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HENNUYER, RUE DARCET, e ARCHIVES DE L00LOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE HENRI pe LACAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE PROFESSEUR A LA SORBONNE FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ROSCOFF ET DE BANYULS-SUR-MER ET GRR UMOT PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE GRENOBLE DÉLÉGUÉ SOUS-DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE PRATIQUE ET APPLIQUÉE DE LA SORBONNE TROISIEME SERIE TOME SIXIÈME LS98 PARIS LIBRAIRIE ©. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 Tous droits réservés. ARCHIVES DE ZO0LOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE H. pe LACAZE-DUTHIERS ET G. PRUVOT Membre de l'Institut, Professeur à l'Université de Grenoble. 3e SÉRIE, T. VI. NOTES ET REVUE. No 1. NOTE DE LA DIRECTION. Les Directeurs et les Éditeurs des Archives de zoologie expéri- mentale et générale désirent donner plus d'extension aux Notes er REVUE, qui paraissaientirrégulièrement dans ce recueil à la fin des fascicules. Elles seront publiées dorénavant par feuilles de 16 pages, avec pagination distincte, aussi fréquemment que l'abondance des matières l’exigera, et seront envoyées immé- diatement à tous les abonnés, sans attendre la publication des fascicules des Archives de zoologie, dont elles formeront ainsi un supplément gratuit que les abonnés joindront au volume de l’année. Les Nores £r Revue pourront comprendre de courts mé- moires, ou des communications servant à des prises de date, des articles de discussion, des revues critiques des questions de zoologie à l’ordre du jour, des analyses des travaux les plus importants parus dans d’autres recueils, des informations diverses, de manière à former, au bout de l’année, une collec- tion importante, qui tiendra les abonnés des Archives au cou- rant de ce qui se publie etse fait en France et à l'étranger dans le domaine de la zoologie. Aussi, la Direction fait-elle appel aux zoologistes, en les priant notamment de lui adresser un exemplaire de leurs publi- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3° SÉRIE. — T, VI. 1898, A il NOTES ET REVUE. cations dont l'envoi facilitera beaucoup l'analyse de leurs tra- vaux. Tous les articles acceptés par la Direction seront payés à raison de 10 centimes la ligne d'impression, et le règlement en sera fait par les soins des Éditeurs aussitôt après la publica- tion de chaque feuille. Les articles seront signés. Les auteurs qui en feront la demande en envoyant leur ma- nuscrit recevront, en outre, gratuitement, 40 tirages à part de leurs articles. Cette disposition ne s'applique qu'aux articles originaux, et il ne sera fait aucun tirage à part supplémentaire en sus de ce nombre. Devant la nécessité impérieuse d'éviter tout retard dans la publication, les auteurs sont instamment priés de limiter leurs corrections aux fautes matérielles et de renvoyer les épreuves corrigées par retour du courrier, si c’est possible. Après deux jours, dans tous les cas, la correction serait effectuée d'office par les soins de la Direction. LES ÉPONGES SONT-ELLES DES COELENTÉRES ? Par le professeur H. DE LacazEe-DUTHIERS Il n’est pas de groupes, parmi les êtres organisés, dont la place, dans la série de ces êtres, ait été plus discutée, plus tourmentée, plus ballottée. Longtemps, on en à fait des végétaux; ensuite, On leur rendit la dignité animale; mais, parmi les animaux, ON n6 fut pas d'accord sur le rang et les relations qu'ils devaient avoir. On les considéra d'abord comme des Sarcodaires, puis comme des associations d'In- fusoires, enfin Comme des Cœlentérés. C’est le sort des questions difficiles à résoudre de revenir de temps en temps à la mode, à l’ordre du Jour ; aussi rien d'étonnant à voir que l’on discute encore sur la position des Éponges. Dans le congrès de zoologie qui doit réunir Îles naturalistes à Cambridge (Angleterre) en août, mon collègue de la Sorbonne, NOTES ET REVUE. it M. le professeur Yves Delage, doit, le 24 de ce mois, soutenir les conséquences découlant de ses recherches embryologiques, puhliées dans les Archives. I1 m’écrivait à ce propos : « Trois naturalistes sont désignés pour discuter la question : l’un est Anglais, l’autre Allemand, le troisième est Français, et j'ai l'honneur d’avoir été désigné. » La question semble avoir, en effet, été soulevée par mon savant collègue en communiquant à l’Académie des sciences un travail sur l'évolution des cellules ento et ectodermiques des larves des Éponges. Ce travail, qui se trouve au premier volume des Comptes rendus de l’Académie des sciences de l’année 1898, souleva une controverse dans laquelle les théories eurent une part active. Les idées théoriques conçues a priori, en dehors des observations dans lanature même, peuvent avoir de l'attrait, du brillant, pour quel- ques esprits superficiels s’en tenant aux conceptions spéculatives ; elles résistent peu aux faits précis, fournis par l'étude directe des objets pris dans leur évolution normale. Il sera très curieux d’enre- gistrer les suites de la discussion qui aura lieu au congrès de Cam- bridge entre savants ayant observé de visu les éponges et ceux ne les expliquant qu'avec l’aide de l’hypothèse. Aujourd’hui, il est encore des zoologistes qui font des Éponges des Cœlentérés. Dans les modifications successives des classifications des animaux inférieurs, qui sont ballottés d’un groupe à l’autre, disons plus, d’un règne à l’autre, ce qui prouve l'embarras des classificateurs, les théories appellent surtout l'attention des zoologistes. On connaît l’ancienne théorie du Sarcode de Dujardin ; au nom près, c’est, on peut le dire, l’histoire du protoplasma dans ce que la science, à l'époque de Dujardin, avait de positif. La difficulté de l'observation du tissu des Éponges, le peu de valeur qu'avait la technique histologique en ce temps-là, avaient conduit de grands naturalistes à admettre la nature sarcodique des animaux formant ces masses souvent informes auxquelles on avait refusé jus- * qu’à la contractilité. Milne Edwards avait ainsi fait la division des Sarcodaires à la base du règne animal. Ce fut James Clark, d'Amérique, qui, à l’aide de puissantes len- tilles grossissantes, étudia le mieux les éléments des corbeilles vibra- tiles, de ces cellules singulières ayant un seul cil ou long flagellum, né au centre de leur partie libre que borde un velum mince et ondu- IV NOTES ET REVUE. Jeux. L’analogie de forme les lui fitrapprocher des quelques Infusoires flagellés ayant, eux aussi, une membrane circulaire en forme de voile infundibulaire. Cette ressemblance, en comparant l’ensemble de la masse à une association semblable à celles que présentent quelque- fois les Infusoires, le conduisit à voir, dans les Éponges, des sociétés d'Infusoires. Cette opinion n'eut que peu de partisans. Il n’est pas de naturaliste qui, aujourd hui, voulüt la défendre. En tenant compte de l'existence des spicules aux formes si variées dont est bourré le tissu des Spongiaires ; en considérant ces char- pentes souvent cornées qui soutiennent ces amas charnus ; en obser- vant les innombrables canaux qui sillonnent les espaces remplis de tissu mollasse aboutissant, d'un côté, à des pores sans nombre situés à la surface extérieure (si bien qu’il est des naturalistes qui nomment les Éponges les Porifera), d’un autre côté, à des orifices plus grands, plus centraux, qu’on à appelés oscules; en constatant que l’eau, appelée par les mouvements des cils vibratiles intérieurs, pénètre dans tous ces canaux, pOur sortir par les oscules plus grands et situés dans le centre, des naturalistes ont trouvé dans ces Carac- tères des ressemblances assez marquées el suffisantes pour rap- procher les Éponges de quelques Cœlentérés offrant aussi Ces Ca- ractères. Que l’on prenne un Alcyonnaire massif et l'on y trouvera les analogies, je ne dis point les homologies, suivantes : on y verra d'innombrables canalicules serpentant, s’anastomosant, formant des réseaux dans les tissus : on les trouvera communiquant avec la ca- vité générale du corps des Polypes que, par un excès de zèle dans la comparaison, on considérera Comme ressemblant aux oscules centraux et aux corbeilles. Dans une Gorgone, on verra des fillaments cornés. Dans l’Alcyon, comme dans la Gorgone, on trouvera des spicules aux formes variées. Cependant une chose manquait : les Cœlentérés ont des cellules spéciales renfermant un fil enroulé en spirale, des nématocysies ; un naturaliste les trouva. Ce fut un trait nouveau de ressemblance. Il n’y eut qu'un malheur à cela ; un autre naturaliste découvrit qu'un Cœlentéré vivait en parasite dans les canalicules des Éponges et qu'en perdant ses nématocysies, ceux-ci étaient englobés par les tissus des Éponges. On avait donc accordé à ces dernières un élément qui ne leur appartenait pas. Quand on a observé les Éponges vivantes et sur place, on est bien RE A am re A 2e , PERTE fi k À NOTES ET REVUE. v facilement convaincu que leurs tissus englobent des particules étran- gères de toutes sortes', de même que les Amibes de nature pro- toplasmique laissent pénétrer, en coulant sur une plaque de verre, les corps moléculaires qu’elles rencontrent. C'était là l’une des raisons qui avaient fait considérer les Éponges comme étant semblables aux êtres protoplasmiques étudiés par Dujardin sous le nom de Sarco- daires. Le Sarcode avait, pour lui, comme l'apparence d’une chair fluide et coulante. Par l'étude qu'il a faite des migrations que les cellules entoder- miques et ectodermiques éprouvent chez les embryons des Éponges, M. Delage y a trouvé une nouvelle raison qui lui a paru suffisante pour éloigner les Éponges des Cœlentérés et pour en former un groupe spécial. C’est là, sans doule, une raison nouvelle tout embryogénique, ap- portée à l'appui d'une opinion qui, à mes YEUX, n’a jamais pu faire un doute. Les Éponges sont des Éponges et non des Cœlentérés. Il me semble qu’en dehors des preuves embryologiques apportées, pour éclairer encore mieux la question, par mon collègue, il ne peut y avoir que des apparences trompeuses. Pendant le temps que j'ai passé comme professeur au Muséum et où j'ai eu la collection des Éponges sous ma direction, j'avais confié à Oscar Smith les échantillons du groupe récoltés pendant l’expédi- tion scientifique de l'Algérie. J'y avais jointtoutes celles que, pendant les années 4860, 1861 et 1862, j'avais recueillies moi-même en élu- diant la pêche du Corail. En Corse et à Minorque, j'avais déjà voulu voir de près ces êtres qui prêtaient tant à la controverse et qui Confi- naient à cet amas d'êtres à peu près inconnus dans leur organisme, et que Bory de Saint-Vincent avait réunis sous cette appellation or1- ginale : Règne chaotique, dénomination bien caractéristique de l'é- poque et de la difficulté que présentaient ces éludes. L'un des échantillons que j'avais dessinés était incontestablement un type nouveau, j en Jaissai la description au savant professeur de Gratz : il le fit connaître sous le nom de Osculina polysiomella”. Que 1 J'ai trouvé dans le tissu des Éponges vivant à côté du corail, des spicules de ce dernier, des Foraminifères, des spicules d'Éponges différentes et vivant auprès de celles observées. 2 Voir Oscar Smirx, Die Spengien der Kusle von Algier (Drittes supplement. aol fig. 1 à 8). vI NOTES ET REVUE, l'on considère les dessins de ce genre, et l'on verra combien les oscules dentelés et bordés d’une membrane saillante miment des corolles. N’est-on pas tenté, en voyant ces oscules, d'établir la com- paraison avec les péristomes de quelques Cœlentérés ? Ce dessin n’a-t-il pas encouragé dans la comparaison ? Une simple analogie est prise bien volontiers pour une homologie, quand elle est favorable à une opinion qu'on soutient. Je ne crois pas, et c’est l'opinion que j'ai professée au Muséum, à l'École normale supérieure et à la Sorbonne depuis 1865 jusqu à ces dernières années, je ne crois pas qu’il soit possible, quand on a fait une anatomie sérieuse et comparée d’un Alcyonaire et d'une Éponge, de pouvoir trouver des traits de ressemblance conduisant à placer dans un même groupe des êtres aussi différents ; rien n'est homo- logue, et quand on arrive à spécifier les conditions biologiques de l’un et l’autre, et l’on est bien forcé de reconnaître que des difré- rences anatomiques profondes les séparent. Où trouverait-on, dans un Alcyonaire, un Hydraire ou tout autre Coralliaire, quelque chose qui rappelle même de loin ces corbeilles vibratiles, si spéciales par leurs dispositions et les éléments carac- téristiques qui les forment ? Il sera curieux de connaître les arguments qui seront apportés dans la discussion du congrès de zoologie de Cambridge, en faveur des opinions diverses qui y seront soutenues. Pour le moment, je tenais à établir que, jamais dans mes études et mon enseignement, je n’avais considéré les Éponges comme faisant partie des Uœlentérés ; qu’enfin, les connaissances d'anatomie comparée suffisaient pour légitimer cette opinion. nl SUR UN FILET PÉLAGIQUE A FONCTIONNEMENT TRÈS RAPIDE, Par le docteur C. Viquier. Les recherches sur la faune pélagique, le plankion, suivant l’ex- pression à la mode, ont amené la construction d'un grand nombre ù d'appareils plus ou moins perfectionnés, mais qui ont principale- ment pour objet de reconnaître la richesse et la composition de ce plankton pour une profondeur déterminée, tandis que les filets des- NOTES ET REVUE, VIL tinés simplement à le recueillir n’ont été l’objet d'aucun perfection nement notable. Je comprends fort bien l'intérêt des recherches si fort en honneur aujourd’hui; et j'ai moi-même publié dans /a Nature, en 1890, le projet d'un appareil qui serait, je crois, préférable pour ces études à ceux employés jusqu ici. Mais, tout en regrettant de ne pouvoir le faire construire, je Mme suis occupé d'améliorer le filet ordinaire, le simple cône de gaze employé partout. Quand la merest riche en animaux flottants, ce cône suffit parfai- tement, si l’on ajoute àfson extrémité un réceptacle comme celui que je décris plus loin ; et le nouvel appareil que je propose n'offre pas alors d'avantage marqué (sauf, toutefois, lorsqu'on pêche du haut d’un navire), car il est immédiatement rempli. Mais lorsque les eaux semblent presque désertes, elles renferment encore des formes intéressantes que l’on ne peut même guère se procurer qu’alors. L'emploi du cône de gaze est, en ce Cas, fort incom- mode : car il s’agit de filtrer une énorme quantité d’eau. Or, on ne peut le remorquer qu'avec une extrême lenteur. On ne saurait, par conséquent, le tenir à la mer pendant que l’on drague, ni surtout lorsqu'on est en vitesse de route. À plus forte raison est-il impossible au naturaliste qui se trouve à bord d’un paquebot, de se procurer des échantillons de la faune pélagique ; et plus d’un, sans doute, éprouva comme moi ce regret, surtoui pendant les longues tra- versées. j1 fallait donc augmenter considérablement l'étendue de la gaze filtrante, assurer le passage plus rapide de l'eau à travers cette gaze, et donner en même temps à l'appareil une solidité plus grande. Ces conditions se trouvent réalisées dans le filet dont voici la description sommaire. La manière la plus simple d'augmenter la surface filtrante sans accroître le volume de l'appareil est de la plisser comme on le fait pour le papier à filtre dans les laboratoires. Mais, ici, la nécessité de soutenir tous les plis et d'augmenter encore la surface, m'a fait adopter, pour le filire, la forme cylindrique au lieu de la forme cônique. Le corps de l'appareil se compose de deux plaques semblables, ou plutôt de deux anneaux plats en cuivre mince, reliées par une série de tubes de cuivre (42 sur le modèle construit et représenté). VE NOTES ET REVUE. A l'intérieur du prisme que limitent ceux-ci, viennent, en aller- nance régulière, des baguettes de bois dur, de même longueur. La gaze de soie, lorsqu'elle n'est pas en place, forme un vaste cylindre sans fonds, dont le tissu est renforcé par des tresses cousues à plat le long d'autant de génératrices du cylindre qu'il y à de tubes de cuivre. Sur ces tresses sont fixées des attaches que l’on noue sur les tubes. Il n’y a pas besoin de garnir la soie là où elle porte Fig. 1. La partie siluée à gauche du trait vertical AB représente la moitié droite de la partie antérieure du filet; et la partie située à droite, la moilié droile de la moitié pos- térieure et du réceptacle. Le trait pointillé en zigzag représente le bord de l’étoffe filtrante, comme on le verrait par transparence à travers la plaque ; le trait pointillé circulaire représente de même le bord de l’étui en toile à voile. c, tube de cuivre ; d, baguette de bois ; o, orifice postérieur de l’un des espaces compris entre les deux étoffes; ee, bouées en liège, taillées en cônes à leurs deux extrémités. R, réceptacle, au-dessus duquel se voient les deux parties du passage siphoïde. sur les baguettes de bois. Le montage et le démontage de lPétoffe se font très rapidement, et, une fois en place, elle présente la dispo- sition que l’on voit sur la figure 1, et doit se trouver parfaitement tendue. Il va sans dire que l'on pourrait augmenter le nombre des tubes et des baguettes, el, par conséquent, des plis, ainsi que la profon- NOTES ET REVUE. (x deur de ces plis, et obtenir ainsi un accroissement encore bien plus considérable de la surface filtrante. Mais il ne doit pas y avoir avan- tage à faire des angles trop aigus. Lorsque la gaze est en place,on lace, par-dessus les tubes de cuivre, un morceau de toile à voile qui recouvre tous les nœuds d'attache de la gaze, et protège celte étoffe contre tous les accidents extérieurs. Ce manchon cylindrique de toile à voile détermine, avec les replis Fig Coupe sagiltale du filet, montrant la moitié droite, vue de dedans. f, cône supportant le réceptacle R; g, cercle portant la poche de gaze figurée en pointillé ; h, double fond percé de trous. La flèche indique la sortie de l’eau par le passage siphoïde ; 4, position de l'orifice qui désamorce le siphon. de la gaze, une série d'espaces prismatiques extérieurs au filet. Ces espaces, clos en avant, sont ouverts en arrière, et le mouvement du filet y détermine une aspiration dont l'effet s'ajoute à celui de la pression intérieure. L’étoffe étant parfaitement tendue, laisse passer l’eau avec une très grande vitesse. Pour éviter qu’une partie de cette eau puisse s'échapper entre les bords de l’étoffe et les plaques terminales, chacune de celles-ci porte une bande delaiton mince (de 12 millimètres de large sur le filet con- struit) suivant exactement le contour en zigzag du bord de l'étoffe que la pression intérieure vient appuyer contre elle. Les anneaux de remorque sont naturellement fixés à la plaque antérieure, tandis que l’autre porte un cône très ouvert conduisant dans le réceptacle terminal, qui s'ajuste au moyen d’un cran de baïonnette, maintenu en outre par une vis. X NOTES ET REVUE. Ce réceptacle terminal est d'un type que j'emploie depuis long- temps déjà, mais dont je n'ai pas encore publié la description. Il se compose d'un cylindre, portant un double fond percé de trous. Entre ce double fond et le fond véritable est pratiquée une ouverture latérale, qui donne dans un passage disposé en forme de siphon (fig. 2). C'est à peu près la disposition connue sous le nom de vase de Tantale. À l'entrée du cylindre se trouve un cercle mobile, maisfacile à fixer, portant une poche en gaze de soie. Le mouvement de l'appareil déterminant un appel dans le trajet siphoïde, une partie de l’eau s'échappe incessamment par là, entraî- nant les animaux qui se rassemblent dans la poche de gaze. Enfin, lorsqu'on relève l'engin dans la position verticale, toute la pêche vient se réunir là. Mais, pour éviter que le siphon ne vide entière- ment le cylindre, il faut pratiquer à sa partie supérieure une petite ouverture suffisant à le désamorcer, et que l’on garnit d’une toile métallique très fine. Le cylindre reste donc plein d’eau jusqu'au niveau du bord inférieur de cette ouverture, sans qu’on ait à s'oc- cuper de le fermer, manœuvre fort incommode déjà à bord d’une barque, et tout à fait impossible à bord d’un gros bateau. Lorsqu'on incline le cylindre pour le vider, la poche de gaze se retourne, tra- versée en sens contraire par le courant d’eau. | Cette disposition, qui conserve parfaitement les animaux les plus délicats, permet de relever rapidement l'appareil, même d’une grande hauteur, comme d’un navire, par exemple, ce qui ne saurait autre- ment se faire avec un filet sans réceptacle terminal, et laissant par conséquent échouer les animaux, ou avec un filet muni dun réceptacle clos en arrière et donnant, par suite, naissance à des remous empêchant les animaux de s’y rassembler. Je n'insisterai guère sur les autres dispositions, faciles à com- prendre. Une trappe de gaze peut être utile à l’entrée du filet, lors- qu’on pêche du bord d’une barque à mouvements irréguliers. Elle ne peut que gêner lorsque l’appareil est mis à l’eau et relevé sans que le mouvement de translation s'arrête. La stabilité est assurée par deux bouées cylindriques en liège por- tées chacune par un tube de cuivre allant d’une plaque à l’autre. Les plaques portent, en outre, à leur partie inférieure, des trous (non figurés sur le dessin) permettant d'y attacher les poids nécessaires pour obtenir le plongement du tilet. On remorque alors à l’aide d'un câble en fil d'acier ; et, pour s'opposer au relèvement par l’action de NOTES ET REVUE, XI la marche, on fixe, en dehors des bouées, des lames obliques en bas et en avant. Lorsqu'on pêche à la surface, pour éviter l'emploi d’une longue touée, il faut déborder l'appareil de l'avant du bateau, en lui don- nant juste ce qu'il faut pour le tenir en dehors du sillage. Les mêmes trous, dont j'ai parlé tout à l'heure à propos des poids, servent alors à fixer une lame verticale oblique dont l’action tend à écarter le filet du bateau. Comme il est très facile de rendre l’appareil démontable en fixant les tubes au moyen d’écrous, on peut ainsi le rendre très portatif; et la plupart des commandants de paquebots permettraient certaine- ment de mettre en travers une de leurs grues d'avant pour manœu- vrer un filet de ce genre, du moment qu'on ne leur demanderait pas de modifier leur vitesse. Mais, pour pouvoir opérer ainsi, une précaution est nécessaire. Si l’appareil ici représenté (au dixième de sa grandeur réelle) fonc- tionne très bien à une vitesse de 4 nœuds (7 kilomètres el demi environ à l'heure), il est prudent, pour des vitesses supérieures, de réduire l’orifice d’entrée. Ceci s'opère en fixant à la plaque d'avant un masque tronc-cônique à petite base dirigée en avant. Le mieux est de faire ce masque en plusieurs pièces, qui s’ajustent très vite les unes sur les autres ; et, la surface des petites bases étant dans un rapport simple avec celle de l’orifice primitif, il est facile de savoir la surface d'accès à choisir pour une vitesse donnée. La surface conique facilite en outre le glissement dans l'eau; el cela est nécessaire pour des vitesses un peu grandes. [LT SUR LES GLOBULES SANGUINS ET LES CELLULES A CARMINATE DES CHILOPODES, Par O. DuBosco. Les globules sanguins présentent les mêmes caractères dans tout l’ordre des Chilopodes, à la dimension près. Ils sont plus petits chez les Géophilides, ainsi que les autres éléments des tissus. Chaque ani- mal possédant des globules de différente taille, pour la rapidité de la description, je n’envisagerai que ceux de la Scolopendre. XI] NOTES ET REVUE. On peut les diviser en petits globules et grands globules. Les petits globules ont au plus 10 p de diamètre. Ils sont arrondis ou légèrement elliptiques. Leur cytoplasme transparent, fiiement granuleux, ne contient pas d’inclusions. On doit distinguer deux sortes de petits globules, à en juger par les noyaux. Les uns ont un noyau atteignant jusqu’à 7 p et dans lequel la chromatine en grains nombreux et bien distincts révèle un élément bien vivant. Les autres ont un noyau de 3 à 4 p. se colorant en masse. Ils semblent être des globules vieillis. Les grands globules ont en général de 12 à 20 p.. Quelques-uns, assez rares, atteignent 93 p.. Tous contiennent dans leur cytoplasme de nombreux granules de nature albuminoïde, qui se colorent par l’éosine. Ces granules se colorent aussi par l’hématoxyline au ED, je veux dire qu'ils résistent à la décoloration presque autant que la chromatine. Les grands globules sont parfois sphériques ; la plupart sont ellipsoïdaux. Quoique limités par une membrane à double con- tour, ils peuvent pousser un ou deux pseudopodes légèrement ar- qués. Les pseudopodes, quand ils sont deux, sont opposés, et leur convexité est généralement du même côté. Toutes les formes amæ- boïdes à pseudopodes nombreux représentent des éléments en dégé- nérescence (en accord avec Cattaneo). Le noyau des grands globules peut avoir un diamètre inférieur à 5 L ; alors la chromatine est en masses irrégulières. On a affaire à de vieux globules. Ils sont rares. Donc le noyau est couramment égal ou supérieur à 7 p, au moins dans son grand diamètre, Car il est elliptique. Sa chromatine se compose de gros grains au nombre de 4 à Ttoujours périphériques, puis d’un grand nombre de petits grains disposés sur un réseau, dont la plupart des travées sont méridiennes comme dans un fuseau. Certaines dispositions des gros grains peuvent faire croire, dans de mauvaises préparations, à de nombreuses mitoses. J'insiste sur ces détails, parce que c'est dans ces globules quon trouve, dans la proportion de 4 pour 300 globules, de véritables mi- toses. Je dis bien mitoses, ce qui confirme les faits de Heidenhain et Cuénot sur les Insectes. Le résultat de la mitose donne deux globules ayant chacun plus de 10 p. Aïnsi les petits globules à grand noyau ne paraissent pas être les produits d’une division récente dans le sang. Outre les granulations éosinophiles, on trouve parfois, comme autres inclusions, des corpuscules arrondis ou ovalaires, presque aussi gros que le noyau qu'ils refoulent, et s’en distinguant par la NOTES ET REVUE. XII rareté des éléments chromatiques. On ne trouve en eux générale- ment qu’une sphérule analogue à un nucléole. Ce ne sont pas des bactéries. Seraient-ce des parasites analogues aux Hématozoaires des Vertébrés, ou bien des petits globules vieillis englobés par les phagocytes ? Je ne sais. | Les globules du sang sont, comme l'a vu Kowalevsky, des phago- cytes actifs. Quand il y à beaucoup de microbes dans le sang, on peut trouver jusqu à une cinquantaine de petites bactéries dans un même globule, qui a toujours sa forme ovalaire. De même, après injection d'encre de Chine, certains globules sont entièrement noirs. Ils excrètent aussi le carminate neutre d'ammoniaque. Les globules du sang ne sont pas les seuls phagocytes. Avec les corpuscules de Kowalevsky, Les filaments acides ou cellules à carminate de la Scolopendre ont dans certains cas cette propriété. Le fait est rare; je n’ai pu varier l'expérience et la reproduire à volonté, mais j'ai des préparations indiscutables. Les filaments acides peuvent absorber l'encre de Chine. Et alors cela se passe comme dans les globules du sang. Tandis que certaines cellules n'ont rien absorbé, d’autres sont bourrées d'encre jusqu’à être entièrement d’un noir opaque. Et des cellules ainsi gorgées se trouvent souvent entre deux autres qui n'ont absolument rien phagocyté. Or, les filaments acides sont des cellules discoïdes, empilées comme des monnaies en rou- leau, et pourvues d'une membrane à double contour, d'épaisseur notable, membrane qui ne présente superficiellement aucune trace de limite cellulaire, en sorte que ces piles de cellules sont vraiment comme des monnaies dans un étui. Le mécanisme de la phagocytose est bien obscur. Le carminate d’ammoniaque est absorbé avec très grande élec- tion par certains éléments qui méritent d’être appelés cellules à car- minate. Tels sont les filaments acides dont je viens de parler. Ils ont été découverts par Kowalesvsky autour des tubes de Malpighi et des glandes salivaires de la Scolopendre. Kowalevsky à trouvé pareille- ment chez Lithobius des cellules à carminate, sous la forme de pseudo-acini enveloppant les acini des glandes salivaires. J'aivre- trouvé de semblables pseudo-acini de cellules à carminates autour des longues glandes salivaires des Géophilides (Geophilus, Scolio- planes, Chæœtechelyne, Stigmiatogaster et Himantarium). Mais il y a, chez les Géophiles, d’autres cellules à carminate groupées en pseudo-acini, Chez Geophilus et Scolioplanes, deux bandes XIV NOTES ET REVUE, de ces pseudoacini sont situées de chaque côté du vaisseau ventral depuis le deuxième ou troisième segment du corps jusqu'au dernier. Ces bandes, formées de lobes composés eux-mêmes de lobules, faits de 3 ou 4 cellules, sont légèrement interrompues à chaque segment. Chez Chæœtechelyne, ces bandes. sont bien plus nettement segmen - taires. Au lieu de s'étendre en longueur, elles s'étendent en largeur, et on les trouve autour du principal tronc nerveux émis par le gan- glion, et autour du tronc trachéen qui pénètre dans le ganglion. Elles sont ainsi satellites des vaisseaux latéro-ventraux. De plus, les lobules, au lieu de s’agglomérer en lobes, s’alignent déjà en chaînes. La disposition en chaines est remarquable chez Séigmatogaster, où les lobules à carminate entourent en jolies guirlandes les îlots de tissu adipeux vrai. Je dis tissu adipeux vrai, car, si on ne fait pas l'injection de carminate, les lobules à carminate paraissent être de jeunes éléments du corps adipeux, qui n'auraient pas encore produit de graisse. Et cette idée se renforce par la connaissance de Æiman- tarium, chez qui les cellules à carminate semblent faire partie inté- grante du corps adipeux. Elles sont disséminées sans groupement, accolées çà et là aux lobes plus gros du tissu adipeux. Cependant de sérieux arguments existent contre cette facon de voir. Chez les jeunes Scolopendres (3 centimètres de long), les filaments acides sont développés comme chez l'adulte. Les sphères adipeuses alignées en chaînes ont un diamètre souvent moindre que les filaments acides, quoique déjà, en coupe transversale, elles se montrent composées de plusieurs cellules remplies de graisse. Les filaments acides ne sont donc pas le tissu adipeux jeune. Herbst croit que les filaments acides donnent naissance aux glo- bules sanguins et au tissu adipeux. Pour moi, ils ne donnent naïs- sance ni au tissu adipeux ni aux globules sanguins. Sans doute, ils ont une parenté avec le tissu adipeux. Ils doivent dériver de cellules mésenchymateuses pareilles, mais qui ont évolué pour toujours en deux sens différents. Quant aux globules sanguins, j'ai dit qu'ils se reproduisent dans le sang par mitose. Toutefois, les globules san- guins n'ont-ils qu'une origine? J'ai étudié les mitoses des corpus- cules de Kowalevsky. Elles sont nombreuses. Les unes appartien- nent à des globules sanguins, maïs pas toutes, semble-t-il. Alors les autres ne donneraient-elles pas naissance aux petits globules à gros noyau, dont je n'ai pas expliqué l’origine, et qui sont communs dans les corpuscules de Kowalevsky ? NOTES ET REVUE. XV IV NOTE SUR LA FIXATION ET L'ÉCLAIRCISSEMENT DES EMBRYONS ENTIERS (D’après Ed. ConkLin). Quand on étudie le développement des mollusques, on est souvent embarrassé pour distinguer nettement la limite exacte des cellules sur les embryons vivants. Pour peu que le vitellus nutritif soit abondant, l’œuf a un aspect opaque et ne se laisse que difficilement traverser par les rayons lumineux. Dans les conditions les plus favorables, lorsque l'observation peut s’effectuer directement sur le vivant, il faut procéder avec une précipitation extrême, si l’on veut fixer avec quelque précision les détails histologiques. La mobilité de l'embryon et surtout les transformations anormales que su- bissent rapidement les cellules sous la platine du microscope constituent, en effet, un obstacle très sérieux pour mener à bien les observations. Pour obvier à ces inconvénients, les naturalistes ont depuis longtemps cher- ché un moyen pratique pour fixer les larves à une époque donnée de leur évolu- tion, en leur conservant le maximum possible de transparence. Ed. Conklin, le savant américain qui a étudié l'embryologie de la Crépidula ‘ a, je crois, indiqué l’un des meilleurs procédés pour fixer et éclaircir les em- bryons destinés à être observés en entier. Voici la méthode préconisée par l’auteur de l'important mémoire dont j'ai parlé plus haut : Pour avoir une bonne image des œufs entiers, aucun fixateur, dit-il, ne vaut l'acide picro-sulfurique de Kleinemberg (solution forte). Les œufs doivent être laissés dans le liquide de quinze à vingt minutes, puis ils sont graduellement transportés dans l'alcool à 70°; on les y laisse jusqu'à ce que toute trace d'acide picrique ait disparu; finalement, on les conserve dans l'alcool à 95°. 1 faut ensuite ramener progressivement les œufs ou les larves, de l'alcool dans l'eau distillée, les colorer de cinq à dix minutes dans une solution d’hæma- toxyline de Delafield, étendue d'environ six fois son volume d’eau distillée et rendue légèrement acide par une trace d'acide chlorhydrique. On deshydratera ensuite en faisant passer par l'alcool, puis on éclaircira dans l'essence de cèdre ou le xylol; enfin, l'opération se terminera par un montage dans le baume en soutenant légèrement la lamelle si la chose est nécessaire pour éviter l’écrasement des embryons. | Par cette méthode, dit l’auteur, on obtient de magnifiques préparations mon- trant avec une remarquable clarté, non seulement les noyaux et le contour des cellules, mais même les figures karyokinétiques, et dans beaucoup de cas, les centrosomes. J'ai appliqué cette année avec succès les procédés de Conklin à l'étude des Acmées et des Nasses et j'ai constaté que les résultats étaient en effet excellents. 1 The Embryology of Crepidula, par Edwin Grant Conklin, Boston, 1897, XVI NOTES ET REVUE. L'avantage notable de la marche indiquée plus haut est que l’on obtient des préparations permanentes et bien fixées, qui montées dans le baume s’amélio- rent souvent par la suite. On peut d’ailleurs varier la méthode sur plusieurs points, au lieu d'acide picro- et à nombre de reprises l'acide picro-nitrique (solution indiquée par Henneguy 1) avec une proportion double d'acide nitrique. On peut également substituer à l'hœæmatoxyline un autre colorant. Le carmin chlorhydrique de Mayer m'a donné, entre autres, un excellent résultat. En résumé, le procédé pour éclaircir et pour fixer les embryons que nous venons d'analyser d'après Conklin ne représente pas à proprement parler une méthode nouvelle, puisqu'il consiste dans l'application d'un principe utilisé depuis lougtemps dans la méthode des coupes. On fixe les embryons et on les deshy- drate exactement comme si l'on voulait les monter dans la paraffine. La seule e particularité originale consiste dans le peu d'intensité de la coloration et dans sulfurique j'ai employé avec succès l’éclaircissement prolongé par une essence. Ce n’est donc qu’un procédé, mais un procédé très ingénieux qui peut rendre des services dans l'étude du développement des animaux dont les œufs ne pré- sentent pas une coque trop épaisse. L, BOUTAN. 1 Traité des méthodes techniques de l'anatomie microscopique, par Henneguy, Paris, Octave Doin, 1896. Paru le 15 octobre 1898. Les directeurs : H. pe LACAZE-DUTHIERS et G. PRUVOT. Les gérants : SCHLEICHER FRÈRES. ARCHIVES DE ZO0LOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE H. pe LACAZE-DUTHIERS ET G. PRUVOT Membre de l'Institut. Professeur à l’Université de Grenoble, 30 SÉRIE. T. VI. NOTES ET REVUE. No 2. y LES BACS-FILTRES DU LABORATOIRE DE ROSCOFF POUR L’'ÉLEVAGE DES EMBRYONS, Par Louis BOUTAN, Maître de conférences à la Sorbonne. Tous ceux qui se sont occupés du développement des Mollusques savent combien il est difficile de dépasser le stade où les larves deviennent libres et de les conduire jusqu'à l'adulte. C’est ce qui explique comment, sur tant de travaux publiés, presque tous portent sur les premières transformations larvaires et s'arrêtent dès que les embryons atteignent le stade velligère. On dit alors pour s'excuser : « Nous n’avons pu poursuivre plus loin les investigations, car, à partir de ce moment, les animaux deviennent pélagiques et ne peu- vent plus vivre dans les aquariums. » Cette raison donne satisfaction à l’amour-propre des auteurs — c’est un résultat : — malheureusement, elle ne comble pas la lacune qui continue à exister dans l’embryogénie. Beaucoup de travailleurs, cependant, ne se sont pas payés de ce prétexte et ont essayé de réaliser les conditions de milieu nécessaires pour l'élevage des larves après la période critique dont nous venons de parler. ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN,. "= 3€ SÉRIE, == T. Vis 1898, B XVII NOTES ET REVUE. Les moyens les plus divers ont été essayés. On peut les ramener à deux principaux : .4o On a mis les larves dans des vases qu'on laissait flotter libre- ment à la surface d’un grand aquarium où l’eau se renouvelait cons- tamment, de manière à maintenir une température constante; œ On a essayé de faire l'élevage des embryons dans l'intérieur d’un aquarium plus ou moins volumineux dans lequel l’eau de mer arrivait en abondance et s’échappait par un perdant entouré par de Ja gaze de soie. Cette gaze était destinée à jouer le rôle de filtre et elle devait laisser l’eau s’écouler, tout en arrêtant les embryons au passage. Ces procédés ont rendu quelques services, mais il faut reconnaitre qu'ils ne donnent pas complète satisfaction. Quand les embryons sont placés dans des vases clos, ils sont mis en bouteille. L'eau ne se renouvelle pas et, malgré la température maintenue constante, l’évolution des larves se fait mal, et l’on na bientôt plus que des formes anormales ou des cadavres en putréfac- tion. Quand les larves sont mises directement dans l’aquarium, au niveau du perdant il existe un courant assez violent pour attirer les embryons qui nagent dans Île voisinage, et ceux-ci viennent se coller et se blesser contre la gaze. Ces insuccès relatifs s'expliquent facilement : Quand les larves deviennent libres, on se trouve, en effet, en pré- sence de deux conditions en apparence contradictoires : 1l faut, pour que les jeunes animaux puissent évoluer normalement, les faire vivre dans une eau très aérée et fréquemment renouvelée où ils trouvent une abondante nourriture ; il faut, en outre, les maintenir dans un récipient de dimensions telles qu’on puisse les retrouver facilement, malgré leur petite taille. Dansles bacs-filtres employés actuellement à Roscoff”, la difficulté paraît assez heureusement tournée, et les deux conditions énoncées plus haut se trouvent réalisées. Le nouvel appareil, comme son nom de bac-filtre l'indique, est basé sur un principe déjà connu et utilisé. À ce point de vue, il n’a rien d’original, mais il diffère des autres appareils déjà employés par les détails de la construction et surtout par un dispositif spécial qui en assure le bon fonctionnement. 1 Ces bacs ont été fort adroïtement installés, d’après mes indications, par Marty, le dévoué gardien du laboratoire. NOTES ET REVUE. XIX Dans le bac en question, l’eau filtre par une surface assez grande pour que sa sortie ne détermine aucun courant sensible et les larves soni maintenues dans un espace clos de dimensions restreintes où le liquide se renouvelle constamment. Une description sommaire le fera immédiatement comprendre. L'appareil se compose : 4° D’un aquarium ordinaire du laboratoire, vaste récipient de verre où l’eau arrive sous pression, est projetée, à l’aide d'une pipette, dans l’un des angles et s'échappe par un perdant placé au milieu du récipient. Je l’appellerai l'aquarium À. 9° D’un bac B, plus petit, fermé latéralement par des glaces, mais ouvert dans sa partie inférieure. Ce bac B représente donc une caisse de verre sans couvercle et sans fond. Les glaces sont maintenues en place par une monture en zinc dont les quatre montants principaux se prolongent de 4 ou 5 centi- mètres au-dessous des glaces, de manière à constituer les pieds. Le bac B est placé dans l'intérieur de l'aquarium À; ses quatre pieds soulèvent légèrement les glaces au-dessus du fond. L'eau, lancée par la pipette dansl’aquarium À, entre la paroi de ce dernier et celle du bac B, sera obligée pour s’écouler de passer au- dessous des glaces de B, au milieu duquel se trouve le perdant. Elle peut le faire librement, puisque B n'a pas de fond et que les glaces qui l'entourent et forment sa limite sont soulevées au-dessus du fond de l'aquarium A par l'intermédiaire des pieds. Plaçcons maintenant dans l'appareil une couche de sable grossier assez épaisse pour que le pourtour de B (pieds et partie inférieure des glaces) se trouve enfoui sous 2 ou 3 centimètres de sable. Le bac- filtre est maintenant tout à fait établi et prêt à fonctionner. L'eau, lancée par la pipette, arrive en A; pour s'échapper, il faut qu’elle filtre à travers le sable pour gagner le perdant placé au milieu de B. Le filtre ainsi constitué a des dimensions considérables, car il est représenté par un cube de sable ayant pour surface la base de B et pour hauteur la hauteur des pieds de B. L’aspiration à travers ce filtre est presque nulle, et l’on constate seulement la présence d’un courant circulaire qui renouvelle cons- tamment la couche d’eau située entre les parois de À et de B. XX NOTES ET REVUE. C'est là que l’on place les œufs en expérience sur des lames de verre ou dans des cuvettes posées à la surface du sable. Lorsque les larves sortiront, elles pourront nager librement dans cette eau fortement aérée, qui filtrera sans cesse à travers la couche de sable sans leur permettre de s'échapper. Pour que l'élevage donne un plein succès, je dois ajouter qu'il est bon d'utiliser comme champ d'expérience un aquarium déjà en fonc- tion depuis quelque temps et ensemencé d'algues vertes. Cette con- dition est nécessaire pour que les larves puissent trouver la nourri- ture qui leur convient. Quoique le bac-filtre ne représente en réalité, ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, que l'application d'un principe déjà bien connu, il n’en est pas moins appelé, je crois, à rendre quelques services dans l'étude de l’embryogénie des animaux marins. Il a déjà un premier succès à son actif, puisque c'est grâce à ce dispositif que j'ai pu, cette année, suivre le cycle complet de l’évo- lution de l'Acmée (Acmæa virginea), un intéressant Monobranche. VI SUR LA MORPHOLOGIE ET LE DÉVELOPPEMENT DES MICROGAMÈTES DES COCCIDIES, Par Louis LÉGER. On peut, sans quitter le groupe des Sporozoaires rhabdogéniens, observer tous les types principaux de conjugaison. ‘En effet, tandis que chez les Grégarines et les Amœbosporidies qui vivent à l'état adulte librement dans les cavités organiques de leur hôte, la conju- gaison est isogame, les deux gamètes semblables s’unissant pour for- mer un kyste qui renferme un seul (Ophryocystis) ou plusieurs (Gré- garines) sporocystes contenant les sporozoïtes, chez les Coccidies qui sont presque toute leur vie parasites intra-cellulaires, la conjugai- son est hétérogame et cette hétérogamie se montre à divers degrés selon les espèces considérées. Ainsi, chez Adelea ovata Schn., d’après Schaudinn et Siedlecki, les deux gamètes diffèrent très peu par la forme et par la taille au mo- ment de leur formation; mais, tandis que le gamète femelle pénètre dans une cellule et y grossit peu à peu en accumulant des réserves, NOTES ET REVUE. XXI le gamète mâle reste libre et, sous la forme de corps en croissant, conserve son agilité. Une différenciation bien plus grande s’observe, d’après Siedlecki, chez Alossia octopiana Schn., où le macrogamète devient énorme, sphérique, tandis que le microgamète est très long et filiforme. De même, le dernier degré de l’hétérogamie s'observe chez les Diplospora et les Coccidium qui montrent des microgamètes très petits, plus ou moins allongés et très mobiles, avec des macro- gamètes relativement gros, ovoïdes ou sphériques et totalement im- mobiles. Dans ces derniers genres, les microgamètes sont d'une extrême agilité, bien qu'ils paraissent constitués presque entièrement par de la chromatine. Il en est de même, d'après mes observations chez les coccidies monozoïques où les microgamètes sont excessivement agiles et très petits par rapport aux macrogamètes toujours immo- biles et énormes ; mais, dans ce dernier groupe tout au moins, j'ai pu m’assurer que les microgamètes possèdent, en réalité, une struc- ture beaucoup plus complexe que celle qui a été décrite jusqu'ici dans les genres cités plus haut. J'ai déjà fait connaître ‘ le caractère principal de ces microgamètes dans le genre Barroussia, Schn. Il consiste en la présence de deux longs flagelles insérés sur la partie convexe ou dorsale de l'orga- nisme et qui, par leur continuelle agitation, contribuent pour beau- coup à la locomotion. Depuis, j'ai repris l’étude des microgamètes dans le genre Æchinospora, Lég., qui se rencontre parfois en quantité prodigieuse dans les Z2éhobius hexodus des environs de Grenoble; j'ai pu ainsi observer de nouveaux détails de structure et m'assurer que la disposition des cils locomoteurs est en réalité un peu différente de celle que j'ai décrite dans ma première note chez les Barroussia. J’étudierai donc successivement les deux parties constitutives du microgamète : le corps et les cils. Le corps du microgamète esi presque entièrement constitué par la chromatine paraissant recouverte d'une très mince couche de pro- toplasma. De forme allongée et recourbée en virgule à l’état de repos, il est légèrement comprimé latéralement, de sorte qu'il paraït un peu plus large de profil que de face. Long de 6 y environ, il présente à sa partie antérieure un petit rostre réfringent, tandis que l'arrière se termine en pointe à peine effilée. 1 L. Lécer, Sur les microgamètes des Coccidies (Comples rendus de la Sociélé de biologie, 11 juin 1898). XXII NOTES ET REVUE. Gi on examine atlentivement le corps du microgamète vu de profil et préalablement coloré soit par la thionine après fixation par le liquide de Ripart et Petit, soit par la safranine sur des coupes, on remarquera que la chromatine présente une sorte d'échancrure vers le milieu du corps, du côté concave (fig. 1, 0.). En observant le micro- gamète de face, cette dépression se voit également comme une tache claire ovale, située vers le milieu du corps (fig.1,c). Onretrouve constamment et toujours à la même place cette sorte d’excavation, d’étranglement du corps chromatique chez tous les microgamètes d'£chinospora. En outre, il n’est pas rare d'observer en avant ei en arrière de l’échancrure, une ou deux petites taches claires paraissant bien correspondre à de minuscules va- cuoles de la substance chromati- que (fig. 1, 6); mais leur présence et leur position ne sont pas Ccon- stantes, ce qui ne permet pas de leur attribuer la même importance qu’à la dépression centrale, bien que la signification de cette dernière m’échappe complètement. Il importe maintenant de signaler un autre caractère que j'ai ob- servé constamment chez les microgamètes des Barroussia et des E’chi- nospora au moment où ils viennent de se détacher du corps résiduel. Si alors on les traite par l’eau iodée, on verra apparaître, outre les cils sur lesquels je reviendrai tout à l'heure, une ligne légèrement sinueuse qui relie les deux extrémités de l’arc formé par le corps chromatique (fig. 4, a). Ghez les uns, l'espace compris entre le corps et la corde est légèrement granuleux; chez d’autres, il est plus clair; enfin, chez les microgamètes libres depuis quelque temps dans le contenu intestinal, cette production n’est plus visible la plupart du temps. On dirait tout d'abord une sorte de membrane protoplas- mique ondulante qui s’étendrait d'un seul côté tout le long du corps du microgamète, mais l’absence de mouvements propres et le fait qu’elle ne se voit pas avec une égale netteté chez tous les individus, ne viennent pas à l'appui de cette manière de voir. Peut-être faut-1l considérer cette production comme une réserve nutritive emportée par le microgamète au moment où il quitte le corps maternel et destinée à être résorbée peu à peu pendant son existence, ou un reste IN Ale NOTES ET REVUE. XXII de la substance plasmique utilisée pour son développement, quelque chose d’analogue à la vésicule des anthérozoïdes des mousses ou des fougères ? Le corps du microgamète effectue des mouvements propres en are ou en hélice, parfois très actifs, mais qui pourtant ne sauraient suffire à produire son déplacement rapide et surtout cette sorte de trémulation constante avec laquelle il progresse par petites saccades et comme entouré d’un tourbillonnement très particulier. Le caractère spécial de ce mouvement est dû aux cils locomoteurs dontl’étudeestrelativement plus facile chez les Zchinospora que chez les Barroussia, où je les ai tout d’abord découverts. En traitant les microgamètes par l'eau jiodée, ou encore en colo- rant légèrement, avec un peu de bleu de méthylène, le liquide phy- siologique dans lequel on peut les étudier vivants, on voit les deux cils apparaître nettement comme deux filaments hyalins et ténus non insérés à un même point antérieur du microgamète comme je l'avais cru d’abord, mais chacun à une extrémité du corps. L'un des cils, que j'appellerai le cil antérieur (a, fig. 1), est inséré en avant à la naissance du rostre et se dirige en arrière à l'état de repos, en décrivant une courbe à peu près parallèle à celle du corps (fig. 1 «, a et b). Sur le vivant, il est constamment en mouvement et présente des ondulations rapides en même temps qu'il se meut en tous sens. Sa longueur dépasse facilement le double de celle du Corps. Le second cil ou cil postérieur y (fig. 1, à) se détache de la partie dorsale du corps, à une: faible distance de l'extrémité postérieure. Lorsqu'on examine le microgamète de face, ce cil semble être la con- tinuation du corps qui paraît ainsi se terminer en queue effilée © (fig. 1), mais, en l’examinant de profil, il est facile de voir que le cil postérieur se détache du corps un peu avani son extrémité et se di- rige en arrière en faisant avec celle-ci un angle très aigu. Quant au corps lui-même, il se termine postérieurement en une pointe courte. Le cil postérieur possède une longueur un peu moindre que celle du cil antérieur ; ses mouvements de déplacement sont moins éten- dus que ceux de ce dernier, mais ses ondulations ne sont pas moins actives. Pret position relative de ces deux cils varie à l'infini avec leurs mou- vements ; j'ai dessiné (fig. 2) quelques-uns de ces divers aspects, el je ferai remarquer particulièrement celui qui montre les cils mo- XXIV NOTES ET REVUE, mentanément accolés au corps du microgamète et semblant se déta- cher en même temps d’un même point de l'extrémité postérieure. Le développement des microgamètes d'Æchénospora mérite de nous arrêter un instant. On sait que la chromatine se présente d’abord sous la forme de petits grains disposés en étoiles à la surface du corps générateur et se condense bientôt de façon à former autant de petits croissants qui deviendront chacun le corps chromatique d’un microgamète. Au niveau de chaque croissant, le protoplasma se soulève, entourant celui-ci d’une mince couche plasmique qui se différencie de bonne heure sur la partie dorsale du croissant, en un cil mobile qui est le cil antérieur. Le cil postérieur ne se constitue qu'un peu plus tard, mais sa présence est décelée de bonne heure Hip; sous forme d’une petite trainée granuleuse, bien visible même sur le vivant, qui s'échappe tangentiellement de l'extrémité postérieure du croissant. Dès qu'il est formé, le cil antérieur s’agite déjà vivement à la sur- face de la masse génératrice, de sorte que celle-ci paraît à ce mo- ment comme environnée d’une zone en ébullition due aux rapides ondulations de tous ces cils presque imperceptibles. Peu à peu, le cil postérieur se différencie; alors les microgamètes, dont le corps pré- sente déjà des mouvements vermiculaires très actifs, se détachent de la masse résiduelle emportant dans la concavité de leur croissant une certaine quantité de protoplasma légèrement granuleux qui va former la masse caduque dont j'ai signalé plus haut la présence chez les microgamèles Jeunes. Libres, les microgamètes nagent en tournoyant et agitent vive- ment leurs cils. Le cil antérieur, notamment, se recourbe en tous sens comme pour aider à la recherche des macrogamètes. Dès que NOTES ET REVUE, XXV la rencontre s’est effectuée, le microgamète s’accole étroitement par son côté concave à la surface de la femelle ; on le voit alors glis- ser sur celle-ci d’un mouvement uniforme et sans contractions appa- rentes de son corps, en même temps que le cil antérieur continue ses mouvements d'exploration (fig. 3). Finalement le microgamète, ayant sans doute trouvé un point favorable, pénètre dans le macro- gamète, et la fécondation s "effectue. Une différenciation aussi élevée existe-t-elle chez les micros A = mètes du genre Coccidium ? Les auteurs, Simond, Siedlecki, qui ont étudié les microgamètes des Coccidium des vertébrés, n’ont rien signalé d’analogue. L'absence de cils locomoteurs dans ces espèces n'aurait, d’ailleurs, rien de surprenant, car, chez la plupart (Lapin, Salaman- dre, Triton‘), la forme allongée, fla- gellée ?, du corps du microgamète lui- même favorise sans doute suffisamment la locomotion pour que toute différen- ciation du protoplasma en cils loco- moteurs soit devenue inutile. Toute- fois, je réserve mon opinion en ce qui concerne les C'occidium des chilopodes, chez lesquels les micro- gamètes sont assez courts et de même forme générale que ceux des Echinospora, mais plus petits. En effet, autant que j'ai pu m'en Con- vaincre en observant incidemment ces microgamètes chez Coccidium Simondi et chez une autre espèce à ookystes sphériques du Zithobius Martini que je rapporte au Coccidium Schneideri, ceux-ci présentent un cil postérieur inséré, comme celui des Zchinospora, un peu avant l’ex- trémité postérieure du corps. L'espèce de tourbillonnement qui m'a paru entourer la région antérieure me porte à croire qu'il existe éga- lement un cil à l'avant; mais je ne puis pas être affirmatif sur ce point, n’ayant pas eu jusqu ici à ma disposition un nombre suffisant de sujets pour avoir des préparations démonstratives. Quoi qu'il en soit, il résulte de ces observations que l'élément mâle des Coccidies se présente assez hautement différencié et comme un organisme cilié, au moins dans le groupe des Coccidies mono- MR Fig. 3.