de chromatophores. Les museles sont distribués de la manière suivante : tout le long de la gouttière on trouve une couche assez forte de muscles transversaux par rapport à l’axe du bras. Des Fig. 4. — Extrémité de l'hectocotyle de l’Octopus vulgaris. muscles perpendiculaires à la a, spatule ; b, pli qui limite la gouttière en avant; e, extrémité du sillon ; d, rameau latéral du sillon; direction des premiers relient 9sillon de la gouttière; pl, plis cutanés de la gouttière ; v, ventouses. X 6. la paroi de la gouttière à la paroi externe du pli. Ce sont encore des muscles transversaux par rapport au bras. Enfin, dans les espaces limités par ces derniers, des muscles longitudinaux ayant donc la même direction que l'axe du bras. Tous ces muscles sont naturellement des muscles cutanés tout à fait en dehors de la masse musculaire du bras. La manière dont ils sont disposés permet tous les mouvements à la paroi du sillon et au pli qui le recouvre. La figure 5 représente une partie de la coupe examinée à un fort 44 ÉMILE-G. RACOVITZA. grossissement. J'ai choisi un endroit qui permet de voir le passage de l’épiderme de la gouttière à l’'épiderme de la paroi externe du pli. On remarque immédiatement l'absence des chromatophores (chr.) dans la gouttière et leur présence dans la partie externe. L’épiderme (ep) de la gouttière est formé par des cellules plus apla- ties que les cellules qui se trouvent dans la paroi externe. Les noyaux VDS VON MCE dE - © SES 7 EP < D\. Ji NS ONE ER d Fig. 3. — Coupe transversale intéressant à la fois la peau et le sillon du bras hecto- cotylisé d’un Octopus vulgaris. À gauche, la figure représente la coupe d’un des nombreux petits plis qui hérissent la peau de l'animal. À droite, la coupe passe dans le sillon. e, cuticule ; ep, épiderme ; d, derme; gl, elandes unicellulaires ; chr, chromatophores; m, muscles transversaux ; ml, muscles longitudinaux ; v, vaisseau. X 600. arrondis dans un cas sont allongés dans l’autre. Les glandes (gi) unicellulaires sont nombreuses du côté externe et manquent com- plètement à l’intérieur de la gouttière. En résumé, la différenciation des tissus dans la gouttière n’est pas considérable. Elle consiste surtout en une diminution de hauteur de la couche épidermique et dans l’absence des chromatophores et des glandes. Dans le passage du travail de Steenstrup cité page 40, il est parlé de ventouses d’une grandeur exceptionnelle qui ne se trouveraient que chez le mâle. Il dit en avoir trouvé trois de chaque côté sur les deux bras latéraux. Ges ventouses étaient les quatorzième, quinzième NOTES DE BIOLOGIE. 45 et scizième. En outre, autour des grandes ventouses des bras de la seconde paire, il en a trouvé d'autres d'une grandeur moins COnsi- dérable, mais dépassant encore la moyenne des ventouses des autres bras. Steenstrup semble vouloir faire de cette disposition une règle générale. Je ne puis pas confirmer cette manière de voir. J’ai bien trouvé de grandes ventouses chez tous les mâles que j'ai examinés ; j'ai bien vu aussi qu’elles étaient toujours placées sur les bras laté- raux, seulement leur nombre et leur numéro d’ordre varie chez les divers individus. Ainsi, chez le grand Poulpe qui avait une longueur maximum de bras de 93 centimètres, je n’ai pu trouver de grosses ventouses que sur les bras de gauche; mais en revanche elles avaient plus de 45 millimètres de diamètre. il ÿ en avait deux : la dixième du bras de la seconde paire et la onzième du bras de la troisième paire. Chez un autre mâle dont la longueur maximun) des bras atteignait 72 centimètres, les grandes ventouses étaient disposées de la manière suivante : sur les bras de la seconde paire, il y en avait deux de chaque côlé, c étaient les quatorzième et quin- zième. La quinzième était seule très développée sur les deux bras de la troisième paire. On ne doit donc considérer comme constant que ja présence des grandes ventouses et leur situation sur les bras laléraux seulement. Ouelle est la raison de l'existence de ces grandes ventouses ? Je ne puis malheureusement apporter le moindre indice pour résoudre cette question. La manière dont se fait l’accouplement exelut l'hy- pothèse de la nécessité pour le mâle d’avoir de fortes ventouses pour la contention de la femelle. Jusqu'à présent, il n y a aucune observation qui puisse servir de base à une explication. Faut-il en voir seulement un legs héréditaire des précurseurs de notre Poulpe? Cette question, pour le moment, doit rester sans réponse. J'ai encore à faire observer que, chez les très jeunes Poulpes mâles, cette différence entre les ventouses est très peu marquée. Maintenant que la description détaillée du bras est faite, on peut se demander quelle est au juste son action pendant l’'accouplement,. 46 ÉMILE-G. RACOVITZA. La lecture des ouvrages généraux qui s'occupent des Céphalopodes pourrait faire croire que la question est résolue. Il est dit presque partout que le Poulpe mâle introduit son bras dans sa cavité palléale pour prendre le paquet de spermatophores qu’il introduira ensuite dans la même cavité chez la femelle. Gette affirmation ou hypothèse n’est appuyée sur aucune observation directe. Elle est née de la simple imagination d'un auteur et a été répétée par tout le monde sans être soumise au contrôle des faits et de la logique, comme cela arrive bien souvent, dans les sciences naturelles surtout. On aurait dû se dire cependant que la gouttière qui court tout le long du bras du Poulpe doit bien servir à quelque chose. Dans l'hypothèse des auteurs, cette disposition particulière . si bien développée et si constante n’aurait joué aucun rôle. Steen- strup a, il est vrai, émis l'opinion, que je crois être vraie, que le transport des spermatophores se ferait par la gouttière ; mais les auteurs des ouvrages en question n'ont pas tenu compte de cette opinion. Pour bien se rendre compte du mécanisme du transport des sper- matophores, on doit étudier d’abord les dispositions qui se trouvent réalisées dans la cavité palléale. Le canal excréteur, chez les Poulpes, est situé dans la moitié gauche de la cavité palléale. Il débouche en arrière de l’anus dans la région comprise entre la base de branchie et le tractus musculaire médian. L'orifice n’est pas simplement situé à la surface de la peau, mais il s'ouvre au sommet d'une papille assez élevée, le pénis des auteurs. Cet organe est très mus- culeux et très mobile, et, chose curieuse, j'ai toujours trouvé à sa surface des chromatophores. Sur plusieurs Poulpes mâles que j'ai ouverts, j'ai toujours vu sortir par l’orifice les spermatophores avec la partie renflée en avant, je veux dire avec le réservoir spermatique. Du reste, dans la poche de Nedham, cette partie est également dirigée en avant. Un spermatophore müûr d'Octopus vulgaris atteint la taille respec- table de 53 millimètres et plus. Comme dans tout spermatophore, NOTES DE BIOLOGIE. 47 la partie qui contient le réservoir spermatique es beaucoup plus renflée que la partie contenant l'appareil éjaculateur. Ges corps sont très flexibles et beaucoup plus mous que chez les autres Céphalo- podes. Voici maintenant comment on peut s’imaginer le transport du spermatophore. Cet appareil doit être lentement expulsé par le canal excréteur, et il doit passer directement du pénis, qui, pour l’occasion, s’allonge, dans le siphon qui se rétracte. La longueur de 53 millimètres du spermatophore permet cette interprétation et explique en même temps comment il se peut quil arrive à être sûrement pris dans le siphon. Pour justifier l'hypothèse de son pas- sage dans ce dernier organe, je puis citer une observation extrème- ment intéressante de Steenstrup : « Un spermatophore sortait du siphon de l’un des exemplaires (Octopus groenlandicus). Il était probablement sur le chemin qui mène au bord cutané, et il est probable qu’il y parvient simplement, parce que l'extrémité du siphon le place vers le commencement de la gouttière. » Je n’ai pas pu répéter l'observation que je viens de citer, mais j'ai vu plusieurs fois le fait suivant : le mâle, après avoir introduit son hectocotyle dans la poche respiratoire de la femelle, contractait les bords de son siphon et recourbait cet organe contre la base du bras hectocotylisé. Dans l’explication de Steenstrup, ce doit être le mo- ment où le spermatophore recueilli par le siphon est lancé dans la gouttière, mais je n’ai pas pu voir s'il y avait ou non un spermato- phore en cet endroit, à cause de la position défavorable des ani- maux. Si la chose se passe réellement ainsi, une fois dans la gout- tière le spermatophore doit cheminer, ayant toujours son réservoir spermatique en avant. Comment se fait cette progression ? Il n’est pas improbable que les plis particuliers de la gouttière jouent un rôle considérable. On 1 SrgensTruP, Die Hectocotylenbildung bei den Cephalopoden (Arch, f. Naturg., Jahrg. 22, t. I, p. 234, 1856). 48 ÉMILE-G. RACOVITZA. peut admettre aussi, comme cause suffisante, des contractions se propageant comme une onde d'arrière en avant et exerçant une pression sur ce COTPS, qui a une forme et une consistance très favo- rables. Il est, en effet, lisse, flexible, etil est placé de manière à avoir sa partie renflée en avant. Une pression qui s'exerce d’arrière en avant sur un corps qui augmente d'épaisseur dans le même sens doit forcément arriver à le faire progresser. Il est très facile d’ob- server, pendant l’accouplement, ces contractions musculaires qui se propagent comme une onde. Quoi qu'il en soit, le spermatophore, ayant cheminé tout le long de la gouttière, arrive à l'extrémité du bras qui se trouve dans la cavité palléale de la femelle. Sa partie postérieure, qui, comme on sait, est en avant, doit dépasser le bout du bras. Le cul-de-sac de la gouttière (fig. 4, c) en retient le sommet pointu, et la spatule de l’hectocotyle (fig. 4, a) doit l'appliquer contre l’orifice de l’oviducte. Le contact avec l’eau de mer qui cireule dans la cavité de la femelle produit son effet habituel. Le spermatophore éclate, et comme il est maintenu par l'extrémité du bras tout contre l'orifice, la partie évaginée doit pénétrer dans l’oviducte. Cette dernière partie de l'exposé ne doit certes être considérée que comme une hypothèse, mais elle est tellement en harmonie avec tout ce que j'ai pu observer, qu’elle a beaucoup de chances d’être vraie. IV. CONCLUSION. Je vais essayer dans ce chapitre de grouper les résultats de cetle note, de manière à présenter au lecteur un exposé résumé de l’ac- couplement et de la fécondation chez l'Octopus vulgaris. Les hypo- thèses entreront comme les faits observés dans cette description, mais on pourra les distinguer en se référant aux trois premiers cha- pitres du travail, à Le mâle, dans l'espèce Océopus vulgaris, s'accouple avec la femelle, en introduisant l'extrémité de son troisième bras de droite dans la NOTES DE BIOLOGIE. 49 cavité palléale en se tenant à distance. La femelle n'oppose pas une grande résistance, car l'introduction de l’hectocotyle ne l’empêche nullement de respirer d’une manière normale. L’accouplement dure plus d’une heure à cause des actes compliqués que doit exécuter le bras du mâle. En effet, le spermatophore, une fois expulsé par l'orifice du pénis, doit passer dans l’entonnoir qui le dépose dans la gouttière de l’hectocotyle. 11 est forcé, par les contractions des parois de ce canal incomplet, à se diriger vers l'extrémité distale du bras, et arrive ainsi dans la cavité palléale de la femelle. La spatule de l'hectocotyle applique alors l'extrémité du spermatophore contre le bord de l’orifice de l’oviducte. Au contact de l’eau de mer qui circule dans la cavité branchiale, l'appareil éclate. La partie qui s’évagine est forcée de s'engager dans la lumière du canal de l’ovi- ducte. Les boyaux spermatiques vont s’accumuler d’abord en avant de la bulle et se dissocient. Les spermatozoïdes mis en liberté vont ensuite se placer entre les plis nombreux et compliqués qui se trouvent sur la paroi interne de la partie proximale de l'oviducte. Ils peuvent alors féconder les œufs au passage avant que ces derniers aient été pourvus de leur coque. Il SUR LES MOEURS DU PILUMNUS HIRTELLUS LEÉACH. Ge joli Crabe rouge, couvert de poils raides, est assez commun dans les cailloux calcaires du cap lAbeille, près de Banyuls. Gon- trairement aux Grapsus, qui vivent sur les bords et qui même n’hé- sitent pas de quitter l'élément liquide pour chercher leur nourri- ture, le Pilumnus est un animal de fond. Il se tient toujours à une certaine profondeur et élit domicile dans les petits trous des roches sous-marines. Les cailloux du cap l’Abeille lui sont très propices à ce point de vue. Ils sont presque entièrement formés par du calcaire d’origine organique : algues calcaires, tubes de Serpuliens et de Vermet, coquilles de Gastéropodes el Lamellibranches, débris et ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉNe=— 30 SÉRIE. — Te Il 1894. 4 90 ÉMILE-G. RACOVITZA. restes divers de toutes sortes d'animaux, le tout solidement cimenté. A l'intérieur de ces cailloux se trouvent des cavités nombreuses, des couloirs ramifiés, des trous profonds qui permettent aux petits crabes de se cacher aux yeux de leurs ennemis et de surprendre à l’improviste leurs proies. Un de ces gros cailloux, très caverneux, fut placé dans un bac de l'aquarium du laboratoire Arago. Sa face supérieure était plane, et d’un côté, elle tombait à pic dans un trou, espèce de grotte minus- cule, habitée par un Pilumnus de taille moyenne. J'observais une fois les gestes si comiques que fait ce Crabe en brossant sa seconde paire d'antennes. C’est absolument le geste du chat qui se passe la patte sur le museau, geste qui donne une apparence si drôle au Pi- lumnus comme à ses congénères les autres Crabes. Tout à coup, le Pélumnus reste immobile ; il semble vouloir se rendre compte d’un bruit, d’une vibration quelconque, d'écouter enfin. Après quelques instants d’immobilité, il sort lentement du trou, mettant avec précaution une patte devant l’autre et arrive ainsi au bord de l’entrée de sa demeure. Il en tâte les environs avec ses pattes; il semble vouloir chercher par le tact un objet qui l’inté- resse. Et, en effet, je vois avec étonnement qu’à l’aide d’une patie ambulatoire, il retire d’un trou un petit bivalve. L’ongle qui termine la patte lui rend un très bon service, car la coquille est profondé- ment enfoncée dans le trou. Il s'empresse aussitôt de la saisir avec une de ses pattes ravisseuses. Rentré dans son domicile, il casse d’un petit coup sec de ses pinces la petite coquille et se délecte avec volupté du contenu. J'attribuai d’abord l’action du Crabe à un simple hasard, mais Je vis la même chose se répéter. Je le vis interrompre de nouveau l'opération du brossage des antennes, remonter sur les bords de l'excavation, tâter avec ses pattes, ramener une seconde petite Co- quille etla manger avec tout autant de plaisir que la première. Il n’y avait plus ici place pour le hasard. Le crabe devait être sûrement prévenu de la présence et de la situation d’un petit mollusque à NOTES DE BIOLOGIE. o1 la surface du caillou, puisqu'il le trouvait sans hésitation, ou du moins seulement après quelques tâtonnements qui s’exerçaient sur une aire tout à fait restreinte. Même si sa vue était parfaite, ce qui n’est pas démontré, il n'aurait pas pu voir sa proie, puisqu'il se trouvait dans une excavation creusée sous l'endroit où se trouvait cette dernière. Je me mis done à examiner plus attentivement la face supérieure de la pierre, et je ne tardai pas à remarquer la présence d'une dizaine de Mollusques que je crois être de toutes jeunes Tel- lines. Elles se tenaient immobiles avec leurs valves complètement fermées. Bientôt l’une d'elles entre-bâilla sa coquille. Par la fente, elle fit sortir un long pied vermiforme. C'est à l’aide de cet organe que l'animal se meut ; il en fixe l'extrémité sur une aspérité de la pierre et se rapproche du point de fixation en le contractant. La petite Telline avait à peine fait quelques mouvements que le Pilumnus était déjà sur les lieux. Elle referma ses valves, mais le Crabe la trouva immédiatement et l’emporta dans sa demeure. On comprend maintenant ce qui donnait au Crabe la notion de la présence et de la position de la proie. La Telline, en progressant sur la surface de la pierre, la râclait avec sa coquille. Le son, ou l'ébran- lement produit, se transmettait à travers la pierre jusqu’au Crabe, qui prenait ainsi connaissance d’un mouvement exécuté à l'exté- rieur. Une petite expérience vérifia complètement cette manière de voir. Avec un fil métallique, je grattai légèrement la pierre. Immédiate- ment, le crabe sortit et tâta avec une patte juste à l'endroit gratté; quand je laissais le fil sur la pierre, le crabe le saisissait avec la patte et le tirait à soi. La vue ne dirige pas les actions du crabe; il ne paraît, du reste, avoir aucun souci d'employer ses yeux. Ce n’est qu'avec le tact qu'il se rend compte, une fois l'endroit déterminé par la transmission de l’ébranlement, s’il y a quelque chose ou non. so ÉMILE-G. ROCOVITZA. La L'organe qui perçoit cet ébranlement est l’otocyste. Il ne peut être question ici d'un bruit entendu. Bonnier‘ fait remarquer avec raison que tout doit se réduire à la perception d'une vibration point audi- tive, mais tactile. « Audition signifie perception des bruits et des sons. G'esticette perception que nous refusons absolument à tout être dépourvu d'un appareil sacculo-limacéen. | «Si un animal entend parce que certains cils de son corps entrent en vibration par certains ébranlements de l'air, un épi de seigle, un morceau de velours, une brosse, qui vibrent harmoniquement, entendraient également. Qu'on revête l'homme le plus désespé- rément sourd d’une armure rigide, qu'on en fasse un articulé du genre des hommes d'armes du moyen àge, qu'on le place dans un vase capable de vibrer et d'entrer en trépidation, ou bien il s'arrè- tera net aux premières secousses, comme les Crabes de Minasi?, ou bien il se livrera aux bonds désordonnés des Palémons d'Hensen”. Ce n’est pas le son qui l'affectera, car il est sourd, mais bien la tré- pidation qui, désagréable pour un Mollusque, doit être intolérable pour un Crustacé enveloppé de pièces rigides ajustées et en con- tacL. » L'organe du Crabe n'est pas arrivé à un degré d'évolution où la distinction se fait entre une vibration sonore et une vibration tactile. Quoi qu’il en soit, la vibration est perçue et la netteté avec laquelle son lieu d’origine est déterminé montre que l'organe est extraordi- nairement bien développé. Pour mieux faire comprendre cette préci- sion, nous pouvons comparer la position du Crabe à celle d'un homme qui, étant dans une grotte, entendrait un bruit produit au-dessus 1 P. Bonnie, l'Audition chez les Invertébrés (Revue scientifique, t. XLVI, p. 808, 1890). — C’est l'exposé des conclusions de son travail, le Sens auriculaire de l’espace (Bulletin scientifique de France et de Belgique, t. XXIITI). :2 Les Crabes de Minasi s’arrêtaient au milieu de leurs ébats tumullueux dès da une sonnelte les rappelait à l’ordre, loc. cit. 3 Les Palémons de Hensen qui bondissaient dès que Île moindre son leur par- venait, loc, cit, NOTES DE BIOLOGIE. 53 de lui et se transmettant à travers les épaisses couches terrestres dans lesquelles ia grotte est creusée. Je ne crois pas que l'oreille humaine, qui est un organe si compliqué, pourrait rendre, dans ce cas, à son propriétaire le même service que l'organe correspondant rend au Crabe. Il est peu probable que la personne en question puisse avoir la notion exacte de l'endroit d'où le bruit est parti. Ïl ne s’agit pas seulement ici de percevoir la vibration, mais aussi d'en reconnaître la direction. J1 faut remarquer que la notion de direction est une impression durable chez le Crabe, en d’autres termes, on doit lui attribuer la mémoire du sens de la direction. Je fis, pour le démontrer, l'expé- rience suivante : je plaçai une Telline assez loin de l'entrée du loge- ment du Pilumnus. Au bout d'un certain temps, le Mollusque se mit en marche et donna ainsi l'éveil à son ennemi. Avec une baguette de verre, je touchai la Telline, qui referma ses valves. Comme le Crabe n’était pas encore sorti de son trou, il ne possédait que l'im- pression initiale du bruit causé par la Telline. Malgré cela, il se dirigea vers l'endroit où était sa victime sans la moindre hésitation, et s'en empara du premier Coup. Le sens de la direction s'était donc conservé intact dans sa « mé- moire » pendant le trajet. Cette petite note montre, en résumé, que le Pilumnus possède le sens de la direction à un haut degré, et que l'impression en est durable. On n’a qu’à penser combien il est difficile de se rendre compte de la direction quand on marche les yeux bandés ou quand on chemine dans des couloirs obscurs et torlueux. C'est justement le cas du Crabe, qui n’emploie pas ses yeux pour se diriger. L'oto- cyste, organe si simple quand on le compare à l'oreille humaine, peut donc rendre des services comparables et même peut-être supé- rieurs en ce qui concerne le sens de la direction. Les faits et gestes décrits chez ce Crabe permettent-ils de lui attribuer un certain degré d'intelligence ? Je crois que, pour ce cas du moins, on peut répondre négativement. Le fait de vouloir 54 ÉMILE-G. RACOVITZA. attraper le fil de fer, et surtout le fait de se laisser tromper plusieurs fois de suite, montrent que le Pilumnus obéit à une simple poussée instinctive. Il s'empare de tout ce qui gratte la surface du caillou et se laisse prendre chaque fois aux mêmes embüches. RECHERCHES ZOOLOGIQUES ET BIOLOGIQUES SUR LES PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS PAR ALPHONSE LABBÉ Licencié ès sciences naturelles Ancien préparateur suppléant à la Faculté des sciences. INTRODUCTION En 1870, Ray Lankester découvrait le premier parasite des glo- bules rouges : le Drepanidium des Grenouilles. En 1880, Laveran trouvait les parasites endoglobulaires qui oCCa- sionnent l’impaludisme. En 1886, Danilewsky découvrait successivement des parasites dans ® Jes hématies des Tortues, des Lézards, des Oiseaux. Ces trois dates montrent combien récente est l’histoire des para- sites endoglobulaires. Mais s'il est peu de groupe sur lequel, en moins d'années, on ait écrit davantage, en revanche il en est peu sur lequel on ait des données moins précises. Cliniciens, hygiénistes, bactériologistes, pa- thologistes, se sont précipités dans la voie ouverte par Laveran ; des discussions et des polémiques ardentes s’engagèrent. Quelques-uns, sb ALPHONSE LABBE, cherchant à pénétrer le mystère de la structure et de l'évolution des parasites malariques, ont cherché, à la suite de Danilewsky, dans le sang des Vertébrés autres que l'homme, des parasites analogues, pour les rapprocher, même les identifier avec les formes décrites par Laveran. Bien peu d'auteurs se sont préoccupés du côté zoolo- gique de la question, se souciant fort peu de la notion de l'espèce, et émettant les opinions les plus antizoologiques !. Les théories de polymorphisme avec Danilewsky, de dimorphisme avec Celli et San Felice, sont partout mises en avant. Or, le polymorphisme et le di- morphisme sont assez rares dans la nature, pour qu'il soit permis de se défier de telles idées. Grassi, qui est le seul zoologiste ayant essayé de mettre de l’ordre dans cette confusion, s’est borné à l'étude des parasites des Oiseaux et de l’homme, laissant de côté ceux des Ver- tébrés à sang froid. En présence de ces notions incomplètes, de ces discussions et de ces divergences, il nous a semblé qu'un zoologiste, s'affranchissant de toutes les considérations cliniques, pathologiques ou autres qui ne peuvent que compliquer la question en soi, trouverait de l'intérêt à étudier les parasites des globules rouges des Vertébrés, en cher- chant à rétablir la notion de l'espèce, fort ébranlée par les hypo- thèses unitaires et polymorphiques, en suivant pas à pas l’évolution de chaque forme parasitaire, en étudiant sa structure intime aux divers stades, en la différenciant ou en la rapprochant spécifique- ment des formes voisines. C’est là le programme de la première partie de ces recherches, où nous établissons le genre et l’espèce. Dans une seconde partie, nous coordonnerons les résultats, créant des groupes généraux, précisant les traits biologiques des parasites, leurs rapports avec les globules ou les cellules qui les hébergent, 1 Un médecin, qui s’est beaucoup occupé des Sporozoaires, le docteur Pfeiffer, dans une lettre qu’il m'adressait l’année dernière, avoue lui-même que les médecins sont encore de bien mauvais zoologistes : « Die Mediziner sind heute noch schlechte Zoologen, » | PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 57 étudiant ce qu’on peut appeler le parasitisme intraglobularre, déter- minant, enfin, les conditions de l'infection à l’intérieur et en dehors de l'organisme. Dans une étude aussi longue et aussi minutieuse, bien des points restent obscurs: aussi nous estimerons-nous heureux si quelques résultats au moins pourront paraîlre acquis, et quelques faits éclaireis. Nos recherches ont été faites au laboratoire de zoologie expéri- mentale de la Sorbonne, ainsi qu’au laboratoire de zoologie marine de Roscoff. Nous exprimons notre profonde reconnaissance à nos maitres, M. de Lacaze-Duthiers, l’éminent directeur de ces laboratoires, que nous avons toujours trouvé prêt à nous aider de ses conseils et de son expérience, au milieu des difficultés de loute sorte que nous avons rencontrées; et M. Yves Delage, qui, le premier, nous à indi- qué la voie que nous avons suivie. Nous voudrions aussi donner mieux qu'un banal remerciement à tous ceux dont la liste serait trop iongue qui, de façons diverses, nous ont prêté leur concours, à nos collègues du laboratoire, au dévoué gardien du laboratoire de Roscoff, Ch. Marly, à tous ceux, enfin, qui ont cherché à nous rendre la tâche plus facile et le travail moins aride, TECHNIQUE. Un fort objectif à sec suffit d'ordinaire pour rechercher des para- sites endoglobulaires dans une préparation de sang. Mais un objectif à immersion est absolument nécessaire pour les étudier. Pour l'étude du sang frais, il est avantageux de luter la prépara- tion à la paraffine ; l'emploi de lames creuses, où la goutte de sang peut tenir en suspension, est aussi excellent ; la méthode des tubes capillaires m'a donné de bons résultats, surtout pour étudier la bio- logie de ces organismes. Nous ne saurions assez insister sur l'importance des observalions 98 | ALPHONSE LABBÉ. faites sur le sang frais à l’aide de réactifs colorants agissant lente- ment, et détaillant peu à peu la structure des parasites. Le réactif le plus utile, en pareil cas, est le bleu de méthylène ; Gelli et Guar- nieri (64) l’employaient dissous dans du liquide ascitique ; Grassi et Feletti (63) font sécher directement sur le porte-objet une goutte d'une solution alcoolique de bleu de méthylène. Nous employons avec avantage le procédé suivant : On dépose sur le porte-objet, près de la lamelle, une gouttelette de la solution suivante : Bleu de méthylène..........sss.e.es.e SO à Bro 1 Hau HP em erteeuleeepese Secerreesce et LUN Chlorure de sodiumM......sosossseesoseseososcore 0,75 qu’on aspire doucement du côté opposé avec un morceau de papier buvard. Le carmin acétique et le vert de méthyle à 1 pour 100 donnent aussi de bons résultats. Avant de fixer, il convient de passer la lamelle portant la goutte- lette de sang à la flamme, de facon à dessécher rapidement le sang, suivant la méthode employée en bactériologie. Comme fixateurs, on a préconisé le sublimé (Bignami, Kruse), l'acide osmique au trois-centième (Laveran), le mélange à parties égales d'alcool et d’éther (Metschnikoff, Laveran, Hochsinger), l'acide picrique concentré (Gage ‘). Nous avons employé avec succès, pour les Gymnosporidies, le mé- Jange d'alcool et d’éther, la liqueur de Flemming et la méthode de Mannaberg : Passer cinq minutes à l'eau distillée. Sécher, puis passer dans la solution suivante : Acide acétique......eso.sesee REC RE CD D À goutte. HAE 00 à AT TAC 0 TOO 0 STD NO D 0000 00 0 . 20c€ 1 Gace, Permanent microscopic preparation of plasmodium malariæ (Amer. monthly microscop. Journ., p. 173, 1886). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 59 Enfin, dans la solution d’acide picrique, où on laisse vingt-quatre heures : Acide picrique. Solution aqueuse concentrée.......... 30 BAMCEMNÉEE ANSE ME 0010 ne elec 00 Acide acétique glacial ....., S4Pobpo ose oc 1 On lave à l'alcool absolu. Pour les Hémosporidies, nous préférons la liqueur de Flemming, qui nous a seule permis de voir les mitoses dans les cytocystes. Pour les colorations, de nombreuses méthodes ont été signalées. Presque toutes reposent sur l’emploi de bleu de méthylène, avec ou sans le concours de l’éosine. On peut voir de nombreuses formules dans le beau livre de Mannaberg : Ueber Malaria-Parasiten, page 12. Il importe toujours, pour un même parasite, d'employer concur- remment plusieurs méthodes et plusieurs réactifs. La comparaison des colorations seule peut donner des résultats, Nous donnons ici quelques formules qui nous ont servi : Méthode de Malachowsky (74) : | Bleu de méthylène. Solution aqueuse concentrée..,.... 24 Solution de borax à 5 pour 100...... ne ee con té DEL 6 500 0e RON AO che chars denied entines (11 Filtrer vingt-quatre heures et laver à l'eau. Méthode de Czenzinski : Mélanger les deux solutions suivantes : a. Bleu de méthylène. Solution aqueuse concentrée...... 92 b. Éosine. Solution à 4 pour 400. Dans l'alcool à 60 degrés. On mélange 1 partie de (0 avec 2 parties de (a), on filtre et an laisse colorer vingt-quatre heures. Méthode de Mannabereg : Bleu de méthylène. Solution aqueuse concentrée. ....0.. 40 Éosine à 2 pour 400 dans l'alcool à 60 degrés ........ 80 Eau .eeeees 00 eo v.0 © s 9° e © Soceeresee 9 1005990. e e 00 4 0 60 ALPHONSE LABBÉ. Méthode de Romanowsky : Porter les lamelles, pendant trente minutes, à une température de 105, 110 degrés centigrades ; puis colorer avec : Bleu de méthylène. Solution aqueuse concentrée... 2 volumes. Éosine. Solution aqueuse à 4 pour 100........... . 3 — On ne filtre pas la solution. Laisser les lamelles deux ou trois heures. Toutes ces méthodes, surtout la dernière, donnent de bons résul- tats, mais fort inégaux. La chromatine apparaît en violet sur le fond bleu clair du parasite. Les globules et les granules sont roses. Bien d’autres méthodes ont été proposées par Laveran (9), Plehn, Korolko (33), Grassi (63), Hochsinger, et reposent toutes sur l’action du bleu de méthylène qui colore le plasma des Gymnosporidies. On a essayé le violet de gentiane (Sacharow, Korolko) sans beau- coup de succès. L'hématoxyline, par la méthode de Mannaberg, donne de très beaux résultats. On colore douze à vingt-quatre heures, dans une solution vieille d'hématoxyline alunée : a. Hématoxyline.....,......... DoBno toc 10 Alcool absolu......,........o..ssescosee 100 b. Alun d'ammoniaque. Solution à 1,2 pour 100. Obtenue en mélangeant 1 partie de (a) avec 2 parties de (b). On différencie avec l'alcool nitrique et l'alcool ammoniacal; laver à l'alcool à 80 pour 100 ; monter au baume xylol. Nous nous sommes servi souvent de l’hématoxyline de Delañeld ou de la glycérine hématoxylique d'Erlich, qu'on fait suivre d’une autre coloration ; comme deuxième colorant, nous avons employé l'acide picrique en solution diluée, l’aurantia, l’éosine, la fuchsine acide, le rose Bengale ou la safranine. On peut employer aussi une triple coloration : Hématoxyline de Delafield, fuchsine acide ou rose Bengale, au- PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 61 rantia. Par cette méthode, que nous avons employée pour les hémos- poridies, les éléments chromatiques ont coloré en violet noir les globules normaux et les particules de globule incluses dans les phagocytes en orange, les globules anémiés prennent une couleur lie de vin: les contours des parasites, leurs vacuoles, leurs granula- tions, en rouge vif. Une autre méthode consiste à faire suivre la coloration à l'héma- toxyline d’une coloration à la fuchsine-aniline ou à la safranine- aniline, en la faisant précéder de l'action du permanganate de potasse !, suivant le procédé d'Æennequy. Nous avons employé également la liqueur Erlich-Biondi, Île Kernschwarz de Platner, la méthode de Ruge, etc. Comme nous l'avons déjà dit, il est absolument nécessaire d'employer simulta- nément plusieurs procédés différents de fixation ef de coloration, afin de pouvoir faire la comparaison qui, dans bien des cas, donne seule la clef des structures des organismes. Pour les Gymnosporidies à pigment, il y à parfois avantage à dépigmenter. Quelques gouttes d’auréoline (eau oxygénée) dans de la glycérine réussissent bien à cet effet. On peut aussi, après fixation à l'alcool, passer dans la solution suivante, qui est très utile : GIYCÉNINE... eee ne toc ane 100 Alcool à 70 degrés. ...................e. 100 Acide chlorhydrique.......,........ Quelques gouttes. Dans le courant du travail, nous indiquerons les méthodes qui nous ont plus spécialement servi. DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. Jusqu'ici, le nombre des espèces animales chez lesquelles on ait trouvé des parasites endoglobulaires est relativement restreint. 1 V. HenneGuy, Nouvelles Recherches sur la division cellulaire indirecte (Journal de l'anatomie, t, XXVII, 1891). ALPHONSE LABBÉ. (ep) [ES Chez les Invertébrés, où des globules très analogues à ceux des Vertébrés existent chez quelques espèces, on ne trouve pas de para- sites endoglobulaires. Les corpuscules falciformes de Grégarine qu’on rencontre souvent en grande quantité chez les Phascolo- somes, par exemple, errant au milieu des globules sanguins, et qui offrent avec les Drepanidium des ressemblances de structure frap- pantes, ne pénètrent jamais dans les globules. Quant à des parasites des Amœæbocytes, nous n’en avons jamais rencontré *. Chez les Vertébrés, les Batraciens, les Reptiles, les Oiseaux et l'Homme lui-même sont susceptibles d’être infestés par des para- sites des globules rouges. Nous n’avons jamais rencontré de parasites endoglobulaires chez les Poissons. Malgré le très grand nombre des espèces, tant fluviales que marines que nous avons étudiées, nous n'avons jamais trouvé, en fait de parasites du sang, que des Trypanosomes et des Trypa- nomonades. Danilewsky prétend pourtant avoir rencontré des parasites ana- logues aux Drepanidium chez une Tanche; mais comme ilnienva pas donné de description, le fait reste douteux. Quant aux spores des Myxosporidies qui, d’après le docteur Ludwig Pfeiffer, pour- raient pénétrer dans les globules sanguins des Poissons, malgré les figures, du reste fort obscures, que donne dans son livre cet auteur (6, page 127, fig. 52), il ne faut accepter ce fait que sous toutes réserves. Jamais je n’ai pu le vérifier, pas plus que mon savant collègue et ami Thélohan, qui s'occupe depuis longtemps des My- xosporidies. Parmi les Batraciens, la Grenouille seule (Rana esculenia) est infestée, mais elle l’est fort souvent et par plusieurs espèces para» sitaires. Les auteurs qui ont étudié ce parasite en Russie”, en Angle- i Nous faisons absolument exclusion des bactéries, qui sont au contraire fré- quentes. 2 DANILEWSKY. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES. 63 terre‘, en Allemagne’, en Italie”, en France +, ont constaté par- tout la présence de ces parasites dans le sang de Rana esculenta. Mais les auteurs diffèrent assez sur les descriptions, comme nous le verrons, de telle sorte qu’il faut admettre que certaines espèces parasitaires, comme Danilewskya Krusei, sont plutôt méridionales, tandis que d’autres, comme Drepanidium princeps, sont plutôt sep- tentrionales. Parmi les Reptiles, les Ophidiens ont peut-être des parasites (Pfeiffer), mais nous n’en avons pas trouvé. Les Tortues d'eau douce etles Lézards présentent de nombreux parasites. On en a constaté la présence à Karkow (Tortues, Lézards), à Weimar, à Rome (Tor- tues seulement) et aux environs de Paris” (Lacerta muralis, etc.) En résumé, chez les Vertébrés à sang froid, nous trouvons envi- ron six espèces pouvant être infestées par les parasites endoglobu- Jaires et sous toutes les latitudes. Chez les Oiseaux, les résultats diffèrent. Tandis qu'en Italie presque tous les Oiseaux sont infestés, aux environs de Paris et dans la France septentrionale nous avons eu à peine quelques espèces infestées sur plus de soixante-dix espèces examinées. Voici la liste des Oiseaux dont nous avons pu étudier le sang, soit aux environs de Paris, soit à Roscoff, en Bretagne, soit à Laval, dans la Mayenne : PASSEREAUX SYNDACTYLES. — À /cedo 1spida Linn. PASSEREAUX DipacryLes. — Corvus corax Linn.; Pica caudala Linn.; Gar- rulus glandarius Vieill.; Sturnus vulgaris Linn.; Passer domesticus Briss.; Pyr- rhula vulgaris Temm.; Coccothraustes vulgaris Vieill.; Ligurinus chloris Koch.; | Fringilla cœlebs Linn.; Æ. montifringillu Linn.; Carduelis elegans Steph. ; Chrysomitris spinus Boie; ÆEmberiza citrinella Linn.; Alauda arvensis Linn.; A. arborea Linn.; Galerida cristata Boie; Anthus pratensis Bechst; Budytes flava Linn. ; Motacilla alba Linn.; Oriolus galbula Linn.; T'urdus merula Linn.; 1 Ray LANKESTER. 2 BuTscaLi, GAUB, WALLERSTEIN, PFEIFFER. 8 Grasst et FELETTI, CELL: et SAN FELICE, KRUSE. k LABBÉ. S Les Tortues d’eau douce que nous avons eues provenaient d'Algérie. 64 ALPHONSE LABBÉ. T. musicus Linn.; Rubecula familiaris Blyth.; Saxicola ænanthe Bechst; Sylvia atricapilla Scop.; S. hortensis Gmel.:; Parus major Linn.; P. cœruleus Linn.; Hirundo rustica Linn.; Chelidon urbica Boie; Cotyle riparia Boie; Cypselus apus M. Garranacés. — Columba palumbus Linn.; Zurtur auritus Linn.; Perdix rubra Briss.; Starna cinerea Charlet; Coturnixæ communes Bonnaterre. _ Écrassrers. —- Pluvialis apricarius Bp.; P. varius Scheg.; Charadrius liati- cula Linn.; C. philippinus Scop. ; C. cantianus Lath.; Vanellus cristatus Meyer et Wolf; Stérepsilas interpres Ilig.; Numenius phæopus Lath.; N. arqualus Lath. : Gallinago scolopacinus Bp.; Calidris arenaria Leach.; Tringa alpina Linn.; Pelidna torquata Degl.; P. cinclus Bp.; P. platyrhyncha Bp.; Totanus calidris Bechst ; Actitis hypoleucos Boie. Parweèoes. — Larus marinus Linn.; L. argentatus Brünn ; L. canus Linn.; L. ridibundus Linn. ; L. tridactylus ; Sterna cantiaca Gmel.; S. hirundo Linn.; Hydrochelidon fissipes Gray; Uria lomvia Br. Rapaces. — Æalco tinnunculus Linn.; Stryx flammea Linn.; Syrnium aluco Linn. | De tous ces oiseaux, quatre espèces seulement ont été trouvées porteurs de parasites : A lauda arvensis, qui est infesté, en moyenne, une fois sur quatre ou cinq; Fringilla cælebs, qui est infesté sept ou huit fois sur dix; Sturnus vulgaris, qui est infesté une fois sur deux ; Garrutus glandarius, une fois sur deux. Danilewsky, à Kharkow, a trouvé des Hématozoaires dans le sang des oiseaux suivants : Coracias garrula Linn.; Upupa cpops Linn, : Coccothraustes vulgaris Linn.; Lanius excurbitor, L. rufus, L. munor ; Turdus musicus : Monedula turrium Brehm; Pica caudata Ray; Tinnunculus alaudarius Gray; Erythropus vespe- rinus Brehm: Buteo vulpinus Licht, Milvus migrans Bodd. ; Circus aeruginosus Linn.; Pernis apivorus Cuv.;, Pandion haliælus Cuv.; Syrnium aluco Linn.; Otus vulgaris Linn. Danilewsky a trouvé également des parasites chez les Oiseaux du gouvernement de Kherson et du Caucase septentrional”. Il faut remarquer que presque tous les Oiseaux qui précèdent 1 ]1 faut remarquer que Danilewsky comprend aussi parmi les Ilématozoaires les Trypanosomes qui sont des Flagellés. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 65 sont des Rapaces; Danilewsky n’a jamais trouvé de parasites que chez les Rapaces et les Passereaux. Celli et San Felice ont trouvé des parasites endoglobulaires, aux environs de Rome, chez Athene noctua, Passer italicus, Alauda arvensis, Sturnus vulgaris, Strix flammea, Syrnium aluco, Columba livia. Grassi et Feletti, aux environs de Catane, chez Falco tinnunculus, Passer hispaniolensis, P. montanus, Alauda arvensis, Fringilla cœlebs, Athene noctua. Laveran, aux environs de Paris, chez Fréngilla cœlebs, Alauda arvensis, Garrulus glandarius. Pfeiffer, aux environs de Weimar, chez Falco tinnunculus, Buteo vulgaris, mais n’en trouve pas chez les Passereaux. Kruse a trouvé des hématozoaires chez les Corvus cornir des envi- rons de Naples. En résumé, nous voyons que la répartition géographique des parasites endoglobulaires du sang des Oiseaux est considérable, mais que les Rapaces et les Passereaux sont surtout soumis à ce parasi- tisme. Il est regrettable que les auteurs ne donnent pas les proportions des oiseaux infectés. Grassi dit pourtant qu’à Catane, en été, les moineaux sont infestés dans la proportion de cent pour cent. Les Gallinacés, sauf les pigeons italiens (pigeon domestique ct ramier), paraissent indemnes. Les Échassiers et Palmipèdes, dont j'ai pu étudier un grand nombre au laboratoire de zoologie marine de Roscoff, semblent partager cette immunité. Pour ce qui est des Mammifères, nous en avons étudié un grand nombre sans trouver le moindre parasitisme endoglobulaire. Les Trypanomonades, si nombreuses chez les Rats, se rencontrent aussi chez les Hérissons, les Taupes, etc.; mais on ne rencontre aucun cytozoaire. Les Chauves-souris elles-mêmes, qui, par leur genre de vie, se rapprochent des Oiseaux, sont indemnes; de même, les ani- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 30 SÉRIE =— Te Ils 1894. 5 66 ALPHONSE LABBÉ. maux domestiques. L'homme seul, dans l’impaludisme, présente le curieux parasite découvert par Laveran et qui se rencontre sous toutes les latitudes. PREMIÈRE PARTIE. PARTIE DESCRIPTIVE. Il LES PARASITES DES GLOBULES ROUGES DES BATRACIENS. HISTORIQUE. —— THÉORIE DE GAULE. La première indication que nous trouvons d'un parasite endoglo- bulaire dans le sang des Batraciens est une note de Ray Lankester, publiée en 1874. Ray Lankester (42) dit avoir trouvé assez fréquemment, dans le sang des Grenouilles, en même temps que les Trypanosomes, des parasites vermiformes, dont il signale l’analogie avec les pseudona- vicelles de la Grégarine du Z'ubifex rivulorum. Une deuxième mention est faite par Bütschli (14), en 1876, qui trouve fréquemment, en janvier, dans les globules rouges de la Gre- nouille, ein eigenthümlicher Korper à côté du noyau; il le figure dans sa planche VI. La figure 3 de cette planche représente bien un Dre- panidium ; mais la figure 2 n’en est pas un; c’est une simple cassure transversale, comme cela se rencontre assez souvent dans les glo- bules rouges. En 1880, M. Laveran découvrait le parasite de la malaria humaine. Mais il ne semble pas que cette découverte ait eu beaucoup de reten- tissement à cette époque en dehors du monde médical. Les auteurs, en effet, qui s’occupaient de parasites du sang, ne paraissent pas avoir connu les travaux de Laveran, ou, du moins, leur avoir accordé une créance suffisante. C'est ainsi que Gaule et Danilewsky, dont nous allons exposer les PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 67 travaux, ne paraissent pas avoir connaissance du parasite de la ma- laria dans leurs premiers mémoires. En 1880 et 1881, Gaule décrit les formations bizarres qu'il découvre dans le sang de la Grenouille et expose la très curieuse théorie que, du reste, il fut à peu près seul à soutenir. Dans son premier mémoire (45), cet auteur décrit des formations en bâtonnet, pourvues de corpuscules brillants, qu’il trouve dans les globules rouges de la grenouille à côté du noyau. Ces Würmchen, comme il les appelle, peuvent sortir du globule à l’aide de vives contractions et demeurer libres dans le sérum; là, ils se meuvent entre les globules, entre lesquels ils circulent, les perçant parfois de leur extrémité effilée. Le noyau du globule qu’ils viennent de quitter subit alors une transformation, son contour devient tranchant, il prend un aspect granuleux et le globule lui-même, d’abord plissé, s’arrondit et pâlit; cette transformation du globe sanguin est une double conséquence de la migration des Wärmchen et du refroidis- sement du sang. Les Wärmchen peuvent entrer dans un autre glo- bule et, après un temps plus ou moins long, meurent avec les mêmes apparences que les hématies elles-mêmes. Leur nombre varie avec la température. Ils se montrent jusqu'à 36 degrés ; il y a un optimum pour lequel ils se montrent plus grands et en plus grand nombre; certaines substances, comme le sel marin (de 3 à 18 pour 100), ont une grande influence sur leur apparition. Gaule conclut en pensant que les Würmchen ne sont pas préformés dans le sang ; qu’ils naissent du protoplusma du globule; que leur déve- loppement dépend de curconstances qui peuvent varier expérimentalement et que leur taille varie avec celle de la Grenouille qui les héberge. Dans un second mémoire (46), Gaule insiste sur ce point que la présence des Wärmchen coïncide avec la dégénérescence de l’hé- matie. Il donne aux Wärmchen le nom de Cytozæn et affirme : 1° Que les Cytozoaires sont périodiques. Ils apparaissent et disparaissent sous certaines influences : l’âge, le sexe, la captivité. En novembre, toutes les Grenouilles pesant plus 68 ALPHONSE LABBÉ. (4 de 50 grammes ont des Cytozoaires, toutes celles qui pèsent moins en manquent. En été, c’est l’inverse ; les Grenouilles pesant moins de 50 grammes on seules des Cytozoaires. Pendant l'hiver, il n'y à aucune différence au sujet de la présence des Cytozoaires entre les mâles et les femelles; mais au printemps et pendant l'été, les femelles n’en ont presque pas. 9 Que les Cytozaires se trouvent dans les organes (foie, rate, moelle des os) aussi bien que dans le sang ; 3 Qu'ils peuvent avou: différentes formes. Mais dans une même grenouille, il n’y à jamais qu'une même forme; certains Cytozoaires sontimmobiles, les autres mobiles; x Qu'ils se forment aux dépens des noyaux des cellules. Gaule dit avoir observé leur formation dans les cellules de la rale, au moyen d'une solution composée de chlorure de sodium à 0,3 pour 100 et de chlorure de potassium à 0,3 pour 100. Il observe de même ces transformations dans les hématies, en ajoutant au sérum une goutte de violet de gentiane. Si l’on fixe une rate de grenouille, prise dans la grenouille encore vivante, par l'acide osmique, on ne voit que protoplasme et noyau el pas de Cylozoaires,. La substance cellulaire, conclut Gaule, doit donc se transformer dans une mort lente, pour donner naissance aux Cytozoaires, im- mobiles d'abord, mobiles ensuite, transformation qui n’a pas lieu dans une mort rapide. Les Cytozoaires existent dans le foie, la rate, tous les tissus de l'organisme vivant, où on les confond souvent avec des « Nebenkerne ». Ges faits curieux et surtout la théorie étrange à laquelle ils don- naient lieu, soulevèrent dès le début de leur apparition, de vives polémiques. Certains auteurs, COMME Flemming (48), se réservent. D'autres, comme Merkel (49), pensent que l’auteur se donne beaucoup de peine pour faire apparaître die merkwürdigen Würmchen, que nul autre que lui n’a pu voir. En revanche, Arnd£ (20), se basant sur les observations de Gaule, PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 69 cherche à rapprocher de ces Cytozoaires les Spirochætes de la fièvre récurrente; ce seraient pour lui des globules rouges modifiés ‘. De même, J. Paladino* prétend avoir trouvé des Cytozoaires ana- logues à ceux de Gaule dans le liquide célébro-spinal des Solipèdes, où ils auraient pour origine les noyaux des cellules épithéliales; il en aurait également trouvé dans l’endothélium des centres céré- bro-spinaux des grenouilles. Pour cet auteur, les Cytozoaires sont de simples productions de luxe, occasionnées « par la plénitude périodique des tissus et un surcroît de nutrition ». Donc, parmi les histologistes, les uns se réservent, les autres acceptent les résultats de Gaule. En janvier 1882, un zoologiste, Ray Lankester (43), vint proposer l'hypothèse parasitaire, qu'il avait déjà émise en découvrant les parasites endoglobulaires des Grenouilles. Il démontre que les Würmchen de Gaule, auxquels il donne le nom de Drepanidium ranarum, ne sont autre chose que les petits parasites décrits par lui en 1871. Ils préexistent dans le globule, contrairement à ce que dit Gaule, et l’on peut les voir à la température ordinaire. Par analogie avec d’autres organismes, comme les corpuscules falciformes des Coccidies décrits par Eimer, Schneider et autres, on ne peut refuser de voir en ces Drepanidium un parasite appartenant probablement au groupe des Sporozoaires de Leuckart. Ce serait le stade jeune d’un Sporozoaire, provenant peul-être des kystes découverts par Lie- berkühn® dans les reins de la Grenouille. Les figures annexées au travail de Ray Lankester nous montrent des Drepanidium pourvus de refractive granules, symétriquement placés aux extrémités du corps ; il n'y à pas de nucleus; l'un des parasites possède deux fila- ments caudaux. 1 Nous verrons plus loin que, plus récemment, Sacharow a cherché à rapprocher les parasites de la fièvre récurrente de ceux de la malaria, et en particulier les spi- riles d’Obermeyer des Flagella malariques. | 2 J. PaLanino, Sur l’endothélium vwibratile des Mammifères (Archives ilaliennes de biologie, t. TTL, p. 43-86, 1883). 3 Lirpenkunn, Veber Psorospermien (Müllers Archiv, t. 1). 70 ALPHONSE LABBÉ. Malgré quelques erreurs, le travail de Ray Lankester posa nette- ment la question au point de vue parasitaire. Bütschli (8), dans ses Sporozoa, se range à l'opinion de Ray Lankester (V. pl. XXXIX, fig. 4, 4d, 4e), mais il ne semble pas admettre que les Drepanidium ne sont que des corpuseules falciformes migrateurs, des kystes des reins, et voit en eux un sporozoaire adulte. La même année (1882), Wallerstein, dans une thèse inaugurale, reprend cette étude, et bien qu'il ne fasse pas faire de grands pro- grès à la question, apporte néanmoins quelques documents à l'hy- pothèse parasitaire, en reprenant point par point les expériences de Gaule et en montrant que les Drepanidium sont de vrais parasites intracellulaires, des Sporozoaires. Mais convaincu de l’analogie des Sporozoïtes des X/ossia, de l’Helix hortensis et des Cyclospora, des Glomeris avec les Drepanidium, il émet l’idée que les Drepanidium ne sont autre chose que ces Sporozoïtes, ayant émigré dans le sang des Grenouilles. L'hypothèse parasitaire, par les travaux de Lankester, de Bütschli, de Wallerstein, semblait donc bien admise, quand, dans un nouveau mémoire (22), Gaule revint sur sa théorie en la généralisant (1886). Dans ce mémoire, Gaule décrit d'une façon plus intime la struc- ture des Cytozoaires. Ceux-ci ont un protoplasma formé de deux substances, l’une nigrosinophile, qui se trouve aux extrémités, l'autre éosinophile, qui forme deux corpuscules placés de part et d'autre d’un noyau colorable (ce sont les refractive granules de Lan- kester). Tous les Cytozoaires n’ont pas la même structure, mais celle-ci est la plus typique. Toute cellule, du reste, quelle qu'elle soit, a un plasma nigrosinophile et un plasma éosinophile. Chaque genre, chaque espèce d'animal à sa forme de Cytozoaire; ceux de ana temporaria sont autres que ceux de ana esculenta ; ceux des Tritons grands comme des hématies et ont un flagellum'. Ceux que Dani- 1 Ce sont des Trypanosomes. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 71 lewsky a observés chez les Tortues! sont différents de ceux des Gre- nouilles. Chez l'homme, il y aurait une forme de Cytozoaire flagellé, et une autre semblable à ceux des Grenouilles*. Quel est le rôle de ces Cytozoaires dans l'organisme et d’où vien- nent-ils? Gaule nous l’expose. Dans la rate sont des groupes de cellules, des cellules nourricières (Ammenzellen). Le protoplasme de ces cellules se remplit de grains de pigment, analogues à celui des globules rouges. C’est là que se forment les jeunes hématies, en même temps que se détruisent les vieilles cellules et les vieux glo- bules. Ces phénomènes se passent principalement en hiver. Aussitôt que les vieilles cellules ont donné naissance à des Cytozoaires, elles sont détruites ; les Cylozoaires pénètrent dans les cellules nourricières et deviennent de jeunes globules. L'action de certains réactifs, comme la pilocarpine (0,6 à 1 milligramme), influe beaucoup sur la production des Cytozoaires, et par suite des jeunes hémates. Le Cytozoaire est donc la Grundform de chaque être; il résume en lui les deux sexes, la masse totale des tissus de l’organisme. Ge sont les Spermatozoïdes des tissus : Die Cytozoen sind den Geschlechts- thieren der Fadenpilze gleich zu setzen. Telle est la théorie de Gaule. Nous l'avons exposée en détail, afin de montrer combien il est sou- vent facile de confondre des formations pseudo-parasitaires avec de vrais parasites. Le même fait nous retrouverons à propos des pa- rasites de la malaria. Il est certain en effet, comme le dit Plat- ner (23), que Gaule a fait deux trouvailles; il a trouvé des parasites, comme le Drepanidium ranarum; mais il a également rencontré des Vebenkerne analogues à ceux des cellules séminales, des cellules 2 DaniLewsky venait de publier son premier travail sur les hémogrégarines des Tortues. 3 Que sont ces Cytozoaires ? Gaule ne l'explique pas. Bien qu’il ne parle ni de Laveran, ni de la malaria, on peut cependant supposer qu’il avait en vue les formes en croissant et les formes flagellées de l’impaludisme, qu'il devait certainement connaître. 72 ALPHONSE LABBÉ. du pancréas et du foie des Batraciens et des Reptiles; ceux-ci sont absolument immobiles. Prudden, Schleicher, Flemming affirment n’avoir jamais, chez des noyaux, observé de mouvements autres que ceux presque mathématiques de Îla mitose ; et si Platner dit avoir observé, dans des préparations fraîches, des mouvements ami- boïdes (?) dans les Nebenkerne des cellules séminales du limaçon, il n’a jamais vu ces Vebenkerne sortir des cellules et se mouvoir à la facon des Drepanidium. Les figures de Gaule montrent, assez exac- tement représentés, des Drepanidium soit intracellullaires, soit libres. Plusieurs sont en dégénérescence; Gaule, en effet, opérait, non avec du sang frais, mais avec du sang défibriné. En revanche, d’autres figures (fig. 43, 46 et fig. 53, 57) font voir que Gaule à eu affaire à des dégénérescences nucléaires typiques, avec la chroma- tine refoulée à la périphérie, les vacuoles et les albuminoïdes du suc nucléaire (Xernafteiweiss de Heidenhain) au centre. Quant aux cel- lules nourricières de la rate et aux processus que décrit Gaule, il ne faut y voir que des phagocytes chargés de pigment el contenant des débris de globules, phénomène bien connu. Les travaux de Danilewsky (1886) achevèrent de détruire la théorie de Gaule, en montrant que les Drepanidium et les Würmchen voisins n'étaient nullement des productions normales des tissus, mais des parasites intracellulaires ; que les Drepanidium étaient homologues aux Hémogrégarines des Lézards et des Tortues (25). Danilewsky ne donne que plus tard (86) une indication sur leur mode de dévelop- pement et croit qu'ils se reproduisent par les sporulations en rosetle que décrit Kruse. Kruse, seul de tous les auteurs qui se sont occupés des Drepant- dium, a essayé d’en donner une monographie complète (23) dans un mémoire récent (1890). Nous n’insisterons pas sur ce travail bien complet, nous réservant de le critiquer en détail. Nous dirons seulement que sa description des Wärmchen ne se rapporte pas à celle de Ray Lankester et de Gaule, et qu’il semble avoir en vue un parasite un peu différent; PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 73 que, d’autre part, les formes amæboïdes ou en rosace qu'il intro» duit dans le cycle du Drepanidium ne sont pas décrites par les auteurs antérieurs : enfin, qu’il en est de même des grandes formes nucléées, refoulant le noyau de l'hématie ; ces dernières, qui, pour Kruse, dérivent des petits Wärmohen, n’ont été décrites que par les auteurs italiens. Kruse place les Drepanidium, sous le nom d’Aemo- gregarina ranarum, parmi les Grégarines monocyslidées. Celli et San Felice (2) admeltent entièrement les idées de Kruse ; pour eux, le parasite peut suivre deux voies évolutives, l’une amœæ- boïde, conduisant à la sporulation, l’autre grégarinienne, aboutis- sant aux grands Wärmchen de Kruse. Une différenciation plus complète est faite par Grassi et Feletti (40), qui distinguent nettement les petits Drepanidium (D. ranarum) des grandes formes nucléées (D. magnum, n. sp). Quant aux formes amc- boïdes et en rosace, ce seraient un Laverania (L. ranarum) voisin des parasites malariques. Dans plusieurs notes préliminaires (34, 32), nous avons établi la distinction des Hémamibes du sang de la Grenouille avec les Dr'epa- nidium. Nous avons découvert que ceux-ci avaient un mode de reproduction propre par Cytocystes, et nous avons distingué le Dre- panidium ranarum du D. magnum de Grassi. Voyons sur quelles preuves nous pouvons nous appuyer pour dif- férencier les espèces. DIFFÉRENCIATION DES ESPÈCES. Nous avons déjà indiqué, dans l'historique que nous venons de faire, que les Drepanridium des anciens auteurs, de Ray Lankester, de Wallerstein, les Würmchen de Gaule, ne semblaient pas iden- tiques à ceux que décrivent les auteurs italiens. Ceux-ci inlro- duisent, en outre, dans le cycle évolutif des Drepanidium, des formes amæboïdes et des sporulations en roselte, non décrites par les anciens zoologistes. L'historique de la question et la comparaison des figures données peuvent déjà faire soupçonner que nous sommes 74 ALPHONSE LABBÉ. en présence de plusieurs espèces parasitaires. Grassi et Feletti avaient déjà fait un premier pas dans cetle voie en distinguant le Drepanidium ranarum du D. magnum, et ceux-ci du Zaverania ra- narum. 11 est absolument évident que ce Drepanidium magnum, que nous rapprocherons, par sa manière d’être et son action sur le noyau glo- bulaire, des Dandewskya (voir p.124), est une espèce à part et non un stade de développement des petits Drepanidium. Sur plusieurs cen- taines de Grenouilles examinées et fourmillant de petits Drepani- dium, nous n’en avons jamais rencontré. Danilewsky ne l’a pas ren- contré, non plus que Pfeiffer. Il paraît spécial aux Grenouilles italiennes, et Grassi a bien établi que ce Drepanidium magnum était autre chose que des Drepanidio piccolo adultes. Quant aux parasites que Grassi et Feletti nomment Laverantia ranarum, et auxquels nous donnons le nom de Dactylosoma splendens (anc. C'ytamæba ranarum), nous ne croyons pas qu'il soit possible de les confondre dans le cycle des Drepanidium. Leur protoplasma hyalin, leurs mouvements amæboïdes, leurs granulations spé- ciales, leurs sporulations, sont déjà bien différents de la forme grégarinienne si nette des Drepanidium. Ces derniers ont, du reste, leur mode de reproduction spécial, que nous avons décrit dès 1891. A côté des Dactylosoma, le parasite que nous nommons Cytamæba bacterifera peut se placer et diffère tout autant des Drepanidium. Les Dactylosoma peuvent se rencontrer dans des Grenouilles qui ne sont pas infestées de Drepanidium ; de même Îles Cytamæba, que je n'ai jamais rencontrés en même temps que des Dactylosoma. Enfin, dans une note précédemment publiée (octobre 1892) [32], j'ai déjà montré que si l'on injecte une Grenouille non infestée avec du sang de Grenouille ne renfermant que des Dactylosoma, on reproduit l'infection, et on ne donne pas naissance à un seul Drepa- nidium. Le Drepanidium ranarum ancien présente lui-même, comme. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 73 nous le laissions prévoir tout à l'heure, deux espèces différentes. L'une, à laquelle nous donnons le nom de Drepanidium princeps, est la forme étudiée par Lankester, Wallerstein, Gaule. Le Drepani- dium princeps est caractérisé par un pseudo-noyau, deux ou trois vacuoles symétriquement placées et ne présente jamais d'ondula- tions plasmatiques. L’autre, que nous nommons Drepanidium monilis, offre des ondu- lations plasmatiques, un vrai noyau vésiculiforme, jamais de va- cuoles, et se développe en trois segments. C’est probablement la forme étudiée par les ltaliens ; nous l'avons observée beaucoup plus rarement que la précédente ; le Drepanidium monilis semble une forme méridionale. Jamais nous n’avons rencontré ces deux espèces dans le sang de la même Grenouille. Si nous résumons la question, nous voyons qu'il nous faut distin- guer parmi les parasites intracellulaires des Grenouilles (Rana escu- lenta) les cinq espèces suivantes, toutes rangées par Kruse sous le nom d’Aemogregarina ranarum : 4° Drepanidium princeps, n. sp. (anc. Drepanidium ranarum Lank., pro parte) ; 920 Drepanidium monilis, n. sp. (anc. Drepanidium ranarum Lank., pro parte) ; : 3° Danilewskya Krusei, n. sp. (anc. Æemogregarina ranarum, pro parte ; Drepanidium magnum Grassi) ; 4 Dactylosoma splendens, n. sp. (Laverania ranarum Grassi) ; 5° Cytamæba bacterifera, n. sp. Tous ces parasites se trouvent chez Æana esculenta. 1 L'examen des localités a une importance considérable. Grassi et Feletti ont déjà constaté le fait. Sur cent grenouilles infestées prises dans une localité, quarante-deux environ avaient des Drepanidium ranarum, cinq des Laverania (Dactylosoma) seuls, sept des Drepanidium et des Laverania. Sur quarante Grenouilles infestées de Dre panidium magnum, dans une autre localité, une seule possédait quelques rares Lave- rania, une autre des Drepanidio piccolo. Pas une ne possédait les trois parasites. Dans certaines localités, il n’y a que des Drepanidium magnum ; dans d’autres, on n’en trouve pas un seul, 76 ALPHONSE LABBÉ. Nous n'avons jamais trouvé d'Hémocytozoaire chez aucun autre Batracien {. DREPANIDIUM (RAY LANKESTER). Hémocytozoaires ayant une forme grégarinienne bien définie, une taille ne dépassant pas les trois quarts de la longueur du globule sanguin, une phase première d'évolution endoglobulaire suivie d’une phase libre dans le sérum. La sporulation, toujours endoglobulaire, parfois intracellulaire, se fait par des cyto- eystes qui sont de deux sortes : les uns chroniques à macrosporozoites, les autres à microsporozoites (surtout en été et en automne). Il y a une conjugaison (Dre- panidium princeps). Le parasite n’a aucune action sur le globule. Deux espèces habitant le sang de Rana esculenta : Drepanidium princeps, n. Sp. (anc. Drepanidium ranarum, pro parte) ; Drepanidium months, n. sp. {anc. Drepanidium ranarum, pro parte). Lorsqu'on examine à un fort grossissement le sang de la Æana esculenta, il arrive fréquemment de rencontrer, se jouant entre les globules, de nombreux vermicules qui se déplacent dans le sérum à la facon de petites Grégarines : ce sont des Drepanidium. Rien n’est plus curieux que de voir ces vermicules, longs à peine de 10 à 13 v., serpenter par des mouvements héiicoïdes entre Îles globules, tantôt les perçant de leur extrémité antérieure effilée comme un dard, tantôt sortant d’un globule en le disloquant et trainant ses débris, tantôt rapprochant leurs extrémités (tels des croissants de Coccidies) et se laissant entraîner par les courants des liquides, pour ensuite se redresser par un brusque ressac. À l’inté- rieur des hématies, on peut voir d'autres Drepanidium, les uns longs à peine de quelques p, les autres atteignant les trois quaris de la longueur du globule ; généralement, ils sont recourbés de façon à ce 1 Voici la liste des Batraciens que nous avons pu examiner : Rana esculenta Linn.; R. temporaria Linn.; Alyles obstetricans Laur.:; Pelobaies fuscus Laur.; Bombinaior igneus Rôs.; Bufo viridis Laur.; B. calamila Laur.; Hyla arborea Laur.:; Triton cristatus Laur.; T. tœæniatus Laur.; Salamandra atra Laur.; S. macuiosa Laur. Nous tenons à remercier ici notre savant ami M. E. Corning, assistant d'anatomie à l'Université de Bâle, à l’obligeance duquel nous devons d’avoir pu examiner une centaine de Salamandra atra, originaires de Flohenems (lac de Constance). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 77 que leurs extrémités se touchent, et ils ne tranchent guère, par une légère réfringence bleuâtre ou verdâtre, sur le fond jaune de l'hématie. MorPnoLocre ET sraucrure. — Nous avons déjà vu qu'il fallait dis- tinguer, chez la Grenouille, deux sortes de Drepanidium : Le Drepanidium monilis, qui est la forme italienne ; Le Drepanidium princeps, qui est la forme de Lankester et Gaule. Le premier, à l’état adulte, se présente sous la forme d’un vermi- cule ayant de 15 à 16 . de longueur, pourvu d'un gros noyau vésicu- liforme, et ne possédant dans son plasma aucune autre différenciation que des granules nombreux ei variés ; lorsqu'il se déplace dans le sérum, des ondulations se forment, qui ont pour objet de lui faire présenter des parties renflées et des parties rétrécies, d'où le nom de monilis que nous lui avons donné. Le Drepanidium princeps ne présente jamais de ces ondulations ; il offre, au centre, une tache claire, ovalaire, qui est un noyau, comme nous le verrons, et, de chaque côté de celte tache claire, une ou deux vacuoles très caractéristiques. Voyons quelle est la structure de ces diverses parties. Le protoplasma qui forme le corps de ces organismes est diffé- rencié d’une façon suffisante pour qu’on puisse retrouver les couches successives qui sont caractéristiques des Grégarines. Il y a d’abord une cuticule, formée par l’épicyte. L'emploi du chlo- rure d’or permet de différencier cette couche qui, souvent, se devine mieux qu'elle ne se voit, à cette cuticule assez résistante, il faut rattacher la petite pointe souvent effilée comme un dard qui sert aux Drepanidium à percer les globules, et qui n’a aucun rapport avec un épimérite. De même que chez les Monocystidées, le sarcocyte, cette couche amorphe sous-cuticulaire, manque. Mais nous trouvons une couche striée ou fibrillaire, un vrai myocite, qu'on peut considérer comme formant, avec la cuticule, le vrai ecéoplasme. En effet, ces deux cou- 78 ALPHONSE LABBÉ. ches sont en général seules à se colorer fortement par certains réac- tifs comme l’éosine, la rose Bengale, la fuchsine acide. Cette couche striée est très visible chez certains exemplaires de Drepanidium, où on peut l’observer (principalement chez D. monilis) pendant la pro- gression ; le chlorure d'or, le carmin acétique, le vert de méthyle acétique, sont excellents pour cette étude. Elle est formée d’an- neaux successifs qui s’indiquent comme une fine ponctuation, et sont par conséquent bien homoiïiogues des fibres des Grégarines. Contrairement à l’opinion de Schneider (44), nous pensons, avec Yan Beneden, que cette couche striée représente chez les Gréga- rines l'élément contractile, et non un organe de soutien‘. Les re- cherches les plus récentes sur les Infusoires et, en général, sur les Protozoaires, ont montré qu’une telle différenciation du protoplasme est loin d'être rare, et qu’on ne peut refuser aux fibrilles protoplas- miques situées entre l’entosarque et l'ectosarque le rôle d'un organe contractile musculoïde. La plupart du temps, étant donné la peti- tesse des organismes que nous étudions, il est difficile de mettre cette couche en évidence; cependant, dans quelques cas, on peut la voir, même à l’état frais, en suivant chez Drepanidium momlis, par exemple, les mouvements et les ondulations du corps. Nous verrons, dans la deuxième partie de ce travail, comment cette couche fibrillaire ou myophanique peut servir à la locomotion des Drepanidium, et comment on peut expliquer les mouvements ondulatoires de D. monilis, les mouvements lentement progressifs et réguliers de D. princeps. L’entocyle ou entosarque forme la majeure partie du corps. Le plasma est d'ordinaire finement granuleux; maïs, parfois, on peut lui voir prendre une structure alvéolaire * ; aux points d’inter- section des très fines mailles du plasma sont de petites granula- 1 LÉGER, qui affirme l'existence du myocyte chez toutes les Grégarines à l’état normal, pense de même que la contractilité des fibrilles est la cause de la progres- sion (Sur l’organisation des Grégarines, thèse de Paris, 1892). 2 En disant le mot alvéolaire, nous ne voulons désigner que l'apparence de la pré- paration vue sans coupe optique, et nous ne voulons nullement préjuger de la ques- PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES. 79 tions. Généralement, le plasma est peu colorable, à moins qu'il ne renferme des granulations, lesquelles sont toujours en nombre va- riable. La nigrosine en solution aqueuse à 1 pour 100 fait apparaître ordinairement un espace clair à la partie tout à fait antérieure. C’est là toute la différenciation que le plasma proprement dit, le paraplasma, peut présenter. Mais dans le stroma protoplasmique sont souvent inclus de petits granules graisseux ou huileux, et des granulations dont l’étude est fort intéressante. Ces granulations de l’entoplasme sont de plusieurs sortes : d’abord, surtout chez Drepanidium monilis, on voit de petits granules plasma- tiques, qui se colorent en rose et en rouge par l’éosine et la fuchsine acide. Mais les plus intéressants de ces granules sont ceux que nous pouvons appeler granules chromatoïdes. Ces granules sont parfois si abondants chez Drepanidium monilis, qu'ils peuvent remplir tout le plasma. Mais on les retrouve toujours, si peu nombreux qu'ils soient, aussi bien chez Drepanidium princeps que chez Dre- panidium monilis. Ces granules sont caractérisés par ce fait qu’ils sont absolument hématoxylinophiles. Ils sont également colorables par le bleu de mé- thylène, qui les colore en bleu foncé ; par la méthode de Roma- nowsky, ils prennent une couleur violet foncé. Ils méritent donc bien le nom de chromatoïdes que nous leur avons donné. Ces granules chromatoïdes ne sont pas particuliers aux Drepani- dium, nous les retrouverons dans tous les Hémocytozoaires. Nous pouvons même dire qu'ils sont très répandus chez les autres Sporo- zoaires ; nous les avons signalés, dès longtemps, ches les Coccidies”, en particulier chez les stades Jeunes de Coccidium Delagei, de C. te- tion de savoir si le mot vacuolaire, dans le sens de Bütschli, serait plus exact. Nous opposons simplement la structure alvéolaire aux structures fibrillaire ou granuleuse. 1 LaBBé, Sur les Coccidies des Oiseaux (Comptes rendus de l’Académie des sciences, juin 1893). 80 ALPHONSE LABBE. nellum, de C. perforans, de C. viride, chez les Diplospora des Oi- seaux, elc. Nous avons observé des inclusions analogues chez des Grégarines, en particulier ‘chez les Grégarines des Phascolosomes el des Téré- belles; chez des Sarcodiens parasites, des Monadines parasites, elc. Ces granulations peuvent-elles être considérées comme des pro- ductions du protoplasma, ou comme des réserves albuminoïdes nutritives? Dans notre dernier travail, nous inclinions vers cette dernière opinion ; mais la question est difficile à résoudre. Cepen- dant, nous pouvons dire que ces granulations sont différentes des renflements plasmiques de l'entoplasme des Drepanideum et, de plus, sont loin d'être constantes comme nombre et comme taille. Nous verrons, lorsque nous étudierons le développement des Drepanidium, que ces granulations, très nombreuses à une certaine phase (2. mo- nilës), diminuent, par Ja suite, pour, quelquefois, disparaître presque entièrement. Ces granulations chromatoïdes, très nombreuses souvent dans le voisinage ou autour du noyau où quelquefois elles forment des lignes ponctuées (pl. HI, fig. 4) très nettes, sont parfois difficiles à distinguer des éléments nucléaires qui se colorent de la même façon qu'elles. A côté de ces granulations chromatoïdes, nous trouvons, surtout chez Drepanidium monilis, des granulations que nous ne pouvons dénommer que granulations métachromatoïdes. Bien qu'elles n'aient pas les mêmes caractères que le pigment mélanique qui se forme dans les parasites malariques, ce sont néanmoins des inclusions ayant quelque analogie avec du pigment. Rares chez les jeunes Drepanidium monilis, où l'on n’en trouve souvent qu’un où deux grains, très nombreux plus tard chez l'adulte, où ils sont mélangés aux granules chromatoïdes, ils se présentent, à l'état frais, comme de petits corps semblables à de petits cristaux, de forme irrégulière et non ronde comme les granules chroma- toides, et très réfringents. La lumière oblique les fait paraître PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 81 noirs, brillants, quelquefois même rougeâtres sous certaines inci- dences. Enfin, l'hématoxyline et le bleu de méthylène les colorent très énergiquement; mais ces colorants, au lieu de les colorer en bleu ou en violet, leur donnent une coloration rouge ou rouge vio- let. Cette métachromasie est intéressante à noter, mais il faut se garder de dire qu'elle se produit toujours. Le bleu de méthylène, agissant lentement, en solution faible, sur des Drepanidium monilis vivants, colore ces granulations en bleu foncé, bleu rougeâtre, rouge violet ou violet foncé ; c'est dire que ieur composition chimique n'est pas constante, non plus que la facon dont elles se comportent vis-à-vis des réactifs !. De semblables granulations sont voisines de celles que Ernst, Babes, Bütschli, Nils Sjobring, Mitrophanow ont étudiées chez les Bactéries, les uns les prenant pour des « corps sporogènes », Îles autres pour de la chromatine. Ces granules chromatoïdes et métachromatoïdes ont une extrême importance. Leurs réactions vis-à-vis des réactifs étant très sem- blables à celles de la chromatine, 1l est souvent difficile, lorsque, comme chez Drepanidium princeps, le noyau est mal différencié, de distinguer les éléments chromatiques des éléments purement plas- matiques. Nous sommes certain que ces granules, si variables de propriétés, de taille, de nombre, ne sont pas des granules élémentaires des üssus, des bioblastes d'Altmann, et qu'il faut les considérer comme des produits de réserve ou d’assimilation, signes morphologiques de 1 MirroPHANOW, dans un travail récent, a observé que chez les Bactéries, si l’on fait agir lentement des solutions très faibles de bleu de méthylène, les granulations superficielles déjà observées par Ernst, Babès, Bütschli, Nils Sjübring, se colorent en nuances variant du gros bleu au violet; la fixation par le sublimé corrosif les fait devenir violettes où rougeàtres. Nous ferons remarquer dès maintenant que nos granules mélachromatoïdes sont sans doute les homologues de ceux que Kruse à décrits chez les Drepanidium et qu’il pense être de la chromatine. Nous reparlerons de cette question à propos du noyau de nos parasites. Cf. MirRoPHanow, Études sur l’organisation des Bactéries (Journal de l'anatomie el de la physiologie, t. X, fasc. 2, 1893.) ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GEËN. — 30 SÉRIE, —— T. I. 1894. 6 82 ALPHONSE LABBÉ. l'influence du milieu et de la nutrition cellulaire, c’est-à-dire des produits vitaux de la cellule elle-même. Le noyau des Drepanidium offre une étude intéressante à un point de vue général. Jusqu'ici, il avait été nié par certains auteurs, tandis que d’autres arrivaient à le colorer parfaitement. Grassi figure un noyau vésiculaire, de même Danilewsky ; Kruse n'en trouve pas et donne comme éléments nucléaires les granulations que nous avons appelées métachromatoïdes; Celli et San Felice figurent un noyau vésiculaire chez les Drepanidium, mais les détails sont assez vagues. Ces discussions tiennent à ce que le Drepanidium monilis a un noyau vésiculeux que ne possède pas le D. princeps. Chez Drepanidèum monilis, il y à un vrai noyau vésiculeux, qui se déplace par les mouvements de l’endoplasme. Il est rond ou ovalaire, souvent de taille considérable, et se présente, à l’état frais, comme un espace clair, à l'intérieur duquel on voit un corps grisàtre qui répond au nucléole. Ce nucléole, qui se colore très bien par les réactifs, surtout à l’état frais par le bleu de méthylène et le carmin acétique, est formé par un boyau de chromatine, dans sa forme la plus compliquée. Sur certains individus, il est assez petit, mais compact; quelque- fois, lorsqu'il est plus grand, il montre un réseau bien net ou un peloton avec des renflements de chromatine. Dans tous les cas, il est séparé de la membrane par un espace clair, non colorable. Donc le noyau, chez Drepanidium monilis, est formé, du moins chez l'adulte, par un sac vésiculeux, rempli de suc nucléaire non Co - lorable et renfermant un plus ou moins volumineux nucléole qui est la seule partie chromatique du noyau. Un tel noyau ne se présente point chez Drepanidium princeps. Sur le vivant, on voit un espace central, ovalaire, où le protoplasme est plus clair. Lorsqu'on fixe et qu’on colore le Drepanidium, on voit, rassemblées au centre, ordinairement sans ordre, de nombreuses granulations, qui, par leur aspect et leurs réactions vis-à-vis des | À 4 PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 83 réactifs, ressemblent absolument aux granulations chromatoïdes que nous avons décrites. Ces granulations se présentent sous les aspects les plus variables. Tantôt, c’est un granule unique, consi- dérable, figurant bien un nucléole; tantôt, au lieu d’un gros gra- nule unique, il y en a deux, trois, quatre, espacés régulièrement. Quelquefois, il y en a une quinzaine groupés centralement, ou bien ces granules se sont allongés, formant une étoile un peu irrégulière, simulant une mitose. Dans d’autres cas, on ne voit plus au centre qu'une fine poussière colorable. Tout autour de ces granulations, le protoplasma est plus clair, mais il n’y a jamais de membrane nucléaire. Le plus souvent, les granulations sont groupées latéralement et dessinent une aire quadrangulaire, qui parfois reste incolore, d’autres fois est remplie de granulations. Tantôt ces granules sont rangés symétriquement les uns à la suite des autres, tantôt ils se soudent, formant une ligne colorable, en réalité formée par l’amas compact des granulations. Les questions qui se posent sont les suivantes : Ces granules sont-ils de la chromatine ? Faut-il considérer leur réunion comme la représentation morphologique d'un noyau ? Nous avons pu constater que ces granules possèdent quelques- unes des propriétés essentielles que Carnoy et Zacharias donnent comme caractéristiques de la nucléine ; ils sont insolubles dans les acides très étendus, ainsi que dans le suc gastrique artificiel?; en revanche, ils sont facilement solubles dans l’'ammoniaque et la po- tasse, même très diluées; le chlorure de sodium et le phosphate de potasse dilués ont une action dissolvante moindre. Ils se précipitent par l’acide acétique fort (10 à 50 pour 100). L'action des matières colorantes est très énergique. L’héma- i Voir planche I, fig. 17. ? Formule empruntée à Ernst : BENSINC SAT eee. 200 2er taoeeseserete cree. ce 0,9 Acide ChlorhydrEIque. see 2009.99 0,2 JDA RE LAN AO ES PO PER SRE Lie 2éeron nr rsers, te 100,00 84 ALPHONSE LABBÉ. toxyline les colore fortement en violet foncé, le bleu de méthylène en bleu foncé, la safranine et la fuchsine-aniline en rouge vif. En revanche, le vert de méthyle acétique (2 ou 3 pour 100 d'acide acé- tique), cette « pierre de {ouche de la nucléine », dit Carnoy”, colore les granules très faiblement; il les colore un peu mieux quand ils sont isolés en masse compacte et quand on le fait agir à l’état frais. Le carmin acétique les colore bien. Nous avons pu remarquer qu ils avaient une véritable élection pour le Kernschwarz?, qui les colore intensivement et isolément. Nous pouvons donc affirmer que ces granules sont formés par de la nucléine, à l’état de division. Tout autour, l’espace clair se colore parfois faiblement par l'héma- toxyline ou le Kernschwarsz. Si l’on ajoute à ceci que, parfois, il semble que les granules de nucléine soient unis ensemble comme par un réseau, nous pouvons dire que nous avons ici tous les éléments d'un noyau, moins la mem- brane nucléaire. Les cytologistes sont assez d'accord sur la conception du noyau; cette conception, très générale, est exprimée par 0. Hertwig * de la facon suivante : « Un quantum de substances nucléaires spéciales, distinctes du protoplasme et, jusqu à un certain point, différenciées, substances qui peuvent apparaître sous des formes très diverses, aussi bien quand elles sont à l'état de repos que quand elles sont en activité physiologique lors de la division. » Une telle définition nous permet de considérer comme un noyau le pseudo-noyau des Drepanidium princeps, malgré la division de l'élément nucléinien et l'absence de membrane nucléaire. Du reste, des exemples analogues ne sont pas rares dans le règne animal; la membrane nucléaire peut manquer, la chromatine peut 1 Cannoy, la Biologie cellulaire, p. 148 ; la Cytodiérèse chez les Arthropodes (la Cellule, t. I, 1885). 2 Le Kernschwarz est un véritable réactif de la chromatine, d’après Platner (Zeitschr. f. Wissensch. Mikroskopie und Mikr. Technik, t. LV, p. 3). 3 HerrwiG, la Cellule et les Tissus, traduction française, P. 36, 1894. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 85 être très divisée. Enfin, les études récentes sur la structure de la cellule bactérienne nous font voir des noyaux analogues aux nôtres. En effet, si les études de Bütschli' nous ont montré des noyaux bactériens (chez Chromatium Okenii et Ophidomonas jenensis) bien différenciés, avec réseaux et points nucléaires, les recherches plus récentes de Nils Sjübring?, et surtout de Mitrophanow (loc. eit.), nous apprennent que, chez les Bactéries, la nucléine, parfois distri- buée uniformément, d'autres fois agglomérée en une seule masse, ou constituant divers corpuscules, n'est jamais présentée sous une forme constante; qu’elle varie avec l’état physiologique de l’orga- nisme, peut se montrer en grains isolés, qu’on peut confondre avec des granulations plasmatiques. Dans le noyau bactérien, qui n’a rien du noyau typique, il n'y a ni linine, ni paralinine, mais de simples grains de chromatine isolés. Nous trouvons donc, dans le noyau des Bactéries, une constitution analogue à celle du noyau de Drepanidium princeps. L'étude du développement que nous allons maintenant entre- prendre va, du reste, nous éclairer mieux sur la nature de ce noyau. DÉVELOPPEMENT DES FORMES JEUNES. — Le jeune Drepanidium, qu'il provienne d'un Macrosporozoïte ou d’un Microsporozoïte, se pré- sente sous la même forme. Chez Drepanidium monilis, c'est un petit corps allongé, pourvu en son centre d'un granule fortement colorable qui est un grain de chromatine, un nucléole. Ce corps parait hyalin ou très fine- ment granuleux. Chez Drepanidium princeps, les formes provenant d’un Macrospo- rozoïte ont, en général, un degré de différenciation de plus, sous l'apparence d’une petite vacuole d'où partent souvent des stries rayonnantes. 1 Burscuu1, Ueber den Bau der Bañkterien und verwandter Organismen, leipzig, 1890, 2 Nurs SubBRiNG, Ueber Kerne und Theilungen bei den Bacterien (Centralblatt [ur Bat, und Parasit,, t, XI, n° 23, 1892), S0 ALPHONSE LABBÉ. Chez Drepanidiun princeps, le développement des formes jeunes est très simple. Les formes jeunes se présentent sous la forme de petits corps protoplasmiques ovalaires présentant un élément nucléi- nien, sous forme d’un point chromatique, et une petite vacuole. L’accroissement se fait par l'allongement du corps dans la partie qui se trouve du côté de l'élément nucléinien. Là se forme une deuxième vacuole. La partie centrale, où se trouve le nucléole, et qui peut porter le nom de segment nucléaire, peut alors être sépa- rée des autres par de légers étranglements. Mais il n'y a pas trace de ces étranglements chez les Drepanidium adultes. Quant à l'élé- ment nucléinien, d’abord sous la forme d’un granule unique, il se segmente et donne ces petits amas de granulations chromatiques que nous avons déjà étudiés. Tout autour se forme d’ordinaire une aire claire, qui devient centrale quand les granulations se portent à la périphérie. Le Drepanidium monilis présente un développement qui peut être considéré comme une accentuation des phénomènes qui se passent chez D. princeps. En effet, les trois segments qui n'étaient qu'à l'état d'indication chez D. princeps, sont ici bien distincts, et de plus le granule nucléinien primitif donne naissance à un véritable noyau. Nous avons décrit le très jeune parasite sous la forme d'un petit corps ovalaire porteur en son centre d’un élément nucléinien. Le premier phénomène qui se passe est un étranglement quelquefois très prononcé (pl. IT, fig. 2-3) qui a pour effet de constituer au jeune parasite deux segments : l’un, que nous pouvons dénommer segment nucléaire, est d'ordinaire formé de protoplasma presque hyalin et renferme le corpuscule de chromatine ; celui-ci est généralement situé à l’un des pôles près de l’étranglement; l’autre segment, formé de protoplasma finement granuleux, ne tarde pas à se distinguer par ses propriétés colorantes ; il se remplit bientôt de granulations chromatoïdes, et même apparaissent quelques granules métachro- matoïdes,. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 87 A ce stade, le parasite se montre donc comme un petit corps formé de deux segments ovalaires ou pyriformes : le premier se colorant peu ou mal (à part la région périphérique), renferme le nucléole qui se colore en violet foncé par l'hématoxyline et la méthode de Romanowsky ; le deuxième, très granuleux, se colorant en bleu ou violet foncé par le bleu de méthyline, montre quelques sranules métachromatoïdes violet rougeûtre. La première différenciation qui se fait dans le premier segment est la formation du noyau, qui se montre d’abord comme une aire claire non colorable, mais dont la membrane se forme de bonne heure. À l'intérieur de cette membrane, le nueléole primitif persiste longtemps, mais il est bientôt accompagné d'éléments granuleux, souvent colorables, qui proviennent sans doute du suc nucléaire ; par la méthode de Romanowsky, ces éléments se colorent en lilas rose, entourant le nucléole violet foncé. Le nucléole lui-même pro- lifère, et bientôt les éléments chromatiques soni assez nombreux pour s'organiser en réseaux. Le noyau étant formé, le reste du segment nucléaire s'accroît de son côté, tandis que de l’autre s'accroît le deuxième segment. On peut donc considérer qu'à ce stade il ya trois segments : le pre- mier segment reste longtemps hyalin, ou du moins peu colorable ; il ne possède guère que quelques granulations métachromatoïdes, et son protoplasme, s’il n’est pas hyalin, est du moins très finement eranuleux ; à l'extrémité tout à fait antérieure de ce premier seg- ment se forme la pointe effilée du Drepanidium. Le deuxième segment, qui renferme le noyau, est d'abord con- stitué par ce noyau seul; plus tard, le corps grandissant, le noyau peut prendre une place quelconque dans le corps du Prepanidium ; aussi ce segment nucléaire, bien caractéristique au début, a-t-1l au deuxième stade une importance moindre. Le troisième segment est caractérisé par son protoplasma à mailles alvéolaires remplies de granulations chromatoïdes et méta- chromatoïdes : son importance est d’abord considérable dans le 58 ALPHONSE LABBE. corps du jeune Drepanidium ; au fur et à mesure que l'animal gran- dit, les granules disparaissent, ou bien se répartissent également dans tout le corps. Il résulte de ces faits que, chez le Drepanidium monilis adulte, le corps, primitivement séparé en parties distinctes, a acquis une texture uniforme. C’est ainsi qu’il arrive de rencontrer des Drepa- nidium qui sont bourrés de granules chromatoïdes et métachroma- toïdes, tandis que d’autres n’en possèdent qu'un très petit nombre. Les vacuoles ne se présentent à l’état normal que chez Prepanidium princeps, où elles sont très caractéristiques. Kruse, qui ne connais- sait sans doute que le Drepanidium monilis, affirme que ce sont des vacuoles de dégénérescence. Mais cette opinion n est pas soutenable pour D. princeps. Lorsqu'on colore des Drepanidium princeps par l’éosine ou le rose Bengale, ces substances se concentrent dans deux aires très régulières placées de part et d'autre du noyau. Quelquefois, il y en a trois, mais le cas est plus rare. Lankester les appelle refractive granules et pense, en effet, que ce sont des granulations colorables. Gaule semble avoir la même opinion. En réalité, ce sont des va- cuoles, non contractiles, ordiuairement ovalaires. A l’état frais, elles se reconnaissent à leur éclat un peu réfringent, jaune ou jaune verdâtre. Si l’on prend des Drepanidium du foie, on voit que les vacuoles sont assez fortement colorées par la bile en jaune verdâtre. Ces vacuoles absorbent tous les liquides colorants avec une très grande facilité, mais principalement l'éosine, la fuchsine, la safra- nine, le rose Bengale, l'orange. L'iode les colore en jaune brun. Cette propriété colorante permet de reconnaître facilement les Dre- panidium princeps dans une préparation. Les jeunes parasites eux-mêmes possèdent une vacuole. Comme nous le disions, ces vacuoles ne sont pas contractiles, mais chez certains parasites, il peut se produire une sorte d'hyper- trophie des vacuoles qui a pour effet de changer complètement la forme du corps (voir pl. I, fig. 14-15). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉES. 89 Parfois, une seule des vacuoles est hypertrophiée ; le parasite prend alors une forme qui doit se rapporter à ce que Gaule avait appelé « lanzenformiges Würmehen ». D'autres fois, les deux va- euoles sont également hypertrophiées et le parasite à un peu la forme d’une haltère. C’est surtout dans le foie que l’on trouve de ces formes. On peut trouver de même accidentellement des individus qui n’ont qu'une vacuole ou deux vacuoles très petites. Ces cas tératologiques montrent que nous n'avons pas affaire à des « granules ». A l'intérieur de ces vacuoles, on trouve quelquefois (très rarement) des produits dédritiques ; de plus, nous avons pu constater un léger virage de la liqueur de tournesol employée en solution très diluée. Nous n'avons pu nous procurer de l'alizarine sulfoconjuguée qui, malgré la petitesse des objets, nous aurait permis plus facilement de montrer que ces vacuoles servent à la nutrition du parasite. Le Drepanidium montlis ne renferme, à l’état normal, aucune trace de vacuoles. V1E INTRACELLULAIRE. — Les Drepanidium, dont nous venons de voir la structure et l’évolution des jeunes formes sont des parasites endoglobulaires. Les jeunes formes, parfaitement immobiles, sont toujours endo- globulaires ; les adultes se trouvent dans les globules sanguins, Où ils prennent les positions les plus diverses, à côté du noyau. Ils n’ont aucune aclion pathogène sur le globule, ni sur le noyau du globule. Les Drepanidium monilis ne se trouvent guère que dans Îles glo- bules, quelquefois dans les hématoblastes, rarement dans les leu- cocytes. Mais les Dr'epanidium princeps se trouvent fréquemment non seu- lement dans les globules, mais dans les leucocytes, les cellules de Ja rate et de la moelle des os, comme Gaule l'avait déjà observé, 10 ALPHONSE LABBÉ. Qu'on ne croie pas qu'il s'agisse de phénomènes de phagocytose ! Les Drepanidium qu'on trouve dans les leucocytes sont très vivaces, et peuvent se reproduire dans ces leucocytes'. Le fait n'a rien d'étonnant, et nous verrons plus loin que les parasites du sang des Oiseaux peuvent aussi infester les leucocytes. Il arrive parfois que toutes les cellules d'un organe hématopoïé- tique soient bourrées de parasites. Dans ces cas, on ne trouve pas seulement des parasites dans le corps même du leucocyte ou de la cellule, mais jusque dans son noyau ; le parasite se creuse d’ordi- naire une cavité dans laquelle il est moulé. Parfois même, du côté de sa concavité, on peut voir des amas granuleux, quil faut peut- être considérer comme des déchets. J'avais d’abord pensé que les parasites n'étaient pas inclus dans le noyau lui-même, mais qu'ils avaient pénétré dans l'intervalle du boyau nucléaire, que forme sou- vent le noyau contourné en anneau des leucocytes du foie. Mais il n’en est rien, et, dans ces cas (fig. 11), il faut bien considérer les Drepanidium comme accidentellement karyophages dans les leucocytes et les cellules des organes hématopoiétiques. Malgré ces faits, on ne peut pas considérer les Prepanidium comme des parasites intraglo- bulaires pathogènes. De même que les parasites n’ont pas d'action sur le globule, de même les phénomènes qui se passent dans le globule sont souvent sans action sur le Dreparidium. Il nous est arrivé plusieurs fois (pl. IL, fig. 21-24) de rencontrer des noyaux de globules en voie de mitose, et nous avons pu constater que lorsque ces globules conte- naient des Drepanidium, ceux-ci ne sortaient même pas du globule dont l'équilibre devait pourtant être fort dérangé; de même, nous avons vu de gros phagocytes englober des globules entiers renfer- mant des Drepanidium, sans que ceux-ci fussent attaqués. VIE LIBRE DANS LE SÉRUM. CONJUGAISON, — Les Drepanidium peuvent 1 Nous traduirons plus loin (2° partie) les phénomènes phagocytaires auxquels donnent lieu la présence des parasites du sang. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 91 mener une vie libre dans le sérum. Lorsqu'on fait une préparation, on peut voir de nombreux parasites libres dans le sang, tandis que d’autres sortent des globules ou rentrent dans leur intérieur. Les anciens auteurs ont bien décrit ces « jeux » des Drepanidium ; nous n’insisterons donc pas. Nous dirons seulement que, souvent, les Drepanidium, en sortant des globules, les disloquent et traînent après eux des débris en forme de sphères ou de filaments, qui ont été quelquefois décrits comme des organes, et ne sont que des frag- ments d'hématies. Nous n'insisterons pas sur les autres phénomènes de l'activité vitale des Drepanidium, sur leur motilité, sur leur lutte contre Îles phagocytes, sur leurs réactions vis-à-vis des excitants thermiques, chimiques, électriques ; nous devons développer ces phénomènes dans la partie biologique de ce travail Nous ne parlerons que des deux processus qui se présentent sur- tout pendant la vie libre du parasite : la dégénérescence et la conju- gaison. La dégénérescence se traduit par l'arrêt du mouvement du para- site; le protoplasme devient granuleux, présente de gros globules graisseux ou huileux ; les contours deviennent irréguliers; enfin, le protoplasme se dissout dans le sérum. Quant à la conjugaison, j'ai déjà signalé ce phénomène depuis plu- sieurs années, l’ayant le premier étudié en 1891 (84). Si l’on exa- mine deux Prepanidium (D. princeps, car je n'ai pas observé cette conjugaison chez 1. monilis), libres dans le sérum, on les voit par- fois se rapprocher et se souder par leurs extrémités (généralement, l'extrémité postérieure). La soudure se fait de plus en plus, tandis que les deux parasites sont agités d’oscillations régulières. Bientôt, les extrémités antérieures restent seules libres. Deux parasites ainsi soudés peuvent du reste continuer à s’agiter dans le sérum. La fu- sion devient de plus en plus complète, et cette conjugaison latérale de deux individus donne naissance à un individu unique, qui ne diffère des autres que par une largeur un peu plus grande. 99 ALPHONSE LABBÉ. Dans cette conjugaison, il y a fusion intime des plasmas ; il y a également fusion des vacuoles, car les individus résultant de la con- jugaison n'ont que deux vacuoles, et l’on peut voir des vacuoles se souder. Ÿ a-t-il fusion des noyaux ? Nous nous rappelons que, chez Drepanidium princeps, le noyau est formé d’une atre nucléaire con- tenant des grains isolés de nucléine. Or, les individus résultant de la conjugaison, ayant d'abord deux aires nucléaires distinctes, fon- dent par la suite ces aires nucléaires, de telle sorte que les granules chromatiques provenant de l’un et de l’autre individu se mélangent. Une telle conjugaison, car on ne peul refuser ce nom à l'acte que nous venons de décrire, se produit surtout en été, vers les mois de mai, juin et juillet, époques où les Drepanidium sont plus nombreux dans le sang des Grenowilles. Nous ne l'avons jamais observée à une autre époque. Mais ce n’est pas seulement dans le sérum que l’on peut voir des individus conjugués; il n est pas rare d'en rencontrer, à divers stades, dans les globules. Ces conjugaisons proviennent, sans doute, d'indi- vidus qui se sont rencontrés dans l'intérieur du globule, car on peut observer tous les stades; de plus, les efforts que ces individus ont fait pour se conjuguer se traduisent souvent par la grande cavité qu'ils se creusent dans le stroma globulaire, déplaçant même parfois un peu le noyau. La conjugaison des Drepanidium est une véritable fécondation, comme celle des Infusoires ; en suivant les idées de Maupas, on ne peut refuser de voir dans la fusion des plasmas, dans la fusion intime des éléments nucléiniens, une véritable copulation, donnant nals- sance à un individu nouveau qui provient à la fois de l'un et de l’autre « gamète ». Nous aurons à étudier, chez les parasites des Lézards, une sem- blable conjugaison, où les phénomènes seront plus faciles à observer, mais qui ne diffère en rien de celle des Drepanidium. PARASITES ENDOGIOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 93 ENKYSTEMENT ET SPORULATION !. — Lorsqu'un Drepanidium adulte se trouve dans les conditions nécessaires pour se reproduire, il rentre dans un globule ou dans un leucocyte, s’arrondit et forme un cyfo- cyste à l'intérieur duquel, par division, s'organisent des sporozoiles. Le Drepanidium, pour s’arrondir, rejoint ses extrémités ; la ligne de suture ne tarde pas à s’effacer, et le parasite prend une forme absolument ronde. A l'intérieur, les vacuoles ne tardent pas à dis- paraître, et le noyau ou les granulations chromatiques restent seuls. On peut voir assez facilement cet arrondissement du Drepanidium dans des préparations fraiches. Lorsqu'il s’agit d'individus conjugués, le résultat reste le même, et l’on a une pelite masse ronde ou ovalaire dans laquelle la ligne de suture persiste quelquefois assez longtemps. Les phénomènes qui se passent ensuite et que nous étudierons successivement sont l'agrandissement de la forme ronde, qui arrive à diminuer de plus en plus la capacité du globule en reléguant le noyau; l'apparition d'éléments plasmatiques rappelant ceux des Coccidies intracellu- Jaires; la division du noyau primilif; l'apparition d'une membrane propre contribuant, avec l'enveloppe globulaire, à former le cylo- cyste ; enfin, la division du contenu protoplasmique, qui forme soit de très petits et très nombreux sporozoiles (cylocystes & macrosporo- zoïtes), soit des sporozoïites plus grands et moins nombreux (cytocystes à macrosporozoïtes). Nous avons surtout étudié cette reproduction chez Drepanidium princeps ; mais il n'y à aucune différence, sous ce rapport, avec À. monulis. L'agrandissement du corps cellulaire se fait ordinairement sui- vant le grand axe du globule, refoulant par conséquent le noyau latéralement ; mais, parfois, le noyau est relégué à l’un des pôles du globule. Cet agrandissement a toujours pour effet la dégénéres- 1 J'ai le premier signalé, dès 1891, une reproduction par sporulation chez les Dre- panidium. Je n'ai observé le dimorphisme de cette reproduction qu'en 1893 (33). Les premiers cylocystes que j'avais décrits étaient des cytocystes à macrosporozoïles. 94 ALPHONSE LABBÉ. cence anémique du globule. Gelui-ci, qui se colore en jaune par l’hématoxyline-aurantia, prend une couleur lie de vin très caracté- ristique ; l'hématoxyline-éosine produit la même coloration diffuse. A l'état frais, le globule se distingue à peine, ses contours sont très effacés, et l’hémoglobine a plus ou moins complètement disparu. Cette anémie du globule, par suite de l’accroissement trop considé- rable d’un Hémocytozoaire, est du reste un phénomène ordinaire, comme nous le verrons par la suite. L’agrandissement du parasite est ordinairement assez considérable pour accaparer la capacité en- tière du globule ; rarement le parasite, à l’état de cytocyste, occupe une partie seulement du globule. Le plus souvent, le globule est même considérablement hypertrophié, et peut atteindre jusqu’à 28 et 30 y. de longueur. Se forme-t-il une membrane propre? Nous ne le pensions pas dans nos premières notes ; mais la comparaison de nos organismes avec les Coccidies intracellulaires nous a montré notre erreur. Si l’on observe comment se forme la capsule des Goccidies intracellu- laires de Coccidium perforans, C. tenellum, etc., on voit qu’elle appa- raît comme un léger épaississement de la partie périphérique du plasma, dans lequel les granulations se soudent pour former, d’abord de petits bâtonnets séparés les uns des autres, puis une couche con- tinue : les granulations, les bâtonnets et la couche continue se colo- rent fortement par l’hématoxyline. Plus tard, cette membrane se charge de chitine et forme la capsule. A l'intérieur de la capsule, le protoplasme se concentre de plus en plus, en s'éloignant de la paroi. Le même fait se passe chez les Drepanidium; mais 1l ne se forme pas de capsule chitineuse solide. Il y a bien une membrane propre, qui s’accole à la paroi sans cesse reculée de la cavité du globule sanguin, mais cette membrane ne se chitinise pas. Il ne serait pas exact de dire que le Drepanidium ne s’enkyste pas, mais comme ce kyste n’est pas destiné à sortir de la cellule, que le reste du stroma gelobulaire persiste toujours autour de la membrane propre de l’or- ! PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES. 95 * « ganisme, il résulte que le Drepanidium à l’état végétatif est toujours suffisamment abrité contre l'influence du milieu extérieur. Nous appelons donc cytocyste, l'état végétatif dans lequel se trouve un Drepanidium ayant pour première enveloppe une membrane propre, et pour seconde enveloppe ce qui reste du stroma globulaire enveloppant. À l’intérieur de cette double enveloppe, le repanidium se con- centre, accaparant des matériaux de réserve qui serviront à la spo- rulation. Nous ne saurions assez insister sur l’extrême homologie qui existe entre le stade de reproduction du Prepanidium et celui des Cocci- dies, de même que nous avons fait remarquer l'homologie de la structure du Drepanidium adulte avec les Grégarines monocysti- _dées. L'homologie de cette reproduction se fait voir même dans les granulations qui existent si fréquemment chez les Coccidies. Dans les cytocystes des Prepanidium, nous trouvons, en effet, deux sortes de granulations : Les premières, que nous avons signalées dès longtemps chez les Coccidies *, et dont nous avons montré les rapports avec les a-gra- nules d’Erlich, ont été appelées par Thélohan granules plastiques *. Elles forment, en effet, souvent la masse entière du cytocyste. Les deuxièmes, que nous avons nommées granules chromatoïdes, sont irès analogues à celles qu’on trouve chez les Drepanidium adultes et ont les mêmes propriétés, dont la plus remarquable est leur affinité pour l’hématoxyline. Dans les cytocystes, de même que chez les Coccidies intracellullaires, ces granules sont plus grands et sont presque toujours superficiels. | Le noyau du cytocyste, d’abord unique, né tarde pas à se diviser. 1 LaBBé, Recherches sur les Coccidies des Oiseaux (Comptes rendus de l’Académie des sciences, juin 1893). ? TnéLonan, Nouvelles recherches sur les Coccidies (Comples rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1393). 96 ALPHONSE LABBÉ. Tout porte à croire que la division est plus ou moins soumise aux lois de la karyokynèse, cemme semblent le montrer les fi- gures 2, 7, 13, encore que le noyau du Drepanidium princeps ne soit qu’un petit amas de chromatine. Nous n’avons pu bien observer ces phénomènes chez les Drepanidium. Mais nous verrons comment ils se passent chez les genres voisins, où nous les avons mieux obser- vés. Quoi qu’il en soit, nous trouvons des cytocystes dans lequels se trouvent de nombreux noyaux. Autour de ces noyaux s'organisent de petites masses protoplasmiques, sans doute par les mêmes pro- cessus que chez les Eimeria, et chacune de ces petites masses s'or- ganise en sporozoïtes. Il y a toujours un reliquat de segmentation”. Mais là nous trouvons plusieurs cas. D'abord nous trouvons des cyéocystes doubles, dans lesquels il y à en quelque sorte deux masses sporulantes. Un tel kyste, non en- core divisé, mais renfermant deux noyaux, nous esi montré par la figure 13. Dans la figure 15, nous voyons les sporozoïtes diverger de deux reliquats, l’un situé à un pôle, l’autre au pôle opposé. Ces cas de cytocystes doubles, du reste assez rares, proviennent sans doute d'individus conjugués et non suflisamment unifiés, autrement dit d'individus seulement associés dans une même enve- loppe. Dans une précédente note, nous avons décrit le dimorphisme qui existe entre les cytocystes des Drepanidium. Les cylocystes à macrosporozoïites se rencontrent partout, aussi bien dans les globules du sang que dans les leucocytes, les cellules de la rate, de la moelle des os, etc. Ordinairement, ils ne forment que peu de sporozoïtes, une quinzaine au plus; parfois ces sporo- zoites sont assez grands, mesurent 7 à 8 y. ; ordinairement ils n'ont 1 Le reliquat devrait ici s'appeler, d'après la terminologie, reliquat de différen - cialion. En effet, le cytocyste entier devrait répondre à la spore, comme chez les Eimeria, et, dans la spore, le reliquat provenant des sporozoïtes est un reliqual de différenciation, et non un reliquat de segmentalion. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 97 que 3 à6 p; ceux de Prepanidium princeps ont toujours une petile vacuole à côté d’un granule nucléinien. Souvent ils n’accaparent pas la cellule ou Le globule entièrement, surtout s’il ne se forme que cinq ou six de ces sporozoîïtes. Les cytocystes à macrosporozoïtes se rencontrent ordinairement à n'importe quelle époque de l’année dans le sang des Grenouilles ; ils se cantonnent surtout dans les organes hématopoïétiques. Dans le foie et la rate, on rencontre quelquefois une vingtaine de ces sporozoïtes, agglomérés ensemble et libres, la cellulle ou le leuco- cyte qui les portait ayant été rompu. Lorsque l'infection des Grenouilles par les Drepanidium est très vive, on rencontre souvent la deuxième espèce de cytocystes qui ne fournit que de très petits sporozoïtes, longs à peine de 3 à 4m, avec un granule nucléinien central et les extrémités du corps, surtout chez D. princeps, fortement éosinophiles ou fuchsinophiles. [ls se forment de la même manière que les précédents, mais je ne les ai jamais trouvés que dans des globules. Le globule est alors tout à fait transformé en cytocyste, son noyau lui-même ne persistant parfois pas. Les petits sporozoiles sont groupés autour d'un abondant reliquat, granuleux, rempli de granules graisseux ou huileux et de granules chromatoïdes. Ces cytocystes étant mûrs, la paroi se brise et les sporozoïles se répan- dent au dehors, beaucoup restant encore longtemps massés aulour du reliquat. Les cytocystes à microsporozoïtes se trouvent en été, vers les mois de mai et Juin. C’est là, du reste, la période active de la vie des Drepanidium qui, pendant l'hiver, semblent subir, comme leurs hôtes, un véritable engourdissement hibernal. Dans la note que nous avons publiée sur cette question (38;, nous avons un peu exagéré la portée de ce dimorphisme, qui s'étend, comme nous le verrons, aux espèces voisines. La présence de ces doubles cytocystes n’a rien qui doive nous ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. —æ 3€ SÉRIE. — T. 11, 1894, 7 98 ALPHONSE LABBÉ. surprendre; il faut voir dans la différence de taille des sporozoïtes (qui, du reste, dans les deux cas se forment de la même façon) des faits de mème nature que ceux qui se présentent chez les Gréga- rines, où l’on peut voir (par exemple chez les Grégarines du Lom- bric) des kystes à macrospores à côté de kystes à microspores ; chez les Coccidies, chez les Klossia des Céphalopodes, on peut trouver de même des grosses spores et des petites spores. Il ne faudrait pas croire à l'existence d’une double évolution analogue à celle que R.. Pfeiffer‘ et L. Pfeiffer(6) veulent voir chez les Coccidies. La théorie de Pfeiffer, qui peut être vraie, mais que de nombreux faits contredisent, est loin d’être acceptée, et à plusieurs reprises nous avons dit combien il fallait se réserver sur des hypothèses que nos recherches n'ont jamais pu vérifier?. Il n’y a dans la différence des cyltocystes chez le Drepanidium rien qui indique que ce soient des Dauercysten ou des Schwärmercysten. INDÉPENDANCE SPÉCIFIQUE DES € DREPANIDIUM ». — L'évolution des Drepanidium, telle que nous l'avons étudiée, nous montre que ces organismes sont des parasites indépendants ayant leur organisation et leur mode de reproduction. Il est donc à peine nécessaire de rappeler que pour beaucoup d'auteurs ces parasites n'étaient que des stades d’une Coccidie devant habiter les organes de la Gre- nouille. Pour Geza Entz’, les Drepanidium ne sont que des sporozoîïtes de ‘ R. Preirrer, Beiträge zur Protozoenforschung, t. 1, 1892, Berlin. 2 Dans une note annexée à sa dernière publication (Der Parasitismus der Epi- thelialcarcinoms, sowie der Sarko-, Mikro- und Myxo-sporidien im Muskel, in Centralbl. f. Bakt. u. Paras., août 1893, p. 120), M. le docteur Pfeiffer me fait dire que j'ai trouvé un double développement chez les Coccidies des Oiseaux ; j’ai signalé, il est vrai, que les Passereaux sont soumis à une infection coccidienne aiguë, causée par la division rapide des Coccidies intracellulaires ; mais le développement se fait tou- jours suivant le même mode, il n’y a jamais de Schwärmercysten, et, en relisant les conclusions de ma note, le docteur Pfeiffer peut se convaincre qu’elle n’appuie nul- lement sa théorie. 3 PACHINGER (Zoolog. Anzeiger, t. IX, p. 471). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 99 la Coccidie décrite par Eimer!, et plus tard par Pachinger dans l’in- testin des Grenouilles. Cette première opinion n’est pas soutenable ; en effet, la Coccidie en question, qui, d’après les descriptions des deux auteurs précités, doit être une Eimeria, est si rare chez la Grenouille, que sur des centaines de Grenouilles, je ne l’ai jamais rencontrée : or, les Dre- panidium sont extrêmement fréquents. Wallerstein (4%) avait émis l’idée que c’étaient les corpuscules falciformes des Xlossia, de l'Helix et des C'yclospora du Glomeris. Pour Lankester (43), les Drepanidium sont les sporozoïtes des Coccidies du rein de la Grenouille, décrites par Lieberkübn (loc. cit.). Nous n'avons trouvé cette CGoccidie qu'une fois dans le rein de la Grenouille ; elle paraît se rapprocher des Klossia. Mais ce serait une Klossia à spores ovalaires ou fusiformes?. Dans l’intérieur des spores, se forment deux ou quatre sporozoïtes encadrant un reli- quat. Ces sporozoïtes n’ont aucun rapport de forme, de grandeur et d'aspect avec les Drepanidium. Du reste, les Drepanidium ayant leur cycle évolutif spécial, indé- pendant, sont des parasites d’une individualité bien nette, et Bütschli (3), dans son admirable livre sur les Protozoaires, avait déjà pressenti que les Drepanidium n'étaient pas des sporozoïtes errants, ayant émigré dans le sang, mais des parasites indépendants”, 1 Eimer, Ueber ei-oder Kugelfôrmigen sogenannten Psorospermien der Wirbel- thiere, 1871. 2 La Klossia Lieberkühni, comme nous pourrions appeler cette coccidie, serait caractérisé par des spores nombreuses, ovalaires ou fusiformes, ayant 20 à 22 p de longueur, et renfermant 2 à 4 sporozoïtes nucléés. 3 Nous ne parlons que pour mémoire des Nebenkerne, trouvés par Nusbaum dans les cellules pancréatiques des Batraciens, réétudiés depuis par Ogata et Steinhaus, et que ce dernier croit être les premiers stades de développement d’un Sporozoaire, peut-être des Drepanidium. Les recherches ultérieures ont montré que ce sont des formations normales se retrouvant dans toutes les glandes (J. SreInHaus, Üebcr parasitäre Einschlüsse in den Pankreaszellen der Amphibien (Beiträge zur Pathol. Anal., t. VII, 1889). 109 ALPHONSE LABBÉ. DACTYLOSOMA, NOV. GEN. Hémocytozoaires présentant des formes allongées en doigt de gant et des formes amæboïdes à pseudopodes courts, peu vivaces. Le protoplasma, d'aspect hyalin, monire, après coloration, une structure aréolaire. Noyau vésiculaire. Pas de pigment, mais des granules très réfringents. La sporulation donne 5-12 sporozoïtes groupés en rosace ou en éventail autour d’un reliquat. Pas d'action sur l'hématie, ni sur son noyau. Une seule espèce : Dactylosoma splendens, n. sp., parasite endoglobulaire de Rana esculenta. Le parasite auquel nous donnons le nom de Dactylosoma splen- dens a été partiellement décrit par Kruse, Ceili et San Felice, qui en faisaient un stade de développement de leur Hemogregarina ranarum. Nous avons vu précédemment qu'il n'en était rien, et, dès le mois d'octobre 1891 (84), nous distinguions les Hémamibes des Drepam- dium. Grassi et Feletti, qui donnent au parasite le nom de ZLave- rania ranarum, le décrivent, dans leur dernier mémoire (42) [1893], de la manière suivante : « Essa è per lo più ovalare allungata, non fa movimenti amœæ- boidi, non contiene mai pigmento, ma soltanto granuli splendenti. Di regola soltanto quando s'avvia alla riproduzione, s'arrotonda. La riproduzione dà origine à 5-12 gimnospore ovalari... » Nous n'avons pas rencontré souvent ce parasite, qui ne paraîl pas commun chez les Grenouilles des environs de Paris. Ce fait seul pourrait montrer que ce n'est point un stade des Prepani- dium. Les plus pelits parasites se présentent sous la forme de petits corpuscules allongés, très réfringents, grâce à leur protoplasma hyalin, ayant seulement 3 à 4 p. de longueur et présentant toujours à une extrémité un granule très brillant ; ces petits parasites, ordi- nairement cylindroïdes, quelquefois pyrilormes, peuvent aussi êlre amæboïdes. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 101 Dès le début de l’évolution, en effet, les Dactylosoma peuvent prendre deux formes : une forme allongée en doigt de gant et une forme amæboide. Il y a certainement des passages fréquents de l’une à l’autre forme, mais le fait est intéressant à noler. Tel parasite en doigt de gant peut présenter de légers mouvements amœæboïdes des exlré- mités, puis s’étrangler, devenir pyriforme, et finalement émeltre des pseudopodes et passer à la forme franchement amæboïde. Ge fait, que n'avaient point observé Grassi et Feletti, préoccupés avant tout de rattacher ces Laveranta à ceux de la malaria humaine, montre que les deux formes que nous avons décrites ne sont point irréduc- tibles. La forme amæboïde, du reste, est postérieure à la forme en doigt de gant et donne seule les formes arrondies qui, plus tard, se divi- seront en sporozoiles. L'une et l’autre des deux formes ont la même struciure, le même protoplasma hyalin, les mêmes contours nets, réfringents, fran- chant bien sur le stroma globulaire, le même noyau vésiculaire, les mêmes granules brillants. Le plasma hyalin se colore peu par le bleu de méthylène après fixation ; les contours seuls du parasite sont fortement colorés en violet foncé par la méthode de Romanowsky. Mais si sur le sang frais on fait agir lentement une solution faible de bleu de méthylène, le parasile se colore fortement, et l'on dis- tingue une structure aréolaire du réseau, avec de fines granulations protoplasmiques aux points d’intersection. Cette structure du proto- plasma n'existe guère que dans la partie centrale du parasite, la partie périphérique paraissant sans structure. Il y a donc un eclo- plasme et un endoplasme, comme chez les Amibes. Le noyau s'indique même sur le vivant par une tache claire avec un pelit nucléole. Ce nucléole se colore seul par les réactifs. Ii arrive souvent que le noyau s’étrangle médianement el qu'il se forme deux nucléoles. Comme ce double nueléole se présente même 102 ALPHONSE LABBÉ. chez de très jeunes parasites, on ne peut guère supposer qu'il y ait ]à une division du noyau en vue de la sporulation ‘. | Les granulations sont très caractéristiques. Elles sont de deux sortes. Au premier examen, on voit dans l’intérieur du parasite de grosses granulations ayant 1 t ou 1 4,5 de diamètre, rondes, extrê- mement réfringentes, qui sont très caractéristiques du parasite. Ces granules s’entourent parfois d’une petite auréole de plasma ; parfois aussi, ils s’agglomèrent à l’une ou aux deux extrémités du corps. D’autres fois, ils se tiennent accolés, formant une chainette bril- lante. Leur réfringence est telle qu’ils paraissent noirs sous cer- taines incidences. Leur taille varie, mais leur nombre n’est jamais très considérable. Il y en à au plus une quinzaine. Les jeunes para- sites n’en possèdent qu’un, plus ordinairement à l'une des extré- milés. Ces granules ne se colorent généralement pas par les réactifs ; cependant l’éosine les colore faiblement, ainsi que la safranine. A l’état frais, ils paraissent vert jaunâtre ou Jaune d’or. Dans les pré- parations à l’hématoxyline-éosine, ils paraissent incolores sur le fond faiblement rose ou violacé du plasma. Ils se dissolvent dans l’éther, de telle sorte qu'ils disparaissent dans les préparations fixées par l’alcool-éther ; l’acide osmique les noircit légèrement ; ils sont icalement solubles dans le chloroforme. L’iode, l'acide acétique, l'acide nitrique n’ont aucune action sur eux. J'ai vu parfois ces granules agités d’une sorte de mouvement brownien. La différence de taille et de nombre de ces granules, chez des individus différents, leur nombre plus considérable chez les indi- vidus plus âgés, semblent indiquer que ce sont des granules d’assi- milation, probablement formés d’une huile ou d’une essence volatile. 1 Faut-il voir daus ce double nucléole une indication de ce qui se passe, d’après Mannaberg (8), dans les corps en croissant de la malaria humaine ? Il serait inté- ressant de savoir si ces petites formes à double nucléole donnent plus volontiers naissance aux formes allongées. Nous ne pouvons l'affirmer. On peut rapprocher également des petites formes en 8 des Halleridium. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 103 Outre ces granulations, nous en trouvons d'autres, visibles seule- lement à l’aide des réactifs, et qui se rapprochent de celles que nous avons déjà décrites chez les Drepanidium. Ge sont de très petites granulations, de forme anguleuse ou irrégulière, qui se cantonnent plus spécialement sur les bords du parasite, se colorent fortement par le bleu de méthylène, l'hématoxyline. Elles ne sont, du reste, pas constantes. Les mouvements du parasite sont peu considérables. Les formes en doigt de gant, généralement immobiles, présentent parfois de légers mouvements amæboïdes des extrémités (voir pl. X, fig. 7). Les formes amæboïdes ont des pseudopodes courts, massifs, et des mouvements peu vivaces, quoique appréciables. L'action du parasite sur le globule paraît nulle. Les hématies infestées ne se distinguent en rien des autres, elles ne pâlissent nullement, et le noyau n’est point déplacé de sa position normale. La sporulation est extrêmement intéressante. Jusqu'ici, on avait attribué au Drepanidium la forme de sporula- tion des Dactylosoma. 1] était pourtant étrange que les Drepanidium, si voisins des Hémogrégarines des Tortues, eussent un mode de spo- rulation si différent. La sporulation se produit aux dépens de formes rondes provenant des formes amæboïdes. Il n’y a pas le moindre cytocyste, pas la moindre membrame cuticulaire. Les sporozoïtes se forment par simple division des formes rondes. Plusieurs cas peuvent se pré- senter. Tantôt les granules se rassemblent au centre du disque proto- plasmique, et la division se fait suivant les rayons ; on obtient une rosace, ordinairement très régulière, dans laquelle chaque sporozoïle est pourvu d’une petite granulation brillante, qui n’est pas un gra- nule protéique, mais une petite masse de chromatine (pl. X, fig. 14). Tantôt, les granules se rassemblent à une extrémité, un étrangle- ment se fait, le parasite prend la forme d’un éventail et les sporo- zoïtes se forment encore suivant les rayons (pl. X, fig. 17). 104 ALPHONSE LABBÉ. D’autres fois, la séparation des sporozoïtes se fait latéralement, et les sporozoïles sont placés côte à côte, comme les feuillets d’un livre (pl. X, fig. 16). Dans tous les cas, il y a un reliquat, en général formé par les gra- nules, qui s’entourent souvent d'une sorte de cercle plasmique. Ge reliquat est le reliquat de différenciation. Les spores ressemblent entièrement aux plus jeunes parasites ; elles sont ovalaires ou pyriformes et susceptibles d'avoir des mou- vements amæboïdes. Il n’est pas rare d’en rencontrer dans le sérum des Grenouilles infestées, soit rampant comme des Amibes, soit se déplaçant par oscillations comme les Bactéries. Il nous est arrivé de rencontrer même de plus grandes formes libres dans le sérum, sans doute par suite de la destruction de leur globule-hôte. CYTAMŒBA, NOV. GEN. Hémocytozoaires à forme amwæboïde avec pseudopodes longs, déliés, souvent filiformes, de mouvements très vifs. Protoplasma hyalin ou finement granuleux. Pas de noyau (?). Jeunes stades fusiformes. Sporulation donnant naissance à des sporozoïtes groupés en morula. Déplacent le noyau de lhématie. Bactéries com- mensales. | Deux espèces : 10 Cytamæba bacterifera, n. sp., habite le sang de la Rana esculenta ; 20 Cytamæba, sp. Grassi, sang de l’Æyla arborea. 1° Cylamæba bacterifera, n. sp. Le parasite auquel j'ai donné le nom de C'ylamæba a été entrevu par Kruse et Gabritchevsky (30). Gabritchevsky, à qui ce parasite avait été signalé par Metschnikoff, a surtout étudié les Bactéries qui sont commensales de cet Héma- mibe. Il a bien reconnu que c'était un Amibe, mais il en a fait un élat larvaire (?) des Drepanidium. Kruse (loc. cit.) a représenté dans sa planche (fig. 23 et 27) ce Cy- tamæba. Mais, dans le texte, il ne décrit que les bactéries et ne parle PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 105 nullement du substratum, qu’il semble considérer comme une simple vacuole. (Voir page 556.) ; Nous avons pu étudier le développement de cet Hémamibe, et dans nos recherches nous avons eu la chance de rencontrer des Grenouilles qui ne possédaient que ce parasite, en fait de parasites endoglobulaires. C'est un Hémamibe qui est le plus souvent infesté de Bactéries, mais qui, parfois aussi, en est dépourvu. Les plus jeunes stades, très caractéristiques, sont fusiformes ou ovalaires, ressemblent à des pseudonavicelles et, dans leur proto- plasma byalin, ne montrent pas trace de noyau. Cependant, sur cer- tains individus fortement colorés, on voit (pl. X, fig. 27), au centre, une tache claire qui peut être l'indice d’un noyau. Ces jeunes stades n'ont ordinairement qu'une seule Bactérie, longue quelquefois de 6 à 3 x, allongée suivant leur axe. Les stades ultérieurs montrent des formes amæboïdes très va- riables. La Bactérie, primitivement unique, s’est coupée et a donné naissance à un nombre d'autant plus grand de pelites bactéries que le parasite est plus âgé. Le protoplasme est d'ordinaire finement granuleux. Jamais je n’ai pu voir que des apparences de noyau, sans pouvoir l’affirmer histologiquement. De meilleures préparations auraient, sans doute, indiqué que les taches figurées dans les figures 24, 27 sont vraiment des noyaux. Souvent l’'Amibe est immobile ; mais, souvent aussi, il offre des mouvements très vifs, des pseudopodes fins et allongés, souvent fili- formes, qui semblent vouloir sortir du globule, mais s'arrêtent tou- jours à la zone extrême du globule. Cependant l’Amibe peut, sans doute, quitter le globule !, car il n’est pas rare de rencontrer de tels Amibes dans le sérum. Ces Amibes peuvent même peut-être s'y reproduire par scission. Nous avons observé, dans deux cas, des Amibes se couper en deux 1 GABRITCHEWSKY affirme avoir pu arlificiellement faire sortir les Bactéries et l'Amibe qui les porte de l’hématie, 106 ALPHONSE LABBÉ. en dehors du globule. Nous avons, de même, observé un Amibe intraglobulaire prêt à se scinder en deux. Quoi qu'il en soit de cette reproduction par simple scission, il y a une autre reproduction que nous avions laissé soupçonner dès notre première note (1891). On voit des lobes se dessiner à la sur- face des formes rondes, endoglobulaires, qui sont loin d’être rares, et proviennent des grands Amibes mobiles. On arrive à avoir de vraies petites morula, formées de spores bien séparées. Les jeunes spores sont ovalaires ou fusiformes, et ressemblent aux jeunes stades. Quant aux Bactéries, bien étudiées du reste par Gabritchevsky, elles n’ont rien de bien particulier. Très fortement colorables par les réactifs ordinaires, elles se décolorent par la méthode de Gram, et ne paraissent pas avoir une action nocive sur l’'Hémamibe, ni sur le globule. Elles sont, la plupart au temps, complètement immobiles. J'ai déjà signalé le fait, intéressant au point de vue du pléomor- phisme des Bactéries, qu’elles peuvent se transformer en véritables Cocci. L'action du parasite sur le globule est nulle; mais le noyau du globule est presque toujours déplacé, ce qui indique que l’action du parasite est différente de celle des Dactylosoma. 2 Cytamæba (?) Grass. Nous ne connaissons ce parasite que par la description qu'en donne Grassi!, ne l'ayant jamais rencontré nous-même. Grassi décrit, dans le sang de Hyla véridis, des corpuseules arron- dis de 3 » à 4x8, finement granuleux, multiradiés. Les rayons obtus, mobiles, tous de même grosseur et de même longueur chez le même individu, ne le sont pas chez tous; ces raÿons se mettent en mouvement pendant un moment, oscillant dans la même di- rection. 1 Grass, Sur quelques Pratistes endoparasites (Archives italiennes de biologie, 1882). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES, 107 Grassi n’a pu voir de noyau et donne ce parasite comme une mo- nère du sang, dont il signale l’analogie avec le parasite de Laveran. Pensant que ces «rayons » de Grassi sont peut-être des Bactéries parasites, nous mettons provisoirement cette Hémomonère à côté du Cytamæba bacterifera. Il LES PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES REPTILES. HISTORIQUE. Danilewsky, le premier, a signalé et étudié les Hémocytozoaires du sang des Reptiles, et à part quelques pages de L. Pfeiffer, ses travaux sont les seuls que nous possédions sur ces organismes. Dans un premier mémoire (26), publié en collaboration avec Cha- lachnikoff, Danilewsky décrit les parasites endoglobulaires ou libres dans le sérum qu'il trouva, dès 1885, dans le sang des Lézards (Lacerta agilis, L. viridis). Maïs il est regrettable qu'il se soit borné à décrire les parasites qu'il rencontrait, sans chercher à déterminer leur évolution et leurs rapports spécifiques. C’est ainsi qu'il les dé- signe sous des noms quelque peu empiriques. Il les classe de la façon suivante : 1° Parasites intracellulaires (Ææmocytozoa) : a. Hæmocytozoon, grand, immobile. b. Hzæmocytozoon, plus petit, mobile. ce. Hæmocytozoon, en forme de massue. 2° Parasites libres dans le sérum : d. Parasite petit, mobile. e. Parasite en forme de massue, libre. Là se bornent les indications de Danilewsky, qui rapproche ces parasites des Grégarines. Nous noterons, cependant, qu’il pense voir le mode de reproduction de ces organismes dans des « kystes, remplis de pseudonavicelles », qu'il aurait trouvés dans lés reins (rarement dans le foie) des Lézards. 108 ALPHONSE LABBÉ. L. Pfeitfer (6), en 1891, pense de même voir le mode de repro- duction dans les nombreux kystes qu'il aurait trouvés dans la rate d'un Lézard. Nous n'avons aucun autre renseignement sur les parasites des Lézards. Les parasites que Danilewsky a trouvés dans les Tortues d'eau douce (£mys lutraria) ont été bien mieux étudiés. En 1887, Dani- lewsky a publié, de ces parasites, une monographie (2%) très com- plète, à laquelle on ne peut rien ajouter. Il décrit d’une façon remar- quable le cycle entier de ces organismes, depuis les jeunes stades endoglobulaires jusqu'à la sporulation ; il étudie bien la structure du parasite adulte, ses propriétés biologiques, et nous aurons pet de chose à ajouter à cette remarquable étude. Celli et San Felice (2), qui ont retrouvé Île parasite de l’Emys sans rencontrer le stade de sporulation, n'ont rien ajouté au travail de Danilewsky. L. Pfeiffer (5) décrit, chez Testudo campanulata, un Hémocyto- zoaire qui n’est certainement pas la forme étudiée par Danilewsky. Quant aux Ophidiens, il paraîtrait, suivant L. Pfeiffer (5, page 89), qu’il existe aussi chez eux une infection parasitaire des globules rouges; Mais l’auteur dit n’avoir aucun document spécial. Ce qui est certain, C'est que, chez les Serpents dont nous avons pu étudier le sang”, nous n'avons jamais rencontré la moindre in- fection parasitaire. Nous n'avons pas trouvé non plus de parasites chez les Toriues terrestres (Testudo græca, L.); mais seulement chez les Cistudo (C. europæa, Schneiïd.; anc. Emys lutraria). Enfin, parmi les Sauriens que nous avons examinés ?, nous avons trouvé des parasites chez Lacerta agilis, L. muralis, L. ocellata. Nous avonsréparti les Hémocytozoaires des Reptilesendeux genres: 1 Tropidonotus natrix Gesn.; Coronella lœvis Luc.; Pelias berus Merr. 2 Anguis fragilis L.; Lacerla muralis Merr,; L, vivipara Jacq.; L. agilis L,; L. viridis L.; L. ocellata Daud, PARASITES ENDOGLOBÜLAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 409 Le genre Æaryolysus, comprenant une espèce : Karyolysus lacertarum, parasite des Lézards. Le genre Danilewskya *, qui comprend : Danilewskya Stepanowi (anc. Hemogregarina Stepanowi, Danil), parasite des Cistudo ; D. Lacazei ?, n. sp., parasite des Lézards. Nous rattacherions volontiers au genre Danrlewskya, sous le nom de D. Arusei, les grandes formes parasitaires des Grenouilles dé- crites par les auteurs ilaliens, et que Grassi dénomme Drepanidium magnum. KARYOLYSUS, NOV. GEN. Hémocytozoaires ayant une forme grégarinienne bien définie, une taille ne dépassant pas la longueur du globule sanguin, la forme générale plus massive que celle des Drepanidium, une phase première d'évolution endoglobulaire suivie d’une phase libre dans le sérum. La sporulation, toujours endoglobulaire, se fait dans l'intérieur de cytocystes, qui sont de deux sortes : les uns chro- niques à macrosporozoites ; les autres (d'été) à microsporozoïtes. Il y a une con- jugaison chez les individus libres ou même endoglobulaires. L'action du parasite sur le globule est très pathogène et très caractérisée par l'allongement ou la scission du noyau (d’où le nom de Xaryolysus). Une seule espèce : Karyolysus lacertarum, n. sp. (anc. Æemogregarina lacertarum Danil.). Caractères du genre. Ce parasite, que nous avons rencontré chez Lacerta agihs, L. mu- ralis, L. ocellata, n’est fréquent, du moins aux environs de Paris, dans aucune de ces espèces. Il n’est pas plus commun chez les lézards d’origine italienne, ce qui explique que les auteurs italiens ne l’ont pas rencontré. Il arrive souvent qu'on ne rencontre pas plus d’un lézard infesté sur douze ou quinze. Il est vrai que d’ordi- naire, dans ces cas, surtout en été (avril à juillet), le sang du lézard infesté est rempli d’hémocytozoaires. 1 Nous dédions ce genre au savant professeur de Karkow, dont les études ont véritablement inauguré la parasitologie du sang. 2 Qu'il nous soit permis de dédier cette espèce à notre illustre maître, M. de Lacaze-Duthiers, dont les encouragements ne nous ont jamais manqué au cours de ces travaux, 110 ALPHONSE LABBE. Il n’est pas toujours facile de reconnaître si le sang contient ou non des parasites ; les globules, en effet, qui renferment des para- sites, bien qu'hypertrophiés, ont perdu leur coloration, et leur pâ- leur, jointe à la transparence extrême des parasites, empêche de les observer, si l’on n’emploie un grossissement ei un éclairage con- venables. Dans ce dernier cas, on voit les parasites se présenter sous la forme de petits vermicules transparents, d’un gris mat, avec un protoplasme très clair et finement grenu, d'ordinaire immobiles, mais présentant d’autres fois des mouvements saccadés qui leur permettent de sortir des globules et d'évoluer dans le plasma, à la façon des Drepanidium princeps. 1. Morphologie et structure du parasite. — Les plus jeunes formes parasitaires qui se présentent dans les globules ont des formes très diverses. Mais jamais elles ne présentent de forme amæboïde. Les plus petits parasites, qu'ils proviennent de microsporozoïtes ou de macrosporozoïtes, ont une forme bien déterminée, un gros noyau bien net, des contours bien tranchés et souvent des granulations nombreuses. Maintes fois, on rencontre de très jeunes stades ou des sporozoîtes libres dans le sérum, où ils se déplacent par des mou- vements d’oscillation comme les bactéries. Leur pointe effilée leur permet de pénétrer dans les hématies, où leur action ne tarde pas à se faire sentir. Il arrive maintes fois, en effet, de trouver de petits parasites qui se sont creusé une grosse cavité dans le centre du globule et ont déjà une action karyolytique sur le noyau. Nous reviendrons plus loin sur ces faits. De même que nous avons deux sortes de sporozoïtes, de même nous avons deux formes principales parasitaires auxquelles nous pourrons réduire toutes les autres. L'une et l’autre ont une action karyolytique différente. Tandis que l’une provoque la scission du noyau (scission qui n’a rien de mito- tique), l’autre influe sur la forme du noyau qui prend un allonge- ment considérable suivant le grand axe du globule. L'aspect, du reste, de ces deux formes est très différent. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 11! Aussi avons-nous longtemps cherché si dans ces deux formes il ne fallait pas voir deux espèces différentes de parasites. Mais il n’en est rien. Ces deux formes se présentent toujours simultanément ; elles proviennent indifféremment de microsporozoïtes ou de ma- crosporozoïtes ; leur différenciation ne se fait que lorsque le para- site a acquis une certaine taille. Enfin les formes de passage sont extrêmement nombreuses; et il ne faut voir dans ces deux formes, quelque différentes qu'elles paraissent tout d’abord, qu’une modifi- calion secondaire d’un même type analogue à celle que nous avons déjà trouvée chez les Drepanidium, où nous avons vu que les petits parasites aux extrémités arrondies de la rate et du foie se distin- guaient des formes effilées du sang en circulation. Quelle que soit leur forme, les parasites ne dépassent jamais en longueur celle du globule. Les formes jeunes provenant des microsporozoïles ont la forme de petits vermicules longs de 4 à 5 u, présentant un point nucléinien central et ayant un corps fortement fuchsinophile; chez les petits parasites de 7 à 8 p, le plasma présente encore aux extrémités deux aires fortement fuchsinophiles, mais il y a déjà un noyau différencié. Le granule nucléinien primitif a donné naissance à deux, puis à plusieurs granules, qui forment quelquefois une aire nucléaire compacte au centre du vermicule, parfois ayant la forme d'un bâtonnet transversal'. Autour de cette masse nu- cléaire se trouve un espace clair entouré d’une membrane. Généra- lement, il n’y a pas de granulations dans le plasma ; quelquefois, cependant, nous trouvons des granulations chromatoïdes. Les petits parasites provenant des macrosporozoïtes ont, au con- traire, un protoplasme peu ou pas fuchsinophile, un noyau véritable dès le premier stade, avec un réseau chromatique au milieu d’un corps ovalaire ou légèrement fusiforme. Aux extrémités, se trouvent 1 Une telle apparence de nucléole est causée par une sorte d’aplatissement du noyau; chez les Grégarines, il n’est pas rare d’avoir de telles formes de noyau, notamment chez la Grégarine du Phascolosome, 112 ALPHONSE LABBÉ. presque toujours des granules que nous étudierons plus loin, sous le nom de granules de réserve. Ges granules disparaissent généra- lement chez l'adulte. Comme nous l'avons déjà dit, la différence entre ces deux formes jeunes est très superficielle, et les passages que l’on trouve entre ces deux formes, la coloration plus où moins fuchsinophile du plasma, la texture plus ou moins compliquée du noyau, la présence ou l'absence des granulations, sont tellement nombreux qu’on ne peut plus voir, lorsque le parasite à atteint une taille de 8 à 10 y, aucune différence entre les formes provenant des macrosporozoïles et celles provenant des microsporozoïles. Les formes adultes sont elles-mêmes assez différenciées. Les unes (probablement le parasite a de Danilewsky) sont renflées, avec un léger recourbement d’une ou des deux extrémités, un protoplasma clair et finement granuleux; les autres sont cylindroïdes, se creusent de profondes cavités dans Île globule, se colorent fortement par l’aurantia, la safranine, le bleu de méthylène, etc., montrent un noyau souvent peu visible; d’autres intermédiaires sont allongées, cylindriques ou fusiformes, el montrent des granulations terminales disposées de diverses facons. Toutes ces formes se résument en un même type : une petite hémogrégarine, aux formes plus lourdes et moins effilées que le Drepanidium, atteignant mais ne dépassant pas la longueur du globule sanguin, c'est-à-dire ayant de 11 à 14 p.. La cuticule (ectoplasme, ectocyle, ectosarque) est souvent difficile à distinguer, mais elle est toujours visible; elle est souvent forte- ment colorable par le bleu de méthylène el l’hématoxyline. Le sar- kocyle ne se voit pas. La couche fibrillaire ou myophanique (myocyte) existe toujours, mais est difficile à bien voir. Cependant les para- sites sont bien contractiles. Leurs contractions rythmiques, de minule en minute, le montrent suffisamment. L'entoplasme est ordinairement finement granuleux, avec une {texture presque homogène; il est parfois à peine teinté par les réactifs comme l’hématoxyline ou le bleu de méthylène, qui d’autres >» PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 113 fois colorent assez fortement les granulations. Le réactif Erlich - Biondi le colorent en jaune clair, parfois en rose. Parfois aussi, sur- tout chez les parasites libres, l’entoplasme forme des réseaux alvéo- laires avec des points colorables aux points d’intersection. Le plus souvent, l’entoplasme renferme de nombreuses granulations. Ce sont d’abord celles que nous avons appelées granules de réserve. Ce sont de grosses granulations rondes, réfringentes, parais- sant jaunes ou jaune verdâtre. On en trouve très souvent chez les macrosporozoïtes et les jeunes parasites, où ils existent au nom- bre de cinq ou six aux extrémités ou à une extrémité seulement du corps. Parfois il n’y en a que deux ou trois, et même parfois un seulement de chaque côté du noyau. Dans ce dernier cas, on pour- rait les confondre avec les vacuoles des Drepanidium. En effet, ces granulations, petites lorsqu'elles sont nombreuses, deviennent très grosses lorsqu'elles sont isolées. Danilewsky avait déjà remarqué ce fait !, Un premier caractère de ces granulations, c’est que les matières colorantes sont sans action sur elles; un deuxième caractère, c’est qu'elles noircissent et deviennent anguleuses par l’acide osmique ; elles sont solubles dans l’éther et la potasse caustique. Ces granulations, nombreuses chez les individus jeunes, dimi- nuant chez les adultes, sont probablement des matières de réserve, de nature graisseuse, servant à l’accroissement du parasite. Outre ces granulations, propres aux Xaryolysus, on trouve, comme chez les Drepanidium, des granulations chromatoïdes. Celles-ci ont les mêmes caractères que chez les Drepanidium; elles sont forte : ment hématoxylinophiles et safranophiles, et s’entourent souvent d’une aire claire creusée dans le protoplasma. Il n’y à pas de granulalions mélachromatoïdes, mais on trouve une deuxième sorte de granulations colorables sous la forme de gros grains, ordinairement placés un à chaque extrémité du corps, 1 DANILEWSKY pense, comme nous, que ce sont des granulations graisseuses et non amyloïdes. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 30 SÉRIE. — T. II. 1894, 8 AA AS ALPHONSE LABBÉ. ou de part et d'autre du noyau, parfois, rarement, il y a quatre ou cinq de ces grains de chaque côté du noyau. Ceux-ci se colorent bien par toutes les couleurs d’aniline, mais sont de plus carmino- philes, ce qui les distingue des granules chromatoïdes proprement dits, qui ne se colorent pas ou peu par le carmin *. Le noyau est ordinairement bien différencié. A l’état frais, il se montre comme une tache ronde, grisâtre, entouré d’un espace clair bien limité, et situé ordinairement au centre du corps, parfois à une extrémité. La coloration montre qu'il est formé d'une partie chromatique colorable et d’une partie achromatique. Cette dernière est com- posée d’une membrane renfermant le suc nucléaire non colorable. La partie chromatique est renfermée dans le nucléole qui, toujours considérable chez les formes adultes, montre un réseau bien diffé- rencié avec renflements chromatiques. Mais ce cas compliqué n’est pas toujours réalisé. Chez les jeunes, il n’y a d'abord qu'un granule de chromatine. Celui-ci se divise bientôt en deux, en trois, en un plus grand nombre, au centre d'un espace clair. C'est le noyau drepanidien. Bientôt une membrane nucléaire se forme, à l’intérieur de laquelle se massent les éléments nucléiniens. Ceux-ci ne sont pas loujours groupés en réseaux. Parfois ils ne forment qu'un amas de granules ne semblant pas reliés entre eux, parfois il y a un peloton très làche avec des renflements de chroma- tine très gros. Parfois aussi les éléments nucléiniens sont groupés en étoile ou en flamme. Il arrive parfois que le noyau subit une véritable métachromasie. Ainsi, pour la liqueur Erlich-Biondi, le noyau est tantôt bleu clair, 1 Il faut sans doute rapprocher ces granules de ceux décrits par Thélohan chez les Coccidies des Poissons, par Schneider dans l'£imeria nepæ, etc. Ces granules, remarquables par leur affinité pour le carmin et de volume souvent considérable, sont sans doute des granulations albuminoïdes de réserve, d’une autre nature, cer- tainement, que les granules chromatoïdes hématoxylinophiles que nous avons étudiés précédemment. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 115 tantôt rouge violacé. Pour le bleu de méthylène, il peut aussi devenir rougeâtre'. Du reste, les microsporozoïtes et les jeunes ont parfois aussi un noyau métachromatique (rouge violet pour l'hématoxy- line). Il. Vie entraglobulaire. Action sur le globule, — Les parasites adultes sont endoglobulaires et produisent sur le globule une dégé- nérescence déjà étudiée par Danilewsky. Celui-ci traduisait la marche de cette dégénérescence de la façon suivante : Différenciation d’une bordure hyaline, puis affaiblissement de la coloration de l'hémoglobine et dégénérescence granuleuse interne (séparation de l'okoide et du z002de, Brücke); enfin, disparition de l'hémoglobine, apparition de vacuoles et de fentes ; perte de la con- sistance gélatino-élastique. Pendant ce temps, le noyau s’allonge et s’amincit par suite de la compression du parasite en croissance (action toute mécanique), puis se divise, résullat de l'allongement excessif. Nous allons voir que ce processus de désintégration n'est pas absolument exact. Chez les hématies qui renferment des jeunes parasites, on voit déjà apparaître des cavités considérables ; mais l'apparition de cavi- tés autour des parasites est en réalité un caractère secondaire, dü sans doute aux mouvements plus ou moins considérables de flexion et de redressement qu'ont ceux-ci à l'intérieur des globules. Les premiers caractères qui se montrent dans les globules infestés sont l'hypertrophie du globule, l’anémie du globule el la scission du noyau. Les hématies renfermant des parasites peuvent atteindre jusqu’à 20 et 25 x de longueur sur 15 à 20 u de largeur, tandis qu une hémalie normale de lézard ne dépasse guère 45 y sur 8 4. de largeur. 1 Le Drepanidium magnum de Grassi aurait, d’après Kruse, des éléments nu- eléaires se colorant en rouge violet par le bleu de méthylène. Le cas des Karyolysus n’est donc pas isolé, : } | Î 1 pese 3 116 ALPHONSE LABBÉ. Elles deviennent de contours plus ou moins irréguliers et perdent leur hémoglobine, devenant légèrement jaunâtres ou même tout à fait incolores. Le perte de l'hémoglobine rend le globule anémique. Nous aurons plus d’une fois l’occasion, au cours de ces recherches, de parler de l’anémie du globule; voici ce que nous entendons par là : si l'on colore une préparation de sang par une double coloration à l’héma- toxyline-aurantia, on voit les globules colorés en jaune orange avec des noyaux violets; mais si le sang provient d’un animal anémié, soit par la captivité, soit par le jeûne, le globule prend une colora- tion lie de vin, très caractéristique, et qui est d'autant plus portée au violet que l’anémie est plus forte. Nos globules de lézard infestés présentent par l'hématoxyline- aurantia cette coloration lie de vin, qui, d'abord jaune violacé, peut passer par toutes les nuances pour aboutir au violet pur. Enfin, dans ce globule hypertrophié et anémié le noyau subit une série de transformations qui aboutit à sa division. Ce noyau, d'abord ovalaire et présentant un réseau chromatique net, mais très serré, devient irrégulier de forme, présente des bosselures ou des contournements bizarres ; le réseau devient plus clair, plus lâche, avec des points chromatiques nets aux points d'in- tersection ; le noyau ressemble parfois àun noyau de leucocyte(pl.IV, fig. 12). Souvent il se place transversalement, chevauchant sur le parasite ; enfin, il s’allonge légèrement et se divise par un étrangle- ment plus ou moins long. Lorsque les deux moitiés du noyau sont bien séparées, il reste encore entre ces deux moitiés un espace intermédiaire colorable légèrement par l'hématoxyline. La division a lieu soit transversalement, soit longitudinalement. Le plus sou- vent, les deux moitiés du noyau sont de volume très inégal. 1 Eruica a déjà signalé la coloration diffuse que les globules de l’homme prennent, dans l'anémie extrême, par l’hématoxyline-éosine. Nous préférons l'hématoxyline- aurantia au réactif d’Erlich (voir Farben analytische Untersuchungen zur Histologie und Klinik des Blutes, p. 95}. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 117 Parfois, une des parties séparées ne semble à côté de l'autre qu’un simple Vebenkern. Dans ces cas, ultérieurement, il arrive que la portion la plus petite du noyau divisé disparait après dégénérescence. On peut voir très fréquemment de pareils morceaux de noyaux en dégénérescence dans l’intérieur du globule. Comme on peut voir par la comparaison avec les globules nor- maux, tous ces phénomènes sont bien dus à la présence du parasite, Jarnais, ou du moins très rarement, on n€ voit de noyaux globu- laires normaux présenter de pareille division. C’est une simple scis- sion du noyau, scission directe, et sans processus karyokynétiques, et ne provenant nullement, comme le pense Danilewsky, d'un allonge- ment excessif du noyau. Si maintenant, nous observons des globules dans lesquels se trou- vent des parasites plus âgés, nous voyons qu'il se forme une désin- tégration lente du globule. Tout autour du parasite, se forme une cavité dont les parois présentent bientôt une transformation parti- eulière. À l'état frais, la couche qui entoure le parasite se montre grenue, grisàtre; la méthode par l’hématoxyline aurantia la colore en violet foncé ou violet rougeàtre; cette couche a une certaine affinité pour la fuchsine, qui, combinée avec l’hématoxyline, la colore en rouge ou rouge violet. Gelte couche particulière entoure le para- site comme une vraie capsule, d’abord de faible épaisseur, puis gagnant peu à peu la périphérie ; la désintégration se fait done dans une direction centrifuge. Bientôt il ne reste plus autour du globule qu'une mince paroi hyaline, reste du stroma non désintégré. La partie en désintégration est toujours séparée par une ligne bien nette de la partie non encore désintégrée. Cette dernière à tou- jours la couleur lie de vin caractéristique. Pendant que se fait cette désintégration du globule, le noyau du globule s’allonge parallèlement au parasite qu’il finit par égaler el même dépasser en longueur. Get allongement, je ne saurais trop le répéter, est consécutif à la scission du noyau, et ne précède point SOMMES rune 53 are 118 ALPHONSE LABBÉ. cette scission, comme le croit Danilewsky. De plus, il a toujours lieu dans la partie désintégrée du globule; c’est toujours là que le noyau est placé, et il semble que la désintégration du globule et l’allongement du noyau soient deux phénomènes concomitants. Ordinairement, le noyau est accolé au parasite, ou du moins à la cavité où celui-ci se trouve; souvent il est recourbé en arc de cercle, devient filiforme, mais se renfle aux extrémités, d’autres fois, il entoure une extrémité du parasite, qu'il coiffe en quelque sorte. Jamais il ne quitte cette position latérale au parasite dans la partie désintégrée de l’hématie. Comme dernier phénomène, il arrive que de l'hématie il ne reste plus que la couche désintégrée, qui souvent alors devient fibrillaire, entourant toujours le parasite comme d’une capsule. Et c'est qu'en effet cette capsule deviendra une des parties du cytocyste, envelop- pant le parasite en voie de reproduction. Ces phénomènes de désintégration de l'hématie et d'allongement du noyau n'ont jamais lieu qu'autour de parasites qui sont en train de se transformer en eytocystes, et qui ont pris dans le globule une forme cylindrique parallèle à l'axe; ces formes parasitaires com- mencent déjà le plus souvent à présenter une membrane kystique, de la même facon que nous avons vu pour les Drepanidium. Nous avons dit, d'autre part, que dans les cas de division préliminaire du noyau de l’hématie, une des portions nucléaires s’atrophiait géné- ralement. Parfois, cependant, il arrive que les deux parties du noyau persistent; dans ce cas, nous trouvons ces deux noyaux, soit placés latéralement au parasite de chaque côté, soit placés du même côté l'un au-dessus de l’autre; ils ne s’en allongent pas moins'suivant le procédé ordinaire, et dans le premier cas, lorsque le parasite est flanqué de deux noyaux, il peut sembler que l’on a sous les yeux un karyophage à l’intérieur du noyau. Nous ferons, de plus, remar- quer que les parasites qui sont en train de devenir cytocystes, qui provoquent la désintégration du globule et l'allongement du noyau sont toujours allongés suivant l’axe, il en résulte que les globules PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 119 sont surtout dans ce cas hypertrophiés en longueur, atteignant alors 25 ou 26 a. En résumé, voici quel nous croyons être le processus de l’action des Karyolysus sur l'hématie : Hypertrophie du globule, qui perd son hémoglobine et devient un elobule anémié; scission du noyau, dont l’une des parties s’atrophie le plus souvent. Lente désintégration centrifuge de l’hématie, qui forme autour du parasite une capsule granuleuse, plus tard fibril- laire. Allongement du noyau qui se place latéralement au parasite. Destruction de la partie non désintégrée, la partie désintégrée contri- buant à former la capsule externe du cytocyste ; le noyau s’atrophie, persiste ou disparait. Nous voyons par l'étude de ce processus que, dans cette dégéné- rescence causée par un parasite endoglobulaire, il ÿy a une première période qui répond à la vie endoglobulaire même du parasite, et une deuxième période qui répond à sa transformation en cytocyste. Ajoutons que cette transformation en cytocyste peut commencer de bonne heure, et qu'il n’est pas nécessaire que le parasite ait atteint toute la longueur de l'hématie pour que la reproduction commence. Ceci explique sans doute la différence de taille de ces cytocystes. A ces deux périodes de dégénérescence de l'hématie nous pouvons ajouter une troisième. Le parasite ayant atteint une certaine taille peut devenir libre dans le plasma. Par des mouvements rythmiques curieux, qui se répètent à de courts intervalles, mais sont très sac- cadés et très brusques, il disloque peu à peu l’hématie dans laquelle il se trouve: celle-ci bientôt ne ressemble plus qu'à une sorte de sac plissé et fendillé, d’où l’hématozoaire sort enfin. III. We libre dans le sérum. Conjugaison. — Il n'est pas rare de rencontrer de nombreux parasiles libres dans le sérum. Les jeunes parasites ont des mouvements analogues à ceux du Drepanidium prin- veps et peuvent, comme eux, percer de leur extrémité antérieure 120 ALPHONSE LABBE. les hématies qu'ils trouvent sur leur passage. En revanche, les gros parasites ne présentent guère que des mouvements que Danilewsky a déjà comparés à ceux des Nématodes. Ce sont des mouvements d’oscillation brusques, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. On peut, comme chez les Drepanidium, rencontrer des individus en conjugaison. On trouve des conjugaisons endoglobulaires et des conjugaisons libres. Cette conjugaison est absolument analogue à celle des Drepan- dium. J'ai pu voir, dans un cas, la formation d’un noyau unique aux dépens de deux parasites accolés dans un globule et montrant encore la ligne de suture; dans un autre cas, les noyaux étaientæncore bien séparés, quoique les deux parasites fussent réunis sur toute leur longueur. Enfin, dans un autre Cas, j'ai pu voir une sorte de fusion lente des aires nucléaires: mais les stades intermédiaires manquent; je ne puis donner une explication rationnelle des détails de la fusion des noyaux. Il est, en tout cas, certain que, chez Îles individus conjugués, les noyaux ne restent pas isolés, mais se réunis- sent en un seul. IV. Enkystement et sporulation. — De même que pour les Drepani- dium, si dans le sang on doit chercher les formes adultes des Xaryo- lysus, on doit chercher les formes de sporulation dans les organes hématopoïétiques. C'est dans la rate des Lézards que nous trouverons des cylocystes, qui présentent, avec ceux des Jrepanidium, une complète homologie. De même, nous trouverons deux sortes de cytocystes produisant des macrosporozoïtes et des microsporozoïtes. Nous avons déjà établi les phénomènes qui se passent lorsque le cytocyste se prépare dans le globule. Ordinairement, le parasite devient ovalaire; très rarement, il s’arrondit. Ordinairement, le cylocyste se compose d’une double enveloppe, l'externe formée par le reste du globule désintégré, l’interne par la membrane même sécrétée par l'organisme. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 121 A l’intérieur, le protoplasme subit de bonne heure une transfor- mation qui a pour but de le transformer en granules plastiques, ronds, colorables par l'éosine, la fuchsine, l’aurantia, Il présente souvent des granules chromatoïdes périphériques. Tout se passe, en général, comme chez les Drepanidium. Mais chez les Aaryolysus nous avons pu observer comment se fait la division du noyau. Ce noyau, primitivement composé d'une simple vésicule renfermant un gros nucléole colorable, perd sa membrane et se porte à la périphérie comme une tache claire renfermant des élé- ments chromatiques colorés. Gette disparition de la membrane nucléaire et cette migration du noyau sont des faits déjà connus chez les Coccridies, où Schneider les à signalés. Nous avons nous-même vu que, chez les Coceidies, la disparition de la membrane était souvent suivie de l'apparition d'un noyau étoilé, qui semble correspondre aux noyaux « en flammes » que Wolter a signalés chez les Grégarines 1. Or, ici, chez les Æaryolysus, nous pouvons également observer des noyaux étoilés, se colorant très fortement et présentant des filaments chromatiques rayonnant autour d’un centre homogène. Est-ce là le premier stade d’une division mitotique ? Nous le pen- sons, mais nous ne saurions dire s’il s’agit d’un aster coloré d'une facon diffuse. Nous croyons que les filaments chromatiques, étant une fois formés, se groupent autour d’un centre, les parties convexes des anses étant plus ou moins confondues, Mais nous ferons remar- quer que, la première division étant orientée suivant le grand axe du eytocyste, nous devrions voir cette figure de champ et non de profil ; il est vrai que la coloration diffuse du centre de la figure peut expliquer jusqu à un certain point cette mauvaise orientation. D'aulres figures mitotiques nous montrent la suite de la divi- sion. Les anses chromatiques se sont formées et isolées, La figure nous permet d'en compter sept ou huit. Tout autour, les éléments ‘ LABBé, Coccidium Delagei (Archives de zoologie expérimentale et générale, 1893, fase. 2), 122 ALPHONSE LABBÉ. achromatiques du noyau dessinent une aire plus claire’. Nous n'avons pu voir ni centrosomes, ni filaments conducteurs. Pourtant, dans la figure 12, planche V, nous voyons les anses chromatiques réunies par un fuseau bien différencié. La préparation coloriée à J’hématoxyline, fuchsine acide, aurantia, nous monire des filaments chromatiques violets, réunis par un fuseau rouge ou rose, qui tranche bien sur le reste du plasma. Dans certains cas, le fuseau tout entier paraît se colorer par l’hématoxyline, comme Île montre la figure 8; mais C'est là sans doute un accident de préparation. Les deux parties du noyau finissent par se réunir et former deux noyaux secondaires. Mais il y a certainement auparavant une divi- sion en chromosomes que nous n’avons pu observer d'une façon complète, à cause de la petitesse des éléments. Dans certains Cyto- cystes, les noyaux en voie de division semblent formés d'une fine accumulation de granules chromatiques, extrêmement petits et qui paraissent être réunis par de courts filaments; cet état se présente chez les noyaux en train de se reconstituer. Dans les préparations trop colorées, deux noyaux, venant de se former, se montrent comme deux masses chromatiques compactes, encore réunies par un filament chromatique; mais la décoloration montre que ces noyaux sont, en réalilé, formés d’une simple poussière de chroma- tine formée de granules très pelits. L'étude de la division du noyau chez les Karyolysus montre que cette division ne diffère pas, en somme, de celle qui s’observe dans les cellules ordinaires. Du reste, dans un prochain travail sur la sporulation des Coccidies, nous verrons qu'on peut étendre la division mitotique du noyau à tous les sporozoaires intracellulaires. Le noyau primitif s’est divisé en deux; chacun des noyaux secon- daires donne deux autres noyaux, et ainsi de suite. i Dans la figure 7, nous voyons les anses chromatiques tourner leurs convexités les unes vers les autres. C’est 1à sans doute une simple apparence causée par l’ap- parence de profil ; les figures 12 sont normales et montrent les anses tourner leurs concavités les unes vers les autres, comme les dents d’un peigne. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 193 Nous assistons alors à des divisions nucléaires successives, se faisant toujours par mitose et aboutissant à une prolifération super- ficielle de nombreux noyaux. Il arrive souvent que ces noyaux sont situés suivant des parallèles concentriques assez régulièrement. Alors le protoplasme du cytocyste forme autour de chaque noyau de petites bosselures qui finissent par s'organiser en sporozoïtes. Nous avons vu qu'il y avait des kystes à macrosporozoïtes et des kystes à microsporozoïtes. La formation, dans les deux cas, des sporotozoïtes ne diffère pas sensiblement. Les cytocystes à macrosporozoïtes sont de taille variable. Les uns n’ont guère que 14 à 15 & de longueur , certains atteignent 925 et 27 p.; les premiers ne contiennent d'ordinaire que quatre ou cinq sporozoïtes, les autres peuvent en contenir jusqu’à vingt et vingt-cinq. Il y à toujours un, quelquefois deux reliquats de différenciation, autour desquels sont groupés les sporozoïtes. Ces reliquats sont granuleux, fortement colorables, remplis de pigment et de granula- tions graisseuses. Quant aux macrosporozoïtes, ils sont formés d’un protoplasma finement granuleux, ont un noyau bien différencié et, ordinairement, des granules de réserve à l’une ou aux deux extré- mités. Leur forme est ordinairement ovalaire ou pyriforme. Les enveloppes du cylocyste se rompent facilement et les sporo- zoïtes, privés de l'espèce de sac qui les renferme, se montrent encore quelque temps massés ou suspendus en grappe autour du reliquat. Les cytocystes à microsporozoïtes, de même que les précédents, se trouvent surtout dans la rate; ils varient, eux aussi, de taille et peuvent avoir de 16 à 30 x. de longueur. Les microsporozoïtes, bien plus nombreux que les précédents, sont allongés, présentent une tache nucléaire et ont un corps fuchsinophile ; ils présentent rare- ment des granules de réserve. Nous ne pouvons que répéter, pour les Karyolysus et leur dimor- phisme de reproduction, ce que nous avons dit pour les Drepa- nidium. 194 ALPHONSE LABBÉ. DANILEWSKYA, NOV. GEN. Hémocytozoaires de grande taille, ayant une forme grégarinienne bien définie, une taille souvent double de la longueur du globule sanguin à l’intérieur du- quel ils sont repliés, une phase première d'évolution endoglobulaire suivie d’une phase libre dans le sérum. La sporulation endoglobulaire se fait dans des cyto- cystes. Une seule sorte de cytocystes ? Pas de conjugaison? L'action du parasite sur le globule est plutôt une action mécanique et ne conduit pas à la désinté- gration du globule. Trois espèces : Danilewskya Stepanowi (anc. Hemogregarina Stepanowi), habite le sang de Cistudo europæa ; Danilewskya Lacazei, n. sp., habite le sang des Lézards ; Danilewskya Krusei, n.sp., habite le sang des Grenouilles (ane, Drepanidium magnum Grassi). 1° Danilewskya Lacazer, n. sp. Cette espèce, que nous allons prendre pour type du genre Dani- lewskya, habite le sang des Lézards (Lacerta agilis, L. muralis) et se distingue bien des Æaryolysus. Ge sont, probablement, les formes jeunes que Danilewsky à décrites sous le nom d’Aemocytazoon en massue (4. Clavatum). Ces parasites sont très voisins de ceux des Tortues, que Dani- lewsky a bien étudiés. Ils sont d’une texture extrèmement claire et transparente ; les globules qui les portent sont très pâles et se laissent voir diffici- lement. Structure. — Ils se présentent sous la forme de longs vermicules ayant souvent une longueur double de celle du globule, et attei- gnant parfois 25 à 28 y de longueur. Ils ont quelque ressemblance avec des embryons de filaire. Ordinairementi, leur extrémité, où se trouve souvent le noyau, est renflée. Examinons la structure d’une forme adulte. La cuticule, transparente et fine, est toujours facile à voir. Le sar- cocyte n'existe pas; mais la couche fibrillaire myocytique est bien PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 195 développée, et beaucoup plus facile à observer que chez les Drepa- nidium. Grâce au chlorure d’or, on peut voir les anneaux concen- triques presque jusqu'aux extrémités du corps. L'entoplasme, gris pâle et transparent chez les individus vivants, est fortement colorable après coloration. La coloration par lhématoxyline-éosine donne au parasite une couleur rouge violacé finement grenue ; de plus, l'hé- matoxyline, s’accumulant aux plis formés par les contournements du parasite, forme des stries violeltes plus ou moins foncées qui se répètent le long du corps du parasite. De nombreuses granulations se trouvent dans l’endoplasme. À l'état frais, on voit déjà de petits granules réfringents, jaunâtres, quelque- fois formant des lignes dans le corps du parasite, d'autres fois épars un peu dans tout le plasma. Ces granules sont fortement colorables par l’hématoxyline et ne sont autre chose que des granules chroma- toides, analogues à ceux que nous avons déjà vus chez les Drepani- dium et les Xaryolysus. Le noyau est un gros noyau vésiculaire, très visible sur le vivant comme un espace clair limité par une membrane, et contenant un gros corps arrondi et grisâtre ; celui-ci est le nucléole, qui se colore fortement et est constitué par un réseau chromatique différencié. Parfois, le noyau semble aplati, le nucléole ne présentant plus qu’une ligne foncée ; nous avons déjà signalé ce cas pour les Xaryo- lysus et les Grégarines ; cet aplatissement, causé par les contractions du corps, montre la fluidité du contenu du sac nucléaire. Développement des formes jeunes. Phase endoglobulaire. — Les plus jeunes parasites, longs de 6 à7 p., présentent, le plus souvent, une masse chromatique centrale et des granulalions de réserve, comme les macrosporozoïles des Karyolysus ; celles-ci disparaissent, du reste, bientôt. Le parasite en s’allongeant déplace ordinairement le noyau ; mais là se borne son action sur celui-ci. Les jeunes para- sites peuvent alors présenter une forme très allongée avec une extré- mité renflée et un noyau terminal, ou bien une forme cylindrique avec un noyau central el des granulations chromatoïdes terminales. 126 ALPHONSE LABBÉ. Puis le parasite s’allonge de plus en plus, et finit par se pelolonner en quelque sorte dans le globule, qu'il remplit aux trois quarts. Ordinairement, il n’y a pasde cavité autour du parasite ‘. De plus, le globule, quoique hypertrophié et ne présentant plus d’'hémoglo- bine (anémie du globule),ne montre aucune trace de désintégralion. Quant au noyau du parasite, il est quelquefois relégué ou allongé légèrement, même déformé ; mais il ne présente pas les modifica- tions des noyaux globulaires dans le sang infesté par les Xaryo- lysus *. Vie libre dans le sérum. — Pendant sa vie libre en dehors du glo- bule, le parasite présente une grande motilité. Cette motilité se traduit, non pas seulement par les mouvements que fait le parasite pour déchirer le globule et en sortir, mais aussi par ses mouvements dans Île sérum, qui sont absolument Compa- rables à ceux du Drepanidium monts ; comme celui-ci, en effet, le Danilewskya Lacazei présente des ondulations complexes du corps, se traduisant par des dilatations et des rétrécissements alternatifs. Nous n'avons pas à revenir sur ce sujet, que nous avons étudié avec les Drepanidium. Nous n'avons pas observé de conjugaison. Sporulation. — L'enkystement se fait comme pour les Xaryolysus et les Drepanidium ; la sporulation aboutit à la formation de 15 à 20 macrosporozoïtes dans un cytocysie, formé du reste du stroma globulaire et de la membrane kystique propre du parasite. Ces cyto- cystes se trouvent dans la moelle des os principalement, bien qu on en trouve aussi dans la rate. Ils ont de 15 à 25 p. de longueur. Ici, nous n'avons trouvé qu’une seule sorte de cylocystes qui ré- ponde aux cytocystes à macrosporozoites. 1 Le parasite de la figure 7 est probablement un parasite en dégénérescence. 2 Nous avons figuré, fig. 9, un globule en voie de division, mais cette division est certainement normale, car c’est le seul cas que nous ayons vu. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 127 9 Danilewskya Stepanowi Danilewsky. Nous avons retrouvé, chez la Cistudo europæa, le parasite auquel nous donnons le nom de Danilewskya Stepanowi, et qui est l’Hemo- gregarina Stepanowi de Danilewsky. Nous avons peu de choses à ajouter à la belle monographie du savant professeur de Kharkow. Nous dirons seulement que nous avons pu déceler la couche myo- phanique que supposait exister Danilewsky; que le noyau est compa- rable à celui de Danilewskya Lacazei, et que les très petits parasites signalés par Danilewsky proviennent peut-être de microsporozoiles, que nous n'avons du reste pas pu retrouver. 3° Danilewskya Kruser, n. sp. Nous supposons que le Drepanidium magnum de Grassi doit appar- tenir au genre Danilewskya, et nous le dédions à Kruse, qui l’a dé- couvert. Mais il faut remarquer que l’on ne connaît de ce parasite que la forme adulte, et que les jeunes stades, de même que les stades de sporulation, sont inconnus encore. Kruse décrit deux types différents (29). Les uns, deux fois aussi gros que les Wärmchen de Gauie, dépassent souvent la longueur du globule ; les extrémités sont arrondies, le plasma est assez fortement granuleux ; au centre, une tache claire se reconnait, par l'acide acé- tique, comme un noyau ordinaire ; par le bleu de méthylène, le noyau se colore en violet, montrant de courts filaments chroma- tiques. Ces parasites, qui ressemblent à de gros Drepanidium, restent à l'intérieur du globule dans une grande cavité qu’ils se sont creusée où ils se tiennent recourbés. Ils ont des mouvements comme les petits Drepanidium et peuvent sortir du globule. La deuxième forme parasitaire présente des contours ovalaires. De même que les précédents, ils refoulent le noyau. On les trouve surtout dans le foie, dans les capillaires. Ils présentent constamment 198 ALPHONSE LABBÉ. à leur intérieur des goultelettes brillantes. Le noyau gros, tres visible, prend, par le bleu de méthylène, une coloration rouge. Entre ces deux types se trouvent des formes de passage, des formes allongées avec plus ou moins de gouttelettes. Nous avons déjà dit que Kruse, en dépit des difficultés provenant du noyau et de la sporulation, considérait ces grands parasites comme les stades adultes des Drepanidium. Se basant sur la colora- tion rouge violet de leurs noyaux par Île bleu de méthylène, il pense que les granulations rouge violet (métachromatoïdes) des jeunes Drepanidium sont des grains de chromatine non encore diffé- renciés en noyau. Nous avons vu qu'il n’en était rien. Quant à l’action sur le globule, elle est très manifeste. Ces grands parasites se creusent des cavités, refoulent le noyau et déforment le globule, qui pâlit et perd son hémoglobine. Celli et San Felice (2) n’ajoutent rien à la description de Kruse. Grassi et Feletti (44) pensent que ces Drepanidium magnum sont une espèce différente des petits Drepanidium. Nous sommes de cel avis, mais nous pensons que les caractères connus de ce parasite sont suffisants pour le placer dans le genre Danilewskya. IL serait intéressant de rechercher les stades de sporulation de cette espèce. IT LES PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES OISEAUX. Les parasites endoglobulaires dont nous allons entreprendre l'étude soulèvent tant de discussions, et leur histoire est si com- plexe, que nous commencerons par exposer nos recherches person- nelles avant de faire l'historique de la question. Nous en donnerons la description sans nous préoccuper des travaux antérieurement publiés, et c’est seulement lorsque nous aurons bien établi leur évo- lution que nous procéderons à l'examen des théories auxquelles ces PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 129 parasites ont donné lieu et que nous pourrons ainsi discuter en connaissance de cause, La méthode que nous allons suivre est, du reste, celle que nous avons toujours suivie dans ce travail, et nous croyons lui devoir plusieurs de nos résultats. HALTERIDIUM, NOV. GEN. 1° Les Halteridium de l'Alouette. Chez les Alouettes des environs de Paris (Alauda arvensts), il n’est pas rare de rencontrer dans le sang les parasites endoglobulaires dont nous allons exposer l’évolution. Les plus jeunes formes endoglobulaires qu’on rencontre se pré- sentent sous la forme de petites taches claires, très réfringentes, qui semblent creusées à l’emporte-pièce dans le stroma de l’hématie. Ces petits corps ne dépassent pas 1 4,5 à 2 y, ils sont généralement ovalaires, mais peuvent avoir des formes bien plus irrégulières ; très rapidement, à leur intérieur, apparaît un grain de pigment noir. La coloration montre qu’ils possèdent un noyau bien colorable par la fuchsine ou la safranine et formé d’un granule de nucléine semblant compact et homogène. Parfois, les jeunes parasites présentent en leur centre un étranglement, sans, du reste, montrer trace de divi- sion ou de conjugaison. Les parasites s’allongent de plus en plus en se plaçant à côté du noyau de l'hématie ; ils ont alors une forme ovalaire, les extrémités étant un peu recourbées, mais ayant une tendance à se renfler ; les grains de pigment se sont multipliés et s’accumulent souvent aux extrémités ; la coloration fait voir à ce stade un noyau central vési- culaire, ordinairement considérable, et renfermant un corps forte- ment colorable qu’on peut considérer comme une masse nucléolaire. De nombreux granules chromatoïdes se trouvent dans le plasma. Cette phase est ce qu’on peut appeler la phase moyenne du parasite. À celle-ci succède celle que nous avons appelée (49) phase haltéri- dienne. Elle consiste en ceci : le protoplasma s’accumule de plus en ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GEN, — 3€ SÉRIEs — T, II. 1894. 9 430 ALPHONSE LABBÉ. plus aux extrémités du parasite, dont la partie centrale devient assez claire, et, comme le parasite n’a pas cessé d' être parallèle au noyau de l’hématie, il prend la forme d’un haltère; en même temps, le >" noyau primitif se divise et donne naissance à deux noyaux secon- daires qui se rendent chacun dans l'extrémité renflée qui lui cor- respond. Chaque parasite, à ce stade, présente donc deux masses protoplas- miques, renfermant chacune un noyau, des granulations et du pigment, et ayant souvent des mouvements légèrement amæboïdes : ces deux masses sont reliées par un filament protoplasmique, qui peut être très étiré et très mince, mais existe toujours. Il arrive même parfois que le parasite peut faire le tour entier du noyau de l'hématie, présentant ainsi deux masses nucléées séparées par deux travées protoplasmiques de chaque côté du noyau ; ces dernières formes existent surtout dans les organes hématopoïétiques, la moelle des os et la rate. Ce stade en haltère précède le stade de spo- rulation. Dans chacune des extrémités de l'haltère, le noyau se divise et donne naissance par mitose (?) à um certain nombre (6 à 15) de noyaux secondaires qui se portent à la périphérie. Chacun de ces noyaux, faisant hernie en quelque sorte, soulève un petit mamelon qui est un sporozoïle. Les sporozoïtes sont groupés de façons plus ou moins diverses, Tantôt ils affectent la forme d’un éventail, tantôt d’une rosace, tantôt d’une morula : ils restent attachés plus ou moins longtemps au reliquat central, où sont accumulés les grands chromatoïdes et les grains de pigment. Enfin, ils se séparent et peuvent être libres dans le plasma. Quant au filament qui réunit les deux groupes de sporulation, il dégénère également, ce qui permet de lie considérer aussi comme un reliquat. Tel est le cycle évolutif de ce parasite, auquel nous donnons le nom d’'Aalteridium. Ce cycle n’est pas complet. Si l'on fait une préparalion de sang PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 131 d'Alouette contenant des Æalteridium, nous pouvons, en examinant une des formes quelconques, moyennes ou haltéridiennes, voir cette forme subitement s’arrondir, et bientôt des flagella se montrer sur les bords. Pour nous, cette forme flagellée est une phase de dégénérescence ; mais la question méritant plus d'examen, nous l'étudierons dans un autre chapitre avec plus de détails. Les formes parasitaires que nous venons de décrire se rencontrent quelquefois en même temps dans le sang du même oiseau, et il est plus difficile d'étudier le cycle évolutif. Maïs, dans certains cas, l'Alouette est fortement infestée, et il est alors possible de suivre pas à pas la transformation des différentes formes et la durée de leur évolution. Prenons un exemple : Alouette À.— Le sang de l'Oiseau, examiné le lundi 45 mai, au soir, contient de très grandes formes haltéridiennes et en sporula- üon, de nombreux corps flagellés ; il y a déjà quelques rares formes jeunes, encore sans pigment. — Mardi, 16 mai. On ne voit plus que quelques rares grandes formes ; en revanche, il y a beaucoup de stades jeunes sans pigment. Le sang renferme beaucoup de débris d'hématies et de granulations pigmentaires, provenant des restes des grandes formes. — Mercredi, 47 mai. Il n’y a guère que des stades jeunes renfermant un ou deux granules pigmentaires. — Jeudi, 48 mai. Nombreux stades moyens, longs de 5 à 6 x, quelques- uns un peu plus grands. — Vendredi, 19 mai. Nombreuses formes moyennes renfermant quelques grains de pigment. Quelques-unes peuvent déjà se transformer en phases flagellées. — Samedi, 20 mai. On voit de grandes formes haltéridiennes, à doubles noyaux. Les phases flagellées sont extrèmement nombreuses. — Dimanche, 21 mai. Comme précédemment. — Lundi, 22 mai. Comme le 45 mai. L'oiseau est sacrifié. L'oiseau, à l’autopsie, présente une rate très hypertrophiée, très mélanique ; le pigment provenant de la désintégration des hématies remplit tout l'organe, ainsi que le foie, les reins, la moelle des os. 132 ALPHONSE LABBÉ. Dans ces organes, on trouve beaucoup de très grandes formes Spo- rulantes ‘. Nous avons répété très souvent de telles observations, et nous avons toujours pu nous convaincre que le cycle évolutif était d'une semaine environ (sept à huit jours). Ces préliminaires posés, nous pouvons entamer l'étude de Îa structure et de la morphologie du parasite. Pour bien étudier la structure de nos parasites, il nous faut pren- dre pour type une forme moyenne, ne possédant qu’un noyau. Le plasma à l’état frais paraît absolument hyalin, et la présence du parasite est plutôt annoncée par les grains de pigment que par les contours du corps souvent peu visibles. Parfois le plasma appa- raît comme finement granuleux, mais le cas est plus rare. Après coloration, on peut distinguer un ectoplasme et un entoplasme. L'ec- toplasme, qui n’est nullement cuticulaire, est plus fortement colo- rable; il contient des granulations et des grains de pigment. L'ento- plasme, au contraire, est moins colorable, présente une structure alvéolaire et souvent des vacuoles accidentelles. | Le plasma tout entier a une aptitude remarquable à accaparer certaines substances comme le bleu de méthylène, le violet de gen- tiane, le dahlia, lhématoxyline, la fuchsine acide. Si l’on fait agir lentement une solution diluée de bleu de méthy- lène, on voit la matière colorante agir sur Les moindres détails pro- toplasmiques, qu’elle colore en bleu pâle ; elle dessine alors dans l’entoplasme de fins réseaux qui, aux points de jonction, sont plus colorés. En même temps, elle laisse libres de petits interstices que l’action postérieure de l’éosine colore en rose pâle : ce sont de petites vacuoles : ces vacuoles ne sont pas, du reste, des organes normaux; et ne se présentent pas sur tous les parasites. Un réactif précieux pour l'étude du plasma est la myrtilline? ; i Nous noterons cependant qu’on en trouve également dans le sang, ce qui n'ar- rive pas pour les parasites des Vertébrés à sang froid que nous venons d'étudier. 2 Nous préparons la myrtilline en extrayant le suc coloré des baies du Vaccinium PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉES, 133 celle-ci, employée en solution alunée, après fixation à l’alcool-éther, dessine merveilleusement les alvéoles du plasma et les renflements nodaux, qu’elle colore en lilas. Les granulations sont colorées en violet foncé, ainsi que le noyau. Un fait remarquable, c'est l’aptitude du plasma à se colorer par les substances comme le bleu de méthylène, la fuchsine, le violet de gentiane, l'hématoxyline, ete.; si l'on fait agir seule une sub- stance acide, comme l’éosine, l'acide picrique, le parasite ne se colore pas; en présence d'une coloration combinée de bleu de méthylène-éosine, le parasite ne prendra que la coloration bleue ; en présence de l'hématoxyline-acide picrique ou de l’hématoxyline- fuchsine acide, le plasma prend une coloration qui est la combi- naison colorante des deux substances employées : grisâtre dans le premier cas, rouge violet dans le second cas. Les granulations du plasma sont des granulations chromatoides absolument analogues à celles que nous avons étudiées chez les Drepanidium et parasites voisins, Elles se colorent en violet par l'hématoxyline, en bleu par le bleu de méthylène, en rouge par la safranine, etc. Chez les jeunes stades, ces granulations sont éparses un peu partout. Mais chez les grandes formes, on peut voir qu'elles affectionnent la partie périphérique, où elles forment souvent des lignes de points colorés, qu’il faudrait se garder de confondre avec des noyaux. Elles se trouvent surtout aux extrémités chez les formes haltéridiennes, délimitant parfois parfaitement ces deux extrémités. Dans plusieurs cas, elles se groupent autour du noyau ou des noyaux, qu'elles entourent d'un cercle de petits points. Dans la myrtillus par l'alcool à 90 degrés. On obtient ainsi un liquide légèrement acide, rouge foncé, qui a les mêmes propriétés générales que l’hématoxyline, s’emploie bien après les mélanges chromiques, possède une précision de coloration nucléaire tout à fait remarquable, colore très bien les mitoses et ne donne jamais de colora- tion diffuse. Avec une solution alunée, l'extrait des baies de myrtille donne un liquide violet qui s’emploie comme lhématoxyline alunée. | Ce réactif a déjà été signalé par Lawdowsky(Arch. für Mikroskop. Anat., t. XXIIT, 1884, p. 506) et mérite certainement plus d’égards que ceux qu'on à eus pour Jui depuis lors. 134 ALPHONSE LABBÉ. plupart des individus, surtout dans les formes haltéridiennes, ces granulations chromatoïdes ont une disposition régulière absolu- ment remarquable, entourant le parasite d’une couche ectoplas- matique de petits grains régulièrement espacés!. Le pigment qui se présente dès les jeunes stades et augmente au fur et à mesure de l'accroissement des parasites, est regardé par tous les auteurs comme un produit de désassimilation de l’hémo- globine. H se présente sous la forme de petits bâtonnets de forme eristal- line, noir brillant ou jaune ocre. Chez les jeunes parasites, il n’y a qu'un ou deux grains de pigment, Chez les formes moyennes, il est disposé assez irrégulièrement, tantôt le long d’un des bords, tantôt groupé aux extrémités, tantôt formant une sorte de barre iransver- sale. Cependant, il faut remarquer que, même chez les formes moyennes, le pigment a une tendance à se concentrer aux extré- mités du parasite. La grandeur des bâtonnets pigmentaires est, du reste, assez variable, et il s’en trouve de toutes les tailles. Si l’on fait agir du bleu de méthylène sur un parasite, on voit que chacun des bâtonnets de pigment se trouve au centre d’un petit espace clair, d’une sorte de petite vacuole. Le noyau est formé d’une membrane, d’un espace clair rempli de suc nucléaire non colorable, et d’une partie colorable nucléinienne. Le noyau n’apparaît guère bien constitué que chez les formes moyennes, car les jeunes formes ne possèdent qu'un granule de chromatine ; ce granule de chromatine s’entoure bientôt d’un espace clair ; plus tard, une membrane se forme. Le noyau des formes moyennes est ordinairement assez grand, si grand parfois qu’il semble dépasser la paroi du corps et faire, en. quelque sorte, hernie hors du plasma. IL est ordinairement rond ou ovalaire, et presque toujours placé au centre du parasite. La membrane du noyau existe toujours ; parfois, elle se colore, 1 Cf. LaBe, Coccidium Delagei( Archives de zoologie expérimentale et générale, 1893, p270). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 135 parfois, elle reste incolore ; mais, même dans ce dernier cas, elle ressort bien nettement sur le plasma. Autour de la membrane est un espace clair plus ou moins rempli de sue nucléaire incolorable. À l’intérieur se trouvent les éléments nucléiniens. Dans beaucoup de cas, le nucléole (si l’on peut ainsi appeler le corps chromatique) ressemble beaucoup à celui des Amibes. C’est un corps arrondi, ne montrant aucune différenciation. Mais dans d’autres cas, on trouve deux, trois, quatre, cinq de ces corps réunis ensemble, et ressortant, par leur vive coloration, sur un fond légère- ment coloré. Je n’ai jamais vu de réseau chromatique, ni quoi que ce soit d'analogue. C’est une simple segmentation du nucléole qui à donné naissance à plusieurs nucléoles placés régulièrement les uns à côté des autres. Ordinairement, ces nucléoles secondaires sont de même taille ; parfois pourtant, ils sont de grandeur inégale. Parfois aussi, au milieu d’un grand noyau, on ne voit qu’un très petit nucléole périphérique à chromatine compacte. Maïs, ordinairement, le nucléole est relativement très grand par rapport au volume entier du noyau, dont il occupe le centre. Lorsqu'il y a plusieurs nucléoles, ces nucléoles sont compris dans une aire colorée faiblement, mais cependant bien distincte. Un tel noyau ne diffère pas sensiblement d'un noyau de Rhizopode. Il dif- fère, en tout cas, de celui des parasites que nous avons étudiés jus- qu'ici. Mais, vis-à-vis des réactifs, le noyau présente des réactions spé- ciales. Lorsqu'on colore le parasite à l’élat frais par la solution de bleu de méthylène, tous les détails de structure que nous venons de noter apparaissent nettement, et la partie nucléinienne se colore fortement. Il n’en est plus de même après fixation. Nous avons vu que le pro- toplasma de l'organisme avait une grande affinité pour le bleu de méthylène, l’hématoxyline, le violet de gentiane, etc. Le noyau, une fois fixé par la liqueur de Flemming, l'acide picro-acétique ou tout autre réactif, ne semble pas avoir une forte affinité pour les matières 136 ALPHONSE LABBÉ, colorantes ; il se colore faiblement, à moins que l’on n’use de surco- lorations. De plus, si par le bleu de méthylène et l’hématoxyline il se colore parfois en bleu ou en violet, il arrive que si l’on use d’une double coloration, hématoxyline-fuchsine acide, bleu de méthylène-éosine, le noyau présente plus d’affinité pour les secondes de ces substances que pour les premières, et 1l se colore en rouge ou en rose. Dans le cas le plus fréquent, le noyau prend une couleur mixte, se colorant par les deux substances : il se colore en rose, plus souvent en lilas, par la méthode de Romanowsky ; en bleu grisâtre par le bleu de méthylène-acide picrique; en rouge, rouge violacé ou en violet foncé pour l’hématoxyline-fuchsine ; en bleu par le vert de méthyle-éosine ; en rouge par la safranine-hématoxyline. De ces expériences et d’autres, il nous semble qu'on peut déduire que la chromatine n’est pas toujours une substance absolument définie, et que sa composi- tion peut être extrêmement variable. C'est un fait, du reste, sur lequel les cytologistes s'entendent généralement *. Ce qu’on peut supposer, c’est que dans la partie chromatique du noyau, 1l y a deux substances, dont l’une est la nucléine, avec ses réactions spéciales, et dont l’autre (est-ce la pyrénine de Zacharias ?), incolore par certaines substances tinctoriales, se colore fortement par les substances telles que l’éosine, la fuchsine acide, la cro- céine, etc. À tel moment de la vie de la cellule, le noyau contient plus d’une de ces substances que de l’autre et, par là même, se colore différemment. Faut-il conclure de là que, comme le pensent Daszkiewicz et Steinhaus, la coloration élective par la safranine, l’éosine, soit tou- jours un signe profond de la régression du noyau? Nous ne le pen- sons pas; les différences de coloration qu'on observe dans le noyau à l’état de repos ou à l’état de division, différences que les recherches * «Il est peu probable que la chromatine soit toujours identique à elle-même et forme une individualité chimique constante. » (Guignard, Recherches sur le noyau cellulaire, in Annales des sciences naturelles, 6e série, Botanique, t. XX, 1885.) PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 137 de Wendt, de Flemming, d'Hermann ont montré être en corrélation avec la présence ou la disparition des nucléoles, font voir que cette coloration par des substances acides peut n'être pas une phase de dégénérescence. Il est possible que la substance safranophile ou éosinophile du noyau (pyrénine ?) concentrée, dans la plupart des ‘cas, chez les nucléoles, peut, dans les noyaux de certains organismes tels que ceux que nous étudions, être répandue uniformément dans le noyau entier, de telle sorte que la présence d’une plus ou moins grande quantité de l’une ou de l’autre des substances nucléiniennes influe sur les réactions colorantes du noyau entier ; ces proportions varient nécessairement avec la vie même de la cellule. Au point de vue cytologique, ces faits ont un certain intérêt, car ils montrent combien sont restreintes les notions que nous possé- dons sur les substances fondamentales du noyau. Nous avons étudié la structure d’une forme moyenne de parasite. Nous pouvons maintenant étudier les autres formes. Les jeunes formes ne présentent rien de bien spécial. Au début sans pigment, elles renferment toujours un granule nucléinien. L’étran- glement qui survient ensuite est analogue à celui qui se produit chez le Drepanidium monilis. Un des segments contient un ou deux grains de pigment; l’autre est hyalin et montre le granule nucléi- nien. C'est ce second segment qui forme le noyau. Le parasite se tient toujours près du noyau du globule et continue à grossir, pre- nant peu à peu une forme quelque peu réniforme. Le pigment s’ac- cumule aux extrémités. La membrane nucléaire se forme. Les formes moyennes ainsi sont ovalaires ou allongées. Parfois on en trouve de libres dans le sérum, mais nous pensons que c’est par la rupture accidentelle du globule. Dans ces cas, le noyau du globule reste presque toujours accolé au parasite. Dans des cas rares, nous avons trouvé des parasites comme ceux que nous représentons (fig. 10 1 De même que des grandes formes et les formes de sporulation. 138 ALPHONSE LABBÉ. et fig. 11), absolument libres. Mais ces parasites ne présentent jamais de mouvements. La forme haltéridienne est caractérisée par ce fait que le noyau se divise, et que les noyaux secondaires se rendent chacun à une des extrémités du parasite qui se renflent fortement. La division du noyau est une division directe de l'élément chromatique à l’intérieur du noyau”. Nous avons vu quelle était la structure du noyau. Le nucléole se divise en deux parties par un étranglement. Y a-t-il autre chose qu'un étranglement ? Entre les deux granules de chromatine, on voit par- fois une sorte de fuseau faiblement coloré (fig. 10). Quoi qu'il en soit, la membrane nucléaire s’étrangle, les deux parties nucléiniennes se séparent, et nous avons deux noyaux, formés comme précédemment d'une partie nucléinienne entourée d’un espace clair el d’une mem- brane. Y a-t-il d'autres différenciations? Cette division directe cache-t-elle une mitose vraie, comme celle que l’on observe chez certains Rhizo- podes, chez les Euglyphes?, par exemple ? L'espace intermédiaire entre les deux parties chromatiques constitue-t-il un fuseau diffé- rencié ? La petitesse des organismes est si grance, qu’il est difficile de s’en assurer. Parfois, un des noyaux formés resle au centre, l’autre se rendant à une extrémité. Plus ordinairement, chaque noyau se rend à une des extrémités du parasite. Ces extrémités se renflent fortement, tandis que la partie intermédiaire s’effile de plus en plus, son protoplasma devenant de plus en plus rare et fibrillaire. Puis chacun des noyaux prolifère à son tour, et nous entrons dans la phase de sporulation. Celle-ci, qui n’avait pas été vue jusqu'ici, est extrêmement rapide. 1 GRuBER, Ueber Kern und Kerntheilung bei den Protozoen (Zeits. f. Wiss, Zool., 94, p. 424, pl. VIII et IX, 1884). 2 ScHeviAkorr, Ueber die karyokinetische Kerntheilung der Euglypha alveolala (Morphol. Jahrbuch., t. XIIT, 1888, p. 193 et suivantes). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 139 On trouve beaucoup de stades précurseurs ; mais les spores formées sur les haltères se trouvent bien plus rarement, ce qui explique que les auteurs précédents ne les aient pas rencontrées. Il faut les cher- cher soit dans le sang, soit dans les organes, vers la fin du sixième jour, pour pouvoir les rencontrer. Le premier fait qui se passe, c’est la division du noyau primitif. Cette division se fait par le même procédé de scission de la partie nucléinienne ; mais il y a une distinction très importante à faire : /a membrane nucléaire disparait, et eile ne reparaît plus aux stades sub- séquents. Nous insisterons plus tard sur l'importance morphologique de ce fait. La partie nucléinienne se scinde, et il ne serait pas impossible que la division fût mitotique ; non pas que nous ayons isolé d’anses chro- matiques, mais il subsiste entre les deux parties nucléiniennes un fuseau clair avec des fibrilles légèrement colorées qui vont d'un noyau à l'autre. La division qui, dans le premier cas, était longitudi- nale, est ici transversale et donne lieu à deux petites masses chro- matiques sans membrane nucléaire. Chacun de ces noyaux en donne deux autres, et ainsi de suite, de telle sorte qu'on finit par avoir un certain nombre de noyaux dans chacun des renflements haltéridiens (de cinq à quinze noyaux). Le protoplasma qui entoure ces noyaux est fortement granuleux et rempli de granulations chromatoïdes qui se groupent régulièrement à la périphérie. Ces granulations peu- vent être confondues avec les noyaux; mais, ordinairement, elles sont beaucoup plus petites et beaucoup plus nombreuses. Parfois, elles font le tour complet du renflement terminal, l'isolent en quelque sorte de la partie intermédiaire. Voyons quels sont les phénomènes qui se passent dans chaque extrémité. Les noyaux se portent à la périphérie, où ils font hernie, n'étant recouverts que d’une mince couche protoplasmique ‘. Une petite 1 Cf, La sporulation des Eimeria et des Klossia (Klossia octopiana, par exemple). 140 ALPHONSE LABBÉ, masse protoplasmique les entoure alors, et finalement se sépare, constituant un petit sporozoïte ovalaire muni d’un noyau, C est- à-dire d'un granule chromatique. La figure 33 indique d'une façon un peu schématique le processus de la formation des sporozoïles. Les sporozoïtes restent groupés autour d’une masse résiduelle où se sont accumulés les granulations et le pigment. Ils forment des rosaces ou de petites morula. Quant à la partie intermédiaire qui persiste plus ou moins long- temps, elle a aussi la valeur d'un reliquat. Les sporozoïtes restent plus ou moins groupés dans Île globule. On peut voir, sur certaines préparations, les sporozoïtes détachés du reliquat et accumulés à chaque extrémité du globule. Entre les deux groupes de sporozoïtes, le reliquat se présente comme un petit amas de pigment ou de gra- nulations. De l'étude de la sporulation il ressort qu’on ne peul considérer les deux parties de l’haltère et les deux groupes de sporozoiles que comme deux spores nues, et que l'espace intermédiaire doit être homologué à un reliquat de seymentation. Chacune des spores possède, en effet, comme l'individu primitif, un corps protoplasmique avec granules et pigment, et un noyau vési- culaire avec partie nucléinienne centrale colorable. L’espace inter- médiaire servant à l'accroissement, à la nutrition de ces spores, et disparaissant après formation des sporozoïtes, n’est qu’un reliquat de segmentation. Dans chaque spore, le noyau perd sa membrane, se divise el donne un grand nombre de noyaux qui se portent à la périphérie et, par soulèvement du protoplasme, donnent des sporozoïtes qui sem- blent bourgeonner en quelque sorte de la spore; au centre persiste toujours un reliquat de différenciation. La présence du reliquat de segmentation réunissant les deux spores s'explique par le fait du manque de capsule, et même de membrane autour de ces spores. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 141 Ce rôle du reliquat nous est encore expliqué par les grandes formes anormales de la rate et de la moelle des os. Gelles-ci, au lieu de se recourber autour du noyau du globule, l'entourent complètement. Mais leurs extrémités polaires, si je puis m’exprimer ainsi, sont seules à fournir des spores, et les deux parlies intermédiaires sont des reli- quats réunissant les spores. On voit parfois (le cas est rare) une seule des extrémités se trans- former en spore, l’autre formant un grand reliquat où s’accumule le pigment. Dans ce cas, le noyau ne se divise pas. L'action du parasite sur le globule ne se montre guère qu'à partir des formes haltéridiennes. Elle se traduit par la disparition de l'hé- moglobine dans la partie de l’hématie qui est opposée au parasite. L’hématie se dissout souvent, surtout autour des grandes formes et des formes de sporulation. Mais le noyau reste presque toujours atta- ché au parasite quile contourne, et l’hématie persiste à l’état de con- tour du côté opposé au parasite. Le noyau souvent n’est même pas dé- placé, et dans le cas où ilest refoulé, le déplacement esi transversal. L'infection ne paraît pas influer sur la santé de l'oiseau, même si les parasites sont très fréquents dans le sang. On peut donc le con- sidérer comme inoffensif. Cependant, à l’autopsie, la rate est très hypertrophiée, très méla- nique. Il convient ici de rectifier une erreur de ma note (/oc. cit.). Il n'est pas exact que la rate et la moelle des os renferment peu de para- sites ; il y en a, au contraire, une grande quantité, bien que Celli et San Felice, et nous-même dans cette première note, ayons dit le contraire. Mais ces parasites sont plus difficiles à trouver dans les préparations colorées, ce qui explique notre erreur et celle des auteurs précédemment cités. 9o Halteridium du Pinson, de l£tourneau et du Gear. Nous avons trouvé des Æ/alteridium chez Fringilla cœlebs, où ils sont très communs, 142 ALPHONSE LABBÉ. Nous n’avons pas grand’chose à ajouter à la structure, que nous avons étudiée chez l’Alouette, et l'évolution est absolument sem- blable. Il y à peu de différence entre les Halteridium du Pinson et ceux de l’'Alouette. Les Halteridium du Pinson ont, en général, des con- tours moins nettement tranchés que ceux de Alouette. Ils ne se dis- tinguent pas facilement dans l'hématie, et le pigment seul permet de les apercevoir. ils paraissent avoir une tendance plus grande à enserrer le noyau de l’hématie et à le contourner ; ils ont une forme plus allongée et moins massive. Ils présentent souvent des dente- lures sur les bords, dentelures qui persistent jusque sur le reliquat ; aussi, avions-nous pensé que c'était là une indication des sporo- zoïtes ; il n’en est rien : aucun sporozoïte ne se forme dans cette partie moyenne. Les formes moyennes uninucléées présentent moins souvent la forme réniforme qu'ont si souvent les Halteridium de l'Alouette: elles sont souvent irrégulières, dentelées ou semi-lunaires. Chez l'Étourneau (Sturnus vulgaris) et le Geai (Garrulus glanda- rius), nous avons trouvé des Halteridium très voisins de ceux de l’Alouette. Jamais, chez ces oiseaux, nous n'avons trouvé les Proteo- soma que nous allons étudier maintenant. PROTEOSOMA, NOV. GEN, Nous avons étudié l’évolution des Halteridium chez l’Alouette el chez le Pinson. Nous allons maintenant étudier l’évolution et la structure d'un deuxième parasite, semblant très voisin des Æalteridium, confondu par la plupart des auteurs avec ceux-ci, et qui possède un cycle évolutif bien spécial. Nous étudierons ensuite la question de savoir si les Halteridium et cette deuxième forme parasitaire, que nous nommerons Proteo- soma (rputebs, protée, ca, corps), constituent des espèces distinctes ou appartiennent à la même espèce parasitaire. Comme les Proteosoma sont exactement semblables chez l’Alouette PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 143 et chez le Pinson, nous pouvons prendre comme type de leur évolu- tion et de leur structure les formes du Pinson aussi bien que celles de l’Alouette. Les parasites très jeunes se présentent, comme chez les Æalteridium, sous la forme de petites pseudovacuoles claires, dans lesquelles le pigment n'apparaît que plus tard, sous l’aspect d’un petit cor- puscule noir brillant. Chez les parasites un peu plus volumineux, l'action de la safranine dénonce la présence d’un nucléole ou gra- nule nucléinien, qui ne tarde pas à s’entourer d’un espace clair. Une membrane ne tarde pas à apparaître autour de cet espace clair, constituant un noyau vésiculaire à nucléole asymétrique. En même temps, le pigment apparaît sous forme de fines granulations noir brillant ou jaune d’or. Le plasma hyalin prend, sous l’action des colorants, une structure aréolaire très nette. Le parasite peut suivre alors deux voies : Ou bien il se présente sous la forme de corps pyriformes ou réni- formes, qui refoulent et déplacent le noyau ; Ou bien il présente une forme nettement amæboïde, montrant des prolongements ou des lobes courts et massifs et affectant souvent une forme triangulaire. Nous avons déjà vu chez les Dactylosoma un tel dimorphisme. En réalité, il n’y a pas dimorphisme, car les parasites, qu’ils soient pyriformes ou amæbiformes, ont une tendance très grande à passer à l’autre forme ; ils ont la même structure, le même proto- plasma finement granuleux ou aréolaire, le même pigment à grains fins et serrés, le même gros noyau vésiculaire avec partie nucléi- nienne interne. | Les deux formes passent à la forme ronde, et celle-ci, par segmen- tation, donne naissance à des sporozoïles, tantôt peu nombreux (six ou sept), tantôt remplissant tout le globule de leur amas müri- forme. Chaque sporozoïte a un nucléole colorable, et Le pigment reste à l’état de reliquat. 144 ALPHONSE LABBÉ. 1] n’est pas possible de différencier les très petites sporulations en rosace ou en petites morula des grandes sporulations qui accaparent l’hématie entière. On peut seulement les attribuer à une sporulation précoce. La durée d’évolution des Proteosoma est différente de celle des Halteridium. Les formes de sporulation apparaissent vers le quatrième jour, et l’on peut assigner la limite de quatre à cinq jours à l’évolution entière. Nous pouvons, après ce coup d’œil rapide, reprendre en détail chacun des points de l’évolution et de la structure du parasite. Le plasma, d'une forme moyenne, est absolument hyalin à l'état frais ; mais, par l’action des colorants, il montre facilement (quoique plus difficilement que les Æalteridium) des détails de structure. L'ectoplasma se colore toujours plus fortement que l’entoplasma, surtout chez les formes nettement amæboïdes. L'entoplasme a un caractère qui le distingue tout de suite de l’entoplasme des Halteri- dium; il a une beaucoup moins grande affinité pour les matières colorantes comme l’hématoxyline, le bleu de méthylène, etc. Tandis que, par l’hématoxyline, les Æ/alteridium prennent une coloration violette assez foncée, les Proteosoma prennent une coloration un peu grisâtre, mais très pâle. Leur protoplasme est plus finement granu- leux, les granules chromatoïdes plus rares, le pigment plus petit et plus fin, et plus souvent jaune d’ocre que noir. Dans les formes pyriformes, le protoplasme est ordinairement finement granuleux ; dans les formes amæboïdes, plus souvent aréolaire ; mais cette dis- tinction n’est, du reste, pas exclusive, ainsi que le montrent ies figures de la planche IX. Il existe quelquefois des vacuoles de taille et de nombre variables. Les granules chromatoïdes sont rares, souvent même manquent complètement. Le pigment, comme nous l'avons déjà dit, est le plus souvent très fin, formé de petits grains menus et serrés. Il forme le plus souvent = PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 145 de petits amas aux extrémités du parasite, surtout chez les formes pyriformes. Le noyau, comme d'ordinaire, apparaît sous l'aspect d’un granule nucléinien très vivement colorable par la safranine; celui-ci s’en- toure vivement d’un espace clair et d’une membrane. Le noyau de l'adulte est très semblable à celui des Æalteridium ; il est ordinairement plus grand, et la partie nucléinienne a une ten- dance à devenir asymétrique, c’est-à-dire à s’accoller à la mem- brane nucléaire. Les nucléoles sont ordinairement plus nombreux que chez les Aalteridium, et le suc nucléaire plus considérable. Telle est la structure d’une forme moyenne du parasite. Comme nous l’avons dit, le parasite peut avoir une forme régulière pseudo- grégarinienne, et une forme irrégulière amœæboïde. On peut, dans une préparation, saisir tous les intermédiaires entre ces deux formes, qui, toutes deux, aboutissent à une forme ronde. Cette forme ronde peut être plus ou moins grande; et de la taille de cette forme ronde dépend la grandeur de la sporulation. Nous avons vu, en effet, qu'il pouvait y avoir deux sortes de spo- rulations : 1° Des sporulations précoces, en forme de rosettes ou de petites morula, dont les plus petites n’ont guère que 5 à 6 y. de diamètre; 2 Des sporulations tardives, qui accaparent toute la capacité du slobule, reléguant le noyau à une des extrémités. Ces deux sporulations si différentes permettent-elles de concevoir deux espèces différentes dans le parasite que nous venons d'étudier? Nous ne le pensons pas. En effet, on trouve ces sporulations dans le sang du même hôte, avec des formes parasitaires de taille diffé- rente; on ne rencontre jamais, chez un même hôte, une seule forme de sporulation; de plus, il y a tous les intermédiaires entre les spo- rulations précoces et les sporulations tardives. On ne peut donc attribuer ces deux formes qu'à une division plus ou moins précoce du parasite. Quant à la division elle-même des formes rondes, elle se fait sui“ ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, — 3€ SÉRIE. — T. II. 1894, 40 446 ALPHONSE LABBÉ. vant le même procédé que chez les Aalteridium. Le noyau perd sa membrane, et donne des petits noyaux secondaires qui se portent à la périphérie. La segmentation se fait, soit régulièrement suivant les rayons du cercle, soit irrégulièrement, et l’on se trouve en pré- sence d’un amas de sporozoïtes groupés autour d’un reliquat plus ou moins considérable. L'action du parasite sur le globule et sur l’organisme est tout autre que chez les Aalteridium. Le globule perd son hémoglobine, et le noyau esi ordinairement relégué à l’une des extrémités du globule, même si le parasite n’oc- cupe qu’une petite partie de ce globule. Le noyau, même s’il n’est pas relégué, a une tendance à prendre une position transversale par rapport à l'axe de l'hématie, ce qui indique un profond changement dans la constitution gélatino-élastique du stroma. Le globule lui-même est souvent déformé, et devient quelquefois tout à fait arrondi. Le parasite est toujours endoglobulaire ; mais les formes de sporu- lation se trouvent plus souvent dans les organes hématopoïétiques que dans le sang lui-même. Aussi trouve-t-on souvent des parasites dans de jeunes hématoblastes ou même dans des leucoblastes. Les mouvements des formes amæboïdes sont très lents et irès peu prononcés, bien qu’on puisse cependant les observer en surveillant la préparation pendant quelques heures. Quant aux formes pyri- formes, malgré nos efforts, il nous a été impossible d'observer chez elles aucun mouvement. Ce n’est que lorsque, la préparation étant faite, elles se transforment en parasites flagellés, phase qui précède la dégénérescence, qu’elles peuvent montrer de vifs mouvements de toupie. Nous reviendrons sur ce fait dans un prochain chapitre. Nous avons dit précédemment que l'action des Proteosoma sur le elobule sanguin était plus considérable que celle des Halteridium. Leur action sur l'organisme est aussi bien plus grande. Les oiseaux atteints de l'infection subissent de véritables accès de a fièvre malarique; leur température s'élève de 4 degré à 1°,5; leurs PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 147 plumes sé hérissent, ils se mettent en boule, ne prenant plus aucune nourriture, et lorsque l'infection est forte, ils peuvent même mou- rir. On constate alors que leurs globules renferment jusqu’à cinq ou six petits parasites. 3° Historique et discussions. Nous venons d'étudier les parasites endoglobulaires des Pinsons et des Alouettes, sans nous préoccuper de l’historique de la question. Nous pouvons maintenant exposer les idées des différents auteurs et les discuter. Danilewsky est le premier qui ait décrit des parasites endoglobu- laires dans le sang des oiseaux. Il les divise en cinq groupes : 1° Les pseudo-vermiculi sanguinis, que nous n'avons jamais ren- contrés ; 2° Les pseudo-vacuolæ, que nous venons d'étudier sous les noms de Halleridium et de Proteosoma ; 3° Les Polimitus sanguinis avium « Hemocytozoon sphérique avec quelques flagellum se développant à l’intérieur de l’hémocyte ». (Loc. cit., p.15.) Noüs nous en occuperons plus loin. Pour nous, ce sont des formes dégénératives ; 4° Les Trypanosoma sanguinis avium qui sont des infusoires fla- gellés ; 5° Les pseudospirilles, filaments détachés du Po/ymitus. Sous le nom de Pseudovacuoles ou de Cylozoa, Danilewsky désigne les formations claires qui se développent dans les hématies de certains oiseaux, ou même dans des leucocytes (Leucocytozoaires) ; elles ren- ferment du pigment provenant de là modification régressive de l’hé- moglobime, et sont comparables aux parasites de Laveran. Pour lui, c'est « une forme temporaire, jeune, intracellullaire de quelque parasite ». Tous ont une forme ronde et des grains de pigment; mais Certains donnent naissance aux pseudovermiculi, d’autres aux 148 ALPHONSE LABBÉ. Polymitus, d'autres servent de kystes à des microorganismes très mobiles et spirilhformes. Dans deux travaux plus récents, Danilewsky étudie les Leucocy- tozoaires des Rapaces et expose plus complètement l’évolution des parasites des oiseaux. Il insiste sur ce fait que les oiseaux souffrent, comme l’homme, non seulement d’un paludisme chronique, mais aussi d'une affection malarique aiguë, semblable à la fièvre inter- mittente de l’homme, et qu'ils sont sujets à trois formes d’impalu- disme : 4° Une infection aiguë avec hyperthermie et symptômes d'une ma- ladie grave, due à la présence d’un Cytosporon ; 90 Une infection chronique, sans état fébricitant manifeste, due à une atteinte des hématies par les Polymitus et les Laverania (Halte- ridèum, mihi) ; 30 Une infection mixte, causée par les deux premières formes. L'infection aiguë est causée par de petites pseudo-vacuoles pig- mentées, qui s’arrondissent et donnent une sporulation en margue- rile, en müre, OU en roOsace : Danilewsky donne à ce parasite, qui correspond à notre Hæmamæba, le nom de C'ytosporon malariæ, et le classe parmi les Sporozoaires (Sarcosporidies ou Microsporidies). Dans l'infection chronique, on ne voit que des Polymitus, c'est- à-dire des formes rondes flagellées, et des Laverania (qui correspon- dent à nos Aalteridium*). 11 n’a pu trouver de stade de reproduction, mais à établi que le développement avait lieu en cinq ou six jours. Pour lui, du reste : « l’apparente fixité des formes telles que les Hémamibes, Polymitus, Laverania, ainsi que leur différenciation dans l'organisme malade, n'excluent nullement la possibilité de leur ori- gine commune d'un seul et même microbe générateur, existant libre- ment en dehors de l’organisme.» (Loc. cit., page 227) Kruse (39), qui a étudié les parasites des Corbeaux (Corvus cornit), arrive à une autre interprétation. L'infection, chez les Corbeaux, 1 Pour Danilewsky, le terme Laverania comprend à la foisles Laverania de Grassi et les Pseudovermiculi. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 149 commence par de jeunes formes amæboïdes, ayant un endoplasme et un ectoplasme. Il ne décrit pas de noyau. Puis apparaît le pigment. A ce stade peut se produire un dimorphisme aboutissant, d’une part à une forme grégarinienne, représentée par des Wärmchen ana- logues à ceux de Gaule et mobiles comme eux ; d'autre part, à une forme amæboide conduisant à la sporulation, que Kruse n’a du reste pas vue. Kruse donne à ce parasite le nom d’Æ/æmoproteus. Kruse distingue donc deux formes parasitaires, et, pour lui, la forme grégarine précède la forme amube. Sa description répondrait bien à notre description du Proteosoma, si les figures de Kruse ne montraient que son parasite répond égale- ment à notre Zlalteridium. De plus, jamais nous n'avons trouvé de Wäürmchen mobiles, qui sont sans doute des Pseudovermiculr. Celli et San Felice (2) rangent dans le genre Hæmoproteus de Kruse un certain nombre d'espèces, appartenant chacune à un oiseau dif- férent. Mais, dans chaque espèce, ils distinguent trois variétés dis- tinctes : A. Des parasites à développement lent, dont le cycle se passe en huit jours. Ce sont nos Æalteridium. Mais les auteurs n’ont pas trouvé de stade de sporulation ; de plus, ils Jeur assignent une phase de vie libre dans Île plasma, ce qui, comme nous l'avons vu, n’est qu'un accident. B. Des parasites à développement hätif. C. Des parasites à développement rapide. Ce sont nos Proteosoma. Celli et San Felice distinguent, comme variétés, les parasites à sporulations précoces des parasites à grandes sporulations. D'après ces auteurs, chaque parasite peut avoir trois cycles de développement différents (A, B, C}, qui peuvent coexister chez le même oiseau, ou bien être séparés. De plus, ils établissent que les parasites peuvent se transmettre par le sang d'individu à individu, et non d’espèce à espèce, distinguant par là-même un grand nombre d'espèces de parasites : 150 ALPHONSE LABBÉ, Haæmoproteus alaudæ, fringillæ, Danilewskyi, etc. Laveran (44, 45, 46) n’a étudié les parasites du sang des Oiseaux qu’au point de vue de leurs rapports avec l’hématozoaire du palu- disme. Il les a étudiés chez le Geai, l’Alouette, le Pinson, le Pigeon. Il n’a pu voir de noyau, et rarement des formes de sporulation (corps en rosette). Les descriptions qu’il donne se rapportent aussi bien aux Halteridium qu'aux Proteosoma. Enfin, Grassi et Feletti (40, 44, 42) ont les premiers étudié les hématozoaires des Ciseaux à un point de vue zoologique. Ils les classent en deux genres, reléguant les Pseudovermiculi avec les Hémogrégarines, et les Po/ymitus avec les stades de dégénéres- cence : 49 Haæmamæba. Ge genre est caractérisé par une tendance à la forme subdiscoïdale ; les Hémamibes ont ou non des pseudopodes digitiformes ou filiformes, et n’ont des mouvements amæboïdes qu'à l’état jeune. a. Hæmamæba relicta. Forme subtriangulaire, envahit une extré- mité du globule qu'il accapare en grande partie, refoule le noyau à une extrémité. Donne de quinze à trente gymnospores. Passer hispaniolensis, Alauda arvensis, Fringilla cælebs. b. Hæmamæba subpræcox. Se reproduit, quand le globule n’est pas encore entièrement envahi, par cinq à douze gymnospores. Alauda arvensis, Athene noctua, Passer hispaniolensis. c. Hæmamæba subimmaculata. Pas de pigment. Mouvements amæ- boïdes. Falco tinnunculus. 2° Laverania. Formes allongées, semi-lunaires; ne se distinguent pas des Hémamibes, à l’état jeune. d. Zaverania Danilewskyi. Corps allongé, avec extrémités renflées. Grassi n'a pas trouvé de sporulation pour les Laverania ; cepen- dant, il aurait rencontré dans le foie, la rate, la moelle des os, des figures suffisantes pour supposer une segmentation des croissants. Il est probable que les stades à deux. noyaux qu'a trouvés Grassi PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 151 répondent à nos formes haltéridiennes. Mais Grassi n'a pas trouvé la formation des spores. Les genres Aæmamæba et Laverania répondent bien à nos deux genres Proteosoma et Halteridium ‘. Mais Grassi distingue, comme Celli et San Felice, les Proteosoma à sporulations précoce et tardive comme des espèces différentes. Il a bien étudié la structure des parasites, et décrit leur noyau vésieulaire. Mais nous ne croyons pas que le noyau se segmente comme il l'indique, c'est-à-dire suivant le mode des Amibes, d’après Gruber. Voici, en résumé, la synonymie des termes employés par les divers auteurs pour les Hématozoaires aviaires : Halteridium Labbé. Synonymes : Laverania Grassi et Feletti (Z. Danilewskyi) ; Hæmoproteus, pro parte, Kruse ; Hzæmoproteus, variété, A. Celli et San Felice ; Laverania + Pseudovermiculi + Polymitus, Danilewsky ; Corps en croissant + Corps flagellés et corps sphériques, pro parte, Laveran. Proteosoma Labbé. Synonymes : Hæmamæba Grassi et Feletti (A. relicta + H. subpræcox + H. sub- immaculata) ; Haæmoproteus, pro parte, Kruse ; Hzæmoproteus, var. B et C., Celli et San Felice ; Cytosporon malariæ (avium) + Polymitus, Danilewsky ; Corps sphériques + Polymitus et corps en rosette Laveran. Nous avons vu, d’après ce court exposé historique, que Îles au- 1 Nous n'avons pas pris les dénominations de Grassi, par suite des affinités qu'elles indiquent avec les parasites de la malaria. Nous n’avons créé ces noms que pour éviter des confusions et des homologies forcées. 152 ALPHONSE LABBÉ. teurs’ sont suffisamment d'accord sur la question de différencier les Halteridium des Proteosoma. La question est de savoir si ces deux formes parasitaires représentent deux genres distincts ou s'il faut les considérer comme deux phases évolutives différentes d’un même parasite. Pour les Proteosoma, la question était bien nette, puisque le cycle évolutif était connu entièrement. Pour les Aalteridium, la question était douteuse; mais la décou- verte que nous avons faite d’une sporulation bien spéciale simplifie beaucoup la discussion. Nous nous trouvons en présence de deux formes parasitaires, ayant chacune leur structure propre, leur évolution spéciale et de durée différente, leur sporulation différente. Les Lroteosoma, qui ont une action énergique sur le globule et son noyau et une action pathogène sur l'organisme, ont une structure protoplasmique spéciale, un gros noyau d’amibe, et peuvent suivre deux voies d'évolution : une à forme déterminée, l’autre, amæboïde. La sporulation dans les deux cas est la même et aboutit à la for- mation d’un plus ou moins grand nombre de sporozoites, groupés autour d’un reliquat, qui est à la fois un reliquat de différenciation et un reliquat de segmentation. Le parasite entier constitue la spore : ce sont des monosporées. | Les /alteridium, sans action sur le globule et sur l'organisme, ont toujours une forme allongée pseudo-grégarinienne, avec un noyau; se recourbent autour du noyau de l’hématie, et constituent des sortes d’haltères dans lesquels les extrémités renflées possèdent chacune un noyau, et doivent être considérées comme des spores, l’espace intermédiaire devant être homologué à un reliquat de seg- _1 Laveran seul, préoccupé avant tout d'homologuer les diverses formes des Oiseaux avec celles de l’impaludisme de l’homme, ne distingue pas les deux formes évolutives, pourtant si nettes des hématozoaires aviaires. Ses descriptions répondent surtout à l'infection chronique par les Halteridium, dont il confond, du reste, les phases jeunes et arrondies avec celles des Proteosoma. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 153 mentation. Dans chaque spore se forment des sporozoïtes, avec un reliquat de différenciation : ce sont des disporées. Certes les points de contact entre ces deux formes parasitaires sont nombreux : leur aspect hyalin, leur pigmentation, leurs formes de dégénérescence à flagelles, enfin le fait qu'elles coexistent souvent dans le sang du même oiseau, ont pu donner aux divers auteurs qui soutiennent l’hypothèse unitaire des arguments en faveur de leur théorie. Nous ne croyons pas que le doute que nous exprimions dans une note préliminaire (48) soit permis. Certes, on trouve souvent dans le sang du même oiseau les deux formes parasitaires ; on peut les voir même se succéder, ou plutôt on peut voir survenir tout à coup des Proteosoma dans le sang d'oiseau infesté d’Aalteridium. D'autre part, on peut voir que les Alouettes, les Pinsons, possèdent les deux formes. Mais peut-on, sur des faits de ce genre, plaider la cause d’un dimor- phisme évolutif vrai? De ce qu’on trouve dans le même organe d'un même animal deux parasites ayant leur structure, leur cycle évo- lutif et leur reproduction différentes, malgré leur ressemblance plus ou moins apparente, doit-on penser qu'ils dérivent d'une même forme jeune ? Les sporulations, la structure des formes adultes, sont déjà des caractères suffisants pour différencier les Proteosoma monosporés des Aalteridium disporés. Deux autres arguments achèveront de détruire cette idée de dimorphisme ou de polymorphisme qui est si antizoologique. Le premier de ces faits, c’est que, s'il arrive chez les Pinsons et les Alouettes de trouver les Æalteridium et les Proteosoma, il arrive de ne rencontrer chez d’autres oiseaux qu’un seul de ces parasites. Chez les Étourneaux (Sfurnus vulgaris), nous n’avons jamais trouvé que des Æalteridium; de même chez le Geai (Garrulus glandarius). Nous avons conservé en captivité de longs mois des Pinsons infestés d'Halteridium, sans voir apparaître dans le sang des Proleosoma. 154 ALPHONSE LABBÉ, D'autre part, si l’on injecte dans les veines ou dans la trachée d’un de ces oiseaux, non infesté, du sang d’un oiseau de même espèce contenant des parasites, on n'obtient que des parasites de même espèce. Si le sang contenait des A/alteridium, l'oiseau injecté est infesté d’AHalteridium, et l’on ne voit apparaître aucun Proteo- soma, L'injection, qui réussit deux fois sur cinq en moyenne, ne fait donc que continuer l'infection. Toutes ces considérations nous font admettre que les Æalteridium et les Proteosoma représentent deux genres distincts. On nous dit bien que le dimorphisme peut n'être pas continu; que l'infection aiguë (par les Proteosoma) peut n'apparaître que très longtemps après l'infection chronique (par les Aalteridium), et qu'une poussée aiguë peut survenir subitement au milieu de l'infec- tion chronique. C’est là une hypothèse toute gratuite, dérivée des idées de R. et de L. Pfeiffer sur le dimorphisme de reproduction chez les Cocci- dies. De ce qu’on peut trouver dans une maladie diarrhéique aiguë (rare) des jeunes lapins des Z'imeria à côté du Coccidium per forans, chronique chez ces animaux, il ne s'ensuit nullement qu'il y aït un dimorphisme et que les jeunes Coccidium puissent se développer en Eimeria. Dans nos recherches sur les Coccidies!, nous avons dit à plusieurs reprises qu'il importait de se réserver sur cette question, d’ailleurs quasi-irrésoluble ; que nous n’avions jamais trouvé d'Æimeria à côté des Coccidium tenellum ou des Diplospora Lacazei, dans l’in- fection coccidienne aiguë des Oiseaux et en particulier des Passe- reaux; qu'enfin, si nous avions trouvé dans ces cas de nombreuses divisions de Coccidies intracellullaires, nous n’avions jamais vu de divisions plus complètes et des sporozoïtes dérivés de ces divisions. Certes les cas de dimorphisme existent dans le règne animal; mais il faut se réserver sur des cas comme ceux en présence desquels ‘ 1 Comptes rendus de l’Académie des sciences, 5 juin et 18 septembre 1893 ; Archives de Zoologie expérimentale, 1893, fase, 2, p. 267-280, PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 155 nous nous trouvons. Dans l’état présent de la science, nous croyons qu'il vaut mieux créer deux genres pour deux organismes, qui, quoique voisins de structure et d'habitat, ont une évolution et une reproduction différentes, qu'émettre l'hypothèse peu facile à véri- fier, de dimorphisme ou de polymorphisme". Nous pouvons donc considérer les Æalteridium et les Proteosoma comme deux genres distincts. Mais la discussion des espèces est plus difficile. Grassi et Feletti ne distinguent qu’une seule espèce d’Æal- teridium H. Danilewsky, commune à tous les oiseaux qu'ils ont examinés, et trois espèces de Proteosoma, qu’ils dénomment subre- licta, subpræcox et subimmaculata. Celli et San Felice, par contre, distinguent une espèce d’Aæmo- proteus pour chaque oiseau qu'ils ont trouvé infesté. Nous avons : Ææmoproteus alaude, fringillæ, Danilewskyi (Cor- beau), noctuæ, passeris, etce., chacune de ces espèces ayant une, deux, trois formes de développement. Nous allons prendre, l’un après l’autre, chacun de ces points. Tout d’abord, y a-t-il plusieurs espèces d'ÆHalteridium, comme le veulent Celli et San Felice? ou bien une seule espèce, comme le veut Grassi ? Nous ne pouvons, certes, trouver de grandes différences spécifiques entre les divers /alteridium que nous avons observés, mais il est certain que des Æalteridium d'Alouette injectés à des Pinsons ne reproduisent pas l'infection; de même des Æalteridium de Pinson injectés à des Alouettes ne vivent pas dans le sang de celles-ci. Faut- il voir dans ces faits, sans doute causés par la différence des globules et la différence de composition chimique du sang, une preuve en faveur d'une double spécification ? Nous ne le croyons pas, mais nous pensons que, dans l’ÂZaléteridium, il peut exister des variétés, 1 Il ne faudrait pas déduire de là que l'hypothèse phylogénétique de la descen- dance d’une forme commune soit insoutenable. Il est évident que l'influence du milieu sanguin a dû être considérable, Mais nous ne pouvons soutenir nos deux genres qu’au point de vue ontogénétique, et l'hypothèse darwinienne d’une même souche primitive nous entraînerait trop loin. 156 ALPHONSE LABBÉ. qui diffèrent suivant l'hôte, et ne sont pas transmissibles d'espèce à espèce. Pourtant, il ne serait pas impossible qu'il y eût plusieurs espèces d'AHalteridium. Mais les seuls Æalteridium que nous connaissons, ceux de l’Alouette, du Pinson, de l'Étourneau, appartiennent vrai- semblablement à une même espèce, possédant plusieurs variétés. I] est possible que les Æalteridium des Rapaces constituent une autre espèce, différente de celle-ci que nous pouvons nommer Hal- teridium Danilewskyr. Y a-t-il plusieurs espèces de Profteosoma? Les auteurs italiens s'entendent pour admettre plusieurs formes. En mettant à part le Proteosoma subimmaculata de Grassi, nous trouvons deux espèces (Grassi), deux formes d’une même espèce (Celli),que nous pouvons dénommer avec Grassi : Proteosoma subpræcox et P. relicta. Sont-ce vraiment des espèces distinctes ? Il est certain que la sporulation, petite dans un cas, considérable dans l’autre, est très différente. Ce serait certainement un caractère suffisant pour constituer deux espèces, si la forme subpræcox et la forme zelicta ne coexistaient pas le plus souvent. Nous ne pou- vons trancher la question, car chez tous les oiseaux que nous avons trouvé infestés de Proteosoma, les sporulations étaient indifférem- ment petites ou grandes, el il y avait tous les passages. Nous aurions donc plutôt une tendance à ne considérer qu'une seule espèce de Proteosoma pouvant avoir des sporulations plus ou moins précoces. Nous pensons en tout cas, avec Grassi, que les Proteosoma des Oiseaux, du moins ceux que nous avons étudiés, appartiennent à la même espèce. Nous les baptiserons Proteosoma Grassii, les dédiant à celui qui a découvert le parasite à développement rapide des Oiseaux el son mode de sporulation. En résumé : Les parasites endoglobulaires désignés par Danilewsky, sous le nom de Pseudovacuoles, forment deux genres bien distincts : CE CR LS | | PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 157 je Le genre Aalteridéum : H. Danilewskyi, comprenant plusieurs variétés (alaudæ, fringillæ, etc.); 2% Le genre Proteosoma : P. Grassi. HALTERIDIUM, NOV. GEN. Parasites endoglobulaires du sang des Oiseaux, caractérisés par des formes allongées, placées à côté du noyau de l’hématie ; ces formes donnent naissance par division du noyau vésiculaire primitif à des formes haltéridiennes pourvues de deux noyaux subterminaux ; chacun de ces noyaux est le noyau d’une spore nue qui se divise en un certain nombre de sporozoïtes groupés en rosace où en morula autour d’un reliquat de différenciation. Entre les deux spores s'étend une bande protoplasmique, qui se résorbe lors de la formation des sporozoïtes, et a la signification d’un reliquat de segmentation. Sans action sur le globule ni sur l'organisme, ces parasites réduisent cepeu- dant l’hémoglobine en mélanine. Il y a une phase de dégénérescence à /lagella. Le développement se fait en six ou sept jours. Une seule espèce (?) comprenant de nombreuses variétés. * Halteridium Danilewskyt Grassi. PROTEOSOMA, NOV. GEN. Parasites endoglobulaires du sang des Oiseaux, caractérisés par une double forme : 1° Forme amæboïde à pseudopodes couris et peu actifs, souvent affectant une forme triangulaire ; 20 Forme allongée pyriforme ou fusiforme. Ces deux formes, munies d’un même noyau vésiculaire très grand à nucléole excentrique, aboutissent à une forme ronde qui est une spore nue ; celle-ci, par segmentation, donne tantôt quelques {5-10) sporozoïtes groupés en rosace autour d’un reliquat, tantôt un très grand nombre (20-30). Ces parasites réduisent l’hémoglobine en mélanine, refoulent le noyau du globule, ont une action pathogène sur l'organisme ; il ÿ a un stade de dégéné- rescence à flagelles. Le développement se fait de trois à cinq jours. Une seule espèce (?) comprenant peut-être plusieurs variétés (?). Proteosoma Grassii, nov. sp. Il nous reste à étudier les autres formes décrites par Danilewsky, en particulier les Pseudovermiculi, car nous renvoyons à un chapitre suivant l'étude du Polymitus. 158 ALPHONSE LABBÉ. 4° Drepanidium avium, Danil. Sous ce nom, nous désignons provisoirement un parasite très voisin des Drepanidium, que Danilewsky a décrit chez les Oiseaux et qu’il nomme Pseudovermiculus ou AHemogregarina avium. Il se présente, d'après Danilewsky (4), sous l'aspect de vermicules longs de 40 à 47 p, qu'on peut rencontrer dans le sang des Chouettes, des Pies-grièches ; il est très comparable par sa structure el ses mouvements lents, vermiformes, avec des étranglements transver- saux, aux Hémogrégarines des Vertébrés à sang froid. Ces Pseudo- vermiculi ont un protoplasma grisâtre, quelquefois aux extrémités du corps des grains ronds, d’un gris mat, et un noyau central, vési- culaire. D'autre part, dans un travail plus récent, Danilewsky (36) figure des cytocystes, qu’il a trouvés dans la rate de certains Oiseaux (pl. I, fig. 37 à 43). Ces cytocystes se trouvent dans la rate, et renferment de nombreuses granulations ainsi que cinq à dix corpuscules falci- formes, qui ressemblent bien aux jeunes Pseudovermicules. | En rapprochant les figures et les trop courtes descriptions de Da- nilewsky, on pourrait donc conclure au développement complet d'un organisme très voisin des Drepanidium. Mais Danilewsky pense que les Pseudovermicules sont des Laverania mobiles. Îl a, en effet, observé les faits suivants, qui méritent par leur im- portance d’être confirmés : Dans le sang des Chouettes, des Pies-grièches, des Rolliers, on peut voir de nombreuses sphères protoplasmiques de 7 à 9 p., pigmentées, causant par leur taille la dégénérescence de l’hémalie dont le noyau est relégué. Au bout de quelque temps, sous les yeux de l'observateur, se développent, aux dépens de ces sphères, des Pseudovermicules semblables aux précédents, mais plus petits généralement. 1 Prairrer (5, G) figure également des kysles qu'il aurait trouvés dans la rate d'un Falco tinnunculus (p. 90, fig. 40) ayant de 10 à 14 y. de longueur, remplis de pig- ment et renfermant de quatre à huit croissants. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTEBRÉS. 159 Jamais nous n’avons trouvé le moindre Pseudovermicule chez les Oiseaux que nous avons étudiés. Il en est de même de Grassi, qui n’a jamais observé ces parasites, et qui pense comme nous qu'ils ne sont pas identiques avec ses Laverania. Nous ne pouvons mettre en doute les observations du savant pro- fesseur de Karkow, mais nous ferons deux remarques : la première, c’est que le phénomène de transformation ci-dessus ne se montre que dans le sang mélangé avec la solution à 0,6 pour 100 de chlo- rure de sodium, et que c’est seulement sur des préparations aban- données pendant plusieurs heures que les Pseudovermicules se forme - raient. On peut donc supposer quelque phase anormale d'un Cytozoon (Laverania ou Hæmamæba). D'autre part, il n’y a pas trace de vermicule dans la sphère plas- mique qui est chargée de pigment et ne montre pas de noyau ; or, le Vermicule, qui ne possède pas de pigment, mais a un noyau vésicu- laire, en se développant abandonne la capsule, en quelque sorte, de cette sphère plasmique, ainsi que les granulations pigmentaires, et le noyau apparaîtrait alors subitement. « Les grains noirs, dit Danilewsky, ne passent pas dans la sub- stance du Pseudovermiculus, et restent près du noyau de l’hémocyte (p. 14). 9 Faut-il alors supposer, comme le pense Danilewsky ‘, que le para- site, qui est une Hémogrégarine, peut se développer, soit solitare- ment, soit en plus grand nombre ; dans le premier cas, il n’y aurait dans le cytocyste qu’un seul sporozoïte; dans le deuxième cas (cyto- cystes de la rate), il s’en formerait un plus grand nombre. Cela dé- pendrait de l'intensité de l'infection. Cette opinion, toute vraisemblable qu’elle parait être, étant donnés les faits étranges sur lesquels elle s'appuie, est cependant assez diffi- Cile à admettre pour qu’on puisse demander aux observateurs de nouveaux faits. Quoi qu'il en soit, nous ne pensons pas que ces Âre- 1 C'est là du moins l'opinion qu'émet Danilewsky dans une lettre qu'il m’a fait l'honneur de m'écrire le 25 décembre 1898. 160 ALPHONSE LABBÉ. panidium avium aient aucun point de contact, si ce n’est l'habitat, avec les autres parasites du sang des Oiseaux. IV LES PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DE L'HOMME. En 1880, Laveran a découvert, dans le sang d'individus atteints de fièvres intermittentes, des parasites endoglobulaires, qui sont tres voisins de ceux que nous venons d'étudier. Dans une note du 24 décembre 1880”, Laveran décrit ainsi qu'il suit les éléments qu'il a rencontrés : Corps n° 4. Ce sont des éléments allongés, plus ou moins effilés, quelquefois ovalaires, ayant de 8à 9 de long sur 3 p. de largeur. Les contours sont indiqués par une ligne très fine; le corps est Inco- lore, transparent, sauf vers lalpartie moyenne où se trouve une tache noirâtre, paraissant formée par des granulations pigmentaires, ayant parfois une disposition régulière ; une ligne courbe, pâle, relie par- fois les extrémités. Ils ne paraissent pas doués de mouvements. Corps n° 2. Au repos, ce sont des corps sphériques, transparents, à contours fins, ayant 6 m en moyenne el renfermant des granula- tions pigmentaires disposées en couronne. À l’état de mouvement, on voit sur leurs bords des filaments transparents ayant des mouve- ments rapides comme ceux des Anguillules, ayant trois ou quatre fois la longueur d’un globule rouge ; leur extrémité libre est parfois renflée ; ils communiquent au corps sphérique un mouvement oscil- latoire. Les filaments se détachent bientôt du corps ei continuent à se mouvoir. Les corps sphériques changent de forme comme des Amibes, s’allongent et s'étalent. Les corps n° 3, en général sphériques, sont plus grands que les précédents. Ils ont de 8 à 10 p. et même davantage, sont légèrement 1 Société médicale des hépilaux et Notes à l'Académie de médecine, 13 novembre et 28 décembre 1880. R PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 161 sranuleux, immobiles, n’ont pas de filaments, sont irès déformables, et leurs granulations sont répandues uniformément. En outre, on voit de petits corps arrondis, brillants et mobiles, et des granulations pigmentaires rouge-feu ou bleu clair; ces der- nières sont libres, ou incluses dans les corps n° 3 ou les leucocytes. Le pigment bleu paraît résulter de la transformation du pigment rouge-feu. Tous ces éléments sont bien des parasites; les corps n° 3 sont des transformations post mortem du corps n° 2. Les corps n° 1 peuvent se transformer en corps ovalaires, puis sphériques. « S'agit-il d'un Amibe, ou bien les corps n° 4 et n° 2 ne sont-ils produits que par l’agglomération dans des espèces de kystes (formés peut-être aux dé- pens des éléments normaux du sang) de parasites, qui, à l'état par- fait, seraient représentés par les filaments mobiles des corps n° 2, filaments qui se détachent parfois de ces corps pour vivre d'une vie indépendante? Cette dernière hypothèse me paraît la plus pro- bable. » (Loc. cit.) Les corps brillants mobiles représentent probable- ment une phase première de l’évolution. « Il n’est pas rare de voir ces petits corps s’accoler à un globule, et faire effort, si j'ose ainsi dire, pour pénétrer à l’intérieur. » (Loc. cit.) Nous avons cité tout au long le premier mémoire de M. Eaveran, parce qu'il est la base de toutes les recherches faites sur cette question. Dans ses publications ultérieures, Laveran complète et précise certains faits. Il donne le nom ‘ de corps en croissant aux corps n° À, de corps Sphériques aux corps n° 2, dans lesquels il fait rentrer les petits para- sites mobiles. Il pense que les parasites sont seulement accolés à l’'hématie, « qui paraît se creuser pour recevoir ces corps ». Quant aux corps n° 3, ce seraient des formes cadavériques. [l suppose que les corps n° 1 etn° 2 « sont des espèces de kystes renfermant les élé- 1 Sociélé médicale des hôpitaux, avril 1882. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN:— 3€ SÉRIE. == T, Il, 1894. ii 162 ALPHONSE LABBÉ. ments parasitaires à l’état d'œufs ou d’embryons. Lorsque les em- bryons se développent, ils deviennent mobiles ; on a alors les corps n° 2, renfermant les grains pigmentés, mobiles, qui, après s'être dé- battus quelque temps pour se dégager du kyste, finissent par devenir libres dans le sang. » (Loc. cit.) La découverte de Laveran, fort discutée tout d'abord par ceux qui, comme Tommasi Crudeli, Marchiafava et Celli, Mosso, Mara: gliano, etc., croyaient voir dans les Hématozoaires de Laveran des altérations des hématies, fut bientôt vérifiée par un très grand nombre d’observateurs et par ceux-là mêmes qui, au début, l’atta- quaient. Des travaux importants, dus en grande partie aux auteurs ita- liens, complétèrent les notions que Laveran avait données sur ses Hématozoaires. Marchiafava et Celli trouvèrent, en 1888, les stades de sporulation‘. Golgi, dans une suite de travaux extrêmement re- marquables, montra que chaque accès fébrile était en corrélation avec le cycle de développement d’une génération de parasites ; il établit ce cycle de développement, montrant qu'il était de deux jours dans la fièvre tierce, de trois jours dans la quarte ; que ces deux sortes de fièvre étaient déterminées par des parasites différents (quoique non irréductibles), et ayant des sporulations différentes ; enfin, que la quotidienne n'était pas un type «a se, mais que c'était une forme complexe de plusieurs générations de parasites. Metschnikoff (57) avait déjà montré que ces parasites étaient des Coccidies. D’autres observateurs étudièrent mieux la structure des parasites ; tels Celli, Guarnieri, San Felice, Grassi et Feletti, Manna- berg, etc. Il serait trop long de citer tous les travaux qui complé- ièrent les notions que Laveran avait données de ces Hématozoaires. Nous renvoyons aux ouvrages généraux de Laveran (3) et de Manna- berg (8) pour l'historique de la question. Nous nous contenterons de résumer, à propos de chaque partie que nous étudierons, les diverses opinions. 1 Corps en rosetle de Laveran. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 163 Structure. — Les parasites amæboïdes de la malaria méritent peu, le plus souvent, la dénomination de corps sphériques que leur a donnée Laveran, car ils présentent d'ordinaire des prolongements sarcodiques plus déliés dans la fièvre tierce que dans la quarte, et ne prennent guère une forme ronde que quand ils sont très jeunes ou quand ils ont envahi la presque totalité du globuie sanguin. Le protoplasma, hyalin à l’état frais, apparaît, sous l'influence des réactifs, comme finement granuleux et vacuolaire. La structure est celle d’un Amibe et ne diffère pas de celle des Proteosoma et Dacty- losoma. L’ectosarque, surtout chez les jeunes individus, renferme des gra- nulations pigmentaires ! périphériques. Ces granulations pigmen- taires se répartissent souvent un peu partout chez les grandes formes, mais ont cependant une prédilection marquée pour l’ectoplasme. Le pigment se présente sous la forme de petits granules noir bril- lant ou jaune ocre, quelquefois rougeâtre *. Très abondant chez les grandes formes, il manque chez les plus jeunes formes, ainsi que dans les spores. De même que chez les Æalteridium et les Proteosoma, il provient de la désassimilation de l’hémoglobine *. L'entosarque où entoplasme, de structure vacuolaire, renferme Île noyau. Le noyau, qui n’a pas été vu par Laveran, a été, pour la première fois”, décrit d’une facon complète, en 4890, par Grassi et Feletti (63). 1 ManNABERG (loc. cit., p. 24) voit dans ce fait une exception à la règle commune des Protozoaires qui ne renfermeraient des granulations que dans leur entoplasme. Or, à l'exception des granules plastiques, qui semblent une transformation allotro- pique du protoplasme, les granulations chromatoïdes et autres de presque tous les Protozoaires sont absolument super ficielles et sont une dépendance de l’ectoplasma. Les Hématozoaires malariques ne constituent donc pas une exception. 2 Laveran a même signalé un pigment bleu clair et un autre rouge-feu » 3 Marchiafava, dès 1879, avait montré que le pigment était un résidu de l’hémo- globine. En 1884, Marchiafava et Celli, d'une part, Laveran, de l’autre, ont fait voir que le pigment mélanique était un produit de désassimilation de l’hémoglobine par le parasite (5 4). k Dès 1889, Celli et Guarnieri avaient trouvé le noyau ; mais ils appelaient noyau ce qui était en réalité le nucléole, et ils donnaient à la partie vésiculaire du noyau 164 ALPHONSE LABBÉ. C’est un noyau vésiculaire pourvu d'une fine membrane nucléaire, et possédant un nucléole colorable excentrique. Les recherches plus récentes de Romanowsky (64) et de Mannaberg (68) ont con- firmé et précisé l’évolution et la structure de ce noyau. Le noyau est constitué par une sorte de sac vésiculeux, entouré d’une fine membrane, souvent peu visible ; à un des pôles se trouve le nucléole, seule partie colorable, très petit relativement au volume du noyau, qui est tres considérable. Il y a parfois deux, même trois nucléoles. Romanowsky a même décrit un peloton chromatique dont l'existence est assez problématique. Un tel noyau ne diffère pas de ceux que nous avons étudiés chez les Proteosoma et même chez les Halteridium. Seulement, chez l'Hé- matozoaire malarique, le volume du nucléole est extrêmement petit, relativement au volume total du noyau. Le développement de ce noyau est, du reste, absolument compa- rable à ce qui se passe normalement chez les autres parasites endo- globulaires. Dans les spores, où le noyau apparaît comme une pelite vésicule brillante, il n’y a d’abord qu'un granule de chromatine. Celui-ci s’entoure bientôt d’une aire claire, et les jeunes individus ont la forme d’un petit croissant protoplasmique, dont les extrémités sont jointes par le granule nucléinien. Au fur et à mesure que le para- site grandit, le noyau s'accroît également. Le nucléole, très rare- ment central, prolifère et est souvent enserré dans un petit réseau de chromatine. Une membrane se forme autour de l’aire claire pri- mitive, et l’on obtient le noyau vésiculeux normal. D’après Mannaberg, ce noyau devient plus tard une masse colorée et montre beaucoup de chromatine, qui proviendrait du cytoplasme à travers la membrane nucléaire ; puis cette membrane nucléaire disparaît, et l’on peut dire qu'il n'y à plus de noyau. Cette dégé- le nom d’entoplasme, réservant celui d’ectoplasme pour le reste de la substance plas- matique. L’ectoplasme de Celli et Guarnieri répond donc en réalité à l’ectoplasme et à l’entoplasme des autres auteurs (89). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 163 nérescence du noyau est, du reste, discutée par Grassi et Feletti. Nous avons dit que le noyau vésiculaire du parasite malarique était comparable à celui des autres parasites Voisins, Il y a pourtant une différence sur laquelle il importe d'insister. Lorsqu'on fait une préparation de sang malarique qu'on colore par le bleu de méthylène, le noyau apparaît comme un espace cen- tral incolore et le nucléole se colore en bleu foncé'. Si l’on traite par l’éosine, le noyau se colore en rose, de la même facon que les hématies ou les vacuoles du cytoplasme. Or, chez tous les autres Sporozoaires, chez les Amœæbiens, la partie amorphe du noyau resie toujours incolore par l’éosine, et si elle se colore, elle se colore faiblement par le bleu de méthylène. Dans un noyau vésiculaire de Sporozoaire ou de Rhizopode, chez lequel la chromatine s’est réfugiée dans le nucléole, il y a toujours, extérieu- rement à ce nucléole, une partie qui résiste aux colorations et qu'on peut considérer comme remplie de suc nucléaire. Chez les parasites malariques il n’y a donc pas de suc nucléaire incolore, et le noyau vésiculaire se comporte comme une vacuole. Seulement, c'est une vacuole qui renferme un élément chromatique. Ges considérations nous empêchent de nous associer complètement à ceux qui homo- loguent un tel noyau à celui des autres Protozoaires, et nous pensons que, s’il faut considérer le noyau tel que nous venons de le décrire comme homologue biologique, il ne faut pas l'homologuer morpholo- giquement avec les autres noyaux. Les mouvements des corps amœæboïdes ont été vus, dès 1880, par Laveran, chez les formes flagellées, ainsi que les mouvements des flagelles. Nous étudierons ces mouvements au chapitre suivant. Les Amibes endoglobulaires présentent des mouvements souvent assez vifs, que Marchiafava el Celli ont vus, pour la première fois, chez les jeunes formes apigmentées. En outre, le pigment présente un mouvement endogène, bier étudié par Laveran. 1 Le bleu de méthylène boracique de Malakowsky est surtout excellent pour cette démonstration. 166 ALPHONSE LABBÉ. L'action du parasite sur les globules se traduit par l’hypertrophie des globules, surtout dans la tierce, où les globules acquièrent trois ou quatre fois le volume normal. La place du parasite dans les globules a été fort discutée. Pour Laveran, dont l'opinion, du reste, n’est guère soutenable, les para- sites sont simplement accolés au globule. Richard, le premier, a montré que le parasite était absolument endoglobulaire, ce qu'ont confirmé ensuite Marchiafava et Gelli. Reproduction. — Laveran a déjà fait voir que les parasites jeunes qui peuvent se conjuguer dans les hématies, s’y peuvent aussi diviser. Quant à l'opinion première de Laveran, de la reproduction par les flagelles, elle est inadmissible. | Marchiafava et Gelli? ont, les premiers, étudié la sporulation chez les petits parasites des fièvres pernicieuses. Mais le cycle a surtout été vu par Golgi. Le cycle est le suivant : Une petite forme amæboïde, sans pigment, grandit, désintègre peu à peu l’hémoglobine du globule où elle a pénétré, acquiert du pig- ment, puis, plus ou moins précocement, se divise en un plus ou moins grand nombre de sporozoïtes. Il y a toujours un reliquat, sur- tout formé par le pigment qui ne passe jamais dans les sporozoïtes: Dans la fièvre quarte, il se forme des sporozoïtes groupés en rosace ; ces sporozoïtes sont peu nombreux. Dans la fièvre tierce, les sphé- rules forment une morula et sont plus nombreux. La division du noyau se ferait par division directe pour Grassi, par karyokynèse pour Romanowsky. On ne peut s'empêcher de considérer quelle extrême analogie il y a entre la structure et l’évolution d’un tel organisme et celle des Proteosoma et des Dactylosoma. La complication provient des deux formes accessoires, désignées par Laveran sous le nom de formes flagellées et de corps en croissant. 1 Comptes rendus de l’Académie des sciences, 20 février 1882. 2 Archivio per le scienze mediche, 1886. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 1467 Formes flagellées. — Nous n'en parlons que pour mémoire. Nous pensons que ce sont des formes dégénératives analogues à celles des Proteosoma et des {alteridium, et nous les étudierons spécialement au chapitre suivant. Corps en croissant.— Nous avons vu quelle était la description que donne Laveran de cette forme. Ces petits corps semi-lunaires ayant un double contour, et par conséquent une cuticule, ont un proto- plasme hyalin, montrent après coloration denombreuses granulations chromatoïdes, et ordinairement présentent, par le bleu de méthylène et autres couleurs d’aniline, une plus forte coloration des pôles. Le pigment, rassemblé généralement au centre, y offre presque con- stamment une disposition particulière ; il est divisé en deux groupes, qu'on a comparés ! à des figures karyokynétiques. Ce pigment cache d'ordinaire le noyau, que de nombreux observateurs (Sacharoff, Grassi, Mannaberg, etc.) ont pu cependant étudier. Jamais les croissants n’ont de mouvements amæboïdes. Laveran a constaté, dès longtemps, qu’ils pouvaient passer insen- siblement de la forme semi-lunaire à une forme ovalaire, puis sphé- rique. Les croissants se développent dans les hématies par de petits corps amæboïdes au début, qui prennent bientôt une forme allongée, puis semi-lunaire, et grandissent dans l’hématie, dont la membrane per- siste bientôt seule autour d’eux. Mannaberg, dont les recherches du reste n’ont pas été vérifiées, a montré qu'ils dérivent de la conjugaison de deux petits corps amc@æ- boïdes, possédant chacun un noyau, de telle sorte que dans un crois- sant adulte persisterait une cloison et deux nucléoles distincts, ainsi qu'une disposition symétrique du pigment. Quelque intéressante que soit cette découverte, elle mérite cependant confirmation. Tant d'hypothèses ont été émises sur ces corps en croissant ! Il pa- rait bien évident en tout cas que ce ne sont pas des formes stériles, 1 ManwarerG (68, 69); BaBés et GneorGiu (34). 168 ALPHONSE LABBÉ, comme le eroient Bignami et Bastianelli', ou des kystes vides d’où se sont échappés les flagella, comme l’assure Coronado *. Grassi et Feletti, Babès et Gheorgiù ont décrit et figuré très nettement des cas de segmentation * transversale. Les formes en croissant constituent-elles un genre spécial d'Héma- tozoaire, comme le veulent Grassi et Feletti? Rien ne le démontre, car si la plupart des observateurs ont surtout constaté leur présence dans les fièvres quotidiennes, dans les fièvres continues et irrégu- lières, cependant Laveran les a observés un peu dans toutes sortes de fièvres, même dans des cas de tierce et de quarte. Cette question nous mène à la suivante : Le parasite de la malaria constitue-t-il une espèce unique, poly- morphe ? Il est, certes, difficile de trancher cette importante question. La clinique est, dans cette occasion, d’une grande utilité, car il parait bien démontré, encore que M. Laveran ne soit pas de cet avis, qu'il y à un rapport immédiat de causalité entre la forme parasitaire et le type de fièvre ; rien n’est plus discuté et plus discutable que ces types de fièvres, qui varient avec le climat et la latitude. Les deux variétés de Golgi, pour la tierce et la quarte, paraissent assez bien établies avec les caractères suivants : Parasite de la quarte. — Tendance du parasite à se contracter; pro- toplasma plus granuleux ; pseudopodes plus courts et moins agiles ; sporozoïtes peu nombreux (6, 42), souvent en rosette. Développe- ment en soixante-douze heures. Parasite de la tierce. — Tendance du parasite à s'étendre ; pro- toplasma plus fin; pseudopodes longs et agiles; sporozoïtes plus nombreux (45,20), groupés en morula. Développement en quarante- huit heures, Ces deux variétés sont acceptés par presque tous les auteurs, sauf t Riforma medica, 1890. 2 Centralbl. f. Bakl. u. Parasit., 1892. 3 OQuelques-uns de ces as sont, pour Mannaberg, des cas de conjugaison. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 169 par Laveran, qui dénomme indifféremment corps sphériques les para- sites de la tierce et de la quarte. Mais, tandis que les uns en font des variétés réductibles, les autres en font des variétés irréductibles, et Grassi et Feletti ont même créé des espèces. À ces deux variétés si voisines vient s’ajouter, dans la quotidienne, la forme en croissant. Mannaberg résume, ainsi qu'il suit, l'infection parasitaire dans les divers types de fièvre : 4° Dans la quarte, le parasite de la quarte (Golgi) ; 2 Dans la tierce, le parasite de la tierce (Golgi) et celui de la tierce maligne (Marchiafava et Bignami) ; 3° Dans la quotidienne, le parasite de la quotidienne (Marchiafava et Celli) ou deux générations de parasite tierce (avec vingt-quatre heures d'intervalle), ou trois générations de parasite quarte (avec vingt-quatre heures d'intervalle) ; 4 Dans les fièvres continues et irrégulières, plusieurs générations de parasite de la quotidienne ou plusieurs générations de parasites tierce et quarte. Pour étudier les différences entre le parasite tierce et le parasite quarte, on a essayé des inoculations. Les nombreuses inoculations faites par Antolisei, Gualdi, Angelini, n’ont pas toujours réussi à re- produire le iype de la fièvre inoculée. Mannaberg, plus heureux, a observé, quatorze fois sur seize, une relation complète entre la forme de la fièvre et la forme du parasite inoculé. Il semble donc à peu près établi que les parasites tierce et quarte constituent des variétés d’un même parasite, variétés qui ne sont peut- être pas absolues et irréductibles. Quant aux croissants, leur spécificité semble bien mal établie. Nous devons, en effet, constater, avec Laveran, qu’ « à l’état nais- sant et à leur phase terminale, les corps en croissant se confondent avec Les corps amæboïdes; que de petits éléments sphériques don- nent naissance à ces deux formes parasitaires ». Nous pensons donc que, de même que chez les Proteosoma et les Halteridium, nous avons 470 ALPHONSE LABBÉ. vu le parasite prendre soit une forme allongée, pseudo-grégarinienne, soit une forme amæboïde; ces deux formes aboutissant uniformé- ment à une forme ronde, puis à la sporulation, de même, chez le parasite de la malaria, que nous pouvons appeler Aæmamæba Lave- rani, nous pouvons voir deux formes parasitaires différentes : l’une allongée, semi-lunaire, l’autre amæboïde. Nous pourrons donc donner du parasite de la malaria la diagnose suivante : BÆMAMŒBA GRASSI. Syn. Hæmatophyllum Metschnikoff, Oscillaria Laveran, Plasmodium Mar- chiafava et Celli, Ææmatomonas Oslér, Hæmamæba + Laverania Grassi et Feletti. Parasites endoglobulaires du sang de l’homme caractérisés par un dimor- phisme de structure : 1o Des formes amæboïdes à mouvements assez vifs ; 90 Des formes allongées, semi-lunaires, immobiles. Ces deux formes, à protoplasme hyalin, à structure d'amibes, douées d’un noyau vésiculaire à nucléole excentrique, aboutissent à une forme ronde qui constitue une spore nue, Cette spore se divise en un petit nombre (quarte) ou en un grand nombre (tierce) de sporozoïtes nucléés groupés autour d’un reliquat et disposés en rosace ou en morula. Il y a un stade de dégénérescence à flagella. Les parasites réduisent l’hémoglo- bine en mélanine et ont une action pathogène sur l'organisme. Le développe- ment se fait en deux ou trois jours. Une seule espèce : Aæmamæba Laverani, comprenant des variétés A. L. var. quartana, H. L. var. tertiana. y POLYMITUS ET DÉGÉNÉRESCENCE FLAGELLAIRE. Si l'on examine une préparation de sang d'oiseau contenant des parasites endoglobulaires, surtout des grandes formes, que ce soient des Halteridium ou des Proteosoma, il est à peu près constant d'y rencontrer des formes que Danilewsky a dénommées Polymitus avium, et qui se présentent sous l’aspect de Corps protoplasmiques, PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. A7 ordinairement sphériques, sur les bords desquels trois ou quatre flagella, quelquefois davantage, s’agitent sans relâche. On ne peut refuser de voir dans les formes à flagelles, trouvées par M. Laveran dans la malaria, l'homologue des Polymitus ; aussi trai- terons-nous en ce chapitre à la fois des formes flagellées de la malaria de l’homme et de celles du sang des oiseaux. L'intervention de cet organisme flagellé dans le cycle évolutif de ces parasites a fort intrigué les observateurs, et de très vives discus- sions ont eu lieu sur sa nature et son individualité. Tandis que Laveran, Danilewsky, Pfeiffer, Mannaberg, les considè- rent comme des phases évolutives normales des parasites endoglo- bulaires de l’homme et des oiseaux, d’autres comme Grassi et Feletti, Celli et San Felice, ne veulent y voir qu'une forme de dégé- nérescence. Avant d'entrer dans la discussion, nous résumerons nos propres observations. 4° Æalteridium. — Dans le sang des Pinsons et des Alouettes contenant des Æalteridium, il est très facile de voir se former des Polymitus, dans la préparation même, aux dépens des formes moyennes ou haltéridiennes. Surveillons un de ces parasites encore endoglobulaire, la préparation de sang étant faite et lutée à la paraffine, sans aucun liquide additionnel. On voit aa bout de quelques minutes l’hématie se dissoudre en quelque sorte, la mem- brane s'étant rompue, et l'hémoglobine se dissout dans le sérum; en même temps, le parasite s’est arrondi brusquement. Une seconde a suffi pour cette transformation, et nous ne sau- rions assez insister sur la rapidité avec laquelle le parasite s’arrondit et l'hématie disparaît, Parfois, le parasite, lorsqu'il est assez petit, s’arrondit sans rompre la paroi du globule; on peut alors avoir un Polymitus intraglobulaire. La forme ronde’, une fois formée, diffère par son aspect grisâtre 1 Il faut bien remarquer que ce que nous entendons par polymitus ou par corps à flagelles, ce ne sont pas seulement des formes rondes quelconques, mais des formes 172 ALPHONSE LABBÉ, de l'apparence hyaline du parasite qui lui a donné naissance ; quel- ques travées de globuline la rattachent encore au noyau du globule qui persiste le plus souvent à côté d’elle. Bientôt les grains de pig- ment du parasite s’agitent d'un mouvement brownien très vif; le corps sphérique lui-même montre des mouvements saccadés d’oscil- lation, des pseudopodes ou des expansions sarcodiques semblables à des bourgeons naissent sur ses bords, y rentrant aussitôt pour réap- paraître ensuite. Il semble qu'une violente réaction chimique se produise dans l’organisme, et que cette réaction tende à la désorga- nisation du parasite. Enfin apparaissent quelques flagelles, un d’abord, puis deux, puis plusieurs : ordinairement, il n'y en à que quatre ou cinq ; nous en avons pourtant vu jusqu'à dix. Ces flagelles, très fins, très vifs, d'aspect hyalin, présentant des renflements terminaux ou non, ont des mouvements si agiles, qu'on à peine à les suivre. Bien- tôt, les flagelles se séparent du corps du parasite pour courir dans la préparation où leurs mouvements spirilliformes continuent quelque temps. Le Polymitus, une fois privé de ses flagelles, se vacuolise, et subit une rapide dégénérescence. Si on fixe une préparation de sang au sortir du vaisseau, il est bien rare d'y trouver des Polymitus. Qu'on attende une dizaine de minutes, et la préparation renferme de nombreux corps flagellés. Un Polymitus normal se présente alors sous la forme d'un corps sphérique, d'aspect grisâtre; le protoplasma fibrillaire renferme de nombreux granules chromatoïdes. Peu de temps après l’aplatisse- ment et l'arrondissement d'un Halteridium, le pigment est encore orienté à deux des pôles du Polymitus qui en résulie. Mais bientôt le pigment, agité d'un vif mouvement brownien, se répand dans tout le plasma, et se tasse ordinairement en un Monceau. Le noyau ou les noyaux du Polymitus (car les Polymitus provenant d'une forme haltéridienne ont souvent deux noyaux) se montrent comme un espace clair, entourant un nucléole grisâtre. Ce noyau. comme rondes à flagelles, provenant soit d'un Halteridium, soit d’un Proteosoma, soit de l'Hæmamæba de la malaria. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 173 le protoplasme, est très facilement et très fortement colorable. Les flagelles ne sont pas les seuls organes du Polymitus, car on voit aussi sur ses bords de véritables fouets, et même des cils; mais ils sont les plus fréquents. Il est difficile de voir comment ils naissent, mais il est certain qu'ils ne sont pas préformés, et que les formes rondes qui se transforment en Polymilus n’ont d’abord pas de fla- gelles. Ils nous ont paru provenir de petits bourgeons ou expan- sions sarcodiques, hyalines et brillantes qu’on voit apparaître, dès le premier instant, sur les bords du Polymatus ; ces bourgeons s’allon- sent brusquement, et d'abord immobiles, manifestent ensuite les mouvements de flagelles. C’est de cette même façon que naissent les fouets vibratiles qu’on observe également. Les flagella, très longs, pouvant avoir sept ou huit fois la lon- sueur du corps protoplasmique, sont d’aspect hyalin, et présentent de distance en distance, ainsi qu’à l’extrémité terminale, des renfle- ments; ces renflements peuvent être mobiles et courir le long du filament comme des ondes. Les flagella sont difficilement colo- rables ; ils se colorent pourtant bien par le violet de gentiane et le bleu de méthylène en surcoloration ; ce sont de simples prolonge- ments de l’ectoplasme. Quoi qu’en dise Laveran, les flagella peuvent se ramifier ou s’anastomoser ; le fait pourtant est plutôt exception- nel, et d'ordinaire les flagella sont bien séparés. Les flagella, une fois séparés du corps, continuent leurs mouvements ondulatoires sans changer de nature; ils ne tardent pas du reste à s'arrêter. Les fouets vibratiles sont beaucoup plus courts que les flagella, les mouvements sont moins rapides et saccadés ; ils font tourner rapidement le corps du Polymitus sur lui-même, imprimant des mouvements de dislocation au noyau de l’hématie adjacent. Ces fouets, qui s'observent du reste plus rarement, sont de nature fibril- laire et non hyaline comme les flagelles. Je ne les ai pas vus se déta- cher comme ceux-ci de la sphère plasmique. Les cils s’observent encore plus rarement. J’ai pourtant deux fois constaté, sur le bord d’un Polymitus, des bouquets de cils, qui, du 174 ALPHONSE LABBÉ. reste, n'étaient nullement vibratiles. Je serais assez enclin à les con- sidérer comme de simples expansions sarcodiques”. Nous avons vu que, dans la plupart des cas, la formation du Po/y- mitus était précédée d'un arrondissement d’une forme quelconque d’Halteridium (formes moyennes surtout). Mais il n’en est pas tou- jours ainsi; dans nos préparations, nous avons des formes à fla- selles qui ne sont nullement rondes, mais affectent les formes les plus variables, semi-lunaires, triangulaires, etc. Nous avons eu même des cas dans lesquels des parasites en forme d'haltère don- naient lieu directement, sans s’arrondir, à des flagelles ; nous ayons figuré un cas semblable (pl. IX, fig. 34). 3 Proteosoma. — La formation d’un Polymitus aux dépens d'une forme amæboïde de Proteosoma ne diffère pas sensiblement de la précédente deseription. Seulement, chez les Proteosoma, la forme ronde se trouve toute réalisée par avance, et l'arrondissement du parasite n’est pas alors nécessaire. La dissolution de l’hémate se fait de la même facon, ainsi que la formation des flagelles. Il n’est pas nécessaire d’insister. 30 Hæmamæba. — Chez le parasite de la malaria humaine, le Poly- mitus existe aussi et se présente avec des caractères si homologues à ceux des Âalteridium et des Proteosoma, que nous n’aurons pas besoin d’insister beaucoup sur sa structure. C'est, en général, la même forme ronde, les mêmes mouvements pigmentaires, la même hypertrophie du corps, les mêmes flagelles qui se détachent pour courir dans la préparation. Comme chez les Oiseaux, il est nécessaire d'attendre quelques instants pour voir des corps flagellés dans la préparation. Enfin, les auteurs sont d'accord pour admettre qu’ils accompagnent tous les types de fièvre, c'est-à-dire toutes les formes parasitaires. Die Geis- selfäden (dit Mannaberg), Kommen bei allen Malariaparasiten vor. En général, ils se trouvent chez les individus en imminence d'accès, 1 Ceuu et San Feuice ont figuré, pl. VIE fig. 26, un Polymilus à flagelles ramifiés et à cils. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 175 c'est-à-dire associés aux grandes formes plus ou moins sphériques (Laveran, C. Terni et Giardina)‘'. Mais les formes moyennes encore endoglobulaires peuvent aussi, comme chez les Giseaux, se transfor- mer en Polymitus ; d'où la différence de taille que présentent souvent les Polymitus. Une figure de Marchiafava et Celli {&, pl. H) montre un parasite endoglobulaire déjà muni de flagelles. Laveran affirme (loc. cit.) qu'il est inexact que les flagella apparaissent sur les bords des corps sphériques de petit volume, et sur les bords des corps en croissant ; on ne peut cependant mettre en doute la figure des auteurs précédents, qui est très nette, et d'autre part, il est certain que, dans la quotidienne, le Polymitus est très différent comme taille de celui de la tierce (voir Celli et San Felice, pl. VII, fig. 18 et 49, et fig. 38). Pour ce qu'il s’agit des corps en croissant, il paraît rare que des flagelles se forment directement à leurs dépens, bien que le fait ait été observé par plusieurs auteurs, mais il est très commun, et nous l'avons pu observer nous-même dans un cas de quotidienne, de voir les croissants s’arrondir et des flagelles se développer alors sur ces formes rondes ; le Polymitus peut donc, quoi qu'en dise Laveran, se développer aux dépens des croissants”?. Discussion. — Avant d'émettre une opinion personnelle sur la na- ture du Polymitus, et de voir si cet organisme est un stade obligé, normal de nos trois genres parasitaires, ou bien si c’est une indivi- dualité zoologique ayant son évolution spéciale, en dernier lieu, si c’est une simple forme de dégénérescence, nous pouvons examiner les arguments fournis par les principaux auteurs pour soutenir. ces diverses opinions. Laveran, qui a découvert cette forme dans la ma- laria, lui a tout de suite attribué une grande importance. Il a bien décrit les flagelles, les mouvements oscillatoires et ceux du pigment, a montré que les mouvements des flagelles n'avaient rien à faire avec les déformations plus ou moins flagellaires des hématies, et 1 Rivista d'igiene e sanita publica, 16 mai 1890. 2 Plehn aurait même observé des spores avec des flagelles, mais le fait est plus que douteux. 176 ALPHONSE LABBÉ. constaté le fait qu’ « en général, les mouvements des flagelles s’ar- rêtent au moment où l'on commence l'examen, probablement sous l'influence du refroidissement, et souvent ils ne reparaissent que 20 ou 30 minutes après que la préparation a été faite ». Pour Lave- ran, les flagelles sont donc déjà préformés dans le sang, ei s'ils ne se voient pas tout d’abord, c'est que leurs mouvements se sont arrôtés”. « Ils paraissent être de petits kystes, dans l’intérieur desquels se développent les flagella qui, à un moment donné, percent, l’enve- loppe du kyste, et après s'être débattus un temps plus ou moins long, finissent par devenir libres. Ils représenteraient, par consé- quent, l’état adulte el parfait du parasite du sang des paludiques. » (Loc. cit.) — « Les flagella, dit-il plus loin, représentent les formes les plus parfaites du parasite du paludisme... Ce sont les plus carac- téristiques parmi les éléments parasitaires du sang des paludiques, et je persiste à croire qu’ils représentent la phase la plus parfaite de leur évolution?. » En résumé, pour Laveran, les corps à flagelles, qui se forment aux dépens des corps sphériques, représentent la forme adulte du para- site, et les flagelles préformés dans le sang sont de véritables organes du parasite. Nous pouvons ajouter que Laveran nie que, chez les Oiseaux, les formes à flagelles puissent naître des Halteridium et, chez l'homme, des croissants. 1 Un de ceux qui, les premiers, ont vu le parasite de l’impaludisme, le docteur E. Richard, décrivant d’une façon très jolie et très exacte les mouvements des fla- gelles, qu'il étudia en Algérie, comme Laveran, conclut en disant : « Existent-ils (ces flagelles) déjà sur le vivant et ne se voient-ils pas parce qu'ils restent immobiles un temps donné sur le porte-objet? M. Laveran émet cette hypothèse, mais elle n’est nullement démontrée. » (Le Parasite del’impaludisme, in Revue scientifique, 27 jan- vier 1883.) 2 J'ai cité tout au long les phrases de M. Laveran. Dans une note, que celui-ci & récemment incriminée (49), je disais que la forme importante, caractéristique des Parasites malariques, était, pour M. Laveran, la forme à flagelles. Je ne crois pas, en disant cela, méconnaître l’opinion de M. Laveran, qui me reproche pourtant de n'avoir pas lu ses ouvrages; les citations précédentes valent mieux que toute discussion. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 177 Une deuxième opinion est celle de Danilewsky (4). Pour Dani- lewsky, le Polymitus est un «infusoire du sang» ayant un cycle évo- lutif spécial dans les globules, s’y reproduisant et ayant par consé- quent une individualité zoologique. Les flagelles sont préformés dans le globule, et il se produit dans la préparation, qui change Îles condi- tions physico-chimiques du sang, une « excapsulation » du Polymitus, qui n’a pas lieu à la température du corps de l’animal, si bien que le sang vivant ne contient jamais de Polymitus excapsulé. Il n’y a, du reste, aucune différence entre le Polymitus avium et le P. hominis. Le Polymitus apparaît sous la forme de petites pseudo-vacuoles qui grandissent, prennent une forme ronde, puis les flagelles se forment. L’excapsulation se produit sous les yeux de l'observateur. Le Poly- mitus se reproduit par la segmentation d’un Leucocytozoon sphérique en plusieurs sphérules, dans des leucocytes de la moelle des os à noyau dégénéré. Danilewsky n’a étudié le Polymitus que chez les Oiseaux. Mannaberg considère les flagelles comme l’attribut obligé d'un certain stade de développement du parasite; les corps à flagelles se- raient le premier indice de la manière de vivre des parasites en dehors du corps humain. Enfin, une troisième opinion très différente, soutenue par Grassi et Feletti, Celli et San Felice, consiste à voir dans les mouvements des flagelles un phénomène de dégénérescence (Agontiephenomen), et dans les flagelles des formations d’agonie (Agonieproducte). Nous allons exposer quelles sont les causes qui nous font nous rallier à cette opinion. | | Tout d’abord, les formes flagellées constituent-elles, comme le veut Danilewsky, une individualité zoologique ? Il est difficile de l’admettre. Quelle que soit l'opinion que l’on ait sur le Polymitus, on peut voir que les formes flagellées se rencon- trent dans la malaria, aussi bien dans la tierce que dans la quoti- dienne, chez les Oiseaux, aussi bien chez les Halteridium que chez les Proteosoma. Jamais on ne peut rencontrer de Polymitus sans une ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. I. 1894. 12 178 ALPHONSE LABBÉ. autre forme quelconque de parasite endoglobulaire, ce n’est pas un organisme spécial ; quant au mode de développement que lui décrit Danilewsky chez les Oiseaux, nous ne l'avons jamais observé, et il est probable que le développement des Leucocytozoaires qu'a décrit Danilewsky est celui d'une espèce spéciale propre aux Oiseaux chez lesquels il l’a étudié. | Le Polymitus ne se reproduit pas. Certes, il n’est pas rare, dans le sang des Oiseaux, de voir se former des sortes de bourgeonnement du Polymitus, aboutissant souvent à la formation de deux sphères protoplasmiques réunies par un Court filament. Mais jamais la sépa- ration de ces deux sphères ne se fait, il n’y à qu'un seul noyau ‘; bientôt les deux masses se confondent de nouveau en une seule, et il | ne faut voir dans cette apparence, que nous avons figurée planche VIT, qu'un simple mouvement sarcodique analogue aux bourgeons an- nexes si fréquents dans les Polymitus. Les Polymitus n’ont pas de cycle évolutif spécial et se présentent chez tous les parasites endoglobulaires des Vertébrés à sang chaud (sauf les Pseudovermiculi). On ne peut donc les considérer comme une individualité zoologique. Les Polymitus constituent-ils des formes normales, entrant dans le cycle de nos parasites? Existent-ils réellement dans le sang cir- culant ? Un premier fait important, qui infirme celte opinion, c’esi que, comme nous l'avons déjà dit, il est extrèmement rare de rencontrer des Polymitus dans la préparation de sang, au moment où elle vient d'être faite. Il faut toujours attendre un certain temps, quelques mi- nutes après le lutage de cette préparation, pour voir apparaître les flagelles. On peut voir alors facilement comment se forment les Poly- mitus aux dépens des autres formes. Si l’on trouve des flagelles dès le premier examen, on peut expliquer ce fait par la rapidité extrème 1 Le fait qu'il ne se forme pas deux noyaux ne prouve du reste rien ; car, Hofer, chez l'Amæba proleus, a constaté que, dans la division, une des parties garde le noyau; l’autre n’a pas le moindre clément chromatique. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 179 de leur formation; mais le cas est rare, et généralement le Po/y- . mitus se forme sous les yeux de l’observateur ‘. Un second fait, c’est que les Polymitus sont extrêmement variables de taille et de forme. Un des principaux arguments de Danilewsky était que les Polymitus sont « ganz regelmässig kugelfornuig », et tous de même taille. Nous venons de voir que la sphéricité du Polymilus n'existait pas toujours, et que la variété de grandeur et de forme était très considérable. Un troisième argument, c’est que si, chez les parasites endoglobu- laires de l'Homme et des Oiseaux, le Polymitus était une forme nor- male nécessaire, on devrait le trouver chez les Dactylosoma et les Cytamæba, qui en sont si voisins par leurs divers caractères. Nous avons vu qu'il n’en était rien. De plus, si c'était une phase parfaite, adulte, du parasite, elle devrait précéder le stade de sporulation. Or, jamais on n’a pu constater la formation, aux dépens d'un Polymitus, de sporozoïtes ?. Le Polymitus, une fois formé, aboutit à la mort, el la dégénérescence se produit rapidement. Quant aux flagelles, sont-ils vraiment préformés dans l'hématie (Danilewsky) ou dans le parasite (Laveran)? Y a-t-il vraiment « excap- sulation » ? Il est difficile d'admettre, a priori, que les ffagelles exis- tent à l’avance dans l’hématie, accolés au parasite, ne se montrant que par l’excapsulation, qui (Danilewsky le reconnaît) ne se produit que sous l'influence de la température ou autres causes ambiantes, et jamais dans le sang vivant. Il n’est pas moins difficile d'admettre, comme Laveran, que les Polymitus sont des kystes renfermant Îles 1 Parmi les nombreuses « inexaclitudes » qu'il relève dans mes observations, M. Laveran dit qu'il a constaté des flagella dans le sang aussitôt après sa sortie des vaisseaux. Je n'ai jamais contesté ce fait que j'ai moi-même relaté (89), mais j'ai toujours dit que ces cas étaient extrèmement rares, et je crois que tous les auteurs sont d'accord sur ce point. 2 Ajoutons que le Polymilus a besoin, pour faire usage de ces flagelles, de nager dans le sérum, et que les stades de sporulation sont toujours, au moins virtuelle- ment, endoglobulaires. On ne pourrait guère admettre que le Polymitus, si c’est un stade adulte du Parasite, ne se présente précisément que dans les cas où la sporu- lation, qui est vraiment la phase importante, ne peut se produire. 180 ALPHONSE LABBÉ. L4 flagelles. L'étude de la formation des flagelles, quelque rapidement que ceux-ci apparaissent, montre que les flagelles n’existent vrai- ment pas à l’état normal, mais se développent sous les yeux de l'ob- servateur comme des expansions sarcodiques qui, au bout de peu de temps, acquièrent un mouvement flagellaire. Nous n’avons jamais observé d’excapsulation, mais nous avons toujours vu les flagelles se développer sous nos yeux. Toutes ces considérations nous font penser que le Polymitus n est pas une forme normale des parasites endoglobulaires de l'Homme et des Oiseaux, et que cette forme n’existe pas dans le sang vivant. Nous pensons que c’est une forme anormale précédant la dégéné- rescence. Cette dégénérescence se traduit, non seulement par la formation de flagelles et de fouets sarcodiques, mais aussi par la vacuolisation du protoplasme, les mouvements browniens du pigment et des gra- nulations, le tassement du pigment, enfin la structure d’abord fibril- laire, puis fortement granuleuse du cytoplasme. Tous ces symptômes, à part l'émission des flagelles, sont facile- ment explicables. Mais comment expliquer la formation des flagelles ? Nous avons dit que le protoplasma des parasites qui se transforment en Polymitus devient très nettement fibrillaire; cette transformation fibrillaire est un signe certain de dégénérescence ; nous avons vu que le reliquat des Halteridium était également formé de protoplasma fibrillaire *. Les fouets vibratiles, que nous avons décrits, ne semblent être formés que par la couche endoplasmatique fibrillaire. Mais les flagelles sont simplement (de mème que les pseudopodes) des prolongements de La couche ectoplasmique, c’est-à-dire de l'hya- loplasma. 11 ne serait donc pas impossible (et le mode d'apparition des flagelles parle en faveur de cette hypothèse) que les mouve- ‘ Il ne serait pas impossible que les transformations en pseudo-spirilles, décrites par Danilewsky, soient des dégénérescences analogues, et que Les pseudo-spirilles ne soient que des filaments protoplasmiques en voie de dégénérescence. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 181 ments des flagelles et les mouvements pseudopodiques soient de même nature. Ce ne serait pas, du reste, la première fois qu’on aurait constaté une telle parenté entre les mouvements vibratiles et les mouvements pseudopodiques. De Bary* l'a déjà observée chez les Myxomycètes; Hæckel, Engelmann, chez les Rhizopodes. L'action chimique modifiante du sang doit avoir une grande in- fluence : le sang sorti des vaisseaux semble avoir une propension à étirer les prolongements sarcodiques des éléments figurés. Nous avons vu dans plusieurs cas se former subitement, aux dépens de slobules rouges, des flagelles véritables, mobiles, formés aux dépens d’un étirement sarcodique du globule. Faut-il voir dans ces faits l’action des phosphates, si abondanis dans le sang? On sait que Zacharias? a montré que l'acide phosphorique et les phosphates peu- vent faire apparaître, dans des cellules épithéliales ou autres, des cils, des pseudopodes, etc. Mais une action semblable du sang devrait se retrouver partout, et l’on devrait trouver des Polymitus chez les Dactylosoma et Îles Cytamæba. Il y a donc d’autres influences, qui sont toutes les modifications _ physico-chimiques qui se produisent dans le sang des Vertébrés à sang chaud, sorti des vaisseaux el examiné in vitro. Jl nous faut distinguer deux séries d'influences : Celles qui agissent sur l'arrondissement et les mouvements du Polymaitus ; Celles qui agissent sur la formation des flagelles. L'observation de la formation d’un Polymitus montre une ressem- blance frappante avec une vive réaction chimique. L’arrondissement brusque des formes parasitaires allongées, les vifs mouvements d'os- cillation et de dislocation, les mouvements désordonnés des gra- nules pigmentaires et chromatoïdes, enfin les mouvements des 1 Zeitschrift für Wissensch. Zoologie, 1859. 2 Biolog, Centraiblatt, 1880. 182 ALPHONSE LABBÉ. flagelles, mouvements très vifs, très énergiques, mais non cCoor- donnés, donnent l'apparence de quelque réaction chimique. L'arrondissement témoigne que l’organisme ne se trouve plus dans les conditions ordinaires de l’existence, et ses mouvements témoi- enent d'une excitabilité anormale. L'influence des modifications chimiques du sang a certainement de l'importance ; mais il est difficile de préciser quelles sont ces mo- difications. L'influence du changement d'oxygénation doit être plus considé- rable !. Si l’on fait agir sur une préparation d'Aalteridium du pyro- gallol, qui absorbe l'oxygène, on voit de nombreux Polymitus se former ; les mouvements browniens des granules et du pigment, les mouvements d’oscillation s'exagèrent, et les flagelles ont des mou- vements plus vifs. On a réalisé ainsi un sang asphyrique, et la désa- grégation, conséquence de ce manque d'oxygène, survient aussi plus vite. C’est surtout ce changement d’oxygénation qui doit donc forcer le parasite à s’arrondir et à sortir de l’hématie où ce changement d'oxygénation se fait sentir. Considérable aussi doit être l'influence toute mécanique de l'arrêt du mouvement du sang. La formation des flagella est plus difficile à expliquer. L'influence des modifications chimiques du sang doit être grande. Mais l'influence du changement de température doit être très con- sidérable. Il est évident que les organismes soumis à une température de 41 ou 42 degrés doivent éprouver des modifications quand cette température s'abaisse brusquement à 15 ou 20 degrés. L'expérience prouve que, par le refroidissement, on peut hâter la formation des flagelles dans une préparation. Cependant, il y a un optimum au delà duquel les flagelles ne se forment plus; si l'on place les préparations du sang dans un mé- 1 Danilewsky a déjà constaté que, chez les Danilewskya Stepanowi, l’excitabilité est en rapport avec l'insuffisance d'oxygène. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 183 lange réfrigérant, il ne se forme pas plus de flagelles que si on laisse la préparation sur la platine chauffante à 42 degrés. Si l’on observe de rares flagella avec la platine chauffante, © est que, quelque rapi- dité qu'on ait mise à faire la préparation, on à nécessairement brus- quement refroidi le sang, au moins quelques secondes ; la rapidité extrême avec laquelle se forment les Polymitus explique que ces quelques secondes suffisent pour l'apparition de quelques formes flagellées. En résumé, nous pensons que les formes flagellées qu ‘on observe in vitro se former aux dépens des parasites endoglobulaires des Ver- tébrés à sang chaud, ne sont que des formes anormales, des formes d’agonte, précédant la dégénérescence ; qu elles n'existent pas normale- ment dans le sang vivant, mais qu'elles se forment en dehors de l’orga= nisme, sous les diverses influences physico-chimiques qui modifient le sérum et les hématies du sang sort des vaisseaux. Nous eroyons toutefois que ces formes dégénératives ont une importance considérable au point de vue phylogénétique, car elles rappellent la proche parenté des Sporozoaires, des Rhizopodes et des Flagellés. APPENDICE. Cet article était déjà écrit, lorsqu’a paru un travail de N. Sacharoff sur les Hématozoaires des Oiseaux (formes à flagelles et Leucocyio- zoaires\ que nous analyserons brièvement”. 11 donne une brève description des pseudovermiculi libres, qu’il décrit comme « des fuseaux mobiles errant entre les hématies », et qu'il nomme corps fusiformes. I distingue des corps à flagelles qu'il considère comme des formes mourantes ; il décrit dans ceux-Ci un noyau très grand, coloré en rouge par la méthode de Romanowsky, à boyau chromatique pelotonné. Un tel noyau n'existe que dans les formes endoglobulaires. Chez les formes libres, le boyau chroma- 1 N. Sacxarorr, Recherches sur les Hématozoaires des Oiseaux (Annales de l’Institut Pasteur, décembre 1893, avec une planche). 184 ALPHONSE LABBÉ, tique se romprait en plusieurs filaments, qui finissent par sortir du parasite sous forme de flagelles. | M. Sacharoff admet que cette sortie des filaments chromatiques sous forme de flagelles est provoquée par un trouble de la karyoky- nèse occasionné par le changement de température ou d’autres con- ditions physico-chimiques. Il a vu des corps à flagelles se diviser. Il a observé ces faits chez les Hémocytozoaires de jeunes Corbeaux retirés de leurs nids. Il n'a pu les observer chez l'Homme, à cause du pigment. Dans un second article, M. Sacharoff étudie les Leucocytozoaires des Corbeaux, des Freux et des Pies, décrivant, comme Danilewsky, « des sphères granuleuses » dans les leucocytes et le même proces- sus de sortie d'éléments chromatiques que chez les Hémocytozoaires. Ces sphères granuleuses sont, pour lui, des formes analogues aux corps en croissant de la malaria et se multiplient aussi par karyoky- nèse. Les leucocytes occupés par les parasites ont un noyau dégé- néré, mince et allongé, qui entoure ces parasites. D'autres formes parasitaires se divisent et se reproduisent en morula. Chez les Freux, les formes jeunes, fusiformes, ressemblent aux petits corps fusiformes énigmatiques décrits par L. Pfeiffer chez falco tinnunculus, et se trouvent en amas dans les leucocytes. Les parasites des Freux, comme ceux des Corbeaux, sont karyophages, ce qui, d’après l’au- teur, explique leur action sur les leucocytes, action qui semble infirmer la phagocytose. Nous ne pouvons guère critiquer le mémoire de M. Sacharoff, car les Leucocytozoaires qu’il décrit n’ont jamais été trouvés que par lui et Danilewsky, et nous ne les avons jamais rencontrés. Nous ferons seulement remarquer qu'ils semblent bien avoir une individualité réelle, d’après la description donnée, qui ressemble beaucoup à celle d’un Proteosoma, mais diffère cependant suffisamment pour quil soit permis d’en faire un genre et des espèces spéciales. Il nous faut noter surtout la curieuse dégénérescence des noyaux des leucocytes que décrit Sacharoff, dégénérescence qui ressemble beaucoup à celle PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 185 produite par les Æaryolysus. De nouveaux documents sur cette ques- tion seront intéressants à consulter. Les corps fusiformes, à noyau compact, de Sacharoff, ne répondent guère aux Pseudovermiculi de Danilewsky. Quant à la formation des formes flagellées, quelque originale que semble l'explication, il convient d'attendre de nouveaux travaux. Jamais, en effet, nous n’avons observé de pareils noyaux, à boyau nucléinien pelotonné ; jamais nous n’avons observé de sortie sem- blable des éléments chromatiques ; jamais nous n'avons vu de corps flagellés se diviser, bien que nous ayons souvent observé des pseudo- divisions (voir plus haut). Dans les Polymitus que nous avons étudiés, le noyau était tout semblable à celui des parasites dont ils provenaient, c’est-à-dire vésiculaire avec un nucléole compact ; mais jamais il n’atteignait la erande dimension et la forme de celui que figure Sacharoff. Enfin, les flagelles, qui se colorent si difficilement et paraissent hyalins, se coloreraient mieux s'ils étaient formés de chromatine. Le procédé de Romanowsky, qu'a employé Sacharoff, donne, dans quelques cas, des résultats excellents, mais il faut s’en défier sou- vent, à cause de son inégalité.ll faut chauffer la préparation pendant la fixation et durant plusieurs heures à la température de 115 ou 120 degrés centigrades, et nous avons obtenu une fois, dans une préparation complètement manquée, des apparences analogues à celles que figure Sacharoff : on voyait dans une forme haltéridienne, où les noyaux étaient cependant bien colorés, des sortes de crois- sants ou de filaments colorés en rouge, paraissant sortir du parasite. Comme de telles apparences remplissaient la préparation, nous avons cru qu'il fallait penser à un accident de préparation, et c'est pour cela que nous croyons devoir attendre de nouvelles observations pour pouvoir admettre les résultats de M. Sacharoff. Quoi qu'il en soit, M. Sacharoff aboutit au même résultat que nous, puisqu'il décrit les Polymitus comme « des formes mourantes ». 186 ALPHONSE LABBÉ. DEUXIEME PARTIE. PARTIE GÉNÉRALE. I CLASSIFICATION DES PARASITES ENDOGLOBULAIRES. Dans la première partie de ce travail, nous avons établi la spéci- fication des parasites des globules rouges. Il nous reste à répartir en groupes les espèces et les genres, en tenant compte de leurs caractères communs, en d’autres termes à faire la classification de nos parasites. Peu d'auteurs se sont occupés de cette question. Danilewsky, dans ses premiers travaux, faisait de ses Hémato- zoaires des Hémogrégarines; mais il semble, dans ses dernières recherches, homologuer, même identifier, les Hémogrégarines avec les Pseudovermicules et les corps en croissant de la malaria, ran- geant tous ces parasites parmi les Microsporidies. Nous savons déjà qu'il identifie les Parasites des Oiseaux avec ceux de l'Homme. Voici le tableau comparatif qu'il donne (36). ! Cylozoon præcox. ( (a) Hæmamœba. Cytozoon malariæ . s. Cytosporon. (b) Cytosporon avium. (æ) hominis. Polymilus. (c) ( (d) Hæmogregarina avium. ( À (e) Laverania hominis. PME Laverania. On pourrait peut-être, d’après lui, admettre dans cette division les Drepanidium et les Hémogrégarines. Kruse n’admet pas cette hypothèse unitaire et polymorphique, et classe sous le nom d’Hémosporidies Danil. tous les parasites endoglo- bulaires parmi les Grégarines monocystidées. Il distingue trois genres : 1° Hæmogregarina Danil ; Æ. ranarum; A. testudinis; H. lacerteæ. 90 Hæmoproteus Kruse ; A. Danilewsky, columbæ, passeris, etc. 20 Plasmodium Celli et Marchiafava; P. malariæ. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 187 Le genre Aæmogregarina est caractérisé par sa libre phase dans le plasma et sa forme bien organisée rappelant les Grégarines; les genres Hæmoproteus et Plasmodium en diffèrent en ce qu'ils réduisent l’'hémoglobine en mélanine, et que le dernier a de vifs mouvements amæboïdes avant la sporulation. Cette classification est adoptée par Celli et San Felice qui, établis- sant partout le dimorphisme ou le trimorphisme des formes (varié- tés À, B, C), ne la modifie pas. L. Pfeiffer, de même que Grassi et Feletti, sépare nettement les Hémogrégarines des parasites malariques de l'Homme et des Oi- seaux. Ces derniers distinguent, comme nous l’avons vu, deux genres : 1° Hæmamæba, comprenant sept espèces : a. Hæmamæba malariæ; H.vivax; H. præcox ; H. immaculata. b. Hæmamæba relicta; H. subpræcox; I. subimmaculata ; 2% Laverania, comprenant trois espèces : Laverania malariæ; L. Danilewskyt; L. ranarum. Nous diviserons les parasites des globules rouges que nous avons étudiés dans le sang des Vertébrés en deux grands groupes apparte- nant à la classe des Sporozoaires : 4° Les Æémosporidies (abréviation d'Hémocytosporidies), compre- nant les genres Drepanidium, Karyolysus, Danilewskya ; 2° Les Gymnosporidies, comprenant les genres Æalteridium, Pro- teosoma, Hæmamæba, Dactylosoma, Cytamæba. Nous allons résumer successivement les caractères de ces deux groupes, nous réservant ensuite de voir quelles sont leurs relations avec les autres groupes de Protozoaires. ÏJ. CARACTÈRES ZOOLOGIQUES ET BIOLOGIQUES DES HÉMOSPORIDIES. Sous le nom d’Æémosporidies!, nous classerons les trois genres 1 Nous devrions dire Hémocytosporidies, puisque ces parasites se trouvent non dans le sang, mais dans les Hémocytes. Il faut donc considérer le mot Hémosporidies comme une abréviation. 188 __ ALPHONSE LABBÉ. Drepanidium, Karyolysus, Danilewskya, qui présentent des caractères communs très étroits, et se distinguent nettement des autres. Ces caractères communs son: Un stade d'accroissement intraglobulaire, suivi d'un stade libre dans le sérum. Une structure grégarinienne à l'état adulte. Une reproduction coccidienne endoglobulaire par cytocystes. L’énoncé de ces caractères montre déjà que les Hémosporidies doivent être intermédiaires aux Coccidies et aux Grégarines. Nous allons reprendre en détail l'exposé des caractères de ce groupe. | Évolution. — Le point initial du développement des Hémospori- dies est un petit organisme allongé, muni seulement d’un granule nucléinien qui se trouve dans un globule rouge. Cet organisme grandit, le granule nucléinien devient un nucléole colorable, et d'ordinaire (sauf chez Drepanidium princeps) s'entoure d'une mem- brane. Lorsque le parasite à acquis sa taille adulte, d’immobile qu'il était il devient capable d'accomplir des mouvements et de sortir du globule pour mener une vie libre dans le sérum. Il présente alors l'aspect d’une petite Grégarine dont il à la structure et les mouvements; il peut même subir une conjugaison. La reproduction est toujours endoglobulaire ; le parasite pénètre de nouveau soit dans un globule, soit dans un leucocyte, soit dans une cellule des organes hématopoïétiques (moelle des os, rate, foie, quelquefois le rein); il prend une forme généralement ovalaire, Sécrète une cuticule qui, avec la légère couche de globuline persis- tante, forme une capsule plus ou moins résistante. Il se transforme en cytocyste. Son protoplasme se transforme généralement en gra- nules plastiques, son noyau perd sa membrane, se porte à la périphé- rie, et par mitose donne deux noyaux secondaires qui, à leur tour, produisent de nombreux noyaux périphériques. Ceux-ci s’entourent d'une petite quantité de protoplasma et se transforment en sporo- zoïtes. Il y a toujours un ou deux reliquats de différenciation. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 189 Chez les Danilewskya, Danilewsky et nous-même n'avons trouvé qu’une seule sorte de cylocystes; mais chez les Drepanidium et les Karyolysus, outre les cylocystes à macrosporozoïtes, qui contiennent de quatre à vingt gros sporozoïles, il se forme, principalement en élé, des cytocystes à microsporozoïles, qui forment un très grand nombre, une cinquantaine au moins, de petits sporozoïtes. Telle est l’évolution normale d’une Hémosporidie. Structure. — La structure d’une Hémosporidie adulte comprend les mêmes parties qu’une Grégarine monocystidée simple. Il y a toujours une cuticule (ectocyte, ectoplasme ou ectosarque) anhiste et un entoplasme interne qui peut être finement granuleux ou avoir une structure alvéolaire. Entre ces deux couches existe une couche fibrillavre (myocyte ou myoplasme) essentiellement contractile, et qui explique les vives contractions et la progression de ces organismes. Comme produits enclavés de l’entoplasme, nous trouvons des granulations de diverses sortes. Partout existent des granules chromatoïdes remarquables par leur affinité pour l’hématoxyline, le bleu de méthylène, la safranine, etc; chezles Drepanidium, surtout chez D.monihs, nous trouvons, en outre, des granules mélachromatoides, se colorant en rouge ou en rouge violet par le bleu de méthylène ét l'hématoxyline. D'autres granules (chez les Xaryolysus) sont surtout carminophiles et paraissent homo- logues des enclaves albuminoïdes de certaines Goccidies des Poissons et des Insectes. Enfin, chez les Karyolysus et les Danilewskya, les sporozoïtes et les jeunes parasites présentent souvent des granulations graisseuses. Il n’y a jamais de pigment. On trouve chez le Drepanidium princeps des vacuoles, organes nor- maux du parasite. Le noyau existe toujours. Dans sa structure la plus complexe, c'est une vésicule assez grande, ronde ou ovalaire, souvent mobile, avec les mouvements de l’entoplasme, renfermant un suc nucléaire 190 ALPHONSE LABBE. non colorable et un gros nucléole qui renferme seul la chromatine; la chromatine forme alors un réseau ou un peloton avec des ren- flements variables. Chez le Drepanidium princeps, il n’y a pas de membrane nucléaire, le noyau est seulement formé d'une aire nucléaire renfermant des granulations chromatiques disposées de facon diverse. Chez les sporozoïtes, il n’y a d'ordinaire qu'un simple granule de chromatine ; une aire claire se dessine autour de lui, la membrane se forme ensuite, entourant le granule qui augmente de volume, se fractionne et forme le nucléole, seule partie nucléinienne du noyau. On voit, par l'examen de cette siructure, qu’une Hémosporidie ne diffère pas sensiblement d'une Grégarine monocystidée. Du reste, les sporozoïtes des Coccidies de grande taille ont aussi une structure très'voisine de celle que nous venons de dire. La cuticule, la couche myocytique, le plasma ei les granulations sont de structure identique. Il y a des vacuoles chez beaucoup de sporozoïtes de Coccidies‘. Il y en a, du reste, chez des Grégarines (Conorrynchus Echiuri Greelf). Les granulations sont analogues, la plupart du temps, avec celles que nous avons pu étudier chez les Coccidies et les Grégarines ; il est vrai que l'étude de ces granulations, si intéressante à tant de points de vue, est encore bien peu avancée. Enfin, le noyau est bien conforme au noyau normal des Grégarines, dans lesquelles, comme l’a montré Schneider, la partie chromatique est réfugiée dans le nucléole. Nous avons pu voir ce fait, intéressant au point de vue général et même au point de vue spécial de l’évolution des sporozoaires, de l’évolution du noyau. Tout d’abord iln ya qu’un point chromatique, celui qui existe dans le sporozoïte ; ce grain de chromatine, très compact et très colorable, s’entoure d'une aire claire, dans laquelle s’amasse sans doute le suc nucléaire, refoulantles granulations plas- matiques. Autour de cet espace clair se forme une membrane qui 1 Lagpk, Coccidium Delagei; Coccidie nouvelle parasite des Tortues d'eau douce { Archives de zoologie expérimentale, 1893, fase. 2, pl: D)s PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 191 pourtant dans un cas, celui du Drepanidium princeps, ne se forme pas. À l’intérieur de ce noyau bien formé maintenant, le nucléole se divise {ou bourgeonne ?) et finit par former un peloton ou un ré- seau de chromatine. Mais la partie chromatique est toujours bien isolée, par une membrane propre, du suc nucléaire qui l'entoure et qui la sépare de la membrane du noyau. Bien que les idées de Van Beneden'et de Hæckel? sur le plasson et l'apparition du noyau n’aient guère plus de partisans *, cependant il est intéressant de voir que, même chez des organismes où l’on à nié le noyau, la formule omnis nucleus e nucleo est encore vraie, à condition de remplacer le mot nucleus par celui de chromatine. Quant à la partie achromatique, on peut voir qu'elle se forme aux dépens du cytoplasme. Vie intraglobulaire. — Le parasite, pendant toute sa période d’ac- croissement, se tient dans le globule rouge. L'action du parasite sur le globule cause l’hypertrophie, l'anémie du globule; les Drepanidium sont sans action sur le globule ; les Pa- nilewskya déplacent le noyau ; quant aux Karyolysus, ils occasionnent non seulement l’hypertrophie et l’anémie du globule, mais désintè- grent la substance même du stroma par une véritable digestion et causent la division amitotique et l'allongement exagéré du noyau. Nous reviendrons sur ces faits au chapitre suivant, Ce n'est pas seulement dans les globules rouges que l'on peut trouver des Hémosporidies, mais même dans les leucoblastes et les érythroblastes, dans de vrais leucocytes et dans les cellules des or- ganes hématopoïéliques. Les Prepanidium peuvent même pénétrer dans les noyaux des leucocytes ou des cellules de la rate et du foie. Mais on ne peut dire, en général, que les Hémosporidies soient 1 Ed. Van Benepen. Recherches sur l’évolution des Grégarines (Bulletin de l’Aca- démie royale de Belgique, 1871, 2e série, vol. XXXT). 2? HæcxeL, Anthropogénie, 4° édit., £° partie. 3 MirroPHANOW, dans un travail récent sur l’organisation des bactéries, soutient encore que le noyau est un produit du protoplasme, « ce substratum primitif de la vie » (loc. cit., p. 46). 192 ALPHONSE LABBÉ. des parasites karyophages. Dans les globules rouges, si, souvent, ils peuvent causer la mort du noyau, du moins, sauf de rares exCep- tions, ils ne pénètrent pas dans les noyaux. Le nom de Cytozoaires du sang leur conviendrait très bien, puis- qu'ils peuvent pénétrer dans tous les éléments figurés du sang. Comment se fait l’aceroissement du parasite ?— Nous avons vu que les Drepanidium ont une tendance à se développer par segments. Le parasite primilf, issu du sporozoïte, se pince par un étranglement à lalimite duquel se trouve le granule chromatique ; dans le deuxième segment se forme l'aire nucléaire et l’étranglement disparaît bientôt. Le parasite s’accroit alors principalement par l'extrémité non nucléaire. Cette distinction de segments, très nette chez Drepanidium mo- nilis, l'est moins chez les autres Hémosporidies, où pourtant on la voit exister. Au fur et à mesure que croissent les parasites, apparaissent des granulations de diverses natures qui, quelquefois, remplissent tout, le corps du parasite, d'autres fois sont, au contraire, très rares, CE sont certainement des produits d'assimilation. Mais parmi ces pro- duits, il en est qui ne tiennent pas à tel ou tel milieu dans lequel vit le parasite (exemple : les granulations chromatoïdes), tandis que d'autres sont spéciales au parasite et au milieu dans lequel il vit. On peut dire qu’il y a des granules d'assimilation communs à tous les parasites intracellulaires qui les puisent directement dans la cellule quelle qu’elle soit, ou bien qui les fabriquent à l’aide des matériaux ingérés et des granules d’assimilation spéciaux à telle ou telle espèce de parasite. Les granules métachromatoïdes sont deces derniers. De même, les granulations particulières des Aaryolysus, qu'ils empruntent vraisem- blablement à la lécithine ou à la cholestérine du stroma globulaire”. Nous avons pu mettre en évidence de la même façon la présence i Le stroma globulaire contient normalement environ 0,3 à 0,72 pour 100 de léci- thine et 0,23 pour 100 de cholestérines PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES. 193 du glycogène dans les Drepanidium; cette substance se concentre, chez certains de ces parasites, autour du noyau sous forme de pe- tites granulations ou de petites taches : ce glycogène est certaine- ment emprunté au sérum !. Quant aux vacuoles du Prepanidium princeps, ce sont des organes de digestion, comme ceux des amibes et des leucocytes. Vie libre. — Après avoir étudié la vie endoglobulaire de nos para- sites, nous pouvons étudier leur vie libre. Une des propriétés les plus caractéristiques des Hémosporidies vivant libres dans leur sérum est leur contractilité et la nature de leurs mouvements. Jamais elles ne présentent de mouvements amœæ- boïdes, et leurs mouvements très complexes ressemblent à ceux de beaucoup de Grégarines. Le Drepanidium princeps a une progression assez rapide et se meut, sans que la forme de son corps change, d’une façon serpen- tine. Les Xaryolysus ont ordinairement la même marche. Au con- traire, le Drepanidium monilis et les Danilewskya montrent des défor- mations successives du corps sous forme d’ondulations de la surface du corps ; ces ondulations correspondant à des mouvements de l’en- toplasme, qui entraînent le noyau. De plus, toutes les Hémosporidies, surtout le Drepanidium princeps et les Æaryolysus, présentent des mouvements brusques de ressac alternativement en avant et en arrière, comme les Anguillules et les Nématodes. Ces deux sortes demouvements sont très analogues à ceux que l'on irouve chezles Grégarines,et doivent être expliqués de lamême façon. 1 On ne trouve pas de glycogène chez tous les Drepanidium, mais souvent chez beaucoup des Drepanidium d’une même Grenouille. Dans ce cas, il est admissible de penser que l'absorption du glycogène par le parasite est due à une hypergly- cémie du sang causée soit par des saignées trop souvent répétées, soit par un épui- sement des réserves sucrées, soit pour d’autres causes que nous n'avons pas cher- chées, cette question devant nous entraîner trop loin de notre sujet. Ce glucose, qu'on peut dénoncer par l’action de l'iode avec l’aide de l'acide sulfhydrique ou de l’acide acétique, l'acide nitrique est peut-être équivalent du paraglycogène des Gré- garines. {Voir FRENZEL, Ueber einige argentinische Gregarinen ; Jenaische Zeilschr. Voir aussi Bürscuur, Zeütschrift für Biol., XXI, p. 606-607.) ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. 11. 1894. 13 194 ALPHONSE LABBÉ. Nous savons que pour Ed. Van Beneden, la couche fibrillaire de Leidy est une partie différenciée, contractile, du protoplasma ; tandis que pour Aimé Schneider, ce nest qu'un organe de soutien non contractile (loc. cit. p.508). Les arguments de Schneider sont les sui- vants : « Quand une Grégarine contracte son corps, elle reploie une partie contre l’autre, et l'on trouve du côté de la flexion une série de sinuosités en dents de peigne ; du côté opposé, un contour par- faitement arrondi. » D’après lui, on n’observe jamais d’étranglements circulaires ou en pas de vis, ce qui devrait se produire, si les fibrilles étaient contractiles ; on ne pourrait expliquer la posture que pren- nent souvent les Grégarines (Porospora du Homard) en repliant le tiers postérieur de leur corps contre le reste, en contact. « Un seul senre de mouvement, le mouvement ondulatoire et péristaltique, serait possible, et il se concevrait qu'à la rigueur on voulüt placer ainsi dans les fibrilles striées, qui nous occupent, le siège des mouve- ments de translation totale, Mais que cette opinion soit exacte, cela même esi douteux. » Nous allons montrer que chez les Drepanidium, et autres Hémospo- ridies, dont la structure est la même que celle des Monocystidées, il existe deux sortes de mouvements : un mouvement lent, sans dé- formations apparentes, et un mouvement ondulatoire, avec contrac- tions annulaires. Ces deux mouvements sont dus à la contraction des fibrilles du myoplasme. Nous avons pu étudier ces mouvements, en même temps que chez les Hémosporidies, chez des Grégarines : Gonospora terebellæ et G. varia Léger; Platicystis Audouiniz, et les Monocystidées du Phascolosoma elongatum ‘. Chez ces Grégarines, on peut voir aussi deux sortes de mouvé: ments : un mouvement lent, sans déformation apparente, auquel on 1 Nous devons dire que les descriptions données de ces Grégarines ne sont pas souvent d'accord avec nos propres observations ; il y aurait un grand intérêt à réétudier ces Grégarines marines, qui, tant dans leur évolution cœlomique que dans leur polymorphisme certain, diffèrent par beaucoup de points des Grégarines des Articulés, jusqu'ici presque seules étudiées. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 195 peut rattacher un mouvement avec froncements du côté de la flexion, comme celui dont parle Schneider; et un deuxième mouvement, ondulatoire, moins sensible certainement que chez Drepanidium monilis, mais très analogue. Ce que nous allons dire s'applique aussi bien à ces Monocystidées qu'aux Hémosporidies ; les jeunes Gréga- rines ont, en outre, des mouvements de ressac, comme les Prepani- dium et les Æaryolysus. Chez tous ces organismes, les fibrilles myocytiques au repos for- ment des anneaux concentriques parallèles et situés à égale distance les uns des autres ; mais si le parasite se replie soit dans un sens, soit dans un autre, les fibrilles se rapprochent du côté de la flexion, de telle sorte que, du côté opposé, elles sont très écartées ; il n’y a pas de contraction des fibrilles, mais ces fibrilles étant adhérentes à la cuticule, celle-ci produit des froncements du côté de la flexion; ces froncements sont d'autant plus prononcés que l'arc de cercle produit par le parasite est plus accentué. C’est donc dans un écar- tement brusque des fibrilles tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, quil faut voir l'explication des mouvements spiralés sans changement de forme, et des mouvements de ressac des parasites. Dans ces condi- tions, il ne serait pas étonnant que ces fibrilles ne fussent reliées les unes aux autres par des fibrilles longitudinales, que les réactifs ne nous ont pas décelées chez les Prepanidium et autres Hémosporidies. Cette supposition seule peut expliquer les raccourcissements du corps par suite du rapprochement des anneaux transversaux, et son allongement par leur écartement. Tout autre estle mouvement ondulatoire, qui change le diamètre du corps, et que seule peut -expliquer une contraction transversale des fibrilles. Tel est le mouvement du Drepanidium princeps et des Danilewskya. Les contractions vont progressivement d’une extrémité du corps à l’autre, produisant ainsi des ondes, analogues à celles qui sont si vives et si remarquables chez Monocystis agilis. Ces divers mouvements myocytiques sont bien conformes à la structure grégarinienne des Hémosporidies libres adultes. 196 ALPHONSE LABBÉ. Pendant la vie libre dans le sérum, qui est une phase toute gré- garinienne, il peut arriver que deux individus, se rencontrant, se conjuguent. Gette conjugaison a lieu aussi à l'intérieur des globules et se montre dans les genres Drepanidium et Karyolysus. C’est une véritable conjugaison latérale, dans laquelle les plasmas se fusionnent ainsi que les noyaux. Il se forme un noyau unique; quoique les deux gamètes soient absolument semblables, nous pou- vons considérer cette fusion des deux Hémosporidies comme une véritable fécondation. Quel est le but de cette conjugaison ? Est-ce un rajeunissement « karyogamique », comme chez les Ciliés, ou une simple fusion acci- dentelle sans importance morphologique? Nous ne saurions le dire, car nous ne pouvons même pas affirmer que les cylocystes doubles, à doubles reliquats, proviennent d'individus ainsi conjugués. Il y a, en effet, fusion des noyaux des deux individus qui se conjuguent et par suite, suppression des deux centres d'orientation. Nous avons essayé de chercher quelle est l’action qu’exercent sur les Hémosporidies, et particulièrement sur les Drepanidium, un cer- tain nombre d'agents physiques et chimiques. Nous nous sommes servi, pour cet usage, de tubes étirés à la lampe et offrant, par l’aplatissement, un diamètre assez restreint pour qu'il fût possible de les examiner’. Ces tubes peuvent être employés suivant deux méthodes : Ou bien, les tubes étant remplis de sang contenant des parasites, on les mettait en contact direct avec la substance ou l’agent de l'expérience ; Ou bien les tubes étant remplis de la substance dont on voulait étudier l’action sur les parasites, ces tubes étaient introduits dans une veine de la Grenouille en expérience. Cette dernière méthode a surtout servi pour les expériences de chimiotaxie. 1 Cette méthode a été inaugurée, je crois, par Danilewsky (Archives slaves de Lio- logie, 1886). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 197 Jusqu'ici, c'est surtout sur les Amibes et les Infusoires, sur les spermatozoïdes et anthérozoïdes, sur les Bactéries, sur les leucocytes, que des observateurs comme Pfeiffer, Verworn, Ga- britchewsky, Massart et Bordet, ont fait des expériences analogues. Il était intéressant d'étudier l’action attractive et répulsive de cer- tains agents ou de certaines substances sur un parasite intracellu- laire. Les Drepanidium possèdent des qualités suffisantes de motilité, et la Grenouille est un animal suffisamment expérimentable, pour que nous ayons surtoui procédé avec les Drepanidium des Gre- nouilles, principalement avec Ÿ. princeps. 4° Galvanotropisme. — L'action des courants induits ', même très faibles, provoque l'arrêt des mouvements, puis la désagrégation. Il y à ün véritable tétanos électrique avant la désagrégation du proto- plasma. Il n'y a pas période d’excitation, puis arrondissement, et enfin reprise des mouvements, comme Kühne et Engelmann l'ont con- staté chez les Amibes. 9° Tigmotropisme. — L'action répulsive ou attractive au contact de certains corps ou de certaines actions mécaniques es manifeste, mais ne peut être étudiée d’une façon précise. Lorsque les Drepani- dium rencontrent un corps qui gêne leur route, ils se détournent de cette route. Si ce corps est un globule du sang ou un leucocyte, is le traversent sans aucune difficulté ; le tigmotropisme ne peut, du reste, être considérable chez les Drepanidium, qui n’ont point, comme les Amibes ou les leucocytes, de tendance à ramper ou à adhérer à un corps solide *. 1 Nous nous sommes servi pour ces expériences d’une bobine de Gaiffe, à l'usage de l'électrisation médicale, et d’une petite bobine de Rumkhorff à courants très faibles. 2 Pour l’action de ces divers agents, on peut consulter : Pretrrer, Locomotorische Richiungsbewegungen durch Chemische Reize. (Arb. a. d. Bot. Ins. zu Tubingen, 1, p. 363 et suivantes). ENGELMANN, Plüger’s Archiv, vol. XIX, XXV, XXIX, XXX. Küune, Untersuchungen über das Proitoplasma und Contractililät, 1864. VERwWORN, Psycho-physiologische Prolisten Sludien, Léna, 1889. 198 ALPHONSE LABBÉ. 30 Thermotropisme. — L'action du froid paralyse les mouvements des Prepanidium; c'est ce qui explique qu’en hiver on ne rencontre que des formes isolées, peu mobiles, et rarement des cytocistes, ce qui montre que l’activité évolutrice est très ralentie. Refroïdis à 0 degré, les Drepanidiun deviennent absolument rigides, et si le froid augmente, le protoplasma se gonfle et se désagrège. L'influence de la chaleur se traduit par une excitation des mou- vements qui, lorsque la température atteint 40 degrés, cesse tout à coup; il y a alors coagulation du protoplasma. 4° Phototropisme. — Nous n'avons pas essayé l’action des exci- tants lumineux. 5° Chimiotactisme’'. — L'action des substances chimiques varie beaucoup. On sait, par les travaux de Pekelharing, Gabritchewsky, Massart et Bordet, que la chimiotaxie, positive pour certains orga- nismes, est négative pour les autres. Il y a, en outre, des phéno- mènes d'adaptation dont il faut tenir compte. Nous avons étudié en premier lieu l’action des anesthésiques : l'eau chloroformée, le chlorhydrate de cocaïne, le chlorhydrate de mor- phine à 4 pour 4000, l'Aydrate de chloral à 2 pour 1000. Ces substances modifient le milieu où vit le parasite et influent sur le protoplasma directement en l’anesthésiant. Les mouvements cessent d'une façon absolue, les parasites deviennent immobiles et sont véritablement paralysés. L'action anesthésique se fait-elle sur le protoplasma ou sur le noyau? Autrement dit le noyau est-il vraiment le centre «psychique » de la cellule parasitaire? C’est ce qu'il est difficile de dire. Nous penserions volontiers, avec Verworn, que le noyau ne régularise pas les mouvements du protoplasma à la manière d'un Consulter GaBrirenewsky, Sur les propriétés chimiotactiques des leucocytes (Annales de l'Institut Pasteur, 1890). PEKELHARING, Semaine médicale, 29 mai 1889. Massanr et BorDeT, Annales de l'Institut Pasteur, 1891, et Archives de biologie, 1889, p. 515-567. BoucxaRrD, Théorie de l’Infeclion, dixième congrès international de Berlin, 1891. Bucaner, Berliner Klin. Wochenschrift, 1890. ScHüRMAYER, Jenaische Zeitschrift, vol, XXIV, p. 402-470, etc. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS, 199 organe central, mais qu’il influe cependant sur ces mouvements ; l'anesthésie, qui fait dilater ou contracter le noyau, qu'il s'agisse de cocaïne ou de chloroforme, agit certainement d’une façon très di- recte sur ce noyau, tandis qu'elle ne semble nullement déformer la structure du cytoplasme. On classe généralement les substances qui agissent par attraction ou répulsion sur les organismes en substances à chimiotaxie posi- tive, négative ou indifférente. Les substances qui, sur les Drepanidium, produisent une chimio- taxie négative, sont, le fait se comprend, celles qui agissent comme poisons du protoplasme : l'alcool, le chloroforme, en solution à 4 pour 100, les acides et les alcalis, même dilués, le bleu de mé- thylène et autres couleurs d’aniline. L'eau distillée, les solutions très faibles de sels de sodium et de potassium, le carmin en poudre ou en solution faible, n'ont aucune action ni répulsive, ni attractive. On peut considérer, par contre, comme substances ayant un chi- miotropisme positif sur les Drepanidium, l'hémoglobine en solution", l'acide malique à 41 pour 10000, qui à une action attractive aussi énergique pour les Hémosporidies que pour les anthérozoïdes des Fougères; les peptones en solution à 4 pour 4000; le glucose en solution à 4 pour 1000. L'action des gaz et des solutions salines mérite d’être spéciale- ment étudiée. L'oxygène a une aclion extrêmement énergique; il provoque une excitabilité considérable. De même le manque d'oxygène. Dani- lewsky a déjà montré que, chez les Danylewskya, le manque d'oxy- gène augmente l’excitabilité. En ajoutant du pyrogallol, qui absorbe l'oxygène, on provoque une grande irritabilité chez ces brganismes, qui, du reste, finissent par se désagréger rapidement à cause de l'asphyxie du sang. 1 Le fait mérite qu’on y insiste, car il pourrait expliquer le parasitisme endo- globulaire. 200 ALPHONSE LABBÉ. L'action des solutions salines (chlorure de sodium, de potassium) est remarquable. En solution de 0,5 pour 400 à 1 pour 100, la solution est indiffé- rente: de 1 pour 100 à 10 pour 100, la chimiotaxie est nettement négalive. Nous ne pensons pas que l'étude de la chimiotaxie tienne les pro- messes qu’elle a faites. Certes, elle a donné déjà des résultats; mais ces résultats sont si contradictoires, en l'absence de données pré- cises sur la microchimie biologique, qu’il est difficile d’en tirer un grand parti. Nous espérons cependant que les quelques résultats que nous donnons ici pourront être de quelque utilité. Sporulation. — Dans la première partie de ces recherches, nous nous sommes longuement étendu sur la sporulation chez les Hé- mosporidies. Aussi pourrons-nous brièvement résumerles caractères de cette sporulation. Un certain nombre de faits sont à retenir : 1° Quand le parasite va entrer dans la phase de sporulation, il sécrète une membrane propre, qu’entoure encore le reste du stroma globulaire non détruit, et s'accroît considérablement en acquérant des granules plastiques et des granules chromatoides, l'ensemble cons- titue un cylocyste. 2 Le noyau primitif du parasite se divise par karyokynèse, et donne naissance à deux noyaux secondaires orientés suivant l'axe du cytocyste, c'est-à-dire du globule. Ces deux noyaux, par proli- féralion karyokynétique, donnent naissance à de nombreux petits noyaux secondaires qui deviendront les centres nucléaires des spo- rozoïtes. 3° Les sporozoïtes se forment par segmentation de la masse plas- mique du éytocyste; ils sont ordinairement nombreux et groupés autour d’un reliquat, reste de la division. Parfois il y a deux reli- quats. 4° Les cytocystes se trouvent principalement dans les organes hématopoiïétiques. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTEBRÉS. 9201 5° Dans les genres Drepanidium et Karyolysus, il y a deux sortes de cytocystes : des cylocystes à macrosporozoîtes et des cytocystes à microsporozoites. Ces derniers sont surtout des cytocystes d'été. Reprenons quelques-uns de ces points. L'apparition des granules plastiques dans le cytocyste marque le commencement de ce que l’on peut appeler la phase coccidienne des Hémosporidies et qui succède à la phase grégarinienne. Ces granules plastiques, granules d’assimilation, réserve nutritive, disparaissent avec la formation des sporozoïtes. La division du noyau se fait aussi suivant le mode des Coc- cidies : disparition de la membrane nucléaire, en même temps que migration à la périphérie, division karyokynétique aboutissant à la formation de deux, puis d’un très grand nombre de noyaux qui n'ont plus de membrane nucléaire. La division du protoplasma succédant à la division du noyau aboutit à la formation des spo- rozoites. Jl nous paraît important d'insister sur le fait de l’apparition ou de la disparition de la membrane nucléaire dans la division du noyau. Cette membrane, qui existait dans le noyau du cytocyste, c'est-à-dire de la spore, disparait quand la division commence et ne reparaît plus. Les noyaux secondaires se réduisent alors à une petite masse chromatique sans membrane, et c’est ainsi que sont les noyaux des sporozoïtes. Nous avons vu comment la membrane se reforme dans la suite du développement. Les cytocystes se trouvent surtout dans les organes tels que la rate, le foie, la moelle des os, souvent en assez grand nombre. Il est extrêmement rare d'en trouver dans le sang en circulation. Nous avons vu qu'il ne fallait attribuer aucune importance au dimorphisme des cytocysies dans les genres Karyolysus et Drepani- dium. C’est un dimorphisme analogue à celui qui se présente chez les Ælossia, par exemple, parmi les Coccidies, chez de nombreuses Grégarines, et il n'y a en réalité aucun changement dans l’évo- lution. 