— Prélude de la on chez Echinospora. mi, microgamète; ma, macrogamète, 1 D’après Simond,.les microgamètes de ces espèces sont de véritables flagelles, extrèmement effilés, et mesurant de 7 à 10 &* de longueur. 2 Cette forme est réalisée à l'extrême chez les microgamètes de Klossia octopiana qui sont filiformes et ne mesurent pas moins de 30 à 40 p de longueur. XXVI NOTES ET REVUE. zoïques, ce qui enlève aux sporozoaires un de leurs caractères jus- qu'ici les plus classiques : l'absence d’appendices locomoteurs. Sans vouloir attacher une importance trop grande à la présence d'appendices si fréquents chez les microgamètes des végétaux, on ne peut s’em- pêcher d'établir un rapprochement entre les microgamètes des Coc- cidies et ceux de certaines Volvocinées qui sont également munis de deux cils locomoteurs, surtout si l’on remarque que chez les Cocci- dies monozoïques, comme chez la plupart des Flagellés, le contenu du kyste (ookyste) se divise directement en corpuscules repro- ducteurs. Il nous paraît ainsi rationnel de rechercher parmi les Flagellés les formes libres, primitives des sporozoaires rhabdogéniens. NOTE ADDITIONNELLE. Au moment où cette note est déjà à l'impression, j'apprends que les prévisions que j'avais émises dans ma communication du 41 juin à la Société de biologie, concernant la présence possible de cils loco- moteurs chez les microgamètes du genre Coccidium, ont été confir- mées par Wasielewski qui, dans un travail intitulé : Ueber geisseltra- gende Coccidienkeime et paru dans le GENTRALBLATT FUR BAKTERIOLOGIE UND TIERISCHE PARASITENKUNDE en date du 30 juillet 1898, annonce la présence de deux fouets locomoteurs chez les chromatozoïtes ou microgamètes du Coccidium du Lapin (C. oviforme) et du Lithobius (C. Schneideri). I ne me paraît pas douteux qu'on se trouve là en présence d’un caractère général et que de nouvelles observations viendront encore confirmer cette généralité. L. LÉGER. VIT DE LA DIGESTION CHEZ LES ÉPONGES. M. le Dr Loisel divise en deux parties l'important mémoire qu'il vient de con- sacrer à l’histo-physiologie des Éponges !. Les résultats de la première, intitulée les Fibres des Reniera, se résument brièvement. On sait ? que bon nombre de Chalininæ et d’Ectyoninæ forment 1 Loisez (G.), Contribution à l’histo-physiologie des Éponges (Journal de l'anatomie et de la physiologie, n° 1, p. 4, pl. I, et n° 9, p. 488, pl. V, 1898). 2 TopsenT(E.), Contribution à l’histologie des Spongiaires (Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 25 septembre 1893, p. 444). NOTES ET REVUE. XX VII des fibrilles élastiques de rôle conjonctif évident. Chez les Chalininæ, ces fibrilles prennent naissance dans des cellules sphéruleuses qui se disposent en chape- lets. Découverts par O. Schmidt, revus par Ch. Barrois, ces éléments avaient fait de ma part l’objet d’une étude incomplète, dont M. Loisel comble les lacunes. A l'aide du rouge Congo agissant sur des Éponges vivantes, puis, après fixation, avec le réactif de Millon, avec le violet de gentiane et avec le bleu de quinoléine, ia réussi à mettre en évidence le noyau, que j'avais cherché en vain, des cel- lules sphéruleuses productrices d’un segment de fibrille. Il a montré, par une série de réactions, que les fibrilles sont composées d’une variété de spongine peu différente de celle qui unit les spicules entre eux. Il a réparé enfin une omission de ma part en déclarant que les fibrilles définitivement constituées deviennent libres peu à peu par désagrégation des cellules sphéruleuses dont elles tirent leur origine. Les Éponges qui ont servi à ces recherches ne sont pas déterminées très rigou- reusement. L'auteur les appelle Rentera elegans (Bow.) et Rentera Ingalli (Bow.), ce qui justifie son titre. Mais Reniera elegans (Bow.) tombe en synonymie de Chalinula Montagui (Flem.) et Reniera Ingalli (Bow.) ne paraît pas ditférer spécifiquement de R. simulans (Johnst.). J'avoue n’avoir jamais observé de fibrilles conjonctives chez cette dernière, pas plus, d’ailleurs, que chez aucune Reniera véritable. Le fait important est, comme le dit en terminant M. Loisel, que chaque cel- lule sphéruleuse ne produise qu’un segment de fibrille. Nous avons là un exem- ple d’histogénèse excessivement simple et présentant ce grand avantage, pour l'étude, de se continuer pendant toute la vie de l’animal. La deuxième partie du mémoire agite une question d'ordre plus général. En recherchant comment les Éponges se comportent vis-à-vis des substances colo- rantes, M. Loisel contribue largement à la solution du gros problème souvent abordé, jamais résolu d’une manière satisfaisante, de la digestion chez ces ani- maux. JL commence par retracer l'historique des expériences tentées avant lui dans ce but et qui ont presque toujours consisté à faire absorber par les Éponges des substances colorées insolubles ou, du moins, les parties insolubles de ces subs- tances tenues en suspension dans l’eau. Cela l'amène à diviser en deux camps les spongologistes qui les ont entreprises : d’un côté, Lieberkühn, Carter, Weltner, Haeckel, von Lendenfeld et Delage, qui voient les choanocytes ingérer seuls les grains de carmin et d'indigo, et de l'autre, Metchnikoff et Heider qui arrivent à des conclusions bien différentes. Soit dit en passant, je regrette qu’il ait omis de me citer dans le débat, car, depuis 4887 !, j'ai pris position dans ce dernier camp en donnant le résultat de mes expériences sur Ciona celata (p.30), sur Rentera rosea (p. 96) et sur diverses Renierinæ (p. 123). Celles auxquelles je me suis livré depuis sur des Monaxo- nides n’ont fait que confirmer mon opinion première : dans des circonstances _ déterminées, que j'ai eu évidemment le tort de ne pas exposer tout au long, mais 1 Topsenr (E.), Contribution à l'étude des Clionides (Archives de zoologie eæpérimen- tale et générale, série 2, vol. V bis, 1887). XX VIII NOTES ET RLVUE. que je ferai maintenant connaître, j'ai toujours vu les cellules mésodermiques de ces Spongiaires ingérer seules les granules de carmin. J'ai renoncé quand même à l'appellation de cellules digestives pigmentées dont j'ai d’abord qualifié ces élé- ments, parce que, malgré sa complication, elle ne suffisait pas à désigner toutes leurs propriétés. Elle n’a, paraît-il, pas même suffi à attirer l'attention de M. Loisel. Heider ! s’est fait une opinion conforme à la mienne. Chez Oscarella lobularis et Sycon raphanus, il à trouvé que l’absorption du charbon et du carmin s'opère surtout par les cellules à collerette des chambres vibratiles et des canaux ra- diaires. Chez une Reniera (une Monaxonide), au contraire, ces mêmes substances ne font que traverser les plaques épithéliales de recouvrement et vont s'accumu- ler dans l’intérieur des éléments mésodermiques. Metchnikoff ? s’est élevé avec chaleur contre les assertions de von Lenden- feld # qu’il montre en contradiction fréquente avec les faits exposés par ce spon- gologiste lui-même. 11 ne prétend pas que les choanocytes soient incapables d’ingérer des corps étrangers, mais il affirme que les cellules mésodermiques jouent ordinairement le rôle de phagocytes. L'importance de ce rôle varie parce que, et c’est là une notion qu'il ne faut pas perdre de vue, le mésoderme est loin d'acquérir le même développement dans les différents groupes de Spon- giaires. «Tandis que, dit-il, p. 55, chez certaines Éponges (plusieurs Éponges calcaires par exemple), les cellules Éseer miques sont peu nombreuses et jouent par conséquent un rôle secondaire * dans l’englobement des corps étrangers, chez d’autres (surtout les silicées), le mésoderme est développé d’une façon prépon- dérante et ses phagocytes s'emparent d’une grande quantité de ces corps introduits. Il y a quelques espèces, comme par exemple Siphonochalina coria- cea, chez lesquelles les cellules mésodermiques englobent seules tous les coDS étrangers, tandis que les cellules cylindriques de l’entoderme ne servent qu'à entretenir le courant continu du liquide à travers l'organisme de l'Éponge. » Il a vu aussi (p. 58) les cellules mésodermiques de jeunes Spongilles issues de gemmules englober les corps étrangers, même à un stade où l’entoderme ne s’est point formé. M. Loisel vient, à son tour, réfuter les conclusions de Lieberkühn, von Len- denfeld, Delage, etc. Ses expériences confirment les idées de Metchnikoff. Ce sont surtout les cellules digestives (sic) qui incorporent les substances colo- rées, mais on en trouve également dans l’intérieur des cellules flagellées. Il est donc démontré par quatre expérimentateurs, en me comptant, que, chez les Monaxonides, les cellules granuleuses du mésoderme servent de pha- 1 Heiper (K.), Zur Metamorphose der Oscarella lobularis (Ar beit. Zoolog. Inst. Wien, 1886, p. 53). 2 MerTouniKorr (E.), Leçons sur la pathologie comparée de l’inflammation, Paris, Masson, 18992. $ LENDENFELD (von R.), Experimentelle untersuchungen über die Physiologie der Spongien (Zeitschr. f. Wiss. Zool., Bd. XLVIII, 1889). * BaLrouR nous apprend, d'autre part, que F.-E. Schulze l’a informé par lettre qu’il a observé que les cellules à collerette de Sycandra remplissent une fonction respiratoire, tandis que les cellules dérivées des cellules granuleuses sont nutritives. 5 Loc. cil., p. 196. NOTES ET REVUE. XXIX gocytes, quelquefois à l’exclusion des choanocytes (Siphonochalina coriacea, Cliona celata, Renüera rosea et diverses autres Rentera), d’autres fois en même temps que ces cellules (Æphydatia fluviatilis), mais, dans ce cas, avec plus d'activité qu’elles. Les cellules sphéruleuses ne jouent jamais ce rôle. Peut-être même que les choanocytes ne commencent à ingérer des particules en suspension dans l’eau que lorsqu'ils cessent d’agiter leur flagellum. Ayant observé qu’à l’état de repos ces éléments deviennent amiboïdes, j'ai tenu à opé- rer toujours dans les conditions suivantes. Des Éponges qu’on venait de draguer étaient déposées dans des cuvettes d’eau très pure. Au bout de peu de temps, leurs orifices s’ouvraient, leurs oscules reje- taient un courant d’eau visible à l'œil nu ou à la loupe. J’en profitais pour mettre, avec les précautions voulues, une petite quantité de carmin très fine- ment pulvérisé en suspension dans le liquide et j'attendais quelques heures, en avant soin de vérifier si les oscules continuaient à évacuer vigoureusement des particules de rebut. Jarrétais l’expérience pendant qu’ils étaient en plein fonc- tionnement et j'examinais les différentes sortes de cellules, vivantes ou fixées par l’acide osmique. C'était toujours dans les cellules mésodermiques que je retrouvais les granules de carmin ; beaucoup en étaient bourrées. 1! y en avait aussi de collés aux collerettes des choanocytes, mais je n’en voyais pas dans l'intérieur de ces éléments. Je n’ai pas fait d’essai de ce genre surles Spongilles. Le désaccord entre les expérimentateurs tient peut-être uniquement à la durée des expériences et à la méthode employée pour les contrôler. [1 y a, comme l’a éprouvé aussi M. Loisel, le plus grand avantage à étudier les cellules vivantes ou simplement fixées et dissociées dans une goutte d’eau. On doit reconnaître cependant que les expériences de Delage sur de très jeunes Spongilles ! ont été conduites avec tout le soin désirable. Elles ont abouti quand même à un résultat opposé. Cela est d'autant plus curieux que, dans la formation des groupes polynucléés, les cellules mésodermiques venaient de remplir avec une activité remarquable une fonction très comparable à la phago- cytose. M. Loisel ne s’est pas borné à des essais de cette nature, Il a essayé de déterminer la réaction des cellules sur les ingesta. Il a vu le rouge Congo et le tournesol bleu prendre dans l’intérieur des éléments la coloration parti- culière qu’on observe en mettant ces substances en présence d’un acide. Il est donc probable que la digestion des Éponges (Reniera Ingalli et Ephydatia flu- viatilis) se fait dans un milieu acide, au moins dans certains cas, car l’alizarine sulfo-acide, l’orangé II et la tropéoline OO n’ont pas présenté de changement de coloration nettement appréciable après avoir séjourné un certain temps dans l'intérieur des cellules. Des expériences à l’aide de solutions colorées étaient nécessaires, car il est possible que les substances nutritives solubles entrent pour une bonné part dans l'alimentation des Éponges. M. Loisel a le mérite de les avoir entreprises le premier. Elles lui ont fourni des données intéressantes. Il a constaté que le safran, le vert d’iode et l’orcanette sont arrêtés à la surface du corps ; la nigro- 1 DELAGE (YŸ.), Embryogénie des Éponges (Archives de zoologie expérimentale el gé- nérale, 2° sèr., t. X, p. 463, 1892). XXX NOTES ET REVUE. sine traverse les cellules épithéliales et va colorer les liens de spongine du sque- lette, mais n’est pas reçue par les organites cellulaires ; le rouge Congo, l’aliza- rine sulfo-acide, il’orangé IIT et la tropéoline OO sont mal absorbées par les tissus ; enfin, le rouge neutre, le bleu du Nil, le bleu de méthylène et le brun de Dana pénètrent fort bien dans les cellules sans nuire le moins du monde à l'existence des Éponges. Ces substances, qui passent surtout dans les cellules mésodermiques, mais aussi, paraît-il, dans les choanocytes, ne s'y répandent pas uniformément, mais s’y concentrent soit dans des sphérules, soit dans des vacuoles de dimensions variables, suivant sans doute la nature de la substance expérimentée, En outre, le noyau « des cellules digestives et des cellules flagel- lées » se colore d’une façon très intense par le rouge Congo et par le bleu de méthylène, mais surtout par le rouge neutre et par le bleu du Nil. Enfin la pénétration des substances colorantes dépend si bien d’une véritable sélection de la part du protoplasma que, si l’on opère avec un mélange de colorants, on voit tantôt, par exemple s’il s’agit du brun de Bismarck et du rouge neutre, les cellules présenter des enclaves colorées en orangé comme le mélange lui-même, et tantôt, par exemple dans le cas du rouge neutre et du bleu de méthylène, les cellules absorber ces substances en des temps inégaux et les emmagasiner dans des vacuoles distinctes, les unes bleues, les autres rouges. La manière dont sont rejetées les substances colorantes ainsi absorbées est importante à connaître, puisqu'elle révèle en partie les phénomènes d’excrétion des Spongiaires. En général, la décoloration se produit assez lentement tant que l'Éponge reste bien vivante, sauf en ce qui concerne le bleu de méthy- lène. Les corps insolubles sont rejetés à l’état de grains dans les espaces inter- cellulaires ; les sphérules emmagasinant des solutions colorées se détachent de la périphérie du corps cellulaire et tombent aussi dans la substance fondamen- tale; quant aux vacuoles qui résultent de semblables localisations, il semble probable qu'elles s’y vident également. M. Loisel considère, non sans justesse, la substance fondamentale comme une sorte de lymphe interstitielle où les cellules mésodermiques puisent et rejettent ensuite les substances qui y parviennent. Seulement, il lui prête une propriété discutable à mon sens, celle d'intervenir par des contractions qui lui sont propres pour expulser dans les canalicules afférents les excreta des cellules. Même si l’on pouvait l’admettre, cette hypothèse ne suffirait pas à expliquer comment les particules lancées dans les canalicules par l'agitation des flagellums des choanocytes quittent ces canalicules pour arriver à la portée des cellules mésodermiques, ni, en sens inverse, comment les granules rejetés tombent dans le torrent circulatoire. J'ai proposé en 1887 ! une théorie très simple du phéno- mène, qu’il me paraît à propos de rappeler ici. La chair du choanosome se réduit en somme à de minces lames, anfractueuses, aux contours irréguliers, baignées par un lacis compliqué de canalicules sinueux se croisant en tous sens sans qu’il soit possible de discerner sur les coupes par où l’eau entre et par où elle s’en va. La paroi des canalicules se réduit à un revêtement épithélial, çà et là interrompu pour ménager la place des corbeilles vibratiles. Les lames charnues limitées par cet épithélium consistent en éléments conjonctifs fort semblables 1 Loc. cil., p. 40. NOTES ET REVUE. XXXI aux cellules du revêtement pariétal et emprisonnent dans leurs mailles, souvent par groupes, des cellules amiboïdes. Je suppose que, quand l'Éponge est en pleine activité, les cellules épithéliales des canalicules se comportent exactement comme selles qui, dans l’ectosome, ouvrent les stomions, c’est-à-dire ménagent dans la paroi des orifices temporaires livrant accès à l’eau dans l'épaisseur des lames charnues. Là se trouvent arrêtées dans la substance fondamentale autour des cellules amiboïdes des particules en suspension, dont les pseudopodes de ces cellules sont sans cesse en quête. Par des orifices adventices de même nature, situés par exemple du côté opposé, le courant exhalant emporte les produits d’excrétion. On peut voir de la sorte des cellules amiboïdes capturer des corps relativement volumineux. L'étude des phénomènes de la digestion restera incomplète tant qu’on n'aura pas non plus précisé par quel procédé les cellules sphéruleuses emmagasinent des matériaux de réserve, tels que graisse, amidon, carbonate de chaux, etc. C’est, on Le sait, l’une de leurs fonctions les plus ordinaires. Le problème ne semble pas d’une solution très difficile si l’on considère avec M. Loisel la subs- tance fondamentale comme une lymphe interstitielle. C’est en elle que les cel- lules sphéruleuses puiseraient les produits d’assimilation élaborés en excès, puis déversés par les cellules amiboïdes et sans doute aussi par les choanocytes. Et je pense que les choses se passent ainsi d’après les observations que j’ai eu l'oc- casion de relever. Par exemple, chez certaines Rentera (A. indistincta, R. vis- cosa, etc.), où elle est extrêmement développée et visqueuse, la substance fonda- mentale s'écoule en entraînant de nombreuses cellules sphéruleuses. Une goutte d’eau iodée colore immédiatement ces dernières en bleu foncé ou en violet, sui- vant les cas, y décelant par conséquent la présence d’un amidon en réserve dans leurs sphérules. En même temps, la substance fondamentale se teint non pas en jaune clair, mais en brun violacé : elle est donc imprégnée de la même matière. Puisqu'il est question des cellules sphéruleuses, je dois, en terminant, réfuter cette opinion, émise par M. Loisel *, qu’elles ne seraient autre chose que des cellules mésodermiques granuleuses, modifiées en vue d’une fonction spéciale. Elles possèdent un noyau tout différent. Elles existent déjà toutes formées dans l'embryon; elles sont fréquemment de plusieurs sortes ayant à jouer des rôles bien définis. En général, elles se distinguent avec la plus grande facilité des cellules mésodermiques granuleuses. Il n'en est pas ainsi cependant chez Ephy- datia fluviatilis où, pour ma part, je n'ai pas pu les reconnaître avec certitude ; et c’est probablement cette exception qui a porté M. Loisel à douter de leur spé- cificité. E. TopsEnt. VII LE QUATRIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE. Le quatrième Congrès international de zoologie s’est réuni du 23 au 27 août1898 à Cambridge (Angleterre), sous la présidence de sir John Lubbock. Trois cent quatre-vingts zoologistes de tous les pays ont répondu à l’appel des organisateurs. 1 Loc. cit., p. 195, en note. XXXII NOTES ET REVUE. Le comité exécutif, ayant à sa tête M. le professeur A. Newton, avait depuis longtemps pris ses mesures en vue de cette affluence inusitée, augmentée encore par la présence du Congrès de physiologie qui se tenait à Cambridge à la même époque, et l’organisation matérielle a été parfaitement réglée dans tous ses détails. La plupart des congressistes ont reçu l'hospitalité dans les somptueux collèges de la vieille ville universitaire où les appartements des /ellows avaient été mis à leur disposition ; un restaurant spécial, à l'usage des membres des deux Congrès, occupait toute la grande salle du Corn Exchange et, près de là, une vaste tente- buffet, dressée dans un jardin, leur offrait un lieu de réunion fort apprécié. Le mardi 23 août, après les discours d'ouverture, M. le professeur Raph. Blan- chard a donné lecture du rapport sur les prix triennaux Alexandre 1IAer Nicolas II ; le premier (Études sur les Ruminants de l'Asie centrale) à été attribué à M. E. de Poussargues, du Muséum de Paris, et le second (Étude zoologique et physiologique d’un groupe d'Invertébrés marins) à M. E. Hecht, de l’Université de Nancy, dont le travail (Contribution à l'étude des Nudibranches) a été publié dans ces Archives. Puis, M. le docteur P. Hoek, secrétaire général du précédent Congrès tenu à Leyde en 1895, a fait connaître le résultat heureux des négocia- tions engagées au Congrès postal international de Washington, desquelles il ré- sulte que dorénavant, à partir du 1% janvier 1899, les objets d'histoire naturelle séchés ou conservés seront admis dans les échanges postaux aux mêmes condi- tions que les échantillons ordinaires. Le Congrès s’est ensuite divisé en quatre sections qui ont tenu leurs séances le matin et l'après-midi des jours suivants. Les soirées ont été occupées par les réceptions du maire de Cambridge, M. Grinn, au Guidhall, et du vice-chancelier de l'Université, M. A. Hill, sur les vastes pelouses du Downing College, par une soirée au milieu des riches collec- tions artistiques du Fitzwilliam Museum, une garden-party au jardin botanique, et enfin par le grand banquet qui a réuni le 26 août dans le grand hall du Tri- nity College les membres du Congrès pour les toasts et les discours d’adieu. Le lendemain 27, après avoir décidé que le cinquième Congrès se réunirait en 1901 en Allemagne, dans une ville laissée au choix de la Société zoologique allemande, et qui sera probablement Berlin, on se séparait pour se donner rendez-vous à Londres à la réception de la Société zoologique dans ses jardins de Regent’s Park, puis à la soirée offerte par le président du Congrès, sir John Lubbock, dans l’admirable cadre du Natural history Museum. Les congressistes ont terminé cette réunion, qui leur laissera à tous les meil- leurs souvenirs, soit en allant prendre part aux excursions de dragages organisées à Plymouth par la direction du marine biological laboratory, soit en allant visiter, pour répondre à la gracieuse invitation de leurs propriétaires, les riches collections de M. Walter Rothschild, au Museum de Tring, et la belle collection d'animaux vivants réunis par le duc de Bedford dans son pare de Woburn. G. PRuvorT. Paru le 5 novembre 1898. Les directeurs : H, DE LACAZE-DUTHIERS et G. PRUVOT. Les gérants : ScHLEICHER FRÈRES. ARCHIVES DE ZOO0LOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE H. ne LACAZE-DUTHIERS ET G. PRUVOT Membre de l'Institut. Professeur à l'Université de Grenoble. 3e SÉRIE, T. VI. NOTES ET REVUE. No 3. IX SUR QUELQUES ÉPONGES DE LA CALLE (RECUEILLIES PAR M.H.DE LACAZE-DUTHIERS) Par Émile ToPsENT, Professeur à l'École de médecine de Rennes. La faune des Spongiaires des côtes d'Algérie n’est encore connue que par un mémoire d'Oscar Schmidt publié en 1868 *. On sait, par la préface de l’auteur, que ce travail a été écrit uni- quement d’après des matériaux conservés au Muséum d'histoire naturelle de Paris et recueillis, pour une bonne part, à la Calle par M. le professeur de Lacaze-Duthiers. Récemment, M. de Lacaze-Duthiers a eu l’amabilité de m'offrir quelques échantillons ou fragments d'Éponges provenant des bancs coralligènes de la Calle et restés en sa possession. En examinant cette toute petite série, j'y ai trouvé plusieurs espèces non signalées par O. Schmidt et qui, par suite, sont nou- velles pour la faune algérienne. Je ne les avais pas rencontrées non plus parmi les produits des dragages de la Melita dans le golfe de Gabès ?, 1 O. ScxmipT, Die Spongien der Küstie von Algier, Leipzig, 1868. 2 E. Topsenr, Campagne de la Melila, 1892. Éponges du golfe de Gabès (Mémoires de la Société soologique de France, vol. VII, p. 37, 1894). ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 3€ SÉRIE, —= T, VI, 1898. C XXXIV NOTES ET REVUE. Schmidt avait vu sans doute Euspongia officinalis var. tubulosa, mais c'est seulement en 1879 que cette Éponge a été décrite et dénommée par F.-E. Schulze. Il y en a deux spécimens dans le lot en question. L'un d'eux porte, décolorée par l'alcool, une Aplysilla rosea, autre Éponge décrite par Schulze également, en 18178. Sur un fragment desséché de conglomérat empâtant une branche de Corail, j'ai reconnu l’Aciculide encroûtante des conglomérats à Mélobésiées du cap l’Abeille et de la broundo provençale à laquelle j'ai donné, en 4892, le nom de Holoxea furtiva. J'ai recu, desséchés aussi, deux Caminus Vulcani Schm., de petite taille, mais parfaitement caractérisés. L'existence de cette Tétracti- nellide à la Calle mérite d’être mentionnée d'autant plus que Schmidt l'inscrit‘ au nombre de ses Éponges de l’Adriatique qui manquent dans les collections de l'Algérie, dont l’étude lui à été libéralement confiée. Un Suberites couvre d’une croûte peu épaisse (moins de Î milli- mètre) les deux valves d’une Terebratulina caput serpentis. Il émet en outre, côte à côte, au bord de la coquille opposé au foramen, deux prolongements subeylindriques, grêles, spiralés, longs de 9 centimètres environ. Je l’identifie à Suberites flavus (Liebk.), Éponge commune dans nos Eaux méditerranéennes, dont il possède les tylostyles à tête trilobée en coupe optique et dont il a, d’ailleurs, l'allure générale. D'autre part, bien que compact par suite de la dessiccation, il ressemble par ces mêmes caractères au Suberites spongiosus algérien de Schmidt?. Ne saisissant pas de différence appréciable entre ces deux prétendues espèces, je me demande si S, spongiosus ne serait pas un simple synonyme de Suberites flavus ? Je citerai encore une mince croûte desséchée qui me paraît être une Myxilla pulvinar Schmidt 5 A Ja vérité, cette Éponge ne peut pas compter comme les précédentes pour une nouveauté de la faune algérienne, puisque c'est dans le mémoire qui nous occupe que Schmidt en a tracé la description originale. Cependant, dans l'igno- rance où l’on est de la provenance exacte du spécimen type, il est bon de noter que cette espèce habite les fonds coralligènes de la Calle. Elle s’y plaît peut-être autant que Sur les conglomérats à 1 Loc. cit., p. 22. 2 Loc. Cil., D. LA 5 Loc. cil., p. 14. NOTES ET REVUE. XXXV Mélobésiées du cap l’Abeiïlle, où, à diverses reprises, je l’ai observée vivante. J’en ai pris de la sorte une connaissance assez approfondie et j'ai relevé à son sujet certaines particularités que je crois bon de consigner ici. J'ai introduit en 1892 ! dans les £'ctyoninæ un genre nouveau, genre Spanioplon, ayant comme type Hymeniacidon armatura Bow., et comme second représentant, une Éponge nouvelle des Acores, S. fertile. Un peu plus tard, découvrant des affinités réelles entre l'Hymeniacidon armatura Bow. et la Myxilla pulvinar Schm., j'ai &té amené à faire entrer cette dernière dans le genre Spamioplon remanié. En effet, l'Éponge de Schmidt ne peut pas rester parmi les Myxilla : il n'existe pas chez elle d'acanthostyles du choanosome for- mant un réseau que hérissent des acanthostyles accessoires. Elle res- semble au contraire à Spantoplon armaturum Bow., à la fois par ses caractères extérieurs et par sa spiculation. Toutes deux sont des Éponges revêtantes, plus ou moins épaisses, lisses, molles, colorées en jaune ocracé, à orifices visibles seule- ment lorsqu'elles se trouvent en état d'extension. Spanioplon armaturum possède dans ses régions superficielles, for- mant la majeure partie de son squelette, des mégasclères lisses, qui ont été décrits comme cylindriques par Bowerbank, mais qui ne sont pas normalement diactinaux; c’est plutôt un mélange sans ordre de strongyles imparfaits et de strongylotylotes, spicules un peu renflés à un bout, atténués et tronqués à l’autre, qui passent à des subtylostyles à tête allongée ou à des styles presque purs repré- sentant les mégasclères principaux du choanosome ; ceux-ci, dans les beaux échantillons, se disposent par paquets en files évidentes. Enfin, les spicules caractéristiques sont des acanthostyles remar- quablement courts (50 à 55 p.) et grêles, assez nombreux, épars dans toutes les parties profondes du corps. Il n'existe pas de microsclères. Spanioplon armaturum est très commun dans Île Pas-de-Calais (dragages) et assez commun à Roscoff, à marée basse (Béclem, Kaïnou, île Verte). Il vit aussi à Banyuls, sur les conglomérats du cap l’Abeille, en compagnie de S. puluinar. Spanioplon pulvinar a, d’après O. Schmidt, pour mégasclères de longs strongyles lisses et des acanthoxes grêles; il possède en outre des microsclères de deux sortes, isochèles et sigmates. Dans les 1 E. TorsenT, Contribution à l'étude des Spongiaires de l'Atlantique Nord, Monaco, 1892. XXXVI NOTES ET REVUE. échantillons de Banyuls et de la Calle que j'ai étudiés, les strongyles purs restent rares ; de même que chez Spanioplon armaturum, il tendent à s’effiler à une extrémité, à se renfler à l’autre en une tête allongée, en un mot, à se transformer en des subtylostyles. IL y a, en somme, un mélange de mégasclères lisses variés, dont les plus forts, les plus éloignés du type strongyle, forment des files squelet- tiques mal marquées. Un passage semblable des strongyles ectoso- miques aux subtylostyles choanosomiques s'observe plus complet encore chez Amphilectus osculosus Tops., que, seule, la privation d’acanthoxes grêles empêche de considérer comme une forme par- faite de Spanioplon pulvinar. Les acanthoxes grêles caractéristiques de Spanioplon pulvinar, qui ne mesurent que 70 à 110 p., sont, comme les acanthostyles de S. armaturum, assez nombreux et épars dans le corps. Quant aux microsclères, ils varient suivant les individus. Je n’ai jamais retrouvé les isochèles du lype (ils existent chez Amphi- lectus osculosus), et je n'ai vu ses sigmates (longs de 30 p) que dans un seul spécimen. Celui de la Calle en est totalement dépourvu. Par cette variabilité, Spantoplon pulvinar se montre tout à fait remar- quable. En définitive, les Spanioplon sont surtout caractérisés par leurs spicules accessoires, grèles, épineux, dispersés, sans rapport avec des lignes squelettiques définies. Les acanthoxes de Spanioplon pul- venar sont évidemment homologues des acanthostyles de S. arma- turum, de même que les acanthoxes ectosomiques de certaines Yvesia correspondent aux acanthostyles ectosomiques de leurs congénères. Il me reste à parler d’un Zrylus, représenté par trois fragments relativement volumineux, dont l’un porte un lobe conique élevé, percé d’un oscule à son sommet. C'est trait pour trail mon Erylus stellifer !. Parmi les Zrylus d'Algérie cités par Schmidt, il ny a que £. euastrum (Schm.) qui puisse lui être comparé, parce que, de part et d'autre, on trouve des sterrasters disciformes, ornées seulement de tout petits tubercules simples. Comme le type de £rylus euas- trum provenait aussi de la Calle, l'idée naît naturellement que peut- être Æ£. stellifer serait un synonyme de cette espèce. La question de l'identité de Zrylus euastrum (Schm.) et de mon Z. stellifer m'a déjà préoccupé. Je l’ai résolue par la négative, pour cette raison quil y a dissemblance en ce qui concerne les oxyasters. Chez £rylus stel- 1 E,. TopsenrT, Étude monographique des Spongiaires de France, I. Tetractinellida (Archives de zvulogie expérimentale (3), vol. IT, 1894), NOTES ET REVUE. XXXVIL lifer, ces microsclères sont nettement de deux sortes, sans intermé- diaires, les uns grands, de beaucoup les plus abondants, à actines peu nombreuses (trois à cinq), coniques, pointues, lisses, longues de 23m en moyenne; les autres, bien plus petits, à actines nom- breuses, bacillaires, longues seulement de 5 . À propos des asters de Æ£rylus euastrum, Schmidt dit au contraire !: « Die Sternchen, im Durchsnitt von etwas über 0,01 Mmitr. Durehmesser sind von sehr verschiedener Entwicklung sowohl nach Form als nach Anzahl der Strahlen. » Ni la mesure donnée, ni le reste de ces indications ne s'appliquent aux £rylus de la Calle et de Banyuls que j'ai étudiés. Faut-il donc admettre que la description de Schmidt ait été enta- chée d'erreur ou qu’elle ait été tracée d'après un spécimen anormal? Yosmaer a, dans ces derniers temps, publié 2 Ja diagnose d'un Erylus recueilli entre Naples et Capri par 200 mètres de profondeur, et qu'il appelle £. euastrum (Schmidt). Il y reconnaît deux sortes d’asters distinctes : « Oxyaster, frequent; actines long. Spheraster, frequent; much smaller than the oxyasters.» Mais n’est-ce pas plutôt de mon Zrylus stellifer qu'il s’agit ? Bien que Vosmaer ne parle pas de dichotriænes et qu’il ne donne aucune mesure des divers spicules, la chose me paraît des plus vraisemblables. En tout cas, ce docu- ment ne renferme pas, à mon avis, la solution du problème. X MŒURS DE L'EOLIS PAPILLOSA LINNÉ, Par Louis BOUTAN. Depuis longtemps déjà les naturalistes savent que les Eolidiens sont en général très carnassiers. Les petites espèces, d’après les observations de Hecht (Zolis des- pecta, Eolis exiqua, E'olis olivacea), vivent sur les colonies d'Hy- draires et s’en nourrissent : le C'alma glaucoides s’entretient aux dé- pens des œufs ou des embryons de Poissons. L'Æolis papillosa, qui est commun aux environs du laboratoire de Roscoff, en avril, mai et juin, s'attaque aux Actinies et les dévore, L_ Loc. cil., p: 20. 2 G.-C.-J. Vosmarr, Preliminary notes on some Tetractinellids of the bay of Naples {Tijdschr. d. Nat. Dierk. Vereen. [21, vol, IV, 3, 1894). XXX VIN NOTES ET REVUE. malgré les moyens de défense que ces dernières ont à leur dispo- -Sition. M. Hecht’, qui a publié un important travail sur les Nudibran- ches, m’écrivait récemment : « Le goût si prononcé des Ao/is pour les Actinies a été la cause qui m'a empêché de les conserver dans un des grands bassins de l'aquarium de Roscoff, car ils dévoraient toutes les Actinies qui s'y trouvaient. Après la constatation du fait, j'ai dû les placer dans un des petits bacs. » Le savant auteur, dans le travail cité plus haut, avait d’ailleurs consigné ces faits intéressants en écrivant les lignes suivantes : « Les Eolidiens sont tous franchement carnivores et présentent, parmi les grandes espèces, quelques types d’une voracité extraordi- naire. Plusieurs auteurs ont observé qu’#oiis papillosa ne craint pas de s’attaquer aux Actinies de grande taille et les dévore rapidement, parfois seul ou réunis à plusieurs sur une même proie. Alder et Hancock, et Gosse, ont vu un Zolis papillosa dévorer une Anemonia sulcata (Pennant); ce dernier auteur a même observé que l’animal arrachait les tentacules de l’Actinie. Meyer et Mübius rapportent qu'ils ont vu un Æolis papillosa se nourrir d’une Actinia plumosa (Müller). Dans les grands bacs de l'aquarium de Roscoff, plusieurs Calliactis effæta Linné ont été dévorés sous mes yeux par de grands Eolis papillosa que j’y avais placés une première fois sans prévoir le sort qui attendait ces Actinies, une seconde fois pour vérifier le fait. J'ai vu ce même Zolis papillosa attaquer des Cereus pedunculatus (Pennant) que j'avais déposées dans un bac, vivantes et encore fixées sur leur roche. » M. Hecht a d’ailleurs fait à ce sujet plusieurs expériences intéres- santes. Il lui est arrivé, par exemple, de nourrir des Æ'olis papillosa avec des fragments d'Actinia equina et de constater qu'à la suite de ce régime les Z'olis devenaient absolument violeis ; il note qu’il a vu maintes fois les £'olis, guidés par des impressions olfactives, se diri- ger de tous les points du bac sur des débris d’Actinies qu'il venait de leur jeter. Ces expériences ne laissent aucune place au doute sur les mœurs carnassières de l’'Æolis; cependant il me semble qu’un point inté- ressant n’a pas été complètement élucidé par les auteurs. 1 Contribution à l’étude des Nudibranches, par E. Hecht, Lille, 1896. NOTES ET REVUE. XXXIX On sait que l’Æ'olis mange Îles Actinies, voici qui est bien établi ; mais comment arrive-t-il à se rendre maître d’une proie aussi bien armée? Voilà qui me paraît moins nettement expliqué. Les Actinies ont, pour se défendre, des nématocystes ou des cel- lules urticantes et chacun de leurs tentacules peut projeter, à un MO- ment donné, des volées entières de dards empoisonnés. U est vrai que les Holidiens possèdent des armes analogues et qu'ils ont en réserve dans le sac qui se trouve à l'extrémité de chacune des papilles qui hérissent leur surface dorsale, une abondante provision des nématocystes. Les deux adversaires sont donc également armés à ce point de vue ; cependant, M. Hecht pense qu'on doit attribuer la victoire de V'Æolis à une immunité complète de ces animaux à l'égard du contenu des nématocystes. I1 a même noté à ce sujet un fait très intéressant. Les Eolidiens qui s’attaquent aux Hydraires et aux Actinies (tous pourvus de néma- tocystes) ont également des nématocystes, tandis que la seule espèce qui en est dépourvue, le Calma glaucoîdes, se nourrit d’embryons de Poissons. Le fait de cette immunité singulière ne ma pas paru suffisam- ment établi et j'ai essayé de le contrôler par une série d'expé- riences ‘. Jen citerai trois qui me paraissent particulièrement concluantes : Première expérience. — Une Actinie (Anthea cereus) est placée dans une cuvette où elle s’épanouit librement; je laisse tomber, au milieu de sa couronne tentaculaire, un Eolis papillosa en bon état. Immédiatement, l’Actinie replie ses tentacules tout autour de l'Æolis, comme ces animaux Ont coutume de le faire lorsqu'une proie leur tombe du ciel. Au contact de l’£olis, les tentacules de l’Actinie changent subhite- ment d'aspect. 11 y a décharge de nématocystes, les tentacules se contractient et d’autres viennent prendre leur place. L'Æ'olis, probablement surpris par sa brusque projection dans l'eau, ne songe d’abord qu’à se plier en deux pour protéger son pied, 1 Je veux présenter ici mes remerciements à M. Robert, le préparateur du Labo- ratoire, qui a bien voulu, pendant une absence que j’ai été obligé de faire, prendre un cliché concernant l’une de ces expériences. XL NOTES ET REVUE, mais son activité ne tarde pas à se réveiller au contact des cellules urticantes. Il rend coup pour coup, se contracte dans tous les sens et paraît surtout préoccupé de gagner le large. Bientôt il y réussit; quoique les tentacules de l’Actinie viennent sans cesse lui jeter de nouvelles décharges, il arrive à se glisser sur le sol et s'éloigne de son adver- saire. Quel est l’état des deux combattants ? L’P'olis ne paraît pas avoir beaucoup souffert de la lutte. Du moins, je ne constate aucun signe extérieur permettant de m'en rendre compte. L’Actinie, au contraire, présente un aspect intéressant. Les tentacules qui ont pris part à l’action sont repliés sur eux- mêmes, ratatinés et couverts de longs filaments blanchâtres qui ne sont autre chose que du muceus sécrété par l'Zolis et mélangé à de nombreux nématocysies, ainsi que le prouve l’examen .micros- copique . Cette première expérience paraît donc justifier les idées de Hecht et indiquer que l’£ols jouit d'une véritable immunité à l’égard du contenu des nématocystes, puisqu'il échappe sans blessures appa- rentes à l’étreinte de son adversaire. Deuxième expérience. — Je projette sur une Actinie {Anfthea cereus), largement épanouie et en très hon état, une £'olis épuisée par la re- production. La lutte recommence comme précédemment; mais, cette fois, le combat n’a plus la même issue. L’£olis, cependant encore très agile, fait des efforts désespérés pour échapper au contact de son ennemie : les tentacules l’enserrent de toute part, réduisent à néant chaque tentative de fuite et, fina- lement, l’£olis, progressivement immobilisé, est entraîné vers la bouche de l’Actinie et disparaît dans la cavité gastro-vasculaire où il est digéré à loisir. Il est inutile de faire ressortir que cette expérience n’est plus en faveur de l’immunité de l’Æolis à l'égard des nématocystes de l’Ac- tinie. On ne doit pas, cependant, perdre de vue que le sujet, quoique suffisamment agile, était dans un état particulier à la suite de la ponte, état que j'ai traduit en disant qu'il était épuisé par la repro- duction. Troisième expérience. — Un Æolis papillosa, dans le même état que le précédent à la suite de la reproduction, est placé dans une NOTES ET REVUE. XLI cuvette contenant une grosse Actinie (Anthea cereus). Mais, cette fois, je ne détermine pas un contact brutal et je laisse les deux ani- maux opérer à leur guise. Au bout de vingt-quatre heures environ, l’Actinie est, en grande partie, dévorée par l’Zolis. Voici comment les choses se sont passées : L'Æolis, après s'être acclimatée dans la cuvette, a entrepris le siège de son redoutable adversaire. En rampant sur le fond, elle s'est glissée jusqu'à la base de la colonne charnue qui forme la masse principale du corps de l’Actinie. Vainement cette dernière a essayé de repousser l'attaque en repliant ses tentacules du côté menacé. Ils sont venus se heurter aux papilles qui garnissent le dos de l'£ols et ont glissé à leur surface enduite de mucus, sans prendre contact. Pendant ces vaines démonstrations, l'£ols continuait tranquille- ment la besogne commencée et entamait, sans tarder, le corps de son adversaire à l’aide de sa radula. Que conclure des trois expériences que je viens de rapporter ? Peut-on dire que l’'£Æolis jouit d’une immunité complète, en quelque sorte spécifique, à l’égard des nématocystes ? Le résultat de la seconde expérience ne permet pas de l’affirmer, puisque, dans ce cas, l'animal a été immobilisé par les tentacules, harponné par les nématocystes et, finalement, digéré. Placée dans de mauvaises conditions, l'£ohs souffre donc visiblement du contact immédiat des cellules urticantes, et si elle n’en meurt pas, elle en est désagréablement impressionnée et cherche à fuir, ainsi que l’établit la première expérience. Cependant, on ne peut contester qu'elle jouit d’une immunité rela- tive, puisqu'une Folis en bon état peut affronter le contact des ten- tacules et, de haute lutte, fait sa proie de l’Actinie (troisième expé- rience). D'où vient cette immunité relative ? Je crois qu’on doit l’attribuer surtout à la présence du mucus que ‘l'animal sécrète en abondance au moment du combat. Les longs fila- ments blanchâtres, dont nous avons noté la présence à la suite de la première expérience, prouvent l'importance de cette sécrétion. On sait qu'au moment de la reproduction, l'animal à employé toutes ses réserves pour constituer la ponte ; les cellules à mucus, KLII NOTES ET REVUE. en particulier, diminuent de volume et sont presque atrophiées, ainsi que j'ai pu le constater dans d'autres iypes de Mollusques (Acmæa, Nassa, etc.). C’est à ce fait que j'attribue le peu de résistance de l'Z'olis, lors de la deuxième expérience. On pourrait objecter cependant que, lors de la troisième expé- rience, l'animal se trouvait dans le même état au point de vue de la reproduction ; mais on ne doit pas oublier que, dans ce dernier cas, il avait préparé son attaque et avait pu récupérer à loisir, la provision de mucus nécessaire à sa protection. XI LA DISPERSION DES ESPÈCES TERRESTRES EN GÉNÉRAL ET DES INSECTES EN PARTICULIER PAR L'INFLUENCE DE L'HOMME, D’après O. Howanpf. Primitivement, les facteurs les plus importants de la dispersion étaient les agents naturels et, en particulier, les vents et les courants des eaux douces ou salées. À leur action venait se joindre celle du transport par l’intermédiaire des Oiseaux et d’autres animaux. Depuis quelques siècles, par suite du développement des échanges commer- ciaux entre les différentes nations, l'Homme, qui n’était d’abord pour la disper- sion des espèces terrestres qu'un facteur de second ordre, a pris graduellement à ce point de vue une influence croissante et l’on peut dire qu'actuellement son action est devenue prédominante, laissant loin derrière elle celle des autres fac- teurs naturels. Par l'intervention humaine, peu à peu toutes les espèces qui sont potentiellement cosmopolites le deviennent d’une façon effective, et beaucoup d’autres voient leur aire géographique considérablement élargie. Les transports d'espèces effectués par l'Homme peuvent être groupés en deux catégories, les transports intentionnels et les accidentels. a. Transports intentionnels.—Tls portent sur des espèces que l'Homme cherche à introduire dans un pays où elles n’existent pas, soit pour en tirer un profit di- rect, soit par simple curiosité scientifique. Dans un très grand nombre de cas, ces espèces ne réussissent pas à se naturaliser, alors même que le climat leur convient, parce que les conditions de la lutte pour la vie ne sont pas aussi favo- rables pour elles que dans leur pays d’origine. Mais si ces conditions de vie sont équivalentes ou même meilleures, ces espèces s’implantent d'une façon définitive dans le pays où elles ont été importées; trop souvent même alors les plantes ou les animaux, importés dans un but utilitaire, prennent un développement exces- O. Howanp, The Spread of land species by the agency of man, with special refe- rence to Insects (Proceedings of the American Association for the Advancement of Science, XLVI, Detroit Meeting, 1897). NOTES ET REVUE. KLUI sif, et, leur multiplication n'étant plus contrebalancée par celle de leurs ennemis naturels, ils deviennent un véritable fléau pour les pays où l'Homme les à in- troduits en troublant d’une façon inconsidérée l'harmonie des adaptations na- turelles. A ce point de vue, Howard cite quelques curieux exemples de plantes et d’ani- maux importés intentionnellement en Amérique et dont on déplore aujourd'hui l'introduction. Tels sont, parmi les plantes, V'Alium vineale, qui, dans divers États de l'Amérique du Nord, infeste les prairies et communique au lait, au beurre et à la viande une saveur fort désagréable ; la Hyacinthe d’eau (Piaropus crassipes), qui entrave la navigation des cours d’eaü; le Genista tinctorium, qui envahit des plaines entières. Parmi les animaux, on connaît l’histoire du Moineau, dont on introduisit à diverses reprises quelques couples dans les États du Nord-Est pour combattre les chenilles de l'Anysopteryx pomelaria, qui ravageait les arbres d’avenue. Les Moineaux s’acquittèrent à merveille de la tâche qui leur avait été confiée; mais, en se multipliant d’une façon incroyable, ils devinrent un des plus terribles fléaux de l’agriculture en Amérique; et, de plus, dans les pares et les avenues des cités, l’'Anysopteryx fut supplanté par une espèce non moins nuisible, l’'Orgya leucostigma, qui put se développer à son aise, parce que le Moineau les dédaignait et que les autres oiseaux insectivores avaient été chassés par le Passereau enva- hisseur. L'extension désastreuse que le Lapin et le Cheval sauvage ont prise en Aus- tralie est connue de tous. Non moins curieuse est l’histoire de la Mangouste, qui fut importée de Cal- cutta à la Jamaïque pour combattre une espèce de Rat fort nuisible (Cane-piece Rat). En 1872, quatre paires de Mangoustes furent débarquées dans l’île. Dix ans après, on estimait que, grâce à cet animal, la colonie économisait annuelle- ment 100 000 livres; mais alors la situation changea brusquement. On s'aper- cut que les Mangoustes détruisaient progressivement fous les nids d'oiseaux placés à terre et que, de plus, elles exterminaient tous les Reptiles et tous les Batraciens insectivores. Les Insectes se développèrent alors dans des proportions inconnues, ravageant les cultures, tandis que les Mangoustes elles-mêmes pré- levaient leur part directe sur les jeunes animaux domestiques, sur les Oiseaux de basse-cour et même sur les récoltes müres telles que bananes, cannes à sucre, patates, etc. La Mangouste tant vantée fut, dès lors, unanimement pro- clamée comme le fléau le plus redoutable des agriculteurs et des éleveurs à la Jamaïque. Rappelons encore le cas du Liparis dispar (Gypsy Moth), qui, cette année même, * vient de faire parler de lui par les ravages que sa chenille a exercés dans le dé- partement de la Dordogne. Il y a environ trente ans, l’astronome français Trou- velot, pour faire des expériences sur la soie de cet Insecte, importa aux États-Unis des œufs du Liparis dispar etéleva les chenilles auxquelles ils donnèrent naissance sur un arbre dans son jardin de Medford (Massachussets); un orage, dit-on, enleva pendant la nuit l’étoffe de gaze dans laquelle le savant les avait emprisonnées et les chenilles se répandirent dans le voisinage. D’année en année, l'Insecte élargit alors son cercle autour de Medford, et il se multiplia dans des propor- XLIV NOTES ET REVUE. tions bien plus effrayantes encore qu’en Europe. Pour donner une idée de ce dé- veloppement, il suffit de dire qu'il existe actuellement, au ministère de l’agri- culture des États-Unis, un Comité spécial du Gypsy Moth, et que, de 1889 à 4895, 895 000 livres furent consacrés à la lutte contre cet Insecte. Les exemples qui précèdent ne sont certes pas faits pour encourager ceux qui voudraient prendre, sans études préalables, l’initiative d'introduire dans un pays de nouveaux hôtes ; on voit avec quelle circonspection on doit agir etcom- bien il importe de connaître à fond la biologie de l’animal que l’on a en vue, ainsi que les rapports existant entre lui et les autres êtres organisés. Il convient pourtant d'ajouter qu'il existe des exemples heureux à citer au nombre des naturalisations intentionnelles. La division d’entomologie du mi- nistère de l’agriculture des États-Unis a commencé, à ce point de vue, sous la direction de Riley, et continue aujourd'hui sous celle de Howard des expé- riences fort intéressantes. Le plus beau succès obtenu dans cette voie consiste certainement dans l’in- troduction, en Californie, de la Vedalia cardinalis, Coccinelle australienne, qui a maintenant exterminé d’une façon à peu près complète la terrible Cochenille des cultures de coton, l’/cerya purchasi, et a sauvé ainsi d’une ruine prochaine l'industrie de tout un pays. b. Transports accidentels. — Par cette voie, l'Homme provoque la dispersion des espèces d’une façon bien plus grande encore que par la précédente, et l’on peut dire que presque tous les pays civilisés ont introduit accidentellement dans leurs territoires des centaines d'espèces d'animaux et de plantes étrangères à la faune et à la flore primitives. Parfois le transport s'effectue d’une façon directe par suite de l’introduction spontanée ou passive, dans les navires, de certains animaux, tels que Ron- geurs, Insectes, etc. Mais, le plus souvent, le transport a lieu d’une façon indirecte par l'intermédiaire des plantes utiles ou ornementales que toutes les nations échangent entre elles d’une façon constante, par les matériaux d’em- ballage, tels que la paille et le foin, par les graines alimentaires et par le lest des bateaux. Parmi les Insectes, ceux qui ont le plus de chances d’être transportés avec les plantes vivantes sont les Coccidiens à tous leurs stades de développement, les Aphidiens principalement à l’état d'œufs, les larves de Coléoptères xylophages, les Chenilles mineuses, les petits Lépidoptères chrysalidés dans leurscocons, les Diptères à l’état de pupes, cte. Les Cochenilles, qui pourtant dans les conditions naturelles ont, pour chaque espèce, une aire de distribution assez limitée, sont, de tous les Insectes, ceux qui sont disséminés dans les limites les plus étendues et avec le plus de facilité par les échanges commerciaux des horticulteurs; c’est ainsi qu'aux Etats-Unis, où l'on compte une centaine d’espèces de Cochenilles nuisibles, il n’y en a pas moins de quarante d'importation étrangère, et c'est parmi elles que sont les plus redoutables. Les animaux domestiques véhiculent évidemment, partout où ils sont impor- tés, les parasites qui vivent sur eux à l’état larvaire ou nymphal ; plus rare est, au contraire, le transport de ceux qui ne vivent en parasites qu’à l’état adulte ; tel est, pourtant, le cas pour le Diptère connu sous le nom d'Aæmatobia serrata, NOTES ET REVUE. XLV qui a été introduit aux Etats-Unis vers 1866 et qui est maintenant une plaie pour les bestiaux de ce pays. Le transport par les matériaux d'emballage est un mode de dissémination très fréquent; ce sont surtout les pupes des Diptères qui sont ainsi importées, et tout le monde connaît l’histoire de la fameuse Mouche de Hesse (Cecidomyia des- tructor) que l’on considère comme avant dû pénétrer en Amérique avec la paille que les troupes d'Europe amenaient avec elles au moment de la guerre de Séces- sion; les Chlorops, les Oscinies, tous les Insectes qui hivernent dans les tiges des Graminées sont susceptibles d’être transportés de la même façon. Pour ce qui concerne les principales graines alimentaires, on peut dire actuel- lement que les Insectes qui les attaquent sont à peu près cosmopolites, et il en est de même pour tous ceux qui vivent aux dépens des matières premières em- ployées par l’industrie. Le lest provenant des vaisseaux sert de véhicule à une quantité de graines et d'animaux : les quais où on le décharge présentent toujours une flore toute spé- ciale bien conmue des botanistes et jouent le rôle de foyers de dispersion pour toute la région environnante. Le Sarcopsylla penetrans (Puce chique) est consi- déré comme ayant été importé en Guinée, en 1872, avec le lest d’un vaisseau venant de Rio-Janeiro. Il résulte naturellement de ce qui précède que l’activité commerciale d’un pays contribue largement à modifier sa flore et sa faune d’une façon directe par suite de l'introduction de nouveaux hôtes et d’une façon indirecte par l’iafluence perturbatrice des nouveaux venus sur l'harmonie préexistante des espèces in- digènes. Il faut remarquer toutefois que, même à égalité d'échanges commerciaux, les différentes parties du monde ne fournissent pas un terrain également favorable À la naturalisation de nouveaux hôtes, et le fait est particulièrement notoire pour les espèces nuisibles, c’est-à-dire pour celles qui forcément ont le plus attiré l'attention. D’après Riley et Howard, il existe à ce point de vue un courant très prédomi- pant de l’est vers l’ouest, de l’ancien monde vers le nouveau monde. La quan- tité d’Insectes nuisibles dont l'Europe a doté l'Amérique est, en effet, prodi- gieuse. Si l'on passe en revue les 73 espèces les plus nuisibles des Etats-Unis, c’est-à-dire celles dont les dégâis peuvent être presque annuellement évalués pour chacune à des centaines de milliers de dollars, on trouve, d’après Howard, 30 espèces indigènes, 37 d'origine étrangère et 6 d'origine douteuse. Or, sur les 31 d’origine étrangère, 30 proviennent d'Europe. L'Amérique, par contre, ne nous en a donné qu’une d’une façon certaine ; il est vrai que par l'étendue de ses dégâts, elle en vaut toute une légion : c'est le Phylloxera ; nous lui devons aussi d’une facon très probable le Puceron lanigère (Schizoneura lanigera), l'un des plus redoutables ennemis du Pommier. Il est difficile de dire quelle est la cause de cette tendance à l’extension des espèces de l’ancien continent vers le nouveau. On peut croire que l'énorme étendue des propriétés, l’uniformité des cultures sur d'immenses étendues, la fréquence moins grande de la pratique des cultures alternantes sont des cir- constances favorisant le développement des espèces nuisibles en Amérique ; XLVI NOTES ET REVUE, peut-être aussi, dans une certaine mesure, les espèces de l’ancien continent sont- elles mieux adaptées pour la lutte pour la vie et forcent-elles les espèces indi- gènes à leur céder la place, comme la race blanche a supplanté la race rouge. Paurz MarcHar, Chef des travaux à la station entomologique de Paris. XII LES TRAVAUX DU QUATRIÈME CONGRES INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE. Les organisateurs du congrès de Cambridge ! ont eu l’idée qui pourra être féconde de profiter de la réunion des zoologistes, spécialistes et théoriciens, les plus autorisés pour tenter de faire trancher ou tout au moins préciser dans leur état actuel quelques-unes des questions importantes qui sont à l’ordre du jour de la zoologie, en remplaçant pour les séances plénières du Congrès les confé- rences habituelles par des discussions ouvertes et contradictoires sur des sujets déterminés à l'avance. L’éclat des noms des savants qui y ont pris part et l’af- fluence des auditeurs qui se pressaient à chaque séance dans la grande salle du Guildhall témoignent assez du succès de cette tentative. Peut-être pourtant les résultats auraient-ils été plus concluants et la lumière plus complète si les diffé- rents exposés avaient été reliés les uns aux autres par un lien plus étroit et si les orateurs ne s'étaient pas montrés, en général, plus préoccupés d'affirmer leur propre conviction que de la faire partager à l’auditoire en réfutant par une cri- tique serrée les opinions et les arguments adverses. Deux questions ont été ainsi soumises à la discussion : la position des Spon- giaires dans le règne animal et l’origine des Mammifères. Position des Spongiaires dans le règne animal.— M. Y. DELAGE, en ouvrant la discussion, déclare qu'il se limitera à un seul point, qui lui paraît suffire pour trancher la question. Cette question, celle de savoir si les Éponges doivent con- stituer une classe des Cæœlentérés ou un embranchement distinct, est de celles sur lesquelles on risque de discuter indéfiniment sans tomber d’accord, par suite de l’absence d’un criterium absolu de la valeur des caractères correspon- dant aux classes et aux embranchements (aussi bien d’ailleurs qu'aux ordres, familles, genres, etc.). Cependant, pratiquement, on peut ici arriver à une solu- tion. Il y a, en effet, une valeur moyenne des caractères de classe et d’embran- chement sur laquelle tout le monde s’entend, bien qu’on ne puisse Ia déterminer avec précision. L’embranchement étant le dernier terme de la série taxonomique, si l’on arrive à trouver entre les Spongiaires et les Cœlentérés une différence sûrement plus importante que celle qui serait nécessaire pour caractériser un embranchement, on sera bien certain que cette différence sera suffisante pour î Voir, plus haut, Notes et Revue, p. xxxr. NOTES ET REVUE. XLVIL légitimer la séparation des Spongiaires dans un embranchement distinct. Or, une différence de cet ordre existe dans le développement. La larve d'Éponge est une vraie blastula formée de deux sortes de cellules, les unes petites, à long flagellum, les autres grosses et granuleuses non ciliées. Par analogie avec ce qui se passe chez tous les Métazoaires, on devrait supposer que les premières formeroni le feuillet ectodermique et que les autres s’invagi- neront à leur intérieur pour former l’endoderme. Or, c’est l'inverse qui a lieu, chez les Éponges siliceuses comme chez les Éponges calcaures, car l'opposition qu'on croyait d’abord avoir reconnu entre les unes et les autres n'existe pas. Chez toutes, les cellules flagellées ont les caractères histologiques d'un ecto- derme et l’évolution d’un endoderme, et, inversement, les grosses cellules gra- nuleuses, histologiquement endodermiques, viennent recouvrir les autres à la manière d’un ectoderme. Doit-on admettre que celles-ci sont le véritable ecto- derme, qui aurait acquis secondairement les caractères d’un endoderme, l’endo- derme vrai se déguisant à son tour en ectoderme, ou plutôt que l’'invagination se fait ici à l'inverse du sens habituel, c’est-à-dire ectoderme en dedans, endo- derme en dehors ? L’orateur estime qu'aucun argument ne peut étre invoqué en faveur de fa première conception. Le renversement des feuillets est un fait, sa cause est inconnue, mais sa possibilité est, d’ailleurs, attestée par le fait que les larves d'Échinodermes présentent parfois, sous l'action de causes peu importantes en apparence, telles qu'une légère élévation de température, un renversement de l'invagination de la Gastrula. En tout cas, seuls de tous les animaux, les Spongiaires présentent normale- ment ce caractère, et il est assez important pour leur faire attribuer la valeur d'un phylum spécial (Enantiozoa), indépendant de celui des Metazoa, et s'étant détaché de la souche commune de très bonne heure, à l'étape corres- ponaant au stade blastula. M. E. Mc reprend l'historique de la question depuis l’époque où Dujardin et Dobie ont établi irrécusablement la nature animale des Eponges. Depuis lors elles ont été regardées d’abord comme des Protozoaires (J. Clark, Carter, etc.), opinion insoutenable aujourd'hui qu'il est bien établi qu'elles présentent des tissus véritables, composés de cellules différenciées, puis comme de vrais Cæœlentérés (Leuckart, Miklucho-Maclay, Hæckel, Fr. E. Schulze). Cette opinion longtemps prédominante à &té combattue plus récemment, à l’aide d’une interprétation différente des deux feuillets germinatifs, et deux théories nouvelles ont vu le jour: pour les uns (Balfour, Gotte, Vosmaer, Maas), les Spongiaires sont des Métazoaires, mais non des Cœlentérés ; pour les autres (Bütschli, Sollas, Delage), ce ne sont même pas des Métazoaires, c’est un phy- lum distinct issu des Protozoaires. Pour résoudre la question M. Minchin invoque le développement de la Clathrina blanca (Ascetta blanca Hæck.) qu’il a suivi en entier et qui à l’avan- tage, pour une discussion de cet ordre, d’être Le plus simple possible, représen- tant pour les Spongiaires ce qu'est le développement de l'Amphiozus pour les Vertébrés,. L'embryon présente au stade blastula deux sortes d'éléments, les cellules XLVUL NOTES ET REVUE. flagellées et les cellules granuleuses postérieures, Ces dernières qui sont d’abord au nombre de deux seulement et ne se multiplient ensuite qu'après la fixation de la larve, fournissent seulement les amæbocytes interstitiels, dont les uns persistent sans changement (frophocytes) et les autres deviennent les élé- ments sexuels (gonocytes). Les cellules flagellées antérieures fournissent, par contre, tous les éléments tant de la couche dermique que de la couche gastrique de l'adulte. Dès leur première différenciation, chez la larve, les unes restées ciliées se maintiennent à l'extérieur (ectoderme apparent), et les autres devenues amæboiïdes passent à l'intérieur et remplissent la cavité centrale (endoderme apparent). Mais au moment de la métamorphose, après la fixation, les rapports sont renversés : les cellules amæboïdes de la masse interne s’échappent à l’ex- térieur par rupture et s’étalent à la surface des cellules flageilées en une couche dermique, dans laquelle il n’y a pas lieu d’ailleurs de distinguer un mésoderme, mais seulement une division fonctionnelle en éléments épidermiques contrac- üles et éléments squelettogènes : quelques-unes seulement (porocytes) restent provisoirement à l’intérieur, mais elles émigreront aussi plus tard au dehors pour former les pores inhalants. Les cellules flagellées, d’externes qu'elles étaient, sont donc devenues internes et formeront la couche gastrique des choanocytes. Veut-on, d’après cela, comparer les Spongiaires et les Cœlentérés? Si l’on assigne la même valeur aux feuillets semblablement situés chez les larves des deux groupes, la comparaison des adultes est impossible. Prend-on, au con- traire, pour point de départ la comparaison des couches semblables chez les adultes, le développement des Spongiaires est alors tellement anormal, qu'il n’a pas d’analogue dans tout le règne animal. L'orateur pense qu’en fait il n’y a pas de comparaison possible ni entre les larves, ni entre les adultes. Le plus probable est que les Spongiaires forment un phylum indépendant, et qu'il est issu directement des Choano-flagellés, car les cellules à collerette caractéristiques de ces deux types ne se rencontrent nulle part ailleurs dans le règne animal, et la larve d'Éponge, comme par exemple la larve nouveau-née de Clathrina, avant la formation de la masse interne (dermique) par immigra- tion, est tout à fait comparable à une colonie de Choano-flagellés, formée de cellules flagellées à collerette et de cellules reproductrices (cellules granuleuses postérieures). G. Pruvor. (A suivre.) Paru le 15 décembre 1898. Les directeurs : H. pe Lacaze-Duraiers et G. PRruvor. Les gérants : SCHLEICRER FRÈRES. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE H. pe LACAZE-DUTHIERS ET G. PRUVOT Membre de l'Institut. Professeur à l'Université de Grenoble. 3e SÉRIE, T. VI. NOTES ET REVUE. N° 4. XIII SUR L'HISTOGENÈSE DU VENIN DE LA SCOLOPENDRE, Par O. DuBosca. Comme je l’ai montré dans un travail précédent‘, la glande veni- meuse de la Scolopendre se compose de glandes unicellulaires dé- bouchant dans un canal excréteur chitineux percé d'autant de trous qu’il y a de cellules, et ces cellules sont comprises dans des alvéoles conjonctivo-musculaires servant à les contracter. J'ai mis en relief le noyau propre des cellules glandulaires avec son gros nucléole se colorant apparemment comme la chromatine. Cependant, je n'ai pas assez insisté sur la structure de ce noyau, et je n’ai rien dit de l'histogenèse du venin. C’est le but de la présente note. Examinons des coupes fixées au sublimé ou au Perenyi et colorées à l’hématoxyline et l’éosine. Le noyau des cellules venimeuses est une vésicule sphérique de 7 à 8 1. À un pôle, et adhérent à la membrane nucléaire, se trouve un gros nucléole rond se teignant en pourpre ; il représente un nucléole vrai. Mais il a une partie corticale mince se teignant en bleu d’encre et dans laquelle on distingue trois ou quatre grains de chromatine. 1 O. Dugosco, les Glandes ventrales et la glande venimeuse de Chœtechelyne vesu- viana (Bulletin de la Société linnéenne de Normandie, 1896). ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, —— 3€ SÉRIE, — T, VI, 1898, D L NOTES ET REVUE. Les grains, s'ils sont saillants, donnent au nucléole une coupe optique polygonale. Autour du nucléole est une petite atmosphère hyaline. Elle est traversée par quelques filaments incolores reliant la chro- matine périnueléolaire au réseau nucléaire. Le reste du noyau est occupé par un fin réseau de linine assez régulier, sur lequel sont distribués de très petits grains de chromatine. Ce réseau commence autour du nucléole par un cercle sur lequel sont des grains chroma- tiques équidistants, disposition qui est bien connue (grains d'Eimer). Ces détails peuvent se voir sur ce que j'appelle les noyaux au repos, en détournant un peu le sens de ce mot. Notons que dans ces noyaux au repos le réseau chromatique est plus ou moins dense. Mais sur d’autres noyaux, que je considère comme les noyaux en activité sécrétrice, on peut voir : Dans les uns, des grains de chromatine du réseau gonflés en vési- cule claire se colorant en violet; Dans d’autres, en face le nucléole, au pôle opposé, un aulre nu- cléole de couleur pourpre, que j'appelle nucléole de venin ; Dans d’autres, au lieu du nucléole pourpre, un corpuscule homo- gène se teignant en rouge vif par l’éosine. Ce corpuscule est plus ou moins gros: ou bien il y a plusieurs corpuscules pareils ; ou bien ces corpuscules sont eux-mêmes compris dans un plus grand corpuscule de même nature. Et ces corpuseules peuvent envahir le noyau au point qu'il ne reste plus de chromatine, le nucléole persistant seul. Or, ces corpuscules éosinophiles sont bien une partie constituante du venin. Sur certaines cellules, on les surprend sortant du noyau en refoulant la membrane. Ailleurs, on les voit, les uns dans le noyau, d’autres hors du noyau. Et enfin, dans une grande quantité de cellules, sont des boules homogènes se teignant pareillement en rouge vif, et seulement plus grosses que les corpuscules intranu- cléaires. EL ces boules ne sont jamais éloignées du noyau. Il résulte donc qu’un élément du venin est formé dans le noyau aux dépens de la chromatine. Fait intéressant ; Car, si l’on ne sait rien sur l’histogenèse des venins, il est acquis par l'étude chimique que certains principes actifs des venins sont des nucléoalbumines ; même que certaines toxines microbiennes, comme la tuberculine, sont des nucléines. Le venin n’est pas ainsi complètement élaboré. Le canal excréteur ne contient jamais de boules éosinophiles homogènes. Elles n’exIS- tent que dans le noyau ou à son voisinage. Dans la partie inférieure NOTES ET REVUE. LI de la cellule comme dans le canal excréteur, le venin se présente en une masse uniformément granuleuse se colorant en rouge. Or, vers le milieu de la cellule, à côté des boules homogènes sont des boules granuleuses. On doit penser que ces boules granuleuses proviennent de la transformation des boules homogènes, soit par addition d’une nouvelle substance venue du cytoplasme, soit par une modification chimique opérée dans le cytoplasme. Et, à ce propos, je ne saurais trop rappeler les belles recherches de Phisalix et Bertrand montrant que les venins sont des liquides complexes, et que, par exemple, avec les toxines, on rencontre l’antitoxine, qu'on peut quelquefois séparer par d’adroites filtrations. XIV SUR LES HÉMOSPORIDIES D'UN OPHIDIEN DU SYSTÈME EUROPÉEN, Par M. P. HAGENMULLER. e On ne connaît, jusqu'à présent, de sporozoaires parasites du sang chez les Serpents que chez les Ophidiens de l’Extrême-Orient. Le docteur Billet a fait connaître les hémosporidies de trois Serpents du haut Tonkin ‘. Mais, en Europe, ces reptiles ne paraissaient pas pré- senter ce parasitisme spécial. Labbé ?, qui s’est occupé particulière- ment de cette question, affirme n'avoir jamais rencontré la moindre infection parasilaire chez nos espèces indigènes ; 1l cite notamment comme espèces examinées : Zropidonotus natrix, Pelias berus et Coronella lævis. Macroprotodon cucullatus Geffroy, Couleuvre voisine des Coronella, très commune dans toute l'Algérie, se trouve aux Baléares et dans la péninsule Hispanique ; elle appartient donc bien au système euro- péen. J’ai trouvé dans le sang de ce serpent deux hémosporidies, un Drepanidium et un Danilewskya. On n'avait pas, jusqu'ici, observé la présence simultanée de ces deux genres dans un même hôte. Des deux parasites, le Drepanidium est le moins abondant; on n'en voit guère que 4 pour 30 ou 40 PDanilewskya dans une préparation. Étudiés dans le sang frais, simplement dilué avec un peu de sérum LE Note présentée à la Société de biologie le 19 janvier 1898. 2 Recherches zoologiques et biologiques sur les parasiles endoglobulaires du sang des Vertébrés, Thèse de Paris, 1894, p. 58. Lil NOTES ET REVUE. artificiel (Na CI à 7 pour 1000), les Drepanidium sont très agiles; ils se jouent au milieu des globules, montrant très nettement les mou- vements caractéristiques de Drepanidium princeps de Rana esculenta. Je ne crois pas, d’ailleurs, qu'il s'agisse de cette espèce, mais plutôt d'une forme intermédiaire entre Drepanidium princeps el D. monilis, plus voisine de cette dernière. Je reviendrai sur l’étude de ce Drepanidium. Le deuxième parasite, Danilewskya, est beaucoup plus abondant; dans des préparations du sang en couche mince de 99 x 22 millimè- tres, il n’est pas rare de compter une quarantaine de globules para- sites. Toutefois, les individus libres dans le plasma sanguin ne sont pas très nombreux. Dans cet état, ceux que j'ai observés vivants mon- trent toutes les allures de Danilewskya Stepanowi Labbé, que j'étudiais comparativement dans le sang de Cistudo europæa de Camargue. La forme libre se distingue de celle de Danilewskya Stepanowi par ses dimensions moindres. Sa longueur n’est que de 12 à 18 f. en moyenne, tandis que Danilewskya Stepanowt atteint en:moyenne 28 à 39 u et même parfois bien davantage. Il y a encore d’autres différences dans l'aspect général ; la forme est plus grêle, plus fluette dans le parasite de l’ophidien. J'insisterai sur ces particularités spécifiques dans un mémoire accompagné de figures. Les individus endoglobulaires attirent immédiatement l'attention par les modifications qu’ils imposent au globule sanguin. Ces modi- tications sont d'autant plus intéressantes, qu’elles paraissaient spé- ciales au genre Xaryolysus de Labbé. Danilewsky ;, Laveran”, dans leurs dessins, montrentnettement le globule sanguin habité par Dani- lewskya Stepanowi peu altéré et son noyau simplement déplacé, mais intact dans sa forme jusqu’au moment où le parasite quitte le glo- bule. Danilewsky, insistant sur cette particularité, dit que « le noyau du globule sanguin ne présente jamais d’altérations aussi profondes que celles qu’il a observées dans les globules du lézard. La modi- fication la plus considérable qu’accusent les noyaux des globules de la Tortue, c’est une forme quelque peu fusiforme qu'ils prennent en vertu de la pression latérale qu’exerce le parasite sur eux ». Mais jamais il n’a trouvé ce noyau ni fortement allongé, ni recourbé en arc, ni divisé en deux ou trois parties. Labbé insiste beaucoup sur 5 B. Danizewsxy, Recherches sur les hématozoaires des Tortues, Karkoff, 1889, ple FE, 3 LaverAN, Comples rendus de la Sociélé de biologie, séance du 8 octobre 1898; fig. p. 920. NOTES ET REVUE, LIL cette particularité dans sa diagnose du genre Danilewskya, et, pour lui, « l’action du Dantlewskya sur le globule est plutôt une action mécanique et ne conduit pas à la désintégration du globule* ».Pour le genre Æaryolysus Labbé, une des caractéristiques de la diagnose est : « L'action du parasite sur le globule est très pathogène et très caractérisée par l'allongement ou la scission du noyau, d'où le nom de Æaryolysus *. » Le plus jeune parasite que j'ai observé, ou mieux, le moins déve- loppé, mesure la moitié de la longueur du grand axe de l'hématie, 8 m environ; un peu arqué, à noyau très allongé, 3,5 p, il présente deux extrémités dissemblables : l’une, un peu grosse, obtuse, arron- die: l’autre, mince, atténuée. Dans cet état, le parasite est logé à même Ja masse du globule sanguin; il ne s’est pas fait de cavité à parois décelables et n’exerce encore d'autre action sur le noyau qu’un effet de déplacement latéral. Le noyau du globule se rapproche d'un des bords sans que le parasite soit en contiguité avec lui; le tissu de l'hématie ne présente encore aucune modification, soit qu'on l'examine à l’état frais, soit qu’on le soumette à l’action des réactifs colorants. Dans un stade un peu plus avancé, le parasite s’est accru; il est plus arqué, et ses deux extrémités semblent marcher à la rencontre l'une de l’autre. Le noyau du globule n’est pas encore attaqué; son déplacement est plus marqué, il est contigu, maintenant, au parasite qui a grandi en le refoulant. Le corps de l’hématie commence à se modifier; à l'examen sur le vif, le pourtour du globule se montre décoloré, hyalin ; cependant, la plus grande partie de l'hématie con- serve sa coloration hémoglobinique normale, et l’on ne voit pas encore de cavité se différencier dans la masse du globule. Plus tard, la croissance du parasite a continué. L'allongement se fait par une seule extrémité, la plus effilée, qui continue à se cour- ber, à l'inverse de l'extrémité obtuse dont l’incurvation n’augmente plus et tend même à rétrocéder. Le parasite, gêné par les dimensions du globule sanguin au fur et à mesure qu'il grandit, se reploie, logeant parallèlement à lui-même la partie effilée, plus grêle, sur laquelle porte l'allongement. Son noyau reste dans la partie princi- pale, mais s'éloigne un peu de la grosse extrémité obtuse pour se 1 LaBBé, Recherches zooivgiques et biologiques sur les parasites endoglobulaires du sang des Vertébrés, Thèse de Paris, 1894, p. 74. 2 Jbid., p. 54. LIV NOTES ET REVUE. rapprocher du point de courbure. En même temps, l’hématie est le siège de modifications considérables. Elle ne garde pas ses dimen- ‘sions normales (grand axe, 18 L.; petit axe, 10 x en moyenne), elle augmente surtout de longueur, atteignant parfois 23 à 24 k de lon- gueur sur 42 à 13 de large. La couleur due à l’'hémoglobine pâlit, s'efface jusqu’à disparaître complètement. Dans cet état, le stroma gelobulaire ne répond plus aux colorants comme celui du globule normal. Labbé a très nettement établi, pour son genre Æariolysus, cette modification dans la colorabilité du globule parasite. Les héma- ties infestées par notre Danilewskya présentent, d'une manière frap- pante, tous les caractères indiqués par Labbé, de ce qu'il a nommé l’anémie globulaire, en particulier, la réaction spéciale avec l'héma- toxyline-aurantia. Quant au noyau, il s’est allongé, aminci, comme desséché ; sa structure intérieure est complètement modifiée, mé- connaissable, il conserve pourtant un fort pouvoir d'absorption pour tous les colorants nucléaires. En général, le grand axe du noyau ainsi altéré et celui du parasite sont parallèles, mais parfois le noyau bascule et croise plus ou moins perpendiculairement le parasite. D'ordinaire le noyau reste cohérent, mais parfois, moins souvent que cela n’a lieu dans le parasitisme de Karyolysus, d'après Labbé, il se divise en deux ou plusieurs fragments. J'ai compté jusqu à quatre de ces fragments restés groupés contre le parasite ou plutôt contre la coque qu'il s’est formée aux dépens de l’hématie. Car, à partir du moment où le parasite a pris assez d’accroissement pour être obligé de se reployer sur lui-même, la substance globu- laire s’est, en quelque sorte, éloignée de lui. Il n’est plus, mainte- nant, plongé à même dans le stroma de l’hématie, mais se trouve dans une loge plus grande que lui, creusée au sein du globule. Cette loge a un aspect réniforme dû à une légère courbure suivant le grand axe. En observant sur du sang frais, on voit très bien le parasite reployé sur lui-même dans cette cavité, et ses limites se distinguent nettement des limites de la loge. Quelle que soit la nature des parois de celle-ci, ces parois sont transparentes dans ces conditions et per- mettent l'observation du contenu. Vient-on à ajouter de l’eau à la préparation, les parois cavitaires perdent leur transparence, et l'on cesse de distinguer le parasite. Dans les préparations fixées et colo- rées par divers réactifs, les parois de la cavité réniforme ne laissent voir d'ordinaire du contenu que le noyau du parasite lorsqu'il est co- loré. Quant au vermicule lui-même, impossible de le distinguer. Les NOTES ET REVUE. LV limites de la loge sont vivement soulignées en dehors et tout autour par un mince liséré très coloré. On dirait d’un enduit collé sur les parois ecavitaires et absorbant fortement les réactifs à élection nu- cléaire. Pour tout dire, on voit, dans ces conditions, un corps réni- forme incolore, muni, vers une de ses extrémités, d'un noyau plus long que large, coloré; ce corps réniforme se détache sur un liséré plus ou moins accentué, nettement coloré, et contre lui est fixé, plus coloré encore, le noyau très modifié de l'hématie. Le stroma globu- laire a presque entièrement disparu, il n’en reste plus, dans les cas les plus avancés, que ce qui constitue le liséré colorable. Telle est, en général, l'image que fournit l'emploi de la plupart des réactifs colorants : il en est cependant qui permettent de faire apparaître, outre le noyau, le plasma même du vermicule, sans altérer la trans- parence de la capsule protectrice. Je donnerai les détails de cette technique et discuterai la présence d’une membrane kyslique spé- ciale dans un travail ultérieur. Dans ces conditions, le parasite examiné dans sa loge, à l'état vivant ou sur des préparations convenablement fixées, possède à ce moment une forme grégarinienne bien définie, non massive, mais plutôt grêle et fluette ; sa taille est plus considérable que celle du elobule sanguin à l'intérieur duquel il reploie sa partie effilée. Par- venu à ce degré de croissance, il peut abandonner le globule presque détruit et nager librement dans le liquide sanguin. C’est ce que ma plusieurs fois permis de voir l'observation sur le vivant. En ce point, notre parasite semble différer du Karyolysus de Labbé ; car, d’après cet auteur, lorsque de l'hématie il ne reste plus que la couche désin- tégrée entourant le parasite comme d’une capsule, cette capsule va devenir une des parties du cytocyste, enveloppant le parasite en voie de reproduction. « Les phénomènes de désintégration de l'hématie et d’allongement du noyau n’ont jamais lieu qu’autour de parasites qui sont en train de se transformer en cytocystes ‘. » Ici, au con- traire, loin de manifester les modifications qui annoncent le début du processus de reproduction, le parasite quitte son globule détruit et va chercher fortune plus loin. Au reste, les formes de reproduction, les cytocystes sont très rares dans le sang de la cireulation générale. J'ai observé quelques indi- vidus paraissant arrivés à ce moment de l’évolution ; de forme ovoïde 1 LaBBx, loc. cit., p. 68. LVI NOTES ET REVUE. allongée, remplissant presque tout le globule sanguin, ils sont alors bourrés de granulations envahissant tout leur protoplasma; leur noyau subit les modifications qui préparent son fractionnement. Mais c’est dans des organes spéciaux de l’hôte qu'il faut étudier les formes de reproduction, et je n’insisterai pas sur ce point pour le moment. J’ajouterai seulement que sur les quelques individus appar- tenant à ce stade que j'ai trouvés dans le sang de la circulation géné- rale, les phénomènes de métachromasie du noyau du parasite sont des plus marqués avec l'emploi de la thionine. En somme, notre parasite appartient au genre Danilewskya, dont il possède nettement les caractères ; il diffère des espèces de Dani- lewskya connues jusqu'aujourd’hui, et possède en plus, très marquée, la propriété qu’on avait crue spéciale au genre Xaryolysus, de mo- difier profondément, au cours de son évolution, le globule sanguin et son noyau. C’est donc une espèce nouvelle. Je l’appellerai Dant- lewskya Joannoni, la dédiant à M. Pierre Joannon, manufacturier à Saint-Henry (Bouches-du-Rhône), en témoignage de ma gratitude personnelle pour les marques de bienveillance et l’aide effective qu'il donne depuis longtemps déjà à nos laboratoires. XV LES TRAVAUX DU QUATRIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE (Fin) ?. Position des Spongiaires dans le règne animal (Suite de la discussion). — M. E. HæckeL maintient que, pour la saine appréciation des affinités des Spon- giaires, il faut attribuer la plus grande importance à leurs rapports anatomiques avec les Cœlentérés. Mais on doit prendre le terme Cœlentérés au sens large que l’auteur lui a donné dès 1872 : Animaux dépourvus de vaisseaux sanguins, munis d'un système gastro-vasculaire simple, c’est-à-dire sans division en enté- ron et cœlome, et se développant par deux feuillets primitifs. Ainsi compris, les Cœlentérés renferment les Cnidaires, les Platodes et les Spongiaires. Ces der- niers n’ont pas avec les Protozoaires de relations plus étroites que n’en ont les autres Métazoaires. Leur gastrula est comparable à celle des autres Métazoaires, et les différences proviennent de ce qu’elle se fixe par l'extrémité orale. D’œul- leurs, l’'Eponge la plus simple a d’étroites affinités avec la Gastræa et l'Hydra. Mais l’orateur rappelle que déjà en 1878 il considérait les Spongiaires comme 1 Voir, plus haut, Noles et Revue, p. xxxI et p. XLvI. NOTES ET REVUE. LVII un phylum particulier, différant des Cnidaires par la présence de pores der- miques et l'absence de nématoblastes. M. G.-J. VosmaEr déclare que, quoi qu'il puisse en coûter à un spécialiste de proclamer son ignorance, il estime que nous n’avons pas encore les moyens de répondre à la question. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que les Eponges ne sont pas des Protozoaires. Pour le surplus, il semble que, tout en évitant de se prononcer catégoriquement, l’orateur pencherait plutôt à les séparer également des Métazoaires, car il rappelle un travail qu'il a publié en collaboration avec M. Pekelharing, travail dans lequel ils attiraient l'attention sur ce fait impor- tant, que chez les Eponges les cellules ne paraissent pas être unies entre elles de manière à permettre la transmission des excitations de l’une à l’autre, c’est- à-dire qu’il leur manque la faculté qui a sa plus haute expression dans le sys- tème nerveux des animaux plus élevés. M. W. Savizce Kewr, après avoir rappelé les découvertes de James Clark et de Carter, dit que le fait de la possession en commun par les Éponges et les Pro- tozoaires flagellifères d'éléments aussi caractéristiques que les cellules à colle- rette, et qui ne se trouvent nulle part ailleurs dans le régime animal, doit entraîner la conviction qu'il existe, en tout cas, une relation phylogénétique très étroite entre ces deux groupes. Il cite les cas où les Choano-flagellés forment des agrégats des cellules à collerette reposant sur des cellules non cilées, et reproduisant alors la structure typique d’une blastula d'Éponge. Il termine en regrettant que les savants éminents qui ont déterminé la ten- dance actuelle à rapprocher les Éponges des Cœlentérés n'aient pas songé à étudier concurremment Ja biologie et l’organisation des Choano-flagellés. Il regrette aussi que les études poussées aussi loin aujourd’hui sur les tissus des Eponges soient toujours faites d’après des spécimens conservés, où les aspects caractéristiques des éléments essentiels sont détruits ou déformés. L’abandon de la « bouteille à confitures » (pickle bottle) et le retour à l’investigation sur le vivant débarrasseraient à coup sûr les Éponges d’une parenté imméritée. M. F.-E. Scaurzr, président, en terminant la discussion, exprime le doute que les résultats actuels de l’embryologie soient capables de résoudre la ques- tion. On doit, dit-il, diviser les Métazoaires en deux séries, suivant que les élé- ments sont disposés radiairement ou bilatéralement. Les Spongiaires appartien- nent à la première catégorie; ce sont des Cœlentérés radiaires, voisins des Cnidaires. En somme, autant qu’on en peut juger par cette discussion, qui n’a pas, d’ail- leurs, apporté d'arguments nouveaux, la grande majorité au moins des z0olo- gistes est d’accord pour rejeter l’Éponge-Protozoaire et l'Éponge-Cœlentéré (sensu stricto). La tendonce générale est de regarder les Spongiaires comme un phylum indépendant, sorti des Protozoaires par la porte des Choano-flagellés, Mais les avis sont plus partagés sur la question, plus secondaire après tout, de décider si leur voie évolutive a été d'emblée indépendante, ou si elle s’est con- fondue au début, pour un court trajet, avec celle des Métazoaires. Origine des Mammifères. — M. H.-G. SeeLey rappelle en commençant que, dès qu’on eût découvert chez certains Dinosauriens des os des membres et du bassin conformés comme ceux des Oiseaux, on s’empressa de réunir Reptiles et LVIII NOTES ET REVUE. Oiseaux dans un même groupe sous le nom de Sauropsidés. De même, quand il fut démontré que d’autres Reptiles éteints présentaient parfois des dents et cer- tains os tout semblables à ceux des Mammifères, on n’hésita pas à faire, sous le nom de T'héropsidés, un nouveau groupe englobant les Anomodontes et les Mam- mifères inférieurs. Les Iguanodontes, parmi les Dinosauriens, étaient les ancé- tres des Oiseaux, et les Thériodontes, parmi les Anomodontes, étaient les ancêtres des Mammifères. Mais, à serrer la question de plus près, il ne semble pas que cette opinion soit justifiée. Certains Anomodontes présentent, à coup sûr, des caractères qui les rappro- chent des Mammifères ; tels sont : la forme du bassin en général, Particulation des côtes dans l'intervalle de deux vertèbres consécutives, les véritables molaires du Tritylodon et des Gomphodontes. Mais d’autres caractères les éloignent : en particulier, la constitution du maxillaire inférieur qui est toujours formé d'os distincts, la forme de la cavité encéphalique et la petitesse du cerveau. De plus, par certains traits de leur squelette, les Anomodontes montrent plus de ressem- blance avec d’autres Reptiles éteints (Dinosauriens, Labyrinthodontes même), que personne ne songe à placer sur la voie évolutive des Mammifères, qu'avec les Mammifères eux-mêmes. Néanmoins, les affinités mammaliennes sont indéniables. Mais, les Mono- trèmes ovipares étant incontestablement les plus inférieurs des Mammifères, si les Anomodontes étaient les ancêtres directs de ceux-ci, c’est avec les Mono- trèmes actuels qu’on devrait leur trouver le plus grand nombre de caractères communs. Or, s’il est vrai que le Pareiasaurus et les Dicynodontes se rappro- chent des Monotrèmes par les caractères de la ceinture scapulaire et de larticu- lation du maxillaire inférieur, d’autres types voisins, les Thériodontes, montrent, dans les mêmes parties, une ressemblance plus étroite avec les Mammifères supérieurs. Et les molaires accusent encore des affinités plus multiples : elles sont du type carnivore chez le Cynognathus, rongeur chez le Diademodon, insec- tivore chez le Trirachodon, etc. De tous ces faits, l’orateur conclut que les Anomodontes ne sont pas les ancé- tres directs des Mammifères, mais une branche collatérale. Les Anomodontes permiens sont, à la vérité, les plus anciens Reptiles connus ; mais nous n'avons pas le droit de supposer qu'il n’en existait pas d’autres antérieurement. Le peu de distance qui existe, en somme, entre eux et les Mammifères donne même à supposer que leur ancêtre commun ne devait pas vivre à une époque bien éloi- gnée et qu'on peut espérer le retrouver un jour dans les formations antérieures, silurienne ou dévonienne. M. H.-F. OsBorN expose qu’au point de vue de l’adaptation à leurs condi- tions d’existence, les Mammifères actuels peuvent être rapportés à quatre types, et que le point du départ de chacune de ces adaptative radiations a été un petit Mamuifère terrestre non spécialisé. Nous ne pouvons pas remonter la filiation généalogique des Mammifères au delà de l’époque jurassique, où les Mammi- fères, tous petits, appartenaient à trois groupes : les Insectivores primitifs, qu'on a, sans raisons suffisantes, regardés comme des Marsupiaux ; les Multituberculés, qui étaient probablement des Monotrèmes primitifs, et les vrais Marsupiaux. D'autre part, les Reptiles permiens formaient également trois groupes, et l’un NOTES ET REVUE. LIX d'eux, par le nombre et l'importance de ses caractères mammaliens, nous amène à relier les Anomodontes herbivores aux Monotrèmes. Toutefois, l’orateur est d'accord avec M. Seeley pour faire des Anomodontes non les ancêtres directs des Mammifères, mais une branche collatérale. Seulement, il pense qu’on .trouvera plutôt la souche commune des Mammifères et des Anomodontes dans un troi- sième sous-groupe de ces derniers, contemporain peut-être des formes déjà con- nues, mais plus petit et moins spécialisé. M. C. Marsa pense aussi que l’ancêtre des Mammifères ne doit pas être cherché parmi les Anomodontes gigantesques, mais parmi des formes plus petites. En tout cas, le large fossé qui sépare les Anomodontes des Mammifères est loin d’être comblé. M. E. HæckeL rappelle qu’il a déjà discuté cette question avec Huxley et Lyell, il y a trente-deux ans. On ne peut plus soutenir aujourd'hui l’origine polyphylétique des Mammifères placentaires. Leurs différents types convergent d’une façon si frappante qu’on doit les regarder tous comme dérivés d’un ancêtre marsupial. M. A. Sencwicr se montre quelque peu sceptique au sujet de la solution pro- chaine du problème. Il attend peu de l’embryologie, qui ne fournit aucune ré- ponse à certaines questions pourtant beaucoup plus simples, et moins encore de la paléontologie, car les ancêtres de presque tous les groupes actuels vivaient déjà à l’époque précambrienne, et toute trace en a disparu. Enfin, M. W. Husrecur, président, répond que la valeur de l’embryologie est surtout destructive, c’est-à-dire propre à interdire certaines lignes de spécula- tion. Quant à l'opinion actuelle de M. Hæckel, elle ne lui paraît pas admissible, puisque Hill et Semon ont trouvé, chez deux genres de Marsupiaux australiens, un rudiment de placenta. En dehors des réunions plénières, de nombreuses communications ont été faites et discutées dans les séances des quatre sections entre lesquelles s’est par- tagé le Congrès (Zoologie générale, Vertébrés, Arthropodes, autres Invertébrés). Nous nous bornons à en donnerici l’énumération méthodique; les intéressés les trouveront publiées ën extenso dans le volume du Congrès, qui ne tardera pas à paraïtre. ZOOLOGIE GÉNÉRALE. C. Marsa. — La Valeur des spécimens types et l'importance de leur conser- vation. P. Pecsenrer. — L'Utilité de l’uniformité d'orientation zoologique. J. Marey. — Du concours nécessaire de la physiologie et de l'anatomie com- parée pour la connaissance de la locomotion animale. J.-A. Harvie. — Sur un code des couleurs. E. HæokeL. — La Classification phylogénétique. W. Sazensxy. — L'Æétéroblastie. E. Perrier et M. MaLarp. — Sur les relations à établir entre les différents laboratoires maritimes pour l'étude de certaines questions de biologie générale des êtres marins. ; K. Mrrsuxurr. — La Zoologie au Japon. LX NOTES ET REVUE. VERTÉBRÉS. E. Hæckez. — Nos connaissances actuelles sur la descendance de l’homme. E. Dusois. — Remarques sur le moule encéphalique du Pithecanthropus ereclus. W.-H. Ducxworrta. — Note sur les Singes anthropoïdes. E. pe Pousarques. — Présentation de planches coloriées du Rhinopithecus Bieti, des deux sexes et de différents âges. J.-C. EwarT. — Hybrides du Cheval et du Zèbre des Somalis, A. Nrrscne. — Sur les bois de Cerfs à plus de deux andouillers et sur les cornes des Ruminants en général. H. OsBorx. — Un Hyracoïde fossile de Samos (pliocène inférieur), type nou- veau (le premier Hyracoïde tertiaire connu). J.-F. Van BEMMELEN. — Sur la structure de l'arc temporal chez les Mono- trèmes. W. Huprecut. — Sur les processus hématopoiétiques dans le placeata. A. Carruccio. — Indications principales sur les Vertébrés de la nouvelle col- lection régionale romaine. A. Mizxe Epwarps. — Sur les animaux éteints de Madagascar. W. Savizze KENT. — La Locomotion bipède chez les Lézards actuels. Wozrersrorrr. — Sur les Urodèles de l’ancien monde. J. Gramam Kerr. — Remarques sur une exposition relative à la biologie du Lepidosiren. W. Sazensky. — Le Développement de l’ichéhyopteryqrum. L. VarzzanT. — De la structure spéciale des épines chez les Apogonint et quelques autres Poissons acanthoptérygiens. Heymans et VAN DER STRiCHT. — Quelques données sur le système nerveux de l’Amphioæus. ARTHROPODES. Ch. JanxeT. — Constitution morphologique de la tête de l'Insecte arrivé à l’état d’imago. D. SxarP. — Quelques points de la classification des Insectes. E. Ouivier. — Sur les affinités des Lampyrides des Antilles. C. Piepers. — Évolution de la couleur chez les Lépidoptères. BorpAGE. — Expériences sur la relation qui existe entre la couleur du milieu et la couleur des chrysalides de certains Lépidoptères. E.-L. Bouvier. — Les Caractères externes du Peripatus. A. Dozzrus. — Sur la distribution géographique des Isopodes dans le nord de l’Afrique. M. Cauzcery et F. MESNIL. — Sur les Monstrillides, Copépodes parasites des Annélides, et sur Metschnikowella, parasite des Grégarines. VERS ET PLATODES. E.-S. Goopricu. — Sur un nouveau type de néphridie chez Glycera. M. Cauzcery et K. MEsniz. — Formes épitoques des Annélides et, en parti- culier, des Cirrhatuliens. P. DE FAUVEL. — Les Stades post-larvaires des Arénicoles. CG. RoussELET. — Présentation de Rotifères préparés. L. RouLe. — Sur la structure de la larve actinotroque des Phoronidiens. F. Vespovsky. — Nouveaux organes tégumentaires sensoriels des Rhyncho- bdellides. — La Fertilisation de l’œuf de Rhynchelmis. L. von GRarr. — Distribution géographique des Planaires terrestres. F. Zscuoxke. — Entozoaires des Mammifères aplacentaires. NOTES ET REVUE. LxI MOLLUSQUES ET ÉCHINODERMES. F.-W. Harmer. — La Distribution dans le temps et dans l’espace du Fusus antiquus et de ses alliés. P. PELSENEER. — Sur la condensation embryogénique chez un Nudibranche (Xenia coxi). L. PLare. — Sur l'anatomie comparée des Chitons,. E.-W. Mac-Brine. — L'Origine des Échinodermes. COELENTÉRÉS . S.-J. Hickson. — Sur les Méduses des Millépores. J. Sranzey GaRDINER. — La Construction des Attolls. E.-L. Mark. — Un nouveau type d’Actinie (Branchiocer ianthus). G.-C. Bourne. — La Structure et la Formation du squelette calcaire chez les Anthozoaires. PROTOZOAIRES. W. Scuewiarorr. — Nouvelle Méthode de coloration des cils, flagelles et autres organes locomoteurs des Protozoaires. A, Kanraacx et G. DurHam. — La Maladie de la Tsé-tsé chez les Mam- mifères. L. PLare. — Sur un nouveau parasite des cellules. Enfin, pendant que ces questions se traitaient en séances, on pouvait exa- miner à loisir, disposées sur de longues tables dans le laboratoire de zoologie, transformé ainsi en musée, de nombreuses séries de pièces montées ou de prépa- rations microscopiques présentées par les auteurs qui, pour la plupart, avaient tenu à honneur de mettre sous les yeux de leurs collègues les pièces démons- tratives à l’appui de leurs communications. Beaucoup étaient d’un très grand in- térêt. IL est impossible de tout citer; nous avons remarqué surtout : La belle collection des Rotifères de M. Rousselet, admirablement épanouis et fixés. M. Rousselet a communiqué au Congrès son procédé, qui consiste à narcotiser les animaux à l’aide de la solution suivante, qu'on dépose goutte à goutte : Chlorhydrate de cocaïne à 2 pour 100............ 3 parties. Alcool méthylique............................. 1 — Eau distillée....... TA RAR Re NS Sean te 6 —- Puis on fixe les animaux à l’aide de l’acide osmique très faible, et on monte, après lavage, dans le formol à 2,5 pour 100. Une série de trente-deux œufs et embryons préparés 2n loto et montrant tous les stades du développement du Lepidosiren paradoxa, à partir du premier sillon de segmentation. Un squelette monté dans l'alcool et plusieurs beaux spécimens d'adultes des deux sexes, les mâles montrant les grandes touffes de filaments par- ticuliers qui se développent sur les membres postérieurs à l'époque de la repro- duction, complétaient cette remarquable collection, fruit des patientes recherches effectuées il y a deux ans par M. Graham Kerr dans la région du Gran Chaco Paraguay), LXIL NOTES ET REVUE. Une collection considérable d'individus appartenant à quelques espèces (Pa- rarge egeria, Pieris napi surtout) de Lépidoptères recueillis par M. Bateson dans toutes les régions de l’Europe et montrant d’une façon frappante les caractères et les limites de la variation dans une même espèce. DeM. Willey, des Peripatus Novæ-Zelandiæ, un À mphioxus particulier (A syme- fron caudatum) de la Nouvelle-Guinée, un Balanoglosse (Piychodera) nouveau de la Nouvelle-Angleterre, des pièces montrant les curieux phénomènes d’auto- tomie du pied chez les Æarpa ventricosa, et surtout quelques œufs de Nautile, inconnus jusqu’à présent dans les collections et très remarquables avec leur grande coque de 3 centimètres environ de long, parcheminée et côtelée. Les belles coupes de Cephalodiscus dodecalophus exposées par M. Harmer. Dans le domaine de l’histologie et de la technique microscopique, il faut citer avant tout les nombreuses et remarquables préparations de fibrilles et de réseaux nerveux de M. Apathy, les coupes de M. Vejdovsky pour les premiers phénomènes de la maturation et de la segmentation de l’œuf, celles de M. Hubrecht pour l'hé- matopoièse dans le placenta des Mammifères. M. Durham a exposé plusieurs préparations du parasite qui produit la « ma- ladie de la Tsé-tsé » dans certaines régions de l'Afrique équatoriale. C’est un Protozoaire flagellé du genre 7'rypanosoma, qui vit dans le sang des animaux. On sait, depuis les recherches de Bruce que la mouche Tsé-tsé n’est que le véhi- eule de la maladie qu’elle puise dans le sang des animaux sauvages et qu'elle transmet par sa piqûre aux animaux domestiques : cheval, âne, bœuf, chèvre, chien, pour lesquels elle est fatalement mortelle. MM. Caullery et Mesnil ont présenté plusieurs parasites intéressants, divers Monstrillides appartenant au genre Thaumaleus, Copépodes qui sont pélagiques à l’état adulte, mais, dans leur jeune âge, parasites internes des Polydores et des Salmacines, et un parasite de parasite, pour lequel ils ont créé le genre Meisch- nikowella, Sporozoaire parasite des Grégarines, qui vivent elles-mêmes dans le tube digestif du Spio martinensis. M. Budgett a exposé des dessins, des œufs et des embrvons à divers stades d'un Batracien arboricole de l'Amérique du Sud, le Phyllomedusa hypochon- drialis , qui subit son développement non dans l’eau, mais sur les feuilles que la mère a enroulées en cornet avant d’y pondre. M. Hickson a exposé des préparations et des coupes très démonstratives de Millepora, montrant en place et à diverses phases de leur évolution des Méduses mâles et femelles : ces dernières étaient inconnues jusqu’à présent. M. Stanley Gardiner montre divers Coraux : Cycloseris, Astrocyathus, Fungia patella, à différents degrés de leur développement post-embryonnaire, pendant lesquels ils sont très différents de ce qu’ils sont à l’état adulte. M. Heymons présente quelques préparations d’embryons du Scolopendra cin- qulata montrant parfaitement les somites de la région céphalique, et de Gryllo- talpa vulgaris au début de la segmentation du corps. Je terminerai en citant encore les Radiolaires de M. Hæckel, les Foraminifères de M. Lister, les embryons de Peripatus de M. Sedgwick et l'abondante collec- tion de Termites dans l'alcool de M. Haviland. Ces exhibitions ne sont pas le côté le moins intéressant du Congrès. Un bon NOTES ET REVUE. LXII nombre ont servi à des travaux déjà publiés. Elles permettent au visiteur de voir beaucoup en peu de temps, de contrôler et de rectifier au besoin les jugements portés d’après ses lectures. IL faut remercier les exposants de la bonne grace avec Jaquelle ils les ont soumises à leurs collègues et souhaiter que, plus nom- breuses et plus importantes encore au prochain Congrès, elles y donnent un ta- bleau à peu près complet du labeur scientifique réalisé dans l'intervalle. G. PRUvOT. XVI CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA POURPRE, Par M. A. DEDEKIND. (Ein Beitrag zur Purpurkunde, Berlin, Mayer et Müller, 1898.) M. Dedekind revient, dans ce travail, sur l’étymologie qu'il à déjà indiquée ? pour le mot moooûpec, et y trouve l'explication de nombreux passages restés obseurs dans les auteurs anciens. Ce mot a deux significations; sans doute, il exprime la couleur de la pourpre, mais il a aussi un autre sens. En effet, Homère l’applique à la mer, à un nuage, à la mort ; Horace emploie le mot purpureus pour des cygnes, et Pedo Albinovanus pour de la neige, Ces mots doivent donc avoir un autre sens que «pourpré »; l’étymologie va nous Île fournir. L'auteur commence par regretter que, dans la plupart des universités d’Eu- rope, l’on ignoreles « stupéfiants» progrès accomplis surtout par les Français dans la science de la pourpre?. Il résume les travaux de M. Letellier et surtout de M. de Lacaze-Duthiers, pour lequel il professe un véritable culte. Aussi place-t-1l comme ‘frontispice à son ouvrage le portrait de celui qu'il appelle : der Nestor der Purpurforscher. À la fin du volume figurent deux dessins de M. de Lacaze- Duthiers, déjà publiés dans les Archives*. Les deux teintes reproduites sont les pôles d’une incroyable multitude de nuances, variées surtout avec Murex trun- culus, dont la pourpre est bleue ou violette, tandis que celle de Purpura Lœmas- toma est toujours d’un carmin plus ou moins foncé. Il y a donc deux couleurs fondamentales de pourpre : le carmin ou rouge (pourpre oxyblatta ou tyria, en assyrien argamannu), et le violet ou bleu (kyacinthina où amethystina, en assv- rien éakiltu). En arrêtant l’action du soleil avant le développement complet de la couleur, on obtient des variétés de teintes innombrables ; on peut, par exemple, produire un vert bleuâtre répondant à l’expression de. Pline : érascentr similis mari. Beaucoup de commentateurs, incapables de concevoir une pourpre qui ne fût pas rouge, avaient affirmé que les vagues de la Méditerranée étaient rouges lors des tempêtes ! 1 Archives de zoologie expérimentale, 3° sér., t. IV, 1896, p. 505. 2 M. Dedekind a proposé le mot de Pourprologie pour désigner cette science ; nous préférerions Porphyrologie. 