202 ALPHONSE LABBÉ. . Classification. — Nous avons réuni sous le nom d'Aémosporidies les trois genres Drepanidium, Karyolysus, Danilewskya, qui ont les caractères communs que nous avons indiqués au début. Il est difficile de grouper ces genres, car ils ont tous les trois leurs caractères propres. De plus, de ce que nous n’avons pas trouvé de dimorphisme dans les eytocystes des Danilewskya, il ne s'ensuit pas que ce dimorphisme n'existe pas. Aussi ne pouvons-nous pas sépa- rer les Danilewskya des Drepanidium et des Karyolysus. Voici le résumé de la classification : D. princeps, n. Sp. Drepanidium Ray Lankester. D. monilis, n. sp. D. avium, n. Sp. HémosPonipies. { Karyolysus, nov. gen. K. lacertarum Danil. . D. Stepanowi Danil. \ Danilewskya, nov. gen. \ D. Lacazei, n. Sp. ! D. Krusei, n. Sp. I]. CARACTÈRES ZOOLOGIQUES ET BIOLOGIQUES DES GYMNOSPORIDIES. Nous avons classé, sous la dénomination de Gymnosporidies, les senres Aalteridium, Proteosoma, Hæmamæba, Dactylosoma, Cyta- mæba, qui ont les caractères généraux suivants : Une vie toujours intraglobulaire ; Une structure amæbienne à l'état adulte ; Une reproduction par sporozoïles sans aucune membrane capsularre (les spores sont nues). Évolution. — Le point initial du développement est un petit Amibe, muni d’un granule nucléinien, qui évolue dans un globule rouge. Cet Amibe grandit, et, la plupart du temps, il se produit un dimorphisme; tantôt il prend une forme allongée, qui ne présente pas de mouvements amæboïdes, tantôt il prend une forme absolu- ment amæboïde {Proteosoma, Hæmamæba, Dactylosoma). Ces deux formes ont du reste une structure comparable, et le granule nucléinien primitif est devenu le nucléole d’un noyau vési- culaire. Elles aboutissent à une même forme ronde qui précède le PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 203 stade de sporulation. Dans le cas général, le plasma s’arrondit puis se divise par segmentation en un certain nombre, souvent considérable, de sporozoïtes qui prennent des positions diverses autour d'un reli- quat, de telle sorte que le stade de sporulation peut avoir la forme d’une rosace, d’une morula ou d'un éventail. Il n’y a donc qu'une seule spore, nue. Chez les Halteridium, il y a deux spores distinctes, pourvues cha- cune d’un noyau vésiculaire; mais ces deux spores sont réunies, jusqu'à la formation des sporozoïtes, par une bande de protoplasma fibrillaire, qui a le rôle et la signification d'un reliquat; l’ensemble a la forme d’une haltère, d'où le nom d'Aalteridium. La reproduction est toujours endoglobulaire. Il arrive assez rare- ment que les parasites pénètrent dans des leucocytes ou des cellules endothéliales des parois des vaisseaux. On peut rencontrer des formes libres dans le sang, mais elles ne sont libres que par suite de la destruction du globule; souvent le noyau de l’hématie reste, même dans ce cas, accolé au parasite. Enfin les formes libres dans le sérum, sauf les jeunes formes, entrent rapidement en dégénérescence. Cette dégénérescence, dans les genres Æalteridium, Proteosoma et Hæmamæba, se traduit par l'apparition de flagelles et de pseudo- bourgeons, précédant la désagrégation, sous l'influence des causes physico-chimiques qui influent sur le sang sorti des vaisseaux. Structure. — La structure d’une Gymnosporidie est celle d’un Amibe. Nous ne saurions assez insister sur ce fait. Il y a toujours un ectoplasme et un endoplasme. L’apparence pres- que constante de ces parasites est hyaline. Après coloration, on voit que l’ectoplasme seul est hyalin et homogène; l’endoplasme, qui est de structure nettement alvéolaire, avec renflements aux entre- croisements des réseaux, renferme, en outre de nombreux produits accessoires. Partout, on rencontre des granules chromatoïdes ayant les mêmes caractères que chez les Hémosporidies. Dans les parasites du sang 204 ALPHONSE LABBF. des Vertébrés à sang chaud, chez les genres Halteridium, Proteo- soma, Hæmamæba, on trouve du pigment, souvent très abondant. Ce pigment se présente SOUS la forme de grains très fins ou de bâton- nets cristallins souvent très gros. I1 affecte dans le parasite des places variables. Tantôt il reste, au centre, formant de petits amas, qui sont pourtant divisés en deux groupes bien nets (corps en Crois- sant). Tantôt il se place aux pôles du parasite, comme cela à lieu chez beaucoup d’Aalteridium. Tantôt il se place superficiellement (Hæmamæba), formant des couronnes assez régulières. Ge pigment apparaît de bonne heure; les spores et les très jeunes parasites n'ont jamais de pigment; bientôt les jeunes formes acquièrent un grain de pigment, puis plusieurs. Ce pigment, dont il existe au moins trois variétés: une noire, une jaune-ocre, une rouge-feu, provient de la désassimilation de l’hémoglobine sous l'influence du parasite *. Chez les parasites du sang des Vertébrés à sang froid, Cytamæba et Dactylosoma, À n'y à pas de pigment. Mais chez les Dactylosoma, nous trouvons des granules très brillants, probablement formés par une huile ou une essence volatile, et qui sont probablement des pro- duits de désassimilation du globule. Les vacuoles accidentelles du plasma ne sont pas toujours des symptômes de dégénérescence (Hæmamæbu). Le noyau existe généralement. Chez Cytamæba, pourtant, nous n'avons pu, d'une façon précise, déceler sa présence. C’est toujours un noyau vésiculaire, souvent très grand, formé d'une membrane la plupart du temps colorable par les réactifs, et d'un nucléole dont ja taille varie. Quelquefois il est tres petit et se borne au granule nucléinien primitif de la spore, tantôt (Halteridium) il est grand et occupe presque toute la capacité du noyau. Entre les membranes et le nucléole existe toujours un espace non colorable formé par le suc i La plupart des auteurs donnent au pigment une grande importance pour la classification ; nous ne sommes pas de cet avis, et nous pensons que c'est Un carac- tère des plus secondaires. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG PES VERTÉBRÉS. 205 nucléaire. Le nucléole, qui présente souvent de nombreux nucléo- lules, renferme la partie chromatique du noyau. Le noyau se forme comme chez Îles Hémosporidies. Autour du granule nucléinien primitif, presque toujours excentrique, se forme une aire claire, qui s’entoure d'une membrane ‘. Puis Île nucléole prolifère, augmente de volume et constitue le nucléole définitif. En résumé, si l’évolution des Gymnosporidies est d’une Coccidie, leur structure est celle d’un Amibe; le protoplasme, le noyau, sont un protoplasme et un noyau de Rhizopode. Vie intraglobulaire. — L'action des parasites sur les globules rouges est différente de celle des Hémosporidies. En général, on peut dire que cette action est beaucoup moins visible que celle des Hémosporidies. Chez les Dactylosomi et les Cytamæba, nous ne constatons nulle action sur le globule. Les Cytamæba pourtant déplacent, font cha- virer en quelque sorte le noyau du globule, qui prend une position quelconque dans l’hématie. Dans les autres genres, on constate d’une facon générale l'hyper- trophie de l’hématie et la diminution de l’hémoglobine. On observe quelquefois aussi l’anémie du globule, caractérisée par la teinte lie de vin, par l’hématoxyline aurantia. Les Halteridium, qui se placent d'ordinaire parallèlement au noyau de l’hématie, refoulent quelquefois ce noyau, mais le plus souvent se développent à ses côtés, ayant une grande tendance à l'envelopper (ce qui arrive, du reste, chez les formes de la moelle des os et de la rate). L'affaiblissement de la teinte jaune de l’hémoglobine se tra- duit du côté opposé du noyau, et s'étend au fur et à mesure que Île parasite se développe, pour bientôt gagner tout le globule. Il arrive 1 Çe noyau est un noyau de Rhizopode ou d'Héliozoaire; le nucléoie est en somme le vrai noyau. La membrane nucléaire, très résistante, très spéciale, n'apparait qu’assez tard: nous pensons que c’est la vraie membrane du noyau, séparée de celui-ci par un abondant suc nucléaire, et non, comme le croit Penard, homologue de la capsule centrale des Radiolaires, 206 ALPHONSE LABBÉ. souvent que l’hémalie disparaît, ou subsiste seulement à l’état de contour. La même chose se passe pour les croissants de la malaria, qui sont souvent accompagnés d’une ligne fine reliant les extrémités et qui est le reste du globule disparu. Les Proteosoma relèguent le noyau du globule verticalement, le faisant chavirer de différentes façons à l'extrémité du globule. En résumé, les Gymnosporidies n’ont pas une action mécanique aussi forte que les Hémosporidies sur les globules rouges, et leur action, souvent pathogène (Hæmamæba, Proteosoma), provient d'au- tres causes que de cette action directe. Nous ferons, en outre, remar- quer que jamais ces parasites ne se creusent de cavités dans les hématies, ce qui arrive si souvent chez les Hémosporidies. Les mouvements des Gymnosporidies sont des mouvements pure- ment amæboïdes. Ces mouvements am&æboïdes, très prononcés chez toutes les formes jeunes, sont lents et ne donnent lieu qu’à des pseudopodes courts et massifs chez les Dactylosoma et les Hæmamæba. Cependant, les Hæmamæba de la tierce ont, d’après Golgi, des pseudopodes assez longs et déliés. Les Proteosoma ont des mouve- ments beaucoup plus lents encore, el changent peu de forme. Les /lalteridium ont aussi des mouvements amæboïdes, lorsque les deux noyaux ont constitué deux sporés et que ces Spores ne sont pas encore arrondies. Beaucoup plus vifs sont les mouvements des Cijtamæba, qui ont des pseudopodes souvent extrêmement longs et déliés, et dont les changements de forme sont si rapides qu’on ne peut les suivre à la chambre claire. | Un autre genre de mouvement est celui qu'on observe à l’inté- rieur même des Amibes, et qui se traduit par le mouvement gira- toire des granulations et du pigment, Nous ne parlons que pour mémoire des mouveinents saccadés et très vifs qu'ont les Proteosoma, les Halteridium, les Hæmamæba, qui PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 207 se transforment en Polymilus ; nous avons vu que c'était une véri- table excitation asphyxique. On n’a pas observé de conjugaison vraie. Pourtant, il nous faut rappeler que, d’après Mannaberg, les corps en croissant de la ma- laria proviennent de la conjugaison de deux, même trois petits para- sites. De plus, il est certain que les petits parasites endoglobulaires peuvent se conjuguer dans un même globule. La division des parasites est certaine. Laveran l’a déjà observée dès longtemps chez les jeunes formes malariques, et Grassi et Feletti chez les formes en croissant. Nous l'avons observée nous-même chez les Proteosoma et les Cy- tamæba *. La nutrition des parasites s’indique par la formation du pigment et des granules d’assimilation, qui sont surtout abondants quand la sporulation va commencer. Nous n'avons pu déceler la présence du glucose, comme nous l'avons fait pour les Drepanidium. Nous avons, enfin, étudié, sur différents parasites, l’action de divers réactifs. On conçoit que nous n’avons pu procéder à des expériences de chimiotaxie, comme pour ies Hémosporidies: nous avons étudié directement l’action de différents réactifs, soit en les faisant prendre à l’animal, soit en observant leur influence in vitro. La quinine, qui à une action si énergique sur les //æmamoæba, n'agit pas sur les autres Gymnosporidies ; elle ne tue pas les para- sites; mais, à la dose de À à 2 centigrammes par jour (Pinsons et Alouettes), elle les force à s’arrondir, supprimant les mouvements amœæboïdes, sans du reste avoir d’autre action sur le protoplasme et le noyau. Celli et San Felice avaient déjà étudié ces faits. L’antipyrine, de 15 à 50 centigrammes, n’a aucune action. ! Nous rapprocherions volontiers cette prolifération par division intracellulaire de la division intracellulaire que nous avons signalée chez les Coccidiés jeunes dans les cas d’inféction coscidienne aiguë, 208 ALPHONSE LABBÉ, L'acide phosphorique à À pour 100, agissant sur une préparation, provoque l'arrondissement des formes ; le pigment est très volnmi- neux et se tasse en gros amas. Il ne se forme pas davantage de fla- selles, en dépit des expériences de Zacharias sur l'action du phos- phore sur les cellules. Le chlorure de sodium, de 0,5 à 1 pour 100, reste sans action; à plus forte dose, il provoque l'arrondissement. Le bleu de méthylène, agissant à l’état frais, tue rapidement les parasites en les colorant. Sporulation. — La sporulation est très rudimentaire. Nous avons déjà mis à part les Halteridium. Dans les autres genres, le plasma s’arrondit et se divise simplement en un plus ou moins grand nombre de sporozoïles ; il y a toujours un reliquat formé par le plasma non employé, le pigment ou les granulations. Auparavant, deux faits importants se présentent : chez les Hémo- sporidies, le parasite, avant de se diviser, accroît considérablement de volume, et se bourre de granules protéiques d'assimilation et de granules chromatoïdes. Ghez les Gymnosporidies, des eranules chro- matoïdes apparaissent en grande quantité, mais on ne voit pas les granules plastiques, qui existent chez les Coccidies et les Hémospo- ridies ; de plus, le parasite n’augmente pas de volume, autrement dit, il n'y a pas de stade d'accroissement avant la sporulation ei après l'arrondissement. Les formes de sporulation se ressemblent beaucoup ; elles ont l'apparence de 7'osace, de marguerite', de mo- rula, d’éventail. Avant la sporulation, le noyau primitif perd sa membrane el se di- vise directement en autant de noyaux qu'il y aura de sporozoiles : chaque sporozoïte est donc pourvu d’un petit granule nucléinien. Chez les alteridium, le noyau primitif se divise également, mais sans perdre sa membrane, etles deux noyaux en résultant sont consti- tués comme le noyau primitif. Ges deux noyaux deviennent le centre 1 Ce sont les termes de Danilewsky. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 209 de deux groupes protoplasmiques, de deux spores, et se divisent en- suite en perdant leur membrane ; dans chacune de ces deux spores, les phénomènes se passent comme dans les autres Gymnosporidies!, Ces deux spores, n'étant pas contenues dans une enveloppe com- mune, mais étant en contact direct avec la paroi du globule, sont reliées par une bande étroite de protoplasma, remplie de pigment, de granulations, qui disparaît quand les sporozoïtes sont formés et se réduit alors à un petit amas de protoplasma granuleux, qui est un reliquat. Nous avons dit, à plusieurs reprises, que le noyau primitif du parasite se divisait directement pour donner les noyaux secondaires. Nous avons vu que, chez les Æalteridium, le noyau primitif se divi- sait par un simple étranglement, tandis qu’à l’intérieur de la mem- brane la partie chromatique nucléolaire se divisait également ; nous avons vu qu'entre les deux parties chromatiques en voie de sépara- tion, on pouvait voir parfois une sorte de fuseau achromatique. Il en résulterait que, de même que chez certains Rhizopodes?, la partie chromatique du noyau se divise peut-être par karyokynèse à l’inté- rieur de la membrane nucléaire ; mais nous n'avons pu voir de cor- puscules polaires, et par conséquent, bien que nous pensions que la division se passe de cette sorte, nous n’avons pu constater l'entrée de ces corpuscules dans le noyau, comme le décrit Schewiakoff dans l'Euglypha alveolata. Dans tous les autres cas, le noyau perd sa membrane, et le nu- cléole seul avec la partie achromatique du noyau se divise; nous avons pu voir également parfois une sorte de court fuseau achro- matique entre deux de ces noyaux secondaires se divisant. Il en ré- sulte que, peut-être, la division dite directe n’est, dans bien des cas, qu'une karyokynèse plus ou moins déguisée, et que, dans le 1 Nous avons vu que as chacune des spores des Halieridium, 17 avait souvent une couronne superficielle de granules chromatoïdes, ce qui indique encore mieux l'identification de chacune d'elles avec une monosporée entière. ? SCHEVIAKOFF, Ueber die karyokinetische Kerntheilung der Euglypha a (Morphol. Jahrbuch, XIII, 188$). ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, — 3 SÉRIE. -— T, 11. 1894. 14 210 ALPHONSE LABBÉ. cas des Gymnosporidies du sang, le noyau, qui paraît se diviser di- rectement, subit en réalité une mitose vraie à l’intérieur de la mem- brane nucléaire. Mais ces organismes sont irop petits et, par suite, les chances d'erreur sont trop grandes pour qu'on puisse poser des affirmations. Gi nous résumons la sporulation des Gymnosporidies, nous con- statons l’absence complète de toute membrane kystique, la présence d’une ou de deux spores, donnant par division un plus ou moins grand nombre de sporozoïtes groupés autour d'un reliquat. Dégénérescence. — Nous ne faisons qu'indiquer que les genres Proteosoma, Halteridium et Hæmamæba, ont souvent des phases dé- génératives accidentelles, connues sous le nom de Polymitus ou de corps à flagella, remarquables par l'apparition de flagelles, de pseudo- bourgeons, et par des mouvements particuliers du protoplasme. Ces formes à flagelles, de même probablement que les pseudo-spirilles de Danilewsky, sont causées par les modifications physico-chimiques que subit le sang hors des vaisseaux. | Classification. — La classification des Gymnosporidies, d’après les caractères que nous venons dénoncer, semble facile. Il est évident que, sous le nom de Disporées, il nous faudra mettre à part le genre Halteridium. Sous le nom de Monosporées, nous pourrons comprendre Îles genres Proteosoma, Hzæmamæba, Dactylosoma, Cytamæba. Les trois premiers de ces derniers genres ont, dans leur évolution; un caractère important : ils peuvent prendre soit une forme allongée, régulière, soit une forme nettement amæboïde; ces deux formes aboutissent, du reste, à une forme ronde qui précède la sporulation. Nous n’avons pas conslaté ce dimorphisme chez les C'ytamæba. Enfin, les Dactylosoma diffèrent des Proteosoma et des Hæemamæba en ce qu'ils n’ont pas de stade de dégénérescence à ilagella et qu'ils se réduisent par l’'hémoglobine en mélanine. Les Gymnosporidies ne comprennent pas seulement les cinq senres que nous avons étudiés. Nous avons étudié, dans ces recher- PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES. 9241 ches, exclusivement les parasites endoglobulaires; mais si nous cherchons les rapports des Gymnosporidies avec les organismes voisins, nous Voyons que, dans ce groupe à caractères bien nets et bien tranchés, nous pouvons faire entrer non seulement les parasites que nous avons étudiés, mais encore certains parasites dont la place n’était pas encore bien déterminée et dont les caractères sont ceux que nous avons assignés aux Gymnosporidies. Nous voulons parler des deux parasites découverts par Heiden- hain ’, étudiés par Steinhaus ?, sous les noms de Cytophagus tritonis et Karyophaqus salamandræ. Ces parasites se trouvent dans les noyaux et dans les cellules épi- théliales des Tritons et des Salamandres. Nous-même avons trouvé un parasite analogue chez Xana temporaria, dans les noyaux des cellules épithéliales de l'intestin (Xaryophaqus ranarum, n. sp.). Rien en somme, dans la définition des Gymnosporidies, n'indique l'absolu du mot parasites endoglobulaires, qu'on peut fort bien remplacer par les mots parasites intracellulaires. Les autres caractères de ces parasites sont bien ceux des Gymnos- poridies : phase amæboïde, aucune membrane kystique à aucun stade, division du plasma en nombreux sporozoïtes. Les différences consistent dans l'habitat, qui est une cellule ou un noyau d'une cellule épithéliale, et dans la disposition des sporo- zoïtes, qui, au lieu d’être arrondies ou ovalaires, sont vraiment des corpuscules falciformes, et qui se groupent suivant des méridiens, de ielle facon que leurs noyaux sont sur le même équateur, et que la figure a la forme d’un tonnelet. Ce sont, en somme, des Coccidies monosporées acystidées. Nous trouvons donc, dans ces parasiles, un terme de passage excellent des Gymnosporidies aux Coccidies. Nous ne pensons pas, du reste, qu’il y ait, entre les Xaryophagus 1 Pflüger’s Archiv, supplément du XLIIIe volume, 1888, pl. II, fig. 16 a-e. ? Archiv fur Pathol. Anat. u. Phys., vol, CXV, 1889, p. 176-185, pl. V, et Central: blatt für Bakt, u. Parasit, 1891, IX. è 9212 ALPHONSE LABBÉ. et les Cytophagus, des différences suffisantes pour qu'on en fasse deux genres différents. En faveur de cette idée parle ce fait que L. Drüner, dans un travail récent!, a trouvé des Karyophagus salamandræ, non plus dans les noyaux, mais, comme les autres Coccidies, entre le noyau et le plateau cellulaire (loc. ci., p. 321). Les genres Karyophagus et Cytophagus de Steinhaus, n'ayant, en somme, QUE la différence d'ha- bitat, cette différence se trouve supprimée. Nous proposons, pour Ces organismes, le nom d'Acystis. Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de faire trois espèces; notre ancien Âa- ryophagus ranarum est absolument identique aux descriptions de Karyophagus salamandræ, et celui-ci ne diffère mème pas par l’habi- tat, comme nous venons de le voir, des Cytophagus ; nous donne- rions volontiers à ces parasites le nom d'Acystis parasitica. Ainsi étendu, le groupe des Gymnosporidies pourra ètre divisé ainsi qu'il suit : DiIsPORÉES. Je + Halteridium: Deux spores nues reliées par un reliquat...e Sporozoites groupés Stades de … en rosace, en mo- générescence( Proteosoma. | rula ou en éven- à flagelles. {Hæmamæba. ca tail. Pigment. | =\Parasites des glo- Dimors | bules rouges. phisme. Ha ee © e dégéné- © MONOSPORÉES. a à Dactylosoma. = Une seule spore nue. | LS 7 ; Pas de pigment. ul 7 ° . . Pas de dimorphisme. Cytamæba. Sporozoïtes disposés en tonnelet ......... D NRC CAT sen ) Parasites des cellules épithéliales ou de leurs noyaux..........ee es Le groupe des Gymnosporidies comprendra alors les Sporozoaires intracellulaires dont la reproduction par sporozoïtes se fait dans l'inté- rieur des cellules sans l’adjonction d'aucune membrane kystique envelop- 1 L. Drüner, Beiträge zur Kenniniss der Kern und Zellendegeneration und ihrer Ursache (Jenaische Zeitschrift, vol. XX VIII, 1894, p. 295-325, pl. XX et XXI). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 213 pante et qui présentent, avant la sporulation, des mouvements el une structure d'Amibe. Cette large définition ouvre la voie toute grande à de nombreux organismes parasitaires encore mal connus ou discutés. Tels les organismes que Babès et Smith ont décrits, l’un dans l'hémoglobinurie des bestiaux en Roumanie, l’autre dans la fièvre du Texas. Babès ne veut voir en ces organismes, qui sont parasites des globules rouges, que des Diplocoques ; mais les recherches ré- centes de Smith!, qui décrit non seulement les stades jeunes, en forme de petits globules accouplés, mais aussi des stades amiboïdes très grands, conjugués ou solilaires, d'énormes corps pyriformes, endoglobulaires, qui montrent en leur centre des parties colorables par le bleu de méthylène, font voir nettement qu’il s’agit d'orga- nismes probablement voisins de celui de la malaria. En l’absence de toute indication sur le mode de reproduction de ces parasites, on ne peut pas encore les ranger parmi les Gymnosporidies. Tout aussi énigmatiques sont les prétendus parasites désignés par L. Drüner (loc. cit.)sous le nom de Hicrococcidium Karyolyticum, et qui seraient parasites des noyaux testiculaires de Salamandra maculosa ; ces formations, décrites autrefois par Flemming et sur- tout par Hermann, comme des phénomènes karyolytiques, seraient des parasites karyophages. Il est permis de se réserver. Nous ne savons ce qu'il faut penser des parasites (?) du cancer, des épithéliomes, de la maladie de Paget, de la psorospermose fol- liculaire de Darier, des karyophages (?) des cirrhoses et des sar- comes: mais il est certain que si l’on démontre que ces formations sont vraiment des parasites et des Sporozoaires, on devra les ratta- cher aux Gymnosporidies. 1 Th. Smirx, Die Ætiologie der Texas Fieberseuche des Rindes (Centralbla!t f. Bakt. u. Parasit., XIII, 1893, n° 16). 2 On a donné au parasite de la fièvre du Texas le nom de Pyrosoma bigeminum, et à ceux de Babès, qui seraient très différents, les noms de Babesia ovis et B, bovis. 8 Archiv f. hikr. Anat., vol, XXXIV, 1889. 214 ALPHONSE LABBÉ,. IIT. RELATIONS AVEC LES AUTRES GROUPES. Les Hémosporidies, comme les Gymnosporidies, présentent, ainsi que nous venons de le voir, des caractères bien nets et bien définis. Nous devons étudier maintenant les rapports de ces deux groupes entre eux el avec les autres Protozoaires. Nous avons déjà vu que les Hémosporidies étaient des Sporozoaires vrais : ce sont des Cytozoaires, des Sporozoaires intracellulaires, qui diffèrent des autres (Sporozoaires des tissus, Histozoaires), en ce qu’une phase de leur existence au moins esi intracellulaire. Les Hémosporidies diffèrent des Grégarines par le stade de sporo- cyste, qui n'est jamais intracellulaire chez les Grégarines ; elles ont, comme les Grégarines, un stade d’accroissement intracellulaire, un stade libre ensuite, pouvant être accompagné d’une conjugaison ; les Grégarines ont, de plus, un stade d'évolution nettement à deux degrés ; dans les spores, toujours très nombreuses, se développent des sporozoïtes. Chez les Hémosporidies, pour conserver l’'homo- Jogie des termes, il faut concevoir que le cylocyste entier représente une spore. Les Hémosporidies sont donc toujours monosporées. Les Coccidies diffèrent des Hémosporidies en ce que leur dévelops pement entier est tout intracellulaire. Il n'y a pas de stade libre entre le stade d’accroissement et le stade de sporulation. On ne peut, en effet, admettre comme stade libre le cas des Coccidies à développement exogène ; celles-ci se forment une capsule épaisse; puis le kyste formé tombe dans la cavité intestinale pour être éva- cué au dehors. On ne peut considérer les kystes capsulaires de Coccidium comme homologues du stade libre adulte d'une Gréga- rine ou d’une Hémosporidie. C’est par ce stade libre que les Hémo- sporidies diffèrent des Coceidies monosporées à développement simple, comme les £imerra. L'évolution des Hémosporidies les place donc entre les Grégarines et les Coccidies ; il y a, dans ce groupe, une phase grégarinienne el PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES. 215 une phase coccidienne. Leur structure confirme cette place. En effet, tandis que le stade libre, par ses couches cuticulaire et fibrillaire, la structure de son noyau et ses mouvements, ressemble extrêmement aux Grégarines monocystidées, le stade de cytocysle avec ses gra- nulations de réserve, granulations qui n'apparaissent qu à ce stade, et disparaissent avec la formation des sporozoïles, est identique au stade de sporocyste d’une Coccidie monosporée, telle que l’£imeria falciformis. Schneider a déjà montré, dans quelques-uns de ses beaux travaux, les ressemblances entre le cycle évolutif des Coccidies et celui des Grégarines. Le groupe des Hémosporidies relie plus étroitement en- core ces deux groupes de Sporozoaires. Il faut cependant remar- quer que, comparativement aux Grégarines, les Hémosporidies ont une infériorité considérable, et cette infériorité paraît tenir au mi- lieu qu'elles habitent. Il est, en effet, certain que le milieu le plus primitif pour un Spo- rozoaire, celui qui suppose les organismes parasitaires les moins dégradés, est le tube digestif. L'étude faite par Schneider et Léger des kystes cœlomiques, le fait que les Grégarines trouvées dans la cavité générale sont des Mo- nocystidées, c'est-à-dire des Grégarines rudimentaires, que les Gré- garines cœlomiques ont émigré dans la cavité générale à travers les couches intestinales, montrent que les Grégarines les plus élevées en organisation sont des Grégarines intestinales. Or, les Hémospo- ridies ont la structure des Monocystidées les plus rudimentaires. Un autre signe de la dégradation des Hémosporidies, c'est la na- ture du cytocyste. La capsule chitineuse, presque toujours de néo- formation, qui existe chez tous les kystes de Grégarines et de Coc- cidies, est ici extrêmement réduite, et ne consiste plus qu'en une simple membrane. Il faut reconnaître que la reproduction étant toujours endogène, il n’est nullement nécessaire que la membrane du kyste soit très ré- sistante, comme chez les Coccidium, qui doivent évoluer en dehors A6. ALPHONSE LABBÉ, du corps de l’animal. Les Coccidies des Poissons (Coccidium sardinæ, C. gasterostei, C. crucialum, C. lucidum, etc.), qui ont un développe- ment endogène, ont, de même que les Hémosporidies, une capsule extrêmement mince et peu résistante‘. Si donc la minceur et le peu de consistance de la capsule kystique sont des symptômes de dégradation, il faut reconnaître que cette dé- gradation existe chez tous les parasites intracellulaires, qui ne sont pas forcés de subir une partie de leur phase évolutive à l'extérieur dau corps, et les Hémosporidies sont de ceux-là. Un deuxième caractère très important de la dégradation parasi- taire chez les Hémosporidies se montre dans la sporulation. , Chez les Grégarines et les Goccidies les plus complexes, la sporu- lation est nettement à deux degrés, en ce sens que le contenu plas- ne qu kyste se divise en un nombre limité ou illimité de spores, à l’intérieur desquelles bourgeonnent des sporozoïiles, en nombre divers. Chez les £imeria et d’autres Coccidies monosporées, la spo- rulation n’est plus qu’à un degré, le contenu du kyste donnant di- rectement naissance à un grand nombre de sporozoïtes; il en résulte que pour ramener le cycle évolutif au précédent, il faut considérer le contenu entier du kyste comme formant une seule spore. Les Zimeria sont certainement les plus inférieures des Goccidies. Mais les Coccidium, qui ont toujours quatre spores ; les Diplospora etles Cyclospora, qui en ont toujours deux, doivent être placés au- dessus des Ælossia, par exemple, chez lesquelles le nombre des spores est illimité. Le nombre limité des sporozoïtes est aussi, assurément, l'indice d’une supériorité d'organisation, qui fait placer les Klossia au-dessous des C'occidium. Pour ramener les Hémosporidies au schéma commun, nous avons vu qu'il nous fallait considérer le contenu entier du cytocyste 1 THéLonan, Annales de micrographie, 1890, t. II, p. 475 ; Journal de l'anatomie et de la physioiogie, 1892, p. 151 ; Comples rendus de l’Académie des sciences, 1893. Cf. aussi LABBÉ, Sur deux Coccidies nouvelles, parasites des Poissons (Bulletin de la Societé zoologique de France, 1893, p. 202). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS., 217 comme formant une seule spore, laquelle donnait naissance à de très nombreux sporozoïtes. Il nous faut donc regarder les Hémo- sporidies comme formant un groupe, intermédiaire, il est vrai, entre les Grégarines et les Coccidies, mais d’une infériorité cer- taine, et cette infériorité provient de l’action modificatrice et dégé- nérative du sang, considéré comme milieu ‘. Cette dégradation parasitaire est bien autrement sensible chez les Gymnosporidies. Celles-ci, quelle que soit l’apparente ressemblance qu'elles présentent souvent dans leurs stades moyens avec les Hémo- sporidies, ont deux caractères très tranchés qui les différencient absolument de tous les autres Sporozoaires intracellulaires ; les sporocystes sont nus et n'ont jamais de membrane chitineuse pro- tectrice et, de plus, les stades amæboïdes prédominent jusqu’à l'état adulte. ; L'ensemble de l’évolution rapproche les Gymnosporidies des Coc- cidies. Notre sous-groupe des Acystidés surtout comprend, en somme, des Micrococcidies semblables à l’£imeria, mais sans capsule chilineuse, ni membrane enveloppante d’aucune sorte. Les Halteridium, avec leurs deux spores bien isolées morpholo- giquement et biologiquement, occupent la place la plus élevée ; quant aux genres Proteosoma, Hæmamæba, Dactylosoma, Cytamæba, ils occupent la place la plus inférieure du groupe. Les Gymnosporidies ont donc, en somme, les caractères de Coc- cidies acystiques à phase adulte amæboïde. Nous avons déjà vu que l’absence de capsule, protégeant le pro- toplasma en voie de sporulation, était un caractère important chez les Sporozoaires, où la capsule chitineuse existe presque toujours, élant presque une nécessité du parasitisme. L'importance des mou- vements et de la structure d’Amibe à l’état adulte est plus considé- rable encore. En effet, la sporulation n’est pas un caractère abso- ! Gette infériorité se constate du reste chez tous les parasites du sang, que ce soient des Vers, comme les Filaires ou les Bilharzia, où des Protozoaires, comme les Trypanosomes, 218 ALPHONSE LABBÉ. lument essentiel des Sporozoaires. Des Monériens, des Radiolaires, des Héliozoaires, même des Flagellés (Euglènes) peuvent s’enkyster et se reproduire par spores. Grassi a également décrit chez la Sagitta, des Amœæbiens(?) parasites (Amæba pigmentifera, A. chætognathi) qui, après enkystement, donnent, par segmentalion, de nombreux Spo- rozoiïtes. Les Gymnosporidies, si l'on se fait aux deux seuls caractères de forme amæboïde et de sporulation, devraient donc être rangées (et c'est l’opinion de Grassi) parmi les Rhizopodes, même parmi les Chytridinées” ou les Monadines. Nous ne saurions nier les relations étroites des Gymnosporidies avec les Sarcodaires, mais nous pensons que Cë sont, non des rela- tions phylogénétiques, mais des rapports très indirects causés par une profonde dégradation parasitaire. Le caractère le plus essentiel des Sporozoaires est leur caractère de parasitisme, et ce parasitisme est lui-même très spécial, car ce sont des parasites des cellules ou des tissus, des C'ytozoaires ou des Histozoaires, et il nous paraît plus rationnel de considérer les Gymnosporidies comme des Coccidies in- testinales dégradées* que comme des Amibes parasites, devenus parasites intraglobulaires ou intracellulaires. Dans le tableau ci-contre nous résumons ces affinités. Nous n'avons nullement l'intention de considérer ce tableau comme représentant les rapports phylogénétiques des Sporozoaires intra- cellulaires, mais nous pensons résumer les relations réelles des divers groupes. Nous avons vu que nous pouvions diviser la classe des Sporozoaires en deux sous-classes : 1 L'absence de mycelium et de zoospores flagellées chez les Gymnosporidies est du reste assez importante pour que cette opinion ne puisse être adoptée. 2 Dans le sang, les Flagellés, tels que les Trypanosoma ou les Trypanomonas (Herpetomonas, pro parte) deviennent très facilement amæboïdes ; de même les Gymnosporidies monosporées et disporées du sang des Vertébrés à sang chaud acquièrent facilement des prolongements flagellaires en subissant une dégénéres- cence spéciale. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 219 1° Les Cytozoatres ou Cytosporidies, qui ont pendant une période au moins de leur existence une vie intracellulaire ; 2° Les Aistozoaires ou Histosporidies qui n’ont pas de stade d’ac- croissement intracellulaire, et sont parasites des tissus conjonctifs, musculaires et peut-être même nerveux‘. Ce dernier groupe n’a pas de réelle affinité avec nos parasites endoglobulaires (sauf peut-être les Microsporidies, encore mal connues) et comprennent les Micro- sporidies, les Sarcosporidies et les Myxosporidies. Les Cytosporidies comprennent quatre ordres : les Grégarines, les Hémosporidies, les C'occidies, les Gymnosporidies. Grégarines Coccidium Polycistidées Klossia Coccidies monosporées Grégarines Micrococcidies Monocystidées ——— A\cystidées Hémosporidies Haltéridiens Gymnosporidies monosporées ES Flagellates. Sarcodaires. Résumons les caractères différentiels de ces ordres : 1° Le stade d’accroissement est foupours intracellulaire ; 2° On ne peut considérer une forme adulte libre que chez les Grégarines et les Hémosporidies. Dans ces groupes, il peut y avoir une conjuqasOn ; à 3° La forme adulte allongée et mobile chez les Grégarines et les Hémosporidies, arrondie et immobile chez les Coccidies, amæboïde chez les Gymnosporidies, s’enkyste, c’est-à-dire s’entoure d’une membrane protectrice, excepté chez les Gymnosporidies ; 4° L'enkystement ou l'arrondissement précède la sporulation. Le 1 PREIRFER (%), p. 75 et suiv. (Polyneurilis parasitica, chez Thymalius vulgaris). 220 ALPHONSE LABBÉ. contenu du kyste se divise et donne de 4 à n spores. À l’intérieur de chaque spore Se forment de 4 à n sporozoites ; so Les Grégarines seules ont des kystes (sporocystes) non intracel- lulaires. Elles sont toujours polysporées ; Ge Les Hémosporidies ont toujours des kystes (cytocystes) intra- globulaires ou intracellulaires et sont toujours monosporées ; 2 Les Coccidies et les Gymnosporidies ont toujours des kystes (sporocystes) intracellulaires ou intraglobulaires et peuvent être indifféremment monosporées ou polysporées ; g Les Coccidies et les Gymnosporidies peuvent, en outre, dans des cas d'infection aiguë, subir une division précoce, des stades intra- cellulaires”. En résumé, les Grégarines et les Hémosporidies ont comme carac- tères communs, un stade d'accroissement pur et simple intracellu- Jaire, un stade libre adulte avec conjugaison possible et une struc- ture grégarinienne de l adulte; ce sont des parasites à mouvements vermiformes. Ges deux groupes diffèrent par leur mode de sporula- tion : les Hémosporidies ont une sporulation coccidienne intracellu- laire et sont toujours monosporées. Les Coccidies et les Gymnosporidies ontun stade d’accroissement avec division précoce intracellulaire (dans les cas d'infection ai- guë), une sporulation toujours intracellulaire et peuvent être mono- sporées ou polysporées. Les Gymnosporidies diffèrent des Coccidies par l’absence de membrane kystique et leur phase adulte franche- ment amæboïde. Les caractères généraux de ces quaire groupes seront : Une phase d'accroissement toujours intracellulaire. Une phase de sporulation donnant des spores en nombre variable, chaque spore se transformant en sporozoïtes mobiles. 1 LaBBé, Sur les Coccidies des Oiseaux (loc. cil.). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 221 Il LE PARASITISME INTRAGLOBULAIRE. Nous venons d'étudier la structure et l’évolution des parasites en- doglobulaires. Il nous reste à étudier comment et sous quelle forme ces parasites peuvent exister en dehors de l'organisme; comment et par quelles voies ils peuvent pénétrer dans cet organisme; quelles sont, enfin, les conditions de la pénétration, c’est-à-dire de l'infection; en der- nier lieu, quels sont les effets de la pénétration, c’est-à-dire du parasitisme. I La première question que nous ayons à nous poser est celle-ci : Comment un parasite, tel que ceux que nous venons d'étudier, peut-il exister en dehors de l'organisme et sous quelle forme ? Cette question est extrêmement importante au point de vue du parasitisme intracellulaire. Un sporozoïte pénètre dans une cellule ou dans un globule, y grandit, s'y divise, donnant naissance à d’autres sporozoïtes. Ceux-ci, pour se développer, ont absolument besoin d’une autre cellule ou d'un autre globule, dans lequel ils puissent pénétrer. S'ils ne peuvent en rencontrer, ils restent plus ou moins longtemps à l’état de sporo- zoïtes amæboïdes ou non. Ce que nous venons de dire est la règle absolue du parasitisme intracellulaire. Nul parasite intracellulaire ne peut vivre, c’est-à- dire évoluer et se reproduire sans la cellule. À priorr, il est donc impossible de songer à réaliser les conditions nécessaires à l’évolution d’un parasite intracellulaire, et il est illo- gique d'employer, pour chercher à reproduire cette évolution, les procédés de culture employés en bactériologie. Aussi tous les essais tentés pour cultiver dans des milieux artificiels le parasite de la malaria n’ont-ils pu aboutir. 292 ALPHONSE LABBÉ. Tout au plus peut-on essayer de conserver de tels parasites ou de terminer le cycle évolutif. C’est ainsi que dans l’eau additionnée de thymol ou de sel marin (à 0,6 pour 100), ou encore dans le liquide digestif des Hirudinées, on peut conserver des Drepanidium vivants, pendant un ou deux jours, dans les globules sanguins; mais les cytocystes de ces Drepanidium ne se trouvant que dans les organes hématopoïétiques, il est difficile de réaliser les conditions nécessaires à l’enkystement et à la sporulation. Certes, on peut arriver à compléter le cycle des Coccidium, par exemple. Les kystes, pris dans ja cavité intestinale et placés dans des conditions suffisantes d'humidité, montrent, au bout de quel- ques Jours, des spores, puis des sporozoïtes, et l'on peut ainsi étudier le cycle évolutif du parasite. Mais on ne fait, en procédant ainsi, que reproduire ce qui se passe à l'extérieur du corps de l'animal infesté, puisque les kystes évacués avec les fèces sporulent dans un milieu humide, ce qu’ils ne peuvent faire dans la cavité intestinale ; les sporozoïtes ne peuvent recommencer le cycle qu’en pénétrant de nouveau dans une cellule épithéliale. j Les parasites endoglobulaires ne peuvent exister extérieurement à l’état de kystes contenant des sporozoiïtes ; les Gymnosporidies n’ont pas de kyste, et la membrane kystique des Hémosporidies esttrop mince pour résister au milieu extérieur. Sous quelle forme donc ces parasites pourront-ils exister extérieu- rement à l'organisme ? Beaucoup d'auteurs ont cherché, pour les parasites malariques, à s’en rendre compte. Quelques-uns, comme Maurel’, ont employé un procédé de t‘itonnements bien hasardeux, cherchant directement dans l'air, l’eau, le sol des contrées infestées par l’impaludisme, les microbes, spores, algues et champignons inférieurs, infusoires, protistes de toute nature, qu’on eût pu incriminer. Une telle méthode, en dépit 1 MaureL, Recherches microscopiques sur l’étiologie du paludisme ! Archives de mé- decine navale, 1887). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 9293 de l'énorme travail qu'elle nécessite, ne peut évidemment conduire à aucun résultat. Un autre procédé, employé par T. Coronado !, consiste à cultiver dans de l’eau distillée du sang malarique, en comparant les orga- nismes qui s’y développent avec ceux qui se développent dans des tubes témoins ne contenant pas de sang malarique. L'auteur n’a réussi qu'à donner éclosion à des Monadines ou autres Infusoires nettement déterminés. Tous les procédés que nous avons employés nous-même ont échoué et, en l’absence d'expériences concluantes, il faut se borner à émeltre les hypothèses les plus vraisemblables, Certes, les parasites endoglobulaires ne peuvent se présenter dans le milieu extérieur sous la forme qu'ils ont dans l'intérieur de l’or- ganisme. Faut-il penser pour cela qu'il y a dimorphisme et que 1 forme qu'ils affectent est très différente de celle que nous avons étudiée ; qu'ils subissent une évolution spéciale; qu’ils sont para- sites, à l’extérieur du corps, d’un végétal ou d’un animal des marais ? Cette opinion est très hypothétique et nous ne pensons pas qu’elle soit exacte. Pourquoi n'admettrait-on pas que les parasites endoglobulaires existent à l'extérieur du corps à l’état de « spores » et que les sporo- zoites soient, comme c'est le cas tout à fait général, les agents de dissémination? Que ces sporozoïtes prennent l'allure, l'aspect et même la reproduction, par division, des amibes vrais, cela n’a, du reste, rien d’'impossible, et notre opinion ne différerait pas, dans ce cas, beaucoup de celle de Grassi et Feletti. La quantité prodigieuse de petits Amibes qu'on rencontre dans les poussières de l’air voisines des marécages, ou dans les marais eux- mêmes, rend cette opinion plus vraisemblable. Mais il est encore plus probable que les sporozoïtes, surtout ceux 1 In Cronica medico-quirurgica de la Habana, 1890 (extrait dans Centralblatt für Bakt. u. Parasit.). 294 ALPHONSE LABBÉ. des Gymnosporidies, bien protégés par leur enveloppe résistante, prennent peu cette allure amæboïde et que, dans l'air, ils se trou- vent mêlés à l'énorme quantité de microbes de même taille, que Îles aéroniscopes et autres instruments décèlent partout en si grande abondante. Il Comment se fait la dissémination ? Les études de nombreux hygiénistes ont fixé, pour la malaria, les conditions indispensables pour la propagation des measmes”. GUes conditions ne sont applicables qu'à l’'Aæmamæba malarique. Du reste, les auteurs sont assez divisés ; tandis que les uns attribuent la plus grande part dans l'infection à l'influence directe des marais (d’où le mot impaludisme), les autres voient surtout dans l'air l'agent propagateur des fièvres (mal'aria). Ce qui nous paraît certain, c'est que les accumulations de ma- tières organiques, surtout végétales, en décomposition, mélangées avec de la terre humide, exposées à l’air etsoumises à une tempéra- ture minimum de 45 degrés (Maurel), sont ia condition quasi-indis- pensable à la propagation des Hæmamæba. Que ces matières viennent à se dessécher, le moindre courant d'air transportera les sporozoîtes à une certaine distance, disséminant l'infection. C’est certainement de cette façon que se propagent la plupart des Gymnosporidies. Certes, les Alouettes et les Pinsons, qui hébergent des Gymnosporidies, sont souvent très éloignés de terrains pa- lustres; mais il faut se rendre compte que, dans la moindre mare, dans la moindre ornière où ces Oiseaux peuvent boire ou se baï- gner, peuvent se trouver réumies les conditions telluriques dont nous venons de parler et qui ne déterminent l'impaludisme chez l'homme que quand elles sont suffisamment développées. 1 Cette idée des miasmes malariques a existé de loue antiquité. Ces « animal- cules » provenant de la décomposition des végétaux des marais, el qui devaient occasionner les fièvres, étaient déjà une tendance vers l'idée parasitaire. Salisbury nommait les Palmelles, qu'il considérait comme la cause de la maladie, Gemiasma (SaisBury, Cause des fièvres intermittentes ; Revue scientifique, 6 novembre 1869). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 225 Les sporozoïtes des Hémosporidies se propagent vraisemblable- ment par l’eau ingérée et non par l’air. Pour cette question, comme pour la précédente, il est difficile d’être affirmatif, et il est probable que la nature a employé plu- sieurs moyens simultanément. III Comment et par quelles voies se fait l'infection, c’est-à-dire de quellefaçon les parasites pénètrent-ils dans le sang? Pour répondre à cette question, il nous faut la diviser. Infection par hérédité. — Tout d’abord l'infection peut-elle être héréditaire ? La question est assez difficile à résoudre. Les Hémosporidies, les Halteridium, en général sans action sur l'organisme, sont des parasites chroniques ; l’animal qui les héberge _ peut les conserver toute sa vie sans en être beaucoup incommodé. L'infection peut diminuer plus ou moins d'intensité, elle peut se compliquer d'infections secondaires, mais elle persiste en général fort longtemps. L'animal infesté se reproduisant, on peut se demander si, dans ces conditions, il peut transmettre par hérédité les parasites qu'il héberge. On trouve très rarement des Drepanidium chez les Tétards, de même que des Danilewskya chez de jeunes £'mys. Généralement, les parasites sont d'autant plus abondants que l’animal est plus âgé”. Nous n'avons jamais trouvé non plus de parasites endoglobulaires chez de très jeunes Oiseaux. Cependant Danilewsky assure en avoir observé chez des Oiseaux sortant du nid. Chez l'Homme, on observe souvent des cas de malaria infantile. Dans les pays tropicaux, où la fièvre intermittente est endémique, il semble, d’après des témoi- gnages nombreux, que l’impaludisme soit nettement héréditaire. Il 1 Des expériences que nous avions tentées sur de nombreux Lacerta vivipara infestés artificiellement n’ont pas abouti. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GËN. — 3€ SÉRIE, — T. Il. 1894, 45 @ 226 ALPHONSE LABBÉ. serait intéressant d'étudier cette question d'une façon précise, de voir si l'infection peut se transmettre de la mère à l'enfant par les vaisseaux placentaires. On pourrait admetire que le fait d'habiter un pays palusire occa- sionne une prédisposition héréditaire à être atteint d'impaludisme A Mais on ne peut conclure de cetie prédisposition à une nécessité de contagion. Le cas est tout différent de ceux d’hémophylie (Bluter- krankheit), qui est une maladie organique héréditaire des vaisseaux déterminée par une anomalie primitive du parablasie, pour laquelle Weissmann ? a pu invoquer sa théorie des déterminants, Dans tous les cas, le passage des éléments figurés non pathogènes se faisant par les vaisseaux placentaires seulement dans les cas de lésions du placenta (Maivor), il s'ensuit que la transmission intra- placentaire des parasites endoglobulaires chez l’Homme est liée d’une facon absolue à une altération du placenta. La transmission héréditaire des Hémosporidies et des parasites des Oiseaux est encore plus difficile à admettre. L'infection par l'œuf ne pourrait se produire que dans les trompes avec la sécrétion de l’albumine à, et ce fait est douteux. Nous ne croyons donc pas à une infection héréditaire. Infection par voie intestinale. — L'infection se fait-elle par l'in- testin ? On pourrait admettre que les sporozoïtes, pénétrant dans l'intestin, soit par l’eau, soit par les aliments ingérés, suivent, par exemple, les conduits biliaires, pénètrent dans le foie el, de là, dans les vaisseaux sanguins, qui criblent le parenchyme hépatique. Chez les Grenouilles, le foie est souvent rempli de Drepanidium 1 Laveran à cité plusieurs cas de paludisme chez des nouveau-nés, dont les mères étaient atteintes d'impaludisme (9, p. 157). 2 À. Weismann, Das Keimplasma (Eine Theorie der Vererbung, Léna, 1892, pe 485 et suivantes). 3 Podwissozky a signalé des Coccidies dans l'œuf de Poule. Ces Coccidies se trouvaient dans l'albumen. Elles se rencontrent du reste extrèmement rarement. (Voir PoDwISSOZKY, Centraiblatt für Aligein. Path., 1890, I, n° 5.) PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 227 _ princeps qui ont pénétré toutes les cellules de l'organe; d'autre part, on rencontre parfois des Drepanidium dans la cavité intestinale. Il semblerait donc indiqué de penser que les sporozoïtes suivent la vole que nous exposions plus haut, Mais il faut se hâter de trop tôt tirer des conclusions. Tout d’abord, on trouve des Drepanidium dans le contenu intestinal; mais on peut observer que, dans ce cas, il y a toujours quelques globules rouges dans la préparation, globules provenant de la rup- ture d'une villosité. Puis, le fait qui s'applique au Drepanidium princeps ne s'applique nullement au Ÿ. monts, qu’on ne trouve jamais dans les cellules du foie, non plus qu'aux Æaryolysus et aux Danilewskya des Lézards et des Tortues. Il faut donc se garder d'affirmer que les sporozoïtes pénètrent par cette voie, non plus que par la voie rénale. Pénètrent-ils donc directement dans les vaisseaux des villosités en perçant l’épithélium ? Plusieurs faits sont en faveur de cette hypothèse. Bien que nous n’ayons jamais trouvé la moindre Hémosporidie dans des coupes d’intestin, cependant nous avons plusieurs fois observé que, dans des cas d’anémie extrème, les protozoaires intes- tinaux peuvent passer dans le sang à la faveur de l’affaiblissement des muqueuses. Chez des Lézards anémiés par une longue captivité, nous avons pu voir passer dans les vaisseaux sanguins, où ils étaient très nom- breux, des Bodo, des Hexamitus et autres Flagellés, parasites ordi- naires du rectum de ces animaux. Nous avons observé le même fait chez des Grenouilles, et Dani- lewsky chez des Tortues. Ce fait expérimental montre que, par l’affaiblissement anémique des épithéliums, les Flagellés peuvent passer dans le sang, et c’est de cette façon, probablement, qu’émigrent dans les vaisseaux Îles Trypanosomes et les Trypanomonades. 2928 ALPHONSE LABBÉ. és = {1 démontre un autre fait intéressant : c’est que, contrairement à opinion émise par Faggioli‘, le sang n’a pas une action délétère constante sur le protoplasme des organismes inférieurs unicellu- laires, et que certains de ces organismes peuvent, par l'intestin, ar- river dans le torrent circulatoire. Faggioli, qui a surtout opéré sur des Ciliés (Paramæcium, Glaucoma, Trichodon, Coleps, etc.), à ob- servé que les mouvements des cils, non coordonnés, finissent par s'arrêter lorsque ces protozoaires sont en contact avec le sérum, que les vésicules contractiles sont en diastole exagérée, et que la désagrégation, sous l'influence des sels dissous, particulièrement de NaCl, ne tarde pas à se produire. Il en conclut, ayant opéré avec le sang de beaucoup d'animaux, que « tous les liquides san- guins ont une haute action délétère sur le protoplasma des Pro- tistes ». Les faits que nous citons conduisent, au contraire, à ad- mettre que les Flagellés s'adaptent très bien au milieu sanguin où ils sont conduits accidentellement, et que ce milieu ne leur est nul- lement funeste *. Mais de là à conclure que l'infection hémosporidienne à lieu par l'intestin il y a loin. L'expérimentation, qui réussit si bien avec les Coccidies, était ce- pendant à tenter. Nous avons tenu longtemps en captivité des Grenouilles indemnes de tout parasite, dans l'intestin desquelles nous avons introduit des fragments de foie et de rate d’autres Grenouilles infestées de Dre- panidium. Dans un seul cas, sur plus de cinquante expériences, nous avons obtenu un résultat favorable. 1 Faccron, De l’action délétère du sang Sur les Protistes (Archives italiennes de bio- logie, XVI, 1891, p. 276-285). 2 [| faut remarquer qu'à l'exceplion des Grassia, dont l'existence est très problé- matique, et qui ressemblent beaucoup trop à des cellules æsophagiennes ciliées de Grenouille, il n’y a que des Flagellés parasites du sang. Le milieu sanguin ne semble pas propice aux organismes ciliés, et nous n'infirmerions pas les resultats de Faggioli, sil se bornait à les appliquer aux seuls Ciliés. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 229 On ne peut guère conclure de ce seul cas à l'infection par l'intes- tin, et il nous paraît difficile d'affirmer que c’est par l'alimentation que les Hémosporidies pénètrent dans Îles organismes qu’elles in- festent. L'ingestion d'eau dans laquelle avaient macéré des organes infes- tés n’a donné aucun résultat. Les Gymnosporidies des Oiseaux ne se transmettent certainement pas par l’eau potable, ni par les aliments ; toutes nos expériences faites sur des Pinsons et des Alouettes ont échoué. Chez l'Homme, plusieurs auteurs considèrent l'ingestion d'eau potable dans les régions soumises au paludisme comme une cause de maladie (voir Laveran, loc. cif., p. 149-150). On pourrait contracter la fièvre en buvant de l’eau provenant des localités palustres, et il suffirait de boire de l’eau bouillie ou, en tout cas, de l’eau provenant de localités non palustres, pour être épargné par les fièvres. Le fait classique de Boudin ‘ sur l'épidémie du vaisseau l’Argo, les faits cités par Laveran ne laissent pas de doute à ce sujet. Mais, en l'absence de données très précises, on ne peut guère indiquer quelle voie prennent les sporozoïites, dans ces cas, pour pénétrer dans le sang. En résumé, les parasites endoglobulaires des Grenouilles et des Reptiles peuvent, peut-être, suivre la voie intestinale pour pénétrer dans le sang. Dans certains cas, il en est peut-être de même des pa- rasites de l’impaludisme. L'hypothèse reste très douteuse pour les autres parasites et les Gymnosporidies des Oiseaux. Infection par le sang et les organes respiratoires. — La {ransmis- sion directe par le sang des parasites endoglobulaires est toujours possible. Par ces mots éransmission directe par le sang, nous entendons les procédés expérimentaux permettant d'introduire directement, 1 Boupin, Traité des fièvres intermittentes, Paris, 1843, p. 66. I 230 ALPHONSE LABBE. soit dans les vaisseaux d’un animal indemne, soit dans ses organes respiratoires, une petite quantité de sang appartenant à un animal de même espèce infesté. L'opération ne nécessite pas un manuel opératoire compliqué ; une simple seringue de Pravaz suffit, dans laquelle on introduit par aspiration quelques grammes du sang de l'animal infesté. On dé- nude une veine‘ de l'animal en expérience, et l’on injecte directe- , J ment le sang. Un peu d’amadou suffit pour arrêter l’'hémorragie. Pour injecter du sang dans les poumons, il est préférable de dé- nuder un peu la trachée. Par ce procédé, nous sommes presque toujours arrivés à repro- duire l'infection. Chez les Grenouilles, l'opération réussit presque toujours, et au bout d’une huitaine ou d'une dizaine de jours, les Drepanidium com- mencent à apparaître dans le sang ; de même, les Dactylosoma et les Cytamæba. Chez les Lézards, l’inoculation ne réussit qu’une fois sur trois en moyenne : chez les Pinsons, quatre fois sur cinq; chez les Alouettes, une fois sur trois ou quaire. La réussite de l’inoculation semble en rapport avec l'intensité de l'in- fection dans l'espèce à laquelle appartient l'individu inoculé. Il est certain qu’il faut tenir compte de l’immunité et des facteurs divers dont nous parlerons plus loin. Mais jamais elle ne réussit de genre à genre ou d'espèce à espèce”? C’est ainsi que nous avons vainement essayé d’inoculer des Drepa- nidium à des Rana temporaria, à des Bufo vulgaris, à des Hyla arborea; et des Danilewskya Stepanowi à des Testudo græca. Nous avons vu plus haut que nous n’avions pu inoculer les Æal- teridium alaudæ à des Pinsons, et des Halteridium fringillæ à des Alouettes. | 1 Pour les Grenouilles, on peul prendre une des grandes veines abdominales, 2 Nous pouvons faire exception pour les Lacerta, qui renferment les mêmes para- sites, qu'ils soient viridis, ou ocellata, ou agihs. Cependant, nous n’avons jamais réussi à infester des Lacerta vivipara avec les parasites de L. agilis. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES. 9231 De même, toutes les expériences qu'on a faites pour inoculer des parasites malariques à des Oiseaux ont échoué (Laveran, Celli et San Felice, ete.). En revanche, plusieurs auteurs ont réussi à transmettre artificiellement l’impaludisme par l'injection de sang palustre; Îles observations de Marchiafava et Celli, T. Gualdi et E. Antolisei, Man- naberg, sont particulièrement intéressantes à ce sujet. Pour résumer ces faits, on peut poser les lois suivantes : 1° La transmissibilité directe par le sang des parasites endoglobulaires est toujours possible d'individu à individu ; 90 Cette transmissibilité est soumise aux lois de l’immunité et est en rapport avec l'intensité de l'infection dans l'espèce dont il s'agit ; 30 La transmissibilité n’est pas possible d’espèce à espèce, non plus que de genre à genre. IL nous reste à étudier comment cette transmissibilité expérimen- tale peut se produire dans la nature. A. Par des traumatismes. Il est difficile d'invoquer ce mode de con- tagion. B. Par des parasites sanguicoles. On trouve souvent dans le sang des Grenouilles', des Tortues?, des Oiseaux”, des filaires et des em- bryons de filaires. Je ne crois pas qu’on puisse compier sur ces Né- matodes pour transmettre le parasite. C. Par les parasites cutanés. La transmission par des parasites cutanés externes ou par des animaux se nourrissant de sang doit être soumise à un examen plus sérieux. En ce qui concerne les Grenouilles, nous ne connaissons que deux animaux, qui se nourrissant, accidentellement il est vrai, du sang des Batraciens, pourraient transmettre l'infection à d’autres indi- vidus. Le premier, l'Argulus foliaceus L., est un Crustacé, un Copé- 1 Par exemple, chez Rana esculenta : Filaria ranæ esculentæ Valeniin ; Filaria neglecta Diesing ; Filaria rubella Rud. 2 La Filaria cistudinis Leidy, des Tortues d’eau douce. 3 Chez de très nombreux Oiseaux, on trouve des Filaires : chez Alauda arvensis, on trouve Filaria unguiculata Rud ; chez Coracias garrula, F. coronaia Rud, et F!,. capitellata Schn., etc. 08? ALPHONSE LABBF. pode, qui vit surtout en ectoparasite sur les Poissons (Pou des Carpes), mais qu’on trouve souvent nageant dans les mares, où il s'attaque volontiers aux Têtards et aux Grenouilles. Nous avons mis en contact des Argules avec des Grenouilles infestées de Drepani- dium, puis, lorsqu'ils furent gorgés de sang, avec des Grenouilles non infestées. Mais les Drepantidium ne tardent pas à mourir dans l'estomac, où les globules sont dissous. De plus, la conformation de la trompe et du stylet ne sont guère favorables à l'hypothèse d'une transmission de parasites par ce moyen. Nous avons plus d’une fois trouvé des Aulastoma dans l'intestin desquels existaient des Drepanidium vivants, et très agiles, à côté de globules de Grenouilles. J'ai cité le cas d’un Aulastoma qui était resté isolé plus de cinq jours, et qui renfermait des Drepanidium vivants !. D’autres Aulastomes, tenues en captivité, montrèrent des Drepanidium vivants au bout de quinze jours. Les Sangsues renfer- mant dans leurintestin un principe étudié par Haycraft, qui empêche le sang de se coaguler, on peut penser que des Aulastomes, possé- dant des Drepanidium, dans leur intestin, et venant à attaquer une Grenouille indemne, peuvent transmettre Îles parasites. L'expérience montre qu’il n’en est rien. Chez les Oiseaux, nous trouvons de nombreux parasites cutanés, des Sarcoptides plumicoles et des Apières mallophages. Ces derniers pouvaient peut-être déterminer la contagion. Ayant isolé un certain nombre de Poux d’Alouette {Pterodectes?) pris sur une Alouette infestée d'Aalteridium, nous les avons transportés sur une autre Alouette qui n’était pas infestée; mais l'infection ne réussit nulle- ment. Du reste, nous n’avons pu découvrir, par l'examen microsco- pique de l'intestin de ces Mallophages, ce que devenaient les para- sites endoglobulaires ingérés avec le sang. 11 est peu probable que la contagiosité se fasse de cette manière. Sur quatre ou cinq Alouettes, on n'en trouve souvent qu’une por- 1 Lapzé, Note sur un nouveau parasile du Sang : Trypanomonas Danilewskyi (Burietin de la Société zoologique de France, t. XVI, 27 octobre 1891). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DÉS VERTÉBRÉS. 933 teur de Mallophages, et ce n’est pas souvent celle-là qui est infestée de parasites endoglobulaires. En dernier lieu, plusieurs auteurs ont pensé que, dans l'impalu- disme, les moustiques pouvaient jouer un rôle de propagation”. Ces insectes abondent dans les localités palustres et disparaissent avec les marais. Mais, jusqu'ici, on ne peut donner aucun fait précis à l'appui de cette hypothèse, à laquelle Laveran semble se rattacher. D. Par l'air inspiré. Les expériences précédentes montrent que la seule façon sûre d'infection est l'introduction directe des parasites dans le sang. Le sang ne se trouvant guère en contact avec le mi- lieu extérieur que dans les organes respiratoires, on peut penser que c'est par les poumons que se fait l'infection. L'infection expérimentale, directe, par l’injection du sang dans la trachée, réussit bien pour les Gymnosporidies. Nous sommes arrivé une seule fois à reproduire l'infection par les Halteridium, avec un autre procédé qui se rapproche davantage de celui qui se passe dans la nature. Ayant mélangé intimement du sang d’Alouette contenant des Halteridium avec des poussières et ayant maintenu pendant plu- sieurs jours ce mélange dans une humidité constante, nous l'avons étendu dans une cage contenant une Alouette indemne; les pous- sières, desséchées rapidement, ont, sans aucun doute, été respirées, par l’Alouette, qui, une huitaine de jours après, contenait dans le sang quelques /alteridium qui, bientôt, sont devenus très nombreux. Cette expérience montre que l'air est un agent considérable dans la transmission de l'infection. Si nous résumons ce chapitre, nous voyons que l'appareil respira- toire pardt être pour les Gymnosporidies l'organe de passage des para- sites, tandis que pour les Hémosporidies, l'infection pourrait plutôt se faire par l'intestin. Cependant, il ne faudrait pas invoquer de règle absolue, et il serait 1 ]l est certain que les Moustiques propagent [a filariose. Peut-être même propa- gent-ils la fièvre jaune {Findlay). 234 ALPHONSE LABBÉ. tO nécessaire de reproduire ces expériences Sur une très grande échelle pour pouvoir affirmer la voie que suivent les parasites. IV Quelles sont les conditions de l'infection? Autrement dit,comment les parasites, introduits dans le sang, peuvent-ils S'y maintenir ? Nous venons de voir que le parasite, pour exister dans l'hôte et s’y reproduire, devait trouver réalisées un certain nombre de con- ditions spéciales opposées à ce que nous avons appelé l’immunité. L'immunité, somme toute, est donc constituée par l'ensemble des forces organiques qui luttent contre les parasites envahisseurs. Le parasite qui a franchi la porte d'entrée d’un organisme, doit done trouver réalisées un certain nombre de conditions. Nous n’analyserons pas les conditions générales d'affaiblissement, d'âge, de climat, de température. Nous insisterons sur deux de ces conditions qui sont des conditions directes. La première de ces conditions est une condition de milieu. Le glo- bule est absolument nécessaire à la vie active et à l'évolution des parasites endoglobulaires. On ne peut concevoir un parasite intra- cellulaire sans la cellule, un parasite intraglobulaire sans le globule rouge. Les sporozoïles des Hémosporidies, mobiles et pourvus d’une pointe effilée, pénètrent facilement dans les globules. Geux des Gym- nosporidies s’accolent aux globules et pénètrent plus lentement par une sorte de digestion lente, ce qui a pu faire dire à Laveran que les parasites malariques étaient simplement accolés aux globules. La deuxième condition, c'est que la réaction de l’organisme ne soit pas assez forte pour chasser le parasite envahisseur. Cette lutte de l'organisme contre les parasites a suscité bien des théories qui ne sont applicables qu'aux parasites microbiens. Mais un fait tout à fait général, c'est que lorsqu'un parasite pé- nètre dans un organe, les leucocyies, macrophages, microphages, PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 9235 accourent de toutes parts, et détruisent l'agent pathogène. Faut-il admettre que le parasite soit détruit vivant par le phagocyte,comme le veut Metschnikoff, ou bien, suivant l’ancienne théorie de Cohn- heim, que les phagocytes fassent disparaître les parasites morts ou les débris de parasites, comme ils font disparaître les déchets de toute sorte qui encombrent le sang? C’est ce problème que nous allons chercher à élucider en étudiant la lutte des phagocytes conire les parasites endoglobulaires. Dans un Lézard, la rate, qui étaitremplie de Karyolysus à tous les stades de développement, montrait d'énormes macrophages remplis de pigments, de débris de globules sanguins et de nombreux para- sites, les uns à demi digérés, les autres encore peu atteints, quoi- que morts. Quelques-uns de ces macrophages renfermaient quinze ou vingt parasites, parfois libres, parfois aussi encore renfermés dans des hématies qui avaient été englobées. Nous avons représenté deux de ces macrophages, pl. VI, fig. 33, 34. On ne peut nier que les phagocytes englobent des parasites libres et vivants. Le parasite est ordinairement entouré dans le plasma du phagocyte par un espace clair qui constitue une vacuole. Cette va- cuole digère lentement le parasite de la même facon que les Amibes digèrent ce que contiennent leurs vacuoles. Nous regrettons de n'avoir pas usé de l’alizarine sulfo-conjuguée dont Le Dantec! s’est servi avec tant de bonheur. L'action du suc digestif des vacuoles s'indique en tout cas par la dégénérescence et la variété de colora- tion du parasite; celui-ci perd son noyau, le plasma se désagrège ou plutôt se dissout peu à peu, la cuticule seule et les granules per- sistent plus longtemps. Lorsque le parasite est endoglobulaire, la digestion du parasite se fait parallèlement à celle de l'hématie. La dégénérescence digestive suit une direction, en quelque sorte, centrifuge pour l’hématie comme pour le parasite. Dans l’hématie, le noyau subissant une Le DANTEC, Digestion intracellulaire chez les Protozoaires (Annales de l'Institut Pasteur, 1891, et Thèse de Paris). 236 ALPHONSE LABBÉ. véritable chromatolvse, s’entoure d'une zone eranuleuse tout ana- logue par l'aspect et la coloration avec la désagrégation granuleuse que fait subir à l'hématie la présence des Æaryolysus. Cette zone granuleuse s'étend de plus en pluset gagne la périphérie. Gette diges- tion lente de l’hématie par un macrophage nous confirme dans cette opinion que les Karyolysus digèrent véritablement le contenu de lhématie des Lézards, et que la dégénérescence granuleuse est une conséquence de cette digestion. IL est un fait non douteux : c'est que les phagocytes (macrophages ou microphages) attaquent les parasites libres et les digèrent dans les vacuoles de leur plasma. Quant aux parasites encore endoglobu- laires, on ne peul pas affirmer que les phagocytes absorbent le pa- rasite ou qu'ils n’aient affaire qu’à l’hématie qui renferme le para- site. Ou peut trouver, en effet, à côté des hématies infestées, des hématies absolument indemnes qui sont digérées par les phago- cytes de la même facon et transformées en pigment’. Ce que nous venons d'exposer de la phagocytose chez les Lézards, est également vrai chez les Grenouilles où les Drepanidium sont absorbés en quantité prodigieuse par les phagocytes de la rate et du foie. [1 n’est pas rare d'assister dans une préparation de sang frais à la lutte d’un phagocyte contre un Drepanidium où un Karyolysus, le parasite est souvent vainqueur, et nous en représentons un, pl. LT, fig. 20, traversant victorieusement un leucocyte combattant avec la même facilité qu’un disque sanguin. Les phagocytes, comme le montrent ces exemples, luttent donc dans l'organisme contre les parasites. De nombreux faits, tirés de l'histoire des Gymnosporidies, mon- 1 La coloration par l’hématoxyline-fuchsine acide-aurantia est très utile pour l'étude de ces phénomènes phagocytaires ; l’aurantia, en effet, se concentre très énergiquement sur le plasma des globules ou les débris de globules renfermés dans les phagocytes, donnant en même temps avec l’hématoxyline des colorations très multiples qui permettent de suivre, mieux qu'à l’état frais, les divers stades de la digestion soit des hématies, soit des parasites. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 237 tirent que la phagocytose s'exerce pour ces parasites comme pour les Hémosporidies. Nous venons de voir que la lutte est surtout vive dans les organes hématopoïétiques. Metschnikoff avait déjà montré que, dans la ma- laria, les macrophages du foie et de la rate ontune action énergique. De même, Bignami et Golgi. Ce dernier croit même trouver dans la phagocytose un «rhytme » parallèle au type de la fièvre. Dans le sang en circulation, la lutte des phagocytes est certainement moins forte. Faut-il voir dans les numérations de Kelsch'! un argument en faveur du fait que la lutte est surtout active dans la rate ou la moelle des os, et que dans le sang en circulation, les leucocytes (leucocytes « mélanifères ») se bornent à leur rôle primitif qui est d'accumuler les déchets, pigment, etc., qu'ils trouvent dans le sérum? Pourtant il semblerait d’après les travaux de Metschnikoff, Guarniéri, Marchia- fava et Celli, que non seulement le sang des malariques contient de nombreux phagocytes, mais que même les cellules endothéliales des parois des vaisseaux auraient, dans une certaine mesure, la fonction phagocytaire. Dans les cas que nous avons pu observer, nous n'avons jamais constaté pour les Gymnosporidies, une phagocytose vraie ;en ce sens, que si nous avons trouvé souvent des parasites endoglobulaires dans des phagocytes, nous avons trouvé souvent à côté des globules sans parasites. Pourtant, dans des cas d'infection virulente, soit par des Proteosoma, soit par des Æalteridium, nous avons trouvé la rate et la moelle des os bourrées de phagocytes porteurs de parasites ou de débris de parasites. De même pour les Dactylosoma et les Cytamæba. En résumé, pour tous les cas que nous venons de signaler, il nous paraît impossible de ne pas conclure que les phagocytes absorbent les Gymnosporidies et les Hémosporidies, même à l’état vivant, et que la phagocytose s'exerce principalement dans les organes où se 1 Voir KeLson, Archives de physiologie, 1875, t. II, 2e série, et 1876, t. Ill. — Dans les fièvres ordinaires, le nombre des leucocytes s’amoindrit rapidement el tombe à 1 pour 2090. Dans les pernicieuses il a:gmente (1/48). 238 ALPHONSE LABBE. concentrent le plus grand nombre de parasites, c'est-à-dire la rate, le foie, la moelle des os. La question serait bien éclaircie si les faits se bornaient à ceux que nous venons d'étudier; mais nous n'avons vu qu’un côté de la question, et nous pouvons même dire que c’est un côté exceptionnel de la question. En effet, dans /e très grand nombre des cas, la phagocytose, telle que nous venons de la décrire, ne s'exerce pas, et souvent s'exerce si peu, que les parasites pénètrent, vivent et se reproduisent dans des leucocytes qu’on ne peut considérer que comme des phagocytes. Chez les Grenouilles, on trouve normalement Îles Drepanidium dans les leucocytes, où ils ne sont nullement attaqués par l'énergie digestive du plasma. On peut les voir entrer dans les leucocyles ou en sortir. Dans des cas où les Zrepanidium sont extrèmement nom- breux, on peut voir tous les leucocytes du foie et de la rate remplis de parasites. Ceux-ci se logent même dans le noyau de ces leucocytes. Au pre- mier abord on pourrait croire qu'il y a là un phénomène de phago- cytose et que les Drepanidium sont englobés par les phagocytes. Mais on voit facilement qu’il n’en est rien : la présence des parasites dans le noyau ‘ même des phagocytes est déjà un fait contre cette opinion, De plus, on peut voir les parasites entrer dans les phago- cytes ou en sortir, sans que Ces cellules fassent la moindre Opposi- Lion à l'envahissement. Enfin, jamais on ne voit le moindre parasite dégénéré ou en dégénérescence, comme dans les cas cités plus haut. Nous pourrions citer des cas analogues chez les Æaryolysus et les Danilewskya. Enfin, dans les cas normaux d'infection parles Æ/alteridium, il n'y a pas non plus de phagocyiose. À C’est bien dans la substance même du noyau que Se logent les parasites et noû dans l'anneau que forment souvent les noyaux des leucocytes (surtout dans Île tissu lymphoïde qui entoure le foie). Le noyau des phagocytes est en général petit par rapport à la grandeur de la cellule, et très compact (je parle surtout ici des macrophages). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 239 Non seulement les parasites, à l’état normal, peuvent pénétrer et vivre dans des leucocytes, mais ils peuvent même s y reproduire. Nous avons cité de nombreux faits de ce genre au cours de ces recherches, et nous nous bornons à les rappeler. Le Drepanidium princeps forme souvent à l’intérieur des leucocytes des Leucocyto- cystes analogues aux cytocystes des hématies. Les Gymnosporidies des Oiseaux (/alteridium et Proteosoma) vivent volontiers dans des leucocytes de la rate et de la moelle des os, et bien que nous n’ayons pas trouvé de formes de sporulation, il ne serait pas impos- sible qu'ils s’y reproduisent. Danilewskyÿ a créé le mot de Zeucocy- tozoaires pour des parasiles que nous ne COnnalissONns pas, Mais qui paraissent se développer uniquement dans les cellules de la moelle des os, [1 faut donc déduire de là que la phagocytose, qu'on ne peut nier pour certains cas, n'est pas un phénomène aussi général que la théorie de Metschnikoff le veut. Il nous faut noter, en effet, que les infections dans lesquelles nous n'avons pu voir la phagocytose s'exercer sont souvent aussi vives, sinon plus violentes que celles dans lesquelles elle s'exerce. Les Drepanidium sont des parasites inoffensifs, mais parfois la phagocytose s'exerce sur eux, alors que dans d’autres cas les phagocytes ne méritent plus leur nom. Les phagocytes devraient faire une chasse continuelle aux Æaryolysus qui causent des désordres graves dans les hématies. On ne peut donc dire que la phagocytose n’a pas lieu, parce que l'infection est peu grave. Quelle explication peut-on trouver à deux ordres de faits si diffé- rents ? Faut-il la chercher dans un état accidentel du phagocyte ou dans un état accidentel du parasite ? Y a-t-il snhibition du phagocyte par un principe sécrété par le parasite, ou bien le parasite n’est-il absorbé que par suite d’affaiblissement ? Nous retombons dans l’éternelle discussion quiia fait écrire tant de lignes aux bactériologisies et aux pathologistes. Il nous serait 240 ALPHONSE LABBE. difficile d'émettre une opinion sur des faits dont la seule description fait ressortir la contradiction. Qu'on nous permette seulement d'émettre une opinion. Dans tout le règne animal, à n'importe quel degré de l'échelle, le glo- bule blanc, le leucocyte, l’'amœæbocyte, a toujours une fonction mai- tresse : c’est « le grand égoutier » de l'organisme, c'est lui qui accapare tous les détritus, tous les déchets que l’on trouve dans ie sang, ses pseudopodes lui servent à se déplacer et à se transporter dans les points de l'organisme où son action est nécessaire. Les énormes amæbocytes de la rate, qui résorbent les globules et les réduisent en pigment, n'échappent pas à cette loi. Il n’y a ni macro- phages, ni microphages, il y a des amœæbocytes dont certains, Can- tonnés dans les organes hématopoïétiques ont plus spécialement le rôle destructeur, tandis que d’autres, errants, vont chercher dans tout l'organisme ce qu’il y à à absorber. Les recherches sur la chimiotaxie des leucocytes faites par Pekel- haring, Gabritchewsky, Bouchard, et surtout Massart et Bordet, aboutissent à cette conclusion que les leucocytes peuvent perdre la faculié d’absorber les microbes sans perdre leur irritabilité ni leur mobilité. Ne serait-il pas plus vrai de dire qu'ils acquièrent la faculté de lutter contre les microbes suivant des circonstances qui varient. Dans cette étude des parasites endoglobulaires, nous avons vu que, dans le cas le plus général, le leucocyte n'avait nullement la faculté phagocytaire, et qu'il l’acquérait en des circonstances qu'il était difficile de préciser. Le leucocyte aurait donc en puissance la fonction phagocytaire, mais ne l'exercerait que dans des conditions spéciales, anormales en somme. Quant à savoir si cette fonction phagocytaire s'exerce par suite d'une surexcitation particulière du parasite, et si celte surexCitation est due à la sécrétion de principes particuliers, soit par le parasite ‘, 1 Les Proteosoma et les Hæmamæba n’ont pas seulement une action mécanique ou chimique sur le globule, mais produisent des accidents pyrétiques où autres dans l'organisme entier. Ces accidents sont peut-être dus à l’action loxique d’une sub- PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 241 soit par l'organisme attaqué, il est difficile de s’en rendre compte, et nous n'avons pu l’élucider. y La croissance et la reproduction d’un parasite endoglobulaire ne se font pas sans que le parasite influe plus ou moins profondément sur le milieu dans lequel il a réussi à pénétrer. Nous n'avons pas à nous préoccuper des désordres généraux, pyrétiques et autres, que peuvent occasionner certains parasites endoglobulaires, non plus que des relations pouvant exister entre ces désordres et le développement d’une génération de parasites; ce sont là des questions qui sont du ressort de la pathologie com- parée. Mais nous devons résumer l’action directe que les parasites exercent sur les globules sanguins et que nous avons déjà étudiée dans la première partie de ces recherches, à propos de chaque parasite. Nous avons à considérer séparément l'action sur le globule et l’action sur le noyau du globule. Action sur le globule. — Affaiblissement et même disparition de l’'hémoglobine, hypertrophie et anémie du globule, tels sont les caractères communs à presque toutes les infections globulaires. La disparition totale de l’hémoglobine n’a lieu que lorsque le pa- rasite est déjà de grande taille; les jeunes parasites n'influent pas beaucoup sur l’affaiblissement de l’hémoglobine. L'hémoglobine persiste dans les globules infestés par les Drepanidium, les Dactylo- soma et Cytamæba. Avec les Æaryolysus, elle disparaît de bonne heure. Les Æalteridium montrent bien la disparition progressive de l’'hémoglobine; celle-ci disparaît dans la zone de l’hérmatie opposée à la place qu'occupe le parasite, c’est-à-dire que l’hémoglobine per- stance sécrétée. Mais les autres parasites endoglobulaires n’occasionnent jamais d'accidents généraux, et l’on ne peut supposer qu'ils sécrètent des produits analogues. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN, —- 3€ SÉRIE, == Te, Il, 1894, 16 242 ALPHONSE LABBÉ. siste seulement à la périphérie du globule et autour du noyau. Il y a done une sorte d'anneau privé d'hémoglobine qui indique non seu- lement la place du parasite, mais aussi sa zone d'action. L’hypertrophie du globule, très considérable avec Îles Karyolysus, les Danilewskya, les Halteridium, est un phénomène tout mécanique, consécutif de l’accroissement du parasite. Elle est aussi très sensible dans la fièvre tierce. L’affaiblissement de l’hémoglobine a pour conséquence l’anémie du globule; nous avons déjà indiqué ce que nous entendions par anémie globulaire, etnous avons dit que cette anémie peut se graduer par la coloration lie de vin que prennent les globules à l’aide de l'hé- matoxyline-aurantia !, coloration qui est portée d'autant plus au violet que l’anémie est plus forte. Cette anémie globulaire, qui existe chez presque tous les animaux quand les parasites sont en grand nombre, est certainement causée par les parasites; mais elle peut exister en dehors de ces parasites, et il n’est pas rare de rencontrer des hématies non infestées, qui prennent plus ou moins la coloration lie de vin par l’hématoxyline- aurantia. Il y a cependant une légère différence : les globules infestés prennent toujours plus ou moins la coloration diffuse, mais ne pré- sentent jamais les réseaux ou les granulations que les globules non infestés montrent souvent. L’anémie globulaire n’est souvent que partielle, en ce sens qu'elle ne s'étend pas tout d’un coup à tout le globule; tout le centre du globule étant lie de vin, les bords peuvent encore se montrer orangés. Nous verrons plus loin que l’anémie du globule est en corrélation avec la relégation et la scission irrégulière du noyau; de plus, le sang anémié contient toujours un grand nombre de poikylocytes contenant ou non de la matière nucléaire. Que signifie cette anémie globulaire ? 1 Ou de l’hématoxyline-éosine d’Erlich. La combinaison avec l’auranlia gradue mieux les colorations anémiques. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 243 Erlich, Foa ‘, Mondino ? considèrent les noyaux qui se forment, chez l'Homme, dans les globules anémiés, comme un reste de la substance nucléaire. Il est évident que cette opinion ne peut se soutenir, puisque les mêmes réseaux se montrent dans les globules nucléés des autres Vertébrés. Mais nous admettrions volontiers que, dans tont globule, se trou- vent, en dehors du noyau, deux substances : une, plus spécialement colorable par l’aurantia, l’éosine, la fuchsine acide, le rose Bengale, l’acide picrique, etc., existe seule à l’état normal; l’autre, qui se colore par l’hématoxylinë, le bleu de méthylène, n'apparaît que dans des cas pathologiques, quand le globule s’anémie et que l’oxygéna- tion se fait mal; cette dernière substance, comme Erlich l’a déjà indiqué, est répandue d’une façon diffuse dans le stroma globulaire; de là vient la coloration lie de vin, résultante des colorations com- binées de l’hématoxyline et de l’aurantia. Quelle est cette substance? Il est certain qu’elle est proche voisine des nucléines, mais elle en diffère cependant et, en tout cas, ne provient certainement pas du noyau. Les trois caractères que nous venons d’étudier, la disparition de l’hémoglobine, l'hypertrophie du globule et l’anémie globulaire, sont communes aux hématies infestées par presque tous les parasites endoglobulaires, Le parasite peut, en effet, aller plus loin encore dans son œuvre de destruction. Les Hémosporidies se creusent presque toutes des vacuoles, des cavités dans le globule, ce qui n'arrive jamais pour les Gymnospori- dies. Ces dernières, du moins les genres Æalteridium, Proteosoma et Hzæmamæba, ont la faculté d’absorber l’hémoglobine et de la réduire en pigment mélanique. C’est là une véritable digestion du globule, grâce à laquelle ce parasite peut arriver à devenir libre dans le Sérum: À Atli del 129 congress. del Assoc. med. ital., Pavie, 1888. ? Giornale di sc. natur., Palerme, XIX, 1888. 244 ALPHONSE LABBÉ. Les Aaryolysus, ainsi que nous l'avons vu, digèrent vraiment l’hé- matie qui les héberge, en désintégrant le stroma globulaire ; cette désintégration, grenue d’abord, puis äibrillaire de la partie du stroma qui entoure le parasite, est causée certainement par une action chi- mique, lente, s’exerçant du centre à la périphérie. Si nous résumons l’action des parasites sur Îles globules, nous voyons qu’elle suit la marche suivante : Affaiblissement, puis disparition de l’hémoglobine ; Hypertrophie du globule, Anémie globulaire ; Digestion lente du stroma globulaire. Action sur le noyau. — Dans beaucoup de cas, le parasite n'a pas d'action sur le noyau du globule. Ordinairement, il se place aux côtés de ce noyau.et n’est nullement karyophage! (Drepanidium, Dactylosoma, Halteridium). Les Proteosoma et les Cytamæba relèguent verticalement le noyau de l'hématie, que les Halteridium relèguent horizontalement. Les Æaryolysus sont les seuls de nos parasites à avoir une action dégénératrice sur les noyaux des globules. Nous avons vu que cette action se traduisait par la scission amitotique du noyau, la dégé- nérescence fréquente d’une des parties nucléaires et l'allongement extrème du noyau qui se place latéralement au parasite. Il est intéressant de constater que cette division amitotique, patho- gène du noyau, peut se faire parfois sans la moindre action parasi- taire. Nous avons constaté ce fait dans les globules anémiés d'une Hyla arborea et d’un Lacerta vivipara, où, tandis que les globules prenaient en tout ou en partie la coloration lie de vin caractéris- tique, les noyaux relégués, atrophiés, subissaient de nombreuses divisions amitoliques paraissant la conséquence de l’'anémie extrème. L'anémie globulaire n’est donc pas causée par l’action directe du parasite. 1 Sauf les Drepanidium princeps qui sont karyophages dans les cellules lym- phoïdes et les leucocytes du foie et de la rate. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 245 Si nous résumons les actions diverses que les parasites exercent sur les hématies, nous dirons que le parasite peut agir mécanique- ment et chimiquement sur l’hématie ou son noyau, provoquant l'anémie et l’hypertrophie de cette hématie. Mais nous ajouterons que l’hématie conserve longtemps son rôle anatomique et la faculté de se diviser !. Quant à ses fonctions phy- siologiques, elles disparaissent rapidement, L'action déprimante que le parasite exerce sur ie globule est, du reste, très analogue à celle que les Coccidies exercent sur les cellules épithéliales. Celles-ci, comme nos parasites, sont rarement karyo- phages et se placent généralement entre le plateau cellulaire et le noyau, qu’elles refoulent au fur et à mesure qu'elles s'accroissent. La cellule, pas plus que le globule infesté, ne cesse de faire partie de l'organisme; mais elle s’hypertrophie beaucoup, et son noyau, relégué, a une tendance à s'atrophier*, bien qu'il soit encore sus- ceptible de se diviser. VI L'influence du milieu sur le parasite endoglobulaire se traduit par une dégradation parasitaire plus ou moins profonde. Nous avons déjà parlé de cette dégradation au chapitre pré- cédent. Nous avons vu que les mouvements amæboïdes et la struciure d'Amibe, l'absence ou la réduction de la membrane kystique, la simplification dans les degrés de l’évolution, le grand nombre enfin des sporozoïtes constituaient des caractères d'infériorité qui nous autorisaient à considérer les Hémosporidies et surtout les Gym- nosporidies du sang comme des Sporozoaires plus ou moins dé- gradés. 1 Nous avons figuré (pl. Ill, fig. 21-24) des hématies infestées de Drepanidium se divisant par karyokynèse normale. Pfeiffer nie cette faculté (8, p. 87). 2 Cependant, les cellules rénales de l’Helix hortensis, infestées par des Klossia, montrent un noyau qui grandirait, d'après Wolter, avec le parasite. Cf. Wozrer, Archiv f. Mikrosk. Anat. 1890. 246 ALPHONSE LABBÉ. Nous avons vu les causes de cette dégradation dañs 16 milieu san- guin. Les parasites intestinaux, Comme l'explique la formation des kystes cælomiques des Grégarines, Sont plus élevés en organisation et plus primitifs, en même temps, que les parasites cavitaires. D'autre part, le sañg, bien que constituant un milieu très oxygéné et bien que f’ayant pas l’action délétère Constante que lui prêtent plusieurs auteurs, n’en a pas moins une action de dégénérescence sur les Protozoaires ; c'est un milieu fermé, Sans Communication directe avec le monde extérieur, et son influence est certainement très sensible sur des organismes comme ceux que nous étudions. Il ne faudrait Cependant pas croire que l'action modificatrice du sang est assez forte pour Changer complètement la nature et l'évo- lution d'un parasite. Les inoCulations montrent bien qué chaque parasite endoglobulaire a son hôte déterminé en dehors duquelilne peut vivre; c'est là, du réste, une règle assez Commune du para- silisme. Aussi polymorphisme et dimorphisme n'existent-ils pas chez ces parasites d’une façon aussi générale que bien des auteurs l'ont assure. Nous avons vu, au cours de ces recherches, que lorsqu'il y avait dimorphisme, ce dimorphisme était très restreint et ne s’étendait jamais à l’évolution entière. Certes, nous ne croyons guère l'influence du milieu assez considé- rable pour modifier l'évolution entière d'un parasite ; mais nous avons pu Voir, au cours de ces recherches, que le sang, considéré comme iilieu vital, a pu simplifier des structures parasilaires, mo- dilier certaines formes, supprimer ou alténuer les cuticules kys- tiques, augmenter le nombre des sporozoïtes. D'autre part, nous avons pu voir que les parasites intracellulaires sont moins dégradés dans la cavité intestinale que dans toute autre partie du corps. Nous pourrons donc poser les deux lois suivantes, qui S’appli- quent au parasitisme endoglobulaire, mais qu'on pourrait, Croyons- PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 247 nous, considérer comme la base du parasitisme en général : 1° La dégradation parasitaire est d'autant plus forte que le parasite a moins de rapport avec le milieu extérieur ; 920 La dégradation parasitaire se traduit par deux caractères essen- tiels : a. Simplification dans la structure et dans la complexité de l’évolution. b. Augmentation du nombre des germes de reproduction. CONCLUSIONS, J. PARASITES INTRAGLOBULAIRES. 1° Nos recherches ont abouti à la création de deux grands groupes appartenant à la classe des Sporozoaires : les Æémosporidies et les Gymnosporides. 90 Les Hémosporidies ont pour caractères sénéraux un stade d'ac- croissement intraglobulaire suivi d’un stade libre dans le sérum; une structure grégarinienne à l’état adulte ; une reproduction cocci- dienne par cytocystes endoglobulaires. Nous avons créé les trois genres Drepanidium (D. princeps, D. monilis, D. avium), Karyolysus, et Danilewskya (D. Lacazei, D. Stepanowi, D. Krusei) ; défini les carac- tères de structure, d'évolution et les différences spécifiques de ces espèces. 3° Les Gymnosporidies ont pour caractères : une vie tout intra- globulaire, une structure amæbienne à l’état adulte, une reproduction par gymnosporozoites dans le globule sans qu'il y ait la moindre membrane kystique et aussi une reproduction par division simple intraglobulaire. Nous avons établi les genres Halteridium (Dispo- rées), Proteosoma, Hæmamæba, Dactylosoma, Cytamæba (Monospo- rées), et décrit l’évolution, la structure, la reproduction de ces organismes. 4° Nous plaçons ces deux ordres nouveaux à côté des Goccidies et des Grégarines, séparant ces quatre groupes (C'ytosporidies ou Cyto- zoaires) des autres Sporozoaires (JJistosporidies ou Histozoatres). ALPHONSE LABBÉ. t© rs ID IT. PARASITISME INTRAGLOBULAIRE. 5 4° La cellule est nécessaire à l’évolution de tout parasite intra- globulaire. 9 L'infection parasitaire se fait par les germes reproducteurs, ou sporozoites. 3° Ceux-ci peuvent pénétrer dans l’organisme par l'intestin ou par les voies respiratoires, par l'air ou par l’eau, sans, du reste, qu’on puisse poser de règles absolues. 4 L’infection est toujours possible expérimentalement d'individu à individu, par injection de sang parasitaire dans les vaisseaux ; elle ne peut se faire d'espèce à espèce. 3e L'infection est soumise à cerlaines conditions d'immunité, qui semblent en rapport avec l'intensité de l'infection dans lespèce dont il s’agit; la phagocytose, comme moyen de défense de l'organisme, ne s'exerce pas, en général; mais, dans certains cas, les leucocytes acquièrent un pouvoir phagocytaire. 6° Le parasite n’a pas, en général, d'action pathogène sur l’orga- nisme (sauf chez les Proteosoma et les Hæmamæba). L'action parasi- | taire se limite d'ordinaire au globule infesté ; cette action est méca- nique ou chimiqne et peut occasionner le refoulement du noyau, l'affaiblissement de l’hémoglobine, l’anémie globulaire, même la désintégration du globule ; mais rarement le globule perd la faculté de se diviser et sa fonction spéciale dans l'organisme. 7° L'influence du milieu sanguin sur le parasite endoglobulaire se traduit par la simplification dans la structure et dans l’évolution, et par l’augmentation du nombre des germes de reproduction. 44. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS. 249 BIBLIOGRAPHIE. . Danizewsry, Parasitologie comparée du sang, vol. I et IT, Karkoff, 1889. . CELLI et SAN FeLice, Ueber die Parasiten des rothen Blutkorperchens im Menschen und in Thieren (Forschritte der Medicin, 1891, n°s12, 13, 14). . Bürscuzr, Sporozoa. In Bronn’s klassen und Ordnungen des Thierreichs. . BazBranI, Lecons sur les Sporozoaires, Paris, 1884. . Preirrer, L. 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Versammlung deutsch. Naturforsch. u. a. zu Strasburg (Extrait in : Prolog. Centralblalt., p. 345, 1886). 250 ALPHONSE LABBÉ. 23. Prarner, Ucber die Entstehung des Nebenkerns und seine Beziehung zur Kerntheilung (Arch. fur Müikroskop. Anat., vol. XX VI, 1886, p. 343-369). 24, — Beitrage zur Kenntniss der Z elle und ihrer Theilung. IN. Die Entstehuny Bedeutung der Nebenkerne im Pankreas, ete. (Arch. f. Mikroskop. Anat., mai 1889). 25. Dauizewsry, Die Hematozoen der Kaltblüter (Arch. f. Mikr. Anat., 1885, vol. XXIV). 26, — Sur les Hématozoaires des Lézards (Archives slaves de biologie, 1886). om. — Sur les Hématozoatres des Tortues (Archives slaves de biologie, 1887). 28, — Zur Frage ueber die Identitat der pathogenen Blutparasiten der Menschen und der Hematozoen der gesunden Thiere (Centralblatt für Medice. Wissenchaft, 1886, nos 11 et 42). | 29. Kruse, Ueber Blutparasiten, I(Virchow’s Archiv, vol. CXX, 1890). 20. Gaprircuewsxy, Contribution à l'étude de la parasitologie du sang (Annales de l'institut Pasteur, 1890). 34. LagBé (A.), Contribution à Pétude des Hématozoaires ; les Hématozoaires de la Grenouille (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 12 oc- tobre 1891). 32. — Sur les Hématozoaires des Vertébrés à sang froid (Comptes rendus de l'A cadémie des sciences, 24 octobre 1892). 32. — Dimorphisme de développement chez les Hémosporidies (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 23 mai 1893). PARASITES DU SANG DES OISEAUX. 324. DanLewsrv, Parasitologie comparée du sang, vol. IT, 1889. 25%. — Développement des parasites malariques dans les leucocytes des Oiseaux (Leucocytozoaires, in Annales de l'Institut Pasteur, 1890, p. 427). 26. — Sur les microbes de l'infection malarique aiguë et chronique chez les Oiseaux et chez l'Homme (Annales de l'Institut Pasteur, 1890, p. 753). 27. — Ueber Polymitus malariæ (Centralblatt f. Bat. u. Parasit., 1892, n° 12, 28 mars 1891). 38, — Contribution à l'étude de la microbiose malarique (Annales de l'Institut Pasteur, p. 558, 25 décembre 1891). 29. Kruse (W.), Ueber Blutparasiten, IL (Virchow’s Archiv, vol, CXXI, p. 359, 1890). AO. Grassr et Fecern, Malaria parasiten in den Vogeln (Centralblatt f. Bañt. u. Parasit., n°5 12, 13, 14, mars-avril, et Boll. mens. del Acad. d. sc. nat. di Catania, mars 1890). 24. — Weiteres zur Malariafrage (Centralblatt f. Bakt.u. Paras., 1891,n°16). 42. — Contribuzione allo studio dei parassiti malarici (Ati dell. Accad. Given. d. se. nat. in Catania, 1892-93, année LXIX, vol. V). A3. Ceux et San Feuice. Voir plus haut (2). PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTEBRÉS. 951 A4, LaveraN, Des Hématozoaires voisins de ceux du paludisme observés chez les Oiseaux (Comptes rendus de la Société de biologie, 5 juillet 1890). 45, — Sur des Hématozoaires de lAlouette voisins de ceux du paludisme (Comptes rendus de la Société de biologie, 23 mai 1891). 46. — Des Hématozsoaires des Oiseaux (Mémoires de la Société de biologie, 21 novembre 1891). 4%. — Remarques, ete., sur les formes flagellées (Comptes rendus de la Société de biologie, 28 octobre et 16 décembre 1892). AS, LAaBBÉ, Sur les parasites endoglobulaires du sang de l’Alouette (Comptes rendus de la Société de biologie, 15 juillet 1893). A9. — Sur la signification des formes à flagella de la malaria de l'Homme et des Oiseaux (Comptes rendus de la Société de biologie, 28 octobre et 9 dé- cembre 1893). , PARASITES DU SANG DE L'HOMME ‘. Outre les nombreuses notes de Laveran, nous avons surtout consulté les auteurs suivants : 50. RicHanD, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 20 février 1882. 514. Marcnrarava et CELL, Archives italiennes de biologie, 1884, V. 32. GoLci, Archivio per le scienze mediche, IX et X, 1886. 53. — Archives italiennes de biologie, VII, 1887, et XIV, 1891, p. 81-113. 54. — Forschritte der Medicin, n° 3, XIV, 1899. 55. Marcxiarava et CELL, Archivio per le scienze mediche, 1886. 36. — Forschritte der Medicin, 1° avril 1891. 5%. Merscanirorr, Russkaia med., 1887 (Extr. dans Centralblatt f. Bakt. u. Paras., 1887, n° 21). 58. OHENzINSKY, Centralblatt f, Bakt., 1887, vol. I. 59. CELLI et GUARNIERI, Riforma medica, 1888, n° 208 et 236. 60. Sacharorr, Cenfralblatt f. Bakt., 1889, p. 452. 64. CEzLt et GUARNIERI, Archivio per le scienze mediche, XIII, 1889. 62. — Forschritte der Medicin, n°5 14 et 15, 1889. 63. Grasst et Fecerri, Cenéralb f. Bakt, 1890, et Riforma med., 1890, Da02! 64. Romanovsky, Vratsch, n° 12, 1890, et Thèse de Saint-Pétersbourg, 1891. 5. ANTOLISEI et GuALD1, Riforma medica, 1890, p. 590, 66. Bienaur et BastIANELLI, Riforma medica, juin et octobre 1890, 67. Canauis (Pietro), Forschritte der Medicin, 1890, n°5 S et 9. 6S. MaNNaBerG, Centralblatt f. Klinische Medic., 1891, n° 21, 69. — Verhandl. des XT Kongress. f. Inn. Med., Leipzig, 1892. #0. Cecui, Bakt vom VII Kongress f. Hyg.u. Dem. zu London, 10-17 août 1891. 24. Maracnowsky, Centralblatt f. Klin, Medic., 1891, n° 31. ! La bibliographie détaillée des Hématozoaires malariques se trouve dans Laveran (9) et dans Mannaberg (8). 252 ALPHONSE LABBÉ. #2. Sacuarorr, Annales de l'Institut Pasteur, 1891, V. #2. Korozxo, Thèse de Saint-Pétersbourg (Extr, dans Forschritte der Medicin, 1892, X). 34. Barès et Gueorciu, Archives de médecine expérimentale et d'anatomie pa- thologique, 1°" mars 1893, p. 186-226, pl. IV et V. EXPLICATION DES PLANCHES. Leltres communes à toutes les figures. N = noyau du globule ou de la cellule; n — noyau du parasite; R—reliquat de différenciation, R’ = reliquat de segmentation. l'outes les figures ont été dessinées à environ 4 600 diamètres. (Obj. à immersion 1/16 de Leitz. Ocul. à.) PLANCHE LI. DREPANIDIUM PRINCEPS. Fic. 1-2, Jeunes parasites pourvus d’un granule nucléinien et d’une vacuole. Colo- ration à l’hématoxyline, rose Bengale, aurantia. 3-6. Parasites plus développés montrant] deux vacuoles, une tache nuciéaire et des granules métachromatoïdes. Coloration au bleu de méthylène. Les granules sont rouge violet. 7. Parasite adulte montrant en n, le noyau, en v, v, les vacuoles. Hématoxy- line-aurantia. 8-11. Parasites du foie et de la rate inclus dans des leucocytes ou des cel- lules. En 8, le leucocyte renferme un parasite recourbé sur lui-même. En 9, une cellule du foie renfermant deux parasites qui se conjuguent. En 10, un leucocyte du sang circulant renfermant un parasite. En 11, un leucocyte très grand du foie renfermant un Drepanidium karyophage et un autre en dehors du noyau. h = corps énigmatique; / = un noyau migrateur en dégénérescence. 12-16. Drepanidium libres. En 12, à l'état frais. En 13, parasite en dégéné- rescence. En 414 et 15, cas tératologiques; hypertrophie des vacuoles (v). Eu 16, parasites divers, colorés ; en a, pelits parasites à extrémités arrondies du foie (préparation au Kernschwarz), en b et en c, prépara- tion à la safranine; end etene, coloration à l’hématoxyline, et en f au bleu de méthylène. 17. Différentes dispositions de la chromatine dans l’aire nucléaire du Drepa- nidium princeps. En a, granule nucléinien unique, qui en etc s’est divisé ; en d, la nucléine simule une rosette; ene et en f, fine poussière chromatique centrale ; en g, h, 5, j, cette poussière nucléaire s'organise de différentes façons; en k et en L, l'aire nucléaire est toute colorée. Colorations par divers procédés. Wii. 18-28. Conjugaison et enkystement. Fic. 18. Conjugaison des Drepanidium ; la soudure, peu accentuée en 4, $€ fait davantage en b, et est presque complète en c. État frais. FrG. Fic. Fic. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTEBRÉS. 253 19. Conjugaison. Coloration à l’hématoxyline. Fusion des plasmas en bet c. 20-25. Conjugaisons endoglobulaires. Différents cas. En 20, 22 et 25, les para- sites se sont creusé une cavité. 26. Enkystement. Arrondissement d’un Drepanidium. État frais. Disparition des vacuoles. 27. Formes rondes colorées montrant le noyau. 28. Forme ronde provenant d’une conjugaison. (Dans les fig. 26-28, qui sont endoglobulaires, les globules n'ont pas été représentés.) PLANCHE II, DREPANIDIUM PRINCEPS,. (Reproduction.) 1, Commencement de la phase de cytocyste. Le parasite s’est arrondi et commence à s’entourer d’une membrane. Liqueur de Flemming. Héma- toxyline-rose Bengale-aurantia. (L'hématoxyline colore les épaississe- ments de la membrane.) 2. Cytocyste. Noyau étoilé et granules plastiques. 2. Cytocyste à l’état frais. Une membrane anhiste entoure le parasite. 4. Cytocyste très grand et arrondi du rein. Granules chromatoïdes et gra- nules plastiques. Bleu de méthylène-éosine. 5. Cytocyste du rein (cas anormal). Hématoxyline-aurantia. Dégénérescence d’un cytocyste? 6. Cytocyste d’un leucocyle du foie. Le parasite contient des noyaux en prolifération et s’est creusé une cavité dans la cellule. Hématoxyline- fuchsine acide. 7. Cytocyste du rein. Cytocyste double provenant d’une conjugaison. Gra- nules plastiques et deux noyaux. 8-10. Cytocystes de la rate montrant 6-15 macrosporozoïtes pourvus d’un granule nucléinien et d'une vacuole. 11-19. Cytocystes à macrosporozoïtes. État frais. Coloration au bleu de méthylène. 13. Grand cytocyste du rein rempli de granules plastiques et montrant le noyau en voie de division. 14. Division du contenu du cytocyste. 15-18. Cytocystes à microsporozoïtes. La fig. 15 montre deux reliquats et deux centres de groupement. 19. Microsporozoites isolés. 20. Groupe de macrosporozoïtes (foie). 21. Goutte de sang examinée à l’état frais et contenant à la fois des Drepa- nidium princeps et des Daclylosoma. PLANCHE III. DREPANIDIUM MONILIS. Fi. 1-10. Stade d'accroissement. 1-2. Stades jeunes à un et deux segments. a— segment achromatique,c = seg- ment chromatique, n = noyau, g = granulations métachromatoïdes. FIG. re. ALPHONSE LABBÉ. 3, Jeunes stades bisegmentés ef formation du noyau. 1-5. Stades à trois segments. Le noyau est bien formé. 6. Stade à trois segments; un des parasites a été fixé au moment où il sortait du globule. 7. Formation de l'adulte. Disparition de la partie chromatique, G. = 1680 d. 8. Drepanidium intraglobulaire à l’état frais. | 9. Drepanidium. Coloration à l'hématoxyline. 30. Drepanidium intraglobulaire à l’état frais. 11. Drepanidium sortant d’un globule. Fic. 12-16. Stades libres. 12. Drepanidium en mouvement; oudulations du corps. | 13. Drepanidium bourré de granulations chromatoïdes. Noyau aplati. Bleu de méthylène. 14. Structure d’un Drepanidium adulte. 15-16. Drepanidium adultes. Bleu de méthylène. 17-19. Sporulation. Dans la fig. 18, le cytocyste est bourré de granules plas- tiques et chromatoïdes. La fig. 19 représente un cytocyste à microspo- rozoïtes. 20, Drepanidium monilis traversant un phagocyte en activité de combat. État frais. 91-24. Globules du sang en voie de mitose el contenant des Drepanidium (D. princeps, D. monilis). Hématoxyline. 23, Macrophage de la rate renfermant de nombreux Drepanidium princeps, qu'il ne semble pas, du reste, ingérer. Hématoxyline-éosine. PLANCHE IV. KARYOLYSUS: 1. Jeunes parasites provenant de microsporozoites. 9-3, Jeunes parasites provenant de macrosporozoites. :-7. Jeunes Karyolysus, qui se sont déjà creusé des cavités dans les globules et commencent à agir sur le noyau. 8-13. Grands parasites déterminant l’hypertrophie du globule et la scission du noyau. N, N'— les deux parties du noyau. Hématoxyline-aurantia. 14. Le globule contient deux parasites prêts à se conjuguer. 15-17. Karyolysus endoglobulaires en conjugaison. 18-19. Parasites allongés se préparant à s’enkyster. En D, se montre Îa dégénérescence granuleuse. N = noyau de l’hématie, très allongé, N', deuxième partie du noyau primitif en dégénérescence. Hématoxy- line-aurantia. 20. Parasite libre. Hématoxyline. 91. Parasite libre. Réactif Erlich-Biondi. 29. Grand parasite bourré de granules. 93, Parasite fortement coloré par l’aurantia. 24-25. Conjugaisons libres. 96. Parasite sortant d’un globule, État frais. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRES. 253 Fig. 27-53. Dégénérescence granuleuse de l’hématie. Allongement du noyau; en- kystement du parasite et formation de la membrane du cytocyste. g = granules carminophiles, La figure 33 représente un parasite en cytocyste déjà bourré de gra= nules plastiques ; son noyau est étoilé et l’hématie est tout entière dégénérée. PLANCHE V. KARYOLYSUS. (Sporulation.) Fic. 1. Formation du cytocyste. ge = granules. 2. Parasite en cytocyste, bourré de granules plastiques. gp = granules plas- tiques. . Parasite bourré de granules chromatoïdes (gc). . Parasite arrondi. . Cytocyste; le noyau a perdu sa membrane, 6. Cytocyste. Division mitotique du noyau. 7. Cytocyste. Division du noyau. OT “ © 8-11. Cytocystes. En &, deux noyaux, dont l’un commence à se diviser; en 9, 10, 11, nombreuses mitoses superficielles. 12. Divers types de divisions nucléaires. Parties chromatiques et achroma- tiques. 13. Formation des sporozoïtes, 14. Cytocyste double à macrosporozoïtes. 15. Cytocyste simple à macrosporozoïtes. 16. Petit cytocyste contenant seulement quatre sporozoïtes, 17. Cytocyste se rompant et laissant sortir les sporozoïtes (s). n — noyau, g =granulations, 18-19. Sporozoïtes sortis du cytocyste et encore attachés au reliquat. 20-25. Cytocystes à microsporozoïtes. (Dans ces figures, par suite des difficultés de repérage, les noyaux de sporozoïtes ont été représentés en noir et non en bleu.) 26. Microsporozoites isolés, 27. Macrosporozoïtes. PLANCHE VI, DANILEWSKYA. (D. Lacazei, D. Stepanowi.) FiG. 1-22. Danilewskya Lacazei. Fic. 1-8. Jeunes stades, Hématoxyline-fuchsine acide. 9-10. État frais. 11-16. Parasites adultes repliés dans le globule. 17. Parasites libres. État frais. 18-20. Parasites libres. Colorations diverses. 19. Parasite libre montrant la couche myocytique. Chlorure d’or. Hématoxy« line, 256 ALPHONSE LABBE. | Fc. 21. Parasite enkysté. 99. Cytocyste. État frais. Fic. 23-31. Danilewskya Stepanowi. Fic. 23-24. Jeunes stades. | 95-27. Stades adultes. | 28-29. Stades libres montrant la couche myocytique. 30-31. Cytocystes. Fic. 32-34. Phagocytose chez un Lézard. Fic. 32. Phagocyte du sang contenant un Karyolysus. 33-34. Grands macrophages de la rate montrant en pP de nombreux Karyoly- sus englobés. N = noyau du phagocyle; p, p — parasites plus ou moins digérés; h — hématie dégénérant et contenant un parasite ; d = débris de glo bules rouges; M = pigment. Hématoxyline-fuchsine acide-aurantia. PLANCHE VII. HALTERIDIUM. (Chez Alauda arvensis.) Fig. 1. Jeunes stades sans pigment, montrant un point nucléaire. Safranine. 2. Différenciation du noyau == fn. 3-5. Allongement du parasite. Apparition du pigment. 6-7. Formes moyennes. Le noyau esi bien formé et est entouré de granules chromatoïdes ; le protoplasma montre une structure alvéolaire. 8. Forme moyenne avec noyau en hernie. 9. Forme moyenne avec nucléole proliférant et nombreux granules chroma- toïdes. Bleu de méthylène-6osine. 10. Division du noyau en n; fuseau entre les deux parties chromatiques. 11-12, Formes uninucléées. Colorations diverses. 13.21. Formes haltéridiennes à deux noyaux. Différenciation des parties péri- phériques. Hématoxyline-safranine-aurantia. 20. Forme haltéridienne. État frais, p = pigment. 99-95. Division du noyau dans chaque spore. 95. En n’, n", division du noyau de la spore; fuseau très net. Hématoxyline- acide picrique. Fic. 26-33. Sporulalion. Fig. 28. Formation des spores. 30, Sporulation. État frais. 33. Disparition du reliquat KR. 34-35. Formes anormales à spore unique. 36. Parasite d’un leucocyte de la moelle des os. 37. Parasite d’un hématoblaste. 38-48. Formes anormales de la moelle des os et de la rate. PARASITES ENDOGLOBULAIRES DU SANG DES VERTÉBRÉS, 257 PLANCHE VIIL. Fic. 1-24. Halteridium de Fringilla cœlebs. Fig. 1-3. Formes jeunes. Fig. Fac. Fic. ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GEN, = 3€ SÉRIE, == TJ, 11, 1894. Gi 4-6. Formes moyennes. 7-8, Formes moyennes (Slurnus vulgaris). 10. Forme haltéridienne. 11. Ibidem. État frais. p — pigment. F1G. 12-21. Sporulation. 17. Sporulation. État frais. 22, Formation des spores ; en c = spore plus grossie. 23. Forme anormale de la rate. 24, Parasite d'hématoblaste. Fic. 25-39. Formes flagellées. 25. Formation d’un Polymilus chez l’Alouette, aux dépens d’une forme moyenne d’'Halteridium (a). In vitro. 26, Arrondissement d’une forme moyenne d’Halleridium du Pinson. In vitro. 27. Arrondissement d’un Proteosoma. In vitro. 28-29. Formation de pseudopodes (Proteosoma). In vitro. 30. Même préparation fixée. Bleu de méthylène. p = pigment. 31. Pseudo-division d’un Polymitus d’Halteridium (Alouette); f = fouets vibra- tiles. In vitro; en g — dégénérescence complète après l’émission des flagelles. 32. Flagelles libres (Pseudo-spirilles de Danilewsky). /n vitro. 33, Forme flagellée fixée. Hématoxyline, acide picrique. 34. Forme flagellée irrégulière. /n vitro. 35. Pseudo-division. Bleu de méthylène. {n vitro. 36-39. Diverses formes de Polymitus. Fixés et colorés. PLANCHE IX. PROTEOSOMA, HÆMAMŒBA. Fig. 1-93. Proteosoma du Pinson. 1. Petites formes apigmentées. 2. Petites formes pigmentées. p = pigment. 3. Jeunes formes; n & granule nucléinien, p = pigment. Hématoxyline- safranine. 4-10. Formes amæboïdes ; p = pigment, n = noyau, 10. Parasite amæboïde d’un hématoblaste. 11-16. Formes grégarinoïdes. 17. Forme ronde, 18. Proteosoma pyriformes libres par suite de la rupture de l’hématie. L'un d'eux se transforme ‘en Polymitus ; f = flagelle, N = noyau de l’hématie. 19-21. Sporulations précoces ; r = reliquat. 22-23, Sporulations tardives. 19 (ra (e FIG. Free ALPHONSE LABBEÉ. Fi. 24-31. Proteosoma de l’Alouelle. 24. Jeunes stades. 25, Forme amæboïde. 26-27. Formes grégarinoïdes. 28-30. Sporulations précoces; r = reliqual. 31. Sporulation tardive. Fic. 32-55. Hæmamæba Laver ant. 32-40. Formes de la quarte. Bleu de méthylène (les figures 39, 40, d'après Golgi). 51-49, Formes de la tierce. Hématoxyline et bleu de méthylène (les figures 47-49 d’après Golgi). 50-32 et 33 a. Formation des croissants d'après Mannaberg. 53 b, c, d. Croissants. Bleu de méthylène. 34. Arrondissement d’un croissant (Mannaberg). 53. Deux formes flagellées. Méthode de Romanovsky; f= flagelle, f’ = fouet vibratile. PLANCHE X. DACTYLOSOMA, CYTAMŒBA. Fic. 1-18. Dactylosoma splendens. 1-2. Formes jeunes. État frais. 3-1. Jeunes formes. Méthode de Romanovsky. 5-8. Formes en doigt de gant. État frais. 9. Forme amæboïde. Bleu de méthylène. 10. Forme amæboïde. État frais. 11. Forme ronde. État frais. 12. Commencement de la sporulation. État frais. Division du noyau? 13. Forme ronde. Méthode de Romanovsky. 14-17. Sporulations en rosette, en éventail, etc. 18. Amibes (sporozoïtes) errant dans le sérum. Fic. 19-30. Cyiamæba bacterifera. 19. Jeunes stades; état frais. 20. Jeune stade. Bleu de méthylène. 21-23, Stades amæboïdes ; d = bactéries parasites. 24-26. Formes amœboïdes à pseudopodes longs et actifs. 27. Forme ronde avec apparence de noyau et jeune forme amæboide avec bactéries (b). Hématoxyline-fuchsine. 28. Forme ronde avec bactéries (b). État frais. 29-30. Sporulations. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE |. TETRACTINELLIDA PAR Be POPSENTE Chargé de cours à l’École de médecine de Reims. INTRODUCTION. Les zoologistes, en France, n’ont contribué que pour une part assez faible au développement de nos connaissances sur l'embran- chement des Spongiaires. Plusieurs d’entre eux, surtout durant la première moitié de ce siècle, se sont livrés à des recherches sur l'anatomie microscopique des Éponges et particulièrement des Spongilles. Mais leurs obser- vations, imparfaites et trop rares, n’ont guère fait progresser la science. Leurs études d’embryologie, seules, ont brillé d'un vif éclat, et les mémoires de C. Barrois et Y. Delage sur ce sujet sont de beau- coup les plus importants qu on ait publiés chez nous. Paru en 1876, le travail de Barrois obtint, à son époque, un cer- tain retentissement. Bien qu'il ait vieilli vite, 1l est de ceux qu'on n'oublie pas, et c’est avec tant d’autres, écrits à l'étranger et juste- ment réputés, qu'il se trouve éclipsé aujourd’hui par celui de De- 260 E. TOPSENT. lage (1892). Approfondi, précis et plein de découvertes inattendues, celui-ci fixe actuellement l'attention des savants et soulève des com- mentaires qui attestent de la haute portée des conclusions aux- quelles il aboutit. 11 semblerait que le goût des recherches fauniques, au moins en ce qui concerne Île monde des Spongiaires, pourtant si varié Sur nos côtes, se soit pour quelque temps perdu depuis Lamarck, La- mouroux, Audouin et Milne Edwards. Par une exception qu'explique peut-être leur curieuse biologie, les Éponges perforantes ont été, de la part de Duvernoy (1840), Lereboullet (1841), Michelin (1846), Vaillant (1870) et Giard (1881), l'objet de notices relativement nom- breuses, qui composent, avec celles sur les Spongilles, dues notam- ment à Dutrochet, Raspail, Gervais, Dujardin, Laurent, Lecoq el Girod, la majeure partie de notre littérature spongologique. De toute évidence, la création des laboratoires maritimes a ranimé ce goût, et c'est elle, certainement, qui a provoqué les notes de Marion, Kœhler, Giard et Hallez. A Dujardin revient l’honneur d’avoir fait connaître (1835) cette curieuse Éponge, cette Halisarca, comme il l’appelait, à laquelle Johnston, en 1842, appliqua le nom de Halisarca Dujardini. C'est 1à, toutefois, une découverte isolée. Les genres Z'ethya, de Lamarck, et Zphydatia, de Lamouroux, ont été créés pour des espèces anté- rieurement décrites, et les Éponges de France qui portent accolé à leur nom celui d’un auteur français sont d'une rareté trop signili- cative. Beltrémieux paraît avoir tenté, en 1864, le premier effort pour établir la richesse en Spongiaires d’une région quelconque de notre littoral. La liste de ceux qu'il avait recueillis dans les eaux du dé- partement de la Charente-Inférieure mérite d’être rapportée ici à titre de document historique : Éponge semitubuleuse, Spongia semitubulosa Lk.; rare. Éponge dichotome, Spongia dicholoma Lk.: $. cervicornis Pall. ; rare. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 261 Éponge corne de daim, Spongia damicornis Lk.; rare. Éponge palmée, Spongia palmata Lk.; commune sur n0$ côtes. Éponge oculée, Spongia oculata Lk.; S. polychotoma Esp.; assez rare. Éponge perforante, Spongia perforans Duvernoy, sur l'Ostrea hip- popus ; rare. L'Éponge oculée est certainement Chalna oculata (Johnst.) Bow. L'Éponge perforante s'appelait, quatorze ans avant que Duvernoy ne s’en fût occupé, et s'appelle toujours Cliona celata Grant. Il faut très probablement voir, dans l'Éponge semitubuleuse, Desmacidon fruticosus (Johnst.) Bow. Quant aux Éponges dichotome, palmée et corne de daim, ce sont, sans doute, des Raspailia et surtout R. ra- mosa (Mont.) et À. stuposa (Mont.); peut-être aussi l’une de ces dé- nominations s’applique-t-elle à Axinella dissimilis (Bow.)? Devant ces anciens synonymes qui, pour la plupart, ont désigné plusieurs espèces, voisines ou très distinctes, il est difficile de rien affirmer de plus. On remarquera que la liste de Beltrémieux ne contient, sauf l'Éponge perforante,que des espèces rameuses, el qu'une seule d'entre elles (Spongia palmata) est déclarée commune sur nos côtes. C'est une preuve irrécusable du peu d'attention que Îles zoologistes de cette époque accordaient aux Spongiaires. En 1873, dans une étude sur les Synascidies, Giard signala l'exis- tence, à Roscoff, de deux Âalisarca, l’une qu'il nomma Halisarca mimosa, et l’autre qui, selon son expression, était « peut-être voi - sine de l’Æ. guttula d'Oscar Schmidt ». On rencontre, en effet, à la grève de Roscoff, deux Éponges sans spicules, Halisarca Dujardin Johnst. et Oscarella lobularis(Schm.) Vosm., mais toutes deux étaient connues auparavant. Au cours de ses recherches sur l'embryogénie des Éponges de la Manche, Ch. Barrois put constaier la présence, à Wimereux et à Saint-Vaast, de plusieurs espèces décrites dans les monographies de Bowerbank et de Hæckel, et mentionner, en 1876, /sodictya cinerea 262 E. TOPSENT. Grant, var. rosea Bow., Desmacidon fruticosa Bow., Halichondria pa- nicea Flemm., Hymeniacidon caruncula Bow., Ascandra contorta, À. pi- nus, À. reticulum, À. coriacea, A. ciliata, Leucandra nivea, Sycandra compressa, S. coronata, S. ciliata et Sycortis ciliata. Il avait retrouvé aussi Aalisarca Dujardini et H. (Oscarella) lobularis et cru revoir, à Wimereux, l'A. mimosa de Giard, dont il inclinait à faire une (rum- mina. Enfin, il avait découvert, à Saint-Vaast, une nouvelle Éponge fibreuse, des plus intéressantes, qu'il appela Verongia rosea, et qui est devenue le type du genre Aplysilla Schulze. A Roscoff, en 1879, G. Vasseur mit en lumière les phénomènes, jusqu'alors ignorés chez les Calcarea, de la reproduction asexuelle de Leucosolenia botryoides. Les Spongiaires, cités en 1883 par Marion, çà et là, dans son Esquisse topographique du golfe de Marseille et dans ses Considéra- tions sur les faunes profondes de la Méditerranée, forment une liste assez longue et fort instructive, comprenant, pour ne tenir compte que des espèces déterminées : Dunstervillia corcyrensis, Sycon ciliatum, Ute glabra, Halisarca lobularis, Chondrosia reniformis, Pheronema Carpenteri, Tethya lyn- curium, T. cranium, Suberites claviger, S. domuncula, Papillina suberea, P. nigricans, Axinella polynoides, A. cinnamomea, Clathria coralloides, Esperia massa, E. foraminosa, E, syrinx, Schmidtia dura, Reniera calyx, R. porrecta, Isodictya Ingalli, Chalina fangophila, Ditela niîtens, Sarcotragus spinosulus, Hircinia hebes, H. variabilis, Geodia gigas et Stelletta dorsigera. En étudiant la faune littorale des îles anglo-normandes, Kæhler recueillit, en 4884 et 1885, une trentaine d'Éponges, dont il a dressé lui-même le tableau suivant ! : Sycon ciliatum Hæck. (J. G. H.S.) Grantia ensata Bow. (G.) — tessellatum Bow. (G. H. S.) Leuconia nivea Gr. (J. S.) Grantia compressa Flem, (J. G. H.5.) Leucosolenia contorta Bow. (S.) 1 Les provenances sont indiquées en abrégé : J, Jersey; G, Guernesey : H, Herm; S, Sark ; d, dragage. ÊTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 263 Leucosolenia botrylloides Bow. (J. G. H.) Jsodictya densa Bow. (G. d.) — lacunosa Bow. (G.) — simulans Bow. (J. G. H.) Leucogypsia Gossei Bow. (S.) — fucorum Bow. (J. G.H.) Geodia setlandica Jhst. (S.) — infundibuliformis Bow. (G. d.) Polymastia mammillaris Bow. (G. d.) — parasitica Bow. (J. G.) Tethya lyncurium Jhst. (J. G.S.) Hymeniacidon caruncula Bow. (J. G. H.) — Collingsi Bow. (S.) — mammeala Bow. (J. G.) Dictyocylindrus ramosus Bow. (J. G.) — armaitura Bow. (J. G. H.) Caminus osculosus Gr. (J. S.) — celata Bow. (J. G.) Halichondria incrustans Jhst. (G. H.) Chalina cervicornis Bow. (G.) — panicea Jhst. (J. H. S.) Desidea fragilis (?) Jhst. (J.) Microciona armata Bow. (J. G. d.) Verongia rosea (?) Barr. (J.) _ atrasanguinea Bow. (S.) Raphyrus Griffithsii Bow. (S.) Isodictya cinerea Bow. (JS. G.) Ophlitaspongia paypillata Bow. (G.) Enfin, en 1890, Giard et Hallez, rendant compte des recherches faupiques poursuivies dans leurs laboratoires de Wimereux et du Portel, ont énuméré les Éponges qu’ils avaient récoltées dans les eaux du Boulonnais: Giard indiquait : Ascetta coriacea Montaigu, Ascandra variabilis Hæckel, très commune en compagnie de Sycandra ciliata et S. com- pressa, Leucandra nivea Grant, Chalina oculata Bow., Tethya lyncu- pium J. et Halichondria panicea 3. Hallez avait dragué : T'ethya lyncurium, Polymastia robusta, C'ha- lina oculata, Dysidea fragilis, Dictyocylindrus pumilus, D. Howsei, Hymeniacidon celata, H. Thomasi et Halichondria incrustans. Les campagnes scientifiques accomplies sur des navires de l'État ont eu un but spécial : l'exploration des grands fonds des mers. Leurs résultats sont loin d’être connus en détail, et je les aurais ici pas- sées sous silence, comme uh peu en dehors de notre sujet, si, en 1881, Alphonse Milne Edwards n'avait instruit l’Académie des sciences de la prise par {e Travailleur, au large de Toulon, de Hol- tenia (Pheronema) Carpenteri, Tethya lyncurium et Polymastia mam- millarts. L'histoire de notre faune francaise ne se résume pas tout entière par l’analyse des œuvres de nos compatriotes, Il nous faut enregis- 264 E. TOPSENT. trer aussi des documents d'importance variable, dont plusieurs sa- vants étrangers ont contribué à l’enrichir. Hæckel, dans sa monographie, cite un certain nombre d'Éponges calcaires des côtes de Bretagne et de Normandie ‘, à lui commu- niquées par M. le professeur de Lacaze-Duthiers, qui les avait recueillies. D'autre part, dans la monographie de Bowerhank, figure une liste de quatre-vingt-onze, Éponges, rapportées des îles normandes par plusieurs naturalistes anglais, surtout par A.-M. Norman, et dont quelques-unes n’ont point été signalées ailleurs. O. Schmidt avait concu le dessein d’étadier les Spongiaires de la région de Cette; mais ses recherches dans cette localité n'obtinrent pas de succès et sa récolte se borna aux dix-huit espèces suivantes, dont huit lui parurent nouvelles : Halisarca lobularis Schmidt. Suberites lobatus Schmidt. Spongelia nitella, n. sp. — frulicosus Schmidt. Hircinia (variabilis Schmidt?) Viva celata Schmidt. Esperia sentinella, n. sp. Stelletta anceps, n. sp. Reniera accommodata, n. sp. Geodia gigas Schmidt. — porrecta, n. Sp. Tethya lyncurium Schmidi. — ambigua Schmidt. Leucosolenia botryoides Bowerbank. Suberites paludum, n. sp. Ute viridis, n. sp. — villosus, n. sp. Sycon raphanus Schmidt. J.-W. Sollas vint au laboratoire de Roscoff étudier Pachymatisma johnstonia Bow., cette belle Tétractinellide que Grübe avait rencon- trée en plusieurs points des côtes de Bretagne et que, la supposant nouvelle, il avait nommée Caminus osculosus. Enfin, peu de temps avant sa disparition mystérieuse, H. Fol dra- guait à Nice une Éponge cornée, qu'il décrivait succinctement sous le nom de Sarcomus Georgi, dans une note communiquée à l'Aca- démie des sciences. Une liste, dressée par dates, des travaux ? publiés depuis le com- 1 M. de Lacaze-Duthiers a mis en dépôt dans son laboratoire de Banyuls cette jolie série de Calcarea déterminées par Hæckel. 2 Quelques-uns de ces travaux ont été imprimés deux fois ou analysés ou traduits ; ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 265 mencement du siècle sur les Éponges de France par les zoologistes français et étrangers me semble le complément indispensable de cet historique, trop bref à certains égards. 1801. 1802. 1813. 1816. ASH 1819. 1821. 1824. 1825. 1827. 1828. 1830. 1834. Lawarcr (J.-B.-P.-A. de), Système des animaux sans vertèbres, Paris, an IX. Bosc (L.-A.-G.), Histoire naturelle des Vers, vol. ILE, Paris. 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Du tableau qui précède, il ressort manifestement que, durant la longue période de 1840 à 1870, il n’a été, pour ainsi dire, rien écrit chez nous sur les Spongiaires. Après 1870, l'activité scientifique s’est accrue dans des proportions considérables ; mais cette partie de la zoologie a continué d'être délaissée presque autant que par le passé, malgré l’article vibrant où M. de Lacaze-Duthiers, en 1872, s’effor- cait de montrer aux naturalistes tout l'intérêt qu’elle présente et en dépit de ses exhortations réitérées pour leur faire aborder ce vaste sujet d’études, source d'œuvres magistrales dans les pays cir- convoisins. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 269 Quelles que soient les raisons de cette indifférence, ses résultats n’en sont pas moins déplorables, puisque, pour connaitre seule- ment de nom un Spongiaire quelconque, rencontré à la grève ou dans un dragage, nous n'avons aujourd hui d'autre ressource que de recourir aux monographies de Bowerbank, Schmidt, Hæckel et Schulze, et à un certain nombre d’autres travaux de moindre impor- tance et qu’on possède rarement à sa disposition. Désireux de voir cesser cet état de choses, M. de Lacaze-Duthiers m'a fait l’insigne honneur de me demander l'essai d’une étude monographique des Spongiaires de France. Aÿant glané, depuis bientôt dix années, les matériaux &’un travail de cette nature, ayant même publié quelques notices qui pouvaient passer pour des préli- minaires, je m'étais trop avancé pour ne pas accepter avec empres- sement une invitation aussi flatteuse. Je m’efforcerai donc, pour accomplir la mission qui m'est confiée, de rendre reconnaissables de mon mieux toutes les Éponges que j'aurai eu l’occasion d'examiner par moi-même où qui auront été signalées quelque part sur nos côtes océaniques et méditerra- néennes ou dans nos cours d’eau. Je n’ai point à prendre ici en considération les événements politiques qui ont rattaché les îles normandes à l'Angleterre ; la faune de ces îles fait partie intégrante de la faune française et je ne la négligerai pas. Il s'agira, par con- séquent, de faire successivement l’histoire de trois cents espèces environ, peut-être même davantage, car le compte n'en est pas arrêté. ! Naturellement, les espèces nouvelles, quoique plus nombreuses que je ne l’aurais supposé tout d'abord, ne représenteront pas, à beaucoup près, la majorité; et l’on comprend que, dans une large mesure, je devrai faire œuvre de compilation. Cette longue revision, accompagnée de figures reproduites par un procédé qui en assurera l’exactitude, sera présentée en une série d'articles, sous forme de groupements aussi naturels que possible, suivant un ordre que j'indiquerai plus loin. Des tableaux dichoto- 2170 E. TOPSENT. miques insérés dans chacun d’eux permettront, je l'espère, la déter- mination assez prompte des genres et des espèces. Beaucoup d'Éponges vivant dans nos eaux échapperont, sans nul doute, à mes recherches forcément limitées ; quels que soient le temps qu’on y consacre et le soin qu’on y apporte, tout travail fau- nique court, en effet, grand risque de rester incomplet. Je ne me berce point d'illusions à cet égard, mais je reste convaincu, en ral- son de leur nombre, que les espèces que nous pourrons passer en revue constituent réellement le fonds principal de notre faune fran- çaise, C’est dans les laboratoires de Luc (Calvados), de Roscoff (Finis- ière) et de Banyuls (Pyrénées-Orientales) que j'ai recueilli la plupart des matériaux que je compte metire en œuvre. Dans ces trois loca- lités si différentes, la multiplicité des dragages que mes maitres éminents ont fait exécuter à mon intention m'a permis de prendre de la faune une connaissance suffisamment approfondie. Je me réjouis de l'occasion qui s'offre à moi d'exprimer ma vive recon- naissance à MM. les professeurs Delage et Joyeux-Laffuie, direc- teurs successifs de la station maritime de Luc; mais je dois un témoignage plus éclatant encore de ma respectueuse gratitude à M. le professeur de Lacaze-Duthiers, qui, ne se bornant pas à m offrir dans ses laboratoires de Roscoff et de Banyuls l'hospitalité la plus libérale, a mis à ma disposition ses collections particulières, déter- _ minées par Hæckel, Bowerbank et O. Schmidt, et m'a, de la façon la plus bienveillante, guidé de ses précieux conseils dans la concep- tion de ce travail. J'ai eu, en outre, à ma disposition des Éponges nombreuses, de provenances variées : une collection réunie, au cours de quarante années, dans les parages des îles d'Hyères, par l'abbé Ollivier, aum0- nier militaire de la place de Porquerolles; des envois d'animaux vivants, dragués par mon regrelté maître, le professeur E. Des- longchamps, à Bandol (Var); une quinzaine d'Éponges du bassin d'Arcachon, et une dizaine d'espèces intéressantes de la grève de ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 271 Guéthary, dont feu le docteur H. Viallanes m'avait demandé la délermination, J'ai reçu encore : de MM. E. Chevreux et Nicollon, des Éponges provenant de la grève et du large du Groisic, et des parages de Belle- Isle et de l'île d'Yeu; de M. Maisonneuve, vingt espèces littorales de Belle-Isie et de Sainte-Marie (Loire-Inférieure), et quelques-unes de Locquirec et Saint-Jean-du-Doigt; de M. J. de Guerne, quelques types remarquables dragués sur roche au large de Concarneau; de M. E. Chevreux, plusieurs Éponges de la rade de Brest et du port de Villefranche (Alpes-Maritimes); de M. H. Gadeau de Kerville, toute une collection réunie à Granville et aux îles Chausey; de M. G. Lennier, tout le produit de ses pêches sur les côtes de la Hague et dans la rade du Havre; de MM. Alluaud, Chaper et J. Ri- chard, des Spongilles de la Haute-Vienne, de l’'Eure-et-Loir, du Puy-de-Dôme et de la Seine. S. A. le prince de Monaco a bien voulu consentir à ce que, de ses collections de l’Æirondelle, les pièces qui me seraient utiles pour le présent travail me fussent confiées de nouveau. : L'illustre spongologiste H.-J. Carter m'a facilité le contrôle de quelques-unes de mes déterminations, en me communiquant des fragments de types d'espèces par lui décrites. Enfin, le rév. A.-M. Norman m'a rendu un service signalé en m'ofirant généreusement une importante série de types d'auteurs. À tous ces naturalistes qui m'ont ainsi prêté leur concours inesti- mable, j'adresse ici mes bien sincères remerciements. La classe des Porifera peut être divisée en trois sous-classes : 1. Sous-classe Calcarea Gray (Éponges dont les pièces du sque- lette sont calcaires). IT. Sous-classe 7riaxonia Schulze (Éponges à grandes corbeilles vibratiles et à pièces du squelette, siliceuses ou fibreuses, présen- tant trois axes qui se croisent en leur milieu, et paraissant ainsi formées de six rayons). 272 E. TOPSENT. LIL. Sous-classe Demospongiæ Sollas (le reste des Éponges). Comme les Demospongiæ, ou Demoterellida, ainsi qu’on les appelle encore, se trouvent en très grande majorité, c'est par elles que cette étude débutera ie plus avantageusement pour le lecteur. La sous-classe Demospongiæ comprend quatre ordres : 1. Ordre Tetractinellida Marshall. Éponges caractérisées par leurs mégasclères siliceux à quatre rayons. 9. Ordre Carnosa Carter. Éponges sans spicules du tout, où bien sans mégasclères, mais seulement avec des microsclères en forme d'étoiles (asters) ou possédant quatre rayons qui rappellent plus ou moins ceux des mégasclères des Tétractinellides. 3. Ordre Monaxonida Ridley et Dendy. Éponges à mégasclères siliceux à un seul axe (avec deux pointes acérées ou une seule). 4. Ordre Monoceratina Lendenfeld. Éponges dont le squelette est fait de fibres cornées et dépourvu de spicules. Ces divisions n’impliquent aucune idée de séparation radicale : les Demospongiæ passent toutes les unes aux autres; le terme de passage n’est pas toujours précisément connu, cependant on sent la liaison des groupes entre eux. L'ordre Carnosa, par exemple, n'est pas admis par tout le monde, et n’est certainement qu'une coupure artificielle. De même, l'ordre Monazxomda est scindé par certains auteurs en deux parts, dont l’une forme avec les Tetractinellida et Carnosa ordre C'hondrospongiæ, et dont l’autre compose avec les Monoceratina l'ordre Cornacuspongiæ. Les deux termes mégasclères et microscleres, employés. ci-dessus, se répéteront sans cesse dans les pages qui vont suivre. Îls s’expli- quent un peu par eux-mêmes, Les mégasclères sont les grandes formes de spicules, celles à qui revient toujours le rôle principal dans la constitution de la charpente squelettique. Ils portent des noms différents suivant leur forme ; ce sont, par exemple, des oxes (pl. XI, fig. 1 et 6, 0; pl. XIE, fig. 4 et 6, 0), des strongyles (pl. XI, fig. 3, r), des styles (pl. XT, fig. 1, s; pl. XII, fig. 4, s), des triænes ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 275 (pl. XI, fig. 8, 6; pl. XIL, fig. 9, d), des desmas (pl. XL, fig. 1, €, d, p), etc. Ilen existe fréquemment plusieurs sortes dans une même Éponge, et chacune d'elles occupe alors une place déterminée par la fonction qu’elle doit remplir ; l’une protège les parties externes, tandis que l’autre se dispose en piliers internes et qu’une autre fixe toute la masse au support ou l'ancre dans la vase. Quant aux micro- selères, ce sont les petites formes de spicules qui, quelquefois, jouent d’une manière évidente un rôle protecteur (pl. XVI, fig. 1 et 9, s), mais qui bien souvent aussi n'apparaissent que comme des ornements dont la véritable signification échappe. Ce sont des crochets (sig- mates), des agrafes (chèles), des raphides (pl. XIV, fig. 1, 2, 3,r), des toxes (pl. XIV, fig. 5, t), des sigmasprres (pl. XV, fig. 7,s), des étoiles ou asters de toutes sortes, sterrasters (pl. XE, fig. 5,s; pl. XIE, fig. 1,5), oxyasters (pl. XI, fig. 3, e), amphiasters (pl. XII, fig. 6, a); ete: C’est par l’ordre des Tetractinellida que nous aborderons l'étude des Demospongiæ. I. TETRACTINELLIDA. Les Tétractinellides, Pemospongiæ caractérisées par leurs méga- sclères siliceux à quatre rayons, ont été l’objet de travaux nombreux, spéciaux ou non. Par bonheur, Sollas a résumé tout ce qu'on avait appris sur elles jusqu’en 1887 dans une grande monographie (26) qui fait partie de la collection des «Rapports sur les résultats sCien- tifiques du voyage du Challenger ». Nous ne pouvions souhaiter un meilleur guide ; aussi n’hésiterons-nous pas, dans l'intérêt du lec- teur, à lui demander de larges emprunts. Ces Éponges se montrent intéressantes sous plusieurs rapports : Par la composition de leur squelette; Par suite de la différenciation à divers degrés de leur enveloppe générale ou ectosome ; Enfin, en raison des modifications multiples du système d'irriga- tion de leurs parties profondes que, d’un seul mot, on appelle le ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. => 9€ SÈRIEe — Ts I, 1894, 18 2714 E. TOPSENT. choanosome (à cause des corbeilles de cellules à collerettes el flagel- lées, ou choanocytes, qu'elles contiennent). Squelette. — Les Tétractinellides possèdent certaines formes de mégasclères qui se retrouvent aussi chez d'autres Demospongiæ. Telles sont, parmi les spicules diactinaux (ou à deux pointes), les oæes (pl. IL fig. 4, 0, fig. Ko fig. 6: 0, 1etc.) spicules fusiformes, ordinairement plus ou moins courbes, à deux pointes acérées, etles strongyles (pl. XL, fig. 5, 7 ebiph XIIe. un) cylindriques, droits ou courbes, tronqués aux deux bouts: et, parmi les spicules monac- tinaux (ou à une seule pointe), les styles (pl. XI, fig. 4, s) à une seule pointe acérée, l’autre étant simplement tronquée, et les {y- lostyles (pl. XE, fig. !, i), styles dont l'extrémité tronquée se renfle en une tête ronde ou lobée. Mais d’autres formes leur sont spéciales, celles que, d’une façon générale, on désigne sous le nom de triænes (rotava, trident). Ces mégasclères ont quatre rayons; l’un, d'habitude plus long que les autres (pl. XI, fig. 8, r), représente une tige (rhabdome) dont une extrémité porte les trois autres dirigés dans un même sens: l’en- semble de ces trois rayons a reçu le nom de cladome, chacun d'eux étant alors un clade. On distingue plusieurs sortes de triænes : Les anatriænes (pl. Xi, fig. 6, a el fie. 8, a, pl. XIE, fig. Ne pl. XIV, fig. 3, a), dont les clades sont recourbés en arrière parallèle- ment au rhabdome ; Les protriænes (pl. XE, fig. 6, pet fig. 8, p, v), dont les clades sont tous trois dirigés en avant, presque parallèlement au rhabdome ; Les plagiotriænes (pl. XIE, fig. 8, p), dont les clades, dirigés en avant, forment sur le rhabdome un angle d'environ 45 degrés; Les orthotriænes (pl. XE, fig. 8,t, u,; pl. XS, fig. 8,r, t), dont les elades, s’épanouissant presque horizontalement, forment avec le rhabdome un angle plus grand que 50 degrés et s'approchant le plus souvent de 90 degrés, ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 279 Les dichotriænes (pl. XI, fig. 8, c ; pl. XII, fig. 4, 5, 6,8, 9 et 10, d), dont les clades se bifurquent à une distance variable de leur origine et se décomposent ainsi en un pr'otoclade, partie proximale des clades initiaux, et deux deutéroclades, branches distales de ces clades ; Les phyllotriænes, sorte de dichotriænes à rhabdome court el à deutéroclades rameux; Enfin, les discotriænes, qui ont un rhabdome court, et dont le cla- dome se transforme en un disque où les clades deviendraient indis- tincts sans leurs canaux axiaux qui persistent dans son épaisseur et rayonnent sur une faible longueur, autour de la base du rhabdome. Les premières formes de triænes se rencontrent dans l'un des deux sous-ordres de Z'etractinellida, les Choristida. Les deux der- nières n’existent que dans l’autre sous-ordre, chez les Lithishida, qui possèdent en outre d’autres mégasclères plus caractéristiques encore : les desmas. Les desmas (èesu4, lien) ont pour origine un spicule, le crépis (xgñ- rls, base), à un seul axe ou à quaire rayons, sur lequel se déposent des couches de silice, d’abord concentriques, puis se développant en branches irrégulières, plus ou moins couvertes de nodosités. Sui- vant leur origine, ces desmas sont dits monocrépides ou tétracrépides ‘pl. XI, fig. 1, ce, d, p}. Ils se mettent d'ordinaire en rapport entre eux par leurs ramifications, qui, s’engrenant les unes dans les autres, finissent par constituer une charpente très solide et par rendre l'Éponge dure comme une pierre. Les Tétractinellides sont, pour la plupart, riches en microsclères,. Voici la liste des organites si variés qu'on peut y renconirer : Orthodragmates (pl. XIV, fig. 1, 2 et 3, r), raphides disposés en faisceaux parallèles. Toxes (pl. XIY, fig. 5, t), spicules grêles, à deux pointes, courbés en arc. Microxes (pl. XI, fig. 4, 4 et 5, m), petits oxes (voir ce mot) fusi- formes, lisses ou couverts de fines nodosités, et souvent centrotylotes, c'est-à-dire accusant un renflement médian, 276 | E. TOPSENT. Microstrongyles (pl. XI, fig. 5, m, pl. XIV, fig. 4, m), petits stron- gyles (voir ce mot) lisses ou couverts de nodosités, et centrotylotes ou non. Calthropses (pl. XIV, fig. 4, c), triænes dont les quatre rayons $e ressemblent à cepointqu'iln y a plus de distinction possible entre le rhabdome et les clades. Microcalthropses (pl. XIV, fig. 4, c), petits calthropses imitant des asters à quatre rayons. Microtriodes, microcalthropses n’ayant que {rois rayons. Une ré- quction plus grande encore de ces microcalthropses produit des mi- erosclères à deux pointes, en toul semblables aux microxes ceniro- tylotes. Les asters sont susceptibles des mêmes réductions. Sigmaspires (pl. XV, fig. 7, s), bâtonnets simples, recourbés en spirale. Asters, enfin, ou étoiles à rayons (actines) de nombre et d'insertion variables. Il existe tant de formes d’asters qu'on esl obligé de les classer en deux groupes : a. Les streptasters, dont les actines procèdent d'un axe plus ou moins long, d'ordinaire spiralé. Ce sont : Les spirasters (pl. XIV, fig: 9, s; pl. XV, fig. 2,5); l'axe décrit uu ou plusieurs tours de spire et se charge de place en place de plu- sieurs épines ; Les métasters (pl. XIV, fig. 9, »);, l'axe ne décrit pas même un tour complet de spire et porte des épines moins nombreuses et plus longues que dans les spirasiers; Les plésiasters (pl. XV, fig. 2, e); l'axe est si court que les épines dont il se couvre ont l'air de rayonner d'un centre COMMUP ; Les amphiasters (pl. XIV, fig. 9 el 10, a); les actines forment un verticille à chaque extrémité de l'axe, qui est droit. L'axe se con- tinue fréquemment par une actine à chaque bout; Les sancdasters (pl. XIE, fig. 6, 8, 9 et 10 a; pl. XII gs l’axe bacilliforme porte des épines de place en place sur toute sa lon- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 271 gueur ; celles du milieu s’implantent à angle droit ; celles des bouts, au contraire, affectent une position oblique. Ces épines peuvent être ou n’être pas disposées en spirale. 8. Les euasters, dont les actines procèdent d’un centre commun. Ce sont : Les chiasters (pl. XIII, fig. 4 et fig. 8, c), petites étoiles à actines grêles, cylindriques, tronquées ou renflées à leur extrémité ; Les pycnasters, petites asters à rayons courts, coniques et iron- qués; on peut les considérer comme une variété des chiasters; Les oxyasters (pl. XIL, fig. 1, 4, b), asters à centrum petit ou nul et à actines coniques pointues ; Les sphérasters (pl. XI, fig. 5, b; pl. XII, fig. 3, 4); asters à cen- trum large; Les sterrasters (pl. XI, fig. 3, 5, 6 el 8,5, pl. XIT, fig. À,s, u et fig. 3, s), asters dont les actines, excessivement nombreuses, se sou- dent entre elles par dépôt successif de silice, qui les enveloppe presque jusqu à leur extrémité et constitue ainsi une sorte de cen- tram. Leur forme est variable : on en voit de sphériques, d’ellipsoï- dales, de disciformes, de losangiques, etc. Les actines portent, d'habitude, chacune quelques épines sur lesquelles s’attachent des cellules (myocytes ou inocytes) chargées, dans certaines régions, d'unir ces sterrasters en une couche continue.La position qu'occu- pait primitivement le noyau du scléroblaste reste marquée sur la sterraster complètement développée sous forme d’un htle très ap- parent. Cette nomenclature peut paraître quelque peu fastidieuse, mais on ne tardera pas à se convaincre de la nécessité qu'il y avait de l'exposer tout au long. La classification, on le verra, est surtout ba- sée sur la forme des spicules présents et sur leur position relative dans le corps des Éponges. Tous ces termes, clairs et précis, avec esquels on se familiarise assez vite en raison de leurs racines srecques, se substituent heureusement aux périphrases embrouillées d'autrefois, et leur emploi, universellement adopté, constitue un 278 E. TOPSENT. des progrès les plus sérieux que les spongologistes aient réalisé dans ces dernières années. Nous étudierons un peu plus loin quelle place revient le plus sou- vent et quel rôle est plus particulièrement dévolu à chacune des sortes de spicules. Par lui-même, le tableau de la classification des Tétractinellides jettera déjà quelque lumière sur ce sujet. Ectosome. — À l’état de plus grande simplicité, l’ectosome est une membrane composée d’une mince couche mésodermique entre deux revêtements épithéliaux; cette membrane ne prend contact avec le reste du corps de l’Éponge, ou choanosome, que de place en place, laissant ainsi subsister sous elle de larges cavités qu'on à longtemps appelées sous-dermiques, et pour lesquelles Delage à pro- posé le nom de cavités superficrelles. Ges cavités sont traversées par les piliers d'union de l’ectosome au choanosome ; dans leur plan- cher s'ouvrent les orifices fixes des canaux inhalants du système aquifère, les pores ; leur plafond, l’ectosome lui-même, se perce de trous plus petits et changeants, les pores dermiques, ou mieux, Suli- vant le terme récemment employé par Vosmaer, les séomions. D'or- dinaire, l’ectosome ne recouvre pas Îles orifices des canaux exha- lants ou oscules, mais, s’attachant sur leur bord, ménage à leur niveau une ouverture à peu près aussi large qu'eux-mêmes. Rarement l’ectosome demeure aussi simple; le plus souvent, il se complique, soit en se chargeant de microselères spéciaux (micro- strongyles de Pachastrellamonilifera, par exemple, pl. XIV, fig. 4, m), soit en augmentant son épaisseur et en modifiant sa constitution histologique; soit enfin en combinant ces deux modes de complica- tion. L'ectosome, dans ces deux derniers cas, devient une véritable écorce. On peut distinguer deux types principaux d'écorce : i° Chez les Stelletta, l'ectosome s’épaissit aux dépens des piliers, qui, proliférant de toutes parts, finissent par obstruer en grande partie les cavités superficielles; en même temps se produisent des ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 279 différenciations de structure par suite du grand développement, surtout dans la couche profonde de cet ectosome complexe, au voi- sinage du choanosome, de cellules épithéliales transformées en élé- ments fusiformes comparables à des fibres, et qui se disposent en tractus denses, s’entre-croisant en {ous sens, mais, pour la plupart, s’orientant parallèlement à la surface et produisant en définitive un épais feutrage fibreux. L'ectosome se trouve ainsi partagé en deux couches : l’externe faite d’un tissu lâche où dominent les cellules sphéruleuses, en un mot, collenchymateuse, l'interne, fibreuse. Dans les Pilochrota, le développement des cellules fusiformes en- vahit aussi la région externe de l’écorce; la couche collenchyma- teuse, très réduite, se trouve ainsi comprise entre deux couches fibreuses. Dans les Craniella (pl. XV, fig. 14), l'écorce se divise, comme chez les Stelletta, en une zone externe collenchymateuse et une zone interne fibreuse. Sollas a cru y voir cependant une différence : la zone fibreuse s’établirait au contact immédiat du choanosome, sur le plancher des cavités superficielles, et celles-ci se trouveraient, par suite, relevées jusque dans l'épaisseur même de la zone corticale externe et deviendraient, en réalité, des cavités intracorticales. Plus vraisemblablement, ces cavités intracorticales représentent la partie externe des chones poraux et peuvent être considérées comme des ectochones irréguliers, analogues à ceux qu'on trouve aussi dans les Ancorina. Les cavités superficielles des Craniella existent, à la place ordinaire, entre l’ectosome et le choanosome; elles sont seulement très réduites. 90 Dans les Séerrastrosa (pl. XVI, fig. 1, 2 et 9), l'écorce se divise en une zone externe charnue, collenchymateuse, l’ectochrote, dont la partie périphérique se couvre de microsclères spéciaux, et en une zone profonde, spiculeuse, la couche sterrastrale, chargée de ster- rasters plus ou moins serrées les unes contre les autres et reliées entre elles par des cellules fusiformes. Dans ces cas, les stomions ne s'ouvrent pas directement dans les cavités superficielles. Des canaux courts, ou chones poraux, leur font suite immédiate et vont aboutir aux cavités superficielles; l’eau SEE rec) : ÊSE E. TOPSENT. TA SS ST SD [=] >; bn, ÿ) 4 7 (/ TI, f (N/D EL 1, 7/47 WW ose 7, PTT ON) o 0 [e) (J 7” ETAT C7 Lil à ; 2205 J eo 0% 5o° ,9yiés “ri, port Schémas de l’écorce et des orifices aquifères des S{errastrosa. 1. Zrylus; IL. 1sops ; II. Pachymatisma ; IV. Caminus ; V. Cydonium ; VI. Geodia. qu'ils amènent s'engage ensuite dans les pores béants sur le plan- cher de ces cavités. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 281 Tantôt, à chaque stomion (son diamètre est alors relativement large) correspond un chone poral unique qui descend tout droit et débouche juste en face d’un pore. Le stomion est ainsi l’orifice externe, simple, du canal inhalant, et le système poral est dit uni- poral (voir les schémas des Séerrastrosa, p. 280, fig. 1 et DE Tantôt, les stomions qui correspondent à un pore sont plus ou moins nombreux, et de chacun d’eux descend à travers l'ectosome un canal qui s’anastomose aux voisins; de proche en proche Île nombre des canaux diminue et, finalement, il en débouche un seul en face du pore. Le système poral est ici plus compliqué et, en rai- son du crible qu’il forme à l'extérieur, on le dit crébriporal (voir les schémas des Sterrastrosa, p. 280, fig. 3-6). On peut distinguer deux parties dans le chone cribriporal : à l’extérieure, delta compliqué, on applique le nom d’ectochone; on appelle endochone la partie inté- rieure unifiée. Les systèmes uniporal et cribriporal se rencontrent souvent dans des genres unis par des liens étroits de parenté. Ils servent à carac- tériser plusieurs de ceux de la famille des Geodiidæ. Quand il existe une écorce, les canaux qui la traversent se mu- nissent, dans la règle, d’un sphincter contractile quelque part situé. Les pores sont dispersés sur toute la surface du corps ou quel- quefois localisés sur une de ses faces; ou bien, comme chez Îles Thenea (pl. XV, fig. 4, p et fig. 5), il s'établit, en plus des pores nor- maux, une aire porifère spéciale suivant l'équateur de l'Éponge. Les oscules, quelquefois indistincts, sont, le plus souvent, bien visibles. Dans le premier cas, la cryptostomie peut provenir, comme chez les C'ydonium et les Ancorina, de ce que l'ectosome passe au- dessus des oscules et les recouvre d’un tamis (pl. XVI, fig. 14 et 16); on donne le nom de proctions (en opposition avec stomions, p. 278) aux petits orifices exhalants dont se crible alors l’ectochrote. Dans le second cas, il peut n’exister qu’un seul oscule (Caminus Vulcani), ou bien il y en a plusieurs, semblables (/sops éntuta) ou inégaux (Pachymatisma Johnstonia). 282 E. TOPSENT. Distincts ou non, les oscules peuvent occuper les parties les plus saillantes de l’Éponge, couronnant son sommet ou se disposant sui- vant des crêtes, ou bien ils se cachent dans des anfractuosités, telles que les aires osculifères des Cydontum, ou enfin ils sont portés par des prolongements particuliers du corps de l'animal (Sanidastrella coronata). C'hoanosome. — Les caractères du choanosome des Tétractinellides ne deviennent compréhensibles que par l'étude préalable de lhisto- logie de ces Éponges. Cette histologie a quelque chance de paraître compliquée si l’on s'en rapporte à la nomenclature que Sollas a établie des divers élé- ments qu’on peut rencontrer dans une Tétractinellide. En réalité, elle se laisse ramener, comme chez les autres Spongiaires, à quatre sortes d'éléments fondamentaux : jo Des éléments plats, contractiles, non ciliés, qui limitent toutes les surfaces, aussi bien celles de l’ectosome, des chones poraux et des cavités superficielles que les parois des canaux aquifères les plus fins. Sollas les appelle pinacocytes. Ils se modifient, comme nous l'avons vu, en de certains points, et notammeni dans la couche pro- fonde de l'écorce, et deviennent fusiformes pour remplir plus utile- ment leur rôle d'éléments contractiles. Sous cet état, ils portent, pour Sollas, les noms d'inocyles et de myocytes. On s’est livré à des discussions oiseuses pour déterminer sils soni d’origine ectoder- mique ou endodermique ; en réalité, ectoderme et endoderme se confondent et les feuillets blastodermiques des Spongiaires ne sont guère comparables à ceux des autres Métazoaires. Ge qui ne me semble pas discutable, c’est que les inocytes où myocites ne repré- sentent qu'une transformation des pinacocytes. | % Des éléments munis chacun d'une collerette et d'un flagellum protoplasmique : les choanocytes, qui, se groupant en nombre va- riable, constituent les corheilles vibratiles ou chambres flagellées. Le flagellum est rétractile ; la collerette est amiboïde, comme d’ailleurs ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE, 283 aussi le corps de la cellule. Les choanocytes d’une même corbeille peuvent rester libres de toute adhérence entre eux, ou bien ils se soudent, à l’occasion, par les bords de leurs collerettes. Cette dispo- sition, vue de face, a porté Sollas à admettre la présence d’une membrane fenestrée d'union des choanocytes, limitant la cavité in- térieure des corbeilles. Certains auteurs ont cru la retrouver chez d’autres Spongiaires et lui ont donné le nom de membrane de Sollas. Mais Vosmaer a démontré (44) que cette prétendue membrane n'existe pas, précisément dans l’un des types (Æalichondria panicea) où l’on pensait l’avoir le mieux étudiée. 3° Des éléments amiboïdes à noyau nucléolé, qui forment la masse principale de ce qu’on a coutume d'appeler le mésoderme, et qui correspondent à la fois aux collencytes et aux sarcencytes de Sollas, méritant mieux, suivant les cas, tantôt l’une et tantôt l’autre de ces désignations. C’est à ces éléments que, dans des études antérieures sur les Mo- naxonides, j'ai appliqué les noms de cellules digestives pigmentées et de cellules granuleuses du mésoderme. De ces termes, le premier serait toujours impropre quand il s’agit de Tétractinellides, ces Éponges ne possédant point à l’intérieur de pigment, accumulé, comme chez les Monaxonides, à la fois dans les choanocytes et dans les cellules en question. Le deuxième, excellent dans beaucoup de cas, se trouve cependant défectueux dans d’autres où ces éléments se font préci- sément remarquer par la petite quantité de leurs granules. C’est à cette catégorie d'éléments que se rapportent probablement les cel- lules errantes et les cellules intermédiaires (en tant que formes jeunes) de quelques auteurs. On sait encore que les éléments reproducteurs résultent d’une évolution d’un certain nombre de ces éléments. Les cellules granuleuses du mésoderme sont donc, dans les Tétrac- tinellides, tantôt peu granuleuses, et le mésoderme est dit collen- chymateux, et tantôt fortement granuleuses et même opaques, le mésoderme devenant alors, suivant l’expression de Sollas, sarcen- chymateux. 284 E. TOPSENT. %° Enfin, des éléments mésodermiques, épars, abondants surtout dans les régions membraneuses, dans l'ectosome, dans la zone externe de l'écorce, sous la paroi des Canaux, et, en général, au- dessous des revêtements épithéliaux. Examinés vivants, 1ls se mon- trent tous sphéruleux, brillants, formés de sphérules de nombre et de volume variables, sans noyau visible autrement que comme un point plus terne au milieu de sphérules réfringentes, ou incolore parmi des sphérules colorées. Sous l’action des réactifs, ces cellules se comportent de plusieurs manières : les unes ne conservent que la trame mince de leurs sphérules et apparaissent vésiculeuses (pl. XVI, fig. 18, v, et 19); les autres, méritant mieux le nom de cellules sphé- puleuses, se teignent fortement et gardent tout ou partie de leurs sphérules (pl. XVI, fig. 18, s, 7); mais ces différences proviennent bien moins de leur constitution propre que de leur rôle et de la nature de leur contenu : soluble, celui-ci disparaît, et la trame seule persiste ; insoluble, il demeure en place, et l'aspect ne change pas. Et cependant, suivant les cas, ces cellules ont reçu des noms divers : on les a appelées cystencyles, chondrencytes et éhésocytes. Il s’agit quand même d'éléments de même ordre, chargés de rôles multiples : cellules sécrétrices et cellules à réserves nutritives, par exemple. Souvent, une même Éponge en produit de plusieurs sortes (pl. XVI, fig. 12, d, p, v). Fréquemment, elles se remplissent de lipochrômes verts, jaunes ou bruns, qui, chez les Tétractinellides, contribuent, pour une très large part, à la coloration générale de la masse. Dans cette dernière condition, Sollas les a nommées chro- matocytes ; mais il appelle encore ainsi certaines cellules épithéliales qui, dans l'écorce de beaucoup d'Éponges, par exemple, chez Pachy- matisma johnstonia, Caminus Vuleani, elc., se chargent de grains d’un pigment noirâire. En réalité, iln’y a pas lieu de distinguer, comme une sorte d'éléments particuliers, des chromatocytes, ef Gollas à reconnu de lui-même, notamment chez les Stryphnus, le passage des cystencyies aux chromatocytes. Restent encore à considérer les aesthocytes et les scléroblastes. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 285 Les aesthocytes seraient des cellules sensitives spécialisées. Toute- fois, Sollas en convient, il s’agit peut-être simplement de cellules mésodermiques disposées verticalement au voisinage de la surface, et, si leur situation est très suggestive, leur rôle sensitif n’est nulle- ment démontré. Quant aux seléroblastes, cellules mères des spicules, ils peuvent être difficilement considérés comme des éléments d’un ordre spé- cial. Les scléroblastes des mégasclères possèdent un noyau nucléolé et ne sont probablement qu’une modification occasionnelle des cel- lules granuleuses du mésoderme. Les microsclères des Espérellines prennent naissance — l'observation ne laisse pas de doute à cet égard — dans des cellules à noyau simple qui ne diffèrent pas des cellules épithéliales. Il semble qu'il en soit de même chez les Tétrac- tinellides, de sorte que les scléroblastes représenteraient, en défi- nitive, des transformations d'éléments d'ordres divers, et que des tissus différents produiraient les différentes sortes de spicules. Suivant la nature du mésoderme, les corbeilles vibratiles se trou- vent amenées à prendre telles ou telles positions, qui changent com- plètement le type du système aquifère dans son ensemble. Sollas admet que le système aquifère des Tétractinellides est conformé suivant trois types principaux : le type eurypyleux, le type aphodal et le type diplodal. | Dans le premier cas (système eurypyleux), le mésoderme est col- lenchymateux, et les chambres vibratiles, véritables corbeilles, figu- rent de simples enfoncements des canaux aquifères, avec lesquels, cela va de soi, elles communiquent largement. Thenea muricata (pl. XV, fig. 4) nous offre un excellent exemple de cette disposition, qui prédomine, peut-être à l'exclusion de toute autre, chez les Monaxonida et les Monoceratina. Mais la plupart du temps, el c'est une des particularités sur les- quelles il convient d’insister le plus, chez les Tétractinellides, le mésoderme devient sarcenchymateux, ses cellules amiboïdes se chargeant de granules au point de perdre toute transparence. En 280 E. TOPSENT. mème temps, il empiète sur la cavité des canaux exhalants et en diminue la lumière. Les corbeilles vibratiles se trouvent ainsi em- prisonnées dans Sa chair. Elles restent en communication presque directe avec les canaux afférents par un canal très court, le prosodus, dont l’orifice est le prosopyle ; mais, pour conserver leurs rapports avec les canaux efférents, elles sont obligées de prolonger leurs bords en un canal, l’aphodus, qui, par sa longueur, indique à quelle distance l’épithélium du canal primitif a été écarté de sa position primitive. L’orifice distal de l'aphodus est l’apopyle. Tel est le sys- ième aphodal, le plus commun de tous chez les Tétractinellides. D'excellents exemples nous en sont fournis par Séryphnus mucrona- tus (pl. XVL fig. 12), Zrylus stellifer ‘pl. XVI, fig. 18) et /sops intula (pl. XVI, fig. 21). | Enfin, le mésoderme, sarcenchymateux, peut empiéter à la fois sur les canaux exhalants et sur les canaux inhalants. Le prosodus des corbeilles s’allonge, et chaque chambre vibratile figure une simple dilatation quelque part située d’un tube qui réunit un canal afférent à un canal efférent. C'est le système diplodal. Il parait rare chez les vraies Tétractinellides, car Sollas ne le signale que chez Azorica Pfeifferæ. Nous le retrouverons, un peu plus tard, dans un autre groupe, chez les Chondrosia. La consistance relative des Éponges est, d'ordinaire, un assez bon indice du type auquel se rapporte leur système aquifère : les plus molles présentent le système eurypyleux; celles à système de type diplodal sont remarquablement compactes et charnues, Il est aussi bien plus facile, sur des préparations médiocres, de voir les cor- beilles de type eurypyleux que celles de type aphodal ou diplodal. Un autre fait, dont il faut tenir compte encore, est le suivant : les corbeilles vibratiles, dans le système aphodal, sont plus petites et se composent d’un nombre moindre de choanocytes que dans le système eurypyleux. Sollas explique ces différences de la manière que voici : dans le type eurypyleux, Île travail des choanocytes des corbeilles fournit des résultats peu en rapport avec l'énergie dépen- Li ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 287 sée, car les corbeiïlles produisent des tourbillons plutôt qu’elles ne déterminent des courants dans un sens défini; dans le système aphodal, cette perte d'énergie est singulièrement diminuée par l’élongation de chaque chambre en un tube; les courants, ainsi isolés, ne se contrarient plus, et la même intensité de courant peut, par suite, être obtenue avec moins de choanocytes. En résumé, les Tétractinellides possèdent un squelette compli- qué, solide et très défensif, un ectosome presque toujours haute- ment différencié et éminemment contractile, un mésoderme fort développé, des éléments entre lesquels la division du travail est assurée au mieux, enfin un système aquifère perfectionné. De toutes les Éponges, elles sont, à n’en pas douter, les plus élevées en orga- nisation. Chose singulière, on ne connaît absolument pas les larves de ce groupe de Spongiaires, car on ne peut guère compter les observa- tions, forcément incomplètes, de Sollas sur des planula et des jeunes individus rencontrés à l’intérieur de Craniella simillima conservée dans l'alcool: Les cas où l’on a trouvé des produits génitaux dans le corps de ces Éponges sont même assez rares. Sollas a vu des œufs et des spermatoblastes chez une Tétillide, Chrotella macellata, draguée à Manille par le Challenger, au mois de janvier, par 18 brasses de profondeur. Il a observé aussi des spermatoblastes chez quelques espèces de la collection du Challenger : chez Tetilla pedifera (entre Amboine et Samboangan, octobre, 825 brasses), chez Tetilla grandis (Kerguelen, janvier, 45 brasses), chez Caminus sphærocomia (Bahia, septembre, basse mer) et chez £'rylus formosus (Bahia, septembre, 7-20 brasses). Ces indications, quoique précises, ne permettent pas, évidem- ment, de tirer des conclusions sur la question de savoir si les Té- tractinellides se reproduisent de préférence en été ou en hiver. 288 E, TOPSENT. Cependant, elles n’infirment pas, bien au contraire, l’idée que j'ai pu concevoir sur ce sujet. Durant plusieurs hivers, du commence- ment d'octobre aux premiers Jours d'avril, j'ai eu l’occasion d’étu- dier, à Banyuls, un grand nombre de Tétractinellides vivantes, de senres variés, et jamais je n'y ai découvert trace de produits géni- taux. J’en suis réduit à supposer que, Comme limménse majorité des autres Spongiaires, ceux-ci doivent pondre pendant la saison chaude, c’est-à-dire depuis le mois d'avril jusqu’à la fin de sep- tembre. Dans la Manche, j'ai examiné, en août et septembre, Pachy- matisma johnstonia, Pæcillastra compressa, Stelletta Grubei, Pilo- chrota lactea, sans y voir d'éléments reproducteurs. C’est peut-être plus tôt qu’il eût fallu chercher. Quelques Tétractinellides se multiplient par bourgeons externes destinés à former autant de jeunes Éponges après rupture de leur pédicelle. Ce mode de multiplication a été signalé déjà chez Thenea muricata et Th. Schmidti. Nous retrouverons quelque chose d’ana- logue chez notre Sanidastrella coronata, du golfe du Lion. D'autres, des Craniella, produisent des gemmules internes. Nous décrirons en détail celles de Craniella crantum ; mais, dès mainte- nant, nous pouvons faire remarquer que le sort ultérieur de ces gemmules est jusqu’à présent inconnu. Les caractères tirés de leur spiculation, de la disposition de leurs chambres vibratiles, de la constitution de leur écorce et de la nature de leurs pores, ont servi à établir la classification des Tétractinel- lides. La meilleure qu’on ait encore proposée est, sans contredit, celle due à Sollas, et nous l’adopterons en lui faisant subir quelques retouches, d’ailleurs légères. Nous en écarterons : les Æpipolasidæ (genres Amphius Soll., Asteropus Soll. et Coppatias Soll.), qui se rattachent bien mieux aux Monaxonida (Aciculida); le genre Astrella Soll., jugé inutile par Marenzeller et Vosmaer; les genres Séæba Soll., Vethea Soll., Der- citus Gray, les Samidæ et les Microsclerophora, que nous placerons ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 289 dans l’ordre des Carnosa; enfin, le genre Astropeplus Soll., qui semble devoir prendre place à côté des Placinidæ. Nous y ajouterons par contre la famille nouvelle des PDesmanthidæ et le nouveau genre Sanidastrella. Enfin, nous modifierons quelque peu la division du groupe des Streptastrosa. C’est surtout d’après leur spiculation que se divisent les Tétracti- nellides. Chez les unes, les Choristida, les mégasclères à quatre pointes, les ériænes, restent libres, si dure que soit l’Éponge ; chez les autres, les Lithistida, les triænes modifiés, ou desmas, se soudent entre eux pour constituer une charpente d’une solidité à toute épreuve. Les Choristida et les Lithistida sont les deux sous-ordres de l’ordre des Tetractinellida. Les subdivisions des Choristida sont uniquement basées sur la forme des microsclères présents ; chez les Zithistida, on tient compte, en outre, de la présence, de l’absence et du type des spicules pro- pres à l’ectosome. C’est encore à la spiculation qu’on emprunte les caractères qui servent à distinguer les familles, mais on y ajoute parfois les carac- tères tirés de la disposition des chambres vibratiles, ou, pour mieux dire, du type auquel se rattache le système aquifère. On a ainsi : Ordre TETRACTINELLIDA Marshall. Demospongiæ possédant des mégasclères à quatre rayons, triænes ou desmas. Exception doit être faite pour les Placospongidæ, qu’on range dans cet ordre à cause de leurs sterrasters, sans qu’elles possèdent de triænes, l Sous-ordre Zcthistida O. Schmidt, Tétractinellides à squelette solide, grâce à la soudure entre eux des spicules modifiés, les desmas. 4. Tribu HoPcLopaorA Sollas. Lithistida produisant des mégasclères spéciaux à l’ectosome, et ordinairement quelque forme de microsclère. ARCH. DE ZOOL. EXP ET GEN. — 90 SEUIL. -— D {1 189%, 19 290 E. TOPSENT. a. Groupe Triænosa Sollas. Les spicules de l'ectosome sont quelque forme de triæne, et des microsclères (spirasters, amphiasters ou microrhabdes) sont toujours présents. Système aqui- fère aphodal. Famille TETRACLADIDÆ. Triænosa à desmas tétracrépides. Genres Theonella Gray, Discodermia du Bocage, Racodiscula Zittel, Kaliapsis Bow., MNeosiphonia Soll., Rimella Schm.. Collinella Schm., Sulcastrella Schm. Famille DESMANTHIDÆ. Triænosa à desmas tétracrépides de deux sortes, très ramifiés et très tubercu- leux. Pas de microsclères. Mégasclères accessoires monactinaux, dressés dans l’ectosome. Genre Desmanthus Tops. (voir p. 311). Famille CORALLISTIDÆ. Triænosa à desmas monocrépides et tuberculeux. Genres Corallistes Schm., Macandrewia Gray, Dædalopelta Soll., Heterophy- mia Pomel, Callipelta Soll. Famille PLEROMIDÆ. Triænosa à desmas monocrépides et lisses. Genres Pleroma Soll., Lyidium Schm. 6. Groupe Rhabdosa Sollas. Les spicules de l’ectosome sont des microstrongyles, ou des microstrongyles modifiés (disques). Les desmas sont monocrépides. Famille NEOPELTIDÆ. Rhabdosa dont les spicules ectosomiques sont des disques monocrépides. Genre Neopelta Schm. Famille SCLERITODERMIDÆ. Rhabdosa dont les spicules ectosomiques sont des microstrongyles et les autres microsclières des sigmaspires. Genres Scleritoderma Schm., Aciculites Schm. Famille CLADOPELTIDÆe Rhabdosa dont les spicules ectosomiques sont des desmas très ramifiés dans un plan paralièle à la surface. Microsclères absents. Genre Siphonidium Schm. 9. Tribu AnopLiA Sollas. Lithistida sans spicules spéciaux de l’ectosome el sans microsclères. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 291 Famille AZORICIDÆ. A noplia à desmas monocrépides. Genres Azorica Carter, Tretolophus Soll., Gastrophanella Schm., Setidium Schm., Poritellu Schm., Amphibleptula Schm., Tremaulidium Schm., Leioder- matium Schm., Sympyla Soll. Famille ANOMOCLADIDÆ. A noplia à desmas acrépides, un nombre variable de clades lisses et cylindriques rayonnant autour d’un centrum épais. Genre Vetulina Schm. II. Sous-ordre Choristida Sollas. Pas de desmas; les mégasclères ne s’articulent jamais entre eux pour consti- tuer un squelette cohérent. 4. Tribu AsrropxoRA Sollas. Choristida dont les différentes sortes de microsclères, ou tout au moins l’une d’elles, appartiennent au type asfer. «. Groupe Sterrastrosa Sollas. Astrophora dont le microsclère caractéristique est la sterraster. Famille GEODIIDÆ. Sterrastrosa pourvues de triænes. 1. Sous-famille Erylina. Les mégasclères sont des orthotriænes et des rhabdes (oxes ou strongyles); pas d’anatriænes ni de protriænes. Le microsclère somal, c’est-à-dire répandu dans tout le corps, et non localisé dans le choanosome ou dans l’ectosome (il y en à ordinairement une accumulation dans l’ectochrote), est un microxe ou un microstrongyle ou une sphéraster. Genre Zrylus Gray (1867). Sterraster rarement sphérique. Le microsclère somal est un microxe, ordinairement centrotylote. Chones poraux de type uni- poral. Oscules béants. Genre Caminus Schmidt (1862). Sterraster plus ou moins sphérique. Le mi- crosclère somal est une sphéraster à actines très réduites (sphérule). Chones poraux de type cribriporal. Oscules béants. Genre Pachymatisma Bowerbank (1866). Sterraster sabsphérique ou ellipsoïde. Le microsclère somal est un microstrongyle, Chones poraux de type cribriporal. Oscules béants. 292 E. TOPSENT. 9. Sous-famille Geodina. Les mégasclères sont des ortho- et des dichotriænes et des rhabdes (ordinaire- ment des oxes); il y à souvent aussi des anatriænes et des protriænes. Le mi- crosclère somal est une aster à actines nombreuses. Les sterrasters sont sphé- riques ou ellipsoïdales. Genres Cydonium Flem., Geodia Lamk., Synops Vosm., 1sops Soll. Genre Cydonium Fleming ( 1828). Chones poraux de type cribriporal. Oscules quelquefois de type uniporal, mais plus communément de type cribriporal, eux aussi, et ressemblant alors aux pores, sauf par leurs dimensions plus considé- rables. Ces oscules sont d'ordinaire confinés dans des aires spéciales sans bords accusés. — Les Geodia différeraient des Cydonium seulement parce que leurs oscules débouchent dans un cloaque commun. Genre /sops Sollas (1880). Oscules et pores semblables, les uns et les autres de type uniporal. Famille PLAGOSPONGIDÆ. Sterrastrosa sans triænes ; seulement des tylostyles pour mégasclères. Genres Placospongia Gray, Antares Soil. 8. Groupe Æuastrosa Sollas. Astrophora possédant toujours des euasters, jamais de sterrasters ni de spi- rasters. Il existe des triænes, mais pas de calthropses. Famille STELLETTIDÆ. Euastrosa dont les mégasclères sont des oxes et des triænes. Système aquifère aphodal. Mésoderme sarcenchymateux. Éctosome différencié ou non en une écorce. 1. Sous-famille Homasterina. Stellettidæ qui ne possèdent qu'une seule sorte d’aster. L’ectosome ne forme pas d’écorce : genre Myriastra Soil. L’ectosome forme une écorce fibreuse : genre Pilochrota Soll. Ce dernier genre, qui compte plusieurs représentants sur nos côtes, est défini : Genre Pilochrota Sollas (1886). Oscules ordinairement distincts ; stomions en cribles ; chones poraux ne se rétrécissant pas dans leur passage à travers la por- tion fibreuse de l'écorce. L'écorce est, la plupart du temps, formée d’une couche collenchymateuse comprise entre deux couches fibreuses, l’une externe, assez mince, l’autre interne, plus épaisse. Le microsclère présent est une chiaster ou une oxyaster. 2. Sous-famille Euasterina. Stellettidæ à deux sortes d’asters ; le microsclère additionnel est une euaster. L’ectosome ne forme pas d’écorce : genre Anthastra Soil. L’ectosome forme une écorce fibreuse : genres Stelletta Schm., Dragmastra Soil. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 293 L’ectosome se charge de grosses sphérasters, mais n’est pas fibreux : genre Aurora Soil. Le genre Séelletta paraît, jusqu'à présent, le seul qui compte des représen- tants chez nous. On le définit : Genre Sfelletta Schmidt (1862). Oscules distincts ou non. Stomions en cribles recouvrant les chones poraux. Écorce bien développée. Des deux sortes d’asters présentes, l’une est répandue dans tout le corps (c’est, suivant l'expression de Sollas, le microselère somal), l'autre se confine dans le choanosome. 3. Sous-famille Rhabdasterina. Stellettidæ à deux sortes de microsclères ; le microsclère additionnel est un microrhabde. L’ectosome ne forme pas d'écorce : genre Ecionemia Bow. L'ectosome forme une écorce fibreuse : genre Psammastra Soll. L’ectosome se charge de microrhabdes : genres Penares Gray, Algol Soll. Nous n’avons à nous occuper ici que du genre Penares : Genre Penares Gray (1867). Rhabdasterina dont l’un des microsclères est un microrhabde (microxe) et l’autre, quand il existe, une aster. Les microxes, répandus dans tout le choanosome, s'accumulent en une couche dense dans l’ectosome mince. 4. Sous-famille Sanidasterina. Stellettidæ à deux sortes de microsclères ; le microsclère additionnel est une sanidaster ou une amphiaster. Squelette à disposition radiale ; ectosome plus ou moins fibreux : genres Anco- rina Schm., Tribrachium Weltn., Disyringa Soll., Tethyopsis Stewart, Sani- dastrella Tops. Squelette sans disposition radiale; ectosome non fibreux : genre Stryphnus Soll. Ici doit prendre place aussi le genre Setriola Hanitsch, si tant est qu’il diffère réellement du genre Séryphnus. Voici la diagnose des deux genres de cette sous-famille qui nous intéressent pour le moment : Genre Sanidastrella Topsent (1892). Sanidasterina à ectosome fibreux et émet- tant de longs appendices osculifères terminés par des bourgeons. Oscules indis- tincts, criblés. Pas d’orthodiænes ni d’orthomonænes (c’est-à-dire d’orthotriænes dont le cladome se réduit à deux clades ou à un seul). Genre Stryphnus Sollas (1886). Éponges massives. Ectosome collenchymateux, riche en mégasclères sans ordre apparent. Mégaselères principaux : des oxes de grande taille, irrégulièrement distribués. Mégasclères de l’ectosome : des ortho-, plagio- et dichotriænes. Les microselères sont une forme quelconque d’euaster et une sauidaster ou amphiaster. YA E. TOPSENT. y. Groupe Séreptastrosa Sollas. Astrophora dont l'un des microsclères est une spiraster, ou bien, si ce n'est pas le cas, dont l’un des mégasclères est un calthropse. Famille PACHASTRELLIDÆ. Streptastrosa à triænes mal conformés ou absents et remplacés par des cal- thropses. Les microsclères peuvent être des spirasters et des microrhabdes ou des sphérasters (Calthropella). Mésoderme sarcenchvmateux. Système aquifère aphodal. Genres Pachastrella Schm., Calthropella Soil., Characella Soll., Pecillastra Soll., Sphinctrella Schm., Triptolemus Soll. Les genres Pachastrella et Pæcillastra, représentés chez nous, reçoivent pour définition : Genre Pachastrella Schm. (1868). Pachastrellidæ dont les mégasclères sont des calthropses et des oxes, et les microsclères des spirasters et des micro- strongyles. Genre Pœcillastra Soll. (1888). Pachastrellidæ ayant : 1° pour mégasclères des oxes n’affectant pas une disposition radiale, des triænes à rhabdome court, superficiels, et des calthropses présents même à l’intérieur du choanosome, mais épars; 2° pour microsclères des spirasters et des microxes, ceux-ci formant un feutrage dans tout le corps de l'Éponge. Famille THENEIDÆ. Streptastrosa à triænes bien conformés; les microsclères sont des spirasters et des plésiasters, L'ectosome ne forme pas une écorce. Le mésoderme est collen- chymateux. Le système aquifère est eurypyleux. Le genre unique, Thenea Gray, est défini : Genre Thenea Gray (1867). T'heneïdæ de forme symétrique, pourvues d’un oscule distinct ou de plusieurs, et d’une aire porifère spécialisée en plus des pores épars sur la surface générale. Les spicules caractéristiques sont des dicho- triænes disposés avec les autres mégasclères en fibres radiales. 9. Tribu SicmAToPHORA Sollas. Choristida dont les microsclères, quand il y en a, sont des sigmaspires, Famille TETILLIDÆ. Sigmatophora caractérisées par des protriænes, constants, et par des sigma- spires, qui manquent, à vrai dire, assez souvent. Genres Tetilla Schm., Tethyopsilla Lend., Chrotella Soll., Cinachyra Soll, et Craniella Schm. Ce dernier, représenté sur nos côtes, est défini comme suit : ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 295 Genre Craniella Schm. (1870). L'écorce se différencie en une couche interne fibreuse, traversée radialement par des oxes corticaux, et en une couche externe collenchymateuse, creusée de cavités intracorticales. Le mésoderme du choano- some est sarcenchymateux. Système aquifère aphodal. Les Lithistides vivent de préférence dans les mers chaudes du globe. Les Choristides sont cosmopolites. Toutes se tiennent d'or- dinaire assez près des côtes, ce qui paraît de règle également pour les autres Spongiaires. Leur nombre diminue beaucoup à partir de 200 brasses, mais il en est qui descendent bien plus bas. Ainsi, Thenea muricata a été draguée par 1913 brasses de profondeur ; le genre Thenea est, du reste, le plus abyssal de toutes les Tétractinel- lides. Certaines familles jouissent d’une vaste distribution bathymé- trique : les Tetillidæ, par exemple, qui se rencontrent depuis 0 jus- qu’à 1000 brasses. D'autres se restreignent davantage : les Theneidæ aiment les eaux profondes ; les Séellettidæ vivent dans les eaux basses. Les Geodüdæ, plus étendues bathymétriquement que les Stellettidæ, sont aussi plus communes en eau plus profonde. Sollas a tenté de répartir les Tétractinellides suivant leur disper- sion géographique. Pour la région naturelle qu'il appelle province lusitantenne, il a dressé une liste de soixante-six noms, comprenant surtout des Éponges de l’Adriatique, des côtes du Portugal, des îles du cap Vert et des Azores. Mais il nous en faut tout d’abord exclure neuf, que nous retrouverons plus tard parmi les Carnosa. Il en faut rayer aussi plusieurs autres tombés en synonymie : Stryphnus carbonarius, synonyme de S. mucronatus ; Erylus mammillaris, synonyme de £. discophorus ; Ancorina Wageneri, synonyme de À. cerebrum ; Pachastrella abyssi, synonyme de P. monilifera ; Stelletia Collingsi, synonyme de S. Grubei; Astrella anceps, synonyme de Stelletta Grubei ; Stelletta coactura, synonyme de S, Boglicu. Plusieurs, enfin, désignent des espèces mal décrites ou dou- 296 E. TOPSENT. teuses : certains Cydonium et Geodia, etles Erylus intermedius (Schm.), Stelletta? pathologica Schm., Ancorina tripodaria Schm. Par contre, il faudrait ajouter à la liste en question : Characella pachastrelloides (Cart.) Soll., que Sollas avait oubliée, Ancorina radix Marenz. et Stelletta hispida Buceich, décrites récemment, plusieurs Éponges draguées dans la région par l'Hirondelle : Tetilla fruncata Tops.; Characella Sollasi Tops. et Cydonium glareosum Soll., sur la côte des Asturies; Sphinctrella horrida Schm.; Astrella tuberosa Tops.: Ærylus transiens Welin.; #. nummulfer Tops. ; Isops globus (Schm.) Soll. et S. pachydermata Soll.; et puis, les quelques espèces nouvelles dont on trouvera la description plus loin. Z'henea muricata Bow. et Pœcillastra compressa (Bow.), enfin, nous apparaissent comme moins caractéristiques de la faune arc- tique que Sollas n’était en droit de le supposer. TÉTRACTINELLIDES DE FRANCE: La monographie de Bowerbank nous fournit les documents les plus anciens relatifs à la faune des Tétractinellides de France. On y trouve citées, en effet, dès 1866 (2, vol. x), les espèces suivantes, recueillies aux îles normandes (Channel Islands) : Stelletta Grubei Sehm., sous les noms de Tethya Collingsit Bow. (provenant de Guernesey et de Sark) et de Tethya Schmidt Bow. (trouvée à Guernesey et à Herm); Stryphnus ponderosus (Bow.) Soll., appelé Æcionemua ponderosa Bow., et rapporté de Guernesey par le révérend A.-M. Norman ; Et Pachymatisma johnstonia Bow., prise à Sark, dans les Guliot Caves. Ecionemia coactura Bow., de Guernesey, autre synonyme probable de Stelletta Grubei, a été décrite en 1874 (2, vol. ur, pl. LXXXII). Grübe (45), Sollas (26) et Kæhler(44) ont tour à tour signalé l'exis- ‘ Je rappelle que l’histoire de Dercitus Bucklandi (Bow.) Gray, (Hymeniacidon Bucklandi Bow., 1866), prendra place dans l’étude d’un autre groupe d'Éponges. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 297 tence sur les côtes de Bretagne, ou, de nouveau, aux îles nor- mandes, de Pachymatisma johnstonia Bow., la désignant sous son vrai nom ou sous celui de C'aminus osculosus Grübe (voir p. 262 et p. 264). Outre cette Éponge, Kæhler (44) avait aussi découvert à Sark Cydonium Mülleri Flem. (Geodia zetlandica Johnst., sur sa liste, sui- vant la nomenclature de Bowerbank) et revu Séelletta Grubei Schm. (Tethya Collingsii Bow.). Je ne crois pas qu'il ait été publié rien de plus sur nos Tétractinel- lides de la Manche, et je ne possède aucun renseignement au sujet de celles de notre littoral océanique. De même, O0. Schmidt et Marion auraient seuls fait mention de Spongiaires de cet ordre rencontrés sur nos côtes méditerra- néennes. Schmidt, en 1868 (22), dans sa liste d'Éponges de Cette (voir p. 264), citait : Geodia gigas Schm. et Stelletta anceps, n. sp., deve- nues, la première, Cydonium gigas (Schm.) Soll., et la seconde, un simple synonyme de Stelletta Grubei Schm. Quant à Marion, il a indiqué, en 1883, la présence dans le golfe de Marseille de Geodia gigas et Sitelletta dorsigera (46); puis, de plusieurs Stelletta, d’une Ancorina et d’une petite Geodia non déter- minées (42). J'ai eu l'occasion d'examiner, jusqu’à présent, vingt-cinq Tétrac- tinellides françaises, savoir : . Cydonium conchilegum (Schm.) Soll. Sous-ordre LITHISTIDA. o) 1. Desmantihus incrustans Tops. de n goes eme. Hé — Mülleri Flem. Sous-ordre CHORISTIDA. 8. Isops intuta Tops. Tribu ASTROPHORA. Groupe Sferrastrosa. Groupe Euastrosa. 2. Erylus stellifer Tops. 9. Pilochrota lactea (Cart.) Soll. 3. Caminus Vulcani Schm. 10. — mediterranea Tops. 5, Pachymatisma johnstonia Bow. 11. Stelletta Grubei Schm. 298 E. TOPSENT. 12. Stelletta dorsigera Schm. Groupe Streptastrosa. 13. __ hispida (Bucc.) Marenz. RENE e Tops: 21. Pachastrella monilifera Schm. 13. Penares Helleri (Schm.) Gray. 29, Pœcillastra compressa (Bow.) Soll. 16. — candidata (Schm.) Gray. 23 SE AGOUINNONREE 17. Sanidastrella coronata Tops. 24. Thenea muricata Bow. 18. Siryphnus ponderosus (Bow.) Soil. 1192 _ ponderosus,var. rudis, Soil, 20. — mucronatus (Schm.) Soll. 25. Craniella cranium (Müll.) Vosm. Tribu SIGMATOPHORA. Sept d’entre elles proviennent de la Manche et de l'Océan : Pachymatisma johnstonia Bow. Stryphnus ponderosus, Var. rudis, Soll. Cydonium Mülleri Flem. Thenea muricata Bow. Pilochrota lactea (Cart.) Soll. Craniella cranium (Müll.) Vosm. Stryphnus ponderosus (Bow.) Soll: Seize sont méditerranéennes. Enfin, Stelletta Grubei Schm. el Pæcillastra compressa (Bow.) Soll. sont communes aux deux mers. On remarquera qu'une seule Lithistide figure sur la liste générale qui précède : Desmanthus incrustans Tops. Cette Éponge jouit d’une vaste dispersion géographique, car je l'ai rencontrée pour la pre- mière fois, il y a quelques années (28), sur des pierres madrépori- ques draguées sur le bane de Campêche (Mexique). C'est, pour la faune méditerranéenne, le premier représentant du sous-ordre Li- thistida qu’on puisse citer. Vosmaer, en 1881 (39), a dit avoir obtenu, durant un séjour de quelques mois à la station zoologique de Naples, deux ou trois espèces de Lithistides. Mais il ne les à pas désignées d'une façon plus précise, et la monographie, où il se pro- posait sans doute de Îles faire mieux connaître, n’a malheureuse- ment pas été publiée jusqu’à ce jour. Tout récemment, Lendenfeld (44) a rangé parmi les Lithistides, sous le nom de Tetranthella fruticosa (Schm.) Lend., une Éponge de l'Adriatique que Schmidt avait appelée Suberites fruticosus et Sube- rites crambe. Dès 1880, Vosmaer (38) avait constaté qu'il s'agissait d'une seule ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 299 et même espèce. Il fut moins heureux en proposant pour elle une dénomination nouvelle, Crambe harpago Vosm., que les lois les plus élémentaires de la nomenclature empêchent de maintenir. En présence de deux termes spécifiques synonymes, il devait faire un choix et ne pas les supprimer d'un seul coup pour les remplacer par un troisième. Quant au genre Crambe, il existait depuis long- temps, créé par Linné pour une Crucifère de notre pays, Crambe maritima. L'Éponge en question n’est certainement pas un Suberites et le genre Tetranthella de Lendenfeld peut passer pour une excel- lente innovation. Vosmaer, ayant observé des isochèles, les avait attribués en trop au prétendu Crambe, qui, en réalité, n'en possède point. Mais il avait parfaitement exprimé la forme de ses spicules caractéristiques, « folato-peltate » (38, p. 135), en les comparant à ceux des Lithistides « Unregelmässige, lithistidenartige Kôrperchen und Scheibchen » (42, p. 350). Ces spicules spéciaux ont surpris Lendenfeld et l’ont conduit à établir dans la tribu des Zithistida Anoplia une famille des Tetran- thellidæ. 1 Tetranthella fruticosa est commune sur les côtes méditerranéennes de France. O. Schmidt l’a vue à Cette, et je sais qu’elle existe à Bandol (Var) et à Banyuls (Pyrénées-Orientales). Bien développée, elle acquiert l’habitus des Acanthella, et son squelette se compose de fibres de styles passant aux subtylostyles, plus ou moins riches en spongine, et renforcées à leur surface par des spicules sembla- bles à des desmas, sorte d'étoiles à trois ou quatre rayons aplatis et ramifiés, dont l’un proémine dans le choanosome, tandis que les autres s'appliquent sur elles. Ce que Lendenfeld a vu sur le spéci- men type, desséché, de l’espèce, je l’ai observé également sur un fragment, sec aussi, d’un bel échantillon, de l’Adriatique, que m'a fort aimablement communiqué le révérend A.-M. Norman, lequel le tenait d’O. Schmidt lui-même. À Banyuls, j'ai souvent recueilli Fetranthella fruticosa sur des Cys- | toseires et sur des souches de Posidonies, Vivante, elle est quelque- 300 E. TOPSENT. fois jaune, le plus souvent rouge vif, et doit sa couleur, en grande partie au moins, à ses cellules sphéruleuses, assez petites, mais très abondantes. Dans cette condition, je l'ai toujours trouvée encroû- tante, assez mince, et pourvue de spicules desmoïdes sirares, quejeles ai laissé passer inaperçus et que je croyais avoir affaire à une Éporge non décrite, dont j'ai donné la diagnose (35, p. xx) en l'appelant Séy- linos brevicuspis. C’est seulement après examen du spécimen offert par le révérend Norman que j'ai pu rectifier mon erreur : la forme des mégascières, leur pointe brève, leur canal large, qui m’avaient tant frappé, m'ont révélé la vérité, mais, même alors, j'ai éprouvé beaucoup de difti- culté à retrouver dans mes échantillons encroûtants, tant à leur base que le long de leurs fibres, les organites caractéristiques. Cer- tainement, ils ne deviennent abondants qu'à partir du moment où la Tetranthella s'élève au-dessus de son support; les premiers ‘ormés sont même irréguliers, diaclinaux ou triactinaux, à peine ramifiés. Au contraire des desmas des Lithistides, ils jouent ici un rôle accessoire, un rôle de microsclères, et ne se comparent guère qu'aux étoiles tétractinales des Zrikentrion. Dendy et Ridley l'ont fait remarquer, à propos du genre Proteleia : les Tétractinellides se relient aux Monaxonides, et la présence d'une sorte de spicule tétraxial ne constitue pas par elle-même une indi- cation suffisante de la place naturelle d’une Éponge donnée dans la classification. Les coupes que j'ai pratiquées dans des Zetranthella conservées dans l'alcool, bien qu’imparfaites, m'ont montré un mésoderme collenchymateux et un système aquifère de {ype eurypyleux. Gest pour moi une raison de plus pour tenir Tetranthella fruticosa à l'écart des Tétractinellides* et pour ne faire cas que de l'unique Lithistide précitée. | 1 Ces considérations, au sujet de Tetranthella fruticosa, ont été imprimées Sépa= rément dans la Revue biologique du Nord de la France, vol. vi, n° 8, p. 313, sous le titre : À propos de Tetranthella fruticosa (Schm.) Lend. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE, 301 Il est infiniment probable que les Tétractinellides de France ne figurent pas, dès maintenant, au complet sur notre tableau. De la Manche et de l'Océan, il ne nous en manque peut-être au- cune, puisque nous avons retrouvé toutes celles de la monographie des Éponges d'Angleterre, de Bowerbank!, et aussi 7henea muricata Bow. et la Pilochrota lactea découverte par Carter, à Budleigh-Sal- terton (South Devon). Il ne reste de doute qu'en ce qui concerne Seiriola compacta Hanitsch (6 et 3), de Puffin Island; mais j'incline à croire qu’il s’agit d’un synonyme de Séryphnus ponderosus, Car la spiculation de cette dernière espèce est sujette, comme nous le ver- rons plus loin, à des variations portant sur les dimensions des mé- gasclères et sur la forme des microscières. C’est dans la Méditerranée qu’on doit s'attendre surtout à recueil- lir des espèces omises dans cette étude. Je citerai parmi celles qu'on a le plus de chance de rencontrer: Zrylus discophorus (Schm.) Soll., Stelletta pumex Schm., Ancorina cerebrum Schm., Ancorina radix Marenz. et Geodia placenta Schm. Je serai réduit, en ce qui les con- cerne, à indiquer, en passant, les caractères qui les distinguent des espèces voisines en description. Sur les côtes océaniques, quelques-unes de nos Tétractinellides vivent assez haut pour s’exposer à rester quelques instants à sec aux basses mers des syzygies : Pachymatisma johnstona, Cydonium Mül- leri, Pilochrota lactea, Stelletta Grubei et peut-être aussi Stryphnus ponderosus, la majorité, par conséquent, des espèces connues, sont dans ce cas. Cependant, loin de se cantonner à ce niveau élevé, elles descendent beaucoup plus bas. Craniella craniun et Thenea muricala se tiennent en eau profonde, Dans la Méditerranée, l'absence de marées soumet leur récolte entièrement aux hasards de la drague. Toutefois, la plupart se plai- 1 Craniella cranium = Tethya cranium, Pœcillastra compressa = Ecionemia com- pressa, Normania crassa et Hymeniacidon placentula, (Dercitus Bucklandi= Baiters- bya Bucklandi), Stelletta Grubei = Tethya Collingsü, T. Schmidtii et Ecionemia coac- tura, Stryphnus ponderosus = EÉcionemia ponderosa, Pachymatisma johnstonia = Pachymatisma johnstonia et P. Normani, Cydonium Mülleri = Geodia zellandica. 302 E. TOPSENT. sent, par des profondeurs assez faibles, en eau claire et sur fond de roche. Les bancs de conglomérats à Mélobésiées, semblables à celui qui borde le cap l’Abeille, tout auprès de Banyuls, par 30 à 50 me. tres de profondeur, se montrent d’une richesse vraiment merveil- leuse en Tétractinellides, comme d’ailleurs en Spongiaires de toutes sortes. Ces conglomérats du cap l’Abeille m'ont déjà fourni des représentants de seize des espèces méditerranéennes que j'ai vues jusqu'ici, et j’ai peine à croire que les deux auires, Pœcillastra cum- pressa et surtout Sanidastrella coronata, dont le premier spécimen à été recueilli dans le voisinage, ne s’y fixent pas aussi. Quelques espèces, Cydonium gigas, C. conchilegum et Stelletta Grubei, par exemple, remontent assez près du niveau de la mer pour qu'on puisse les prendre à la main dans les fissures des érottoirs naturels qui longent le littoral rocheux. Gil est aisé de se procurer de nombreux échantillons de certaines Éponges calcaires et de certaines Æalichondria, Reniera, Aply- silla, etc., on ne peut pas, d'une facon générale, en dire autant pour la plupart des Tétractinellides. Les individus ne sont pas très abon- dants, ou, plus exactement peut-être, ils se dispersent davantage, et, même sur le fond exceptionnel du cap l'Abeille, il à fallu multi- plier les recherches pour que les différentes espèces qui s’y trouvent m’apparussent communes, où, tout au moins, assez COMMUNES. Toute règle comporte des exceptions. C’est ainsi que, dans les grottes des roches Duon et Rec’hier Doùn, à Roscoff, on peut faire une récolte ample à souhait de Pachymatisma johnstonia, qui S'y étend en plaques très larges el, par places, serrées les unes conire les autres. Second exemple : le 20 octobre dernier, le chalut traîné, sur l'ordre de M. le professeur Pruvot, à 10 milles du cap Norfeo, par 126 mètres de profondeur, ne tarda pas à s’emplir d'Éponges dont la plupart étaient des Pœcillastra compressa : force fut d'en rejeter de pleins baquets à la mer. Enfin, dans les explorations des grands fonds, l'engin revient quelquefois plein de J'henea. J'ai compté, pour ma part, près de trois cents Thenea muricata prises dans un seul ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 303 coup de chalut donné par /’Æirondelle, en 1887, au voisinage de Terre- Neuve, par 1267 mètres de profondeur. Cette profusion de 7'henea dans certaines localités s'explique assez bien, comme le fait remar- quer Sollas, par la faculté dont jouissent ces Éponges de se multi- plier par bourgeonnement extérieur. Plusieurs de nos Tétractinellides affectent des formes assez con- stantes, qui permettent de les distinguer à première vue. Caminus Vulcani (pl. XIE, fig. 2) est globuleux, avec un oscule unique béant à son sommet et des aires porifères étoilées sur toute sa surface. Pachymatisma johnstonia (pl. XI, fig. 4) se développe en masses hé. misphériques, plus ou moins lobées, luisantes, couvertes d’oscules sériés, larges et bordés de blanc. Le nom spécifique agariciformis que beaucoup d'auteurs ont prêté à Thenea muricata (pl. XV, fig. I) rappelle bien l'aspect ordinaire de cette Éponge. Craniella cranium (pl. XV, fig. 6), petite, subsphérique ou ovoïde, couverte de villo- sités, porte ordinairement sur elle son cachet d'identité. Sanidastrella coronata (pl. XIII, fig. 1), avec ses longues papilles aquifères co- niques, étranglées à quelque distance de leur extrémité et termi- nées par un bourgeon pédicellé, prête encore moins à confusion. 1sops intuta (pl. XI, fig. 2), massive, brune, lisse, toute piquetée de petits pores cerclés de brun foncé, ne manque point de physio- nomie. Il n'est pas jusqu'à Séryphnus mucronatus, pour lequel je regrette l'épithète carbonarius, qui, par sa coloration, noire en dedans comme en dehors, ne se laisse aisément reconnaitre. Il en est d’autres, telles que Zrylus stellifer, Penares candidata et les Cydonium, dont les caractères extérieurs ne varient guère non plus, mais sont moins définissables, et, pour être appréciés sans hé- sitation, nécessitent une certaine habitude, ; Quant aux Sfelletta, Pilochrota, Pachastrella et Pæcillastra, il est presque toujours indispensable, pour les déterminer, de recourir à l'examen microscopique. C’est, du reste, une précaution qu'il ne faut jamais négliger, même quand il s'agit d'espèces de configura- tion distincte, car on peut avoir affaire à des Caminus déformés, à 304 E. TOPSENT. des Craniella à peu près lisses, à des Thenea fragmentées, à des indi- vidus anormaux, bien capables d'induire en erreur. La couleur peut, à l'occasion, servir de guide pour la détermina- tion. Mais la plupart de nos Tétractinellides, vivantes, sont blanches ou grisâtres!, aussi bien dans l’ectosome que dans le choanosome. Je ne connais que Stryphnus mucronatus, Penares candidata et Desman- thus incrustans dont le choanosome soit teinté, celui de Séryphnus en noir, celui de Penares en vert clair, celui de Desmanthus en rouge sang. Chez quelques espèces, l’ectosome prend une coloration pro- pre, dans toute son étendue, ou seulement par places, dans les points les mieux éclairés. Celui de Sanidastrella coronata et de /sops intuta est brun uniformément ; celui de Penares candidata est vert nuancé de brun: celui de Caminus Vulcant et de Pachymatisma jonhstonia, blanc pur à l'abri de la lumière, devient, dans les régions les plus élevées de ces Éponges, gris, Sépia, légèrement violacé. Dans la plu- part des cas, ces colorations proviennent de lipochrômes emmaga- sinés dans les cellules sphéruleuses (pl. XVI, fig. 10 ei fig. 49, p); or, ces cellules abondent surtout ou même se localisent presque exclusivement dans l'ectosome (Sanidastrella et Isops), ou, au con- traire, elles se répandent aussi, en quantité moindre, toutefois, dans le choanosome. C’est ainsi que Stryphnus mucronaius, Penares candidata et Desmanthus incrustans sont noirs, verts ou rouges dans toute leur épaisseur. Ailleurs, il se produit un véritable pigment, contenu sous forme de granules dans certaines cellules contractiles de l’ectochrote (voir ce moi p. 919) ; tel est le cas de Caminus Vul- cart et de Pachymatisma johnstonta. Enfin, la couleur accidentelle- ment brunâtre de l’ectosome de certains types, en particulier de Erylus stellifer, paraît due en grande partie à un dépôt de grains jaunes ou rougeaires d’un sel de fer, identique sans doute à celui 1 D'une façon générale, les Tétractinellides vivement colorées paraissent rares ; leur éclat peut même être d'emprunt, Gomme chez celte Azorica Pfeifferz de l'Hi- rondelle (34, p. 52), dont la magnifique coloration bleue à l'état de vie appartenait sans doute en propre à des Thallophytes établis en commensaux à sa surface. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 305 dont se chargent si souvent les fibres et les fibrilles des Monoceratina (Zuspongia officinalis, Hippospongia equina, Hircinia variabilis, etc.). Notons encore que, sous le rapport de la couleur, nos différentes espèces ne sont pas tout à fait exemptes de variations. Bowerbank a trouvé Craniella cranium vert pâle à l’état de vie; et, d’après lui, les Pachymatisma recueillies en eau profonde présenteraient une teinte rose ou rouge. Fréquemment, l’écorce de diverses Stelletta devient brunâtre. Le spécimen type de Séryphnus mucronatus était brun puce et non pas noir, et cela explique que Schmidt, plus tard, n'ait pas reconnu son espèce et lui ait appliqué un autre qualificatif (S. carbonarius). Enfin, Desmanthus incrustans ne possède sans doute pas toujours la magnifique coloration rouge sang, qui, peut-être me l'a fait prendre longtemps pour Wicrociona atrasanguinea ; les Desmanthus desséchés, qui m’ont élé rapportés du banc de Cam- pêche, varient du jaune pâle au brun rougeûtre. Carter (3, p. 10) a fait remarquer qu'au contact de Pulochrota lac- tea la pierre qui sert de support se trouve noircie, suivant les moin- dres sinuosités de l’Éponge, par un dépôt de granules brunâtres dont l'accumulation change la couleur. Cette sorte de vernis noir, dont la production singulière mériterait explication, incruste aussi les pierres au contact de beaucoup d’autres Spongiaires, et, notam- ment, de plusieurs Tetractinellida. L'état de la surface de ces Éponges est intéressant aussi à consi- dérer : absolument lisse chez Pachymatisma, elle est parcheminée chez les Penares et chez £rylus stellifer, granuleuse chez /sops intuta, rugueuse, happant au doigt chez Sanidastrella, Thenea, Pachastrella, villeuse chez Craniella, veloutée chez Desmanthus, hispide, au moins par places, chez les Stryphnus et Stelletta. Stelletta dorsigera mérite une mention spéciale à cause des élevures coniques de son écorce. Dans les points à l’abri du frottement, les Cydonium se couvrent d’une sorte de fourrure, plus ou moins serrée et plus ou moins lon- gue, faite d’oxes et de spicules très particuliers sur lesquels Len- denfeld a, le premier, attiré l'attention (43) : ce sont des oxes modi- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3° SÉRIE. — T. Il. 1894, 20 306 E. TOPSENT. fiés, qui, à peu de distance dé leur pointe libre, bourgeonnent un, deux ou trois clades dressés parallèlement à l'axe principal ef qui, par suite, prennent l'aspect de faux protriænes,. On les appelle mésomonænes, mésodiænes (pl. XI, fig. 8, f) et mésotriænes (pl. XI, fig. 8, d), suivant le nombre de clades qu'ils ont produit, Enfin, il n’est pas inutile de rappeler ici que quelques espèces, Pæcillastra compressa surtout, montrent deux faces dissemblables, l’une eriblée de pores, l’autre réservée aux oscules. Bien que composée d’un nombre encore assez restreint de types, la série des Tétractinellides de France est suffisamment variée dans son ensemble pour que les généralités sur cet ordre d'Éponges, ré- sumées dans le chapitre précédent, se recommandent de nouveau à l'attention du lecteur. Elle renferme, en effet, à l'exception de quel- ques spicules, comme les phyllotriænes et les discotriænes, propres aux Lithistides, toutes les formes d’organites énumérées et définies plus haut (p. 274). Elle nous à permis de citer, sans sortir de notre sujet, des exemples d'ectosome plus ou moins différencié, de choa- nosome sarcenchymateux et collenchymateux, des différents sys- tèmes de pores (uniporal et cribriporal) et de corbeilles (eurypyleux et aphodal), de eryplostomie el d’angiostomie, de bourgeonnement et de gemmulation. À l’aide de ces données, on devra parvenir à déterminer assez rapidement les vingt-cinq Tétractinellides de cette série, Voici, dans ses grandes lignes, la marche à suivre : 1° Toute Éponge est une Tétractinellide qui possède en propre : 2, des desmas (pl, XI, fig. 1, c, p, dj; 8, ou des triænes d'une forme quelconque, ortho- (pl. XI, fig. St. u: pl. XI, fe SEC plagio - (pl. XI, fig. 8,p), dicho- (pl. XL, fig. 5, €; pl. XIL, fig. 4, 5, 6, 8, 9 el 10, d), pro- (pl. XI, fig. 6,p el 8, p, v), ou anatriænes (pl. XI, fig. 3, a, m),aecompagnés ou non de calthropses (pl. XIV, fig. 4,c, et9, c), et d’une seule sorte (exemple Penares candidata, pl. XII, fig. 5) ou de plusieurs sortes à la fois (exemple Cydonium gigas, pl. XI, fig. 8). On ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 307 devra s'assurer toutefois si, en même temps que les triænes, il existe des mégasclères diactinaux, oxes (pl. XII, fig. 6, 0), ou strongyles (pl. XI, fig. 5, r, et pl. XII, fig. 3, r), car, en leur absence, on aurait affaire à une C'arnosa. Pour ces constatations, il suffit de se livrer aux manipulations suivantes : on coupe une tranche de l’Éponge perpendiculairement à la surface, de manière à intéresser à la fois l’ectosome et le choa- nosome. On la fait bouillir dans l’acide azotique afin de la dépouiller de sa chair et de la réduire au squelette ; par la même occasion, on se débarrasse des spicules calcaires souvent présents en qualité de corps étrangers et qui auraient pu être une cause d'erreur. On ar- rête l'opération un peu avant que le squelette commence à se dissocier ; puis, après lavage et déshydratation parfaite, on éclaircit à l’aide d’une essence et l’on monte au baume. De cette façon, la plupart des spicules demeurent en place et l’on apprécie aisément si les triænes ou les desmas font réellement partie de la charpente de l’animal et si des mégasclères diactinaux accompagnent les pre- miers. Du même coup, on découvre in situ les diverses sortes de microsclères dont l'Éponge peut être ornée, et, s’il s’agit d'une Ster- rastrosa, la couche compacte des sterrasters consolidant la zone profonde de l'écorce. On a presque toujours intérêt, pour étudier chaque forme de spi- cules en détail, à traiter un autre fragment de l'Éponge jusqu'à dis- sociation complète. 90 Si l'Éponge possède des desmas, c'est une Zithistida. Et nous n’en connaissons qu'une seule : Desmanthus incrustans. Si elle s’arme de triænes, avec oxes ou strongyles, c’est une Cho- ristida. 3° La Choristide examinée n’a pas d’autres microsclères que des sigmaspires (pl. XV, fig. 7,s); il s’agit d’une Sigmatophora. Et, de cette tribu, nous ne pouvons citer que Craniella cranium. La Choristide est pourvue de microsclères autres que des sigma- spires : elle appartient à la tribu des Astrophora. 308 E. TOPSENT. % Cette Astrophora a des sterrasters (voir p.277) : elle prend place dans le groupe des Sterrastrosa. Elle n’a pas de sterrasters, mais au IF) NAN PS ID À TOILE A7 77 Der 2777 ou EMI A ! f HN L# WU (PAAITL (4 W/ W// nn HU / WE, 11 / {) // s des Sterrastrosa. sma ; IV. Caminus; V. Cydonium ; VI. Geodia. Schémas de l’écorce et des orifices aquifère I. Erylus ; 11. Zsops ; III. Pachymati moins une sorte d’euaster (voir p. 275) : elle fait partie du groupe des Puastrosa. Elle n’a ni sterrasters ni une sorte quelconque d’euaster, ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 309 mais seulement une ou plusieurs formes de séreptasters (voir p. 2176) : elle rentre dans le groupe des Séreptastrosa. Dans la distinction exacte de ces trois groupes de la tribu des Astrophora réside peut-être la seule difficulté de ce travail de dé- termination: encore la surmonte-t-on sans peine si l’on s’est bien pénétré de la valeur des mots sferraster, euaster, streptaster. I faut se reporter sans cesse aux définitions qui en ont été données (p. 276 et 277), avec de nombreux renvois aux planches. je Ce passage franchi, les genres se reconnaissent aisément, soil qu'on relise leur diagnose dans l'exposé général de la classification des Tétractinellides, soit qu’on fasse usage du tableau dichotomique dressé ci-après. Les schémas de la structure de l'écorce et de la dis- position des orifices aquifères dans les genres £rylus, Isops, Pachy- matisma, Caminus, Cydonium et Geodia (p.308) procurent des rensei- gnements complémentaires sur le groupe des Sterraslrosa. Les genres de la tribu des Astrophora se réduisent pour nous à treize, et comme sept d’entre eux ne nous ont fourni qu’une seule espèce, on voit que la détermination spécifique de nos Éponges causera rarement quelque embarras. Seuls, les genres Cydonium et Stelletta comptent plus de deux représentants, mais Ceux-Ci se distinguent d'habitude par quelque caractère facile à saisir. TABLEAU ANALYTIQUE. Des desmas ou des friænes, ceux-ci accompagnés de mégasclères diacti- I AR AR NA un fete polaire oies SRE À Ordre Tetractinellida 2. Des desmas.. Sous-ordre Lithistida : Genre Desmanthus : D. incrustans. 1 N i : si triænes, avec oxes ou strongyles......... Sous-ordre Choristida 3. Rien que des sigmaspires pour microselères. .... Tribu SIGMATOPHORA : 3e \ Genre Craniella; C. crantum. | D’autres microsclères que des sigmaspires........ Tribu ASTROPHORA #4, MES Sterrasters. ............°. Sie se... Groupe Séerrastrosa 5. Pas de sterrasters, au moins une sorte d’euaster.. Groupe Euastrosa 1L. Ni sterrasters, ni euasters, une ou plusieurs formes de streptasters. (Groupe à | Streptastrosa 17. Pas d’asters du tout: seulement des microxes (pl. XIL, fe D, R)-niGenre Penares : P. candidata. 310 E. TOPSENT. : Ni anatriænes (pl. XIE, fig. 3, a, m), ni protritnes (pl. XI, fig. 6 p); micro- selère somal {voir ce mot p. 291): microte (pl. XI, fig. 1, m), microstron- gyle (pl. XL fig. 5, m) ou sphérule (pl. XI, fig. 3, b)..... ERYLINA 6. Souvent des anatriænes et protriænes; microsclère somal ; aster à actines | nombreuses (pl. XL, fig. 3, 6, fig. 6 et8,e)............. GEODINA 8. ë | Chones de typeuniporal (schémas; p. 308, fig.1). Genre Zrylus ; E.stellifer. * | Chones de type cribriporal (schémas, p. 308, fig. 3, 4)............ Eh re = { Microsclère somal : sphérule............. Genre Co C. Vues * | Microsclère somal : microstrongyle. Genre Pachymatisma ; P. johnstonia. Oscules et pores criblés (schémas, p. 308, fig. 5, et pl. AVI fig. 14, AbrebeL6) Ho ee Me RL NE HER MIRE HONTE Genre Cydonium 9. Oscules et pores béants (schémas, p. 308, fig. 2, et pl. XVI, fig. 8). Genre Isops; 1. intuta. un ellipsoïdales (pl. XL, fig. 6, s) atteignant 115 à 145 p de grand SEUL MALE ARE M ERP RER RE Cydonium conchilegum. ls Sterrasters sphériques (pl. XI, fig. 8, s) ....,...,....:.:......1.. 10. ii Asters du choanosome : oxyasters. Éponge océanique. Cydonium Mülleri. 10, ) Asters du choanosome : mélange de chiasters, d’oxyasters et des phérasters ( (pl. XI, fig. 8, e, m). Éponge méditerranéenne. ........... C. gigas. | Une seule sorte d’aster (pl. XIV, fig. 1,2, 3, e, f).. Genre Pilochrota 12. Deux sortes d’asters (pl. XIIT, fig. 4, 6, 8, 9,c,e).... Genre Sfelletta 13. Deux sortes de microselères : oxvaster et microxe(pl. XII, fig.k, a, m). Genre Penares ; P. Helleri. Deux sortes de microsclères : oxyaster et sanidaster (pl. XII, . 6; 859; 10, a; 6; pl. XIIL, fig, 43 55 e)s css .in où du a CIE TE 14. Des ortho- et des dichotriænes (pl. XIV, fig. 1 et 2); pas d’anatriænes. Pilochrota lactea. Pas de dichotriænes: des anatriænes (pl. XIV, fig. 3,a). Pülochrota medi- terranea. Écorcé marquée de hautes élevures ; orthotriænes à clades courts et gros, réfléchis (pl. XILL, fig. 6, £, y) ...... .......... Stelletta dorsigera. Orthotriænes à clades longs et grêles, fortement coudés, réfléchis (pl. XL, fins 8. ae eee CNE EE CCRRPECERERERS Stelletta Grubei. Plagiotriænes à clades dressés (pl. ALT, fig. 9, p)...... Stelletta hispida. Orthotriænes à clades courts et gros, réfléchis; aster du choanosome de grande taille avec rayons épais et nombreux....... Stelletta stellata. Éponge émettant de longs appendices osculifères terminés par des bour- | ceons (pl. XII, fig. 1 et 2)........ Genre Sanidastrella ; S. coronata. Éponges massives. .......................eee Genre Séryphnus 15. Éponge noire dans toute son épaisseur.......... Stryphnus mucronatus. Lu Éponge blanche ou brunâtre.................................. 16. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 311 Tous les triænes sont des dichotriænes (pl. XII, fig. 6 et 9)... Stryphnus ponderosus. 6 Aux dichotriænes se mêlent des plagiotriænes (pl. XII, fig. 8). S. ponde- ; rosus, var. rUdis. Forme symétrique; de grands dichotriænes:; ni microxés, ni microstron- 17. | ETES EE DO EC OP ATOME Genre T'henea;: T. muricata. Pas de grands dichotriænes ; des’calthropses..................... 18. Des microxes (pl. XIV, fig. 9 et 10,p).......... Genre Pœcillastræ 19. 18. je microstrongyles (pl. XIV, fig. #, m).. Genre Pachastrella; P. moni- hfera. Éponge massive; microsclères abondants...4..... Peœcillastra compressa. 19. Éponge encroüûtante, enfoncée dans les pierres ; microselères rares. Pœcil- lastra saxicola. DESCRIPTION DES ESPÈCES. Sous-ordre LITHISTIDA. Famille des DEesmanTtTHinæ Topsent. Hoplophora Triænosa à desmas tétracrépides de deux sortes, très ramifiés et très tuberculeux. Pas de microsclères. Mégasclères acces- soires monactinaux dressés dans l’ectosome. Genre Desmanthus' Topsent. Caractères de la famille des Desmanthidæ. Desmanthus incrustans Topsent. (PL XI, fig. 1.) Syn. : 1889. Acculiles incrustans, Tops. (28, p. 32 fig. 1). 1893. Desmanthus incrustans, Tops. (3'3). Éponge encroûtante, mince, en larges plaques finement hispides, moulées sur les pierres. Pores indistincts. Oscules membraneux. La charpente squelettique se compose de trois ou quatre couches de desmas tétracrépides, très ramifiés et très tuberculeux (€, p, d), solidement unis les uns aux autres par engrenage de leurs ramuscules. Les desmas de la couche supér- ficielle (d) se distinguent des autres par leurs branches plus grêles et ordi- nairement plus chargées de ñodosités. Sur cette couche s’implantent vertica- lement des styles lisses (s), fortement courbés à peu de distance de leur base 1 Aëçu&, un desma ; ayBes, fleur. 312 E. TOPSENT. et présentant assez souvent une indication de renflement annulaire (#). Ces styles, très nombreux, sont inégaux : leur longueur varie de 330 y à 1 milli- mètre, et leur largeur de 13 à 25 Ils traversent l’ectosome et déterminent une hispidation serrée de la surface, semblable à du velours. [2 Couleur. — Rouge sang à l’état de vie, et fréquemment aussi, selon toute apparence (spécimens desséchés), jaune ou orangée. Habitat. — Banvuls (cap PAbeille ; profondeur, 30 à 40 mètres); banc de Campêche (golfe du Mexique). Le nom de Aciculites incrustans, sous lequel j'ai d’abord désigné cette Lithistide, ne lui convient pas génériquement. Aciculites Hig- ginsi Schm., l’unique espèce du genre Aciculites Schm., possède, en effet, des desmas monocrépides et non pas tétracrépides; de plus, elle dispose tangentiellement, sous son épithélium externe, des tylo- strongyles ou tylostyles, à tête épineuse, qui représentent les spi- cules ectosomiques. Il n’y a de commun chez les deux Éponges que l'absence de microscières. Exclue du genre Aciculites, notre espèce ne se rapporte à aucun des genres de Lithistides à présent établis; on doit même la consi- dérer comme le type d’une famille nouvelle. Pourvu de spicules propres à l’ectosome, le genre Desmanthus rentre dans la tribu des Æoplophora Soll., et, à cause de ses desmas tétracrépides, dans le groupe des 7riænosa. Or, d'après le système de Sollas, une seule famille des Lithistida, celle des Tetracladidæ, faisant précisément partie de ce groupe, produit des desmas tétra- crépides. Le genre Desmanthus s'en rapproche donc plus que de toute autre, mais sans se confondre cependant avec aucun des huit genres qui la composent et qui tous s ornent de microsclères. Ses spicules monactinaux dressés dans l'ectosome ne rappellent, dans la série des Aoplophora, que ce qui existe chez les Cladopeltidæ (genre Siphonidium). En somme, la famille des Desmanthidæ, définie comme on l’a vu à la page précédente, correspond assez bien, dans le groupe des 7riænosa, à la famille des Cladopeltidæ du groupe des Rhabdosa. Dans la charpente de Desmanthus incrustans, les desmas de la ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 313 couche externe, plane, régulière et parallèle à la surface, se dis- tinguent toujours aisément de ceux des couches profondes. Mais, quoique les styles verticaux viennent insérer leur base jusque parmi eux, il serait injuste de les considérer comme une seconde forme de mégaselères ectosomiques : ils marquent vraisemblablement la limite du choanosome, auquel ils appartiennent encore. Les desmas de Desmanthus sont, de toute évidence, des triænes modifiés ; ils ont conservé, d’une façon remarquable, la différencia- tion de leurs quatre rayons en un rhabdome et un cladome ; seule- ment, le tout s'est couvert de tubercules et les clades se sont abon- damment ramifiés. Les desmas profonds ont des clades épais, et leur rhabdome, libre, s'appuie directement sur le support. Ceux de l’assise externe ont des clades toujours plus grêles, le plus souvent couverts de tubercules plus serrés, mais quelquefois, au contraire, beaucoup plus lisses ; la pointe de leur rhabdome, ordinairement simple, produit parfois quelques maigres ramuscules qui se mettent en rapport avec les nodosités des clades des desmas sous-Jacents et contribuent, dans une faible mesure, à renforcer la cohérence de la charpente, assurée surtout par la liaison des clades. Les dimensions des desmas varient suivant les individus, mais dans des limites assez restreintes. En moyenne, ceux des assises profondes mesurent 90 u de longueur de rhabdome, 35 y. de lon- sueur des protoclades et 7-8 k de diamètre des tubercules. Cepen- dant, j'ai rencontré, sur une pierre madréporique du banc de Cam- pêche, un individu dont les desmas ont acquis des proportions inaccoutumées ; j'ai figuré en 7 (pl. XI, fig. 4) le rhabdome d'un de ces desmas. Comme les desmas se disposent en couches fort peu nombreuses, l'Éponge demeure toujours encroûtante, et, sans compter les styles, qui saillent au dehors de près de 1 millimètre, son épaisseur, d'or- dinaire, ne dépasse guère 07,4 à 077,5. Les premiers spécimens de Desmanthus incrustans m'ont été rap- portés, à l’état sec, du banc de Campèche (golfe du Mexique), par 314 E. TOPSENT. le regretté capitaine Mathurin Touret; l'espèce y est certainement commune. J'ai eu la chance d’en trouver un spécimen vivant sur une pierre draguée au cap l'Abeille, auprès de Banyuls. Sa colora- tion rouge me le faisait prendre au premier abord pour quelque Microciona atrasanguinea, et il se peut que beaucoup d’autres aient ainsi passé par mes mains sans éveiller mon attention. Sa couleur est due, au moins en grande partie, à une substance emmagasinée dans ses cellules sphéruleuses ; celles-ci, assez petites, ont des sphérules bien marquées; elles abondent dans l'ectosome et pénètrent dans le choanosome. Je ne saurais affirmer si les éléments du mésoderme et les choanocytes ne possèdent pas, de leur côté, un pigment propre, rouge aussi, leur communiquant à peu près la même coloration. Les spécimens desséchés, provenant du banc de Campèche, prou- vent que cette coloration n'a pas la valeur d'un caractère spéci- fique, car ils varient du jaune pâle au brun rougeûtre. Sous l’épithélium externe, transparent, aspiculeux de l'Éponge vivante, on voit ramperet s'entre-Croiser des Canaux efférents, larges de 1 millimètre environ, qui, de place en place, aboutissent à des oscules membraneux de petitcalibre. Je n'ai paspu découvrirles pores. On n'a signalé jusqu'à présent que de rares Lithistides encroû- jantes. Carter en a, aussi bien que possible, décrit! une qui nous intéresse tout particulièrement parce qu'elle a été recueillie à l’ouest de l'entrée de la Manche, sur Aphrocallistes Bocager. Maïs, en admet- tant qu’elle soit suffisamment connue, cette Arabescula parasitica ne posséderait que des desmas. En tout cas, Sollas ayant déclaré, de visu, que ces mégasclères sont monocrépides et les ayant comparés aux desmas ectosomiques des Siphonidèum, Desmanthus incrustans ne lui ressemble certainement pas. Sulcastrella clausa, de Schmidt?, placée par Sollas dans la famille 1 nn. and Mag. of nat. hist. (4), vol. XIL, pl. XVII, 1873. 2 Spongien des Meerbusens von Mexico, p. 27, pl. I, fig. 5; pl. IL, fig. 6; pl. LI, fig. 7. [éna, 1879. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 315 des Tetracladidæ, a été décrite d’une façon incomplète; du peu qu'on en sait, on peut déjà dire qu’elle diffère de Desmanthus incrus- tans par ses caractères extérieurs el par ses spicules ectosomiques, diactinaux (strongyles grèles). Sous-ordre CHORISTIDA. Tribu Astrophora. GROUPE STERRASTROSA. Genre Ærylus Gray. Sterraster rarement sphérique. Le microsclère somal est un mi- croxe, ordinairement centrotylote. Chones poraux de type uniporal. Oscules béants. Erylus stellifer Topsent. (PI. XII, fig. 4; pl. XVI, fig. 17-19.) Origine : £rylus stellifer, Topsent (35, p. XVIIL). Éponge massive, sans forme définie. Surface glabre. Pores visibles à l'œil nu. Oscules peu nombreux, ordinairement surélevés. Écorce mince et flexible. Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Oxes (pl. AU, fig. 1, 0) fusiformes, légère- ment courbés, longs en moyenne de 1 millimètre et larges de 20 à 25 y vers leur milieu. 2. Zriænes, mélange en proportions variables de dicho- et d’ortho- triænes, avec intermédiaires. Dichotriænes (pl. XIE, fig. 1, d) à protoclades longs (220 à 270 p sur 28 à 30 u d'épaisseur) et à deutéroclades courts (50 à 100 rarement davantage). Orthotriænes (pl. XIE, fig. 1, {) à clades longs de 250 pe environ et larges de 27 p à la base; souvent, un ou deux de ces clades ont leur extrémité bifide (pl. XII, fig. 4, p). Il. Microsclères : 3. Sterrasters (pl. XII, fig. 1, s), disciformes, ovales, ornées de tubercules simples, fins et espacés ; elles mesurent 1935 y de long et 95 y. de arge ; leur épaisseur, nulle sur les bords, n'excède pas 5 p au centre. 4. Oxyas- ters (pl. XIL, fig. 4, a) à actines peu nombreuses (trois à cinq), coniques, pointues, lisses, longues de 23 & en moyenne. 5. Oxyasters (pl. XIL, fig. 1, 6) à actines nombreuses, pointues, lisses, longues seulement de 5 p. 6. Microxes (pl. XI, fig. 1, m) centrotylotes, lisses, ordinairement courbés, longs de 55 à 65 p. Couleur. — La chair est toujours blanche, mais l'écorce est le plus souvent brunâtre avec la place des pores marquée en blanc. | Habitat. — Banyuls (cap l’Abeille, par 25 à 30 mètres de profondeur). 316 E. TOPSENT. Erylus stellifer, commun sur les pierres du cap l’Abeille, ne paraît jamais atteindre de grandes dimensions. Je relève, comme exem- ples, sur un individu, les mesures suivantes : 33 millimètres de lon- œueur, 15 millimètres de hauteur, 8 millimètres d'épaisseur ; eb sur un autre, cylindrique : # centimètres de longueur sur 15 millimè- tres d'épaisseur. Gest une Éponge massive, de forme irrégulière, le plus souvent allongée, comprimée ou subcylindrique, et, d'habi- tude, couchée sur le support, auquel elle ne s'attache cependant que par une base assez étroite, fréquemment interrompue. La faiblesse relative de ses mégasclères et la variété de ses micro- sclères caractérisent surtout sa spiculation. Les mégaselères n'affectent qu'assez confusément une disposition radiale ; les triænes se placent côte à côte au-dessous de l'écorce, leur cladome marquant tangentiellement la limite du choanosome ; les oxes se rencontrent plutôt épars dans la profondeur. Les microxes se localisent dans l'ectochrote et dans la paroi des canaux du système aquifère. Les deux sortes d'oxyasters se mélan- gent, sans passer de l’une à l’autre, dans tout le choanosome. Enfin, les sterrasters constituent dans l'épaisseur de l’ectosome une couche continue perforée par les chones poraux. Des spicules monstrueux s'observent parfois çà et là. Il peut arriver aussi, chez cet £rylus, comme, en général, chez toutes les Éponges, que tous Îles spicules d’une même sorte subissent une anomalie de développement. Ainsi, chez un individu, assez étendu mais remarquablement mince, Je n’ai trouvé que des triænes mal- formés : leur rhabdome atrophié se réduisait à un simple bouton, et les clades des dichotriænes, tronqués à leurs extrémités, se bifur- quaient dans un plan parallèle à l'axe du rhabdome. Presque toujours, parmi les sterrasters, on voit des organites sem- blables à celui que j'ai fguré en « (pl. XI, fig. 1). Ce sont des ster- rasters grêles, presque aussi grandes que les mieux conformées, mais minces à l'excès et ne portant d’ornements que Sur leur bord, plus ou moins découpé. Leur transparence parfaite permet d'aper- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 317 cevoir, partant du centre, des stries rayonnantes qui démontrent qu’elles se composent d'actines grêles toutes à peu près de même longueur, disposées dans un seul plan et soudées latéralement entre elles. Malgré son peu de consistance, l'ectosome de Zrylus stelhfer est par sa structure identique à celui des autres Séerrastrosa. On y dis- tingue, de dehors en dedans : d’abord l'ectochrote, puis la couche sterrastrale, enfin une couche contractile formant le plafond des cavités superficielles qui séparent l’ectosome du choanosome. L’ectochrote se divise en une zone externe chargée de microxes : centrotylotes et une zone interne que l'abondance de cellules sphé- ruleuses incolores (pl. XVI, fig. 19) rend, pour employer un terme usité par Sollas, collenchymateuse. Souvent, quelques-unes des cellules contractiles qui constituent la partie fondamentale de l’ec- tochrote s’emplissent de grains d’un pigment brunâtre. Mais la cou- leur de l’Éponge paraît due surtout, dans la plupart des cas, à un dépôt de granules jaunätres sur les sterrasters. La couche sterrastrale est faite de sterrasiers posées à plat el empilées irrégulièrement; elle paraît rarement excéder 100 1 d’é- paisseur. Quant à la couche contractile interne, c’est seulement au pour- tour des chones poraux qu’elle acquiert quelque importance, car elle a pour rôle de les fermer à l’occasion par un diaphragme (pl. XVI, fig. 17, d). Le choanosome est blanc; on l’aperçoïit à travers l’ectosome par la lumière des pores, percés lout droit et larges de 130 à 200 p. Il est sarcenchymateux (pl. XVI, fig. 18, m); néanmoins, on y trouve aussi, surtout au voisinage des Canaux, beaucoup de cellules sphé- ruleuses semblables à celles de l’ectochrote. Sur les coupes, ces cellules, d’un diamètre de 13-15 p., se présentent sous trois aspects différents. Les plus abondantes (pl. XVI, fig. 18, v) montrent un noyau petit, irrégulier, d'où rayonnent des stries ne figurant sans doute autre chose que la trame des sphérules ; la haute réfringence 318 E. TOPSENT. dont brillaient ces sphérules pendant la vie (pl. XVI, fig. 19) a com- plètement disparu, el les éléments sont devenus presque mécon- naissables. D’autres ont un contenu formant une masse sphéruleuse à sphérules plus petites. Les autres, enfin, ne renferment que trois ou quatre globules se colorant fortement par les réactifs. Suivant l’opinion émise par Sollas, qui les a vues chez d’autres Spongiaires, ces deux dernières sortes d'éléments servent probablement de réser- voirs nutritifs. Les corbeilles vibratiles (pl. XVL fig. 18, f), petites, appartiennent au type aphodal. Des canaux efférents, larges parfois de 2 millimètres à leur termi- naison, et qui s'élèvent de la profondeur de l'Éponge, aboutissent aux oscules ; ceux-ci, toujours peu nombreux ei relativement étroits, ouvrent ordinairement au sommet de lobes courts, cylindro-co- niques. Erylus stellifer ne peut être confondu avec aucune espèce du même genre. En particulier, il diffère de Erylus discophorus Schm., qui vit peut-être sur nos côtes, par la variabilité de ses triænes, par la forme de ses sterrasters, et par la présence simultanée de deux sortes d’asters. C'est même à ce dernier caractère qu'il doit son nom spécifique. On connaissait déjà trois £rylus possédant aussi deux sortes d’as- ters à la fois. Mais, chez £rylus formosus Soll. (26), les sterrasters sont allongées ; il n’existe pas de dichotriænes, et, des deux sortes d'asters, la petite est une chiaster. Chez Erylus Lendenfeldi Sall. (Stelletta euastrum Carter, pars”), les sterrasters ont une ornemen- tation différente; il n’existe que des orthotriænes, et, des deux sortes d'asters, l’une est une chiaster, l’autre une oxyaster, Enfin, £'rylus nummulifer Tops. (34, p. 47) se distingue par ses caractères exté- t Erylus discophorus ne possède que des dichotriænes, très purs, sans protoclades de longueur exagérée, et seulement une sorte d’aster, de même type que la grande oxyaster de Æ. stellifer. 2 Ann. and Mag. of nat. hist. (5), vol. VI, p. 156. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 319 rieurs, par la forme de ses sterrasters et par les dimensions de tous ses microsclères. De Stelletta euastrum Schm. (1870), on ne possède qu'une des- cription incomplète. Schmidt a indiqué la présence d'une seule sorte d’asters, de 02,04 de diamètre et à actines variables de nombre et de forme: il n’a fourni au sujet des iriænes que de vagues renseignements. Marenzeller (45) incline à considérer cet Erylus des côtes d'Algérie comme un synonyme de Erylus disco- phorus. Genre Caminus Schmidt. Sterraster plus ou moins sphérique. Le microsclère somal est une sphéraster à actines très réduites (sphérule). Chones poraux de type cribriporal. Oscules béants. Caminus Vulcani Schmidt. (PI. XIE, fig, 2 et 3; pl. XVI, fig. 7.) Origine : Caminus Vulcani, Schmidt (49, p. 48; pl. III, fig. 27 et pl. VI, fig. 6). Eponge sphérique. Surface glabre. Aires porifères formées de sillons disposés en étoiles et au fond desquels s'ouvrent les stomions. Oscule unique, béant, situé au sommet du corps. Écorce épaisse et dure. Ectochrote très mince. Spicules. — I. Mégasclères : 1. Sérongyles (pl. XIE, fig. 3, r) droits ou légère- ment courbés, cylindriques ou un peu fusiformes, à bouts subitement tronqués ou doucement atténués : longueur maximum, 850 p, largeur, 15 à 17 p. 2. Ortho- triænes (pl. XII, fig. 3, é) peu nombreux, rhabdome droit, long de 480 à 570 4 et épais à sa base de 15 à 17 p, rarement pointu, plus souvent tronqué ou un peu renflé à son extrémité ; cladome à clades simples, droits, très longs (350 à 380 p), il. Microselères : 3. Sterrasters (pl. XIL, fig. 3, s) formées d’actines à épines faibles, souvent nulles; elles sont ellipsoïdes et mesurent 105 à 115 g de lon- sueur et 85 à 88 L de largeur. 4. Oxryasters (pl. XIL, fig. 3, à) à actines peu nombreuses (deux à cinq), lisses et pointues, longues en moyenne de 40 y; quand il s’en développe deux seulement, laster ressemble à un microxe centro- tylote. 5. Sphérules (pl. XIL, fig. 3, b) atteignant à peine 4 » de diamètre et ornées de petites tubérosités qui les désignent comme des sphérasters à rayons atrophiés. Couleur. — La chair est toujours blanche. L’écorce ne se colore que dans les régions exposées à la lumière, surtout au voisinage de loscule, et prend alors 320 E. TOPSENT. une teinte gris bleuâtre ou violacée, parfois très foncée ; sur ce fond, les aires porifères étoilées restent blanchätres et se détachent fort bien (pl. XIF, fig. 2). Habitat. — Sebenico, Adriatique (Schmidt, 49), par 7 brasses de profon- deur ; Naples (Vosmaer, 39) ; Banyuls, cap l’Abeille, par 30 à 40 mètres de profondeur. Par ses caractères extérieurs autant que par sa spiculation, Cami- nus Vulcanr est une Tétractinellide des plus faciles à reconnaître. 0. Schmidt l’a décrit d’après le seul individu qu’il ait pu se pro- curer; il en avait aperçu un second à Sebenico, mais n'avait pas réussi à l’atteindre. Vosmaer n’a fait que signaler sa présence dans le golfe de Naples. L'espèce est très commune à Banyuls, sur les conglomérats à Mélobésiées du cap l'Abeille. Je n’en ai cependant jamais vu d'échantillon aussi gros, à beaucoup près, que Île spécimen type figuré par Schmidt. Les plus beaux que j'aie recueillis ne mesu- raient pas plus de 23 millimètres de diamètre. | L’abondance relative des petits individus pendant l'hiver me porte à supposer que l’'Éponge se reproduit peut-être vers la fin de été: Les mégasclères se disposent comme ceux de £rylus stellifer. Mais les triænes sont bien plus rares, et, assez souvent, un ou deux de leurs clades s’atrophient. Les sphérules s’accumulent dans la zone externe de l’ectochrote. Les sterrasters forment une couche sterrastrale très dense, tres dure, par conséquent, et souvent épaisse de plus de 2 millimètres. Quant aux oxyasters, elles se rencontrent, éparses, dans le chao- nosome seulement : elles se trouvent là mélangées de sphérules (le microsclère somal), et aussi de sterrasters nombreuses, pour la plu- part à l’état grêle et telles que w de la figure 5, planche XI. La couche sterrastrale constituant à elle seule presque toute l'épaisseur de l’ectosome, l’ectochrote reste très mince ; il se diffé- rencie quand même en deux zones, dont l'externe se charge, comme on sait, de sphérules siliceuses ; la zone interne est collenchyma- teuse, mais les cellules sphéruleuses ne s’y développent qu'en faible ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 321 proportion. Dans les régions du corps les mieux éclairées, les cel- lules contractiles, éléments fondamentaux de l’ectochrote, s’em- plissent de grains d’un pigment noirâtre, violacé, qui seul détermine la coloration de l'Éponge. L’ectosome est probablement limité dans la profondeur par une couche contractile ; toutefois, je ne suis pas parvenu à la mettre en évidence. Le chaonosome, blanc, est sarcenchymateux et ne contient qu'une quantité minime de cellules sphéruleuses, localisées sous la paroi des canaux larges du système aquifère. Les corbeilles vibratiles, petites, s'organisent suivant le type aphodal. La description que Schmidt a tracée des aires porifères ne me paraît pas exacte. J'ai toujours vu ces aires figurer des étoiles (pl. XVI, fig. 7), dont les branches sont autant de sillons au fond desquels s'ouvrent les stomions. Les canaux qui partent de ces stomions, et dont l’ensemble constitue un ectochone, s’enfoncent dans l’ectosome ets’anastomosent entre eux pour composer, en défini- tive, un canal simple, assez étroit, l’endochone, traversant la couche sterrastrale et débouchant dans le système de cavités superficielles en face d’un pore (voir les schémas de la page 308, fig. 4). À chaque étoile correspond ainsi un chone cribriporal. Genre Pachymatisma Bowerbank. Sterraster subsphérique ou ellipsoïde. Le microsclère somal est un microstrongyle. Chones poraux de type cribriporal. Oscules béanis. Pachymatisma johnstonia Bowerbank. (PI. XL, fig. 4 et 5; pl. XVL, fig. 1-5.) Syn. : 1866. Pachymatisma johnstonia, Bowerbank (2). 1872. Caminus osculosus, n. sp., Grübe (S). 1884. Caminus, sp. (?), Kœæhler (40). 1886. Caminus osculosus Grübe, Kœæhler (44). 1888. Pachymatisma johnstonia Bow. et Pachymatisma Norman, n. sp., Sollas (26). Eponge massive, hémisphérique ou irrégulière, simple ou lobée, à base large. ARCH. DE ZOOL. EXP. KT GÉN. — 3° SÉRIE. — Te. II. 1894, 21 322 E. TOPSENT. Surface lisse et luisante. Stomions des chones cribriporaux percés au niveau même de la surface, pour la plupart imperceptibles, mais, par places, fondus ensemble et formant de petits orifices non surélevés, parfaitement visibles à l'œil nu. Oscules nombreux et larges, entourés d’un rebord légèrement saillant et situés sur les parties les plus élevées du corps, épars ou en lignes sur les crêtes des lobes. Écorce épaisse de 4 millimètre environ; couche sterrastrale mince; ectochrote très développé. Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Sérongyles (pl. XL, fig. 5, r) ordinairement cylindriques, droits ou courbés, atteignant 1 millimètre de longueur et 20 4. d'épaisseur, souvent beaucoup plus courts et irrégulièrement courbés. 2. Ortho- triænes (pl. XI, fig. 5, é) assez peu nombreux ; rhabdome droit, long de 550 y et large de 13 w, le plus souvent pointu à son extrémité, quelquefois tronqué; cla- dome à clades simples, droits ou un peu courbés en dehors, longs de 300 p environ. IL. Microsclères : 3. Sterrasters (pl. X1, fig. 5, s, u) formées d’actines à épines faibles : elles sont ellipsoïdes et mesurent, suivant les individus, 93 à 110 y de longueur sur 72 à 93 L de largeur. #. Oxyasters (pl. XI, fig. 5, 0) à actines peu nombreuses, pointues, finement épineuses, longues de 17 à 30 ke. 5. Microstron- gyles (pl. XI, fig. 5, m) finement épineux aussi, généralement centrotylotes, longs de 22 à 27 pu. Couleur. — La chair est jaune pâle. L’écorce ne se colore que dans les régions exposées à la lumière et prend progressivement une teinte gris bleuàtre ou violacé, parfois très foncée, mais le rebord des oscules reste blanc. Au dire de Bower- bank, les spécimens recueillis en eau profonde sont roses ou rouges. Habitat, — Signalée en Norvège et sur de nombreux points des côtes d’An- eleterre, Pachymatisma johnstonia à été rencontrée aux îles normandes (dans lx grotte du Gouliot, à Sark) par Bowerbank et par Kæhler, à Saint-Malo par Grübe, à Roscoff par Sollas. Je l'ai retrouvée en abondance à Roscoif (surtout dans les grottes des roches Rec’ hier Doùn et Duon), et M. Maisonneuve m'en à communiqué des individus recueillis par Lui à Belle-Isle et à Saint-Jean-du-Doigt. Dans toutes ces localités, l'Éponge se tient au niveau des basses mers des grandes marées, et, par conséquent, ne reste à sec que rarement et pour un temps très court. Les jeunes Pachymatisma sont à peu près hémisphériques, avec oscules groupés sans ordre sur leur face supérieure. Par la crois- sance, elles deviennent onduleuses et découpent leurs bords en lobes obtus, allongés, sur le sommet desquels les nouveaux oscules se disposent en séries plus ou moins régulières. Les beaux individus atteignent el même dépassent 15 centimètres de largeur el 8 cen- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 323 timètres d'épaisseur. Les oscules, toujours nombreux, s’entourent d’un rebord blanc légèrement saillant, différencié de très bonne heure, comme on peut le voir sur la figure 4 (pl. XI). Indépendam- ment de leur accroissement propre, ils s’élargissent le plus souvent par fusion progressive de plusieurs orifices voisins (fig. 4), et attei- enent de la sorte 2 et 3 millimètres de diamètre. Mégaselères et microsclères occupent des positions correspon- dantes à celles des organites identiques ou analogues des Erylus et Caminus. Les microstrongyles (microselère somal) se localisent dans l'ectochrote, surtout dans sa région externe, et dans la paroi des canaux larges du choanosome. Pour une Éponge aussi volumineuse, l'écorce est mince, surtout en comparaison de celle de Caminus Vulcani; elle n’excède guère 0,8 à 4 millimètre d'épaisseur; elle se déchire même assez faci- lement, car l’ectochrote y prenant un grand développement, la couche sterrastrale ne peut acquérir beaucoup de solidité. Le type spécimen figuré dans la monographie de Bowerbank (2, vol. 3, pl. VI, fig. 1) avait évidemment subi des déchirures. L'écorce ou ectosome se divise, de dehors en dedans (pl. XVI, fig. 2) en trois couches : l’ectochrote, la couche sterrastrale, que Bowerbank croyait formée d'ovaires à enveloppe siliceuse (les ster- rasters), et la couche contractile. Dans sa zone externe, l’ectochrote se charge de microstrongyles épineux (m), et ses cellules contractiles (y) emmagasinent, sous forme de grains, le pigment auquel l'Éponge doit uniquement sa coloration : ilest, en un mot, constitué tout à fait comme celui de C'aminus Vulcani, mais il se fait remarquer par l'épaisseur de sa zone profonde, collenchymateuse par accumulation des cellules sphéru- leuses brillantes à noyau petit (pl. XVI, fig, 1, v) que Sollas appelle (25) the vacuolated or vesicular tissue. Dans l’ectochrote s'ouvrent les stomions (pl. XVI, fig. 3, p), ori- gine de canaux étroits qui, de proche en proche, s'unissent en un seul pour percer de part en part la couche sterrastrale et aboutir 324 E. TOPSENT. dans les cavités superficielles juste en face d'un pore. C’est encore un exemple de chones de type cribriporal (voir schémas, p. 308, ep 0) Si, avec un scalpel, on débarrasse la couche sterrastrale de l’ecto- chrote qui la recouvre, on mei à nu une plaque assez flexible (pl. XVI, fig. 4), criblée à intervalles presque égaux de trous isodia- métriques représentant autant de chones poraux dans leur trajet inférieur, ou, si l’on préfère, autant d’endochones. Souvent, ces perforations se tendent d'un diaphragme contractile formé aux dé- pens de la couche contractile interne (pl. XVI, fig. 5, *). Le choanosome est sarcenchymateux ; il contient cependant une forte proportion de cellules sphéruleuses identiques à celles de l’ec- tochrote, à sphérüles brillantes pendant la vie, effacées sur les coupes. Avec les oxyasters, qui s'y localisent, on y rencontre, pour la plupart à l’état grêle (pl. XI, fig. 5, u), un certain nombre de sterrasters éparses, mais en proportion moindre, à ce qu'il m'a sem- blé, que chez Caminus Vulcanr. Les corbeilles, petites, s'organisent d’après le type aphodal. La chair, assez compacte, est parcourue par un système de canaux très développé. Les canaux efférents, d’un diamètre ordinairement un peu supérieur à celui des oscules par lesquels ils débouchent, sont munis, à leur terminaison, d’un diaphragme contractile dérivé de la couche interne de l’ectosome et assez efficace pour dispenser les oscules de tout mouvement propre de contraction. Leurs parois, épaisses, se composent d'éléments épithéliaux contractiles et de cellules sphéruleuses, dont l'accumulation leur communique une teinte laiteuse tranchant sur la couleur jaunâtre du choanosome et comparable à celle du rebord osculaire. On y trouve aussi, mélangés, des microstrongyles et des oxyasters. J'ai quelquefois observé, sur de gros individus recueillis à Roscoff, une structure assez intéressante de ces larges canaux efférents (30, p. 411). Leur paroi se détache en partie des tissus sous-jacents et forme un tube mou qui flotte en quelque sorte dans la cavité longi- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 325 tudinale et se fixe seulement de place en place par l'intermédiaire de fins canalicules ayant desservi une région voisine et se déversant à leurtour dans le torrent d'évacuation. On peut, par la dissection, isoler dans certains cas ces tubes sur une grande longueur avec leurs principales ramifications. Je suppose que ce décollement par- tiel a pour effet d'augmenter la force et la vitesse du courant d’ex- halation. A.-M. Norman a relevé l'erreur de Grübe qui, se croyant en pré- sence d’une Éponge nouvelle, décrivit, sous le nom de Caminus osculosus Gr, les Pachymatisma qu'il avait trouvées à Saint-Malo. Kœhler s’est aussi trompé dans la détermination de cette Éponge. . Il lui semblait difficile d'admettre que Bowerbank, qui avait visité avant lui la grotte du Gouliot, à Sark, ne l'y eût pas rencontrée, et cependant il se déclara incapable de la reconnaitre dans aucune des espèces de la monographie des Éponges d'Angleterre. Cela tient, sans doute, à ce que, n'ayant vu que des échantillons jeunes, hémisphériques, à oscules dispersés sans ordre sur leur face supé- rieure,. il attachait trop d'importance à ce caractère extérieur. Bowerbank n’a point insisté sur la variabilité de ce caractère, mais malgré cela. et malgré quelques autres imperfections, sa description n’est nullement insuffisante. On y voit, notamment, mentionnés comme très abondants dans la région la plus superficielle de la couche corticale (dermal membrane), et figurés (2, vol. 3, pl. VITE, fig. 7), ces bâtonnets à bords onduleux ou garnis de petites tubéro- sités à peine marquées (microstrongyles épineux) qui, d’abord, paraissaient à Kæhler devoir justifier la création d’une espèce dis- tincte de Caminus osculosus. On doit à Sollas une étude détaillée de Pachymatisma Johnstonia (25, p. 141), à laquelle la diagnose qu'il a donnée de cette Éponge dans sa monographie des Tétractinellides (26, p. 242) a ajouté des renseignements complémentaires fort importants, tels que l’énumé- ration des diverses mesures relevées sur chacune des sortes de spi- cules existantes. Ces mesures, ainsi que celles notées depuis par 326 E. TOPSENT. Hanitsch (#) ou par moi-même (voir plus haut), dénotent une varia- bilité incontestable de la taille de tous ces organites. {l me semble, d’après cela, que Pachymatisma Normani Sollas (26, p. 243) peut se confondre avec P. johnstonia Bowerbank. Sollas à créé cette espèce pour quelques Pachymatisma des côtes de Norvège, d'Écosse, des Shetland et des Orcades, dont la couche sterrastrale acquiert une épaisseur un peu plus considérable que de coutume. Mais comme, d’après sa description, tous les spicules présents y atteignent en même temps un plus fort développement, il serait sans doute plus rationnel de les considérer simplement comme des spécimens de Pachymatisma johnstonia à spiculation robuste. Genre Cydonium Fleming. Chones poraux de type cribriporal. Oscules ordinairement aussi de type cribriporal et ressemblant aux pores sauf par leurs dimen- sions plus considérables. Oscules généralement confinés dans des aires spéciales. Cydonium conchilequm (Schmidt) Sollas. (PI. XI, fig. 6; pl. XVI, fig. 13.) Syn. 1862. Geodra conchilega, Schmidt (49, p. 51 ; pl. IV, fig. 11). 1888, Cydonium conchilequm Schm., Sollas (26, p. 262). 1891. Geodia conchilega Schm., Lendenfeld (438). Éponge massive, irrégulièrement arrondie. Surface hispide par places, sou- vent incrustée de corps étrangers, pierres ou coquilles. Écorce épaisse et solide, constituée en majeure partie par la couche sterrastrale. Ectochrote très mince. Chones poraux de type cribriporal; endochones larges. Oscules plus larges que les pores, mais recouverts comme eux d’un crible ectochrotique, et groupés dans une aire spéciale. Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Oxes (pl. XI, fig. 6, 0), longs de 2 millimètres à 2mm,5 et larges, au milieu, de 22 à 30 p. 2. Triænes : chez certains individus, rien que des oréhotriænes (pl. XI, fig. 6, &); chez d’autres, seulement des dicho- triænes (pl. XI, fig. 6, d); chez d’autres, enfin, mélange, en proportions varia- bles, d'orthotriænes et de dichotriænes. Dichotriænes : rhabdome, 2,3 de lon- gueur sur 35 à 40 p. d'épaisseur ; protoclades longs de 52 u, deutéroclades longs de 133 p. Orthotriænes : rhabdome égal à celui des dichotriænes; clades longs ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 327 de 443 uw. 3. Anatriænes (pl. XI, fig. 6, a) : rhabdome long de 3 à # millimètres, épais de 8 à 134; corde du cladome, 99 p; longueur des clades (d’après Sollas), 64 w. 4. Protriænes (pl. XL, fig. 6, p) : rhabdome long de 2 millimètres et plus, épais de 9 &; longueur des clades, 55 p.. I. Microsclères : 3. Sterrasters (pl. XI, fig. 6, s) ellipsoïdes, de grande taille; elles mesurent, chez un individu qui ne possède que des dichotriænes, 143 p de longueur, 113 w de largeur et 83 d'épaisseur, et, chez un autre spécimen muni seulement d’orthotriænes, 113 p de longueur, 90 p de largeur, et à peu près autant d'épaisseur. Leurs actines, de 3 y de diamètre environ, se disposent régulièrement et portent, autour de leur extrémité, tronquée, une couronne de cinq ou six épines robustes. 6. Chiaster somale (pl. XI, fig. 6, e), petite, à actines courtes, cylindriques, tronquées ; diamètre : 4 à 7. 7. Sphéraster subcorticale (pl. XL, fig. 6, mn) à centrum dérivant de la concrescence basilaire des actines, nombreuses, cylindriques, finement épineuses, particulièrement vers leur extré- mité; diamètre : 28 L. Ces sphérasters représentent le dernier degré de compli- cation et la plus grosse forme des asters du choanosome. 8. Asfers choanoso- males (pl. XI, fig. 6, c) à actines épineuses au moins vers leur extrémité ordinai- rement renflée: elles peuvent être grêles ou épaisses, cylindriques ou coniques, rares ou nombreuses et concrescentes par leur base, et figurent côte à côte, pas- sant de l’une à l’autre, des chiasters, des oxyasters el des sphérasters. Couleur. — Blanche en dedans et en dehors. Habitat. — Zlarin (Adriatique); Banyuls. Cydonium conchilequm est très commun à Banyuls; on le recueille àla main, quand les eaux sont basses et calmes, dans les fissures des trottoirs, tout auprès du laboratoire Arago ; il abonde aussi dans les anfractuosités des pierres à Mélobésiées du cap l’Abeille, par 25 à 40 mètres de profondeur. Je n’en ai jamais vu de gros spécimen. Celui que reproduit la figure 15, pl. XVI, mesure 3°°,5 de longueur, 9,2 de hauteur et à peu près autant d'épaisseur. Toute sa partie supérieure, arrondie et lisse, est légèrement brunie par un dépôt, très fréquent chez beaucoup de Tétractinellides, de grains ferru- gineux. Une aire vaste, déprimée, plus blanche, en forme de V renversé, occupe sa face antérieure ; c’est l'aire osculifère, mais l'ectochrote recouvre les oscules. À gauche, dans une région située dans l'ombre et que la roche avoisinante protégeait contre tout frottement, on aperçoit quelques toutes de longs spicules rendant la surface hispide. Enfin, à droite, on voit, incrustées dans l’ecto- 328 E. TOPSENT, some, deux valves de Lamellibranches, et, entre elles, une coquille usée de Gastéropode. Tous les spécimens se présentent ainsi, à peu de chose près. On peut en trouver de plus allongés, de moins réguliers; ou bien, in- corporés en quelque sorte à la roche, ils ont, par suite, une surface libre discontinue. Presque toujours, l’aire osculifère s'établit vers la base du corps. | L’eciosome forme une écorce solide, épaisse de 4%%,5 à 9 milli- mètres, et constituée en majeure partie par la couche sterrastrale. Une fois rompu en quelque point, il se détache très facilement du choanosome en entraînant le plus souvent les triænes, qui sont ap- pliqués contre lui. À sa face profonde s'ouvrent les endochones, visibles à l'œil nu, larges de 0,2 et distants de 0%%,8 à 1 milli- mètre. Les stomions, orifices microscopiques percés dans l’ecto- chrote mince, se disposent en petits groupes espacés représentant chacun l’ectochone criblé d’un chone poral. Généralement, sur l’Éponge vivante, les oscules sont plus dis- tincis que sur la figure 13, pl. XVI, l’ectochrote criblé qui les revêt laissant apercevoir leur cavité sombre à travers les mailles de son réseau. Après grattage de l’ectochrote, ils apparaissent comme des orifices larges de 0"%,5 environ, séparés par des bandes étroites mais résistantes, dépendances de la couche sterrasirale. Dans ces bandes s'implantent des protriænes et surtout des anatriænes grêles, plus ou moins fasciculés, saillants, jouant évidemment un rôle dé- fensif. Soit qu'il s’atrophie à l’occasion, soit plutôt qu'il résulte, à l'état parfait, d’une évolution lente(voir, à l'appui de cette hypothèse, planche XV, fig. 19, s), le cladome des anatriænes les plus grêles se montre quelquefois réduit à un petit bouton semblable à la tête d’un tylote. O0. Schmidt a figuré un petit oxe (49, pl. IV, fig. 14, a) à propos duquel il a écrit : « Zwischen den Kugeln der Rinde finden sich sehr zahlreiche feine Nadeln. » Je n’ai pas vu un seul de ces oxes corticaux, dont la présence se constate, au contraire, si facile- ment chez Cydonium gigas. D'ailleurs, Sollas, qui a examiné un des ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 3929 spécimens types de Schmidt, ne les à pas retrouvés non plus. Tout porte à croire, par conséquent, que Schmidt a fait mention de spi- cules en réalité étrangers à l’Éponge et que Sollas a correctement agi en plaçant Cydonium conchilequm dans la section des Ditriæna. L’hispidation lâche et molle de certaines régions de la surface est due à de longs oxes grêles et à des protriænes et des anatriænes auxquels s'accroche un amas d’impuretés. Le choanosome est blanc et sarcenchymateux. Les corbeilles vi- bratiles, petites, s'organisent d'après le type aphodal. Il n'existe, autant que je puis l’affirmer, ni dans le choanosome, ni dans l’ec- tochrote, de cellules sphéruleuses ou vésiculaires, comparables à celles de Pachymatisma, de Erylus et même de Caminus. La couche superficielle de l’ectochrote se charge de chiasters (pl. XI, fig. 6,e) qu'on retrouve aussi en assez forte proportion (il s’agit du microsclère somal) dans le choanosome. D’autres asters, abon- dantes, à actines épineuses au moins vers leur extrémité, de taille inégale etde forme assez peu fixe pour figurer tous les termes de tran- sition imaginables (pl. XVI, fig. c etm) de la chiaster à la sphéraster, se localisent presque exclusivement dans le choanosome; toutefois, quelques-unes d’entre elles, surtout des plus grosses (m) se ren- contrent aussi çà et là dans l’écorce. Le choanosome contient enfin des sterrasters isolées, souvent grêles, peut-être destinées à être, après complet développement, transportées jusque dans la couche sterrastrale. Sollas, passant en revue les différentes sorles de spicules qu’il à observées dans un spécimen type de Cydonium conchilequm, ne men- tionne pas d’orthotriænes. Pourtant, Schmidt a figuré des ortho- triænes et un dichotriæne. Cette discordance provient de ce que l'Éponge est, sous ce rapport, sujette à des variations. Certains indi- vidus ne possèdent que des dichotriænes ; d'autres n’ont que des orthotriænes; d’autres, enfin, présentent un mélange, en propor- tions variables, d’ortho- et de dichotriænes. Dans aucun cas, leur identité spécifique ne saurait faire de doute : on ne peut relever, en 330 E. TOPSENT. ce qui concerne leurs microsclères, qu’une légère différence por- tant sur les dimensions relatives de leurs sterrasters ; celles-ci sont incontestablement un peu plus grosses et plus allongées chez les individus pourvus de dichotriænes, c'est-à-dire à spiculation plus robuste, que chez ceux qui ne produisent que des orthotriænes. Cydonium conchilequm est surtout très bien caractérisé par la taille et par la forme de ses sterrasiers ; il l’est aussi, à l’occasion, par ses dichotriænes. Cydonium gigas (Schmidt) Sollas. (PI. XI, fig. 7 et 8; pl. XVI, fig. 14-16.) Syn. 1862. Geodia gigas, Schmidt (49, p. 50, pl. IV, fig. 8 et 9). 1888. Cydonium gigas (Schmidt), Sollas (26, p.258). Éponge massive, sphérique, régulière ou lobée et cérébriforme. Surface glabre ou hispide, au moins par places. Écorce d'épaisseur variable, ordinairement moindre que celle de Cydonium conchilegum (1 millimètre à 17,5), solide, constituée pour la plus grosse part par la couche sterrastrale. Chones poraux de type cribriporal; endochones larges. Oscules recouverts d'une couche ectochro- tique criblée, et, d'habitude, groupés dans des aires spéciales. Spicules. — I. Mégasclères : 1. Oxes (pl. XI, fig. 8, 0) du choanosome, fusi- formes, légèrement courbés, longs de 3 à 4 millimètres et larges de 50 à 60 y; à l’occasion, quelques-uns d’entre eux se transforment en séyles; d’autres se coudent subitement à quelque distance de leur extrémité et prennent l'aspect de plagiomonænes. 2. Orres corticaux (pl. XI, fig. 8, x), longs, en moyenne, de 180 p et larges de 4 w. 3. Orthotriænes (pl. XI, fig. 8, é, u), longs de 3 à 4 milli- mètres : rhabdome d'épaisseur variable, jusqu'à 70 p; cladomes à clades assez courts, ordinairement presque horizontaux, pointus, recourbés en dedans (é); il peut arriver que Îles clades s’atrophient ou se déforment, et souvent on les voit (u) flexueux, tronqués à leur extrémité, semblables à l’un des triænes de Geodia placenta figuré par Schmidt. 4. Protriænes (pl. XI, fig. 8, p) à rhabdome très R long (5 à 6 millimètres) et relativement très grêle {15 ); on en trouve aussi, mélés aux oxes corticaux et à peine plus longs qu'eux, de beaucoup plus petits à clades raides (v). 5. Anatriænes (pl. XI, fig. 8, a), très longs (5 à 6 millimètres) et grêles; corde du cladome, 150 p.; longueur des clades, 100 à 190 y. 6. Méso- triænes (fig. 8, d), mésodiænes (fig. 8, f), mésomonænes, longs et grêles. 11. Microsclères: 7. Sterrasters (pl. XI, fig. 8, s) sphériques, mesurant en moyenne 65 à 704 de diamètre; sous ce rapport, on constate des variations individuelles très sensibles : j'ai trouvé un spécimen à sterrasters d’un diamètre de 57, et d’autres à sterrasters d'un diamètre de 75 et même de 80 w. Les ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 331 actines des sterrasters bien développées ont près de 4 & de diamètre et se couvrent de petites épines. 8. Chïasters somales (pl. XI, fig. 8, e) à actines peu nombreuses, courtes, cylindriques, souvent finement épineuses, tronquées; diamètre, 7 y. 9. A sters choanosomales (pl. XI, fig. 8, m, c) pour la plupart en forme de chasters à actines peu nombreuses, cylindriques, grêles, épineuses et renilées à leur extré- mité; mais une foule de variations s’observent: les actines deviennent plus coniques, sans renflement terminal, ou bien plus nombreuses et alors plus grêles ou plus épaisses. Dans ce dernier cas (m), les asters sont des sphérasters à gros rayons à pointe épineuse; on en trouve toujours une assez grande quantité dans la couche profonde de l’ectosome; elles correspondent aux sphérasters sub- corticales de Cydonium conchilequm. Couleur. — Écorce grise ou blanche, chair blanche ou jaunâtre. Habitat. — Adriatique, Naples. — Porquerolles, Bandol, Marseille (Marion), Cette (Schmidt), Banvuls. Cudonium grgas est répandu tout le long de nos côtes méditerra- néennes. C'est une Éponge ordinairement volumineuse, qui s'attache aux roches et aux souches de Posidonies, et qui, se contentant de profondeurs assez faibles, remonte à l’occasion jusqu'au niveau des basses eaux. Sa coloration n’est pas vive et varie quelque peu. J’en ai vu surtout des spécimens desséchés : leur choanosome avait pris une teinte jaune assez foncée, tandis que leur ectosome avait blanchi. Chez les individus vivants que j'ai examinés à Banyuls, la chair était blanche et l'écorce grisâtre. La surface, glabre par places, se montre, en d’autres points, hispide ; l'ectosome, pendant la vie, ressemble à une peau de chagrin, et ce caractère s’accuse après dessiccation. Les stomions de chaque chone poral forment un groupe bien distinct (pl. XVI, fig. 14), grossièrement polygonal (pl. XVI, fig. 15) ; et, comme l’ectochrote criblé qui prend part à leur consti- tution s’affaisse en se desséchant, les ectochones deviennent, dans ces conditions, parfaitement visibles à l'extérieur (pl. XI, fig. 7). Ceux-ci se continuent directement à travers la couche sterrastrale par des endochones de calibre assez large (voir, dans la figure 7, la coupe de l'écorce). L’aire osculifère occupe souvent une région avoi- sinant la base de l'Éponge. Les oscules, revêtus, eux aussi, d’un ectochrote réliculé, mesurent 0®,8 à 1 millimètre de diamètre. 332 E. TOPSENT. Comme chez Cydonium conchilegum, ils se trouvent séparés par des bandes étroites, mais solides, faisant partie de la couche sterras- trale. La charpente choanosomique se compose presque exclusivement d’oxes robustes rangés en files radiales, très apparentes sur les spé- cimens desséchés (pl. XI, fig. 7). Les orthotrignes occupent une po- sition superficielle, au contact de la couche profonde de l'écorce. La chair possède ses microsclères propres, mais on y irouve aussi des sterrasters isolées, à actines généralement grèles (comme u de la figure 5, pl. XI), ou bien plus grosses, mais encore pointues et peu ornées, organites jeunes, peut-être destinés à servir d'apport à la couche sterrastrale. En assez forte proportion, on y découvre en- core, surtout, à ce qu'il semble, dans la paroi des canaux du sys- ième aquifère, de petites chiasters à rayons courts. L'ectosome se charge de spicules nombreux. Il possède des ster- rasters agglomérées en une couche dense, des chiasters, accumu- lées dans la zone externe de l'ectochrote, des sphérasters, plus ou moins abondantes dans la couche contractile profonde. Il est tra- versé par des protriænes, par des anatriænes, en nombre supérieur, et par des oxes courts ei grèles (oxes corticaux). Enfin, quand on le détache, il entraîne avec lui les triænes de la zone périphérique du choanosome, dont le cladome s'appuie tangentiellement à sa face inférieure. Lendenfeld a montré (48) que l'hispidation lâche de certaines ré- sions est due surtout à des oxes longs et grêles dont beaucoup bour- geonnent, à peu de distance de leur extrémité, un, deux ou trois clades adventifs qui leur donnent un faux air de protriænes (pl. XI, fig. 8, d, f). C'est un fort bel exemple de spicules modifiés dans un but défensif. En somme, la spiculation se fait remarquer par Sa richesse en or- ganites. Elle est surtout intéressante par la présence d'oxes corti- caux et par l’absence de dichotriænes. Mais ses sterrasters, dont la taille, toujours faible, peut varier d’un individu à l’autre, et ses asters ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 333 du choanosome, d’une variabilité plus grande encore, sont capables de rendre parfois assez délicate la détermination de l'espèce. C'ydonium gigas est une des quatre Geodia décrites par Schmidt en 1862 : Geodia gigas, G. tuberosa, G. conchilega et G. placenta. Sol- las, en 1888, a rapporté les trois premières au genre Cydonium, ne laissant dans le genre Geodia que G. placenta, dont les oscules sont, d’après lui, conformés comme ceux de Geodia Barretti. C'ydontum conchilequm se distingue par ses sterrasters ellipsoïdes de grande taille, et, dans la plupart des individus, par ses dicho- triænes. Je ne connais Cydonium tuberosum que d’après la description de Schmidt et la diagnose de Sollas (26). S'il s’agit réellement d'une espèce acceptable et suffisamment étudiée, il semble que l'absence d’oxes propres à l’ectosome et la taille assez élevée de ses sterrasters sphériques (90 y de diamètre) serviraient à la caractériser. Geodia placenta et Cydonium gigas se ressemblent beaucoup, et, sans leurs oscules qui, paraît-il, obligent à les séparer générique- ment, je n’entrevois pas ce qui les distinguerait spécifiquement. Leurs mégasclères, de mêmes sortes, ont à peu près mêmes dimen- sions (il est vrai que ni Schmidt ni Sollas n’indiquent de protriænes chez Geodia placenta, mais ces spicules ont passé inaperçus chez d'autres Tétractinellides, notamment chez Cydonium conchilequm, où je les signalais plus haut); leurs sterrasters ne diffèrent guère, et, bien que leurs chiasters aient fourni des mesures un peu iné- gales, il faut craindre de s’exagérer l'importance d’un fait dépendant, en somme, des moindres variations individuelles. Cydonium Mülleri Fleming. Syn. 1828. Cydonium Mülleri, Fleming (British Animals, p. 516). 1842. Geodia zetlandica, Johnston (9, p. 195). 1866 et 4874. Geodia zetlandica Johnst., Bowerbank (2, vol. IF, p. 4», et vol. IT, p. 15). 1867. Cydonium Muelleri? Flem., Gray (4, p. 548). 1882. Geodia zetlandica Johnst., Norman (2, vol. 1 pe atie 334 E. TOPSENT. 1886. Geodia zetlandica Johnst., Kæhler (44). 1887. Cydonium Mülleri Flem., Vosmaer (42, p. 317). 1888. Cydonium Mülleri Flem., Sollas (26, p. 254). Éponge massive, arrondie, allongée ou irrégulière et plus ou moins tubéreuse. Surface hispide, glabre par places, dans les régions usées par le frottement. Écorce d'épaisseur médiocre (1 millimètre environ), formée en majeure partie par la couche sterrastrale. Ghones poraux de type cribriporal; endochones larges. Oscules insuffisamment connus. Spicules. — 1. Mégascelères : 4. Oxes fusiformes, quelquelois tronqués et trans- formés en styles; longueur, 32,57; épaisseur, 58 . 2. Oxes corticaux, petits et grêles. 3. Orthotriænes à rhabdome long de 322,213 et épais de 55 p; à clades horizontaux, doucement incurvés, longs de 360 y. 4. Protriænes ; rhabdome long de 322,57; corde du cladome longue de 97 u; clades atteignant 100 y de lon- gueur. 5. Anatriænes ; rhabdome long de 4mm,81; corde du cladome mesurant 71 uv; clades longs de 84 p. II. Microsclères : 6. Sterrasters sphériques, à actines bien ornées ; diamètre, 63 w. 7. Chiasters somales à actines courtes, cylindriques, tronquées; diamètre, i0w. 8. Sphérasters subcorticales à centrum assez large, à actines nombreuses, coniques, finement épineuses à leur extrémité; diamètre, 32 p. 9. Oxyasters choanosomales à actines peu nombreuses, coniques, finement épineuses ; diamè- ire, 40 nv. Couleur, — Blanche dans l'alcool ; blanc jaunâtre à l'état sec. Habitat. — Iles Shetland. — Sur les côtes de France : grotte du Gouliot, à l'ile de Sark /Kæbhler); grève de Guéthary, près de Biarritz. Cydonium Müller n'a pas été souvent rencontré, et Bowerbank, en 4874, a figuré (2, vol. HE, pl. Vi) les deux seuls individus de cette espèce, qui, à sa connaissance, se trouvaient alors dans les collec- tions d'Éponges d'Angleterre. L'un d'eux, irrégulier, tubéreux, long de 6 centimèires et large de 4,5, et qui avait dü s'attacher par une base étendue, maintenant coupée et présentant deux tronçons que sépare une voussure de la face inférieure, fut le spécimen type de Fleming, que Johnston el Bowerbank ont redécrit et dont Sollas a mesuré les spicules ; il provenait de l'île Fulah and Unsi. L'autre, ovoïde, long de 7 centimètres, large de 3m 8, avait été offert à Bo- werbank sans indication de localité. Bowerbank avait cependant {out lieu de penser qu'il avait élé rapporté des Shetland ou des Or- cades. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 335 Cette Éponge n’est probablement pas aussi rare qu’on pourrait le supposer d’après cela. Elle jouit, en tout cas, d’une distribution géographique assez vaste. Kœhler (44) l'a retrouvée à Sark; et j'en ai vu, conservés dans l'alcool, plusieurs fragments que le regretté H. Viallanes avait recueillis à la grève de Guéthary (Basses-Pyrénées), en grande marée, et qu'il m'avait adressés en m'en demandant la détermination. J'avais restitué, sans en rien garder, ces échantillons à leur propriétaire, et, après son décès, il m'a été impossible de les obtenir à nouveau en communication. M. Kœæhler s'étant également dessaisi de ses spécimens, je me suis vu réduit, pour éviter au lec- teur des recherches bibliographiques au sujet de cette Éponge, à résumer ce que Bowerbank en a dit et à reproduire les détails con- cernant la spiculation fournis par Sollas d’après le spécimen type. Je regrette surtout de n’avoir pas noté la forme des asters propres au choanosome chez le Cydonium de Guéthary; elle a une impor- tance que j'étais loin de soupçonner alors. De fait, Cydonium Mülleri est si proche parent de Cydonium gigas que leur comparaison révèle plus de ressemblances que de diffé- rences. De part et d'autre, la forme est massive, variable, et la taille con- sidérable. La surface reste hispide dans les points à l'abri du frotte- ment. L’écorce a la même épaisseur et une constitution identique. L’ectochrote s’affaisse en se desséchant et rend les ectochones par- faitement visibles à l’œil nu comme autant de petits trous polygo- naux. Les oscules, chez Cydonium Mülleri, ont, comme chez C. gigas, une tendance à se localiser vers la base du corps, puisque, dans le spécimen type, ils se groupent au fond de la voussure de la face in- térieure. La couleur des deux Éponges ne diffère pas. Leurs mégasclères sont semblables. On retrouve dans leur spicu- lation des oxes choanosomiques, des oxes corticaux, des ortho- triænes, anatriænes et protriænes, de même forme et de mêmes di- mensions. La figure que Bowerbank a donnée (2, pl. VII, fig. 6) d’un orthotriæne de Cydonium Mülleri rappelle tout à fait le dessin £ de 336 E. TOPSENT. la figure 8, pl. XI, du présent mémoire. L'absence de dichotriænes se constate dans les deux espèces. s’il existe des différences, c’est dans les microsclères qu’il faut les chercher. Encore paraissent-elles assez légères. Les sterrasters, de part et d'autre, sont sphériques et d’égal diamètre. Les asters so- males sont des chiasters (plutôt que des pycnasters, comme l'écrit Sollas). Les sphérasters subcorticales se correspondent assez exacte- ment. Il ne reste, en définitive, que les asters du choanosome qui permettraient de distinguer les deux espèces. Ge seraient, d'après Bowerbank et Sollas, chez C'ydonium Mülleri, des oxyasters à actines coniques, épineuses, pour lesquelles ils n’ont point indiqué de va- riation éventuelle. | Ce caractère spécifique, cependant, est, dans tant d’autres cas, Si sujet à caution, qu'il y aurait un grand intérêt à examiner de plus près ces oxyasters épineuses de Cydonium Mülleri, de les rechercher chez plusieurs individus de provenances diverses et de les comparer aux chiasters épineuses, essentiellement variables de C. gigas. Il ne serait pas surprenant, après tout, que Cydonium gigas ne fût qu’une simple variété, sinon qu’un synonyme de C. Müller. Genre /sops Sollas. Oscules et pores semblables, les uns et les autres de type uni- poral. 1sops intuta Topsent. (PI. XI, fig. 2 et 3; pl. XVI, fig. 8, 9, 20 et 21.) Syn. : 1892. Cydonium intutum, Topsent (85, p. xvIu). 1893. 1sops intuta, Topsent (3%, p. XL). Éponge massive, globuleuse ou oblongue, habituellement de petite taille. Surface glabre, grenue, par suite du léger soulèvement des chones inhalants. Écorce mince, assez souple. Chones poraux de type uniporal, nombreux, bien circonscrits, visibles à l'œil nu, larges de 90 à 410 y et distants seulement de Omm,2 à Omm,3. Ectochones proéminents, cratériformes, entourés d’une mar- gelle brun foncé. Endochones cylindriques. Oscules saillants, béants, en petit nombre, épars ou rapprochés du sommet du corps, de même forme que les chones poraux, mais plus larges (02,5 à Omm,8) et plus élevés. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 337 Spicules. — I. Mégasclères : 1. Ores (pl. XI, fig. 3, 0) longs de 1 millimètre à 2m 5, larges seulement de 23 à 28 w, bien pointus, un peu courbés. 2. Dicho- triænes (pl. XI, fig. 3, c) à rhabdome long de 2 millimètres et épais de 40 pu, à cladome horizontal avec protoclades mesurant 135 à 150 & de longueur et deu- téroclades atteignant 295 à 310 x. Ce sont les seuls triænes présents. Mais, tan- dis qu’ils se montrent pour la plupart bien conformés chez certains individus, ils subissent fréquemment chez d’autres une atrophie partielle de leurs deutéro- clades (pl. XI, fig. 3, m). IL. Microsclères : 3. Séerrasters (pl. XI, fig. 3, s)subsphériques, de faibles dimen- sions (60 u de longueur sur 50 à 55 v de largeur), très ornées, leurs actines se char- geant de petites épines. 4. Sphérasters somales (pl. XI, fig. 3, b), assez semblables aux sphérules de Caminus Vulcani, c’est-à-dire présentant un gros centrum sur lequel s’implantent quelques actines cylindriques, tronquées, très courtes ; dia- mètre, 5 à 7 w. 5. Oxyasters choanosomales (pl. XI, fig. 3, e), à actines assez nom- breuses (dix à douze), coniques, pointues, finement épineuses, longues de 10 à 42 p. | Couleur. — Chair blanche. Ectosome marqué d’une teinte brune, surtout foncée au pourtour des orifices du système aquifère. Habitat. — Banyuls (cap l’Abeille), par 25 à 40 mètres de profondeur. Îsops intuta est commune sur les pierres du cap PAbeille ; je n'en ai cependant jamais rencontré de gros spécimens ; le plus beau que j'aie vu mesurait 23 millimètres de long, 12 millimètres de haut et 13 millimètres de large. Sa configuration n’a rien de constant; la disposition de ses oscules n’affecte aucune régularité. Malgré cela, on peut reconnaître l'Éponge à ses caractères extérieurs. L'état et la coloration de sa surface, la multitude de ses chones inhalants cerclés de brun foncé, la flexibilité de son écorce, sont d’assez bons indices pour permettre une détermination rapide. La diagnose précédente fournit, si je ne m'’abuse, des données suffisantes sur les dimensions et la forme des spicules existants. Il me reste à faire remarquer que ces divers organites occupent cha- cun une position déterminée. Les sterrasters s’entassent dans l'ec- tosome en une couche épaisse de 02,2 environ. Les sphérasters s'accumulent dans la zone superficielle de l’ectochrote; on en trouve aussi une certaine quantité (ainsi que des sterrasters éparses, le plus souvent grêles) dans le choanosome, mais elles paraissent se ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE, — T, 11, 1894. 29 338 E. TOPSENT. localiser dans les parois des canaux aquifères, qui, de toute évi- dence, sont en continuité avec l'ectochrote. Les seuls microsclères véritablement propres au choanosome sont donc les oxyasters, d’ailleurs extrèmement abondantes. Les mégascières ne traversent pas l'écorce. Les dichotriænes appuient tous leur cladome sur la face profonde de lectosome, et les oxes, en files continues ou dis- sociées et grêles, composent la charpente fondamentale du corps. Bien que n’excédant pas (mm 3 à O0",4 d'épaisseur, l’ectosome offre, comme celui de tous les types précédents, trois couches à considérer : l’ectochrote, la couche sterrastrale et la couche con- tractile. | L’ectochrote, dans sa zone externe, se charge de sphérasters à un tel point qu’on n'y peut pas découvrir d'éléments cellulaires ; mais sa zone interne est collenchymateuse et contient, avec les cel- lules contractiles normales, des cellules sphéruleuses, sphériques ou ovoïdes, mesurant 17 p de diamètre moyen, pleines de pebits grains d’un pigment brun auquel l'Éponge doit exclusivement sa coloration, et abondantes surtout dans la margelle des chones po- raux et sur les flancs des chones osculaires. L'ectochrote se soulève autour des orifices du système aquifère, mais les laisse à découvert (pl. XVE, fig. 9); pour chaque chone poral, par conséquent, un sio- mion unique (pl. XVI, fig. 8) livre accès dans l’ectochone qui, sans transition, se continue par l'endochone à travers la couche sterras- trale. Celle-ci demeure trop mince pour offrir beaucoup de résis- tance: on n’y compte guère que trois ou quatre assises de sierras- ters irrégulièrement empilées. La couche contractile qui la double n’a qu'une faible épaisseur ; SOn rôle principal consiste sans doute à régler le courant d’inhalation à l’aide de diaphragmes tendus au fond des chones. Elle renferme un certain nombre de cellules rondes, aussi grosses que Îles sterrasters, et sur lesquelles nous aurons à revenir bientôt. Les cavités superficielles sont étroites. Les canaux efférents ont, 1 leur terminaison, un calibre supérieur à celui de l’oscule par ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 339 lequel ils débouchent; leur fermeture éventuelle se trouve assurée par un diaphragme puissant attaché à la base du chone osculaire. La chair, blanche, est sarcenchymateuse, les cellules du méso- derme (pl. XVI, fig. 21, ») se remplissant de très fines granulations sans couleur. Les corbeilles vibratiles (pl. XVI, fig. 21, f), petites, s'organisent d'après le type aphodal. Mais ce qui frappe le plus, dans la constitution du choanosome, même à un faible grossissement (pl. XVI, fig. 20), c’est l'abondance et la taille colossale des éléments qui correspondent ici aux cellules vésiculeuses de Zrylus stellifer, de Pachymatisma johnstonia, etc. Ces éléments, sphériques ou ovoïdes, possèdent une membrane épaisse et un beau noyau nucléolé ; leur protoplasma, assez pauvre, se condense en une plaque périnucléaire d’où rayonnenti vers la périphérie des prolongements ténus. Leur diamètre (55 à 60 4) égale sensiblement celui des sterrasters, et je croirais volontiers que certains au moins d’entre eux servent de cel- lules mères de ces organites. Tel ne doit pas être, cependant, leur rôle principal, car on en retrouve de tout semblables, quoique un peu moins gros, chez Séryphnus mucronatus (pl. XVI, fig. 12, d), qui, lui, ne produit jamais de sterrasters. Nous les verrons, chez cette autre Tétractinellide, emmagasiner, pour la plupart, une matière colorante brun noirâtre ; mais comme ils restent, chez /sops intuta, invariablement incolores, il devient bien difficile de préciser leur fonction. Îsops intuta est caractérisée par la faiblesse de son écorce, la petite taille de ses sterrasters et l'uniformité de ses triænes (tous dicho- triænes, sans pro- ni anatriænes). Elle m'a paru, à tous égards, moins bien défendue que ses congénères, /sops Phlægrei, I. globus et 1. pachydermata, et ces considérations m'ont guidé dans le choix d’un nom spécifique. C’est à tort que je l'ai primitivement rappor- tée au genre Cydonitum : la minceur de son écorce et la structure de ses chones aquifères contrastent avec ce qui existe chez les Cydo- nium, et j'en ai tenu compte en la rattachant, en 1893, au genre Is0ps, auquel elle appartient réellement. 340 E. TOPSENT. GROUPE EUASTROSA. Genre Pilochrota Sollas. Stellettidæ qui ne possèdent qu'une seule sorte d’aster. Pilochrota lactea (Carter) Sollas. (PI. XIV, fig. 1 et 2.) Syn. : 1871. Séelletta lactea, Carter (8, p. 9). 1882. Stelletta lactea Carter, Norman (2, vol. IV, p. 240). 1888. Pilochrota lactea (Carter), Sollas (26, p. 181). Éponge informe, peu épaisse, fixée sur les pierres perforées ou caverneuses, dont elle suit les contours et comble Îles anfractuosités. Écorce mince. Ecto- chrote criblé laissant voir les pores par transparence. Oscules épars, béants, non surélevés. Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Oes (pl. XIV, fig. 1 et 2, 0) fusiformes, lége- rement courbés, longs de 12,25. 2. Orthotriænes (pl. XIV, fig. 1 et 2, t) et dichotriænes (pl. XIV, fig. 1 et 2, d), longs de 825 pe. IL. Microsclères : 3. Oxyasters (pl. XIV, fig. 2, e) petites, à actines nombreuses, coniques, peu pointues; diamètre, 12 u.. Ces asters peuvent varier dans un mème individu, leurs actines devenant plus cylindriques ou constituant au point d'union de leurs bases un centrum plus ou moins gros (pl. XIV, fig. 4, e). C'est ainsi que, dans le spécimen type, recueilli par Garter, on observe un mélange d’oxvasters et de sphérasters, avec tous les termes de passage des unes aux autres. 4. Orthodragmates (pl. XIV, fig. 1 et 2, r) longs de 25 p. Couleur. — Blanche pendant la vie ou après dessiccation. Habitat. — Budleigh-Salterton, South Devonshire (Carter). Luc; Roscof. — Grève. J'ai trouvé Pilochrota lactea à Luc, à basse mer de grande marée, sous les berges du Quihoc, dans les fissures du rocher‘. J’ai ensuite constaté sa présence à Roscoff (29), sur une de ces pierres cal- caires, ayant servi de lest aux navires marchands, qu’on rencontre de place en place à la grève, devant le laboratoire. Avec une ama- bilité extrème, le savant H.-J. Carter m'a communiqué un fragment de son spécimen type, provenant de Budleigh-Salterton. L'espèce 1 4dditions à la faune des Spongiaires de Luc (Bulletin de la Société linnéenne de Nurmandie, sér. 4, VOI. LI. Stelletta Cotlingst (7), p.59). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 341 m'est donc bien connue, du moins à l'état sec, car je n'ai malheu- reusement pas pris la précaution de conserver dans l'alcool les échantillons que j'ai recueillis moi-même. Les renseignements nouveaux que je suis en mesure de fournir à son sujet se réduisent à peu de chose et ne concernent guère que sa spiculation. La disposition des spicules a été décrite par Carter : les oxes se répandent dans toute l'épaisseur du choanosome, tandis que les orthotriæres et les dichotriænes s’établissent seulement à sa sur- face, leur rhabdome dirigé vers l'intérieur et leur cladome appuyé à la couche profonde de l’écorce, Îles oxyasters sont surtout abon- dantes dans l’ectosome et même s’entassent dans l’ectochrote, mais il en existe aussi une forte proportion dans le reste du corps ; quant aux faisceaux de raphides, ou orthodragmates, ils se localisent dans le choanosome. Les dimensions des divers éléments du squelette ont été indiquées par Carter d’abord, puis par Sollas. Jai reproduit, dans la diagnose qui précède, celles que Sollas a données, parce qu'elles sont expri- mées en millimètres. Elles ont été prises sur les spicules du type spécimen, ceux que j'ai dessinés dans la figure 4 de la planche XIV. Je dois, toutefois, faire remarquer que les mégasclères n'ont pas toujours rigoureusement la même taille. Il existe, à cet égard, en rapport avec l’âge ou avec la forme du sujet, ou encore avec les conditions du milieu où il vit, des variations individuelles dont toutes les autres Éponges se montrent susceptibles. J'en ai déjà noté bien des exemples, et je crois bon d’attirer sur ce fait l’atten- tion du lecteur en figurant côte à côte, à un même grossissement, les spicules de l'échantillon que m'a procuré Carter (pl. XIV, fig. 1) et de celui que j'ai découvert à Roscoff (pl. XIV, fig. 2). La faiblesse relative des triænes de ce dernier se constate à première vue. On reconnaîtra en outre que ses asters sont toutes des oxyasters pures; ici, pas de passage graduel de l'oxyaster à la sphéraster pouvant faire supposer l’existence simultanée de deux sortes d’asters. Sollas 342 E. TOPSENT. s'était déjà convaincu de l'opportunité de n'en admettre qu'une seule, mais il croyait la sphéraster plus typique. Les Pilochrota lactea de Roscoff et de Luc nous prouvent qu'en réalité, l'oxyaster seule est normale. L'ectosome de l'Éponge m'a toujours paru beaucoup plus mince que celui des Stelletta; mais il serait hasardeux de considérer cela comme un caractère générique, car l'épaisseur de cette enveloppe semble être fort inégale dans les diverses espèces du genre Pilo- chrota. 1 est plus exact de dire que les Pilochrota diffèrent des Séel- letta par la possession d’asters d’une seule sorte. Päs plus que Carter, je n’ai aperçu de cellules sphéruleuses de grande taille chez Pilochrota lactea, rien de comparable en tout cas à celles de Dercitus niger (D. Bucklandi) et de Stelletta aspera (Séryphnus ponderosus) ; mais il s’agit là d'espèces appartenant à des genres bien différents. On m'objectera que jai étudié l'Éponge en question dans des conditions très défectueuses. J'en conviens, mais je ferai observer que, d'habitude, il persiste, après dessiccation, des traces des éléments de cette nature, surtout quand ils sont gros et richement colorés. J'ai reconnu, enfin, après Carter, que les pierres qui servent de support à Püiochrota lactea se trouvent noircies à son contact par un dépôt de granules brunâtres formant, par accumulation, une sorte de vernis. Il ne s’agit pas, comme on pourrait le supposer, d'uñe particularité exclusive de celte Éponge; une couche noire toute semblable se dépose à la base de beaucoup d’autres Spon- siairés de groupes divers, et notamment au contact de plusieurs Tétractinellides (Pilochrota mediterrunea, Pachastrella monilifera, Pœcillastra saxicola, ete.) A.-M. Norman se déclarait disposé à ne regarder Pilochrota lactea que comme ui synonyme de Stelletta Grubei(Tethya Collingsii Bow.); toutefois, il se sentait retenu dans cette identification trop prompte par l'égalité de taille des deux prétendues sortes d’asters et par l'abondance des dichotriænés chez la Sfelletta lactea, telle que Car- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 343 ter l'avait décrite. J’ai, de mon côté, éprouvé quelque temps la même hésitationt. Mais aujourd'hui tous les doutes sont levés. Pilochrota mediterranea Topsent. (PI. XIV, fig. 3.) Origine : Pilochrota medilerranea, Topsent (3%, p. xL111). Cette Eponge, dont on ne connaît encore qu'un fragment d’échantillon, paraît être, comme Pilochrota lactea, ivrégulièrement encroûtante. Son ectosome, bien différencié, se compose de deux couches fibreuses séparées par une couche collenchymateuse. L'hispidation de la surface n’a pas permis de noter la forme ni la distribution de ses orifices aquifères. Spicules. — I. Mégasclères : 1. Oxes (pl. XIV, fig. 3, 0) fortement courbés, de taille inégale; ils atteignent 12,75 de longueur et 45 y d'épaisseur. 2. Ortho- triænes (fig. 3, {) très inégaux aussi. Leur rhabdome a une tendance marquée à se courber beaucoup ; il peut mesurer 122,10 de longueur et 45 a d'épaisseur. Les clades sont dressés et ne s’incurvent qu’au voisinage de leur extrémité; encore cette inflexion fait-elle souvent défaut; les plus beaux sont longs de 150 y et épais de 35 p. à la base. 8. Anatriænes (fig. 3, a) longs et grèles (6 p d’épais- seur), à clades courts et écartés (corde du cladome, 30 y). Un verticille accessoire de clades plus faibles s’observe fréquemment au-dessous du cladome normal. 4, Oxes grêles et flexueux (fig. 3, m), longs de 0mm,65 à 1mm,3 et épais seule- ment de 3à 4m. 1. Microsclères : 5. Oxyasters (fig. 3, €, f) sans centrum, à actines nom- breuses (huit à douze), pointues, lisses, longues de 5 à 11 p. 6. Orthodragmates (fig. 3, r), faisceaux serrés de raphides courts (17 p). Couleur. — Blanche en dedans et en dehors. Habitat. — Banyuls (cap l’Abeille). Pilochrota mediterranea est le premier représentant du genre Pilo- chrota dans la Méditerranée et le second dans la province lusita- nienne. Sollas, dans sa revision des Tétractinellides (26), a cité douze Pilochrota, dont six possèdent des anatriænes (chez aucune d'elles on n’a trouvé de protriænes) et dont six en paraissent dépourvues. Pilochrota mediterranea se rapporte à la première catégorie et P. lac- tea à la seconde. Ces deux espèces sont les seules où l’on ait constaté la présence d’orthodragmates. Mais ce caractère n’a certes point de 1 Voir la note au bas de la page 340. 344 E. TOPSENT. valeur générique. On sait que Stelletta Grubei produit à l'occasion des microsclères de cette nature, et le genre Dragmastra, créé par Sollas pour les Stellettidæ à deux sorties d’asters, qui sont en même temps pourvues d’orthodragmates, ne semble plus suffisamment distinct du genre Stelletta. Je n'ai recueilli de Pilochrota mediterranea qu’un fragment irré- oulier, encroûtant, épais de 4 à 8 millimètres. Les caractères de sa spiculation m'autorisent à le considérer quand même comme le type d’une espèce nouvelle. L’ectosome a une constitution complexe. Au-dessous de l'ecto- chrote, chargé d’oxyasters, s’établit d’abord une zone contractile mince, puis une zone collenchymateuse épaisse où les cladomes des orthotriænes pénètrent et où les oxyasters se répandent encore en assez grande abondance, enfin une zone contractile profonde, bien plus importante que la première et qui limite les cavités superti- cielles. Dans la règle, les orthotriænes ne font pas saillie à la sur- face, et ce sont, traversant l'écorce verticalement, les oxes grêles et les anatriænes, et aussi les pointes des grands oxes les plus super- ficiels du choanosome, qui déterminent la forte hispidation de l’'Éponge. Les cellules sphéruleuses de la zone collenchymateuse ne m'ont paru intéressantes ni par leur aspect, ni par leurs dimensions, et Je comprends que, si elles leur ressemblent, celles de Pi/ochrota lactea soient tout à fait méconnaissables après dessiccation. Elles n’emma- gasinent ici aucun lipochrôme, et, dans toutes ses parties, le corps reste d’un blanc pur, car on ne saurait tenir compte de l’amas gri- sâtre d’impuretés que retiennent entre elles les pointes externes de ses spicules. Dans le choanosome, les oxes se disposent sans ordre apparent ; des microsclères assez nombreux s’y rencontrent, sous forme d’oxyas” ters et d’orthodragmates. Les orthotriænes rappellent un peu, au premier abord, ceux de Stelletta pumex; mais, entre les deux Eponges, toute confusion cesse ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 345 bientôt, puisque la Pilochrota possède des anatriænes et des ortho- dragmates qui manquent à la Stelletta ; elle ne produit, en revanche, qu’une seule sorte d’asters, à actines pointues. Les anatriænes n'existent qu'en petite quantité. Dans le spécimen type, ils développent très souvent, à une faible distance au-dessous de leur cladome normal, un verticille accessoire de deux ou trois clades. Reste à savoir si cette curieuse particularité se retrouve d'ordinaire chez les représentants de l’espèce. L'habitude de con- stater des variations dans les détails de la spiculation des Tétrac- tinellides n’est pas sans m'inspirer quelque doute à ce sujet. De même, la courbure si accentuée ici des mégasclères principaux n’est peut-être pas un caractère spécifique. Les oxyasters, n'ayant jamais d’actines tronquées, ne passent ni au type chiaster ni au type sphéraster. Elles se ressemblent toutes; néanmoins, leur taille se montre assez inégale. Leurs actines mesu- rent le plus souvent 7 p de longueur (fig. 3, e). Il en est de plus petites, en assez grand nombre, mais on n’en rencontre de plus grosses (fig. 3, f) qu'en très faible proportion. Grâce à l'absence totale de dichotriænes et à la présence d'ana- triænes, rien n’est plus aisé que de distinguer Pilochrota mediterra- nea de P. lactea. Genre Stelletta Schmidt. Stellettidæ à deux sortes d’asters: le microsclère additionnel est une euaster. Oscules distincts ou non. Stomions en cribles recou- vrant les chones poraux. Écorce bien développée. Des deux sortes d’asters présentes, l’une est répandue dans tout le corps (micro- sclère somal), l’autre se confine dans le choanosome. Stelletta Grubei Schmidt. (PI. XIIL, fig. 7 ets.) Syn. : 1862, Stelletta grubii, Schmidt (49, p. #6 ; pl. IV, fig. 2). 1862. Stelletta boglicii, Schmidt (49, p. 47). 1866. Tethya Collingsii, Bowerbank (®, vol. IL; p.87). 346 E. TOPSENT. 1866. Tethya Schmidti, Bowerbank (2, vol. 1j, p. 89). 1867. Collingsia sarniensis, Gray (4, p. 541). 1867. Collingsia schmidtit, Gray (4, p. 541). 1868. Stelletta anceps, Schmidt (22, p. 31). 1874, Ecionemia coactura, Bowerbank (&, vol. IE, p. 269). 1888. Séelletta Collingsii (Bow.), Sollas (26, p. 181). 1888. Astrella anceps (Schm.), Sollas (26, p. 181). 1888. Stelletta coactura (Bow.), Sollas (26, p. 185). Eponge massive, de forme variable, subsphérique, ovoïde, sacciforme, ou tout à fait irrégulière. Surface quelquefois assez lisse, le plus souvent hispide, égale ou accidentée, fréquemment couverte de corps étrangers. Écorce épaisse et coriace. Chones poraux de type cribriporal, invisibles au dehors. Oscules petits, dispersés. Spicules. — I. Mégasclères : 1. Oxes (fig. 8, 0) droits, fusiformes, pointus, longs de 1m%,6 à 2 millimètres, épais de 40 à 50 p.. 2. Oréhotriænes (he ts nr) rhabdome droit ou légèrement courbé, long de 1 à 2 millimètres, épais de 40 à 60 pe à sa base ; cladome à clades assez grêles à la base (35 à 40 p d’épais- seur), d’abord dressés, puis, à environ 70 x de leur origine, subitement courbés en une pointe à peu près de même longueur qui tend à devenir parallèle au rhabdome. II. Microsclères : 3. Chiasters somales (fig. 8, c) ayant huit à dix actines cylin- driques, renflées à leur extrémité et longues de 6 à 8 w. 4. Oxyasters du choano- some (fig. 8, e) à six à douze actines lisses, coniques, pointues, de même longueur ou plus longues que celles des chiasters ; on en trouve parfois quelques-unes dont les actines, moins nombreuses (quatre à six), atteignent jusqu’à 25 & de longueur. Couleur. — Stelletta Grubei est tantôt blanche dans toutes ses parties et tantôt plus ou moins colorée en gris ou en brun à la surface. Habitat. — Divers points des côtes d’Angleterre (West Ireland, South Devon, Saint-Georges Channel); Adriatique ; Naples ; îles normandes (Sark, Herm, Guernesey); Roscoff (grotte de Rec'hier Doùn); Cette (Stelletta anceps Schmidt); Banyuls. Ce n’est assurément pas à ses caractères extérieurs qu'on recon- naîtra d’une façon certaine Séelletta Grubei; ils manquent trop de Gxité. L'examen attentif de sa spiculation conduira seul à une dé- termination exacte. La forme des orthotriænes, la gracilité relative et la courbure brusque de leurs clades, la longueur de leur partie distale récurvée, doivent être surtout prises en considération. Au- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 347 cune des Sfelletta qu’il nous reste à passer en revue ne possède de triænes semblables. Lendenfeld (42) a accordé beaucoup d'importance à ce fait qu'on peut trouver dans le choanosome des oxyasters à actines peu nom- breuses et longues de 20 w. Je pense qu’il s’est exagéré la valeur de ce caractère, Car je n’ai pu découvrir de pareilles oxyasters dans une Stelletta Grubei de Banyuls, alors que j'en avais constaté la présence chez un individu de Roscoff. En outre des spicules précités dans la diagnose, on voit, paraît-il, quelquefois des orthodragmates, comme ceux de nos Pilochrota (pl: XIV, fig: 1,2et3,r), mais il ny en a jamais beaucoup et même il se peut qu'ils fassent complètement défaut. Pour ma part, je n'en ai point aperçu dans mes préparalions. Léndenfeld a dessiné (42, pl. IT, fig. 34) un triæne, dont un clade se bifurque vers son extrémité. Hanitsch nous apprend (+) qu'on observe à l’occasion quelques dichotriænes. Il signale aussi des pro- triænes, mais c’est probablement d’orthotriænes grêles qu’il veut parler. Quant aux spicules à crans trouvés par Hanitsch à la surface d'un échantillon (%, pl. XIV, fig. 1 et 2), dans une région servant de sup- port à un Sycon ciliatum, il n'en faut pas tenir compte. Ges priono- rhabdes, comme il les appelle, sont de nature calcaire; ils appar- tiennent au Sycon et non à la Stelletta, et assurent sa fixation. Beaucoup de Calcarea produisent des organites ainsi adaplés qui né ressemblent en rien aux spicules composant le reste de la charpente. Stelletta Grubei acquiert souvent de grandes dimensions. L'indi- vidu que j'ai recueilli à basse mer de grande marée dans la grotte de Rec'hier-Doun, à Roscoff, mesurait 8 centimètres de longueur, 8 centimètres de hauteur et 35 millimètres d'épaisseur. On en con- naît de bien plus volumineux. Sa surface, floconneuse, offrait un point d'attache à une grande quantité de petites Éponges calcaires. Des tubes de Serpules pénétraient sa base. Sur la partie gauche de 348 E. TOPSENT. la figure 7, qui le représente (pl. XII), on apercevra de grands trous correspondant aux Canaux larges du système aquifère ; cette région a été coupée dans le but de montrer l'épaisseur de l'écorce, mais la photographie, marquant seulement une ligne sombre autour du choanosome, n à pas une netteté suffisante, et surtout ne reproduit pas les chones poraux, d’ailleurs assez indistincts même dans des conditions d'observation bien plus favorables. L’écorce, dont Auchenthaler, en 1889 (4), a fait une étude détail- lée, est fibreuse dans sa portion profonde ei imite des cavités superficielles discontinues. La chair est blanche, assez compacte; le mésoderme est sarcenchymateux et les corbeilles vibratiles appar- tiennent au type aphodal. Dans les divers individus, les dimensions des mégaselères varient. J'ai trouvé, par exemple, les triænes sensiblement plus grands dans le spécimen provenant de Roscoff (pl. XII, fig. 8, r), que dans d’autres échantillons pris à Banyuls. Que les Zethya Collingsii et T. Schmidtii de Bowerbank représen- tent une seule et même espèce”, et que cette espèce s'identifie avec Stelletta Grubei Schmidt, cela ne fait de doute pour personne au- jourd’hui. La liste des synonÿmes de Stelletta Grubei est d’ailleurs fort longue. Elle a subi dans ces derniers temps plusieurs remanie- ments successifs. Marenzeller (45) à émis l'avis que Stelletta boglici Schm., S. dorsigera Schm. et S. anceps Schm. ne diffèrent pas spécifiquement de S. grubii Schm. Vosmaer (43) partage cette manière de voir. Mais Lendenfeld (42) a tenu à conserver Stelletia dorsigera et S. Boglhcii comme deux espèces valables. En ce qui concerne Stellelta dorsigera, lopinon de Lendenfeld me semble justifiée, et les figures S et 6 de la planche XIIT, ainsi que la description qui va suivre me paraissent la confirmer. Enrevanche, je suis convaincu que Stelletta Boglicii, avec son synonyme S$. coac- 1 Les tylostyles indiqués par Bowerbank (2, vol. LIT, pl. XV, fig. 14) chez Tethya Schmidtii appartiennent, en réalité, à quelque Suberites qui s’étail installée à sa surface. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 349 lura Bow.!, ne doit pas être séparée de Stelletta Gruber. Les motifs de cette distinction allégués par Lendenfeld sont des plus futiles. L'abondance éventuelle de corps étrangers à la surface de cette Éponge ne saurait passer pour un caractère spécifique de quelque valeur ; cela dépend évidemment des conditions du milieu où elle se développe ; il eût été bien difficile, par exemple, à l'échantillon de Roscoff en question, vivant dans une grotte lavée par des cou- rants violents et sur un fond sans débris, d’incorporer de petites pierres à sa surface. Puis, en ce qui concerne les oxyasters à actines peu nombreuses el longues de 20 x, dont l'absence serait remar- quable chez Stelletta Boglicu, j'ai déclaré plus haut que toutes les Stelletta Grubet n’en produisent pas dans le choanosome. Enfin, il nous faut remarquer combien ressemblent à ceux de Stelletta Grubei les triænes de Stelletta Boglicü au sens de Lendenfeld. Stelletta dorsigera Schmidt. (PI. XIII, fig. 5 et 6.) Syn. : 4864. Stelletta dorsigera, Schmidt (49, p. 31; pl. HE, fig. 6 et 7). 1888. Astrella dorsigera (Schm.), Sollas (26, p. 182). 1889. Séelletta grubii (pars), Marenzeller (45, p. 10). Éponge massive, arrondie, couverte sur tout ou partie de sa surface de co- nules hauts de 2 à 10 millimètres. Écorce épaisse (3 à 6 millimètres). Chones poraux distincts. Oscules (?). Spicules. — 1. Mégasclères : 4. Oxes (fig. 6, o) droits, fusiformes, pointus, longs de 3 millimètres environ et épais de 55 à 65 m. Quelquefois tronqués à un bout, ils se transforment en styles (fig. 6, s) plus courts que les oxes normaux, mais de même grosseur qu'eux. 2. Orthotriænes (fig. 6, t) robustes. Rhabdome droit ou légèrement courbé, long de 122,6 à jum,8, épais de 70 y et souvent davantage, Cladome à elades courts et gros, peu recourbés, longs de 100 à 150 y seulement et épais de 50 pe à la base; il subit fréquemment des déformations el l’atrophie d'un de ses clades est commune (fig. 6, u-y). IL. Microsclères : 3. Chiasters somales (fig. 6, c) à actines cylindriques, tron- quées, longues de 4 à 6 y, finement épineuses. 4. Oxyasters du choanosome (fig. 6,e), ayant cinq à dix actines lisses, coniques, longues de 8 à 10 pr. i Sollas n’a pas revu, sur le spécimen type de Ecionemia coactura déposé au British Museum. les anatriænes dont Bowerbank a donné une figure (®, vol. IIÏ, pl. LXXXII, fig. 19). Saus doute il s'agissait simplement de corps étrangers. 350 | E. TOPSENT. Couleur, — La chair est toujours blanc jaunâtre, mais l'écorce varie du gris au brun plus ou moins foncé. Habitat. — Lesina (Schmidt), Trieste (Lendenfeld), Naples (Vosmaer, 39), Banyuls. Marenzeller (45) et Vosmaer (43) ont confondu Stelletta dorsigera avec Stelletta Grubei. Elle s’en distingue en réalité fort bien, à la fois par sa physionomie et par la forme de ses triænes. Il convien- drait peut-être de n’invoquer qu'en second lieu ses caractères exté- rieurs, à cause des variations auxquelles ils sont sujets chez d’autres Éponges; toutefois, jusqu'à présent, ils paraissent nettement accu- sés chez tous les individus. Le spécimen type recueilli par Schmidt à Lesina, le spécimen, provenant sans doute de Trieste, figuré par Lendenfeld (42, pl. I, fig. 4et 3), et celui que j'ai photographié à l'état sec (pl. XI, fig. 5), présentent tous de hauts prolongements coniques de la surface qu'on chercherait en vain sur les échantil- lons figurés de Stelletta Grubei. Quoi qu'il en soit, d’ailleurs, Îles triænes rendent toute confusion désormais impossible. Il suffit de les comparer côte à côte pour reconnaître que ceux de Stelletia dorsigera sont beaucoup plus robustes et plus massifs que ceux de Stelletta Grüubei. Leurs clades, très épais à la base, restent propor- tionnellement bien plus courts et ne se recourbent que fort peu eb seulement sur une faible longueur. Cela ressort aussi manifeste- ment de mes dessins que de ceux de Lendenfeld ; je n'hésite donc pas à adopter la manière de voir de cet auteur en ce qui concerne l'espèce en question. L'individu, malheureusement unique, qui à entraîné ainsi ma conviction, a été dragué à Banyuls, au voisinage du Cap l’Abeille, par 23 ou 30 mètres de profondeur. C'était une belle Éponge gri- sâtre au dehors, jaune clair en dedans, libre de toute attache el plane à sa base, sans trace de déchirure. Je ne l'ai photographiée qu'après l'avoir fait dessécher et l'avoir débarrassée du sable, des corps étrangers de toute nature et surtout des touffes de Bryo- zoaires qui remplissaient les intervalles entre ses conules, fl n’est ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 351 resté en place, à gauche, qu'une colonie de Cellépores incrustée dans son écorce. À cet état, le spécimen, malgré une grande dimi- nution de son volume primitif, mesure encore 12 centimètres de longueur, 10 centimètres de largeur et 5 centimètres de hauteur. En un mot, il se montre, comme ceux que Lendenfeld a étudiés, sensiblement plus large que haut. Les conules font à peu près . défaut à sa partie supérieure et manquent tout à fait à sa face infé- rieure où l'écorce semble avoir été lissée avec un peigne en rayon- nant du centre à la périphérie ; mais ils deviennent innombrables sur ses flancs et prennent l’aspect de languettes aplaties, hautes de 5 à 10 millimètres. L'écorce, coriace, est épaisse, entre les conules, de 3 m et davan- tage; elle a pour soutien les triænes; beaucoup de ces spicules appuient aussi leur cladome à sa face profonde. Les oxes constituent la charpente du choanosome et se disposent en lignes radiales. Les chiasters somales s’accumulent dans la couche externe de l’ecto- some: on en retrouve encore, mélangée aux oxyasters, une forie proportion dans la chair, surtout au voisinage des Canaux. Pour tous autres détails d'anatomie de cette Éponge, je ne puis mieux faire que de renvoyer le lecteur au mémoire très étendu que von Lendenfeld a consacré à l’étude des Stelletta de l’'Adriatique (42). Stelletta hispida (Buccich) Marenzeller. (PI. XIII, fig. 9.) Syn. : 1886, Ancorina hispida, Buccich (44). 1889. Séelletta hispida (Bucc.), von Marenzeller (Sp 12; pl es) 1890. Stelletta hispida (Bucc.) Marenz., von Lendenfeld (42, p. 46; pl. 1, IV, IX et X). Éponge massive, subsphérique ou irrégulière et plus ou moins étendue, ou même encroûtante; elle peut atteindre 3 centimètres d'épaisseur, Surface par- tout longuement hispide, chargée, à l’occasion, de corps étrangers. Écorce épaisse de 2 millimètres environ. Chones poraux de type cribriporal, relative- ment larges. Oscules petits, épars ou réunis en groupes peu importants. Spicules. — 4. Mégasclères : 1. Oxes. Il en existe deux sortes, avec intermé- diaires. Les uns, composant presque exclusivement le squelette du choanosome 392 E. TOPSENT. et prenant part, en outre, dans une large mesure, à la constitution de la char- pente ectosomique, sont puissants, longs de 3 millimètres et davantage (5 milli- mètres à 32,5, d’après Lendenfeld) et épais de 50 à 60 &; le plus générale- ment droits, ils s’infléchissent quelquefois en leur milieu. Les autres, surtout nombreux dans l’ectosome, sont grêles, toujours droits et ne mesurent que jum,{ à 4mm,6 pour une épaisseur de 13 à 17 y au centre. 2. Plagiotriænes (fig. 9, p) à rhabdome ordinairement pointu, droit ou, plus fréquemment, courbe, et atteignant 122,6 à 2m,2 (jusqu à 3 millimètres, d'après Lendenfeld, et 3mm,3, d’après Marenzeller) de longueur sur 80 & d'épaisseur. Le cladome à des clades robustes, dirigés en avant et recourbés en dehors et formant sur le rhabdome un angle d'environ 140 degrés; larges de 45 à 60 p à La base, ces clades mesurent une longueur de 175 à 250 II. Microsclères : 3. Chiasters somales (fig. 9, c) possédant cinq à huit actines sans centrum, lisses, cylindriques, tronquées ou légèrement renflées à leur extrémité, longues de 3 w à 3 p et demi. +. Oxyasters du choanosome (fig. 9, ce) à cinq à dix actines lisses, coniques et pointues, longues de 5 p. Couleur. — Chair blanc jaunâtre; écorce incolore ou brun clair. Habitat, — Lesina (Adriatique); Banyuls (golfe du Lion). Stelletta hispida n'avait encore été signalée qu’à Lesina; nous la retrouvons à Banyuls, où elle n’est certainement pas rare Sur les conglomérats à Mélobésiées du cap l'Abeille. J'en ai recueilli deux échantillons, l’un fragmenté, l’autre complet et massif, mesurant 14 millimètres de diamètre à sa base et 18 millimètres de hauteur. Tous deux m'ont offert mêmes détails de spiculation et mêmes caractères extérieurs. L'espèce se distingue des autres Sfelletta par la forme de ses triænes à clades courts et trapus, dressés et recourbés en dehors et par l’exiguité relative de ses deux sortes d’asters. Chez Sfelletta pumex, la seule qui, possédant aussi des plagiotriænes, pourrait prêter à confusion, ces spicules, plus faibles, ont des clades plus longs à proportion, et plus grêles ; en même temps, les deux sortes d’asters acquièrent des dimensions plus considérables. L'hispidation de la surface mérite aussi d'être prise en sérieuse considération; elle est haute (2 millimètres au-dessus de l'écorce), serrée et continue. Elle ne diffère pas assez de celles des Séelletta stellata et S. pumex pour rendre l'espèce reconnaissable à première ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 353 vue : mais elle permet de la séparer très vite de Stelletta Grubei et S. dorsigera. Mes deux échantillons m'ont mis à même de vérifier la plupart des indications (bien plus complètes, à coup sûr, que celles de la description originale de Buccich) fournies par Marenzeller et Len- denfeld au sujet de cette Éponge. Ils m'ont aussi révélé certaines variations sur lesquelles je dois insister pour éviter tout embarras au lecteur peu expérimenté. En premier lieu, l'écorce fibro-spiculeuse, que Lendenfeld a décrite « Kaffeebraun », m'a paru tout à fait incolore, vitreuse. Par un hasard assez singulier, je n’ai également observé de Stelletta Grubei et S. dorsigera, à Roscoff ou à Banyuls, que des spécimens à ecto- some blanc ou gris clair ou accidentellement sali par des impuretés, alors que, au dire des auteurs, ces Éponges, dans l'Adriatique, se colorent la plupart du temps en brun plus ou moins foncé. N'aita- chons pas trop d'importance à ces constatations en apparence con- tradictoires, puisque, de son côté, au cours de ses recherches sur Stelletta Grubei, Auchenthaler a rencontré des échantillons pig- mentés et d’autres dépourvus de pigment. Lendenfeld a beaucoup insisté (42, p. 50) sur les oxes de Stelletla hispida. I\ en a distingué deux sortes, l’une droite, l’autre coudée au centre. Les oxes coudés, plus nombreux, seraient présents sur toute l'étendue des faisceaux spiculeux, tandis que les oxés droits affec- teraient une tendance à se localiser à la surface du corps. Dans mes échantillons, ces deux formes passent de l’une à l’autre : les oxes les plus grêles, abondants dans l’ectosome, sont généralement droits et très pointus ; mais il en est le plus souvent de même des oxes robustes des régions profondes; çà et là seulement on en aper- coit de plus ou moins courbés vers le milieu de leur longueur. Quelques-uns des oxes de grande taille émoussent leurs pointes ou, au contraire, s’amincissent brusquement à une bonne distance de chacune de leurs extrémités. D’après Lendenfeld (42, p. 50), dans cette Stelleta, les clades des ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T. 11. 1894. 23 304 E. TOPSENT. triænes ne se déformeraient ou ne s’atrophieraient que très excep- tionnellement. Cependant, on ne saurait compter sans les aptitudes individuelles, et, précisément, sous ce rapport, mes deux échantil- lons offrent un certain intérêt, car leurs plagiotriænes ne possèdent jamais un cladome parfait (pl. XI, fig. 9, p). Dans ses traits principaux, l'anatomie de Stelletta hispida ne dif- fère pas de celle des Séelleita déjà étudiées. L'agencement des spi- cules est conforme à ce que nous connaissons. Les oxes se dispo- sent dans le choanosome en files radiales solides, bien visibles même sur une coupe macroscopique. Ils pénètrent avec les triænes dans l’ectosome et contribuent autant et même plus qu'eux à pro- duire l’hispidation longue de la surface. Les chiasters, accumulées dans la zone externe de l'écorce, se distribuent aussi dans toute la chair, surtout au voisinage des Canaux aquifères et s’y mêlent aux oxyasters, asters propres du choanosome. Stelletta stellata Topsent. (PI. XIII, fig. 4.) Origine : 1893. Stelletta stellata, Topsent (8'#, p. XIII). Eponge massive, informe, dressée ou irrégulièrement étalée. Écorce épaisse et longuement hispide. Chones poraux distincts. Oscules larges de 0m®,3 à 12,2, et distants de 2 à 3 millimètres, situés tous dans une même région du corps. Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Oxes (fig. #, 0) fusiformes, robustes, droits ou, plus rarement, quelque peu courbés, bien pointus aux deux bouts, longs de 9mm,5 à 3 millimètres, épais de 75 à 85 . Gà et là, ils peuvent se transformer en styles fusiformes (fig. #, s) tout aussi gros, mais un peu moins lonps (122202) 9. Orthotriænes (fig. 4, {, b) robustes, à rhabdome épais de 70 y, toujours courbé, le plus souvent pointu, et long de 1mm,5, quelquefois tronqué et rac- courci. Cladome presque toujours trappé d'atrophie partielle et réduit à un ou deux clades, les autres se présentant comme autant de moignons arrondis. Les clades développés sont épais et courts : ils mesurent 35 à 40 de diamètre à la base et seulement 65 à 75 & de longueur; ils s'étendent à peu près horizontale- ment et leur pointe se recourbe en dedans. IL. Microsclères : 3. Chiasters somales (fig. #, c) à sept ou huit actines lisses, cylindriques, longues de 5 p, où plus nombreuses, plus coniques, parfois bien plus grêles ; il y a, par suite, un passage graduel du type chiaster au type oxyaster, sans augmentation de taille, 4. Oxyasters du choanosome (fig, #, e) ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 355 ayant huit à douze actines lisses, coniques, atteignant une longueur de 20 y et une épaisseur de 3 & à la base, ou de plus en plus petites jusqu’à un minimum de 10 y de longueur pour une épaisseur de 1 &. Couleur. — Ecorce d’un blanc nacré, chair d’un blanc laiteux. Habitat. — Banyuls (cap l’Abeille), par 30 à 40 mètres de profondeur. La diagnose de cette espèce est établie d’après deux spécimens dragués à plusieurs mois d’intervalle dans les parages du cap l’Abeille. L'un, fragment cylindrique, dressé, mesure 1 centimètre de diamètre et 13 millimètres de hauteur. L'autre, complet, enche- vêtré dans un conglomérat de Mélobésiés, forme avec ces corps étran- gers une masse elliptique, déprimée, sessile, longue de 3°,5 et épaisse, par places, de 3 centimètres. Dans les deux cas, la surface se fait remarquer par son hispida- tion serrée, continue et seulement un peu moins haute que celle de Stelletta hispida. Un dépôt boueux, qui souille Péchantillon frag- menté, cache entièrement ses orifices aquifères. Mais on les voit avec facilité sur le plus bel individu. Les oscules, béants, se réunis- sent en groupe, sans cependant se presser beaucoup les uns contre les autres. L’ectosome acquiert une épaisseur de 2 à 3 millimètres ; il tranche par sa blancheur nacrée sur le choanosome opaque et laiteux. Les oxes et les triænes qui terminent les lignes radiales de la charpente squelettique le traversent et le hérissent de leurs pointes raides, fort désagréables au toucher. C’est surtout sa spiculation qui rend Stéelletta stellata intéressante. La combinaison de gros orthotriænes à clades courts et d'asters choanosomales très particulières permet de distinguer cette espèce de toutes ses congénères. On ne court aucun risque de la confondre avec Sfellelia hispida ou $. pumex, qui possèdent des plagiotriænes au lieu d'ortho- triænes, c'est-à-dire des triænes à clades dressés et recourbés en dehors (voir pl. XIIT, fig. 9, p). Ici, les triænes, recourbant leurs clades en dedans, se montrent 356 E. TOPSENT. de même type que ceux de Stelletta dorsigera et S. Grubei; ils res- semblent même d'assez près à ceux de S. dorsigera. Stelletta stellata diffère de S. dorsigera par ses caractères exté- rieurs et par ses microscières, chiasters somales passant au Îype oxyaster, et oxyasters du choanosome à actines très grandes et en même temps fort nombreuses. J'insiste moins sur les triænes ; je les ai trouvés, il est vrai, presque tous difformes dans les deux spéci- mens que J'ai rencontrés jusqu'ici; mais je dois me souvenir que Je n’en ai vu aussi que de monstrueux chez les Stelletta hispida de Ba- nyuls, alors que Lendenfeld déclarait remarquable leur perfection dans l’Éponge qu’il à examinée. Le hasard peut m'avoir mal servi en ne mettant à ma disposition que des individus entachés d’un vice de conformation. Comparée à Stelletta Grubei, S. stellata se distingue d’abord par ses mégasclères bien plus puissants, par les clades trapus et à peine recourbés de ses triænes, et puis par ses microsclères. Les grandes oxyasters (pl. XHI, fig. 8, g) qu'on aperçoit Cà et là dans le choano- some de Stelletta Gruber ne ressemblent pas à celles de $. stellata ; elles ont des actines à peu près aussi longues, mais seulement au nombre de cinq ou six, COMME si cette réduction de leur nombre devait compenser leur élongation exceptionnelle ; elles sont, en un mot, occasionnelles. Chez Sielleita stellata, au contraire, les grosses oxyasiers sont normales ; à vrai dire, toutes n’atteignent pas une taille aussi considérable que celles que j'ai iigurées en e (fig. 4), mais les plus belles existent en forte proportion. Genre Penares Gray. Stellettidæ à deux sortes de microsclères, dont l’une est un micro- rhabde (microxe), et l'autre, quand elle existe, une aster. Les mi- croxes, répandus dans tout le choanosome, s'accumulent en une couche dense dans lecitosome mince. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 357 Penares Helleri (Schmidt) Gray. (PI. XI, fig. 4.) Syn. 1864. Stelletta helleri, Schmidt (20, p. 32; pl. I, fig. 8). 1867. Penares helleri (Schm.), Gray (4, p. 542). 1881. Stelletta helleri Schm., Vosmaer (39, p. 4). 1882. Stelletta helleri Schm., Weltner (46, p. 46; pl. IL, fig. 21). 1888. Papyrula helleri (Schm.), Sollas (26, p. 190) 1889. Papyrula heileri (Schm.) Soll., Marenzeller (45, p. 17; pl. HI, fig. 7). 1890. Penares helleri (Schm.) Gray, Vosmaer (43, p. 37). Éponge peu ferme, massive ou étendue sur les pierres en une croûte de con= tours irréguliers et d'épaisseur inégale. Surface glabre. Ectosome mince, spicu- leux. Chones poraux de type uniporal, nombreux, équidistants, larges de 55 à 80 &. Oscules solitaires, rares, un peu surélevés, d’un diamètre de 1 millimètre environ. Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Oxes (fig. k, 0) pointus, droits ou légèrement courbés, mesurant en moyenne 12,2 de longueur et 25 uv d'épaisseur. 2. Di- chotriænes (fig. 4, d). Rhabdome relativement court, fusiforme; quelquefois mu- croné par déformation de sa pointe; longueur, 390 pm; épaisseur, 30 &. Cladome horizontal à protoclades plus courts que les deutéroclades; longueur des proto- clades, 28 à 90 p; longueur des deutéroclades, 126 à 240 p; il peut arriver qu'un deutéroclade ou deux s'atrophient, ou qu'au contraire ils se divisent à leur tour. IL. Microsclères : 3. Microxes (fig. 4, m) fusiformes, pointus, lisses, souvent un peu courbés; ordinairement centrotylotes, ils le sont peu ou point chez certains individus: leur longueur varie de 20 à 175 y et leur renflement médian atteint, chez les plus grands, 8 à 10 de diamètre. 4. Oxyasters (fig. 4, «) à actines lisses, coniques, pointues, plus ou moins confluentes à la base, en nombre variable, d'autant plus longues et grosses qu’elles sont moins nombreuses ; leur diamètre, comme l'indique Marenzeller, oscille entre 20 et 55 p. Couleur. — Chair blanc jaunâtre. Ectosome blanc et, par places, brun noi- râtre, surtout dans les points les plus élevés et au voisinage des oscules. Habitat. — Lissa (Adriatique); Naples. Banyuls, sur les conglomérats à Mélo- bésiées du cap l’Abeille, par 30 à 40 mètres de profondeur; assez commune. L’ectosome de Penares Helleri est une pellicule coriace, mince et flexible, détachable par lambeaux. Il se charge de microxes de toute taille qui s’enchevêtrent en tous sens, les plus petits abondant sur- tout à la périphérie et au pourtour des stomions ; il contient aussi, JON E. TOPSENT. | dans la profondeur, une certaine quantité de grands oxes couchés tangentiellement à la surface; enfin, il embrasse dans sa zone in- terne le cladome des dichotriænes. Les chones poraux, de type uni- poral, aussi larges en dehors qu’au dedans, le percent de part en part, sans se différencier en ectochone et endochone. Il m'a paru en majeure partie collenchymateux, sans couche contractile distincte. il renferme des celluies sphéruleuses d’un diamètre de 17 x, à sphé- rules grosses et brillantes, semblables à celles de Penares candidata (pl. XVI, fig. 10), et contenant, dans les régions éclairées, une ma- tière brunâtre à laquelle l'Éponge doit à peu près exclusivement sa coloration. Le choanosome, blanc jaunâtre, est sillonné par de larges canaux. ll se montre riche en cellules sphéruleuses de même sorte que celles de l’ectosome, mais incolores. On y trouve les oxyasters, abon- dantes, et, avec elles, encore une multitude de microxes. Des oxes constituent sa charpente véritable. Le mésoderme est un peu sar- cenchymateux et les corbeilles vibratiles appartiennent au type aphodal. Pour tenir compte de la parenté évidente de Stelletta helleri Schm. (1864) et de Papyrula candidata Schm. (1868), Sollas à con- verti (26) la dénomination de la première en celle de Papyrula hel- leri. Mais Vosmaer a fait observer (43) que, dès 1867 (4), Gray avait créé spécialement pour Stelletta helleri le nom générique Penares. D’après les règles de priorité, l'Éponge doit, en définitive, s’appeler Penares Helleri (Schm.) Gray. Penares candidata Schmidt. (PI. XII, fig. 5; pl. XVI, fig. 10 et 11.) Syn. 1868. Papyrula candidata, Schmidt (22, p. 18; pl. IV, fig. be 1888. Papyrula candidata (Schm.), Sollas (26, p. 199). 1890. Penares helleri (Schm.)? Vosmaer (43, p. 37). Éponge peu ferme, massive, informe, souvent étendue en plaques irrégulières, épaisses de 1 à 2 centimètres. Surface glabre. Ectosome mince, spiculeux. Ghones poraux de type uniporal, nombreux, à peu près équidistants, larges de 70 » en ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 359 moyenne. Oscules solitaires, rares, un peu surélevés, d’un diamètre de 1 milli- mètre environ. Spicules. — I. Mégasclères : 1. Oxes (pl. XIE, fig. 5, 0) pointus, souvent cour- bés, mesurant 823 p à 1mw,2 de longueur, et 23 à 25 a d'épaisseur. 