3 Archives de zoologie expérimentale, 3° sér., &, IV, 1896, pl. XIX et XX. LXIV NOTES ET REVUE. M. Dedekind, après avoir cité un grand nombre d’auteurs qui ont parlé de ces changements de couleur, conclut de ces citations que les variations de la matière à pourpre étaient parfaitement connues des anciens. La philologie le montre mieux encore : le mot mcpwôpecs dérive de la racine indo-germanique bhour, dont l’'augmentatif est bharbhour, signifiant « s’agiter fortement, frétiller ». Cette expression convient parfaitement au changement rapide de couleur de la matière à pourpre sous l’action du soleil. Donc le sens primitif de mopybpeos exprime un mouvement rapide et, par extension, la couleur pourprée. Appliquant cette remarque à des passages embarrassants d'auteurs anciens, M. Dedekind les explique sans difficulté. Ainsi : mepouoën ds, mopobpeoy xp (Homère) veulent dire : « la mer agitée » (à ce propos, l’auteur, dont l’érudition est universelle, parle de la propagation des ondes sismiques et de l’éruption du Krakatoa) ;— mopwpeos Oévaros (Homère) devient la «mort inopinée »;—mopqupen veoéan (Homère : il s’agit du nuage enchanté dans lequel Athéné descend parmi les Grecs), veut dire : « nuage rapide» ; — mopœupér tpte (Homère), c’est « l'arc- en-ciel, qui apparaît brusquement » : ici l’auteur parle des dimensions des gouttes d’eau nécessaires pour produire des arcs de différentes couleurs, etc. Les Romains, imitant les Grecs, ont employé souvent le mot purpureus avec le même sens de « agité ». Ainsi mare purpureum (Virgile) signifie « la mer agitée »; — purpurea anima (Virgile), « le souffle haletant » ; — bracchia purpureà candi- diora nive (Pedo Albinovanus?), passage que Bæhrens supposait altéré, ne pou- vant le comprendre, signifie «des bras plus blancs que la neige tourbillonnante» ; — purpurei olores (Horace), expression pour laquelle O0. Keller avait supposé que Vénus était traînée par des cygnes pourprés, comme Neptune par des che- vaux bleus, veut dire tout simplement: « des cygnes rapides 1»; — purpuret manes, devient « les ombres inquiètes » qu’il faut apaiser par des sacrifices; — purpureas super cervices (Perse : il s’agit de l’épée de Damoclès) signifie : €sur la tête inquiète »; — purpureum mustum, «le moût bouillonnant »; — ver pur- pureum (Virgile) : «le printemps qui agite, qui excite », etc. Mais il à fini par arriver aux auteurs latins de traduire machinalement les expressions grecques, sans faire attention au double sens du mot mopœupsoc. Ainsi Virgile à parfois remplacé le mot purpureus par un autre, tel que rubens, qui n’a plus du tout le sens de « agité », et qui alors n’est souvent pas à sa place, comme, par exemple, dans l’expression vere rubenti. Il ne comprenait donc plus exacte- ment lui-même le sens primitif de purpureus, et ses successeurs l’oublièrent entièrement. L’étymologie a permis de le retrouver. Dans le cours de son travail, M. Dedekind réimprime le mémoire de W. Cole (1685) et, en appendice, ceux de E. Bask (1686), Steger (1741), Richter (1741), Roswall (1750), etc. À. RoBert. 1 M. Dedekind nous signale dans une lettre un passage de H.-0. Lenz, d'après lequel il suffirait de nourrir uniquement de poissons des oiseaux aquatiques pourles rendre roses! Paru le 95 janvier 1899. Les directeurs : H. pe LacAze-DurTuiers et G. PRuvVOr. Les gérants : SCHLEICHER FRÈRES. ARCHIVES DE ZOOLOGTE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE H. DE LACAZE-DUTHIERS ET G. PRUVOT Membre de l'Institut. Professeur à l'Université de Grenoble. 3e SÉRIE, T. VI. NOTES ET REVUE. No 5. XVII LA RÉGION ABSORBANTE DANS L'INTESTIN DE LA BLATTE, CRITIQUE D'UN TRAVAIL DE METALNIKOFF, Par L. CuÉNoT, Professeur à l’Université de Nancy. On sait que le tube digestif des Insectes comprend trois parties : une antérieure (æsophage et filtre œsophagien), qui est revêtue d’une cuticule chitineuse, une moyenne sans cuticule, et enfin une termi- nale (portion rétrécie, gros intestin et poche rectale), qui porte de nouveau une cuticule de chitine. Chez la Blatte (Periplaneta orien- talis L.), l'intestin moyen porte à son début huit longs cæcums cylin- driques qui en accroissent notablement la surface, et sa limite infé- rieure est marquée très exactement par l'insertion des lubes de Malpighi. f Dans quelle région se fait l'absorption des produits solubles de la digestion ? À priori, il est vraisemblable qu'elle doit avoir lieu dans l'intestin moyen, la seule région où les cellules soient à nu; il est connu, en effet, qu'une cuticule chitineuse, même très mince, se prête assez mal à l’osmose. En faisant ingérer des liquides colorés à des Blattes et autres Orthoptères!, je constate, quelques jours après, 1 Cuénor, Études physiologiques sur les Orthoptères (Archives de biologie; t. XIV, 1895, p. 293). ARCH. DE ZOOL, EXP. HI GENe — 93€ SERIR. = Te. VI. 180. E LXVI NOTES ET REVUE. que l'intestin moyen el ses Cæcums sont seuls remplis du liquide coloré qui s'arrête parfois juste au début de l'intestin terminal ; la teinte est très foncée dans les cæcums ei se dégrade légèrement à mesure que l’on descend dans l'intestin moyen. À la vérité, je nai pas vu les couleurs traverser l'épithélium, en raison de la faculté que possèdent ces cellules de ne pas absorber la plupart des produits inutiles; mais enfin, le fait que la couleur séjourne longtemps dans l'intestin moyen et entre en abondance dans les cæcums rend bien probable que l'absorption des produits normaux de la digestion à lieu dans les mêmes régions. Du reste, je constate positivement que la graisse est absorbée dans l’intestin moyen. Ces observations s'accordent d’ailleurs avec celles de diversauteurs”: Vangel ? remarque que lorsqu'un Hydrophile séjourne quelque temps Gans des solutions aqueuses colorées, il n y à que l'intestin moyen qui se colore; {Voinov* nourrit des larves d_Æschna avec de la viande mélangée de bleu de méthylène; au bout de huit jours, si l'on ouvre l'intestin moyen, on voit que sa face interne présente des bandes transversales colorées, indiquant les cégions d'absorption. Pantel* place des larves d'un Diptère (Thricion Halidayanum Rond.) dans une solution salée additionnée de bleu de méthylène; après un certain temps, les cellules de l'intestin moyen se colorent visiblement en bleu, et, sans aucun doute, la couleur est absorbée, puisqu'on la retrouve éliminée par les tubes de Malpighi. Metalnikoff *, par une méthode un peu différente, est arrivé à un tout autre résultat : il donne à des Blattes du pain imbibé d’une dis- solution d’un sel de fer (ferrum oxydatum saccharatum, où saccharolé de fer), puis traite le tube digestif successivement par une solution de ferrocyanure de potassium et une solution faible d'acide chlorhy- drique, de façon à produire la réaction du bleu de Prusse. Natu- rellement, si le fer est absorbé, la région absorbante se colorera en 1 Bien entendu, je ne mentionne ici que les opinions qui reposent sur une base expérimentale. 2 Vancer, Beiträge zur Anatomie. Histologie und Physiologie des Verdaungsappa- rates des Wasserkäfers Hydrophilus piceus. Naf. Hefte Pest, Bd X, 1886, p. 190. 3 Vornov, Épithélium digestif des nymphes d’Æschna (Bulletin de la Société des sciences de Bucarest, t. VII, janvier-février 1898, p. 49). » Panres, Le Thrixion Halidayanum Rond. Essai monographique sur les caractères extérieurs, la biologie et l'anatomie d'une larve parasite du groupe des Tachinaires (la Cellule, t. XV, 1898, p. 7). 5 Maraunixorr, Sur l’absorptlion du fer par le tube digestif de la Blatte (en russe) {Bulletin de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbour g (5), t. IV, mai 1896. p. 495). NOLES El REMUE. LXVIL bleu par suite de la production de bleu de Prusse dans ses cellules. Or, Metalnikoff constate que l'intestin moyen reste incolore, tandis que l'intestin terminal seul {gros intestin) devient d’un bleu foncé, la couleur siégeant en grains dans le cytoplasme de ses cellules; en conséquence, Metalnikoff attribue exclusivement la fonction absorbante à l'intestin terminal. 4% L'expérience et la conclusion de Metalnikoff sem- CLS . blent irréprochables, et cependant, il s’est complè- je 1 tement trompé, induit en erreur par une particu- 1 Lee larité curieuse de la Blatte. AE, Voulant vérifier cette expérience, J'ai traité par «| les réactifs (ferrocyanure et acide chlorhydrique!), fé va d'abord des Blattes normales, venant d'être prises dans une boulangerie ou gardées longtemps en captivité avec une nourriture exempte de fer: Je constate que l'intestin terminal se colore presque tou- Jours en bleu plus ou moins foncé, couleur qui est, en effet, localisée dans la paroi épithéliale; la teinte est beaucoup plus faible cheziles mâles, dont l’in- Fig. 1. ; - QUE È Tube digestif de Pe- testin terminal a, d’ailleurs, un volume moindre riplanefa orientalis que celui des femelles. Chez ces dernières (fig.4),, ©, individu , nor- la teinte apparaît aussitôt après la porlion rétrécie 4, œsophage où jabot surmonté des glan- qui fait suite aux tubes de Malpighi, et se dégrade 4es salivaires : 4. fil. tre œsophagien: €, cæ- légèrement lorsqu'on approche de la poche rectale. Gums de l'intestin moyen; 4, fin de l’in- Pefer, qui donne la réaction chez ces Blattes nor-,\ pénmoyen (inser- Ê : Ê tion des tubes de Mal- males, ne provient pas d’une absorption antérieure, pighi): e portion ré. trécie de l'intestin car j'ai gardé des Blattes en captivité pendant un terminal, terminée - : : : ar unrétrécissement mois et demi, nourries exclusivement avec de la favulaire : f. gros : ae ee : : intestin, riche en fer, farine et de l’eau distillée, et j’ai toujours constaté, &t coloréenbleu foncé lus d : ic divi l A R : parla réaction du bleu sur plus de vingt individus, la mème coloration %e Prusse: g, poche . . © rectal : bleue. L’intestin terminal des Blattes renferme donc ‘°° normalement du fer en quantité variable suivant les individus et les 1 La Blatte est disséquée à sec avec des instruments nickelés, et piquée avec des épines, pour éviter tout contact de fer; la préparation est arrosée de ferrocyanure de potassium (solution à 4,5 pour 400 dans l’eau distillée) pendant un quart d'heure, puis d’acide chlorhydrique (0,5 pour 100) pendant le même temps. Pour faire la réaction sur coupes, l'intestin est fixé au sublimé, déshydraté, enrobé et collé comme d'habitude ; les coupes, après la réaction du bleu de Prusse, sont lavées à l'eau et colorées au carmin boracique. On oblient ainsi des préparations vraiment démon- stratives. LXVIIL NOTES EL REVUE. sexes: du reste, Metalnikoff a trouvé aussi du fer dans l'intestin ter- minal des Blattes normales, mais en quantité beaucoup moindre, dit-il, que chez les animaux nourris ou injectés avec le sel ferreux. Pour ma part, je n'ai pas vu de différence notable. Ce point une fois acquis, j'ai nourri des Blattes avec une bouillie de farine mélangée avec du lactate de fer; pour être bien sûr quelles en mangent, on n’a qu'à les en barbouiller : les Blattes se lèchent, et l’on peut constater que le contenu du jabot donne pendant quel- ques jours la réaction du bleu de Prusse. Après un temps très variable, dix-huit heures, quarante-huit heures, on peut mettre en évidence la région d'absorption ; en arrosant la Blaite disséquée, comme il a été dit plus haut, on voit que l'intestin moyen, et notamment les cæcums, se colorent en bleu plus ou moins foncé, presque aussi foncé que l'intestin terminal; la teinte est due à ce que le contenu semi-liquide de ces régions renferme une quan- tité notable de fer, mais, de plus, les coupes montrent avec certitude le bleu dans les cellules mêmes de l'intestin moyen (fig. 2). C'est donc bien cette région qui joue le rôle capital dans l'absorption, el si Metalnikoff n’a pas vu de coloration bleue dans l'intestin moyen, c'est que, très probablement, ses Blattes n'avaient pas mangé le pain imbibé du sel de fer. On sait que l’épithélium de l'intestin moyen comprend des cellules cylindriques, présentant une grande activité sécrétoire, qui alternent très régulièrement avec des centres germinatifs formés de cellules jeunes, se multipliant par mitose et remplaçant peu à peu les élé- ments fonctionnels ‘; la figure 2 rappellera les choses mieux qu'une longue description. Or, ce sont uniquement les cellules actives, éta- lées en éventail, qui absorbent le fer; on voit la coloration bleue dif- fuse dans tout le cytoplasme de la cellule, jusqu’au contact de la basale conjonctive sur laquelle elle repose. Je ne saurais dire sile sel de fer qui donne la réaction est encore à l'état de lactate; je ne sais pas non plus s’il passe dans le cæœlome ; il m'a paru cependant que les cellules péricardiales, excrétrices comme l’on sait, se coloraient bien plus vivement en bleu verdàtre chez les Blattes en expérience que chez les individus normaux. L'absorption dulactate de fer, comme celle de la graisse et des autres 1 Voir, par exemple, le récent travail de Neenuam, The digestive epithelium of Dragonfly nymphs (Zool. Bulletin, t. 1, 1898, p. 103). NOTES ET REVUE. PIX produits dialysables de la digestion, a donc lieu dans l'intestin moyen, et si l'intestin terminal renferme une quantité notable de fer,c’est au cæœlome qu’il l’a emprunté, et non pas aux aliments. Il est possible que l’épithélium de l'intestin terminal accumule ce métal à titre de réserve, jouant ainsi un rôle analogue à celui que l’on attribue, d’une facon encore hypothétique, au foie des Vertébrés. 11 y a, en effet, chez la Blatte, une certaine quantité de fer qui est rejetée au dehors Fig. 2, Portion d’une coupe transversale d’un cæcum de l'intestin moyen, Periplanela orientalis, quelques jours après ingestion de lactate de fer. Pièce fixée au sublimé, réaction du bleu de Prusse sur coupes, coloration des noyaux au carmin boracique. a, cellules absorbantes, dont le cytoplasme est coloré en bleu ; b, centres germinatifs ; e, nucléole coloré en violet (superposition de la teinte du bleu de Prusse et du carmin) X 670. et perdue pour l’animal : les noyaux des cellules de l'intestin moyen, qui tombent dans l'intestin lors du remplacement épithélial, renfer- ment des traces de fer (le nueléole se colore en bleu pâle par les réac- tifs du bleu de Prusse); le cytoplasme des œufs, lorsque ceux-ci sont voisins de la maturité, contient une quantité notable du métal, si bien qu’ils se colorent en bleu de ciel par les mêmes réactifs. L’in- testin terminal serait un régulateur de la consommation du fer accu- mulant ce corps lorsqu'il y en a un excès versé dans le cœlome, et le restituant lorsqu'il y a demande de l'organisme. LXX NOTES ET REVUE. XVIII SUR LA FAUSSE POURPRE DES ANCIENS, Par M. A. DEDEKIND, Conservateur adjoint au Hof Museum de Vienne. Il est hors de doute qu'à côté de la pourpre véritable, celle qui était tirée des coquillages (Wurex, Purpura), les anciens ontemployé pour la teinture des tissus bien d’autres substances auxquelles ce terme de pourpre a été attribué abusivement. Les données sur la fausse pourpre abondent dans la littérature (Hugo Blümner.a traité cette matière à fond’), mais il règne encore à son sujet une confusion presque inextricable dont l'origine remonte à Pline. Pline n’était pas, on l’a reconnu depuis longtemps, un véritable naturaliste ; sa termi- nologie est des plus confuses quand il emploie les expressions pur- pura, murex, conchylium, buccinum. Ainsi, par exemple, il est certain, quoique H. Blümner nait pas su le reconnaître, qu'il confond la Purpura hæmastoma avec quelque autre matière colorante, quand il dit (IX, 434): «Buccinum per se damnaiur, quoniam fucum remiliit. » Cela doitse traduire par : « Parce que la couleur (de Purpura hæmas- loma) passe, déteint aisément », alors que la véritable pourpre de P. hæmastoma est, au contraire, un des meilleurs types de couleur inaltérable. 11 est plus que probable que Pline l’a confondue avec le fucus marinus (Vorseille) que l’on employait, soit pur, soit à l'élat de mélange, pour teindre des étoffes qui n'en élaient pas moins dési- gnées, il est vrai, sous le nom d'éfojfes conchyhennes. C'est cette notion de la pérennité de la pourpre véritable opposée à l'instabilité de ses divers succédanés, qui peut, avant tout, servir à débrouiller ce chaos créé peut-être au début par les fabricants inté-. ressés, mais conservé et accru par l'ignorance des auteurs el des com- mentaleurs. | fl faut, en réalité, distinguer trois grandes catégories dans les étoffes qualifiées à tort ou à raison de pourpr'ées : 4° Les étoffes de pourpre pure. Ce sont celles qui étaient teintes uniquement avec la pourpre des coquillages. On peut les répartir en quatre sections : 1 H. BLümner, Technologie und Terminologie der Gewerbe und Künsle bei Griechen . und Rômern, Leipzig, 1875, t. I, 4e sect., p. 215 et suivantes. NOTES ET REVUE. LXXI A. Les étoffes teintes avec la pourpre rouge seule, correspondant à l'argaman des Hébreux, et qui était fournie parle Murex brandaris et la Purpura hæmastoma ; B. Les étoffes teintes avec la pourpre hyacinthine ou violette seule, le thekeleth des Hébreux, produit du Murex trunculus ; C. Celles colorées par la même pourpre du Murex trunculus, mais arrêtée dans son développement, Purpura immatura aut viridis ; D. Celles teintes en pourpre tyrienne, c'est-à-dire par un mélange de la matière du Murex trunculus et de celle de la Purpura hæmas- toma (Purpura amethystina et Purpura tyria). Mais toutes avaient pour caractère commun l'inaltérabilité, non seulement de la couleur en elle-même, mais aussi du tissu qu'elle imprégnait, et ce caractère avait déjà vivement frappé les anciens, comme cela ressort du passage célèbre de Pline (VIIT, 48) : « Les vête- ments garnis de pourpre dont Servius Tullius avait revêtu la statue qu’il avait consacrée à la déesse Fortuna, furent conservés jusqu’à la mort de Séjan (qui mourut étranglé en 8! après J.-C.), et ce qui est véritablement surprenant, c’est qu'après 560 ans écoulés, ces vête- ments de pourpre n'étaient pas tombés en pièces ni rongés par les teignes. » Et Plutarque rapporte également (Alexandre, 36) qu'Alexandre le Grand trouva à Suse, en Perse, dans le trésor de Darius, pour une valeur de 3 000 talents (valeur représentant 12 millions deflorins d’or) d'étoffes mopoioas Eoprownis, qui avaient un âge de cent quatre-vingt- dix ans. 90 Les étoffes dans la leinture desquelles la pourpre n'entrait que pour une part, mélangée qu'elle était à d’autres substances. Ges étoffes étaient appelées textiles conchyliens ; elles avaient un ton plus clair que les étoffes de pourpre pure,et on les teignait avec une sauce renfermant, en outre de l’eau, de l'urine, de la farine de fèves, et parfois jusqu’à du sang des évacuations menstruelles. Mais 1! est cer- tain que le fond même de la teinture était souvent constitué par le Fucus marinus, c’est-à-dire l’orseille, comme le prouve notamment les passages suivants de Pline. Il dit, en effet (XXVI, 10) : « Phycos tha- lassion, id est fucus marinus, lactucæ similis, qui conchyliis subster- nitur. » Les auteurs, il est vrai, ne sont pas complètement d'accord sur l'interprétation de ce passage, car W.-A. Schmidt prend le terme substernere dans le sens de mélanger, indiquant une mixture de dif- férentes substances parmi lesquelles était l’orseille, Mais il ny à pas LXXI NOTES ET REVUE. de doute en ce qui concerne le second passage de Pline (XX VI, 66): « … C'est surtout le güxos 0xhdoctoy qu'on emploie pour se délivrer de cette maladie. Ce vüxos est l’orseille, dont on fait usage en couleur primitive (couleur matrice) quand on teint des étoffes conchyliennes. » 3 Les étoffes appelées abusivement pourprées, bien que la véritable pourpre de coquillage neût aucune part à leur teinture. Il ne faut pas oublier que cette fière expression, la pourpre, a été bien souvent le pavillon sous lequel se sont abritées bien d’autres substances, l'or- seille, la garance, le kermès, le sandix, etc., qui étaient pour ainsi dire les suppléants de la reine des couleurs, mais non la souveraine elle-même, quoiqu'elles réussissent à usurper parfois ses préroga- tives extérieures. Nous avons de nos jours encore des exemples de cette usurpation, ou tout au moins du sens extensif dans lequel est pris le mot pourpre. C'est ainsi que tout le monde parle couramment de la pourpre de nos cardinaux, alors que le pape Paul Il, en 1464, a imposé, à l'avenir, pour les vêtements des plus hauts dignitaires de l'Église, l'emploi du kermès, au lieu de la pourpre qui avait été en usage jusqu'à cette époque. IL en était de même chez les anciens. Voici un exemple frappant de l'erreur où cette expression élastique employée hors de propos, a pu faire tomber les porphyrologues les plus sérieux : Le docteur J.-H. Krause a écrit, en 4832, un mémoire très remar- quable sur la pourpre, et l'on y trouve le passage suivant : « Sous le règne de l'empereur Aurélien, un manteau Court, d’une belle pour- pre, fut envoyé à Rome comme cadeau du roi de Perse à empereur. Ce manteau resplendissait d’un tel éclat que toute autre pourpre, même celle du vêtement impérial, paraissait cendrée auprès de lui. Aurélien, puis Probus et Dioclétien, envoyèrent en Asie des teintu- riers pour découvrir la patrie de cette pourpre de Perse, mais ce fut en vain; ils ne trouvèrent nulle part une pourpre d'une semblable qualité (Vopise. Aurel., 98 et suiv.). » Ainsi, Krause parle là d'une pourpre, et dans un mémoire consacré exclusivement à cette sub- stance marine. Mais il omet de faire part à ses lecteurs du point prin- cipal, c’est-à-dire de ce que Vopiscus ajoute : « Dicitur enim sandix talem purpuram facere si curetur. » On voit par là qu'il s'agissait 1 Real-Encyclopädie d. classischen Allerthumswiss., herausg. v. À. Pauly, Stutt- gart, 1852, 4: MI, 1 Abth.; p.279:283: NOTES ET REVUE. LXXIIL d'une plante d'où était tirée cette couleur, abusivement qualifiée de pourpre. Blümner‘ a eu le mérite de faire connaître le véritable sens de ce passage, car il dit que «sandix est une espèce d’arbrisseau dont la fleur avait la couleur du kermès : déydpov Oapvodes où ro dvfoc ypoiv xoAw poson Eye, de Zostétos. C'est même, soit dit en passant, ce qui a fait conjecturer à M. Beckmann, que sandix, chez Vopiscus, était un synonyme de kermès, alors qu'il prend ailleurs le sandix de Virgile pour la garance *. Un autre exemple : ie manteau de Jésus-Christ est indiqué comme étant de pourpre, plusieurs fois par les évangélistes Marc et Jean, et par Mathieu comme élant teint au kermès : «Matthæus y Aap0èce xoxxivy vocat, quam roseveay Mareus,et Johannes ipdrioy xopgupoby appellant ,» C'est Mathieu seul qui est dans le vrai et qui emploie le terme propre. Mais à rapprocher ces différents passages, sans tenir compte du sens extensif du mot pourpre,on concluait, comme cela a été fait, du reste, que « la pourpre des Romains était fournie par le kermès ». On pourrait objecter que cette distinction n’existe que dans notre esprit, et que, en fait, les anciens rangeaient toutes ces substances au même tire parmi la pourpre. Mais il n’en est rien, et Samuel Bochart* a montré qu'ils distinguaient très bien les deux catégories, la vraie pourpre qui était appelée parfois &Awrépeupos, pourpre marine, «la pourpre de chilzon, id est Cochlea purpuraria » (p.719), et l’autre, désignée sous le nom de «mopgvecèc, vulgarem purpuram quæ diversæ fuit materiæ » (p. 738). Il dit à ce sujet : « Nota imprimis de rege Persarum Pollueis verba lib. VIT, cap. xur: OLpEY Gaotheroc xdvèuce ahumopouooc, © dE roy A Awy ropupolc. Quæ per- peram reddit interpres, Candys regis lotus purpureus, aliorum vero purpura ornatus erat. Totus purpureus essel Shoréosueoc, et purpura ornatus esset dtarépousoc, quorum neutrum habet Pollux; sed dicitur hurépovooc et ropovpcis. Itaque sensus est : Regis candyn seu tunicam ex marina purpura fuisse, quæ majoris erat pretii; sed reliquorum nobilium ex vulgari purpura, quæ diversæ fuit materiæ » (p.788). Qu'on se rappelle la célèbre mosaïque représentant la bataille d’Issus, qui a été trouvée à Pompéi. On y voit le fasrhedc, le roi Darius, vêtu d’un semblable « candys » violet; c'est la représentation d'un Loc roi Apa 2 BECKMANN, Beytr. Gesch. d. Erf., Lpzg., 1790, IIT, 1, p. 38. Matth, xxvir, 28; Marc., xv, 17, 20; Johann., x1ix, 2, 5. — Cf. Sam. Bocxanr, Hierozoicon, Londres, 1663, IL part., p. 733. # S. BocxaRT, Hierozoicon, Londres, 1663, 11, cap. xt, p. 734 el suivantes. 1 2 à LXXIV NOTES ET REVUE. vêtement teint en Purpura hyacinthina. Mais pas un archéologue n'a reconnu jusqu'ici que c'est la représentation d’un factAstos xdvôuc Surépoupes. Il ne faut pas oublier, il est vrai, que cette mosaique a été fabriquée par un Romain ou un Grec, peut-être même à l’époque où, comme nous le savons par Cornelius Nepos, la pourpre violette était à la mode chez les Romains. Darius était peut-être en réalité vêtu d'un candys rouge, et s’il avait pu voir son portrait, il aurait peut-être protesté conire son peu de fidélité, de même que les anciens Romains, s'ils pouvaient lire Shakspeare, ne manqueraient pas de lui reprocher d’avoir fait sonner la cloche pour annoncer la tombée de la nuit, dans sa tragédie de Jules César, ou d’avoir fait donner un livre à Brutus, livre où il déposa même un signet pour marquer l’en- droit où il avait interrompu sa lecture, tandis que les anciens ne con- naissaient que des papyrus qu’il fallait dérouler pour les lire. Revenons à Samuel Bochart. Il cite beaucoup d'espèces de cette pourpre vulgaire « quæ diversæ fuit materiæ ». Il dit, par exemple : «Præter purpuram marinam purpuræ factitiæ ‘ fuerunt variæ species: puta ex vacciniis, et alga eretica, et amorge herba, et herba pur- purea in Abasenis, et ibera ferrugine, et flore purpurea ad fontes Hyparchi fluminis, et indica sandice, quæ fuit divini fulgoris » (p. 734). Bochart parle plus loin, très en détail, de toutes ces sub- stances, et il ajoute (p. 738) : « [taque qui pressius loquuntur purpu- ram, quæ fit ex conchæ sanguine, marinam vocant draxptrrûe, ut ab alüis distinguant. » De toutes ces substances, je n’en veux retenir ici que deux, qui peuvent donner matière à quelques considérations intéressantes, l’orseille et le sandix. Que la substance appelée, dans le passage ci-dessus de Bochart, Alga cretica, soit le Fucus marinus de Pline, et celui-ci un lichen, le Roccella tinctoria L., dont on tire encore de nos jours les couleurs de l'orseille et du lacmus, c'est ce qui ressort avec évidence de la juxta- position des textes dont je mets 1ci sous les yeux des lecteurs quel- ques extraits. Pline dit (XII, 48) : « Il y a aussi, dans la mer, des arbrisseaux et des arbres, et l’on teint également en pourpre avec une espèce de oùros qui se trouve dans la partie septentrionale de la Crète. Il ny à 1 Je crois que factiliæ est une faute; le véritable terme me paraît être fictitiæ, feintes, trompeuses, pour essayer de faire croire que c'était de la véritable pourpre. NOTES ET REVUE, LXXV pas d'expression en aucune langue pour ce que les Grecs appellent avxcs. » M. Kuelb', qui traduit ce passage, ajoute : çùxes, d'où est dérivée notre expression fucus, est l’orseille, le Xoccella tincloria, que l’on appelle aussi orserlle d'herbe. Plin., XII, 436 : «(phyco) cirea Cretam insulam nato in petris pur- puras quoque inficiunt. » Plin,, XXII, 66 : « .… et algam maris laudatissima quæ in Creta insula juxta terram in petris nascitur linguendis etiam lanis ita colo- rem adligans, ut elui postea non possit. » Plin., XX VI, 10 : « Phycos thalassion, id est fucus marinus, lac- tucæ similis, qui conchyliis substernitur, tertium genus erispis foliis, quo in Creta vestes tingunt. » Acro ad Hor. Serm., I, 2,83 : « Fucus genus herbæ est, unde lana inficitur. » Beckmann, [,338, citece passage emprunté à Bauhin *: « Alga tinc- toria e Candia, qua tinctores utuntur nomine Roccellæ. » (Cf. Lenz, Botanik, p. 146.) vus H., pl. IV, 6, 5 : Ka! év Korn dE oœuerat mpèc 7h Vñ Ti TO REtoWY RAeïotoy La! AAA ALTTOY (cbuoc), © Barrouaty où pévov Tic rauvias AAA x Écra nat Indre. Kat Éuc à n rocooares N Pan rod xaA AW À yoca Les ire dernières citations montrent bien le véritable caractère de la teinture au fucus, qui, tant qu'elle était fraîche, surpassait la pourpre en éclat et en beauté, mais qui ne se conservait pas. L’or- seille, en effet, bleuit sous l’action d’une base chimique. Or, comme le sel de soude employé par les anciens pour le lavage des tissus a une réaction alcaline, les étoffes teintes de cette substance ne pouvaient que perdre rapidement leur beauté. Eubulus, de même (ap. Athen., p.557), plaisanteavec bonne humeur le mauvais tour que jouait la sueur à ceux qui mettaient du rouge de lichen *. | 1 Rôm. Prosaiker, herausg. v. Osiander u. Schwab : Caius Plinius secundus Nalurg., traduit et annoté par Ph. H. Kuelb. Stadtbibl. zu Mainz, Stuttgart, 1853. XII Bd, p. 1520 et 1521. ? BauœIN, Historia pianiarum, LIT, 2, p. 796. 3 THEOPHRASTE, IV, 6, 8, Meta ie: encore un autre lichen : 4onçmos : dë n Jobs (Fucus fimbrialus) sic Bawñv épiwv tais yuvaubiv, # Le fard n’était pas toujours roms. et Properce nous apprend qu’on employait à Rome, pour les tempes, un fard d’un bleu doux, destiné à faire croire, en dessinant le réseau des veines, à une grande délicatesse de la peau : « Si cœruleo quædam sua tempora fuco tinxerit. » (Propert., El, 14, 27.) LXXVI NOTES ET REVUE. Et ce contraste entre les deux teintures, la valeur inférieure de l’orseille qui servait souvent à falsifier la pourpre véritable, a même fini par passer dans le langage, et fucus a pris au figuré le sens de falsification comme, du reste, le mot fard chez nous, par exemple, dans l'expression farder la vérité. W. Freund en accumule les preuves dans son dictionnaire de la langue latine (Leipzig, 1844, t.If, p. 681): Fucus, s. m., de œùxss. — I. L'orseille, Lichen roccella Linn. (Plin. XIIE,48 ; XXVI, 66). — II. La couleur rouge, la pourpre en général : « Infici vestes sCi- mus admirabili fuco » (Plin., 22, 2, 3); dans le même sens chez: Hor. Od.,3,5, 28: Ep., 1, 10, 27; Ov. Metam., 6, 222; Val. Flacc., {, 427. Surtout le fard rouge : À. — Au propre: « Vetulæ quæ vitia corporis fuco occulunt » (Plaut. Most., 1, 3, 118); dans le même sens chez: Prop., 2, 48,31; Quintil. Inst., 2, 15,25: Plin., 31, 7, 42. B. — Au figuré: la falsification, l’art de dissimuler, l'art de feindre, etc. « His tribus figuris insidere quidam venustatis non fuco illitus, sed sanguine diffusus debet color » (Cie. De orat., 3, 52, 499). « Senten- tie tum veræ tam novéæ, tam sine pigmentis fucoque puerili » (id., 2, 45, 188). « Sed hic ornatus (orationis) non fuco ementitum colorem amet; sanguine et viribus niteat » (Quintil. Inst., 8, 3, 6). « In oratoris aut in poetæ eincinnis ac fuco » (Cic. De orat., 3, 25, 100). « Mercem sine fucis gestat, aperte, quod venale habet, ostendit » (Hor. Sat., 1, 2, 83). € Nec mendacis subdolis mihi usquam mantellum est meis, nec svcophantiis nec fucis ullum mantellum obviam est » (Plaut. Capt., 3, 3, 6). € Prensatunus P. Galba: sine fuco ac fallaciis, more ma- jorum » (Cie. Att., 1, 1, 1). « Deum sese in hominem convertisse, atque in alienas tegulas venisse clanculum per impluvium, fucum factum mulieri » (Ter. Eun., 3, 3, 41). « Si eum qui tibi promiserit, audieris fucum, ut dicitur, facere velle aut senseris » (Q. Cie. Pet. cons., 9, 35). Fucarus, a, um, adj. — Falsifié, paré (mot favori de Cicéron). « Secerni blan- dus amicus a vero et internosci tam potest adhibita diligentia quam omnia fucata et simulata a sinceris atque veris » (Cie. Læl., 25, 95). « Sucus ille et sanguis incorruptus usque ad hanc ætatem oratorum fuit, in qua naturalis imesset, non fucatus nitor » (id. Brut., 9, 36). « Fucati medicamenta candoris et ruboris omnia repellentur; elegantia modo et munditia remanebit » (id. Orat., 23,79). « Hæc sunt indicia, judices solida et expressa, hæc signa probitatis non fucata forensi specie, sed domesticis inusta notis veritatis » (id. Planc.,19, 29). « lisdem ineptiis fucata sunt illa omnia: quando te in jure conspicio, ete. » (id. Mur., 12, 26). « Puer subdolæ ac fucatæ vernilitatis » {Plin., 34, 8, 19, S 79). Fucosus, a, um, adj. — Fardé, paré, falsifié, faux, qui est contrefait. & Visæ merces, fallaces quidem et fucosæ, chartis et linteis et vitro delatæ » (Cie. Rabir, Post., 14, 40). « Vicinitas non assueta mendaciis, non fucosa, non fallax, non erudita artificio simulationis vel suburbano vel etiam urbano » (id. Planc., 7,22). « Illæ ambitiosæ nostræ fucosæque amicitiæ sunt in quodam splendore forensi, fructum domestieum non habent » (id. Att., 1, 18, 2). En ce qui concerne le sandix, j'ai rapporté plus haut le passage où Vopiseus raconte que l’empereur Aurélien reçut de Perse un NOTES ET REVUE. LXXVIL manteau de pourpre d’un tel éclat que la pourpre impériale parais- sait cendrée auprès de lui, et que l’empereur, émerveillé, envoya en Asie des émissaires pour rechercher le secret de cette belle teinture, mais sans succès. Vopiscus déclare que cette teinture était produite par un arbuste du nom de sandix, et M. Bochart, après avoir ra- conté le même fait, termine de même en disant (p.738) : « Hoc munus rex Persarum ab Indis interioribus sumptum Aureliano dedidisse perhibetur, ete. Dicitur enim sandix indica, talem purpuram facere si curetur. » Je me demande maintenant si le fait a été exactement interprété par les auleurs, et s’il faut réellement compter l’arbuste en ques- tion au nombre des substances d’où l’on tirait dans l'antiquité les teintures pourprées. Il me semble que le mot d'abord grec, puis latin, sandix, doit désigner l’arbuste que l’on appelle encore aujour- d'hui en Perse arravan, et que les Arabes écrivent et prononcent ardschewan. S. Bochard parle de cet arbre: « Est et apud Persas arbor vel arbustum arravan dictum à flore purpureo ; Arabes more suo grgiawan ! scribunt » (p.742). J. Karabacek en parle également dans son ouvrage (Leipzig, 1881) sur les Lapis perses, appelés susand- chird. Or, ce même mot arravan désigne aussi dans les langues orientales la pourpre, et c’est ainsi que le mot sémite, surtout arabe, pour la pourpre marine est ardschewan el bahr:(pourpre de la mer). On a admis généralement que ce nom de la substance provenait de celui de l'arbre, qui en fournissait une sorte. Bochart, par exemple, cite un texte oriental relatif à cet arbre et en traduit ainsi le com- mencement : « Arbor est in Perside cujus flos insigniter rubet, a quà denominant Arabes quidquid rubore ipsi simile est. » Mais Bochart pense que c’est le contraire qui est la vérité : « Purpura ab arbore nomen non habet, sed arbor a flore, cujus color est purpureus » (p. 142). N’est-il pas admissible, dès lors, que le cadeau du roi des Perses, ce « pallium breve, purpureum, lanestre, ad quod cum matronæ atque ipse Aurelianus jungerent purpuras suas, Cineris specie deco- lorari videbantur ceteræ, divini comparatione fulgoris», était, en réalité, teint de véritable pourpre marine, peut-être de cette Purpura persica, dont j'ai vu deux coquilles à Vienne, au Musée d'histoire À La lettre arabe correspondant à notre g se prononce comme le g italien dans il giorno (dschiorno). LXXVII NOTES ET REVUE. naturelle. Les porteurs auront répondu aux questions : « C’est de la couleur arravan, » voulant dire simplement : c'est de la couleur pourpre ; et les questionneurs auront compris : c’est de la couleur tirée de l'arbre arravan. Si les teinturiers romains envoyés en Perse pour y retrouver ce procédé de teinture n’ont pas réussi à le dé- couvrir, cela prouve simplement qu'autrefois, comme aujourd'hui, chaque corps de métier avait ses secrets qu'il ne se souciait pas de voir divulguer. Si mon hypothèse est juste, M. Krause a eu raison de placer ce sujet dans son article sur la vraie pourpre, et c’est M. Blümner qui a eu tort de le traiter dans un autre chapitre. Mais qui peut prouver définitivement que le mot occidental sandix est identique au terme oriental arravan ou argiawan ? XIX COMPTE RENDU BIBLIOGRAPHIQUE. C. Gecengaur. — Vergleichende Anatomie der Wüirbelthiere, mit Berücksich- tigung der Wirbellosen. Tome I, un volume grand in-8° de 978 pages avec 619 figures dans letexte. W. Engelmann, éditeur, Leipzig, 1898, Les traités didactiques qui ont la louable ambition de mettre sous les yeux de leurs lecteurs le tableau fidèle de la science actuelle vieillissent vite à notre époque. Le classique Trailé d'anatomie comparée de C. GEGENBAUR en à fait l'épreuve ; malgré les retouches et les adjonctions dont il était l'objet à chaque édition nou- velle, le moment est venu où une refonte tolale s'imposait. L'ouvrage actuel est destiné à le remplacer; il recevra certainement des zoologistes et des étudiants le même accueil empressé que son célèbre devancier. L'ouvrage complet doit comprendre deux volumes. Le premier volume, qui vient de paraître, est consacré à ce qu'on appelait autrefois les organes de la vie de relation, c'est-à-dire le tégument, le squelette, le système musculaire, le système nerveux etles organes des sens, chacun d’eux faisant l'objet d’un chapitre distinct. Au second volume sont réservés le tube digestif, le système circulatoire, lecœælome et le système uro- génital. L'auteur n’a en vue, son titre l’indique, que l'anatomie comparée des Verte- brés. 11 poursuit en détail le perfectionnement successif de chaque système d'organes et de ses dérivés à travers toute la série, à partir de son état le plus primitif chez les Vertébrès les plus inférieurs. Mais le Vertébré le plus inférieur est déjà un être ha utement différencié ; tous les traits de son organisation ont déjà leur origine etleur explication dans des formes plus primitives encore du monde des Invertébrés. Aussi chaque chapitre est-il précédé d’un exposé de l'évolution des organes en question chez les Invertébrés, résumé suecinct, d’ailleurs, et restreint aux dispositions orga- niques qui, ayant leurs homologues chez les animaux supérieurs, fournissent une base solide pour leur interprétation. Rappelons enfin qu'avant l’étude spéciale et objective des organes une importante introduction de 70 pages résume les idées NOTES ET REVUE. LXXIX de l’auteur sur la morphologie générale, sur les lois et les facteurs de l’évolution et sur la constitution progressive de l'organisme. Y. Decace et E. Hérouarp. — Traité de zoologie concrète. Tome VIII : les Procordés, un volume grand in-8° de 380 pages avec 54 planches en cou- leurs et 275 figures dans le texte. Schleicher frères, éditeurs, Paris, 1898. (Prix broché : 25 francs.) L'important Trailé de zoologie concrèle, dont la publication se poursuit régulière- ment, n’a plus besoin d’être présenté au public scientifique. Les deux volumes précédemment parus (t. 1, {a Cellule et les Protozouires, et t. V, les Vermidiens) ont permis à chacun d'apprécier le plan original adopté par les auteurs, la forme sous laquelle les matières sont présentées, l’étendue de la documentation et l’abon- dance des planches et des figures, presque toutes originales, qui accompagnent le texte. Le volume actuel, qui doit occuper le huitième rang dans la série de l’ou- vrage complet, est consacré aux Procordés, c’est-à-dire aux animaux qui, sans pou- voir être rangés parmi les vrais Vertébrés, ont néanmoins plus d’affinités avec eux qu’avec un groupe quelconque d’Invertébrés. Ce sont les Hémicordés (Balanoglossus), les Céphalocordés (Amphioæus) et les Urocordés (Tuniciers). Ces trois classes sont étudiées en détai! dans leur organisation, leur biologie et leur développement ; puis vient un chapitre d’ensemble sur les affinités des Procordés, c’est-à-dire la compa- raison des trois groupes entre eux et avec les autres classes du règne animal dont on les a tour à tour rapprochés, et enfin le volume se termine par l'exposé som- maire des principales théories par lesquelles on a tenté d'expliquer jusqu'ici l'ori- gine des Vertébrés. A. LaBBé. — La Cytologie expérimentale, essai de Cytomécanique, un volume in-80 carré de 192 pages avec 56 figures. G. Carré et C. Naud, éditeurs, Paris, 1898. (Prix cartonné : 5 francs.) Cet ouvrage est la mise au point sommaire, mais précise, des expériences ré— centes de mécanique cellulaire ou cytomécanique. L'auteur étudie successivement les expériences faites pour reproduire artificiellement le protoplasma et les figures karyokinétiques, l’action des agents physico-chimiques sur la structure et les mou- vements des cellules, les relations du noyau et du cytoplasme, les modifications expérimentales de la mitose et de la segmentation de l'œuf. Deux chapitres sont consacrés à l'adaptation au milieu et aux tropismes et tactismes, et, enfin, un cha- pitre important discute les causes de la différenciation cellulaire. Un lexique des termes techniques les plus spéciaux et un index bibliographique très développé com- plètent ce livre, qui sera utile non seulement aux naturalistes qu'intéressent les grandes questions de biologie générale, mais aussi aux étudiants, qui y trouveront exposée et développée l’importante partie de leur programme relative à la biologie cellulaire, Paru le 20 mars 1899. Les directeurs : H. DE LACAZE-DuTHIERs et G. PRUVOT. Les gérants : SCHLEICHER FRÈRES. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 3e SÉRIE. TOME VI. TABLE SPÉCIALE DES NOTES ET REVUE. NoTe DE LA DIRECTION, P. IIIe ARTICLES ORIGINAUX. Bouran (L.). — Les bacs-filtres du laboratoire de Roscoff pour l'élevage des em- bryons, p. XVII-XX. — Moœurs de l’Eolis papillosa, p. XxXVH-XEH. Cuënor (L.). — La région absorbante dans l'intestin de la Blatte, p. LXV-LXX: DepekiND (A.).— Sur la fausse pourpre des anciens, p. LXX-LXXIX. Dusosco (0.). — Sur les globubes sanguins et les cellules à carminate des Chilo= podes, p. XI-XIV. — Sur l’histogenèse du venin de la Scolopendre, p. XLIX-LT. HAGENMULLER (P.). — Sur les hémosporidies d’un Ophidien du système européen, p. LI-LVI. Lacaze-Durxiers (H. DE). — Les Éponges sont-elles des Cælentérés? p. 1I-VI- Lécer {L.). — Surla morphologie et le développement des microgamètes des Coc- cidies, p. XX-XXVI. Topsenr (E.). — Sur quelques Éponges de la Calle recueillies par M. H. de Lacaze- Duthiers, p. XXXIII-XXXVII. Vicuier (C.). — Sur un filet pélagique à fonctionnement très rapide, p. VEXI. ANALYSES CRITIQUES ET COMPTES RENDUS. Bouran (L.}). — Note sur la fixation et l'éclaircissement d'embryons entiers (d'après E. ConxkuiN, The Embryology of Crepidula), p. XV-XVI. MancHaL (P.).— La dispersion des espèces terrestres en général et des Insectes en particulier par l'influence de l'homme (d’après O. Howarp, The spread of land species by the agency ofman), p. XLII-XLVI. Pruvor (G.). — Le quatrième Congrès international de zoologie, p. XXXI-XXXI{: — Les travaux du quatrième Congrès international de zoologie, p. XLVI-XLVHI el LVI-LXIT. Rosert (A.). — Contribution à étude de la pourpre (d’après À. Depekinp, Ein Beitrag zur Purpurkunde), p. LXITI-LXIV. Topsenr (E.). — De la digestion chez les Éponges (d'après G. Loisez, Contribution à l'histo-phystologie des Éponges), p. XXVI-XXXI. Compte rendu bibliographique, p. LXXVI-EXXIX: ARCHIVES DE LOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE SUR LES LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS LES ARCHIVES PAR H. DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l’Institut. I LABORATOIRE DE ROSCOFF. Ce fut après nos désastres inoubliés de 1871 que furent créés d'abord la station de Roscoff et les Archives; ensuite, un peu plus lard, le laboratoire Arago à Banyuls. Ces trois créations se complétaient les unes les autres. Les stations maritimes produisaient les travaux que le recueil périodique pu- bliait, celui-ci devenait, dès lors, les Archives officielles des labora- toires. ; Cette corrélation entre ces trois fondations explique les différents compies rendus déjà publiés, et, au moment où va paraître le VI° volume de la 3° série, celui qui commence la vingt-sixième ARCH,. DE ZOOL. EXP, ET GEN, — 3® SÉRIE, = T, VI, 1898. À 2 H. DE LACAZE-DUTHIERS. année. Les progrès et les modifications apportés dans ces créations peuvent ainsi être mieux connus et l’œuvre être mieux jugée. Dans une lecon d'ouverture du cours de zoologie à la Sorbonne, publiée dans le volume III des Archives (1874), le plan d'organisation primitivement conçu se trouve exposé. Le laboratoire d'études maritimes devait être volant et comme destiné à faire son tour de France Sur nos côtes; son but était de faire le relevé de la faune marine française, imitant en cela surtoul l'Angleterre, qui, à cette époque, avait déjà de nombreux traités relatifs à l'histoire des animaux de ses mers. Mais bientôt il fallut reconnaître combien il était difficile de réunir toutes les conditions nécessaires à l'exécution de ce projet. Une bonne occasion se présentant, l'acquisition d’un vaste local, heureusement disposé, fui décidée, et la maison meublée, d’abord louée, fut abandonnée ; le laboratoire, de ce fait, fut installé défi- nitivement à Roscoff. La richesse merveilleuse des plages, découvrant à marée basse sur une étendue considérable, nous promettait des moissons SU- perbes pour un long temps. Les visites de savants étrangers, qui furent émerveillés de cette richesse et de la facilité des recherches, contribuèrent aussi à modifier Îles premiers projets et déterminèrent à fixer la création sur les côtes bretonnes. D'ailleurs, pour réussir, il eût fallu visiter longuement, sCrupu- leusement et patiemment Îles divers points de nos côtes, et, pour cela, avoir réuni comme une escouade de travailleurs s'entendank£ bien, se partageant la besogne, afin de ne pas se rencontrer Sur Un même terrain, chose toujours fâcheuse, car les difficultés ne tardent jamais à naître entre travailleurs s’occupant d’un même sujet. Il fal- jait surtout qu’une direction fût acceptée; ce qui, de noire temps, n’est pas facile à faire admettre. Un moment, j'avais cru avoir réussi à grouper quelques élèves à qui j'avais fait faire leurs premiers travaux en les guidant sur les grèves, leur ayant appris à les connaître, leur ayant fait faire LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 3 les premiers pas dans les études zoologiques. Mais il y a élèves et élèves, comme il a fagots et fagots. Parmi ceux qui mettent en pratique ce qu'ils appellent l’indépen- dance du cœur, l'un d'eux m'écrivait, dès le jour où il eut obtenu par mes soins une position : « Surtout ne vous attendez pas à ce que je sois votre copre et votre ombre serviles.» Je ne puis que me louer de n’avoir pas servi de modèle et de copie. Un autre n’a-t-il pas impudemment écrit dans quelques-uns de ses imprimés, que sa chambre avait été l’origine du laboratoire de Roscoff, oubliant à dessein la vérité, afin de se faire un titre de cette inexactitude, facile à juger quand on sait que le laboratoire de Ros- coff n'a été fondé officiellement qu’en 1872, et que, pendant les vacances de 1868, 1869 et 1870, j'ai travaillé à Roscoff, que j'y ai conduit des étudiants, que le professeur Grube, de Breslau, en 1869, a passé deux mois à Roscoff et occupé, le premier, la maison meu- blée que j'avais louée pour devenir le laboratoire, dont la création était alors décidée. Et puis les défections sont si fréquentes de notre temps, les ambi- tions si effrénées, les appétits si insatiables chez ceux pour qui la science est un moyen et non un but. Si l'idée première fut abandonnée à la suite de ces désillusions pé- nibles, il y eut néanmoins des excursions nombreuses faites non seulement dans les environs de Roscoff, mais aussi sur les côtes de Bretagne. Chaque année vit la sienne. Tantôt la rade de Brest, l’anse de Morgate, le Conquet, Trez-hir, furent visités en compagnie d'élèves et de savants étrangers. Puis, ce fut Breha, rendu célèbre par les études de M. de Quatrefages. Plus tard, nous allâmes aux Sept-Iles, groupe d’ilots sauvages alors inhabités, où une très grande et ancienne caserne de douaniers eût pu servir d'asile à des travailleurs zélés et austères; où la faune est magnifique, facile à explorer et à l'abri des dévastations des rive- rains, mais où, aussi, le ravitaillement n'eût pas été facile. Le canal 4 H. DE LACAZE-DUTRIERS. d’entre terre ferme et les îles étant pénible et parfois difficile à pra- . tiquer, ainsi que nous pûmes en juger en allant jouir de l'hospitalité du phare pendant le cours de l’excursion. Pour habiter aux Sept-Iles, en vrai Robinson, il faudrait être un pur anachorète, aujourd’hui cela se voit peu. Mais quelles moissons à faire et quelle admirable situation pour un naturaliste ! A une autre époque, ce fut Lannion et sa plage, également riche, qui fut l’objet d'une excursion fructueuse. Plus loin, nous avions établi notre base d'opérations à Perros- Guirec, et, de là, nous nous rendions à Trecastel, à Ploumana ch, où les amoncellements granitiques de blocs cyclopéens nous réser- vaient des trouvailles et des richesses zoologiques inestimables lors- que les grandes marées laissaient à découvert les espaces creux où erottes formés par leurs superpositions. | Ces dernières localités étaient, il y a quelque vingt ans, presque désertes et inexplorées ; cela se comprend, les hôtelleries étant ab- sentes ou fort mauvaises. Depuis lors, me dit-on, les habitants de ces côtes sauvages, d’un pittoresque si âpre et si singulier, se sont ravisés et ont créé des habitations habitables, pour chercher à se faire des revenus avec les étrangers, considérés, dans quelque autre point du littoral, comme étant la première et la meilleure des récoltes. Ces excursions plaisaient beaucoup; on partait de Roscoff pour aller faire une grande marée dans telle ou telle localité; on suspen- dait un moment les recherches fatigantes, mais aussi on apprenait beaucoup en cherchant, en explorant des lieux inconnus, on deve- nait naturaliste. Sur le livre d’or du laboratoire, où doivent s'inscrire les travail- leurs admis, on trouve consignées Îles observations et les impres- sions des jeunes, des élèves d'alors devenus des maîtres et des savanis éminents, qui ont séjourné au laboratoire à des époques déjà éloi- gnées. Dans quelques-unes des relations insérées aux Archives, dans les divers volumes des trois séries, on pourra relire des détails sur ces "4 LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES, 5) excursions, qui furent l’origine de celles dont il sera question à propos du laboratoire Arago. Voilà vingt-six ans que la station de Roscoff a été fondée. Les amé- liorations que les succès faisaient désirer en les appelant par le concours des circonstances nouvelles nées de la pratique, ont à peu près toutes été successivement réalisées, Elles ont répondu aux be- soins nouveaux que les progrès déterminaient.Il en reste cependant quelques-unes à accomplir; elles s'imposeront d’elles-mêmes au moment propice. Si l’on parcourt les comptes rendus précédemment publiés ou les registres de la station, on peut y voir que le nombre des tra- vailleurs venus à Roscoff a dépassé quelquefois, pendant la cam- pagne d'été, une cinquantaine ; mais que, fréquemment, nous nous y sommes trouvés en même temps réunis pendant plusieurs mois, travaillant à l’aise et fructueusement, de 25 à 35 personnes. Mon excellent ami et savant collègue, M. A. Agassiz, lorsqu'il à visité Banyuls, en inscrivant sur le registre du laboratoire Arago ses observations et ses impressions, avait classé les laboratoires ma- ritimes en deux grandes catégories : ceux qui fournissent exclusi- vement les moyens de travail et de recherches originales; ceux qui ont pour but de faire l'éducation zoologique des élèves. Cette classification n’est-elle pas un peu trop absolue ? Elle peut et doit sans doute s'appliquer aux cas où les stations représentent de véritables affaires commerciales, où l’on paye l'admission pour travailler, où l’on vend des animaux préparés. Elle ne peut s’appli- quer aux deux stations que je me suis efforcé d'organiser. N'y trouve-t-on pas en effet, réunis, les deux ordres de personnes indi- qués par À. Agassiz et cela à leur grand avantage? Sans doute, à Roscoff viennent beaucoup plus d'élèves qu'à Banyuls. Combien y en a-t-il eu qui y ont passé d'excellentes va- Cances en suivant les conférences des maîtres éminents qui s’y sont succédé, tels que MM. Joliet, Delage, Joyeux-Laffuie, Pruvot, Boutan : Combien y a-t-il de savants étrangers qui ont été enchantés de 6 H, DE LACAZE-DUTHIERS, suivre les excursions à la grève, guidés par ceux dont on vient de lire les noms, heureux qu'ils étaient d'apprendre à connaître la station, les conditions biologiques des êtres dont ils étaient venus étudier l’organisation ou les fonctions ! Le directeur lui-même a toujours été aussi heureux qu’empressé de faire profiter les savants venus à Roscoff de sa connaissance des stations des animaux, acquise par une longue pratique. Le local de Roscoff est aménagé de facon à ce que les deux ordres de travailleurs soient installés suivant leurs besoins différents et par cela même soient dans des conditions tout à fait distinctes. Les grèves de la station bretonne sont immenses ; leur exploration, le plus souvent facile, est loin cependant d’être épuisée. Les ilots de Duon, de Duslen, les Grayers, l’île au Cerf, l’île Verte de la ri- vière de Morlaix, la presqu'île de Calot, les plages de Pen-Poul, surtout