2. Dicho- triænes (pl. XIE, fig. 5, d). Rhabdome relativement court (265 y) et épais (30 y). Cladome horizontal à protoclades plus courts que Îles deutéroclades; longueur des protoclades, 76 g; longueur des deutéroclades, 165 pr. II. Microsclères : 3. Müicroxes (pl. XIL, fig. 5, m) fusiformes, pointus, lisses, souvent un peu courbés, centrotylotes où non dans un même individu ; leur lon- gueur varie de 30 à 250 y. Pas d’oxyasters. Couleur. — L’abondance des microxes fait parfois paraître l’ectosome tout blanc, mais, d'ordinaire, il est vert pâle, et, par places, noirâtre, notamment au voisinage des oscules. Le choanosome, vert clair pendant la vie, reste vert jau- nâtre dans l’alcool. Habitat. — Côtes d'Algérie (Schmidt); Banyuls, cap l’Abeille, par 30 à 40 mètres de profondeur; cap Creus, par 90 à 100 mètres. Penares candidata ne diffère de P. Helleri que par sa couleur et, principalement, par l'absence complète d’oxyasters dans toutes ses parties. La matière colorante s’emmagasine dans des cellules sphéruleuses (pl. XVI, fig. 10) d’un diamètre de 17, à sphérules grosses (3 1) et réfringentes. Abondantes dans le choanosome, ces cellules sont éparses dans l’ectosome et leur effet se trouve atténué par l'énorme quantité de microxes qui les entourent, toutefois, dans certaines ré- gions du corps, la substance colorante qu’elles renferment passe du vert clair au brun foncé et l'écorce devient noirâtre. Sur les coupes, ces éléments apparaissent, comme ceux de Erylus stellifer (pl. XVI, fig. 18, v), vésiculeux avec un noyau fort petit d’où rayonnent des stries figurant sans doute la trame des sphérules. En général, les sphérules brunies conservent, dans ces conditions, leur contour un peu mieux que les autres. Il existe, répandues en faible proportion par toute l’Éponge, des cellules sphéruleuses d’une seconde sorte (pl. XVI, fig. 11), un peu plus grosses (diam, 20 y), incolores, mais chargées de granules de nature indéterminée, constituant peut-être une réserve nutritive. | 360 E. TOPSENT. L'ectosome, aussi mince que celui de Penares Hellerr et ne dépas- sant pas 100 L d'épaisseur, est une simple pellicule dans laquelle, avec les microxes, on trouve encore, tangentiels à la surface, de grands oxes ainsi que les cladomes des dichotriænes. Il est surtout collenchymateux ; toutefois, on ne peut douter qu'il possède, si peu développé soit-il, un système contractile homologue de celui des Stelletta, car on voit, tendus dans la lumière de quelques chones poraux, des sphincters, pleins ou criblés, dont le rôle est certaine- ment de régler le courant d’inhalation. Les cavités superficielles sont spacieuses, ce qui permet, comme chez Penares Helleri, de détacher l'écorce par lambeaux. O. Schmidt lui-même avait fait remarquer (22) la ressemblance profonde qui existe entre Sfelletta helleri et Papyrula candidata, et, pour séparer génériquement ces deux Éponges, il déclarait ne pou- voir invoquer d'autre caractère que l'absence d'oxyasters chez la dernière. Personne n'ayant recueilli de nouveaux spécimens de Papyrula candidata depuis 1868, Sollas se demandait, en 1888 (26), si la description tracée par Schmidt n'était pas incomplète et, par suite, s'il y avait lieu de maintenir cette prétendue espèce. «Comme Oscar Schmidt, disait-il, a fait preuve d’une tendance marquée à laisser passer inaperçus les microsclères des Éponges, il semble que la séparation des deux espèces repose sur une base bien fragile. » Ce doute, qui paraît avoir pris aussi quelque consistance dans l’es- prit de Vosmaer (48), est désormais dissipé. Que l’on considère comme deux espèces ou simplement comme deux variétés les Éponges en question, la description de Schmidt est d’une exactitude incontestable. Seule, la dénomination primitive de Papyrula candidata doit su- bir une modification : Stelletta helleri s’écartant réellement du type Stelletta, le genre Penares de Gray, malgré une diagnose insuffisante, ne peut être rejeté, et les règles de priorité imposent le devoir d'y rattacher aussi Papyrula candidata. Penares candidata est plus commune que P. Helleri dans les eaux ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 361 de Banyuls. Elle incorpore fréquemment dans sa masse des pierres, des coquilles ou des fragments d'Eschares. Une fois, je l'ai vue en- vahie par des Stephanoscyphus mirabrlis. Genre Sanrdastrella Topsent. Stellettidæ à deux sortes de microsclères; le microsclère addi- tionnel est une sanidaster. Ectosome fibreux, émettant de longs ap- pendices osculifères terminés par des bourgeons. Oscules indis- tincts, criblés. Pas d’orthodiænes ni d’orthomonænes (c'est-à-dire d’orthotriænes dont le cladome se réduit à deux clades ou à un seul). Sanidastrella coronata Topsent. (PI. XIII, fig. 1-3.) Origine : 1892. Sanidastrella coronata, Topsent (35%, p. XVII). Éponge massive, attachée par une large base et émettant de longues papilles osculaires dont l'extrémité se différencie en bourgeons. Surface non hispide mais rugueuse. Écorce épaisse de 1 millimètre. Chones poraux de type cribriporal, lacuneux, avec stomions étroits. Oscules cribreux, à proctions étroits s’ouvrant sur toute la surface des appendices cloacaux. Spicules. — I. Mégasclères : 1. Oxes fusiformes, droits, pointus. Il en existe de deux dimensions : les uns, principaux, sont longs de # à 5 millimètres, larges de 55 y au centre; les autres, accessoires, mesurent environ 1H0uS Sur 2. Triænes, tenant le milieu entre le type orthotriæne et le type plagiotriæne. Il en existe de deux dimensions: les uns, principaux (fig. 3, é), ont un rhabdome long de 15,6 à 1nm,9 et large de 80 & et un cladome à clades dressés, faible- ment recourbés à leur extrémité, longs de 220 w et larges de 45 à 50 y à la base; les autres (fig. 3, p), accessoires, de type plagiotriæne plus accusé, bien plus grèles, longs seulement de 600 à 800 &. Pas de dichotriænes. 3. Anatriænes. Il en existe de deux dimensions : les uns, principaux (fig. 3, 4), ont un rhabdome long de 1 millimètre et plus, sur 17 p. de large, et un cladome mesurant 88 y de corde et portant trois clades longs de 90 u; les autres, accessoires (fig. 3, m), ont à peu près la même longueur que les petits plagiotriænes. IL. Microsclères : 4. Oxyasters(fig.3, e) de deux dimensions : les unes, grandes, ayant huit à douze actines coniques, épineuses à leur extrémité, longues de 22 y et larges de près de 3 u à la base; les autres, à actines nombreuses, lisses, coniques, pointues, longues de 6 à 8 w. 5. Sanidasters (fig. 3, s), longues de 12 w, armées d’épines courtes, tronquées, éparses. Couleur. — Chair blanche ou blanc jaunâtre. Écorce brune. Habitat. — Baie de Banvuls ; profondeur, # mètres. Golfe de Rosas; profon- deur, 126 mètres. 262 E. TOPSENT. Je n'ai vu jusqu'à présent que deux spécimens de Santdastrella coronata. Le premier recueilli, provenant de la baie de Banyuls, est une petite Éponge fixée à l’aisselle d’un rameau de Cystoseire. Il s’en élève (pl. XIII, fig. 2) une seule papille, longue de 15 millimètres, sur laquelle s’observent deux étranglements circulaires, l’un, peu profond, situé vers le milieu de sa longueur, et l’autre, à la limite de ses trois quarts inférieurs et de son quart supérieur, très accentué, découpant une boule terminale portée sur un pédicelle grêle et sur- montée d’un bouquet de soies raides. Le second spécimen (pl. XIIT, tig. 1) a été dragué à 10 milles à l'Est du cap Norfeo, par une pro- fondeur de 126 mètres. Son corps forme une masse arrondie de 95 millimètres de diamètre, établie sur un groupe de tubes de Ser- pules. 11 émet six papilles longues de 2 centimètres, larges de 4 à 5 millimètres àla base, diversement contournées et terminées toutes dela même facon : à quelque distance de leur extrémité, elles pré- sentent un étranglement annulaire plus ou moins profond, isolant, par suite, plus ou moins complètement une boule ronde ou ovoïde prolongée en un bec pointu. La signification de ces boules terminales ne me semble pas dou- teuse : ce sont des bourgeons à divers degrés de différenciation. La plus petite Sanidastrella nous en montre deux bout à bout; l’un, proximal, encore en voie de formation ; l’autre, bien constitué, prêt à s’isoler et ne tenant plus au reste de la papille que par son pédi- celle spiculeux, décharné ; les soies qui le couronnent représentent un reste de pédicelle d'un bourgeon précédemment détaché. L’exa- men des six papilles du plus bel échantillon entraîne la conviction : deux des bourgeons sont presque mûrs et d’autres ne sont marqués que par un étranglement circulaire ; tous ont un bec pointu spicu- leux qui prouve que des bourgeons semblables se sont déjà égre- nés. C’est un mode de bourgeonnement qui rappelle celui que Mé- rejkowsky a décrit chez Rinalda arctica. Fort intéressante à cet égard, Sanidastrella coronata l'est encore à d’autres titres. Elle apparaît, grâce à ses papilles exhalantes, comme ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 363 un terme de transition entre les Disyringa et Tribrachium, d'une part, etles Ancorina, de l’autre. Le rôle de ces appendices est évident d’après leur constitution. A la base de chacun d’eux on voit aboutir un ou plusieurs vastes canaux efférents, qui se continuent entre son axe et son écorce par un système de cryptes spacieuses interrompues seulement par de minces piliers. L’axe, plein, et d’aspect vitreux, se compose de grands oxes droits, parallèles entre eux, serrés, cimentés par de la spongine incolore et peu développée. On le voit à nu de part et d'autre des bourgeons prêts à tomber, dont il forme le pédicelle grêle et le bec conique et compact, ou, accidentellement, frangé (fig. 2). Cette colonne spiculeuse s’entoure d'une mince couche de chair, où s'implantent les piliers qui traversent les cryptes pour maintenir l'écorce en place. Des mégasclères de deux dimensions servent de soutien aux piliers : ce sont d’abord des oxes grêles, des plagiotriænes grêles (fig. 3, p) et des anatriænes grêles (fig. 3, m), dont la pointe distale se perd ou dont le cladome s’épanouit dans la zone interne de l'écorce; puis, de grands orthotriænes (fig. 3, 6) et de grands anatriænes (fig. 3, a), qui, eux, pénètrent jusqu'à la zone limitante externe de l’écorce et souvent même la dépassent, rendant ainsi, par l’ensemble de leurs cladomes, la surface rugueuse et happant au doigt. Trois couches bien distinctes se superposent dans l’écorce ou ectosome. Ce sont, de dedans en dehors : 1° une couche fibreuse faite d'éléments contractiles étirés tangentiellement à la surface; 2% une couche collenchymateuse, plus épaisse, creusée, entre Îles faisceaux de gros triænes, de lacunes irrégulières, naturellement bien plus petites que les cryptes subcorticales, et qui représentent les chones osculaires : 3° enfin, une couche ectochrotique mince, chargée d’une quantité énorme de sanidasters et percée de proc- tions étroits dans les intervalles compris entre les eladomes des triænes. La couche ectochrotique paraît blanche ou grisâtre, en raison de 364 E. TOPSENT. la multitude des microsclères qui s’y localisent. La zone fibreuse est d'un blanc pur. Et cependant, l'écorce, dans son ensemble, prend une coloration brune assez foncée. Cela tient à la présence dans la couche collenchymateuse de nombreuses cellules sphéruleuses de grande taille (30 à 40 k de diamètre), qui renferment un pigment dissous. Par leur aspect, ces éléments diffèrent des cellules colorées de Penares candidata {pl. XVI, fig. 10) et ressemblent, au contraire, à celles que nous trouverons chez Séryphnus mucronafus (pl. XVI, fig. 12, p) : leurs sphérules sont mal marquées et le pigment s’y ré- partit d’une façon très inégale En dedans de la couche fibreuse, ces cellules brunes existent aussi, en assez forte proportion, dans le revêtement des cryptes subcorticales et de leurs piliers. L'eau que les canaux efférents déversent dans les cryptes pé- nètre, par des solutions de continuité de la couche fibreuse, qu'on peut considérer comme des endochones, dans les ectochones lacu- neux de la couche collenchymateuse et, de là, jaillit au dehors à travers les proctions. Les papilles sont donc des appendices cloa- caux à écorce criblée, comparables aux tubes exhalants des 7ribra- chium et Disyringa. Toutefois, leur différenciation n’est pas poussée aussi loin que chez ces derniers. Somme toute, il ne s’agit ici que de soulèvements locaux de l'écorce auxquels des faisceaux d'oxes, prolongeant les lignes squelettiques radiales du chaonosome, vien- nent prêter leur appui. Les divers spicules y conservent leurs formes et leurs positions normales, sans manifester la moindre tendance à se modifier en orthodiænes et en orthomonænes. En dehors des papilles, l'écorce acquiert un peu plus d'épaisseur, surtout dans sa partie fibreuse, qui atteint et même dépasse 077,5 ; au contraire, les lacunes intracorticales (ectochones poraux) et les cryptes subcorticales (cavités superficielles) deviennent moins Sspa- cieuses : tout se borne à des différences de détail. La spiculation et la structure de Sanidastrella coronata ressem- blent de très près à celles des Ancorina”; mais ses caractères exté- 1 Voir, à ce sujet, MARENZELLER (1 8, p. 13-16; pl. LI, fig. 5 et 6). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 365 rieurs (couleur, papilles et bourgeons) empêcheront toujours de la confondre un seul instant avec les deux Ancorina connues (À. cere- brum Schm. et A. radix Marenz.). Je demeure même convaincu de l'opportunité de l'en séparer génériquement, et de considérer, à cause de ses appendices cloacaux, le genre Sanidastrella comme un terme important de la série des Sanidasterina, qui s'élève des Stryphnus aux Disyringa. Genre Stryphnus Sollas. Éponges massives : ectosome collenchymateux, riche en méga- sclères sans ordre apparent. Mégasclères principaux : des oxes de grande taille, irrégulièrement distribués. Mégasclères de l’ectosome : des ortho-, plagio- et dichotriænes. Les microscières sont une forme uelconaque d’euaster et une sanidaster ou amphiaster. q Stryphnus ponderosus (Bowerbank) Sollas. (PI. XI, fig. 6 et 7; pl. XVE, fig. 6.) Syn. 1866. Ecionemia ponderosa, Bowerbank (2, vol. IE, p. 56; vol. IE, pl. VIIL fig. 8-15). 1871. Stelletta aspera, Carter (8, p. 7; pl. IV, fig. 7-15). 1888. Séryphnus ponderosus (Bow.), Sollas (26, p. 193). Éponge massive, irrégulière, étalée sur la roche ou dressée et plus où moins lobée. Surface tantôt à peu près lisse et tantôt hispide. Siomions épars, inégaux, souvent difficiles à voir. Oscules ? Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Oxes (pl. XIE, fig. 6, 0) fusiformes, légerement courbés, ordinairement pointus, rarement émoussés; leur longueur et leur lar- geur varient suivant les individus, la première de 12m,5 à 228,5, et la seconde de 35 à 50 p. 2. Dichotriænes (pl. XI fig. 6, €, d, fig. 9, d) de taille variable, sui- vant les individus : le rhabdome, droit et pointu, mesure 340 à 825 y de lon- sueur et 30 à 40 p d'épaisseur; les protoclades ont 74 à 95 et les deutéroclades 90 à 155 & de long. ; IL. Microsclères : 3. Oxyasters (pl. XIT, fig. 6 et 9, à) à actines nombreuses, lisses, grêles, pointues; diamètre, 23 à 25 p. 4. Amphiasters (pl. XIL, fig. 6 et 9, a), longues de 10 à 12, passant aux sanidasters ; leurs actines, grêles et poin- tues peuvent, dans certains cas, diminuer de nombre, mais, par compensation, celles qui subsistent augmentent d'épaisseur (comme en a de la figure 8, pl. XII). Couleur. — La chair est blanc jaunâtre et l’écorce reste parfois incolore aussi; 366 E. TOPSENT. mais, plus fréquemment, l'ectosome prend, sur toute la surface ou d’un côté seulement, une teinte brune plus ou moins foncée, qui persiste dans l'alcool comme aussi après dessiccation. Habitat. — Guernesey (Norman); côte sud du Devonshire (Carter); côte nord du Pays de Galles (Hanitsch) ; côte des Asturies, profondeur 134 mètres (Hiron- delle, st. 58); Roscoïf, grève. J'ai eu l’occasion d'examiner trois spécimens de cette Éponge, l’un recueilli à la grève de Roscoff, l’autre dragué par l’Hirondelle sur la côte des Asturies en 1886, le troisième provenant de Budleigh- Salterton et mis gracieusement à ma disposition par H.-J. Carter, qui l’avait décrit autrefois sous le nom de Sielletta aspera. L'échantillon de Roscoff, de forme aplatie, vivait fixé à une roche couverte de Balanes, de Serpules et de Bryozoaires. Sa surface est lisse, et blanche, comme sa chair, sauf d’un côté, où elle prend une teinte brun noir. Je ne lui vois pas d’oscule, mais les stomions, nombreux dans certains points, sont béants et mesurent 0"”,1 à Oum 3 de diamètre. La coloration est due à de grosses cellules sphé- ruleuses ellipsoïdes, longues de 33 y et larges de 22 k; elles existent dans toute l'Éponge, mais s’y montrent incolores, tandis que, dans la région périphérique, peut-être sous l'influence de la lumière, elles s’'emplissent d’un pigment dissous. Ues éléments sont comparables aux cellules, brunes aussi, de Sanedastrella coronata et de Stryphnus mucronatus (pl. XVI, fig. 12, p); le pigment se répartit d'une façon très inégale dans leurs sphérules mal marquées. Les oxes de l’indi- vidu en question n’atteignent que 122,540 de long sur 35 p d'épais- seur au centre. J'ai relevé, sur les dichotriænes, les mesures sui- vanties : rhabdome long de 450 à 500 p, large de 30 L; protoclades longs de 73 L; deutéroclades longs de 90 sm. Les amphiasters ont des actines grêles. Le spécimen de la côte des Asturies, conservé dans l'alcool, est massif, à peu près lisse, brun sur toute sa surface. Ses oxes mesu- rent 22,350 sur 50 u; le rhabdome de ses dichotriænes atteint 100 y sur 40, el, de leur cladome, les protoclades ont 93 & el les ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 367 deutéroclades 155 & de longueur. Ses amphiasters ont aussi des actines grêles. Quant au spécimen de Budleigh-Salterton, il est à peine coloré, mais notablement plus hispide que les précédents ; il possède de gros mégasclères, à peu près de mêmes dimensions que ceux du spécimen de la côte des Asturies (oxes, 2%%,5 de long; dichotriænes à rhabdome de 825 pu); enfin, il a des amphiasters à actines peu nombreuses et relativement épaisses (comme en a de la figure 8, pl. XI). Si donc l’on vient à comparer, entre eux et avec le spécimen type décrit par Bowerbank, ces divers échantillons, on constate que, chez Stryphnus ponderosus, la forme du corps, l’état de la surface, l'inten- sité de la coloration et l'étendue de la région pigmentée, la taille des mégasclères et l’aspect des amphiasters sont soumis à des varia- tions individuelles. Ce sont les oxyasters qui gardent le plus de fixité. Carter a été trompé par ce polymorphisme; les caractères aux- quels il s’est fié pour séparer de Æcionemia ponderosa Bow. sa Stel- letta aspera ne jouissent d'aucune valeur spécifique. Norman, le premier, a reconnu la synonymie de ces deux Éponges (2, vol. IV, p. 30). Seul, un léger doute-lui restait au sujet des spi- cules « cylindro-doliolate » mentionnés et figurés dans la monogra- phie de Bowerbank (2, vol. Il, pl. VII, fig. 15), et que Carter n’avait pas retrouvés. Sollas a, depuis, démontré (26, p. 194) qu'il s'agissait simplement de petits fragments des oxes. J'ai souvent, pour ma part, vu de semblables esquilles (pl. XVI, fig. 6) dans des préparations de Tétractinellides, et je me suis rendu compte, en les examinant de profil, comment, tronquées aux deux bouts el mar- quées de deux entailles obliques, juxtaposées et inverses, sur une de leurs faces, elles ont pu induire Bowerbank en erreur. 368 E. TOPSENT. Siryphnus ponderosus var. rudis. (PI. XII, fig. 7 et 8.) Syn. 1888. Séryphnus rudis, Sollas (26, p. 194). (?) 1889. Seiriola compacta, Hanitsch (6, p. 170; pl. VI). Une grande Tétractinellide massive, aplatie, irrégulhèrement lobée, à surface fortement hispide et brun foncé, recueillie dans le Kors Fjord, en Norvège, par le rév. A.-M. Norman, a paru à Sollas repré- enter une nouvelle espèce du genre Séryphnus, dont il a tracé ia diagnose, en 1888, sous le nom de Séryphnus rudis. Ce qui frappe tout d'abord chez cette Éponge, ce qui, d’ailleurs, lui a valu son appellation, c’est le développement extraordinaire de ses oxes corticaux, qui atteignent 7 millimètres de long sur 70 p de large, tandis que les oxes choanosomiques ne dépassent guère par leurs dimensions (2,86) les oxes de Séryphnus ponderosus. En rai- son des variations que nous venons de constater de la plupart des caractères de Séryphnus ponderosus, on serait en droit de se deman- der si l’on n’a pas affaire à une forme hispide de cette espèce. Gepen- dant, il y a autre chose dont on doit tenir compte. Les dichotriænes sont fort inégaux dans les divers échantillons connus de Stryphnus ponderosus ; quelquefois (rarement, à vrai dire), un de leurs deutéroclades s’atrophie; mais jamais, parmi eux, On n’observe de plagiotriænes. Chez Séryphnus rudis, au contraire, il existe un mélange réel de plagiotriænes bien conformés et de dichotriænes. Stryphnus rudis ressemble assez, à tous autres égards, à Séryphnus ponderosus, pour que le fait de leur séparation spécifique devienne matière à litige. On ne peut, en tout cas, faire moins que de consi- dérer le premier comme une variété du second, surtout tant quon n'aura pas, en ce qui concerne leurs triænes, découvert un terme de transition. De même, Séelletta fortis Vosmaer (44), rattachée à juste titre par Sollas au genre Stryphnus, semble intimement alliée à Séryphnus ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 369 ponderosus et pourrait bien en représenter une autre variété où les dichotriænes feraient entièrement place aux plagiotriænes. Puisque, chez d'autres Tétractinellides, telles que Cydontum con- chilequm et Ancorina cerebrum, par exemple, on voit les individus posséder, tantôt un mélange de dichotriænes et d’orthotriænes, et tantôt l’une seulement de ces deux sortes de mégasclères, l’hypo- thèse n’est pas insoutenable. Je rapporte donc à Stryphnus ponderosus var. rudis deux Éponges draguées par une centaine de mètres de profondeur au sud-ouest de Belle-Isle et au large du Croisic, et que m’ont communiquées MM. Chevreux et Nicollon. Les figures 7 et 8 de la planche XII sont consacrées à l’une d'elles. C’est une plaque, enroulée comme une oublie, longue de 11 centi- mètres et demi, qui devait vivre fixée à quelque support arbores- cent, car elle n’a subi aucune déchirure. Ses deux faces se monirent dissemblables : la supérieure ou interne, moins rugueuse et plus brune, porte des orifices inhalants, petits et nombreux; l'inférieure ou externe, plus fortement hispide et plus inégale, se perce de trous plus larges, dont beaucoup jouent sans doute le rôle d'oscules. Il est facile, même à l’état sec, de retrouver les cellules sphéruleuses pig- mentées auxquelles l’'Éponge doit la coloration de son écorce. Le choanosome est blanc. Sur l’un des rebords de l’oublie s’est instal- lée en commensale une Desmacella : les Tétractinellides rugueuses servent ainsi fréquemment de support à d’autres Spongiaires. Les plagiotriænes (pl. XII, fig. 8, p), à peu près en même propor- tion que les dichotriænes, ont un rhabdome long de 600 y, large de 40 u, et des clades longs de 290 p. Par leurs dimensions, les dichotriænes (fig. 8, d) diffèrent à peine de ceux du spécimen de Stryphnus ponderosus de la côte des Asturies dont il était question plus haut. Quant aux oxes, je n'ai pas vu qu'ils dépassassent 2 mil- limètres de long et 45 y. de large. Évidemment, il faut admettre que la variété rudis de Stryphnus ponderosus est, comme l'espèce typique, sujette à des variations individuelles sous le rapport du développe- ABCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉNo=— 3€ SÉRIE, — T, 11. 1894. 24 3170 E. TOPSENT. ment de ses mégasclères. Les amphiasters (fig. 8, a) ont des actines relativement épaisses et peu nombreuses, et se déforment souvent par atrophie partielle; elles ressemblent, par suite, à celles du frag- ment de Stryphnus ponderosus de Budleigh-Salterton que j'ai eu sous les yeux. Bien que sa surface ne soit pas hirsute, je ne suis pas éloigné de ne considérer Seiriola compacta Hanitsch (6), de la mer d'Irlande, avec ses dichotriænes mêlés de plagiotriænes, que comme un sÿno- nyme de Séryphnus ponderosus var. rudis, ou de S. rudis, si l'on tient à maintenir l'espèce. Il y aurait ici, comme chez Séryphnus ponde- rosus lui-même, des degrés dans l’état d’hispidation de l'écorce. Hanitsch a tenté (7, p. 227) de découvrir des différences généri- ques entre Séryphnus et Serriola, pour consolider le genre quil a créé un peu par méprise, mais il n’en cite pas de valable. Je crois avoir suffisamment démontré que la taille des oxes et l'aspect des amphiasters n’ont rien d'immuable chez ces Éponges. Stryphnus ponderosus variété rudis pourrait, en somme, être défini: Éponge massive, souvent aplatie, irrégulièrement lobée, plus ou moins his- pide, plus ou moins brune à la surface, et différant de Séryphnus ponderosus typique par l’existence. simultanée de dichotriænes et de plagiotriænes dans son squelette. Habitat. — Kors Fjord (Norvège) ; Puffin Island et North Wales (mer d’Ir- lande). — Parages de Belle-fsle. Stryphnus mucronatus (Schmidt) Sollas. (PI. XI, fig. 10; pl. XVI, fig. 12.) Syn. 1868. Séelletta mucronata, Schmidt (22, p. 19; pl. IV, fig. 2). 1880. Stelletta carbonarta, Schmidt (24, p. 280). 1882. Selletta carbonaria Schm., Weltner (46, p. 52; pl. IL, fig. 42). 1888. Stryphnus mucronatus (Schm.), Sollas (26, p. 193). 1888. Stryphnus carbonarius (Schm.), Sollas (26, p. 192). 1888. Séryphnus niger, Sollas (26, p. 171; pl. XIX). 1889. Séryphnus mucronatus (Schm.) Sol, Marenzeller (45, p. 16; pl. LE, fig. 4). 1890. Séryphnus carbonarius (Schm.) Soll., Vosmaer (43, p. 31). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 371 Éponge massive, irrégulière, parfois très volumineuse, souvent dressée sur son support. Surface hispide ou simplement rude, suivant les points. Écorce collen- chymateuse, épaisse de 42,5 à 3 millimètres, Stomions épars, inégaux, difficiles à voir. Oscules béants, peu nombreux, larges de À à 4 millimètres, situés ordi- nairement au sommet des lobes. Spicules. — I. Mégaselères : 4. Oxes (pl. XIL, fig. 10, 0) robustes, fusiformes, droits ou courbés, pointus ou, assez rarement, émoussés à un bout ou aux deux à la fois: longueur, 2 millimètres à 22,5; largeur au centre, 55 à 60 y. 2. Di- chotriænes (fig. 10, c, d) relativement faibles et à deutéroclades plus courts que les protoclades (comparer sous ce rapport, dans la planche XIT, c; fig. 10, avec c, fig. 6, et d, fig. 8); rhabdome droit et pointu, long de 400 à 450 , épais de 20 à 25 uv: protoclades peu dressés, longs de 70 ; deutéroclades horizontaux longs de 40 à 60 .. Les deutéroclades sont quelquefois frappés d’atrophie, et lorsque tous trois disparaissent, les dichotriænes se transforment en plagiotriænes (voir en p, fig. 10, une forme grêle de ces plagiotriænes); exceptionnellement, un deutéroclade peut se diviser à son tour (fig. 10, c). II. Microsclères : 3. Ampluasters (fig. 10, a) à actines cylindriques ; longueur, 10 à 13 p.. 4. Oryasters (fig. 10, b) à actines lisses, pointues, grêles, de nombre et de longueur inversement proportionnels; s’il y en a beaucoup, elles ne mesurent que 42 à 14 pm; dans le cas contraire, elles atteignent 18 à 20 y; il peut ne s’en développer que deux, et l’oxyaster devient un microxe centrotylote. Couleur. — Le plus souvent noire, quelquefois brun foncé. Habitat. — Côtes d'Algérie, Naples, Lesina (Adriatique); Port-Jackson (Aus- tralie), par 30 à 35 brasses; Banyuls, cap l’Abeille, par 30 à 40 mètres de pro- fondeur. O.Schmidt a fait connaître d’une façon par trop succincte ses Stel- letta mucronata (1868) et S. carbonaria (1880). Heureusement, Sollas a pu, en 1888, fournir au sujet de la première des renseignements complémentaires, d’après un spécimen de la collection du Muséum de Paris. Rapportant au genre Stryphnus ces deux prétendues espèces, il fit observer que la description de Schmidt ne permet de noter entre elles qu'une différence de coloration, Cependant, il hésita à les iden- tifier. C’est Marenzeller qui, à juste titre, en opéra la fusion en 1889. D'autre part, Sollas reconnu la ressemblance profonde de Stryph- nus mucronatus (Schm.) et de S, niger Soll., recueilli par le Challen- ger à Port-Jackson. Tous deux ayant la même couleur, il décida de conserver uniquement l’un ou l’autre, mais il se prononça en faveur de Stryphnus niger, en alléguant que ce dernier avait seul été l'objet 372 E. TOPSENT. d’une description convenable. Ce prétexte, qu'il serait dangereux d'admettre au mépris des lois de priorité, était d'autant moins valable que Sollas venait de combler lui-même une partie des lacunes de la diagnose de Séryphnus mucronatus. Stryphnus carbonartus ei S. niger doivent donc, à l'avenir, être considérés comme des synonymes de S. mucronaius. Stryphnus mucronatus est commun à Banyuls, sur les pierres du cap l'Abeille; on en rencontre des spécimens de toutes formes, encroûtants, dressés, massifs ou comprimés, et de toutes dimen- sions. Seule, sa couleur ne m’a jamais paru varier dans cette loca- lité ; elle est toujours d’un noir profond. L’ectosome débute par un ectochrote mince, formé de cellules épithéliales contractiles et chargé d’amphiasters. Au-dessous, une zone collenchymateuse, qui forme presque toute son épaisseur, se creuse de lacunes dans lesquelles il ne faut voir autre chose que les chones inhalants, irréguliers, qui font suite aux stomions et vont déboucher dans les cavités superficielles. Il n’existe pas, sur son bord interne, de zone fibreuse puissante comparable à celle qu'on aperçoit à l'œil nu dans lécorce des Ancorina et Sanidastrella. Le squelette de l’ectosome se compose de dichotriænes qui ap- puient leur cladome sous l’ectochrote, et surtout d'oxes robustes qui se couchent tangentiellement à sa surface ou s’entre-croisent en tous sens, et même, dans les régions hispides, font plus ou moins longuement saillie au dehors. Enfin, des oxyasters parsèment la zone collenchymateuse. Les différentes sortes de spicules se retrouvent dans le choano- some : les dichotriænes s’établissent en une assise à sa limite externe; les oxes se disposent en lignes radiales assez peu distinctes; les oxyasters et les amphiasters abondent, ces dernières paraissant localisées de préférence sous la paroi des canaux el canalicules aquifères. De grands canaux efférents traversent l'Éponge et vont aboutir aux oscules, peu nombreux maïs très apparents. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 373 Stryphnus mucronalus possède deux sortes de cellules des plus intéressantes, qui constituent en majeure partie la chair de son ectosome et qui, entrant aussi en forte proportion dans son choa- nosome, y déterminent une prédominance du tissu collenchyma- teux sur le tissu sarcenchymateux. Les unes (pl. XVI, fig. 12, p) sont de gros éléments ovales, longs de 36 à 33 pu, larges de 20 à 30 p,, sans noyau apparent, remplis d'une matière colorante inégalement répartie, qui forme, à côté les unes des autres, des taches jaune clair ei brun foncé, et qui, par places, se condense en de petites masses arrondies, d’un noir profond. Elles correspondent ici aux grosses cellules, brunes aussi, de Stryphnus ponderosus et de Sanidastrella coronata. Ce sont elles seules qui colo- rent l'Éponge : l’ectosome, qui en contient dans sa zone collenchyma- teuse une plus grande quantité que le choanosome, se distingue exté- rieurement, sur une COUPE macroscopique,parsanuance plus sombre. La matière pigmentaire est si abondante dans les individus qui vivent au cap l’Abeille, que leur couleur noire intense persiste après un long séjour dans l’alcool plusieurs fois renouvelé, comme aussi après immersion prolongée dans l'eau douce. L'Éponge teint long- temps en brun ces liquides, sans subir de changement appréciable. Tous les Séryphnus mucronatus ne sont pas aussi foncés ; le spécimen type de l'espèce était brun puce, et celui que Sollas a décrit sous le nom de S. niger avait l’ectosome brun puce et le choanosome gris. Cette différence de nuance, qui à trompé Schmidt et Sollas en les empêchant d'identifier Stelletta carbonaria et S. mucronala, résulte du nombre de cellules à pigment dont sont remplies les diverses parties du corps, et aussi de l'abondance relative du pigment dans ces cellules. I suffit, pour s’en convaincre, de comparer les figures {1 et 42 de la planche XIX de Sollas (26), consacrée à Stryphnus niger, avec la figure 12 de la planche XVI du présent travail, reproduisant une portion de coupe à travers le choanosome d’un $. mucronaius très noir : les cellules à pigment sont moins nombreuses et moins fortement colorées, à points noirs plus rares, dans les premières 354 | E. TOPSENT. que dans la seconde. Chez une foule de Monaxonides, j'ai souvent observé combien, dans une même espèce, la coloration des indivi- dus peut varier, indépendamment du pigment propre, localisé dans les choanocytes et dans les cellules granuleuses du mésoderme, suivant la nature et l’abondance relative du lipochrôme contenu dans leurs cellules sphéruleuses. Ces gros éléments collenchymateux de Séryphnus mucronatus sont homologues aussi de ceux de /sops intuta (pl. XVI, fig. 21, v) et, par suite, de ceux de £rylus stellifer (pl. XVI, fig. 18, v), de Pachy- matisma johnstonia (pl. XVI, fig. 2, v), ete. On s’en rend très bien compte, lorsqu'ils se montrent dépourvus de pigment. A cet élat, ils ressemblent même tout à fait à ceux de /sops intuta, avec seule- ment un diamètre un peu inférieur ; on leur voit (pl. XVI, fig. 19, d) un beau noyau nucléolé et une plaque protoplasmique périnucléaire d’où rayonnent vers la périphérie des prolongements ténus. Ils re- présentent une modification de cellules sphéruleuses, et c'est à ce titre qu'ils se chargent, à l’occasion, d’un lipochrôme. Il va sans dire que, dans les échantillons bruns, ils demeurent incolores plus souvent que dans les spécimens noirs. La seconde sorte de cellules a vivement intrigué Sollas. Ge sont (pl. XVI, fig. 12, v) des éléments en forme de biscuit, longs de 12 à 15 p,, larges de 6 à 7 p., et possédant un noyau fort petit, irrégulier. Je les ai examinés sur l’Éponge vivante : ils se montrent incolores, réfringents, et m'ont paru se chiffonner à l’occasion, ce qui expli- querait les plis qu'on observe quelquefois à leur surface dans les coupes. Ils se colorent fortement par l'éosine et servent peut-être de réservoirs à mucus. Leur aspect et les caractères de leur noyau me les font comparer aux cellules sphéruleuses ou vésiculeuses en rosette de Halisarca Dujardini, Dendoryx incrustans, Desmacidon fru- ticosus, E'sperella modesta, etc.; ce seraient des cellules sphéruleuses à une seule sphérule. L'existence simultanée de deux sortes de cel- lules sphéruleuses chez Siéryphnus mucronatus n'a rien qui doive surprendre, (est un fait normal chez bien d’autres Spongiaires. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 375 GROUPE STREPTASTROSA,. Genre Z'henea Gray. Theneidæ de forme symétrique, pourvues d'un oscule distinct et d'une aire porifère spécialisée en plus des pores épars sur la sur- face générale. Les spicules caractéristiques sont des dichotriænes, disposés avec les autres mégasclères en fibres radiaies. Thenea muricata (Bowerbank) Gray. (PL XV, fig. 1-5.) L'histoire de Thenea muricata est, suivant l'expression de Sollas, une véritable « Comedy of errors », Nous nous dispenserons de reproduire in extenso la liste trop longue des synonymes de cette espèce. Vosmaer (40, p. 5) et Sollas (26, p. 95) l'ont établie avec soin, et nous pouvons nous borner à ne citer ici que les principales dénominations que les auteurs lui ont attribuées : T'efhea muricata Bowerbank (1858), Thenea muricata Gray (1867), Tisiphonia agariciformis W. Thomson (1869-1873), Wyville-Thomsonia Wallichü P, Wright (1810), Dorvillia agariciformis S. Kent (1870), Thenea Wallichii Traquair (1871), Wyville-Thom- sonia agariciformis Norman (1879), Clavellomorpha minima Hansen (1885). Éponge, d'ordinaire reconnaissable à ses caractères extérieurs ; le corps est formé d'un tronc plus ou moins allongé ou globuleux, fixé dans le sol par des racines et recouvert d’un chapeau plus ou moins large, à bords plus ou moins libres, sur lequel s’implantent souvent des appendices gemmipares. Surface rude, hap- pant au doigt, hispide par places, surtout sur le bord libre du chapeau et autour de l’oseule. Ectosome peu différencié, non fibreux. Choanosome collenchymateux. Corbeilles vibratiles de type eurypyleux. Chones poraux lacuneux, à stomions étroits, dispersés sur la surface générale et percés entre les cladomes des dicho- triænes. Le système aquifère afférent se complète par une aire criblée, lisse, cir- culaire ou semi-circulaire, occupant la partie supérieure du tronc et abritée par le chapeau (fig. 1, p). Oscule unique, apparent, placé au voisinage du sommet de l’'Éponge. Spicules. — I. Mégasclères : 1. Oxes longs de plusieurs millimètres, très grèles (10-15 w d'épaisseur) et flexueux, ou plus épais et droits, quelquefois tronqués. 9, Dichotriænes géants (fig. 2, d) à deutéroclades bien plus longs que les proto- clades: rhabdome droit, long de 5 millimètres, épais de 110 &; protoclades longs de 330 y, larges de 90; deutéroclades droits ou incurvés, longs de 12,1. 3. Dichotriænes grèles (fig. 2, m), à protoclades bien plus longs que les deuté- roclades; peu nombreux. 4. Triænes anormaux, à clades simples et grèles presque aussi longs (600 & sur 11) que le rhabdome et diversement contoutnés ; 376 E. TOPSENT. rares. 3. Anatriænes (fig. 2, a) à rhabdome très long, épais de 25 y et à clades longs de 190 ps. 6. Protriænes (fig. 2, p) à rhabdome très long, épais de 25 & et à clades longs de 250 p.. IT. Microselères : 7. Plésiasters (fig. 2, e) à actines de taille variable, peu nom- breuses, souvent épineuses, longues de 25 à 55 p, épaisses de 5 à 7 p.. 8. Spiras- ters (fig. 2, s) longues de 27 à 30 p, à actines plus ou moins grêles, longues de 10 à 12 p., finement épineuses, Couleur. — Grisâtre ou jaunâtre dans l'alcool. Habitat. — Océan Arctique; océan Atlantique nord, au moins jusqu'aux Açores ; Méditerranée. Profondeur : de 100 à 3000 mètres. Il reste bien peu de choses à ajouter aux magnifiques études de Vosmaer (40 et 44) et de Sollas (25 et 26) au sujet de l’Éponge qui nous occupe maintenant. Thenea muricata jouit en même temps d’une distribution bathymétrique et d'une dispersion géographique très vastes ; elle est, de toutes les Tétractinellides connues, celle qui descend le plus bas dans les grands fonds, et peut-être est-elle cosmopolite, si certaines espèces de Thenea, distinguées par Sollas, n’en représentent que de simples variétés. On comprend que sa forme et sa taille se modifient quelque peu, suivant les localités où elle vit. Néanmoins, on reconnaît toujours un tronc, un chapeau, un récessus inhalant (fig. À, p) et des racines (fig. 4, r). Le tronc est hémisphérique ou cylindro-conique. Le chapeau, plus ou moins convexe ou aplati, constitue une pro- tection plus ou moins efficace au récessus inhalant; fréquemment il porte un ou plusieurs pédicelles, quelquefois très longs et flagel- liformes sur lesquels des bourgeons prennent naissance. On le trouve quelquefois presque complètement replié sur ce récessus, et Vosmaer s’est demandé (406, p. 8) si son bord n’est pas mobile et destiné à fermer à l’occasion l’aire criblée. Cette occlusion, dont le mécanisme ne s'explique guère, ne serait, en tout cas, rien moins qu'hermétique, et il est plus vraisemblable d'admettre qu'au besoin, les stomions de l’aire inhalante se bouchent d'eux-mêmes par dé- placement de leur bordure contractile, suivant le procédé ordinaire. Les racines, d'habitude droites et simples, se ramifient quelque- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 377 fois assez abondamment. Vosmaer (40, p. 8) pense que cela peut dépendre de la nature du fond : elles pénétreraient en droite ligne dans la vase, qui ne leur oppose aucune résistance sérieuse ; au contraire, dans un fond de sable et gravier, elles ne réussiraient à * s'enfoncer qu'après s'être dissociées. Le récessus inhalant forme une bande équatoriale, lisse et criblée, circulaire ou, plus fréquemment, semi-circulaire, le chapeau se con- tinuant presque toujours d’un côté avec le tronc et ne s’en séparant tout à fait que par exception. Il aurait pour rôle, d'après Sollas, de compenser la perte de pores de sa surface générale que subit l’'Éponge en s’enfouissant dans le sol. Quoi qu'il en soit, c'est une complication fort curieuse de l'appareil d’inhalation. Je dois à M. Nicollon, pharmacien au Croisic, la communication d'une Thenea recueillie au large du Croisic, par une centaine de mètres de profondeur. Ce n’est qu'un fragment, et j'ai préféré pho- tographier, pour donner au lecteur une meilleure idée de l’Éponge, un spécimen que S. A. le prince de Monaco a bien voulu mettre à ma disposition et qui provient d’un dragage de l’Hirondelle au voisi- nage de Terre-Neuve par 1267 mètres de profondeur. Get individu, figuré dans la planche XV (fig. 4), mesure 4 centimètres de hauteur ; sa portion basilaire, ou tronc, à 20 millimètres de diamètre; son cha- peau en a 35, par malheur, ses quatre racines! ne dépassent pas 10 à 42 millimètres de longueur. Il n’est pas, d’ailleurs, sans avoir subi quelques dommages dans le chalut, où près de trois cents autres échantillons de la même espèce ont été traînés avec lui. En particulier, il a pu, par le frottement, se trouver dépouillé de ses bourgeons. Quelques individus seulement, moins détériorés sous ce rapport, m'ont permis de voir en place ces éléments de multiplica- tion. À Vosmaer a été à même de constater (44, p. 5; pl. IL, fig. 2) que les pédicelles gemmipares sont capables (comme ceux de Tethya 1 Au milieu desquelles passe un fil de fer sur lequel il a été piqué, au sortir de l'alcool, pour la commodité de la photographie. 378 E. TOPSENT. lyncurium et de Ainalda arctica) de produire plusieurs bourgeons à la file les uns des autres. Dans ces bourgeons, d’après Sollas (26, p. 69), il n'y a pas trace de migration des choanocytes, et leur chair, comme celle de tant d'embryons, peut être considérée comme contenant en puissance les divers lissus du corps. Quand ils devien- nent trop lourds, ils se détachent, et c’est l’un deux, sans nul doute, délivré de tout lien, que Hansen a décrit (8, p. 19; pl. V, fig. 2) sous le nom de Clavellomorpha minima, n. g. et n. sp. Gette faculté de se multiplier par gemmation externe explique assez bien qu'en certains points du fond des mers, 7henea muricata se rencontre en si grande abondance. Si l’on vient à couper longitudinalement une 7'henea, on est sur- pris du peu de densité de sa chair. On voit rayonner d'un centre jusqu'à la surface des files grêles de spicules, entre lesquelles s’éten- dent de vastes régions lacuneuses et de larges canaux, tapissés et tendus de membranes collenchymateuses, transparentes et bleuâtres; de place en place seulement, s’observent des amas jaunâtres de chair où s'accumulent les corbeilles vibratiles. Surtout au voisinage de l’oscule et du récessus inhalant, le tissu collenchymateux se dé- veloppe sur une grande épaisseur. On en peut déchirer des lam- beaux avec une pince, et le microscope les montre constitués par des cellules sphéruleuses, dont les sphérules, petites, laissent entre elles un point clair correspondant au noyau, et qui s'unissent les unes aux autres par de longs pseudopodes filiformes (fig. 8, c). Le choanosome vrai, que l’on distingue à sa couleur, présente des groupements de corbeilles vibratiles de type eurypyleux communi- quant avec un riche système de canaux et entourées de tissu con- jonctif lâche (fig. 4). Les canaux efférents se réunissent de proche en proche pour aboutir à un oscule unique, généralement bien circonscrit, très apparent au milieu du chapeau de l'individu figuré dans la plan- che XV. La distribution des spicules est la suivante. Les oxes, longs et fins, ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 379 constituent la charpente du choanosome; ils se disposent en fibres radiales peu solides, dont quelques-unes, traversant l'écorce, devien- nent, à l'extérieur, autant d’appendices gemmipares; sorientant parallèlement entre eux en un faisceau compact, ils contribuent aussi, pour la plus grosse part, à former les racines; enfin, ils garnissent d’une frange ciliée, souvent très longue et délicate, le bord libre du chapeau. Les dichotriænes, protriænes et anatriænes, pour la plupart superficiels, épanouissent leurs cladomes dans l’ec- tosome : leurs clades dépassent même fréquemment la surface générale et la rendent rugueuse. Les anatriænes se montrent sur- tout nombreux sur les racines; ils s'y placent le cladome en bas, comme autant d’ancres ou de crampons destinés à assurer la fixa- tion. Quant aux plésiasters et spirasters, elles abondent dans toutes les régions du corps. Seule, l'aire inhalante est lisse. On reconnaît aisément à l'œil nu (fig. 1, p) que, en l'absence de mégasclères, elle est soutenue par des tractus en réseau, plus ou moins serré suivant les individus. Ces tractus sont des bandes fibreuses (fig. 5, b), blanchâtres, sur les- quelles s'étend un ectochrote criblé, fait de cellules épithéliales con- tractiles ouvrant ou fermant les stomions (fig. 5, p) et chargé de spirasters. Il n’y a pas de plésiasters dans l’ectochrote même, mais on en trouve tout de suite dans les tissus sous-Jacents. Sollas regarde 7henea muricata comme une Éponge septentrio- nale, On sait, cependant, qu’elle existe, avec les caractères précités, dans la Méditerranée et aux Açores. On rencontre avec elle aux Açores (camp. de l’Airondelle), des T'henea deux ou trois fois aussi volumineuses, qui, par leur richesse remarquable en plésiasters, paraissent représenter la 7henea Schmidti de Sollas. Mais doit-on voir dans Z'henea Schmidli une espèce réellement distincte ou s’agit-il d’une variété robuste de Thenea muricata? C’est, il me semble, un peu affaire d'appréciation, et le doute res- terait permis même si l'on venait à découvrir de jeunes individus 380 E. TOPSENT. offrant déjà les caractères invoqués par Sollas pour justifier la créa- tion de cette espèce : plésiasters en nombre égal ou supérieur aux spirasters, corbeilles vibratiles deux fois aussi grosses que chez Thenea muricata, et choanosome à proportion plus développé. Dans les Éponges, comme ailleurs, la vigueur de l’adulte s'annonce le plus souvent de bonne heure. Genre Pachastrella Schmidt. Pachastrellidæ dont les mégasclères sont des oxes, des plagio- triænes à rhabdome court et des calthropses, et les microsclères des spirasters et des microstrongyles. Pachastrella monihifera Schmidt. (PI. XIV, fig. 4). Syn. 1868. Pachastrella monilifera, Schmidt (22, p. 15; pl. HN, fig. 7). 1870. Pachastrella abyssi, Schmidt (23, p. 64; pl. VI, fig. 4). 1876. Pachastrella abyssi Schmidt, Carter ue 1880. Pachastrella abyssi, Schmidt ?. 1888. Pachastrella monilifer Schm., Sollas (26, p. 110). 1888. Pachastrella abyssi Schm., Sollas (26, p. 104; pl. XI). Éponge informe, encroütante ou massive. Surface rude ou hispide. Ectosome collenchymateux, épais de 1 millimètre à 4mm,5. Chones poraux simples, étroits. Oscules distincts (02m,5 à 4mm,5 de diamètre), non surélevés, tendant à se loca- liser dans une région du corps. Spicules. — I. Mégasclères : 1. Oxes (fig. #, o) longs et grêles, à peine renflés au centre, presque cylindriques, souvent flexueux; il est difficile de les obtenir entiers. Sollas estime qu'ils peuvent atteindre 2,5 à 3,5 de longueur. 2, Calthropses très inégaux à actines coniques pointues. Comme le fait remar- quer Sollas, les petites formes (fig. 4, c) ont des actines toutes semblables, mais les plus grosses (fig. 4, f) ressemblent à des plagiotriænes et, jusqu’à un certain point, à ceux de Stryphnus ponderosus var. rudis (pl. XI, fig. 8, p}, trois de leurs actines se recourbant dans le même sens tandis que la quatrième, droite et plus allongée, représente exactement un rhabdome. Ce rhabdome peut mesurer | millimètre de longueur sur 90 p.de largeur, et les clades atteignent 700 à 800 y sur 60 à 70 pe. 1 On deep Sea Sponges from the Atlantic Ocean (Ann. and Mag. of nat. hist. [4], vol. XVIII, p. 405 et 407). 2 Spong. Meerb. Mexico, p. 68 ; Iéna, 4880. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 381 IL. Microsclères : 3. Microstrongyles (fig. &, m) de forme variable, tantôt lisses et tantôt rugueux, et centrotylotes ou non, dans des individus différents ou dans un même individu ; longueur, 10 à 45 ;, épaisseur, # à 5 m. Il arrive parfois que quelques-uns d’entre eux, plus grêles, acquièrent le double de la longueur normale. 4. Spirasters (fig. #, a) passant aux types amphiaster et métaster; axe et actines très grèles; longueur totale, 11-12 p. Couleur. — Blanchâtre ou vert noirâtre. Habitat. — Côtes d'Algérie; parages du cap Saint-Vincent; golfe du Mexique ; Floride: Tristan da Cunha; côte des Asturies ; Açores ; Banyuls (cap l’Abeille). Peur à : 30 à 14557 mètres. Si Sollas n'avait pas eu l’occasion d’en compléter la description d’après un spécimen du Muséum de Paris et d’après une prépara- tion de spicules offerte par Schmidt au British Museum, on ne sau- rait absolument pas ce qu'est Pachastrella monilifera Schm. (1868). C’est sans doute à cause de sa diagnose un peu moins obscure que Carter et Sollas ont rapporté à Pachastrella abyssi Schm. (1870) les Pachastrella recueillies par le a le Challenger. De la comparaison des matériaux mis à Sa disposition, Sollas a cependant conclu qu’il s’agit d'Éponges à peine distinctes spécifi- quement. Comment se fait-il alors qu’il ait continué à séparer ces deux prétendues espèces? Je ne relève dans tout ce qu'il en à dit aucun caractère qui s’oppose à leur identification. De part et d'autre, rien de notable à l’extérieur, et, comme spiculation, mêmes méga- selères (oxes très grêles proportionnellement à leur longueur, et gros plagiotriænes à rhabdome court, passant à des calthropses de toutes tailles) et mêmes microsclères (spirasters grêles et microstrongyles). Les variations possibles des microstrongyles (centrotylotes ou non, rugueux ou lisses), purement individuelles, n’ont pas d'importance. Sollas admettait que la présence de microxes centrotylotes dans la Pachastrella abyssi du Challenger pouvait être accidentelle; ne les ayant jamais rencontrés, pour ma part, je crois son hypothèse con- forme à la réalité, et je suppose que les microxes fusiformes de Pachastrella monilifera, dont il a parlé, sont aussi des spicules étrangers à l'Éponge. 382 E. TOPSENT.:. Enfin, Schmidt a figuré, à propos de Pachastrella monilifera, des disques ombiliqués. Selon toute apparence, ils ne représentent autre chose que des fragments d’actines de calthropses ou de clades de plagiotriænes, leurs lignes concentriques marquent les zones d’ac- croissement du spicule et leur point central la coupe de son canal axial. On réussit à provoquer expérimentalement la formation de disques assez semblables en écrasant une préparation de Pachas- trella entre lame et lamelle. On occasionne par le même procédé la production de ces éclats que Bowerbank avait pris, chez Séryphnus ponderosus, pour des spicules spéciaux (cylindro-doliolate). L'hésitation de Sollas m'en a quelque temps imposé et ma certai- nement égaré dans la détermination des Pachastrella de l Hirondelle. Je reste d'avis que ces matériaux, provenant de différentes stations, appartiennent à une seule et même espèce, bien qu'ils soient, l’un, vert noirâtre, à microstrongyles non centrotylotes, et les autres blancs, à mierostrongyles centrotylotes. Mais, de plus, j'ai acquis la conviction intime que Pachastrella abyssi est synonyme de Pachas- trella monilifera. L'espèce n’est pas rare à Banyuls : j'en ai recueilli, sur Les pierres du cap l’Abeille, plusieurs spécimens blanchâtres, encroûtants, trop petits et trop irréguliers pour me permettre d'étudier avec fruit autre chose que la spiculation. Un certain nombre de grands oxes superficiels traversent l’ecto- some et font saillie au dehors. Les calthropses, serrés, se disposent sans ordre dans tout le corps, leurs pointes s’entre-croisant en tous sens: ils constituent la masse principale du squelette et communi- quent à l’Éponge une consistance pierreuse. Vers la périphérie, les plus gros de ces calthropses prennent l'aspect de plagiotriænes à rhabdome court et, comme tous les triænes, orientent trois de leurs actines tangentiellement à la surface. L'existence de ces triænes dérivés de calthropses semble relier, plus intimement que Sollas ne l’a admis, le genre Pachastrella aux genres Characella, Pæœcillastra et Sphinctrella. La réunion de tous ces types possédant des lriænes ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 383 mal marqués, des streptasters et des microrhabdes, composerait une famille des Pachastrellidæ d’acception nouvelle!. Quant au genre Thenea, par ses dichotriænes, protriænes et anatriænes, il s’écarte décidément des genres précités; il doit demeurer dans la classifica- tion actuelle l'unique représentant de la famille des Zheneëdæ tout en conservant, à Cause de ses streptasters, sa placé dans le groupe des Streptastrosa, où il correspond aux Sanidasterina du groupe des Euastrosa. -- Les microstrongyles s'accumulent en une couche dense immédiatement au-dessous de l’épithélium externe et forment une couche simple sous l'épithélium des canaux; ils parsèment aussi tous les tissus. Les spirasters les accompagnent ou bien existent seules dans certaines régions, par exemple dans les sphincters des canaux et dans la paroi des canalicules étroits. Sollas a fait connaître en détail l'anatomie de cette Pachastrella (sous lé nom de ?. abyssi). L'ectosome, épais, se remplit de cellules sphéruleuses à sphérules assez grosses (4 p), qu’on retrouve aussi dans la paroi des canaux du choanosome. J'ai omis de noter si la coloration vert noirâtre de l'un des spécimens de la collection de S. À. le prince de Monaco ne serait pas due, comme chez tant d'au- tres Tétractinellides, à quelque lipochrôme emmagasiné dans ces cellules. Le mésoderme, sarcenchymateux, tend cependant à deve- nir collenchymateux. Les corbeilles vibratiles, assez grandes, appar- tiennent au type aphodal. Genre Pæœcillastra Sollas. Pachastrellidæ ayant : 1° pour mégasclères, des oxes n'’affectant point une disposition radiale, des triænes à rhabdome court, super- ficiels, et des calthropses présents même à l’intérieur du choaro- some, mais épars ; 2 pour microsclères, des spirasters et des mi- croxes, ceux-ci formant un feutrage dans tout le corps de l’É- ponge”*?. 1 Le cas du genre Calthropella resterait à discuter. 2 Les Sphinctrella Schm. se distinguent suffisamment des Pœcillastra par leurs 384 E. TOPSENT. Pæcillastra compressa (Bowerbank) Sollas. (PL. XIV, fig. 6-9.) Syn.! 1866. Ecionemia compressa, Bowerbank (2, vol. Il, p. 55). 1868. Stelletta scabra, Schmidt (22, p. 19). 1874. Hymeniacidon placentula, Bowerbank (2, vol. Ill, p. 189). 1874. Normania crassa, Bowerbank (2, vol. I, p. 258). 1888. Pæcillastra compressa (Bow.), Sollas (26, p. 98). 1888. Pœcillastra scabra (Schm.), Sollas (26, p. 99). Éponge polymorphe, encroûtante ou massive, irrégulière, aplatie ou calici- forme. Consistance friable. Surface glabre. Ectosome mince. Oscules apparents, non surélevés, ordinairement percés sur la face opposée à celle qui porte les pores. Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Oxes (pl. XIV, fig. 9, o) constituant la char- pente du choanosome et s’entre-croisant en toutes directions. 2. Oréhotriænes petits, souvent mal formés, situés vers la périphérie et passant à des calthropses (fig. 9, c) dans l’intérieur. II. Microsclères : 3. Microzes (fig. 9, p) centrotylotes ou non, lisses ou finement tuberculeux, très abondants dans toute l’'Éponge, et particulièrement serrés dans l'ectosome. 4. Asters nombreuses et de types variés (fig.9, m, $, a), avec intermé- diaires, plésiasters, spirasters, amphiasters. Couleur. — Blanche ou jaunûtre. Habitat. — Océan Atlantique nord : Shetland, Hébrides, ouest de l'Écosse, Queen Charlotte Island (Amérique du Nord); Roscoff (ouest-nord-ouest de Pile de Batz, par 50 mètres de profondeur). Méditerranée : côtes d'Algérie; golfe de Rosas, à 10 milles à l’est du cap Norfeo, profondeur 126 mètres. Peut-être cosmopolite, si les quatre Pæcillastra de la collection du Challenger en représentent des variétés. larges orifices munis d’un sphincter contractile et entourés d’une frange ciliée. Au contraire, l’absence de calthropses dans le choanosome des Characella Soll. est un caractère négatif d’une valeur générique assez discutable : le choanosome des Pœ- cillastra contient parfois des calthropses en nombre si restreint que la confusion des genres devient presque inévitable. 1 Les Pœcillastra Schulzii, P. crassiuscula, P. laminaris et P. tenuilaminaris de Sollas (CHaLLENGER, 26, p. 79-85), qui diffèrent si peu entre elles, sont peut-être aussi des formes de Pœcillastra compressa. Pœcillastra amygdaloides (Cart.) Soll., dont ma Pachastrella debilis (84, p. 42; pl. LIL fig. 8 et pl. VIII, fig. 8) est probablement synonyme, s’en écarte au contraire radicalement, car elle possède pour spiculation des triænes calthropsoïdes à rhabdome constamment atrophié (échantillons du Porcupine et de l'Hirondelle), des microxes assez courts, et, en fait d’asters, seulement des spirasters grèles. ETUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 385 Les caractères spécifiques de Pæcillastra compressa manquent de fixité : la forme varie dans une même localité d’une façon surpre- nante (fig. 7 et 8); les dimensions des oxes, l’ornementation des mi- Croxes, l'abondance relative des asters de toutes sortes dépendent de qualités individuelles. Les figures d'extérieur et de spicules que Bowerbank a consacrées à Æcionemia compressa (2, pl. IX), Hymeniacidon placentula (2, pl. LXXID) et Normania crassa (2, pl. LXXXI) laisseraient croire à des différences profondes, qui, dans la réalité, n'existent pas. L'exa- men des spécimens types, communiqués par le révérend A.-M. Nor- man, a révélé à Sollas l'identité de ces trois prétendues espèces. Les nombreuses Pœcillastra draguées par le Æoland, vapeur du laboratoire Arago, à l’est du golfe de Rosas, ressemblent tant, d'une part, à la forme Hymeniacidon placentula de Bowerbank, et, d'autre part, à la Séelletta scabra de Schmidt telle que la décrit Sollas (26, p. 99), que Pæcillastra scabra (Schm.) Soll. me paraît un autre syno- nyme de Pœcillastra compressa. La faiblesse des oxes de l'Éponge d'Algérie n’est point un caractère de nature à empêcher cette iden- tification. J'ai vu Pæcillastra compressa sous trois aspects : à Roscoff, sous la forme typica ; à Banyuls, sous les formes placentula et calyx. Pœcillastra compressa, forme typica (pl. XIV, fig. 6). — L'Éponge, d’une grande ressemblance avec le spécimen type, provenant des Shetland (2, vol. Il, p. 55 et vol. IIE, pl. IX), s'attache à un caillou par une base étroite et s'élève en une lame plate, tranchante, for- mée de deux lobes minces, accolés, libres seulement vers le haut. Elle mesure 7 centimètres de longueur, 5 centimètres de hauteur et 1 centimètre d'épaisseur auprès de son support. La surface est lisse, comme peignée vers les bords, ce qui rend les orifices aquifères obliques et, par suite, assez difficiles à voir. Les pores, épars, ont 022,5 de diamètre ; les oscules atteignent 1 millimètre à 177,5. La couleur, jaunâtre, rappelle beaucoup celle des Halichondria panicea qui vivent un peu au large. L'ectosome contient une assez ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN — 3€ SÉRIE. — T. Il. 1894. 25 386 E. TOPSENT. forte proportion de cellules sphéruleuses incolores à sphérules bien marquées, brillantes. | Oxes inégaux, courbes ou un peu flexueux, longs de 17%,375, épais de 45 à 17 p. Triænes très irréguliers, à rhabdome à peu près de même longueur (160 x) queles clades normaux; les clades, droits ou courbés, sont souvent difformes où s’atrophient en partie ; pas- sage aux calthropses. Microxes tuberculeux, centrotylotes ou non, longs de 80 à 160 m. Asters nombreuses : plésiasters ou métasters ayant de trois à cinq actines longues de 33 u; spirasters longues de 18 .; amphiasters grèles, longues de 13 LL ; toutes ces formes pas- sent graduellement les unes aux autres. Pœcillastra compressa, forme placentula. — Ün coup de chalut, à LO milles dans l’est du cap Norfeo, a fourni un nombre considérable de ces Pœæcillastra. Ce sont des plaques blanches, friables, sans attache, grandes comme la main, d'épaisseur variable (1 centimètre à 2°,5), le plus souvent minces, à bord tranchant, remarquables par la dis- semblance de leurs faces, dont l'une, presque toujours légèrement concave, porte les oscules, tandis que l’autre est réservée aux pores. Les pores sont larges de 0%7,5 à 1 millimètre ; les oscules, plus ap- parents après dessication qu’à l’état de vie, mesurent 2 à 3 milli- mètres de diamètre. Les canaux aquifères passant en droite ligne d'une face à l’autre, les individus minces deviennent, à l'état sec, translucides par places. Entre Îles orifices, la surface est lisse. L'ec- tosome et la paroi des canaux contiennent d’abondantes cellules sphéruleuses à sphérules incolores, bien marquées, réfringenies, un peu plus grosses que celles des mêmes éléments de la forme typiea. La ressemblance avec Hymeniacidon placentula (2, pl. LXXII) m'a frappé tout d’abord. Mais j'ai choisi pour le photographier, au sortir de l'alcool, par sa face exhalante (pl. XIV, fig. 7), un individu épais, à bords usés par le frottement du chalut : la plupart des oscules se montrent fermés par un diaphragme contractile. C'est à la forme placentula qu’appartiennent les spicules de la figure 9. Les oxes (0), courbés, assez forts, sont longs de 187,65 et ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 387 épais de 30 p. Les ériænes et calthropses (c) ressemblent de tout point à ceux de Pœcillastra compressa, forme typica. Les microxes (p) tu- berculeux, mesurent en moyenne 120 p de longueur; ils sont pour la plupart centrotylotes. Les asters, en quantité plus grande encore que dans le spécimen de Roscoff, se composent d’un mélange de métas- ters ou plésiasters ayant de deux à cinq actines épineuses, longues de 40 .,de spirasters à actines épineuses ou lisses, longues de 25 pe, d’amphiasters grêles à actines longues de 10 à 12 p; tous les inter- médiaires s’observent entre ces différentes sortes de microsclères. Pœcillastra compressa, forme calyx. — Parmi les individus de la forme placentula s’en trouvaient deux, dressés, creusés en coupe profonde. Sans doute y en avait-il davantage, mais ces Éponges se pêchaient à telle profusion qu'il en fallut rejeter beaucoup à la mer pour éviter une putréfaction trop rapide de l'eau des baquets dans lesquels on devait les rapporter. L’un d’eux à été photographié vivant (pl. XIV, fig. 8). Sa surface externe, porifère, est usée; l’in- terne, restée intacte, lisse, porte des oscules tels que ceux de la figure 7. Des débris de coquilles incrustent sa base, Il mesure 7 cen- timètres de hauteur, La coupe a 3°2,5 de profondeur, et sa paroi, épaisse de 2 millimètres, s’amincit en un bord glabre. L'autre échan- tillon, dressé aussi, mais plus petit (4 centimètres de hauteur), pré- sente une entaille latérale qui démontre le passage de la forme aplatie à la forme en cupule par la forme en oublie. Tous deux ont la couleur, les cellules sphéruleuses et la spiculation des Pæcillastra placentula. Pœcillastra saxicola Topsent. (PI. XIV, fig. 10.) Syn. : 1892. Characella saxicola, Topsent (3%, p. xvu). Éponge lisse, d’un blanc pur, encroûtante, irrégulière, enfoncée dans les anfractuosités des pierres, remarquable, en tant qu’espèce, par ses asters d'une seule sorte, spirasters grêles, peu nombreuses. Les parties collenchymateuses du corps renferment une grande quantité de cellules sphéruleuses incolores à grosses sphérules réfringentes, entourées d’une matière fluente, spumeuse, dans laquelle il faut sans doute voir un produit de leur sécrétion. 388 E. TOPSENT. Spicules. — 1. Mégasclères : 1. Oxes (fig. 10, o) de dimensions variables : 1m ,65 de longueur sur 22 à 30 d'épaisseur, dans un Cas; 770 y sur 10, dans un autre. 2. Triænes et calthropses. Les triænes sont fort irréguliers (fig. 10, f, par exemple), comme chez Pœcillastra compressa; quelques-uns d’entre eux ressemblent à ceux de Pæcüllastra amygdaloides, par ce fait que leur rhabdome se réduit à un simple bouton; d’autres enfin, dérivant de calthropses (fig. 10, c), ont trois actines situées dans un même plan et recourbées vers la quatrième, qui représente le rhabdome. Les calthropses, contrairement à ce que j'avais cru constater tout d’abord, existent aussi, quoique rares, dans le choanosome; Cha- racella saxicola devient donc Pœcillastra saxicola : le maintien du genre Cha- racella, d'ailleurs, est discutable. II. Microsclères : 3. Microxes (fig. 10, p) finement tuberculeux, d'habitude non centrotylotes, de même taille que ceux de Pœcillastra compressa, soit de 120 L de longueur moyenne. 4. Spirasters (fig. 10, a) à actines grêles, passant au type amphiaster, très peu nombreuses, longues de 10 y environ. Habitat. — Conglomérats à Mélobésiées du cap l’Abeille ; profondeur, 25 à 40 mètres. Tribu Sigmatophora. Genre Craniella Schmidt. Tetillidæ, dont l'écorce se différencie en une couche interne fibreuse, traversée radialement par des oxes corticaux, et en une couche externe collenchymateuse, creusée de cavités intracorticales. Le mésoderme est sarcenchymateux. Système aquifère aphodal. Craniella cranium (Müller) Sollas. (PI. XV, fig. 6-14.) Sollas à établi au complet (26, p. 51) la liste des synonymes de Cramiella cranium. Je me bornerai à rappeler ici les noms sous lesquels on peut trouver cette Éponge désignée par les auteurs : Alcyonium cranium Müller (1789) et Lamouroux (1816). Tethya cranium de Lamarck (1815), Fleming (1828), de Blainville (1834), Schmidt (1866), Gray (1867), Carter (1870-72) et Bowerbank (1874). * Spongia pilosa Montagu (1818. Tethea cranium Johnston (1842) et Bowerbank (1864-66). Tethya unca Bowerbank (1872). Tetilla cranium Sollas (1882) et Hansen (1885). Craniella cranium Sollas (1882). Tethya cranium var. typica Norman (1882). Craniella Mülleri Vosmaer (1885). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 389 Eponge ovoide ou subsphérique, de petite taille. Surface villeuse ou hispide. Écorce épaisse. Squelette disposé en lignes radiales. Stomions en crible. Ecto- chones poraux lacuneux. Oscule subapical, souvent invisible. Spicules. — I. Mégaselères : 1. Oxes (pl. XV, fig. 7, 0) fusiformes, à pointes un peu inégales, la pointe distale plus épaisse que la proximale ; dimensions variables suivant les individus : longueur, 2m,1 à 42,28; largeur, 27 à 50 9. Oxes corticaux (fig. 7, c) fusiformes, longs de 83 à 90 , larges de 32 à 38 pr. 3. Protriænes (fig. 7, p, m) de dimensions variables : rhabdome long de 37,2 à 5nm,4, sur 13 à 18 w d'épaisseur; clades longs de 150 à 170 p. #. Anatriænes (fig. 7, a, b) de dimensions variables : rhabdome long de 22,1 à 110,4, sur 14 à 20 p d'épaisseur ; clades longs de 63 L. IL. Microsclères : 3. Sigmaspires (fig. 7, s) longues de 10 à 12 p., excessive- ment nombreuses. Couleur. — Écorce blanche ; chair légèrement teintée de jaune. Habitat. — Très répandue dans tout le nord de l'Atlantique, Craniella cranium est considérée par Sollas comme une Tétractinellide propre à la région arctique, de même que Thenea muricata, Pœcillastra compressa, Pachymatisma Normani, Craniella abyssorum et Tetilla geniculata. Nous savons ce qu’il faut penser de la dispersion géographique de Thenea muricata et de Pœcillastra compressa. Craniella cranium semble occuper aussi une aire plus vaste que Sollas ne pou- vait le supposer, car Hirondelle l'a recueillie sur la côte des Asturies, en 1886, puis aux Açores, en 1888. Dans les eaux françaises, elle a été draguée à Roscoff, au nord-est des roches Duon, par une trentaine de mètres de profondeur, et au large de Concarneau (M. de Guerne). Les beaux spécimens de Craniella cranium atteignent un diamètre de 3 centimètres environ; mais on peut s'attendre à n’en rencontrer que de beaucoup plus petits. La surface se couvre quelquefois (pl. XV, fig. 9) d'une hispidation sans ordre, inégale, plus ou moins serrée. Le plus souvent, les spi- cules qui continuent les lignes squelettiques à travers l'écorce sor- tent groupés et forment des villosités séparées (fig. 6) entre lesquelles se percent les stomions. Bowerbank, qui s'était procuré près de trois cents individus de cette espèce, a déclaré (2, vol. Il, p. 85) n'avoir jamais pu découvrir d’oscule. Sollas, au contraire, a constaté la présence d'un orifice exhalant sur tout un lot de Craniella, provenant des côtes de Nor- vège (25, vol. IX, p. 150). La contradiction n’est qu'apparente; sui- 390 E. TOPSENT. vant leur état de contraction, les oscules sont tantôt parfaitement visibles (fig. 6, o)et tantôt indistincts. Pour établir la charpente du choanosome, les grands oxes se dis- posent en fibres solides, qui, partant toutes d’un même point, soit de la base, soit du centre de l’Éponge, rayonnent, droites ou cour- bes, vers la périphérie. La forme générale du corps et cette struc- ture, que révèle une simple section longitudinale, ont d’abord conduit les auteurs à supposer une proche parenté avec Tethya lyn- curium : d’où le nom de Zethya cranium si longtemps employé. En traversant l'écorce, les lignes squelettiques se compliquent par l’ad- jonction de protriænes et d’anatriænes (fig. 14), qui prennent une part importante à l'hispidation de la surface. Les anatriænes abon- dent surtout à la base de l'Éponge pour assurer sa fixation ; ce sont comme autant d’ancres qui s’accrochent au support; ils acquièrent souvent en Ce point un développement remarquable et forment avec les grands oxes une touffe de longues soies. Les dimensions de ces trois sortes de mégasclères, d’après les indications de Sollas (26) résumées dans la diagnose précédente, varient d'un individu à l’autre. Celles des oxes corticaux et des sigmaspires demeurent seules à peu près constantes. L’écorce, relativement épaisse (1 millimètre entre les villosités chez un spécimen haut de 22 millimètres), débute en dehors par un ectochrote, criblé de stomions dont ses éléments contractiles règlent le fonctionnement. Puis vient une couche collenchymateuse (pl. XV, fig. 14, e), transparente, molle, composée surtout de cel- lules sphéruleuses à sphérules incolores, bien marquées, et à noyau très petit; elle est occupée, entre les faisceaux de spicules, par des lacunes irrégulières qui représentent l’ectochone des chones poraux. Enfin, on trouve une couche fibreuse (fig. 14, f) dense, opaque et blanche, au moins égale en épaisseur à la précédente, et faite de cellules contractiles pour la plupart allongées dans le même sens, c'est-à-dire tangentiellement à la surface ; elle est traversée par les lignes squelettiques, percée d’étroits canaux droits ou endochones ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 391 des chones poraux, et soutenue par des spicules spéciaux, Oxes cor- ticaux, dressés, dans la règle, verticaux ou obliques, assez espacés. Au-dessous de l'écorce s'étendent des cavités superficielles, peu spacieuses, dans le plancher desquelles s'ouvrent les pores, orifices des canaux inhalants qui se répandent dans le choanosome. Sur une coupe sagittale, l’ectochrote hispide, la couche vitreuse de collenchyme, la couche opaque, blanche, de tissu fibreux, les cavités superficielles plus sombres, se distinguent aisément à l'œil nu ou à l’aide d’une faible loupe : la figure 9 (pl. XV), microphoto- graphie d’une coupe ainsi orientée d’un spécimen haut de 117,5, en montre assez bien la superposition, dans sa partie supérieure gauche; la phototypie na malheureusement pas tenu tout ce que promettait le cliché. La figure en question offre quand même beaucoup d'intérêt, car elle donne une idée suffisante du rayonnement des lignes spicu- leuses et laisse voir x situ, dans leurs intervalles, des corps oblongs dont il me reste à entretenir le lecteur, et qui sont les gemmules. La faculté de produire des gemmules est une des particularités les plus curieuses des Craniella, d'autant plus que ces organes de multiplication prennent ici naissance, non plus au contact immé- diat du support, comme chez les Chalina, Cliona et Suberites, et comme dans plusieurs genres d'Éponges d’eau douce, mais partout dans le choanosome. A partir d’une certaine taille (1 centimètre de hauteur environ), tous les individus en contiennent, et cela, souvent, en telle quantité que leur propre chair se réduit à peu de Chose. Au premier coup d'œil, on reconnaît que ces gemmules sont de deux sortes : les unes, grosses et blanches, les autres, de moitié plus petites et jaunûtres. Ces corps ont, naturellement, fixé l'attention de tous les obsarva- teurs : Bowerbank, Sollas et Vosmaer en ont parlé. Ce que j ’en dirai diffère cependant à certains égards des descriptions qui leur ont été consacrées. Ainsi, les petites gemmules m'ont toujours paru par- faitement aspiculeuses, tandis que Bowerbank, qui a le mieux éta- 392 E. TOPSENT. bli l'existence de deux sortes de gemmules groupées ensemble, a déclaré y découvrir des oxes grêles rayonnant du centre à la péri- phérie. J'ai étudié à Roscoff une Craniella cranium vivante ; j'en ai eu à ma disposition beaucoup d’autres, conservées dans l'alcool, et que $. A. le prince de Monaco a bien voulu me confier : toujours je suis arrivé aux mêmes constatations, et, tout en signalant les diver- gences incompréhensibles des opinions des auteurs et de la mienne, je me décide à ne tenir compte que de ce que j ai vu. Les grosses gemmules (pl. XV, fig. 8, a), dont les dimensions va- rient quelque peu suivant les individus, et qui atteignent 17° de longueur et 0"%,8 de largeur, se montrent, d'ordinaire, plus ou moins comprimées, lenticulaires. Elles sont coriaces, non dissociables, fortement armées. Des spicules non équivoques, formes Jeunes des trois sortes de mégasclères principaux de l’Éponge, s'y groupent par faisceaux (pl. XV, fig. 10) partant du centre et aboutissant à la surface, qu'ils soulèvent presque toujours un peu et qu'ils dépas- sent quelquefois. Les oxes sont pointus; les protriænes ont leurs clades distincts et déliés; quant aux anatriænes, leur cladome figure souvent un simple bouton contenant sans doute les futurs clades en puissance. La chair est maigre, composée de cellules granuleuses éparses, noyées dans une gangue anhiste semi-cartilagineuse, de plus en plus dense vers la périphérie (fig. 10 et 41). De loin en loin, une sigmaspire; les microscières peuvent même faire tout à fait défaut. Les gemmules armées que j'ai examinées vivantes s’entou- raient toutes d’une cuticule mince et transparente, boursoufilée entre les terminaisons des faisceaux de spicules (fig. 42, c). Les petites gemmules (fig. 8, 6), molles, charnues et se déchirant avec une extrême facilité, méritent le nom de gemmules inermes. Je n’y ai jamais trouvé, malgré des recherches réitérées, le moindre organite siliceux, si grêle fût-il. Comme les gemmules armées, elles s’enveloppent d’une pellicule hyaline. Une zone granuleuse double ce revêtement léger, mais sur une très faible épaisseur, et toute la masse incluse représente, en définitive, une accumulation de grosses ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 395 cellules embryonnaires (pl. XV, fig. 13), polyédriques par compres- sion réciproque, identiques à celles des gemmules de toutes les autres Éponges connues (Zphydatia, Cliona, Chalina, Suberites). Il existe toujours moins de gemmules inermes que de gemmules armées : leur proportion est, d’ailleurs, soumise à des variations individuelles. Il resterait à déterminer la destination particulière de chacun de ces organes de multiplication. L'hypothèse émise à leur sujet par Bowerbank est inadmissible. Le problème paraît des plus obscurs comme aussi des plus intéressants, et, pour le résoudre, de nou- velles investigations sont nécessaires. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. â. AUCHENTHALER (F.), Ueber den Bau der Rinde von Stelletta grubii O. S. (Annalen des K. K. naturhistorischen Hofmuseums, BaANe He EN p. 1, pl. I, Wien, 1889). 2, BowerBanx (J.-S.), À Monograph of the British Spongiadæ, vol. I-IV, London, Ray Society, 1864, 1866, 1874, 1882. 3. Carter (H.-J.), A Descriptive Account of three Pachytragous Sponges growing on the Rocks of the South Coast of Devon (Ann. and Mag. of nastuse (2), vol- MIT p°4,,ple IN 418704) 4. Gray (J.-E.), Notes on the Arrangement of Sponges, with the Description of some New Genera (Proc. Zoo. Soc., p. 492, London, 1867). 5. Grüse(Ed.), Mittheilungen über die Meeresfauna von Saint-Malo und Roscof] (Verhandlung. d. schlesischen Gesells. f.vaterl. Cultur., Breslau, 1872). 6. Hanirsou (R.), Second Report on the Porifera of the L. M. B. C. District (Proc. Biol. Soc., vol IL, p.155, pl. V-VIT, Liverpool, 1889). 3. — Third Report on the Porifera of the L. M. B. C. District (Proc. Biol. Soc., vol. IV, p. 192, pl. X-XV, Liverpool, 1890). 8. Hansen (G.-Arm.), The Norwegian North-Atlantic Expedition (1876-1878) [Zoology ; Spongiadæ, avec 7 planches, Christiania, 1885|. 9. Jonvsron (G.), History of British Sponges and Lithophytes, Edinburgh, 1842. 10. Kœucer (R.), Remarques sur le genre Caminus ef sur une Éponge voisine du Caminus osculosus Grübe (Bibliothèque de l'École des hautes études, Sciences naturelles, vol. XIX, art. n° 4 bis, Paris, 1884). 44. — Contribution à l'étude de la faune littorale des îles Anglo-Normandes (Annales des sciences naturelles (6), vol. XX, Paris, 1886. 394 412. 43. 44. 15. 16. 413. 22. E, TOPSENT. Lexoenrezo (R. von), Die Gattung Stelletta, Berlin, 1890. — Uber die Kieselnadeln von Geodia (Zoolog. Anszeiger, n°377, Leipzig, 1891). — Tetranthella, eineneue Lithistide(Zoolog. Anzeiger, n°440, Leipzig, 1894). Marenzezcer (Em. von), Ueber die adriatischen Arien der Schmidt schen Gattungen Stelletta und Ancorina (Annalen des K. K. naturhästorischen Hofmuseums, Bd. \N, Heft 1, p. 7, pl. 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IV, n° 8, pl. XI et XII, Lille, 1892). — Nouvelle série de diagnoses d’'Éponges de Roscoff et de Banyuls (Archives de soologie expérimentale et générale (3), vol. 1, Notes et Revue, p. xxx11, Paris, 1893). Vosuaer (G.-C.-J), The Sponges of the Leyden Museum. 1. The family of the Desmacidinæ (Notes from the Leyden Museum, vol. IF, p. 99, 1880). 39. — Vorloopig Berigt omtrent het onderzoek door den ondergeteekende aan de 40 AA 48 43 A4. 45. 44 48, nederlandsche Werktafel in het zoëlogisch Station te Napels verrigt, 20 nov. 1880-20 feb. 1881, La Haye, 1881. — Report on the Sponges dredged up in the arctie Sea by the « Willem Barents » in the years 1878 and 1879 (Nederländ. Archiv, f. Zool., Bd. I, suppl., pl. 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OUVRAGES REÇUS PENDANT L'IMPRESSION : Vosmaer (G.-C.-J.), Prelüminary notes on some Tetractinellids of the bay of Naples (Tijdschr. d. Ned. Dierk. Vereen. (2), IV, 3, Leiden, 1894). 396 E. TOPSENT. A9. Voswarr, Note on Suberites fruticosus and Suberites crambe of Oscar Schmidt (Tijdschr. d. Ned. Dierk. Vereen (2), IV, 3, Leiden, 1894). 50. LenpenreLp (R. von), Die Tetractinelliden der Adria, mit einem Anhange FiG. 1. über die Lithistiden (Denkschriften d. hais. Akad. d. Wiss. math.- naturw. Classe, Bd. LXI, Wien, 1894). EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XI. Desmanthus incrustans (p. 311). Spicules. s, X 60; £,c, p, d,r, X 180. s, deux styles courbes de la surface ; {, tête renflée de l’un d’eux; c,un desma de la couche profonde, vu par sa face inférieure avec son rhab- dome en projection ; p, un desma semblable, vu de profil; d, un desma de la couche superficielle; r, le rhabdome d’un desma de la couche profonde d’un individu recueilli sur le banc de Campèche. 2. Isops intuta (p. 336). Un spécimen, de grandeur naturelle. 3. Isops intuta. Spicules. c, r, m, 0, X 60; s, X 180; b,e, X 340. & OT c, cladome bien conformé, et r, rhabdome d’un dichotriæne ; m, cla- domes de dichotriænes à deutéroclades plus ou moins atrophiés ; o, une moitié d’oxe ; s, sterraster ; b, deux sphérasters ; e, deux oxyasters. Pachymatisma johnstonia (p. 321). Spécimen photographié vivant. Pachymatisma johnstonia. Spicules. r,t,c, X 60; s,u, X 180; o,m, X 340. r, trois strongyles de taille et de courbure différentes ; f, orthotriæne ; c, cladome d'un orthotriæne, vu par sa face inférieure ; $, sterraster bien développée ; u, sterraster mal développée, forme grêle ; 0, deux oxyas- ters ; m, deux microstrongyles. . Cydonium conchilegum (p. 326). Spicules. é, d,p,a,o, X 60;5s, X 180; e,m,C, X 340. t, deux orthotriænes ; d, trois dichotriænes ; p, protriæne ; 4, ana- triæne ; 0, oxe ; s, sterraster ; e, chiaster somale ; @#n, sphéraster sub- corticale ; €, trois chiasters du choanosome. 7. Cydonium gigas (p. 330). Fragment de spécimen desséché. 8. C. gigas. Spicules. t, u,p, v, à, 0,æ, X 60 ; d, f,s, x 180; e,m,c, X 340. t, orthotriæne ; u, trois cladomes d’orthotriænes (d’un autre individu); p, protriæne ; v, protriæne grêle; @, anatriæne ; 0, OXe ; æ, OXES COT- ticaux ; d, mésotriæne, f, mésodiæne, spicules de défense externe; s, sterraster ; e, chiaster somale; "”, sphéraster subcorticale ; c, cinq formes d’asters du choanosome passant du type chiaster au type oxyaster. PLANCHE XII. * Fic. 1. Erylus stellifer (p. 315). Spicules. ?, p, d, 0, X 60; s,u, x 180; a, b, m, X 340. t, deux protriænes ; p, triæne intermédiaire entre les protriænes et les dichotriænes ; d, dichotriæne ; o, oxe; s, sterraster ; w, sterraster grêle; a, trois oxyasters de la grande sorte; b, deux oxyasters de la petite sorte; m, deux microxes centrotylotes. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 397 FIG? 3. & e 10 F1G. 1. &ù e EE Caminus Vulcani (p. 319). Spécimen photographié vivant. Caminus Vulcani. Spicules. #, r, x 60; s, X 180; a, b, x 340. r, deux strongyles ; {, deux protriænes ; $, sterraster ; a, trois oxyas- ters ; b, sphérules. Penares Helleri (p. 357). Spicules. o, d, x 60; m,a, x 340. o, oxe; d, dichotriæne; m, microxes centrotylotes; a, trois oxyasters. . Penares candidata (p. 358). Spicules. 0, d, X 60; m, x 340. o, oxe; d, dichotriænes ; m, cinq microxes, centrotylotes ou non. . Stryphnus ponderosus (p. 365). Spicules. (Spécimen de Roscoff). 0, d, €, x 60; a, b, X 310. o, oxe; d, dichotriæne; €, cladome d’un dichotriæne; a, amphias- ters ; b, oxyasters. . Stryphnus ponderosus, var. rudis (p. 368). Échantillon dragué au large du Croisic, réduit par la photographie. . Stryphnus ponderosus, var. rudis. Spicules. o, d, p, x 60; a, b, x 340. o, moitié d’un oxe; d, cladome d’un dichotriæne ; p, plagiotriæne ; a, cinq amphiasters ; b, trois oxyasters. . Stryphnus ponderosus (p. 365). Spicules d’un échantillon provenant d’un dragage de l’Hirondelle sur la côte des Asturies. d, x 60; a, b, x 340. d, dichotriæne ; a, trois amphiasters; d, une oxyaster. Stryphnus mucronalus (p. 370). Spicules. 0, d, c,p, x 60; a, b, x 340. o, moitié d’un oxe ; d, dichotriæne; c, cladome d’un dichotriæne dont l’un des deutéroclades est bifurqué; p, plagiotriæne grêle; a, trois am- phiasters; b, quatre oxyasters à rayons de nombre variable. PLANCHE XIII. Sanidastrella coronata (p. 361). Individu à six papilles dragué à l’est du cap Norfeo. . Sanidastrella coronala. Individu à une seule papille recueilli dans les eaux de Banyuls (grandeur naturelle). Sanidastrella coronata. Spicules. é, p, a, m, x 60; 5,6, x 340. t, orthotriæne ;p, orthotriæne grêle; a, anatriæne ; m, anatriæne grêle ; s, trois sanidasters; €, deux oxyasters. Stelletta stellata (p.354). Spicules. 0,5, f, ÉD ER TA o, oxe; 5, style; {, deux orthotriænes entiers, l’un à rhabdome com- plet mais à cladome réduit à trois tubereules, l’autre à rhabdome tron- qué et à cladome composé seulement de deux clades; b, cladomes de deux autres orthotriænes; c, cinq chiasters; €, deux oxyasters. . Stelletta dorsigera (p. 349). Photographie après dessiccation. 6. Stelletta dorsigera. Spicules. 0, $, Ë, U, U, æ, Y, X 60: c,e, X 340. =] o, oxe; s, Style; é, orthotriæne normal; w, v, æ, y, différents cla- domes frappés d’atrophie partielle; c, deux chiasters; e, deux oxyasters. Stelleita Grubei (p. 345). Spécimen photographié vivant à Roscoff. 8. Stelletta Grubei. Spicules. r, t, 0, X 60; C, €, 9; X 340. r,0,e, g, d'après le spécimen recueilli à Roscoff. 0, t, d’après un spécimen dragué à Banyuls. 398 Fi, 9, Fic. 15 D =] 10. Fie. 1, He. 22 E. TOPSENT. r, t, orthotriænes ; 0, oxe; ec, deux chiasters ; e, deux oxyasters; g, une grande oxyaster du choanosome. Stelleita hispida (p. 351). Spicules. p, x 60; €, e, X 340. p, cladomes inégalement développés de quatre plagiotriænes ; c, une chiaster; e, une oxyaster. PLANCHE XIV. Pilochrota lactea (p. 340). Spicules, d’après un spécimen recueilli par H.-J. Carter à Budleigh-Salterton, o, d, t, X 60; r, e, X 340. o, oxe; d, dichotriæne; é, orthotriæne; r, deux faisceaux d’ortho- dragmates ; e, six asters, passant du type sphéraster au type oxyaster. Pilochrota laciea. Spicules, d’après un spécimen provenant de Roscoff. o,d,t, c, X 60; r,e, X 340. 0, oxe; d, cladome d’un dichotriæne; t, orthotriæne; c, cladome d’un orthotriæne ; r, trois faisceaux d’orthodragmates ; e, deux asters. . Pilochrota medilerranea (p. 343). Spicules. a, é, o, m, X 60; r,e,f, X 340. 0, Oxe ; &, quatre anatriænes; {, quatre orthotriænes; m, oxe grêle; r, faisceaux d’orthodragmates ; e, oxyaster; f, oxyaster exceptionnelle. Pachastrella monilifera (p. 380). Spicules. 0, f, €, X, 60; a, m, X 340. 0, fragment d’oxe; {, grand calthropse en forme de plagiotriæne; C, trois calthropses de différente taille ; m,cinq microstrongyies; a, trois asters grêles, passant du type amphiaster au type spiraster. . Dercilus Bucklandi. Spicules. €, X 60; {,5, X 340. ©, deux calthropses; {, deux toxes; s, trois microrhabdes épineux. (L'histoire de cette Éponge sera publiée ultérieurement.) Pœcillastra compressa, forme fypica (p. 385). Spécimen dragué à Roscoff et photographié vivant. . Pœcillastra compressa, forme placentula (p. 386). Spécimen dragué à l’est du cap Norfeo et photographié vivant. . Pœcillastra compressa, forme calyx (p. 387). Spécimen dragué à l’est du cap Norfeo et photographié vivant. . Pœcillastra compressa. Spicules, d’après le spécimen de la figure 7. 0, c, X 60; p,Mm,5s,a, X 340. 0, deux oxes; c, six calthropses de différentes formes: p, deux mi- croxes centrotylotes; m, deux métasters ; s, deux spirasters; a, deux amphiasters grêles, avec passage au type spiraster. à Pœcillastra saxicola (p. 387). Spicules. 0, t, c, x 60; p, a, x 340. o, oxe; t, C, différentes formes de calthropses; p, deux microxes non centrotyles ; a, deux amphiasters grêles, avec passage au type spiraster. PLANCHE XV, Thenea muricata (p. 375). Échantillon, conservé dans l'alcool, provenant d’un dragage de l’Hirondelle à l’est du grand banc de Terre-Neuve. p, récessus porifère faisant tout le tour de l’Éponge ; r, racines. Thenea muricata. Spicules. &, p, d, m, X 60;e,s, X 340. a, anatriæne; p, protriæne; d, portion du cladome (l’un des clades) ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES SPONGIAIRES DE FRANCE. 399 Fac. 1. d'un grand dichotriæne; m, dichotriæne grêle à protoclades très longs ; e, deux plésiasters; s, trois spirasters. . Thenea muricata. Portion de tissu conjonctif sphéruleux, X 180. e, cellules sphéruleuses à longs pseudopodes; a, plésiaster ; D, spiraster. . Thenea muricata. Coupe à travers le choanosome, X 180. €, canaux aquifères ; v, corbeilles vibratiles de type eurypyleux ; à, tissu conjonetif, formé de cellules intermédiaires. . Thenea muricata. Portion de la surface du récessus porifère, X 20. p, pores dermiques ou stomions; #, tissu épithélial contractile, cou- vert de spirasters ; b, brides fibreuses. Craniella cranium (p. 388). Spéeimen (haut de 22 millimètres), conservé dans l'alcool, dragué par l’Hirondelle sur la eôte des Asturies. . Craniella eranium. Spicules. 0, €, b, m, X 60; a,p, X 180; s, X 340. o, oxe; e, des oxes corticaux ; &, b, anatriænes; M, p, protriænes; s, sigmaspires. . Craniella cranium. Gemmules, X 20. i, gemmule inerme; a, gemmule armée. Microphotographie d’une Craniella coupée longitudinalement pour mon- trer en place ses gemmules. . Coupe d'une gemmule armée de Craniella cranium, pour montrer ses fais- ceaux rayonnants de spicules et ses cellules éparses dans une substance fondamentale anhiste, dense à la périphérie, X 60. . Portion périphérique d’une coupe de gemmule armée, X 340. . Portion périphérique de gemmule armée d’une Craniella vivante, X 180. c, la cuticule, qui se soulève entre les pointes des faisceaux spicu- leux, s; p, parenchyme, Groupe de cellules d’une gemmule inerme, X 180. . Craniella cranium. Coupe longitudinale de l’Éponge, x 20. e, zone externe collenchymateuse de l’ectosome ; à, cavités intracorti- cales: s, faisceaux rayonnants de spicules; f, zone interne fibreuse de l'ectosome, avec ses oxes spéciaux; p, choanosome ; €, canaux aquifères. PLANCHE XVI. Pachymatisma johnstonia (p. 321). Coupe longitudinale de l'Éponge. e, ectochrote; s, couche sterrastrale; p, stomions ou pores dermiques ; i, pore; m, choanosome; ©, canaux aquifères. Pachymatisma johnstonia. Portion de l'ectochrote, X 340. m, microstrongyles; v, cellules vésiculeuses; p, cellules à pigment; f, cellules contractiles. k . Pachymatisma johnstonia. Un chone poral recouvert de l’ectochrote percé de stomions, X 30. e, ectochrote vu de face; , stomions ou pores dermiques; &, lumière du chone en partie obstruée par un diaphragme contractile, d. . Pachymatisma johnstonia. Fragment (grandeur naturelle) de la couche sterrastrale de l’ectosome. Chaque orifice, à, est un chone poral. L’ecto- chrote qui recouvrait cette couche a été enlevé par grattage. 400 Gp: E. TOPSENT. Pachymatisma johnsionia. Un chone poral percé dans la couche sterras- trale; l’ectochrote, avec les stomions, a été enlevé. s, couche des sterrasters; , lumière du pore, en partie obstruée par un diaphragme contractile, d, x 60. 6. Éclats de mégasclères de Séryphnus, de face (a) et de profil (b). 7. Caminus Vulcani (p. 319). Crible ectochrotal d’un chone poral; p, sto- 11. 12. 13. 14. 15. 16. 4e 18. 19 20. 21. mions percés dans l’ectochrote au fond de sinus disposés en étoile. . Isops intuta (p.336). Portion de l’ectosome vu de face, X 60. i, chone poral; s, sterrasters ; a, sphérasters ; p, cellules à pigment. Isops intuta. Coupe schématique de l’'Éponge. i, chone poral ; e, ectochrote avec ses sphérasters et ses cellules à pig- ment; s, couche sterrastrale; f, triænes ; m, choanosome. . Penares candidata (p. 358). Groupe de cellules vésiculeuses telles qu'on les voit (aspect et dispersion) dans un lambeau de chair vivante, X 180. Penares candidata. Trois cellules sphéruleuses, X 186. Stryphnus mucronatus (p.370). Coupe à travers le choanosome, X 340. c, canaux; 0, fragment d’'oxe ; a, oxyasters; s, sanidaster, M, méso- derme sarcenchymateux ; b, tissu contractile de la paroi des canaux larges et de l’ectosome ; v, cellules vésiculeuses; D, cellules sphéruleuses co- lorées ; d, cellule sphéruleuse incolore; f, corbeilles vibratiles aphodales. Cydonium conchilegum (p- 326). Spécimen photographié après dessiccation. L'aire osculaire apparaît plus blanche que le reste de l’Éponge, mais l’ectosome criblé qui recouvre les oscules ne permet pas, à cet état, de distinguer les orifices. Cydonium gigas (p. 330). Portion d’une Éponge desséchée montrant la disposition des pores et des oscules (grandeur naturelle). a, l’aire osculaire. Cydonium gigas. Un pore el son crible. Cydonium gigas. Portion de l'aire osculaire. Quatre oscules et leur crible. Erylus stellifer (p.315). Portion de l’ectosome vu de face, X 20. i, chone poral; quelques-uns de ces chones sont en partie fermés par un diaphragme contractile, d; 5, couche sterrastrale recouverte d'un ec- tochrote mince et transparent malgré les microxes dont il est charge. Erylus stellifer. Coupe à travers Île choanosome, X 340. c, canaux; a, grande oxyaster; €, petites oxyasters; m, mésoderme sarcenchymateux; /, corbeilles vibratiles, de type aphodal; v, cellules vésiculeuses ; s, cellules sphéruleuses; 7, cellules à réserves nutritives. Erylus stellifer. Aspect des cellules vésiculeuses à l’état de vie, X 180. Isops intula (p. 336). Portion de coupe à travers le choanosome, X 60. e, canaux ; f, corbeilles vibratiles; v, cellules vésiculeuses; à, asters. (Les asters sont en place au bas de la figure, à droite.) Isops intuta. Coupe à travers le choanosome, X 340. m, mésoderme sarcenchymateux ; 4, oxyaster ; v, cellules vésiculeuses; f, corbeilles vibratiles, de type aphodal. RECHERCHES ANATOMIQUES SUR LE NYNTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEUN ([ACIPENSER STURIU) PAR R. CHEVREL: INTRODUCTION. L'Esturgeon, seul représentant du groupe des Ganoïdes en France, possède une organisation qui tient pour ainsi dire le milieu entre celle des Élasmobranches et celle des Poissons osseux. Il se rapproche des premiers par la position de la bouche sous le museau, par la pré- sence d’un évent, d’un chiasma des nerfs optiques, d’un intestin spiral, de canaux péritonéaux internes et externes, d'un bulbe arté- riel contractile, par l'hétérocerquie de la queue, etc. ; il s'en éloigne, au contraire, et rappelle davantage les Poissons osseux par le nombre et la position des orifices des narines, par le mode d'attache du bulbe oculaire, par l'absence de procès ciliaires, par la présence d’appen- dices pyloriques, d’un opercule, de branchies hyoïdiennes, d'une vessie natatoire, etc. Ces caractères mixtes, qui font de l'Esturgeon une sorte de type de transition entre les deux groupes de Poissons dont il vient d’être question, m'ont engagé à étudier la disposition de son système nerveux sympathique. | Se comporte-t-il comme celui des Élasmobranches ou plutôt ARCII. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. Il. 1894. 26 402 R. CHEVREL. comme celui des Poissons osseux, si différents l’un de l’autre par leur aspect, leur étendue et leurs rapports ? Ou bien a-t-il une phy- sionomie spéciale qui lui soit propre ou qui tienne à la fois de celle des deux groupes voisins ? Telles sont les questions que j'ai essayé de résoudre. Mais une simple description, faite déjà par quelques auteurs, était, à mes yeux, impuissante à faire ressortir les points que je voulais mettre en lumière ; aussi ai-je ajouté un chapitre destiné à établir la com- paraison entre le système sympathique de l’Esturgeon et celui des Élasmobranches et des Poissons osseux. Enfin, j'ai terminé mon travail par un essai sur l’évolution du système sympathique dans les divers groupes de Poissons. Le procédé technique qui m'a si bien réussi dans l'étude du système sympathique des Élasmobranches et de beaucoup de Pois- sons osseux ne m'a donné ici que de faibles résultats. La colo- ration de la myéline par l’acide osmique ne se fait que très lente- ment et très imparfaitement ; cependant, c’est grâce à l'emploi de cet acide que j'ai réussi à découvrir les rameaux communicants el à les distinguer des filets voisins qui accompagnent les artérioles dans l'épaisseur des muscles latéraux. Sur des animaux très frais, il n’est pas douteux que je n’eusse obtenu de meilleurs résultats ; malheureusement, ceux qui ont servi à mes recherches ne pouvaient présenter la fraîcheur désirable. Les Esturgeons sont, en effet, des Poissons assez rares sur les côtes de France et particulièrement sur celles du Calvados; aussi a-t-il fallu faire venir de loin ceux qui m'ont été nécessaires. La plupart ont été envoyés de Nantes el ne sont parvenus, au plus tôt, que Je troisième jour après leur capture, c'est-à-dire lorsque la putréfaclion était déjà assez avancée. Tous ont été gracieusement mis à ma disposition par M. le professeur Joyeux-Laffuie, qui m'a, en outre, donné, dans son laboratoire de Luc-sur-Mer, Loutes facilités pour mener à bien mon travail. Je suis heureux de lui adresser ici mes plus sincères remerciements. SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L’ESTURGEON. 405 HISTORIQUE. L'auteur qui paraît s'être occupé le premier du sympathique de l'Esturgeon est von Baër (4). Il a reconnu, de chaque côté de la colonne vertébrale, le tronc du sympathique et l’a vu se porter, en avant des reins, vers les rameaux du pneumogastrique. En outre, il a découvert le tronc nerveux qui accompagne l'artère cœliaque dans son trajet à travers les viscères abdominaux et les racines qui lui donnent naissance. Après lui, Meckel entreprit les mêmes recherches, mais sans suc- cès ; trompé par l'apparence, il prit pour le tronc du sympathique le cordon fibreux qui se trouve dans la cavité de l’aorte. C’est à Stannius que nous devons les travaux les plus nombreux et les plus exacts sur le sympathique. Dans le premier en date (2), il en donne une description minutieuse. Le cordon terminal du sympathique de l'Esturgeon, dit-il, s'étend aux côtés de la colonne vertébrale, dans l’intérieur même des reins, près des gros troncs veineux situés en cet endroit. Il constitue, de chaque côté de la colonne vertébrale, une chaine irrégulière, formée de ganglions de couleur grise unis les uns aux autres par de nom- breux filets de même couleur. Du rein droit naît, par deux racines, un fort tronc nerveux qui accompagne dans les intestins l'artère cœæliaco-mésentérique. Du rein gauche sort un tronc double gagnant le côlon en même temps que l’artère mésentérique postérieure. A l'extrémité antérieure des reins, le nerf sympathique s avance, par quatre ou cinq rameaux grisâtres, sous la base osseuse du crâne vers la limite inférieure de la cavité branchiale et court entre les ra- meaux intestinaux du vague. Ses rameaux se portent sur la plus petite courbe des ares branchiaux, se ramifient et s'unissent avec les rameaux du vague et avec ceux du glosso«pharyngien. Dans son Manuel d'anatomie comparée (8), Stannius se contente de dire qu'on ne possède pas encore de recherches précises sur la 404 R. CHEVREL. disposition et les anastomoses du sympathique chez les Esturgeons. En 4849, dans un grand travail sur le système nerveux des Pois- sons (4), le même auteur décrit encore le système sympathique des Esturgeons, qu’il a de nouveau étudié. Sa seconde description con- corde à peu près sur tous les points avec la précédente. Il ajoute seulement quelques faits nouveaux el en rectifie d’autres. Ainsi, dans son premier travail, il n'avait pas parlé des rapports du cordon latéral avec les nerfs rachidiens ; dans le dernier, il dit que le cor- don est mis en relation avec le rameau antérieur du nerf spinal par de très fins rameaux communicants. Les reins et les organes de la génération reçoivent des filets très fins. La branche qui se rend à l'artère mésentérique postérieure et qui, d’après son premier travail, paraissait être double, est simple ; mais elle naît par deux racines, dont l’une sort du cordon droit et l’autre du gauche. Enfin, 1l a en- core réussi à suivre le sympathique jusqu’au nerf vague; mais il n’affirme plus l'avoir vu s'unir au elosso-pharyngien ; il dit simple- ment que le cordon parait se rendre à ce dernier nerf. C’est en vain qu'il a cherché une relation entre le sympathique et le nerf facial ou le nerf trijumeau. Dans la seconde édition de son Anatomie comparée (5), il parle une dernière fois du sympathique de l’Esturgeon et répète simplement ce qu'il a dit dans ses ouvrages précédents. Depuis lors, personne, à ma connaissance, ne s’est occupé de l'étude anatomique du sympathique de l'Ésturgeon. En résumé, les travaux de mes devanciers et principalement de Stannius ont fait connaître assez bien le sympathique dans ses traits généraux; il est seulement à regretter que leurs descriptions n'aient pas été accompagnées de dessins qui les auraient rendues plus intel- ligibles. Mes recherches ont confirmé la plus grande partie de leurs découvertes et ont, en outre, étendu la connaissance anatomique de ce nerf. De plus, mon texte est accompagné d’une planche qui permettra au lecteur de se faire une idée plus nette de la physio- nomie et des rapports du sympathique. SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 405 DESCRIPTION. DU SYMPATHIQUE. On peut diviser le sympathique en trois parties : la partie cépha- lique, la partie abdominale et la partie caudale. Partie céphalique. — La partie céphalique tirant son origine des nerfs crâniens, la logique exigerait que la description fût faite d'avant en arrière; mais pour rendre plus clair mon exposé, je procéderai en sens inverse, comme si le sympathique se portait d’arrière en avant. De la partie antérieure des reins sortent trois ou quatre troncs nerveux aplatis, semblables à des rubans, qui cheminent au-dessus des artères épibranchiales, entre la paroi supéro-latérale de la cavité pharyngienne et la fascia dont elle est revêtue. Ces trones s anasto- mosent entre eux et forment ainsi un plexus pharyngien dont les ramifications se portent, les unes en dehors vers les ares branchiaux et les artères épibranchiales ; les autres en dedans vers l'aorte (pl. XVI, fig. 1, ns). Leur marche n’est pas facile à suivre et néces- site de grandes précautions. Îl faut fendre et rabattre la paroi du pha- rynx, puis enlever le tissu conjonctif lâche qui unit celle-ci à la face inférieure de la colonne vertébrale ; on voit alors nettement que le plexus est situé entre le tronc vasculaire formé par les deux der- nières artères épibranchiales et l'extrémité antérieure des reins. Si l’on suit en avant le rameau le plus interne du plexus pharyn- gien, on constate que la plupart de ses ramifications s'élargissent et se terminent brusquement en pinceau dans le voisinage de laorte. Cette singulière disposition est surtout frappante lorsqu'on a pris la précaution de colorer les nerfs au moyen de l'acide osmique. À partir de la terminaison du pinceau, les filets nerveux deviennent si déliés qu’il est impossible de les suivre par les moyens ordinaires de la dis- section. Il est probable qu'ils forment, dans l'épaisseur du tissu qui tapisse la face inférieure de la partie antérieure de la colonne verté- brale, des plexus mieroscopiques que je n'ai pu découvrir à Cause du manque de fraicheur de mes exemplaires. 406 R. CHEVREL. Quant aux autres ramifications du plexus pharyngien, elles se comportent différemment. Les unes proviennent manifestement de diverses branches du pneumogastrique : ce sont donc des racines ; les autres se portent vers les vaisseaux sanguins; un certain nombre s'unissent aux rameaux du pneumogastrique et se dirigent comme eux du centre à la périphérie; enfin, quelques-unes se répandent dans le tissu conjonctif qui unit les organes de cette région. Les racines (pl. XVII, fig. 4, rs) sortent en général des ramificatrans branchiales du pneumogastrique. Je n’en ai jamais trouvé qu'un petit nombre de chaque côté, trois ou quatre tout au plus ; mais leur ténuité et la difficulté de la dissection ont pu m'en dissimuler quelques-unes. À leur sortie du pneumogastrique, elles se recour- bent en dedans et vont s’unir soit entre elles, soit avec les filets voi- sins, pour constituer les troncs du plexus pharyngien. Stannius croit avoir suivi le sympathique jusqu’au glosso-pharyn- gien et même beaucoup plus loin, car il a va, dit-il, de nombreux petits ganglions le long des vaisseaux sanguins de la tête jusque dans le voisinage du trijumeau. Je n'ai, quant à moi, malgré les recherches les plus attentives et les plus multipliées, jamais réussi à poursuivre Je sympathique au delà du pneumogastrique. Le fait signalé par Stannius est-il une exception à la règle géné- rale ou bien le résultat d’une erreur? Bien que le témoignage de cet auteur mérite d'être pris en sérieuse considération, j ai tout lieu de croire à une méprise de sa part, etc'est dans ses travaux mêmes que je trouve mon principal argument. En effet, Stannius n'est affirmatif que dans le premier travail qu'il a publié sur l'Esturgeon (2). Dans son Manuel d'anatomie comparée (3), il n’est plus question que de l'union du sympathique avec le glosso-pharyngien, et même il con- sidère cette union comme douteuse. Enfin, dans le Mémoire qu'il a publié sur le système nerveux périphérique des Poissons (4), il ne parle même plus des rapports du sympathique et du glosso-pha- ryngien. Quant aux petits ganglions placés le long des vaisseaux sanguins SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 407 de la tête, il ne sait s’il doit les attribuer au sympathique ou au nerf vague. Ces incertitudes n’autorisent-elles pas à penser que l’auteur avait au moins des doutes sur l'exactitude du fait qui est l’objet de cette discussion? Après les recherches nombreuses que j'ai faites pour élucider ce point, je suis de plus en plus convaincu que Stannius à mal vu ce qu'il a décrit, ou mal interprété ce qu'il a vu. Les filets qui se portent vers les vaisseaux sanguins accompagnent ordinairement les artères épibranchiales le long de la petite cour- bure des ares branchiaux. Dans leur trajet, ils reçoivent des racines du pneumogastrique et lui envoient des ramifications ; parfois, ces ramifications s'unissent en réseau avec celles du pneumogastrique, comme le montre la figure 4 (pl. XVIE, psp) ; il existe donc chez l’Es- turgeon, comme chez les Poissons osseux, un plexus branchial homo- logue du plexus pulmonaire des Vertébrés terrestres. J’ai pu suivre les filets sympathiques jusqu’à l'arc qui soutient les lamelles bran- chiales. Là, après s’être bifurquées, elles se divisaient en ramuscules si fins qu'il était impossible de les suivre plus loin. Il est probable que ces ramuscules forment autour de l’arc un plexus, d’où partent les fibrilles nerveuses qui se rendent dans chaque lamelle bran- chiale,. Enfin, quelques filets du plexus pharyngien vont se perdre à la surface de la veine céphalique antérieure; d’autres, dans les muscles branchiaux, et enfin un petit nombre, se répandent dans le tissu conjonctif qui tapisse la face inférieure de la colonne vertébrale et la paroi de la chambre branchiale. Partie abdominale. — En suivant en arrière les rameaux du plexus pharyngien, on les voit bientôt disparaître dans la substance des reins, en même temps que leur diamètre diminue considérablement. Ils s'étendent de chaque côté de la colonne vertébrale jusqu à l'ar- tère mésentérique postérieure, en arrière de laquelle ils s’unissent pour former un plexus impair qui peut se poursuivre jusqu'au voi- sinage de l'anus. Ils recoivent leurs rameaux communicants des nerfs 408 R, CHEVREL. rachidiens devant lesquels ils passent, donnent naissance au nerf splanchnique, à celui qui accompagne l'artère mésentérique posté- rieure, et envoient de nombreux ramuscules aux capsules surrénales, de Leydig, et en général à tous les organes qu'ils rencontrent sur leur trajet. Avant d'examiner en détail cette partie du sympathique, je dirai quelques mots des capsules surrénales. Capsules surrénales. — Les capsules surrénales dont il est ici ques- tion sont de petits corps jaunes, plus ou moins semblables à ceux que Leydig (# et 8) avait considérés chez les Sélaciens comme les - homologues des capsules surrénales des autres Vertébrés. Je les ai longuement décrits (9) après Leydig, Semper (4@) et Balfour (44), chez ces derniers Poissons, et ne pouvant les homologuer d’une ma- nière sûre aux capsules surrénales des autres Vertébrés, je leur ai laissé, au moins provisoirement, le nom de corps suprarénaux et de corps interrénal, que leur avait donné Balfour. Ces corps existent également chez l'Esturgeon, mais leur distribution n’est pas iden- tique à celle qu’ils présentent chez les Élasmobranches et mérite une description spéciale. La difficulté de se procurer des animaux frais ne m'a pas permis de faire une étude histologique de ces corps aussi complète que je l’eusse désiré et, dans ce travail, Je me suis simplement contenté de reproduire une coupe (pl. XVII, fig. 5) faite sur l’un d’eux environ cinq jours après la capture du Poisson. Cette étude, ainsi d’ailleurs que l'interprétation qui en découlera, trouvera naturellement sa place dans un travail comparatif que Je prépare sur ces corps, sur les capsules surrénales et sur les glandes vasculaires des autres Ver- tébrés. Chez les Élasmobranches, les capsules surrénales de Leydig sont généralement paires, symétriquement placées de chaque côté de la colonne vertébrale, depuis la partie antérieure du sinus de Monro jusqu’à l’origine des veines cardinales postérieures. Presque toutes entourent comme d'un manchon les artérioles intercostales. La pre- mière, de beaucoup la plus considérable, est quelquefois placée sur SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 409 l'artère axillaire; aussi l’avait-on jadis considérée comme un cœur axillaire. Elle n’a, ainsi que la plupart des suivantes, aucun rapport avec les reins qui longent le bord externe de la veine cardinale pos- térieure, tandis que les petits corps dont il s’agit sont situés plus en dedans, à la face supérieure de cette veine. Mais comme les deux reins se rapprochent insensiblement l’un de l’autre, en arrière, il arrive que les derniers petits corps se trouvent peu à peu englobés dans la pulpe rénale où il est même difficile de les découvrir. Chez l’'Esturgeon, ces petits corps sont le plus souvent plongés dans la substance même des reins et distribués très irrégulièrement; ils n’entourent plus les artérioles intercostales et me paraissent même assez rarement en rapport avec elles. On les trouve également à la face supérieure de la veine cardinale ; mais ils sont aussi abon- dants à sa face inférieure. 1ls commencent à se montrer un peu avani l'origine de l'artère cœliaque et disparaissent au voisinage de l’ar- ière mésentérique postérieure. Leur dimension en longueur varie entre 4 centimètre et plus, et une fraction de millimètre ; leur lar- geur atteint au plus 2 millimètres. Dans les Élasmobranches, le premier corps est toujours situé immédiatement en avant de l'artère cœliaque. 1] est formé de deux parties bien distinctes, l’une dont la composition rappelle celle des glandes vasculaires sanguines, et l’autre qui est constituée presque exclusivement par de grandes cellules nerveuses. Chez l'Esturgeon, on aperçoit encore, vis-à-vis de l’origine de l’ar- tère cæliaque, un corps volumineux; mais il est précédé par une série de corps beaucoup plus petits d’où partent les nombreux filets qui constituent, par leur réunion, les racines du nerf splanchnique. Tous ces corps, grands et petits, ne paraissent renfermer dans leur substance qu’une seule espèce de matière, et l’on ne trouve nulle part, dans leur voisinage, l'équivalent de la partie constituée chez les Élasmobranches par les grandes cellules nerveuses. Il ne semble pas douteux, néanmoins, que l’ensemble de ces corps n'ait le même rôle que le corps unique des Élasmobranches, et peut-être me sera- 410 R. CHEVREL. t-il possible de trouver chez des Esturgeons frais ce que j'ai vaine- ment cherché chez des spécimens en mauvais état de conservation. Un peu avant l’origine de l'artère mésentérique postérieure, on trouve encore, sur une certaine longueur, un amas de petits corps du côté gauche de la colonne vertébrale. C'est de là que partent, pour la plupart, les racines du nerf qui accompagne ce vaisseau dans la partie postérieure de l'intestin spiral. Entre ces deux amas principaux, les petits corps sont fortement disséminés, très réduits et répandus principalement à la surface des veines cardinales. Cordon sympathique. — Pour faciliter la description de cette partie du sympathique, on peut la supposer divisée en trois sections : la première, allant de l'extrémité antérieure des reins à l'artère cœ- liaque ; la deuxième, comprise entre cette artère et l’artère mésen- térique postérieure, et, enfin, la troisième, allant de cette artère à l'anus. Première section. — J’ai dit la facon dont les rameaux du plexus pharyngien pénètrent dans les reins. Chacun d'eux se dirige en arrière en décrivant de nombreuses sinuosités, soit à la face inférieure de ces organes, soit même dans leur propre substance. Leur allure générale est déterminée par la position des nombreuses capsules surrénales avec lesquelles ils sont en constante relation. Leurs rapports parais- sent être de simples rapports de contact; du moins, il m'a été im- possible de voir à la loupe les filetsnerveux se ramifier en pénétrant dans ces corps. Parfois ces derniers sont à une certaine distance des filets, qui leur envoient alors un ou deux ramuscules. Enfin, il nest pas rare de les voir unis, par un ou deux connectifs, avec de petites masses ganglionnaires composées de cellules nerveuses. Ces petites masses sont les véritables ganglions sympathiques, semblables d’ail- leurs à ceux qu'on rencontre chez les Sélaciens dans le voisinage des capsules surrénales. Mais, comme chez ces derniers, leur distribu- tion n'offre rien de régulier; ils sont répandus sans ordre le long des filets nerveux et n'offrent aucunement cette disposition symétrique SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 4! et régulière qui caractérise les ganglions du sympathique des Pois- sons osseux. Des diverses capsules surrénales situées en avant ou en regard de l'origine de l'artère cœliaque, partent, mais seulement du côté droit, un certain nombre de filets déliés, qui, par leur réunion, constituent les deux troncs dont se compose à son origine le nerf splanchnique. De l’un des filets nerveux qui courent du côté gauche de la colonne vertébrale se détache un rameau qui passe en dessous de l'aorte abdominale et vase joindre à l’une des racines du nerf splanchnique. Cette anastomose, reconnue par von Baër, n’a pu être retrouvée par Stannius. Je l’ai vue, quant à moi, sur plusieurs des exemplaires que j'ai disséqués. | Les deux troncs du nerf splanchnique, étroitement accolés à l’ar- tère et recouverts par sa membrane externe, sont placés, l’un en avant d’elle, l’autre en arrière, et reliés par de nombreux filets qui constituent ainsi, autour de ce vaisseau, un plexus à mailles larges. Après un certain trajet, les deux troncs s’amincissent au point de ne plus être facilement suivis; mais le plexus n’en existe pas moins, et les filets qui en partent se portent sur l'estomac, l'intestin, le foie, la rate, etc., en un mot sur tous les organes auxquels se rendent les nombreuses ramifications de l’artère cœliaque. La partie antérieure du sympathique abdominal reçoit quelques rameaux communicants des nerfs rachidiens voisins, et envoie, che- min faisant, des connectifs aux organes qu'elle rencontre. Je me contenterai de citer ici ceux qui se portent sur l'estomac, en avant de l'artère cœliaque. Ces filets se ramifient et vont s’anastomoser avec les dernières ramifications de la branche viscérale du pneumo- gastrique. Le plexus stomacal, déjà signalé chez les Élasmobranches et chez les Poissons osseux, existe donc également chez l’Esturgeon. Deuxième section, — Entre l’artère cœliaque et l’artère mésenté- rique postérieure, le sympathique devient beaucoup plus simple. Il consiste en un filet très ténu qui se dédouble de temps à autre et se 12 R. CHEVREL. tient accolé à la colonne vertébrale vers la partie supéro-interne des reins, dans l'épaisseur desquels il fait de fréquentes incursions. Dans son trajet onduleux, il présente de place en place, et très irréguliè- rement, de petits ganglions d'où partent quelquefois une ou deux ramifications. Mais le plus grand nombre de ces dernières semblent se détacher d’un point quelconque du cordon dont elles se distin- guent par leur direction, transversale par rapport à l’axe du corps, et parfois aussi par une plus grande ténuité ; j y reviendrai dans quelques instants. Du côté droit, le diamètre du tronc sympathique s'atténue de plus en plus, de telle sorte qu'ilest à peu près impos- sible de le découvrir à l'approche de l'artère mésentérique posté- rieure. Du côté gauche, le même fait se reproduit, mais beaucoup plus en avant. Le tronc sympathique reparaît ensuite à une certaine distance de l'artère, entre en relations avec un petil groupe de cap- sules surrénales, augmente de volume et va s’accoler aux parois de cette artère. Parmi les nombreuses ramifications que présente ce cordon, Je dois mentionner en premier lieu les rameaux communicants. Ces racines du sympathique sont difficiles à découvrir, tant elles sont fines: chacune d’elles prend naissance sur le nerf rachidien corres- pondant, ordinairement sur la limite externe des reins, quelquefois en dehors de ces organes, d'autres fois en dedans; eile se dirige perpen- diculairement à l’axe du corps, mais parfois aussi elle lui est oblique, comme on le voit principalement en avanf. Elle se jette rarement dans un ganglion sympathique ou même dans une capsule surrénale ; le plus souvent elle s’accole directement au tronc du sympathique qui s’infléchit vers elle, ce qui détermine les ondulations qu'il pré- sente le long de son trajet; aussi ce cordon semble-t-il formé d'une série de bouts placés irrégulièrement les uns à la suite des autres. Les autres ramifications de ce cordon sont nombreuses. En général elles accompagnent les artérioles intercostaies qu’émet sur son par- cours Paorte abdominale. On les voit former des plexus autour de ces petits vaisseaux el pénétrer à leur suite dans l’épaisseur des SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 415 muscles (pl. XVII, fig. 4, ns). Leur point d’origine est situé sur un rameau sympathique émané d’un point quelconque du cordon; ce rameau, qui est plus ou moins long, donne en outre naissance à des ramifications qui vont se perdre dans la substance rénale, et d’au- tres dans les muscles latéraux du corps, ou bien encore à la face inférieure de l'aorte. La veine cardinale est encore plus richement innervée. Elle est entourée d’un plexus dont les mailles sont plus serrées au voisinage des capsules surrénales ; parfois sa surface porte de petits ganglions autour desquels s’irradient un certain nombre de fins filaments nerveux; cette disposition rappelle ce qui se voit plus fréquemment chez les Élasmobranches. Les organes génitaux sont assez éloignés du cordon sympathique. On pourrait croire que des filets considérables se rendent directe- ment à ces organes; il n’en est rien. Je n'ai pas réussi à en suivre un seul de quelque importance. Tous ceux que j'ai pu découvrir étaient si faibles, qu’il m'a fallu renoncer à les poursuivre jusqu'au bout. Le rameau le plus important de cette seclion est, sans contredit, celui qui accompagne l'artère mésentérique postérieure (pl. XVii, fig. 3, ns). Un peu avant l’origine de cette artère, et du côté gauche, cette fois, on découvre, dans la pulpe des reins, un certain nombre de capsules surrénales. Toutes se trouvent sur le trajet d'un filet nerveux, ou bien lui sont reliées par de fins connectifs. À sa partie postérieure, ce filet se divise en quatre ou cinq ramifications dont l’une se porte sur la face antérieure de l'artère, pendant que les autres, contournant sa base, vont s’unir en arrière avec d'autres filets issus des rameaux précédents pour constiluer un gros tronc accolé à la face postérieure de cette artère. Bientôt après on ne dé- couvre plus qu'un seul nerf qui accompagne la mésentérique posté- rieure jusque dans l'intestin spiral; là, il se hifurque et se perd bientôt dans ses parois. - Stannius dit que ce nerf naît par deux racines, une droite et une gauche. Le côté gauche fournit plusieurs racines; mails, quant au AA R. GHEVREL. côté droit, il n’en fournit qu’une seule probablement. C’est du moins ce que j'ai constaté sur un ou deux exemplaires, car je n'ai pas réussi à la découvrir sur lés autres, Troisième section.—Des racines du nerfprincipal de l’artère mésen- térique postérieure se détachent des filets, en nombre variable suivant lesindividus, trois ou quatre, ou même plus, quise placentsurlaligne médiane et se portent en arrière, entre les deux veines cardinales. Ils s’anastomosent, recoivent des rameaux communicants,se mettent en rapport avec les capsules surrénales et envoient des filets aux vais- seaux et aux organes voisins. Le plexus est surtout bien formé et particulièrement compliqué au voisinage de l'origine des veines cardinales postérieures. Le plexus résulte clairement de Ja fusion des deux cordons limitants et de leurs ramifications. Cette disposi- tion rappelle ce qui se voit chez un grand nombre de Poissons osseux. Partie caudale. — 11 me reste maintenant à décrire là païtie Cau- dale, qui a complètement échappé aux recherches de mes devan- ciers. De la partie postérieure du plexus dont il vient d'être question, plexus qu’on peut appeler pré-anal à cause de sa position, partent généralement deux nerfs, qui se placent entre l'artère et la veine caudales. À leur origine, ils reçoivent des rameaux commuünicants et envoient des connectifs aux branches ventrales des nerfs rachi- diens; ils se soudent ou s’envoient des anastomoses. Jusqu'ici, ces deux nerfs rappellent donc, par leur allure et par leurs rapports, ce qui se voit chez les Poissons osseux. Mais, un peu plus loin, ils perdent leur parallélisme et s’éloignent de la partie médiane qu ils occupaient ; ils se ramifient en enveloppant la veine caudale de leurs branches anastomosées. J'ai pu suivre les principaux filets jusqu'au delà de la moitié de la veine caudale, et je ne doute pas qu'avec des moyens plus parfaits je ne fusse arrivé à les suivre jusqu à son extrémité postérieure. Quant aux deux troncs sympathiques, ils m'ont paru se terminer vers la fin du premier tiers de la région caudale; mais je n'ose affirmer qu'ils ne s'étendent pas plus loin. Me “7 NEA TPS SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 415 rappelant ce qui se présente fréquemment chez les Poissons osseux, où l’un des cordons devient excessivement fin, tandis que l’autre conserve sa grosseur normale, j'ai vainement cherché, dans toute l'étendue de la queue, à découvrir un fragment du sympathique. Je n'ai pas été plus heureux dans la recherche des rameaux commu- nicants de cette région, ni dans celle des connectifs que le sympa- thique envoie à la branche ventrale des nerfs rachidiens. Quoi qu'il en soit, je puis affirmer que le sympathique de l'Esturgeon présente une partie caudale moins développée que celle du sympathique des Poissons osseux. Conclusion. — En résumé‘, le système nerveux grand sympathique de l’Esturgeon comprend une partie céphalique, une partie abdomi- nale et une partie caudale. 4° La partie céphalique reçoit ses premières racines du pneumo- gastrique. Elle est représentée par un plexus pharyngien dont les rameaux se portent, les uns vers l'aorte et les autres vers les branches du pneumogastrique. Ces derniers accompagnent les arcs branchiaux et les artères épibranchiales, se divisent et s'anastomo- sent avec les ramifications du pneumogastrique, formant ainsi un plezus branchial homologue au plexus pulmonaire des Vertébrés terrestres. D'autres rameaux innervent les muscles branchiaux, la veine cardinale antérieure et l’origine de l’aorte abdominale. 9 La partie abdominale s'étend de chaque côté de la colonne vertébrale. Elle comprend, en avant, plusieurs filets issus du plexus pharyngien ; à partir de l’origine de l'artère cœliaque, elle n’est plus représentée que par un filet uuique, onduleux, wrrégulier, paraissant formé de bouts placés les uns à la suite des autres. En arrière de l'artère mésentérique postérieure, les deux troncs latéraux s’unts- sent sur la ligne médiane et forment, par leurs anaslomoses, un plezus pré-anal. Les différents filets qui constituent le tronc du sympathique ou ses ramifications, cheminent dans l’épaisseur même 1 Je mets en italiques les faits que j'ai rectiñiés ou dont la découverte m'appar- tient, 416 R. CHEVREL. des reins ou, le plus généralement, à leur face supérieure. Dans toute l'étendue de la cavité abdominale, mais principalement au niveau de l'origine des artères cœliaque et mésentérique postérieure, le sympathique est en rapport avec de petits corps jaunes, que Ley- dig a considérés comme étant des capsules surrénales. En outre, soit sur le trajet des nerfs, soit dans leur voisinage, on trouve, dissé- minés très irrégquièrement, de petits ganglions «a grosses cellules nerveuses. Le cordon sympathique reçoit de la branche ventrale de chaque nerf rachidien une racine, ou rameau communicant, longue et déliée; il donne naissance à de nombreuses ramifications. Les uns s'unissent, sur les parois de l'œsophage et de l'estomac, aux plus fines branches du rameau viscéral du pneumogastrique pour consti- tuer un plexus stomacal ; les autres pénètrent dans la pulpe rénale, ou accompagnent les artérioles intercostales et s’enfoncent à leur suite dans l'épaisseur des muscles latéraux; quelques-unes se perdent à la face inférieure de l'aorte ou dans le repli qui soutient les organes génitaux, et enfin un certain nombre forment, sur les parois de la veine cardinale postérieure, un riche plexus. Toutes ces ramifications sont excessivement fines; mais, au niveau de l’origine des deux prin- cipales artères émises par l'aorte dans cette région, il n’en est plus ainsi. La première de ces artères, ou artère cœliaque, est accom- pagnée, à sa base, de deux gros nerfs issus de plusieurs racines,.qui toutes, sauf une, naissent du cordon sympathique droit, l’autre lui étant envoyée par le cordon gauche. Ces deux gros nerfs s envoient des anastomoses, s’amincissent et se fusionnent en un tronc unique, ou nerf splanchnique, puis se rendent, avec les nombreuses divisions de l'artère, aux divers organes contenus dans la cavité viscérale. La seconde artère, ou artère mésentérique postérieure, est égale- ment accompagnée à sa base par deux nerfs, lesquels, à l'inverse de ceux qui forment le nerf splanchnique, naissent par plusieurs racines issues du cordon sympathique gauche, sauf une qui leur est envoyée par le cordon droit. Ces deux nerfs se fusionnent également en un tronc unique, qui reste accolé à l'artère et se bifurque en rl SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 417 arrivant à l’intestin spiral, dans les parois duquel ses ramifications se perdent. 3 La partie caudale naît du plexus préanal. Elle consiste en deux filets qui cheminent, sur la ligne médiane, entre la veine et l'artère cau- dales. Ils recoivent des rameaux communicants et envoient des connectifs aux branches ventrales des nerfs rachidiens. Ils s'accolent de place en placé ou s'envoient des anastomoses ; on peut les suivre jusqu'au tiers environ de la longueur de la queue. En outre, ils se ramifient et leurs ramifications principales, relativement considérables, forment autour de la veine caudale un riche plexus, qui s'étend au moins jusqu'au milieu de la région caudale. COMPARAISON ENTRE LE SYSTÈME NERVEUX SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON, CELUI DES ÉLASMOBRANCHES ET CELUI DES POISSONS OSSEUX. Comme je le disais au commencement de ce travail, il était inté- ressant de savoir comment se comporte le système nerveux sympa- thique de l’Esturgeon, dont l’organisation rappelle à la fois celle des Poissons osseux et celle des Élasmobranches. Il existe, en effet, une différence si profonde entre l’élendue, les rapports et le facies du sympathique de ces deux grands groupes de Poissons que la connaissance approfondie de celui de l’Esturgeon acquérait, de ce fait, un intérêt tout particulier. Mais une simple description ne peut suffire à dégager sa physionomie propre, car son individualité n'est pas suffisamment accusée. Il tient à la fois et de celui des Élasmo- branches et de celui des Poissons osseux; il emprunte au premier ses caractères fondamentaux et laisse entrevoir ce que sera Île second ; en un mot, il établit visiblement le passage entre le système plus primitif des uns, et celui, plus parfait, des autres. En le compa- rant à ceux des deux groupes voisins, qui l’encadrent pour ainsi dire, le contraste, en le faisant mieux ressortir, le présentera sous son véritable jour. Comme celui des Poissons osseux, le sympathique de l’Esturgeon ARCH,. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE, — T. 11. 1894, D] 418 R. CHEVREL. présente une partie céphalique, une partie abdominale et une partie caudale. : Partie céphalique. — La partie céphalique du sympathique des Poissons osseux s'étend depuis le nerf trijumeau jusqu'au nerfhypo- glosse inclusivement. C'est un cordon très net, qui longe les parois du crâne et reçoit des racines des nerfs trijumeau, facial, glosso- pharyngien, pneumogastrique el hypoglosse. Au niveau de chacun de ces nerfs, il existe toujours un ganglion très apparent, où aboutit la racine provenant du nerf correspondant. De ces ganglions partent des filets fins qui se distribuent à ces mêmes nerfs. Ceux qui se rendent au pneumogastrique acquièrent, chez certaines espèces, une longueur et une complication considérables ; il en résulte un plexus branchial que l’on retrouve, mais à l’état rudimentaire, chez toutes les autres espèces. Chez l'Esturgeon, le sympathique ne parait pas aller au delà du pneumogastrique. $es racines proviennent des rameaux branchiaux de ce nerf et sont peu nombreuses. Leur point de réunion avec le cordon n'est marqué par aucun renflement apparent. Le cordon n'est plus simple comme celui des Poissons osseux , il est formé de trois ou quatre troncs principaux, qu'unissent des connectifs et d'où partent des ramifications pour les arcs branchiaux. Elles s’unissent aux rameaux branchiaux du pneumogastrique et forment un plexus branchial presque aussi développé que celui des Poissons osseux, chez lesquels il est à son maximum de développement. Les muscles branchiaux, les parois de la chambre branchiale et la veine cardinale antérieure reçoivent des filets sympathiques chez l'Esturgeon comme chez les Osseux. Je n’ai pu constater, chez l'Esturgeon, la liaison du sympathique et du nerf hypoglosse, toutefois elle doit exister très vraisemblable- ment. | Ainsi la partie céphalique du sympathique de l'Esturgeon, moins étendue que celle des Poissons osseux, en differe encore par le défaut de coalescence de ses éléments, fibres et cellules, Elle s'en rapproche par ses SYSTEME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 419 connexions, que sont, du moins dans la limite où il exerce son influence, identiques à celles du sympathique des Poissons osseux. Partie caudale. — La partie caudale du sympathique de ces der- niers s'étend sur toute la longueur du canal caudal. Elle consiste en deux cordons, à peu près parallèles, placés entre l'artère et la veine caudales. Ils présentent de place en place, et régulièrement espacés, des ganglions où aboutissent les racines issues du nerf ra- chidien correspondant, et d’où partent des filets nerveux destinés à la branche ventrale de ce nerf. Les deux ganglions situés vis-à-vis l’un de l’autre se soudent ordinairement ou sont réunis par une anastomose. Vers l'extrémité de la queue, les filets sympathiques forment, avec les derniers nerfs rachidiens, un plexus caudal. À leur terminaison, les deux cordons se ramifient et accom- pagnent les nombreuses divisions de l’artère et de Ja veine caudales. Chez l'Esturgeon, deux cordons très faibles s'engagent encore entre l'artère et la veine caudales, mais ils ne conservent pas long- temps leur parallélisme ; ils s’écartent l’un de l’autre et paraissent se terminer vers le tiers supérieur du canal caudal. Ils peuvent se souder ou s’envoyer des anastomoses, mais ils ne présentent jamais de renflement ganglionnaire. A leur origine, ils reçoivent des racines des nerfs rachidiens correspondants et, en retour, leur envoient des connectifs. Ils présentent une particularité qui leur paraît propre : le long de leur trajet naissent de nombreuses et longues ramifica- lions qui s’anastomosent entre elles et enveloppent d’un réseau ner- veux les parois de la veine caudale. Il est probable que ce réseau, qu'on peut suivre jusque vers le milieu de.la veine, ne se termine pas là, mais se prolonge jusqu’à son extrémité distale et remplace le double cordon qui manque, ou du moins paraît manquer dans les deux tiers postérieurs du canal caudal. La partie caudale du sympathique de l'Esturgeon présente donc, à son origine, les mêmes caractères que celle du sympathique des Osseux ; mais elle en diffère notablement par l'absence de ganglions, par sa faible étendue, et surtout par le plexus qu'elle forme autour de la veine caudale. 420 R. CHEVREL. Partie abdominale. — Chez les Poissons osseux, la partie abdomi- nale du sympathique consiste en un double cordon placé de chaque côté de la colonne vertébrale, en dedans et au-dessus des reins. Son volume est assez considérable et surpasse ordinairement de beau- coup celui des rameaux qu’il émet; il présente, disposés symétri- quement et régulièrement, des renflements ganglionnaires qui lui donnent l'apparence d'une corde à nœuds. De chaque nerf rachidien part une racine, grosse et courte, qui se jette dans le ganglion cor- respondant, Dans certaines espèces, les deux cordons, après être restés distincts pendant une partie de leur trajet, se rapprochent et se fusionnent ou s’envoient simplement des anastomoses qui trans- forment l'extrémité postérieure de la partie abdominale du sympa- thique en un plexus préanal. De ces cordons partent un certain nombre de nerfs destinés aux viscères abdominaux. Les plus considérables, nés des premiers gan- elions abdominaux, sont les nerfs splanchniques, qui accompagnent l'artère cœliaque et ses nombreuses divisions. Ensuite, viennent les nerfs spermatiques ou ovariques, qui tirent leur origine des der- niers ganglions abdominaux. Tous les autres nerfs issus du cordon sympathique sont faibles. Parmi ces derniers, les uns innervent les reins, les autres accompagnent Îles nerfs rachidiens qui se portent aux nageoires pectorales, ou bien les petites artérioles intercostales qui pénètrent dans l'épaisseur des muscles latéraux; enfin quelques- uns forment un plexus autour de la veine cardinale postérieure. Je dois ajouter, pour être complet, que certaines ramifications des nerfs splanchniques s’unissent aux branches viscérales du pneumo- gastrique pour constituer un plexus stomacal, et que certains filets des nerfs spermatiques se portent sur la vessie urinaire et sur la portion terminale de lintestin. La partie abdominale du sympathique des Élasmobranches, la seule qui existe ou parait exister chez ces Poissons, s'étend égale- ment le long de la colonne vertébrale, depuis la cloison diaphrag- matique jusqu’au voisinage de l'anus. SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 421 Ici, nous n’avons plus, de chaque côté, un cordon unique, nodu- leux, formant la partie principale du sympathique, comme chez les Osseux, mais plutôt une succession de petits centres d’où rayonnent généralement un certain nombre de filets nerveux. Ce qu'on peut considérer comme constituant le véritable cordon, c'est la série, parfois interrompue, des connectifs unissant entre eux les petits centres. Mais ces connectifs ne se distinguent par aucune autre par- ticularité des filets voisins dont ils ont à peu près le diamètre. D’ail- leurs, les divers filets s’envoient des anastomoses et constituent de la sorte un plexus qui doit être considéré comme l’équivalent du cordon unique des Poissons osseux. Les petits centres dont il est question ci-dessus sont de deux sortes : les uns, les plus gros, sont disposés symétriquement el régu- lièrement au-dessus de la veine cardinale postérieure, le long de la colonne vertébrale. Ils sont situés sur les artérioles intercostales et possèdent la structure des glandes vasculaires sanguines. Leydig les considère comme des capsules surrénales. Ils manquent chez les Osseux. Les autres, les plus petits, microscopiques, sont plongés dans l’épaisseur des précédents ou placés dans leur voisinage ou, enfin, dispersés irrégulièrement le long des filets nerveux ; ils sont constitués par de grosses cellules unipolaires ou bipolaires : ce sont les véritables ganglions nerveux sympathiques. L'association de ces divers petits centres et des filets du cordon latéral forme l’une des caractéristiques du système sympathique des Élasmobranches. On les trouve chez tous les représentants de ce groupe. Le premier, de beaucoup le plus considérable, est placé sur larière axillaire ou un peu en arrière. Il est associé à une masse aussi considérable que lui, composée de grosses cellules nerveuses d’où partent les racines du nerf splanchnique. Cette capsule surrénale ainsi que les six ou sept suivantes n'ont aucun rapport avec les reins ; mais les der- nières sont en relation plus ou moins intime avec eux. Chez les Raies, où elles s'étendent jusqu à l'extrémité postérieure de l’abdo- men, elles sont simplement appliquées à leur surface, tandis que, 422 B. CHEVREL. chez les Squales, elles pénètrent peu à peu dans la pulpe rénale et finissent par s’y enfoncer complètement. Chez ces derniers Poissons, elles disparaissent à peu près au niveau de l’origine des veines car- dinales postérieures ; mais leur disparition coïncide avec l'apparition de petits ganglions microscopiques, à grosses cellules nerveuses, qui sont disposés symétriquement et très régulièrement le long de la face interne des reins, jusqu’à leur extrémité postérieure. Ces petits ganglions, qui reçoivent une racine du nerf rachidien correspondant et qui émettent deux ou trois petits filets courant à la surface des organes rénaux, sont indépendants les uns des autres et ne sont presque jamais reliés par aucun connectif, De même que chez les Osseux, tous les viscères de la cavité abdo- minale reçoivent des filets sympathiques qui accompagnent généra- lement les artères; mais les nerfs destinés aux organes génitaux font exception à cette règle et empruntent le repli mésentérique qui soutient certains viscères pour se rendre directement de leur point d’origine à leur destination. Le système sympathique est aussi sous la dépendance du système nerveux central; il en reçoit des racines qui sont toujours longues et minces. Le plexus stomacal ainsi que le plexus qui entoure Îles parois de la veine cardinale postérieure existent également. Par contre, je n’ai pas vu de filet sympathique accompagner les nerfs rachidiens qui se distribuent dans la nageoïire pectorale. Mais une particularité qui se retrouve chez tous les Élasmobranches et qui paraît manquer aux Osseux, c’est la richesse en filets sympathiques que présente la lame mésentérique, principalement dans sa partie postérieure, au voisi= nage de la glande anale et de l'intestin spiral. Voyons maintenant comment se comporte la partie abdominale du sympathique de l’Esturgeon vis-à-vis de celle des Poissons osseux et de celle des Élasmobranches. Rappelons tout d'abord qu’elle présente des capsules surrénales et de petits ganglions microscopiques, comme on en voit chez ces SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 423 derniers, et que le cordon sympathique, multiple dans sa portion antérieure, simple, faible et sinueux dans sa portion moyenne, est réuni à son symétrique, en arrière de l'artère mésentérique posté- rieure, pour constituer le plexus préanal ; enfin que, dans toute son étendue, elle émet des nerfs et de nombreux petits filets qui se ren- dent aux viscères abdominaux. Cette dernière particularité lui est commune avec les deux autres groupes de Poissons, el comme les rapports entre les organes innervés el les filets innervateurs sont à peu près identiques chez les uns et les autres, je ne m’appesantirai pas davantage sur ce point. La présence des capsules surrénales suffirait seule à démontrer l’étroite parenté du sympathique de l'Esturgeon avec celui des Élas- mobranches ; mais l'allure générale des filets qui le constituent ne laisse aucun doute à cet égard. Ainsi les racines qu'il recoit des nerfs rachidiens sont longues et minces comme celles des Élasmobranches ; ses divers filaments sont tous très Lénus, même celui qui représente plus particulièrement le cordon latéral. Ce dernier n’est pas toujours simple, il se dédouble fréquemment ; sa disposition habituelle est celle d’une ligne ondulée ou en zigzag qui le fait paraître comme formé d'une série de frag- ments irrégulièrement mis bout à bout. Les capsules surrénales et les petits ganglions microscopiques sont toujours placés sur le trajet d'un nerf ou lui sont rattachés par de fins connectifs. Parfois, de ces petits centres rayonnent des filets assez nombreux qui rappellent ce qui se voit plus fréquemment chez les Squales et surtout chez les Raies. Par contre, on ne peut lui trouver que des rapports très éloignés avec le sympathique des Osseux. Malgré ses nombreux points de ressemblance avec le sympathique des Élasmobranches, il possède une physionomie spéciale due à des caractères particuliers que je vais essayer de mettre en relief. Voyons d’abord les capsules surrénales. Bien qu'actuellement il soit difficile de les considérer comme partie intégrante du sympa- 49% R. CHEVREL, thique, les rapports nombreux qu'elles contractent avec lui ne per- mettent pas de les en séparer complètement. Chez l’Esturgeon, elles n’ont pas la même distribution que chez les Poissons cartilagineux ; elles n’affectent plus cette disposition symétrique et régulière qui est si caractéristique chez ces derniers Poissons, et ne sont que rarement en relation avec les artérioles intercostales. On les trouve disséminées dans toute l'étendue de la cavité abdominale, plus nom- breuses aux points d’origine des nerfs qui accompagnent les princi- pales artères émises par l'aorte, et presque toujours englobées dans l'épaisseur des reins. L'absence de symétrie des capsules surrénales et leur indépendance relative vis-à-vis du système artériel sont peut- être des caractères de quelque importance; mais, actuellement, je n’y veux voir que des caractères différentiels, établissant seulement qu'il n'existe pas une similitude parfaite entre ces corps chez les Élasmobranches et chez l'Esturgeon. Une autre différence de quelque valeur nous est encore donnée par le plus important d’entre eux.On sait que, chez les Poissons car- tilagineux, ce corps est toujours le premier et se trouve situé tout à fait à l'extrémité antérieure de la cavité abdominale. Il est constam- ment associé à un autre corps formé de grosses cellules nerveuses, duquel partent les racines du nerf splanchnique. Chez l’'Esturgeon, il existe également un corps plus volumineux que tous les autres; mais il est précédé d’une série de corps plus petits, placés un peu en avant de l’origine de l'artère cœliaque. Quant au ganglion à erosses cellules nerveuses, l'associé constant du premier corps des Élasmobranches, on ne le retrouve plus chez l'Esturgeon; on ne rencontre que quelques petits ganglions microscopiques disséminés parmi les corps précédents ; mais leur volume total est loin d’at- teindre celui que présente le ganglion unique des Élasmobranches. Aussi est-il difficile de préciser l’origine réelle des racines du nerf splanchnique, qui semblent surtout sortir des premières capsules sur- rénales. Il y a là un mystère qu’une étude histologique, faite dans de bonnes conditions, permettra seule de dévoiler. SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 425 « Si des capsules surrénales on passe à l'examen des filets ner- veux, on trouvera également des différences en faveur de l'individua- lité du sympathique de l'Esturgeon. Sa partie antérieure abdominale, formée de trois ou quatre filets réunis par des anastomoses, est assez longue ; elle reçoit des racines et émet des rameaux qui accompagnent les artérioles intercostales ou innervent la partie antérieure des reins et les parois de Fæso- phage. C'est cette partie qui se présente toujours sous la forme d'un plexus et qui rappelle le plus, par conséquent, ce qui se voit chez les Élasmobranches. Et cependant il n'existe rien d'équivalent chez ces derniers Poissons. Leur nerf splanchnique naît du premier corps ganglionnaire qui forme la limite extrême deleur sympathique et qui oceupe toujours l'extrémité antérieure de la cavité abdominale, au lieu que, chez l'Esturgeon, ce même nerf splanchnique naît de l’ex- trémité postérieure du plexus dont il s’agit, Il existe donc chez l’'Es- turgeon une disposition anatomique spéciale de son sympathique abdominal qui s’explique par la position reculée qu'occupe le nerîi splanchnique, ou mieux l’artère cœæliaque qu'il accompagne toujours. La partie médiane du sympathique abdominal de l'Esturgeon s'é- loigne également de celui des Élasmobranches par des caractères particuliers. Il cesse à peu près complètement de former des plexus, et tend de plus en plus à ne se présenter que sous l'apparence d’un cordon unique qui ne rappelle, d’ailleurs, que très vaguement le cordon des Osseux. Il est continu, et par là se distingue de celui des Poissons cartilagineux chez lesquels il est fréquemment interrompu, et enfin son calibre possède une légère prédominance sur celui des ® ramifications qu’il émet, ce qui n'a presque jamais lieu chez les Élasmobranches. Il reste à examiner la partie terminale du sympathique abdominal de l’Esturgeon. Cette partie est moins considérable que chez les Élasmobranches. Cela tient à la position relative de l'artère mésentérique postérieure, qui est reportée, chez ces derniers Poissons, beaucoup plus en avant 426 R. CHEVREL. que chez l'Esturgeon. Entre l'artère mésentérique postérieure et l'anus, chez les premiers, les deux cordons latéraux émettent une grande quantité de filets qui vont se ramifier et se perdre dans les organes génitaux, dans les parois de la lame mésentérique qui sou- tient les viscères, dans la glande anale el dans l'extrémité Lerminale de l'intestin. Chez l’Esturgeon, les deux cordons latéraux se réunis- sent en un plexus médian qui envoie des filets dans les mêmes ré- gions; mais ces filets sont loin d’avoir l'importance de ceux des Poissons cartilagineux. C’est à peine s’il en pénètre dans la lame mésentérique, et ceux qui vont aux organes génitaux, dont la dis- position, d’ailleurs, est toute différente, sont très faibles et parais- sent être en petit nombre. Mais ce qui donne surtout à cette partie son caractère particulier, c’est qu'elle s'étend jusqu'à l'extrémité postérieure des reins, tandis que, chez les Raies, les derniers gan- elions s'arrêtent avant cette limite, et que, chez les Squales, cette portion est presque tout entière formée par la série des petits gan- glions nerveux isolés dont il a été question ci-dessus. La partie abdominale du sympathique de l'Esturgeon présente donc, dans son ensemble, les mêmes caractères que celle des Élasmobranches ; mais elle en diffère par l'asymétrie des capsules surrénales et leur dépen- dance moins étroite vis-à-vis du système artériel, par l'absence d'un gros ganglion nerveux à l'origine du nerf splanchnique, par la présence, en avant de la plus grosse capsule surrénale, d'une partie du cordon latéral constituée par trois ou quatre gros filets réunis en réseau, par la ten- dance que montre sa partie moyenne à ne former qu'un cordon unique, ce qui le rapproche un peu du sympathique des Osseux, et enfin par la fusion en un plexus terminal, s'étendant jusqu'à l'anus, de la partie pos- térieure des deux cordons latéraux. En résumé, le système sympathique de l’Esturgeon dérive de celui des Élasmobranches dont il conserve le facies ; mais il présente un développement plus considérable et une disposition plus parfaite. S'il ne rappelle pas encore celui des Poissons osseux, il montre une tendance évidente à limiter. C’est un système de transition ayant SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 427 peu de caractères propres, n'ayant déjà plus tous ceux du sympa- thique des Élasmobranches et ne possédant qu'un petit nombre de ceux qui caractérisent celui des Poissons osseux. ESSAI SUR LA PHYLOGÉNIE DU SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DES POISSONS. On ne connaît que très imparfaitement les causes qui ont présidé à l’évolution phylogénique des êtres ; on connaît encore moins, et Von ne connaîtra jamais bien leur mode d’action, l'ordre de leur succession et la part d'influence qui revient à chacune d'elles; aussi doit-on considérer comme impossible à reconstituer l’histoire com- plète des phases diverses par lesquelles ont passé, dans la série des âges, les êtres qui vivent et ont vécu à la surface du globe. Mais l'étude des formes actuelles peut, dans une certaine mesure, sup- pléer à l'insuffisance des documents, et permettre au moins de suivre les principales étapes de leur cercle évolutif. Voici comment : Parmi les descendants d’un même ancêtre, les uns, continuant à vivre dans les mêmes conditions biologiques, n’ont subi que des modifications faibles et passagères ; aussi se sont-ils peu écartés de la forme primitive. Les autres, au contraire, soumis à des influences diverses, se modifiant lentement et d’une manière continue pendant une longue suite de siècles, ont acquis peu à peu des caractères pro- fonds et durables qui les ont éloignés tout à la fois et de la souche commune et des branches sœurs dont l’évolution s’est faite différem- ment. Il s’est ainsi formé un petit nombre de groupes, de valeur morphologique différente, que l’on peut considérer comme autant de rameaux issus d'un même tronc, ei qui possèdent une organisa- tion d’autant plus parfaite qu’ils s’éloignent davantage de leur point initial. En général, il en est ainsi pour chaque organe, de sorte que l'examen comparatif qu’on en peut faire dans les différents groupes auxquels il appartient, nous le montre dans chacune des principales étapes qu'il a parcourues pour arriver à son maximum de dévelop- pement. 498 R. CHEVREL. Nous allons appliquer cette méthode à l'étude du grand sympa- thique des Poissons. On divise généralement la classe des Poissons en six groupes ou sous-classes, rangés comme suit d’après l'ordre probable de leur perfection anatomique : 4° Les Leptocardiens (Amphioxus); 9° Les Cyclostomes (Lamproies); 3 Les Sélaciens ou Élasmobranches (Raies et Squales): 4 Les Ganoïdes (Esturgeons); 5° Les Téléostéens (la plupart des Poissons); 6° Les Dipnoïques. Ces derniers établissent le passage entre les Poissons et les Amphi- biens; maisils possèdent un certain nombre de caractères qui leur sont communs avecles Ganoïdes ; aussi certains auteurs les rangent- ils, avec quelque raison, près des Ganoïdes dont ils les font même dériver. Il serait intéressant de savoir comment se comporte leur système sympathique qui est inconnu jusqu'à ce jour; malheureu- sement ce sont des animaux très rares et assez difficiles à se procu- rer, aussi les laisserai-je en dehors de mon étude. L'organisation simple et particulière de l’Amphioæus, qui constitue le groupe des Leptocardes, l’a fait séparer des Poissons, auxquels on le réunissait jadis; on en fait aujourd’hui un groupe à part, que l'on désigne sous le nom d’Acraniens et qui est placé à la base des Vertébrés. Le système nerveux sympathique de ce petit être n’a pas encore été découvert, Il doit être d’une très grande simplicité et ne consister qu’en un petitnombre de filets courant à la surface de l'in- testin. Je ne m’en occuperai pas davantage. Il reste donc à examiner les quatre sous-embranchements sui- vants : Cyclostomes, Élasmobranches ou Sélaciens, Ganoïdes et | Téléostéens. | Le système sympathique des premiers n'est connu que depuis 1887: il fut découvert à cette époque par Julin, chez la larve de la Lamproie (42). Comme les Cyclostomes sont les plus simples des SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 429 vrais Poissons, et que leur sympathique présente un aspect ancestral, je le décrirai avec quelque longueur. D'après l’auteur que je viens de citer, le sympathique de l'Ammo- cète, ou larve de la Lamproie, se compose de ganglions superticiels et de ganglions profonds, d’où partent des filets qui se distribuent aux viscères. Les ganglions superficiels, c'est-à-dire ceux qui longent de chaque côté la colonne vertébrale, « se répètent, de distance en distance, depuis l’origine du cœur jusqu'un peu en avant de l’orifice du cloaque ». Il est de règle qu'un ganglion superficiel existe, de chaque côté de l'aorte, entre cette artère et la veine cardinale, au niveau de chacun des nerfs spinaux. Cependant, il arrive parfois, bien qu’exceptionnellement, qu'au lieu d’un seul ganglion on en irouve deux ou même trois, moins volumineux, placés les uns derrière les autres et réunis par un filet très court; mais, ce qui est essentiel, caractéristique, c'est que tou- jours il y a au moins une paire de ganglions correspondant à chaque paire de nerfs spinaux, tant dorsaux que veniraux. Certains ganglions reçoivent leurs racines du rameau ventral du nerf spinal ventral correspondant, et d’autres du rameau ventrai du nerf spinal dorsal. Julin n’a jamais pu constater d'anastomoses reliant entre eux les sanglions d'un même côté : il n’existe donc probablement pas de cordon sympathique. Les ganglions profonds, situés dans l'intimité des organes, sont formés de la réunion d’un certain nombre de cellules disséminces sur le trajet des nerfs; ils envoient des filets au cœur, à l’œsophage, aux reins céphaliques, à l'intestin, et, d’une manière générale, à tous les organes contenus dans la cavité abdominale. Tous ces filets accompagnent ordinairement les vaisseaux sanguins. De cette étude, il ressort : Que le système sympathique ne se trouve que dans la cavité abdomt- nale : il manque dans la tête et dans la queue ; 430 R. CHEVREL. Que les ganglions latéraux sont isolés les uns des autres ; il n'existe donc pas, à proprement parler, de cordon sympathique; Enfin, que ces ganglions reçoivent des racines tantôt des nerfs latéraux ventiraux, tantôt des nerfs latéraux dorsaux. Avant de rechercher les enseignements que la disposition du sym- pathique de Ïa Lamproie comporte, il est tout naturel de se deman- der quelle est l'origine de ce système. Cette question reste presque tout entière à résoudre, D'après Balfour, les ganglions du cordon latéral apparaissent, chez les Élasmobranches, comme de simples renflements des branches principales des nerfs spinaux, un peu au-dessous des ganglions des racines postérieures. Les auteurs récents les font dé- river directement des ganglions spinaux par le procédé suivant : Après leur formation aux dépens de la crête neurale, les ganglions spinaux s'allongent de haut en bas et se rapprochent du somite correspondant. Ils s’étranglent vers leur milieu et la partie distale, passant entre le somite et la corde dorsale, vient se placer au voisi- nage de l'aorte et des veines cardinales postérieures. C’est elle qui constituera le ganglion sympathique. Dans l’un et l'autre cas, ces ganglions sont donc bien d'origine ectodermique. Mais en est-il ainsi des connectifs qui les unissent entre eux et des nerfs si nombreux qui en partent ? On n'en sait absolument rien, et cette ignorance durera sans doute aussi long- temps que la question de la formation des fibres du système nerveux central ne sera pas résolue. Deux hypothèses principales ont été pro- posées pour expliquer cette formation, La première, qui est adoptée par la plupart des auteurs, considère les fibrilles nerveuses comme des excroissances de cellules ganglionnaires de la moelle qui s’ac- croissent, s’allongent jusqu'à ce qu’elles atteignent leurs organes terminaux. La seconde, défendue par quelques-uns, suppose que les fibrilles se forment sur place comme un produit de différencia- ton du protoplasma du cordon cellulaire qui unit, dès le début, le segment musculaire à la moelle épinière. Mais, jusqu'ici, ni l’une ni SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 451 l’autre de ces hypothèses n’a reçu la consécration des faits; on en est donc toujours réduit aux conjectures. Pour moi, les fibrilles ner- veuses sympathiques sont des excroissances de cellules ganglion- naires : elles dérivent donc également de l’ectoderme. Mais revenons maintenant au sympathique de la Lamproie. L'attention doit tout d’abord se porter sur la disposition métamé- rique des ganglions de la chaîne latérale. Gette disposition, iden- tique à celle des nerfs rachidiens, ou mieux à celle des renflements de leurs racines postérieures, me semble être une preuve en faveur de l’origine qui leur est attribuée par Balfour, Onodi et autres : les ganglions sympathiques dérivent directement des ganglions latéraux. Il arrive parfois que ces ganglions, au lieu de former une masse unique, se divisent en deux, trois ou quatre masses secondaires, reliées entre elles par des connectifs; c’est ce qu'a observé Julin chez lAmmocètes; c'est aussi ce que j'ai signalé chez les Élasmo- branches. Quelle peut être la signification de cette division ? Je pense qu’au point de vue physiologique, elle a peu de valeur; mais, en ce qui concerne la formation des ganglions profonds, son importance me paraît plus considérable. Balfour soutient avec raison, à mon avis, que les cellules des ganglions peuvent émigrer et se répandre le long des filets nerveux; j'ajoute que certaines de ces cellules doivent même devenir l’origine des renflements si nombreux que l’on trouve partout sur le trajet des nerfs sympathiques. La division en deux, trois ou quatre masses secondaires de ganglions, ordinai- rement uniques, de la chaîne latérale, montre que les cellules ne sont pas indissolublement liées l’une à l’autre; que, sous certaines influences, elles peuvent se séparer, s'éloigner à des distances variables et former ainsi des centres nerveux, dont l'importance est en rapport avec le nombre ou le volume des organes qu'ils doivent innerver, Un fait important au point de vue phylogénique est l'indépendance mutuelle des centres nerveux, signalée par Julin chez l'Ammocètes. Les ganglions de la chaîne latérale sont complètement isolés les uns 432 R. CHEVREL. des autres ;: aucun connectif ne les relie. Si l’on rapproche de ce “it le mode de formation du sympathique dans les êtres plus élevés en organisation, chez lesquels les ganglions apparaissent d'abord, tandis que le cordon qui les unit, chez l'adulte, ne se forme que plus tard, on sera amené à cette double conclusion : 1° que la Lam- proie n’est pas un Poisson dégénéré, comme on l'a soutenu, mais bien un type ancestral, et 2° que, dans le principe, le sympathique est une simple dépendance du système nerveux central, une sorte de branche intestinale de chaque nerf rachidien. Sa structure com- pliquée et sa quasi-autonomie, chez les Vertébrés supérieurs, ne sont done pas primitives; elles sont acquises et résultent d'un per- fectionnement en rapport avec les progrès généraux de l’organi- sation. | | Au point de vue physiologique, cette disposition a également son importance. Les fonctions, dont chaque organe est le siège, doivent avoir, vis-à-vis les unes des autres, une indépendance complète. Chaque ganglion paraît être un centre d’innervation, agissant pour son propre compte et restant, pour ainsi dire, indifférent à ce qui se passe au voisinage de sa sphère d'influence. De l'imperfection ana- iomique doit découler l’imperfection physiologique ; mais en ce qui concerne plus spécialement la fonction de nutrition, cette imper- fection est corrigée par la nature de l'alimentation, qui ne nécessite ni des mouvements étendus de l'estomac et de lintestin, ni une émission considérable de sucs digestifs. J'ai dit plus haut que le sympathique dérive du système nerveux central ; on sait, en outre, que sa dépendance vis-à-vis de ce système est encore et surtout marquée par de nombreuses connexions, dont les principales sont les racines ou rameaux communicants. Ces ra- cines se détachent, en général, de la branche ventrale des nerfs rachidiens et aboutissent au ganglion sympathique correspondant. Auquel des deux systèmes appartiennent-elles ? Est-ce au système central ? Est-ce au système sympathique ? Je penche pour cette dernière opinion. Les recherches physiologiques entreprises sur le SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 433 sympathique de divers animaux ont démontré que le centre de certains réflexes a son siège dans la moelle épinière el non dans les ganglions du cordon latéral. La disposition toute spéciale des rameaux communicants, chez les Ammocètes, confirme ce fait et, de plus, permet de le généraliser. On sait que, chez ces êtres, les nerfs qui naissent des cornes antérieurs de la moelle épinière, et ceux qui naissent des cornes postérieures ne se fusionnent pas en un tronc unique comme chez les autres Vertébrés, mais restent distincts dans toute leur étendue. Les nerfs dorsaux et les nerfs ventraux de l’'Ammocète sont, par leur origine et probablement par le champ de leur action, les homologues des racines dorsales et des racines ventrales des nerfs rachidiens mixtes du-reste des Vertébrés ; il est donc vraisemblable que l'homologie s'étend également à leur fonction ; les premières présideraient ainsi à la sensibilité et les secondes à la motilité. Or, chez les Ammocètes, les ganglions sym- pathiques du cordon latéral reçoivent leurs racines alternativement d'un nerf moteur et d’un nerf sensitif, c’est-à-dire que ces racines émanent de cellules situées dans la même région de la moelle que les amas cellulaires d’où naissent les fibres sensitives et les fibres motrices. On peut, presque à coup sûr, affirmer que ces racines possèdent les mêmes caractères de conduction que les nerfs rachi- diens qui leur correspondent ; la racine qui se détache d'un nerf dorsal sera donc sensitive ; celle qui part d’un nerf ventral sera mo- trice. La conclusion qui se dégage de ces faits, impossibles malheu- reusement à vérifier expérimentalement, est que le centre du réflexe, qui emprunte comme voies de conduction deux nerfs voisins innervant la même région, ne peut se trouver que dans la moelle épinière. Il est maintenant facile d'étendre au sympathique des autres Vertébrés la même conclusion, en admettant, ce qui ne parait pas faire de doute, que deux rameaux communicants consécutifs se fusionnent en même temps que les racines ventrales et dorsales des- quelles ils se détachent. Chaque rameau communicant serait donc composé de fibres motrices et de fibres sensitives aboutissant, dans ARCH. DE ZOOL. EXPe ET GÉNs = 30 SÉRIE, -— T, 11, 18984, 2 (oe) 434 R. CHEVREL. la moelle, à un noyau unique ou plutôt à deux noyaux reliés entre eux. Mais, pour expliquer l'absence à peu près complète de sensibi- lité consciente et l'absence totale de motilité volontaire qui caracté- risent les manifestations physiologiques du sympathique, on est conduit à refuser à ces noyaux, ou tout au moins aux fibres sympa- thiques qui en partent, toute espèce d'union avec le cerveau. Un autre fait qui mérite de fixer notre attention, c'est la localisa- tion du système sympathique dans la partie abdominale du corps. Ni la tête ni la queue ne reçoivent ou, du moins, ne paraissent rece- voir de filets sympathiques. Chez les invertébrés, au contraire, le stomato-gastrique tire son origine des ganglions cérébroïdes ou de la commissure périæsophagienne, et quelquefois du ganglion sous- œsophagien ; il tient sous sa dépendance l'œsophage et l'estomac et, de plus, concourt à l’innervation des premiers segments cépha - liques. Chez les Vertébrés inférieurs, son rôle principal et essentiel se réduit à l’innervation du tube digestif et, consécutivement, des viscères contenus dans la cavité abdominale, Mais pourquoi la tête est-elle ainsi soustraite à l'influence du sympathique ? C'est, appa- remment, qu'un ou plusieurs nerfs cräniens remplissent la fonction qui est ordinairement dévolue au sympathique chez les Vertébrés supérieurs. On sait que ce nerf possède un rôle multiple : il préside au mouvement des muscles de l'appareil digestif; il provoque le fonctionnement des glandes sécrétrices el excrétrices de la cavité abdominale et régularise la marche du sang dans les vaisseaux capil- laires. IlLtient ainsi sous sa dépendance les phénomènes mécaniques et physiques de la digestion, ceux de la sécrétion et de l’excrétion, et, enfin, ceux de l'absorption et de la nutrition générale. La multi- plicité de ses fonctions et l'importance des organes qu'il innerve expliquent la prépondérance de sa partie abdominale, mais ne suffi- sent pas à expliquer son absence de la tête où les vaisseaux capil- laires, surtout ceux des branchies, réclament un régulateur aussi bien que ceux des autres parties du corps. Il est donc probable que certains filets du trijumeau et surtout du pneumogastrique sont plus SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 435 spécialement chargés de cette fonction ; mais ils cheminent au mi- lieu des faisceaux de ces nerfs et n’en peuvent être distingués. Cette opinion pourrait trouver sa confirmation dans la disposition du sÿm- pathique de la Lamproie ou même des Crustacés décapodes, chez lesquels il naît de la dernière masse abdominale deux nerfs, bientôt fusionnés en un seul, qui se répandent sur l'intestin proprement dit et n'ont, au moins à leur origine, aucune connexion avec la partie antérieure du stomato-gastrique. En terminant, récapitulons, au risque de nous répéter, les carac- tères principaux du sympathique de l'Ammocète. Il est exclusivement abdominal et s'étend du cœur au voisinage de l'anus. Ses divers ganglions sont indépendants les uns des autres; ïül n'existe donc pas de cordon latéral. | Chacun d’eux est uni, par un rameau communicant, alternative- ment à un nerf dorsal et à un nerf ventral. Chez les Élasmobranches, on trouve une plus grande complica- ton, mais le système est toujours limité à la partie abdominale du corps. Il y a, cependant, du côté de la tête, une tendance marquée à l'extension du sympathique. Le premier ganglion, toujours situé immédiatement en arrière du cœur, recoit un certain nombre de racines, et la plus antérieure lui vient du troisième ou du qua- trième nerf rachidien, tandis que, chez l’Ammocète, elle nrovient du trente-cinquième. Un plus grand degré de perfection dans la physiologie du sympa- thique ressort des deux faits suivants : 4° Le nerf splanchnique destiné à l'innervation de Ja partie anté- rieure du tube digestif acquiert des dimensions bien supérieures à celles de tous les autres nerfs de la même région ; et 2% Ja plupart des ganglions de la chaîne latérale sont unis entre eux par des con- nectifs qui constituent l’ébauche d’un véritable cordon. Le volume d'un nerf est généralement en rapport avec l’impor- tance et la multiplicité de ses fonctions ; mais ces fonctions peuvent 236 | R. CHEVREL. être tout aussi bien accomplies par une série de filets nerveux, isolés les uns des autres, que par un nerf unique provenant de leur coales- cence. A ce point de vue, les fonctions digestives pourraient donc être aussi parfaites chez l'Ammocète que chez les Élasmobranches, n’était le fait que les ganglions d’où partent les nerfs viscéraux sont sans liaison aucune les uns avec les autres et que, conséquemment, leurs actes sont isolés et manquent d'harmonie. Le gros nerf splanchnique des Élasmobranches provient de la concentration en un seul fais- ceau de toutes les fibres sympathiques disséminées qui président, chez les Ammocètes, aux phénomènes si variés de la digestion. Il va de soi que le ganglion qui lui donne naissance doit avoir un volume supérieur à celui de ses voisins. Il est énorme, en effet, étant le produit de la coalescence d’au moins dix petits ganglions, comme le prouvent les dix à douze racines qu'il reçoit des nerfs rachidiens. Toutes les cellules de ce gros ganglion, étant en contact et sans doute en relation, exercent les unes sur les autres une influence ré- ciproque qui a pour effet de coordonner les phénomènes qu'elles déterminent et de les rendre ainsi plus parfaits. Les ganglions qui suivent sont ordinairement réunis par un Con- nectif. Cette particularité permet également de supposer qu’un lien plus ou moins étroit existe entre eux et entre les filets qu'ils émet- tent, de sorte que le fonctionnement des reins, des vaisseaux et des autres organes qu'ils innervent s'exécute avec plus d'ensemble et de perfection. Chacun des ganglions des Élasmobranches est formé de deux, trois ou quatre petites masses ganglionnaires associées aux capsules sur- rénales de Leydig et réunies entre elles par des conneclifs. Ges gan- elions constituent autant de petits centres nerveux d'où partent en rayonnant de nombreux filets sympathiques. Gette disposition rap- pelle ce qui existe chez l'Ammocète; mais ici l'un des filets unit deux centres consécutifs ; il en résulte une sorte de cordon formé de bouts non alignés, et interrompu de place en place. Dans la partie DEN RE 2m SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 437 antérieure de l'abdomen, il est assez bien développé, quoique son diamètre ne soit pas sensiblement plus fort que celui des nerfs voi- sins. Chez les Squales, dont le corps est plus long que celui des Raies, il disparaît vers le milieu de la cavité abdominale et, depuis cet endroit jusqu’à l'anus, on ne découvre plus que de tout petits ganglions régulièrement espacés, accolés à la face interne des reins et complètement indépendants les uns des autres. La tendance au perfectionnement se fait donc exclusivement du côté de la tête; aussi n'est-il pas étonnant de ne trouver aucun filet sympathique dans la partie caudale. Cette tendance se manifeste encore d’une autre façon chez cer- tains Élasmobranches. J'ai dit plus haut que les racines antérieures du premier ganglion abdominal lui venaient de la troisième ou de la quatrième paire de nerfs rachidiens : c’est vrai pour tous les Séla- eiens. Mais chez certains Squales, il existe, en avant et en dehors du premier ganglion, un riche plexus qui fournit à la face dorsale de la veine cardinale postérieure et qui tire son origine des premiers nerfs rachidiens et de certains rameaux du pneumogastrique. Ce plexus est uni, par un petit nombre de filets, aux racines anté- rieures du premier ganglion abdominal. Le sympathique est donc déjà, indirectement, il est vrai, en rapport avec un nerf crânien. L'Esturgeon va nous montrer un nouveau perfectionnement. Le facies général du sympathique de ce Poisson a la plus grande analogie avec celui des Élasmobranches. Ses ganglions sont petits et toujours associés aux capsules surrénales de Leydig; le cordon qui les unit est faible, tortueux, mais il est beaucoup mieux accusé ; il s'étend, de chaque côté de la colonne vertébrale, jusqu'au delà du tiers postérieur de la cavité abdominale, non pour s’y terminer, mais pour s'unir à celui du côté opposé et former ainsi un plexus d’où naîtront les nerfs de la partie caudale. En avant, il se divise en plusieurs cordons secondaires qui che- minent dans l'épaisseur des reins de l'extrémité antérieure desquels ils sortent sous forme de deux ou trois gros troncs aplatis situés à 438 R. CHEVREL., la partie postéro-latérale de la voûte palatine. De là, leurs ramifca- tions se portent en divergeant sur les différents rameaux du pneumo- gastrique ou vers l'extrémité antérieure de l'aorte. Les unes sont des racines, les autres sont des branches propres du sympathique ; les premières proviennent uniquement des différents faisceaux du preumogastrique ; les secondes s’unissent aux branches périphé- riques du même nerf, ou accompagnent les vaisseaux branchiaux; elles s’anastomosent entre elles ou avec les ramifications du pneumo- gastrique, et forment ainsi un plexus branchial. Mais, dans toute cette région crânienne, on ne trouve pas encore de ganglions appa- rents ; les cellules sont disséminées sur le trajet des troncs nerveux. Dans la seconde moitié de la cavité abdominale, les deux troncs latéraux, représentés par un seul cordon très ténu, s'unissent pour donner naissance à un plexus très fourni, à mailles serrées, qui s'étend sur la ligne médiane jusqu'au voisinage de l’anus. Là, il dis- paraît presque complètement, et n’est plus représenté que par deux filets qui reçoivent des racines des nerfs rachidiens correspondants et pénètrent dans le canal caudal, entre l’aorte et la veine. Ces deux filets se ramifient sur les parois du canal et cessent d’être visibles vers la fin du premier tiers de la queue. Ils n’offrent pas non plus de ganglions apparents sur leur trajet. Malgré leur allure particulière, ils n’en représentent pas moins l’ébauche du sympathique caudal, qui est si bien développé chez les Osseux. Le nerf splanchnique est toujours considérable ; seulement, ici, al ne naît plus d’un ganglion unique comme chez les Élasmobranches, mais d’une série de petits ganglions placés les uns derrière les autres et réunis par un conneclif, ce qui assure l’harmonie des fonctions. En revanche, le nerf splanchnique de gauche, au lieu de se porter directement sur l'artère mésentérique antérieure, va se joindre à l'une des racines du nerf splanchnique de droite dont il ne se sépare plus. Bien que je n’aie pu décider si, au point de jonction, il se irouve des cellules nerveuses, on doit encore voir là une tendance à l'union des deux organes, qui ont agi jusque-là séparément sur les SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 439 mêmes viscères, mais qui vont désormais s'unir intimement pour agir de concert. | Avec les Osseux, nous atteignons à la perfection anatomique du sympathique chez les Poissons. Le cordon latéral, parfaitement dé- veloppé, s'étend sans interruption depuis la sortie du trijumeau jus- qu’à l’extrémité postérieure du canal caudal. Il n’a plus l'apparence d’un filet ténu se distinguant difficilement des nerfs qui en partent; c'est un véritable cordon, noueux, presque rectiligne, dont le dia- mètre est généralement supérieur à celui de tous les filets nerveux qui s’en détachent. Sa partie céphalique est très nette et porte toujours des ganglions, ce qui n'existe pas chez l'Esturgeon. Elle se montre sous deux aspects, que je vais examiner successivement, Chez tous les Pois- sons osseux, saufles vrais Apodes, le cordon céphalique présente un ganglion nerveux sous chacun des nerfs suivants : trijumeau, facial, glosso-pharyngien, pneumogastrique el hypoglosse. Il recoit, de chacun d'eux, un certain nombre de racines, el leur envoie, de son côté, un petit nombre de filets. Les plus antérieurs se portent sur les nerfs maxillaires, sur l’ophtalmique, sur les deux nerfs ciliaires, sur le ganglion ophtalmique et le nerf palatin; parmi les suivants, les plus remarquables sont ceux qui vont former, avec les rameaux du pneumogastrique, le plexus branchial souvent très développé. Geux qui partent de l'hypoglosse se rendent aux vaisseaux etaux muscles de la nageoïire pectorale. Le sympathique à donc étendu considéra- blement son champ d'action du côté de la tête, chez les Osseux, Le sympathique des Apodes paraît plus simple; au lieu de cinq ganglions céphaliques, il n'en montre que deux. Le premier, volu- mineux, est placé sous le point de sortie du pneumogastrique ou même plus en arrière; le second, vis-à-vis de l'artère axillaire. Mais le premier est toujours relié aux nerfs trijumeau, facial et glosso- pharyngien, et le second au pneumogastrique et à l’hypoglosse. Les rapports signalés ci-dessus entre le sympathique et les nerfs crâniens des Poissons osseux existent donc également chez les 440 R. CHEVREL. Apodes ; seulement, chez ces derniers, il se manifeste une coales- cence des ganglions céphaliques qui ne se voit pas chez les premiers. On sait que, chez les Vertébrés supérieurs, les ganglions cervicaux sont en nombre très restreint et que, probablement, ils représentent l'ensemble des ganglions céphaliques. J'ai dit que la partie abdominale du sympathique était également très développée ; tous les organes qu’elle renferme sont abondam- ment pourvus de filets. Le nerf splanchnique enveloppe d'un réseau serré l'artère cœliaque et ses multiples ramifications. Les deux cor- dons latéraux contribuent ici, comme chez l'Esturgeon, à la forma- tion de ce nerf: mais la racine qu'il reçoit du cordon gauche va ren- contrer celle du côté opposé dans un gros ganglion qui est, à proprement parler, sa véritable origine. La fusion qui s'établit ainsi entre les deux nerfs splanchniques devient donc de plus en plus intime. La partie caudale, qui n'existe ni chez l’Ammocète ni chez les Élas- mobranches, qui se montre sous l’aspert de filets ramifiés dans la partie antérieure du canal caudal de l'Esturgeon, acquiert, chez les Poissons osseux, un développement considérable. Elle consiste en un double cordon, présentant une paire de ganglions, soudés ou réunis par une anastomose, vis-à-vis de chaque vertèbre. Chaque ganglion recoit ordinairement deux racines du nerf rachidien cor- respondant à la branche ventrale duquel il envoie un filet. Et vers l'extrémité de la queue, le nombre des filets sympathiques qui se mêlent aux nerfs rachidiens ou au plexus qu'ils forment devient plus considérable, de sorte que chaque muscle de la nageoire cau- dale et chaque vaisseau du vas caudale reçoivent au moins une fibre sympathique. En terminant cette étude, je dois déclarer que, malgré des re- cherches nombreuses, il m’a été impossible de découvrir les nerfs sympathiques cardiaques dans les divers types de Poissons. Julin, dans son travail sur l’'Ammocète, signale au contraire certains gan- glions d’où partent des filets qui se rendent au cœur. Leur ténuité SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. 441 m'a-t-elle seule empêché de les découvrir ? C'est probable. Ou bien, ces filets, que l'Ammocète possède, auraient-ils disparu chez les Poissons plus élevés en organisation, pour laisser aux cellules ner- veuses propres du cœur une complète autonomie ? S'il en était ainsi, on comprendrait mieux la raison d'être des multiples ganglions sympathiques répandus dans tous les viscères abdominaux, gan- glions dont le rôle reste une énigme pour le physiologiste. En résumé, et en laissant de côté ce qui concerne l’innervation du cœur, on peut se représenter ainsi la genèse phylogénique du sympathique : Ses premiers ganglions proviennent directement des ganglions spinaux dont ils se séparent; Ils entrent ensuite en relation avec les nerfs dorsaux ou avec Îles nerfs ventraux rachidiens, et plus tard avec les nerfs mixtes ; Ils sont complètement indépendants les uns des autres et confinés dans la partie abdominale du corps ; De chacun d’eux partent un certain nombre de filets qui se ren- dent aux viscères de cette région ; Les ganglions profonds apparaissent déjà sur le trajet de ces nerfs ; Plus tard, les ganglions les plus antérieurs s'unissent par des connectifs qui constituent ainsi un commencement de cordon Îa- jéral ; chaque ganglion se divise généralement en plusieurs petites masses; En même temps, les nerfs de l'intestin se rapprochent et se fu- sionnent, ainsi que les ganglions dont ils naissent, pour constituer le nerf splanchnique ; Les premiers nerfs rachidiens, qui étaient restés étrangers à la formation du sympathique, lui envoient des racines ; Le cordon latéral s’étend plus en arrière ; Puis le cordon pénètre dans la région cränienne, il entre en rap- port avec le pneumogastrique dont il recoit des racines et auquel il envoie des filets ; 449 R. CHEVREL. En arrière, il s’unit avec celui du côté opposé pour former un plexus d’où naissent deux nerfs qui vont se ramifier dans le canal caudal; cette région et la région crânienne ne possèdent pas encore de ganglions apparents ; Le cordon s’accuse davantage, pendant que le nerf splanchnique de gauche s'unit à celui de droite avant d'aller trouver l'artère cœliaque ; Enfin, le cordon, parfaitement différencié, s’avance jusqu’au tri- jumeau, présentant, sous ce nerf et sous les nerfs cräniens suivants, des ganglions nettement formés qui reçoivent des racines, émettent des filets à l'instar des ganglions abdominaux. En arrière, les deux cordons généralement distincts, mais quelquefois soudés en un tronc médian, se continuent dans le canal caudal, offrant sur leur par- cours de nombreux ganglions qui, tous, ont des relations avec les nerfs rachidiens de la région caudale, Une fusion plus intime s'opère entre les deux nerfs splanchniques. Au lieu de se réunir simplement pour constituer un unique faisceau, ils se jettent l'un et l’autre dans un gros ganglion dont ils deviennent les racines. C’est de ce ganglion que naît le véritable nerf splanch- nique. On remarquera que le cordon sympathique se développe dans deux sens opposés. Le point mort correspond à peu près au gan- lion qui donne naissance au nerf splanchnique. A partir de ce point, le cordon croît d’abord d'avant en arrière, puis d’arrière en avant; sa partie postérieure, au moins celle qui est située dans la cavité abdominale, se forme beaucoup plus rapidement que sa partie antérieure. Il est probable que cette progression se maintient, mais, jusqu’à ce jour, les termes de passage font défaut, et l’on assiste tout à coup, chez les Poissons osseux, au développement intégral et parfait des deux extrémités terminales du cordon. SYSTÈME NERVEUX GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON, 443 BIBLIOGRAPHIE, 4, KE. von Baër, Zuweiter Bericht von der Kôüniglichen anatomischen Anstall zu KGnigsberg, Leipzig, 1819, p. #4. 2, H. Srannius, Symbolæ ad anatomiam Piscium, Rostock, 1839, p. 35 et 36. 3, — Nouveau Manuel d'anatomie comparée, par MM. C.-Th. de Siebold et H. Stannius, 1846, traduit par MM. A. Spring et plu Paris, librairie encyclopédique de Roret, 1850, p. 78. 4, — Das peripherische Nervensystem der Fische, Rostock, 1849. 5, — Handbuch der Zootomie von von Siebold und Stannius, Zweite Auflage, Berlin, 185#. 6, R. Cnevrez, Recherches analomiques sur le système nerveux grand sympa- thique de l'Esturgeon (Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CXVII, n° 13, 2° semestre, p. 441). 7. Frz Levnic, Beiträge z. mikrosk. Anatomie u. Entwickel, der Rochen u. Haie. Mit 4 Taf., Leipzig, 1852. S. — Anat. listol, Untersuch. üb, Fische u. on Mit 4 Kpfrtaf, Berlin, 1853. 9, R, Cuevrez, Sur l'anatomie du système nerveux grand sympathique des Élas- mobranches et des Poissons osseux, avee 6 planches, in Archives de zoologie expérimentale et générale, 2 série, t. 5 bis. 40. SEMPER, Das Urogenitalsystem der Plagiostomen (Arbeit. a. d. ol. zoot. Instit.), Würzburg, IT, 1875. 44. Bazrour, À Monograph on the development of Elasmobranch Fishes, London, 1878. 42. Cu. Jui, Recherches sur l'appareil vasculaire et le système nerveux péri- phérique de © Ammocètes (Petromyzon Planeri), in Archives de biologie, HAN IS ET: 43. Oscar Herrwic, Traité d'embryologie ou Histoire du déveioppement de PHomme et des Vertébrés, traduit sur la troisième édition, par Ch. Julin. (Voir, aux pages 476 et suivantes de ce traité, la bibliographie relative au développement du système sympathique et du système ner- veux périphérique.) EXPLICATION DE LA PLANCHE XVII. SYSTÈME GRAND SYMPATHIQUE DE L'ESTURGEON. Fi. 1. Partie céphalique. ab, artères branchiales ; gs, ganglion sympathique ; npn, rameaux du nerf pneumogastrique ; R. CHEVREL. ns, rameaux du nerf sympathique ; pls, plexus sympathique ; | plsp, plexus formé de filets sympathiques et de filets du nerf pneuma- gastrique ; r, reins ; rs, racines du nerf sympathique ; se, sympathique caudal ; vca, veine cave antérieure. 2 Partie abdominale antérieure. ac, artère cœliaco-mésentérique ; ao, aorte abdominale; cs, corps suprarénaux ou capsules surrénales de Leydig; gs, ganglions sympathiques ; nsp, nerf splanchnique ; r, reins dont la pulpe est presque entièrement enlevée ; ds, racines droites du nerf splanchnique ; rgs, racine gauche du nerf splanchnique ; sa, sympathique abdominal. 3, Partie abdominale postérieure .et partie caudale. amp, artère mésentérique postérieure ; cc, ganal caudal; il, partie terminale de l'intestin ; nr, nerf rachidien ; ns, nerf sympathique qui accompagne l'artère mésentérique postérieure et va innerver l'intestin terminal; pls, plexus sympathique ; pur, parois des veines cardinales postérieures coupées et rabaltues ; y, reins ; re, racines du sympathique caudal ; scd, ramificalions du sympathique caudal sur les parois du canal caudal : vcp, veines cardinales postérieures. 4, Petite portion de la partie abdominale du corps, montrant les ramifica- tions du sympathique sur les artérioles et les veinules intercostales, ao, aorte abdominale ; ar, artérioles intercostales ; ns, filets sympathiques ; r, reins dont la pulpe est presque entièrement enlevée ; ve, veinules intercostales. 5, Coupe d’un corps suprarénal. c, cellule ; n, noyau. FAUNE DU GOLFE DU LION ——————— ÉVOLUTION DU POLYPIER DU FLABELLUM ANTHOPHYLLUM PAR 11. DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l’Institut. Ï Les lecteurs des Archives, en se reportant à la note publiée dans le premier numéro de ce volume (p. 15), y verront quels projets de travaux et de publications nous nous Sommes proposés en faisant l'exploration du golfe du Lion. Nous ne songeons nullement, en étudiant sa riche faune, à donner une énumération sèche des espèces recueillies. Les études biologiques tiennent une trop srande place dans la connaissance des animaux, pOur qu'aujourd'hui on puisse songer à faire un travail exclusivement de nomenclature. Quand un animal peu connu dans son évolution, ses caractères, sa biologie tout entière, nous tombera sous la main, nous le ferons connaître comme il convient. 11 eût été assez naturel et juste de publier tout d’abord la carte du golfe pour fixer les points importants de sa topographie sous-marine, de la nature de ses fonds, de l’origine des matériaux qu’on y trouve, en rapportant cette origine à la configuration orographique des 446 H. DE LACAZE-DUTHIERS. régions voisines et montagneuses, aux phénomènes glaciaires des périodes quaternaires; mais des difficultés de publication, dont il n’est pas toujours possible de ne pas tenir compte, retardent l’exé- cution du travail si curieux, si complet et si utile de mon excellent collègue et ami M. le professeur Pruvot. Les lecteurs des Archives n’y perdront rien pour attendre. Il m'a paru utile de ne pas différer un commencement au moins de la publication déjà annoncée. C'est pourquoi j'ai pris le devant, et je donne aujourd'hui un premier travail sur une espèce curieuse, espérant que, bientôt, mes collaborateurs pourront à leur tour faire connaître des faits aussi intéressants qu'importants fournis par une longue et pénible campagne dans les mers du Roussillon. Il Peu d'auteurs ont fait des études spéciales sur les Ælabellum. Je n’en trouve aucun ayant traité la question au point de vue qui va nous occuper. M. Semper a émis quelques opinions sur l'origine des loges de ces polypiers, mais il n’a pas fait d’études et de recherches spé- ciales. M. Marenzeller! a repris les différents travaux de Koch et de Semper et a fait à son tour une nouvelle théorie, basée en partie sur les idées de ses prédécesseurs, en partie sur ses idées propres. Il a vu que les systèmes nouveaux de cloisons et de loges se for: maient aux deux extrémités du grand diamètre du calice. Mais il n'a point eu de très jeunes polypiers, du moins du Flabeilum antho- phyllum, car il n'aurait pas soutenu l'opinion de Koch qui sera dis- cutée plus loin. il admet douze sepla primitifs, et généralise en appliquant ce nombre à tous les polypiers sans exception. On verra qu'il ÿ a exa- 1 MarenzeLLer, Uber das Wachsthum der Gattung Flabellum Lesson, in Z. Jahrb., III Bd, Abth. System, p. 25 à 50. FAUNE DU GOLFE DÙÜ LION. 441 gération dans cette opinion, que j'ai professée moi-même, puisque ce sont mes recherches qui, pour la première fois, ont démontré la production, dans une même période, des douze premières cloisons chez l'Astroïdes. Il ne semble pas nécessaire d'analyser tout ce travail, dans lequel le fait nouveau, qui est le point important de cette étude, n’a pas été signalé. Nous reviendrons d’ailleurs, dans le cours du mémoire, sur les faits qui mériteraient d'appeler l'attention. lil Le genre FLABELLUM a été créé par Lesson pour des polypiers sim- ples comprimés ; quelquefois fort réguliers par leurs cycles et leurs systèmes cloisonnaires, mais dont le type morphologique, 6, s’il a été indiqué a prior, n’est pas toujours facile à bien reconnaitre en raison de la multiplicité des éléments quile masquent. Quelques espèces exotiques, très aplaties dans un sens et fixées par une tige grêle, ressemblent à des éventails bien ouverts. Si l’on considère quelques-unes des figures qu’en a données Jules Haime dans la monographie qu’il a publiée il y a déjà longtemps (1848, Annales des sciences naturelles), on voit que le nom donné au genre par Lessonest vraimenttrès bien choisi; mais pour le #labellum anthophyllum, espèce qui va nous occuper, on ne remarque guère que la compression latérale dépasse les proportions de celles qu’on observe, par exemple, chez les Dendrophyllies et les Balanophyllies ou quelques Caryophyllies. Tout d'abord il importe de reproduire la caractéristique du genre telle qu’on la trouve dans l'ouvrage classique de Milne Edwards et Jules Haime, car il sera utile d’y renvoyer dans le cours du travail, La voici : « Polyprer simple, droit, entouré d’une épethèque pelliculaire, com- plète, légèrement plissée ; 448 H. DE LACAZE-DUTHIERS. « Fossette cahcinale étroite eL profonde; « Columelle pariétale à trabéculins spiniformes, très peu déve - loppée ou même presque nulle ; mais lorsque les bords internes des cloisons opposées se montrent directement, ils présentent des grains coniques saillants qui semblent des rudiments de trabéculins. « Les systèmes cloisonnaires, au nombre de six, mais paraissant ordinairement beaucoup plus nombreux par suite de la tendance qu'ont les cloisons secondaires et tertiaires, ou mêmes celles d’un ordre moins élevé à devenir égales aux premières. «Les cloisons non débordantes, à bord arqué en dedans, à faces présentant des grains toujours bien visibles et disposés régulière- ment en séries radiées .» Pour discuter certaines dispositions apparentes du flabellum an- thophyllum, et rapprocher celte discussion, non plus d’un numéro d’une littérature que le lecteur ne consulte pas, mais des faits par- ticuliers avancés, il était nécessaire de mettre sous les yeux des naturalistes la description qu'on vient de lire et que les auteurs ont un peu modifiée, non dans le fond, mais pour la forme dans leur ouvrage sur les Coralliaires (Suztes à Buffon). Ainsi l’on verra qu'il est quelques observations utiles à faire sur l’épithèque, sur le nombre et l'origine des systèmes, sur le mode d'adhérence du polypier aux corps étrangers, toutes choses qui, au point de vue de la morphologie générale des Polypes, méritent d'être appréciées. | Il n’est pas possible de se rendre un compte juste et exact de plusieurs conditions présentées par le Flabellum anthophyllum, si l'on n’en suit l’évolution, et les auteurs, pour les polypiers surtout, soni souvent tombés dans l'erreur, pour avoir voulu juger de ce qui avait dûs’être passé, d’après ce qui était, à un moment de la vie d'un être, Dans bien des circonstances, j'ai appelé l'attention des natura- listes sur cette impérieuse nécessité de suivre l'évolution des êtres à Voir Annales des sciences naturelles, vol. 1X, 1848, 30 série, p. 256 ou Suiles d Buffon. FAUNE DU GOLFE DU LION. 449 sur un même individu pour en déduire les faits propres à les bien faire connaître, afin d'éviter ces erreurs que les déductions, trop hâti- vement tirées d’une obervation faite à un moment donné, peuvent causer. Ici, l'étude de l'exemple choisi montrera, par des faits positifs, mieux que tous les raisonnements, la vérité de cette assertion. IV DU FLABELLUM ANTHOPHYLLUM VIVANT. Cette espèce n’est pas rare dans la Méditerranée. Sur les côtes de l'Algérie, dans les parages de Bône jusqu'à Tunis, je l’ai trouvée assez fréquemment. J’ai pu l’observer avec toute facilité, car, de même que les Caryophyllies, elle vit facilement dans les aquariums. Il y a déjà longtemps, j'avais pu me la procurer dans une cam- pagne que j'avais faite avec le regretté amiral Mouchez, qui s’occu- pait de l’hydrographie des côtes de l'Algérie. Ge bon amiral m'avait confié, pendant toutes les matinées, sa chaloupe à vapeur, à l’aide de laquelle, aidé d’un bon patron devenu plus tard gardien de mon laboratoire de Roscoff, Charles Marty, bien connu des savants qui ont travaillé dans la station bretonne, je draguais pendant la mati- née, et sur les pierres rapportées, j'avais déjà pu faire une ample moisson qui, dans ce moment même, me sert de terme de compa- raison avec les éléments que me fournit le golfe du Lion. Dans les nombreux dragages que, depuis la fondation du labora- toire Arago, j'avais fait exécuter dans les mers de Banyuls et du cap Creus, j'avais obtenu des Ælabellums, souvent de plus grande taille que ceux que j'avais pêchés en Algérie, à la Calle, à Tabarca, à la Goulette. Aujourd’hui, les localités où vit sur nos côtes le Flabellum sont assez parfaitement connues pour que je puisse, à chaque sortie, obtenir quelques individus. C’est surtout au cap l’Abeille, à une profondeur de 40 et50 mètres, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 30 SÉRIE, — Te Il, 1894, 29 Li 450 H. DE LACAZE-DUTHIERS. que l’on trouve principalement les échantillons. J’en ai conservé plus de deux ans de très beaux, s’'épanouissant par moments d'une façon superbe; de même il m'a été possible de trouver sur les rochers apportés de cette localité, où leur formation est de la période ac- tuelle, des individus de la plus petite taille et tout à fait semblables, pour leur évolution, à ceux que javais observés à bord du Narval, sur les côtes d'Afrique, à la Calle. Îlimporte de remarquer que, dans cette localité, où j'avais trouvé aussi beaucoup de Cranies, que je donnai à M. Joubin, mon prépa- rateur, pour lui fournir les matériaux de sa thèse, j'ai eu encore la Gerardia. | Dans la dernière campagne (mai et juin 4894), pendant laquelle mon collègue, M. Pruvot, a fait de si nombreux dragages, j'airecueill des échantillons nombreux. Je réunis donc le présent travail à l’ensemble des recherches entreprises sur la faune du golfe du Lion, en collaboration avec les savants distingués dont les noms se trouvent dans ma note commu- niquée à l'Académie des sciences le 6 mai 1894. Le Polype du #labellum mérite d'être étudié à divers états d’épa- nouissement, si l’on veut, du reste pour lui comme pour les autres espèces, avoir des idées justes sur sa forme, sa couleur et la dispo- sition de ses parties, ce qui est rarement fait dans les travaux d’au- jourd’hui sur les polypiers. C'est cependant là de l’histoire naturelle proprement dite et vraie. Quand le Polype est bien épanoui, il dépasse et de beaucoup, jusqu’à 5 millimètres, { centimètre de hauteur, les bords marginaux de son calice solide. Le tissu qui forme cette partie du corps est d'autant plus coloré qu’il est plus contracté. La teinte est d’un rouge passant à un orangé un peu jaunâtre, que quelques laques capucine rendent très bien. Lorsque cet état se présente, on a sous les yeux l'image absolue d'une Actinie dont la colonne délicate serait très transparente. FAUNE DU GOLFE DU LION. 451 Dès que la contraction se produit, la couronne formée par les tentacules, dont il va être question, est reportée un peu en dedans vers la bouche. En partant du bord de la marge du calice formé par la muraille du polypier, on voit une zone plus vivement colorée, qui répond à cette colonne si évidente pendant l'épanouissement el qui, par l'effet de la contraction du péristome, s’est rabatiue en dedans vers la bouche. Cela se distingue très nettement sur la figure repré- sentant le Polype décalcifié (fig. 4), sur laquelle on n'a aucune peine à reconnaître : une zone externe, la zone des tubercules ten- taculaires et, en dedans, le péristome avec la bouche au centre. A l’état d'épanouissement, le péristome a la grandeur de l’ouver- ture du calice du polypier ; il n’est pas plan; à partir des tentacules qui l'entourent, il se déprime vers la bouche qui s'élève au centre et qui est fendue en long, dans le sens naturellement du plus grand diamètre. Elle fait saillie, le plus souvent, au milieu de lui. Les stries que l’on distingue sur sa surface sont dues à l'insertion, sous la voûte, des lames mésentéroïdes remontant entre l’œæsophage et la colonne formant les parois du corps. Lorsque la contraction est modérée et n’a pas encore fait perdre toute leur transparence au péristome et aux bases des tentacules, on distingue, au travers de la lamelle péristomique, les lamelles cal- eaires ou septa du premier et du deuxième cycle. Leur blancheur {ranche sur la couleur rougeâtre de la surface générale (fig. 2). Les lèvres de la bouche font ordinairement saillie en un double bourrelet renversé en dehors ou bien minces et rapprochées ; dans le dernier cas, la fente buccale paraît comme une ligne. L'état de la bouche est du reste très variable. Lorsque, par exemple, elle s’évagine au dehors, on voit, sur sa face interne, des stries lon- gitudinales répondant aux insertions des cloisons molles unissant l'æsophage aux parois du corps; ce sont les insertions supérieures des mésentéroïdes, Une fois, j'ai observé la bouche offrant une disposition particu- 452 H. DE LACAZE-DUTHIERS. lière, que j'avais pensé pouvoir me fournir une indication sur l’orientation. La fente buccale était tout à fait linéaire, terminée à l’une de ses commissures par un petit orifice circulaire, idont les parois s’éle- vaient comme un petit cylindre. Était-ce là l'un des sillons commis- suraux de l’æsophage que l’on a pris pour point de mire dans la détermination de la position symétrique de l'animal ? En faisant l'anatomie du Polype, il ne m'a pas été possible de trouver ces éléments, que l'on dit être propres à la détermination de la partie antérieure ou de la partie postérieure. Nous aurons à revoir cette question de l'orientation et de la bila- téralité. Pour le moment, revenons aux tentacules. Ils sont de trois gran- deurs bien marquées et, sur tous les individus, parfaitement recon- naissables par leur disposition régulière. Des dessins faits en Afrique, il y a déjà longtemps, n'ont pas dû être modifiés, après une observation de plusieurs mois et dans des conditions telles que, l'échantillon ayant vécu plus de deux ans dans l'aquarium, pouvait être considéré comme représentant un étal absolument naturel. La lecture de la couronne tentaculaire est facile et ne permet pas de doute. On verra plus loin que les septa du polypier sont de trois gran- deurs et qu'à chacun d'eux correspond un tentacule de grandeur équivalente: Le nombre des plus grands tentacules est variable avec la taille des individus; pour une taille moyenne, on trouve fréquemment le nombre dix, quatre paires de chaque côté et une à chacune des extrémités du grand axe de l’ovale. Ces dix grands tentacules laissent entre eux dix espaces, au milieu desquels s'élèvent les tentacules de deuxième grandeur. Enfin, entre ces vingt tentacules, se placent les plus petits. Ces derniers sont rejetés en dehors par le gonflement de la base de ceux des deux premières grandeurs et souvent, par ce fait même, ils paraissent FAUNE DU GOLFE DU LION. 453 rapprochés en dessous et se toucher. Cela est dû à leur refoulement par la dilatation des plus grands tentacules. Il faut avoir observé longtemps ces animaux s'épanouissant, tantôt plus, tantôt moins, pour apprécier combien il est difficile de carac- tériser ces différentes apparences et d'en tirer une description répondant aux caractères vrais. La transparence des tentacules est en raison directe de leur dila- tation. Lorsque celle-ci est grande, ils ressemblent à une gaze légère, rendue perceptible par la présence de points blancs nombreux qui les couvrent et font saillie au-dessus de leur surface. Leur extrémité est toujours terminée par une petite sphère blanche de la même nature que les taches qui sont semées irrégu- lièrement à leur surface. Ils ne sont pas colorés ; aussi, lorsqu'ils sont contractés, ils res- semblent, autour du péristome, à une triple série de tubercules blancs, très blancs, contrastant beaucoup avec la couleur vive, rou- geâtre des parois du corps (pl. XVII, fig. 2). Leurs proportions sont difficiles à préciser ; ils sont, en moyenne, plutôt un peu irapus que grèles et effilés. Cependant, lors d’un grand épanouissement, ils s’allongent beaucoup, sans offrir la régularité qu’on est bien obligé de donner à une figure pour une publication. On peut dire que leur ensemble forme comme une touffe qui se ba- lance au-dessus du péristome el laisse voir un espace libre autour de la bouche. J'ai élevé de très jeunes individus, ne présentant que six septa et six gros tentacules, courts, trapus, dépassant à peine les bords du calice, se relevant parallèlement à l'axe vertical. Dans le plus grand nombre des cas, chez ces jeunes individus, la couleur était à peine rosée et les tissus avaient une telle transparence, que le calice calcaire paraissait au-dessus d'eux aussi bien que s’il eût été à nu et sans animal. C’est en faisant de telles observations qu’on est étonné de voir que M. le professeur Carl Vogt ait pu, dans son Traité d'anatomie 454 H. DE LACAZE-DUTHIERS. pratique, donner la caractéristique suivante des Hexactiniaires . « 2° Hexactiniaires ou Zoanthaires, Polypes, etc., à cloisons mé- sentériques calcifiées... » (p. 120, vol. I, 1888). Dans les notes en petit caractère, la même idée se représente (p. 135) sous cette forme. « Une autre complication considérable résulte de la calcifi- cation de presque toutes les parties constituant... les Polypes…. Dansles cas extrêmes, ce ne sont que les tentacules rétractles, avec les parties proches de leur base, qui ne sont pas envahies par la cal- cification. Tout le reste, cloisons avec les plis mésentériques,.… se pétrifie plus ou moins. » Il y a, dans ces affirmations, des erreurs certaines. Lorsqu'on fait de l’anatomie des Polypes à polypier, la première pensée qui vient très naturellement à l'esprit en débutant c'est que les mésentéroïdes, en se calcifiant, produisent les septa du polypier. Mais les plus simples observations anatomiques et zoologiques dé- montrent bientôt que c’est là une erreur. Il n’est pas juste non plus de dire que la calcification envahit tous : les tissus. Le dépôt calcaire se fait régulièrement dans la place qu'il doit occuper et les organes restent ce qu'ils sont, sans disparaitre sous le dépôt qu'ils produisent eux-mêmes au-dessous d'eux. C’est ainsi que s'élèvent les septa, que la muraïlle monte, que le fond du calice se comble et que la columelle s'accroît en hauteur. Qu'on fasse contracter vivement le Polype d’une Caryophyllia clavus, qui vit si facilement dans les aquariums, et l’on verra les septa coupant, c’est le mot, les tissus mous qui, placés au-dessus d'eux, sont à la base des tentacules. L'animal à une telle puissance de contraction, qu'il se blesse lui-même sur ses parties dures, sail- lantes, formant arêtes vives, et, si l’on suit avec soin les progrès de cette contraction violente conduisant à la blessure, on voit bien évi- demment que c’est la voûte de la loge formant la base du tentacule qui est ainsi partagée par le septa existant dans la loge sous-tenta- culaire. Du reste, il est inutile d’insister plus longuement sur cette relation morphologique ; elle est connue de tous les actiniologistes, FAUNE DU GOLFE DU LION. 455 et l'on doit affirmer, comme on le verra de nouveau plus loin, que dans chaque loge sous-tentaculaire, le fond est soulevé par le septa sécrété au-dessus de ce fond et s’élevant peu à peu jusqu’à l’orifice tentaculaire qui s'ouvre dans la loge. Les tentacules sont faciles à observer dans le Flabellum que nous étudions, faciles s'entend pour la grandeur relative des différents cycles. Nous verrons que, dans quelques types différents que nous aurons à déterminer, iln’en est pas de même. Les tentacules du deuxième et du troisième cycle prenneni, tantôt les uns, tantôt les autres, plus de développement que ne devrait l'indiquer le rang qu’ils occu- pent. De même, des éléments du premier cycle restent d’une taille moins grande qu'ils ne devraient l’avoir. Les deux tentacules com- missuraux ne sont pas toujours Îles plus grands. On peut faire la même observation à propos des septa. y INTÉRIEUR DU POLYPE ; TISSUS MOUS. Ni le temps ni d'autres conditions ne m'ont permis de faire une anatomie aussi complète que je l'eusse désirée ; aussi, je ne dirai que quelques mots de l’intérieur de l'animal. Quand on a fait dissoudre le polypier dans un acide, on obtient une préparation de l'animal fort utile à étudier. Mais remarquons, en passant, qu’il serait nécessaire et indispensable de trouver une mé- thode permettant de fixer ces animaux pendant leur entier épa- nouissement, ce qui ne se présente guère que d’une façon intermit- tente. Leur contractilité est telle que l'on est forcément conduit à insister sur cette fâcheuse condition. Sur un individu bien vivant et dont j'avais cassé le calice afin de pénétrer dans son intérieur et d'obtenir les parties molles intactes, j'ai trouvé le péristome, les tentacules et la bouche tout ratatinés dans le fond de la cavité, là 456 : H. DE LACAZE-DUTHIERS. où les bases des septa se rapprochent et s'unissent en ébauchant une columelle. L'une des grandes difficultés s’opposant à reconnaître les rapports des parties se rencontre non seulement dans la délicatesse et la con- tractilité des tissus, mais encore, pour les espèces ayant une colu- melle, dans la présence de cette columelle. Par suite de la contraction excessive des parties molles enfonçant tous les éléments mous dans le fond du calice du polypier, la colu- melle semble remonter relativement, tant est grande la dépression des parties molles. Il résulte de là que le sommet de la columelle semble faire un mamelon vers le haut, c’est-à-dire vers la fin de l’œsophage ou du tube descendant de la bouche dans la cavité vis- cérale, de sorte que les rapports qu'on peut supposer exister entre le cylindre œsophagien et l’intérieur sont profondément modifiés. Le sommet de la columelle, s’élevant comme un tampon et bouchant ou remplissant l’æsophage, très raccourci par la contraction, cause un très grand embarras dans la dissection. Ainsi, il ne m'a pas été possible, dans la Palanophyllia regia, dans la Dendrophyllia cornigera, D. ramea, de distinguer, vers les : commissures de la bouche, le ou les sillons qui servent à l’orien- tation ou à la détermination de l’avant et de l'arrière de l’animal. Quant aux paquets musculaires des mésentéroïdes, aux fanons, comme on les appelle, on ne saurait en reconnaître facilement la position. La méthode des coupes employée pour reconnaitre cette situation ne pourrait être utilisée qu'après une décalcification bien lente et à l’aide d’un acide qui, tout en détruisant le calcaire, con- serverait les tissus dans leur position normale. Or, les mésentéroïdes descendent très bas dans les chambres que forment les septa en s’unissant à la columelle, et l’elfervescence qui est la conséquence de l’action de l’acide produit des bulles gazeuses qui gonflent les tissus, les déplacent et, sans nul doute, dérangent les relations et les rapports des parties. | Une autre remarque trouve naturellement ici sa place. Lorsque FAUNE DU GOLFE DU LION. 457 l’on étudie les Polypes des polypiers poreux, grande division admise par Milne Edwards et Jules Haime et aussi par la plupart des zoolo- sistes, car elle paraît naturelle à beaucoup d’égards, on est frappé de la pénétration des tissus dans tous les pores et dans toutes les anfractuosités du polypier, que Jules Haime se plaisait à comparer à du bois vermoulu rongé par les insectes ; quand donc on voit le tissu jaune d’une Dendrophyllia pénétrer dans ces cribles de calcaire, de même dans l’Astroëdes, dans les Balanophyllia, quand on voit les liaisons de la partie recouvrant la muraille en dehors avec les tissus de la cavité générale en dedans, on se demande comment il est pos- sible de rapporter, comme le veulent quelques auteurs, le polypier à une production épidermique à l'ectoderme. Milne Edwards et Jules Haime admettaient, pour les Polypes à polypiers hexactiniaires, que la production du polypier était due au derme et, pour les octactiniaires, à l’épiderme ; aujourd'hui, ce sont l’ectoderme et le mésoderme qui remplacent ces expressions, mais, au fond, l’idée est la même. On est bien obligé de reconnaître, quand on voit le tissu scarieux d'une Dendro-.ou Balanophyllia, que l’ectoderme, si c'est lui qui produit le polypier, est singulièrement épais, déchiqueté et, pour ainsi dire, confondu ävec le méso- et même l’endoderme; enfin, quand on enlève, dans les chambres, les septa en les séparant des tissus mous, on n’a certainement pas l'impression que la couche de tissu mou appliquée sur les faces des septa, par son éloignement des tissus, ait formé la muraille en dehors et ne ressemble pas du tout à un ectoderme. Je sais bien qu’en embryogénie il faut suivre attentivement l’évo- lution d’une partie depuis le moment où elle se divise et surtout suivre la partie qui s’en détache et s'éloigne de plus en plus de son point de départ, pour acquérir une sorte de personnalité que rien ensuite ne semblera rapporter à la partie dont elle dérive, si plus tard on veut en reconnaître l’origine. C’est en ce moment une impression que je soumets au lecteur 458 H. DE LACAZE-DUTHIERS. et qui me semble devoir déterminer des recherches nouvelles. Tout autre est le cas où il n’y a pas de columelle et surtout où le polypier est compact, ainsi que cela se voit chez Flabellum antho- phyllum, dont on arrive à décalcifier l'animal avec assez de facilité et qui fournit une préparation dont le dessin (pl. XVIII, fig. 4) donne une idéé exacte. Le corps ainsi décalcifié est très intéressant à étudier. On voit, sur son pourtour, des lobes coniques descendant par leurs sommets jusque vers le fond du calice du polypier, dont la base est sur la col- lerette péritentaculaire. Ces cônes renversés sont séparés par de profonds sillons allant du sommet à la base et marqués dans la figure 4, l'. Ils correspondent à la série des mésentéroïdes et des loges comprises entre deux des plus grands septa et, par conséquent, des plus grands tentacules. En plus d’une occasion, j'ai insisté sur cette idée qu'un système régulier des parties molles ne correspondait pas, au point de vue de la grandeur, à un système des parties dures du polypier. Dans ia préparation telle que la représente la figure 4, on voit cela avec toute évidence, et l’on y reconnaît surtout très clairement que la masse des parties molles comprise entre les profonds sillons [' qui correspondent aux septa et, par conséquent, aux grands tentacules de premier ordre, semble constituée entièrement par les parties comprises entre les mésentéroïdes pris en dehors des loges sous- tentaculaires répondant aux sepia. Sur chacune de ces masses coniques, au travers des tissus, on reconnaît les cordons entéroïdes pelotonnés. A voir cette figure, on dirait bien que la personnalité d'un système s'étend d’un grand septa à l’autre et que chaque système se trouve limité par le septa et contenu dans chaque chambre du polypier. Mais, alors, que devient l'importance, cependant capitale, des plus grands tentacules qui sont évidemment, à l’origine, les premiers éléments apparaissants, à tel point qu'on a désigné l’un d'eux par le qualificatif de directeur ? FAUNE DU GOLFE DU LION. 459 Il semble, d’ailleurs, difficile de faire perdre aux grands tenta- cules, et par conséquent aux premiers septa, l'importance que leur donne leur première apparition, comme aussi leur grandeur. Cette question est très importante à résoudre. On devrait certai- nement s'entendre à son égard ; sans cela, les différents travaux ne feront connaître que des impressions et quelques idées personnelles, fournissant sans doute des renseignements utiles, mais ne condui- sant à aucune donnée morphologique générale positive. De longues études embryogéniques faites sur les mêmes individus, suivis pendant leur évolution, ainsi que je l'ai fait pour les Actinies, peuvent seules conduire à de bons résultats. L'intérieur du corps présente des loges molles que séparent les mésentéroïdes. Je ne veux pas m'occuper, en ce moment, des ques- tions d’histologie et des détails intimes d’anatomie, le travail actuel ayant pour but spécial de faire connaître les faits relatifs au polypier et à ses modifications pendant son évolution. Dans une coupe axiale ou verticale, fig. 3, (en supposant les effets de la contraction excessive dont on vient de parler entièrement dis- parus), on voit à gauche un septa correspondant au grand tentacule placé à l'extrémité du grand axe. Ce septa [s) a été dénudé ; il sou- levait, dans cette loge sous-tentaculaire, Les tissus mous dont il était recouvert. Il montre les nodules, les synapticules ou trabiculins qui, rangés en lignes parallèles à son bord libre, ont été depuis longtemps signalés par Jules Haime et Milne Edwards comme étant les points de calcification qui servent à l'accroissement en largeur des septa. Sur le côté droit de la figure, un mésentéroïde a été représenté; c'est celui qui ferme la loge sous-tentaculaire du côté du tentacule de troisième grandeur. Si l’on faisait disparaître le septa (s) du côté gauche de l'observateur, on rencontrerait un mésentéroïde symé- trique et homologue à celui-ci. Cette figure n’a pour but que de montrer les entéroïdes placés très bas vers la base du polypier. Il faut, pour voir les cordons à forme 460 H. DE LACAZE-DUTHIERS. d’intestins, enlever par éclats les septa qui finissent par se rap- : procher au fond du calice et par y former un amas de tissu cal- caire que Milne Edwards et Jules Haime nomment une columelle pariétale. Il n'y a guère que les septa de premier ordre (fig. 18) qui, en s’unissant, forment cette columeile informe ou plutôt ce rudiment de columelle ; et, dès lors, entre cet essai de columelle ou colonne applatie centrale et la muraille, il y a des espaces que ne viennent pas remplir les septa de troisième ordre. Ces espaces ou canaux s'étendent jusqu’au fond du pied primitif ainsi que du pied adventif. C’est donc très bas qu'il faut aller chercher les entéroïdes et la ter- minaison des mésentéroïdes ; c'est un peu au-dessus de la limite supérieure du cordon entéroïde que se trouvent les ovaires ou les testicules. Ceux-ci sont très facilement reconnaissables à la loupe, leur forme étant fort différente de celle des ovaires. Les ovaires sont, en général, peu chargés d'ovules : quatre, cinq au plus. L'un des œufs, le plus haut placé, est ordinairement très volumineux par rapport aux autres, qui vont en diminuant de dia- mètre très rapidement. Ils sont disposés en file, suivant une ligne courbe et vers le milieu de la lame mésentéroïde. Dans les Polypes à polypiers, cette disposition existe le plus fré- quemment, et presque toujours les œufs sont colorés. Ici, ils ont la teinte à peu près qu’on voit au Polype sur son péristome. Les testicules sont blanchâtres, en plusieurs masses qui, se cCOM- primant, deviennent souvent polyédriques. Ce sont des sacs remplis d'éléments producteurs des spermatozoïdes. Les sexes m'ont paru être séparés ; chaque Polype est mâle ou femelle. Mais je n’ai pu examiner un nombre assez grand d'individus pour affirmer que la séparation des sexes est constante. FAUNE DU GOLFE DU LION. 401 VI DU POLYPIER EN GÉNÉRAL. On a vu que le caractère du genre F labellum était d’être simple, comprimé, sans columelle, au même titre que bien des types chez qui, au centre du calice, s'élève une colonne indépendante du bord interne des septa. L'épithèque pelliculaire, complète, légèrement plissée, n'est pas pré- cisément chose facile à reconnaître et à définir ici. Les échantillons d'Afrique m'ont paru moins recouverts que ceux des mers du Rous- sillon. Les Bryozoaires, les algues calcaires, Mélobésiés et autres, recouvrent l’extérieur dela muraille, et l’on à peine à voir cette pel- licule, qu’on ne saurait mieux se représenter qu’en la considérant comme un vernis dont la couche transparente est très mince. Sur des Ælabellum exotiques de grande taille, on reconnait ce vernis qui donne son brillant au polypier ; mais dans beaucoup d’autres exemples, les Éponges ou autres productions marines vien- nent cacher l’épithèque. La muraille mince limite un calice conique, régulier, dont le bord dessine un ovale très régulier dans le plus grand nombre de cas. Son épaisseur augmente dans le bas, près du sommet du cône, dans le voisinage du point d'attache. Sa surface extérieure est couverte de sillons parallèles qui, du bord libre du calice, descendent vers le point de fixation. Les bords du calice sont tranchants et ne présentent que de très légères dépressions, appréciables seulement quand, avec une loupe, on regarde très attentivement el perpendiculairement à la surface de l’ovale ou de l'ouverture du calice. Les stries, qui donnent à l'œil de l'observateur l'impression de côtes délicates, sont dues à l’inflexion en dedans de la muraille en face de l’origine.des septa. Cela est surtout bien évident sur les très jeunes individus (pl. XVIII, fig. 6); on voit, en effet, que le bord de 462 H. DE LACAZE-DUTHIERS. la muraille en face de chaque septa (dans ce cas, il n’y a encore que six septa) s'incline en dedans vers l'axe central, et qu’une dépression très peu profonde, mais très appréciable, représente un angle dièdre dont l'agrandissement déterminera plus tard la présence du sillon. Or, quand on observe un polypier posé verticalement, la lumière, en tombant toujours plus ou moins oblique, fait ombre dans le fond du sillon, et le côté paraît bombé. Si l’on n’y regarde de près, on est fort tenté de croire que c’est le septa qui produit, en traversant la muraille, ce que les auteurs français ont appelé des côtes, qu'ils ont représentées sur les différentes espèces de Flabellum comme étant à l'extérieur de la muraille la saillie des septa intérieurs. Dans beaucoup de polypiers divers que j'ai sous les yeux, il est impossible de ne pas reconnaître que les côtes extérieures répon- dent aux points d'attache à l’intérieur des septa et semblent dus à leurs prolongements au travers de la muraille. Je devais néanmoins signaler cette exception qui n'a qu'une importance secondaire, mais qui, pour la précision de la description, devait trouver ici sa place. Du reste, suivant les échantillons, ces stries sont très variables quant à leur profondeur. Une autre série de dépressions se remarque, cette fois plus ou moins parallèlement au bord du limbe du calice. Elles produisent des stries circulaires, et sont accompagnées bien souvent d’un bour- relet inférieur assez saillant; elles sont la conséquence des arrêts momentanés du développement et de la reprise du mouvement d’accroissement. Les figures diverses, surtout 19, 13, 15 et 16, mon- tirent que ces signes d’accroissement correspondent aussi à la par- ticularité si singulière que nous allons décrire et qui conduit à avoir deux points d'attache, l’un primitif, l'autre adventif ou secon- daire. FAUNE DU GOLFE DU LION, 463 VII DU CALICE DU POLYPIER ET DE SES SYSTÈMES CLOISONNAIRES RÉGULIERS. Si l'on prend un tout jeune Flabellum, étant encore au stade de six septa, et si on l’étudie avec le soin le plus minutieux, on ne re- connaît que six loges dans son calice qui, à ce moment, n’est pas conique, mais cylindrique (fig. 6 el 7); dans cette dernière figure, on voit déjà un pas de plus dans la complication, c'est-à-dire dans le commencement de l'apparition du second cycle, car entre les six grandes cloisons paraissent comme des points les septa de deuxième ordre. Dans la figure 8, ces jeunes septa sont bien plus saillants. Ici se place une observation importante. Lorsque j'ai publié l’histoire du développement de l'Astroides (Archives de zoologie expérimentale, 1873, vol. IT, p. 269), pour la pre- mière fois, j'ai montré que, si la symétrie des polypiers de cette espèce était normalement de quatre cycles dont les deux premiers paraissaient très différents pour la grandeur des septa chez les indi- vidus de moyenne grandeur, et étaient encore reconnaissables chez les individus arrivés à un complet développement, néanmoins il était indéniable à l’origine que les septa de premier ordre n'appa- raissaient pas d’abord six par six, ensuite ne se formaient pas par le dépôt d’une pièce unique de calcaire prenant naissance sur la muraille, mais que les douze premiers septa se moniraient en même temps, et que leur formation était due au dépôt de trois pièces en forme d’Y pour chacun d'eux. Cela, dans l’Astroides cali- cularis, est indéniable, et les faits constatés sur les mêmes individus fixés dans des vases bien appropriés pour une observation continue du développement sont tellement démonstratifs qu'on pourrait penser que ce mode d'apparition est une loi absolue et générale. Cette pensée, je l'ai eue. Mais ayant pu recueillir des embryons de Caryophyllia Smithu et de Phyllangia sur les côtes de France, à Roscoff et à TFrégastel, 464 H. DE LACAZE-DUTHIERS. non loin de Perros-Guirec, sur les parois d’un flacon dans lequel ont été élevés ces embryons, j'ai eu, fixés, les plus jeunes polypiers de ces espèces qu’on puisse avoir. Or, ils sont sinon identiques à ceux du Ælabellum (fig. 6), mais encore plus simples, s’il est possible de le dire, car le calice fait à peine saillie à la surface du vase et le nombre des cloisons naissantes et de première formation est de six et d’une régularité parfaite ; avec une forte loupe, il est impos- sible d’y reconnaître la plus légère trace d'un dépôt de pièces multi- ples comme dans l’'Astroides®. Cette observation jette donc un doute sur la possibilité de généra- liser à toutes les espèces la loi que j'ai formulée le premier en 1874 pour l’Astroides. Or, M. Kock, dans ses études sur les Coralliaires, qui oublie trop souvent de citer ses prédécesseurs et ceux qui ont eu la priorité d'une découverte des faits qu’il rapporte, ce que j'aurai l’occasion de montrer pour d’autres sujets, pense que, toujours, le polypier arrive à sa symétrie en partant du nombre douze. Cela me paraît aujourd’hui douteux, et comme les deux divisions des Coralliaires madréporaires, les apores et les perforées, établies par Milne-Edwards et Jules Haime sembient fort naturelles, on peut admettre jusqu’à plus ample informé, encore avec doute, que, dans les Madréporaires perforés, le nombre primitif des cloisons est de douze, et, dans les apores, de six. Cependant il faut encore des ob- servations nouvelles avant d'adopter cette loi comme étant positive. Dès lors, M. Kock devrait, par des études nouvelles, avant de géné- raliser aussi vite et peut-être un peu aussi légèrement, prouver ses assertions. Quoi qu'il en soit, le Ælabellum, dans le cas où on le trouve à peine saillant au-dessus des surfaces sur lesquelles il repose, est toujours formé par une muraille simple fort mince, n'offrant inté- 1 Dans un autre cas, n’ayant pas déterminé l'espèce ayant donné les embryons, j'ai trouvé les trois pièces formant l'Y primitif des septa. FAUNE DU GOLFE DU LION. 465 rieurement que six septa primitifs dont le développement ultérieur est intéressant à suivre (fig. 6). Revenons au calice de l'adulte. : L'observation des individus les plus développés montre un calice ovale de 1 centimètre à 4 centimètre et demi dans le sens du plus grand diamètre. Les échantillons les plus nombreux que j'ai eus à ma disposition mesuraient 6 millimètres dans le sens du plus grand diamètre, sur 4 millimètres et demi ou 7 sur 5 pour le petit diamètre. Dans la première grandeur (fig. 18, grossie un peu plus du double), on trouve ordinairement quatre grandes cloisons sur chacune des parois latérales, et une un peu moins grande à chacune des extré- mités du grand diamètre.On aurait donc, dans ce cas, huit systèmes latéraux, chacun d’eux présentant des cloisons de trois grandeurs, première, deuxième et troisième, formant trois cycles, et deux sys- tèmes commissuraux : en tout, dix. On a vu, dans la définition du genre, par Milne Edwards et Jules Haime, que les «systèmes cloisonnaires sont au nombre de six, mais paraissant ordinairement beaucoup plus nombreux par suite de la tendance qu'ont les cloisons secondaires et tertiaires, ou même celles d’un ordre moins élevé à devenir égales aux primaires ». Comment ces auteurs sont-ils arrivés à cette opinion qui est abso- lument exacte, sice n’est par les idées a priori et préconçues? Nulle part on ne trouve qu'ils aient eu connaissance des jeunes et tout petits Flabellum, qu'on ne se procure que lorsqu'on cherche soi- même dans le nature. Or, le travail des savants français a été entiè- rement fait avec des objets de collection dans des musées. Il me paraît bien difficile qu’un naturaliste, à qui l’on présenterait le po- lypier représenté figures 6 et 7, et ceux bien plus développés figures 17 et 18, pût et voulût s’engager à reconnaître dans les deux une seule et même espèce. Ce n’est que dans la nature, par une longue observation, qu’il m'a été possible de reconnaître dans ces très jeunes individus (fig. 6 et 7) de vrais llabellum. Il existe, dans le moment où j'écris ces lignes, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 3€ SÉRIE. = Te ile 1894. 30 466 H. DE LACAZE-DUTHIERS. dans l’aquarium, à Banyuls, de tout petits #abellum bien vivants et épanouis ; ils sont une dizaine, dont les Polypes, très légèrement colorés, ne peuvent laisser de doute sur leur nature spécifique. A côté d’eux, j'ai encore une série de tout petits polypiers indé- terminables dans les ouvrages, et qu’on peut cependant rapporter à un genre évidemment nouveau, dont la publication suivra celle-ci. Or, il ne m'a été possible d'arriver à l'unification de l'espèce de ces individus qu’en ayant tous les intermédiaires, depuis les premiers stades jusqu’à la forme définitive adulte, et surtout en ayant les animaux vivants sous les yeux. La notion que fournit le Polype vivant est donc d'une grande utilité, d'une grande valeur. Sans elle, il ne m'’eût pas été possible d'arriver à une détermination de ces très jeunes individus. J'ai encore recueilli dans les dragages du Aoland, faits par M. Pru- vot, de très petits polypiers, eux aussi vivants, mais qui ne se sont jamais épanouis, et j'éprouve la plus grande difficulté, je pourrais dire l'impossibilité, de les rapporter à des polypiers adultes dont ils seraient les petits, les jeunes, et qui vivraient dans la même localité. Dans combien de cas la couleur est-elle insuffisante à fournir un bon caractère spécifique ? Il n’est pas de naturaliste qui ne sache avec quelle réserve il faut s’en servir dans les spécifications et com- bien il faut se tenir en garde contre les fausses indications qu'elle peut fournir. Et cependant ici elle a donné un moyen presque certain d'arriver à la diagnose des jeunes qui eussent été indéterminables sans elle. Reprenons les systèmes cloisonnaires et leur origine. Nous dirons donc, ainsi que l'indique la caractéristique donnée par les auteurs français, que le type hexactinellide est certainement celui du Flabellum, et que les idées de M. Kock ne lui sont nulle- ment applicables, que les septa primitifs sont nés au nombre de six et non au nombre de douze. Mais comment de ce nombre, de cette symétrie du type six, le #la- bellum arrive-t-il à celui qui est le plus fréquent dans les moyennes FAUNE DU GOLFE DU LION. 407 tailles, dix systèmes ou même huit, rarement surtout douze (fig. 17 et 18). | Pour ne point surcharger les planches par des lettres et des nu- méros qui ne sont pas indispensables, tous les septa différents n'ont pas été indiqués par des signes particuliers, et, néanmoins, on peut voir très facilement, sur les dessins, qu'il est absolument impos- sible d'y reconnaître les six systèmes primitifs. Les systèmes laté- raux sont très réguliers et composés de trois ordres de cloisons fa- ciles à déterminer à l’aide d’une loupe. Ils ont été très exactement copiés et rendus dans la figure 18, vue de face, et 17, vue un peu en perspective. On n'y trouve que trois cycles, indiqués par les trois grandeurs des septa. Mais, vers les extrémités du grand axe, s’il existe deux grands septa compris exactement dans le plan perpendiculaire à l'ouverture du calice et partageant en deux parties symétriques le polypier, on n’a pas de difficulté à remarquer que ce sont les septa voisins à ces deux grandes cloisons, qui s’accroissent plus que leurs homologues dans les systèmes des côtes et alors il arrive que ces lames calcaires, prenant plus de développement, se trouvent limiter des chambres plus vastes et que les toutes petites cloisons, qui s’y trouvaient à l'état presque rudimentaire, prennent elles aussi un plus grand accroissement. Or tout cela cause la naissance de nouvelles cloisons plus petites et, dès lors, l’ensemble des systèmes cloisonnaires semble dominé par cette loi : Toutes les fois qu'une cloison de troisième ordre prend un développement plus grand que ne le comporte son nu- méro d'ordre et la conduit à prendre la grandeur d’une cloison d’un ordre supérieur, entre elle et sa voisine naît un septa nouveau qui changera et son rang et son caractère morphologique. Ainsi, en partant des très jeunes Flabellum à six cloisons, si l’on regarde l’un des six tentacules comme directeur et, par conséquent, le septa qui lui est inférieur également comme directeur et qu'on les considère l’un et l’autre comme représentant l’un de ceux qui 468 H. DE LACAZE-DUTHIERS. occuperont l'extrémité du grand axe de l’ovale calicinal, on pourra se rendre un compte exact de la façon dont s’accroîtra le nombre des systèmes, puisqu'il n’y aurait qu’à appliquer la loi qui précède et faire grandir successivement, de chaque côté du septum direc- teur, les septa de troisième grandeur pour les faire passer d’abord à la deuxième, puis à la première grandeur. Les quatre systèmes latéraux restant les mêmes, ce ne seraient que les deux systèmes des extrémités du grand diamètre qui seraient ainsi doublés par le passage des septa de troisième grandeur à la deuxième et de ceux de la deuxième à la première. Ce ne serait donc ainsi que vers les extrémités de l’ovale, ou mieux du grand axe, que s’ajouteraient les systèmes nouveaux ei que Pal- longement du calice conduisant à la forme Flabellum se produirait par suite de ces changements. Qu’on observe attentivement le calice (fig. 48), vu normalement et dessiné fort exactement, on reconnaîtra facilement les sepia des extrémités du grand axe et, dans les loges voisines qui leur sont contiguës, on remarquera que le septum du troisième cycle, tout à côté, à droite et de troisième ordre, est bien plus grand et élevé que ne le comporte son numéro d’ordre. C'est justement ce septum qui, devenant plus grand qu'il ne devrait l'être, entraînera et la naissance d’un autre septum de troi- sième ordre et la formation d’une chambre nouvelle, qui, par les progrès du développement, deviendra d’abord de deuxième, puis de premier ordre. On peut constater ce mode de multiplication dans la figure 17, mais surtout dans celle qui (fig. 10) représente une si curieuse in- flexion du bord du calice. Ce mode de multiplication du nombre des systèmes a été admis par M. Marenzeller, dont le travail à été signalé en commençant el trouve ici sa confirmation. FAUNE DU GOLFE DU LION. 4€9 VIII BILATÉRALITÉ ET ORIENTATION. Il est difficile de s'engager plus avant dans les descriptions sans s'occuper de la bilatéralité qui a conduit les actiniologues à recher- cher une orientation de ces êtres, dits Radiaires, qui avaient semblé jusqu'ici échapper aux principes de l'orientation des animaux à symétrie bilatérale. Un mot donc sur la bilatéralité. Dans l'étude embryogénique des Actinies que j'ai publiée en 1872, voici plus de vingt ans, la bilatéralité desembryons a été démontrée par la description el les figures qui en font foi, et après mon travail, on a appelé l’un des tentacules correspondant aux loges commissUu- rales tentacule directeur. M. le docteur Faurot propose bien plus naturellement de les appeler tentacules commissuraux ; J'accepte ce nom. L'embryon du Ælabellum perd un moment, pour la reprendre ensuite, comme on va le voir par les faits qui vont suivre, la symétrie bilatérale. Il la reprendra très peu de temps après l’origine de la sécrétion de son polypier. La conséquence de cette disposition singulièrement caractéris- tique des premiers stades du développement est de conduire à la forme Flabellum. En présence de cette bilatéralité, les naturalistes n'ont pas manqué d’aller plus loin et de rechercher sur les Polypes un côté droit et un côté gauche. Mais, pour arriver à cette distinction, il fallait néces- sairement avoir en plus un autre point de repère, c'est-à-dire trou- ver les caractères de l'avant et de l'arrière. Ici, un embarras se présentait. Quelles devaient être les indica- tions précises qui permettraient d'arriver à cette dernière détermi- nation ? Dans le Cérianthe, la chose est possible et facile. Jules Haime, le 470 H. DE LACAZE-DUTHIERS. premier, en 1853, trouva et décrivit, dans l’œsophage de cet antho- zoaire, une gouttière longitudimale garnie de cils vibratils. On a regardé cette gouttière comme étant antérieure, et alors le côté droit et le côté gauche se sont par cela même trouvés définis avec préci- sion. Le Cérianthe est un type bien spécial et, quand il à fallu arriver de même à fixer l'arrière et l’avant dans les autres types, l'embarras s’est présenté. Chez les Alcyonaires, on a, par la méthode des coupes, donné une indication différente qui n’est certes pas appuyée sur des rai- sons bien probantes. Ce n’est vraiment que par une pure convention qu’on arrive à distinguer la partie ventrale de la partie dorsale. C'est à la position des fanons musculaires qu’on demande les élé- ments de cette détermination. On sait qu'une coupe du corps d’un Polype d’Alcyonaire donne huit loges, dont deux commissurales. D’après les schémas donnés dans les ouvrages allemands, les fanons ou paquets musculaires se trouveraient dans l’une de ces loges et n’existeraient pas dans l’autre. La première correspondrait à la partie ventrale, ou antérieure. L'autre serait dorsale, ou postérieure. Et le pourquoi de la chose? Voilà qui reste à savoir. Tous les fanons des autres loges sont tournés vers la loge dite antérieure ou ventrale. Dans tous les ouvrages allemands, on trouve des schémas mon- trant tantôt une gouttière œsophagienne (Schlundrine, Cérianthe), tantôt deux (Edwarsie et quelques Hexactinies), tantôt point, comme chez les Alcyonaires. Enfin, chez les Hexactiniaires, on est fort em- barrassé pour trouver les parties antérieures et postérieures. Chez les Actinies, on trouve souvent deux gouttières commissu- rales. Mais alors laquelle des deux est en avant ? S’il faut en arriver aux coupes pour reconnaître l'arrière et l'avant d'un animal, il serait tout au moins utile de trouver un caractère extérieur ayant une relation avec ce caractère profond qui, s'il est ulile, bon et apporte des éléments nouveaux nécessaires à la des- FAUNE DU GOLFE DU LION. 471 cription des espèces, ne doit cependant pas jeter dans l'embarras le naturaliste qui cherche à faire une bonne détermination avec un très petit nombre d'échantillons. On serait, en effet, bien avancé d’avoir trouvé l'avant et l'arrière en coupant ,un animal qu’on dé- truirait ainsi et dont il ne resterait que des débris. Il y a certainement de nouvelles études à faire sur ce sujet et, dans les Alcyonaires surtout, on trouve quelques faits, ayant passé inaperçus, que je compte melire plus tard en lumière. Ne trouvant donc rien de précis dans les travaux de ceux des sa- vants qui ont le plus insisté pour établir la position des Polypes, je prendrai pour guide une disposition aussi originale que positive et facile à constater dans l'espèce qui va nous occuper. Je veux parler de l'inflexion du bord du limbe du calice, laissant des traces qu’on retrouve exactement dans les adultes les plus âgés et même les plus masqués, si l’on peut ainsi parler, sous les dépôts de Bryÿo- zoaires et des autres êtres incrustants. Il est tout naturel de placer en avant cette inflexion ainsi que le second point de fixation du polypier sur les corps étrangers, qui en est la conséquence. Dès lors, la droite, la gauche, l'arrière et l’avant se définissent d'eux-mêmes. Et l’on peut toujours reconnaitre, sur des adultes, la partie qui correspond à l’inflexion, et cela sans dégra- der les échantillons. Certes, il m'est difficile de trouver une raison bien plausible à ce choix, qui ne m'intéresse, je dois le dire, que fort médiocrement. Peut-être donnera-t-il plus de facilité dans les descriplions ; mais, en tout cas, jusqu'ici, on n’a pas trouvé de différence anatomique entre l'espace ventral de direction et l'espace dorsal. Enfin, ce sera peut-être commode pour les descriptions. Le lecteur se trouve dès maintenant prévenu. 472 H. DE LACAZE-DUTHIERS. IX DE L'ORIGINE DES DEUX BASES DE SOUTIEN DU POLYPIER ET DE LA DÉFORMATION DU CALICE. Jamais je n’ai recueilli un labellum sans avoir trouvé un polypier fixé autrement que par deux points, deux sortes de pédoncules tou- jours bien distincts et séparés. Cela ne se rencontrant pas dans les polypiers simples, tels que Balanophyllies, Turbinolies, Caryophyllies diverses, m'avait beaucoup intrigué. Le fait est constant et facile à constater sur les individus même les plus recouverts de produits encroûtants. En grattant la surface, on arrive à trouver, au-dessous des Bryozoaires, tubes de Serpules ou Algues calcaires, les deux pédoncules de fixation. Il est même possible, ainsi qu’on peut le constater en jetant les yeux sur la planche, de distinguer toujours le pédoncule primitif du pédoncule secondaire. Qu'on suive, sur les dessins, la série des figures depuis les nu- méros 5 et 6, 7 (a, b), 8 (a, b), 9 et 10, et l’on y trouvera la preuve et la démonstration de ce premier fait (fig. 6), que le nombre des septa, à l’origine, est de six; à la figure 5, que le petit Polype et son polypier sont cylindriques et droits; qu'à la figure 7 le polypier, restant encore un tube parfaitement cylindrique, s'incline sur l’un de ses côtés ; que déjà, entre les six premiers septa formant le pre- mier cycle, naissent, sur le bord même du limbe du calice, de toutes petites cloisons paraissant à peine et, à ce moment, ne descendant certainement pas toutes jusqu’au fond de la cavité du polypier, dans lequel on trouve des loges creuses et évidées jusqu'au point de fixa- tion. Alors commence déjà au centre le rapprochement des six septa de premier ordre destinés à former le rudiment de la columelle. Ces faits sont importants, comme cela a déjà été observé plus haut. En effet, on voit ici avec la dernière évidence que le chiffre 12 n’a pas été le nombre primitif, comme le veut M. Kock, mais bien FAUNE DU GOLFE DU LION. 473 le nombre 6, comme je l'ai observé dans d’autres espèces de poly- piers apores. Une autre remarque doit être faite sur le polypier (fig. 7). Dans la figure 5, on a vu que le calice était cylindrique et parfaitement droit. Dans la figure 7, on trouve une très légère inflexion, et cette inflexion à lieu de telle sorte que l’un des plus grands sepia est pré- cisément au milieu de l’arc de cercle qui répond à l'inflexion. Nous avons dit que c’est à cette partie que nous appliquons le qualificatif d’antérieure, car celui de ventrale me paraît bien impropre, ou tout au moins hypothétique. Nous dirons donc qu'après la formation du polypier et son éléva- tion de 2 à 3 millimètres, l'accroissement se fait de telle facon que, même avant d’avoir acquis ces proportions, une légère inflexion se produit, très lente, mais progressive, vers la partie antérieure. L’ani- mal se penche en avant, et son squelette le suit. Il faut remarquer que le bord de son calice est, à ce moment, une circonférence parfaite. On observe encore que les lames du second cycle, qui commen- cent à apparaître déjà, sont plus élevées en avant que latéralement et qu’en arrière. Dans la figure suivante (fig. 8), l'incurvation est plus grande, la forme cylindrique se perd et le cône renversé commence à se dessi- ner nettement ; puis le limbe du calice n’est plus une circonférence parfaite. Mais, vers la partie qui sera antérieure, le bord se courbe et s’allonge ; il commence à se déformer, comme la partie (a) de la figure le montre. Déjà dans la figure 8 (a et à), les sepia secondaires en avant se dé- veloppent davantage et surtout descendent plus bas, dans le fond de la concavité calicinale. La figure 9 présente l’inflexion du bord antérieur beaucoup plus prononcée et se prolonge en une sorte de bec, qui parait presque pointu. Il sera désigné désormais par la lettre P’. C’est l’origine incon- testable du pédoncule de seconde formation. 474 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le pédoncule P s’est formé dans le mésoderme de l'embryon, au point où il s’est fixé ; le pédoncule adventif se forme sur le bord du limbe du péristome du polype. On sait que les larves de tous les polypiers sont plus:ou moins allongées pendant leur période de liberté ; que souvent elles ont la . forme d’un vers ; que tantôt elles s’allongent comme un fil et qu’en- fin, lorsqu'elles se fixent, c’est par l'extrémité de leur corps opposée à la bouche qu’elles deviennent adhérentes aux corps sous-marins; alors ses proportions en longueur se perdent, et la larve, de filiforme qu'elle était, devient discoïde. J'ai démontré ces faits il y a bien longtemps, et cela semble oublié. Puis, c'est dans l'épaisseur des parois de ce disque que se déposent les particules calcaires desti- nées à former la base du polypier. Chez le Flabellum, nous appellerons ce dernier point d'attache le pédoncule primitif. On le trouvera désigné par la lettre P. Presque toujours, ce pédoncule primitif s'accroît circulairement, un peu tout près de son origine. Aussi paraît-il entouré d’un bour- relet tout près du corps étranger de soutien. Dans la figure 10, non seulement la partie antérieure formant un bec s’est beaucoup étendue, mais elle s’est assez fortement accrue pour être maintenant parallèle à la portion du cylindre d’origine ; elle descend assez bas pour pouvoir atteindre le corps solide voi- sin, ayant déjà fourni le point d'appui au pédoncule primitif et sur lequel s'était fixé l'embryon. Dès que l'extrémité du bord antérieur du limbe allongé et incurvé a rencontré le corps étranger, la sécrétion calcaire du polype l’unit à ce corps et, dès lors, il y a comme un pont jeté entre le bord du limbe calicinal et le corps de soutien. A ce moment aussi, les tentacules de premier et de deuxième ordre se sont trouvés entraînés, ainsi que le péristome qui tout en- tier s’est incliné, car c’est lui qui le premier a commencé le mouve- ment en avant et a sécrété le calcaire nécessaire à l'extension comme, plus tard, à la soudure. FAUNE DU GOLFE DU LION. 475 On peut dire que cette inflexion, que ce mouvement en avant, sont dus à un excès de vitalité dans une des loges et du tentacule qui lui correspond. Rien n'aurait fait désigner ce tentacule à l'avance, mais, dès que le mouvement d'’inflexion s'est produit, il légitime bien le nom de directeurs. Les septa de deuxième ordre sont, dans la partie infléchie, bien plus développés que dans le reste de la circonférence du calice, et celui de premier ordre occupant le milieu est aussi très long et s'étend de l'extrémité de la partie infléchie jusque dans la plus grande profondeur de la cavité calicinale. Voilà donc un premier stade conduisant aux deux pédoncules de soutien, mais en même temps à la déformation du calice du poly- pier. Le processus a été facile à suivre, il n’est point douteux; tous les types caractéristiques de la planche oni été dessinés à la chambre claire sur les échantillons mêmes que je conserve. X DE LA RECONSTITUTION DE LA RÉGULARITÉ DU CALICE. Comment, après une modification aussi profonde de la forme de sa muraille (fig. 10, 11, 12 et 13), le Flabellum revient-il à la régula- rité qu’on lui voit dans les échantillons adultes (fig. 15, 17 et 18) ? Pour arriver à l'explication, considérons les figures 41, 12 et 13 (a et b). Le sommet de la partie prolongée et fixée ne se termine pas tou- jours en pointe aussi aiguë que dans la figure 10. Souvent, au con- traire, cette pointe s'étale comme si elle subissait un écrasement, ce qui s'explique par la sécrétion du dépôt calcaire à droite et à gauche du point de contact. Un voit cela très nettement dans la figure 6 ; le polypier dénudé de l'animal est vu de face, par l’ouver- ture de son calice. Les deux côtés de la partie adhérente secondaire se sont même renflés en petites massues qui apparaissent à droite et à gauche, et l’on voit au milieu le septa directeur. 416 H. DE LACAZE-DUTHIERS. L'inflexion, dans cet échantillon, a été considérable, et comme elle n’a pas été immédiate après le prolongement du calice embryon- naire de 2 à 3 millimètres de haut, c’est un large calice qui s’est incurvé et a décrit un arc de cercle considérable. La figure 13, à gauche sur le bord de la planche, donne l'apparence très exacte de profil du même polypier vu par le côté gauche. Il faut remarquer, à propos de cette figure, que les variétés pour la lenteur ou la rapidité de l’inflexion sont différentes avec les échan- tillons. On peut en juger par les quelques figures de la planche. Revenons à la figure vue de face. Le bord du calice est en bas, soudé sur la couche des cellules d’une lame de Bryozoaires ; il met en rapport largement la cavité du polypier avec la surface du corps sur lequel il est fixé. Quand le Po- lype était vivant, ses tissus mous recouvraient évidemment ce bord, et un tentacule répondant au septum médian quon voit s'élever au-dessus de la couche du support devait se trouver là, allongé et couché sur la surface du support. J’observe en ce moment un jeune Flabellum, présentant des conditions à peu près identiques. Le ten- tacule directeur, répondant à la partie antérieure étalé sur le corps de soutien, s'épanouit moins que les autres, et c’est la partie péri- phérique entourant la couronne tentaculaire qui recouvre la lame du polypier et, en sécrétant le calcaire, concourt à former le calice et, plus tard, à le régulariser. L'inflexion ne se produit pas seulement dès le jeune, fout jeune âge, comme dans les exemples types qui sont dessinés dans les figures 7, 8, 9 et 40 ; elle laisse des traces si évidentes qu'il est pos- sible de constater, en étudiant les polypiers régularisés et adultes, que l'embryon ou mieux les très jeunes Polypes n’ont pas toujours réussi à fixer leur pédoncule adventif ou secondaire dès les premiers débuts de la déformation par l’inflexion (fig. 16); on trouve, en effet, des Flabellum qui offrent des lignes parallèles au bord de leur calice, incurvées et se terminant à un petit cône antérieur qui, ne trouvant pas de corps de soutien, est resté sans contracter d’adhé- FAUNE DU GOLFE DU LION. 477 rences. On a dans cette figure la démonstration qu'à trois reprises différentes l’inflexion s’est produite sans résultat définitif pour la fixation, et que le Polype a néanmoins fait disparaître l'irrégularité, après avoir produit un troisième pédoncule adventif qui ne s’est point fixé lui-même. Mais qu’on prenne la figure 11. Le dessin de ce polypier est fort démonstratif. Le pédoncule P s'est élevé à 3 millimètres comme dans les figures 40 et 11, puis sa partie antérieure s’est fortement infléchie en avant et en bas, lorsque la soudure avec le corps de soutien a été effectuée, et alors le travail de réparation et de régula- risation a commencé. Sans doute possible à un moment donné, ce polypier, lors du contact avec des corps étrangers, a dü ressembler ,par son calice vu de face, à celui qui est représenté dans la figure 13 (), à droite. Que l’on compare les deux figures, et l'on acquerra la certitude que le travail s’est accompli du point de contact en remontant en sens inverse de la première inflexion. Dans la figure 42, on voit le polypier dessiné de trois quarts dans la figure 41 et la lame calcaire s'élevant depuis le point de contact en P’, vers le haut, combler le vide que l’on observe dans la figure 11 vue de face. Ïl est curieux de constater que, par ce travail de comblement de l'échancrure calicinale, le septum directeur antérieur se trouve caché par la lame de nouvelle production ; que les loges voisines de droite et de gauche, tout en restant profondes et non comblées, sont néanmoins fermées dans le point où, à un moment, elles ont dû être ouvertes. Lorsque cette lame antérieure se sera élevée du point d’adhé- rence jusqu’au niveau des septa latéraux en décrivant toujours une courbe vers son côté libre, alors l’orifice de la cupule deviendra de nouveau ovale et, comme on le voit dans les figures 15 et 18, par- faitement régulier. Ce qu'il importe de remarquer, c’est que, ainsi qu'on le voit chez 478 H. DE LACAZE-DUTHIERS. les Mollusques pour la coquille, il existe aussi chez le Fabellum des périodes de repos et des périodes d'activité vitale, se traduisant par une plus ou moins grande abondance de la sécrétion calcaire. Il suffit de considérer les deux figures 15 et 16 pour reconnaître, aux bourrelets circulaires qu’elles présentent, qu'après un temps pen- dant lequel le Polype n’a sécrété que peu de matière solide, le tra- vail de sécrétion reprenant son cours, l’accroissement en hauteur a recommencé et que l'intervalle entre deux bourrelets correspond à chaque nouvelle période d’activité. È Dans un échantillon dont la partie antérieure P' ne s'était point fixée et s'était même relevée comme un éperon, une coupe parallèle au grand axe de l’ovale calicinal a montré que les loges voisines du septum commissural se prolongent jusque vers le fond du pédoncule adventif ?P' relevé en éperon. Dans les figures 3 et 4, montrant les animaux soit dans une coupe, soit en totalité, après décalcification, on peut remarquer que les cavités adventices formées dans le pédoncule adventif renferment les mêmes éléments charnus et mous que les autres loges. Un autre exemple dans lequel la régularité du calice est absolue se voit encore dans la figure 17. Incontestablement, l'irrégularité, quand P’ s’est formé, a dû être très grande et l'allongement comme l’incurvation de la partie anté- rieure ont été considérables; mais, peu à peu, la muraille, reprenant son développement normal dans tous les sens, a conduit à cette forme où les cloisons sont toutes homologues et régulièrement placées. Dans cet exemple, le nombre des septa primaires est de dix. C'est l’un des types les plus développés. On voit donc que le type six a été peu à peu masqué par le développement des nouveaux septa et, quand on dit sepia, c’est comme si l’on désignait les tentacules. Il m'a paru que dans la multiplication des chambres du système, le travail commençait dans la partie que j'ai appelée antérieure ; que les septa de troisième et de deuxième ordre commençaient à FAUNE DU GOLFE DU LION. 479 se développer ou mieux à prendre un accroissement et des propor- tions plus grandes d'abord à gauche ou à droite du sepltum com: missural; que plus tard commençait le travail du côté droit, mais tout près du septum commissural postérieur, de sorte qu’il se pro- duisait un léger déplacement et allongement dans le sens du grand diamètre de l’ovale. Ce ne serait donc pas indistinctement sur les systèmes latéraux que porterait la transformation, bien que, d’après ce qui vient d’être dit, cette transformation ait lieu latéralement, mais sur les côtes des septa commissuraux, tout près d'eux. Ce travail s’accomplirait presque en même temps en avant ei en arrière des deux côtés des septa commissuraux, de façon à rétablir, si l'on peut s'exprimer ainsi, l'équilibre entre les deux moitiés du calice. Dans tous les échantillons examinés, le travail d’accroissement a toujours été trouvé portant à droite ou à gauche du septum com- missural sur les septa de deuxième grandeur, qui passent peu à peu à la première grandeur et, dans le cas où Île travail l'emporte en activité en avant, le grand axe de l’ovale, qui doit passer par les deux septa commissuraux, se trouve un peu courbé par suite du déplacement que cause cet accroissement nouveau. On n’a, dans ce cas, qu’à chercher à l'autre extrémité du grand axe, c’est-à-dire en arrière, et l’on verra que, si l'accroissement a porté en avant sur le septum de deuxième grandeur de droite, c'est sur le septum de deuxième grandeur de gauche, en arrière, que se porte ensuite l’activité de l’accroissement. Bientôt, par ce travail de compensation, la courbure du grand axe, causée par le développe- ment de droite, se trouve effacée par le développement de gauche. Il y a alternance dans l'accroissement des sepla, qui se passe tou- jours aux extrémités du grand axe. En effet, si l’une des extrémités du #labellum est, pour ainsi dire, poussée à gauche par le plus grand volume, le développement à gauche poussera à droite et le redressement de l’axe sera la conse- quence de ces deux productions alternes et de leur poussée inverse. 180 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Milne Edwards et Jules Haime avaient donc parfaitement compris que le type six était bien celui des Ælabellum. À en juger par le Fla- bellum anthophyllium, nous ne pouvons que confirmer ces vues théo- riques; mais ils n'avaient pas vu où et comment se faisait la multiplication des septa qui, d'après ce qui vient d’être dit, ne se produit pas indifféremment dans un point quelconque du calice; ce n’est qu'aux deux extrémités du grand diamètre de l’ovale que viennent, ainsi qu’on l’a vu, s'ajouter les systèmes cloisonnaires nouveaux et tout à fait identiques à ceux qui ont paru normalement les premiers. XI RÉSUMÉ. On voit, par les faits qui viennent d'être exposés, que l'étude attentive de l’évolution pouvait seule conduire à la connaissance de ces fails très anormaux que, jusqu'ici, on n’avait signalés sur aucun polypier simpie. On ne doit voir ici qu’un cas spécial de ce fait très général qui s'observe dans le groupe de Coralliaires, à savoir que le polypier ou le corallum, comme disent les Anglais, calcaire ou de nature cornée, possède dans quelques espèces une puissance d'extension fort grande. Quelques-unes, en effet, recouvrent de leurs polypiers mêmes les êtres vivants, qui, imprudemment ou tout autrement, viennent se fixer sur elles. J’en rappellerai quelques exemples. On sait à quelles erreurs a donné lieu la détermination de la nature du polypier de la Gerardia, si mal connue, et que l’on trou- vait dans les musées, suivant qu'il s'agissait de son polypier, de ses animaux contractés ou de ses animaux épanouis, sous des noms différents. Elle recouvre les axes des Gorgones, les filaments fixa- teurs des œufs de Roussette,ces œufs eux-mêmes, et tout ce qui est à sa portée. Un crustacé aux formes étranges s’introduit à l’état d’embryor FAUNE DU GOLFE DU LION. 481 dans ses tissus, s’y fixe et prend un développement de quelques cen- timètres de long. Sa carapace est recouverte d’une couche noiràtre du polypier corné de la Gerardia. La Laura, qui est ce crustacé, est- elle un commensal, un parasite ou une enfermée? Dans tous les cas, elle conserve un orifice propre à sa communication avec le monde ambiant. Dans la Méditerranée, nous venons de pêcher des quantités d'Am- phihelia, dont les Polypes, aussi blancs que le polypier lui-même, sont d’une transparence telle qu'ils échappent facilement à l'obser- vation, et ce tissu si délicat, j'allais dire si invisible, s'étale en cou- che et recouvre tous les êtres qui se fixent près de lui. Une Annélide, dont on a déjà parlé, qui sera décrile à nouveau par MM. Pruvot et Racovitza, forme ses tubes au contact du polypier qui les recouvre d’une couche de calcaire blanc souvent épais. IL est bien rare de recueillir des échantillons d’Amphihelia qui ne présentent des tubes d’Annélides ainsi revêtus d’une couche de poly- pier qui les protège et les enferme. Qui n’a vu dans des Astrées, même sur le bord calicinal d’une Caryo- phyllie, des Balanes enfermées dans la production calcaire du bord du calice ou sur des expansions dues à la blastogénèse ? Les musées sont remplis d'exemples semblables. Dans le cas qui vient de nous occuper, celte extension de la sécré- tion calcaire n’a d'autre but que d'établir une adhérence du bord du calice avec les corps étrangers voisins, et de déterminer la pro- duction de nouveaux systèmes qui conduisent à la forme Flabellum. Sur les côtes de l'Algérie, dans les bancs d’Astroïdes, on trouve des quantités d'animaux vivants à l'abri de ces polypiers; des Anné- lides, des Siponcles, des Mollusques bivalves, des Éponges, des Nudibranches, y pullulent. Il y aurait là toute une faunule à étudier. Bien des questions de commensalisme y trouveraient des solu- tions, et étant moins obscures, seraient moins sujettes à causer l’é- tonnement des naturalistes. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN,. = 3€ SÉRIE. = T, 11. 1894, 31 482 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Il y a, dans la Méditerranée, des algues calcaires qui, au niveau des eaux moyennes, végètent activement et forment, en s’avançani à l'opposé de la côte, des sortes de trottoirs dans lesquels pullulent des bêtes de toutes sortes. En les explorant, on y trouvera aussi bien des sujets d’études. M. de Quatrefages avait parlé de ces trottoirs dans son voyage en Sicile. J’en ai trouvé à Mansouria, en Afrique, d’une largeur considérable, formés à la fois par des petits Vermets noirs et des algues. MM. Pruvot et Racovitza, au sud du golfe de Rosas, viennent d'en observer de très larges qu'ils se proposent d'explorer pour connaître les animaux qu'ils protègent el dont l’étude sera des plus instructives. On le voit, la production de lames, de couches soiides par les ani- maux inférieurs est fréquente. Je n’en ai cité au hasard que de rares exemples ; sa connaissance éclaire bien des questions importantes, qui, sans elle, restent obscures et insolubles. FIG. 1. 6. FAUNE DU GOLFE DU LION. 483 EXPLICATION DE LA PLANCHE XVIIE. ÉVOLUTION DU POLYPIER DU FLABELLUM ANTHOPHYLLUM Vue du péristome de l'animal. Les tentacules étalés, I, IT, LIT, tentacules du premier, deuxième et troisième cycle. Le polype est vu normale- ment d’en haut: dans quelques cas, il est beaucoup plus étalé que dans cette figure qui montre néanmoins très bien ses caractères. Autre polype dont les tentacules sont à peu près contractés. C’est dans cet état que l’on voit bien les septa sous-tentaculaires paraissant blancs dans les loges du premier et du deuxième cycle. ; Le polype et le polypier de la figure 1, en coupe verticale, montrant l’œso- phage très court avec ses stries; à gauche un septa dénudé (s) avec ses synapticules d’accroissement s’élevant dans la loge du tentacule directeur antérieur et correspondant au pédoncule adventif P'; o ovaire et en entéroïde, le repli mésentéroïde postérieur limitant à gauche la chambre du tentacule postérieur et répondant au pédoncule primitif P. . Le corps d’un polype entièrement décalcifié montrant en haut le péri- stome entouré par la couronne tentaculaire, puis par la zone corres- pondant aux parois du corps; sur les côtés, les masses conoïdes qui correspondent aux systèmes. l', fosse où était logé le septa de première grandeur ; 1l’, dépression occupée par le septa de deuxième grandeur, et IIl’, dépression du septa de troisième grandeur. . Très jeune Flabellun anthophyllum à six tentacules, son corps est cylin- drique vertical. Son polypier avec les six cloisons primaires. Vue normale de l'ouverture du calice. 7 (a). Jeune Flabellum dont le second cycle commence à paraître, ainsi que l’incurvation de la tige. (b), son calice vu de face est encore parfaite- ment circulaire. Jeune polypier devenu conique, le bord du limbe du calice s’incurve. . Bord du calice prolongé en bec pointu P'. C’est l’origine du pédoncule adventif. Bord du calice fortement incurvé et soudé en P’ au corps de soutien. . Un polypier, vu de trois quarts, dont le limbe du calice est fixé, ayant formé son deuxième pédoncule, commençant à combler l’échancrure. Le même que dans la figure précédente, vu de face. On voit la lame re- montant de LP’ pour régulariser l'ouverture du calice. Un polypier très fortement incurvé, dont le pédoneule adventif P' est très large ; a, vu de profil ; b, vu de face. . Coupe d’un polypier suivant le grand axe de l’ovale pour montrer que les chambres et les septa se prolongent dans le pédoncule adventif P' qui, dans ce cas, est resté en forme d’éperon sans se fixer. 484 Fic. 15. 16. AVE H. DE LACAZE-DUTHIERS. Un polypier dont le calice est régularisé; P et P'ses deux pédoncules. Les bourrelets circulaires qu’il présente indiquent des séries d'arrêt et d’ac- tivité de la sécrétion du polypier. Un polypier régularisé dont on voit les diverses inflexions n'ayant pas abouti à une deuxième fixation. Un polypier d’une grande régularité, vu un peu en perspective. Ses deux pédoncules sont toujours cempris dans le plan qui du haut passe par le grand axe. Un calice parfaitement régulier, comme on les rencontre le plus habituel- lement, à dix systèmes : huit latéraux, deux commiSSUPAUX e Aux deux extrémités du grand axe de l’ovale, on voit les septa anté- rieur et postérieur de premier ordre et à côté d'eux les cloisons d'ordre inférieur plus grandes que dans les systèmes latéraux. ÉTUDES SÛR LE COEUR DE QUELQUES ORTHOPTERES (COMMUNICATION PRÉLIMINAIRE) PAR A. KROWALEVSKY Membre de l’Académie des sciences de Saint-Pétershourg. La cavité du corps, ou cœlome, des Insectes, d'après les études - de Graber, est divisée en trois régions : 1° la région péricardiale ; 90 Ja région péri-intestinale; 3° la région périneurale. Cette division est faite par deux diaphragmes ou sepla horizon- taux, dont l’un, supérieur, le plus large, sépare la portion du cœlome où se trouve le cœur et ses tissus environnants de celle qui entoure l'intestin et les organes génitaux, tandis que l’autre, le septum infé- rieur, est une membrane plus étroite séparant la région péri-intes- tinale des parties du cœlome qui enveloppent la chaîne nerveuse. Ces diaphragmes sont inégalement développés et constitués, chez les divers ordres d'insectes. Chez les uns, par exemple chez les Orthoptères, ils forment des membranes complètes, c’est-à-dire imperforées; chez d'autres, ce sont des membranes percées d'ouver- tures plus ou moins larges, par l'intermédiaire desquelles le sang des diverses chambres cœlomiques peut immédiatement se mé- langer. Les Orthoptères, ceux, du moins, dont je vais parler dans cet ar- 486 A, KOWALEVSKY. ticle, ont des diaphragmes imperforés, de sorte que les trois régions cœlomiques sont par'aitement délimitées et ne communiquent entre elles que par les extrémités antérieure et postérieure, où se con- fondent les trois subdivisions de la cavité générale. Le sang qui pénètre dans la chambre péricardiale, entre dans le cœur par des fentes veineuses qui s'ouvrent dans cette région péri- cardiale du cælome ; ce sont les seules ouvertures connues jusqu'ici, en plus de l'ouverture cardiale postérieure, pour la pénétration du sang dans le cœur des Insectes. Pendant le courant de cette année, en étudiant la rate des Ortho- ptères, c’est-à-dire les tissus qui entourent le cœur et composent le diaphragme supérieur, j'ai trouvé une série d'ouvertures à l’aide desquelles la-cavité du cœur est en communication immédiate avec la région péri-intestinale du cœlome. Chez le Pachytilus (acridium) migratorius, chez le Caloptenus itali- cus, Locusta viridissima et le Thamnotrizon, j'ai trouvé cinq paires d'ouvertures par lesquelles la cavité du cœur communique directe- ment avec la chambre cœlomique péri-intestinale. Ces ouvertures : sont disposées symétriquement dans les cinq segments abdominaux, de sorte que les chambres respectives du cœur de ces segments ont chacune quatre ouvertures, deux par lesquelles elles reçoivent le sang de la région péricardiale, et deux autres à l’aide desquelles elles recoivent le sang de la région péri-intestinale. En ce qui concerne le rôle physiologique de ces ouvertures, c'est-à-dire au sujet de leur nature artérielle ou veineuse, en d’autres termes, sur la direction du courant sanguin entrant dans le cœur ou, au contraire, sortant du cœur par ces ouvertures, je n'ai pas d'observations directes; je crois, cependant, que ces ouvertures sont veineuses et font entrer le sang dans le cœur. Les cinq chambres cardiales antérieures des Insectes que j'ai observées auraient donc chacune quatre fentes veineuses. Les tissus du cœur qui entourent ces ouvertures présentent une structure bien particulière, Ces ouvertures, que nous appellerons ÉTUDES SUR LE COEUR DE QUELQUES ORTHOPTÈRES. 487 cardio-cœælomiques pour les distinguer des fentes cardio-péricardiales, qui sont depuis longtemps connues, sont disposées sur des mame- lons ou renflements coniques des parois du cœur. Ges mamelons perforent le diaphragme supérieur et s'ouvrent dans la région péri- intestinale du cœælome. Les parois de ces mamelons sont un prolongement immédiat des parois du cœur, mais les cellules qui les constituent ont une struc- ture spéciale; elles ont une apparence comme spongieuse, leurs noyaux sont beaucoup plus grands que ceux des cellules des parois cardiaques, et, d’une manière générale, ces cellules ont plutôt pris la forme du type des cellules glandulaires. Les ouvertures cardio-cœlomiques, que je signale pour la pre- mière fois, sont bien visibles à l'œil nu, sans grossissement, si l'on regarde le cœur d’en bas, c’est-à-dire si, en ouvrant l'Insecte, on enlève l'intestin et les organes génitaux, et si l’on examine attenti- vement les parois cardiales. On remarque alors les cinq paires de bourrelets dans lesquels sont percées les ouvertures que je décris. Les coupes longitudinales et transversales font connaître des détails de structure assez différents chez les Acridiens et les Locustiens. Dans les genres qui appartiennent à la famille des Acrididés, ces ouvertures s'ouvrent directement dans la région péri-intestinale; mais, chez les Locustides, elles débouchent dans des canaux spéciaux. En effet, on trouve chez ces derniers une membrane extrèmement mince, qui est appliquée à la partie inférieure du diaphragme, au point même où se trouve l'ouverture cardio-cælomique, et qui forme un canal se dirigeant vers la partie latérale du corps et s’ouvrant en cet endroit dans la chambre péri-intestinale, au-dessous des grands troncs trachéens longitudinaux. J'ai vu, pour la première fois, ces ouvertures cardio-cœlomiques chez des larves de Pachytilus migratorius que j'élevais dans mon laboratoire de Saint-Pétersbourg; plus tard, je les ai retrouvées dans les autres genres d’Orthoptères que j'ai mentionnés plus haut et qui étaient très favorables à l'étude que je poursuivais de la rate et du 488 A. KOWALEVSKY, tissu péricardial; dernièrement, enfin, j'ai eu l'occasion de les voir encore sur de jeunes formes vivantes de Zocusta et de Caloptenus. En poursuivant mes recherches sur la structure intime du cœur et des tissus environnants, je fus fort surpris de trouver chez le Pachy- tilus, dans la cavité du cœur de la région moyenne de l'abdomen, les tubes de Malpighi. Le tube de Malpighi qui était dans le cœur décrivait plusieurs replis, de sorte que, sur les coupes, il se présen- tait tantôt simple, tantôt double. Pour savoir comment pénétrait ce tube dans le cœur, je fis toute une série de coupes. Je pus d’abord arriver à l'ouverture cardio - péricardiale ; je vis que le tube de Malpighi sortait du cœur et formait, dans la chambre péricardiale, plusieurs replis entre les cellules péricardiales. En poursuivant plus loin mes coupes, j'arrivai jusqu’à l'ouverture cardio-cælomique voi- sine, el je pus constater que c'était par cette ouverture que le tube de Malpighi pénétrait dans la cavité du cœur et voir comment il passait ensuite du cœur dans la région péricardiale. Je supposai d’abord que c'était un cas pathologique; mais, en étudiant les mêmes régions du cœur chez le Locusta viridissima, je retrouvai exactement la même disposition. Chez le Zocusta, il était facile de reconr :iître encore que le tube de Malpighi pénétrait par l'ouverture cardio-cœælomique dans le cœur, y décrivait plusieurs replis et courbures, passait ensuite par l’ouverture cardio-péricar- diale dans la chambre péricardiale. Dernièrement encore, en Crimée (4/16 juin 1894), j'ai pu voir la même structure chez une jeune Locuste, et je ne conserve plus aucun doute sur son caractère absolument normal chez les Acri- diens et les Locustiens. En ce qui concerne le mode de pénétration des tubes de Malpighi dans le cœur du Pachylilus et dans celui du Zocusta, on constate une différence en relation directe avec la structure des ouvertures cardio-cæœlomiques dans ces deux familles d'Orthoptères. Tandis que chez le Pachytilus le tube de Malpighi pénètre immédiatement dans la fente, chez le ZLocusta il s'engage d’abord dans ce canal latéral, ÉTUDES SUR LE COEUR DE QUELQUES ORTHOPTÈRES. 489 qui conduit de la région sous-trachéenne vers l’ouverture cardio- cœlomique. Il faut encore noter que j'ai vu plusieurs fois la pénétration des tubes de Malpighi dans la région péricardiale du cœur tout simple- ment à l’aide des perforations du diaphragme. Je cherche à m'expliquer cette sorte d'attraction des tubes de Malpighi vers les cellules péricardiales par le fait que, chez la plu- part des animaux, Mollusques, Vertébrés, Crustacés, les reins que j'ai appelés autrefois acides et alcalins, ou qu'on peut caractériser transitoirement par leurs propriétés d'éliminer le carmin et l'indigo- carmin, sont toujours réunis dans un seul organe (tubes urinaires et corps de Malpighi chez les Vertébrés; canaux urinaires et saccules périphériques chez les Crustacés décapodes; glandes péricardiales et organes de Bojanus chez les Acéphales lamellibranches), tandis que, chez les Insectes, ces deux parties physiologiques des reins sont divisées par un diaphragme imperforé. Il en résulte une certaine attraction physiologique des organes qui conduit à la pénétration des tubes de Malpighi dans la région occupée par la partie acide du rein d'élimination, c’est-à-dire dans la région des cellules péricar- diales. Je dois ajouter à ces observations que, dernièrement (juin 1894), j'ai trouvé en Crimée une forme d’Orthoptère voisine des Thamno - trizon, mais que je n'ai pas pu encore déterminer définitivement, et qui ‘possède seulement une paire d'ouvertures cardio-cælomiques, dans le quatrième segment abdominal. Les bourrelets qui entourent cette unique paire sont relativement très grands et les fentes dé- bouchent aussi dans des canaux spéciaux, comme chez les Locus- tides. La structure intime du tissu qui constitue ces mamelons est identique aussi à celle des Locustides. Dans mon article intitulé : Études expérimentales sur les glandes lymphatiques des Invertébrés, publié depuis quelques mois, j'ai décrit ja rate des Acridiens comme une sorte d’épaississement cellulaire du diaphragme supérieur de ces animaux, et cela esttout à fait exact; 490 A. KOWALEVSKY. mais, chez les représentants de la famille des Locustides, les cel- lules de la rate ne s'accumulent pas sur le diaphragme; elles sont parsemées entre les cellules péricardiales, ce qui rapproche la rate de ces Orthoptères de la description que M. Balbiani nous a donnée de cet organe, depuis une dizaine d'années déjà. Je poursuis en ce moment mes recherches sur les autres ordres d’Insectes ; mais, comme il est bien difficile à une seule personne d'étudier un grand nombre de types, j'ai cru intéressant et utile de signaler ces faits curieux aux anatomistes de structure, dans l’espoir qu'ils pourront étudier, chacun dans sa contrée, durant la saison où nous entrons, les rapports du cœur des Insectes qu'ils ont sous la main. NOTES DE BIOLOGIE PAR ÉMILE-G. RACOVITZA Licencié ès sciences de la Faculté de Paris. IT MOEURS ET REPRODUCTION DE LA ROSSIA MACROSOMA (D. CG.) Les espèces du genre Âossia paraissent être assez rares, ce qui explique jusqu’à un certain point le manque de notions détaillées sur leurs mœurs et même sur leur anatomie. En dehors des petits travaux d’Owen, Brock, Vigélius, on ne trouve pas grand’chose dans la littérature à leur sujet. Au point de vue spécial qui nous occupe, les données sont encore moins nombreuses, Les quelques lignes de Steenstrup sur l'hectocotyle de deux espèces de ÆXossia, un passage du même auteur sur la manière dont se fait la fécondation, et une petite communication de Hoyle à l’Association britannique, voilà tout ce qu’il y a, à ma connaissance du moins, sur ce sujet, et en- core les notions qu'on y trouve sont contradictoires et peu satisfai- santes. Steenstrup, dans tous ses travaux, a montré le grand intérêt qui s'attache aux diverses dispositions qui se trouvent réalisées en vue de la copulation et de la fécondation chez les Céphalopodes. Il a vic- torieusement démontré contre Brock, Appellôüf, etc., que : « Hecto- cotylatio bene observata et rite considerata divisionibus naturæ semper congruit; incongrua divisionibus, eas arbitrarias et factitias 1 Voir ce volume, p. 21. 492 EMILE-G. RACOVITZA. esse indicat'. » Tous les faits que j'ai pu étudier m'ont démontré la rigoureuse exactitude de cette proposition de Steenstrup. de crois done qu'il est nécessaire d’avoir le plus de notions possibles sur les organes d’accouplement de ces animaux. L'absence de connaissances détaillées sur les relations sexuelles chez les Rossia et la facilité avec laquelle j'ai pu me procurer, à Banyuls, la Aossia macrosoma m'ont engagé à étudier ces animaux à ce point de vue. La manière dont se fait la fécondation chez cet animal m'a forcé à m'occuper de la structure du spermatophore. J'en ai donné une étude détaillée, car le travail de Milne Edwards, qui date de 1842, est le seul document sérieux que possède la science. Le présent mémoire esi divisé en plusieurs paragraphes. Le pre- mier traitera des mœurs et de l'habitat; le second, de la différence sexuelle ; le troisième, de l’hectocotyle; le quatrième, du spermaio- phore ; le cinquième, des dispositions que présente l'appareil femelle en vue de la fécondation, enfin, dans un sixième chapitre, je tà- cherai de résumer et de rassembler en un seul faisceau les faits acquis. Ï. MŒURS ET HABITAT. La Rossia macrosoma, dans les environs de Banyuls, possède un habitat assez restreint et très constant; les pêcheurs au chalut n’en prennent qu’au nord-est du Cap de Creus, à plus de 100 mètres de profondeur sur un plateau formé de sable fin ou de sable coquillier. Dans les dragages exécutés à l’aide du bateau à vapeur du labora- toire, on en a pris une fois, au même endroit, par 463 mètres de profondeur. Si l'on consulte les auteurs, on constate que les auîres espèces de Rossia vivent aussi à une profondeur notable *, Ce ne sont donc pas i SreensrauP, Notæ Teuthologicæ, n° 7, Overs K. D. Vidensk-Selsk Forh., 1887, ASC MT ID 02/1e 2 En voici quelques exemples : Rossia macrosoma, 153 mètres, fond de sable ; 248 mètres, fond de sable. (JOUBIN, NOTES DE BIOLOGIE. 493 des animaux côtiers, comme les Sépioles, et pourtant leur genre de vie est le même. J'ai pu, pendant deux semaines, Conserver une femelle dans un bac en même temps que des Sépioles. L’attitude de ces animaux et leur manière de se comporter en captivité est presque identique. Lorsque la Rossia veut se déplacer rapidement, elle nage en arrière, comme tous les Céphalopodes, en étendant les bras et en lançant de vigoureux jets par le siphon. Les nageoires lui servent pour se déplacer lente- ment ; en les faisant onduler à la façon des Sépioles, l'animal avance d'une manière lente etcontinue. Lors- qu’ilse posesurle fond, il étend ses bras, les raidit et les recourbe ni de manière à ce que leur direction formeun pig. 1. — Rossia macrosoma, fixée par les bras sur une pierre, prêle à prendre son élan. 1/3 de gran- angle droit avec la di- deur naturelle. rection du corps (fig. 1); il s’attache alors au sol par l'extrémité des bras soutenant le corps à quelque distance au-dessus du fond. La position favorite de l’animal, celle qu'il prend lorsqu'il n'est pas dérangé, est tout aulire. L'animal replie ses bras en arrière et laisse reposer le corps sur les bras (fig. 2). La Sépiole prend la même position. Les Æossia doivent, comme ces derniers animaux, se lerrer, Note préliminaire sur les Céphalopodes provenant des campagnes du yacht l'Hiron- delle ; Mémoires de la Société zoologique de France, 1894, t, VII, p. 213.) Rossia glaucopis {Loven), 345 fathoms, nord ouest des îles Shetland. Lofoten et Finmark pas très rare dans les profondeurs de 60 à 200 fathoms. Rossia sublevis (Verril), 53 fathoms, fond de sable au cap Virgins (Amérique du Sud), côte est des États-Unis, de 42-640 fathoms (Hoyce, Report on the Cephalo- poda ; Rep. on the Sc. R. of the V. of H. M. S. Chalenger, vol. XVI, p. 114 et sui- vantes), 49% ÉMILE-G. RACOVITZA. car la position représentée figure 2 est exactement la position de la Sépiole enfoncée dans le sable. | L'examen du contenu de l'estomac de nombreux individus m'a montré que la nourriture doit consisier en petits Crustacés et petits Poissons. Le printemps, aux mois de février et de mars, on ne trouve que des individus de petite taille (9 centimètres environ de longueur totale). Les œufs et les glandes accessoires de l’appareil reproducteur femelle sont peu déve- loppés. Les mâles sont cependant plus avan- cés au point de vue gé- nital. Au fur et à mesure que l’année avance, la taille augmente et la place occupée par les Fig. 2. — Rossia macrosoma dans l’atlitude de repos organes génitaux de- complet. 1/3 de grandeur naturelle. vient de pius en plus considérable, Au mois de mai, la taille dépasse souvent13 centimètres ; les mâles ont des spermatophores complètement formés, mais les femelles sont toujours moins avancées au point de vue sexuel. L’aire copulatrice qui entoure l’orifice de l’oviducte est cependant déjà très nette. Enfin, vers le mois de septembre, toutes les femelles sont fécon- dées et l’on trouve souvent des œufs dans les produits des dragages, Les femelles sont plus nombreuses que les mâles. La différence, d’après ce que j'ai pu constater, doit dépasser un tiers en faveur des femelles. Ine m'a pas été possible de voir s'effectuer la ponte ; mais, étant donné la manière dont les œufs sont disposés, elle doit se faire de la même manière que chez la Sépiole*. 1 Dans une prochaine note, je décrirai cet acte chez la Sepiola Petersüi. NOTES DE BIOLOGIE. 495 Les œufs de Rossia (fig. 3) sont à peu près sphériques avec un sommet pointu et une base de fixation qui épouse les contours du sup- port. Comme forme, ils ressemblent exactement aux œufs de Sépiole, mais en diffèrent par la grosseur. Les œufs de Xossia, en elfet, ont entre 9 et 10 millimètres de diamètre. Une autre différence est fournie par la consistance de la coque, qui est dure, cassante, brun jaunâtre et opaque chez les Rossia, et blanche, élastique chez les Sépioles. Sous la coque dure se trouve une autre enveloppe plus mince, translucide, de couleur faiblement grisâtre. Comme, au printemps, il n’y a que de petits individus, il n’est pas improbable que les #ossia ne vivent qu’une année. Une autre considération rend cette supposition vraisemblable. J'ai tou- jours remarqué que les Sépioles vivent très bien Fig. 3. — Groupe d'œufs de Rossia femelles qui ont pondu meurent deux ou trois macrosoma fixés à : ! joe ù R sur un fragment jours après que le dernier œuf a été déposé. de coquille. Gran- deur naturelle. en captivité avant la ponte, mais toutes les Le même fait pourrait se présenter pour Îles Rossia, qui sont si étroitement alliées aux animaux dont il est ques- tion. Comme la ponte a lieu en septembre chez les Æossia, c'est à cette époque que les adultes disparaîtraient. Les individus capturés au printemps seraient alors les jeunes de l’année précédente. Il va sans dire que pour justifier cette hypothèse, il faudrait des faits plus précis. Il, DIFFÉRENCES SEXUELLES. La différence entre le mâle et la femelle, chez les Rossia comme chez les Sépioles, est très marquée et se manifeste de plusieurs manières. Le mâle est toujours plus petit que la femelle. Sa taille varie entre 70 et 80 millimètres de longueur ‘ et la largeur de la tète arrive 1 Ces chiffres correspondent à la longueur du corps ajoutée à celle de la tête et à celle de la première paire de bras. 496 ÉMILE-G. RACOVITZA. à 92 millimètres. Les dimensions des femelles varient entre 100 et135 millimètres avec une largeur de tête allant jusqu'à 40 milli- mètres. Une autre différence est fournie par les ventouses. Chez la fe- melle, presque toutes les ventouses sont à peu près de même gran- deur, prises à la même distance de la base du bras. Chez le mâle, la quatrième paire de bras est munie de ventouses normales ; la se- conde et la troisième sont munies de ventouses qui, même chez les mâles de très petite taille, dépassent notablement les dimensions des ventouses des plus grandes femelles. Par contre, la première paire de bras en porte de très petites. Cette paire est hectocotylisée et sera étudiée avec détail dans un chapitre spécial. L'explication de ce caractère sexuel présenté par les ventouses est, je crois, assez facile à trouver.On sait’ que, chez les Sépioles, le mâle, pour s’accoupler, doit renverser la femelle. Il doit la contenir aussi bien que possible, car la présence de ses deux bras hectocoty- lisés dans la cavité palléale de sa compagne empêche celle-ci de respirer normalement. Il est donc naturel que celle-ci se débatte violemment. Le mâle de la Sépiole est pourvu de grandes ventouses sur les quatre bras moyens. Elles lui servent justement à mieux Con- tenir la femelle. Comme il est presque certain que l’accouplement des Aossia doit se passer de la même manière, la modification dont il est question doit être faite en vue de la contention de la femelle. Les femelles à l’état de maturité sexuelle se font remarquer aussi par la grosseur remarquable de leur corps. Les glandes nidamen- taires et l'ovaire prennent un développement tellement considérable que la partie postérieure en est déformée. En cet état, elles doivent être presque sans défense contre les entreprises amoureuses des mâles. 1 Racovirza, Sur l'accouplement de quelques Céphalupodes (Comptes rendus de l'ACa- démie des sciences, t. CX VIII, p. 722, 1894). NOTES DE BIOLOGIE. 497 III. HECTOCOTYLE. (PI. XIX.) Dans ce chapitre, seront étudiés le pénis et l'hectocotyle. L'orifice du canal excréteur est situé au sommet d’une papille plus ou moins conique, très contractile, ayant plus de 1 centimètre et demi de hauteur. C’est cette partie du conduit qu’on appelle, bien à tort du reste, pénis. L'orifice est rond et conduit dans la poche de Needham au moyen du canal excréteur assez court, Comme je l’ai fait remarquer autre part’, il n’est pas probable que le mâle retire les spermatophores en introduisant son bras dans la cavité palléale. Le pénis, chez toutes les formes de Céphalopodes que j'ai pu examiner, est suffisamment extensible pour qu'il puisse arriver à la base de l’entonnoir. Les spermatophores doivent être déposés dans cet organe par le pénis, et c'est à leur sortie du siphon que le bras spécialement destiné à la copulation doit les prendre. L'hectocotyle a été découvert pour la première fois chez le genre Rossia par Steenstrup ?. Je vais citer en entier le passage que Jui consacre cet auteur, d'autant plus que l’illustre teuthologiste est le seul qui s’en soit occupé d’une manière spéciale. « Il était à supposer que, chez le genre Aossia, si voisin des Sépioles, la disposition du bras (l’hectocotyle) serait la même. J'ai bien trouvé que c’est, en effet, le cas en ce qui concerne la paire de bras modifiés, mais la modifica- tion est notablement différente. Je ne possède malheureusement pas de mâles des espèces européennes, mais j’ai pu étudier par contre cinq mâles de /ossia des côtes du Groenland. Ces cinqindividusappar- tiennent assurément à deux espèces différentes, mais tous présen- tent la même disposition et diffèrent des femelles aussi bien groen- 1 Accouplement et Fécondation chez l’Octopus vulgaris (Archives de zoologie expéri- mentale et générale, (3), vol. IT, 1894, p. 46). 2 Srzexsraup, Die Heclocotylenbildung bei den Cephalopoden (Arch. jf. Naturg., 1856, LAACELE D. 228). ARCH. LE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 30 SÉRIE, — T, 11. 1894. 32 498 ÉMILE-G. RACOVITZA. landaises qu'européennes. Ils possèdent tous, en effet, sur les paires de bras inférieures, sur la deuxième, troisième et quatrième paire, des ventouses plus grandes que celles de la première paire ou paire dorsale, tandis que, chez les femelles, cette dernière paire n'a pas des ventouses plus petites que les autres paires. Ils diffèrent en outre en ce que cette première paire de bras, c’est-à-dire le bras gauche et le bras droit, a, presque sur les deux tiers de sa longueur, la rangée externe de ses ventouses placées sur des tiges élevées dont la partie basilaire est très développée et comprimée el, à l'élat flasque, presque foliacée. Entre ces tiges particulières, on voit s'in- troduire des plis cutanés; d’autres plis prennent naissance à la base des tiges. Ces plis cutanés, si curieux, se montrent, à la suite d’une observation plus approfondie, comme un développement plus con- sidérable des plis cutanés qui, chez les Xossia, entourent comme une coupe la base de la tige de chaque ventouse, comme c'est le cas, du reste, jusqu’à un certain point pour la Sépiole. Ces plis cutanés, auxquels on n’a pas jusqu'à présent prêté grande attention, corres- pondent peut-être à ceux que d’Orbigny a décrits, d’après Tilesius, chez la Sepiola japonica Til. Environ onze ventouses sont ainsi très surélevées du côté externe des bras droits et gauches. Les autres ven- touses sont supportées par des tiges plus basses, mais devant cor- respondre aux premières. Comme la membrane recouvrante (Deckhaut) des ventouses, que j’ai nommée antérieurement la bordure latérale du bras, est très large du côté externe du bras au devant de ces onze ventouses, et comme les plis cutanés se continuent sur elle, on est amené à lui attribuer certaine analogie avec ce que nous avons décrit chez la Sepia. Nous avons ici aussi la modification dans la partie inférieure du bras ou surtout en lui. Je dois faire remarquer aussi que les deux bras de la paire dorsale étaient si obliquement tournés en dedans chez tous les cinq individus que, par ce fait, une action commune des parties extérieures de ces deux bras devait être visiblement facilitée. Les deux espèces mentionnées plus haut appartiennent certainement aux plus grandes du genre, car elles NOTES DE BIOLOGIE, 499 sont aussi grandes que la Æossia palpebrosa d’Owen. Une d'elles doit appartenir, du reste, d'après mon opinion, à cette dernière espècet: mais il n’y a pas de raison de croire que les espèces plus petites ne présentent des dispositions concordant avec ce qui a été exposé. » Hoyle*, dans son rapport sur les Géphalopodes du Challenger figure la Aossia Oweni et son hectocotyle, mais il n’en donne pas de description et même sa figure ne fournit pas beaucoup de détails. La complexité de structure de cet organe mérite cependant une étude plus approfondie. C’est ce que je vais essayer de faire dans les pages qui vont suivre. Les bras de la première paire (fig. et 2), chez la Æossia macrosoma, sont plus courts que les autres ; voici les dimensions des bras d’un mâle de taille moyenne: Première paire de bras : 21 millimètres ; deuxième paire de bras: 25 millimètres et demi; troisième paire de bras : 27 milimètres ; quatrième paire de bras : 23 millimètres. Pourtant, ceux de la première paire sont un peu plus renflés vers le milieu que les autres. Chez les animaux conservés dans l'alcool, ils sont recourbés en arrière et en dehors. Je n’ai jamais pu constater, chez cette espèce, la position que décrit Steenstrup chez les Æossia du Groenland. Du reste, la courbure du bras dépend de la contrac- tion des muscles irrités par l'immersion dans l’alcool, car chez l’ani- mal frais les hectocotyles se comportent comme les autres bras. Ce qui distingue ces bras des autres, c’est la membrane (membrane recouvrante, auCt. fig. iet2,m.r.)quise trouve placée du côté externe. Elle est donc à gauche, sur le bras gauche, et à droite sur le bras droit. C’est un simple repli de la peau, comme les coupes le montrent avec 1 L'autre, c’est la Rossia Mülleri(Steenstrup) ; loc. cit., note du bas de la page 228. 2 HoyLe, Report on the Cephalopode (Rep. on the Sc. R. of the V. of H. M.S. Chal- lenger, vol. XVI, p. 116, pl. XV, fig. 2). Je cite seulement la figure de Hoyle, bien qu'il y ait encore d’autres figures de l’hectocotyle (assez peu détaillées du reste) d’autres espèces de Rossia, car il est très probable que la Rossia Oweni et la Rossia macrosoma ne sont qu’une seule et même espèce. (Voir, à ce sujet, APPELLÔr, Teutoloyische Beiträge (Bergens Museum Aarbog for 1892, p. 7-9.) | 500 ÉMILE-G. RACOVITZA. netteté. Il ne suit pas le bras dans toute sa longueur, mais commence au niveau de la troisième rangée de ventouses ei suit le côté du bras jusque vers la neuvième ou dixième rangée. D'abord peu marqué à son origine, il augmente progressivement de largeur et arrive à un maximum vers le milieu du bras ; puis, de nouveau, sa largeur dimi- nue jusqu’à sa disparition complète. Du côté externe, le repli porte des chromatophores comme le reste de la peau du bras; ils sont pourtant un peu plus petits. Du côté interne, les chromatophores disparaissent. Sur l’animal frais, la membrane se tient exactement appliquée le long du bras, tout au plus forme-t-elle quelques légers plis. Chez les animaux conservés dans l'alcool, où les bras subissent une torsion, la membrane se retourne el s’enroule du côté externe, laissant voir sa face interne. Comme on le sait déjà, les ventouses, sur ces bras hectocotylisés, diffèrent de celles des autres bras par leurs dimensions. Elles sont, en effet, beaucoup plus petites, mais ont à peu près la même forme. Elles paraissent insérées par rangées de quatre (fig. 2); mais, en y re- gardant de près,on voit que les quatre ventouses d’une rangée forment en réalité deux couples. En comptant, par exemple, à partir du côté externe, on voit que la première ventouse de la rangée est en face de la troisième, et les tiges des deux ventouses sont placées vis- à-vis et unies par une crête ; la seconde et la quatrième forment un couple identique. Pour bien comprendre cette disposition, on doit se figurer une tige, un rachis pourvu de place en place de ventouses opposées et qu'on aurait comprimé dans le sens de la longueur. Le rachis se serait plissé, et deux paires de ventouses auraient été for- cées de se mettre en une seule rangée. Ce rachis médian, onduleux, existe en réalité; aussi les rangées de quatre ventouses sont tres irrégulières. Ces quatre petits organes ne sont pas situés sur une même ligne transversale droite, mais sur une ligne en zigzag. Il est souvent très difficile, à cause de cela, de compter les rangées, et il n’est pas étonnant que certains auteurs aient décrit des rangées de trois ventouses sur les bras des Aossia. NOTES DE BIOLOGIE, 501 Leur dimension varie dans la même rangée. La paire externe est composée de ventouses plus petites que la paire interne. Les ventouses sont placées sur de minces pédoncules qui, à leur tour, sont fixés sur les sommets des tiges (£. v.), qui prennent, dans les deux rangées externes, un développement tout à fait parti- culier. Les deux rangées internes de ventouses ont des tiges ordi- naires, peu distinctes à la surface, ne différant pas sensiblement de celles des autres bras. Dans les deux rangées du bord externe, les tiges paraissent très élevées, et comme elles sont comprimées laté- ralement, elles ont un aspect presque foliacé. Cette apparence n’est pas due à une augmentation dans les dimensions de la tige elle- même, comme le dit Steenstrup. On peut se convaincre facilement, sur les coupes, que, comme grandeur, elles sont restées normales. La différence d'aspect est produite par la dénudation de leur base occasionnée par l'apparition de la membrane recouvrante. En effet, là où la membrane cesse, les tiges redeviennent normales, quoi- que étant au même niveau que dans la partie modifiée du bras. La peau du bord externe étant retirée en arrière a naturellement en- traîné avec soin la paroi des sillons qui sépare les tiges et qui n’est que sa continuation. Ces sillons paraissent donc mieux indiqués ; ils sont plus profonds, ce qui donne aux tiges l'apparence décrite plus haut. Les tiges de la rangée de ventouses la plus externe descendent jus- qu’à l'insertion de la membrane recouvrante et elles présentent un prolongement, une espèce de crête, qui passe sur cette membrane. Les tiges de la seconde rangée ont la même disposition, seulement, comme elles sont placées plus en dedans, leur prolongement doit passer entre les tiges de la première rangée. L'aspect de la face infé- rieure du bras est ainsi complètement modifié, et l’on peut voir, en écartant les tiges des deux rangées externes, des poches très pro- fondes qui paraissent se diriger obliquement et en dedans. Toute la surface présente un aspect irrégulier, sillonné, et paraît constam- ment recouverte de mucus. 902 ÉMILE-G. RACOVITZA, Le côté interne du bras montre, vers sa partie supérieure, un ren- flement allongé qui présente un accroissement parallèle à celui de la membrane recouvrante située du côté opposé, et qui commence et finit au même niveau, Si l’on enlève la peau du bras, on voit que ce renflement est formé par une masse blanchâtre, molle, irrégulière, qui est plus considérable vers le milieu du bras, là où la membrane recouvrante est aussi plus développée, et qui s’atténue vers les deux extrémités pour disparaître au même niveau que cette dernière. Pour étudier la structure intime de cette masse, la méthode des coupes est indispensable. Voici d’abord, pour donner un point de comparaison, une coupe transversale (fig. 3) passant par le milieu du bras gauche de la qua- trième paire d’un mâle. On sait que cette paire de bras n’est pas modifiée. On voit une masse ronde, centrale (m. m.), qui est la masse musculaire du bras, creusée en son milieu par un sinus contenant un gros nerf (n. b.) et un vaisseau. Sur cette masse sont fixées deux tiges (t. v.) de ventouses. Le tout est entouré par l’épiderme ayant en dessous le derme avec ses chromatophores et le tissu conjoncüf très lâche, lacuneux. On remarque trois ventouses (v), dont l’externe est la plus grande. Une coupe (fig. 4), passant par le bras gauche de la première paire d’un individu non encore adulte, montre d’abord les mêmes parties ; mais il s'ajoute, du côté externe, un pli cutané représentant la coupe de la membrane recouvrante {m. ».),et, du côté interne et inférieur, une glande à paroi fortement plissée, qui est en communication avec l'extérieur par une fente. C’est la coupe de la glande de l’hecto- cotyle (gl.). I est à remarquer, en outre, que l’épiderme (ep.) de la partie inférieure du bras est plus épaisse et vivement colorée par l'hématoxyline. On peut remarquer, en outre, les petites dimensions de la ventouse(v).Ghez les mâles adultes, cette glande prend des pro- portions considérables, La coupe (fig. 5) passe par le même endroit que la première, mais ici c'est à travers le bras droit. Les mêmes parties se retrouvent; seulement la glande de l’hectocotyle a pris des NOTES DE BIOLOGIE. 503 dimensions considérables. Elle occupe presque la moitié de la masse au bras et, comme toujours, elle communique avec l'extérieur (o. gl.). Une coupe (fig. 6) passant un peu plus loin a intéressé deux tiges de ventouse. Celle qui est la plus externe a séparé la glande de l’hec- tocotyle en deux; une partie qui est encore en communication avec l'extérieur et une autre partie complètement isolée. Cette glande est tout simplement le produit de l’invagination de l'épiderme entre les tiges et dans les sillons qui les séparent. Une coupe horizontale (fig. 7) montre, en effet, qu'entre les tiges se trouvent des poches situées d’abord du côté externe. Sur une coupe (fig. 8) passant plus bas, on voit qu’elles se prolongent du côté interne et sé réunissent presque deux à deux. Elles ne sont séparées que par de minces tractus conjonctifs qui unissent les tiges à la paroi du bras. La photographie d’une coupe longitudinale (fig.9) passant du côté interne montre les tiges des ventouses internes coupées vertica- lement et réunies à la face supérieure du bras par de minces tractus conjonctifs. Entre ces tiges on voit les longues poches plissées en communication avec l'extérieur. Chaque invagination épidermique a entraîné avec elle le derme et le tissu conjonctif et chacun de ses plis en à fait autant. Aussi, entre chaque pli, y a-t-il des vaisseaux, du derme et du tissu con- jonctif aplati en lamelle à la surface desquels se trouve la membrane basale et les cellules de la glande. On doit attribuer la formation de cette glande à un creusement des sillons qui séparent les tiges donnant naissance à des poches se dirigeant obliquement du côté interne. Ges invaginations rem- plissent tout l’espace compris entre les tiges musculaires des ven- touses de ce côté et se plissent pour offrir une plus grande surface sécrétrice. Comme on peut le voir en comparant la coupe figure 4 à la coupe figure 5, il ya une grande différence, au point de vue de la grandeur de la glande, chez les jeunes mâles et chez les mâles arrivés à ma- 504 ÉMILE-G, RACOVITZA, turité sexuelle. Au point de vue histologique, la différence est tout aussi considérable. Une coupe de la paroi de la glande (fig. 10) chez un individu non arrivé à maturité sexuelle présente l’aspect suivant : une paroi cellu- laire dans laquelle on remarque deux rangées de noyaux plus ou moins bien indiquées. D'abord, une rangée (n. s.) suivant à peu de distance le bord libre. Les noyaux sont gros, ovales, avec de nom- breux points chromatiques et sans nucléole apparent; ils sont assez irrégulièrement distribués et il est très difficile de les rapporter à des cellules, car les parois cellulaires sont extrêmement minces. Entre les noyaux, quelques vacuoles, restes de glandes ayant expulsé leur contenu ; le long du bord libre, quelques gouttelettes du mucus sécrété sont vivement colorées par l’éosine. La rangée inférieure (n. gl.) des noyaux est plus régulière. Ils sont arrondis et possèdent, outre quelques points chromatiques, des nucléoles très nets, se colorant par l'éosine. Ces noyaux sont serrés les uns contre les autres et, à un faible grossissement (fig. 14), on les voit former une ligne continue suivant le bord inférieur de la couche cellulaire. Il n’y a pas de cuticule. Du côté interne, en dessous d’une membrane basale peu distincte, se trouve Île derme (d), dont les cellules, très étirées, sont pourvues de noyaux très allongés, très minces, se colorant fortement par le carmin aluné. On trouve aussi des vaisseaux, mais les muscles ont presque entièrement disparu. L’épithélium dela glande est en continuation directe avec la couche épidermique. Lorsqu'on suit la paroi de la glande en dedans et en dehors de l’orifice externe, on trouve tous les passages avec l’épiderme normal, et, du reste, on retrouve les mêmes parties dans les deux. Une coupe de l’épiderme (fig. 12) nous montre une cuticule (e) assez épaisse (c'est la seule partie qui manque dans l’épithélium de la glande), recouvrant une paroi cellulaire pourvue aussi de deux ran- gées de noyaux. Une rangée externe suivant le bord libre : c'est la rangée des noyaux des cellules de soutien ; ils sont ovales, allongés, NOTES DE BIOLOGIE. d05 sans nucléole et avec de nombreux points chromatiques. Du côté interne,une autre rangée de noyaux arrondis, pourvus de nucléoles. Ce sont les noyaux des cellules glandulaires jeunes, comme on peut s’en convaincre par le contenu cellulaire granuleux et fortement coloré par l’éosine. On constate, en outre, la présence de vacuoles, reste des anciennes cellules glandulaires ayant accompli leurs fonc- tions. En dessous vient le derme avec ses chromatophores et sa constitution typique chez les Céphalopodes. On retrouve donc dans les deux coupes les mêmes parties. La différence consiste seulement dans l'absence d’une cuticule, dans une plus grande hauteur de la couche cellulaire et dans le nombre plus considérable de noyaux sur une surface donnée. A l’état de maturité sexuelle, cependant, il se produit une modi- fication considérable, qui change entièrement l'aspect de la paroi glandulaire et qui ne permettrait pas, à première vue, son homolo- gation avec l’épiderme. Une coupe,en effet, de cette paroi à l’état sus- nommé se présente sous l'aspect de la figure 13. On est en présence de très longues cellules en massue, ayant toutes la même forme etla même constitution. Elles sont placées sur une seule rangée. Elles sont insérées par leur partie effilée, la partie renflée étant tournée vers la cavité de la glande, Le noyau, très allongé, pourvu de nucléoles très nets et éosinophiles, est situé dans le tiers infé- rieur de la cellule. En avant et en arrière du noyau se trouve un plasma finement granuleux, se colorant aussi bien par l’éosine que par le carmin aluné, ce qui montre sa grande avidité pour les ma- tières colorantes. Vers l'extrémité libre de la cellule se trouve un amas de gros granules sphériques et éosinophiles, qui sont libres ou enfermés dans une vacuole (x). Ces sphérules se forment aux dépens du plasma granuleux. Un petit amas de cette dernière substance s’en- toure d’une vacuole, devient de plus en plus clair, pour se trans- former finalement en un globule sphérique. La vacuole disparait et le globule est libre dans l’espace limité par la membrane cellulaire. La sécrétion se fait par l'éclatement de la paroi cellulaire. Les vési- 506 ÉMILE-G, RACOVITZA. cules tombent dans la lumière de la cavité de la glande, où ils se résolvent en une sorte de mucus gluant. Ce qui a été dit des coupes étudiées précédemment permet faci- lement de se rendre compte de la formation de cette couche cellu- laire unique, si bien développée. On n'a pas oublié, en effet, que l’épithélium, comme la glande non müre, est formé par une couche de cellules de soutien et par une couche de cellules glandulaires dont les noyaux sont inférieurs par rapport aux autres. Il est pro- bable que la maturation de la glande se fait par l'expulsion de la rangée externe de noyaux et des celiules auxquelles ils apparte- naient. On n’a donc plus, dans l’épithélium ainsi modifié, que des cellules glandulaires auxquelles des modifications ultérieures don- neront l’aspect décrit plus haut. La couche épidermique de la face interne du bras a subi aussi une modification. Elle est plus haute que sur la face exlerne, et au point de vue histologique, elle ressemble à la paroi de la glande de l’hectocotyle des jeunes mâles. Dans les plis de la face interne de la membrane recouvrante, la modification a marché plus loin et les cellules si particulières de la glande de l’adulte font leur apparition (fig. à et 6). Chez les jeunes, l’'épiderme de la face interne du bras est naturellement moins modifié. Les glandes salivaires abdominales de Céphalopodes ont une struc- ture tout à fait semblable à celle de la glande de l’hectocotyle de la Rossia. Les figures et la description qu’en donne Joubin ! s’appli- quent exactement aux cellules de cette glande. Cela n’a rien qui puisse étonner, étant donnée l’origine ectodermique commune de ces deux glandes. À quoi peut servir cette glande dont les proportions sont si consi- dérables ? Sa position sur les bras hectocotylisés et la modification qu'elle subit pendant la maturité sexuelle la classent nécessairement 1 JouBin, Recherches sur la morphologie comparée des glandes salivaires (Archives de zoologie expérimentale, (2), vol. V bis, p. 30 et suivantes, pl. IIT, fig. 6 (Sepiola Ron- deletti), fig. 7 et 8 (Sepia officinalis). NOTES DE BIOLOGIE. 507 parmi les organes accessoires de l'appareil génital, Mais aucun fait connu ne peutdonner un indice suffisant pourexpliquerson utilité. On pourrait supposer qu'elle est chargée de fournir un liquide suflisam- ment épais, pouvant empêcher les spermatophores d’éclater avant qu'ils soient arrivés dans la cavité palléale de la femelle, ou encore qu’elle sert à coller les spermatophores sur les parois des plis de l'aire copulatrice, enfin de leur permettre d'introduire sous la peau le contenu en leur fournissant un point d'appui. Je n’ai pas besoin de dire que ce ne sont que des hypothèses ne reposant sur aucun fait d'observation. IV. SPERMATOPHORE, CN 2000) On ne trouve dans la littérature aucun renseignement sur le sper- matophore des espèces du genre Aossia. En revanche, ceux des genres Loligo, Sepia, Octopus, Sepiola, Fledone, ont occupé beaucoup de naturalistes de la première moitié du siècle. Il est inutile de refaire ici l'historique de cette question tant de fois exposée et qu'on pourra trouver dans les travaux de Milne Edwards et Duvernoy. Je vais me borner à exposer rapidement les résultats des deux auteurs cités, d'autant plus que ce sont les seuls travaux importants sur cette question. Milne Edwards! publia en 1842 les résultats des études faites en collaboration avec Peters sur les spermatophores du ZLoligo vulgaris, Sepia officinalis, Eledone moschata, Octopus vulgaris et macropus. C'est pour la première fois qu'on trouve le terme spermatophore appliqué à ces corps, désignés auparavant sous le nom de tubes à ressort (Swammerdarn), Scolex débothrius (Delle Chiaje), Needhamia expul- saloria (Carus), Corps needhamiens (auctorum). C'est dans ce travail aussi qu'est définitivement établie la véritable nature de ces corps 1 Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes, Mollusques et Crustacés des côtes de France. 8 IV, Sur les spermatophores des Céphalopodes (Annales des sciences naturelles, (2), t. XVIII, p. 331-347, pl. 12-14, 1842). 008 ÉMILE-G. RACOVITZA. particuliers, et c'est ici aussi qu'on trouve une nomenclature plus complète des différentes parties dont ils se composent. D'après les auteurs cités, le spermatophore se compose d’une gaine (l’éfui) pourvue, le plus souvent, à une de ses extrémités, d'un filament glutineux, etd'une partie contenue dans l’étui. Ce dernier est formé par deux tuniques, l’une externe subcartilagineuse, et l’autre interne molle. L'appareil contenu dans l’étui n’est attaché à ce der- nier que du côté antérieur et se compose de deux parties : le réservou spermatique et l'appareil éjaculatotre; ce dernier se subdivisant en trompe, sac et connectif. Dans la trompe se trouve le ruban columel- laire ou ressort à boudin. Toutes ces dernières parties sont recou- vertes de tuniques membraneuses (au nombre de quatre), dont l'auteur décrit les insertions. Le spermatophore, lorsqu il éclate, fait sortir la trompe peu à peu, en la retournant comme un doigt de gant; arrivé au connectif, la membrane de ce dernier se rompt et le réservoir spermatique est projeté au dehors pour se déchirer après un certain temps et mettre les spermatozoïdes en liberté. Les mou- vements dont il est question sont intermittents. Les auteurs COnsi- dèrent comme cause déterminante de ces mouvements « la pression exercée sur l'appareil éjaculateur par le liquide qui l'entoure et qui occupe l’intérieur de l’étui; mais cette pression me parait résulter tantôt d’un phénomène d’endosmose, comme M. Dutrochet l’a très bien remarqué, tantôt d’une contraction de la tunique interne de l’étui ». « En effet, j'ai souvent observé l’éjaculation chez les spermato- phores que je venais d'extraire de la poche destinée à les loger et que j'avais posés sur une lame de verre parfaitement sec, circons- tances dans lesquelles l’endosmose n’avait pu déterminer une accu- mulation brusque de liquides dans leur intérieur. Souvent aussi j'ai vu la sortie de la trompe déterminée par la légère pression néces- saire pour saisir ces corps avec la pince, afin de les retirer de l'organe mâle. Du reste, la facilité avec laquelle les spermatophores éclatent est très variable, et c’est seulement lorsqu'ils sont parvenus à un NOTES DE BIOLOGIE. 909 état de maturité complète, que j'ai vu ce phénomèue apparaitre sans le concours de l'humidité externe * ». Duvernoy ? s’est occupé des spermatophores de la Sepiola Ronde- letii et du Loligo subulata. Il accepte les noms proposés par Milne Edwards pour les différentes parties composant le spermatophore et propose un nouveau nom, le flacon *, pour une partie jaune qui pré- cède immédiatement le réservoir spermatique. Je me hâte de dire que ce nom est mauvais, car Duvernoy l’a appliqué à un assemblage de deux parties très différentes : le faux boyau “ et le sac. La des- cription des spermatophores de ces deux types contient des faits exacts à côté de choses mal observées et mal interprétées. La même chose peut se dire de ses figures. Tout ce qu’il dit, par contre, de l'éclatement et de la formation du spermatophore est tout à fait inexact et constitue un recul par rapport au travail de Milne Edwards. Je compte, du reste, revenir en détail sur le travail de Duvernoy dans une prochaine note sur les organes génitaux des Sépioles. Personne, à ma connaissance du moins, ne s’est occupé, depuis Duvernoy, des spermatophores d’une manière approfondie. Pour- tant le travail de Milne Edwards et Peters, quoique très bien fait pour l’époque, ne laisse pas une impression satisfaisante à l'esprit. On ne comprend pas bien comment le spermatophore éclate et que deviennent les différentes parties dont il se compose lorsque ce phénomène a eu lieu. Les figures mêmes n'ont pas la rigueur dési- rable, n’ayant pas été faites à la chambre claire. Mème beaucoup de détails, surtout en ce qui concerne les différentes tuniques, sont trop sommaires et souvent trop inexacis pour permettre de suivre ces membranes dans les différents mouvements exécutés par le spermato- 1 Loc. cil., p. 343. 2 Fragments sur les organes de génération de divers animaux. IV. Fragment ; Des spermatophores dans la Sépiole, etc. (Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut de France, t. XXIII, p. 215, 1853). 3 Loc. cil., p. 235. # Voir plus loin, p. 518 ets. 510 ÉMILE-G. RACOVITZA. phore. J'ai cru, donc, qu'il serait utile de décrire en détail au moins le spermatophore d'une espèce, et de donner les figures et les schémas nécessaires pour comprendre facilement la structure et le méca- nisme de ces appareils. J’ai été amené à m'occuper de celui de la BRossia macrosoma à la suite des observations biologiques faites sur cette espèce. Leur faible dimension est aussi très favorable pour l'étude. On peut avoir une vue d'ensemble à un certain grossisse- ment, et l’on peut suivre facilement l'éclatement sous le microscope. Toutes les figures des planches XX et XXI ont été dessinées à la chambre claire et aussi exactement que possible. Lorsqu'on fend le manteau d’un mâle de Æossia, on est immé- diatement frappé par une partie arrondie, blanchâtre, qui se trouve à gauche du éractus médian et en arrière de la branchie. Cest la poche de Needham. C’est à son intérieur que sont disposés une soixantaine de spermatophores placés les uns à côté des autres, la partie renflée tournée vers l’orifice. La poche est remplie, en outre, d’un liquide transparent visqueux, filant, qui baigne complètement les spermatophores. L'appareil dont il est question (fig. 4), au moment où il est sorti de. la poche et avant d’éclater, est faiblement recourbé en arc de cercle. Il y a une longueur qui oscille autour de 20 millimètres. On peut distinguer deux extrémités : l’une effilée, l'extrémité orale (ex. 0.); l’autre, plus épaisse, arrondie, que j'appellerai extrémité aborale (ex. ab.). C’est l'extrémité aborale qui est tournée vers l’ori- fice du pénis, et c’est avec cette extrémité en avant que sort le spermatophore lorsqu'on exerce une pression sur la poche de Needham. Le spermatophore devient de plus en plus mince au fur et à mesure qu'on s'éloigne de l'extrémité aborale, et cette diminution d'épaisseur atteint son maximum un peu en arrière de l'extrémité orale, qui est un peu plus élargie et plus aplatie que la région située immédiatement au-dessous. La couleur de ces organes est blanche, irisée dans sa région aborale, et jaunâtre dans la région antérieure. NOTES DE BIOLOGIE. 911 Lorsqu'on retire un spermatophore de la poche en le tirant par l'extrémité aborale, on voit, attaché à son bord oral, un filament extrêmement mince (Z. et F. {g.), dont l'extrémité semble attachée au fond de la poche. Ce filament est attaché à l'extrémité orale du spermatophore, non pas directement, mais par l'intermédiaire d’une membrane (M. {4.)se confondant avec la paroi du sommet oral et qui, dans les cas ordinaires, enveloppe cette extrémité. Ces deux parties, que j'appellerai la ligature (L.;, servent, comme on verra plus tard, à tenir fermé le spermatophore ou mieux à empêcher son éclatement. On distinguera donc un flament de la ligature (F. lg.) très mince et dont la longueur dépasse les deux tiers de la longueur du spermatophore et une membrane de la ligature (M. lg.), qui lui fait suite et qui n’est, pour ainsi dire, qu’une écaille ou qu'un lam- beau de la paroi de l'extrémité orale. La membrane enveioppe or- dinairement le sommet oral et est maintenue par plusieurs tours du filament de la ligature. Voilà comment est constitué l'extérieur du spermatophore. Pour l’intérieur, on doit immédiatement distinguer un conte- nant, l'étui (E£') du spermatophore, et un contenu formé de deux parties : le réservoir spermatique (R. sp.) et l'appareil éjaculatoire (Ap. ep). | L'Érur (Z). — Il est formé par trois feuillets qui seront nommés tuniques, réservant le nom de membranes aux feuillets des parties internes. La tunique externe (T:. e.) est hyaline. Elle est formée par un grand nombre de feuillets superposés. Sa plus grande épaisseur se trouve à l'extrémité aborale et va diminuant vers l'extrémité orale. Sa con- sistance est subcartilagineuse, dure, mais en même temps assez élastique. Elle joue, comme on le verra, un rôle capital dans l'éva- gination de la partie interne du spermatophore. La tunique moyenne (T. m.) a une consistance tout à fait différente. Elle est molle et de couleur jaunâtre. Elle ne s'étend pas dans toute la longueur de l’étui, mais s'arrête au commencement du tiers an- 512 ÉMILE-G. RACOVITZA. térieur vers le milieu d’une partie qu'on apprendra à connaitre plus tard sous le nom de faux boyau. Lorsqu'on tranche d’un coup de ciseau l'extrémité aborale du spermatophore, cette membrane est expulsée. Elle sort dans l’eau en se gonflant, se déformant. On pourrait presque dire qu'elle coule. Gette tunique est limitée par deux membranes extrêmement minces, l’une interne, l’autre externe. Son épaisseur est grande du côté aboral et diminue gra- duellement jusqu’au faux réservoir où la tunique se termine en biseau. La tunique interne (T°. i.) est une membrane mince, très élastique, indéfiniment extensible, qui tapisse d’abord toute la paroi interne de la tunique moyenne; puis au moment où cette dernière se ter- mine, elle forme la limite externe de l'appareil éjaculatoire. Elle n'arrive pas cependant jusqu'à l’extrémité orale, mais s'arrête au- dessous du tortillon de la trompe (fig. 5). On voit donc que l’étui est formé par trois tuniques de consistance différente qui, toutes les trois, ont un rôle précis dans le méca- nisme de l'éclatement du spermatophore comme on le verra plus tard. J'ai dit que l’étui contenait à son intérieur deux appareils nommés appareil éjaculatotr'e et réservoir spermatique. Je vais entreprendre maintenant la description de chacune de ces parties. LE RÉSERVOIR SPERMATIQUE (/?. sp.). — C’est l’espace qui, limité par la partie inférieure de la tunique interne, s'étend sur les deux tiers de la longueur du spermatophore. Il contient à son intérieur deux parties : le boyau spermatique (B.sp.) renfermant les spermatozoïdes, et le faux boyau (F. b.) rempli d’une substance de nature indéter- minée, mais qui n’a rien de commun avec le sperme. Le boyau spermatique a la forme d'un long tube plus étroit en arrière, du côté aboral que du côté antérieur. Il est entouré d’une très mince membrane, qui est sa membrane propre et que nous appellerons, d’après la convention faite au commencement, mem-. brane interne (M. 1.); on a donc une membrane interne formant la NOTES DE BIOLOGIE. 513 membrane propre du réservoir spermatique tapissant à l’intérieur la tunique interne de l’étui. Le boyau spermatique ne s'étend pas jusqu’au fond du réservoir . spermatique. Il laisse un certain espace libre que nous appellerons le fond du réservoir (fig. 1, F. d.r.). À son intérieur se trouve un lilament (V.4.) ayant de place en place de petits renflements et qui part de l'extrémité aborale du boyau. En outre, le fond du réser- voir est rempli par un liquide clair. Le boyau, à son intérieur, contient une masse visqueuse dans laquelle sont englués les spermatozoïdes. Lorsqu'on extrait le boyau spermatique du réservoir par un moyen ou par un autre, et qu'on le place dans l’eau de mer, on voit la membrane interne se gonfler et l’on peut voir alors qu’elle présente un système de lignes paral- lèles qui se croisent avec d’autres lignes parallèles, ce qui lui donne un aspect strié. Du côté oral, le boyau se termine par une partie étranglée, tordue, qui le sépare du faux boyau. Cette torsion n’est pas seulement une apparence, c'est bien ainsi que les choses se passent en réalité, de sorte que la communication est interrompue entre le boyau et le faux boyau. Ce dernier est beaucoup plus court que le vrai boyau. Son aspect est aussi tout autre. Son contenu n’a pas l'apparence latescente du boyau spermatique, mais possède une couleur jau- nâtre et semble formé de petites écailles brillantes régulièrement disposées. On remarque au milieu une ligne plus claire ondulée fie+3;1P.10.). L'APPAREIL ÉJACULATOIRE (Ap. er.). — Milne Edwards a décrit, dans l'appareil éjaculateur des types qu'il à étudiés, trois parties : le connectif, le sac et la trompe; il donne à cet appareil un très grand rôle dans l’éjaculation du spermatophore. Comme on verra, cette affirmation n’est pas tout à fait exacte, car deux des parties de l'appareil éjaculatoire, le connectif et le sac, ne jouent aucun rôle dans l'éclatement du spermatophore. En avant du faux boyau se trouve une autre vésicule allongée, ARCH. DE ZOOL. EXPe ET GÉN.-— 3€ SÉRIE, — T. Il. 1894. 