le nord de l'ile de Batz, fort difficile à explorer, tout l'amoncellement des roches situées à l’ouest de Per’Haridi, sont encore moins visités que les grèves des alentours du laboratoire, mais elles réservent de riches trouvailles à ceux qui auront le cou- rage et l’ardeur nécessaires pour les fouiller, car elles sont pénibles à explorer étant exposées aux coups de mauvaise mer. Le caractère de la station roscovite est tout autre que celui de la station méditerranéenne; aussi faut-il tenir compte de cette difté- rence lorsqu'on compare et l’organisation établie et le travail fait dans les deux. A Roscoff, la marée abandonne des richesses qu'il n’y a qu à sa- voir recueillir. Aussi, là, peu ou point de pêches proprement dites au filet ou à la drague; on n’a qu'à se baisser pour rentrer les mains pleines. Qu'est-il arrivé dans ces conditions ? La grève a jusqu ici suffi à tous les besoins des travailleurs et les dragages au large n'ont été ni aussi multipliés ni aussi fréquents que les courses à marée basse. Il y a d’ailleurs une autre raison majeure à cette condition, qui a. conduit aux habitudes prises. Les époques où cessent les cours et LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 7 celles où ont lieu les examens, ont une grande influence sur le moment où peuvent venir les travailleurs ; professeurs et élèves sont tenus par l’enseignement et la collation des grades. Aussi la campagne est-elle habituellement courte dans la station bretonne. De la fin de juillet en août et septembre jusqu'aux grandes marées des équinoxes, le laboratoire ne désemplit pas. Cela tient, évidemment, aux époques où s'ouvrent les vacances. Au premier abord on aurait pu penser que le climat et l’organisa- tion s’opposaient à ce que les travailleurs vinssent plus tôt. Il n’en est rien. En 1874, pour bien connaître le pays, j'y ai passé du 20 de mars au 20 d'octobre, c’est-à-dire tout mon temps libre, m'échappant pour aller à Paris subir la session des examens ; on peut affirmer qu'en fin d'avril, en mai, juin, la mer, le temps et les animaux sont très propices aux études, J'ajoute que ce n’est pas seulement en 1874 que j'ai longuement séjourné au laboratoire, mais que toujours, dans les mois du prin- temps que j'y ai passés, les matériaux de travail abondaient. Il ne faut pas oublier que les rivages de la Manche, surtout vers la côte de l’Armorique, recoivent une dérivation du Guli-Stream ; que l'on jouit à Roscoff d’un climat maritime ; que les camélias, les mesembrianthemum, les véroniques exotiques, les fuchsia, les agaves, viennent en pleine terre ; que, dans les mois d'hiver et de printemps l'eau de la grève ne paraît pas trop froide quand on est obligé d'entrer dans la lame de la marée montante pour lui disputer les animaux qu’on recherche. Bien plus, aux mois de décembre et de janvier, étant allé au labo- ratoire, je trouvai sur le banc de Bistar, dans une fente d’un bloc granitique, de grosses Aplysies accouplées et pondant. Il est même probable qu’à cette époque l’évolution des Embryons doit marcher plus lentement et que l’observateur ne perdrait rien à faire des études à ce moment ; il serait peut-être aidé par cette lenteur, et certainement, en mai et juin, on a de curieuses études embryogé- niques à faire. Au point de vue zoologique, il y a encore à cette & H. DE LACAZE-DUTHIERS, époque un avantage certain; en effet, la coupe du Guémon (algues) autorisée en mai, fait disparaître beaucoup d'animaux intéressants, des Nudibranches en particulier. Mais l'habitude est prise et déterminée par les circonstances indiquées plus haut, et l’on ne demande à venir à Roscoff le plus souvent que pendant les vacances. Très rares sont les naturalistes qui y ont travaillé à d'autres épo- ques. C. Vogt a passé deux printemps et deux étés au laboratoire et, ceite année même, M. Boutan, après avoir fini ses conférences d'hiver en attendant la venue des élèves à l’époque habituelle, s'est installé dès le mois de mars. Je ne voudrais point déflorer ses re- cherches, aussi me contenterai-je de dire qu'il n’a pas à regretter le temps qu’il a passé à la station; loin de là, il regrette même de n'avoir pas, en plusieurs années, fait un semblable séjour à Roscoff. Ayant les vacances, il y a toujours beaucoup moins de monde et le travail est bien plus facile, car on est beaucoup plus à l’aise et bien plus tranquille. Quelques chiffres pris dans les années précédentes montreront comment ont lieu les arrivées et les séjours. En 1896, 35 travailleurs ont été reçus au laboratoire : en mai, 2; en juin, 3; en juillet, 41 ; en août, 80; en septembre, 22. Logés : en juillet, 7; en août, 19; en septembre, 14. En 1897, il y a eu également 35 personnes admises : 5 en juin; 6 en juillet; 24 en août et septembre. Les logements ont été donnés dans les mêmes proportions. Ces chiffres montrent clairement que le laboratoire roscovite bat son plein de la mi-juillet à la fin de septembre. On le voit, le pliest pris. Il y a peut-être quelque inconvénient à cela. Chacun voudrait être logé, et comme tout le monde arrive presque au même moment, il est difficile de pouvoir statisfaire tout le monde. Aussi les chambres sont-elles données aux premiers arrivants, à moins qu'une demande faite à l'avance ne soit légitimée par l'exercice des fonctions. Puisqu'il est question des améliorations du laboratoire, il en est LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 9 une qui pourrait faire éviter en partie l'inconvénient dü à l’encom- brement; elle se produit souvent dans le mois d'août. Dans le second mansardé du bâtiment, qui fut jadis la maison d'école, il serait facile d'aménager le local resté à l’étal de grenier, et d'y faire quatre chambres. L’escalier est fait, il n'y a pas une grande dépense à craindre; mais encore faut-il avoir les fonds pour l'aménagement de la construction et pour acquérir le mobilier. Aujourd'hui que l’on nous promet des revenus provenant de la nouvelle organisation des Universités, peut-être sera-t-il possible d'arriver à la création de ces nouveaux logements. Il suffit d’avoir montré ce qu'est la situation actuelle pour reconnaître l'utilité de ceite modification qui s'impose. Mais les crédits sont tellement limités, qu'une autre amélioration reste en suspens. Le service est beaucoup trop chargé au moment où toutes les places sont occupées. Le personnel n’est pas assez nombreux pour procurer les animaux désirés, et il faut que le garçon de la Sorbonne vienne aider le personnel trop restreint du laboratoire. Cela grève encore le budget. Il y a là certainement une condition qu'il serait bon de faire dis- paraître. Toutefois, l’inconvénient est-il aussi grand qu'il le paraît au premier abord ? La chasse des animaux est et a toujours été chose qu'un vrai natu- raliste aime, à moins qu'il n’aime encore plus ses aises et qu'il redoute trop la fatigue. Je me trompe fort si je n’ai pas répété souvent, dans ces comples rendus, que je ne suis jamais allé à la grève sans apprendre quelque chose. Combien n'ai-je pas vu de sérieux, très sérieux travailleurs, savants éminents, faisant des recherches difficiles et originales, aller eux- mêmes battre les plages en suivant la marée qui descendait, pour rechercher les matériaux de leurs études favorites! Quand on va en villégiature au bord de la mer, ne voit-on pas les 10 H. DE LACAZE-DUTHIERS. hommes les plus mondains et les femmes les plus délicates, souvent les plus coquettes, courir après les Crevettes, les Crabes et les petits Poissons, en suivant la mer descendante? Pourquoi un naturalistene les imiterait-il pas ? Les plages de Roscoff ont eu autrefois un habitué bien connu et bien célèbre, Littré, qui aimait infiniment à chasser la Crevette, et comme il était prodigieusement distrait, du moins à la grève, pen- sant sans doute à quelques définitions concises en les polissant pour son dictionnaire, nous nous amusions beaucoup à écouter M°° et Mie Littré, qui l’accompagnaient toujours, lui crier de temps en temps : « Littré, prends garde ; la marée monte. » Pourquoi des naturalistes de profession, car on n’en voit sans doute pas d’autres dans les stations maritimes, n'iraient-ils pas une ou deux fois tous les quinze jours, en prenant de la santé, de la dis- traction, après un travail souvent absorbant et pénible, chercher, durant deux jours, les matériaux qui leur sont nécessaires. Nous ne faisons pas de secrets, car nous ne vendons rien, nous désirons seu- lement que les jeunes gens, en suivant des conférences à la grève, comme ils suivent des herborisations autour des villes, centres d'enseignement, se préparent à savoir chercher, si jamais ils sont chargés de faire quelques explorations lointaines. Et, chose curieuse, ce sont surtout quelques jeunes qui semblent redouter le plus les fatigues et qui demandent qu'on leur cherche et apporte les objets d’études. J'ai raconté le fait d’un naturaliste éminent (il n’est plus), qui, me demandant des embryons d’un Coralliaire, fut engagé par moi à aller dans l’une de mes stations où il trouverait en abondance les ani- maux : « Mais, me dit-il, je n’ai jamais vu les animaux, on me four- nissait les embryons; je ne saurais pas les trouver. » On avouera certainement que ce savant eût pu acquérir quelques données utiles en cherchant ses animaux et les mettant en observation pour obtenir les embryons. LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 11 Tout autre était le professeur Grube, de Breslau, venu à Roscoff en 1869. Il allait suivre les grandes marées, armé d’une énorme pioche qui lui servait à défricher les herbiers, ses pieds étant enfouis dans d'immenses bottes à l’écuyère; et il trouvait et savait recueillir les Annélides, comme pas un aide des plus dévoués l’aurait pu faire avec la meilleure volonté. Dans le beau port de Mahon, j'ai passé de bien heureux moments à chercher les animaux qui pullulent dans les eaux limpides et tran- quilles de cet admirable aquarium naturel. J'avais pris un matelot pour me porter, avec son canot, sur les différents points où je vou- lais pêcher; il eût certainement mis ioute une journée pour me trouver un Cérianthe (una Flor de mar). Je pêchais, je plongeais et ramais au lieu et place d'Alonzo, qui ne se pressait jamais, et cepen- dant je n’en veux pas médire, puisqu'il m'a montré le Corn de fel, la Pourpre, Purpura hæmastoma, qui m’a conduit à mes études sur l’origine vraie de la matière à pourpre. Je me lassais physiquement après avoir beaucoup travaillé, pour délasser mon cerveau et mes sens. Je faisais une journée d’un exer- £ice presque excessif, et je m'en trouvais bien. Je n'ai jamais tra- vaillé avec autant d'ardeur, d’entrain et aussi fructueusement. À Roscoff, quelle quantité de pierresn'ai-je pas tournées pour dé- couvrir les trésors quelles cachaïent. Les Bretons d’alors (1868 et 1869), on me l’a dit depuis, me prenaient pour un fou. Aussi,en écrivant ces lignes, la pensée et juste réflexion de La Ro- chefoucauld me revient-elle à l'esprit, elle est profondément vraie : « Le travail du corps délivre des peines de l'esprit. » Pour s'appliquer à nous, zoologistes, j'aimerais dire : « Nous déli- vre des fatigues de l'esprit. » Il ne faudrait cependant pas que ma pensée fût exagérée et dé- passée. Car je comprends que dans telle ou telle condition, pour un travail pressé qui doit rapidement résoudre une question délicate, il est indispensable d’avoir les animaux sous la main sans perdre de temps à les chercher. Il faut, dans ce cas, que les matériaux soient 12 H. DE LACAZE-DUTHIERS. fournis par le personnel. C'est aussi ce qui a lieu à Roscoff, et moi- même j'ai fréquemment fait appel, dans des cas urgents, à mon dévoué gardien et patron Marty, bien connu des savants, dont il est devenu l’ami. En ce moment, il s’agit de donner surtout un conseil à la jeunesse, car à mesure que les moyens lui sont fournis plus largement, elle semble devenir plus difficile et exigeante. Ce ne sera pas sans intérêt qu’on verra comment la station de Roscoff a été fréquentée pendant les années 1896 et 1897. En 1896, il y eut 35 admissions : 28 Français; 2 Belges; 2 Suisses, 1 Anglais ; 4 Américain; 1 Roumain. Parmi ces travailleurs, il y avait 11 docteurs ès sciences faisant des recherches ; 9 docteurs en médecine ; 8 licenciés ès sciences. Leurs positions officielles étaient les suivantes : 3 professeurs de l’enseignement supérieur; 1 professeur de l’enseignement secon- daire : 2 professeurs de l’enseignement primaire; 2 maîtres de confé- rences de Facultés ; 4 chef de travaux pratiques ; 4 préparateurs; 11 élèves préparant la licence; 2 assistants belges. En 1897, sur 33 admis : 25 Français; 10 étrangers (5 Belges, 3 Russes ; 2 Anglais); 8 docteurs ès sciences ; 6 professeurs de l’en- seignement supérieur ; 3 maîtres de conférences; 5 préparateurs des Facultés des sciences ; 6 licenciés; 9 élèves se préparant aux exa- mens du certificat d'enseignement supérieur. | Il est évident, d’après ces chiffres, que la distinction des labo- ratoires en deux catégories, suivant qu’ils sont deslinés aux fre- cherches pures ou aux études des élèves, ne peut être appliquée au laboratoire de Roscoff. Nous allons voir qu’il en est de même pour la station de Banyuls. Seulement, la proportion des élèves dans la station la plus rapprochée du centre d'enseignement, ‘est plus grande, elle diminue à mesure que la distance augmente. Dans les relations sur la station bretonne que l’on trouvera dans le volume III (année 1874), volume IX (année 1881), dans le volumelX, LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 13 2e série (1895), on pourra reconnaître par quelles séries d’annexions le laboratoire s’est peu à peu complété. En écrivant cette introduction au VI° volume de la IIT° série, Je parcours ces différents arlicles et je m'aperçois que, à peu de chose près, quelques-uns des passages qui s'y trouvent sont répétés ici, Car, à certains points de vue, il n’y a pas eu d’autres progrès que de légères améliorations se rapportant plutôt à des réparations d’en- tretien qu’à des accroissements de locaux. Lorsque les écoles communales, le fortin de la Croix, la maison Mironnet, le terrain Vacher et le chemin longeant la mer en allant de la place de l'Église à la promenade du Vil' eurent été englobés dans l'établissement, j'avais pu dire que le laboratoire était complet et terminé ; car borné par une rue, une promenade et la place de VÉglise, il n’était plus possible de songer à une extension nouvelle, à moins d'empiéter sur la promenade du Vil. Or, quand on a eu affaire à des conseils municipaux de village, on peut comprendre d'avance quel serait le sort d’une demande d'extension aux dépens d’une promenade publique. Du reste, à quoi bon. Il y a, dans le jardin, des places libres? qui permettraient des constructions propres à augmenter les logements, c'est là surtout le côté vers lequel il faudra chercher à obtenir des améliorations. A en croire ce qui est affirmé dans quelques articles à sensation, le nombre des stations augmente, et comme celles dont on annonce avec grand bruit l'inauguration et la terminaison sont ouvertes, il y aura certainement bientôt autant de laboratoires maritimes que l’on puisse en désirer; j'allais presque dire que d'élèves. Dans les notices publiées précédemment, je trouve les mêmes do- léances que celles qu'on vient de lire sur l'insuffisance du personnel, sur la possibilité de iransformer un grenier en quatre chambres, 1 Voir vol, IX, p. 19, 1881, la figure dans le texte indiquant les parties annexes, 2 Voir t. IX, pl. XI, entre le logement du gardien !, I, et la salle des manipula- tions des élèves G. 14 H. DE LACAZE-DUTHIERS. dont la nécessité n’est pas douteuse quand on songe à l'affluence des travailleurs au mois d'août. a Dans l'aquarium, il y aurait quelques dispositions utiles à prendre pour les bacs et surtout le sol qui devrait être recouvert d’une forte et solide couche de ciment au lieu d’être tout simplement sablé. Il y a de ces choses secondaires que l’on désirerait voir afin de mettre l'établissement plus en rapport avec le luxe qu’on dit exister dans quelques stations, mais qui n’augmenteraient en rien les faci- lités du travail. Toutefois, la construction d’un atelier de photographie ne peut plus être différée dans un établissement où les recherches scientifiques sont poursuivies activement. C'est là un desideratum réclamé et avec grande raison. Il y a bien un réduit au fond de l’aquarium, servant de chambre noire, où l’on fait des virages, où l’on peut charger les châssis avec les plaques sensibles ; mais, à côté de toutes les bonnes condi- tions de iravail qu'on a sous la main à Roscoff, il est déplorable de n'avoir point une organisation favorisant les essais photographiques sous leurs formes les plus diverses et les plus perfectionnées. Le laboratoire de Roscoff est loin d’avoir l'apparence grandiose de quelques stations ; il est formé par un ensemble, une agglomération de maisons bourgeoises de l’aspect le plus ordinaire ayant l’archi- tecture fort simple des maisons du pays ; en arrivant sur la place de l'Église, en face de la principale façade, le voyageur ne peut guère, comme il le ferait en face de quelques belles stations aux larges et belles proportions, s’écrier comme le renard de la fable d'Ésope : « 7@ cfa LEQARN... D mais, sûrement, après s'être installé dans le laboratoire, il ne pour- rait pas lui appliquer la seconde partie de l’exclamation que nous avons apprise dans nos classes quand on y faisait du grec, car il semble difficile de trouver de plus excellentes conditions de travail réunies dans un même établissement. Le luxe est absent et est remplacé par la commodité. LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 15 À ce propos, il me souvient de ce qui se passa en visitant la pres- qu'île de Port-Vendres, lorsque le ministre de l'instruction publique, qui était alors Jules Ferry, venu à Perpignan pour l'inauguration de la statue d’Arago, la visitait en 1879. 1l était fort partisan de la création de la station méditerranéenne qui était en projet alors et surtout du choix du local. En examinant avec soin les bâtiments de cette petite forteresse singulièrement démodée et inutile au milieu de ce port, il me dit : « Vous aurez ici certainement à construire, et surtout pas de co- lonnes, car ce n’est pas avec elles qu’on fait des travaux, les bâtiments qui compléteront l'installation devront être faits en vue de la pra- tique, des études et non de l'esthétique, du luxe et du coup d'œil. » Cette recommandation du grand maître de l'Université d’alors, n’a jamais été oubliée, et quand, plus tard, tout le laboratoire Arago a été construit à Banyuls, depuisla première pierre jusqu à la dernière, je me suis bien gardé de demander à l'architecte, non pas des colon- nes, mais de mettre des langoustes ou des poissons sculptés dans les frises du premier bâtiment, qui ressemble à une simple caserne, mais qui aussi offre, à défaut de sculptures, le plus possible de choses utiles aux recherches et aux besoins des travailleurs. Il n'y aurait qu'à répéter ce qui a été maintes fois dit et imprimé (t. IX, 1891, 2° série des Archives, p. 267). « Qu'un savant demande à être admis, et en partant le soir ou le malin à S heures de Paris, il sera rendu au laboratoire de Roscoff à 10 heures, après avoir passé une nuit ou un Jour en chemin de fer. Il sera logé dans une chambre simple mais suffisamment confor- table, et s’il a fait connaître d'avance le sujet de ses recherches, il trouvera, sur la table de l’une des stalles de travail qui lui est attribuée, les animaux procurés par le gardien. « De sa chambre à coucher, chaque travailleur peut descendre à sa table de travail, à l'aquarium, au vivier, à la bibliothèque. « Désire-t-il aller à la grève, des passages particuliers l'y condui- sent sans traverser la ville. 16 H, DE LACAZE-DUTHIERS. « C’est surtout pour aller fouiller la grève que les conditions dans lesquelles on vit au laboratoire sont agréables et utiles. «Il faut être en costume peu mondain, porter des outils, des flacons, ce qui ne laisse pas que d'être fort ennuyeux quand on doit aller loin ou suivre les rues d’une ville. À Roscoff, on fait sa toilette de mer dans sa chambre, on descend directement sur les lieux dere- cherche. Au retour, on rentre de même dans sa chambre où l’on peut remonter pour reprendre des vêtements chauds et secs. » Je ne connais pas de localité où le travailleur soit plus chez lui, plus en dehors de la vie mondaine quand il désire être tranquille pour son travail et ses recherches. Si j'ajoute qu à côté du vivier est un petit havre où sont mouillées les embarcations du laboratoire et qui est véritablement le port de Ja station, on a les bateaux sous la main. Il n’est guère possible de trouver un ensemble de conditions plus favorables aux recherches. Il est aussi très remarquable que toutes les réflexions qui se trou- vent dans les différentes notices sur les deux stations de l’Univer- silé de Paris ont trouvé leurs applications et qu'il n'est rien à mo- difier dans l'esprit général de l’organisation. Il LABORATOIRE ARAGO. Dans le volume Ill de la 3° série des Archives pour 1895, les pro- grès faits dans l’organisation du laboratoire Arago de 1893 à 1894 ont été énumérés. Ils ont été grands. En effet, les dépenses totales des bâtisses, en y comprenant les frais de construction du yacht à vapeur le Roland, se sont élevés, dans cette période, à 85 000 francs, sans y comprendre les frais de voyage et de réorganisation des services généraux. En raison même des difficultés nées à la suite des modifications que la vapeur avait apportées dans les services et l’organisation inté- rieure, le directeur a dû faire quatorze fois le voyage en 1894, tant hiver qu'été, usant des moindres jours de vacances. LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. , 17 Une station maritime, quand son personnel a quelque importance, n’est pas toujours chose simple à régir, On ne peut qu'admirer la naïve suffisance d'hommes ne s'étant jamais embarqués pour des recherches longues et pénibles, n'ayant pas la pratique des gens de mer et qui présentent wrbi et orbi les résultats magnifiques obtenus ou à obtenir par des stations nais- santes, qui ont passé des années, puis des années, dans la période de l'incubation, pendant laquelle les articles élogieux et à sensation ne faisaient pas défaut. C'est à l’usé qu’on connaît la valeur des choses; l’usé, pour une station maritime, c'est l’ensemble des travaux produits, Qu'on en fasse donc l'énumération et qu’on la rapproche des éloges qui ont été publiés périodiquement, l’on verra ce qu'est la vérité. Quand on commence la création d’un laboratoire maritime on est loin de prévoir combien en est laborieuse l’organisation, et quand tout est à point, on ne sait pas encore ce que soulèvera de diffi- culté le maintien des conditions de l’ordre établi. Les abus se glis- sent de toute part. Dans le compte rendu de 1895 et inséré au volume de cette année- là, il a été fait mention de la construction et de l'armement du Poland, de l’organisation d’un atelier rendue indispensable par les exigences du service du bateau et des machines à vapeur, de la con- struction d'un nouveau pavillon (pl. I) en prolongation des bâtiments primitifs, construction qui n’était devenue possible qu'après l’acqui- sition d'un terrain voisin ayant nécessité plusieurs années de négo- ciations laborieuses, et qui, pour le dire en passant, n’a rien coûté à l’État dans une partie de son étendue. Depuis lors des améliorations nouvelles importantes se sont pro duites encore; j'en rappellerai quelques-unes qui s’imposaient,. On à pu voir (p. 26, compte rendu de 1895) à propos de la con- struction nouvelle, qu’il y « aurait sept chambres mises à la disposi- tion des savants et élèves qui désireraient être logés ». Gette promesse a été tenue, et, pendant les excursions de la ARCH, DE Z00L, EXP. ET GÉN, — 3€ SÉRIE, == T VI, 1898, 9 18 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Pâques 1897 et 1898, il y a eu huit personnes de logées, car il y a deux lits dans l’une des chambres. Dans la dernière de ces années, pendant tout le mois d'avril et la fin de mars, huit savants étran- gers et des élèves ont logé au laboratoire. Les sept chambres sont simplement, mais très confortablement meublées. Cette dépense du mobilier a été faite en dehors et indé- pénAnent de toute coopération de l'administration. j1 serait bien utile que salle à manger et cuisine, qui ont été réser- vées dans le second du bâtiment primitif, pussent être garnies des choses indispensables ; de la sorte les travailleurs désireux de vivre complètement au laboratoire pourraient satisfaire leur désir. J'es- père bien que, dans le prochain compte rendu, je pourrai annoncer la mise à exécution de ce desideratum et qu'un ami des sciences m'aura aidé à le faire disparaître. Déjà, malgré l’insuflisance de cette partie de on maté- rielle, deux savants étrangers ei un préparateur avaient trouvé le moyen de jouir d’un premier essai de cette vie retirée, un peu MO- nacale, si l’on veut, mais que recherchent les travailleurs désireux de partir d’une station ayant leur portefeuille bien garni de dessins et de documents précieux. « Combien nous serions heureux, m'écrivait, en 4894, l’un des plus fervents amis de mes laboratoires, lorsque nous pourrons jouir complètement de la tranquillité du Fontaulé, quand nous ne Serons plus obligés d’aller au village. » (Compte rendu, vol. I, 3° série, p. 27, 1895.) Depuis l’époque où cette lettre me fut écrite, deux années de suite le souhait de mon excellent collègue a été réalisé ; il a pu avoir sa chambre au laboratoire Arago, comme il l'avait toujours et depuis longtemps à Roscolf. Carl Vogt avait été, pendant trois ou quatre années, un grand ad- mirateur et défenseur du laboratoire de Roscoff, où il était venu pas- ser de longs mois avec toute sa famille. 11 rêvait, pour Roscoif, un Casino, et s’était donné du mouvement pour en faire réussir la créa- LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 19 tion. Il ne pouvait se faire à l’idée du logement des travailleurs dans un laboratoire qui, de même que dans les centres d'enseignement, devait être ouvert à des heures fixes et fermé de même. Plus tard, il vira de bord ; il alla faire des conférences à Cette et devint hostile à la création de Banyuls. Ne {m’avait-il pas appelé, dans l’une de ces conférences, «le grand poulpe de Paris qui étend ses bras sur la Méditerranée ». Ce fut son opinion sur les logements, souvent formulée, qui m'avait fait tenter l’expérience d’un laboratoire sans logement. Un revirement n’a pas tardé à se produire dans les désirs destravailleurs venus d’abord à Roscoff et qui, en arrivant à Banyuls, avaient bien vite trouvé une très grande différence entre les deux établissements. Au moment où j'écris ces lignes, je reçois des lettres de Suisse, d'Amérique, de Russie, d'Angleterre et de Belgique, dans lesquelles on me demande d’être logé au laboratoire pendant la campagne qui va s'ouvrir dans l'été de 1898. On a pu voir, dans le compte rendu de 1893 (vol. II, p. 5), com- bien M. Bather, du British Museum, avait trouvé avantageuse pour les étudiants la condition du logement qu’il avait vu exister à Ros- coif; aussi avait-il engagé les administrateurs des stations anglaises à imiter l’organisation de mon laboratoire de Bretagne. Aujourd’hui l’expérience est faite et je suis très heureux d’avoir pu assurer ainsi la tranquillité des savants qui viennent dans une Station pour travailler et non pour aller se divertir dans des casinos. Après la construction du pavillon nouveau, dans lequel était in- Stallé, trop modeste, l'atelier de photographie, unedifficulté se pré- sentait. Comment aller des cabinets de recherches à la photogra- phie?Il fallait, pour cela, reliersoit par une passerelle (pl. IT, fig. A), soit tout autrement, les deux corps de bâtiment. Les questions d’argent sont toujours celles qui se présentent les premières ; elles sont les plus obsédantes par la ténacité qui les fait se reproduire toujours vivaces et pressantes. Enfin, il m’a été possible de trouver les fonds nécessaires pour élever d'un étage l’aile qui, enclavée entre les deux bâtiments, servait 20 H. DE LACAZE-DUTHIERS. de logement au gardien (pl. I, fig. B), de sorte qu'aujourd'hui, de plain-pied, on va des cabinets de travail et de la bibliothèque, c'est- 3-dire du long corridor du premier, à l'atelier provisoire de photo- graphie. Cette amélioration en a amené une autre non moins utile et im- portante ; un laboratoire pour le directeur a été trouvé, et surtout une grande salle à l'est pour les collections ; par cet arrangement, un cabinet de travail s’est trouvé dégagé des collections, et un autre pourra être occupé par la bibliothèque agrandie, dont le local actuel est déjà insuffisant. Une passerelle, jetée entre la salle de photographie et le terrain acquis, conduit à une chambre vitrée pour la pose, qui, construite sur un sol solide, est à l'abri des trépidations causées par les allées et venues ; très probablement des modifications ultérieures amélio- reront cet état de choses qui étail cependant un progrès aux précé- dentes conditions réservées à la photographie. Les salles du rez-de-chaussée du nouveau bâtiment ont été amé- nagées pour servir de magasin à la verrerie, de dépôt pour les filets et apparaux de pêche; enfin, pour un aquarium de travail, où le public n’est pas admis (pl. ITL.) Une longue pratique montre que les observations délicates se font surtout dans des bacs de peu de profondeur et de peu de surface. D'après les plans que j'avais donnés à la manufacture des glaces de Saint-Gobain, on y a coulé des tables de glace épaisses, creusées de rainures et d’orifices. Dans les premières, on peut fixer des lames de glace de 10 centimètres de hauteur que tiennent jointes des en- coignures ou des angles dièdres de métal ; par les seconds entrent les tubes d'alimentation et sortent les tubes de la vidange, ainsi, l'eau arrive dans les bacs ou en sort parl'intérieur du bac lui-même, et s’il existait quelques fuites causées par les défauts dansles joints, l'on se trouve à l'abri de l'humidité si désagréable, qui peut souvent se répandre aux alentours, par le suintement ou la chute des goul- telettes. LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES, 21 Aussi sur les rebords de ces tables de glace parfaitement étanches peut-on placer papiers, carton à dessin, microscopes et loupes (pl. II), etc. Ce premier essai donne déjà des résultats excellents. Ces dalles de verre résistent bien mieux que les fonds des bacs en marbre ou ardoise, qui se laissent peu à peu pénélrer par l’eau de mer ayant une si grande puissance de pénétration et dont les infiltrations dégradent peu à peu toutes les tables. Une surface plus unie de la table, dans le pourtour, offrirait à l’œil une disposition plus satisfaisante ; on pourrait l'obtenir en polissant à l'émeri ; la dépense serait élevée et les conditions d'observations n’y gagneraient rien. Il y a pour le travail un grand avantage à avoir, dans les deux salles du rez-de-chaussée, une dizaine de tables ainsi disposées et placées devant des baies un peu basses et donnant une lumière oblique très bonne pour l’observation, là le travail n’est troublé par rien et le public, dont la curiosité est souvent indiscrète et fatigante, ne peut devenir jamais gênant, comme cela se produit parfois dans le grand aquarium. La canalisation de l’eau dans un aquarium demande des soins continus. Les tuyaux se corrodent, les fuites se produisent et une humidité fâcheuse se répand dans les locaux. Dans l’année 1897 et le commencement de 1898, il a fallu modifier et renouveler tout le système de l’hydraulique, creuser des cani- veaux pour y loger des tuyaux amenant l’eau et d’autres conduisant au dehors les vidanges. | Dans un grand centre, avec toutes les ressources de ja grande industrie, les modifications et les soins de l'hydraulique ne sont qu'une affaire d'argent. Mais quand on est, comme à Banyuls, presque au bout du monde, c’est tout autre chose. Aussi voyons- nous tous les jours l’extrême utilité de l'atelier. La réfection totale des appareils hydrauliques dans le grand aquarium et son installation dans les deux aquariums d’études, a 22 H. DE LACAZE-DUTHIERS, été parfaitement réussie, elle est due exclusivement aux soins du mécanicien auquel il est juste d’en attribuer tout le mérite. Il a, du reste, démontré encore mieux l'utilité de l'atelier qu'il a installé par les constructions qu'il a exécutées. Les lecteurs des Archives n’ont pas oublié les essais de photogra- phie sous-marine exécutés au laboratoire Arago par M. Boutan, qui, désirant les continuer et les pousser plus loin, avait besoin d'appareils plus parfaits que les premiers lui ayant servi. Manœuvrer sous l'eau des appareils à la fois délicats et lourds quand on est vêtu d'un scaphandre, n’est pas chose facile, surtout si l’on doit produire des éclairs par la combustion du magnésium. Obtenir une chambre noire absolument étanche et y exposer suc- cessivement plusieurs plaques sensibles est difficile, et cependant les appareils doivent, dans ces conditions, se manier aisément, sans aucune gêne. Le mécanicien David est arrivé, par un système ingénieux et simple, à emmagasiner plusieurs plaques et, par un jeu de levier bien combiné, à les faire se présenter aussi rapidement qu'on puisse le désirer, à l’action de la lumière et à la cesser de même. On voit combien, en dehors des réparations incessantes d'entre- tien qu’exigent les embarcations, les machines à vapeur, les ser- vices hydrauliques, est utile l’atelier ; les mille et un petits travaux d'aménagement qui s’y font journellement ne comptent plus. Tirerons-nous d'aussi réels avantages de la presse et de l'étuve construites aussi dans l'atelier par le mécanicien, pour arriver à faire de la phototypie ? Il faut l’espérer, et.ceux qui ont désiré avoir sous la main ces machines devront en faire usage et en démontrer par là l'utilité. Mais où les avantages de l'installation se sont montrés encore plus orands, c'est dans la fabrication sur place d’un petit cheval-vapeur qui a été annexé au Roland. Lors des nombreux sondages exécutés par mon savant collègue, M. le professeur Pruvot, pour dresser ses belles cartes du fond du LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 93 golfe du Lion, dans les eaux du Roussillon, l'équipage employait un temps considérable à pelotonner le fil du plomb de sonde ayant jus- qu’à un kilomètre de longueur. Le mécanicien David eut l’idée de prendre la vapeur sur le générateur du AÆoland et de s’en servir pour actionner un petit cheval-vapeur destiné à relever les sondes. Les grands constructeurs demandèrent de 1800 à 2000 francs pour la construction de cette petite machine. En présence de cette élévation de prix, il me de- manda l'autorisation de la faire lui-même; il tourna ses modèles en bois, les fit couler en fonte. Quand je revins au laboratoire, je trou- vai installée, sur le roufle du Roland (pl. IV), la petite machine de la force de 2 chevaux-vapeur, faisant en moyenne de 500 à 600 tours par minute, et fonctionnant parfaitement pour relever le plomb de sonde. Cette construction n’a pas dépassé 400 à 500 francs. Il est difficile d'arriver à une estimation plus précise du prix de revient de ce petit cheval, car dans ce chiffre ne sont pas comprises les journées des matelots et de l’ouvrier qui ont aidé, non plus que la dépense causée par la production de la force motrice actionnant le tour parallèle et l’étau limeur. Il faut le répéter, le laboratoire Arago étant comme au bout du monde, doit se suffire à lui-même, et l'utilité de l’atelier n’est plus à démontrer, comme on le voit, après les services qu’il a rendus et qu'il rend journellement, Sa création est due à l'initiative du mécanicien David; tout le mérite lui en revient, il n’est que juste de l’en féliciter. Le croirait-on ? Il n'y a pas un bassin de radoub sur toute la côte méditerranéenne ouest de France comprise entre l'Espagne et Mar- seille. Aussi, dès que /e Aoland est arrivé au laboratoire, a-t-il été urgent d'en consiruire un pour pouvoir soigner sa coque. Lorsqu’en avril 4898, M. Hermann, l'ingénieur du port de Cette, chargé de terminer la station de l’Université de Montpellier, est venu au laboratoire Arago pour en connaître l’organisation eten tirer profit, 24 H, DE LACAZE-DUTHIERS. il a été surpris quand je lui ai montré ce bassin (pl. V) et quil a constaté que nous avions, à Banyuls, un bassin qui nous permet de surveiller la coque de notre vapeur. Il me dit qu'il eût bien préféré, si les proportions du bassin eussent été suffisantes, nous conduire et confier son yacht, que de l’envoyer à Marseille. Il n’y a pas de bassin de radoub à Cette. Voit-on dans quel embarras nous nous serions trouvés si une avarie grave était arrivée au Æoland, et s'il eût fallu l'envoyer à Marseille : à quelles dépenses cela ne nous aurait-il pas entraîné ? Dans plus d'un séjour à Banyuls, j'ai assisté au grattage et à la pein- ture de la coque du yacht. Il a des érosions nombreuses. On peut affirmer qu’elles datent de l’année 1893 et du courant de 1894, époque à laquelle il avait passé près de huit mois sans être passé à la cale. On peut certainement affirmer que, sans la construction du bassin Saint-Pierre, qui nous sert encore de port, de havre de sûreté, le Roland serait aujourd’hui hors de service, sinon perdu. Et il a pu se trouver des personnes critiquant cette construction ? Port-Vendres est un point de ralliement pour les torpilleurs de la défense mobile de nos côtes, non seulement il n’a pas de bassin de radoub, mais il n’a même plus la cale sèche, en plan incliné, pour haler un torpilleur ayant des avaries; elle à été détruite par les tarets, et l’on n’est pas près d’en construire une nouvelle. Ah! qu'il est à regretter que les fonds recueillis de toute part, en tendant la main au nom de la science, n'aient pas élé plus considé- rables ! Le bassin Saint-Pierre du laboratoire eût pu être construit dans des proportions telles, que les torpilleurs pourraient venir s'y réparer, et combien ne serait-il pas curieux de voir un modeste labo- ratoire de zoologie prêter la main à un bâtiment de guerre. Banyuls avait eu, à un moment, le désir de s'exercer au tir, et tout près du laboratoire, sur le promontoire du Fontaulé, on avait construit ce qu’on est convenu d'appeler un stand; empruntant tou- LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 95 jours aux langues étrangères des termes qui semblent nouveaux et qu'on aime par cela même. Une escouade de soldats venait le dimanche de la garnison pro- chaine pour surveiller les exercices balistiques. Du stand, on tirait à la cible placée dans la montagne. Ce voisinage n'était pas précisément agréable, on le comprend, pour les travail- leurs du laboratoire. Mais, dans le Midi, si les idées propres à exciter l'enthousiasme font toujours fortune au premier moment, la lassitude arrive vite, surtout quand l'idée doit être soutenue par une souscription. Le tir n'a pas continué, il a fallu vendre le stand, qui, construiten bois, était aussi facile à démonter qu’à transporter et à reconstruire. Je l’ai acquis avec une faible somme personnelle que j'avais prudem- ment mise en réserve pour quelque cas imprévu. Le mécanicien David, aidé de l'équipage, a refait le stand dans le fond de la cour d’entrée, et nous avons là un grand et vaste maga- sin où sont remisés les bertons, les bois nécessaires à l’allumage des machines à vapeur, et même un âne et une petite charrette très utile pour le service du laboratoire et les relations avec la gare. Bourricot et petit véhicule m'ont coûté peu et rendent des services ; ils ont, d’ailleurs, été acquis comme le stand, en dehors du crédit du laboratoire. C’est le pays des contrastes que le Roussillon, surtout le Roussillon de la côte. | Lumière éblouissante, puis, tout à coup, crépuscules courts et ombres; grandes chaleurs par les temps calmes, temps d'été en hiver quand le vent ne souffle pas; brusque variation de tempéra- ture quand le vent de nord-ouest, passant sur les cimes neigées du Canigou, tombe à pic de la montagne de la Tour du Diable sur Banyuls. Mais aussi par moments quelle douce température! A cer- tains mois on ne se sent pas vivre, tant l’état de l'atmosphère est parfois doux et clément. Cependant il faut craindre le revers de la 26 H. DE LACAZE-DUTHIERS. médaille lorsque le mistral souffle brusquement. Si, par malheur, on ouvre imprudemment une croisée, si elle s'ouvre seule ayant été mal assujettie, des accidents arrivent sûrement. N°y a-til pas eu plusieurs fois des cloisons renversées dans l'intérieur même de l’établissement.On comprend, dès lors, ce que doivent être dans un tel pays les pluies lorsqu'elles arrivent brusquement et abondantes sur des montagnes pelées, dénudées et abruptes. On connaît le mot d'Alexandre Dumas en voyant un verre d’eau qu’un garçon de café lui apportait à Madrid. A Banyuls, nous n’avons pas le Manzanarès, la Baillorie le rem- place et, de même que lui, elle aurait besoin, en été, de ces quelques verres d’eau qu'Alexandre Dumas disait nécessaire au fleuve madri- lène. Qu’une ondée sérieuse arrive et, de tous côtés, l’eau coule; la Baillorie, qui élait à sec il y a un instant, devient tout à coup tor- rent furieux et terrible. En novembre et décembre 1897, des pluies exceptionnellement fortes l'ont fait tellement grossir, que la passe- relle du chemin conduisant au laboratoire a été très endommagée et la communication avec le village un moment interrompue. Le laboratoire a beaucoup souffert et de grosses réparations sont deve- nues nécessaires. Par la toiture, par le couloir (pl. VI) qui sépare les bâtiments de la montagne, l’eau avait tout envahi et creusé un ravin devant l'entrée de la cour du laboratoire; ce sont là des mi- sères imprévues que l'administration a bien dû et voulu soulager et l'établissement y a gagné de prendre une physionomie nou- velle, ces réparations l'ont comme rajeunie. Il y a cependant encore à faire. Nous manquons d’une pièce que l’on pourrait comparer aux salles de déballages qui existent dans tout grand établissement. Lorsque les bateaux arrivent de la pêche, les matelots apportent dans le grand aquarium les bailles renfermant les produits recueillis à la mer. C’est là qu’on fait la triaille, qu'on choisit les meilleurs, les plus utiles échantillons. C’est une cause de désordre qu'on évite- rait facilement, si l’on avait une pièce spéciale avec table et courant LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES, 27 d’eau. Il serait possibie et désirable d’avoir cette pièce à proximité du quai de débarquement. Un magasin pour loger le charbon pour les machines désencom- brerait l'atelier et en diminuerait l'entretien de propreté; en outre, il mettrait à proximité du yacht le combustible à embarquer lors des sorties. On vient de voir à combien de travaux utiles, indispensables et importants, servait l'atelier, qui est déjà fort encombré et dans lequel va être placé un nouveau moteur, un moteur à pétrole permettant d’avoir la force motrice à tout instant, sans attendre, comme avec la vapeur, la mise sous pression. Un agrandissement de l’atelier s'impose donc à ce dernier pointde vue ; mais le mécanicien observe encore, avec raison, que le travail sous une lumière zénithale très défectueuse est quelquefois difficile. Tout me fait espérer qu'il sera possible de répondre à ce besoin impérieux, d’avoir une lumière oblique en prolongeant l’atelier sur la terrasse. Enfin, la photographie est logée trop à l’étroit, et si l'installation qui a été faite était à ce moment en rapport avec les moyens dontil était possible de disposer (1894), elle ne l’est plus avec les exigences des progrès de la science ; et quand il a fallu faire des agrandisse- ments de photographies, nous avons constaté l’absence d’un vaste atelier parfaitement éclairé, permettant de manœæuvrer facilement les instruments et d’avoir sous la main des tables avec courant et réservoirs d’eau de mer pour photographier les animaux vivants. Puissé-je, dans un prochain compte rendu, annoncer qu’un pa- villon nouveau a été élevé au-dessus des machines et que les deside- rata qui viennent d’être indiqués ont été réalisés! J’ose espérer que je n’ai pas épuisé les sources bienfaisantes qui m'ont jusqu'ici si puissamment aidé dans l’accomplissement de l’œuvre de Banyuls, et que, dans un prochain compte rendu des progrès du laboratoire Arago, je pourrai annoncer l'installation du moteur à pétrole (celle-ci est certaine, les fonds nécessaires sont déjà réunis) et la création 28 H. DE LACAZE-DUTHIERS. d'un nouveau pavillon répondant à tous les besoins qui viennent d’être indiqués. Le laboratoire Arago a été l’objet de nombreuses visites. Il n'est pas question, bien entendu, du public curieux qui afflue pendant certaines fêtes. Dans l’aquarium devenu populaire, on a pu compter plus de 4 000 visiteurs pendant quelques-unes de ces fêtes et en une seule journée. Les élèves de la Faculté des sciences de Barcelone sont venus, à différentes reprises, pendant des vacances diverses, conduits par leur savant doyen, e/ decano señor Ramon de Luanco, et M. le pro- fesseur Odon de Buen, aux vacances de Pâques de 1896. À cette époque aussi, une excursion était partie de Paris et, pendant la quinzaine, ont eu lieu des excursions de botanique dans les Albères, conduites par le professeur Flahault, de Montpellier; des excur- sions géologiques aux terrains riches en fossiles de Millas, par M. le professeur de géologie de Lyon, Desperet; des pêches dans les grands fonds de corail et animaux rares avec conférences en mer par M. le professeur G. Pruvot, de Grenoble; des pêches, au sca- phandre dans la baie de Banyuls, par M. Boutan, maïtre de confé- rences à la Sorbonne, enfin, des conférences diverses dans l’aqua- rium, par nous tous, de l’enseignement supérieur. Une excursion finale, pleine d'intérêt, eut lieu en Espagne, à Olot, centre volcanique des plus curieux où, élèves et savants français et espagnols fraternisaient avant de se rendre à Barcelone et à Gerone, où des réceptions, pleines de cordialité, eurent lieu. Ce fut aussi à cette époque que, parmi les excursionnistes ayan£ été les hôtes du laboratoire, se trouvait un professeur de la Faculté des lettres de Paris, M. Rambaud, qui devint, plus tard, notre ministre de l'instruction publique. Ces excursions des vacances de Pâques se sont renouvelées tous les ans: en 4897, toutes les dispositions avaient été prises par M. le professeur Odon de Buen, et l’on alla jusqu'aux îles Baléares, où LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 29 l'accueil le plus cordial fut réservé aux étudiants de la Sorbonne. Tous les ans aussi, aux vacances de la Toussaint, les étudiants espagnols de Barcelone reviennent avec un grand entrain, pour quelque temps, au laboratoire Arago. Aux excursionnistes français, s’élaient joints des Belges venus de l'Université de Bruxelles, en compagnie de M. le professeur Fran- cotte. On le voit, le mouvement a été grand au laboratoire Arago; une cinquantaine d'élèves ou de savants, ayant fait des études, y sont venus. Leur présence ne fournit-elle pas la meilleure preuve du progrès ? Parmi les étrangers, l’on trouve les noms de MM. Francotte, de Bruxelles ; de von Graaf, de Gratz (Autriche) ; de Minchin et Ray-Lan- Kkester, d'Oxford ; Odon de Buen, de Barcelone ; Mitrophanow, de Varsovie. | L'un d'eux, M. le professeur Ray-Lankester, à son passage à Paris, a bien voulu me faire connaître l’impression qu'il avait éprouvée dans l'aquarium de Banyuls. Si je la rapporte, c’est qu’elle est une confir- mation de ce qui a été dit et répété dans les Archives en plus d'une OCCasion. La vitalité, dans les bacs de l'aquarium de Banyuls, a beaucou frappé le savant zoologiste professeur d'Oxford. On le sait déjà, il faut attribuer la facilité avec laquelle on con- serve, dans un état parfait, toute une faune curieuse dans les bacs, à la condition particulièrement favorable du réservoir d’eau de mer alimentant l’aquarium. Nous répéterons encore ce qui a été dit souvent. La citerne de 130 mètres cubes, creusée dans le rocher du promontoire du Fon- taulé, conserve l’eau puisée à la pleine mer dans un état de pureté parfaite et surtout à l’abri des variations de température; aussi, les embryons, entrainés par les courants de la pompe qui élève l’eau, continuent-ils leur développement dans les bacs, où nous trouvons souvent des èspèces que nous n'y avons pas portées, Telles sont les 30 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Bonellies qui y vivent et y prennent des proportions de taille de 1 mètre à 1",50 de long, surtout dans le bac où vivent avec une facilité extrême les étoiles de mer. On parle de filtrer les eaux ou de les recueillir dans des réservoirs pour les reposer et les rafraîchir, rien de tout cela n'est mis en œuvre au laboratoire Arago, et j'ai été fort heureux de voir mon savant collègue le professeur Ray-Lankester presque étonné d’avoir trouvé la vie des animaux si complètement conservée et continue dans les bacs du laboratoire. Sans présomption aucune, Je dirai qu'après tant de campagnes faites sur les côtes de Bretagne, de la mer du Nord, de l'Océan, à la Rochelle, Pornic, Gettarie et, dans la Méditerranée, à Mahon, à Ajaccio, Bonifacio, souvent à Cette, à Port-Vendres, à Collioure, à la Calle, à Alger, à Carthage, où j'ai dû m'installer sans les secours qu’on trouve aujourd'hui, je n’ai puisé de renseignements pour l’or- ganisation de mes stations que dans la longue expérience acquise à la mer, à mes embarquements divers, surtout aux missions que J'ai eu à remplir en Afrique et sans oublier mon personnel toujours ehoisi parmi les marins de la flotte. Les laboratoires de Banyuls et de Roscoff n’ont été copiés sur au- cune des stations par cette raison qu'il n'existait en France que l’établisement de Concarneau, organisé exclusivement à son origine en vue d’une affaire purement industrielle. Quand on cherche à copier la station de Naples, l'on fait fausse route si l’on n’a beaucoup d’argent. Naples table sur de très gros revenus et néanmoins, je ne sais si l’on y voit, comme cela a eu lieu après l’une des pêches pendant les dernières excursions de 1898, des quantités de rameaux de corail vivant dont tous les polypes d’un blanc pur de lait couvraient les tiges et faisaient disparaitre la cou- leur rouge si caractéristique du polypier. Un mot sur le service des envois. Il a continué à fonctionner régu- lièrement et pendant les années qui ont suivi les derniers comptes LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES, 31 rendus, tous mes collègues, en ayant fait la demande, ont reçu des animaux vivants venant de Roscoff et de Banyuls. Les Facultés des sciences de Grenoble, Caen, Nancy, Lille, Rennes, Paris, ont, suivant leurs demandes, recu régulièrement des envois qui pouvaient leur servir soit à des cours soit à des travaux person- nels. Il en est de même de quelques Écoles de médecine, comme celles de Grenoble, de Nantes, de Tours, qui ont demandé des types ou exemples pouvant servir aux exercices du P. C. N. Un envoi considérable a été fait tous les ans à l’École des institu- trices de Fontenay-aux-Roses. N'est-il pas aussi instructif de montrer des animaux vivants, revêtus souvent des plus belles couleurs, que des animaux, sans doute bien préparés, dans des liquides conservateurs ? M. le professeur Ray-Lankester avait besoin, pour ses études sur les matières colorantes des animaux, d’avoir des Bonellia viridis. Il m'en fit la demande et je pus lui en envoyer deux très beaux exem- plaires, qui lui arrivèrent à Oxford en fort bon état. Il s’est plu à citer cet exemple dans son mémoire publié dans le Quarterly Journal : « [ heard, however, in 1897, that Ponellia was flourising in beau- tiful healthy thank of the laboratoire Arago, at Banyuls-sur-Mer, near Perpignan. Two botiles of sea water containing each a magni- ficent specimen of Zonellia viridis, which arrived in Oxford in a perfect condition of living vigour. [ Was that able to examine again thepigment Bonellia, and to satisfy myself at to the position in which it occurs in the Body of Bonellia (Quarterly Journal of microscopical sciences, new series, vol. XL, p. 457). » M. Francotte, à Bruxelles, à reçu des Polyclades également en parfait état, de Banyuls et de Roscoff. 32 H. DE LACAZE-DUTHIERS. : I SOUVENIR D'HERMANN FOL, Ce compte rendu ne peut être terminé sans que l'expression de là plus vive et douloureuse reconnaissance soit adressée à celui dont la mémoire nous est chère, car il fut l’un des plus éminents et dé- voués collaborateurs des Archives. Hermann Fol, on le sait (4), a disparu victime de son amour pour la science. Lorsqu'il passa à Paris, pour aller s'embarquer au Havre et entre- prendre le voyage scientifique qui devait lui être funeste, il vint me faire ses adieux. Je le dissuadai de partir à une époque de l’année très souvent troublée (les équinoxes) et de suivre les côtes dange- reuses du Finistère. Je ne pus réussir et je dus me borner à lui sou- haiter un bon voyage et un beau succès dans ses recherches. À ce souhait, il répondit, tout ému, par une cordiale poignée de main, que je comprends mieux aujourd’hui. J'étais loin, à ce moment, de soupconner qu'Hermann Fol avait pensé, avant son départ, à me laisser une marque d'estime, à me donner, je dirai mieux, une preuve de son affection. Le testament qu'il fit avant son départ n’a pu être ouvert et rendu exécutoire que cinq ans après son départ ou sa mort; car, pendant cette longue période de jours d’anxiété, on n a pu retrouver aucune nouvelle du malheureux savant, aucune trace de son voyage. On ne sait encore où et comment 1l a disparu. Dès l'ouverture du testament, sa veuve, Mr° Hermann Fol, s'est empressée de me communiquer le codicille suivant : « Je donne et lègue au laboratoire zoologique de Banyuls-sur- Mer, en la personne de son directeur, M. Henri de Lacaze-Duthiers, mon yacht à vapeur l'Amphiaster, et mon côtre le Globule polaire, 1 Voir Archives de zoologie expérimentale et générale, 2e sér., vol. II, p. 1, 1894. LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 33 ainsi que tous les canots, SCaphandres, objets d'armement et engins de pêche renfermés dans mes magasins à Nice. » L'Amphiaster a disparu avec celui qui l'avait baptisé du nom de l’une de ses plus belles découvertes, d’un nom qui reste inscrit dans les sciences, qui fait partie désormais du langage embryologique. Cest à la mémoire du savant ingénieux, précis, grand chercheur de l’explication des phénomènes intimes de la reproduction, del’au- ieur des découvertes les plus positives sur les premières phases de la fécondation, que j’adresse l'expression de la plus vive reconnais- sance pour le souvenir précieux qu'il a légué, avant son funeste dé- part, aux laboratoires qu’il aima souvent à visiter. Pourquoi faut-il que ce soit la mort d’un Savant qui nous fasse connaître un don précieux. Que n'avons-nous ignoré ce don pen- dant une longue série d’années! La science aurait conservé l’un de ses plus zélés, de ses plus fervents adeptes. Des remerciements non moins vifs doivent aussi s’adresser à la veuve éplorée d’Hermann Fol. Elle à voulu donner au laboratoire qu'aima son malheureux mari un microscope et quelques-uns des instruments qu'il avait utilisés dans ses voyages: elle ÿ a ajouté des exemplaires de ses leçons faites et autographiées à l’Université de Genève, de son grand et bel ou- vrage Sur l'Æénogénie, un exemplaire du Xecueil zoologique suisse, Ges objets sont déposés en partie au laboratoire de Banyuls, où ils seront conservés en souvenir de Fol, en partie dans la bibliothèque du laboratoire de la Sorbonne, avec une note qui indiquera au lec- teur leur origine. Que M° Hermann Fol éprouve au moins la consolation, bien tristé sans doute, de savoir que son malheureux mari, victime de son dé- vouement à la science, a laissé en France des amis et des admirateurs de celui qu’elle pleure. ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GÉN,— 30 SÉRIE, — T, VI, 1898. 3 34 H. DE LACAZE-DUTHIERS. IV LES ARCHIVES. On a vu, en commençant, que le recueil périodique de zoologie expérimentale et générale avait élé créé en même temps que la première des stations, dont il devait représenter les archives offi- cielles ? Le nombre des recueils relatifs à l’histoire des animaux, dans Île sens le plus large du mot, est aujourd’hui considérable ; cela devait être, les travaux se multipliant de toute part. En présence de ce mouvement général, n’y a-t-il aucune modif- cation à apporter au mode de publication des Archives ? Telle est la question que se sont posée directeurs et éditeurs. Quelques auteurs ont fait aussi remarquer que la multiplicité des recherches conduisait à un accroissement considérable des rela- tions scientifiques et que le nombre des tirages à part accordés par le recueit était insuffisant pour répondre au besoin toujours crois- sant des échanges de mémoires. Les éditeurs et les directeurs, prenant en considération ces obser- vations, qui n'étaient pas isolées, se sont mis d'accord pour dou- bler le nombre des tirages à part, qui seront remis aux savants pu- bliant leurs recherches dansles Archives : le nombre donné sera, dès maintenant, de cinquante exemplaires. Ils sont, en outre, convaincus qu'il est possible de modifier avantageusement la publication des Notes et Revue, qui était, sinon abandonnée, du moins très insuffisante et irrégulièrement publiée. Désormais, à partir du VI volume de la Ille série pour 1898, dès qu’une feuille de Notes et Revue sera complète, elle sera datée et adressée aux abonnés directement et indépendamment du fasci- cule des Archives.| Il n’y aura, d’ailleurs, aucun trouble apporté dans la composi- LABORATOIRES DE ROSCOFF, BANYULS ET LES ARCHIVES. 35 tion du volume, puisque les Votes et Revue ayant,comme par le passé, une pagination romaine distincte, pourront être réunies et jointes à la fin du volume auquel elles correspondront. La rédaction des Archives est convaincue que ce mode de publi- cation pourra assurer une légitime priorité aux auteurs désireux de prendre date pour leurs travaux de longue haleine et demandant plus de temps pour leur publication. En outre, pour répondre à la seconde partie du ütre,une revue des articles jugés les plus importants sera ajoutée sous forme de ré- sumé, Ce qui aidera dans les recherches bibliographiques devenues si laborieuses par l'étendue qu'’eiles prennent. Un prospectus sera adressé à tous les abonnés et largement ré- pandu afin de faire connaître les conditions matérielles de cette nou- velle publication. D'un autre côté, le développement pris par les recherches prali- ques de zoologie a conduit à demander une amélioration dans le service des laboratoires dépendant d'une même chaire de la Sor- bonne; les deux stations étant situées aux deux extrémités de la France, leur direction est devenue très laborieuse. Durant leur créa- tion, les sacrifices de temps ou de tout autre nature n’ont pas été marchandés, mais aujourd'hui il semble nécessaire d’associer à la direction un savant dont le zèle, le savoir et les travaux puissent heureusement compléter l’organisation. La vie des Archives est siintimement liée à celle des trois labora- toires, qu'il est tout naturel d'associer à la publication du recueil officiel des laboratoires le même collègue et ami, le même qui a été délégué pour être adjoint à la direction des stations maritimes. Le nom du professeur G. Pruvot est trop connu des lecteurs des Archives pour qu’il soit besoin de leur présenter mon nouveau colla- borateur. Il suffira de placer dans le titre des Archives le nom de mon excellent collègue, dès aujourd'hui mon collaborateur, pour être assuré d’avoir l'approbation de tous ceux qui l'ont vu à l’œuvre et qui aiment la zoologie, RECHERCHES SUR LES ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D’ALGER V, — CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT DE. LA TETHYS FIMBRIATA PAR LE Dr CAMILLE VIGUIER Bien des travaux ont été déjà publiés sur le développement des Opisthobranches ; et je ne veux pas donnerici de nouveau une biblio- graphie que l’on trouvera page 1089 du Zehrbuch der Vergleichenden Entwicklungsgeschichte der Wirbellosen Thiere de Korscuezr et Heiper. Depuis la publication de cet ouvrage,le travail qui se rapproche le plus de mon sujet est celui de RicaarD Hevmons : Zur Entwicklungs- geschichte von « Umbrella mediterranea » paru la même année (1893) dansle LV[I° volume de la Zeistchrift für Wissenschaftliche Zoologie, et déjà mentionné dans le traité de Korschelt et Heider. C'est à ce travail, évidemment fait avec beaucoup de soin, et où se trouve également une bonne bibliographie, que j'aurai le plus souvent à renvoyer le lecteur. S1 J'ai quelques critiques à adresser à son auleur, mes observa- tions ne tendent, pour la plupart, qu’à faire ressortir les différences existant entre le développement de la Téthys et celui de l'Ombrelle. Tandis que la segmentation de la Téthys est d'une régularité frap- 38 CAMILLE VIGUIER. pante, celle de l'Ombrelle présente de nombreuses irrégularités qui en rendaient certainement l'étude plus difficile ; et les observa- tions de Heymons sont du reste plus complètes que les miennes. Le traité de Korschelt et Heider et le travail de Heymons n’étaient pas encore publiés, quand, le 27 février 4893, je pris à la main, sur la jetée nord du port d'Alger, un bel exemplaire de Téthys, le pre- mier que je voyais intact, et le seul, du reste, que j'aie jamais pu recueillir sans qu'aucun des phénicures se soit détaché. M. le pro- fesseur Vayssières, de Marseille, m’ayant prié de lui envoyer des Mollusques, je lui destinai cet animal qui fut laissé dans une cuvette d’eau non renouvelée. J’attendais que le sujet fût assez affaibli pour pouvoir le tuer sans qu'il se contractât ei perdît ses phénicures. Il vécut ainsi près de quinze jours, et le 14 mars, quand je me décidai à le préparer, je trouvais dans la cuvette une ponte de forme tout à fait caractéristique, et dont les œufs me frappèrent par l'extrême régularité de leur segmentation. Ils étaient tous au stade à 4 ou à 8 blastomères, et ne se développèrent point au delà. Je pris un croquis de cette ponte. Aussi me fut-il facile de recon- naître celles que je recueillis plus tard, au chalut, par 50 à 60 mètres de fond, au milieu de la baie d’Alger. Le filet qui les ramenait con- tenait, du reste, toujours des Téthys, ayant naturellement perdu tous leurs phénicures. Les pontes élaient évidemment abandonnées au moment où les animaux étaient pris et où leurs contractions brusques faisaient également tomber tous les appendices. Quant aux conditions dans lesquelles s'effectue normalement la ponte, et quant au degré de développement qu’atteignent alors les larves, il m'est impossible de rien préciser. Tous les stades figurés dans le présent travail proviennent de pontes ainsi recueillies, et qui se trouvaient évi- demment dans des conditions anormales dès qu'elles étaient dans l’eau. Aussi ne tardaient-elles point à être envahies par les diatomées et les Infusoires : le développement des œufs s’arrêtait bientôt, et les | DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. 39 embryons succombaient au bout de deux ou trois jours au plus, malgré toutes les précautions. Comme tous les œufs d’une même ponte sont dans le même état, sauf retard anormal dans le développement, on comprendra com- ment, malgré le nombre très considérable d'embryons que fournit chacune d’elles, il subsiste encore des lacunes dans le présent travail. Tous mes sujets ont été recueillis de la fin de mars aux premiers jours de mai, pendant les années 1896 et 1897, et je publiaï, dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences du 11 octobre 1897, une note préliminaire sur la segmentation des œufs. Diverses circonstances ayant retardé l'achèvement de ce mémoire, j'espérais trouver, au printemps de 1898, de quoi compléter mes recherches ; mais les Téthys, assez nombreuses les deux années pré- cédentes, semblent avoir à peu près disparu de notre baie. Je n’ai pu, cette année, en pêcher que deux exemplaires, et n’ai recueilli aucune ponte. Ce travail n’aura donc rien gagné au retard apporté à sa publication. Comme il arrive chez tant de Gastéropodes, les œufs sont pondus dans un tube continu, qui, au lieu de rester droit, comme chez les Pterotracha par exemple, subit une série de torsions autour de son axe, se divisant ainsi en une série de chambres ou coques alignées en file continue, et renfermant chacune un certain nombre d'œufs. Le cordon continu que forment ces coques, contenant de 30 à 40 œufs chez la Téthys, est ici enroulé en une hélice fort aplatie, engagée dans une substance glaireuse assez abondante. Il se consti- tue ainsi un large ruban, où les coques paraissent diposées en files régulières, perpendiculaires à la longueur du ruban, et sur deux épaisseurs. Les deux bords du ruban demeurent libres sur une cer- taine largeur ; et la substance qui les forme est plus résistante pour l’un d’eux, ou se gonfle moins par l’action de l’eau, ce qui détermine l’enroulement du ruban en une hélice à peu près régulière. Ce bord résistant, qui se trouve naturellement vers l’axe de l’hélice, 40 CAMILLE VIGUIER. se prolonge en filaments qui semblent bien indiquer que la ponte doit s'effectuer avant que les larves l’abandonnent, car ils doivent sans nul doute servir à la fixer. La figure 4 représente, en demi-grandeur, une ponte de la plus grande dimension observée, suspendue par ces filaments dans un bocal d’eau de mer. Les points sombres que l'on voit sur la photo- graphie sont des coques ovigères. Fort petites sur les pontes jeunes, où elles sont étroitement appli- quées sur les œufs, elles s’agrandissent ensuite, par suile de l’absorp- tion par les larves des substances glaireuses où elles sont plongées et qui passent à travers leur paroi; et leur accroissement est rapide lorsque les réserves nutrilives contenues dans l'œuf deviennent insuffisantes au développement. Les larves nagent alors très libre- ment, et l’incision des coques est très facile. Il est, au contraire, fort difficile de mettre en liberté les œufs jeunes, ce qui est cependant absolument nécessaire, qu’on veuille les préparer ou les observer vivants. L'observation surle vivant est du reste peu avantageuse, vu l’opa- cité presque absolue de l’œuf, chargé de granulations vitellines colorées en rose vif un peu orangé ; et ce n'est que sur des prépara- tions éclaircies ou des coupes que l’on peut suivre le développement, tout au moins jusqu’au stade de gastrula, c'est-à-dire à l’époque où il est le plus intéressant. J'ai, comme on pense, essayé la plupart des réactifs et des colo- rants indiqués pour ces recherches ; mais je ne sauraisrecommander les préparations chromiques ou osmiques, car elles offrent le grave inconvénient de noircir beaucoup trop les granulations vitellines qui ne sont déjà que trop opaques. Les œufs ainsi traités ne peuvent guère servir que pour l'examen superficiel et pour les coupes. EL le mode d'examen qui donne les meilleurs résultats est celui des œufs éclaircis après coloration un peu forte, suivie de décoloration. Le liquide fixateur qui réussit le mieux en ce cas est un mélange de sublimé, d'acide picrique et d'acide acétique, en solution dans l’eau de mer. DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. 41 Les embryons un peu développés étaient auparavant insensibilisés par un séjour dans une solution de chlorhydrate de cocaïne. Ils ne présentaient ainsi, pour la plupart, aucune rétraction ; mais la cocaïne donne avec le sublimé un précipité abondant, qu'il faut éloigner immédiatement, en continuant à laver avec le réactif. Malgré tous les soins apportés à la déshydratation, et bien que les œufs soient nus, il n’y a qu'un nombre restreint d'embryons qui deviennent parfaitement transparents ; mais les figures qu'ils mon- trent sont alors des plus nettes. Les irès nombreuses coupes que j’ai faites ne m'ont guère servi que de moyen de contrôle ; et la plupart des dessins que je publie ont été relevés sur des œufs ainsi traités. Tous sont, du reste, des réductions photographiques de dessins relevés à l'appareil à dessiner d’Abbe, à un grossissement uniforme de 600 diamètres. 11 eût été très facile de schématiser des figures aussi régulières. J’ai préféré m'en abstenir, et leur régularité n’en sera que plus frap- pante. Quant aux différences de taille, parfois assez sensibles, elles proviennent d'abord des œufs mêmes qui, à l’état frais, peuvent varier de 130 à 150 x de diamètre ; mais elles dépendent surtout du réactif employé. La production des globules polaires ne présente rien de particu- lier, el les premières divisions sont conformes au type déjà bien connu. Aussitôt après l'émission des globules polaires, l'œuf s'aplatit, devient réniforme (fig. 3), et peut arriver à présenter, avant toute division, une longueur presque double de sa hauteur (160 4. contre 90, sur des œufs préparés). | Le hile de la figure réniforme, immédiatement sous-jacent aux globules polaires, est occupé par la majeure partie du vitellus forma- üf, et c'est là que s’observe le premier fuseau de segmentation. Les granulations vitellines s’écartent ensuite, en laissant libre le plan suivant lequel se fera la séparation (fig. 4). 42 CAMILLE VIGUIER. Les deux blastomères ainsi produits sont presque constamment rigoureusement égaux. Quant à leur plan de séparation, il est im- possible, chez la Téthys, de reconnaître s’il correspond à un plan transversal de l'animal futur, comme l'ont indiqué Conklin pour la Crepidula ‘ et Heymons pour l’Ombrelle. Car, si les phénomènes de la deuxième segmentation répètent ceux de la première, les deux blastomères paraissent ne se diviser jamais simultanément ; et leur plan de contact disparaît ainsi, sans que l’on puisse savoir quels sont ses rapports exacts de position avec le plan de contact sem- blable qui s'établit entre deux des blastomères de deuxième géné- ration. L’avance prise par l’un des blastomères primitifs est parfois telle, que les cellules qui en proviennent se sont à leur tour divisées en macromères et micromères, alors que l’autre blastomère de première génération est encore à l’état de repos nucléaire (fig. 9). Gomme ces observations n’ont été faites que sur des préparations, je ne sau- rais dire si le développement aurait pu se continuer; et comme rien ne distingue l’un de l’autre les deux blastomères initiaux, il est impossible de savoir si c’est toujours le même qui prend l'avance, et lequel. Cette segmentation successive des deux blastomères primitifs se produit aussi chez l'Ombrelle ; mais l’explication donnée par Hey- mons, qui l’attribue à la différence de volume des blastomères, est * sans valeur chez la Téthys, où cependant le phénomène semble beau- 1 The Cleavage of th2 ovum of the Crepidula fornicata (Zoologischer Anzeiger, 1892, p. 185). On pourrait s’élonner que je n’aie pas insisté davantage sur les recherches de Conklin. Mais son travail définitif: The Embryology of the Crepidula (Journal of Mor- phology, vol. XIV, 1897), a paru dans une publication malheureusement trop coùû- teuse pour nos pauvres bibliothèques. Je n’ai pu le consulter qu'après la première mise en pages du présent mémoire, et ne pourrai y faire que de brèves allusions. Du reste, mes observations étant incomplètes, je préfère me borner à exposer les faits, et ne discuter aucun des points qui ne se rattachent pas directement à mes observations. Le mémoire de Conklin donne également une liste bibliographique, qui me per- met de supprimer celle que je voulais donner. DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. 43 coup plus marqué. On peut admettre, du reste, comme je le dirai plus loin, que c’est là un mode plus primitif que la division simul- tanée, telle qu’elle a été observée par Rabl, par exemple”. Bien entendu, dans la règle, les deux blastomères se segmentent successivement ; et il y a une période de repos avant la production des micromères. La division se produit comme d'ordinaire, de telle façon que les blastomères de deuxième génération soient, après leur retour au repos, disposés en croix; deux d’entre eux arrivant à se toucher suivant un plan vertical, qui est transversal à l’axe de l'embryon futur. Les deux autres, assez fréquemment un peu moins volumi- neux, mais le plus souvent de même taille, peuvent également arriver à se toucher suivant un plan vertical, perpendiculaire au premier, et, par conséquent, sagittal par rapport à l'embryon ; mais je n'ai observé que deux fois cette disposition (fig. 8). Ordinairement ils restent un peu écartés (fig. 7) et les corpuscules polaires, qui, dans le cas précédent, sont rejetés sur le côté, se trouvent normale- ment dans leur intervalle, sur la commissure des deux autres ?. La différence de plan est d’abord très marquée ; les blastomères de première génération se divisant obliquement en une cellule su- périeure, et une inférieure située à côté de celle-ci dans le sens du mouvement d’une montre. Mais les supérieures gagnent les angles formés par les autres. Toutes les quatre finissent d'ordinaire par se trouver au même niveau avant la première division équatoriale (fig.9), et le croisement indiqué sur les diverses figures ne porte que sur une faible épaisseur, les blastomères inférieurs (et les macromères qui -en proviennent) se prolongeant en dessous, et les autres en dessus. La figure 7 montre ce stade à 4 blastomères avant la régularisa- tion de leur position, pour mettre en évidence la filiation des 1 Uber die Entwickelung der Tellerschnecke (Morphologischer Jahrbuch, 1879). 2 On ne saurait attribuer uniquement, avec Conklin, la différence entre les figures7, normale chez Tethys, et 8, anormale chez Tethys et normale chez Discocælis (Lang), à l’inégale richesse de l’œuf en vitellus nutritif, car il n’y avait pas ici, à cet égard, de différence sensible. 44 CAMILLE VIGUIER. blastomères, conforme, du reste, à ce qui a déjà été observé. Je pense que Blochmann a tout à fait raison, lorsqu'il considère la division successive des deux premiers blastomères, non seulement comme normale, mais comme fournissant la meilleure explication de la position relative des quatre blastomères de deuxième géné- ration. La figure 6 correspond exactement au schéma qu'il donne page 154 de son travail : Uber die Entwickelung der Neritina fluviatelis (Zeitseh. f. Wiss. Zoologre, vol. 36, 1882) !, La première division équatoriale ne se fait pas toujours simulta- nément dans les quatre blastomères. On voit des œufs A1, 2 et 3 mi- cromères; et je rappelle que cette division peut se produire pour une moitié de l'œuf, tandis qu'un des premiers blastomères demeure tou- jours indivis (fig. 8); mais, normalement, la segmentation a lieu presque en même temps dans les quatre blastomères de deuxième génération ; A. B... produisant ainsi 4 macromères, À,, B,... con- servant l'aspect et la position relative des blastomères dont ils pro- viennent, et 4 micromères a,, b,.…., fort clairs. Les fuseaux de cette première division équatoriale sont d’abord dirigés presque radiairement, ou mieux comme les arêtes d’un tronc de pyramide à bases carrées ayant le même axe que l'œuf. Le cyto- plasme clair dans lequel se trouve le noyau, étant moins dense que les granulations vitellines, continue en effet à se porter à la partie supérieure de chaque blastomère ; et c’est là que se produit la divi- sion. Mais lorsque les blastomères commencent à se déformer, les pointes supérieures des fuseaux se mettent à tourner dans le sens des aiguilles d’une montre. ‘des. Il semble que ceci soit déterminé par la position d'équilibre qu'occuperont les micromères après leur séparation. Si, en effet, ? Conklin a longuement traité ces questions dans le mémoire cité (p. 44 et suiv.). Je ne puis songer à reprendre iei toute cette discussion ; mais l’objection qu'il fait (p. 49) à l'explication de Blochmann ne me semble point absolument décisive. Si, en effet, la division successive des deux blastomères initiaux était un mode primitif, la disposition des blastomères de deuxième génération pourrait se maintenir par hérédité, alors même que la division aurait fini par se produire simultanément. DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. 45 sur le cas anormal de la figure 9, on voit les deux micromères pro- duits demeurer exactement au-dessus des macromères correspon- dants, c'est qu'ils sont maintenus: 4,, par le blastomère indivis, et a,, par Ÿ,. Quand la division équatoriale se produit, comme c’est la règle, seulement après la segmentation des deux blastomères ini- taux, les micromères ne sauraient demeurer en équilibre dans cette position, et viennent se placer dans les sillons que laissent entre eux les macromères en tournant de 45 degrés dans le sens des aiguilles d'une montre, si l’on regarde l’œuf par son pôle animal (fig. 10 et 11). On peut admettre que, primilivement, cette rotation des micro- mères ne s'effectuait qu'après la fin de la division. Devenue hérédi- taire, elle commence d’une facon plus précoce, ainsi que le montre le changement de direction des fuseaux nucléaires ; mais elle ne peut cependant s'achever que lorsque la division est complète !. Par suite de la rotation des premiers micromères, la partie supé- rieure des macromères se trouve de nouveau libre, et les mêmes phé- nomènes se répètent pour la division suivante (4° division, ou 2° équa- toriale). Les fuseaux de cette division paraissent, vus en projection sur un plan perpendiculaire à l’axe de l'œuf, disposés suivant les directions des côtés d’un même carré; mais l’extrémité gauche (en sens inverse du mouvement d’une montre) de chacun d’eux est sen- siblement plus élevée. Ici encore, la direction des fuseaux semble, comme je le disais tout à l’heure, déterminée par la position future des cellules qui vont s'’isoler ; et cette position n’a dû être elle-même primitivement déterminée que par les nécessités de l'équilibre. Les micromères a,, 4,, beaucoup plus volumineux que les pre- miers, sont cependant comme eux constitués par le cytoplasme clair qui continue à se rassembler à la partie supérieure des macromères, ainsi qu on le voit fort bien sur la figure 11. Une fois produits, ils 1 Conklin dit aussi {p. 55): « After the division wall between the dividing cells has appeared, the rotation still continues ; in the formation. of both the first and second quarteiles (groupe de micromères de même génération) there is an actual rotation of these cells. » Chez la Tefhys, on observe encore plus tard, ainsi qu'on le trouvera plus loin, les mouvements réels des micromères. 46 | CAMILLE VIGUIER. sont également obligés, pour trouver une position d'équilibre, de gagner les sillons que laissent entre eux les macromères en se dé- plaçant par rapport à ceux-ci, qui sont à la fois plus volumineux et plus lourds. Maisles sillons sont déjà, comme nous l’avons vu, occu- pés par les micromères a,, b,. Chacune des cellules a,, 4, se place alors, par rapport au macromère qui l’a produite, du côté opposé à celui qu’occupe déjà le petit micromère de même origine. Ce ren- versement dans le sens de la rotation, qui retentit comme nous l'avons vu plus haut, sur la direction des fuseaux, et produit par suite le clivage des macromères alternativement dans un sens et dans l’autre, semble déterminé par les liaisons protoplasmiques que les petits micromères ont conservées avec le macromère producteur, et que j'ai fréquemment constaté sur mes coupes!. Les micromères a,, ,..…., chassent, au contraire, des sillons, les micromères d,, a, (v. fig. 12), qui les occupaient, et qui n'ont, avec les macromères À,, B,..., qu'un rapport de contiguïté. Ces pre- miers micromères glissent alors sur les macromères auxquels ils sont liés, et se trouvent ainsi ramenés de 45 degrés en arrière (en sens inverse des aiguilles d’une montre), dans la position même où ils ont été produits. Mais ils s’y trouvent maintenant en équilibre; étant logés dans les sillons que laissent entre eux les gros micromères @,, b,.…., qui sont placés, à leur tour, à 45 degrés (en sens inverse des aiguilles d’une montre) des macromères qui les ont produits. Gette alternance dans le sens de la rotation, qui semblait surprendre Heymons (p. 270), s'explique ainsi tout naturellement; et nous la constaterons encore *. 1 Voyez Hammar, Ueber eine allgemein vorkommende primäre Protoplasmaver- bindung zwischen den Blastomeren (Archiv für Mikroskopische Anatomie, vol. XLIX, p.92 et ploNT)- 2 On trouvera discutée, surtout p. 185 et suivantes du travail de Conklin, la loi des clivages alternatifs. Les explications proposées ne me paraissent pas aussi sim- ples que celle ci-dessus, et le fait que « this law of alternation is less manifest in latter than in the early stages of development, and even in the early stages it may be violated as soon as definite cell groups begin to appear » me parait très compré- DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. 47 Les quatre micromères de la deuxième division équatoriale se produisent d'ordinaire tout à fait simultanément ; mais il peut arri- ver que deux seulement le soient (et toujours, en ce cas, les deux provenant d’un même blastomère primitif) alors que la division sui- vante commence à s'effectuer. Celle-ci porte sur les premiers micromères à, b,..…., qui se divi- sent en deux parties un peu inégales, dont les plus volumineuses, qui doivent garder leur notation, conservent leur position rela- tive au centre de la rosette ectodermique; mais subissent de nou- veau une rotation de 45 degrés en sens inverse des aiguilles d’une montre. Les autres, en effet, marqués a,,, b,,.…, sont formés par la partie des micromères de première génération qui se trouvait enga- gée dans les sillons que laissent entre eux les gros micromères de la seconde, et sans doute encore liée au macromère sous-jacent. Elles ne sauraient donc quitter cette position ; tandis que les cellules suc périeures, plus libres, viennent se placer en alternance avec elles et dans la direction des micromères a,, bd... 1. De ce stade à 12 micromères, on passe brusquement au stade à 20, par division des a,, 6, et par la production d’une troisième géné- ration de micromères &,, b,, sensiblement plus petits. La position des fuseaux est, pour ces à,, b,, semblable à ce que nous avons vu pour les a,, b, ; sauf que leur inclinaison est inverse. En outre, la rotation des cellules nouvelles ne peut plus s’opérer librement, comme celle des précédentes; et ces à@,, 0, viennent seulement se loger dans les angles que laissent entre eux les macromères, au- dessous des cellules déjà produites (v. fig. 15 et 16). hensible en admettant que tout cela résulte des changements de position déterminés par les lois de l'équilibre, et qui, par hérédité accélérée, apparaissent avant la sépa- ration complète des cellules. Il est du reste évident que les déplacements sont d’au- tant moins faciles qu’il y à déjà un plus grand nombre de cellules produites. 1 D’après Conklin (p. 58), chez la Crepidula, dans la première division des pre= miers micromères, les cellules excentriques (qu’il appelle turret cells) se déplacent par rapport aux cellules centrales qui conservent leur orientation. Il n’en est certai- nement point ainsi chez la Tethys, et les raisons ci-dessus l’expliquent suffisamment. 48 CAMILLE VIGUIER. De même que les a,, à se trouvent, par rapport au macromère producteur, du côté opposé aux a,, b,, les a,, b,, toujours pour la même raison, sont du côté opposé aux a,, b,, c’est-à-dire à 45 de- grés des macromères, dans le sens des aiguilies d'une montre. Je n'ai jamais observé de stade à 16 micromères, quoique j'en aie vu un nombre considérable à 12 et à 20. Je ne saurais donc dire sila production de la troisième génération de micromères est, ou non. antérieure à la division de ceux de la seconde ; mais la filiation des cellules n'est pas douteuse. Les micromères a,, b.... se sont divi- sés en deux parties presque égales, une, inférieure, qui ne paraît sans doute un peu plus volumineuse que parce qu'elle est un peu plus éloignée de l’axe vertical de l'œuf; l’autre, située à droite et un peu au-dessus. Comme les micromères a,, d, viennent se loger dans les angles que laissent entre euxles macromères, ils en chassent, en les soulevant et les poussant dans le sens des aiguilles d’une montre, les cellules provenant de la division des a,, b,, auxquelles je lais- serai cette notation, car elles sont sensiblement égales, et je n’ai pas observé comment s'opère leur division ultérieure. Les 16 cellules provenant des deux premières séries de micromères sont fort régulièrement piriformes, leur pointe, qui n’est pas un cône, mais un dièdre à arête sensiblement verticale, se dirigeant vers l'axe vertical de l’œuf, et semblant y arriver, sauf celle des 4 cellules inférieures provenant de la division des AS VORE Avant que leur changement de forme leur permette une autre po- sition d'équilibre, tous ces micromères sont, par suite de leurs liai- sons réciproques, disposés pendant un certain temps, avec les Au De en hélice assez régulière qui se voit fort bien sur la figure 46. C'est ce qu'on à appelé la disposition spiralée du blastoderme *. 1 Il ne saurait guère y avoir de doute que l’arrangement des micromères dans leur forme initiale soit dû à des conditions mécaniques, ces cellules prenant, comme le dit Wilson, « the position of greatest economy of space, precisely like soap bubbles or other elastic bodies ». La disposition dite spiralée répond à cette condition jus- qu’au changement de forme des cellules. Mais, bien entendu, ceci n'exclut pas l’in- fluence de la structure même du protoplasme germinatif. DEVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. 49 Mais le sommet des 4, 0, arrivant à peu près au même niveau que celui des Macromères, les cellules provenant de la division des à, b, finissent par se placer aussi à peu près à un même niveau, au-dessus de celui-là. Les cellules supérieures de chacune des paires ainsi pro- duites s’écartant à leur tour un peu de l’axe vertical pour arriver à la même distance radiale que les inférieures, il ne reste plus entre les deux cellules de chaque paire qu’un léger chevauchement indi- quant leur position première, comme on le voit sur la figure 19. Pendant que se fait ce changement de position, qui est bien réel, el non apparent, comme semble le croire Heymons (p.253), les GP subissent une deuxième division (Hg. 18). La partie inférieure, sen- siblement plus grosse que l’autre, et qui se trouve engagée entre les 4,.,,4,.,, conserve sa position. Je nommerai ces cellules GA ENS car les autres, plus petites, gardent leur position relative au centre de la rosette ectodermique, et doivent, par Conséquent, conserver la notation a,, 6... Pour se mettre en équilibre, celles-ci sont obli- gées de tourner de 43 degrés en sens inverse des aiguilles d’une monire, se mettant ainsi dans la direction des A5 0 net des ds, b,. Quant aux grosses cellules provenant de la division des a,, Le elles s’éloignent encore un peu de l’axe vertical et forment, comme on le voit sur la figure 17, une croix fort régulière, les lignes de sé- ne et aux lignes de séparation des Gi, b,. Gelte position relative est dé- Paralion des cellules d'une même paire correspondant aux GA Sormais conservée; et l’on observe encore 4 paires de grosses cellules ainsi placées, mais qui ont fini par devenir à peu près sphériques, alors que tout le reste de l'ectoderme est divisé en cellules fort pe- tites qui, sans doute, en proviennent en grande partie, et qui ont fini par les recouvrir presque entièrement. Si l’on regarde maintenant l'œuf par le côté végétatif, la disposi- lion n’est pas moins régulière (fig. 48). Les 4 macromères, devenus invisibles du côté animal, et dont je me suis contenté d'indiquer la place en pointillé sur les figures précédentes, se sont allongés, for- Mani une croix fort régulière ; l'intervalle des bras étant occupé par ARGH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. == 3€ SÉRIE, — T, VI, 1898, 3 50 CAMILLE VIGUIER. les micromères de troisième génération. On peut remarquer,sur cette figure, la position excentrique des noyaux. Il va se produire, en effet (fig.19), une quatrième génération de micromères &,, Ÿ,, au-dessous des extrémités des cellules à, @, DESIRE n'ai point, il est vrai, observé les fuseaux de cette division ; mais l’exceniricité des noyaux des macromères, avant, et la position des cellules &,, b,, après, ne sauraient guère laisser de doute; et si, dans un grand nombre de cas, il semble que les macromères ne produisent que trois géné- rations successives de micromères, il est bon de rappeler que ceci ne saurait être aucunement regardé comme une règle générale *. Ces quatrièmes micromères sont plus petits que les troisièmes, qui l’étaient eux-mêmes beaucoup plus que les seconds. Trois d’entre eux sont situés un peu plus du côté animal. Le qua- jrième déborde nettement du côté végétatif el recouvre l'extrémité du macromère qui l'a produit, ei dont le noyau avait déjà com- mencé à s’accroître sensiblement. C’est là le premier caractère qui nous permette de reconnaître le macromère en question comme étant le macromère postérieur, Car; jusqu'alors, la régularité était si parfaite que la désignation comme antérieur ou postérieur de l’un des deux macromères qui arrivent à se toucher suivant un plan transverse, était purement arbitraire. Ce sont maintenantles a,, b,, qui, après s être un peu avancés du côté végétatif (fig. 18), se divisent à leur tour en deux cellules, dont l’une gagne un peu plus du côté végétatif, tandis que l’autre reste du côté animal en se disposant un peu obliquement. Ces dernières, étant sensiblement plus volumineuses, et gardant du reste leur posi- tion par rapport aux bras de la croix ectodermique, conserveront la notation a,, &,. Les autres, qui conservent mieux leurs rapporis avec les sillons entre Îles macromères, seront dénommées &-1 b.. (ig.19). 1 Ce n’est point, il est vrai, l'avis de Conklin (p. 61 et suiv.) qui révoque en doute tous les cas contradictoires, mais je ne saurais me ranger à son opinion. J’ai, du reste, quelque scepticisme à l'égard des lois absolues en biologie. En tout cas, les cellules 4, 0, sont bien, non seulement des micromères, mais des ectomères, comme il est facile de s’en convaincre en regardant les figures 20, 21 et 23. DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. J1 Ün grand changement survient alors dans le macromère Dx Toutes les granulations quil contenait disparaissent, sauf celles qui se rassemblent vers le pôle végétatif et qui deviennent beaucoup plus fines. Il se produit là une cellule D, fort sombre (fig. 20) ; tandis que le reste du macromètre D,, devenu tout à fait clair, commence à grossir et à déborder au-dessus de G, et de A,. Son noyau s’accroit de nouveau d’une façon remarquable. Les autres macromères, dont les noyaux, après l’émission des 4, 0,, étaient revenus du côté végé- tatif, mais sans changer d'apparence, émettent à leur tour chacun une cellule à peu près de la même taille. G,, la première mise en liberté, est aussi sombre que D, et tout à fait de même aspect. Elle aura, COMME nous verrons, à peu près la même destinée. A, et B, sont plus ciaires, à granulations moins fines que C, et D,, et de même aspect que À, et B.. Ges quatre nouvelles cellules, produites autour du pôle végétaiif, doivent être considérées comme entodermiques. Aussitôt qu’elles sont produites, elles sont forcées, pour se trouver en équilibre, de se placer dans les sillons entre les macromères, où elles vien- nent rencontrer les a,.,4.,, qu'elles dépassent un peu du côté vé- gétatif. Gomme les macromères conservent toujours leur position, je ne VOIS pas d'avantages à changer leur notation, et à les considérer, avec Heymons, comme produits par les 4 cellules, beaucoup plus petites, qu'ils viennent d'émettre. Tout au moins chez la Téthys, où la segmentation est beaucoup plus régulière que chez lOmbrelle, ce sont nettement celles-ci quise déplacent, et même il ne saurait en être autrement. Ces 4 cellules entodermiques porteront donc les désigna- tions À,, B,,C,, D, ,tandis que les macromères non transformés con- tinueront à s'appeler A,, B,, G,. Quant à D,, qui a complètement changé d'aspect, et qui va produire le mésoderme, il vaut mieux le désigner par la lettre M. Cette grosse cellule M continue à s’accroître rapidement dans le sens transversal, débordant au-dessus des ma- cromères non transformés, surtout des deux latéraux, comme on le 52 CAMILLE VIiGUIER. voit sur la figure 21, où paraît le fuseau indiquant la division nu- cléaire. On remarquera, sur cette même figure, que la diminution de volume des macromères, due à la production des À,, B,, a permis aux @,, 0, de s avancer Vers le pôle végétauf. La figure 23 nous montre de grands changements. La division de M est achevée; et le plan de séparation des deux cellules M, ainsi produites, nous indique désormais le plan sagiltal de l'embryon, du moins approximativement. Car il est bon de noter que la surface de séparation des deux M n’est point exactement perpen- diculaire à l’axe de l’œuf, mais un peu oblique ; et que la cellule de gauche est légèrement plus dorsale que celle de droite. On ne voit à découvert, du côté végétatif, qu’une faible partie de ces cellules, ainsi que des macromères non transformés. En effet, les cellules À,, B,, se sont allongées dans les sillons entre A, et B,,et entre B, et C,, et leur plan de contact est aussi devenu sagittal. Ce changement pro- vient du déplacement de C, etde D,, qui ont conservé leurs rapports avec À, et B,, mais se sont un peu enfoncées, surtout D,, entraînées qu'elles sont par l'enfoncement des cellules M, doni l'extrémité tournée vers l’axe de l’œuf remonte vers le pôle animal (fig. 25), celle de gauche toujours un peu plus que l’autre. C, et D, se sont en outre divisées, donnant chacune une cellule, CG, etD,.,, alors que leurs semblables sont demeurées indivises. Ces nouvelles cellules, C,., et D,,, provenant de la partie de C, et D, la plus éloignée de l'axe de l'œuf, ne sont point en contact. Elles sont au contraire sépa- rées, vu l'accroissement transversal pris par les cellules M, et n’oc- cupent même pas des positions tout à fait symétriques par rapport au plan sagitlal ; ce qui est dù, sans nul doute, à l’enfoncement plus marqué de D,, dont nous avons parlé tout à l'heure. Les cellules ectodermiques commencent à recouvrir, fort régulié- rement encore, la face végétative. Les cellules a,,0,, c,, d, Se sont divi- sées, suivant des plans sensiblement radiaux, chacune en deux cellules égales, dont je n’ai pas suivi plus Join les divisions. Îlen est de même des cellules 443 Deus Car Dora dont les plans de division sont aussi à peu DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA, 53 près les mêmes que ceux des a,, b.. Avec les à,, b,, C,, d,, Qui ont con- tinué à s'avancer vers le pôle végétatif, elles forment, à ce moment, le contour inférieur de l’ectoderme. d,, toujours plus avancée que ses pareilles, laisse à découvert, du côté végétatif, une cellule Gene de je pense, a été produite par elle, sans que, cependant, j'en sois sûr. La diminution très sensible de volume éprouvée DArSlE NT ENTRE semble prouver qu’elles se sont divisées : et s’il en est ainsi, les cel- lules produites ne peuvent être que Gi) Du lC., dont, autrement, je ne comprendrais pas l'origine. Mais, sauf d,., ces cellules ne sont visibles que du côté animal, où il faut maintenant nous reporter (fig. 22). Les changements y sont, du reste, peu sensibles. Les cel- lules a,., etc., se sont divisées en deux à peu près égales, occupant maintenant tout le sillon entre les grosses cellules a, et à, etc., jus- qu'aux cellules a,, divisées comme nous l'avons vu plus haut. Les cellules a,., etc., se sont également divisées ;: mais leur volume a peu diminué, car la cellule produite par chacune d'elles est fort petite, Ces petites cellules sont logées, comme celles dont elles proviennent, dans le sillon de séparation des deux grosses cellules CRD DER EU constituent un même bras de la croix. Dans le même sillon, entre elles etles a,, b,,se trouvent les cellules a,.., b,-,, dont j'ai parlé plus haut. Tout l'ectoderme se compose donc, à ce moment, de 52 cellules : 16 forment une croix rectangulaire, dont deux bras sont dirigés dans le sens sagittal et les autres perpendiculairement: maisles quatre bras de cette croix ne se rejoignent pas au pôle animal. Celui-ci est, en effet, occupé par les quatre petites a, b,, dirigées à 43 degrés des bras de la croix droite, et dans le prolongement desquelles se trouvent les dd, etC., formant avec elles une autre croix dont les bras alter- nent régulièrement avec ceux de l’autre. Dans la direction des bras de cette croix oblique se trouvent les plans de séparation entre les Us is dns 4, eiC. Enfin, les 8 grosses cellules provenant de la divi- sion des deuxièmes micromères ont conservé leur place et leur vo- lume ; et c’est dans les sillons qui les séparent que sont disposées les huit files rayonnant à partir du centre. 54 CAMILLE VIGUIER. Le mésoderme n’est composé, à ce moment, que des deux grosses cellules M et de deux petites »m, qu’elles émettent sans doute au moment où elles se séparent (car on les trouve toujours une fois cette division achevée), et qui sont petites el difficiles à voir à cause de leur position. La figure 24 est une coupe horizontale de l'œuf, correspondant à la figure 21 du travail de Heymons sur l'Ombrelle, où le début des for- mations mésodermiques semble absolument identique. La figure 25 est une coupe sagiltale, sur laquelle ont été rapportés les contours des cellules principales situées en dehors du plan de Ja coupe, dans la moitié gauche de l'œuf ; mest vu là, par transparence, à travers M. L’aceroissement longitudinal des deux cellules M fait qu’elles s’avancent à ce moment un peu au delà du centre de la rosette ectodermique, sans toutefois recouvrir B qui sesi allongé comme elles, de sorte que l’œuf a sensiblement augmenté d'épais- seur. Ïl est, comme on voit, à l’état de sterrogastrula, la cavité de seg- mentation n’étant représentée que par des interstices insignifiants. Le plan de cette coupe sagittale, légèrement schématisée, n’a ren- contré (outre l’ectoderme) que la grosse cellule B,. Il passe entre les deux M, entre B, et À,, etentre C, et D, (voir aussi fig. 23). On voit fort bien le plongement de D, , tandis que A, reste tout à fait superficiel dans le sillon entre B, et A,. Le contour de À, a été indiqué, bien que ce macromère se Lrouve tout à fait en dehors du plan de coupe, ainsi que la petite cellule provenant de la première division D, et marquée D,.- L'embryon tout entier est alors composé de 65 cellules, dont l'ori- gine nous est parfaitement connue : les 52 ectodermiques dont nous avons parlé plus haut, 4 mésodermiques, les 3 macromères non transformés, et les 4 pelites entodermiques, dont 2 sont restées en- tières, et 2 se sont divisées. | L'observation complète, déjà fort difficile à partir de l’état repré- senté figure 20, serait désormais à peu près impossible, et je n'ai pu DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. bb) la poursuivre, faute de matériaux. Je signalerai donc seulement les principaux faits observés. La figure 26 montre la deuxième division des cellules M, et cor- respond à la figure 22 dutravail de Heymons. Mais je n’ai pas observé la formation des traînées mésodermiques avec autant de suite qu’a pu le faire cet auteur. La figure 27, qui se rapproche de sa figure 95, montre que les choses doivent se passer à peu près de même dans les deux cas. Comme, chez ces animaux, le mésoderme se dissocie, et que sans doute même il s’y ajoute d’autres éléments que ceux qui proviennent de l'initiale M, j'ai abandonné là son observation. Il est également à peu près impossible de suivre entièrement la filiation des petites cellules provenant des entodermiques primitives. Mais quelques faits intéressants sont à noter. Une partie, tout au moins, des cellules provenant des divisions successives de C, et de D, se dispose en deux files qui divergent en arrière (c'est la suite du processus déjà indiqué sur la figure 23). Plus tard, ces deux files deviennent presque parallèles et se réunissent en arrière. C'est à leur niveau que s'arrête le recouvrement ectodermique ; elles cor- respondent ainsi exactement aux lèvres du blastopore. Je ne saurais indiquer la part que prennent A, et B, à la formation des petites entodermiques. Comme elles décroissent un peu de volume, et que l'extrémité antérieure du blastopore s’avance entre elles, il semble bien qu'elles fournissent aussi quelques éléments aux files cellulaires en question ; mais, tandis que C, et D, cessent d’être reconnaissables, À, et B, gardent presque leur volume et leur situation relativement à À, B, C, jusqu'à une période très avancée (fig. 98, 30 et 31). Les trois grosses cellules A, B, C, sont les plus faciles à suivre : c’est d'elles et de leurs divisions que dépend la forme des larves : car les cellules mésodermiques, se divisant rapidement, arrivent bientôt à ne former qu'une masse de peu d'épaisseur entre l’ectoderme et l’en- toderme. Dès que l’initiale mésodermique M (fig. 20) est caractérisée, NME C, commencent à se rapprocher l’un de l’autre. C’est ce rapproche- TE. 56 CAMILLE VIGUIER. ment, déjà fort avancé (fig. 28), qui donne à la larve sa forme obtu- sément triangulaire. Plus tard, tout en demeurant triangulaire, la larve s’allonge, par suite de l'allongement considérable d'A, et de C,, qui finissent par se diviser transversalement en deux parties, dont la plus volumineuse est en arrière. B, n'ayant pas changé, l'extrémité antérieure est demeurée pointue. Le blastopore commence à se refermer en arrière, et l’on distingue déjà très bien les cellules anales ; maïs A, et C, ne s'étant pas encore rejoints sur la ligne médiane, on voit encore par transparence les cellules mésodermiques principales, qui occupent toujours la place primitive (fig. 30). Ce n’est que lorsque B, se divise à son tour que la larve s'arron- dit en avant et devient ovale. À, et C, se sont alors rejoints sur la Jigne médiane ; et il est bien évident que l’archentéron ainsi refermé, après isolement de l’une des parties qui le composaient primitive- ment, correspond à ce qui reste de l’archentéron embolique de la Paludine après isolement des diverticules mésodermiques. La place si longtemps occupée par B, devient maintenant libre par la division assez rapide des cellules qui en proviennent ; et c'est en ce point que se forme l’invagination stomodéale. Celle-ci se pro- duit avant que le blastopore soit entièrement refermé, et paraît se continuer avec son extrémité antérieure. Mais elle est close du côté de l’entoderme ; et ce ne sont que les cellules ectodermiques for- mant les lèvres du blastopore qui se continuent à ce moment avec les grosses cellules qui la bordent. On voit encore trace de cette disposition sur la figure 392, où la suture du blasiopore est à peu près achevée, et marquée d’un trait un peu plus fort pour la faire suivre plus aisément jusqu'aux deux cellules anales, qui marquent son extrémité postérieure. Celles-ci ont déjà commencé à se diriger vers la droite de la larve; et le pied, en se développant dans la région de la suture, vales reje- ter tout à fait à droite, en les ramenant en outre vers la bouche. Il est bien évident que le principal intérêt d’une étude sur le dé- DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. 57 veloppement d’un Opisthobranche, et surtout de la Téthys, serait l'observation exacte de la transformation des larves. Mais le nombre prodigieux des œufs contenus dans une seule ponte suffit à montrer combien sont faibles les chances de survi- vance, même dans les conditions naturelles; et l’on ne saurait irop s étonner du peu de succès obtenu dans l'éducation de larves qui, du reste, n'étaient pas encore à l’âge où elles commencent à mener une vie indépendante. Je me bornerai donc à de brèves explications sur les figures 33 à 39 qui se comprennent assez d’elles-mêmes. Au moment où se forme l'invagination stomodéale, la partie pos- térieure de la larve s’est déjà allongée, comme nous l'avons vu plus haut, mais il n’y a pas encore de modification sensible de l’ecto- derme (fig. 33). Bientôt après se produit l'invagination préconchylienne, entre le centre de la rosette ectodermique primitive et les cellules anales (fig. 34). La figure 35 montre l’étalement de la glande et l'épaisseur des cel- lules ectodermiques sur toute l'étendue où se produit Ja coquille. Plus tard (fig. 36), les cellules comprises dans cette étendue se ré- duisent beaucoup, et ce n'est que sur le bord Correspondant au bourrelet palléal futur, et qui continue à sécréter la coquille, que les cellules ectodermiques conservent leur dimension, C’est une modification exactement semblable qui se produit dans la région du pied qui sécrète l’opercule. (V. fig. 35 et 36.) Je ne dirais rien du pied, si Heymons (p. 280) n'avait indiqué les cellules entodermiques Correspondant à À, etC,, comme prenant part à sa formation. Cette assertion ne semble guère mériter la contra- diction, tellement peu elle est vraisemblable. Il est, en tout Cas, facile de s'assurer, chez la Téthys, que les grosses cellules ne s’avan- cent pas dans la cavité pédieuse lorsque celle-ci commence à s’ac- croître, et qu'il n'y émigre que les cellules mésodermiques qui fourniront la musculature. 