33 o14 ÉMILE-G. RACOVITZA. à peu près de même taille, que j’assimile au sac décrit par Milne Edwards chez d’autres types de Céphalopodes. Chez la Seiche, entre le sac et le réservoir spermatique, se trouve un long filament que l’auteur dont il a été question appelle connectif. Ici on ne trouve rien . de pareil, et le sac est intimement accolé au faux boyau. Le con- nectif paraît exister pourtant, et j'homologue à cette partie un fout petit prolongement (Cf.), qui unit le sac au faux boyau. Le sac (S) se présente comme un tube plus ou moins cylindrique, un peu plus élargi en arrière qu’en avant, et qui contient une subs- tance jaune, transparente et homogène sur les bords. Au centre, cette substance se contourne en hélice et forme une espèce de vis plus opaque que les parties qui l’environnent*. En arrière, la partie inférieure du sac rentre un petit peu dans la partie antérieure du faux boyau évasé en forme de coupe (fig. 3). Du milieu de cette partie part un petit tractus, le connectif (ef.) qui relie le fond de la cupule du faux boyau et le milieu de la face postérieure du sac. En avant, le sac s’effile en une pointe mousse (fig. 4) et communique largement avec l'intérieur de la érompe (fig. 1, Tr.). Cette dernière partie est un tube très long, étroit, qui d’un côté communique avec le sac, et qui de l’autre arrive jusqu'à l'extrémité orale du spermatophore. Ce tube a une paroi propre, la membrane interne (». i.), et un contenu qui varie suivant les différentes ré- gions. On peut y distinguer trois régions : Une région inférieure, la plus courte : c'est celle qui est en com- munication avec le sac. Cette région est caractérisée par un plisse- ment considérable de la paroi propre du tube. Le contenu est une substance finement granuleuse (fig. 4, $. g. 2), jaunâtre, à grains égaux, qui tapisse la paroi propre sur toute sa surface, formant ainsi une seconde couche de même épaisseur sur toute son éten- due. Gette partie s'étend en ligne droite. Une région moyenne, qui, du reste, communique librement avec 1 C'est probablement l’homologue du ruban columellaire décrit par Milne Edwards dans le spermatophore du Loligo vulgaris. NOTES DE BIOLOGIE. o19 la région inférieure et la région supérieure. Cette partie est la plus longue et s'étend sur une grande partie de son parcours en ligne droite ; vers son extrémité supérieure, elle s'infléchit et prend part à cette partie qu’on appelle le tortillon (fig. 4, Tort.). Son contenu est granuleux, presque opaque, formé de petits granules irréguliers (He eL 8: 9 1). Enfin, la région supérieure, qui entre tout entière dans la constitu- tion du tortillon, possède un contenu clair, hyalin (fig.5, C’.4.), ayant au milieu une petite bandelette ondulée de substance plus réfrin- gente. La partie supérieure du contenu va se confondre avec la paroi de l’étui. Voyons maintenant les membranes qui entrent dans la constitu- tion de l’appareil éjaculatoire. On a d’abord la tunique interne (T. 12} qui se continue avec les caractères, déjà décrits, du faux boyau sur le sac et puis sur la trompe, épousant exactement les contours de ces parties. Elle forme donc l’enveloppe la plus externe de l'appareil éjaculatoire ; mais elle ne suit pas la trompe jusqu’au sommet, Elle se termine à la fin du second tiers de la région moyenne de la trompe (fig. 5), ordinairement au moment où le tube commence à se contourner. Au-dessous, nous arrivons à trouver trois enveloppes qui sont les enveloppes propres de l'appareil éjaculatoire et qui n'ont rien à voir avec les tuniques de l’étui. D’après la convention faite au commencement, nous les nommerons membranes, pour ne pas faire confusion avec les enveloppes de l’étui appelées {uniques. On rencontre sous la tunique interne uue enveloppe mince, hya- line, nommée membrane externe (M. e.), qui prend son origine sur les côtés et à la partie postérieure du sac (fig. 3). Cette membrane, très mince, suit toute la trompe et va jusqu’à l’extrémité orale du sper- matophore, dépassant ainsi la tunique interne. En dessous se trouve la membrane moyenne (M. m.) ou membrane élastique. Celle-là, très épaisse, réfringente, formée par plusieurs enveloppes superposées, en général trois ou quatre couches intimement reliées ensemble. 516 ÉMILE-G. RACOVITZA. Elle prend son origine sur les côtés du sac à peu près au même ni- veau que la membrane externe (fig. 3). Sur le sac, elle est mince; mais elle augmente rapidement en épaisseur, surtout au moment où elle arrive dans la partie moyenne de la trompe. Elle s'étend jusqu'à l'extrémité orale de l'étui (fig. 5). Enfin une troisième et dernière membrane, Îa membrane interne (M. i.) ou membrane propre du sac et de la trompe. Elle paraît n'être que la continuation de la membrane propre du boyau spermatique et du faux boyau ; seulement, il n'est pas possible de le voir avec certi- tude, car cette membrane va se perdre sur le connectif et la mem- brane du faux boyau de même. Le connectif même ne paraît être que l’épaississement de la partie interne de ces deux membranes à l'endroit de leur jonction. Comme enveloppe du sac, elle ne présente rien de particulier. Elle est, comme je l'ai dit, fortement plissée dans la région inférieure de la trompe. Dans la partie moyenne, cependant, elle présente une structure tout à fait particulière (pl. XIX, fig. 14). Elle pré- sente, en effet, tout le long de la face interne, des petites crêtes transversales, cireulaires, parallèles et très rapprochées. Dans les sillons formés par ces crêtes se trouve accumulée la substance men- tionnée plus haut, granuleuse et opaque (S. g.1). Sur la troisième partie de la trompe, elle redevient lisse et transparente. J'ai essayé de me rendre compte de la manière dont sont atla- chées les différentes membranes à la partie orale de l'étui, et J'ai trouvé que la meilleure manière d'opérer est la suivante. On coupe l'extrémité de l’étui; le tortillon se détend et l’on n’a sous les yeux qu’un tube droit fixé par sa partie antérieure à la face interne de la paroi de l’extrémité orale de l’étui. La figure 6 montre cette dispo- sition exactement dessinée à la chambre claire. On voit alors que l’étui représente ici seulement, par sa tunique externe présente, un contour sinueux limitant la cavité intérieure. À la partie supérieure, il y a deux prolongements internes de la paroi qui ont l’air de for- mer une sorte de pont. La membrane externe va s’insérer tout au- NOTES DE BIOLOGIE. D tour et un peu en avant de ce point. La membrane moyenne ou élastique dépasse l'insertion de la membrane externe ; elle semble s'élargir brusquement et se confond aussi avec la tunique de l’étui. La troisième membrane (interne) monte beaucoup plus haut et se confond avec la tunique de l’étui tout à fait à l'extrémité orale de ce dernier. En résumé, nous avons un appareil composé de deux parties : d’un contenant, l’étui formant un réservoir spermatique et formé par trois tuniques ; et d’un contenu, le boyau spermatique avec son appareil éjaculatoire enveloppé par trois membranes. Le réservoir spermatique contient le boyau spermatique et le faux boyau. Ce dernier est en relation, par le connectif, avec le sac qui, à son tour, communique avec la trompe formant à l'extrémité orale un tortllon. Les enveloppes se disposent sur ces Organes de la manière suivante : tunique externe subeartilagineuse formant, à proprement parler, l'étui; tunique moyenne, molle, tapissant la première jusqu'au milieu de la hauteur du faux boyau ; tunique interne, tapissant d’abord la tunique moyenne, puis passant, au moment où cette der- nière s'arrête, sur le sac, puis sur la trompe, et s’arrêtant définiti- vement dans le tiers supérieur de la région moyenne de la trompe ; membrane externe ayant son origine vers le milieu du sac et tapis- sant, en outre, toute la trompe ; membrane élastique ou moyenne ayant le même parcours; enfin membrane interne, qui commence d'abord par former la paroi du boyau spermatique, puis la paroi du faux boyau, la paroi plus interne du sac et la paroi plus interne de la trompe. Comme contenu de ces différentes parties, on a du sperme dans le réservoir, une substance jaune indéterminée dans le faux réservoir, une matière gluante et collante dans le sac, une masse formée de granules égaux dans la partie inférieure de la trompe, une masse granuleuse opaque dans la partie moyenne, et enfin un petit cylindre de substance hyaline dans la partie supérieure. Il faut noter aussi la présence d’un liquide dans le fond du réservoir qui n’est pas occupé par le boyau. 518 ÉMILE-G, RACOVITZA. Le spermatophore ainsi constitué éclate lorsqu'on le sort de la poche de Needham. Il éclate aussi bien lorsqu'il est à sec que lors- qu'il est placé dans l’eau. Cette observation, qui a été déjà faite par Milne Edwards, montre que ce n’est pas un phénomène d’osmose seu- lement qui fait éclater cet appareil. Lorsqu’on place la poche de Needham avec ses spermatophores dans de la glycérine ou dans l'alcool, le spermatophore n’éclate plus. Voici donc un autre fait, qu’il faut concilier avec l'observation de plus haut. Dans ce but, il faut étudier d’abord la manière dont s'ouvre l’étui pour laisser passer la trompe et le reste de son con- tenu, et ensuite il faut chercher si l’on ne trouve pas dans l’appa- reil même une force capable de produire la dévagination dont il est question. Lorsqu'on examine un spermatophore ayant normalement expulsé son contenu (fig. 7 et 8), on voit appendue, à l'extrémité orale de l’étui, la partie dévaginée, et il est très facile de voir que la base de cette dernière est comprise entre deux valves (fig. 8, V V’) qui forment l'extrémité de l’étui. Il n’y a donc pas simple rupture de l'extrémité du spermatophore, mais une ouverture déterminée d'avance, limitée par les deux valves qui, dans le spermatophore non éclaté, sont rap- prochées l’une de l’autre. La ligature décrite plus haut ! joue aussi un rôle dans la ferme- ture de l’étui. En effet, les valves de l’étui non éclaté sont rappro- chées et enveloppées d'abord par la membrane de la ligature et ensuite par le filament de la ligature enroulé plusieurs fois autour de l'extrémité orale. Comme on peut le voir sur la figure 8, cet appareil n’est attaché qu’à l’une des valves (V), À La ligature présente une particularité curieuse. Lorsqu'on place le spermatophore non éclaté dans l’alcool, elle se’ ratatine et prend une couleur jaunâtre ; puis, lorsqu'on transporte l'appareil dans l’eau, on voit la membrane devenir transparente, se gonfler, et le fillament se dérouler lentement, entraînant aussi la membrane. Les 1 Voir page 511. NOTES DE BIOLOGIE. 519 valves naturellement n'étant plus retenues s'ouvrent et laissent pas- ser la trompe. Les mêmes mouvements de la ligature se produisent lorsqu'un spermatophore frais est placé dans l’eau de mer. La sub- stance qui forme cette partie est donc très avide d'eau. Elle se gonfle et les parties tendent à prendre une position rectiligne, ce qui, dans ce cas, produit le déroulement du filament et de la membrane. L'ac- tion de l’eau se fait sentir sur la ligature pour ouvrir les valves du spermatophore. On comprend maintenant la raison de l'éclatement de ces organes dans l'eau. Mais, comme on l’a vu, les spermatophores éclatent aussi lors- qu'ils sont à sec. Ge phénomène s'explique très facilement. L’extré- mité du filament de la ligature est contournée en spirale (fig 4,0F* lg, et fig. 2). Gette partie est attachée au fond de la poche de Needham. Lorsqu'on retire un spermatophore de la poche, on opère une traction sur le filament, qui suffit à le dérouler. Il est même très difficile d’avoir des spermatophores ayant encore leur filament enroulé autour de l'extrémité orale. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l'éclatement ait lieu. Mais, toutes les fois qu’on arrive à détacher un spermatophore avec sa ligature intacte, il n'éclate pas à sec. La question de l'ouverture de l’étui est donc résolue ; il reste à voir quelle est la force qui projette au dehors le contenu du sper- matophore. Lorsqu'on prend des mesures à des niveaux différents du sperma- tophore non éclaté, puis qu'on le laisse éclater et qu’on reprend des mesures au même endroit, on constaie que le diamètre du sperma- tophore a diminué sur toute la longueur. Gette différence étant assez considérable, on peut conclure de là que l’étui est bien élastique. Une autre expérience est la suivante : un spermatophore conservé dans la glycérine est sectionné d'un coup de ciseau, entre le sac et le faux réservoir. On constate alors que le réservoir spermatique est expulsé avec violence el que, dans l’autre moitié du spermatophore, Je tortillon s’est déroulé et a chassé le sac et la trompe hors de 220 EMILE-G. RACOVITZA. l'étui. La même chose peut se constater pour les spermatophores frais ou conservés dans l'alcool qu’on sectionne par le milieu. Cependant l’expulsion du contenu se fait avec plus de violence dans le cas du spermatophore frais, pour des raisons qui seront exposées plus bas. On voit donc qu'on possède dans l'appareil même des forces suffi- santes pour expulser le contenu de l’étui. Ces forces sont l’élasticité de la tunique externe de l’étui et celle de la membrane moyenne ou élastique de la trompe. De nombreuses expériences, faites en sec- tionnant le spermatophore à différents niveaux et qu’il serait trop long et inutile d'exposer ici en détail, m'ont montré que la projec- tion du réservoir hors de l’étui est due à l’élasticité des deux mem- branes citées plus haut. La théorie de Dutrochet, basée sur l’os- mose, ne correspond donc pas à la réalité. Le non-éclatement des spermatophores conservés dans la glycé- rine et dans l'alcool s'explique d’abord par le fait que la ligature, ne se défaisant pas, ne permet pas aux valves de s'ouvrir, et ensuite par un phénomène osmotique à travers les parois de l’étui. En effet, le liquide clair que j'ai signalé à l’intérieur du fond du réservoir est absorbé par les substances en question, et la pression interne devient, par cela même, beaucoup moindre. Comme preuve de ce que jJ'avance, c’est la diminution d'épaisseur des spermatophores placés dans l'alcool et la glycérine ; ensuite le fait que le tortillon se forme en avant du sac au lieu de se former au bord oral. Cela provient de ce que la partie postérieure du boyau spermatique est arrivée jusqu'au fond du réservoir, occupant ainsi l’espace libre laissé par le liquide clair disparu. On doit donc s’imaginer le spermatophore comme un cylindre élastique dans lequel est introduit sous pression un tube qui est élastique dans une de ses parties (trompe) et incompressible dans l’autre (boyau spermatique). Le premier tube étant distendu par le second, on se trouve ainsi en présence d’une pression assez considé- rable. NOTES DE BIOLOGIE. J21 ]l reste maintenant à décrire en détail l'éclatement du spermato- phore et la position qu’occupent, dans le spermatophore dévaginé, les différentes parties étudiées. Le premier acte de l'éclatement est le déroulement de Ja ligature. Il a été dit plus haut comment il se fait. Les valves de l'extrémité orale s'ouvrent, et l'extrémité de la région supérieure de la trompe, trouvant le champ libre, s’évagine comme un doigt de gant, les membranes les plus internes devenant les plus externes. L'éclatement présente plusieurs périodes qui seront étudiées suc- cessivement. LA PREMIÈRE PÉRIODE à une durée d’une minute et demie qui se décompose ainsi qu'il suit : la trompe s’évagine, son extrémité est animée d’un mouvement spirale. Après vingt secondes, le mouve- ment s'accélère, et après vingt-cinq secondes, l’évagination se fait très rapidement. L'extrémité décrit de grands arcs de cercle jus- qu’à trente-cinq secondes. Après ce moment, le mouvement tour- nant cesse et l’évagination continue seule. Après cinquante secondes, le sac se dévagine et le réservoir de second ordre se forme; le boyau spermatique est rapidement chassé dans ceréservoir. Après soixante- cinq secondes, le mouvement du boyau devient plus lent, et à qua- ire-vingt-dix secondes, le boyau tout entier est arrivé à l’extrémité de la partie dévaginée, finissant ainsi la première période. Chacune de ces différences dans le mouvement correspond à l’'évagination des différentes parties décrites. Il faut l'étudier en détail. On a vu qu’au bord oral la région supérieure de la trompe a ses membranes confondues avec la tunique de l’étui. En outre, ces membranes sont soudées à des niveaux différents, la plus interne étant la plus haute. Quand les valves s'ouvrent, c'est la membrane interne qui forme l’extrémité de la partie dévaginée. Le contenu de cette région est, comme nous l'avons dit, un cordon cylindrique formé par une substance hyaline ayant, dans son milieu, une ban- delette onduleuse très réfringente (C. A). Le cordon hyalin n'est 522 ÉMILE-G. RACOVITZA. pas entraîné par l'extrémité qui s’évagine, mais reste en arrière et s’enroule autour de la région supérieure de la trompe dévaginée à cause du mouvement en spirale qui anime cette région au moment de son évagination (fig. 7 et 8). Fixé à sa base (son sommet dans le spermatophore non éclaté) à l’une des valves, le cordon fait trois ou quatre tours, puis se divise en quelques filaments qui restent collés à la surface de la trompe. On comprend très bien, pour les autres parties, que la membrane interne devient externe, que la membrane élastique qui était moyenne reste moyenne, seulement sa face interne est maintenant externe, et enfin que la membrane externe devient la membrane interne. L'évagination de cette partie de la trompe se fait len- tement. Lorsque le retournement arrive à la région moyenne de la trompe, un changement se produit. L'évagination s'accélère et le mouvement spiral de l'extrémité augmente, La bandelette hyaline qui, vers la partie supérieure, s'est terminée avec quelques filaments, est rem- placée par la substance opaque et granuleuse (fig. 9 et 10, S: pur) qui remplit la région moyenne de la trompe. Gette substance recouvre maintenant la partie dévaginée également de tous côtés. Elle forme de petits amas arrondis, opaques, très granuleux, dis- posés suivant des cercles parallèles. Les sillons de la membrane interne se sont égalisés. La membrane élastique ne présente rien de particulier; la membrane externe non plus, mais il vient s'y ajouter une quatrième membrane : c’est la tunique interne qui, comme on le sait, ne recouvrait pas la région supérieure de la trompe. Elle forme, au moment de son apparition dans la partie dévaginée, un pli (fig. 7 et 9, P. r.) sur lequel nous aurons à revenir plus tard. Enfin s’évagine la partie inférieure de la trompe qui est carac- térisée par les plis très nombreux de sa membrane interne. À ce moment, tous les mouvements se font avec une rapidité très grande, et le mouvement tournant est devenu extrêmement marqué et rapide. Du reste, c’est à cette partie qu'on doit attribuer le NOTES DE BIOLOGIE. 023 mouvement spiral qui animait toute la trompe, mouvement qui se faisait d'autant plus sentir qu’on approchait plus de son origine. Ici, la substance granuleuse (fig. 10. S. g. 1) est remplacée par une couche extrêmement fine (fig. 10, S. g. 2), jaune brun, formée par des granulations très petites et de même calibre. Les membranes ne présentent rien de particulier. On est arrivé ainsi au sac, qui se dévagine aussi avec une rapidité extrême, mais sans mouvement en spirale. Le sac, comme on l’a vu, est rempli par une substance (que j'appellerai la masse collante, M, cl.) qui, au milieu du sac, est tournée en pas de vis. Gette sub- stance n’est pas en relation avec la substance jaune de la région inférieure de la trompe; aussi, après que la partie inférieure s’est complètement dévaginée, on voit se former une partie où la mem- brane interne (devenue externe) est lisse. Une partie du pas de vis est expulsée ensuite telle quelle (Sp. M. cl.) et reste sur les côtés du tube (fig. 7 et 10); mais la membrane interne se recouvre bientôt d’une substance granuleuse collante (fig. 10, M. cl.), qui présente des côtes circulaires et qui n’est qu’une partie du pas de vis coiffant le sac dévaginé. Les membranes sont toutes étendues en ligne droite : la membrane élastique en dessous de la membrane interne, comme la membrane externe qui est en dessous et comme la tunique interne restée toujours la plus interne. L’évagination s'arrête au fond du sac, au connectif. Dorénavant, nous n’aurons plus d’'évagi- nation, mais un simple refoulement des parties dans la partie supé- rieure de la trompe dévaginée. li ne faut pas oublier que la membrane élastique et la membrane externe ont leur origine vers le milieu du sac. Lorsque ce dernier se retourne complètement, ces deux membranes vont garder natu- rellement leur position vis-à-vis de cette partie de l’appareil éjacula- toire. Il y aura donc une partie de ce qui représente le sac dévaginé qui sera limitée seulement par la tunique interne repliée deux fois sur elle-même et par la membrane interne. C'est ce qui arrive à la partie supérieure, La moitié inférieure sera contenue aussi dans ces 524 ÉMILE-G. RACOVITZA. trois feuillets, seulement entre la membrane interne et la tunique Fig. 4. — Figure semi-schéma- tique représentant l'extrémité de la trompe à la fin de la pre- mière période de l’éjaculation du spermatophore. Cf, connectif ; À. sp. IT, réservoir sper- matique de second ordre ; B. sp, boyau spermatique ; A. 1, membrane interne ; A.m, membrane moyenne; M. e, membrane externe; 7°. i, tuni- que interne ; 2 T.1, tunique interne repliée sur elle-même ; P.7, point de rupture. interne s’intercalent ici la membrane élastique et la membrane externe. La poussée continuant à faire avan- cer le boyau spermatique, celui-ci tend à sortir complètement de la trompe et de l’étui. La membrane moyenne et la tunique externe de l’étui sont rigi- des et ne se déforment pas sous la pres- sion. La seule partie présentant une moindre résistance est l’extrémité su- périeure de la partie dévaginée entou- rée seulement de ses deux membra- C’est donc à cet endroit que se manifestera nes indéfiniment extensibles. le mouvement produit par l’impulsion de l’étui. Le boyau spermatique avec le faux boyau se plisseront, donneront des courbures, des circonvolutions, qui feront distendre cette partie supé- rieure du tube. Elle perdra sa forme cylindrique, se gonflera et prendra une forme ovalaire à section longitu- dinale elliptique; on la désignera sous le nom de réservoÿ spermatique de second ordre (fig. 4, texte, et fig. 7, planche, À. sp. I). Le mouvement de progression du boyau spermatique se fait d'abord très rapidement. Mais on comprend qu ar- rivé à une certaine limite d’extensibi- lité des membranes du réservoir sper- matique de second ordre, le mouvement doit devenir moins rapide, _ NOTES DE BIOLOGIE. 929 puisque la résistance à vaincre est plus forte. Bientôt, cependant, tout le boyau spermatique est refoulé à l’intérieur du réservoir de second ordre. C’est maintenant que commence à arriver aussi dans le réservoir le liquide qui se trouvait dans le fond du réservoir de premier ordre. L'écoulement en est décelé par de petits corpuscules qu’on voit cheminer rapidement de la cavité de l’étui dans celle du réservoir. L'’expulsion de la matière liquide est presque complète et l'on voit la cavité tapissée, comme on sait, par la membrane interne, se fermer presque complètement. Cela n'est pas dù uniquement à la contraction de la membrane de l’étui, mais à l'élargissement de la tunique moyenne. On voit, en effet, cette dernière s’élendre dès que le boyau spermatique est sorti du réservoir. Elle comprime la membrane interne et arrive bien vite à occuper presque toute la cavité de l'étui. Cet envahissement ne va pas seulement du dehors en dedans, mais aussi d’arrière en avant. La tunique moyenne, en effet, dépasse dans l’étui vide, et de beaucoup, le niveau où elle finis- sait dans l’étui plein. A la fin de cette période (fig. 4, texte), le réservoir spermatique de second ordre a une forme ovalaire qui tranche sur le reste de la trompe. Là où finit le réservoir, la trompe est cylindrique et de même calibre à peu près sur toute sa longueur jusqu'à l’étui. Cette forme cylindrique est déterminée par la membrane élastique qui n’est pas, comme nous l'avons déjà fait remarquer, déformable. SECONDE PÉRIODE. — Le liquide continuant à s'accumuler dans la partie inférieure du réservoir de second ordre, il arrive un moment où le réservoir ne peut plus se distendre. Un point de moindre résis- tance existe sur son bord postérieur. Là, en effet, se trouve le bord de la membrane élastique (membrane moyenne), qui est beaucoup plus mince que le reste de la paroi puisqu'il représente l’origine de la membrane. La pression va donc produire un plissement deice bord antérieur (fig. 5, texte). Ge plissement, très régulier, circulaire, se fait assez loin du bord antérieur du tube formé par la membrane moyenne. La pression continuant à se produire, le sommet du tube 526 ÉMILE-G. RACOVITZA. est repoussé en arrière, et bientôt on a une figure représentant un tube plié en trois. Ce phénomène ne s’est pas passé sans qu'il y ait eu contrac- ANPORE Fig. 3. — Figures semi-schématiques de la partie supérieure de la trompe dévaginée montrant deux stades du plissement de la membrane moyenne pendant la seconde période de l’éja- culation du spermatophore. Il n’a été représenté que la coupe optique d’une moitié de la paroi seulement. A. Première apparition du pli à la partie supérieure du tube formé par la membrane movenne. B. Les flancs du pli ont glissé les uns sur les autres. L'état définitif est représenté planches XX et XXI, fig. 10. M. e, membrane externe ; A7. m, membrane moyenne ; AZ. i, membrane interne; DENTS tunique interne repliée sur elle-même. tion de la paroi de la trompe. Ge rétrécissement fait que le liquide, qui était resté encore dans sa lu- mière, estrepoussé dans Le réservoir et, de là, il résulte une nouvelle poussée qui fera marcher les plis du tube l’un sur l’autre encore plus loin. Ces mouvements du tube élas- tique se manifestent à l'extérieur d’abord par une déviation du réser- voir du second ordre et ensuite par le redressement de ce dernier qui arrive à se mettre dans le prolon- gement du tube. La seconde pé- riode se termine par ce redresse- ment. Pour résumer les phénomènes qui se sont passés dans les deux pre- mières périodes, je vais décrire suc- cinctement l'aspect du spermato- phore dévaginé (fig. 7, 8, 9 et 40). L’étui, qui a gardé sa forme habi- tuelle, est maintenant surmonté d'un tube cylindrique également calibré, à peu près un tiers plus court que l’étui. Cest la trompe dévaginée. À sa suite vient une partie cylindrique dont le diamètre est plus large que celui du tube. Elle sera nommée l'appareil de déclan- chement (A. d.). A cette partie fait suite le réservoir spermatique de second ordre dont le diamètre est de quatre ou cinq fois celui du tube. NOTES DE BIOLOGIE. 527 Examinons maintenant quelle est la position des enveloppes que nous avons appris à connaître. La tunique externe ne s’est pas mo- difiée. La tunique moyenne a rempli, comme nous avons vu, presque toute la cavité de l’étui. La tunique interne part, comme toujours, du fond aboral de l’étui; mais elle a subi, cette fois, une extension énorme : elle suit tout l’axe de l’étui et elle est fortement plissée. Elle sort par l’orifice oral pour suivre l’axe de la trompe. Elle passe à travers l'appareil de déclanchement et entoure le réservoir de second ordre. C’est elle qui forme l'enveloppe la plus interne de la partie dévaginée, et, comme nous l’avons déjà dit, sur une partie de son parcours elle est double. On se rappelle, en effet, que dans le spermatophore non éclaté elle ne recouvrait que la face externe de la région inférieure et moyenne de la trompe. Cette interruption fait que, dans la partie inférieure de la nouvelle trompe qui corres - pond au tortillon ou région supérieure, de l’ancienne, la tunique interne est simple. On se rappelle aussi que, lorsque le sac s’est éva- giné, que le retournement est arrivé au conneclif, la dévagination s’est arrêtée et l’on a vu qu'il ne se produisait plus qu’un simple refoulement. C’est donc à la partie supérieure du réservoir sperma- tique de second ordre, au niveau du connectif que se produit le repliement de la tunique interne. La tunique interne est tapissée à partir du sommet oral de l'étui jusqu’au réservoir spermatique de second ordre par la membrane externe de la trompe. La membrane élastique qui vient au-dessus va aussi du bord oral jusqu’au bas du réservoir de second ordre, où elle forme les deux plissements qui constituent l'appareil de déclan- chement (4. d.). Enfin, la membrane interne du tube et du sac forme maintenant la membrane la plus externe du réservoir sper- matique de second ordre, de l'appareil de déclanchement et de la nouvelle trompe en s’arrêtant naturellement au bord oral. Sur la face externe de la membrane interne se trouvent plusieurs substances différentes déposées à des niveaux successifs. En partant du bord oral de l'étui, on rencontre d’abord le cordon cylindrique 028 ÉMILE-G. RACOVITZA. hyalin contournant la base de la nouvelle trompe sur un espace qui correspond à l’ancien tortillon ou région supérieure de la trompe. Au-dessus, il y a une couche fortement granuleuse qui recouvre l’espace formé par l’évagination de l’ancienne région moyenne de Ja trompe. Plus haut encore, un revêtement brun tapissant la sur- face de la région inférieure de l’ancienne trompe dévaginée. La membrane interne est nue autour de l'appareil de déclanchement, mais le réservoir spermatique de second ordre est recouvert par la masse collante qui était contenu dans le sac. Je dois attirer l'attention sur un point très important pour la compréhension des phénomènes ultérieurs. C’est un endroit situé dans la partie inférieure de la nouvelle trompe à peu près à l'endroit où se terminent les filaments du cordon cylindrique. On observe, en effet, un pli de l'enveloppe interne du tube. En avant, la membrane est très plissée longitudinalement. Dans le spermatophore non éclaté, cette partie correspond à l'endroit où finit la tunique interne. C'est cette membrane qui forme le pli dont il est question. J'ai déjà dit qu’elle était simple sur une partie seulement de son parcours dans le spermatophore dévaginé ; c’est aussi à cet endroit que com- mence le feuillet réfléchi de la tunique interne, ce qui est probable- ment aussi la cause du plissement qu'on observe. On nommera cet endroit le point de rupture (2. r.). TROISIÈME PÉRIODE. — Le spermatophore dévaginé dans l'état décrit reste plus de deux heures (deux ou trois) sans montrer au- cune modification. Dans le spermatophore tout à fait mür, les modifications que nous allons décrire se montrent un peu plus vite, après une demi-heure ou une heure. On voit les plis de la membrane élastique dans l'appareil de déclanchement se dé- plisser lentement, le pli le plus externe commence d’abord le mouvement, puis c’est le pli moyen. Ces mouvements sont extrème- ment lents et subissent des arrêts fréquents. En même temps la substance granuleuse (S. g. 1) se fendille et l’on remarque de véri- tables lambeaux se détachant de sa surface. Le point de la rup- NOTES DE BIOLOGIE. 929 ture (P.r.) présente aussi une modification en ce sens que le pli s'agrandit d’abord; puis il s’en forme plusieurs autres. Lorsque le pli moyen de la membrane élastique est arrivé à se détendre et que le sommet de la membrane élastique est maintenant droit, un mou- vement violent se produit. La trompe dévie fortement de côté, déta- chant ainsi le réservoir spermatique du reste de l'appareil. Pendant ce temps aussi, le tube formé par les deux feuillets de la membrane interne se casse au point de rupture et sort de la gaine formée par la membrane élastique, la membrane externe et la membrane interne. A Ja suite de cette cassure, le spermatophore est divisé en deux parties : la première (fig. 11) comprend le réservoir de second ordre enveloppé de la tunique interne qui se prolonge du côté inférieur en un long tube cylindrique et ouvert. Par-dessus se trouve la mem- brane interne, qui, en dessous du réservoir de second ordre, s’est rompue et dont le revêtement granuleux forme des lambeaux autour de l'endroit de la rupture. Dans la cavité limitée par ces mem- branes se trouvent entortillés le faux boyau au sommet, le boyau spermatique venant après, tous les deux enveloppés de leurs mem- branes propres. La seconde partie est formée par l’étui, par la nouvelle trompe et par l'appareil de déclanchement, moins une grande partie de la tunique interne. On trouve, en effet, attachés à l’étui la membrane interne et son revêtement fendillés, la membrane élastique très évasée du côté supérieur, correspondant aux anciens plissements, la membrane externe et une portion de la tunique interne jusqu'à l'endroit de la rupture. QUATRIÈME PÉRIODE, — La quatrième période commence immédia= tement après l’'accomplissement de la rupture. On voit la mem- brane propre du boyau spermatique se sonfler et crever. Les spermatozoïdes mis en liberté s'engagent dans le canal du tube cylindrique et sortent à l'extérieur. Ce qui est remarquable, c’est la lenteur avec laquelle se fait la ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉNe=» 30 SÉRIE, — Te Il. 1894. 34 530 ÉMILE-G. RACOVITZA. sortie des spermatozoïdes. On les voit se suivant à la file par rangées de deux ou trois. La sortie n’est pas due exclusivement au mou- vement propre des spermatozoïdes, car on voit en même temps sortir un liquide qui paraît les entrainer. El faut probablement attri- buer cette expulsion lente des spermatozoïdes à une contraction des enveloppes du réservoir spermatique. Quelle est l'utilité des quatre périodes dans l'éclatement du sper- matophore ? Ce qui sera dit à propos de la fécondation de la Æossia Loxplique jusqu'à un certain point. Le mâle doit déposer les sper- matophores dans les plis qui entourent l'orifice de l’oviducte. Là, ces appareils éclatent. La première période, qui consiste dans la sortie du réservoir spermalique, doit servir à introduire ce dernier sous la peau des plis. Gette introduction, j'ai vainement essayé de la répéter expérimentalement en faisani éclater des spermatophores dans un pli de la peau de ces animaux. Pourtant le fait est incontes- table. Le réservoir de second ordre est enfoncé complètement sous la peau de la femelle, Une fois la première période accomplie, la sui- vante n’a pour but que de faire un orifice dans cet étui fermé de tous côtés. Le déclanchement de troisième ordre, en débarrassant la femelle de l’étui et de l'appareil éjaculateur permet en même temps aux spermatozoïdes de sortir, ce qui se produit, en effet, après la quatrième période. Les spermatozoïdes se trouvent donc mis en liberté et sont constamment chassés dans la cavité palléale de la femelle. V. AIRE COPULATRICE ET FÉCONDATION. Owen!, qui s’est occupé le premier, au point de vue anatomique, des Æossia, indique simplement l'emplacement de l'orifice de Fovi- ducte sans mentionner les formations qui l’entourent. Après lui, Brock ? parle encore de l'orifice, mais sans donner des 1 Owen, Art. Cephalopoda, in Tod’s Cyclopedia, vol le, p. 5bm 2 Brock, Zur analomie und Entwickelungsgeschichie der Cephalopoden. I. Uber den NOTES DE BIOLOGIE. d31 détails. « Son orifice, dit-il, est une fente longitudinale qui res- semble à celle du Logo. La dernière partie de loviducte proémine librement à la surface de la masse viscérale. » Korschelt ! indique, d’après une communication verbale de von Maehrenthal, l'existence d’une dispo- sition se rapportant à la fécondation. « La femelle de Æossia possède, à côté de l'ovi- ducte, un champ bien limité pour la fixation des spermatophores. » La nécessité d’une description plus approfondie s'impose donc. L'orifice de l’oviducte (fig. 6, o) se trouve situé entre le pore rénal (or.) et la base de la branchie (br.}, à une certaine distance en arrière de l'anus, dans la moitié gauche de la cavité palléale. Il débouche sur le côté Fig. 6. — Région anté- rieure de la moitié gau- che de la cavité palléale plus de 4 centimètre de hauteur. Il a la d’une Rossia macrosoma femelle X 2. d’une papille conique proéminente ayant forme de fente allongée regardant en arrière. a, anus : b, glande nidamentaire accessoire; €, glande nidamen- Chez les femellesen étatde maturité sexuelle taire : 0. oriñce de l'oviduete : pi, plis entourant l'oviducte ; avancée, on trouve autour de l’orifice des or, Griice du rein ; ür, bran« plis (pl.) qui occupent une aire non exac- tement délimitée comme le veut von Maehrenthal. Ce sont des plis qui se coupent en angles plus ou moins aigus, dont le sommet se trouve en arrière de l’orifice et dont l’ouverture regarde en avant. Ces plis limitent des sillons assez profonds et sont plus nombreux _du côté externe que du côté interne. Ils ne s’étendent pas beau- coup en arrière de l’orifice; mais, en avant, ils arrivent le long du tractus qui unit la paroi de la cavité palléale à la paroi du corps jusqu’en face de l'anus. Le pli qui est le plus rapproché de l'orifice Bau und die Verwandschaftsverhällnisse des Genus Rossia (Ow.); Zeitschr. wiss. Zool., vol. XXXVI, 1882, p. 548, 1 KorscnezT und Heiner, Lehrbuch der vergl: Enwicklungsgeschichte der Wir= bellosen Thiere. Spezieller Theil, 1893, p. 1096. 532 ÉMILE-G. RACOVITZA. est le plus profond de tous; aussi la papille qui porte l’orifice de l'oviducte semble sortir d'une cavité très profonde. Chez les femelles jeunes, les plis n'existent pas. ils sont remplacés par de petites papilles peu saillantes, mais qui, au fur et à mesure que la maturité sexuelle avance, deviennent plus nettes, se soudeni les unes aux autres en même temps que la peau se plisse, donnant ainsi naissance aux sillons décrits plus haut. C'est sous la peau de ces plis que sont introduits les réservoirs spermatiques chez les femelles fécondées. Ce fait n'a pas échappé à Steenstrup, l'observateur bien connu; seulement, il a mal interprété les faits. En parlant de la division des Céphalopodes Myopsides * et arrivant à la caractéristique de la famille des Sepiolini, il caractérise les femelles de cette famille de la manière suivante : « Les femelles ont les parties voisines de l’orifice de l'oviducte fortement plissées et formant un vestibule infundibuliforme où les mâles déposent les masses spermatiques, qui de là passent dans l’oviducte (Rossia, Se- piola) ; ou elles n'ont pas ce vestibule et semblent recevoir directe- ment dans l’oviducte les masses spermatiques contenues dans les spermatophores, qui alors sont gigantesques (Heterotheuthis). » Comme on le verra, il ny à pas pénétration du sperme dans lovi- ducte, du moins en ce qui Concerne les deux premiers genres. Hoyle * a publié, en 1888, une note dans les Comptes rendus de l'Association britannique pour l'avancement des sciences, dont voici la traduction: « J'ai reçu de la station maritime de Granton, une fe- melle de Zossia Oweni qui avait un certain nombre de spermatophores attachés sous l'œil gauche. Ceux-ci étaient de petits corps à forme de têtard, ayant 5 millimètres de longueur environ. La tête était complè- tement enfoncée sous la peau de l'animal ; les parties grêles avaient, à la surface, l'apparence d’une touffe de poils. Le sommet de la tête 1 STEENSTRUP, Sepiadarum 0g Idiosepius to nye Slaegler af Sepiernes Familie (résumé français); Vidensk Selsk. Ote Raekke, naturvidenskabelig. 0g mathemalisk Afa., vol. I, n° 3, 1881, p. 288. 2 Hovze, Note on the Hectocotylisalion of the Cephalopoda (Rep. on the 57 metl. of Brit. Association, London, 1888, p« 768-769). NOTES DE BIOLOGIE. 533 contenait un appareil ressemblant à une valvule, dont la nature n’a pas pu être élueidée complètement. Il esi naturel de considérer comme probable, en ce qui regarde le fonctionnement de cette dis- position, que le sperme sort par la longue extrémité effilée du sper- matophore et qu’il féconde les œufs au moment de leur sortie. » C’est tout ce qu’on connaît sur la fécondation chez les AÆossia, et encore les observations de Hoyle se rapportent à un Cas anormal, comme on le verra plus bas, et que j'ai’ déjà recüfié dans une note préliminaire. Lorsqu'on ouvre une femelle fécondée (en septembre, à Banyuls), on peut voir, par transparence sous la peau des plis entourant l’ori- fice de l'oviducte, des corps blanchätres, ovoïdes, qui sont disposés irrégulièrement et plutôt par groupes. Il y en a, en général, un petit sroupe de sept ou huit un peu en arrière de l'anus, puis un paquei d’une dizaine et plus à droite de l’oviducte, ensuite plusieurs épar- pillés sans ordre sur les plis qui entourent l’orifice. Il est naturel que leur disposition peut être très variée et que je n’ai indiqué que la plus fréquente. Chacun de ces petits corps présente une forme ovoïde avec le plus grand diamètre de 2 ou 3 millimètres et un petit tube très fin, brunâtre, de 4 à 5 millimètres. Il y en a en tout une qua- rantaine environ, qui tous ont la partie ovale enfoncée complète- ment sous la peau et la partie tubulaire libre et pendant dans la cavité palléale. Ces corpuscules (pl. XX et XXI, fig. 11) et leur signi- fication ont été étudiés dans le chapitre qui traite du spermatophore, On a vu qu'ils sont composés d’une vésicule, le réservoir sperma- tique de second ordre (R. sp. 11), contenant une substance blanche formée par les spermatozoïdes, et d’un tube ouvert d'un bout qui permet à ces derniers de sortir. Le tube, comme on se rappelle, es formé par la tunique interne (f. i.) repliée sur elle-même. Ge ne sont done pas des spermatophores entiers, comme le dit Hoyle, et il 1 Racovirza, Sur l'accouplement de quelques Céphalopodes : Sepiola Rondelelii (Leach.), Rossia macrosoma (D. Ch.) et Octopus vulgaris (Lam.); in Comples rendus de l'Académie des sciences, t. CX VIII, p. 722, 1894. 034 EMILE-G, RACOVITZA. n’y a pas la moindre trace d'appareil ressemblant à une valvule, La sortie des spermatozoïdes est continue, Après la fécondation, il y a toujours des spermatozoïdes libres dans la cavité palléale des femelles. L'expérience suivante, que j'ai répétée toujours avec succès, le démontre. Une femelle fécondée est soumise à un lavage éner- gique, au moyen de jet d’eau qui est introduit dans la cavité palléale, On prend alors une goutte d’eau de cette cavité et, sous le micros- cope, on ne trouve pas de spermatozoïde. Si l’on reprend une goutte d’eau, une ou deux minutes après, on trouve toujours de nombreux spermatozoïdes qui nagent dans le liquide, Il est incontestable que la fécondation doit se faire au mo- ment où l’œuf sort de l’oviducte et pénètre dans la cavité palléale, Il n’est pas besoin de supposer, avec Steenstrup, que le sperme pé- nètre à l’intérieur de l’oviducte. Je puis confirmer l'observation de Hoyle, sur la présence de réser- voir spermatique à l’extérieur de la cavité palléale ; mais il faut bien se garder de considérer le cas comme normal. J'ai trouvé, en effet, une femelle fécondée normalement qui possédait, en outre, des réservoirs spermatiques introduits sous la peau de la face ventrale du côté gauche de la tête. Il y en avait quatre ou cinq à cet endroit. En outre, un était fixé à l’entrée de la cavité palléale et. un autre sur l'appareil de résistance, mais toujours à gauche. Une autre femelle, très jeune cette fois, en avait dix sous l’œil, du côté ventral et gauche. Ces appareils sont implantés isolément, chacun pour son propre compte. Ces observations montrent que le spermatophore introduit son réservoir à n'importe quel endroit, etrien de plus. Étant donné que l’accouplement chez la Rossia doit se passer, comme chez la Sépiole, à la suite d’une lutte, il n’est pas étonnant que le mâle ne puisse pas toujours arriver à placer le spermatophore d’une manière régu- lière. S'il était encore nécessaire de donner une raison de plus que le fait cité par Hoyle se rapporte à une anomalie, l'observation sui- NOTES DE BIOLOGIE, 530 vante fournirait une preuve convaincante à elle seule. J'ai trouvé, en effet, un mâle qui avait des spermatophores introduits sous la peau des différentes parties du corps. Il y en avaitsur l'extrémité du bras gauche de la quatrième paire, un sur le bras droit de la troisième paire, deux sur la membrane interbrachiale reliant un bras ventral à un bras de la troisième paire. Il y en avait un du côté ventral et en dessous de l’œil, et enfin deux étaient à l'intérieur de la cavité palléale, sous la peau qui recouvre les testicules. On doit attribuer ces faits curieux à la lutte amoureuse de ce mâle avec une femelle plus forte que lui, ou avec un autre mâle. VI. RÉSUMÉ. La Rossta macrosoma vit à une certaine profondeur sur les fonds sableux, où elle s’enterre à la manière. des Sépioles. Elle se nourrit de petits Crustacés et de petits Poissons. Elle est probablement annuelle; en tout cas, elle n'a pas une vie de longue durée. Au printemps, mâle et femelle sont de petite taille, et leurs organes génitaux sont peu développés ; mais dans les mois d’août et de sep- tembre, les organes arrivent à maturité sexuelle. L'aire copulatrice de la femelle comme la glande de l’hectocotyle chez le mâle pren- nent un grand développement. Cest en ce moment qu'a lieu lac- couplement qui, étant donnée la position dorsale des hectocotyles, doit se passer comme chez la Sépiole. Les spermatophores dirigés par le pénis dans l’entonnoir pénètrent dans la cavité palléale de la femelle, probablement le long de la gouttière formée par la mem- brane recouvrante. Ils sont guidés par ce sillon jusqu’à l'aire copu- latrice où, englués par la sécrétion de la glande de l’hectocotyle, ils éclatent, introduisent l'extrémité de la trompe sous la peau et forment à cet endroit les réservoirs de second ordre.Ily à, en géné- ral, une quarantaine de ces réservoirs. On comprend que, pendant l'acte copulateur, les deux bras du mâle introduits dans la cavité palléale de la femelle doivent empè- 536 ÉMILE-G. RACOVITZA. cher d'exécuter normalement ses mouvements respiratoires. Elle doit donc violemment se débattre, comme c’est le cas pour les Sépioles. On s'explique donc très bien que certains spermatophores n'arrivent pas au but et qu'ils introduisent leur contenu autre part que sur l’aire copulatrice. L'accouplement une fois fini, le déclanchement des spermato- phores se produit, puis la rupture de la membrane du boyau sper- matique s'effectue et les spermatozoïdes sortent par le tube formé par la tunique interne. La cavité palléale contient donc toujours un certain nombre de spermatozoïdes, qui fécondent les œufs au mo- ment de leur sortie par l’oviducte. Les œufs, presque sphériques, sont déposés et collés isolément sur des supports variés, enveloppés dans une coque résistante de cou- leur jaunâtre. La glande de l’hectocotyle est formée par l’invagination de l'épi- derme des sillons qui séparent les tiges des ventouses. Cette invagi- nation devient très profonde, et les poches ainsi formées se dirigent obliquement du côté externe vers le côté interne, L'épithélium glan- dulaire n’est que de l’épiderme transformé ayant, à l’état jeune, à peu près la même constitution, mais se transformant à l’état de ma- turité sexuelle, par le rejet des cellules de soutien, en un épithélium purement glandulaire. Les cellules qui sont restées s'allongent et donnent naissance, vers leur partie libre, à des vésicules remplies de mucus, qui sont évacuées au dehors par l'éclatement de la paroi cellulaire. L'épithélium de la partie inférieure du bras subit aussi en ce moment une transformation, qui le fait ressembler à l’épithélium elandulaire des mâles non arrivés à maturité sexuelle. NOTES DE BIOLOGIE, 537 HR D IC AMIOINNUDE"S PLANCHES. PLANCHE XIX,. HECTOCOTYLE DE LA ROSSIA MACROSOMA (D. CH.). Lettres communes à toutes les figures : ce. —= Cuticule. | n.s. —= Noyaux de cellules de soutien. d. = Derme. o. gl. == Orifice de la glande de l’hecto- ep. = Épiderme. cotyle. gl. = Glande de l’hectocotyle. t. v. —= Tige des ventouses. m.m. — Masse musculaire centrale, v. = Ventouses, m.r. —= Membrane recouvrante. vs. — Vaisseaux. n. b. = Nerf brachial. x. — Vacuoles entourant les globules n. gl. = Noyaux de cellules glandulaires. de mucus. Fic. 1. (Toutes les figures ont été dessinées à la chambre claire. Fig. 1 et 2 à la chambre claire Thoma et Young; fig, 3-14, à la chambre claire Abbe. Obj. apochromat. et ob). a* de Zeiss. Immersion Pant. 2mm Leitz. Oc. comp. n° 2 et 4.) Bras droit de la première paire (hectocotyle) vu de profil par le côté externe X 2. Région moyenne du même plus grossi, vu par sa face inférieure x 6. Coupe transversale passant par le milieu du bras gauche de la quatrième paire X 22. Coupe transversale passant par le milieu du bras gauche de la première paire d’un jeune mâle X 22. . Coupe transversale passant par le milieu du bras droit de la première paire d’un mâle adulte X 22. Autre coupe transversale du même x 22. Coupe horizontale de la partie moyenne du bras gauche de la première paire d'un mâle x 22. . Autre coupe horizontale passant un peu plus bas x 22. . Photogramme représentant une coupe longitudinale de la région moyenne du bras gauche de la première paire d’un mâle adulte. La coupe passe du côté interne du bras, à travers la glande de l’hectocotyle X 25 en- viron. Coupe transversale de la glande de l’hectocotyle d'un jeune mâle X 1000. . Coupe transversale de la même à un grossissement plus faible pour mon- trer la disposition en rangées des noyaux X 108. . Coupe transversale de lépiderme non modifié x 1000. . Coupe transversale de la paroi de la glande de l’hectocotyle d’un mâle adulte x 500. . Fragment de la région moyenne de la trompe du spermatophore; destiné à montrer la disposition de la substance granuleuse (S. g. 1) à l’in- térieur des sillons de la membrane interne (M. i.). M.m. membrane moyenne x 220. CE C2 (e2) ÉMILE-G. RACOVITZA. PLANCHES XX ET XXI. SPERMATOPHORE DE LA ROSSIA MACROSOMA (D. CH.). Leltres communes à loutes les figures : À. d, = Appareil de déclanchement. Ap. éj. = Appareil éjaculatoire, B. sp. — Boyau spermatique. Cf. = Connectif. C. h. = Cordon eylindrique hyalin. E. = Étui. Ex. ab. — Extrémité aborale. Ex. o. = Extrémité orale. F. b. — Faux boyaux. F. d. r. = Fond du réservoir. F. 19. = Filament de la ligature. L, = Ligaiure. M. e. — Membrane externe. M. m. —= Membrane moyenne. M. i. — Membrane interne. A. e. + T.i. = Membrane externe acco- lée à la tunique interne. M.e. +9T.i. = Membrane externe acco- jée à la tunique interne repliée sur elle- mème, M. cl. — Masse colante. M. lg. = Membrane de la ligature. P, r.= Point de rupture. R, sp. = Réservoir spermatique. R. sp. II. = Réservoir spermalique de second ordre. S, == DAt. S 4. — Substance granuleuse, . 2. — Substance granuleuse à gra- nules égaux. , Sp. M. cl. = Portion spirale de la masse colante. T.e. — Tunique externe. T. m. — Tunique moyenne. T.i. — Tunique interne. Tort. = Tortillon, V.t.=—= Filament et vésicule terminale du boyau spermatique. VV”. = Valves du bord oral. (Toutes les figures ont été dessinées avec la chambre claire Abbe sur des spermatophores frais. Objectif apochromat. 16m ef obj. : a Zeiss. Oculaires compensateurs 2 et 4). Spermalophore avant l’éjaculation. Fia. 4. Vue d’ensemble d’un spermatophore âu moment où il est retiré de la poche de Needham. Le filament de la ligature (F. 1g) est déroulé et la membrane de la ligature (M. lg.) commence à se rabattre X 12. 19 . Extrémité contournée en spirale du filament de la ligature X 54. 3. Région du faux boyau et du sac. Cette figure est destinée à montrer la disposition du connectif (Cf.) et l’origine de la membrane moyenne (M. m.) et externe (M. e.) x 54. 4, Fragment de la partie supérieure du sac (S.), région inférieure et partie inférieure de la région moyenne de la trompe. La tunique externe de l’étui (T..e. sur la figure précédente) n’a pas été représentée x 54. 5. Extrémité orale du spermatophbore comprenant la région supérieure et une partie de la région moyenne de la trompe. La figure montre Îles détails de la Ligature et la terminaison de la tunique interne (7. &.) X 54. 6. Extrémité orale d’un spermatophore coupé en deux. Le tortllon s'est déroulé, ce qui permet de voir comment les différentes membranes de la trompe se relient à la tunique externe de l’étui (T. e.) X 54. NOTES DE BIOLOGIE, 539 Spermalophore après la seconde période d'éjaculation. Fic, 7. Vue d'ensemble d'un spermatophore après la seconde période de l’éjacu- lation. Tout l'appareil a été recourbé pour la commodité du dessin. En réalité, l'étui comme la partie dévaginée ne sont que légèrement cour- bés en arc de cercle x 15. ge. Extrémité orale de l'étui vide avec une partie de la région supérieure de la trompe dévaginée. Cette figure montre la disposition des valves (V. V' de l’étui et du cordon hyalin (C. h.) x 54. 9, Portion de la trompe dévaginée formée par la partie supérieure de la région supérieure et par la partie inférieure de la région moyenne de la trompe. Cette figure montre la disposition du point de rupture (P. Fe). la terminaison du cordon hyalin (C.h.) et l'apparence de la substance granuleuse (S. g. 1) X 54. 10. Portion de la trompe dévaginée formée par la partie supérieure de la région moyenne de la trompe, par la région inférieure de la trompe, par l’appareil de déclanchement (4. d.) et par la partie inférieure du réservoir spermatique de second ordre. La figure montre la disposition de la substance granuleuse (S. g. 1), de la substance granuleuse à grains égaux (S. g.2). Elle montre en détail la structure de l'appareil de dé- clanchement et la manière dont est distribuée la masse colante (M. cl.) et sa portion spirale (Sp. M. cl.) à la surface du réservoir spermatique de second ordre (R. sp. Il) x 54. Al. Réservoir spermatique de second ordre pourvu de son long tube, tel qu’il se présente après la troisième période d’éjaculation X 54, NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES PAR P. THÉLOHAN ! Ï. DIFFÉRENCIATIONS DU PROTOPLASMA CHEZ LES COCCIDIES. L'aptitude à donner naissance, par différenciation de certaines de ses parties, à des substances particulières, ayant la signification de réserves nutritives, constitue l’une des propriétés les plus générales du protoplasma. C’est en même temps l’un des phénomènes les plus remarquables de la physiologie de la cellule, en raison de la diver- sité que montrent ces substances dans leur constitution chimique comme dans leurs caractères physiques. Chez certains organismes unicellulaires, cette faculté se manifeste avec une intensité toute spéciale, et, à un moment donné de leur existence, on trouve leur protoplasma littéralement bourré de maté- riaux de réserve. C'est en particulier le cas pour les Sporozoaires du groupe des Grégarines. Chez eux, en effet, les spores se forment à l'intérieur 1 Dravail du laboratoire de M. le professeur Balbiani, au Collège de France. La plupart des observations relatées dans ce mémoire ont élé faites à l’aide de matériaux recueillis pendant mon séjour aux laboratoires de Roscoff en 1892, et de Banyuls en 1893. Je prie M. le professeur H. de Lacaze-Duthiers de vouloir bien agréer mes respectueux remerciements pour la bienveillance avec Jaquelle il m'a accueilli dans ces stations. 549 P. THÉLOHAN. d'un kyste dont l'enveloppe épaisse et résistante oppose un obstacle infranchissable aux échanges nutritifs; l'organisme, ainsi isolé, doit nécessairement trouver en lui-même les ressources plastiques néces- saires à l’accomplissement des phénomènes compliqués de la spo- rulation. Dans les Grégarines proprement dites, ces substances de réserve ont été étudiées par un grand nombre d'auteurs, et l’on possède actuellement, à leur sujet, des notions assez précises. On peut en distinguer de plusieurs sortes, Les unes, de beaucoup les plus répandues, se montrent dans l’en- toplasma sous forme de granules réfringents, de taille assez variable et de forme le plus souvent ovalaire ou arrondie. Ces granules ont été considérés d’abord par Henle (6) comme des corpuscules cal- caires, puis par Stein (23), comme étant de nature graisseuse. Dans ces derniers temps, leur étude a été reprise par plusieurs observa- teurs, entre autres par Bütschli (2, 3), Maupas (44), Schneider (20), Henneguy (S), Frenzel (6), Léger (42). Il paraît maintenant bien établi qu’ils sont formés d’une substance amyloïde particulière, voisine de l’amidon et du glycogène, d’où les noms de paraglycogène et de zooamylum qui lui ont été appliqués, le premier par Bütschli (8), le second par Maupas (44). Examinés dans la lumière polarisée, les nicols croisés, ces gra- rules présentent une croix de polarisation analogue à celle de l’ami- don végétal. En présence de l’iode, ils prennent une coloration jaune brunâtre, qui vire au violacé quand on ajoute de l'acide sulfurique dilué. L’acide acétique pur et les acides minéraux faibles, l’alcool, l’éther, ne les dissolvent pas ; ils sont au contraire solubles dans la potasse en solution étendue et dans les acides minéraux con- centrés. M. Henneguy, chez le Monocystis agilis (8), a constaté que ces corps amylacés présentent une croix brillante visible sans l'emploi de la lumière polarisée. Des faits qu’il a observés, en particulier sur q ) NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 343 des préparations colorées au violet de gentiane d'après la méthode d’Ehrlich, 1l conclut que cet aspect tient à la structure même de ces corps. Leur partie axiale, qui correspond à la croix, est sans doute formée d’une substance plus condensée, se laissant moins facilement pénétrer par les réactifs que celle qui constitue le reste des grains. | Frenzel (6) a fait, sur la microchimie des Grégarines, un grand nombre d’intéressantes observations que je ne puis citer ici. Je rap- pellerai seulement, à propos des corps amylacés, qu'il a constaté que ces éléments peuvent parfois (Pyxinia cristalligera) renfermer, au lieu de paraglycogène proprement dit, une substance très voisine, mais présentant certaines réactions spéciales, et qu'il désigne sous le nom de pyxinine. D’autres productions, différentes au point de vue chimique, et probablement de nature albuminoïde, ont été signalées par Schnei- der (20) dans le deutomérite de la Clepsidrina granulosa, et dési- gnées par cet auteur sous le nom d’inclusions. Elles consistent en globules colorables par le carmin. Léger (42) les a retrouvées chez le Didymophies gigantea, etc. Il a de plus constaté, dans l’ento- cyte de certaines espèces, des éléments dont la nature el le rôle ne paraissent pas très nettement établis : cristalloïdes du Didymophies gigantea, corps énigmatiques de la Sicya inopinata, elc. Chez les Coccidies, les substances qu'on trouve dans le proto- plasma, au moment de l’enkystement, ont été beaucoup moins étudiées et sont encore très mal connues. C’est ce qui m'a décidé à signaler ici les observations malheureusement très incomplètes que j'ai pu faire à ce sujet chez quelques Coccidium vivant en parasites chez divers Poissons. : Parmi ces organismes, quelques-uns constituent des espèces nou- velles dont on trouvera la description à la fin de ce travail. Pour le moment, je ne m'occuperai que des différenciations protoplasmi- ques que j'ai pu étudier, soit dans ces espèces elles-mêmes, soit dans d’autres espèces du même genre. 044 P. THÉLOHAN. Chez les Coccidies tout à fait jeunes, comme d’ailleurs chez les Grégarines pendant les premiers temps de leur développement, le protoplasma montre une structure absolument homogène ; il es très finement granuleux et laisse voir le noyau avec une grande netteté. A mesure que l'organisme se développe, on voit son aspect Se modifier, et quand il a atteint sa taille définitive, il se présente sous forme d’une masse protoplasmique dans laquelle on peut rencontrer des formations de caractères différents que nous allons successive- ment passer en revue. Les plus répandues de ces formations, dont la présence est à peu près constante dans toutes les espèces de Goccidies, consistent en granules assez gros, réfringents, ordinairement arrondis Ou un peu ovalaires et dont le protoplasma est littéralement bourré, au point que leur présence constitue un obstacle très gènant pour l’observa- tion du noyau. i Ces granules apparaissent de très bonne heure chez les jeunes individus. À la fin de la croissance, au moment où va se produire l’enkystement, ils sont extrèmement nombreux. Ils persistent lors- que la masse protoplasmique se rétracte vers le centre du kyste, phénomène qui marque, COMME on le sait, le début de la sporula- tion. Ces éléments se retrouvent dans les sporoblastes et ne dispa- raissent qu'au moment de la formation des corps falciformes, comme Schneider l'avait déjà indiqué et comme j'ai pu l’observer moi-même chez le C'occidium gasterostei (24). On voit alors apparaître autour de chaque noyau une petite zone claire, constituée par un protoplasma très finement granuleux ; cette zone augmentant peu à peu par suite de la disparition des granules voisins, chaque noyau est bientôt entouré d’une petite masse piriforme de protoplasma à très fines granulations, qui représente le rudiment d’un corps falei- forme ; à mesure que ceux-ci s’accroissent, on voit diminuer Île nombre des granules réfringents. Dans la spore müûre, on n’observe plus trace de ces derniers el les corps falciformes occupent à eux æ NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 545 seuls la cavité de l’enveloppe (Coccidium gasterostei, C. minutum). Dans d’autres cas, ils y sont accompagnés par une partie du Spo- roblaste non employée à leur formation (Coccidium cruciatum, C. cristalloides, etc.). Ce résidu, désigné par Rieck (49) sous le nom de reliquat de diffé- renciation, ne tarde pas à subir une sorte de dégénérescence, et dans la spore müre il se montre, quand il existe, avec des caractères qui ne rappellent en rien ceux des granules primitifs. Dans les deux Coccidium que je viens de citer, par exemple, il est représenté par de gros globules qui offrent une réfringence bien plus considérable et qui sont solubles dans l'alcool, les essences, etc., contrairement à ce qui a lieu, comme nous le verrons, pour les granules que nous étudions. Ceux-ci disparaissent donc pendant la formation des corps falci- formes absolument comme on voit disparaître les granulations vitel- lines d’un œuf pendant la formation de l'embryon, ou encore les grains d’aleurone ou d'amidon dans les cotylédons d’un haricot ou d’un gland au moment de la germination de ces graines. _ En présence de ce fait et quand on a pu suivre aussi nettement que je l'ai fait dans le Coccidium gasterostei la destruction graduelle de ces granules pendant la croissance des corps falciformes, il ne semble guère possible de voir en eux autre chose qu’une réserve nutritive. Partant de cette idée et me fondant surtout sur le rôle important qu’ils paraissent remplir dans la formation des sporozoïtes, j'ai pro- posé, dans une note antérieure (26), de les désigner sous le nom de granules plastiques, qui rappelle leur signification physiologique sans rien préjuger de leur nature chimique, que je n'ai malheureuse- ment pas réussi à déterminer exactement. Ces éléments sont connus depuis longtemps, et tous les auteurs ont signalé leur présence ; mais aucun d'eux n’en a fait l’objet d’une étude spéciale. Mingazzini (45) a bien décrit leur situation dans les mailles d'un ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 3° SÉRIE, = T, il, 1894. 39 546 | P. THÉLOHAN. réseau protoplasmique chez la Cretya neapolitana' Ming. Mais si la description de l’auteur est parfaitement exacte, les termes dont il fait usage ne me semblent pas à l'abri de tout reproche. Il considère, en effet, tout le contenu du kyste comme constitué par du proto- plasma, dans lequel il distingue le métaplasma, formant le réticulum dans les mailles duquel sont logés les granules plastiques, dont il désigne l’ensemble sous le nom d’endoplasma. Or, ces dénominations sont couramment employées dans une acception toute différente. Le mot d’endoplasma sert à désigner la partie centrale du corps protoplasmique de certains Protozoaires, par opposition à la couche superficielle ou ectoplasma (4). De même, l'expression de méfa- plasma, qui a servi à désigner certaines parties constituantes des cellules, est, pour certains auteurs, synonyme d’endoplasma, Outre l'inconvénient qui résulte ici du sens impropre dans lequel sont pris ces termes, ils ont le désavantage de donner une idée fausse de la constitution du protoplasma des Coccidies. Il ne faut, en effet, je crois, considérer chez elles, comme appartenant au protoplasma proprement dit, que la substance du reticulum. Les granules con- tenus dans les mailles de ce dernier résultent d’une différenciation du protoplasma ; ils ont perdu les caractères propres de ce dernier et ne peuvent plus être regardés comme lui appartenant, pas plus qu'on ne considère les grains d' aleurone ou les orains d’amidon comme faisant partie des éléments constitutifs du protoplasma des cellules qui les ont produits. Le protoplasma de la Coccidie se montre, dans les individus jeunes, absolument homogène. Plus tard, il s’y produit des différen- ciations qui donnent naissance aux granules plastiques par un pro: cessus dont le mécanisme intime nous est encore inconnu. | Ces éléments, une fois formés, se trouvent logés dans des cavités creusées au sein du protoplasma primitif; celui-ci, refoulé à leur périphérie, ne persiste que dans leurs intervalles avec ses propriétés 1 M. Mingazzini ayant eu l’amabilité de me faire parvenir des exemplaires de cet intéressant parasite, je le prie de recevoir ici mes meilleurs remerciements. NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 541 caractéristiques et revêt ainsi la disposition réticulée qu'on observe chez l'organisme adulte, où il constitue une sorte de gangue dans laquelle sont enchâssés les granules. C'est là, d’ailleurs, comme on le sait, un processus extrêmement répandu et signalé dès 1844 par Hugo Moll dans Îles cellules végé- tales (47). | Le reticulum seul représente donc le protoplasma cellulaire de la Coccidie, et c’est à lui qu’il convient de réserver cette dénomination, tandis que les granules plastiques rentrent dans la catégorie des productions désignées par certains auteurs, el entre autres par Car- noY, sous le nom d’enclaves (5, p. 197). Plus récemment, Labbé (40, 24), dans sesintéressantes recherches sur les Coccidies des Oiseaux et de Cestudo europæa, a constaté que ces granules présentent plusieurs des réactions des a-granules d'Ebhrlich. J'arrive maintenant aux résultats de mes propres observations. Parvenus au terme de leur développement, tous les Coccidium que j'ai pu étudier ont leur protoplasma rempli de oranules plastiques. Ils se montrent sous forme de petits corpuscules sphériques, de dimensions égales et doués d’une réfringence assez considérable qui donne au parasite un aspect tout spécial (fig. 9). Leur volume présente, dans chaque individu, une remarquable uniformité et semble à peu près constant pour chaque espèce. Chez certains Coccidium, ils sont un peu plus gros (C. cristalloides) que chez d’autres (C. minutum, C. gasterostei), mais ces variations sont peu marquées. Contrairement à mon attente, je les ai trouvés sans action sur la lumière polarisée. De même, mis en présence de l’iode, ils ne pren- nent qu’une teinte jaune analogue à celle du protoplasma et jamais une teinte vineuse comme les corps amylacés des Grégarines ; l'ad- dition d’acide sulfurique n’amène aucun changement dans leur colo- ration. Ils ne sont pas solubles dans les acides dilués, non plus que dans la potasse ou l’ammoniaque en solutions faibles. D48 P. THÉLOHAN. L'étude de Coccidies comprises dans des coupes des organes infestés permet de constater quelques détails intéressants. On voit d’abord que leur aspect varie suivant le mode de fixation employé. Après l'action des liquides de Flemming ou de Pereny, on les retrouve très bien conservés et n'ayant presque rien perdu de leur réfringence (fig. 6, 11, 20). Cette dernière se montre, au contraire, très diminuée, après fixa- tion par le sublimé, et les granules sont beaucoup moins distincts ; quelquefois même ils semblent avoir complètement disparu. En revanche, cette méthode permet de voir plus nettement le proto- plasma finement granuleux dans lequel ils sont plongés et rend le noyau bien plus facile à mettre en évidence (fig. 7). Quel que soit le réactif fixateur employé, les granules plastiques se montrent absolument réfractaires à l’action colorante du carmin et de l’hématoxyline. Ils manifestent, au contraire, une assez grande affinité pour les couleurs basiques d’aniline usitées pour les colorations nucléaires. Cette affinité semble plus marquée après le liquide de Flemming. Les granules sont d’abord colorés uniformément et d’une façon assez intense. Si l’on enlève, suivant le procédé ordinaire, l'excès de matière colorante à l’aide de l'alcool et de l'essence de girofle, el qu’on pousse assez loin la décoloration, on arrive, chez certaines espèces, à n’avoir plus qu'un petit point coloré au centre de chaque granule : Coccidium cristalloides (fig. 6). J'étais d’abord assez disposé à voir seulement en ce fait le résultat d’un retard dans la décoloration, dû à une pénétration tardive des réactifs dans la partie centrale de la petite sphère. Mais j'ai dû abandonner cette idée, et je crois que cette coloration élective du petit point central est en rapport avec l'existence, dans le granule, d’une région dont la constitution diffère de celle du reste de sa masse. 4 En effet, chez le Coccidium clupearum j'ai retrouvé, dans les gra- nules plastiques, un petit point coloré identique ; mais, au lieu d’oc- NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 549 cuper leur centre, il est placé latéralement, tout près de la surface (fig. 17). On ne peut évidemment ici mettre la persistance de la coloration sur le compte de Pobstacle apporté par les couches péri- phériques à la pénétration des réactifs. [1 faut donc admettre que la substance du granule présente, à ce niveau, une constitution particulière. On peut rapprocher ce fait de l'observation de M. Henneguy, relativement aux grains amylacés du Monocystis, dans lesquels il a vu le violet de gentiane se fixer avec plus de ténacité sur la partie axiale. Seulement, ici, la région colorée est punctiforme, au lieu d’être cruciale comme dans le Monocystis ; de plus, on l’obtient non seulement par le violet de gentiane, mais aussi par la safranine, la rubine et le bleu de méthylène. J'ai constaté cette existence d’un point colorable dans les granules plastiques chez Coccidium cristalloïdes, C. variabile et C. clupearum. Cette disposition semble donc assez répandue ; cependant, elle n’est pas absolument constante ; dans le Coccidium gasteroster, par exemple, je n’ai pu la mettre en évidence, et j'ai seulement observé dans les granules une sorte de pointillé colorable (fig. 18). En somme, on voit que les granules plastiques des Coccidies, s’ils sont, au point de vue physiologique, analogues aux COFpS amylacés des Grégarines, diffèrent de ceux-ci par leur nature chimique ; mal- heureusement, les observations qui précèdent ne permettent pas de déterminer celle-ci avec exactitude. Outre les éléments que je viens d'étudier, on rencontre, dans le protoplasma de certaines Coccidies, des formations d'aspect différent, qui se présentent sous forme de globules de dimensions variables, et sont caractérisées par leur affinité pour le carmin et les couleurs d’aniline, tandis que l’hématoxyline es absolument sans action sur elles. J'ai déjà signalé la présence de globules semblables dans les spo- rozoïtes du Coccidium gasterostei (24). Dans Île Coccidiunr minutum, j'ai observé de petils grains colorables de même nature (25). Mais c’est dans le Coccidium cristalloïdes que ces productions attei- 500 P. THÉLOHAN. enent le plus grand développement. Si l’on examine, à l'état frais, des individus de ce parasite parvenus à peu près au terme de leur croissance ou venant de s'enkyster, on aperçoit immédiatement dans leur protoplasma, à côté des granules plastiques, un nombre variable de globules extrêmement réfringents, rappelant l'aspect de globules graisseux (fig. 5). Leur nombre peut varier de trois à seize; leurs dimensions, tou- jours supérieures à celles des granules plastiques, semblent en raison inverse de leur nombre ; l’ammoniaque les dissout très rapidement, Is ne renferment point de graisse ; l'acide osmique ne les colore pas en noir et, quel que soit le fixateur employé, on les retrouve dans les coupes après inclusion dans la paraffine et passage dans l'alcool absolu et les essences, qui, comme on le sait, font dispa- raître des tissus toutesles substances grasses, à moins qu’elles n'aient été fixées par l'acide osmique. Comme je l’ai déjà indiqué, dans les préparations colorées à l’hé- matoxyline, ces globules restent complètement incolores (fig. 7). Au contraire, ils fixent avec intensité le carmin et les couleurs d’aniline, rubine, safranine, violet de gentiane, bleu de méthylène (fig. 6), pour lesquels ils montrent une affinité souvent supérieure à celle des noyaux cellulaires. Dans le protoplasma du Coccidium gasterostei, j'ai observé, chez certains individus, de petits globules colorables par le carmin et les couleurs d’aniline, qui sont peut-être de même nature. N'ayant pas eu l’occasion de les étudier dans des préparations colorées à l’héma- toxyline, je ne saurais dire avec certitude s'ils doivent être rangés à cÔLé de ceux du Coccidium cristalloides ou, au contraire, être rap- portés aux granules chromatoëdes de M. Labbé (40). Ces derniers constituent une troisième catégorie de productions du protoplasma des Cocecidies. | Contrairement aux précédents, ils sont toujours plus petits que les granules plastiques et sont caractérisés par leur affinité pour l'hématoxyline ; ils se colorent, d’ailleurs, également par le carmin, NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 5o1 la satranine, ete. Je ne les ai pas observés chez les Coccidies des Poissons. Comme le fait, d’ailleurs, remarquer Labbé, ils sont sur- tout répandus chez les Goccidies des Vertébrés supérieurs, Cet auteur les a mentionnés dans plusieurs espèces: Diplospora, C'occidium tenellum, C. viride, C. Delagei, €. perforans, etc. Je les ai retrouvés en très grande quantité chez ce dernier, pendant les phases intracellulaires. D'après Schneider (24), ce sont ces granules que Pfeiffer a pris pour des noyaux dans sa description du développement de ses Schwærmercysten (48). Le savant professeur de Poitiers les regarde comme des albumi- noïdes de réserve et les compare aux granules colorables par le car- min, qu'il a signalés depuis longtemps chez l'£imeria nepæ (22). J'avais moi-même rapproché de ces derniers les globules dont jai parlé précédemment et qui s’observent dans les sporozoïtes du Coc- cidium gasterostei et surtout dans le C. cristalloides. On à vu que ceux-ci diffèrent des granules chromatoïdes par leur taille plus con- sidérable et surtout par ce fait qu'ils ne sont pas colorables par l'hématoxyline. Par leurs dimensions, les globules de l'£Zimeria nepæ semblent plutôt analogues à ceux du Coccidium cristalloïdes. Malheureuse- ment, Schneider ne dit rien de la façon dont ils se comportent vis- à-vis de l’hématoxyline, et de nouvelles recherches seraient néces- saires pour savoir à quelle catégorie de globules il convient de rattacher ces productions. La présence de matières grasses semble excessivement rare dans le protoplasma des Coccidies. Je n'en ai, pour ma part, observé que chez le Coccidium gasterostei, où elles se montrent sous forme de petits globules noircissant fortement par l'acide osmique et qui ne se rencontrent que chez un assez petit nombre d'individus. Je parle ici, bien entendu, des Goccidies normales et non des kystes, plus ou moins altérés, qu'on trouve parfois el dont le con- tenu, tombé en dégénérescence, peut présenter des globules de 202 P. THÉLOHAN. graisse plus ou moins volumineux. Ces altérations ont été signalées par Rieck (49, p. 58) et par M. Malassez (13). Par suite de la production dans leur protoplasma de ces réserves nutritives, les Coccidies arrivées à maturité présentent une consti- tution qu’on peut rapprocher de celle de certains œufs de Méta- ZOoaires. Comme ces derniers, elles consistent d’abord en une petite masse de protoplasma homogène, pourvue d’un noyau qui rappelle tout à fait l’état primitif de l’œuf désigné par M. Henneguy sous le nom d’oocyte (9). Plus tard, leur structure devient comparable à celle d’un métoo- cyte, quand ont pris naissance les éléments de réserve. En partant de cette idée, on pourrait appliquer à l’ensemble de ces derniers le nom de deutoplasme, employé par Van Beneden pour désigner le vitellus nutritif et comparer les Coccidies à un œuf homolécithe. Cette analogie de constitution entre la cellule coccidienne et l'œuf a été, je crois, indiquée pour la première fois par P. Mingazzaini, en 1890. « Le protoplasma d’une Coccidie est, dit-il, composé comme celui d'un œuf de Métazoaire, c’est-à-dire d’un élément formatif et d'un élément nutritif, le premier représenté par le reticulum proto- plasmique, dans les mailles duquel sont compris les globules réfrin- gents du second (45, p. 152). » Ce rapprochement entre deux choses aussi différentes qu'un œuf et une Coccidie est évidemment tout à fait artificiel ; il me semble, néanmoins, parfaitement légitime et a le mérite de bien faire com- prendre la signification physiologique des'diverses parties qui com- posent la masse protoplasmique du parasite. Mais il serait, je crois, hasardeux, après avoir constaté cette iden- tité de constitution, de vouloir rechercher des analogies d’un ordre différent et, pour ainsi dire, plus intime entre des éléments aussi dissemblables d’origine et de nature que l'œuf des Métazoaires et les organismes que nous étudions. Aussi, malgré ce qu'il y a d'ingénieux et de séduisant dans la ma- NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. D93 nière de voir de M. Labhé (44), qui assimile la division d’une Coc- cidie au moment de la sporulation aux phénomènes de la segmen- tation de l'œuf, cette comparaison me semble passible de certaines objections que je demande la permission d'exposer brièvement RCI M. le professeur Balbiani, dans ses Leçons sur les Sporozoaires (4), avait comparé l'aspect de certains kystes de Grégarines, au début de la sporulation, à celui d’un œuf d'Insecte au moment de la forma- tion du blastoderme. Dans son étude sur le Wonocystis du Lombric, M. Henneguy (8) a constaté que, dans le kyste, à la suite de divisions successives du noyau, on observe un grand nombre d'éléments nu- cléaires qui émigrent à la périphérie; puis chacun d’eux s’entourant d’une pelite quantité de protoplasma, la surface du kyste est bientôt recouverte d’une couche de petites cellules qui, plus tard, donne- ront les spores. À ce moment, le kyste présente, en effet, une grande analogie d'aspect avec un œuf d'Insecte entouré d’une couche blas- todermique. M. Labbé, comparant la sporulation des Goccidies à la segmenta- tion de l'œuf, est allé beaucoup plus loin et n’admet pas seulement une ressemblance extérieure dans le résultat des deux processus, mais une identité complète dans leur mécanisme. On sait que, chez certaines Coccidies (Coccidium oviforme, C. gas- terostei, C. variabile, cristalloïdes, etc.), la masse protoplasmique, après s'être rétractée vers le centre du kyste, se divise tout entière en quatre parties égales ou sporoblastes, dont chacune donnera une spore. Dans d’autres espèces, au contraire (Coccidium perforans Leuck., C. proprium Schn., €. Delagei Labbé), la division donne cinq masses protoplasmiques, dont quatre sporoblastes ; la cin- quième, dépourvue de noyau et restant inemployée, a reçu de Rieck le nom de reliquat de segmentation. Dans d’autres cas, enfin (Zimeria), où il n’y à pas formation de spores distinctes à l’intérieur du kyste, les corps falciformes pren- nent naissance par une sorte de gemmation, à la surface de la masse primitive qui reste indivise, processus rappelant tout à fait, 554 P. THÉLOHAN. d'ailleurs, le mode de formation des sporozoïtes d'un Coccidium aux dépens de la substance du speroblaste. Le premier mode de sporulation représente, pour M. Labbé, la segmentation d'un œuf holoblastique. Dans le second cas, où il y a un reliquat de segmentation, la Coc- eidie est, pour lui, assimilable à un œuf télolécithe. Enfin, dans les Zimeria, on a l’analogue d’un œuf centrolécithe. M. Labbé explique ces différences par l'existence, dans la Coccidie, de deux plasmas différents, l'un formatif et l’autre nutritif, Celui-ci peut présenter une distribution variable. Tantôt il serait répandu uniformément, et alors on aurait la spo- rulation par division totale sans reliquat,. Tantôt, au contraire, il serait plus ou moins étroitement localisé, soit à l'un des pôles, ce qui amènerait la division avec reliquat de segmentation, soit au centre de la Coccidie, dans les cas de produc- tion des sporozoïtes à la surface du kyste. Cette manière de voir, qui assimile nos parasites à des œufs, non seulement au point de vue de leur constitution, mais aussi au point de vue du mécanisme de la segmentation et de l'influence de Ja première sur la seconde, est très séduisante au premier abord. Elle me semble, toutefois, encourir le reproche de n'être basée que sur une conception toute théorique de la constitution de la cel- Jule coccidienne. Que le reticulum protoplasmique de celle-ci puisse être considéré comme représentant l'élément formatif, tandis que les substances de réserve peuvent être regardées comme l'élément nutriüf, cela n’est pas douteux. Mais, dans tous les cas que j'ai observés, la Coccidie montre par- tout la même constitution, et les granules plastiques qui représen- tent la forme la plus générale et l’état le plus fréquent des réserves nutritives sont uniformément répandus dans sa masse. C'est donc à un œuf homolécithe qu’elle serait comparable. Quant à admettre qu'il existe chez certaines espèces, en des ré- NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES, shh) gions déterminées, une prépondérance de l’un ou l’autre élément, rendant possible la comparaison avec un œuf centrolécithe ou télo- lécithe, j'avoue qu’il ne me semble guère possible de voir, en cette opinion, autre chose qu’une hypothèse et une simple supposition. Pour ma part, quel que püût être le mode de sporulation des espèces que j'étudiais, je n’ai jamais constaté d’accumulation des matériaux nutritifs en un point quelconque du protoplasma; le parasite, au moment de l’enkystement, se montrait toujours sous forme d’un petit corps protoplasmique bourré de granules réfrin- gents également répartis dans sa masse, sauf au voisinage du noyau qui, comme on le sait depuis longtemps, se trouve entouré d'une zone de protoplasma finement granuleuse d’où semblent partir les travées du reticulum. Si, par exemple, on compare à ce point de vue, d’une part les kystes du C'occidium oviforme, C. gasterostei, C. cristalloides, C. va- riabile, etc., et, d'autre part, ceux des C’. perforans ou C. proprium, il est impossible de découvrir, dans la structure de leur contenu, aueune différence relativement à la distribution des granules plas- tiques, et cependant, chez les premiers, la division est totale et donne quatre sporoblastes sans trace de reliquat de segmentation, tandis que chez les autres, ce dernier atteint un volume au moins égal à celui de chacun des sporoblastes. I y a plus : après que la division a eu lieu, le reliquat de segmen- tation présente d’abord un aspect absolument analogue à celui des sporoblastes et se montre également formé d'un reticulum proto- plasmique dont les mailles renferment des granules de réserve. Seulement, privé de noyau, il ne tarde pas à entrer en dégénéres- cence. Dans ces conditions, pour expliquer les différences qu'on constate dans le mode de sporulation des Coccidies, il me semble difficile d’invoquer l'influence exercée sur le phénomène par la constitution de ces organismes, Le processus présente, il est vrai, quelques analogies avec celui 556 P. THÉLOHAN. de la segmentation de divers types d'œufs de Métazoaires; mais chez ces derniers, la variété dans la distribution de l'élément formaüf est facile à apprécier, et l’on comprend qu’elle détermine des modifica- tions dans le mécanisme de la segmentation. Chez les Coccidies, au contraire, la distinction entre une partie formative et une partie nutritive diversement localisées est purement artificielle et impos- cible à constater directement. On ne peut évidemment être amené à cette idée que par la comparaison des différents modes de division avec les divers types de segmentation des œufs, et partant on ne saurait invoquer l'influence de ce protoplasma formatif et de la variabilité hypothétique de sa distribution, pour expliquer l'exis- tence des divers modes de sporulation et assimiler leur mécanisme à celui qui régit le développement des œufs. Quant à la signification physiologique du reliquat de segmentation, quand il existe, M. Labbé (44) le considère comme constituant une réserve nutritive pour l'accroissement des spores. J'avoue que je serais très enclin à ne point lui accorder cette importance. D'abord on peut trouver les spores déjà entourées de leur enveloppe, alors que le reliquat ne présente encore que des modifications insen- sibles. De plus, même après le développement completdes spores, on voit que le reliquat, altéré et complètement modifié dans son aspect, demeure régulièrement arrondi eb semble entouré lui-même d'une mince membrane. Ces faits ne me paraissent guère plaider.en faveur du rôle nutritif de cet élément. Je eroirais plutôt qu'il ne faut voir en lui qu'une partie non em- ployée du protoplasma primilif. Comme je l'ai déjà dit, il présente d’abord une constitution très analogue à celle des sporoblastes ; mais bientôt on le voit entrer en dégénérescence, phénomène qui n’a rien de surprenant et que l'absence de noyau explique suflisam- ment. Cette dégénérescence débute par sa partie centrale, où l’on dis- tingue d’abord un espace clair; celui-ci s'accroît progressivement, les granules plastiques disparaissent peu à peu, et finalementon na NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 901 plus qu’une sphère limitée par une mince membrane et qui est remplie d'un liquide assez réfringent dans lequel flottent de fines granulations à mouvement brownien très net (Coccidium pr oprium). La dégénérescence peut se monirer plus ou moins vite; parfois l’espace clair, qui en est le premier indice, apparaît de très bonne heure, avant même que les sporoblastes soient séparés les uns des autres et du reliquat; c'est ce que M. Labhé a observé chez le Coc- cidium Delagei ; Schneider, chez le C. proprium. D’après ce que j'ai vu chez ce dernier et chez le C. perforans, le reliquat de segmenta- tion peut être encore absolument normal après que la division est déjà effectuée. Quant à déterminer les causes du non-emploi de cette portion du plasma de la Coccidie, c’est là un problème dont la solution ne me paraît pas abordable en l'état actuel de nos connaissances. En résumé : Le protoplasma des Coccidies est le siège de différenciations dont le résultat est la production de substances particulières ayant la signification de réserves nutritives et pouvant se montrer sous plusieurs formes distinctes : 1° Granules plastiques : petits corps sphériques, réfringents, dont le protoplasma est littéralement bourré à la fin du développement et dont l'existence semble constante dans toutes les espèces. Ces gra- nules, sans action sur la lumière polarisée, et différant au point de vue chimique des corps amylacés des Grégarines, présentent sou- vent un point colorable par les couleurs d’aniline ; ce point coloré est tantôt central {Coccidium cristalloides, C. vartabile), tantôt péri- phérique (C. clupearum). 90 Gros globules réfringents, de dimensions plus M ciéen a que les précédents, colorables par le carmin et les couleurs d’aniline, mais non par l’hématoxyline (Coccidtum cristalloides, sporozoïtes du C', gasteroster). 30 Granules chromatoïdes (Labbé), de très petite taille, situés super- ficiellement, caractérisés par leur affinité pour l'hématoxyline. Ils se 558 P. THÉLOHAN. colorent également par le carmin et certaines couleurs d’aniline. Ils semblent surtout répandus chez les Coccidies des Vertébrés supé- rieurs. A° Globules graisseux, qui paraissent n’exister que d’une façon très exceptionnelle ; quelques individus de Coccidium gasteroster. La sporulation peut s’effectuer de différentes manières ; quel que soit le mécanisme qu'on observe, il est impossible de le rattacher à une particularité de structure de l'organisme et surtout à une distri- bution spéciale des matières de réserve, la constitution de la cellule coccidienne affectant une identité complète dans les espèces dont le mode de sporulation est le plus différent. IT. ESPÈCES NOUVELLES. 1° Coccidium cristalloides (nov. sp.). (PL. XXII, fig. 1-7.) Cette Coccidie est très remarquable par la forme géométrique de ses spores que j'ai déjà signalée dans une note préliminaire (26). Elle est parasite chez différentes espèces du genre Motella et vit dans les parois de l'intestin et des cæcums pyloriques ; mais ces derniers organes constituent son lieu d'élection, et c’est là qu'on la rencontre le plus fréquemment et en plus grande abondance. Je l'ai observée, pour la première fois, à Roscoff, en août 1892, chez la Motella maculata et la M. tricirrata, où elle est extrèmemenké commune. Je l'ai retrouvée depuis à Concarneau, chez la Motella maculata, et à Marseille, chez la AZ. fusca. Avant d'aborder la description de la Coccidie elle-même, je dois indiquer quel est son siège exact dans la paroi du tube digestif. Elle se montre toujours dans le tissu conjonctif sous-muqueux et parli- culièrement au niveau de l’axe conjonctif des villosités, comme on le constate facilement, à première vue, sur des coupes transversales des cæcums pyloriques (fig. 1). La présence de Goccidies dans les mêmes conditions a déjà été NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. D99 signalée par Mingazzini (46) dans le tube digestif du Spiyræna vul- garis (Cretya neapolitana Ming.) et dans celui des Géphalopodes (Benedenia octopiana Schn.). Le parasite occupe-t-il d’abord une cellule conjonctive ou se développe-t-il simplement entre les fais- ceaux ? C’est une question que je n’ai pu élucider. Sur les coupes, on remarque en outre que les kystes isolés sont peu nombreux ; presque toujours les parasites se montrent réunis sous forme de petits amas comprenant le plus souvent deux ou trois individus intimement accolés et souvent déformés par pression ré- ciproque (fig. 4). Y a-t-il quelque lien entre les Coccidies ainsi groupées, ou bien faut-il ne voir dans ce fait qu’un résultat des hasards de l'infection ? Aucun fait n’est venu me démontrer d’une facon décisive le bien fondé de l’une ou l’autre opinion. Je dois dire, toutefois, que la seconde hypothèse me semble peu propre à expliquer les aspects que j'ai observés et que c’est à la première que je me rallierais le plus volontiers, en admettant une prolifération sur place de ces organismes. Je n’ai pu la constater directement ; mais, d'une part, la manière dont sont distribués les kystes et, d’un autre côté, le fait signalé par Labbé (40) chez les Coccidies des Oiseaux, montrant que la jeune Coccidie peut se multiplier dans la cellule-hôte, me semblent des arguments suffisants en faveur de cette manière de voir. Il ne m’a pas été possible de suivre en détail les phénomènes du développement ; mais j'ai observé des phases jeunes, des phases plus avancées à l’état de masses plasmiques enkystées, et enfin des kystes sporifères à l’état de maturité. Les tout premiers stades m ont échappé, et les individus les moins avancés que j'aie pu observer avaient déjà acquis, à peu de chose près, leurs dimensions défini- tives et étaient sur le point de s’enkyster. À ce moment, notre Coc- cidie se présente sous l'aspect d’une petite masse de protoplasma sphérique dont le diamètre mesure en moyenne 20 à 25 a. Le protoplasma renferme des matériaux de réserve que j'ai déjà étudiés plus haut et qui sont, comme on l’a vu, de deux sortes 960 P. THÉLOHAN. 4° des granules plastiques extrêmement nombreux et qui masqueni complètement le noyau ; 2° des globules, de dimensions plus consi- dérables que les précédents, extrêmement réfringents, rappelant l'aspect de gouttes de graisse ; ils sont disposés sans ordre et leur nombre varie de trois à seize. Leur présence donne au Coccidium cristalloïdes un aspect tout particulier et facilement reconnaissable (fig. 5 et 6, g). Ces éléments sont, comme je l’ai dit, colorables par le carmin, la safranine, le violet de gentiane, etc., qu'ils fixent avec une grande intensité (fig. 6). Aussi est-il à peu près impossible, à l’aide de ces réactifs, d'arriver à déceler le noyau de notre organisme. Au Con- traire, l'hématoxyline, qui laisse incoloresles globules en question, permet facilement de mettre le noyau en évidence, surtout si on l'emploie après fixation des tissus infestés par le sublimé, qui, comme je l'ai indiqué, a l'avantage de rendre moins apparents les granules plastiques (fig. 7). Ces derniers manquent, comme chez les autres espèces, au VoIsi- nage du noyau, qui se trouve entouré d’une zone irrégulière de pro- toplasma finement granuleux. Quand a lieu l’enkystement, la sphère plasmique s’entoure d’une membrane excessivement minee, comme c’est le cas chez toutes les Coccidies que j'ai observées chez les Poissons. Cette membrane est d’abord en contact avec le protoplasma, à la surface duquel elle est étroitement appliquée ; bientôt elle s'en trouve séparée par un espace assez considérable, par suite de la ré- traction de la Coccidie vers le centre du kyste, phénomène qui con- stitue, comme on le sait, le premier indice de la sporulation. Celle-ci se produit au sein des tissus, au point même où s'est développé le parasite, ce qui semble encore un caractère constant des Coccidies des Poissons. Après la rétraction du plasma a lieu la division ; elle donne nais- sance à quatre sporoblastes sans reliquat de segmentation. Je ne puis malheureusement donner, à ce sujet, des détails plus NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 96! circonstanciés, et, n'ayant pu suivre d’une façon complète la division du noyau et la formation des sporoblastes, je dois passer immédia- tement à la description du kyste sporifère. Celui-ci est sphérique et mesure de 20 à 25 x de diamètre. La membrane, extrèmement mince et transparente, laisse facilement constater dans son intérieur la présence des spores, qui sont au nombre de quatre et disposées sans ordre (fig. 1 et 2). Ces spores attirent immédiatement l'attention par leur réfringence et la régularité de leur forme, qui font qu'au premier abord, si on les rencontre en dehors du kyste et qu’on les observe avec un faible grossissement, on pourrait les prendre pour de petits cristaux. Leur enveloppe est, en effet, formée de deux pyramides hexago- nales accolées par leurs bases et dont le sommet, un peu tronqué, est surmonté d’une petite pyramide à angle sommet plus ouvert (fig. 3). Cet aspect géométrique permet de les rapprocher de certaines formes cristallines, et chaque spore peut être définie comme un dodécaèdre triangulaire régulier d’hexaèdres à sommets affectés d’un pointement direct à six facettes. Cette définition cristallographique n’est pas d’une exactitude rigou- reuse, parce que, dans les spores, les arêtes sont marquées par une sorte de petit bourrelet saillant (fig. 3). La cavité limitée par cette enveloppe semble être de forme bico- nique, et la spore, examinée par un de ses sommets et vue en coupe optique, donne l’image d’un cercle inscrit dans un hexagone (fig. 2, 6). Ces spores mesurent, en moyenne, 15 de longueur et 9 à 10 be de diamètre au niveau de leur partie moyenne. Il me paraît fort probable que l'enveloppe n’est pas formée d’une seule pièce et que les deux pyramides doivent être considérées comme des valves sou- dées par leurs bases, Toutefois, je n’ai pu m'en assurer directement. Je rappellerai, d’ailleurs, que j'ai déjà observé des Coccidies dont les spores possèdent une coque bivalve (Coccidium cruciatum, C. clu- pearum). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. II. 1894. 30 962 P. THÉLOHAN. Dans les spores du Coccidium cristalloïdes, même à l’aide de très forts grossissements, on ne distingue à peu près rien à l'état frais, et, dans ces conditions, il est impossible de se rendre compte de la nature de leur contenu. On y aperçoit seulement de petites masses plus sombres, dans lesquelles on devine des sporozoïtes, et, vers le milieu de la cavité, un amas plus ou moins considérable de petits globules réfringents. Ceux-ci représentent le résidu de la formation des corps falci- formes. Comme dans beaucoup de cas (Coccidium cruciatum, C. clu- pearum, etc.), ces éléments de rebut ont complètement disparu dans les spores étudiées sur des coupes ; on arrive alors facilement à constater l'existence de deux corps falciformes allongés, pourvus d’un noyau occupant leur partie moyenne el dont la disposition la plus fréquente est représentée dans la figure 4. La technique qui m'a le mieux réussi dans ce cas est la coloration par l’hématoxyline de Delafield, après fixation par le sublimé. Les couleurs d’aniline (safranine, rubine, violet de gentiane) don- nent aussi d’assez bons résultats; mais elles ont l'inconvénient de communiquer souvent à la spore entière une coloration intense et diffuse, qui rend impossible l'observation du contenu. 90 C'occidium vartabile (nov. sp.). (PI. XXII, fig. 8-17.) J'ai rencontré ce parasite dans le tube digestif de plusieurs espèces de Téléostéens : 1° Gobius bicolor, 2 Cottus bubalis, 3° Crenilabrus melops, 4 Lepadogaster Gouanii, 5° Anguilla vulgaris. Il semble siéger surtout dans le rectum. Chez le Cottus bubalis, il est également fréquent dans les cæcums pyloriques. Contrairement à l'espèce précédente, on le trouve constamment . dans l’épithélium (fig. 8). Dans beaucoup de cas, et en particulier chez le Cottus bubals et le Crenilabrus melops, cette Coccidie se montrait en compagnie d'es- NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 063 pèces très voisines, dont la présence compliquait beaucoup l’obser- vation, en raison de l'impossibilité presque absolue de distinguer les états jeunes de ces différents organismes. Chez l’Anguille, au contraire, je l’ai toujours trouvée seule, et la description que j'en donne ici est surtout basée sur les observations que j'ai faites chez ce Poisson. Elle n'y semble pas très commune ; à Roscoff, je l’ai rencontrée chez le seul exemplaire que j'aie exa- miné ; à Banyuls, deux fois seulement sur neuf individus ; chez des Anguilles pêchées dans l’eau douce, je ne l’ai jamais vue, malgré de nombreuses recherches. Au moment de l’enkystement, le Coccidium variable est constitué par une sphère protoplasmique bourrée de granules plastiques et ne présente aucun caractère saillant permettant de les distinguer (fig. 9). En l'étudiant sur des coupes, on voit que les granules plas- tiques ont un point colorable situé à leur centre, comme chez le Coccidium cristalloides ; mais son protoplasma ne renferme pas de globules réfringents colorables par le carmin ni de granules chro- matoïdes. Le noyau se voit assez facilement, surtout au moyen de l’héma- toxyline employée après fixation par le sublimé ou par le liquide de Perenyi (fig. 11). L’enveloppe kystique est, encore ici, très mince et très délicate ; peu de temps après sa formation, a lieu, comme toujours, la rétrac- tion du corps plasmique ; celui-ci se divise ensuite en quatre spo- roblastes sans trace de reliquat (fig. 10). Le kyste arrive à maturité dans la cellule épithéliale où s’est effec- tué le développement, Il mesure en moyenne 15 à 20 4 de diamètre et renferme quatre spores, dont la disposition est très variable (fig. 49). Elles ont la forme d’un ovoide allongé et sont très réfringentes ; elles mesurent 8 à 41 sur 4 à 5. Leur enveloppe n’est pas très épaisse, mais présente un double contour bien net. Au niveau de leur petite extrémité, qui est presque poiniue, on remarque une 264 P. THÉLOHAN. sorte de petit tubercule réfringent (fig. 43, 14, t). En l’examinant avec soin, on voit que ce dernier est double et qu’il existe, en son milieu, un petit espace clair. Sur les spores examinées en Coupe optique, on voit que cet aspect tient à un épaississement que pré- sente l’enveloppe à ce niveau (fig. 12, 13). Cette disposition rappelle tout à fait celle qu’on observe très fréquemment dans le kyste de certaines Coccidies, le Coccidium perforans, par exemple, et qu'on a décrit sous le nom absolument impropre de mecropyle. Dans cette dernière espèce, j'ai constaté très nettement qu'il s’agit là simple- ment d’une portion amincie de la coque entourée d’un épaississe- ment de celle-ci. Sur les spores du C'occidium variabile, je n’ai pu faire avec cer- titude la même observation, à cause de la petite taille de ces élé- ments ; mais je ne conserve aucun doute qu’il ne s'agisse ici d'une particularité de structure identique. Le contenu des spores examinées à l’état frais présente un aspect assez variable. Tantôt il semble formé de deux moitiés symétriques, dans l'intervalle desquelles se montre un amas irrégulier de petits grains brillants ; tantôt on le croirait composé d'une masse homo- gène, où l’on distingue de deux à quatre globules clairs (fig. 12, 13). Sur des coupes, on ne trouve plus dans les spores que deux Corps falciformes, munis chacun d'un noyau (fig. 14). Un caractère remarquable de ces spores, que je n’ai retrouvé chez aucune autre espèce, consiste dans la coloration d'un noir foncé qu’elles prennent sous l'influence de l'acide osmique, d’où l'impos- sibilité, pour les étudier, de recourir à des coupes de tissus infestés fixés par le liquide de Flemming. Ici encore, le colorant qui m’a le mieux réussi est l’hématoxyline après fixation au sublimé. Comme je l'ai dit plus haut, cette Coccidie est souvent accom- pagnée dans le tube digestif de ses hôtes par des espèces très voi- sines. J'avais confondu d’abord quelques-unes de celles-ci avec l’or- ganisme que je viens d'étudier, croyant qu'il s'agissait simplement NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 565 d’une certaine variabilité dans la forme des spores, d’où le nom que j'avais donné à ce parasite. J'ai depuis reconnu qu'il ÿ à là, en réalité, plusieurs espèces dis- tinctes, mais présentant entre elles des rapports tellement étroits, qu'il faut de longues observations pour arriver à les distinguer. J'ai représenté, dans les figures 15, 16 et 17, quelques spores de ces Coccidies voisines du Coccidium variabile, et dont je me borne à signaler l'existence. 30 Coccidium clupearum (nov. Sp.) (PI. XXII, fig. 19 et 20). J'ai déjà eu l’occasion de m'occuper de cette Goccidie, et, dans un précédent travail (25), j'ai indiqué ses caractères à l’état de dé- veloppement complet, les circonstances ne m'ayani pas alors permis l'observation des stades moins avancés. J'ai pu depuis combler en partie cette lacune, comme on le verra plus loin. J'avais décrit ce parasite sans lui imposer une dénomination par- ticulière, me demandant s’il devait être considéré comme spécifi- quement distinct du Coccidium cruciatum. Actuellement, je crois qu'il s’agit, en réalité, d’une espèce différente, que je propose de dé- signer sous le nom de Coccidium clupearum (nov. Sp.) J'ai, en effet, rencontré cet organisme dans le foie de trois Pois- sons de la famille des Clupéidés : 4° la Sardine (Alosa sardina) ; 2° le Hareng (Clupea harengus) ; #° l’Anchois (Engraulis encrasicholus). C’est chez la Sardine que je lai observé tout d’abord au laboratoire de Concarneau, en août el septembre 1890. I] n’y était pas très fré- quent, et je n’avais constaté sa présence que huit fois sur soixante individus examinés. Depuis, je l'ai retrouvé chez le même hôte, dans la Méditerranée, en octobre-novembre 1895, au laboratoire d’Endoume (six fois sur dix-neuf Sardines), et à Villefranche (deux fois sur neuf). Dans mon premier travail, je le signalais aussi dans le foie du Hareng. 966 P. THÉLOHAN. Enfin, en mai 1893, pendant une excursion au Vivier-sur-Mer, dans la baie de Cancale, j'ai observé cette Coccidie dans le foie de l’Anchois (deux fois sur cing individus). C'est là surtout que j'ai pu étudier les phases jeunes. Je rappellerai d'abord brièvement la description que j'ai déjà don- née du kyste sporifère. Il est sphérique et mesure de 18 à 21 u de diamètre ; sa membrane d’enveloppe est extrêmement mince. Il ren- ferme quatre spores sans trace de reliquat. Ces spores, disposées sans ordre dans la cavité du kyste, ressemblent beaucoup à celles du Coccidium cruciatum ; elles sont ovoïdes, avec une différence très peu marquée entre la petite et la grosse extrémité. Elles mesurent en moyenne 9 x de longueur sur 6 p de largeur. Leur enveloppe, peu épaisse, est bivalve ; dans le contenu, on ne distingue, à l’état frais, qu'une masse d'aspect homogène, et dans la région médiane, un amas, d'ordinaire régulièrement arrondi, de granules réfringents. Ceux-ci disparaissent sur les coupes, et l’on ne voit plus dans la spore que deux corps falciformes. | J'ai nettement constaté l’habitat intra-cellulaire de cette Coccidie. Dans le foie de l’Anchois, j'ai pu observer trois phases moins avan- cées du développement ; j’ai trouvé la Coccidie à peu près au terme de sa croissance, mais non encore enkystée, de jeunes kystes, et enfin des individus chez lesquels on constatait la rétraction de la masse plasmique (fig. 19). Le protoplasma ne renferme que des granules plastiques ; à l’état frais, on ne distingue aucune trace du noyau. Les granules plasti- ques sont remarquables en ce qu’ils présentent un point colorable, non pas centralcomme chez les Coccidium cristalloides, variabile, etc., mais excentrique (fig. 20, &). Quand a lieu la rétraction du plasma, on constate que l’espace resté libre entre la surface de celui-ci et l’enveloppe est rempli d'une substance beaucoup plus réfringente que l’eau, comme il est aisé de s’en assurer en mettant successivement au point les parties superficielles ou profondes du kyste (fig. 19). Ce fait donne au Cocci- NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 567 dium clupearum, à cette phase du développement, un caractère spé- cial que je n’ai pas retrouvé chez d’autres espèces, et qui me semble devoir être rapproché de laspect signalé par M. Labbé, pour le C. Delagei parvenu à ce même stade. Je n’ai pu observer la division, et malgré de nombreuses re- cherches je n'ai pas rencontré un seul individu dans un état'inter- médiaire entre la Coccidie à plasma rétracté et le kyste mûr. Je ferai seulement remarquer que, dans ce dernier, la substance réfringente semble avoir disparu ou du moins s’est complètement modifiée au point de vue de ses propriétés physiques, ei l'on ne retrouve pas trace autour de la Coccidie d'une matière plus réfrin- gente que l’eau. 4° Coccidium sp. (?). (PI. XXII, fig. 21-24.) Cette espèce est très voisine de la précédente et du Coccidium cru- ciatum, et se rattache au même type, caractérisé par des spores à enveloppe bivalve, de forme ovoïde, avec une différence très faible ou nulle entre les deux extrémités. Je ne l'ai rencontrée qu’une seule fois, mais en très grande abon- dance, au laboratoire Arago, dans un Labre qui était, je crois, le Labrus festivus. Je n’ai pu malheureusement l'observer qu'à l’état de kyste spori- fère. Aussi, je crois préférable d'attendre, pour lui donner un nom, qu’elle ait été l’objet d’une étude plus complète. Ces kystes, qui siégeaient dans le foie, mesurent en moyenne 25 à 30 a de dia- mètre. Ils sont sphériques, et leur membrane d’enveloppe est très mince. Ils renferment quatre spores dont la disposition n’a rien de fixe. Ces spores sont presque sphériques et, dans certains exemplaires, là différence entre le grand et le petit diamètre est à peine percep- tble. Dans d’autres cas, elle est un peu plus accusée, mais elle n’est & DES P. THELOHAN. jamais aussi marquée que dans le Coccidium clupearum. Elles mesu- rent 10 à 12 4 de longueur sur 8 à 10 4 de largeur. Leur enveloppe est assez épaisse, à double contour bien net ; elle est formée de deux valves dont la suture apparaît comme une légère saillie réfringente (fig. 23, s) ; 1l faut, pour l’apercevoir, un fort gros- sissement et un examen attentif. La déhiscence de ces deux valves s'obtient assez facilement soit par un séjour prolongé dans la potasse, soit par une compression un peu énergique. A l’état frais, on aperçoit d’abord, dans leur contenu, des granules assez gros, réfringents, d'aspect graisseux (fig. 22-23, r). Ils sont de même nature que ceux des spores des Coccidium cruciatum, C. clu- pearum, C. cristalloïdes, c'est-à-dire qu'ils sont solubles dans l'alcool, l’éther, les essences, mais ne se colorent pas par l'acide osmique. Ces éléments occupent, en général, la partie centrale de la cavité; sur les parties latérales de celle-ci, on distingue assez souvent des espèces de bâtonnets pâles, dans lesquels on devine des sporo- zoïtes. Pour bien voir ces derniers, il faut examiner des spores comprises dans des coupes du foie ; les granules réfringents ont alors complè- tement disparu, et l’on distingue nettement deux corps falciformes dont le noyau occupe la région moyenne (fig. 24). Le foie du Labre dans lequel j'ai trouvé ce parasite présentait un aspect anormal qui appelait immédiatement l'attention. Sa surface, d’un brun ocreux, se montrait couverte d’un pointillé très serré, Jau- nâtre, et apparaissant en clair sur la teinte générale plus sombre. En incisant l'organe, on constatait que ces espèces de petites gra- nulations jaunes existaient dans la profondeur du tissu en aussi grand nombre qu'à la surface. En portant sous le microscope un petit fragment de foie dilacéré ou écrasé, on voyait que ces productions étaient formées de granu- lations réfringentes, d’un jaune plus ou moins foncé, allant parfois jusqu’au brunâtre. On apercevait, dans leur masse, un nombre variable d'espaces clairs, arrondis, qu’on reconnaissait facilement NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. | 869 pour des kystes de notre Coccidie (fig. 21). Ceux-ci, extrèmement nombreux dans certaines de ces masses jaunes dont la substance fondamentale avait presque disparu, étaient, dans d’autres, en plus petit nombre et manquaient complètement dans quelques-unes. Le parasite n’était d’ailleurs pas absolument localisé dans ces for- mations, et l’on trouvait fréquemment des kystes dans des cellules hépatiques normales. On voit quelle analogie présentent ces faits avec ceux que j'ai déjà signalés à propos du Coccidium minutum et surtout du C’. cruciatum. Ce dernier, comme je l’ai indiqué, se trouve très souvent au sein d’amas granuleux d’un brun jaunâtre, disséminés dans le tissu du foie du Caranx et que j'ai décrits dans un précédent mémoire (25). Ceux que j'ai observés chez le Labrus en diffèrent par leur teinte plus claire, etaussi par ce fait qu'ils ne m'ont pas semblé, comme les premiers, se montrer à peu près exclusivement au voisinage des vaisseaux sanguins. Quoi qu’il en soit, ce sont évidemment des pro- ductions de même ordre et de nature identique. À propos de mes observations sur le Coccidium cruciatum, je n’avais pas cru pouvoir me prononcer sur leur origine ni décider avec certitude s’il fallait les regarder comme une lésion déterminée par le parasite, ou, au contraire, considérer la présence de celui-ci comme résultant d’un envahissement secondaire d’un tissu anormal préformé. J'avoue cependant que la première hypothèse me semblait de beaucoup la plus plausible. J'ai pu me rendre compte, depuis, que c'est, au contraire, la seconde manière de voir qui est exacte. D'abord j'ai pu observer, dans le foie d’un Caranx fusus et d'une WMeletta phalerica, des granu- lations brunâtres identiques à celles qui renferment le Coccidium cruciatum chez le Trachurus trachurus, et ces deux animaux étaient absolument indemnes de Coccidies. De plus, chez le Labrus festivus, où j'ai trouvé notre Coccidium, non seulement le foie, mais les ovaires, les reins et surtout la rate étaient remplis de productions semblables, et dans aucun de ces T0 P. THÉLOHAN. organes on ne trouvait notre parasite, qui se montrait exclusivement dans le foie. Si ces lésions peuvent se produire ailleurs sans son intervention, il me semble bien difficile dé le regarder comme la cause déterminante de leur formation dans le tissu hépatique. Je crois donc qu’il s’agit, en réalité, de productions histologiques particulières d’origine inconnue, au sein desquelles se développent secondairement les Coccidies qui semblent avoir une véritable pré- dilection pour ce tissu spécial. J'ai dit que ces productions, dans le foie du Labrus, se rencontraient, à l’état frais, sous forme de petites masses jaunâtres, de formes et de dimensions variables, composées d’un amas de granulations jaunes assez réfringentes. Sur des coupes, après l’action du liquide de Flemming, on constatait que la plupart de ces éléments avaient disparu ; d’autres se retrouvaient dans les préparations avec la colo- ration noire caractéristique des substances grasses après l’action de l'acide osmique. Ce procédé permet, en outre, de reconnaître qu'on n'a pas affaire à un simple amas de granulations réfringentes, mais que celles-ci se trouvent dans des cellules dont elles représentent un mode spécial de dégénérescence. D'après ce que j'ai vu, je crois pouvoir admettre qu’il s’agit d'îlots plus ou moins étendus de cel- lules hépatiques, qui, sous une influence inconnue, sont frappées de ce processus dégénératif. Des cellules migratrices pénètrent alors dans ces îlots et détruisent peu à peu les cellules altérées. Les petits amas ainsi constitués peuvent, à un moment donné, s’entourer d'une enveloppe de tissu conjonctif ; et comme nous l'avons vu, ils don- nent souvent asile à des Coccidies. Je ne m’étendrai pas davantage ici sur ces productions ; leur des- cription détaillée m’entraînerait trop loin du sujet de ce mémoire- Il est d’ailleurs, je crois, préférable de la réserver pour un travail spé- cial dans lequel je m'’occuperai également des lésions de même ordre que j'ai rencontrées dans les divers organes du Labrus festivus et de quelques autres Poissons. Ces singulières formations semblent, en effet, assez répandues chez ces animaux, et J'ai pu faire, à ce NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 571 sujet, un certain nombre d'observations qui me paraissent mériter une étude d'ensemble, INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. . BazBianr, Lecons sur les Sporozoaires, Paris, 1884. 2, Burscurr, Motiz über das Vorkommen einer dem amyloïd Verwandten- substanz in einigen niederen Thiere (Archivf.Anat.und Physiol., 1870). . — PBemerkungen über einen dem glykogen verwandten Kærper in den Gre- garinen (Zeit. Biol., 1885). . — Protozoa, Abth. Il, Sporozoa (Bronn’s Klassen und Ordn. des Tluer- reichs, Bd. T). . Carnoy, la Biologie cellulaire, fase. I, 1884. . FRenzeL, Ueber einige argentinische Gregarinen (Jenaische Zeitschrift für Naturwiss., Bd. XXVII). #. Henre, Ueber die gattung Gregarina(Arch. für Anat. und Physiol., 1845). 8. Hennecuy, Formation des spores de la Grégarine du Lombrie (Annales de micrographie, t. 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Prerrer (L.). Die Protozoen als Krankhertserreger, 2° Auñ., 1891. 49. Riecx, Sporozoen als Krankheïtserreger ber Hausthieren (Deutsche Zeits- chrift für Thiermedicin und vergleich. Pathol., Bd. XIV, 1888). 20. Scanriner, Grégarines nouvelles ou peu connues (Tabl. ool., t. Il). 24. — Le Cycle évolutif des Coccidies et M. le docteur Pfeiffer (Tabl. z001., t. IT, fase. 4, 1892). 572 P. THÉLOHAN. 22. Scaneiner, Coccidies nouvelles ou peu connues (Tabl. xool., t. Il). 23. Srein, Ueber die Natur der Gregarinen (Archiv für Anat. und Physiol., 1848). 24. Taéconan, Sur deux Coccidies nouvelles parasites de l'Épinoche et de la Sar- dine (Annales de mücrographie, t. Il, 1890). 25. — Sur quelques Coccidies nouvelles parasites des Poissons (Journal de l’ana- fomie et de la physiologie, 1892). 26, — Nouvelles Recherches sur les Coccidies (Comptes rendus de l’Académie des sciences, juillet 1893). EXPLICATION DE LA PLANCHE XXII. Fr. 1-7. Coccidium cristalloïdes. Fic, 1. Coupe d'une villosité d'un cœcum pylorique de la Moiella tricirrata con- tenant trois kystes de Coccidium cristalloïdes. Coloration par le violet de gentiane, qui a donné aux spores une coloration diffuse et intense. ep, épithélium; k&, kystes du parasite ; ac, axe conjonctif de la villosité; m, tunique musculeuse ; v, coupe d’un vaisseau sanguin. 9, Un kyste isolé de Coccidium cristalloïdes. k, enveloppe du kyste ; sp, spores vues latéralement ; b, deux spores vues par un pôle en coupe optique. 3. Une spore à l'état frais ; les granules qu'on voit à l’intérieur n’ont pas été représentés. 4. Une spore montrant les deux corps falciformes (f) (sublimé, hématoxy- line). 5. Kyste de Coccidium cristalloïdes montrant la rétraction de la masse plas- mique. k, enveloppe du kyste ; p, masse plasmique ; g, gros globules réfringents. 6. Kyste avant la rétraction (Flemming, safranine). k, enveloppe du kyste; g, globules colorés ; i, granules plastiques avec un point central coloré. 7. Kyste après fixation par le sublimé et coloration à l'hématoxyline. k, enveloppe; p, Coccidie montrant le réticulum plasmique ; les granules plastiques ne sont plus visibles ; g, globules restés incolores ; n, noyau. Fic. 8-17. Coccidium variabile. pic. 8. Une villosité de l’intestin du Crenilabrus melops. Mêmes lettres que fig. 1. 9. Kyste à l’état frais ; à, granules plastiques. Fic. Fic. Fc. NOUVELLES RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 273 10. Kyste après la division en quatre sporoblastes (sb). k, membrane. 11. Kyste fixé par le liquide de Perenyi, coloré à l’'hématoxyline. Les granules plastiques sont demeurés bien nets. k, enveloppe ; n, NOYaU ; i, granules plastiques. 12. Un kyste mûr, état frais. k, enveloppe ; sp, spores. 13. Une spore isolée, état frais. t, tubercule réfringent de la petite extrémité. 14. Une spore montrant les deux corps falciformes (f) (sublimé, hématoxy- line) ; e, enveloppe. 15, 16, 17, Spores de Coccidies voisines du Coccidium variabile. Fig. 18. Coccidium gasteroslei. i, granules plastiques ; z, zone de protoplasma granuleux entourant le noyau (n), t, granules plastiques. Fi. 19-20. Coccidium clupearum. 19, Kyste de Coccidium clupearum ; rétraction du protoplasma ; l'espace resté libre est occupé par une substance réfringente. k, enveloppe du kyste; p, protoplasma. 20. Kyste à protoplasma non rétracté (Flemming, safranine). k, membrane ; i, granules plastiques ; n, noyau. Fic. 21-24. Coccidium sp. (?). 91. Une masse jaune du foie du Labrus festivus ; k, kystes de Coccidium. 22-23, Spores à l'état frais. e, enveloppe ; r, globules réfringents représentant le reliquat de diffé- renciation ; s, suture des valves. 24. Spore montrant les deux corps falciformes (f). EE LA GLANDE VENIMEUSE DE LA SCOLOPENDRE PAR O0. DUBOSCQ ! La glande venimeuse des Myriapodes chilopodes a été longtemps confondue avec les autres glandes de la tête (glandes dites salivaires). Newport, dès 1844, avait pourtant décrit dans la hanche de chaque forcipule une glande dont le canal excréteur aboutissait à l’orifice décrit par Leuwenhock à l'extrémité du crochet. Mais il n’en don- nait pas d'image, sa description resta ignorée, et il faut les travaux de Plateau et de Mac-Leod pour retrouver cette glande et établir son indépendance des glandes qui longent l’œsophage. Celles-ci, considérées à tort comme salivaires, sont au nombre de 3 paires, du moins chez la Scolopendre (fig. 1). La 4° paire (system V de Herbst) est la plus petite, et mérite le nom de glande postérieure (gp). Elle est située dans le 3° et le 4° an- neau, sur les canaux excréteurs des deux autres, et débouche au- dessus de la hanche de la 1'° paire de pattes. La 9 paire (system IV de Herbst), ou glande moyenne (gm), est située dans le 3°, le 4° et le 5° anneau. Son canal excréteur, longeant 1 Cette note est le résumé d’un travail fait au laboratoire de Luc-sur-Mer et au laboratoire Arago, et publié comme thèse de médecine en juillet dernier. On trou- vera ici les principaux zines de ma thèse, en sorte que la lecture de ce résumé pourra suffire pour connaître la question. Je remercie vivement M. le professeur de Lacaze-Duthiers, qui m’a fait l'honneur d'accorder la publicité des Archives à cet opuscule. 970 3 O. DUBOSCQ. l'æsophage, débouche à l’angle du talon (stamme de Latzel) des 9e mâchoires. Enfin, la 3° paire (system II de Herbst), ou glande antérieure (ga), est située dans le 5°, le 6° et le 7° anneau, et débouche sur le côté de l'hypopharynx. Les trois glandes sont des glandes en grappe formées de lobules ayant chacun un petit canal excréteur. Tous les canaux lobulaires débouchent dans un canal excréteur unique chitinisé comme une trachée. Leur fonction est inconnue. Aucune n'a de rapport direct avec l’œsophage. La glande antérieure seule, débouchant à l'ou- verture de la bouche, peut être salivaire. Elles n’exerètent ni le carmin d’indigo ni le carminate d’ammoniaque et ne doivent jouer aucun rôle dans la fonction rénale. Donc la glande venimeuse (gv), entière- ment comprise dans la forcipule, n’a rien Fig. 1. — Vue dorsale de la de commun avec les glandes précédentes. partie antérieure d’une Sco- È . : lopendra cingulala. La paire de forcipules est composée, gv; glande venimeuse; ga, glande COMME On Sail, d'une plaque médiane antérieure ; gm, glande moyenne; GONE postérieure ; I, intes- jmpaire, formée de deux pièces soudées et d’une paire de pattes très peu modi- fiées, composées de quatre articles d’après les auteurs, de cinq articles selon moi, l’article terminal ou crochet ayant nettement deux articles chez le Scutigère. Cet article terminal ne porte point de poils, caractère qui permet de diviser en deux parties l’article unique des autres Chilopodes. Si l’on pratique une large fenêtre dans la forcipule (fig. 2), on trouve une masse musculaire s’insérant à l’apophyse interne du cro- chet. Ces muscles, décrits en détail par Meinert, se réduisent à deux principaux : au-dessus, l'adducteur supérieur, non représenté dans la LA GLANDE VENIMEUSE DE LA SCOLOPENDRE. ET figure 2; en dessous, le grand adducteur, composé de deux faisceaux (ad ad,). C'est entre les insertions externes de ces muscles, le long du bord de la forcipule, qu’est la glande ventmeuse (g) avec, à sa face interne, le nerf (n) et l'artère (v) qui s'y distribuent. Mais on ne sau- rait admettre que ces muscles agissent sur la glande. Elle n'est en contact avec eux que par leurs insertions. Îls ne peuvent pas la comprimer. La glande a une forme cylindrique atténuée en cône en avant. Fig. 2 — Forcipule ouverte par la face buccale. o, orifice : €, canal excréteur ; g, Fig. 3. — Coupe transversale de la glande venimeuse glande venimeuse; s, sillon de la {Scolopendra cingulala). glande ; à, incisure; n, nerf; v. artère ; ad ado, faisceau du €, canal excréteur ; g, cellules glandulaires; e, épithélium ; grand adducteur. a, cellules indifférentes ; /, fibres musculaires; 7R,tunique. Elle est d’un blanc pur, avec une ligne brune centrale, le canal excréteur vu par transparence (c). Il continue seul la glande en avant et n’est recouvert d'aucun tissu. Sur la face externe de la glande, dans toute la longueur, est un s#/on (s). : Une coupe transversale dans la région moyenne montre la siruc- ture de cette glande (fig. 3). Au centre de la coupe, on voit le canal excréteur (c), d'une chitine jaune. Sa paroi n’est pas perforée sur un quart de son pourtour, la partie correspondante au sillon. Les trois autres quarts sont percés de trous en forme d'outre, dont la chitine bordante est plus dense et de couleur brune ; de là une apparence de relief qui a trompé les auteurs (Mac-Leod les a décrits comme ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN.e — 3€ SÉRIE. — T. 11. 1894, 37 D18 O. DUBOSCQ. de petites éminences creuses). Ces trous sont les orifices des tubes glandulaires qui rayonnent autour du canal excréteur. Comme les tubes glandulaires, ils sont plus nombreux chez les Scolopendres adultes que chez les jeunes. Aux trous de la paroi du canal excréteur s’ajustent, par leur ouverture, les tubes glandulaires. Ils ont une forme conique dont le sommet correspond à l’orifice. Ils sont formés de cellules plates pour les neuf dixièmes de leur totalité. Leur fond seul est glandulaire, ne contenant jamais plus de 4 ou à cellules en activité de sécrétion, petites cellules avec un noyau réfringent mesurant de 5 à 9 p, el paraissant homogène aux grossissements ordinaires (200 fois). Ces cellules sont d’abord entièrement granuleuses, puis se gonflent d'un liquide transparent. La sécrélion semble la phase dernière de leur MIE Le reste du tube est rempli de venin, qui se présente ordinaire- ment dans les coupes en une masse homogène, vacuolaire, moulant la forme du tube. Les tubes n’existent plus dans la région du sillon dont les faces sont limitées par la tunique de la glande. Maïs le canal excréteur n'a pas sa chitine à nu. Un épithélium cylindrique {e) recouvre toute la partie non perforée. Cet épithélium se continue sur la tunique au voisinage du sillon, par des amas de cellules embryonnaires (a) qui doivent jouer un rôle dans le développement de la glande. On a décrit autour de la glande une tunique homogène (Mac-Leod) ou formée d’un endothélium (Herbst). 11 n’en est rien. La vérité est que tous les tubes sont compris dans un réseau musculaire formé de fibres profondes intercalées entre eux, et de fibres superficielles constituant la tunique externe de la glande (fig. 4). Les fibres profondes (f…=) sont accolées aux tubes glandulaires dans toute leur étendue. Tantôt minces comme les plus petites fibrilles connues, tantôt presque aussi larges que les fibres des muscles du corps, elles sont ramifiées, se divisant en dichotomie. Leurs noyaux {n) sont nombreux, échelonnés à distance variable, LA GLANDE VENIMEUSE DE LA SCOLOPENDRE. 919 elliptiques et quelquefois assez allongés, avec la chromatine se montrant aux grossissements ordinaires sous forme de grains. La striation transversale est toujours très visible sur les préparations bien fixées. C’est l'alternance ordinaire de disques épais et de disques minces. Il y à une striation longitudinale qui doit faire admettre la division en fibrilles. Ces fibres s'insèrent, d’une part, par de fines terminaisons non striées sur Île TE canal excréteur autour de l’orifice du tube glan- dulaire ; d’autre part, se rattachent au réseau des fibres externes, soit par une base large, soit par un mince prolongement. pu Les fibres exlernes (r) ont la même structure LS QT SUTTANT ne tÿ 2 FT ex . ed” F q ORTN \e Th < ru HORJEETNTAPER PS \ÿ de Ph ÿ = ù à û a ». = que les précédentes; mais formé d'elles, le ré- | É seau constitue à la glande une membrane a) : : ip IS externe ou tunique, qui est plus épaisse dans la , Fe “EL à région opposée au sillon (2, fig. 3). La, on peut free Ru à : NI: 4: "Fubes £lan- distinguer plusieurs couches de fibres circulaires re ou longitudinales. g, cellules glandulaires ; IN, leur noyau; v, ve- nin ; », fm, fibres mus- HITS ST LE TL, F se noyaux ; , paroi du ca- autour d’un canal excréteur chitineux sont Fe Con épais= sissement inférieur du compris dans un réseau de fibres musculaires tube. En résumé, les tubes glandulaires rayonnant striées destinées à contracter la glande et faire sourdre le venin. Cette structure que je viens de décrire dans la Scolopendre (Scolo- pendra cingulata Latr), est la mème essentiellement chez les autres Chilopodes. On trouve partout l’orifice à la face interne de l’extré- mité du crochet ; partout le curieux canal excréteur chitineux percé de trous où aboutissent des tubes glandulaires; partout un réseau musculaire enveloppant ces tubes et servant à les comprimer. Ainsi, chez le Cryptops {Cryptops hortensis Leach), la glande est assez semblable à celle de la Scolopendre, mais les iubes plus allongés ne sont plus dans un plan perpendiculaire, et la glande est piriforme au lieu d’être cylindrique. Gette disposition est d’ailleurs commune à tous les autres Chilopodes (Geophilus, Lithobius), et chez brel) O. DUBOSCQ. le Scutigère (Scutigera coleoptrata Linné), elle s’exagère au point que les tubes glandulaires ont deux fois la longueur du canal excré- teur. Dans tous ces Myriapodes, le réseau musculaire profond est très peu développé; c’est surtout la tunique qui est contractile. Chez le Géophile, elle est remarquable par la disposition régulière des fibres, qui sont en une seule couche disposées côte à côte dans le sens de la longueur de la glande. Elles existent seulement sur les trois quarts de sa sur-. face, la région correspondant au sillon en étant dépourvue. Chez le Lithobius, au contraire, on ne trouve plus de fibres striées, mais un réseau de fibres d'apparence conjonctive (fig. 5), que les réactions histologiques Fig. 5. — Réseau de la tunique ÉPE TRE : ue racmence du (elles résistent à l’action des acides et Lithobius. de l'eau bouillante) montrent voisines Ni, noyau interstitiel ; Ns, noyau ; superficiel. des fibres musculaires. En somme, toutes ces différences sont d'importance secondaire, el sa structure constante démontre clairement que cette glande est une invagination du tégument de la forcipule. Le canal excréteur chitineux si curieux est l'homologue de la chitine tégumentaire. Les trous de la paroi sont comparables aux trous qui servent de canal excréteur aux glandes hypodermiques, les tubes glandulaires venimeux représentant eux-mêmes ces glandes hypodermiques. Ge que l’on sait de l’embryologie de la glande vient appuyer GEL manière de voir. « Les glandes à venin ne sont d’abord qu'une plaque de cellules glandulaires, qui, peu à peu, s’invagine à l’inté- rieur de l’appendice; l’oritice de la glande n’est que le reste de l'ori- fice d’invagination de la plaque cellulaire. » Le venin est un liquide difficile à recueillir en quantité notable. La gouttelette de venin émise par une Scolopendre irritée est toute petite, trois ou quatre fois moindre en volume que la gouttelette LA GLANDE VENIMEUSE DE LA SCOLOPENDRE. 581 émise par un Scorpion en pareille circonstance. Examinée fraiche, une goutte de venin est limpide, transparente, homogène. Toutes les granulations et corpuscules qu'on peut ensuite y apercevoir pro- viennent d’une matière analogue aux matières albuminoïdes, et qui se précipite très facilement. Le venin est acide franchement, et une souttelette mêlée à une goutte d’une solution de tournesol bleu la vire au rouge nettement. Le venin semble n'avoir d'action dans les divers groupes d’ani- maux que sur les Arthropodes et les Vertébrés, et encore les Pois- sons et les Reptiles semblent y être très peu sensibles. D'autre part, dans une même classe, il y a des différences de sensibilité grande. J'ai noté chez les Arthropodes que les Carabiques sont beaucoup plus sensibles que les Ténébrionides, les Araignées que les Scor- pions, et les Scutigères que les Scolopendres. Chez les Arthropodes, une ou plusieurs piqûres causent la mort. Elle arrive enuntemps plus ou moins court, à la suite de contrac- tures des membres, soit en flexion, soit en extension. Ces contrac- tures semblent témoigner que le venin agit surtout sur le système nerveux. Les cellules nerveuses des centres sont empoisonnées par la sécrétion versée dans le sang. Chez l'Homme — comme chez les Vertébrés supérieurs — l'effet est local. En hiver, une morsure a des effets insignifiants, tout au plus provoque-t-elle une petite papule ortiée, disparue toujours au bout d’une heure. Mais quand vient le printemps et le temps chaud, quand les Scolopendres ont recouvré toute leur activité vitale, la piqûre a des effets plus graves. Elle provoque une inflammation typique de la région piquée, qui devient douloureuse, rouge, chaude, et considérablement enfiée. Ainsi la piqûre d’un doigt entraîne l’enflure de la main et de la moitié de l’avant-bras. Le pre- mier phénomène est une douleur intense ressentie au moment de l'injection du venin. Succède l’enflure accompagnée d'une rougeur très vive pâlissant avec l'extension. Cette enflure s'accroît lente- ment, n’atteignant son maximum qu’au bout de trente-six, qua- D82 0. DUBOSCQ. rante-huit heures ou même trois jours, puis diminue de même. C'est l’empâtement inflammatoire. La température de la région s'élève notablement, mais il n’y a pas de fièvre, ni aucuns troubles Lé F généraux. La pathogénie doit être celle-ci : ie venin agit en irritant local. Diffusant lentement autour du point injecté (expérience de Kauf- mann), il irrite toutes les extrémités nerveuses du voisinage, parce qu'il est à dose suffisante et provoque, en même temps que la dou- leur, la vasodilatation de la région, En tous les autres points du corps, transporté par le torrent circulatoire, il est trop dilué pour avoir une action. L'absence de troubles généraux, la rémission certaine au bout de quelques jours rendent inuüle tout traitement. QUR UN DIPTÈRE MARIN DU GENRE CLUNIO HALIDAY PAR - RENÉ CHEVREL. Le long des plages rocheuses du Calvados, depuis Lion-sur-Mer jusqu’à Courseulles, on trouve, en assez grande abondance, un petit Diptère marin du genre Clunio Haliday. On le rencontre également, à un niveau correspondant, sur les écueils qui longent la côte et que la mer laisse à découvert pendant quelques jours seulement à l'époque des syzygies. C'est jà que je l'ai vu, pour la première fois, il y a douze ans; mais ce n'est que depuis 1892 qu'il a élé de ma part l'objet d'une étude spéciale motivée par la découverte de la femelle, qui, à ma connaissance, es jusqu'ici restée Imconnue. Un intérêt tout particulier. s'attache, en effet, à cette DÉLALE Mouche: elle est essentiellement marine: sa larve vit au fond de la mer: la femelle, qu? est aptère, rampe sur les algues et les pierres que le flot vient d'abandonner. A peine fécondée, elle pond et meurt. Le mâle, qui voltige constamment à la surface de l’eau et des corps émergés, à la recherche de la femelle, ne lui survit guère. Je ne lai jamais aperçu pendant la haute mer ni sur le rivage, ni au-dessus des points où il apparaitra en assez grande quantité pendant la basse mer. Il est probable que sa vie aérienne ne dure qu'un petit nombre d'heures et qu'il meurt aux lieux mêmes où il est né. Tout concourt à démontrer que sa vie entière se passe au fond ou à la surface de la mer; c’est done un être essentiellement marin, 584 RENÉ CHEVREL. dont les conditions biologiques ont dû se modifier en raison même du milieu particulier dans lequel il vit. En attendant que je puisse compléter l'étude que j'en ai commencée, je vais exposer les princi- pales particularités qu’il présente dans sa structure, ses mœurs, ses conditions d'existence. ( J'avais tout d’abord l'intention de ne donner que la diagnose de la femelle et de la larve; mais je crois utile d’y joindre celle du mâle, car les caractères de l’espèce qui vit sur les côtes du Calvados ne me paraissent être identiques ni à ceux de l'espèce Marinus Ha- liday, qui se trouve sur les côtes d'Angleterre et d'Irlande, ni à ceux de l'espèce À driaticus Schiner, qui a été signalée à Trieste. L'espèce Warinus Haliday est longue de 1 cinquième de ligne, c'est-à-dire qu'elle a un peu moins de 4 demi-millimètre; les yeux sont rapprochés sur le front; le thorax ne porte pas de raie obscure. L'espèce du Calvados, pour laquelle je proposerais le nom de Syzygialis, s’il était reconnu qu’elle diffère des deux autres. mesure de À millimètre et demi à 2 millimètres et demi; elle a les yeux pla- cés latéralement et séparés par un intervalle égal à leur plus grand diamètre; le thorax porte sur son milieu une raie longitudinale d’un brun sombre. Si Je la compare à l'espèce Adriaticus Schiner, je constate que ses dimensions sont supérieures à celles de cette espèce, dont la longueur égale au plus une demi-ligne, c’est-à-dire un peu plus de { millimètre. Le thorax ne présente qu’une raie longitudinale sombre au lieu de rois; les palpes de la bouche sont apparents; enfin, les articles du tarse de la troisième paire de pattes ont des caractères parliculiers que Schiner, cet habile entomologiste, aurait certaine- ment remarqués si l'espèce qu'ila décrite les avait présentés. Néanmoins, pour ne pas créer à la légère une espèce nouvelle, j'attendrai, avant de nommer définitivement la mienne, d’avoir recueilli des renseignements plus précis sur les deux autres. Mäle S.— Long de ! millimètre et demi à 2 millimètres et demi; thorax et armature génitale fauves; abdomen gris ardoise. SUR UN DIPTÈRE MARIN. 89 Tête fortement infléchie, en partie cachée par un prolongement du thorax en forme de capuchon ; labre triangulaire, allongé et in- fléchi; lèvre inférieure formée de deux motliés rapprochées mais dis- tinctes; palpes apparents terminés en massue el portant de nombreux poils et généralement trois chètes à leur extrémité. Yeux composés, latéraux, elliptiques, bombés, séparés l'un de l'autre par un intervalle égal à leur diamètre principal, couverts d'un léger duvet. Au-dessous d'eux se trouve une tache noire irré- gulière. | Pas d’ocelles. Antennes insérées entre les yeux et dressées dès leur base, très finement velues et portant quelques soies ; composées de onze ar- ticles : les deux premiers courts et gros, de couleur fauve; le troi- sième, très allongé; les suivants, à peu près sphériques, sauf le dernier, qui est élargi, aplati et légèrement arqué. Tous sont trans- parents, d’une nuance faiblement jaunâtre, assez fréquemment mé- langée de gris ; leur diamètre est inférieur à celui des deux premiers. Thorax irrégulièrement ovale, fortement bombé à sa partie supé- rieure, prolongé en avant sous forme de capuchon, sans suture transversale, légèrement échancré en arriere. Sa partie médiane dor- sale, assez étroite, est généralement de teinte plus claire que les par- lies latérales, et traversée dans toute sa longueur par une seule ligne de couleur brun sombre: parties latérales inclinées suivant deux plans séparés entre eux par une crêle peu saillante ; une autre crête les sépare également de la partie médiane dorsale. Chez certains individus, ces crêtes paraissent plus sombres que les parties voi- sines. Il porte un certain nombre de soies. Entre les deux premières paires de pattes, la saillie inférieure du thorax est fortement prononcée et inclinée d'avant en arrière ; elle porte en son milieu une ligne longitudinale d’un brun sombre. Scu- tellum et métathorax toujours bien développés. Ailes d’un blane laiteux, au moins aussi longues que l'abdomen, fortement échancrées à leur base sur le bord interne ; lobule très 86 RENÉ CHEVREL. petit. Les nervures élant difficiles à interpréter, jen donnerai au- jourd’hui la description peu scientifique suivante : Deux groupes très distincts de nervures longitudinales partent de la base de l’aile. Outre la costale, le premier comprend deux ner- vures parallèles entre elles et avec cette dernière ; la première, la plus courte, porte des chètes sur toute sa longueur ; elle se termme vers le milieu du bord antérieur de l'aile; une ramification très courte et à peine esquissée va se terminer un peu plus loin sur le même bord; enfin, une ébauche de nervure transversale voisine de la ramification précédente la réunit à la nervure longitudinale suivante. Celle-ci est la principale des nervures; elle manque de chètes et se bifurque vis-à-vis de la petite nervure transversale dont il vient d’être question; la branche supérieure n'est que la con- tinuation de la nervure; elle décrit une courbe à concavité tour- née vers le bord interne de l'aile et se termine presque à la pointe de celle-ci; l’autre branche de bifurcation, plus faible et beaucoup moins accusée, décrit une légère courbe en sens contraire de la pré- cédente et n’atteint pas tout à fait le bord postérieur de l'aile. Le second groupe se compose de trois nervures à peu près paral- lèles entre elles, prenant toutes naissance à la base de l’aile. La pre- mière de ce groupe et la dernière du premier groupe sont contiguës à leur origine. Vers le milieu de l'aile, cette nervure se bifurque ; l’une des branches n’est que la continuation de la nervure et se ter= mine près du bord postérieur de l'aile; l’autre décrit une forte courbe, devient récurrente et se perd sur le bord interne de l'aile. Les deux autres nervures longitudinales du même groupe, peu mar- quées, se recourbent également à leur extrémité et vont se terminer sur la branche courbe de ia nervure précédente. Le contour des ailes est garni de poils microscopiques; ceux du bord externe sont rigides et couchés d’avant en arrière ; ceux du bord postérieur et ceux du bord interne sont mous et implantés perpendiculairement à ces bords; ils vont en augmentant de lon- eueur de la pointe à l’échancrure de la base de l'aile. SUR UN DIPTÈRE MARIN. 387 Balanciers bien développés et terminés par un bouton presque sphérique ou plutôt piriforme. Pattes assez longues. Première paire très éloignée des deux autres, à cuisse renflée, à jambe plus longue que la cuisse. Premier article des tarses aussi long que les trois suivants qui vont en diminuant graduellement de grosseur; le cinquième, plus gros et plus long ; la longueur du tarse égale à peu près la moitié de celle de la jambe. Deuxième paire, très rapprochée, à son insertion, de la troisième; cuisse non renflée ; jambe aussi longue que la cuisse; le tarse et ses articles présentant les mêmes caractères que ceux des pattes de la première paire. Troisième paire aussi longue que le corps; les deux autres sont un peu plus courtes. Hanche plus forte que celle des deux paires antérieures. Cuisse non renflée; jambe aussi longue que la cuisse; éarse aussi long que la jambe. Le premier et le troi- sième article sont allongés ; le deuxième et le quatrième sont glo- buleux et courts. Toutes les pattes sont transparentes, toutes por- tent un fin duvet et un grand nombre de soies; de plus, à l’extrémité inférieure de la jambe, du côté où elle se replie sur la cuisse, il existe une forte épine; celle de la troisième paire est la plus forte; les tarses se terminent par deux crochets; les puluilh ont la forme d’une languette élargie à son extrémité libre. Les diverses articula- tions des pattes sont ordinairement d’un jaune assez vif. Abdomen gris clair composé de neuf anneaux, les deux derniers en partie dissimulés par l’armature génitale. Le premier et le second sont plus longs que les suivants. Le septième présente un revête- ment superficiel très développé, qui recouvre le quart antérieur de l'armature génitale; le huitième et le neuvième {ce dernier très petit) ont la forme d’un ovale allongé. Leur face inférieure porte sur sa partie médiane une ligne longitudinale d’un brun sombre, qui se termine à l'extrémité d’une petite saillie formant Île pénis. Les anneaux médians de l’abdomen ont un diamètre transversal supérieur à celui des anneaux précédents ou suivants. Vu de profil, l'abdomen. assez mince. est fortement coudé au niveau du qua- ? ul à 588 RENÉ CHEVREL. trième ou cinquième article. L’armature génitale est à peu près aussi longue que la partie libre de l'abdomen. Elle commence vers le milieu du sixième anneau et se compose de deux moitiés symé- triques formées chacune de deux pièces principales ; la pièce basi- laire, qui est de beaucoup la plus considérable, et la pièce terminale, articulée à l'angle externe de la précédente, et qui constitue l’un des mors de la pince à l’aide de laquelle le mâle retient la femelle. La pièce basilaire porte en dessus, vers son origine, une ligne sombre transversale qui ne se rejoint pas sur la ligne médiane avec celle de la pièce opposée, et une autre longitudinale qui part de son extrémité postérieure et se dirige presque parallèlement à son bord interne. Les deux pièces basilaires laissent entre elles, à leur extrémité posté- rieure, un intervalle en forme d’angle curviligne ; lorsque les pièces terminales sont rapprochées l’une &@e l’autre, elles forment, avec l'angle précédent, un espace vide triangulaire, au fond duquel se voit l'extrémité postérieure de l'abdomen. Ce dernier porte, surtout à la face inférieure des derniers anneaux, des groupes de soies. Femelle ©. —Vermiforme, longue de 4 millimètre et demi à 2 milli- mètres et demi avant la ponte; def millimètre environ après la ponte. Teinte jaunâtre très claire, avec téguments couverts de taches ou de traînées pigmentaires noires, irrégulières, assez rares, disposées principalement sur le dos et les flancs. Thorax et derniers anneaux de l'abdomen d'un jaune plus accentué. Le profil du dos présente une triple courbure : la première, con- vexe en dessus, très courte; la seconde, concave, beaucoup plus longue, qui s'étend jusqu'aux deux derniers anneaux de l'abdomen, et la troisième, très légèrement convexe. Le profil du ventre n’en présente qu’une, convexe en bas. Chez les femelles qui ont pondu, le corps ratatiné ne présente aucune forme définie. Tête fortement infléchie, en partie cachée par un prolongement du thorax en forme de capuchon. Palpes apparents, élargis à leur extrémité terminale, finement SUR UN DIPTÈRE MARIN. 589 velus, portant ordinairement trois chètes, labre triangulaire forte- ment infléchi; lèvre inférieure composée de deux parties rappro- chées et peu divergentes à leur extrémité libre. Yeux composés, latéraux, arrondis, saillants, séparés l’un de l’autre par un intervalle plus grand que leur diamètre, légèrement velus. -. Au-dessous d’eux se trouve une petite tache noire arrondie, por- tant en bas un tout petit appendice. Pas d’ocelles. Antennes courtes, formées de sept articles seulement ; les six pre- miers, de mème forme que ceux des antennes du mâle, mais de di- mensions moindres: le septième allongé, aplati et élargi, mais beau- coup moins que celui du mâle; en général, la longueur des antennes de la femelle égale à peu près le tiers de celle des antennes du mâle. Portent un duvet microscopique et quelques chètes. Thorax ovale, bombé en dessus, prolongé en avant sous forme de capuchon, non échancré en arrière, traversé dans toute sa longueur par une raie d’un brun sombre. Chez les femelles qui n'ont pas pondu, ces parois latérales sont renflées par les œufs dont sa cavité est presque entièrement remplie; il est, au contraire, très rétrécl chez celles qui ont pondu. Le thorax ne présente pas de saillie pro- noncée à sa face inférieure entre les deux premières paires de pattes. Ni scutellum ni métathorax apparents. Aucune trace d'ailes ni de balanciers. Pattes construites à peu près sur le même plan que celles du mâle, mais environ trois fois plus courtes. La seconde paire de pattes est un peu plus rapprochée de la troisième que de la première. Première paire à cuisse légèrement renflée, aussi longue ou même un peu plus longue que la jambe, toujours plus longue que le tarse dont les quatre premiers articles, plus ou moins globuleux, dimi- nuent graduellement de grosseur; le cinquième, plus gros, porte, ainsi que celui des deux autres paires, un double crochet et des pul- villi en forme de languette. 290 RENÉ CHEVREL. Deuxième paire à peu près aussi longue que la première ; cuisse non renflée, un peu plus longue que la jambe et que le tarse, qui ont sensiblement la même longueur; les quatre premiers articles de ce dernier diminuent graduellement de grosseur; le premier, qui est aussi volumineux que le cinquième, est un peu plus gros que le même article de la première paire de pattes. Troisième paire plus longue que les précédentes ; cuisse non ren- flée, plus longue que la jambe; larse aussi long que la cuisse; pre- mier ettroisième article du tarse allongés; deuxième et quatrième, courts, arrondis; cinquième à peu près identique à celui des deux paires antérieures. Toutes les pattes sont transparentes et portent à leur surface un fin duvet et un certain nombre de chètes. A l’extré- mité inférieure de la jambe et du côté où elle se replie sur la cuisse existe une assez forte épine. Abdomen composé de neuf articles; les sept premiers ont la forme d'anseaux à peu près réguliers; les deux derniers sont modifiés en vue des besoins de l’accouplement ou de la ponte; le neuvième pré- sente, en particulier, un cerlain nombre d’appendices qui consti- tuent les pièces principales de l’armature génitale. Les anneaux de l'abdomen portent chacun sur leur face dorsale et sur leur face ventrale un certain nombre de soies; la face ven- trale du sixième et celle du septième anneau en ont un plus grand nombre. Le contour du neuvième est couvert d’un duvet microsco- pique, et ses angles mousses, au nombre de quatre, sont garnis de touffes de chètes. Deux organes symétriques, bruns, se voient, par transparence, à la face inférieure du sixième anneau. Larve. — Larve eucéphale, longue de 4 demi-milimètre à sa sortie de l'œuf, légèrement conique d’avant en arrière, composée d'une tête ovale allongée et de douze anneaux blanchâtres à demi transparents. La tête présente, à son extrémité antéro-inférieure, une bouche dans laquelle se meuvent, de haut en bas, deux fortes mandibules SUR UN DIPTÈRE MARIN. 591 garnies de dents sur leur bord interne; lèvre inférieure également dentée, portant de six à huit dents; elle fait en avant une légère saillie et reçoit la pointe des crochets mandibulaires. La lèvre su- périeure, contre laquelle s'appuie le bord dorsal de ces dermers, porte quatre appendices à peu près cylindriques, les deux inférieurs plus couchés que les deux supérieurs. Yeux simples, latéraux, forte- ment écartés l’un de l’autre, situés vers la région moyenne de la iête : en avant d'eux, au niveau de l’origine de l’épistome et de la base des mandibules, se trouvent deux appendices, gros, courts, qui sont probablement les antennes ei qui présentent l'apparence d’un faisceau de petites baguettes d’inégale longueur. Les anneaux du corps, à peu près réguliers, vont en diminuant de diamètre du premier au dernier. Ces deux anneaux extrèmes portent les organes de la locomotion, qui consistent, pour chacun, en une paire de fausses pattes unies à leur base, mais séparées à leur extré- mité libre. La paire antérieure est plus grosse et plus courte que la paire postérieure ; toutes deux se terminent par un faisceau de soies en crochet d’inégale dimension. Le dernier anneau porte deux soies droites assez longues et divergentes. Quelques poils sont, en outre, disséminés à la surface de la tête et du corps. L'intestin s'étend presque directement de la bouche à l'anus. L'æsophage est étroit, allongé; son calibre augmente d'avant en arrière. L'estomac présente plusieurs dilatations successives ; l’intestin étroit décrit quelques circonvolutions avant de se terminer sur Île. dernier anneau du corps. Le vaisseau dorsal est localisé dans les quatre ou cinq derniers anneaux, Le système nerveux se compose d’une masse ganglionnaire assez considérable située dans l'anneau qui suit immédiatement la tête; elle entoure l’æsophage. En arrière et sur la face ventrale se trou- vent onze ganglions réunis entre eux par de courts connectifs. Le dernier, situé dans le dixième anneau, parait réuni par un 592 RENÉ CHEVREL. long filet avec un autre ganglion (?) situé dans le douzième anneau. Moœurs et particularités anatomiques. — Pour que ces petites Mou- ches apparaissent à la surface de l’eau, il faut que le niveau de la basse mer descende au moins à 15 ou 16 décimètres au-dessus du zéro des carles marines. Quand cette condition est remplie, on ne commence à les apercevoir que quand les roches qu'elles habitent sont laissées à découvert; avant ce moment, on ne les voit nulle part. Peu nombreuses le premier jour, elles abondent le len- demain et les deux jours suivants; puis, se faisant de plus en plus rares, elles disparaissent complètement vers le sixième ou le sep- tième jour, pour ne reparaître qu'à la prochaine syzygie. On peut ainsi les observer à chaque marée pendant une courte période, depuis le mois d'avril jusqu’au mois d’octobre. Dès que les rochers émergent, les mâles apparaissent, volant avec rapidité à la surface de l’eau et des algues. Leur nombre augmente avec l'étendue des rochers abandonnés par la mer. C'est alors un va-et-vient continuel, chacun d'eux quittant une pierre pour une algue, puis revenant à la pierre pour retourner aussitôt à l’algue. Quand il les a bien explorées, il les quitte brusquement el va porter ses recherches sur les corps voisins. Cette animation dure environ une heure ou une heure et demie, et pendant tout ce temps, son ardeur ne se ralentit pas ; ni le vent ni les vagues ne l’arrêtent; il lutte avec avantage contre lé premier, et n’a rien à redouter des secondes qui ne parviennent pas à l’engloutir. Cette ardeur na d'autre objet que de découvrir les femelles qui rampent à la surface des corps émergés. Dès qu’un mâle en a rencontré une, il se préci- pite sur elle tout en volant, et cherche à la saisir avec les pinces de son armature génitale; il manque assez souvent son coup, et se reprend à deux ou trois fois avant de réussir. Alors il se retourne brusquement, bout pour bout, tout en maintenant fortement la femelle, et part avec elle. Il la promène ainsi pendant une heure environ à la surface de l’eau, le vol un peu alourdi par son fardeau; puis il la dépose sur une pierre ou une algue. La femelle, devenue SUR UN DIPTÈRE MARIN. 593 libre, marche pendant quelques minutes, choisit un lieu convenable pour y déposer sa ponte, et après avoir courbé son corps par petits mouvements brusques, dans différentes directions, elle applique contre la pierre ou l’algue l'extrémité de son abdomen, et y fixe un boyau gélatineux, cylindrique, de teinte légèrement jaunâtre, dans lequel se trouvent logés ses œufs. Elle expulse ce boyau lentement, en imprimant à son corps et à ses pattes de légers mouvements appropriés. Lorsque l'opération est terminée, ce qui exige une dizaine de minutes au plus, la femelle, épuisée parles efforts qu’elle a dû faire, n’a plus que des mouvements lenis ; elle marche pénible- ment, s'arrête souvent et ne retrouve un peu de vigueur qu après un repos de quelques minutes. Lorsque ses forces sont revenues, elle erre à l'aventure et finit toujours par tomber dans l’eau, à la surface de laquelle elle flotte en attendant la mort qui ne tarde jamais à, venir. Mais les choses ne se passent pas toujours ainsi; le plus sou- vent même, la femelle se prend les pattes dans le boyau gélatineux qu’elle vient d'émettre. Cette substance durcit à l’air et contracte en même temps une grande adhérence avec les corps qui sont en contact avec elle; aussi, malgré ses efforts, elle ne parvient pas à se dégager et meurt sur ses œufs. Le mâle qui l'a fécondée ne l’aban- donne pas complètement; il reste dans son voisinage pendant la durée de la ponte, puis, comme s’il avait conscience de ses devoirs d'époux ou de père, il se précipite sur elle pour l'enlever à la sub- stance gluante qui l'immobilise,ou pour la porter avec ses œufs dans un lieu plus favorable à l’éclosion de sa progéniture. Parfois, il est lui-même victime de son dévouement, et meurt à côté de sa femelle, pris au même piège. _ Vers le moment de la basse mer, les mâles qui n’ont pas eu la bonne fortune de rencontrer de femelles deviennent moins actifs: ils ne volent que rarement, mais se promènent lentement sur les pierres et les algues, les ailes ramenées sur le dos et disposées en toit bien au-dessus de l’abdomen. Lorsque la mer remonte, ils se retirent peu à peu devant le flot; mais, au moment où les derniers ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 3° SÉRIE, — T. 11. 1894. 38 594 RENÉ CHEVREL. rochers vont disparaître, on n'en voit plus du tout. Que sont-ils devenus ? C’est un point que je n’ai pu encore éclaircir. S'élèvent-ils dans les airs pour y passer le temps de la haute mer ? C'est peu pro- bable, car, outre certaines impossibilités, je n’en ai jamais aperçu ni sur le rivage, ni en pleine mer, au-dessus des points qu'ils habi- tent à basse mer. Cherchent-ils un abri dans les anfractuosités des rochers ? Le fait ne serait pas impossible ; mais, jusqu'ici, je n'ai pu le constater. Ces êtres sont si petits, qu’il est bien difficile de véri- fier l’une ou l'autre de ces hypothèses. Quoi qu'il en soit, leur vie doit être assez brève; je n’ai pu les conserver vivants, en captivité, qu’un certain nombre d'heures. Les mâles qui avaient fécondé une femelle mouraient au bout de dix à douze heures; les autres, de vingt-quatre à trente-six heures aprèsleur capture. Chaque jour voit éclore de nouveaux individus, car on trouve assez fréquemment des enveloppes de pupes de mâle. Les femelles, vermiformes, marchent assez facilement sur les corps émergés ; elles agitent, dans divers sens et par saccades, leur abdo- men, qu'elles tiennent généralement relevé. Mais leur promenade est toujours de courte durée, car elles sont bientôt découvertes et saisies par le mâle. Dans l’accouplement, le mâle et la femelle ont la face ventrale en bas; leurs corps ne sont pas dans le même axe, mais forment un angle à sommet dorsal. Les mors de la pince du mâle embrassent et serrent énergiquement, par leur angle interne, le dernier article de l'abdomen de la femelle, et comme ce dernier porte latéralement deux faibles saillies sur son pourtour, en arrière des points pressés, la pince ne peut glisser, et le maintien de la femelle se trouve ainsi assuré. L'orifice du vagin est situé à la face ventrale, au fond d’une échancrure de l’avant-dernier anneau ; l’orifice génital du mâle est, au contraire, placé tout à fait à l'extré- mité de l’abdomen. Cette disposition oblige la femelle à relever, pen- dant l'accouplement, son extrémité postérieure qui fait ainsi saillie au-dessus de la pince du mâle. Quant aux trois appendices qui pen- dent au-dessous de son dernier article, ils s'appuient simplement SUR UN DIPTÈRE MARIN. 595 sur la face dorsale de l'abdomen du mâle, et ne paraissent jouer qu'un rôle insignifiant, ou tout au moins très effacé dans l’accou- plement. La femelle porte de 50 à 420 œufs. Ils occupent à peu près entiè- rement les trois premiers anneaux de l’abdomen, la moitié inférieure du quatrième et une petite portion des cinquième et sixième, Mais, en outre, tout le thorax en est rempli, et, ce qui paraît plus surpre- nant, la tête elle-même en loge partiellement au moins deux. Ces œufs éclosent, suivant le degré de la température, de cinq à huit jours après la ponte. ils mesurent d'un quart à un tiers de milli- mètre de longueur, et un huitième de millimètre de largeur. Leur forme, un peu variable, est celle d’un ellipsoïde,; mais, quand l'em- bryon est suffisamment développé, si on Île resgarde de profil, sa face ventrale est bombée, tandis que sa face dorsale est presque plane. Les taches oculiformes apparaissent du troisième au CIn- quième jour. Après sa sortie de l'œuf, la larve séjourne pendant quelques heures dans le tube gélatineux ct semble y puiser sa première nourriture. Elle est très agile, très remuante ; lors- qu’elle se déplace, elle relève la tête et l'abaisse brusquement en se servant de ses mandibules pour progresser. Les soies crochues dont ses fausses pattes sont armées lui permettent de se main- tenir fortement à la surface des corps sur lesquels elle rampe. De quoi se nourrit-elle ? Je ne le sais pas encore; mes essais n'ont pas réussi, mais je pense que les algues microscopiques forment Ja base de sa nourriture, car j'en ai trouvé des débris dans l'estomac de quelques-unes. J'en ai conservé de vivantes pendant dix jours, depuis leur éclosion; mais, comme durant ce laps de temps elles ont fort peu grandi, leur taille s’est à peine accrue de la moitié de leur longueur primitive, de sorte qu'une larve d’un demi-milhimètre au moment de sa sortie de l'œuf mesure à peine trois quarts de millimètre dix jours plus tard. Cela tient évidemment au peu de nourriture qu’elle prend, et l’on ne peut se baser sur ces chiffres pour déterminer, même approximativement, la durée de la phase larvaire. 596 RENÉ CHEVREL. En terminant, je dirai quelques mots de la forme de la pupe des mâles. D'une manière générale, elle rappelle celle de l'adulte. Les ailes, très courtes, car elles ne dépassent pas le deuxième anneau de lab- domen, sont repliées sur les parois inféro-latérales du corps; les étuis des antennes et ceux des pattes sont grossiers et ressem- blent à des fourreaux à peu près cylindriques. La partie qui protège les tarses est cependant divisée comme eux. Les pinces de l’armature génilale manquent; en revanche, les pièces basilaires portent, à leur extrémité inférieure, un petit appendice dirigé en dehors, qui manque à l’adulte. L’enveloppe se fend sur la ligne médiane du thorax, et c’est par là que la petite mouche sort de son étui, l'extrémité postérieure el les pattes d’abord, le haut du corps, la tête et les antennes en dernier heu. Ce travail a été fait au laboratoire maritime de Luc-sur-Mer. Pendant la session que l'Association française pour l'avancement des sciences a tenue cette année à Caen, M. Gadeau de Kerville, apprenant que je m’occupais d'un petit Diptère marin, me dit qu'il en avait trouvé en très grande abondance à Grandeamp (Calvados), et qu'il avait recueilli, le 19 juillet, un certain nombre de femelles aptères. Il a eu l’obligeance de me communiquer, un peu plus tard, quelques individus desséchés, et je crois pouvoir affiner qu'ils appartiennent à la même espèce que celle qui vit à Luc et aux environs. Il me signale en même temps, dans la lettre m'annonçant son envoi, un article de H. Carpenter sur le Clunio marinus Halid., paru dans The Entomologists Monthly Magazine, n° 362, juillet 1894 (Bul- letin entomologique de France, séance du 11 juillet 1894, p. GLXXXIX). Je ne puis, à mon grand regret, prendre en ce moment connaissance de la teneur de cet article ; je m'empresserai de le faire dès que je le pourrai. SUR UN DIPTÈRE MARIN. 597 Depuis que cette note à été envoyée à l'impression, M. Adrien Dollfus a eu l’amabilité de me faire adresser le numéro de la Feuille des jeunes naturalistes contenant le compte rendu de l’article de M. H. Carpenter signalé ci-dessus. J'y ai vu l'annonce de la décou- verte de la femelle de Clunio marinus. Je ne puis que donner acte à M. H. Carpenter de la priorité de la publication de sa découverte; mais comme je le dis au commencement de cette note et comme le savent les nombreux amis auxquels je l'ai montrée, il v a plus de deux ans que je l'étudie (mai 1892). Si je n'en ai point donné plus tôt la diagnose, cela tient à diverses causes, et en particulier aux difficultés que j'ai éprouvées jusqu à ce jour dans la détermination spécifique de mon Clunio. Aujourd’hui, je ne suis point éloigné de croire à l'identité des espèces marinus, adriaticus el à celle des côtes du Calvados, car je viens de trouver (15 octobre) à l'ile de Bréhat (Côtes-du-Nord) un Clunio qui me paraît être identique à celui de Lue-sur-Mer, N'ayant pas de microscope à ma disposition, je ne puis encore le certifier, mais l'examen que j'en ai fait à la loupe simple me le laisse supposer. Sa couleur seule diffère en ce qu'elle est d’un fauve beaucoup plus sombre ; les ailes me semblent éga- lement moins longues ; mais ce sont là des caractères variables qui établissent tout au plus des distinctions individuelles. Si l'espèce qui vit sur les rochers calcaires du Galvados est, comme je le crois, réellement identique à celle qui habite les roches grani- tiques de l'ile de Bréhat, il me paraît vraisemblable de supposer que celle qui se trouve sur les côles d'Irlande et d'Angleterre, dans des condilions toutes pareilles, n’est pas une espèce distincte. Je me vois donc forcé d'admettre que les descriptions quon ena données sont ou incompiètes on erronées; cest ce que je me propose de vérifier prochainement. Quant aux individus que j'ai recueillis à Bréhat, je les ai trouvés volant à la surface des petites flaques d’eau formées par les dépres- sions naturelles des rochers, mais seulement dans celles où vivaient des algues assez grandes pour émerger à marée basse. Il est probable 508 RENÉ CHEVREL. que les nombreuses prairies de zostères qui entourent l'ile en héber- gent également; mais je n’ai pu vérifier le fait. Enfin, il est éga- lement à présumer que ce petit Diptère habite la plus grande partie des côtes de la Manche et de l'Océan, et peut-être celles de la Médi- terranée, ESSAI SUR LA TOPOGRAPHIE ET LA CONSTITUTION DEN RONDS \OUR-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS, DE LA PLAINE DU ROUSSILLON AU GOLFE DE ROSAS. PAR G. PRUVOT Professeur à la Faculté des sciences de Grenoble. Il AVANT-PROPOS. Depuis longtemps, on peut dire du jour où, par la forte et tenace volonté de son fondateur, le laboratoire Arago est né ela pris d'emblée la place qu'on sait parmi les stations maritimes ouvertes aux recherches des naturalistes, une question entre autres s'iIMpo- sait: dresser, par une exploration méthodique de toute la région, peu à peu un inventaire raisonné des formes animales qu’elle recèle, avec leurs stations préférées, la limite de leur extension en surface et en profondeur, leurs particularités biologiques, leurs époques de reproduction, etc. La première chose à faire, et comme l'introduc- ion de cette étude de longue haleine, était l'établissement d'une carte exacte du sol marin, au double point de vue de son relief el de la nature des fonds. Mais l'outil manquait jusqu'ici. Sans doute, les dragages et les pêches de toute sorte multipliés depuis douze ans à l’aide des embarcations du laboratoire avaient 600 G. PRUVOT. apporté un certain nombre de renseignements précieux, mais dont la précision, en l’absence de tout instrument de mesure rigoureuse, laissait trop à désirer. La profondeur qu'on pouvait atteindre dans les dragages était limitée elle-même par les difficultés et les fatigues de la traction à bras des engins. À peu près tout ce qu'on savait, c’est qu'au delà d’une étroite bordure littorale de roches et de sables, les fonds, inclinés en pente douce jusqu'à une profondeur voisine de 400 mètres, sont franchement vaseux dans le nord et de plus en plus sableux vers le sud, et que la profondeur croît plus rapidement aux abords du cap de Creus. On connaissait encore, dans leurs grandes lignes, les faciès zoologiques, les associations animales des différentes régions. On savait qu'en face même de Banyuls, vers une quinzaine de milles au large, existe une profonde dépression dont la muraille, rocheuse, abrupie, nous à fourni quelquefois une riche moisson de formes intéressantes, où dominalent les grands Goraux et les Brachiopodes. Mais de telles aubaines étaient rares. Rares sont les jours, même dans la belle saison, où un bateau voilier peut aller pêcher utilement même à une dizaine de milles de son point d’at- tache. Trop souvent le calme condamne le pêcheur et le naturaliste à de longues journées d’inaction. | Aussi l'acquisition d’un vapeur capable de tenir la mer par tous les temps, de porter en quelques heures la drague dans les parages éloignés et aux profondeurs si rarement accessibles autrefois tenait- elle la première place dans les préoccupations et les vœux du direc- teur. Dès que, par une munificence princière, elle a pu être réalisée, M: de Lacaze-Duthiers s’est empressé de reprendre sans retard son projet d'exploration scientifique. Je dois, à défaut d’autres titres, à l'intérêt passionné avec lequel j'ai suivi le développement du labora- toire Arago, à la fidélité avec laquelle j'y suis venu, depuis son ori- gine, passer au travail tous mes moments de loisir, l'honneur d’avoir été chargé des premières études et de l’exécution de la carte qui font l'objet de ce mémoire ; j'en exprime ici à mon éminent maître ma sincère reconnaissance: FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 601 Je dois adresser aussi l'expression de ma très vive oratitude à M. le commandant Guyou, membre de linstitut, chef du service des instruments au ministère de la marine, qui; non content d’avoir dirigé lui-même les acquisitions du matériel, n’a pas dédaigné de nous apporter, à Banyuls même, l’aide de sa haute expérience pour l'installation, le réglage et le maniement des instruments. Je remer- cie également M. Lacroix, le savant professeur de minéralogie du Muséum, pour la bonne grâce avec laquelle il a mis à ma disposi- tion les ressources de son laboratoire et a bien voulu examiner lui- même une partie des minéraux recueillis. Merci aussi à M. Chaumat, mon préparateur à la Faculté de Grenoble, qui a exécuté avec un soin tout particulier les analyses chimiques des sédiments. Je me ferais scrupule enfin d'oublier l’aide dévouée de tout le personnel du -laboratoire Arago, tout particulièrement de son mécanicien, David, dont l'intelligence, l'habileté et l'activité jamais démenties m'ont été d’un précieux Secours. _ Quelques mots sur l'installation du Roland et la méthode suivie pour les sondages. Le Roland est un navire en fer, de 21 mètres de long; sa machine peut lui imprimer une vitesse courante de 8 nœuds et peut être aidée par la voilure, composée d'un foc et d'une srand'voile de côtre. Ses soutes à charbon renferment en briquettes agglomérées une provision suffisante pour soixante-dix heures de marche. L’arrière est occupé par une cabine confortable formant roof au-dessus du pont, meublée d’une table et de trois couchettes permettant, au besoin, de passer la nuit au mouillage sans êlre obligé de descendre à terre. Sous l'avant se trouve le poste de l’équipage. Tout l’avant du pont, jusqu’au mât, est réservé pour recevoir les filets ou les divers engins de pêche et y faire à l'aise le tri nécessaire. Un rebord en bois, de 40 centimètres de haut, sépare, sur le pont, cette partie du bâtiment de l'arrière et empèche la boue, les eaux de lavage, les débris, d’envahir l’arrière dans les mouvements du bateau. Les sup- ports de là main courante qui règne tout autour du pont sont mO- 602 : = G. PRUVOT. biles dans cette partie, peuvent être enlevés instantanément et permettent aux filets les plus lourdement chargés d'arriver sans secousse au ras du pont. Au pied du mât est placé le treuil à vapeur et en arrière de lui, du côté gauche, la bobine d’enroulement du câble. Au-dessus, un mât de charge, mobile au moyen de deux palans dans le sens horizontal et d’un troisième dans le sens verlical, sert au maniement des filets. Le câble d'acier, de 4 centimètre de diamètre, d’une résistance con- sidérable et d’une grande souplesse, est formé par la torsion d'une quarantaine de fils d'acier recuit. Pour le maniement des filets, il passe d’abord sur une poulie verticale à l'extrémité du mât de charge, puis sur deux poulies de renvoi, s’enroule autour de la poupée du treuil et, de là, sur la bobine qui est placée dans une auge conte- nant un lait de chaux destiné à empêcher l'oxydation du câble. La bobine est actionnée à la main par une manivelle ; un homme suffit à enrouler le câble et, en le maintenant tendu, à assurer l’adhérence des tours sur la poupée du treuil. Enfin, un frein à levier, placé sur le côté de la bobine, permet de régler à volonté la rapidité de la descente. Aux 600 mètres de câble que nous possédions au début sont ajoutés maintenant 1 000 mètres de câble nouveau, longueur suffi- sante pour pouvoir dorénavant promener la drague ou le chalut dans les plus grands fonds de la région. D'ordinaire, surtout quand on a employé le chalut, le contenu du filet amené sur le pont est lavé, en partie sur des tamis de toile métallique, par le jet d’une petite pompe installée à demeure à proxi” mité; les petits objets sont placés dans des bocaux, les plus gros dans quatre caisses rectangulaires en bois, étanches, fermées au moyen d’un couvercle plat exactement ajusté. Les caisses, mainle- nues ainsi entièrement pleines d’eau, ne peuvent se vider par les mouvements du bateau, et les animaux, même les plus délicats, soustraits aux secousses et aux frottements, se maintiennent en parfait état, Le renouvellement de l’eau se fait aussi souvent qu'il FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 603 estnécessaire au moyen de deux trous percés dans le couvercle ; dans l’un peut s'engager le jet de la pompe, l'eau s'échappe par l’autre. Les instruments que nous avons employés à bord du Æoland, et que l'expérience nous a montrés suffire pour les sondages et les relèvements, sont un sexéant, un sillométre, un compas de relève- ment et la machine à sonder. Le sectant et son emploi pour la mesure des angles sont connus de tout le monde. Je dirai seulement que, dans le cas qui nous occupe, pour arriver à construire le point sur la carte par l’observa- tion des angles que font entre eux des repères choisis sur la côte, il n’est pas nécessaire de s’astreindre à une lecture très minutieuse de la graduation. Dans la pratique, la lecture à 5 minutes de degré près est suffisante. Il faut songer à la dérive qu'impriment au bâtiment le vent et surtout le courant, pendant le temps de l'observation, et se préoccuper, avant tout, de procéder aussi rapidement que pos- sible à la mesure des angles, autant que possible au moment même où le plomb de sonde touche le fond. D'autre part, la construction du point sur la carte, à l’aide des meilleurs rapporteurs, ne com- porte pas une exactitude plus grande. Je me suis assuré, par des observations et des constructions répétées, que la posilion des son- dages reportés sur la carte ci-jointe ne peut, pour ces différentes causes, être garantie à plus de 15 ou 20 minutes de degré d'approxi- mation. L'erreur de position qui peut en résulter est, d’ailleurs, pratiquement négligeable. On sait, en effet, que, pour une erreur de 1 degré, l'erreur de position est d’un soixantième de la distance, ce qui fait, pour une erreur de 20 minutes, 111 mètres à la distance de 20 kilomètres, et 222 mèires à 40 kilomètres. Or, l'échelle de la carte étant de 59 millimètres pour 5 milles, soit 9*,26, l'incertitude de position est telle que, pour un sondage à 20 kilomètres des repères de la côte, le point devrait être représenté par un cercle de 0,7 millimètre de diamètre au maximum, et de 4%%,4 pour les points à une distance de 40 kilomètres, distance que nous n'avons même presque Jamais atteinte. 604 G. PRUVOT. Le sillomètre, ou loch à hélice, fixé à un petit mât horizontal à l’ar- rière du bateau, est composé d’une hélice en cuivre rattachée à un cadran compteur par une corde lestée et assez longue pour que l'hélice soit reportée dans le sillage au delà des remous du bateau. On a déterminé empiriquement le nombre des tours de l’hélice cor- respondant à un parcours donné, et une simple lecture sur le cadran permet, à tout moment, de connaître le chemin parcouru, c'est- à-dire la distance depuis la côte où depuis le dernier sondage. Le compas de relèvement, qui sert en même temps de compas de route, est placé sur l'arrière du roof, en vue du barreur. C'est un compas de précision dont la rose est plongée dans de l’eau disüllée qui remplit entièrement la caisse, pour modérer les oscillations par suite des secousses, et est soulagée par deux petits tubes pleins d'air, de manière à peser aussi peu que possible sur son pivot et à accroître ainsi sa sensibilité, Le cercle extérieur du compas, fixe, porte, outre la ligne de foi, ou ligne d’axe du navire, une graduation en degrés, à l’aide de laquelle on peut connaître le cap du navire, c'est-à-dire l'angle que fait son axe avec le méridien, valeur importante dont on doit tenir compte dans les corrections. Une alidade, mobile sur un pivot central, permet de viser successivement plusieurs points de a côte et de déduire rapidement de l’angle qu'ils font avec le méri- dien la position du bâtiment. À bord d’un navire en fer comme le Roland, l'aiguille aimaniée est soumise à des perturbations dont la résultante a pour effet de dévier l'aiguille du compas d’une quantité parfois considérable et qui varie dans une certaine mesure avec le cap, c'est-à-dire avec l'orientation du bateau. Il faut donc, au début de chaque campagne, régler le compas, et vérifier ensuite le réglage de temps en temps. À cet effet, le bateau étant au mouillage immobilisé sur ses ancres, avec cap directement au nord magnétique, ce qu'on détermine en amenant la ligne de foi à faire, avec un point choisi sur la côte aussi éloigné que possible, un angle égal à celui que fait, en réalité, le rayon visuel allant à ce point avec le méridien magnétique et qu'on FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 605 a déterminé au préalable sur la carte, on fixe, après tâtonnements, un barreau aimanté transversalement au point où son aclion sur le compas fail marquer à celui-ci le nord exactement. Le bateau ayant été amené ensuite, en tournant sur place, de 90 degrés à l'ouest, par exemple, on place de même, sur un des côtés, un barreau longitu- dinal de manière que le compas marque exactement le cap ouest. Puis, le cap étant mis successivement au sud magnétique, puis à l’est, on déplace à chaque fois, s'il y a lieu, c ’est-à-dire s’il reste encore quelque déviation, le barreau transversal ou le barreau longi- tudinal, de manière à annuler seulement la moitié de la déviation persistante. Le compas a alors subi toutes les corrections dont il est susceptible; mais il conserve les déviations provenant du magné- tisme induit par la composante horizontale de la terre. On ne peut que dresser le tableau de ces déviations en faisant pivoter le bateau, en l’arrêtant aux seize caps principaux, par exemple, et en notant pour chacun la valeur de la déviation, c’est-à-dire le relèvement du nord magnétique vrai, compté avec le signe + s’il apparaît au nord-ouest du compas, avec le signe — s'il se trouve au nord-est. On peut alors dresser à une échelle donnée la courbe de toutes ces variations, en portant, à intervalles égaux, au-dessus d’une ligne ho- rizontale celles affectées du signe +, au-dessous celles affectées du signe —, de manière à pouvoir connailre par une simple mesure au double décimètre la déviation pour tous les caps intermédiaires. Il y aura lieu d'en toujours ténir compte pour la route à donner comme pour les relèvements. Ge n est pas une quantité négligeable ; au dernier réglage du compas du Roland,en mai dernier, la déviation persistant après le réglage, nulle pour les caps nord 40° est et sud 10° ouest, atteignait 4 degrés pour les caps nord-ouest et sud-est. La machine à sonder, qui est installée à demeure sur le roof, juste au milieu du bateau pour être soustraite autant que possible aux mouvements de roulis et de tangage, est un sondeur Belloc. Le fil de sonde passe d’abord sur une poulie qui surmonte un bras en fer fixé sur le bordage et coudé en dehors pour écarter le fil des flancs 606 G. PRUVOT, du bateau, puis, guidé par deux galets latéraux, fait un tour complet autour d’une deuxième poulie en rapport avec un compteur divisé en mètres et en demi-mètres ; de là, il passe, avant de s’enrouler sur la bobine qui est actionnée par une simple manivelle, sur une poulie folle qui, glissant le long d’un axe horizontal, assure la régu- Jarité de l’enroulement sur toute la longueur de la bobine. Mais, ce qui est le dispositif original de cette machine, le fil doit, entre la poulie du compteur et la poulie folle, former comme un V, tiré qu’il est en bas par une autre poulie, qui est fixée inférieurement au bâtis par un ressort. Pendant la descente du fil, celle-ci, sollicitée par le poids du plomb de sonde, est soulevée; mais, au moment où le plomb rencontre le fond, soulagée de cette résistance, elle obéit à l’action de son ressort et, en retombant, actionne un frein qui arrêle instantanément et automatiquement le mouvement. De la sorte, le fil ne peut continuer à se dérouler sous son propre poids, comme cela a lieu pour d’autres types de sondeurs. La précision des son- dages est assurée. Il n’y a qu'à lire sur le compteur le nombre de mètres déroulés. Le fil employé est un fil en acier trempé, lisse, dit corde à piano, de 0,8 millimètre de diamètre, et capable, malgré sa ténuilé, de ré- sister à un effort de plus de 50 kilogrammes. Les avantages du fil métallique sur les anciennes cordes de chanvre sont {trop connus maintenant pour qu’il y ait lieu d'y insister, En dehors de son inva- riabilité dans la longueur, il a l'avantage de ne subir, de la part de l'eau, qu'un frottement insignifiant, ce qui permet, tout en réduisant considérablement le poids du plomb, de ressentir nettement, même aux plus grandes profondeurs, le choc de celui-ci contre le fond. L'envers de la médaille est l'extrême fragilité du fil, la moindre tor- sion, la moindre coque (en termes de marine, les boucles ou les nœuds formés par un fil qu’on a laissé s’embrouiller), affaiblissent sa résistance dans une énorme proportion, 73 pour 400 et plus, quand elles ne le brisent pas sur le coup. Malgré les précautions, nous avons perdu le plomb de sonde et le fil, en tout ou en parie, FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 607 quatre fois au cours de ce travail. Il est prudent d'avoir toujours une bobine de rechange à bord. Quant au sondeur proprement dit, il se compose d’un cylindre de plomb de 5 kilogrammes, traversé par une tige de fer qui porte en dessous une coupe de forte tôle conique et capable de rapporter 200 à 300 centimètres cubes de sédiment. Une large rondelle de caoutchouc glisse sans frottement sur la tige au-dessous du plomb; souleyée par la pression de l’eau pendant la descente, elle s'applique, quand l'appareil remonte, sur l’ouverture de la coupe qu'elle empèê- che de se vider de son contenu. La simplicité de sa disposition, la facilité de le remplacer en cas de perte, nous l'ont fait préférer à d’autres systèmes plus perfectionnés ; il a, du reste, toujours fonc- tionné d'une manière satisfaisante. Voici la manière dont nous avons toujours opéré pour les cent soixante-quinze sondages et relèvements que comporte notre carte, en outre des chiffres indiqués déjà sur les cartes de la marine et avec lesquels j'ai évité, autant que possible, de faire double emploi. Avant le départ, les sondages qu’on se proposait de faire étaient pointés sur une carte. Une ligne joignant le point de départ, le mouillage de Banyuls presque toujours, au premier d’entre eux indi- quait la distance à parcourir et la route vraie à suivre, c’est-à-dire l’angle à faire avec le méridien vrai, et cette route était corrigée pour être donnée au barreur, de la déclinaison magnétique et de la dévia- tion prise au tableau de réglage du compas. Une fois en marche, le compas indiquait la route, le sillomètre prévenait quand la distance prévue était parcourue. Mais un autre élément ne pouvait être mesuré d'avance, la dérive due au vent et au courant. Aussi, une fois l’en- droit choisi supposé atteint, était-il, la plupart du temps, procédé rapidement à un relèvement au compas de deux points de la côte, qui, porté sur la carte, indiquait si l’on était écarté, et de combien, de l'endroit cherché; la route était modifiée en conséquence pour l’atteindre. Alors, pendant que le fil de sonde se déroulait sous la surveillance du mécanicien, je me hâtais de mesurer au sextant, de ° 608 G. PRUVOT. manière à terminer les mesures au moment à peu près où le plomb touchait le fond, les distances angulaires de plusieurs points connus de la côte, autant que possible toujours les mêmes ou choisis du moins parmi un petit nombre de points les plus remarquables. Les plus faciles à relever par suite de leur sommet particulièrement aigu, et les plus fréquemment utilisés sont, dans le sud, les doigts de Cadaquès et le sommet de San-Pedro de Rhoda; dans le nord, les tours de Carotj et de Madeloc, ainsi que le sémaphore du cap Béar. Pour éviter toute perte de temps et simplifier autant que possible la construction à bord, ces points avaient été, au préalable, sur un exemplaire de la carte marine de la région, réunis deux à deux, et une perpendiculaire élevée sur le milieu de chacune des lignes ainsi obtenues. Alors, pendant qu'on remontait le sondeur, j'avais le temps de compléter dans la cabine la construction du point et de calculer la route à donner pour atteindre l'endroit marqué pour le sondage suivant, où les mêmes opérations recommençaient dans le même ordre. Nous avons ainsi pu effectuer jusqu’à vingt et un sondages dans une même journée; mais, d'ordinaire, le nombre était beaucoup moindre, d'abord parce que quelques heures étaient toujours réser- vées pour un ou deux dragages, et aussi parce que le fil était long à remonter; pour peu que la profondeur fût considérable, il ne fallait pas moins de trois quarts d'heure pour ramener à bord les 800 me- tres de fil dont nous disposions, quand tout était déroulé. On con- coit que le bateau abandonné à lui-même pendant un si long temps devait, dans certains cas, subir une dérive assez considérable ; il suf- fisait, au moment de la remise en marche, de relever à nouveau les mêmes points qu’au début, au sextant ou au compas, pour évaluer par différence cette dérive et en tenir compte dans la route donnée. Une fois de retour au laboratoire, les points étaient construits définitivement avec tout le soin possible par la méthode ordinaire, dite des segments capables. Deux angles suffisent, à la rigueur, pour déterminer un point par l'intersection des deux arcs de cercle FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 609 qu'ils permettent d'obtenir; mais il a loujours été employé et me- suré trois angles au moins, la construction du troisième étant des- tinée à servir de vérification, à certifier, si les trois arcs se coupent bien au même point, qu'il n’y a pas eu erreur dans les chiffres notés. Il LA COTE, DU CAP LEUCATE AUX ILES DES MÉDES. Le domaine immédiat du laboratoire Arago, c’est-à-dire la portion de mer avoisinante où l’on peut promener journellement les engins de pêche, peut être représenté par un arc de cercle de 22 milles (40 kilomètres) de rayon environ autour de la pointe du cap Béar comme centre ; il coupe le rivage au niveau du cap Leucate au nord, et, au sud, au petit port espagnol de l’Escala, limite méridionale du golfe de Rosas. La partie de côte ainsi embrassée comprend, dans leur totalité, les rivages de trois régions naturelles, les deux riches vallées du Roussillon au nord, et de Lampoudan au sud, séparées par la chaîne montagneuse des Albères, qui porte à 20 kilomètres au large de la ligne générale des côtes sa pointe extrême, la masse imposante du cap de Creus. La carte annexée à ce travail! ne représente, en raison des con- venances de publication et pour être d’un maniement facile, que la partie moyenne, la moitié environ de cette étendue. La moitié méri- dionale du golfe de Rosas, et, au nord, les deux tiers au moins de la plage du Roussillon n’y figurent pas. Les rivages et les fonds ne sont, du reste, dans ces régions exclues, que la continuation directe, sans modification, sans intérêt spécial, de celles qui sont représentées. La plaine du Roussillon a la forme d’un triangle presque équila- téral, limité par la mer à l’est, au nord-ouest par la chaîne crétacée 1 Cette carte est, pour les contours, ure copie de la carte marine dite routière n° 2358. Il existe encore pour la région une autre carte à plus grande échelle, la carte n° 1218, à laquelle je renvoie pour les détails du rivage et de la région marine immédiatement adjacente qui n’ont pu trouver place sur la précédente. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, — 3€ SERIE. — T, Il, 1894, 39 610 G. PRUVOT. des Corbières, et au sud-ouest par les Albères, et dont la ville de Perpignan occupe le centre, Le sol est formé par les alluvions qua- ternaires montrant à nu, en beaucoup de points, par suite de l’éro- sion, les couches pliocènes sur lesquelles elles reposent, et recou- vertes, surtout dans les parties basses du côté de la mer, par les alluvions récentes des trois rivières qui la traversent, à peu près parallèlement les unes aux autres, l'Agly, la Têt et le Tech. Du cap Leucate formé par un lambeau miocène à Argelès, toute la côte est uniformément plate, basse, sablonneuse, courant sans sinuosités et sans abris du nord au sud; c'est un cordon littoral rec- tiligne de formation récente, ei que les rivières ne peuvent actuel- lement franchir qu'à grand peine. Il laisse en arrière de lui une large bande marécageuse, dans les dépressions de laquelle les eaux accumulées forment des étangs saumâtres dont les deux plus impor- tants sont l'étang de Leucate et celui de Saint-Nazaire, restes d’une lagune primitivement continue el condamnée à disparaitre entière- ment dans un avenir plus ou moins éloigné. D'allure torrentielle et de débit extrêmement variable suivant la saison et les conditions du moment, les rivières transportent les matériaux enlevés aux terrains qu’elles traversent, qui sont ensuite mélangés et rejetés sur la plage par le flot. Aussi la plage est-elle formée uniquement de sable et de graviers. Ge sable, qui était fin et riche en débris de coquilles, plus au nord, surles plages avoisinant Narbonne, à Gruissan, et à l'entrée du port dé la Nouvelle, devient grossier et passe à un gravier dont le grain augmente à mesure qu’on se rapproche des montagnes. C'est. ici un sable grossier, gris noirâtre, à grains anguleux, formé essentiellement de quartz hyalin où opaque avec orthose et mica, fragments de micaschistes en pla- quettes arrondies, et surtout de schistes micacés gris verdâätre. Il provient visiblement de la destruction des roches granitiques et des schistes cristallins charriés par les rivières. La proportion de felds- path est faible relativement à celle du quartz, ce qui montre bien avec quelle facilité le feldspath se détruit dans les dépôts litioraux FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 611 (Delesse ‘). Delesse l’a, en effet, trouvé au nord de l'embouchure du Tech composé des matières suivantes : Quartz hyalin anguleux.....,.... seit Foie 27,8 pour 100 Schiste micacé quartzeux noirâtre.....,.,........ 40,2 Orthose blanc et débris granitiques........,... . 92 Et, plus au sud, dans la traversée des Albères, la proportion de quartz dans le sable des plages s'élève à 75 pour 100, et le feldspath a presque entièrement disparu. En même temps, le carbonate de chaux, dont la proportion attei- gnait, vers Gruissan, jusqu’à 40 pour 100, formé par des fragments des coquilles actuellement vivantes et les débris arrachés aux mon- tagnes calcaires crétacées des Corbières, diminue progressivement et rapidement, et fait à peu près entièrement défaut sur la côte roussillonnaise proprement dite, à partir du cap Leucate. À partir du mouillage d’Argelès, ia côte se relève brusquement, formée, dans toute la traversée des Albères, de falaises escarpées, anfractueuses, découpées en dents capricieuses, surplombant par- fois d’une cinquantaine de mètres et plongeant à pic dans la mer. La petite chaîne des Albères, dernier terme oriental des Pyrénées, commence au col du Perthus, qui n’est qu’à l'altitude de 296 mètres, s'élève rapidement jusqu'au puig Noulous (1397 mètres), puis s'étale en éventail sur la côte d’Argelès à Rosas, projetant dans la mer deux grandes masses rocheuses principales séparées par la large échan- crure du golfe de la Selva, une au nord, étendue du mouillage d’At- gelès au cap Cerbère, frontière de France et d'Espagne, ayant pour pointe extrême le cap Béar, qui protège l'entrée de Port-Vendres, et une au sud, moins large mais plus saillante, la masse du cap de Creus qui porte au loin sa pointe sauvage, profondément découpée et prolongée par les petites îles de Clavajera et de Masa de Oro. Ou plutôt, la chaîne des Albères, unique dans les deux tiers occidentaux de son parcours, se divise à partir du puig Saillfore (978 mètres), à moins de 40 kilomètres de la côte, en deux rameaux : l’un, conti- 1 DeLesse, Lithologie des mers de France, p. 175. 612 G. PRUVOT. nuation directe de la partie précédente, se dirige à l’est vers le cap Béar, par la crête aiguë qui porte à son point culminant la vieille tour de Madeloc ou tour du Diable; l’autre, chaîne de San-Pedro de Rhoda, du nom de l'important monastère ruiné qui se dresse sur le flanc de son plus haut sommet, se dirige vers le sud-est et suit à faible distance la ligne de la côte sous forme d’un arc embrassant dans sa concavité le golfe de la Selva, et dont la ligne de faîte est jalonnée par les puigs d’Albayeta, de Llanza, de Pao, de San-Pedro de Jthoda et des doigts de Cadaquès. La formation des Albères appartient en entier aux terrains primi- tifs. Composée presque exclusivement de schistes cristallins, elle résulterait, d'après M. Depéret', auquel j'emprunte ces quelques détails géologiques, d'un grand pli en éventail unique dont la voûte à été enlevée. MM. Almera et Bofill? admettent que Ce pli est dû à un soulèvement de la partie médiane ou axiale des couches qui, pri- mitivement horizontales, montrent, après la destruction de la voûte, les couches les plus anciennes formant l’axe et les plus récentes les flancs de la chaîne. Les couches les plus anciennes, situées au voisi- nage de la crête, sont des gneiss granitoïdes de part et d'autre des- quels, sur le versant espagnol aussi bien que sur le versant français, se succèdent les assises suivantes redressées et presque verticales : gneiss feuilletés riches en mica, micaschistes plus développés dans la région qui avoisine Île bord de la mer, enfin des phyllades cristal- lines brunes qui disparaissent sous les alluvions de la plaine du Rous- sillon au nord et de la vallée de Lampourdan au sud. De petites failles locales font reparaître par endroits les couchés plus an- ciennes. Le bord de la mer n’est plus accessible qu'au fond des petites baies, points d’aboutissement de minuscules vallées encaissées qui séparent les dernières ramifications des montagnes, parcourues par 1 Cu. Depérer, Descriplion du bassin tertiaire du Roussillon. | 2 J. ALMERA et A. BoriL, 4lgunos dalos geologicos sobre los Pireneos Orientales (Cronica cientifica de Barcelona). FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 613 des ruisseaux à allure torrentielle, dont le plus important est la Bayorie ou rivière de Banyuls. Les petites plages constituées en ces points par les matériaux en. traînés présentent toutes le même caractère: peu profondes, en pente assez inclinée, elles sont formées, en leur milieu, par des galets amenés par Île torrent et rejetés par la mer, el qui passent sur les côtés moins exposés au choc des vagues d’abord à des gra- viers, puis à du sable toujours grossier, gris noiràtre, composé des éléments qui dominent dans la région. Voici, comme type, d'après Delesse, la composition du sable lit- toral de l’anse de Peyrefñtte, à 3 kilomètres environ au sud de Banyuls : Quartz hyalin en grains anguleux......: FM ts RAR EE CIRE à LE Quartz hyalin gris ou noir en grains arrondis.....ss.ssessessee 4,4 Micaschiste gris avec paillettes de séricite, en grains roulés.... 8,3 Schiste micacé gris-verdâtre argenté, en plaquettes arrondies... 1,7 Gchiste feldspathique et micacé, en plaquettes arrondies ....... 5,7 Gneiss grisâtre, en grains aTIONdIS soso. A Or Débris de coquilles.........e...se.sssssves se. Use 00 Ces plages occupent le fond d'une série de petites anses dont les noms n’ont pas trouvé place sur la carte, et pour le détail desquelles je renverrai à la carte marine n° 1248, qui représente à grande échelle Ja côte de Canet au cap de Creus. Je signalerai seulement celles qui, à raison du voisinage, ont été particulièrement fouillées depuis la fondation du laboratoire Arago : c'est, entre le cap Béar et Banyuls, l'anse de Paulilles, bordée d’un bois de pins parasols et qui sert de port à une importante usine de dynamite, puis celle des Elmes, où a été construit récemment un vasie sanatorium pour les enfants scrofuleux. Au sud, séparée de celle-ci par le cap Dosne, qui abrite du vent du nord le village de Banyuls, s'étend la baie de Banyuls coupée en deux par un rocher, l'ile Petite, et dont les constructions du laboratoire Arago occupent, en face du village, tout le bord sud. La pointe extrême de ce côté est reliée par un môle à un rocher isolé connu dans le pays sous le nom d'ile Grosse et désigné, sur la carte 614 G. PRUVOT. marine, sous le nom de rocher de Fontaulé. Puis viennent les anses du Troc, de Peyrefitte, de Terrembou et, contre la frontière d’Es- pagne, l’anse de Cerbère, occupée par la gare internationale. En dehors de ces plages peu étendues, la côte est formée essen- tiellement de rochers gris fortement plissés et tourmentés et qui forment des pointes saillantes, élevées parfois (cap Ræderis, par exemple) d'une trentaine de mètres au-dessus de l’eau. Ils appar- tiennent au terrain silurien dans toute la région nord jusqu'au port de la Selva, et à l’archéen pour toute la masse du cap de Creus, de la Selva à Rosas. On rencontre d’abord, en allant du nord au sud, des phyllades brunes, peu cristallines, traversées de larges filons de quartz, sur lesquelles est construit, près de Collioure, l'ancien fort du Miradou. Collioure s’étage, peu au delà, sur des couches de schistes micacés brillants, à feuillets minces, avec des filons de quartz plongeant de 75 degrés au sud. C’est dans ces schisles qu'est creusé le port de Port-Vendres, et ils forment, au delà encore, toute la côte du cap Béar s'étendant jusqu’au vallon de Gosperons, qui forme, en s’élar- gissant vers la mer, la petite anse de Paulilles. Puis, des schistes sériciteux verdâtres, onctueux au toucher, forment le côté sud de l’anse et tout le rivage jusqu’à Banyuls, où une faille qui suit la Bayorie fait reparaître les schistes micacés précédents. Ils forment, là encore, une couche importante sur une longueur de 5 kilomètres, jusqu’à l’anse de Peyrefilte, puis les schistes sériciteux reparaissent sur une faible étendue au fond de l’anse, dont le bord sud est con- stitué, jusqu’à Cerbère, par des schistes siliceux en gros bancs, rap- portés par M. Depéret au terrain cambrien. A leur suite, l’anse de Cerbère est bordée par des schistes ardoisiers noirâtres, non cristal- lins, en lits minces, appartenant probablement à l'horizon du silu- rien supérieur. Une nouvelle faille fait reparaître au delà, vers la frontière, la succession des micaschistes, des schistes sériciteux et des schistes noirs siluriens (Depéret). On les reconnaît à Port-Bou, dans les (tranchées de la voie ferrée, FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. G15 sous forme de schistes argileux et quartzeux et de schistes noirs très pyriteux. Puis, le rivage se continue sur la côte espagnole, tout le long du golfe de la Selva, avec les mêmes caractères, succession de pointes rocheuses, les caps Negro, Llatrou, Raso, Llanza, Sernella, séparées, à intervalles presque égaux, par les anses de Port-Bou, de Golera, Garbetta, de Llanza, de las Toninas, toutes peu profondes, en arc largement ouvert, ourlées au fond d’une petite plage du même sable grossier gris, nullement calcaire, où dominent les grains de quar!(z associés à une faible proportion de micaschiste en plaquettes et de gneiss. A partir du port de Santa-Cruz-de-la-Selva, l'aspect change ; aux pentes adoucies de la région précédente, aux Caps saillants et espacés séparant les baies largement arrondies, succède, formant toute l'avancée du cap de Creus, une sorte de plateau rocheux, aride, inhospitalier, presque inhabité et dépourvu de cultures, compact ef plongeant tout d'une pièce sous la mer. Sur le fond général, gris ou noir, tranchent de puissänts filons quartzeux de couleur claire qui, plus résistants aux actions atmosphériques, font saillie çà et là au- dessus du sol, semblables à de larges murailles basses, et dont l'un, Ja baite roje (le ruban rose) des pêcheurs catalans, plongeant presque verticalement sous les eaux et visible du large à toute distance, con- stitue une marque, un point de repère hautement estimé des pêcheurs qui s’aventurent au loin. Sous l'attaque incessante des vagues et des agents atmosphé- riques, le bord s'est comme frangé, déchiqueté par une mullilude d’anfractuosités qui ne sont pas sans quelque analogie avec Îles fjords scandinaves, el qu’on désigne, dans le pays, sous le nom de calàs. Toutes ont le même caractère, formant comme autant de ports naturels remarquablement abrités. Les parois en sont abruptes, l'eau profonde et toujours Calme ; l'entrée est rétrécie et, au dela, la cala s'élargit en un bassin dont on ne soupconnerait jamais du dehors l'étendue, souvent même l'existence. Celle qui constitue le port de 616 G. PRUVOT. Cadaquès est une des plus grandes et des plus frappantes : l’arrivée venant de la côte de France y est charmante. La côte noire, escarpée et nue, où rien n’annonce le voisinage d’une ville, semble filer inin- terrompue devant le bateau, puis s’ouvre soudain comme les deux moitiés d’un rideau, faisant apparaître tout à coup la blanche petite ville en amphithéâtre, qui mire ses balcons, son église perchée au milieu sur un haut rocher, ses orangers blottis dans le ravin au- dessus, dans un large port aux eaux tranquilles. Le contraste est saisissant, surtout quand au dehors le mistral souffle en maître, avec la mer toujours forte et dure sur cette pointe avancée. À la pointe même du cap, deux calas, remarquablement pro- fondes et si étroites, à l’entrée, qu’on peut passer au devant sans en soupçonner l'existence, la cala Caulipe au nord, la cala Jigadora au sud, marchent à la rencontre l’une de l’autre, séparées seulement par un isthme de moins de 100 mètres de largeur. Que l'érosion continue son œuvre, elles finiront par être réunies en un passage séparant de la terre ferme la pointe actuelle du cap qui porte le phare, comme autrefois s’en sont détachées successivement les deux iles de Masa de Oro et de Clavajera. Toute la masse rocheuse ainsi découpée qui forme le cap de Creus, à l’est d’une ligne allant de Santa-Cruz-de-la-Selva à Rosas, appartient au terrain archéen formé essentiellement de gneiss et de micaschistes. Les montagnes qui dominent la Selva, de San-Pedro à la mer, sont formées de gneiss avec quartzites, surtout à la base. Puis, sur le versant nord du cap, ce sont des schistes gris à aspect tourmenté, très plissés, traversés par de nombreux filons de quartz. De la pointe du cap au cap Norfeo, schistes micacés ou siliceux, noirs ou gris, suivant qu'ils contiennent du mica magnésien ou des minéraux sodiques ou potassiques. Entre Cadaquès et Rosas se irouve un filon métamorphique de plus de 100 mètres de puissance exploité comme marbre (Vidalt). Enfin, du cap Falco au golfe de 1 D.-L.-M. Vipau, Reseña geologica y minera de la provincia de Gerona (Bol. de la Comision de mapa geol. de España, t. XIII, p. 209, 1886). FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 617 Rosas, toutes les saillies rocheuses de la côte sont formées de gneiss porphyrique grenatifère (Vidal ”). La petite ville de Rosas est adossée aux derniers contreforts de la région montagneuse. Au delà, c’est le golfe de Rosas, un décor ma- sique, d’une mélancolie puissante, malgré la joie de la lumière et la grâce de ses noms qui évoquent les roses, San-Pedro de Rhoda, Rhodamar, Rosas, avec sa couronne de ruines imposantes, restes d'une prospérité, d’une intensité de vie bien disparues aujourd'hui. Elles sont nombreuses, ces ruines; ce sont le monastère de San- Pedro, la tour Monjoy, le fort Santa-Trinidad qui domine le phare de Rosas, la citadelle de Rosas, énorme, où trois villes comme la ville actuelle tiendraient à l'aise, aujourd’hui champs de blé ou repaire de scorpions, la solide masse carrée du château de Mont- gri, le couvent d’Ampurias, enfin la vieille Ampurium romaine, où le rare promeneur peut rencontrer un atrium ou une piscine cultivés en pommes de terre ou fait rouler sous ses pas les cubes de marbre multicolores d’une mosaïque qui achève de se désagréger. Gà et là, quelques pauvres bourgades de pêcheurs, San-Pedro-el- Pescador, Armentera ; plus loin, dans les terres, Castellon-de-Ampu- rias, l'endormie. Un peu de vie persiste seulement aux deux extré- mités du golfe: à Rosas, dont le mouillage sûr attire les navires en relâche, quand le vent du nord ne permet pas de doubler le cap de Creus ; et au sud, à l'Escala, petit port ‘de pêche étranglé dans les rochers, où les bateaux tirés à terre, suivant l'usage de toute la côte catalane, se serrent et s’étagent sur trois rangs le long d’une plage minuscule, et où l’on danse le dimanche dans les hautes salles, au tapage des pianos mécaniques. Le golfe de Rosas termine la fertile vallée de Lampourdan, qui fait, de l’autre côté des Alhères, un pendant symétrique à la plaine du Roussillon. Comme cette dernière, la vallée de Lampourdan représente un ancien golfe comblé par des alluvions quaternaires, 1 D.-L..M. Viva, Géologie à toute vapeur de Port-Bou à Barcelone (Revue des Pyré- nées, t. V, 1893). 618 G. PRUVOT. sous lesquelles reparaissent par place les formations pliocènes sous- jacentes, et la plaine se prolonge vers la mer par les alluvions ré- centes amenées par les rivières qui la traversent ; les plus impor- tantes sont la Fluvia, qui a son embouchure vers le milieu du golfe, et la Muga plus au nord. La ville de Figueras, centre et capitale de la vallée, comme Per- pignan l’est de la plaine roussillonnaise, est bâlie sur un lambeau de lias moyen représenté par des calcaires et des marnes jaunâtres, entre les alluvions de la vallée et les collines éocènes qui la limitent à l’ouest et au sud. Le rivage actuel du golfe a la forme d’un arc surbaissé, étendu du nord au sud sur une longueur de 15 à 16 kilomètres; c'est une plage basse de sable gris, à grain plus fin mais de même composi- tion générale que celui des anses de la région précédente, assez riche de plus ici en débris coquilliers, mélange de coquilles terres- tres apportées par les rivières et de coquilles marines rejetées par la mer, Cette plage n’a que quelques centaines de mètres de large; elle représente un cordon littoral, en arrière duquel se trouve une zone marécageuse envahie par les roseaux et les tamarix, particulière- ment étendue dans la partie du nord, où elle forme les marais de Castellon. Sa formation est très récente, depuis les temps histo- riques, car le souvenir persiste encore, chez les habitants, d'une époque où le golfe s'étendait vers je sud au delà de ses limites ac- tuelles, contournant le promontoire d'Ampurias et de l'Escala, ainsi qu’en témoigne encore le nom de Vilademar, donné à un petit vil- lage à l’ouest et derrière Ampurias, et aujourd hui distant de plus de 2 kilomètres de la mer. A la limite sud du golfe, le rocher reparait, calcaire celte fois, appartenant au néocomien supérieur ou urgaptien (Vidal), sur une longueur de côte de 12 kilomètres environ, d’Ampurias à l'Estardit et aux îles des Mèdes, situées sur le prolongement de la pointe de l’Estardit. FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. €19 Ce lambeau crétacé n’a qu'une faible largeur limité en arrière par la colline nummulitique de Torroella de Montgri. Au voisinage de l'Escala, la côte est formée de deux bancs super- posés, un supérieur de calcaire compact, dur, à apparence de marbre, et un inférieur marneux, se laissant déliter facilement. Les couches plongent vers le sud-est; leur ligne de séparation arrive au niveau de l’eau à l'Escala même, d’où, sous l’action des eaux, deux faciès différents en amont et en aval du port; au nord-ouest, où c’est le banc le plus tendre qui affleure au niveau de la mer, l'érosion est active, la roche nue, fragmentée et éboulée; le fond esi peu pro- fond, couvert de cailloux arrachés à la falaise; les algues ne sy développent pas. Au sud-est, par contre, la ligne des eaux rencontre la couche compacte ; les embruns et les agents atmosphériques y ont creusé, au-dessus de la surface de l’eau, des excavations peu profondes, souvent un véritable chemin de ronde que surplombe à pic le rocher, tandis qu’au niveau même de l’eau un revêtement d'algues calcaires le protège contre les actions destructives. L'eau y est profonde, pure et claire, le fond semé seulement de quelques gros blocs détachés et couvert d'un épais tapis d'algues. Ce caractère de la côte se continue en s’accentuant au delà jus- qu’à l'Estardit. Partout une haute falaise calcaire, de couleur claire, souvent plus qu'à pie, et surplombant la mer d'une cinquantaine de mètres. De nombreuses failles la sillonnent, créant des points de moindre résistance que l’eau transforme à leur base en grottes étroites et profondes, toujours flanquées, à droite et à gauche, à l'entrée du moins, d’un large trottoir d’algues calcaires. Ces exca- vations sont nombreuses, de toutes dimensions et de toutes profon- deurs ; l’une d'elles, pas très profonde, 50 mètres environ, est courbe, et au fond, la lumière n'’arrivant plus que par une perfo- ration de la roche au-dessous de la surface de l’eau, reproduit le phénomène de la grotte d'azur. En deux ou trois endroits, sur des pointes avancées, les lèvres de la faille, attaquées des deux côtés, ont formé une arche naturelle; l’une des plus grandes, que l’on peut 620 G. PRUVOT. traverser en bateau, figure sur les cartes sous le nom de pointe de la Roche-Percée. Les îles des Mèdes, dernier terme de cette excursion rapide autour de nos côtes, point ultime du domaine scientifique du laboratoire Arago, ont même composition et même aspect. Elles forment une ligne de hauts rochers aux pointes aiguës, peu accessibles, animées seulement par le vol tournoyant de grandes bandes d'oiseaux de mer qui y ont élu domicile, courant en ligne droite du nord-ouest au sud-est sur le prolongement direct de la pointe de l'Estardit. Elles décroissent régulièrement de dimension de la terre vers le large, de la Grande-Mède, qui porte le phare, à la Petite-Mède et au rocher des Mèdes suivi lui-même de quelques petits rochers sans nom. Tout, dans leur configuration, les rattache à la côte voisine. Comme au cap de Creus, Masa de Oro et Clavajera, elles en ont formé autrefois une pointe avancée. La Roche-Percée montre la manière probable dont elles s’en sont détachées successivement; une brisure du rocher a dû, sous l’action des eaux, se transformer en passage couvert, puis en chenal ouvert par l'effondrement de la voûte; l’éro- sion se continuant a réduit de plus en plus le pourtour de l'ile ainsi détachée, rongeant en même temps des deux côtés les bords de la pointe restante et détachant de même plus tard une deuxième, une troisième île, et ainsi de suite, d'autant plus étendues naturellement qu’elles sont plus rapprochées de la terre ferme. La plus éloignée, la plus précocement séparée, et chacune à son tour, passe peu à peu d'île rocher et de rocher écueil sous-marin, avant de dispa- raître en entier, désagrégée et ensevelie sous les apports alluviens de la côte. Toutes les étapes de cette transformation se voient dans la région, du cap Norfeo, encore soudé largement au continent, à la pointe du cap de Creus, reliée seulement à la terre par un isthme étroit, à la formation: insulaire des Mèdes ou de Clavajera, aux écueils à fleur d’eau des caps l’Abeille et Oullestreil, entre autres, aux roches profondes du cap Béar et à celles semées au large du mouillage d’Argelès, dont il ne reste parfois que des blocs épars FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 621 arrondis et polis par l’eau, noyés presque entièrement dans la vase. Et ainsi se continue lentement, avec des alternatives de ralentis- sement et d'accélération suivant les conditions météorologiques, la régularisation du rivage méditerranéen par le double phénomène du recul des caps rocheux avancés sous les progrès de l’érosion et de l'effacement des golfes par les apports alluviens des rivières qui les comblent peu à peu; cette dernière Cause procédant par forma- tion de cordons littoraux successifs dus au conflit des eaux douces, rivières, torrents ou simplement eaux de ruissellement qui appor- tent les matériaux arrachés à leurs berges, et de la mer qui les repousse et les étale en barre à l'embouchure même des rivières et en plages des deux côtés de l'embouchure. Concaves d’abord (golfe de Rosas), les plages gagnent du terrain ensuite par l'apport de matériaux nouveaux et redressent leur courbure au point de se tendre en ligne droite entre les deux caps qui les limitent (plaine du Roussillon). Les plus légers de ces matériaux, lHimon fin en tout temps, sable pendant les crues, graviers et même cailloux volumineux aux épo- ques particulièrement troublées comme celles qui ont marqué la période diluvienne quaternaire, sont toutefois entraînés au delà du rivage, déposés sur le fond de la mer à une distance plus ou moins grande de la côte suivant leur poids et la violence du courant qui les a amenés, et constituent les sédiments sous-marins que nous avons à étudier maintenant dans leur nature et leur répartition. IT TOPOGRAPHIE SOUS-MARINE. La portion de mer bornée par la côte qui vient d'être décrite appartient, pour la plus grande part, au solfe du Lion, dont elle forme l'extrémité occidentale, et le reste, la partie attenante au golfe de Rosas, est plutôt sous la dépendance du grand bassin qui, 62? G. PRUVOT. entre le rivage des provinces espagnoles de Catalogne et de Valence d'une part, et les îles Baléares de l’autre, forme le golfe de Valence. L'étude des fonds sous-marins confirme cette distinction géogra- phique ét montre que le cap de Creus sépare effectivement deux régions naturelles, deux plateaux sous-marins à inclinaison peu prononcée, séparés par une profonde dépression qui vient de l'est et reliés seulement le long du cap par une bande étroite. Tout le long du rivage règne d’abord une bordure irrégulière, teintée sur la carte en jaune et en rose; la teinte rose indique les parties rocheuses qui prolongent à une distance plus ou moins grande sous la mer les pointes ou les caps de la côte; la teinte jaune représente les dépôts arénacés, continuation sous-marine des plages émergées. La vase est partout repoussée au delà de cette première bande, qui forme la zone littorale proprement dite. I. Zone uirrorALe. — Contre la plage du Roussillon, dans toute sa longueur, c’est une bande de 1 demi-mille de largeur moyenne et descendant en pente douce jusqu’à une profondeur qui ne dépasse pas 42 à 15 mètres. Au niveau même de l’embouchure des rivières, elle est plus réduite et la vase qui lui succède remonte presque jus- qu’au niveau de l’eau. Le sable est sensiblement de même compo: sition que celui de la plage émergée. D'après Delesse, c'est au sud de l'étang de Leucate, « un gravier anguleux gris noirâtre avec ar- kose, granit, schiste micacé noirâtre, quartzite noir, ophite grisätre ou verdâtre, grenat rouge et mica vert bronzé»; seulement des traces de calcaire. Il descend de plus en plus profondément et en talus de plus en plus raide à mesure qu'on approche de la pointe du cap de Creus. Sa limite inférieure, qui est à 23 mètres de pro- fondeur à l'entrée de l’anse de Paulilles, à 31 mètres dans la baie de Banyuls, atteint 40 mètres à l’anse de Peyrefitte, 35 mètres à Port-Bou, Colera, 42 mètres à la Selva et 53 mètres le long du cap Furnells. !1 descend plus profondément encore sur la pointe même du cap de Creus; nous Pavons rencontré à 70 mètres de profondeur, un peu au nord de Masa de Oro ; mais il est difficile de tracer là sa FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 623 limite, en l'absence d’une zone vaseuse interposée entre lui et les sables et graviers du large, avec lesquels il se continue insensi- blement. Sur la côte sud du cap, la limite inférieure remonte progressive- ment de nouveau, de 57 mètres au port de Cadaquès, à 50 mètres sur le cap Falco, pour se rencontrer à 15 mètres seulement à partir de Rosas, dans toute la traversée du solfe, comme sur la plage du Boussillon. Tout au sud, la profondeur augmente de nouveau ; le sable descend à 29 mètres à l’Escala et atteint 40 mètres sur la côte de la Roche-Percée et de l'Estardit. Dans la partie montagneuse de la côte, ce sable littoral est assez inégal de composition et de grosseur. Il débute, autour des roches avancées et dans leurs anfractuosités, par des cailloux et des gra- viers roulés, passant à du sable grossier, puis à du sable fin au milieu des baies. Le sable grossier, pur de tout mélange vaseux, esi affec- tionné par l’'Amphioæus et le Polygordius; il s’en trouve ainsi plu- sieurs stations tout le long de la côte, notamment dans Îa partie nord de la baie de Paulilles et surtout contre le Cap l’'Abeille. Là, sur la pointe de la roche littorale, entre elle et la zone vaseuse, se trouve, par 33 mètres de profondeur, une étroite bande de gros sable gris à grains roulés, presque égaux, de 2 millimètres de dia- mètre, renfermant en abondance des débris de coquilles, des oper- cules de Turbo, des tests d'Echinocyamus pusillus, les tubes arqués semblables à des coquilles de Dentale du remarquable Serpulien non fixé, le Ditrupa arietina. Les limités et la répartition de cette formation arénacée littorale sont sujettes à changer par suite des violentes agitations de l’eau. Ainsi nous avions trouvé, en 1883, au voisinage du point précédent, sur la pointe du petit cap du Troc, à mi-chemin de Banyuls au cap l’Abeille, par 30 mètres de profondeur environ, un large banc de sable semblable au précédent et qui nous avait montré une remar- quable faune d’Annélides. En 1886, après une série de violentes tempêtes, nous l'avons cherché en vain; le sable avait été enlevé et 62% G. PRUVOT. dispersé, et, depuis, la drague ne rencontre en ce point que la roche nue qui passe à la vase sans transition. Dans les baies où le sable est à l’abri de ces mouvements violents, plus fin et plus tassé, il est, en beaucoup de points, recouvert par un tapis de zostéracées marines, surtout de Posidonia C'aulini, qui, par son abondance relative, représente, dans la Méditerranée, les Zostera marina de l'Océan. Ces herbiers ne forment pas, dans notre région, les vastes prairies sous-marines exploitées pour la pêche à l’autre bout du golfe du Lion, vers Marseille. [ls paraissent faire défaut ou du moins n’offrir qu'un développement insignifiant au nord du cap Béar et apparaissent à la baie de Paulilies, dont ils occupent toute la partie sud jusqu'à une profondeur de 15 mètres à peu pres. Même chose pour la baie de Banyuls; puis ils ne forment plus qu'une bordure insignifiante de touffes chétives et espacées à la base de la roche le long de la côte du Troc, pour occuper ensuite en en- tier l’anse de Peyrefitte et toutes les baies secondaires qui découpent le golfe de la Selva. On n’en rencontre plus sur la côte nord et la pointe de Creus, où la grossièreté des matériaux, l’inchinaison des talus, l'agitation des eaux battues par le vent du nord, ne leur con- viennent pas. Ils reparaissent à Port-Lligat et à Cadaquès ; au mouil- lage de Rosas, ils forment un large et épais tapis remontant jusqu à quelques centimètres à peine du niveau de l’eau. Dans la région de Marseille, M. Marion distingue deux régions ou deux zones dans les herbiers ; une première qui va de 3 à 10 mètres de profondeur en moyenne, où les Posidonies ne forment que des touffes chétives séparées par des rochers ou des espaces sableux plus ou moins étendus, et une deuxième, plus profonde, de 10 à 33 mètres, s'étendant jusqu'à la limite des dépôts plus profonds, vase dans l’ouest du golfe de Marseille et fonds coralligènes dans l’est, et où les plantes plus vigoureuses forment un tapis dense et continu. Comme, dans notre région, elles ne sont jamais fortement développées, qu’elles ne descendent que tout à fait exceptionnelle- ment au-dessous de 15 mètres et qu'elles n’atteignent pas la limite FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYUIS. 625 inférieure du sable côtier quand celui-ci descend plus profondé- ment, ce serait donc toute cette deuxième zone profonde, la plus étendue des herbiers de Marseille, qui manqueraïit ici, probablement à cause des talus plus rapides et des matériaux plus grossiers, qui ne sont pas favorables à leur développement. Quoi qu'il en soit, à Marseille comme ici, les herbiers ne se déve- loppent pas dans la vase ; ils appartiennent à la première zone ou zone littorale, dont ils ne sont, de même que le sable pur des plages exposées ou la roche littorale, qu’un facies particulier. Le reste de la bordure littorale est formé par des rochers domi- nant surtout, comme on pouvait s’y attendre, au niveau des pointes avancées qu'ils prolongent sous les eaux parfois jusqu'à une dis- tance assez considérable, jusqu’à 4 mille de la côte émergée pour le cap Cerbère, par exemple. La disposition générale parait être par- tout la même : d’abord une masse rocheuse compacte, attachée à la terre, puis des têtes de roche isolées, entourées de galets roulés, de graviers et de sable, s’espaçant de plus en plus et finissant par disparaître sous les sédiments fins profonds. Toutes ces roches sont entièrement revêtues d'algues bien développées où dominent les Cystoseires abritant une riche population de poissons de roche et d'invertébrés de toutes sortes. Juste au ras de l’eau court horizontalement, le long des rochers, cette formation bien connue sur toutes les côtes de la Méditerranée, désignée sous le nom de érottoirs par M. de Quatrefages, dans son Voyage en Sicile, bande saillante presque toujours émergée el mouillée seulement dans le beau temps par l'embrun des petites vagues, anfractueuse et constituée en entier par une agglomération d'algues calcaires, surtout les Lithothamnion incrustans, Lithophyllum cristatum et dentatum recouvertes par les touffes de Corallina medi- terranea. Ces productions, qui représentent jusqu à un certain point, dans notre Méditerranée, les formations coralliennes des mers tro- picales, ont besoin, comme ces dernières, pour se développer, d'une eau pure, aérée et en agitation incessante. Aussi ne se rencontrent- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE, — T. 11. 1894. 40 626 G. PRUVOT. elles que sur les parties franchement exposées à la haute mer; elles font toujours défaut à l’intérieur des baies, même des plus minus- cules découpures de la falaise rocheuse. Leur rôle est un rôle de protection de la roche qu'elles revêtent, et se montre avec une évidence particulière le long de la eôte cal- caire relativement friable de l'Escala. Là, ainsi que j'ai eu occasion de le signaler déjà, la falaise calcaire se montre à partir du niveau de l'eau excavée assez profondément sur une hauteur de 1 mètre à 4%,50, formant un abri sous roche, une sorte de galerie couverte par le rocher surplombant, le plancher ou trottoir est juste au ras de l’eau, atteignant par endroits jusqu'à 3 mètres de large, occupé en entier par les mêmes algues calcaires qu'au voisinage de Ba- nyuls. Mais ce trottoir n’est pas dans son entier une néoformation ; les Lithophytes n’y font qu’un revêtement de 4 à 5 centimètres d'épaisseur ; au-dessous est le roc vif, dont le profil continue direc- tement celui de la paroi de la falaise émergée. Il n’y a pas de doute que la galerie a été creusée par l’action désagrégeante des embruns et des paquets de mer projetés dans les gros temps; que la partie qui en forme le plancher aurait été enlevée également déjà sans sa cuirasse d'algues, et que celles-ci protègent non seulement le plan- cher qu’elles recouvrent, mais la falaise tout entière ; car l'érosion marcherait beaucoup plus vite et amènerait rapidement la chute de la partie surplombante si les eaux n'étaient empêchées par les algues et le trottoir saillant qu'elles ont déterminé de venir battre librement le fond de la galerie, Il est à remarquer combien ces or- ganismes sont étroitement adaptés à leur rôle, se développant seu- lement sur les parties exposées d’une manière continue à l'érosion et proportionnellement à l’action destructive qu'ils combattent. La cause de leur prolifération est, en effet, la même que celle de l’éro- sion : l’agitation de l’eau contre la côte alternativement mouillée et exposée à l'air. Au point de vue purement physique, c’est encore à cette zone lit- torale qu'il faut attribuer une formation particulière très remar- FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 627 quable sur laquelle M. Marion a attiré l'attention dans le golfe de Marseille, et qu’il range parmi ses fonds coralligènes ; il en trouve le type au pourtour de l’île Ratonneau. «Là, dit-il, toutes les roches sont couvertes de concrétions curieuses constituées par des débris de coquilles ou de petits graviers agglutinés. Les êtres vivants ont le principal rôle dans ces formations. Il ne s’agit pas positivement d’un simple phénomène de sédimentation. Tous ces débris sont amassés par des Invertébrés et comme cimentés par eux. Les Spongiaires sont interposés partout. Les Annélides ont commencé par réunir les éléments d’un tube, d'un gîte. Les Limes ont agi dans le même sens. Les algues encroûütées se sont groupées. Les Bryozoaires se sont fixés sur les mêmes concrétions. Les animaux perforants inter- viennent à leur tour... Les Gorgones contribuent à augmenter la masse.!» Les choses se passent exactement de même dans notre ré- gion. En un certain nombre de points, à des profondeurs assez va- riables, mais toujours à la limite inférieure des roches ou des sables littoraux, se rencontrent des amas concrétionnés, anfractueux, abri- tant toute une population animale dont la richesse et la variété sont un perpétuel sujet d'émerveillement. Bien que la drague n’en ar- rache les blocs qu’à grand’peine, ils ne paraissent pas se développer sur la roche vive, mais à sa base, au milieu de l’étroite bande de sable grossier qui la borde. Les différentes stations que nous avons relevées sont de trop petite étendue pour pouvoir être figurées à l’échelle de la carte, La plus importante peut-être, celle qui, à raison du voisinage, est exploitée pour les recherches des travailleurs depuis la fondation du laboratoire Arago, est située au niveau de la pointe même du cap l’Abeille, à 200 mètres environ de terre. Elle forme, à une profon- deur moyenne de 35 mètres, un petit plateau irrégulier se perdant du côté du nord dans la vase adjacente, et bordé au sud par l’é- troite bande de graviers à Amphioxus déjà mentionnée, Les blocs 1 A.-F, Marion, Esquisse d'une topographie zoologique du golfe de Marseille (Ann. Mus. Hist, de Marseille, t. 1tr, p. 73, 1883). 628 G. PRUVOT. concrétionnés y sont particulièrement volumineux et se laissent arracher assez facilement ; ils sont formés surtout d'Éponges et de grands Bryozoaires calcaires, parmi lesquels dominent les Eschares, les Cellépores, les Frondipores. On n’y remarque pas de Lithotham- nion, mais la surface est mamelonnée par un revêtement abondant de Mélobésies, et les algues, Cystoseira, Udotea surtout, s’y dévelop- pent comme sur la roche vive elle-même. Nous avons rencontré des formations toutes semblables dans le nord, au pourtour des roches Cerbère du côté du large, développées dans les mêmes conditions sur les graviers plus ou moins vaseux qui les entourent. Mais là elles sont formées uniquement de débris animaux, Bryozoaires en plaques superposées et surtout tubes de Serpuliens; aucune algue, calcaire ou non, ne s'y renconire, ce qui s'explique peut-être par l'éloignement de la partie rocheuse de la côte. Un beau développement de ces mêmes concrétions se montre aussi sur Ja côte du cap de Creus, surtout vers 60 mètres de profon- deur, du côté sud-est de l’île Masa de Oro. Le pied des rochers littoraux arrive, en général, à la même pro- fondeur que le sable littoral, comme on peut s’en convaincre par l'examen de la carte. Ils forment donc ensemble une première zone, zone littorale, caractérisée par l’absence de vase. Celle-ci, apport des eaux du rivage, ne peut pas se maintenir sur les talus inclinés et même, sur les plages plates du Roussillon et du golfe de Rosas, elle est tenue en suspension par l'agitation incessante des vagues contre le rivage, et ne commence à se déposer qu'à une certaine distance, caractérisant la deuxième zone. Les pêcheurs connaissent encore et redoutent pour leurs filets un grand nombre de bancs ou de plateaux rocheux plus profonds et plus au large, sans continuité avec la terre. La plupart, Ruine, Can- nalots, Ouillals, semblent être de simples amas de sable et de débris concrétionnés. Nous avons pu, du moins, y promener la drague en tous sens, souvent sans accrocher; jamais, en tout cas, elle n'a ra- FONDS SOUS-MARINS DE LEA RÉGION DE BANYULS. 629 mené de roche vraie, même de cailloux d'un certain volume, autre chose que des graviers plus ou moins vaseux et des concrétions cal- caires d’origine animäle. Un autre banc, à 2 milles au nord du cap Béar, est d’origine arti- ficielle, formé par les débris qu’on y à rejetés lors du creusement du port de Port-Vendres ; il a, du reste, presque entièrement disparu maintenant, depuis qu’il y a quatre ans les pêcheurs de Collioure se sont mis à l’exploiter pour les Bitodches, les Vioulets marseillais (Microcosmus vulgaris), qui s'y étaient développés en abondance. Un certain nombre de ces bancs pourtant paraissent formés de roche véritable. Je dis paraissent, car, si nous y avons accroché et faussé souvent nos dragues, nous n'avons jamais réussi à en déta- cher un fragment de roche en place. Mais nous y avons toujours recueilli des cailloux polis, à angles émoussés, plus ou moins roulés, parfois de la grosseur de la tête, qui manifestement n’ont pu y être apportés de la côte par les eaux. Ce sont des morceaux de quartz, de gneiss ou de schistes semblables aux roches de la côte et iden- tiques à ceux quon rencontre autour des pointes rocheuses litto- rales immergées, en particulier autour des roches isolées qui pro- longent sous la mer l’extrème pointe du cap Béar. Je les considère comme résultant de la destruction lente sur place, de l'arrasement progressif de pointes rocheuses primitivement saillantes au-dessus du fond limoneux de la région. Ces plateaux se trouvent à diffé- rentes profondeurs suivant leur distance du rivage, de 20 mètres (roche Tavac, en face d’Argelès) à 51 mètres (roche Vidal, à 3 milles au large de l'embouchure de la Têt), mais jamais ils ne font de saillie appréciable au-dessus de la plaine sous-marine avoisinante. Les deux outrois plus méridionaux seuls ont pu prendre place sur la carte. Dans leur ensemble, ils forment une bande courant du sud au nord le long de la moitié méridionale de la plage du Rous- sillon, à partir d’Argelès jusqu'au petit port de Saint-Laurent, à l'embouchure de l'Agly. On n’en trouve pas d’autres plus au nord. Ils paraissent représenter les sommets rasés d’une dernière digita- 630 G, PRUVOT. tion sous-marine poussée vers le nord par la chaîne des Albères, enfouie en majeure parte dans le limon sous-marin et recouverte ici par la mer, comme d’autres digitations plus occidentales sont recouvertes par les alluvions de la plaine du Roussillon, ainsi qu'en témoignent les forages artésiens qui ont atteint, notamment à Bages, près de Perpignan, d’après Marcel de Serres, au-dessous des cou- ches pliocènes, des schistes argileux appartenant sans doute aux schistes primitifs des Albères, qui ne commencent à affleurer qu’à 8 ou 10 kilomètres de là dans le sud. Un autre plateau rocheux semblable, où nous avons de même recueilli, au milieu des concrétions, des cailloux volumineux de même nature que les précédents, se lrouve en dehors de la ligne précédente et bien plus au large, à 12 milles environ à l’est-nord-est du cap Béar. Je lui ai conservé sur la earte le nom de Fountaindrau sous lequel il est connu des pêcheurs. Noyé du côté du nord dans le sable vaseux qui tapisse toute cette région, et très abrupt du côté du sud, où la profondeur tombe en moins de 4 mille de distance horizontale de 170 mètres sans quitter le rocher, il doit aussi repré- senter le reste d’un sommet immergé d'un chaînon sous-marin des Albères. Si d’autres jalons de même nature étaient retrouvés plus au large encore le long de la corde qui sous-tend l’arc du golfe du Lion, ce serait une contirmation frappante de la théorie soutenue par M. Marcel Bertrand que les Pyrénées sont reliées aux Alpes par une chaîne actuellement immergée sous le golfe du Lion et qui . reparaîtrait à partir du cap Sicié, près de Toulon, pour constituer les monts de Provence, les chaînes des Maures et de l’Esterel. En somme, les roches sont surtout lttorales; plus au large, elles sont recouvertes par les sédiments sous-marins. Les roches litto- rales constituent avec le sable des baies, couvert ou non d'’herhiers, une bordure ou zone littorale dont la largeur n’atteint qu’excep- tionnellement { mille, et dont la profondeur et linclinaison aug- mentent régulièrement des deux côtés vers la pointe du cap de Creus, zone caractérisée par ce fait que l'agilation des eaux contre FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 631 le rivage y empêche le dépôt de sédiments meubles, c’est-à-dire de vase. Au delà s’étend une large région plane, non accidentée, où la pro- fondeur croît lentement jusqu'à 200 metres environ, après quoi vient un talus rapide où la carte montre les courbes de niveau rap- prochées et sensiblement parallèles, du moins jusqu'à l'isobathe de 800 mètres que nos moyens d'investigation ne nous ont pas permis de dépasser. Cette région intermédiaire en pente douce, sans acci- dents de terrain, mais à facies varié par la nature des dépôts, ne peut guère se laisser subdiviser en zones secondaires par des considéra- tions tirées de la profondeur, tout au plus peut-on y distinguer une région vaseuse et une région sableuse:; encore cette distinction u'esl- elle pas applicable partout. Nous l’appellerons dans son ensemble la zone côtière ou zone du plateau continental. JI. ZONE DU PLATEAU CONTINENTAL. — On sait que, partout, tout le long des côtes, règne, s'étendant jusqu’à une distance plus ou moins grande du rivage, y reliant Îles îles éparses, un plateau uniforme dont le bord est à 200 mètres environ de profondeur, après lequel les profondeurs croissent brusquement. Les océanographes l’appel- lent le plateau ou soubassement continental, C'est une région impor - tante, celle où pénètre à travers les eaux la lumière du jour, où se développent les végétaux, où les vents et les courants déterminent une agitation de l’eau et des échanges favorables à la vie, où est accumulée l'immense majorité des animaux marins; c'est la région des pêches. Au delà, c’est bientôt la nuit, la disparition des algues, la stagnation des eaux; on entre dans le domaine de la faune abys- sale. Nulle part plus que dans notre région, cette distinction nest accusée, la formation du plateau mieux caractérisée, avec son bord sinueux se dirigeant vers le nord-est à travers tout le golfe du Lion, pour se rapprocher de nouveau de la côte vers Toulon. A l'examen des cartes de la marine dont les chiffres de sonde très rapprochés près du rivage sont largement espacés dès qu’on s'en 632 G. PRUVOT. éloigne, en raison même de leur but spécial pour la navigation, il semble que les profondeurs croissent partout régulièrement et d'une manière à peu près continue. Toutefois, les pêcheurs du pays savent qu'il existe au large de Banyuls une sorte de grand trou allongé qu'ils appellent tantôt l’abime et tantôt plus modestement le rech (ruisseau, en langue catalane) et sur lequel ils professent les opi- nions les plus singulières. Sans parler des légendes entretenues par la capture des poissons rares à physionomie toute particulière qu'ils en ramènent quelquefois, Chimæra monstrosa, Stomias boa, elc., ni des prétendus tourbillons qui entraineraient les filetset risqueraient d’engloutir les bateaux, ils se le représentent comme une sorte de boutonnière coupée à pic dans le plateau, de profondeur insondable, de la largeur seulement de quatre palangres, 1 mille environ, et de 5 ou 6 milles de long, finissant au nord par le rocher du Fountain- drau et au sud d’une manière aussi abrupte à l'endroit appelé pic de rech. Ce dernier point ne répond pas à la réalité. Le rech est clairement délimité surnotre carte par les courbes de niveau à partir de 200 mètres. On voit que c’est une sorte de petit golfe sous-marin, une échancrure du bord du plateau, étroite et allongée, dont la pro- fondeur se tient entre 600 et 700 mètres, et qui s'ouvre au sud dans les grands fonds. C’est un des endroits les plus remarquables de la mer de Banyuls, un de ceux où la faune est la plus riche et la plus intéressante. Il n’était que naturel dès lors de lui réserver le nom de l’éminent fondateur du laboratoire, et comme je n’ai pas trouvé de terme général admis déjà dans la science pour ces découpures si spéciales du plateau continental aux abords des caps rocheux qui limitent les grands golfes, j'ai conservé le terme catalan de rech et ai désigné sur la carte celui qui nous occupe sous le nom de rech Lacaze-Duthiers. Les gens du pays connaissaient aussi l'existence vaguement, les eaux espagnoles étant interdites aux filets français et les Espagnols ne pratiquant pas la pêche aux filets traînants, d’un autre abîme qui devrait se irouver au voisinage du cap de Creus. Il figure sur la carte FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 633 sous le nom de rech du Cap, semblable au précédent, mais moins long, et s'avançant par sa pointe beaucoup plus près de la côte. Une troisième découpure, plus large et moins profonde, à talus paraissant aussi moins abrupts, mais que nous n'avons pu étudier encore que par une seule ligne de sondages, à cause de la rareté des journées assez claires pour les relèvements à celte distance de la côte, se trouve à l’est du rech Lacaze-Duthiers, et, au delà, les rares chiffres donnés par les cartes marines semblent en indiquer une quatrième, d’après la présence d'une profondeur de 475 mètres marquée notablement plus près de terre que les deux chiffres voi- sins, 212 mètres et 285 mètres. Par contre, au sud du cap de Creus, le bord du plateau conti- nental ne paraît pas offrir les mêmes sinuosités. Il est sensiblement rectiligne et bien moins nettement délimité, ainsi qu'on en peut juger déjà par les intervalles plus grands qui séparent les isobathes au large du golfe de Rosas. De plus, ici les sédiments du plateau pas- sent insensiblement à ceux des grands fonds, tandis que, dans la région du nord, pour le plateau français, la démarcation est {très nettement tranchée entre les sables du plateau et la vase des grands fonds ; leur limite s’y rencontre vers 250 mètres en moyenne. Dans l’ensemble, on peut donc dire que les grands fonds s’avan- cent presque jusqu’à la pointe du cap de Creus, laissant à comme un isthme étroit, de 3 milles environ de largeur, qui sépare un pla- teau méridional incliné régulièrement d’un plateau septentrional presque horizontal et à bord profondément découpé. Qi les eaux de la Méditerranée venaient à s’abaisser subitement de 200 mètres, le profil de la côte serait, en cette région, presque exac- tement l'inverse de ce qu'il est actuellement. A la place de l'avancée du cap de Creus se verrait un profond golfe ouvert à l'est ; l'échan- erure du golfe de la Selva serait remplacée par une saillie formée par le bord du plateau que j'ai appelé le plateau Roland ; au niveau du cap Béar actuel serait un autre golfe, le rech Lacaze-Duthiers, et, à partir de là, la côte courrait vers le nord-est, de moins en 634 G. PRUVOT. moins sinueuse, mais s'écartant de plus en plus de la ligne de côte actuelle, et effacant toute la concavité du golfe du Lion pour se rap- procher de nouveau du rivage actuel de l’autre côté, vers le cap Sicié, par une ligne également très sinueuse, ainsi que le montre en particulier, au voisinage du banc des Blauquières, la carte donnée par M. Marion pour la région de Marseille et de Toulon. Il y a, d’après cela, lieu de distinguer, pour l'étude de cette zone moyenne du plateau continental, comprise entre la zone littorale et la région profonde, dans la mer de Banyuls, deux plateaux : l’un au nord, que nous appellerons dans son ensemble le plateau fran- çcais, l’autre au sud, Le plateau espagnol, séparés par le rech du Cap. Plateau français. — 11 est occupé par deux sortes de sédiments : la vase côtière et les sables du large. La vase côtière est une vase gris jaunâtre, molle et gluante, mais non plastique, qui ne laisse pas reconnaître de particules sableuses appréciables quand on l’écrase sous le doigt. Elle s'étend à une dis- tance du rivage d'autant plus grande qu'on remonte davantage vers le nord, contre la plage du Roussillon, en face de rivières relative- ment importantes. On la rencontre pure et sans mélange sableux jusqu'à 8 milles de la côte, dans la partie nord de la carte, où elle forme une grande plaine uniforme en pente douce, la plaine du Tech. Au delà, elle s'étend de plus en plus et arrive à 15 milles environ du rivage, au niveau du cap Leucate. Vers le sud, au con- traire, le long de la côte montagneuse qui ne présente guère de rivières appréciables, elle forme une bordure de plus en plus étroite, puis disparaît complètement au delà du golfe de la Selva, vers la pointe du cap de Creus. La coupe du sondeur ne ramène jamais que de la vase pure; mais la drague, qui fouille plus profondément, rapporte presque partout, surtout en face de Banyuls et de Cerbère, de petits cailloux roulés, parfaitement arrondis et de la grosseur d’une noisette en moyenne, qui y sont enfouis. La plupart sont formés de quartz jau- nâtre, quelques-uns de gneiss ou de micaschistes. FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 635 Elle présente, en certains endroits, une grande abondance de coquilles mortes. Il faut citer surtout, juste au nord de l'endroit où ont été rejetés les débris du creusement du port de Port-Vendres, un vaste banc d'huîtres qui court parallèlement à la côte, à 3 milles environ de l'embouchure du Tech. Exploité activement il y a une vingtaine d'années, il est actuellement détruit ; à peine y trouve-t-on de temps en temps une ou deux huîtres vivantes; maïs les vieilles coquilles, fixées les unes sur les autres en amas souvent volumineux, abritent toute une faune intéressante. Cette vase côtière descend partout, quelles que soient la largeur de la bande vaseuse et l’inclinaison du talus sur lequel elle se main- tient, jusqu’à une profondeur sensiblement uniforme, 90 mètres envi- ron, Dans l’est du golfe du Lion, la carte de M. Marion montre la vase du Rhône s'étendant à 10 milles au large et à une profondeur maxi- mum de 410 mètres, Ces chiffres sont comparables et ne répondent pas à l'énorme différence que présentent, au point de vue du courant et de la masse des apports, le Rhône et nos minimes rivières cata- lanes. La différence est même moins grande encore qu’elle ne parait; il y a là une question d'appréciation, la limite entre la vase et le sable qui la suit ne pouvant être rigoureusement tranchée. J'ai marqué, au delà de la vase pure, une bande de vase sableuse où j'ai fait ren- trer tous les points où l'on sent, en écrasant la vase sous le doigt, une proportion appréciable de sable. Or, les cartes marines de Ia région indiquent la plupart du temps aux mêmes points : v. m. (vase molle), et M. Marion semble avoir nolé les dépôts de même ; sa carte m'indique, du moins, qu'une seule ligne de limite entre la vase et les sables du large, sans bande vaso -sableuse interposée. Et si l’on ajoute, sur notre carte, à la vase pure cette bande de. vase plus ou moins sableuse, la vase côtière descend aussi dans notre région, en face du golfe de la Selva, jusqu'à 410 mètres environ. Nul doute, pourtant, que ces dépôts vaseux soient apportés du rivage par les rivières. Les marins peuvent suivre souvent assez loin de la côte la traînée boueuse déversée dans la mer par le Rhône ; dans notre ré- 636 G. PRUVOT. gion même, nous avons rencontré souvent, en temps de crue, des traînées semblables, proportions gardées, venant du Tech et lon- geant la côte sous l’action des courants de surface. Peut-on essayer d'expliquer cette profondeur sensiblement uni- forme qu'atteint la vase côtière dans tout le golfe, quelque diffé- rents que soient les conditions de son apport et le fond sur lequel elle s’étale ? On sait que le contact de l’eau de mer fortement miné- ralisée détermine la précipitation rapide des sédiments, qui reste- raient en suspension beaucoup plus longtemps dans l'eau douce. Les apports boueux des rivières doivent donc se déposer à une faible distance du rivage, dès que le mélange de l’eau douce et de l'eau salée est accompli et que le courant d'apport n’a plus de vitesse appréciable. La vase est alors étalée sur le fond par les agitations de l'eau, et cette profondeur de 100 mètres environ peut être regardée comme la profondeur au-dessous de laquelle, dans le golfe du Lion du moins, l'agitation des vagues et des courants superficiels ne se fait plus sentir et ne disperse plus les sédiments même les plus légers. Nous trouvons une autre preuve de ce repos des eaux au- dessous de cette profondeur dans les précipitations chimiques et les concrétions qu’on rencontre sur le bord du plateau. Quoi qu’il en soit, la vase côtière — et il en est de même dans la région de Marseille — n'atteint pas le bord du plateau continental ; elle en est toujours séparée par une bande de sable et de graviers. Ceux-ci, sables et graviers du large, affleurent sur la moitié au moins du plateau dans la partie du nord, et leur surface est encore moins inclinée que celle de la région vaseuse à laquelle ils font suite et avec laquelle ils se continuent insensiblement par une bande où vase et sables sont mélangés, d'autant plus vaseuse qu'on se rap- proche davantage du rivage, d'autant plus sableuse qu'on sen éloigne plus. A l'extrémité sud, au niveau du cap de Creus, le sable se continue sans vase interposée avec les formations littorales. Là, son inclinai- son est plus rapide, les éléments en sont plus grossiers ; il renferme FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 637 en abondance de petits cailloux roulés de granulite et surtout de quartz jaunâtre, de la dimension et de la forme de dragées, parfai- tement polis et arrondis, sur lesquels sont fixés-en grand nombre de grands Hydraires monozoïques, Tubularia indivisa. En outre, tout ce plateau du Cap est semé de coquilles brisées, de tubes de Pro- tules, de débris de coraux, Cladocora, Caryophyllia, de grands Bryo- zoaires calcaires, Myriozoon, E'schara, etc., qui, agglutinés, cimentés ensemble et avec les éléments minéraux grossiers du sol, forment un fond dur, rocailleux par places, avec des intervalles de gravier meuble, tout semblable aux fonds coralligènes profonds que M. Ma- rion a vu descendre, vers la côte de Toulon, jusqu'à 100 mètres et plus. Ici, ils se prolongent jusqu'au bord même du plateau, jusqu à plus de 200 mètres. | Plus au nord, on rencontre une grande plaine où le sable plus fin, tassé, dur et plus ou moins vaseux, forme des monticules où se plantent et se perdent les chaluts, si l'on n’a pas soin de les soulager par de petits cercles de bois croisés sous la ralingue du filet pour l'empêcher d’enfoncer. Elle est désignée, sur la carte, sous le nom de plaine Arago. Elle se termine au sud par le plateau Roland, plus incliné, formé aussi fondamentalement de sable à éléments quart- zeux franchement roulés, mais encore plus fin et mélangé de vase dont la proportion, croissant à mesure qu'on se rapproche du bord du plateau, peut atteindre et dépasser 40 pour 100. De l’autre côté du rech Lacaze-Duthiers, le petit plateau étroit du Balandrau, terminaison de la plaine du même nom, fait pendant au plateau Roland et présente les mêmes caractères. Enfin, au nord de la plaine Arago commence, à la hauteur de Banyuls, un grand banc presque horizontal de sable et de graviers, qui se prolonge dans le nord-est. C'est la terminaison de cette large nappe sableuse qui court à travers tout le golfe du Lion formant le bord du plateau continental entre la vase côtière el la vase pro- fonde du large. Elle a été signalée déjà par Delesse, qui constate que, cette bande sableuse étant partout entourée de vase, « son C38 G. PRUVOT. dépôt ne saurait être attribué à un courant, mais il paraît plutôt qu'il indique l'existence d’une formation arénacée venant affleurer sous la mer à ce niveau ». (Lithologie des mers de France, p. 286.) Partout ces sables du large sont riches en débris de coquilles, mais dans les endroits où ils sont purs, sans mélange de vase, la proportion et la dimension des coquilles et de leurs débris est bien plus considérable. Il se forme en certains endroits, par leur agglo- mération, par la cohésion des graviers et surtout par le développe- ment des tubes de Serpuliens (Protula tubularia), qui réunissent et conglomèrent tous les débris, des bancs rocheux de même nature, mais moins variés dans leur composition, que les fonds coralligènes du plateau du Cap, et auxquels j'ai conservé les noms expressifs sous lesquels ils sont connus des pêcheurs, qui les ont relevés avec soin et évitent d'y engager leurs filets. C'est, dans le sud, au milieu du golfe de la Selva, le banc des Ouillals (en langue catalane, dents œillères ou canines), étroit et allongé du sud-ouest au nord-est, compris entre 94 et 116 mètres de profondeur, auquel fait suite, revenant brusquement vers le sud- est, une bande de plaques concrétionnées plus éparses, entre les- quelles, avec un peu de chance, le chalut peut passer sans irop d’avaries. Ils limitent, en somme, dans leur angle ouvert au sud, le plateau du Cap, auquel ils forment comme autant de bastions avancés. Dans le nord, en face du cap Béar, se trouvent, par 90 mètres de profondeur moyenne, deux plateaux relativement plus compacts, les Cannalots (petites cannes, nom donné aux tubes presque droits des Protules), et la Æuine, laissant entre eux un passage libre de { mille à 4 mille et demi de large, puis, à 3 milles dans l’est, le Fountandrau, ainsi nommé parce qu'on découvre de là, comme marque, un ravin de la côte où coule une source de ce nom. Tous trois sont sensiblement sur la même ligne, sur le prolongement d’un chaînon qui se détache de la chaîne principale de la côte, au puig Saillfore, passe par la tour Madeloc et forme l’arête du cap FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 639 Béar. Nous avons, à la vérité, traversé plusieurs fois les deux pre- miers avec la drague sans accrocher dans la roche et sans ramener autre chose que les graviers et les amas concrétionnés précités, mais il ne serait pas impossible toutefois qu'ils eussent un noyau de roche vraie, quelque sommet rasé, noyé dans les sédiments, d'un prolongement sous-marin du chaînon précédent, ainsi que nous l'avons reconnu pour la bande de rochers qui court en face de la plage du Roussillon. La chose, en tout cas, est hors de doute pour le Fountaindrau. On ne rencontre bien, sur tout son pourtour, que les conglomérats ordinaires de graviers, de coquilles et de Protules ; mais, au centre, il nous est arrivé d’accrocher et de briser la plus forte de nos dra- oues, ce qui ne serait guère le fait de concrétions relativement fra- giles et peu adhérentes au sol; et, à diverses reprises, la drague à ramené des fragments de rocher parfois gros comme une tête d'en- fant, arrondis et polis comme ceux qu'on rencontre tout autour des roches littorales. Ils sont, du reste, de même nature : schistes, quartzites et surtout une granulite colorée en jaune brun par le fer provenant de la décomposition du mica, et qui forme fréquemment des filons dans les schistes. Enfin, sur le flanc sud du Fountain- drau, on peut reconnaître un profond ravin irrégulier, avec des sautes brusques de profondeur, à parois rocheuses qui retiennent et déchirent les fauberts de l'engin des corailleurs. Il y a donc là, à n'en pas douter, une véritable montagne sous-marine dont le sommet affleure au niveau des sédiments du plateau continental, et par un ravin de laquelle commence le rech Lacaze-Duthiers. A l’exception de ce point, le talus au bord du plateau continental ne montre nulle part de véritable rocher. La pente en est raide, mais il ne faudrait pas se l’exagérer ; en aucun point elle ne dépasse 20 degrés. Il ne s’agit donc pas ici d'une falaise véritable, mais d'un simple talus sableux. Son bord supérieur est dessiné assez exacte- ment par l’isobathe de 200 mètres, puis au-dessous on perd rapi- dement le sable pour entrer, à partir de 250 mètres en | moyenne, 640 G. PRUVOT. sans transition ménagée, dans la vase profonde qui tapisse le reste du talus et se poursuit dans les grands fonds. C’est sur cette bande intermédiaire, à la limite du sable et de la vase, qu'on rencontre Île plus abondamment les conglomérais rocailleux qui pourraient faire croire à l'existence de véritables ro- chers. Ils sont abondants surtout au fond des rechs Lacaze-Duthiers et du Cap et deviennent de plus en plus rares vers leur embou- chure, où la pente est moins forte, les sédiments plus fins et la sé- paration entre le sable et la vase moins tranchée. Ce sont là surtout de grandes plaques de Madréporaires rameux, Dendrophyllia, Amphihela, Lophohelia, fixés à l'origine sur les co- quilles isolées et s’étalant de là sur le fond avoisinant. Sur les par- ties mortes, à demi envahies par la vase ou le sable, se développent des colonies nouvelles. Des Gorgones, de grands Brachiopodes, Terebratula, Terebratulina, Megerlæa, viennent se fixer aux rameaux. Dans les interstices, dans les parties mortes et décomposées, s’abrile une remarquable faune d’Annélides. Les agglomérations de tubes de Serpuliens sont presque aussi communes. J’ai sous les yeux un de ces amas provenant de la pointe du rech Lacaze-Duthiers, par 393 mètres. Il pèse 55,650 et a 39 centimètres de long sur 23 centimètres de large et seulement 6 centimètres d'épaisseur maximum en son milieu. Toutes ont, du reste, cette forme aplatie. La face supérieure forme une table peu anfractueuse, à intervalles comblés par un ciment vaseux solidifié. Les tubes calcaires d’Annélides y ont leur couleur blanche habi- tuelle. Certains sont occupés encore par l'animal vivant, et à la sur- face se sont développés en abondance des Hydraires, des Alcyon- naires, des Éponges, etc. La face tournée vers le sol, qui ne montre pas d'organismes vivants, est beaucoup plus brune, couleur pain d'épice, et présente des taches noires çà et là. La masse entière esl formée à peu près exclusivement de tubes de Protula tubularia et de Serpuliens divers agglutinés par un ciment brunâtre qui rend le tout assez compact, très dur et très lourd. Ce dépôt forme çà et là entre FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. G41 S x les tubes de petits nodules à peu près ronds, surtout visibles sur la face profonde, et, de ce côté, les tubes eux-mêmes sont complète- ment infiltrés de dépôt et ont pris, dans toute leur épaisseur, la même couleur brune. L'analyse donnée au chapitre suivant montre que cette substance est un calcaire remarquablement riche en fer et en manganèse, qui n'a pu se déposer que par voie chimique. On rencontre fréquemment aussi des grès assez friables, à élé- ments sableux grossiers, analysés au chapitre suivant, même des conglomérats où les dragées de quarlz et de granulite susmention- nées sont unies par un ciment brun pain d'épice qui paraît iden- tique au précédent. Une de ces plaques, du poids de 850 grammes, a été recueillie contre le piateau du Fountaindrau, à une profon- deur comprise entre 88 et 165 mètres, profondeurs des points où a été mise à l’eau et retirée la drague, ce qui prouve que le repos des eaux, nécessaire pour que ces précipitations chimiques puissent se produire, règne déjà à une profondeur relativement faible, qui est celle d’une bonne partie de la surface du plateau continental. D’ail- leurs, on conserve au laboratoire une vieille ancre rapportée par des pêcheurs d’un point de la plaine Arago voisin de ceux qui sont marqués sur la carte 109 et 112 mètres, recouverte d'une brèche coquillière cimentée de même et imprégnée d'une substance brune qui provient, sans aucun doute, de l'attaque lente du fer de la masse par l’eau de mer. Il a été analysé aussi une concrétion remarquable, que nous avons recueillie, avec une autre presque semblable, près de l’em- bouchure du rech Lacaze-Duthiers, par 300 mètres environ de pro- fondeur. L'échantillon avait 41 centimètres de long, un poids de 350 gram- mes, et vaguement la forme d’un jambon. L’extrémité la plus large, comme tronquée, présentait des arêtes vives nullement émoussées. La surface, noircie par endroits et plus foncée que l'intérieur, était recouverte sur la face non en contact avec le sol de tubes de Ser- pules et de quelques bases de polypiers d'Amphihela, creusée, en ARCH. DE ZOOL. EXPe ET GËNs, — 9€ SÉRIE, —— Te lls 1894, 44 642 G. PRUVOT. outre, d’un certain nombre de cavités arrondies, peu profondes, dues à des mollusques lithophages. L'intérieur du bloc est occupé dans toute sa longueur par un tube cylindrique de 12 à 13 millimètres de diamètre, avec deux branches latérales plus courtes, également cylindriques et de même diamètre, qui ont déterminé la forme générale de la masse. C’est un tube creux, à parois épaisses, formé de la vase bleuätre de la région, qui à tous les caractères d’un tube de Maldanien. La lumière centrale est oblitérée, et il est percé en long de plusieurs petites galeries cylindriques de 1 millimètre de diamètre. L'une d’elles débouche librement au centre de l'aire régulièrement circulaire qui tronque l'extrémité la plus large de la concrétion; elle était occupée encore par une Sabella reniformis vivante. Il est donc probable qu'après la mort du Maldanien qui a construit le tube, la cavité primitive a été envahie par la vase, et que les Sabelles perforantes sont venues Y creuser leurs galeries pendant que le dépôt s'effectuait à la surface. Ce dépôt a partout autour du tube la même épaisseur, de 9 à 41 mil- limètres:; il est jaune brun assez clair, couleur pain d'épice, com- pact et homogène. À la loupe, on voit çà et là sur la cassure de petits points brillants, lamelles de mica et faces de clivage. de petites plaquettes de feldspath qui fiottaient autour et ont été incorporées à la masse du dépôt. On remarque aussi çà et là, en- globées dans la masse, des parcelles de vase tranchant sur le fond jaune brun par leur coloration gris bleu et se perdant in- sensiblement dans le dépôt qui les entoure; enfin, çà et là, de petits vides, petites cavités tubulaires plus ou moins contournées, sans communication avec l'extérieur et tapissées d'ordinaire par une très mince couche de la même vase. La vase même du tube durcie est infiltrée de la même substance brune formant par en- droits, dans son épaisseur, de minces lames concentriques. L'ana- lyse (V. chapitre suivant) a montré que c'est un carbonate de chaux et de magnésie ferrugineux et renfermant une proportion de man- ganèse notable, d'autant plus à remarquer qu'on ne rencontre que FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 643 des traces à peine sensibles de ce corps dans tous les sédiments de la région. On peut se demander pourquoi ce dépôt ne s’est pas effectué aussi autour de l'extrémité la plus large du tube. Ce n’est pas parce que le tube était appliqué contre une roche ou contre la muraille de vase, puisque la table circulaire qui termine la concrétion de ce côté, et au centre de laquelle s’ouvre le tube est recouverte, comme le reste, de Serpules et de coraux. Faut-il admettre plutôt que le tube a été constamment habité par des Annélides, comme celle qui l'oceupait encore quand nous l’avons recueilli, pendant tout le temps que s’est formée la masse du dépôt autour de lui, et que ce sont les mouvements et l'agitation de l’eau résultant de leur présence qui ont empêché le dépôt autour de l’orifice ? La chose est vraisemblable et prouverait alors que ces concrétions se forment actuellement et relativement vite. Plateau espagnol. — Le plateau espagnol est beaucoup moins étendu en surface que celui dont il vient d’être question. Notre carte n'en montre guère que le tiers septentrional; mais on peut la com- pléter par l’examen de la carte française du Dépôt des fortifications, où les courbes bathymétriqnes ont été dessinées par M. le colonel Prudent. Il s'étend, entre le cap de Creus et le cap Saint-Sébastien, jusqu’à 20 milles au large du fond du golfe de Rosas. Il est ovalaire et a un contour beaucoup plus régulier, non découpé comme celui du plateau français. Dans sa partie nord, il est constitué exactement comme ce dernier ; à la vase côtière, qui, en face de Cadaquès, ne forme qu’une étroite bande, succède un large plateau de sables et de graviers très coquilliers, souvent agglomérés, durs aux filets. C’est la continuation du plateau du Cap. Il se continue jusqu’au bord du plateau continental, où son talus abrupt forme le bord méri- dional du rech du Cap. Mais, plus au sud, en face du golfe de Rosas et des pointes de l’Escala et de l’Estardit, la vase côtière a une exten- sion bien plus considérable. Elle est encore plus molle, plus gluante et aussi plus jaune que la vase côtière du nord. Elle renferme à l’en- 644 G. PRUVOT. trée du mouillage de Rosas, en face de l'embouchure de la Muga, un important banc d'huitres aujourd’hui détruit, comme celui que j'ai signalé contre l'embouchure du Tech. Puis elle s'étend sur toute la surface du plateau, formant une vaste plaine, où abondent de grandes Éponges remarquables, que j'ai désignée sous le nom de plaine d'Ampurias, se continuant, sans démarcation distincte, avec la vase profonde, qui a exactement le même aspect, la même composition et à la formation de laquelle elle contribue certaine- ment. Le bord du plateau continental a aussi ici son talus bien moins accentué que celui du plateau septentrional français, ainsi qu'on peut le voir par le plus grand écartement des courbes de niveau. III. ZONE DE LA VASE PROFONDE. — La vase profonde qui tapisse tous les grands fonds est, en général, identique d'aspect dans le nord et dans le sud. C’est une vase fine, molle, jaune verdàtre, pas- sant au gris jaunâtre en séchant, comme la vase côtière du sud. Elle s’est toujours montrée très pauvre en formes animales. Dans les rechs, elle forme cuvette, remontant, ainsi qu'il a été dit, jusqu'à la ligne de 250 metres à peu près. D’ordinaire, elle pénètre sans difficulté dans la coupe du sondeur qu’elle remplit. Mais en un certain nombre de points, le sondeur, remontant obstinément vide, renfermait seulement, mais d’une manière constante, quelques grains de gravier ou des débris de coquilles absolument propres, de sorte qu’on pourrait croire qu'il aurait frappé sur la roche. Mais toujours alors la surface extérieure de la coupe était enduite sur la moitié de sa hauteur environ, d’une vase beaucoup plus compacle et d’une teinte bleu ardoisé différente de la teinte ordinaire. En laissani filer le plomb de sonde à toute vitesse, on pouvait remarquer que l’en- duit vaseux se retrouvait alors sur toute la hauteur de la coupe et même contre la lame de caoutchouc qui la surmonte. Mais on ne trouvait toujours à l'intérieur que les débris susdits toujours propres. Une fois ou deux, pourtant, nous y avons recueilli un fragment de vase bleue ayant la consistance du mastic, et qui ne s'était pas FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 649 moulée sur la forme de la coupe. Elle est analysée au chapitre suivant. Ce fait ne peut s’expliquer, ce me semble, qu'en admettant qu’en ces points le fond, est formé par une vase extrémement compacte et plastique qui forme muraille autour de la coupe sans retomber à l'intérieur quand celle-ci s'enfonce, et que cette vase est recouverte presque partout de fragments divers, coquilles, concrélions, gra- viers, qui reposent à la surface sans être mêlés à la vase, et qui, soulevés par le choc du sondeur, retombent seuls à l’intérieur. Ces débris paraissent provenir des régions supérieures du plateau et avoir simplement roulé le long du talus, d'autant plus que nous ne les avons trouvés, ainsi que la vase bleue compacte, qu’au fond et contre le bord des rechs. Nous n'avons du moins rencontré ce fond particulier qu’à la pointe du rech Lacaze-Duthiers, au-dessous du Fountaindrau et le long de tout le bord méridional du rech du Cap. Une ligne ponctuée indique tous ces points sur la carte. La compacité de ce sédiment, la présence à sa surface de débris non recouverts par des couches de vase nouvelle, le fait que le fer y est à un état de réduetion plus avancé que dans la vase profonde ordinaire, tendent à faire penser que nous avons affaire là à un dépôt déjà ancien que ne recouvrent plus des apports nouveaux et que la ligne formée par ce dépôt doit représenter le bord de l'aire d'expansion de la vase profonde. IV ANALYSE DES SÉDIMENTS. Parmi les sédiments ramenés par la coupe du sondeur, j'ai choisi, pour les analyses, sept échantillons représentant, en dehors des for- mations sableuses littorales, toutes les variétés de dépôts meubles dans notre région. Trois appartiennent à la vase côtière. Ge sont : A. Vase côtière du nord,— Partie méridionale de la plaine du Tech, 616 G. PRUVOT. >! à 7 milles à l’est de la plage d’Argelés. Profondeur : 87 mètres. B. Vase côtière intermédiaire. — Milieu du golfe de la Selva, à 2 milles et demi à l’est du cap Raso. Profondeur : 74 mètres, C. Vase câtière du sud. — Bord occidental de la plaine d'Ampurias, à 2,2 milles sud-est du cap Norfeo. Profondeur : 93 mètres. Trois appartiennent à la vase profonde : D. Vase profonde du nord, — Embouchure du rech Lacaze-Duthiers à 13,8 milles à l’est du cap Cerbère. Profondeur : 750 mètres. E, Vase profonde du sud. — Extrémité orientale de la plaine d'Am- purias, à 44,7 milles à l’est du cap Norfeo. Profondeur : 364 mètres. F. Vase bleue du bord du plateau continental. — Milieu du bord sud du rech du Cap, à 2,4 milles à l’est quart nord-est de Masa de Oro. Profondeur : 210 mètres. Un représente les sables du plateau continental : G. Sable vaseux du large. — Bord du plateau Roland, à 19,3 milles à l'est du cap Raso. Profondeur : 163 mètres. Les sédiments sont désignés par leur letire d'ordre dans les ta- bleaux d'analyse et les comparaisons. L'analyse chimique a été faite dans les laboratoires de la Faculté de Grenoble mis gracieusement à notre disposition par M. le profes- seur Raoult, par mon préparateur M. Chaumat, licencié ès sciences physiques et mathématiques, ancien préparateur de chimie à l’école industrielle de cette ville, et familiarisé en cette qualité avec les analyses de marnes et de ciments dont nos sédiments se rappro- chent à beaucoup de points de vue. Pour la partie minéralogique, M. le professeur Lacroix a bien voulu, non seulement m'aider de ses conseils et des ressources de son laboratoire du Muséum de Paris, mais encore effectuer lui-même un certain nombre de préparations et vérifier la détermination des éléments minéraux. Pour dépouiller les sédiments des sels marins solubles laissés par l'évaporation de l’eau de mer lorsde la dessiccation des échantillons, on à Gû renoncer au lavage par décantalion à cause de la nature colloïdale et de la lenteur du dépôt de la partie vaseuse. Le lavage FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 641 a été fait à l'eau distillée bouillante, sur l'ancien papier Berzélius à analyses, les fragments desséchés des sédiments ayant d’abord été désagrégés par une courte ébullition dans l’eau distillée. Le lavage, d'une lenteur exlrème, a été continué jusqu'à ce que les eaux de lavage aient cessé de montrer la moindre trace de précipité par le nitrate d'argent. Ïla été procédé ensuite à la séparation de la partie argileuse ou vaseuse et de la partie sableuse. Pour cela, chaque sédiment, placé dans un vase à fond plat et recouvert d'une couche d’eau distillée bouillante, est soumis à un mouvement de giralion ei décanté quand ce mouvement est presque arrêlé, quan les particules en suspen- sion mettent sept à huit secondes à faire le tour d'un becherglass de 6 centimètres de diamètre. On verse sur le dépôt une nouvelle quantité d’eau, on agitde même ei l'on continue jusqu’à ce que l’eau surnageante s'éclaircisse complètement quand le mouvement est presque arrêté. On obtient ainsi un sable défini par son mode même d'obtention, dont les éléments sont supérieurs à 07,01, et, pour un poids de sédiment de 20 grammes, 5 à 6 litres d’eau boueuse qui, après un repos de quinze jours en moyenne, laisse déposer la vase proprement dite d’une ténuité extrême. Sable et vase sont mis à égoutter sur le filtre, desséchés à 110 de- grés et pesés. Le pourcentage est établi d’après la somme des poids. Voici Les chiffres obtenus : À B CG D E F G SAC AA 13,72 926,08 13,44 414,67 91,02 13,3% 58,35 °/0 NÉE cree 86,28 73,92 86,56 65,33 78,98 86,66 41,68 Les densités ont été déterminées par la méthode du flacon, à 15 degrés, et les chiffres sont donnés sans correction de tempéra- ture, car on s’est assuré que ces corrections r'influent pas sur le chiffre des centièmes : Densites absolues. …. A B G D E F G Sie. LAPS 2,612 92,62 92,506 92,59 2,66 2,38 2,66 NAS nu 2,79 9,725 2,166 2,725 92,199 2,93 2,73 048 G. PRUVOT. Les deux parties, sableuse et vaseuse de chaque sédiment, ont été ensuite étudiées séparément. SABLES. — Les sables ont été traités par l'acide chlorhydrique à 20 pour 100, et dans la liqueur filtrée on a dosé ensemble l’alumine et le peroxyde de fer, après oxydation par le chlore à chaud. Dans la solution résiduelle, la chaux a été dosée et les chiffres trouvés, en admettant que l'acide chlorhydrique étendu enlève seulement la chaux du carbonate de chaux et non la chaux des silicates, ont permis de calculer la teneur des sables en carbonate de chaux. Le résidu de l’attaque par l'acide chlorhydrique, séché et pesé au préalable, à été porté dans une solution de tungsto-borate de cad- mium qui est susceptible d'acquérir par la concentration une den- sité supérieure à 3. Cette solution avait été étendue d’eau jusqu’à ce que, de deux cristaux immergés, l’un de quartz et l’autre d’or- _ those, le quartz tombât au fond alors que le feldspath surnageait. Au bout de vingt-quatre à trente-six heures, la séparation des deux sortes d'éléments est effectuée; ceux d’une densité égale ou supé- rieure à 2,65, densité du quartz, sont tombés au fond, séparés par une couche de liquide limpide de ceux de densité inférieure qui sont remontés à la surface. Tous deux sont alors recueiilis isolément, pesés, puis observés et mesurés sous le microscope. L'observation microscopique à la lu- mière naturelle et à la lumière pclarisée montre que, pour tous les sédiments, la partie surnageante est composée uniquement de feldspaths, orthose surtout accompagnée d’une très faible propor- tion d'oligoclase et de microcline. La partie lourde est essentielle- ment formée de quartz et de mica, et l’action de l'acide fluorhy- drique, qui enlève le quartz, y fait apparaître une petite quantité de zircon, de grenat, de tourmaline, d'amphibole et de fer oxydulé. Le zircon est le plus abondant proportionnellement dans tous les sédi- ments; mais tous ces éléments sont en trop faible quantité pour pouvoir être évalués numériquement. VASE. — La partie vaseuse proprement dite, résultant de la dé- FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 649 composition des éléments minéraux, ne peut, en raison de la ténuité extrême de ses particules, donner lieu qu’à une analyse chimique. Deux analyses ont été faites sur deux prises d'échantillons dessé- chés à 410 degrés : une analyse complète et l'analyse d’une solution provenant de l’attaque par un excès d'acide chlorhydrique froid à 20 pour 100. 1° Analyse complète. — La calcination au four Perrot fait éprouver à la matière un commencement de fusion, et la désagrégation du résidu par l'acide chlorhydrique en est rendue d'autant plus diffi- cile. De plus, en raison de la faible teneur en chaux, les silicates ne sont pas décomposés et résistent même à l’acide chlorhydrique concentré. Pour remédier à ces inconvénients, on a ajouté à chaque prise un poids connu de carbonate de chaux pur dont il a été tenu compte dans les calculs. La calcination au four Perrot permet d'évaluer la perte au feu. Dans le résidu de la calcination mis à digérer avec de l'acide chlorhydrique étendu de son volume d'eau, on à dosé la silice totale. La peroxydation du fer a été parachevée à l'aide d’un courant de chlore dans le liquide bouillant. Puis la solution a été divisée en deux portions ; dans l’une on a dosé ensemble alumine el peroxyde de fer, dans l'autre le peroxyde de fer par une méthode volumétri- que. La différence des deux chiffres donne l’alwmine. Dans la liqueur privée de l’alumine et du fer, on a dosé sucCessi- vement la chaux et la magnésie. Le dosage des matières organiques a été fait sur une prise spéciale. La matière séchée à 110 degrés et pesée était portée pendant deux heures à 160 degrés, pesée à nouveau et calcinée à une température relativement basse pour éviter un commencement de fusion qui gênerait la recarbonatation ultérieure. Gette recarbonatation une fois faite à l’aide d’une solution saturée de carbonate d'ammoniaque absolument pur, le tout est séché à 110 degrés, porté à l'étuve à 160 degrés pendant deux heures et pesé une dernière fois. La diffé- 650 G. PRUVOT. rence entre la pesée qui précède la calcination et celle qui suit la recarbonatation donne le chiffre des matières organiques, Voici, pour les différents sédiments, les résultats de cette analyse complète. Le pourcentage est rapporté à une prise séchée à 110 degrés : À B C D E F G Perte au feu.......... 146,19 14,20 15,42 18,42 16,304 19,404 18,97 0 Siice totale ner. 16,83 48,04 46,55 49,87 44,83 41,19 49,13 MlumiIneRererrer er EL 13 FIG STE SOIR OT OO GE 13,55 Peroxyde de fer..... de RO SN ON L 6,38 5,07 6,21 d,21 5,51 CAN RTS A eee 15,50 9,69 411,93 15,863 13,118 48,33 "16,06 Magnésie.......... POP SOUS ON SP CEE 977 2,9a 9,35 1,83 Matières organiques... 5,53 5,81 6:31000%;710 5,165, 29570505; 159 2 Analyse de la solution chlorhydrique. — Elle a pour but de don- ner des indications sur l'état des éléments dosés dans l'analyse complète. Par l’évaporation à siccité et la reprise par l'acide chlorhydrique étendu, on a séparé la silice dissoute par l'acide à 20 pour 100; puis, dans la liqueur, on a dosé, comme dans l'analyse complèle, lalu- mine, le fer à l’état de peroxyde, la chaux et la magnésie. Voici les résultats obtenus : A B GC D E G SiliCeRRaNL ee 0,79 | 0,880 00,67. ,0,138 0 ON SENTE ATTIMINECTEE CEE. 1,02 4,12 OO METIF OS 0,40 0,65 Peroxyde de fer..... 9,74 3,325 3,25 2,96 3,42 3,08 CHAUX CMS 13,80: 9,690,-11,93 015,865 0191156706 Magnésie....... EC ON ODA ET 1,09 1,24 0,96 1,435 L'analyse de la solution chlorhydrique de F, vase bleue du bord du plateau continental, n’a pu être faile, en raison de la faible quantité de matière recueillie, celte vase, extrêmement compacte, enduisant d'ordinaire, dans les sondages, seulement l'extérieur de la coupe du sondeur, sans retomber à l'intérieur. De la comparaison des deux tableaux qui précèdent, on peut tirer les conclusions suivantes : Chaux. —- La chaux se retrouvant complètement dans Ja solution chlorhydrique, ce fait permet d'affirmer qu'elle existe dans les vases FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. Go seulement à l’état de carbonate de chaux, dont voici la proportion en pour 400 du poids des vases : | A B C D'AMNES PA D G Garbonate de chaux.. 24,107 17,30 20,05 98,33 923,42 32,73 928,68 Magnésie. — Une partie seulement de la magnésie est à l’état de carbonate : Le reste est combiné à la silice dans le résidu insoluble dans l’acide chlorhydrique étendu : AR IB G D Et G Bauhouate de magnésie.....:- 020802,56 02:29, 2,60! 2,02, 3,015 Silice. — En ajoutant les poids de la silice, de l’alumine, du peroxyde de fer et de la magnésie à l’état de silicate, on obtient la proportion du silicate d’alumine magnésien et ferrugineux : A B C D F G T3 UE TON 60:66 0 (68,28 7 058,80 61,68 0/6 Perte au feu. — Par la calcination des vases au feu oxydant, la matière perd complètement son eau, ses matières organiques et l'acide carbonique combiné à la chaux et à la magnésie. On a donc tous les éléments pour calculer la perte en ne tenant pas compte de l’eau retenue au-dessus de 110 degrés, et l’on obtient les chiffres suivants : A B C D E G Perte au feu calculée... 17,23 14,21 16,33 18,53 16,53 19,25 0), Berietiurren réelle... 16,790 120,542 18122, 16:50 18,97 Nous avons mis en regard les pertes réelles. Les nombres trouvés par le calcul devraient être plus petits que les nombres expérimen- taux, tandis qu’au contraire ils sont plus forts. Cela tient à ce que le fer n’est pas tout entier à l'état de peroxyde, et que, pendant la calcination du sédiment, le protoxyde de fer se peroxyde et occa- sionne un gain de poids qui diminue d’autant la perte au feu. Matières organiques. — Si l’on se reporte à la façon dont les ma- lières organiques ont été dosées, on voit que les chiffres obtenus sont trop faibles et doivent être augmentés du poids d'oxygène fixé . par le protoxyde de fer. L'erreur n’est cependant pas considérable. 652 G. PRUVOT. Le protoxyde de fer fixe un neuvième de son poids d'oxygène pour passer à l’état de peroxyde, et en admettant, ce qui est certainement exagéré, que la moitié du fer est au minimum d'oxydation, on trouve que les chiffres sont exacts à 6 centièmes près de leur valeur. En mettant en œuvre les chiffres et les considérations qui pré- cèdent, la composition des sédiments de notre région se détermine comme il suit : A. VASE COTIÈRE DU NORD. NAS SR Eee ere SR MES GC 2607 Sable res crece cc ceecceescec Lol Ie Partie vaseuse. Rang dans l'échelle des teintes du jaune au bleu : N° 3. — Densité : 2,79 Pour 100 du poids total du sédiment. Carbonaleïdechaux--#E#0t0r ere Oosbcotovc Ro UT: 0,00 Carbonate demmagnésie tete certes A NO OO LUS 1,79 Silicate d’alumine magnésien et ferrugineux.......0.. 66,53 57,40 MAnsanesSeREEEE Ce CCC ceci Jbgacouvoc . -- LDraGeS Natlères organiques ee es cee-eece-e-cLectree Ce CPC RUE 4,77 98,31. Partie sableuse. Densité apparente." "et". 02:200 Densité absolte. 2m. --rece etes SOS Partie enlevée par HCI à 20 9/,;. Carbonate de Chaux ARE ENTER re ete IE O0 2,46 Alumine et peroxyde de fer...,............. Avon OM ISTIE 0,24 Partie insoluble dans HCI à 20 0}. A. Minéraux de densité égale ou supérieure à 92,65, densité du quartz....... ereceeecees cercle entree IRON 8,67 B. Minéraux dedensitésinférieure 412,65... TL 2,35 —————— 99,98 98,48 La partie À est formée de : 4° Quartz hyalin, dont les grains se tiennent, pour la grande ma- jorité, entre 0"%,02 et 0,035 de diamètre, à arêtes et angles vifs; quelques-uns atteignent 0"%,07 et ont leurs angles émoussés, 15 pour 100 environ. FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 6953 9 Mica, en lamelles de 0"",06 de diamètre moyen, 25 pour 100 environ : constitué, pour les trois quarts, par du mica blanc en pail- lettes limpides et, pour un quart, par du mica noir altéré et devenu verdatre. 3° Un peu de zircon et quelques grenats en grains très petits. Partie B formée uniquement de feldspath. L'orthose en forme la presque totalité, en plaquettes jaunâtres de 0,06 à 0"*,07 de diamètre ordinairement, mais pouvant atteindre jusqu à 02,10 el 02,42 dans leur plus grande dimension, piquetées et salies par un commencement d’altération, mais non roulées. Elle est associée à un peu d’oligoclase et de microcline. Restes organisés : nombreux fragments de coquilles irréguliers; quelques Foraminifères ; rares spicules d'Éponges. Pas de Dia- tomées. B. VASE COTIÈRE INTERMÉDIAIRE, Vase. 0000000 000009 ..00. FACDAUNS Sable ee . 0 . [2] ° L2 CERN] 26,08 Partie vaseuse. Rang dans l'échelle des teintes du jaune au bleu : N° 2. — Densité : 2,725. Pour 100 du poids tota du sédiment, Carbonate de chaux................s.res Sn RD a ln 0e AT Carbonate de magnésie.......s...s. DO TO UE es 2 A0 1,82 Silicate d’alumine magnésien el ferrugineuxe....e..e.ee 72,33 53,416 Manganèse .......... ee ne ana DAC ES appréciables Matières organiques......esosroree AL nn er 0,91 3,92 97,40 Partie sableuse. Densité apparente....eossessestses 2,516 Densité absolue eee. 2302 Parlie enlevée par HCI à 20 0/0 Carbonate de chaux........s..s.soossseososeesosresee 8,12 9,12 Alumine et peroxyde de fer...ssssoss.ssooosssoseeeres 1,89 0,49 Partie insoluble dans HCI à 20 °/o A. Minéraux de densité égale ou supérieure à 2,65..... 61,8 16,11 B. Minéraux de densité inférieure à 2,65..0...so...se 27,9 7,28 654 G. PRUVOT. La partie À est formée de : 1° Quartz, en grains à diametre compris, pour la plupart, entre 0m» 02 et 0n®,04 à angles légèrement émoussés, 70 pour 100 au plus. 90 Mica, relativement abondant, au moins 30 pour 400. Beaucoup de paillettes ont jusqu’à 07,2 de diamètre; c’est le mica verdi qui domine. g Zircon, grenats en très faible quantité. La partie B est formée d’orthose avec un peu d’oligoclase. Les élé- ments piqués de formations secondaires dues à un commencement de décomposition, à arêtes et angles vifs, atteignent fréquemment un diamètre de 02,12 à 077,13. Restes organisés: fragments de coquilles peu abondants, mais parfois volumineux. Pas de Foraminifères rencontrés. C. VASE COTIÈRE DU SUD. NAT 0000000000 .0%e00ee 900 0e0%e+eeee 86,56 0/5 SD. 2e AU et TELE EEE Partie vaseuse. Rang dans l'échelle des teintes du jaune au bleu : N° 1. — Densité : 2,766. Pour 100 du poids total du sédiment. Carbonate de chaux... ...s.osssseressoeooeseosseures 20,05 47,35 Carbonate de magnésie......s.sssosesee ob En A) 1,98 Silicate d’alumine magnésien et ferrugineux.......s..s 69,77 60,39 Manganèse.......... ste PRoeneer Slsreete ions lots ..... Tr.à peine sensibles. Matières Organiques....sscoosssoocenvereesseeeetene 6,31 5,46 98,42 Partie sableuse. Densité apparente.............. 506 Pl Densité absolue...,..... ae niet 2,506 Parlie enlevée par HCI à 20 ©}. Carbonale de chaux......... SO oo à AR AQO CDD 0 D UNOANTIG 2,84 Alumine et peroxyde de fer....... ee RE Ie 0,32 Partie insoluble dans HCI à 20 °/,. A. Minéraux de densité égale ou supérieure à 2,65..... k9,2 6,61 B. Minéraux de densité inférieure à 2,65.......... PDC 3,66 — 99,96 98,61 FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 695 La parlie À est formée de : 1° Quartz hyalin, en grains de 0%",03 de diamètre moyen. Une partie des grains est très franchement roulée; les autres, quoique de mêmes dimensions, ont conservé leurs angles à peine émoussés. Quelques grains rares atteignent 0,07, à angles légèrement émous- sés. Proportion du quartz: 90 pour 100 environ. 90 Mica, très peu abondant, en paillettes de 07*,07 de donc moyen. Le mica blanc fait presque entièrement défaut; le mica verdi, rare encore, l’est pourtant beaucoup moins. 3° Quelques très petits grains de z#rcon, de grenat, de tourmaline. La partie B est formée presque uniquement d'orthose, avec un peu d'oligoclase, en fragments de 0,06 à 02,07 de diamètre moyen, à angles vifs ; mais aussi une proportion assez considérable de frag- ments beaucoup plus petits, ne dépassant pas beaucoup 0®*,01 et très franchement roulés. Restes organisés : quelques Foraminifères, sclérites d'Holothuries, fragments de coquilles ne dépassant pas les dimensions des paillettes de mica. D. VASE PROFONDÉ DU NORD. Naceri 2.0. 0029000090 85,33 0/0 SADICr se den one 00.» 06000900 14,67 Partie vaseuse. Rang dans l'échelle des teintes du jaune au bleu : N° 6. — Densité : 2,725. Pour 100 du poids total du sédiment. Garbonate de Chaux... 040. se 2099002201 Carbonate de magnésie ..... re de Us res 000 2,29 Silicate d'alumine magnésien et ferrugineux........... (62,64 53,45 MEAneaNeSe ne... Rs PNR ACES DOTE CIADIes. Matières organiques...,...,..,4.... ab some MO 4,01 98,27 Partie sableuse. Densité apparente........,...... 2089 Densité absolue: ments 12,59 656 G. PRUVOT. Pour 100 du poids total Partie enlevée par HCI à 20 0/6. du sédiment. Carbonate de chaux .........s.ese.sssese en 2300 MES Alumine et peroxyde de fer.......ssss.sseseseseoeereee 1,28 0,19 Partie insoluble dans HCL à 20 °/s. A. Minéraux de densité égale ou supérieure à 2,65...... 4,0 6,45 B. Minéraux de densité inférieure à 2,65 .............. 21,8 3119) La partie À est formée de : 4° Quartz hyalin, dont les grains de 07,03 de diamètre moyen forment à peine la moitié; le reste a Qux,06 et 022,07 en moyenne; beaucoup ont 0,12 et 02,43 ; non roulés. 9 Mica fait presque entièrement défaut; seulement quelques rares paillettes de très petites dimensions. 30 Un peu de zércon, quelques petits grenais, quelques prismes de tourmaline, un peu de fer oxydulé. La partie B est formée d’orthose à éléments relativement gros, non roulés, piquetés par un commencement d'altération ; plus de [la moitié sont compris entre 07,12 ct 02,18 de diamètre. Une pelite proportion d’oligoclase et de microcline. Restes organisés : débris abondants de coquilles et petites co- quilles entières, fragments de Bryozoaires calcaires; beaucoup de Foraminifères : quelques spicules siliceux d'Éponges. 9 E. VASE PROFONDE DU SUD. NA 8 0 00 068 010 .. 00e eee .0en0eee 78,98 0/0 Sable street eee 0050.00 000: eee 21,02 Partie vaseuse. Rang dans l’échelle des teintes du jaune au bleu : No 4. — Densité : 2,799 Pour 100 du poids total du sédiment. Carbonate de chaux ......... SÉTO or D M ne n à dlojoi) Carbonate de magnésie ......s..eee ce cie AD bia OM D 20e 1,59 Silicate d’alumine magnésien et ferrugineux....e...eee 67,28 53,13 Manganèse............. LE Te eee Traces appréciables. Matières organiques..,..... URL ve Op LU 4,07 97,885 FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 697 Pour 100 du poids total Partie sableuse. _ du sédiment. Densité apparénte................. DHEND Densité absolue................... 2,66 Partie enlevée par HCI à 20 °/6. Carbonate de chaux...........2............e.s.e.e. Alumine et peroxyde de fer .......,............:..... 1,49 0,31 Partie insoluble dans HCI à 20 0/5. A. Minéraux de densité égale ou supérieure à 2,65..... 63,5 15530 B. Minéraux de densité inférieure à 2,65.............: 13,4 2,82 La partie À est formée de : 4° Quartz, en grains peu où pas roulés, compris, pour les deux tiers environ, entre 0"%,02 et 0%®,03 de diamètre ; l’autre tiers arrive à la taille de 072,1. Proportion du quartz : 90 pour 100 au moins. 90 Mica, en très faible proportion, moins de 10 pour 100. C'est surtout du mica blanc en petites paillettes limpides de 022 07 de diamètre ordinairement. Le mica non verdi est plus rare et en frag- ments plus petits. 3° Un peu de zicon, grenai, tourmaline. La partie Best formée de feldspath orthose en plaquettes jaunâtres, non roulées, de 02,08 à 07,12. Restes organisés : débris de coquilles et de Bryozoaires très petits ; sclérites d'Échinodermes ; Foraminifères ; spicules d'Éponges abon- dants. F. VASE BLEUE PROFONDE. Parlie vaseuse. (Le dépôt de la vase s'est complètement effectué en moins de trois jours, au lieu de quinze, moyenne ordinaire.) Rang dans l'échelle des teintes du jaune au bleu : N°7. — Densité: 2,93. ABCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 3% SÉRIE. — Ta Il. 1894. 197 658 G. PRUVOT. Pour 100 du poids total du sédiment. Carhonaterdé ChaNrES EN NEr ETC ETEET FA CARS LEP 32,73 28,36 Silicate d’alumine magnésien et ferrugineux........ SIN OO 50,96 Manganèse. "#2" "tt" TOR TE RE CAE RS OO 0 ...... Traces appréciables. Matières orsaniques en. Et ERE ete net eee ce 3,125 0093 ;02 Pariie sableuse. Densité apparente................ 2,299 Densité absolue........... SUR A ET CO RS RS Partie enlevée par HET à 20 0/5. Garbonate de CHAUX COMMENTE PEER RER Dares 0 TN 3,69 Alumine et peroxyde de fer .......................... 3,645 0,49 Partie insoluble dans HCI à 20 0/,.... 69,18 9:23 Le résidu de l'attaque par l'acide chlorhydrique est formé essen- tiellement de quartz hyalin et de feldspath. Le mica a presque entiè- rement disparu ; les paillettes de mica noir verdi surtout sont extrê- mement rares. Quelques grains de zicon. Les grains de quartz ont, pour la plupart, la dimension habituelle, 0*°, 03 ; mais une assez forte proportion atteint 07,08 et jusqu’à 0°*,12. Ces dernières di- mensions sont les plus habituelles pour le feldspath. Restes organisés : quelques débris de coquilles, très peu de Fora- minifères. G, SABLE VASEUX DU LARGE. MERE dde 00 00 EN A 0 RE AIT ONE Partie vaseuse. Rang dans l'échelle des teintes du jaune au bleu : N° 5, — Densité : 2,736. Pour 100 du poids total du sédiment. Carbonate de chaux ....... Ds ae ete a AE TE ne D 28,68..411,95 Carbonate de magnésie .,..............ese..e HHoooe 3,01 1,95 Silicate d’alumine magnésien et ferrugineux........... 61,58 25,65 Nlaneanese rt EN REE PRE T0 0 DO Gie à Tr. à peinesensibles. Matières organiques... ......... ANR AA ES SARA 5 LS OMMMOTS a m—{ 98,429 FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 659 Pour 100 du poids total Parlie sableuse. du sédiment. Densité absolue....,..... de 2 60 Partie enlevée par HCI à 20 0/,. Carbonate de chaux ...... ne ere orne en Dore 46,16 27,28 Alumine et peroxyde de fer........ Sn ooese os 1,18 1,02 Partie insoluble dans HCI à 20 0/,. A. Minéraux de densité égale ou supérieure à 2,65.,... 24,7 14,41 B. Minéraux de densité inférieure à 2,65...,.,.,,,,.,.. 26,8 15,64 100,00 99,35 La partie A est formée de : 4° Quariz hyalin, en grains arrondis et franchement roulés ; le tiers environ à 0,02 et 0,03 de diamètre, mais la majorité oscille autour de 0%%,12. Proportion du quartz : 10 à 75 pour 100. 90 Mica relativement abondant, 25 à 30 pour 100; le mica noir altéré et verdi domine. 3° Amphibole hornblende relativement abondante ; très peu de zircon et de grenat; un peu de tourmaline. La partie B est formée d'orthose altérée et piquetée, en frag- ments arrondis atteignant jusqu’à 0"®,17, associée à un peu de felds- path triclinique. De plus, le microscope a montré dans cette partie, surnageant au-dessus de la solution de tungstoborate de cadmium, une quantité notable de petits globules opaques très régulièrement sphériques, qui paraissent formés de fines particules de vases agglu- tinées. Leur proportion, qu'il n’a pas été possible d'établir avec précision, mais qu’on peut évaluer approximalivement au cinquième du feldspath, altérerait dans ce cas, non le pourcentage des éléments qui composent la vase, mais les proportions par rapport au poids total du sédiment. Restes organisés : beaucoup de fragments de tubes de Serpuliens et de coquilles relativement volumineuses ; peu de Foraminifères. 1 La densité apparente n’a pas été déterminée, la présence de nombreux fragments de coquilles qui retiennent une grande quantité d’air rendant sa présence par trop incertaine, 660 G. PRUVOT. L'analyse de quelques concrétions provenant du pourtour du pla- teau continental a été faite également ef conduite de la même manière que celle des sédiments précédents. A. Concrétion brune entourant un tube vaseux d'Annélide (bord ouest près de l'embouchure du rech Lacaze-Duthiers. Profondeur : 300 mètres environ). Densité : 2,65. Analyse complète. Eau hygrométrique «....ehseossseseeseeses 00 se OO Perte au feu....esssseesee SA oo Rue RO OME NS à 35,32 Silice totale ..........ee eee cse cel ARC OUO 2 000 14,74 Alumine..o...ee RS 0) DO 010 ic ou) EE PAM 0 CO 4,47 Peroxyde de fer....... ARE RES A0 0 0 0 00.0 0 6,03 Peroxyde de manganèse...e....es.es secte ie 0502 Chaux. 0 D Ur et avai lsete Re NE A à t DlO 25,60 Magnésie......... OT 00 COCO PARTS res ds cie 41,97 99,46 Analyse de la solulion chlorhydrique. Perte de poids dans HCI............. Me Er 32.07 SIC -eerccpercr TR RE TE ER SEC UE 0,0 0 0,37 Alumine ..... FR etes hienee RE et DAUROI Peroxyde de fer ..... eee eee EL 10 Chaux NN ER certe ce CIRE ME See O0 Magnésie., se.soosoeeseerre É norte detente et Rte 1 résulte de ces chiffres que la concrélion renferme : Carbonate de chaux......ssssseesesssssesecereses 45,71 0/0 Carbonate de magnésie..... RE SGD 10 O4 010 19,78 Matières organiqueSe.sesesoe RE tete le Re 5,25 Une partie du fer est au minimum d'oxydation ; on ne peut rien - dire de l’état du manganèse. Le résidu de l'attaque par l'acide chlorhydrique laisse déposer par la lévigation une petite proportion de sable composé essentielle- ment de quartz, en grains anguleux de Onm,03 de diamètre moyen, associé à des plaquettes d'orthose de 0,49 à 0"®,15 de diamètre et à une très minime proportion de mica. Gest dire que ce sable, iden- tique à celui que renferme la vase profonde ambiante, a été inCOr- } FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 661 poré dans la concrétion au cours de sa formation. Le tube d’Annélide autour duquel s’est formée la concrétion est aussi constitué par cette même vase profonde. B. Tubes de Serpuliens agglomérés par un ciment ocreux (pointe nord du rech Lacaze-Duthiers. Profondeur : 393 mètres). De pareilles masses formées surtout de tubes d’Annélides cal- caires, avec une certaine quantité de coquilles et de Bryozoaires qui se sont développés à leur surface, ont été rencontrées un peu partout sur le bord du plateau, toujours cimentées par un dépôt brun qui forme çà et là, dans les anfractuosités, des tubes de petits nodules saillants. Ces nodules, isolés des tubes qu'ils recouvraient, mais malheureusement recueillis en quantité trop faible pour qu'on ait pu en faire une étude complète, ont donné à l’analyse les résul- tats suivants : Perte au feu....... nc honDe ee Re ose ee ul, LD Silice totale...,........0e sn es SD OCTO ann 210 Aline... ee OI AE CSC co e 1,87 Peroxyde de fer..................s..e. nome 42,06 Peroxyde de manganèse............ssseesseserse 3,30 Chaux. 0e RE eee A UN An ne ait 36,01 Magnésie.........ss.sesssses re tr eee lee 3,84 100,36 Si l'on admet, comme c’est le cas partout, que toute la chaux est à l'état de carbonate, la proportion du carbonate de chaux atteint 64,30 pour 100. En défalquant de la perte au feu l'acide carbonique du carbonate de chaux (28,29 pour 100), il reste 12,86 qui repré- sente l'acide carbonique combiné à la magnésie et les matières organiques. C’est assez dire que ces nodules ocreux contiennent une forle proportion de matières organiques. Outre leur extrème richesse en fer, la proportion du manganèse y est particulièrement remarquable. C. Grès sableux friable (bord sud du rech du Cap. Profondeur : 558 mètres). Densité : 2,67. C62 G. PRUVOT. Analyse complete. Eau hygrométrique .......... nada DO Perle au eus rite rec noce soie derniere AUS LE Silice totale .......... aire 10 DA no CR AMluminel eee ee se de solennel octets RO DIT Peroxydedeten "nero d'usine ses RS Peroxyde de manganèse... ,.........e..o.vec ess 01005 Cha ERP ENT NN NS RENTE steel te Se Sean IRSC Mamnesier einem este ae OR DEC Rens . 0,98 99,52 Analyse de la solution chlorhydrique. Perle de poids dans HCL....,...,4,4..ose so 8,62 SCO NES 00 0 JOHN UNE 000 0 he Mataadooeo 0,41 AIDMINE Te een ec Lrentee ner Necrer Sins ses AUNOD Peroxyde de fer ..... A RO EAN DR CH IO Là out Peroxyde de manganèse...,...,.., a scDe es OMEGA Chauxe:3%.20 Ce se SU de se RS GRO à 9,54 MIFENÉMO GET obeoo0one DÉS 000 000 dub bo 000000 1: MOOT BésiduainsolubletdanstolIe EEE ONCE TER "OUTISSES 98,68 La différence de certains chiffres dans les deux analyses, la pro- portion de fer, de manganèse, de chaux, étant un peu plus forte dans l'analyse de la solution chlorhydrique que dans l'analyse complète, provient de ce que ce grès n’est pas parfaitement homogène, que, désireux de conserver le sable avec tous ses caractères physiques, on n’a pu porphyriser la matière pour avoir deux prises identiques représentant exactement la composition moyenne. L'écart est d’ail- leurs peu important. En prenant les chiffres de l'analyse de la solution, le carbonate de chaux représente 17,04 pour 100, le carbonate de magnésie seule- ment 1,20 pour 100, les matières organiques 2,81 pour 100. L'attaque par l’acide chlorhydrique a donné lieu, outre le déga- gement d'acide carbonique, à un dégagement de chlore bien carac- térisé par son odeur et son action décolorante sur les bouchons de l'appareil, ce qui permet d'affirmer que le manganèse est à l’état de peroxyde. C’est lui qui forme çà et là des veines noires dans le grès. FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 663 Il y a fort peu de silicate d’alumine, et la plus grande partie de la silice est à l’état de quartz, fait confirmé par l'examen miCrosco - pique, qui montre la partie sableuse formée presque uniquement de quartz en grains roulés d'un diamètre moyen de 072,2. La taille relativement considérable de ces éléments donne à penser que la concrétion gréseuse à pris naissance sur le bord du plateau conti- nental et est tombée ultérieurement au bas du talus, à la place qu’elle occupait sur la vase bleue compacte du fond du rech. Nous avons trouvé fréquemment, du reste, à la surface de celle-ci, des grains de gravier ou des petits cailloux ainsi éboulés des régions su- périeures. Il résulte de ces analyses que les vases ont à peu près la composi- tion des marnes ; ce sont des silicates d'alumine ferrugineux ren- fermant du carbonate de chaux, un peu de carbonate de magnésie et des matières organiques, et mélangés à une certaine quantité de sable fin. Au point de vue de la comparaison des vases côlières et profondes, autant qu'on en peut juger d'après le pelit nombre d’échanullons analysés, les sédiments des grands fonds sont, dans notre région, moins riches en matières organiques que les sédiments côliers ; ils contiennent, en revanche, plus de carbonate de chaux et les élé- ments minéraux figurés qu'ils renferment sont sensiblement plus volumineux, contrairement à ce qu'on aurait pu attendre. Ces éléments sont les mêmes dans les deux sortes de vase; aucun minéral étranger aux éléments qui entrent dans la composition des roches de la côte voisine n'y figure, ce qui confirme que vase côtière et vase profonde ont la même origine et sont formées par des débris enlevés au rivage voisin, désagrégés et remaniés. La proportion du mica n'est pas la même. Tandis que, par son abondance relative, la vase intermédiaire du golfe de la Selva se rat- tache à la vase du nord, qu’elle prolonge directement, du reste, sa proportion beaucoup plus faible, son absence presque complète 664 G. PRUVOT. dans les vases profondes, aussi bien que dans la vase côtière méri- dionale, justifient encore l'opinion que la vase côtière, même dans la région septentrionale en face du plateau français, a une origine mé- ridionale et appartient à l'aire &’expansion actuelle de la vase côtière du sud, qui est beaucoup plus étendue que celle de la vase côtière du nord, celle-ci ne s'étendant même pas jusqu’au bord du plateau continental. Les vases n’ont pas toutes la même teinte, et la couleur y varie du jaune ocreux au bleu ardoisé. Si l’on dresse une échelle des teintes allant du jaune au bleu, on a la série : Jaune — C... B. A. E. G... D. F. — bleu. Si l’on range, d'autre part, les vases par ordre de richesse décrois- sante en matières organiques, la série est identique. Et la coïn- cidence est plus remarquable encore qu’elle ne semble, car les échelles ne sont pas progressives ; dans l’échelle des teintes, G vers le jaune et Det F vers le bleu se distinguent nettement des auires; dans l'échelle des matières organiques, C d’une part, D et F de l’autre se séparent aussi nettement des autres sédiments. Il y a là plus qu'une simple coïncidence, et si l’on note que par la calcination à l'air libre les vases prennent toutes une teinte uni- forme, ocre rougeâtre, par suite de la peroxydation complète du fer, on est peut-être en droit de conclure que dans les vases jaunes le fer est surtout à l’état de peroxyde, peu ou pas réduit par les ma- tières organiques; dans les vases bleues, au contraire, il est en partie à l’état de protoxyde, réduit en partie par les matières orga- niques, d’où une proportion moindre de ces matières. Le fer enlevé par l'acide chlorhydrique dans les analyses paraît être précisément ce fer sur lequel les matières organiques ont agi, car si l’on range les sédiments dans un ordre tel que le premier soit celui qui cède le moins de son fer à l'acide chlorkydrique et le der- nier le plus, on a la série : B. C. A. E. G. D., presque identique aux précédentes. Le terme ultime de l’évolution serait, après la disparition totale FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 665 des matières organiques, un retour vers la peroxydation du fer, qui s'observe dans les argiles rouges abyssales, mais qui ne paraît pas se rencontrer dans la Méditerranée occupée seulement par des dé- pôts terrigènes, à plus forte raison à une distance aussi faible des côtes. Les causes qui déterminent cette différence dans l’état de réduc- tion du fer par les matières organiques sont probablement diverses; mais, parmi elles, une place prépondérante doit être attribuée à l'âge des sédiments. Il est donc naturel de trouver les vases bleues compactes surtout vers les limites de l'aire d'expansion de la vase profonde, là où les sédiments nouveaux n'arrivent qu à peine, de temps en temps, en faible proportion, et ne peuvent recouvrir que très lentement les couches déjà déposées. Nous avons, en effet, trouvé la vase bleue et compacte presque exclusivement au fond du rech Lacaze-Duthiers et le long de tout le bord méridional du rech du Cap. La ligne pointillée sur la carte montre sa séparation avec la vase profonde générale, molle et verdâtre, et la courbure générale de cette-ligne, ouverte vers le sud, est encore un argument, si l’hy- pothèse est exacte, en faveur de l’origine méridionale de la vase profonde. Les dépôts concrétionnés brunâtres qui se forment autour des corps immergés, des petits galets ou des graviers du plateau, des coquilles et des tubes d’Annélides surtout, diffèrent notablement au point de vue chimique des sédiments sur lesquels ils reposent, surtout par leur richesse relativement considérable en manganèse. Il n'y à pas de doute qu'ils prennent naissance sur place par préci- pitation chimique, indice d'un état de repos presque complet des eaux actuelles à partir d’une profondeur relativement faible, d'une centaine de mètres environ. 666 G. PRUVOT. y CONCLUSIONS. Dans la région de Banyuls, les fonds sous-marins se laissent diviser en trois zones principales : 1° Zone littorale, caractérisée par ce fait que l'agitation continuelle des eaux y empêche le dépôt ou tout au moins le séjour de la vase pure, c’est-à-dire des sédiments argileux dont les particules ne dé- passent pas 0,01. Elle est formée partout de roches et de galets roulés sur le prolongement des caps, et dans leurs intervalles de sable à éléments roulés, qui continue sous les eaux le sable des plages émergées. Dans les endroits abrités, où le sable est fin et tassé, il serecouvre d'herbiers, prairies de zostères, qui n'atteignent nulle part dans la région un grand développement. A leur limite contre la roche, çà etlà, des amas concrélionnés d’origine animale représentent les fonds coralligènes de la région de Marseille. D'où quatre facies différents! : roche vive couverte d'algues, sable pur des plages, herbiers et fonds coralligènes. | Cette zone, dans son ensemble, n’a guère plus d’un demi-mille de largeur moyenne. Sa limite inférieure, qui se trouve à 15 mètres au plus en face des plages du Roussillon et de Rosas, descend progres- sivement des deux côtés de plus en plus profondément vers la pointe du cap de Creus, où elle atteint 70 mètres environ. 9° Zone colière ou du plateau continental, vaste plateau peu acci- denté et peu incliné, descendant jusqu’à 250 mètres de profondeur en moyenne, limilé par un talus à pente raide. Il est occupé par la vase côtière, qui passe insensiblement, vers le bord du plateau, aux sables et graviers du large. La vase côtière gris jaunâtre, colloïdale, a la composition ordinaire 1 Les trotloirs d'algues calcaires qui protègent la roche contre l’érosion n'appar- tiennent pas à proprement parler à cette zone ; ils sont presque constamment au- dessus du niveau de l’eau. FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 667 des marnes : c'est un silicate d’alumine ferrugineux renfermant du carbonate de chaux et un peu de carbonate de magnésie et de ma- tières organiques. Elle est mélangée d'une petite proportion de sable très fin, dont les éléments, peu ou pas roulés, ne dépassent guère Ov»,1. Ces éléments sont ceux qui dominent dans les roches ordinaires de la côte, quartz, orthose, mica, avec quelques grains de zircon, grenat, etc. Les sables et graviers du large sont à éléments beaucoup plus volu- mineux et roulés. Ils sont en certains points, ainsi que les tubes de Serpuliens et les débris de coquilles qu'ils renferment en abon- dance, agglutinés par un ciment calcaire ferrugineux, et forment des bancs concrétionnés rocheux redoutés des pêcheurs (Ruine, Cannalots, Ouillals). En outre, la roche véritable perce par endroits le manteau de sédiments meubles qui recouvre tout le fond. Le plus grand nombre de ces rochers épars est ordonné en une bande cou- rant du sud au nord le long de la moitié méridionale de la côte du Roussillon. Ils représentent les sommets rasés d’un petit chaînon sous-marin des Albères. 3° Zone profonde, caractérisée par la vase profonde, fine, gluante, qui couvre tous les grands fonds et remonte jusqu’à l'isobathe de 950 mètres en moyenne. Au point de vue topographique, la pointe du cap de Creus divise le plateau continental en deux portions différentes, séparées par la profonde échancrure du rech du Cap: un plateau septentrional qui n'est que la terminaison ouest du grand plateau qui occupe tout le golfe du Lion, et un plateau méridional, s'étalant autour du golfe de Rosas. Le plateau du nord présente des caractères parliculiers : Il est essentiellement formé de sables et de graviers, el le dia- mètre des éléments décroit du rivage vers le bord du plateau ; près de la côte, on rencontre en abondance des dragées de quartz et des plaquettes arrondies de gneiss ou de schistes enfouies dans la 668 G. PRUVOT. vase qui les recouvre; plus loin des graviers grossiers; enfin du sable fin qui forme les plateaux Roland et du Balandrau. Ces élé- . ments sont ceux des roches qui constituent les montagnes de la région. La vase côtière qui ne recouvre ces dépôts que jusqu’au point où ils arrivent à une centaine de mètres de profondeur, n’atteint pas le bord du plateau. Le bord du plateau présente d’abondantes concrétions dues à un dépôt chimique ferrugineux et manganésifère cimentant les éléments minéraux et les débris animaux, indice d’un repos actuel des eaux qui contraste avec l'aspect roulé des éléments conglo- mérés. Le bord du plateau ne forme pas une falaise rocheuse, mais un simple talus sableux qui présente par endroits une pente de 20 de- grés au MaxiIMUmM. Il est découpé par plusieurs échancrures étroites et profondes (rechs), dont le fond peu incliné est compris, quelle que soit leur longueur, entre 600 et 700 mètres. Une au moins, la plus impor- tante, le rech Lacaze-Duthiers, commence par une masse rocheuse, la roche Fountaindrau, à demi noyée dans les sables du plateau, et quidoit représenter aussi un sommet d'une digitation sous-marine des Albères. D'après cela, les courants actuels étant manifestement incapables de transporter au loin des matériaux relativement lourds et volu- mineux comme ceux des sables et graviers qui forment tout le pla- teau continental, il faut admettre que la formation du plateau doit remonter à une époque antérieure à l’époque actuelle. Les puissants cours d’eau de la période diluvienne ont charrié à la mer les maté- riaux arrachés aux régions qu'ils traversaient. Ceux-ci ont comblé le fond du golfe primitif qui est devenu la plaine d’alluvions du Roussillon et ont formé plus au large, sous les eaux plus profondes, le plateau continental actuel, qui en est la continuation directe. Le bord du plateau n’est que le talus d'éboulement de ces dépôts. FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 669 Les échancrures qui le découpent, en particulier tout au moins le rech Lacaze-Duthiers, doivent être dues à la saillie, au-dessus du fond marin primitif, d'un sommet montagneux prolongeant sous la mer les chaînes de la côte qui a divisé le courant d'apport et empè- ché les sédiments de se déposer en arrière de lui. Puis, à l’époque actuelle, quand à ces grands phénomènes de transport ont succédé des temps plus calmes, le repos des eaux a permis, avec le développement d'organismes délicats, les précipita- tions chimiques qui ont cimenté par places les débris et ont donné naissance à ces bancs rocheux et à ces concrétions que nous avons trouvés un peu partout à la surface et au bord du plateau. | Les rivières actuelles, restes dégénérés des violents torrents qua- ternaires, ne charrient plus maintenant que des sédiments fins, qui se déposent bien avant le bord du plateau et constituent la vase côtière qui recouvre, près du rivage, les graviers et les sables précédents. Il est à remarquer que, dans toute la traversée du golfe du Lion, la vase côtière n'arrive nulle part jusqu’au bord même du plateau; elle en est toujours séparée par une large bande de sable signalée déjà par Delesse. Enfin, à l’autre extrémité du golfe, là où les grandes profondeurs se rapprochent de nouveau du rivage, vers le cap Sicié, la disposition et la nature des dépôts sous-marins parais- sent être exactement les mêmes : un plateau sableux à talus raide, la falaise Peyssonnel, et à bord découpé des deux côtés du banc des Blauquières par des rechs dont le fond est également de 600 à 100 mètres. Il est donc au moins vraisemblable que les mêmes phénomènes se sont succédé là aussi dans le même ordre, et que tout le golfe du Lion a été envahi d'abord par des apports diluviens, revètus en partie, ultérieurement, d’une nappe de vase fine qui continue à s épaissir peu à peu. Le plateau méridional espagnol qui prolonge au large le golfe de Rosas, étendu du cap de Creus au cap Saint-Sébastien, a un con- 670 | G. PRUVOT. tour plus régulier, sans les profondes échancrures du plateau fran- çais. Son bord, sauf dans la partie nord contre le rech du Cap, est moins neltement accusé ; la profondeur croît régulièrement vers le large, et la vase côtière y passe insensiblement à la vase profonde sans bande de sable interposée. La vase profonde, qui remonte le long de tous les talus jusqu’à l’isobathe de 250 mètres en moyenne, appartient, comme tous les sédiments profonds de la Méditerranée, aux dépôts terrigènes. Elle tire donc son origine d'éléments enlevés au rivage. Elle a sensible- ment la même composition partout dans notre région et se rap- proche, par la proportion relative de ses divers éléments minéraux, de la vase côtière du plateau méridional espagnol plus que de celle du plateau français. Elle occupe tous les rechs de celui-ci; elle en- vahit aussi le bord du plateau continental en se mêlant aux sables du plateau Roland et du Balandrau. Sa limite d'extension dessine, dans son ensemble, une ligne courbe à concavité ouverte vers le sud-est, et, le long de cette ligne, on la voit passer, au fond des rechs, à une vase plus bleue, qui paraît d'âge plus ancien, d'après sa compacité, la réduction avancée du fer par les matières orga- niques à son intérieur, d’après ce fait aussi qu’on rencontre à sa sur- face des concrétions, des graviers, etc., éboulés du bord du plateau continental et jamais recouverts de vase nouvelle. Si l’on ajoute à cela que la vase côtière du nord ne peut lui avoir donné naissance, puisque, partout, dans le golfe du Lion, est inter- posée entre les deux une bande de sable que la vase côtière ne fran- chit pas, on aura de fortes raisons de croire que la vase profonde, dans toute notre région, a une origine méridionale. Elle tire peut- être son origine des dépôts côliers du grand bassin limité par les rivages des provinces de Catalogne et de Valence, d’une part, et, de l'autre, par les îles Baléares, qui, d’après les cartes, montre, entre autres, un vaste plateau vaseux autour de l'embouchure de l’Ébre. Dans ce cas, les courants qui ont amené les sédiments et déter- miné le profil actuel du sol sous-marin dans la région de Banyuls FONDS SOUS-MARINS DE LA RÉGION DE BANYULS. 671 auraient suivi successivement deux directions dominantes presque opposées. Des apports du nord-ouest auraient primitivement formé le plateau continental et continueraient à déverser à sa surface la vase côtière du nord; un courant du sud-ouest amènerait jusqu’au bord du plateau et au fond de ses découpures les dépôts vaseux du s1d. EXPLICATION DE LA CARTE. La carte est, pour le contour des côtes, la reproduction de la carte des côtes méri- dionales de France publiée en 1866 par le ministère de la marine et qui porte le numéro 2358, 9-27. Elle est à l'échelle de . La longueur du mille marin 1 155 000 (1852 mètres) y est de 12 millimèlres, celle du kilomètre de 6mm, 48. La ligne pointillée qui part du pic Noulous, passe par la tour Caroltj et aboutit un peu au sud du cap Cerbère, représente la frontière de France el d'Espagne. Le relief du sol n'ayant pas été figuré, les points marqués d’un astérisque indiquent la position des sommets et des pointes rocheuses les plus importants qui ont servi aux relèvements, en outre des monuments, phares, clochers, tours. Dans la partie marine de la carte : Les sondages surmontés d’une croix sont ceux effectués par le Roland; la Croix indique la position du sondage, le chiffre la profondeur en mètres. Les chiffres non accompagnés de croix ont été pris parmi ceux donnés déjà par les cartes de la marine: comme sur toutes les cartes marines, la position du sondage est au milieu du chiffre qui le représente. Ceux qui sont surmontés d’un trait horizontal signifient que le fond n’a pu être atteint, après le déroulement de la quantité de fil de sonde indiquée par le chiffre. Les traits pleins représentent les courbes de niveau tracées de 100 en 100 mètres. Le trait plus fort interrompu par des points qui divise le Rech du Gap limite entre le bord du plateau continental et lui, du côté du sud, une bande où la vase pro- fonde générale, molle et verdâtre, fait place à une vase beaucoup plus compacte et plus bleue. Cette même vase compacte se retrouve aussi au fond du Rech Lacaze- Duthiers, limitée par un trait semblable. Dans la nécessité de donner quelques noms aux principales étendues occupées par un même fond, pour faciliter la désignation des localités en vue des listes faunis- tiques, j'ai réservé le terme de plateaux aux régions qui avoisinent le bord du pla- teau continental et s’y terminent par un talus en pente raide; j'ai appelé plaines les grands espaces presque horizontaux compris entre les plateaux et les formations lit- torales. Enfin j'ai proposé le terme de rechs pour les ravins étroits et profonds qui découpent le bord du plateau continental. C'est le nom sous lequel on désigne en 672 G. PRUVOT. avin occupé par un ruisseau, et les pêcheurs du pays l’attribuent langue catalane unr es découpures très spéciales par leur nature à l’un de ceux qui figurent sur la carte. C rigine paraissent se retrouver en plusieurs pays au voisinage des côtes mon- emblent mériter d'être désignées par un terme général, au même géographiques déjà admises de fjords, chotts, polders, etc. es autres signes est suffisamment indiquée dans et leur o tagneuses, et mes titre que les expressions La signification des couleurs et d la légende explicative. TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 3e SÉRIE. TOME II Acipenser (voir Chevrel). Biologie (Notes de), p. 21 et 491 (voir Racovitza). Banyuls (Région de) (voir G. Pruvol). Chevrel (R.). Recherches anatomiques sur le grand sympathique de l'Estur- geon, p. 401. — Sur un diptère marin du genre Clu- nio Haliday, p. 582. Clione (voir Topsent, N. et R.). Cuénot (L.). Sur le fonctionnement du rein des Helix, N.etR., VI, p. xur. Coccidies (voir Thélohan). Clunio (voir Chevrel). Diptère marin (voir Chevrel). Duboscq (0.). La glande venimeuse de la Scolopendre, p. 575. Esturgeon (voir Chevrel). Faune du golfe du Lion, p. 15 et 445. Flabellum anthopayllum (voir de La- caze-Duthiers). Fol(Hermann). Notice nécrologique, p.1. Fonds sous-marins de Banyuls (voir Pruvot). Guèpier {voir Marchal). Hectocotyle (voir Racovilza), p.197. Helix (voir Cuénot, N. et R.). Kowalevsky (A.). Études sur le cœur de quelques orthoptères (communication préliminaire), p. 485. Golfe du Lion (voir de Lacaze-Duthiers). — (voir Pruvot). Labbé (A.). Recherches zoologiques et biologiques sur les parasites endoglo- bulaires du sang des Vertébrés, p. 55. — (voir Pfeiffer, N. et R.). Lacaze-Duthiers (Henri de).Noir Fol(Her- mann). — Faune du golfe du Lion. Évolution du Polypier du Flabellum anthophyl- lum, p. #45. — Scyphistomes (Sur les) de l'aquarium du laboratoire Arago, N. et R., VIT p: XV. Letellier (voir Topsent, N. et R.). Lion (Golfe du) (voir de Lacaze-Duthiers). = (Voir G. Pruvot). Marchal (P.). Note préliminaire sur la distribution des sexes dans les cel- lules du guêpier, N. et R., If, p. ur. Orthoptères (voir Kowalevsky). Parasites (voir Labbé). Pfeiffer (L.). Untersuchungen uber den Krebs.— Die Zell-Erkrankungen und die Geschwulstbildungen durch Spo- rozoen. N. et R., IIT, p. v. Pruvot (G.). Essai sur la topographie et la constitution des fonds sous-marins de la région de Banyuls, p. 599. Racovitza (E.-G.). Notes de biologie, p. 21 et 491. — Sur une nouvelle méthode de colo- ration élective des glandes hypoder- miques. N. et R., IV, p. vu. Rosas (voir Pruvoi). Rossia (voir Racovitza), p. 491. Roussillon (voir Pruvot). Sang {voir Labbé). Scolopendre (voir Dubosca). Scyphistomes (voir de Lacaze-Duthiers, N. et R.). Spongiaires (voir Topsent). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE, — T. 11. 1894, 43 674 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. Sporozoen (voir Pfeiffer, N. et R.). Topsent (E.). Sur le mécanisme de la Squale pèlerin (voir Van Beneden, N.et| perforation des Cliones. N. et R., V, R.). pie Sympathique (Grand) de l’'Esturgeon | Tetractinellida (voir Topsent). (voir Chevrel). Thélohan (P.). Nouvelles recherches Système nerveux (voir Chevrel). sur les Coccidies, p. 541. Topsent (E.). Étude monographique des | Van Beneden. Un mot sur le Squale spongiaires de France, p. 259. pèlerin. N.etR., I. p.71. TABLE DES PLANCHES 3C SÉRIE. TOME Il 1. — Drepanidium princeps. II. — Drepanidium princeps (Reproduction). IT. — Drepanidium monilis. IV. — Karyolysus. V. — Karyolysus (Sporulation). VI. — Danilewskya; D. Lacazei; D. Slepanouwt. NII. — Halleridium. VIII. — Halieridium (Formes flagellées). IX. — Proteosoma ; Hæmamaæba. X. — Dactylosoma; Cylomæba. XI, XIT, XIII, XIV, XV et XVI. — Spongiaires de France. XVII. — Esturgeon (Système nerveux). XVIII. — Évolution du Flabellum. XIX. — Rossia. Hectocotyle. XX'et XXI. '— Rossia. Spermatophores. XXII. — Coccidies. XXIIT. — Carte de‘la mer des environs de Banyuls. PARIS. — UYPOGRAPHIE 4. HENNUYER, RUE DARCGET, 1 { Ù : 2 Î } { 1 x j 0 \ È * ñ « » Y J k L = « » … 4 . KA \ ’ = [ 2 s \ } ‘ \ : ge" s ts N { j 3 a . PO LE % ” = D ñ be. a HET % PT Y « n? à L o “ d VE AN s & i à ‘ ï [9 à, j es n J », . : À * DE is = S F. à r & = & FT no) - 4 er CD [1] = DO Gn) (Gr El C) N A À (= V œ Ÿ A, > $ à À à =) & = © a) JE El à A ë LA D PONG Librairie C.Reinwald & C{ Arch de Zool. Exp}° et Génie. 3° Série, Vol,Il, PL. XIV. A \ A E,Topsent dess. et phot. Helog. Dujardin SÉONGIADERE SM BEL HP ANCE Librairie C. Reinwald & Ce Arch, de Zool, Heu et Cénl® Pal ces ss pereit Æ, Topvent devs.et phoë, © (OUN CANNES OU ENV ANNONE Librairie C, Reuuvald & CT 3° Série Vol.IT,PL.XV, NU / \ | | Heli og, D yar di un | | 8° Serie Vol. lle), 2" yardin g Du © Le Heli d (92 7": < N NON ARE Se So & 4 EN S ©: @ >) NI Se © © JTE Topsent dess.et phot. El H DE SON CARE MID EE ER NIC ld & CE tr Librarrie C,Re ; ASP dé éSÉpie Mol UNE ON (L nn À Himely se. PR, Chevrel ad.nat del. 1 SMUMEUCATMNONNE (Acipenser sturio) Librairie CReinvald & C2 Teliog. Dujardin, 11. de Lacaxe-Duthiers ad,.nat,del . 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