98 CAMILLE VIGUIER. Je n’ai pu suivre l’invagination des otocystes ; et ce que j en con- nais est conforme à ce que l’on sait déjà. Je n’ai rien vu, chez la Téthys, qui corresponde aux organes ex- créteurs décrits par Heymons chez l'Ombrelle. C’est à peine si, sur la figure 28, on peut voir deux cellules ectodermiques, plus grosses que les autres, dans une position correspondant à peu près à celle de ses cellules E, dont il a suivi avec tant de soin le développement. Maïs, nous avons vu qu’elles n'ont pu se produire de même; et, du reste, elles ne sont remarquables ni avant, ni après. Il se constitue, par contre, entre l'état représenté figure 37 et celui de véliger (fig. 38 et 39), un organe, sans doute excréteur, corres- pondant à ce qui est désigné comme tel sur la figure 612, p. 1036, du traité de Korschelt et Heider. On distingue nettement la lumière du canal excréteur autour duquel sont groupées des cellules sans dis- position bien définie et se distinguant mal des autres cellules envi- ronnantes, qui semblent, comme elles, provenir d’une prolifération qu bourrelet palléal. J’ignore l’origine de cet organe et ne saurais dire, par conséquent, s’il est de provenance exclusivement ectoder- mique ou si le mésoderme prend part à sa formation. Au stade représenté sur la figure 36, la cavité entodermique est en- core très petite. Elle s’est sensiblement agrandie à l’âge que montre la figure 37. La portion terminale, dont on voit encore les rapports avec les cellules anales, est repliée à angle aigu sur le vaste estomac encore indivis, et ses parois sont formées de petites cellules claires. L’estomac lui-même est formé de cellules grosses et riches en granu- lations vitellines dans la partie correspondant à l'extrémité posté- rieure de la larve, tandis que les cellules sont moindres et plus claires du côté de l'æsophage et du côté de l'intestin. L'estomac dé- finitif est produit par la région située vers l'intestin et que l’on voit encore sur la figure 38 se raccorder à angle aigu avec lui, tandis que la portion riche en granulations vitellines donne les deux cæcums hépatiques bien connus. Il n’y a rien de particulier à dire de l’æso- phage, qui ne présente aucune irace d’invagination radulaire. DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA. 39 EXPLICATION DES PLANCHES. DÉVELOPPEMENT DE LA TÉTHYS. (Sauf indication contraire, tous les dessins sont à 200 diamètres.) PLANCHE VII. F1G. 1. Une ponte de grande dimension suspendue dans l’eau par ses filaments terminaux (réduction à la moitié d’une photographie en grandeur natu- relle). 2. Ouf frais, après la sortie des globules polaires. 3, 4 et 5. Phases de la première division (voir le texte; j'ai représenté par- tout, pour repérer les figures, un globule polaire sur les vues en plan et deux sur les vues latérales). ! Division de l’un des blastomères de première génération. Vue du côté animal. La deuxième fdivision est achevée: mais les quatre blastomères de deuxième génération n’ont pas encore régularisé leur position. 8. Cas anormal, où les blastomères Supérieurs viennent se toucher suivant un plan sagittal (voir le texte). Vue du côté animal. 9. Autre cas anormal, ou la division s’est poursuivie dans une des moitiés (er) CR} de l’œuf, tandis que l’un des blastomères de première génération demeurait au repos (voir le texte). Vue du côté animal. 10. Première division équatoriale, vue par le côté animal A, B4, etc., les quatre macromères ; a, b, etc., les quatre micromères provenant des quatre blastomères À, B, etc., de deuxième génération. 11. OEuf dans le même état, vue latérale droite; on voit bien le rassemble. ment du vitellus formatif à la partie Supérieure des macromères. 12. Deuxième division équatoriale, vue du côté animal : a, db, etc., les deuxièmes micromères. 13. Même stade, vue latérale droite. 14. Division des premiers macromères Gi, dy, etc., qui ont émis les di, bi-4, etc. Vue du côté animal. PLANCHE VIIT. Sur celte planche et la suivante, les vues latérales ont été redressées, pour faciliter la comparaison avec les larves. F16. 15. Les deuxièmes micromères >, Os, ete., se Sont divisés: et les macromères ont émis une troisième série de micromères da, ba, ete. 16. Même stade. L’œuf vu obliquement par la région antérieure droite, et un peu du côté dorsal, fpour bien mettre en évidence la disposition spiralee. 17. La position des micromères s’est régularisée, et les premiers micro- mères 44, &,se sont divisés une seconde fois donnant les dy-9» bare, etc. 18. Même stade vu du côté végétatif. 19. Même stade en vueilatérale droite exacte (le éentre de la rosette ectoder- mique, étant moins saillant que les huit grosses cellules, se trouve presque entièrement masqué par elles). 60 CAMILLE VIGUIER. Fig. 20. Les macromères on émis une quatrième série de micromères 4, Dteic: Les cellules as, ba, ete., se soni divisés, donnant les a3-4, b3-, ete. Enfin D,, qui vient d'émettre, tout à fait au pôle végétatif, une cellule fort sombre D,, est devenu tout à fait clair, et commence à s’accroître en débordant au-dessus des autres macromères. Caractérisée désormais comme initiale mésodermique, elle sera maintenant désignée par la lettre, M. 91. Les trois macromères A4, B,,C, ont émis à leur tour les celluies A», Ba, Ca. M, qui s’est beaucoup accrue, est en voie de division. 92, Face animale d’un œuf un peu plus avancé. Vue légèrement cblique, montrant, en avant, le passage de la face animale à la face végétative. Cette vue diffère de la figure 17 par : 1° les ay 3, 0-1, etc., se sont divisés donnant les aj-44, Damas, ete.; 2° les ae, bi, etc., ont donné les &-, bon, etc. 30 les as, Ds, etc., se sont aussi divisés chacun en deux cel- lules égales qui gardent la même notation. On voit, en outre, les a,,b,,etc., et les @-1, 041, etc., qui en proviennent. Enfin on aperçoit, en avant, az, bay, etc. 93. Même stade, du côté végélalif. La division de M est achevée ; C, et D, ont donné Co et Don. Les a34, Va 5€ sont divisés comme les a, ba, etc., et forment, avec les a,, &,, etc., le contour inférieur de l’ectoderme. Coupe horizontale d’un œuf au même stade, montrant les grosses méso- dermiques M, les petites m qu’elles ont produites, les trois macromères non transformés (dont les noyaux ne se trouvent pas à ce niveau) et l’ectoderme étroitement appliqué de toutes parts. 93, Coupe sagiltale d'un œuf, toujours au même état. Cette coupe est légè- rement schématisée. Le plan sagiltal médian ne rencontre que l’ecto- derme et le macromère B4. J'ai ajouté, en perspective, les grosses cellules situées à gauche de ce plan. Cette figure est à comparer aux 24 ® figures 22-21, et montre que la cavité blastocælique se réduit à de faibles interstices entre les grosses cellules. 96. Coupe horizontale d'un œuf un peu plus avancé, montrant la deuxième division des M. 97, Coupe horizontale semblable d'un œuf où les traînées mésodermiques commencent à se dessiner. Sur ces deux figures, de petites cellules entodermiques devraient se trouver en avant des m. Mais leur origine et leur disposition n'ayant pas été reconnues exactement, il m’a semblé préférable de simplifier les dessins. 98. Vue ventrale d’une larve un peu plus avancée que celle de la figure 27. A, et C, se rapprochent en arrière, où cependant les M sont encore visibles par transparence, à travers l’ectoderme. Le blaslopore commence à se refermer. 99. Vue dorsale d'une larve, à peine plus âgée, montrant que la rosette eclo- dermique centrale (au milieu de laquelle est encore figuré un corpus- eule polaire) a conservé sa position relative par rapport aux trois macra- mères A1 B1 C4, dont une partie du contour est pointillé. He. DÉVELOPPEMENT DE LA TETHYS FIMBRIATA, 61 PLANCHE IX. 30. Vue ventrale. 4, et C; se sont divisés, et la larve s’est allongée : les M sont toujours visibles; les cellules anales sont distinctes ca. . Vue ventrale. B; s’est divisé ; A el C1 se sont rejoints sur fa ligne médiane. 32. Vue ventrale. T'out l’ectoderme ventral est figuré, pour montrer la ligne de fermeture du blastopore, marquée d’un trait un peu plus fort, et allant des cellules anales, qui commencent déjà à passer à droite, à l'invagi- nation stomodéale b. Celle-ci vient de se former au niveau où se trouvait auparavant B,, en avant de l'extrémité antérieure du blastopore, ave laquelle elle se continue d’abord, 33 à 38. Vues latérales. 33. Larve à peu près au même état que celle de la figure 32, avant la formation de l’invagination préconchylienne, 34. Larve pendant l'existence de l’invagination préconchylienne. L'ecloderme. et l'entoderme sont tracés en coupe optique. Les formations mésoder- miques n’ont pas été portées, pour simplifier le dessin. v, voile; go glande coquillière; c, coquille 85, L’étalement de la glande ne vient de se produire. Le pied se dif férencie, et l’on voit l’épaississement de l’ecloderme dans la région qui va produire l’opercule. L’invagination de l octocysle est achevée; mais il n’y a pas encore d’otolithe. La couronne commence à se poe v, Voile; of., otocyste. 86. Ms cemer ectodermique est maintenant limité au bord palléal. Le voile continue à se différencier. Sur ces deux figures, le pointillé repré- sente la coupe optique de l’ectoderme; et, sur la dernière, il montre l'épaississement de la plaque apicale ap. 57, Larve beaucoup plus avancée, où le voile est développé, et le pied muni de l’opercule. Le tube digestif commence à se différencier. On voit l’in- testin terminal (toujours en rapport avec les cellules anales) replié à angle aigu sur l'estomac, dont la cavité est encore indivise, et les parois fort épaisses. Le pointillé indique la coupe optique des parois du tube digestif. 38 et 39. Veligers dans l’état le plus avancé où ils aient été observés (à 150 diamètres seulement). 11 s’est différencié deux cæcums hépatiques, Ch.; e, estomac; ex, org. excréteur ? m, muscle adducteur. 40 à 52. Coupes simplifiées, à 100 diamètres seulement. 40. Coupe sagittale montrant : ap, plaque apicale; v, coupe du voile ; p, pied; b, bouche. 1. Coupe sagittale passant par l’œsophage, l’estomac et l’un des cœcums hépatiques, pour montrer l'épaisseur relative des parois. 52. Coupe horizontale passant parle pied bien étendu : ot, otocystes ; æ, æœso- phage ; m, muscle adducteur. 43, 47. Cinq coupes horizontales successives, à 3 4 de distance, ayant porté ee te CAMILLE VIGUIER. sur un animal légèrement rétracté, ce qui fait apparaitre Île pied plus haut qu'il ne devrait. Fic. 48, 52. Cinq coupes frontales successives, à 3 L de distance. Toutes ces coupes sont destinées à bien montrer les rapports du voile et de la bouche, la figure 38 n'étant pas suffisamment claire à cel égard : ap, partie mé- diane de la plaque apicale; gc, ganglions cérébroïdes ; v, voile ; p, pied ; ot, otocystes; æ, æsophage. LES MUSCLES CRANIENS LES NERFS CRANIENS ET LES PREMIERS NERFS SPINAUX L’'AMIA CALVA ! EDWARD PHELPS ALLIS Vote : (Conclusions générales, traduites par le docteur FRANCIS Muxca.) Le mémoire qui fait l’objet du résumé que l’on va lire, représente le travail le plus important parmi ceux ? que M. Edward Phelps Allis a publiés, dans ces dernières années, sur l'anatomie et le développe- ment de l’Amia calva. Ces recherches doivent leur origine à de longs et minutieux travaux entrepris par l’auteur, depuis une douzaine d'années déjà, en vue de compléter nos connaissances sur l’histoire de ce Poisson ganoïde. Le premier point que M. Allis s'était proposé d'élucider, avait trait au développement et à l'anatomie du système de la ligne latérale de l’Amia *. L'étude de cette question entraîna l’auteur à entreprendre des recherches destinées à vérifier les résul- tats obtenus et publiés antérieurement par MM. Van Wijhe, Sage- mehl, Mac-Murrich et Wright sur le même sujet, et à compléter les descriptions données par ces anatomistes, notamment en ce qui concerne la région céphalique. Commencés à Milwaukee (États-Unis) dès 1885, repris à Menton en 1893 et poursuivis depuis sans inter- ruption, ces travaux prirent rapidement une extension considérable, 1 The cranial muscles and cranial and first spinal nerves (Journal of Morphology, vol. XII, 1897). 2 Journal of Morphology, vol. IT, 1889; Journal of Morphology, vol. XI, 1895 ; loc. cit., Journal of Morphology, vol. XII, 1897 ; Zoological Bulletin, vol. I, 1897. 3 Loc, cit., Journal of Morphology, vol. II, 1889. 64 : EDWARD PHELPS ALLIS. beaucoup plus considérable que celle que l'auteur avait prévue primitivement. En ce qui concerne l'étude de l'embryon d'Amia, M. Allis a appli- qué la méthode des coupes en série. Quant aux descriptions qui portent sur l’adulle, ellés ont été faites d’après des dissections fines exécutées sous la direction et le contrôle de l’auteur par ses colla- borateurs habituels. L'intelligence de ces descriptions est facilitée par de nombreuses planches dont nous reproduisons quelques-unes, choisies parmi les plus importantes du mémoire original”. Ajoutons que M. Allis continue actuellement ses recherches sur l'Amia et compte les étendre au Maquereau, à la Morue et au Brochet *?. Le canal dans lequel sont logés les muscles moteurs de l'œil chez l'Amia calva, et la grande ouverture orbitaire de ce canal présentent, à certains égards, des ressemblances frappantes avec les dispositions telles qu’on les observe sur le crâne humain pour la fosse pituitaire ou selle turcique et pour la fente sphénoïdale. En effet, chez l'homme, la selle turcique est limitée en arrière par la lame quadri- latère du sphénoïde, en avant parle tubercule pituitaire du même os. Dans l’Amia, le canal des muscles moteurs de l'œil est limité, en ar- rière, par les ailes de l’os pétreux, qui sont internes et horizontales ; en avant, par une saillie transversale, sur la face dorsale et inclinée de laquelle repose le chiasma des nerfs optiques. C’est sur cette face inclinée que passent les nerfs optiques chez l'Ama (comme sur le tubercule pituitaire chez l’homme), avant de se porter en dehors vers les trous qu'ils doivent traverser en compagnie des artères ophtalmiques. Située au fond de la fosse pituitaire, l’hypophyse, chez l’homme, est flanquée de chaque côté du sinus caverneux. Celui-ci reçoit en avant la veine ophtalmique qui vient de l’orbite par la fente 1 Les planches reproduites sont celles qui figurent dans le mémoire original sous les numéros XXIV, XXX, XXXI et XXX VIII. 2 Note du Traducteur. MUSCLES ET NERFS CHEZ L'AMIA CALVA. 65 Sphénoïdale. En arrière du Corps pituitaire, au niveau de leur extré- mité postérieure, les sinus caverneux communiquent entre eux par l'intermédiaire des sinus intercaverneux. C’est de la même manière que la veine ophtalmique est logée dans le canal des muscles de l'œil chez l’Amia. Ici, toutefois, la communication qui existe entre ces veines passe au-dessous de l'hypophyse chez l’adulte, tandis que chez l'embryon elle s'effectue grâce à une anastomose située en arrière de cet organe. Chez l’homme, la cavité du sinus caverneux est tra- versée par l'artère carotide interne et par la sixième paire de nerfs crâniens. Chez l'Amia, on ne rencontre que le nerf dans le canal des muscles de l'œil. Néanmoins, l'artère est située si près du bord de la fenêtre hypophysaire, quelle ferait nécessairement irruption dans le canal en question, si cette fenêtre venait à s’élargir tant soit peu. La paroi externe du sinus caverneux renferme, chez l'homme, les nerfs de la troisième et de la quatrième paire, ainsi que les branches ophtalmique et maxillaire supérieure de la cinquième, Chez l’'Amia, les mêmes nerfs se retrouvent dans le compartiment latéral et supé- rieur du Canal. Chez l’homme, l'artère carotide interne, après avoir traversé la selle turcique, décrit un coude à concavité supérieure, puis se dirige vers l’espace séparant les nerfs oplique et moteur ocu- laire commun, en croisant en dedans l’'apophyse clinoïde antérieure. Chez l’Amia, cette artère affecte des rapports identiques avec les nerfs précités et avec l'extrémité postérieure du basisphénoïde. Chez l’homme, la fente Sphénoïdale laisse passer les nerfs des troisième, quatrième et sixième paires, la branche ophtalmique de la cinquième, ainsi que les veines Ophtalmiques. Chez l’Amia, l'orifice orbilaire du canal donne également Passage aux nerfs des troisième, quatrième et sixième paires, aux veines ophtalmiques, enfin, à la racine du nerf profond, lequel doit vraisemblablement être considéré comme l'homologue, en anatomie humaine, de la branche ophtalmique de la cinquième paire. Chez l’homme, comme chez l’Amia, la branche maxillaire supérieure sort de la cavité que nous décrivons, non par la fente sphénoïdale comme les autres nerfs, mais isolément, par un ARCH, DE ZOOL, EXPe ET GEN. — 3€ SÉRIE, = T, VI, 1898, 5 66 EDWARD PHELPS ALLIS. orifice spécial situé plus en arrière, Pour Thane, ce trou ne serait autre chose, chez l'homme, qu'une dépendance de la fente sphénoï- dale, séparée de celle-ci secondairement ; mais, dans l’Amia,iln'en est certainement pas ainsi. Chez l'homme, les muscles droits ont leur attache sur le sphénoïde, près de l'extrémité inférieure de la fente sphénoïdale. Chez l'Amia, ils prennent leur origine sur Le basi- sphénoïde, soit au niveau du bord inférieur de l'orifice qui met l’or- bite en communication avec le canal des muscles de l'œil, soit sur le plancher même de ce canal, en deçà de l’orifice. Au canal transverse des Sélaciens correspond, chez l'Amia, une gouttière qui s'étend transversalement d’une orbite à l’autre. Gesillon est situé immédiatement en avant du bourrelet cartilagineux et transversal, qui marque et limite en avant le canal des muscles de l'œil, immédiatement en avant aussi des deux points d’ossification de ce bourrelet, points qui doivent représenter, chez l'Anua, le basi- sphénoïde des Téléostéens. Il en résulte que le canal des muscles de l’œil de l’Anua et des Téléostéens n’est pas l'équivalent du canal transverse des Sélaciens, ainsi que l'affirme Sagemehl. Dans les phases embryonnaires avan- cées, ce canalforme, chez l'Amia, une cavité ou un espace circulaire en- tourant le corps pituitaire et le saccus vasculosus. Les muscles de l'œil ont pénétré dans ce canal, soit par l’orifice du nerf moteur oculaire externe, soil en suivant un canal qui donne passage à une impor- tante veine ophtalmique. Cette veine provient de la face inférieure du corps pituitaire, où elle entre en rapport avec la veine homonyme de l’autre côté. En avant, elle est en continuité à peu près directe avec une autre veine, laquelle tire son origine de la glande choroï- dienne. Ces deux veines sont alimentées par les sinus veineux situés dans le compartiment supérieur et latéral du canal des muscles de l'œil. L’artère carotide interne pénètre dans la cavité crânienne par un canal spécial qui perfore la base du crâne près du bord interne du basisphénoïde. Il s’ensuit que, chez l’Amia, cet os est situé en dehors MUSCLES ET NERFS CHEZ L'AMIA CALVA. 67 de l’artère, alors qu’on le rencontre en arrière du vaisseau chez le Maquereau et la Perche. Chez l’'Amia, pendant son trajet à travers = À | . =S ÈS SN SS 1 | | D ï JNonvra Qd nat, del, SK ESS == SE S Se = RS SR — Se SS Fig. 1. Tête d’Amia adulte, vue d’en haut (couches profondes). Du côté gauche, on n’a con- servé qu’une mince écaille du crâne cartilagineux. À un endroit, cette écaille est entamée pour montrer le trajet entier de la branche sus-temporale du glosso- pharyngien. Le globe oculaire du côté gauche est représenté coupé. le canal que je viens de mentionner, la carotide interne émet une 68 EDWARD PHELPS ALLIS. branche qui la met en communication avec l'artère pseudo-bran- chiale efférente. À l'intérieur du crâne, cette même artère abandonne encore des rameaux optiques et olfactifs, puis donne naissance à un cercle artériel situé au niveau de la région auditive et en arrière des lobes inférieurs du cerveau. L’artère carotide externe pénètre dans le compartiment latéral et supérieur du canal des muscles de l'œil par un orifice spécial de l'os pétreux; mais, autant que j'ai pu men rendre compte à l’aide de coupes, elle n’envoie aucune branche dans l’intérieur de Îa cavité crânienne proprement dite. Par contre, ce vaisseau émet des rameaux qui quittent le canal des muscles de l'œil en compagnie de ramifi- cations du trijumeau et du facial. L’artère pseudobranchiale efférente pénètre dans l'ouverture orbi- taire du canal des muscles de l'œil par un orifice spécial, lequel orifice se trouve immédiatement en avant de l’aile externe du para- sphénoide. De sorte que l'artère pseudobranchiale, tout comme la carotide externe, traverse le crâne cartilagineux sans arriver jusque dans la cavité crânienne proprement dite. Une fois entrée dans l'ou- verture orhbitaire du canal des muscles de l'œil, l'artère pseudobran- chiale efférente reçoit une petite anastomose qui lui vient de la carotide interne, puis se dégage et pénètre dans l'orbite avec les muscles droits. Chez l'adulte, l'hypophyse et le saccus vasculosus sont des forma- tions glandulaires. Ces organes reçoivent un apport considérable d'éléments nerveux qui viennent de la base de l’infundibulum. Leurs cavités glandulaires communiquent librement avec la cavité de l’in- fundibulum. Contrairement aux assertions de Sagemehl, le nerf olfactif est à nu, au niveau de l'orbite, dans une partie fort restreinte de son par- cours. L'orifice, par lequel il peut ainsi être atteint de l'orbite, se trouve à l'extrémité tout à fait antérieure et supérieure de l'orbite ; :] est destiné au passage d'une veine venant des fosses nasales. Il résulte de cette disposition qu'en avant de l'orifice que je viens de MUSCLES ET NERFS CHEZ L'AMIA CALVA. 69 décrire, le canal olfactif est formé par la fusion de deux Canaux, à savoir : la partie antérieure du canal olfactif proprement dit, ensuite un autre canal qui constitue probablement l’homologue du caral orbito-nasal des Sélaciens. En raison de son origine, je propose de donner à cet orifice le nom d’orifice ou fente orbito-nasale. J'ai retrouvé chez l’Amia le nerf crânien du Protopterus que Pinkus avait défini en le déclarant « non décrit jusqu'alors », Une partie des fibres de ce nerf a une origine commune avec l'olfactif ; l’autre suit un trajet intracrânien, comme l’a indiqué Pinkus. Toutefois, je n'ai pas pu déterminer d’une façon satisfaisante le siège exact de son émergence du cerveau, comme cela a été réalisé pour le Pro- topterus. J'ai également revu, le long de ce nerf, les grandes cellules décrites par Pinkus. Dans les embryons âgés, ces cellules sont dis- séminées et éparpillées le long du nerf. Mais chez les embryons de 12 millimètres de long, elles sont concentrées en une protu- bérance nodulaire, située à la face inférieure du nerf olfactif et envi- ron au milieu de sa longueur. Au point de vue histologique, cet amas de cellules rappelle le ganglion ophtalmique, qui contracte des rap- ports fort analogues avec le nerf moteur oculaire commun. Le gan- glon de l’olfactif doit peut-être être rattaché au Système du grand sympathique, caractère partagé incontestablement par une partie au moins des fibres du ganglion ophtalmique. Il sera peut-être possible un jour d'identifier cette formation nerveuse avec le ganglion sphéno- palatin des Vertébrés supérieurs. Les muscles rotateurs du globe oculaire ne sont pas des organes homologues entre eux dans les différents ordres d'Ichtyopsidés, si l'on peut ajouter foi aux descriptions que nous possédons sur leur mode d'innervation. Bien au contraire, on peut établir une classifi- cation de ce groupe (exception faile des Pharyngobranchiés) en se fondant sur le mode d'innervation des muscles de l'œil. On obtient alors deux divisions et un certain nombre de subdivisions qui, à moins que l’on ne doive admettre des phénomènes de régression, fournissent des lignes de filiation distinctes et bien déterminées. 70 EDWARD PHELPS ALLIS. Dans l’un de ces deux grands groupes, qui comprend uniquement les Cyclostomes, le nerf moteur oculaire externe innerve les muscles droits inférieur et externe. Dans l’autre groupe, ce nerf tient seule- ment l’un de ces muscles sous sa dépendance, à savoir l’externe. Quand le musele rétracteur du globe oculaire existe, le nerf moteur oculaire externe fournit également des rameaux à ce muscle. Le second groupe se partage en deux séries. Dans l’une d’elles, on voit la branche supérieure du moteur oculaire commun, située au- dessus de l’ophtalmique profond, innerver deux muscles droits, le supérieur et l’interne. Dans l’autre série, au contraire, elle ne donne de rameaux qu'au muscle droit supérieur. Dans le premier de ces sous-groupes viennent se placer les Élasmobranches, les Dipneustes et les Urodèles; dans le second se rangent les Ganoïdes, les Téléos- téens et les Anoures. Les Amphibiens sont alors répartis en deux sous-classes qui correspondent bien à celles établies pour les Pois- sons. Dans le prototype de ce second groupe, les museles et les nerfs ont dû présenter une disposition assez semblable à celle que l’on rencontre chez les Holocéphales. Ici, en effet, le droit interne s'in- sère près de l'extrémité antérieure de l'orbite comme dans la Lam- proie, et l'oblique supérieur prend son attache sur le bord de l'or- bite. De ce prototype, deux lignes divergentes nous conduisent aux deux sous-classes de Poissons, et deux autres nous mènent aux SOUS- classes d’Amphibiens. Entre les deux lignes conduisant aux Amphibiens se place l’/ch- tyophis. Chez ce Vertébré, les muscles rotateurs du globe de l'œil possèdent le même mode d’innervation que chez les Anoures. D’après les frères Sarrasin, l'un des muscles de l’œil se serait transformé en rétracteur du tentacule. C’est probablement le droit interne des Urodèles qui a subi cette adaptation el non le rétracteur du globe oculaire, ainsi que le pensent les frères Sarrasin, 11 semble donc bien, à en juger par la disposition des muscles de l'œil, que l’Zch- tyophis représente la souche des Vertébrés supérieurs, ainsi que l'a reconnu Burckhardt en se fondant sur l'étude du cerveau. MUSCLES ET NERFS CHEZ L’AMIA CALVA. 71 Le ganglion profond existe, aussi bien chez l'embryon que chez l'adulte, à l’état de ganglion séparé et distinct. Une Jongue racine le relie au ganglion ophtalmique. D'autre part, il est mis en relation avec le cerveau par une racine profonde qui, complètement séparée et distincte de celle du trijumeau chez l'embryon, est plus ou moins fusionnée avec elle chez l'adulte. De ce ganglion partent, outre la racine longue, deux nerfs ciliaires longs, une grande et importante portio ophtalmici profundi. De plus, on voit souvent, mais non toujours, partir du ganglion un nerf grêle et ténu, qui semble frappé de dégénérescence. La portio ophtalmici profundi peut être simple, double ou même triple. Elle se porte en avant et en haut, et chemine le long de la face dorsale des muscles de l’œil et des nerfs qui se distribuent à ces organes; elle se réunit ensuite avec la branche ophtalmique superficielle du trijumeau et se fusionne avec cette branche, encore avant que celle-ci ne soit sortie de l'orbite. Ces dispositions montrent quil ne saurait être question d'homologuer ce nerf avec la branche ophtalmique profonde du trijumeau ni des Sélaciens ni des autres animaux, chez lesquels cette branche nerveuse chemine au-dessous de la branche supérieure du moteur oculaire commun et au-dessous du pathétique. Dès lors, le nerf qui nous occupe doit être rapproché de certains rameaux frontaux de l’ophtalmique profond des Sélaciens, rameaux se détachant de ce nerf avant que celui-ci ne s engage sous le droit supérieur. | Il n'existe donc point de véritable branche ophtalmique profonde chez l’Amia. Il semble, au contraire, que ce nerf est représenté par des rameaux grêles et ténus qu’on rencontre fréquemment naissant du ganglion profond. Le ganglion ophtalmique est un ganglion distinct et bien déve- loppé. Une racine longue le met en relation avec le ganglion pro- fond. Des fibres courtes, représentant une racine courte, le relie au moteur oculaire commun. Le ganglion ophtalmique donne naissance à un nerf unique, le ciliaire court. EDWARD PHELPS ALLIS. Sn | L9 La masse ganglionnaire trigémino-faciale est située dans la loge supérieure et externe du canal des muscles de l'œil. Elle est consti- tuée par trois portions dépourvues decommunication nerveuse entre elles. Ces trois portions sont: le ganglion profond, lequel est entière- ment séparé et indépendant; le ganglion trigémino-facial principal ; he Fig. 2. Masse spnElonnne trigémino-faciale, vue de côté avec les nerfs qui en émanent, On n'a pas figuré les branches hyo- -mandibulaire et palatine du facial. et le ganglion des branches buccale et ophtalmique du facial. Ce troisième ganglion repose sur l'extrémité antérieure de la face supé- rieure du ganglion principal, qui l'enveloppe partiellement. Dans de jeunes embryons, le ganglion principal est imparfaite- ment divisé en trois régions qui sont l'une antéro-supérieure, l'autre moyenne, la troisième postérieure. MUSCLES ET NERFS CHEZ L'AMIA CALVA. 73 Larégion antéro-postérieure est reliée au cerveau par la racine an- térieure ou trijumelle du ganglion. Cette racine prend naissance surle bord antérieur et externe du bulbe où elle est nettement dédoublée. On peut lui distinguer une portion dorsale et postérieure provenant de la superficie du cerveau, et une portion ventrale et antérieure, émergeant des régions profondes du cerveau où elle prend nais- sance en partie dans le faisceau longitudinal postérieur. Ces dernières fibres, qui contiennent les éléments moteurs de la racine, traversent, soit isolément, soit en compagnie de fibres plus profondes, la partie antérieure du ganglion principal dont elles forment la commissure antérieure, pourse jeter ensuite dans le tronc maxillaire dutrijumeau. Les connexions des régions moyenne et postérieure du ganglion principal avec le cerveau s’établissent à l'aide de la racine posté- rieure ou faciale du ganglion. Cette racine prend naissance sur la face externe du bulbe, en avant et très près de la racine du nerf auditif, Son origine est représentée par deux faisceaux auxquels s'associe immédiatement un troisième, provenant de la racine des branches buccale et ophtalmique du facial, De ces deux faisceaux, l'un descend d’un niveau élevé du cerveau, probablement du fais- ceau commun. Îl entre, soit en lotalité, soit en partie, dans la consti- tution de la portion moyenne du ganglion principal. Le faisceau postérieur à une origine profonde ; il renferme les éléments moteurs de la racine. Associé au troisième faisceau, il aborde le ganglion principal par la région postérieure et le traverse pour constituer sa commissure postérieure. Le troisième faisceau renferme les éléments latéraux de la racine. La racine du ganglion des branches buccale et ophtalmique du facial représente la racine latérale de la masse ganglionnaire. Elle prend naissance sur une légère saillie de la face externe du bulbe, tout près de la racine de l’auditif, généralement par une origine qui lui est commune avec celle-ci. La branche de cette racine, qui se rend dans la racine postérieure du ganglion principal, pourra pos- séder une voie d'émergence particulière. 74. EDWARD PHELPS ALLIS. Les branches ophtalmique superficielle et buccale du facial pren- nent naissance sur un ganglion spécial. La branche otique du facial provient du même ganglion, réunie à la branche buccale. L’ophtal- mique superficiel innerve les organes des sens du canal muqueux sus-orbitaire. Le buceal se distribue dans les organes muqueux des régions sous-orbitaire et préorbitaire du canal sous-orbitaire prin- cipal. Enfin, l’otique fournit des ramifications à la portion otique de ce canal, ainsi qu’à l'organe sensoriel du canal spiraculaire. La branche ophtalmique superficielle du trijumeau provient, dans les jeunes embryons, de l'extrémité antérieure et supérieure du gauglion trigémino-facial principal ; mais on peut suivre nombre de ces fibres en arrière sur les portions superficielles de la région moyenne du ganglion. Par conséquent, ces fibres appartiennent à la portion du faisceau commun de la racine postérieure du ganglion, et non à sa racine antérieure. Le nerf participe largement à l’inner- vation des bourgeons terminaux que lon rencontre sur le sommet de la tête et du mufle, et ses branches se distribuent à la surface de la tête des deux côtés de la branche ophtalmique du facial, lequel lui est intimement accolé. Le tronc maxillaire du trijumeau provient directement de la com- missure antérieure du ganglion trigémino-facial principal. Mais il reçoit un apport important de fibres additionnelles par la portion moyenne (ou du faisceau commun) de ce ganglion. C’est de ce tronc nerveux que partent les branches maxillaires supérieure et infé- rieure, de ce tronc encore ou du ganglion principal lui-même que proviennent certains nerfs qui constituent des ramifications acces- soires du trijumeau et semblent destinés aux bourgeons terminaux de la joue. La branche maxillaire supérieure du trijumeau accompagne con- stamment la branche buccale du facial dans son parcours en avant de l'œil, puis en arrière de lui et, enfin, au-dessous de lui. La branche maxillaire supérieure chemine immédiatement en dedans du buccal et au-dessous de lui, embrassée par les rameaux de ce nerf. À en MUSCLES ET NERFS CHEZ L'AMIA CALVA, | 75 juger par sa distribution, la branche maxillaire supérieure semble destinée en partie à l’innervation des bourgeons terminaux. Ses ramifications s’anastomosent avec les portions postérieure et anté- rieure du palatin, branche du facial. La branche maxillaire inférieure du trijumeau tient sous sa dépen- dance tous les muscles releveurs et adducteurs de l’are mandibu- laire, le dilatateur de l’opercule, l'intermandibulaire, ainsi que tout ou partie de la division inférieure du génio-hyoïdien. Le rameau qui innerve les quatre divisions du releveur de la mâchoire supérieure se détache de la base du nerf, ou même du tronc maxillaire prin- cipal. Il peut être dédoublé dans toute sa longueur. Gertains rameaux du maxillaire inférieur ont un trajet particulier et flexueux ; ils se distribuent à des régions où abondent les bour- geons terminaux. L’un de ces rameaux constitue un mandibulaire interne du trijumeau et se distribue à la face inférieure de la mâ- choire inférieure. Un autre envoie des ramifications dans les tissus de la cavité buccale, près de l'extrémité supérieure du cérato-hyal. Enfin, deux autres passent sous la branche mandibulaire externe du facial, puis se répandent à la face extérieure et ventrale de la tête où ils s’'anastomosent avec des rameaux de la branche hyoïdienne du facial. Toutes ces ramifications du irijumeau sont des nerfs pré- spiraculaires, et se distribuent à des régions dans lesquelles on ren- contre des bourgeons terminaux. La branche mandibulaire interne du trijumeau, renforcée ou non par quelques-uns de ces rameaux Spéciaux, semble correspondre à la branche inférieure du palatin, branche du facial, dans le Protopterus et le Polyodon ; elle paraît constituer l’homologue de la corde du tympan des animaux supé- rieurs. Le tronc hyo-mandibulaire, issu du facial, prend naïssance dans la commissure postérieure du ganglion trigémino-facial principal. Ses rameaux operculaire et hyoïdien innervent les muscles adducteurs et releveurs de l’arc hyoïdien, l’hyo-hyoïdien et probablement aussi la division supérieure du génio-hyoïdien, ainsi qu'une partie au 16 EDWARD PHELPS ALLIS. moins de la division inférieure de ce muscle. Sa branche mandibu- laire externe renferme toutes les fibres latérales de ce nerf, et se rend dans les organes sensoriels de la portion operculo-mandibulaire du système du canal latéral, Sa branche mandibulaire interne se dis- tribue à la face interne des arcs hyoïdiens et mandibulaires. Comme ce dernier nerf est un nerf post-spiraculaire, il semble impossible de l’assimiler à la corde du tympan, laquelle représente vraisembla- blement un nerf pré-spiraculaire. Aucun de ces filets nerveux n’a pu être suivi jusqu'à la pseudo- branchie. Chez l'embryon, la branche palatine du facial provient de la por- tion moyenne (ou du faisceau commun) du ganglion trigémino-facial principal. Elle se divise en une portion antérieure et une portion postérieure se ramifiant toutes deux dans la région supérieure et externe de la cavité buccale. Les deux portions s’anastomosent avec les ramifications de la branche maxillaire supérieure du trijumeau. À son extrémité anté- rieure, la portion antérieure perfore la base du crâne pour atteindre l'extrémité antérieure du crâne cartilagineux. J'ai pu suivre l’un des rameaux de ce nerf jusque dans l’une des grandes dents prémaxil- laires. Chez l'embryon, le nerf auditif prend son origine sur le sommet du tubercule acoustique par trois racines indépendantes, sur cha- cune desquelles on remarque une portion assez nettement indivi- dualisée du grand ganglion acoustique. Celle des trois racines qui est le plus rapprochée du plan dorsal du corps forme la racine postérieure du nerf et donne naissance au rameau cochléaire. Les deux autres racines réunies donnent naissance à la racine anté- rieure du nerf. Leur réunion constitue le rameau vestibulaire. Les deux nerfs innervent les crêtes de l’'ampoule, comme chez les autres Poissons. Aucun exemplaire, ni jeune ni âgé, ne porlait trace de canal ou de sac endolymphatique. MUSCLES ET NERFS CHEZ L'AMIA CALVA, 77 Chez l’embryon, le nerf de la ligne latérale a son point d'émer- gence immédiatement en arrière du tubercule acoustique. Il perfore alors en partie la racine du glosso-pharyngien, ou bien les rapports sont inverses et c'est le glosso-pharyngien qui traverse le nerf de la ligne latérale. Quoi qu'il en soit, on constate toujours à cet endroit un important échange de fibres, lesquelles proviennent probablement du nerf de la ligne latérale et vont se jeter dans le glosso-pharyngien pour constituer la racine dorsale de ce nerf. Le nerf de la ligne latérale quitte la cavité crânienne en compa- gnie du pneumo-gastrique par l’orifice particulier à ce nerf, traverse son propre ganglion, puis se distribue aux organes latéraux de la commissure sus-temporale ainsi qu'aux organes de la ligne latérale situés en arrière de cette commissure. Le nerf glosso-pharyngien, immédiatement après son émergence du cerveau, perfore la paroi interne et membraneuse de la cavité auditive et traverse cette cavité en cheminant en arrière de l'oreille membraneuse, entre le saccule et le sinus postérieur de l’utricule, et entre les deux branches terminales du rameau cochléaire de l’au- ditif. Il reçoit probablement des fibres de la racine du nerf de la ligne latérale et du nerf de l’ampoule postérieure. Ces fibres additionnelles forment la racine dorsale du nerf. Sur cette racine se développe, chez l'embryon, un ganglion particulier. Elle donne également nais- sance à la branche dorsale ou sus-branchiale, destinée exclusivement à un certain nombre d'organes sensoriels de la ligne latérale. Du ganglion de la racine principale naissent des branches pharyngienne, pré-trématique et post-trématique, dont le nom caractérise suffisam: ment le territoire de distribution. Les branches pharyngienne et pré irématique traversent des régions dans lesquelles on rencontre des bourgeons terminaux. Je n’ai pas pu poursuivre de rameau nerveux jusqu’à la pseudo-branchie. Le pneumo-gastrique possède plusieurs racines qui, après avoir traversé un ganglion intracrânien, se divisent en quatre portions. Chacune de celles-ci présente un ganglion extracrânien. Trois de ces 78 EDWARD PHELPS ALLIS. ganglions de deuxième ordre donnent naissance aux branches pha- ryngienne, pré-trématique et post-trématique. De la quatrième pro- Base de l’encéphale avec l’émergence des racines nerveuses jusqu’au quatrième nerf occipital. Le sympathique est enlevé. viennent les nerfs pharyngiens supérieur et inférieur, ainsi que le nerf intestinal. Les branches pharyngiennes des trois premiers nerfs MUSCLES ET NERFS CHEZ L’AMIA CALVA. 19 passent entre les ligaments articulaires et interosseux qui réunis- sent l’infrapharyngo-branchial ou épibranchial de l'arc correspon- dant, avec l’épibranchial de l'arc précédent. Des fibres antérieures de la racine du nerf pneumo-gastrique, ou parfois de son ganglion intracrânien, se détache une branche sus- temporale qui, après avoir accompagné constamment la branche Sus-temporale du nerf de la ligne latérale, se distribue à des régions où abondent les bourgeons terminaux. Une partie de ce nerf se _ fusionne complètement avec une branche de la première paire des branches dorsales de l'ophtalmique superficiel du trijumeau. Une autre branche, née de la base du nerf ou peut-être de la racine principale même du pneumogastrique, quitte, après un parcours intracrânien, la cavité encéphalique au sommet du crâne, au même niveau où, d’après certains auteurs, la branche latérale du trijumeau (ou branche récurrente du facial) s'échappe de la cavité crânienne chez d’autres Poissons. Il peut suppléer ce nerf en partie ou en entier ; le reste du nerf est alors représenté par la branche sus- temporale principale du pneumogastrique, ou par l'association de ce nerf aux deux branches de l’ophtalmique du trijumeau. Les bourgeons terminaux doivent constituer une phase par la- quelle les organes de la ligne latérale ont passé à certains moments de leur développement. Dès lors, ces bourgeons devraient, de même que les nerfs qui les innervent, provenir de l’épaississement senso- riel ectodermique, ou au moins avoir une origine commune avec ce bourrelet, ainsi que cela est le cas pour les organes de la ligne laté- rale et leurs nerfs. Pour certains nerfs pharyngiens ou pré-tréma- tiques, on sait qu’ils innervent des bourgeons terminaux. Or, on prétend que les branches pharyngiennes et pré-trématiques de tous les nerfs crâniens proviennent de l’épaississement épibranchial ou pré-trématique ectodermique, ou ont une souche commune avec celui-ci. Les bourgeons terminaux doivent se trouver dans le même cas. Nous avons reconnu, chez l’Amia, que des branches des nerfs tri- 80 EDWARD PHELPS ALLIS. jumeau et facial, celles qui innervent les bourgeons terminaux ou du moins celles où abondent ces corpuscules, tirent leur origine de la portion moyenne {du faisceau commun) du ganglion trigémino- facial principal, ou sont considérablement renforcées par des fibres additionnelles qui leur viennent de cette région ganglionnaire. Aussi y a-t-il lieu d'admettre avec Strong que l’innervation des bourgeons terminaux se fait, soit principalement, soit exclusivement, parle ter- ritoire cérébral correspondant au faisceau commun. Les disposi- tions telles qu’on les observe chez différents Poissons autorisent à penser que les fibres du faisceau commun ont une racine à peu près indépendante dans le cerveau et possèdent un ganglion particu- lier. Ou bien alors, elles seraient renfermées dans les racines de cer- tains nerfs crâniens, tandis que leurs ganglions seraient entièrement confondus avec les ganglions de ces nerfs. Les nerfs, les ganglions et les organes qu’ils innervent forment ainsi une série épibranchiale ou pré-trématique, comparable à la série latérale ou dorso-latérale. Les organes et les nerfs de la série épibranchiale sont constitués avant ceux de la série latérale, car les nerfs de celle-là sont toujours situés au-dessous des nerfs de celle-ci et les entourent de leurs rami- fications. L'œil appartiendrait à la ligne des épaississements épibranchiaux. Le cristallin devrait son origine à la modification d’un ou de plu- sieurs bourgeons terminaux; son nerf représenterait un ou plusieurs nerfs ciliaires. La corde du tympan se distribue à la langue et renferme des fibres affectées à la gustation. Comme on suppose que les bourgeons gustatifs proviennent de bourgeons terminaux, il est vraisemblable d'admettre que la corde du tympan appartient, en partie au moins, aux nerfs du faisceau commun. D'ailleurs, étant donné que la corde représente probablement un nerf pré-spiraculaire, elle ne peut être assimilée au rameau mandibulaire interne du facial de l’Amia et d’autres Poissons : ce nerf est, en effet, un élément post-spiraculaire. Il semble donc probable que la corde du tympan est figurée chez MUSCLES ET NERFS CHEZ L'AMIA CALVA. 81 l'Amia par le mandibulaire interne, branche du trijumeau, et chez le Protopterus et le Polyodon par le rameau inférieur du palatin, branche du facial. La branche ophtalmique superficielle du trijumeau provient essen- tellement de la portion du faisceau commun du ganglion trigémino- facial. Elle prend une part prépondérante ou exclusive dans l’inner- vation des bourgeons terminaux que l’on rencontre sur le sommet de la tête et du mufle. Quand ces corpuscules sont clairsemés dans cette région, ou y font défaut comme chez les Sélaciens ou les Batra- ciens, la branche ophtalmique superficielle est naturellement réduite ou absente, Chez l’Amia. les pièces Sus-pharyngiennes des arcs branchiaux sont généralement représentées par des apophyses particulières que l’on rencontre sur le bord postérieur des épibranchiaux correspon- dants, et non par des pièces indépendantes. Ces apophyses sont situées sur le bord distal de la surface d'insertion du muscle rele- veur externe de l'arc correspondant; en arrière, plutôt qu'’au-dessus de l’artère efférente de l'arc ; en arrière de la branche post-tréma- tique du nerf branchial correspondant ; et en avant des branches pré-trématiques du nerf de l’arc situé immédiatement en arrière. Les pièces sous-pharyngiennes sont situées du côté proximal des muscles releveurs externes des arcs correspondants, ou en avant d'eux, et donnent attache au muscle releveur interne de l'arc qui le précède immédiatement, quand ce muscle existe. Ces pièces se placent sur chaque arc au-dessous de l’artère efférente et au-dessous les branches post-trématique et pharyngienne du nerf de l’arc. L'épibranchial de chaque arc est normalement réuni avec le sous- pharyngo-branchial de l'arc suivant par des ligaments articulaires et interosseux. Quand le sous-pharyngo-branchial de l'arc immédia- tement postérieur n’est pas développé d’une façon normale, on constate des connexions, complètes ou partielles, avec l’épibran- chial de cet arc. Dans l'arc hyoïdien, l'hyo-mandibulaire et le symplectique affectent ARGH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. VI. 1898. 6 92 EDWARD PHELPS ALLIS. pratiquement les mêmes rapports avec les muscles, nerfs, artères et ligaments de leur arc que les sus-pharyngo-branchiaux et les sous- pharyngo-branchiaux affectent avec les mêmes organes dans l'arc qui leur correspond. Ces os semblent donc représenter ces éléments dans l'arc hyoïdien, comme l'interhyal ou stylohyal correspondrait au segment épibranchial. A partir des embryons de 12 millimètres, on constate l'absence de tissu cartilagineux dans les os operculaires et dans les rayons bran- chiostèges ; on ne irouve aucun indice permeltant de supposer qu'il y en ait jamais existé. Ces os sont situés en dehors du nerf et de l'artère de l'arc. Aussi sont-ils probablement en entier d'origine dermique. Dans l’are mandibulaire, l’apophyse métaptérygoïdienne du mé- taptérygoïde et l'apophyse antérieure du même os remplissent même mieux ces conditions. Elles semblent représenter les segments sus- et sous-pharyngiens de l'arc mandibulaire, où le carré aurait Ja signification d'un segment épibranchial. Le palatin serait alors pro- bablement une partie de Farc prémandibulaire auquel appartiendrait également l'apophyse coronoïde du cartilage de Meckel. Les muscles des arcs viscéraux sont probablement tous situés primitivement en dehors de ces arcs, formant un muscle constric- teur unique. C'est de ce muscle que dériveraient les muscles bran- chiaux et interbranchiaux par la division de ce constricteur unique en deux couches, l’une externe, l’autre interne. Des museles bran- chiaux dérivent les adducteurs et les interosseux. Les adducteurs des différents arcs, cependant, auraient une origine variable et ne représenteraient pas tous des formations équivalentes. Gela est vrai encore pour les releveurs, qui dérivent probablement en partie des muscles interosseux et en partie des muscles interbranchiaux. L'adducteur de la mâchoire inférieure dérive probablement d'un muscle anälogue à l’interbranchial de la Chimère. lei, en effet, ce muscle représente le muscle branchial sous la forme la plus simple que l'on connaisse. Pour devenirensuite l’adducteur de la mâchoire 83 MUSCLES ET NERFS CHEZ L’AMIA CALVA. inférieure, il n’a qu’à glisser sur le bord antérieur de l’arc mandi- bulaire pour occuper sa position actuelle sur cet arc. Eh = = --- | T. mdit 4 pl] pl rghs-------4 > me f.o7mo — = Pie Tête d'Amia adulte, vue par la face inférieure après ablation de la peau, du voile du palais et d’une partie de la mandibule droite. Chez l’Amia, l’adducleur de la mandibule est essentiellement un 84 EDWARD PHELPS ALLIS. muscle continu, se portant des extrémités supérieures des arcs hyoï- dien et mandibulaire en bas et en avant, en dedans de l’apophyse coronoïde du cartilage de Meckel, dans l’intérieur de la mandibule. Le muscle est devenu entièrement tendineux dans sa partie moyenne, au moment où il passe dans la mandibule ; il est alors presque com- plètement divisé en deux portions, l’une profonde, l’autre superf- cielle. Dans sa moitié supérieure, la portion superficielle est de nouveau incomplètement subdivisée en deux ou trois couches. La plus superficielle de ces couches est probablement l’homologue du muscle superficiel et complètement indépendant, tel qu'on le ren- contre chez quelques Téléostéens. L’adducteur de l’hyo-mandibulaire, l’adducteur de l’opercule et le releveur de l’opercule dérivent de la moitié dorsale du constricteur général de l'arc hyoïdien, à savoir : ladducteur de l'hyo-mandibu- laire des couches profondes de ce muscle, les deux autres muscles, ou du moins le releveur de l’opercule, de ses couches superficielles. L'adducteur de l’hyo-mandibulaire s'est probablement constitué à l’aide d’un muscle comparable à un ou plusieurs muscles interosseux des Sélaciens: il serait alors l'équivalent des releveurs des arcs branchiaux des Téléostéens, et non de l’adducteur de la mandibule. L'adducteur de l'opereule et le releveur de l’opercule, au moins celui-ci, dérivent des muscles interbranchiaux du même arc, et sont ainsi homodynames du retour de l'arc palalin, et non des muscles releveurs des arcs branchiaux. | Les adducteurs des ares branchiaux dérivent des branchiaux ou d’une souche qui leur est commune avec ceux-ci. Ils sont compa- rables à l’interbranchial de la Chimère. Ils ne représentent que la partie moyenne de ce muscle et ont acquis leur posilion actuelle sur les différents ares en passant sur le bord postérieur de ces arcs. Aussi ne sont-ils homologues ni de l’adducteur de l'arc mandibu- laire, ni de celui de l’are hyoïdien. Le releveur de l'arc palatin et le dilatateur de l’opercule sont, chez l’'Amia comme chez les Téléostéens, des muscles indépendants MUSCLES ET NERFS CHEZ L’AMIA CALVA. 8 et distincts. Ils dérivent d’un muscle unique provenant de la moitié dorsale du consitricteur général de l’are mandibulaire. Leur inner- vation et leur situation indiquent qu'ils sont, à eux deux, homo- logues du muscle que Vetter désigne par Add chez les Sélaciens, et qu'ils proviennent, comme ce muscle, de la portion dorsale du muscle interbranchial de cet arc. Ils constituent ainsi l’équivalent du releveur de l’opercule, et non des releveurs des arcs branchiaux. Les releveurs des arcs branchiaux dérivent probablement des pre- mier et deuxième interosseux des Sélaciens. Il en existe normale- ment deux pour chaque arc : l’un externe, inséré sur l’épibranchial de son propre arc, en relation continue avec le sus-pharyngo-bran- chial du même arc; l’autre interne, inséré sur le sous-pharyngo- branchial de l’arc suivant. Comme les arcs postérieurs ou les pha- ryngo-branchiaux de ces arcs disparaissent, les releveurs internes ou premiers interosseux semblent avoir reporté leur insertion sur la face inférieure du rachis et avoir ainsi donné naissance aux rétrac- teurs des arcs branchiaux. Chez l’Amia, les troisième interosseux forment une série de liga- ments dorsaux interosseux. Les quatre muscles que Mac-Murrich appelle deuxième, troisième, quatrième et cinquième division du releveur de l'arc palatin n'appar- tiennent probablement pas à ce muscle. Les deuxième et troi- sième portions dérivent probablement du releveur de la mâchoire supérieure des Sélaciens seul, ou en même temps de l’un des muscles spiraculaires. Les quatrième et cinquième muscles proviennent incontestablement du muscle que Vetter désigne par Add 6 chez les Sélaciens. Comme ces quatre muscles sont innervés, chez l’Amia, par les ramifications du même nerf, je les désigne par les termes de deuxième, premiére, troisième et quatrième division du releveur de la mâchoire supérieure. Toutefois, il est probable que ces appellations ne conviennent pas aux troisième ef quatrième muscles. Dans un exemplaire unique d’Amia, le nerf qui se distribuait à ces muscles était dédoublé, disposition qui se retrouve fréquemment, 1 86 EDWARD PHELPS ALLIS. sinon toujours, Chez les Sélaciens. Chez l’'Amia, comme chez les Sélaciens, ce nerf naît du tronc maxillaire supérieur du trijumeau. On l'attribue quelquefois au nerf maxillaire inférieur, d’autres fois au maxillaire supérieur. Ces muscles doivent donc appartenir en partie à un ou plusieurs arcs préoraux. Ils font probablement partie du système musculaire interosseux el non interbranchial. Chez les Téléostéens, ces muscles, tantôt disparaissent com- plètement, tantôt sont absorbés par l’addueteur de la mandibule, tantôt persistent sous forme de chefs ou divisions spéciales de ce muscle. Vetter ne parle pas de muscles interosseux ventraux chez les Séla- ciens. Il les mentionne chez l’Esturgeon ; chez Îles Téléostéens, il les décrit sous le nom d’obliques ventraux. Chez l'Anua, ces muscles ressemblent d’une facon générale aux muscles interosseux dorsaux ; c’est-à-dire qu'il y a pour chaque arc un ligament interosseux, un muscle qui s’insère sur l'arc correspondant, et un autre qui tend à s’insérer sur l’arc postérieur. Ils proviennent donc vraisemblablement de la portion ventrale de l’interbranchial de la Chimère, ainsi.que le déclare Vetter. Mais, de même que ce muscle, ils appartiennent à la couche profonde du constricteur primitif, et non à la couche superficielle. Les pharyngo-claviculaires externe et interne représentent proba- blement les muscles obliques du cinquième arc. Le génio-hyoïdien et l'intermandibulaire ont une insertion com- mune. Le génio-hyoïdien se divise en une portion inférieure et une portion supérieure. De l’extrémité antérieure de la portion inférieure d’où se détache égalementl'intermandibulaire, ce muscle est composé de deux ventres qui s’étendent d’une mandibule à l’autre. La portion supérieure du génio-hyoïdien s'étend de la mandibule à l’hyoïde et semble représenter l'un des obliques ventraux de l'arc mandibulaire. La portion inférieure occupe une position intermédiaire entre la portion supérieure et l'intermandibulaire; elle doit aussi être l’ho- mologue d'un oblique ventral ou plutôt constituer le muscle inter- MUSCLES ET NERFS CHEZ L’AMIA CALVA. 87 branchial de l’arc, auquel cas lintermandibulaire appartiendrait au même muscle. Dans sa portion supérieure, l’hyo-hyoïdien représente le muscle interbranchial de l'arc correspondant. Dans sa portion inférieure, 1l doit correspondre en partie à l’oblique ventral. Le branchio-mandibulaire existe chez l'Esturgeon et le Polyptère aussi bien que chez l’Amia. Chez les Élasmobranches, il est repré- senté par le coraco-mandibulaire ou par une partie de ce muscle. Chez les Téléostéens, il fait défaut. Chez l’Amia, il varie d’un individu à l’autre dans des limites assez étendues ; il est hors de doute qu'il s’y trouve en voie d'atrophie et de régression. Ainsi que Mac-Murrich en a émis l'opinion, il représente probablement l'un des muscles dont dérivent les muscles linguaux des Vertébrés supérieurs. Il est innervé par la branche terminale qui résulte de la fasion des premier, deuxième et troisième nerfs occipitaux. Le sterno-hyoïdien est divisé en trois portions par deux cloisons transversales. Sa portion postérieure est innervée par une branche du quatrième nerf occipital. Elle appartient, par conséquent, au cinquième et dernier segment musculaire occipital, lequelestinnervé par ce même nerf. Les deux portions antérieures des muscles reçoi- vent leurs nerfs d’un tronc formé par la réunion des premier, deuxième et troisième nerfs occipitaux. Ces parties du sterno-hyoï- dien appartiennent donc au quatrième segment musculaire occipital et à un ou plusieurs autres segments situés en avant de celui-ci. Le mode de développement de l’occipital latéral indique que les éléments constitutifs de cet os proviennent de trois ares occipitaux dorsaux. L’occipital latéral est traversé par deux nerfs occipitaux ventraux. Le pneumo-gastrique se dégage au niveau de son bord antérieur entre l’os même et la paroi postérieure de la capsule audi- tive. Sur cet os s'insèrent trois cloisons intermusculaires. Plus en arrière, sur la face dorsale du basioccipital se trouvent deux arcs dorsaux sur chacun desquels s’insère une cloison intermusculaire. En avant de chacun de ces deux arcs passe un nerf spinal avec ses 88 EDWARD PHELPS ALLIS. racines ventrale et dorsale et son ganglion dorsal. On retrouve donc cinq segments vertébraux dans la région occipitale du crâne de l'Amia. Le premier segment, qui est situé le plus en avant, n’est pas marqué par un nerf, à moins qu'une partie du pneumo-gastrique ne le représente. Le segment le plus reculé des cinq se fusionne avec l'extrémité postérieure du crâne après la naissance. Chez l'embryon d’Amia, une vertèbre du tronc comprend six pièces cartilagineuses en tout, trois de chaque côté. La pièce dorsale est complètement indépendante des deux autres. Chez l'adulte, cette pièce est fusionnée avec l'extrémité ventrale de l'arc dorsal qui se trouve immédiatement en arrière d’elle à l’époque embryonnaire. Quant à la pièce externe, son extrémité antérieure est en rapport, chez l'embryon, avec l'extrémité postérieure de la pièce ventrale. En dehors, la pièce externe porte la côte. La pièce ventrale se ren- contre de chaque côté de l'aorte. Elle ressemble aux apophyses vertébrales du Calamoïchtys et de la Salamandre, apophyses qui, chez ces animaux, deviendraient les moignons basaux des ares hé- maux. Si ces pièces sont effectivement homologues des formations précitées, ainsi que cela paraît bien probable, elles représentent des hémapophyses, et les côtes de l’Anva doivent être considérées comme de véritables côtes, comme des pleurapophyses. EXPLICATION DES FIGURES. ab, nerf moteur oculaire externe. ac, nerf auditif. 4, portion superficielle de l’adducteur de la mandibule ; 4%, 4”, 4%, ses trois portions. 40, adüucteur de l’opercule. Ao, portion mandibulaire de l’adducteur de la mandibule, Aw', Av, Ses deux portions. bf, branche buccale du facial. bf.iot-t*, rameaux de la branche buccale du facial se distribuant aux organes senso- riels sous-orbitaires, 1-14. CH, cérato-hyal. Do, dilatateur de l’opercule. eps, artère pseudo-branchiale efférente (artère ophtalmique, Lag.). GHi, portion inférieure du génio-hyoïdien. GHs, portion supérieure du génio-hyoïdien. MUSCLES ET NERFS CHEZ L'AMIA CALVA. 839 gl, nerf glosso-pharyngien. gg, ganglion glosso-pharyngien. g», ganglion profond. hf, branche hyoïdienne du facial. Hhi, portion inférieure du hyo-hyoïdien. hmf, tronc hyoïdéo-mandibulaire du facial. Hhs, portion supérieure de l’hyo-hyoïdien. ic, artère carotide interne. Im, intermandibulaire. Lmh, ligament mandibulo-hyoïdien. Lmsi-*, 1re-4e division du releveur de la mâchoire supérieure. Lo, releveur de l’opercule, mef, branche mandibulaire externe du facial. mef.omo!®, rameau de la branche mandibulaire externe du facial se rendant dans le dixième organe sensoriel operculo-mandibulaire. mef.hl, rameau de la branche mandibulaire externe du facial. mit, branche maxillaire inférieure du trijumeau. mst, branche maxillaire supérieure du trijumeau. msimæ, rameau maxillaire de la branche maxillaire supérieure du trijumeau. ñn, nerf « n » de Pinkus. nil, nerf de la ligne latérale. nilstoi-, rameaux du nerf de la ligne latérale se distribuant aux organes sensoriels de la commissure sustemporale. nll.dl, rameaux du nerf de la ligne latérale se jetant dans les organes de Ja ligne dorsale du tronc. nll.iot8-%1, rameaux du nerf de la ligne latérale se portant dans les organes sensoriels sous-orbitaires (18-21), nll.llo, rameaux du nerf de la ligne latérale destinés aux organes sensoriels de la ligne latérale. nil.all, rameaux du nerf de la ligne latérale se perdant dans les organes de la ligne latérale accessoire. v, rerf optique. ocl-}, nerfs occipitaux. ocm, nerf moteur oculaire commun. ocmi, branche inférieure du nerf moteur oculaire commun. ocms, branche supérieure du nerf moteur oculaire commun. of, branche opt.que du facial, ol, nerf olfactif. opf, branche ophtalmique superficielle du facial. oprf, branche operculaire du facial. opf.al, rameau de la branche ophtalmique superficielle du facial allant aux organes de la ligne antérieure de la tête, opf.s0, rameau de la branche ophtalmique superficielle du facial envoyé aux organes sensoriels du canal susorbitaire, opt, branche ophtalmique superficielle du trijumeau, ov, veine provenant du globe oculaire, 90 , EDWARD PHELPS ALLIS, paf, branche palatine antérieure du facial. pf, branche palatine du facial. ppf, branche palatine postérieure du facial. r.a, rameau accessoire du trijumeau. TAC, — — F0, — = PEN — — ".ce, — — r.cde, — — r.de, — = r.ca, branche cochléaire de l’auditif. rdoc3, racine dorsale du troisième nerf occipital. re, droit externe. ».ghi, rameau de la branche maxillaire inférieure du trijumeau innervant Ghi. ».ghs, rameau de la branche maxillaire inférieure du trijumeau fourni à Ghs. rgl, racine du nerf glosso-pharyngien. r.im, rameau de la branche maxillaire inférieure du trijumeau abandonné à Jm. rit, droit interne. r.mdit, branche mandibulaire interne du trijumeau. rp, racine de l’ophtalmique profond. ».phgl, branche pharyngienne du glosso-pharyngien. rs, droit supérieur. r.va, branche vestibulaire de l'auditif. rvoc3-+, racine ventrale des troisième et quatrième nerfs occipitaux. se, saccule. sigl, rameau sus-temporal du elosso-pharyngien. str, rameau sus-temporal de la racine du pneumo-gastrique. tr, nerf pathétique. v, nerf pneumo-gastrique. vg, ganglion du pneumo-gastrique. INTRODUCTION À L'ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE CLASSIFICATION DES HADROMERINA PAR E. TOPSENT Professeur à l’Université de Rennes. Î. — L'ORDRE DES #WONAXONIDA ; SA DIVISION EN SOUS-ORDRES, On peut réunir dans un même ordre l’ordre des Monaxonida, le troisième de la sous-classe des Zemospongiæ ou Demospongida, la multitude des Éponges possédant des mégasclères siliceux tous à un seul axe. Cette définition exclut suffisamment du groupe en question, d’une part, les Tetractinellida et les C'arnosa précédemment étudiées, d’au- ire part, les Monoceratina, dont le squelette, fait de fibres cornées, est dépourvu de spicules. Des affinités évidentes relient cependant certaines Monaxonida aux Tetractinellida et certaines autres aux Monoceratina, et les lignes de démarcation que la définition des Monaxonides établit si nettes sur le papier sont réellement artificielles. À première vue, la classification proposée par Vosmaer et adoptée par von Lendenfeld séduit davantage par son principe. C’est, en effet, pour tenir compte de ces alliances incontestables que l’ensemble immense des Demospongiæ s’y trouve, sous le nom de Zetraxonia, 92 E. TOPSENT. décomposé en deux vasles groupes : l’un, ordre des Spiculispongiæ de Vosmaer, ordre des Chondrospongiæ de Lendenfeld, formé des Tetractinellida, des Carnosa et d'une partie des Monaxonida; l’autre, ordre des Cornacuspongiæ, comprenant les Monoceratina et le reste des Éponges siliceuses à mégasclères monaxiaux. Mais cette répartition offre moins d'avantages que d’inconvénients. Outre qu’elle oblige à donner des Spiculispongiæ où Chondrospongiæ et des Cornacuspongiæ des définitions plutôt vagues en raison de tous les caractères qu’elles doivent embrasser à la fois, et difficiles à sai- sir pour d’autres que des spongologistes expérimentés, elle n’évite pas, pour les avoir reportées entre des sous-ordres, ces délimita- tions artificielles auxquelles il nous faut recourir. De plus, la pro- fonde coupure qu’elle opère parmi les Éponges à mégasclères à un seul axe pourrait faire supposer à tort que l’enchaînement des Demospongiæ est rompu là plus nettement qu'ailleurs. Puisqu'il faut, de toute manière, tailler dans ce vaste ensemble, il me paraît plus pratique de faire usage des divisions très franches, définissables en quelques mots précis, établies par Ridley et Dendy et par Sollas. Avec ce système, le lecteur, prévenu des imperfections qu’il présente forcément au point de vue de la phylogénie des Demo- spongiæ, risque bien moins de s'égarer. J'ai donc adopté l’ordre des Monaxonida, proposé par Ridley et Dendy. Mais, à l'usage, je l'ai trouvé susceptible d'importantes modifica- tions. Des deux sous-ordres dont il se composait, j'ai conservé celui des Halichondrina dans son acception primitive. J'ai dû seulement réfor- mer sa division en familles et sous-familles, pour la rendre plus naturelle, à mon sens, et pour classer un certain nombre de genres nouveaux ou que Ridley et Dendy avaient laissés de côlé. Je reviendrai sur les efforts faits dans cette direction dans Île pre- mier des fascicules où je décrirai les Aalichondrina de la faune de ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDÉS DE FRANCE. 93 France. Pour le moment, je me borne à transcrire ici le tableau que je suis parvenu à dresser de ce sous-ordre, renvoyant pour toute discussion à mon mémoire sur Une réforme dans la classification des Halichondrina ! : Sous-0RDRE HALICHONDRINA. 1. Famille des HAPLOSCLERIDÆ. Sous-familles: &, Chalininæ ; B, Renterinæ; Y, Spongillinæ ; à, Gel- liodinæ, e, Phlæodictyinæ. 2. Famille des PŒcCILOSCLERIDÆ. Sous-familles : «, £sperellinæ ; $, Dendoricinæ; Y, Ectyoninæ ; d, Bubarinæ. 3. Famille des AXINELLIDÆ. Le second sous-ordre, celui des Clavulina, imité de Vosmaer, ne suffisait pas à contenir toutes les Monaxonides qui, par leur structure et par la nature de leurs microscières, semblent dériver plus directe- ment des Tétractinellides ; il était, en effet, presque exclusivement réservé à celles qui possèdent iypiquement des tylosiyles pour mé- 1 En passant, voici, d’après les dernières publications, quelques additions et retouches qui pourraient être faites dès maintenant à ce travail en ce qui concerne la nomenclature des genres : Il conviendrait d'ajouter aux Renierinz le genre Menanetia Tops.; aux Esperellinæ les genres Asbestopluma Norm., Pozziella Tops. et Gomphostegia Tops. ; aux Dendo- ricinæ les genres Stylotrichophora Dend., Microtylutella Dend. et Amphiastrella Dend.; aux Ectyoninæ les genres Fusifer Dend. et Trikentrion Ehl., ce dernier avec un point de doute ; aux Axinellidæ les genres Sollasella Lend., Amorphinopsis Cart., Vosmac- ria Frist., Adreus Gray, Vibulinus Gray, Halicnemia Bow., Dactylella Thiele et {ig- ginsia Higg., remplaçant Dendropsis Rdl. et D., qui tombe en synonymie. D'autre part, le genre Sideroderma Rdl. et D. est à rayer comme faisant double emploi avec le genre Hisloderma Cart. Parmi les Gelliodinæ, le genre Chondropsis Cart., remanié, doit, d’après Dendy, remplacer le genre Sigmatella Lend., dont le nom a déjà été employé en zoologie. Dendy est encore d’avis que le genre Oceanapia Norm. engloberait avec avantage le genre Rhizochalina Schm. Enfin, dans les Ectyoninæ, il propose de maintenir le genre Ophlitospongia Bow. à côté du genre Echinoclathria Cart. Ils différeraient l’un de l’aulre par des carac- tères extérieurs, les Echinoclathria se distinguant par leur aspect alvéolé. 94 E. TOPSENT. gascières. Le sous-ordre des Spintharophora, établi par Sollas dans sa classification des Monaxonides, n'excluant pas les genres à mé- gasclères diactinaux, embrassait mieux l'ensemble de ces Éponges el comblait heureusement de nombreuses lacunes. De préférence, il m'a servi de base pour échafauder, sous le nom de Æadromerina, le second sous-ordre des Monaxonida. Le sous-ordre des Æadromerina n’est pas calqué sur celui des Spin- tharophora de Sollas. J'ai commencé par en exclure les Axinelhdæ pour, à l'exemple de Ridley et Dendy, en constituer une famille parmi les Halichondrina. Puis, je l'ai divisé en deux sections, d’après le type des mégasclères présents, reléguant en seconde ligne, ici comme chez les Halichondrina, le type des microsclères. Ainsi pré- senté, le sous-ordre des Æadromerina ne ressemble plus guère à celui des Spintharophora et je n'avais garde de conserver pour lui une dénomination défectueuse en ce sens qu'elle fait allusion à des microsclères qui, précisément, manquent dans une trop forte pro- portion des genres qu'il renferme. Le terme Hadromerina *, rap- pelant la nature massive de la plupart de ces Éponges, plus général et aussi moins suggestif, m'a paru mieux convenir à Ce groupe. Les mégasclères des Hadromerina pouvant être soit diactinaux, soit monactinaux, les deux sections que J'ai distinguées dans ce sous-ordre sont les suivantes : 1° Section des Aciculida pour les Hadromerina à mégasclères diac- tinaux. | 90 Section des Clavulida pour les Hadromerina à mégasclères monactinaux. Remarquons que la section des Clavulida comprend en entier le sous-ordre des Clavulina de Vosmaer et de Ridley et Dendy, à l'exclu- sion du genre Séylocordyla, et, par conséquent, lui correspond très bien: tandis que celle des Aciculida, où passe ce dernier genre, n'était même pas ébauchée dans la classification de Ridley et Dendy. Des deux sous-ordres de Monaxonides, celui des Æadromerina étant 1 ’AdPbpeons, compact. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE. 93 le plus étroitement apparenté aux Tétractinellides, c’est par la des- cription de ses représentants qui vivent dans nos eaux que Je me propose de continuer mon étude monographique des Spongiaires de France. Mais, suivant le plan que j’ai adopté en traitant des 7e- tractinellida et des Carnosa, je crois bon de le faire d’abord con- naître dans son ensemble, et, pour préciser mes idées personnelles à son sujet, d'indiquer de quels éléments je le compose et de quelle façon Je suis d'avis de le subdiviser. Il. LE SOUS-ORDRE DES FADROMERINA ; SON ÉTENDUE, SA CLASSIFICATION. Les Hadromerina sont des Monaxonides pour la plupart massives, quelquefois pédicellées ou cyathiformes. De structure compacte, elles ont une charpente rayonnante ou sans ordre, rarement fibreuse, non réticulée et le plus souvent sans spongine; leurs mégasclères, mo- nactinaux (ordinairement des tylostyles) ou diactinaux (oxes, stron- gyloxes, sirongyles et tornotes), sont, le plus fréquemment, d’une seule sorte ; leurs microsclères, quand elles en possèdent, sont des asters ou leurs dérivés et des microxes de diverses formes, jamais des chèles ni des sigmates. Nous venons de voir que, d’après le type des mégasclères présents, on peut répartir les Hadromérines en deux sections, sous les noms de Clavulida et Aciculida. Les mégasclères diactinaux et les microsclères des Aciculida sont les mêmes que ceux des Tétractinellides ; l'absence de triænes chez les premières de ces Éponges est seule à retenir. Chez les Clavulida, la similitude des microsclères existe égale- ment, mais leurs mégasclères monactinaux, qui sont habituellement des tylostyles, s’écartent davantage du bâlonnet ou rhabde, qu’on peut considérer comme la forme primitive de tous les mégasclères ; le renflement de l’une de leurs extrémités, complication évidente, est une sorte d'acheminement vers cette complication plus grande 96 £. TOPSENT. encore que présentent les triænes des Tétractinellides ‘; seulement, cette modification intéresse ici l'extrémité proximale ou centripète du spicule au lieu de son extrémité distale ou centrifuge. Quoique les deux sections d'Hadromérines paraissent alliées aussi intimement l’une que l’autre aux Tétractinellides, il est préférable, quand il s’agit de les inscrire, non plus côte à côte, mais en série linéaire, de placer les Clavulida, à cause de leurs mégasclères diffé- renciés, immédiatement à la suite des Zetractinellida. À. Section des CLAVULIDA. Les Clavulida sont les Aadromerina à mégasclères monactinaux (typiquement des tylostyles, occasionnellement des styles). Ridley et Dendy ne reconnaissaient, dans le sous-ordre, presque équivalent. des Clavulina, que les deux familles des Suberridæ et des Spirastrelhidæ. Je pense qu'il est logique de séparer, comme l'avait fait Vosmaer, et comme je l'ai déjà proposé de mon côté, les vraies Subéritides des Clavulides à charpente rayonnante et à ectosome différencié en écorce, dont Polymastia est le type le plus répandu. Je crois avoir suffisamment démontré que, malgré les variations déconcertantes au premier abord de leur spiculation, la plupart des Éponges perforantes (le genre Samus rentrant, comme on l’a vu, dans les Carnosa microtriænosa) se relient les unes aux autres et consti- tuent une famille bien naturelle qu’on peut maintenir à part à cause de leur biologie très spéciale. Il me semble, en outre, difficile de confondre avec les Spirastrel- lides, les Mesapos et Tethysptra, dont les spicules caractéristiques représentent évidemment, au lieu de dérivés d’asters, des rhabdes monactinaux modifiés d’une façon curieuse, à la fois raccourcis et munis d'épines. De la sorte, je me trouve amené à diviser la section des Clavulida 1 SoLLas a relevé des exemples de triænes qui, pour se développer, passent par la forme de tylostyles (Challenger, p. LxIx). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE. 97 en Cinq familles : C/onedæ, Spirastrellidæ, Polymastidæ, Suberititæ et Wesapidæ, dont j'indiquerai plus loin la composition. Pour l’établir telle que je la présenterai, il m'a fallu examiner suc- cessivement la valeur de tous les genres inscrits à une époque quel- conque à côté des types de ces familles. Bon nombre de noms proposés sont à rayer de la nomenclature. Ge travail d'épuration a été préparé partiellement un peu par tous les auteurs contemporains, mais l'ayant repris et complété, je ne crois pas inutile d’en réunir les conclusions. | Baphyrus Bow., Papillina Schm., Osculina Schm., Papilella Vosm. tombent en synonymie de Cliona Grant. Ces noms désignaient sim- plement des Cliones devenues massives. Papilissa Lend. subit le même sort. Il se peut qu'une partie des Spirastrella décrites soient égale - ment des (liona massives. J'ai montré que Vioa Nardo, Euryphylle Duch. et Mich., Pione, Myle, Sapline, Idomon, Jaspis, Pronax Gray sont aussi des synonymes de Cliona. Par contre, de nouvelles observations sur Dotona pulchella Carter m'ont prouvé la validité du genre Dotona, que j'avais fusionné avec A lectona. Le genre Paracliona Tops., proposé pour Vioa Hancocci Schm., est à réserver. Composée de iylostyles et d'acanthostyles, la spiculation de cette Eponge soi-disant commune s'écarte tant de celle des Cliones et rappelle tant celle des Ectyonines, que le doute s'impose, malgré l'affirmation de Schmidt, au sujet de son pouvoir perforant. Peut-être s’agit-iltouthbonnementde quelque Ectyonine encroûtante? Sceptrella Schm. et Podospongia Boc. sont Synonymes de Zatrun- culia Boc. | Lendenfeld inscrit son genre Spirophorella parmi les synonymes de Spirastrella Schm. À Supprimer fimea Gray pour Hymedesmia stellata Bow. et Pencil- laria Gray pour Polymastia Bow. ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T, VI, 1898. 7 98 - E. TOPSENT. T'hecophora Schm. ayant déjà été employé, Vosmaer lui a substitué avec raison Tentorium Vosm. Vosmaer, Ridley et Dendy s'accordent à considérer Bursalina Schm. comme synonyme de Quasillna Norman. Je crois, avec Vosmaer, à l'identité de Æinalda Schm. et de Poly- mastia Bow., et, avec Ridley et Dendy, à celle de Weberella Vosm. et de Polymastia. Radiella Schm. ne peut être maintenu, Hansen ayant constaté de visu l'identité de Æadiella sol Schm. ei de Trichostemma hemisphæ- ricum Sars. Spinularia Gray est encore UD genre inutile. M. le Révérend A.-M. Norman m'a offert une préparation de spicules dissociés et une coupe de la Fethea spinularia de Bowerbank, et j'ai pu me con- vaincre qu'il s'agissait d'une Polymastia et probablement même d’une 2. mammillarts. Les genres Cribrochalina Schm. et Plectodendron Lend. font dou- ble emploi avec Semisuberites Cart. Je ne puis partager la manière de voir de Vosmaer, qui identifie Cribrochalina avec Tragosia Gray. Les Zragosia sont des Axinellides cyathiformes possédant deux sortes de lignes distinctes, les unes à mégasclères monactinaux, les autres à mégasclères diactinaux (oxes). Tous les spicules des Cribrochaleèna et Plectodendron sont, comme ceux des Semisuberites, monactinaux (tylostyles, ou styles par réduction). Poterion Schlegel, 1858, a réellement la priorité sur Raphiophora Gray, qui n’a été publié qu’en 1867, pour la Spongia patera Hard- wicke, 1826, dont le nom véritable doit être en définitive Poterion patera (Hardwicke) Schlegel. Hanitsch, oubliant sans doute l'existence de mongenre J'ethyspira, créé spécialement pour Tethea spinosa Bow., a placé cette Éponge dans un genre nouveau, Lissomyxilla. C'est une question de priorité des plus simples et qui se résout par la suppression de Lissomyæilla Han. Le genre Suberanthus Lend. est à rayer aussi comme faisant dou- ble emploi avec mon genre Pseudosuberites. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE. 99 Enfin, plusieurs genres qui méritent d’être conservés ne peuvent Cependant pas compter pour des Clavulides. Stylocordyla W. Th., qui n’a que des spicules diactinaux, a sa place marquée dans les Aciculida. J'ai montré récemment que Æalicnemia Bow. doit pren- dre rang parmi les Axinellides, à côté des Higginsia Higg. Quant à Tetranthella Lend., c’est un genre difficile à classer : Je me refuse à le mettre parmi les Lithistides, mais je ne crois pas devoir le main- tenir parmi les Clavulides, quoique l'espèce type ait été nommée, par Schmidt, Suberites fruticosus. Cette importante élimination opérée, je trouve encore la section des Clavulides riche de trente genres, en comptant, d’une part, les Coupures que je me suis décidé à pratiquer en ces derniers temps dans l’ancien genre Suberites, et, d'autre part, diverses créations ré- centes, enfin en rapprochant, comme je le fais, non sans une cer- taine hésitation, Xenospongia Gray de Hymedesmia Bow. 11 me paraît avantageux de les répartir, ainsi que je lai dit plus haut, dans les cinq familles suivantes : 1. Famille des Clionidæ. Clavulida perforantes. G. CLiona Grant. — Clionidæ dont la spiculation complète se com- pose de tylosiyles, d’oxes et de spirasters. De ces trois sortes d’élé- ments, une ou deux sont, dans certaines espèces, constamment frappées d’atrophie. G. Dorona Carter. — Clhionidæ dont les mégasclères choanosomiques font défaut ; les seuls mégasclères présents, destinés aux papilles, sont des styles grêles, provenant d’oxes par réduction ; les micros- cières sont des spirasters de deux sortes, l’une d'elles se localisant au sommet des papilles. Une espèce connue : Dotona pulchella Carter. G. Tuoosa Hancock, — Clionidæ possédant toujours, en fait de spicules, de petites amphiasters noduleuses auxquelles s'ajoutent ordinairement d’autres amphiasiers, des oxyasters réduites et même 100 E. TOPSENT. des sterrasters, el quelquefois des mégasclères, tylostyles ou oxes lisses ou épineux. G. Azgcrona Carter. — Clionidæ dont la spiculation se compose : 40 d’'amphiasters de forme variée ; 2° d’oxyasters réduites ; 3° enfin, de mégasclères, oxes (seuls connus) couverts de tubercules affec- tant une disposition régulière. Trois espèces : les Alectona Millart, A. Higgini et A. Wallichi de Carter. 9. Famille des Spu astrellidæ. Clavulida pourvues de microsclères de la série des asters (euasters, spirasters ou discasters) le plus souvent accumulés à la périphérie du corps en une croûte ectosomique. Les mégasclères sont des tylos- tyles ou des styles ; à l’occasion, ils se montrent diactinaux {(Latrun- culia corticata Cart., L. purpurea Gart., L. acerata Rdl. et D., Spuras- trella aculeata Tops.): G. Hyuenesmia Bowerbank. — Sptrastrellidæ encroûtantes ayant pour mégasclères des tylostyles appuyés par leur tête sur le support et dressés verticalement, el, pour microscières, des euasters formant une croûte dense à la périphérie du corps. G. Xenosponcia Gray. — Spirastrellidæ libres, patelliformes, ayant pour mégasclères des styles et pour microsclères des euasters de deux sortes (des oxyasters et des sphérasters chez X. palelliformis Gray, seul représentant, d'ailleurs mal connu, du genre, et, par suite, d'un classement difficile). G. SPIRASTRELLA Schmidt. — Spirastrellidæ revètantes où Mas- sives, ayant pour mégasclères des tylostyles ou des styles (rarement des tornotes, $. aculeala Tops.), et, pour microsclères, des spirasters typiquement accumulées en une croûte superficielle. G. LarruncuciA du Bocage. — Spirastrellidæ revèlanties ou mas- sives, souvent pourvues de papilles. Les mégasclères sont générale- ment monactinaux [quelquefois diactinaux, Latrunculia. corticata Cart., L. purpurea Gart., L. acerata Ral. et D.) Les microsclères, ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE. 101 caractéristiques, sont des discasters, typiquement accumulées en une croûte superficielle dense. G. Sceprrinrus Topsent. — Spirastrellidæ massives dont la Spicu- lation comprend une faible quantité de styles un peu épineux, plus ou moins fasciculés, ayant la signification de mégasclères, et se compose surtout de discasters gigantesques à nombreux verticilles d'épines, non dressées dans l’ectosome, répandues à profusion et sans ordre dans tout le choanosome. Une espèce : Sceptrintus Richardi Topsent. 3. Famille des Polymastidæ. Clavulida ordinairement sans microsclères, présentant une écorce différenciée et une charpente rayonnante. G. Pozymasrra Bowerbank. — Po/ymastidæ massives, sessiles, avec des papilles de nombre et de longueur variables. Mégasclères, tylos- tyles et styles. Charpente disposée en lignes rayonnant vers la surface. Ecorce épaisse pleine de spicules de plus petite taille rangés verticalement. G. TRICHOSTEMMA Sars. — Polymastidæ sans support, de forme définie, discoïde ou hémisphérique, avec une frange marginale de longs spicules sétiformes servant à les maintenir en position sur la vase où elles reposent. Oscules, un ou plusieurs, à l'extrémité de courts tubes efférents sur la face supérieure du corps. Mégasclères, principalement des tylostyles. Trois espèces : 7richostemma hemisphæricum Sars, T. Sarsi Ridley et Dendy, 7. irregularis Ridley et Dendy. G. Ruapmiorus Topsent. — Polymastidæ possédant (en outre des tylostyles) dans le choanosome des oxes linéaires, rhaphidiformes, solitaires ou fasciculés. Une espèce : Rhapidorus setosus Topsent. G. Prorereia Ridley et Dendy. — Polymastidæ massives, sessiles, pourvues de papilles mammiformes. Mégasclères, tylosiyles et sub- iylosiyles, et, caractéristiques, des exoiyles sous forme de tylostyles 102 E. TOPSENT. dont la pointe, saillante au dehors de l’Éponge, se transforme en un erappin semblable au cladome d’un anatriæne. Une espèce : Proteleia Sollasi Ridley et Dendy. G. TyzexocLApus Topsent. — Polymastidæ massives, sessiles, sans papilles. Mégasclères de trois sortes: tylosiyles, de différentes tailles suivant leur pesilion dans l'organisme : oxes centrotylotes, dispersés sans ordre dans le choanosome; enfin, cladotylostyles, exotyles carac- téristiques, dressés dans l'écorce Île cladome en dehors. Pas de microscières. Une espèce : Z'ylexocladus Joubini Topsent. G. SrnæroryLus Topsent. — Polymastidæ massives pourvues de tylostyles, et d’exotyles caractéristiques sous forme de sphérotylos- tyles. Une espèce : Sphærotylus capitalus (Vosmaer). G. Quasizuina Norman. — Polymastidæ à court pédicelle et à corps ovale, percé d’un oscule au sommel. Mégasclères, styles de deux tailles. Ecorce soutenue par deux systèmes de lignes de grands styles, les primaires ascendantes, les secondaires croisant les pri- maires à angle droit, et couverte de touffes de petits styles, dressés, la pointe en dehors. Squelette du choanosome peu développé, con- sistant en faisceaux épars de petits styles. Système aquifère lacu- neux ; corbeilles vibratiles eurypyleuses. Une espèce : Quasillina brevis (Bowerbank). G. Rinzera Dendy. — Polymastidæ à corps massif percé au som- met d’un oscule où aboutit un tube osculaire bien défini, à parois fibreuses. Mégasclères, tylostyles de deux tailles. Spicules presque entièrement confinés dans l’ectosome. Ecorce contenant dans sa portion profonde des lignes longitudinales robustes de grands tylos- tyles et dans sa portion superficielle un feutrage irrégulier de spi- cules semblables, et couvrant sa surface de touffes de petits tylos- tyles, dressés, la pointe en dehors. Système aquifère canaliculaire ; corbeilles vibratiles diplodales. Une espèce : Æidleia oviformis Dendy. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE. 103 G. Tenrortum Vosmaer. — Polymastidæ sessiles, cylindriques ou coniques, revêtues d'une couche solide, imperforée, de spicules serrés dans le sens de la hauteur, sauf au sommet, où une écorce _fibreuse, soutenue par des faisceaux verticaux de spicules plus fai- bles, se perce de pores etse soulève en une papille osculaire. Mégas- clères, tylostyles ou subtylostyles. Une espèce : T'entorium semisuberites (Schmidt). 4, Famille des Suberilidæ. Clavulida ordinairement sans microsclères; pas d’écorce diffé- renciée ; charpente non rayonnante. Mégasclères, presque constam- ment des tylostyles. G. SuBERITES Nardo. — Suberitidæ massives, compactes ; surface finement veloutée; pas de membrane ectosomique détachable ; charpente confuse ; spicules superficiels diminuant de taille et se plaçant verlicalement. Souvent des gemmules, au contact du support. G. Ficurina Gray. — Suberitidæ se distinguant des Suberites par la possession de microsclères, microstrongyles lisses centrotyloles, localisés à la surface. Une espèce : l’iculina ficus (Linné). G. LaxosuBeriTEs Topsent. — Suberitidæ massives, molles ; surface inégale, villeuse; chair abondante; charpente lâche, formée de files longues et grêles de spicules fasciculés. Type : Laxosuberites rujosus (Schmidt). G. Terpios Duchassaing et Michelotti. — Suberitidæ revètantes, irès molles, lisses, à chair abondante, gélatineuse, contenant des tylostyles faibles, dispersés sans ordre. Type : Zerpios fugax Duchassaing et Michelotti. G. Pseuposugerires Topsent. — Suberitidæ massives, lisses, à ec- tosome différencié en une membrane spiculeuse tendue sur des cavités préporales spacieuses, et à choanosome de structure hali- chondrioïde. Exemples : P. sulphureus (Bean), P. hyalinus (Ridley et Dendy). 104 E. TOPSENT. G. Prosugerires Topsent. — Suberitidæ encroûtantes, hispides, disposant tous leurs tylostyles verticalement au contact immédiat de leur support. Exemples : Prosuberites longispinus Topsent, P. sagamensis Thiele. G. RuizAxINELLaA Keller. — Suberitidæ pédiculées, à pédicelle simple ou ramifié, ordinairement attaché au support par un groupe de racines ; corps sphérique, ovoïde ou cylindrique, velouté ou finement hispide, compact, à charpente plus ou moins rayonnante, et percé d’un oscule vers le sommet. Exemples : Rhizaxinella pyrifera (Chiaje), À. elongata (Ridley et Dendy). G. SemisugeriTes Carter. — Suberitidæ cyathiformes ou flabelhfor- mes, pédonculées. Surface égale, réticulée. Structure lèche ; char- pente en réseau irrégulier. Mégasclères, iylostyles ou siyles par réduction. Type : Semisuberites arcticus Carter. G. AxosuBerIres Topsent. — Suberitidæ dressées, flexibles, char- nues et villeuses, soutenues par une colonne axiale de tylosiyles cimentés par de la spongine. Dans la chair qui entoure cet axe, les tylostyles s’orientent en faisceaux parallèles, pointent à la surface et forment les villosités. Pores disposés en groupes étoilés entre les villosités. Oscule apical contractile. Type : Axuberites Fauroti Topsent. G. Porerion Schlegel. — Suberitidæ en coupes gigantesques, pédoneulées. Pores situés sur la face externe ; oscules, marginés, sur la face interne de la coupe. Squelette composé de tylostyles, tant épars que fasciculés. Une espèce : Poterion patera (Hardwicke). 5. Famille des Mesapidæ. Clavulida caractérisées par l'addition à leurs mégasclères prinei- paux de microrhabdes monactinaux, sortes de tylostyles modifiés dans un but de défense interne. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE. 105 G. MEsapos Gray. — Mesapidæ encroûtantes, hispides, ayant pour spicules principaux des tylostyles lisses, et pour spicules accessoires, des microtylostyles à pointe transformée en un bouquet d’épines coniques, les uns et les autres appuyés verticalement sur le support par leur renflement basilaire. Une espèce : Wesapos stellifera (Bowerbank). G. Teruysprma Topsent. — Wesapidæ sessiles, charnues, hispides ou villeuses, possédant, pour spicules principaux, des styles ou subtylos- tyles, plus ou moins fasciculés en lignes longues et grêles dépassant par places la surface, et, pour spicules accessoires, des microtylos- tyles épineux, à épines espacées, longues et pointues, répandus sur- tout au voisinage du support. Une espèce : Tethyspira spinosa (Bowerbank). B. Section des Acrcur1DA. Les Aciculida sont les Hadromerina à mégasclères diactinaux (oxes, tornotes, strongyles et strongyloxes). De cette section, j'ai donné autrefois (1892) une ébauche. Ne pou- vant plus aujourd’hui me contenter de la considérer comme simple- ment équivalente au demus C'entrospinthara Sollas, diminué des Axinellidæ et augmenté des Scolopidæ, je vais en présenter un tableau aussi complet que possible, d’après l'idée que j en ai conçue. Les £pipolasidæ, que Sollas noyait dans les Tétractinellides, en appendice aux £'uastrosa, me paraissent, en l'absence de triænes, rentrer parfaitement parmi les Aceculida, et je retiens les trois gen- res Amphius, Asteropus et Coppatias, avec leurs représentants cités par Sollas. Exception est faite, cependant, pour l’'Éponge du golfe du Mexique que Schmidt a décrite sous le nom de Stellettinopsis annu- lata et que Sollas a rapportée, avec doute, au genre Asteropus. Schmidt ayant négligé de donner les dimensions des spicules, comme aussi d'indiquer le grossissement de son dessin (1880), je crois voir dans les « Sterne mit gerieften und tuberculirten Strah- 106 E, TOPSENT. len » des callhropses Verruqueux comparables à ceux des Sphinc- trella. Les « spiralsterne » étant sans doute des spirasters, Ja spicu- lation dans son ensemble autoriserait à appeler lEponge en ques- tion Sphinctrella annulata. Par malheur, il existe déjà une Sphinc- trella annulata (Carter) Sollas, du solfe de Manaar, et le nom spé- cifique de celle du golfe du Mexique devrait être changé, à moins que la spiculation de Tisiphonia annulata Garter ait été décrite incomplètement et que, comme je l’ai fait remarquer ailleurs, cette espèce n'ait élé autre chose que la Sphinctrella ornata, dont on doit à Sollas la connaissance exacte. En dehors de ces Æpipolasidæ, j'avais à puiser dans le sous-ordre des Spintharophora de Sollas, à condition de discuter la valeur et la position de tous les genres de Monaxonides à mégaselères diacti- naux qu'il renfermait. Et d’abord, le genre Aséropeplus Soll., avec l'espèce unique À. pulcher Soll., créée pour une Éponge encroûtante de Saint-Iago et Porto-Praya, constituait àlui seul une famille spéciale (Astropeplidæ) et même représentait tout un groupe (Homosclera), soi-disant carac- térisé par l'absence de mégaselères. Sollas croyail à une proche parenté de Aséropeplus pulcher avec les Placinides. C'est une opinion contre laquelle je me suis élevé dans ces derniers temps. Les asters de Astropeplus ne sont certainement pas du type des spicules des Microsclerophora. On peut se demander en outre pourquoi Sollas a interprété comme microsclères tous les spicules de Astropeplus ; cela ne s'explique guère que comme une conséquence du rappro- chement erroné qu'il établit entre cette Éponge et Placortis simplex. Les oxes de À. pulcher ne sont pas de grande taille, il est vrai, mais comme ils atteignent 387 p sur 13, rien qu’une telle suggestion n’oblige à les considérer comme des microxes. Si, s’en dégageant, on leur attribue le rôle de mégasclères qui leur revient vraisembla- blement, on n’a plus qu’à barrer d’un trait de plume le groupe des Homoscelera et la famille des Astropeplidæ, et le genre Astropeplus lui- même se fond dans le genre Coppatias. De fait, Astropeplus pulcher ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE, 107 Soll. n'est sans doute qu’un synonyme de Woa Johnstonii Schmidt, ou, plus exactement, de Coppatrias Johnstoni (Schmidt). Du demus Centrospinthara Sollas, peu de genres prendront place dans les Aciculida. D'abord, je considère, avec Ridley et Dendy, les Axinellidæ comme une famille du sous-ordre Halichondrina, dont 1l ne saurait s’agir pour le moment. Seul, de la liste des Axinellides dressée par Sollas, le genre Æ'pallax Soll. pourrait être retenu, mais, disons-le de suite, ce nom est à remplacer par celui de Æemiaste- rella Cart., £'pallax callocyathus Soll. étant, comme Sollas en conve- nait lui-même, tout à fait voisin, sinon synonyme de Æemiasterella typus Cart. En second lieu, la famille des Dorypleridæ est sans valeur et le genre Dorypleres se confond naturellement dans le genre Coppa- has; les spicules sont des oxes sans ordre et des euasters ; aucune par- ticularité de structure n’est à signaler; les spicules si spéciaux rencon- trés dans les préparations de Dorypleres Dendyi sont des exotyles d'une Espérelline voisine de Gomphostegia loricata Tops. Dorypleres affinis (Cart.) Soll. ne pouvant être, en raison de sa structure trop différente, maintenu dans le genre Æemiasterella où Carter l’avait placé, rentre, pour les mêmes motifs que Ÿ. Dendyi, au nombre des Coppatias. Enfin, la famille des Tethyidæ Soll. ne peut être introduite sans modification dans la section des Aciculida : le genre Xenospongia Gray, à cause des styles de son représentant, m'a semblé, toutes réserves faites, mieux à sa place parmi les Spirastrellidæ (p. 100). Le genre Magog Soll.,sans structure rayonnante, s'écarte décidément de Tethya ; il se rapproche au contraire de C'oppatias par ce caractère comme par sa spiculation ; la présence d’une écorce fibreuse, épaisse, est ce qui permet le mieux de l’en distinguer. Le genre Columnaitis Schm. pouvant bien n'être autre chose qu'un synonyme de Tethya appliqué à une espèce un peu aberrante, ce genre Z'ethya serait seul à conserver dans la famille. Mais nous verrons bientôt s'y ajouter plusieurs genres que Sollas n’a pas cités. Du demus Spiraspinthara Soll., les familles des Suberitidæ et des Sptrastrellidæ rentrent tout entières dans la section des Clavulida. 108 E. TOPSENT. Il en va autrement de la petite famille des Scolopidæ. Les deux genres qui la composent sontdes Aciculida ; seulement, 1ls ne se res- semblent guère, et] ’éviterai, pour ma part, d'inscrire côte à Côte Scolopes Soll. et Stylocordyla W. Th. À mon avis, Sollas fut mieux inspiré en évoquant, à propos de Scolopes Moseleyr, le souvenir du genre 7rachya Gart.; c'est de ce côté sans doute qu'il faut chercher les affinités de Scolopes. En compulsant ce document d'importance capitale qu'est le ee moire de Sollas, on trouve donc déjà huit genres auxquels s'applique la définition des Aciculida : Amphius, Asteropus, Coppatias, Hemias- terella, Tethya, Magog, Scolopes, Stylocordyla. En cherchant un peu partout, j'en ai réuni deuze autres : Trachy- eladus Cart. et Rhaphidhistia Cart.; puis, Tethyorrhaphis Lend., Tu- berella Keïl., Trachya Cart., qui se laissent facilement rattacher aux Tethyidæ ; Cometella Schm., qui me paraît voisine de Séylocordyla ; Spiroxya, Holoxea, Spongosorites, Heteroxzya, Anisoxya, que J'ai créés dans ces dernières années et inscrits d'emblée dans les À cicu- lida : enfin, un genre nouveau, Halicomeles, ici établi pour Cometella stellata Schm. et dont je donnerai plus loin la diagnose. Au total, vingt genres, que je répartis en quatre familles de la ma- nière suivante : 1. Famille des Coppatiidæ. Aciculida massives, rarement cyathiformes, sans microsclères ou possédant comme microsclères ordinaires des euasters, et parfois des microsclères additionnels de la série des streptasters. . Sponcosorites Topsent. — Coppatiidæ massives, à structure JR dépourvues de microsclères. Une espèce : Spongosorites placenta Topsent. G. Anisoxva Topsent. — Coppatiidæ revêtantes, sans microsclères, à ectosome mince non différencié en écorce, à choanosome caver- neux de structure halichondrioïde, et possédant pour mégasclères des oxes de forme simple et de plusieurs tailles. Une espèce : Anisoxya glabra Topseni, ÉTUDE MONOGRAPHIQUE: DES MONAXONIDES DE FRANCE. 409 G. Copparras Sollas. — Coppatiidæ à charpente sans ordre. Les seuls microsclères présents sont des euasters. Espèces : C’. coriaceus (Carter), C. tuberculatus (Garter), €. purpu- reus (Carter), C. luteus (Carter), C. stellifer (Carter), C. Carteri (Rid- ley), C. Dendyi (Sollas), C. affinis (Sollas), ces deux derniers primi- tivement Dorypleres, et C. Johnstoni (Schmidt). G. MaGoG Sollas. — Coppatiidæ à charpente sans ordre, mais à ecto- some différencié en une écorce fibreuse épaisse. Mégasclères : oxes confinés au choanosome. Microsclères : sphérasters. Une espèce : Magog sacciformis (Carter). G. HEMIASTERELLA Carter. — Coppatidæ cyathiformes. Charpente faite de fibres d’oxes cimentés par de la spongine. Euasters en fait de microsclères. Deux (?) espèces : Âemiasterella typus Carter, A. callocyathus (Sollas). G. AstEroPpus Sollas. — C’oppatiidæ possédant à la fois deux sortes d'asters : des sireptasters (sanidasters) en plus des euasters (oxy- asters). Une espèce : Asteropus simplex (Carter). 2. Famille des Streptasleridæ. Aciculida possédant pour microsclères des streptasters, d’une seule sorte ou de plusieurs sortes à la fois. Pas d’euasters. G. Ampaius Sollas. — Streptasteridæ ayant pour microsclères des amphiasters. Une espèce : Amphius Huxleyi Sollas. G. Scoopes Sollas. — Sireptasteridæ à charpente rayonnante et possédant pour microsclères des amphiasters et des microxes. Les affinités de ce genre avec le genre Zrachya Carter (v. plus loin), mises en lumière par Sollas, ne sont pas douteuses. La présence d’amphiasters iei autorise seule une séparation, d’ailleurs provisoire dans cette classification artificielle. Une espèce : Scolopes Moseleyi Sollas. 110 E. TOPSENT. G. TracuycLapus Carter. — Streptasteridæ possédant pour micro- sclères des spirules formant un encroùtement superficiel. : Une espèce : Trachycladus lævispirulifer Carter. G. Raarmomsria Carter. — Streptasteridæ ayant pour microsclères des spirasters distribuées par tout le corps. Une espèce : Rhaphidhistia spectabilis Garter. G. Spiroxya Topsent. — Séreptasteridæ à microsclères de deux sortes : spirasters lisses et microstrongyles épineux. Une espèce : Spwroxya heterochta Topsent. G. Hozoxea Topseni. — Streptasteridæ ayant pour microselères des sanidasters et des trichodragmates. Une espèce : Holoxea furtiva Topsent. 3. Famille des Tethyidæ. Aciculida globuleuses ou massives, à charpente rayonnante, à ectosome plus où moins différencié, souvent muni de microrhabdes dressés: les microsclères principaux, quand il en existe, appartien- nent au type euaster. G. Trruva Lamarck. — Tethyidæ à ectosome formant une écorce bien différenciée, sans microrhabdes spéciaux; les mégascières sont des strongyloxes fusiformes ; les microsclères sont des euaslers de deux sortes (sphérasters et chiasters). Beaucoup d'espèces ont été décrites, mais le nombre en est sans doute exagéré. Quelques prétendues Tethya, telles que T. bistellata Schmidt (qui est une Aymedesmia), et T.? stelluta (Schmidt) Sollas (qui devient une Halicometes) doivent être rayées de ce genre ; T.? innocens Schmidt n’est guère qu'un nOM Sans signification. En revanche, Columnitis squamata Schmidt n’est peut-être, ainsi que Zethya repens Schmidt, qu'une espèce un peu aberrante du genre Tethya. G. Terayorruapms Lendenfeld. — Tethyidæ à ectosome différencié ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE. 111 en une écorce ; microsclères : euasters de deux sortes (sphérasters et chiasters), accompagnées de microrhabdes diactinaux. Quatre espèces, décrites par von Lendenfeld : Zethyorrhaphis lævrs, T. tuberculata, T. gigantea, T°. conulosa. G. TuserezLa Keller. — Zethyidæ sans écorce fibreuse et sans mi- crosclères. Les mégasclères sont des strongyloxes fusiformes. Une espèce : Tuberella aaptos (Schmidt), dont sont synonymes 7°. tethyoides Keller et Tethyophæna siifica Schmidt. (T'uberella papillata . Keller est une Polymastra.) G. TracayA Carter, — Tethyidæ dont les mégasclères sont de grands oxes disposés en files radiales pour constituer la charpente et de petits oxes ou de petits strongyloxes fusiformes, dressés en rangs serrés dans l’ectosome. Pas de microsclères. Deux espèces : Trachya pernucleata Carter, dont les petits mégas- clères superficiels sont des strongyloxes ; 7. horrida Carter, dont les petits mégasclères superficiels sont des oxes. Les autres 7rachya décrites prennent place ailleurs : 7°. globosa Carter et 7°. globosa var. rugosa Carter, pourvues de sigmates, sont vraisemblablement des Gelliinæ; T. durissima Carter, par ses mégas- clères, est une Subéritide; 7. hystrix Topsent paraît devoir être rat- tachée au genre Sollasella Lendenfeld, parmi les Axinellidæ. G. HETEROxYA Topsent. — Zethyidæ revêtantes, sans microscières, à choanosome à peu près aspiculeux, à ectosome en revanche dif- férencié en une écorce solide armée d’oxes de deux sortes, disposés verticalement : les uns, très nombreux et serrés ; les autres, soli- taires, déterminant l’hispidation de la surface. Une espèce : Æeteroxya corticata Topsent, où les oxes serrés sont ornés d'épines, les oxes solitaires restant lisses et se projetant au dehors sur une bonne partie de leur longueur. h, Famille des Stylucordylidæ. Aciculida pédicellées, dont la charpente se dispose en rayons dans la tête, en faisceaux longitudinaux dans le pédicelle. 112 | E. TOPSENT. G. Srycocorpyza W. Thomson. — Séylocordylidæ possédant pour mégasclères principaux constituant la charpente des tornotes plus où moins centrotylotes; des hétéroxes s'implantent verticalement sur toute la périphérie de la tête et contribuent, plus que les terminai- sons des faisceaux rayonnants, à la rendre légèrement hispide, Des microsclères peuvent être présents sur toute la surface de l’Éponge, sous forme de microxes centrotylotes, Deux espèces : Séylocordyla borealis (Loven), S. stipilata (Carter). G. ComereLLa Schmidt. — Séylocordylidæ possédant pour mégas- clères principaux des oxes et strongyles fusiformes. Des microtylotes irrégulièrement tordus et caractéristiques abondent dans les inter- valles entre les lignes squelettiques. Une espèce : Cometella gracilior Schmidt. Les autres Cometella décrites prennent place ailleurs : C. sperma- tozoon Schmidt et €. simplex Carter sont des Rhizochalina ; C. pyrula Carter est une Yvesia : C. stellata Schmidt servira de type au genre Halicometes. G. Haucomeres n. g. — Siylocordylidæ possédant des strongyles pour mégasclères et des sphérasters pour microscières. Une espèce : Halicometes stellata (Schmidt). On peut résumer ainsi la composition du premier sous-ordre des Monaxonida. Sous-0RDRE HADROMERINA. À. Section des CLAVULIDA. 4. Famille des Clionidæ. Genres : Cliona Grant, Dotona Carter, Thoosa Hancock, Alectona Carter. 9, Famille des Spirastrellidæ. Genres : Aymedesmia Bowerbank, Xenospongia Gray, Spirastrella Schmidt, Latrunculia du Bocage, Sceptrintus Topsent. 3. Famille des Polymastidæ. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES MONAXONIDES DE FRANCE. 113 Genres : Polymastia Bowerbank, Trichostemma Sars, Rhaphidorus Topsent, Proteleia Ridley et Dendy, Tylexocladus Topsent, Sphæro- tylus Topsent, Quasillina Norman, Ridleia Dendy, 7'entorium Vosmaer. 4. Famille des Suberitidæ. Genres : Suberites Nardo, Ficulina Gray, Laxosuberites Topsent, Terpios Duchassaing et Michelotti, Pseudosuberites Topsent, Prosu- berites Topsent, Xhizaxinella Keller, Semisuberites Carter, Axosube- rites Topsent, Poferion Schlegel. 5. Famille des Mesapidæ. Genres : Mesapos Gray, Tethyspira Topsent. B. Section des AcIcuLIDA. 1. Famille des Coppatiidæ. Genres: Spongosorites Topsent, Anisoxzya Topsent, Coppatias Sol- las, Magog Sollas, Hemiasterella Carter, Asteropus Sollas. 2. Famille des Streptasteridæ. Genres : Amphius Sollas, Scolopes Sollas, Trachycladus Carter, Rhaphidhistia Carter, Sptroxya Topsent, Aoloxea Topsent. 3. Famille des Tethyidæ. Genres : Tethya Lamarck, Tethyorrhaphis Lendenfeld, Tuberella Keller, Trachya Carter, Heteroxya Topsent. 4. Famille des Stylocordylidæ. | Genres : Stylocordyla W. Thomson, Cometella Schmidt, Æalhco- metes Topsent. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. -— T. vI. 1898. 8 ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS PAR E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. Le mémoire que nous présentons aux zoologistes est une sorte de monographie où nous nous sommes efforcés de réunir les faits les plus importants relatifs à l’histoire des Pleurotomaires actuels. Il se compose de deux parties bien distinctes, l’une purement histo- rique, où nous avons condensé les observations de nos prédéces- seurs et les renseignements que nous avons pu recueillir sur les exemplaires connus de ce curieux genre: l’autre anatomique et es- sentiellement consacrée à nos recherches personnelles. Si la pre- mière partie est destinée à rendre des services aux hommes de science et à faciliter leurs recherches, la seconde, croyons-nous, jeitera quelque lumière sur les animaux qui nous occupent et sur l’évolution des Gastéropodes. Les Pleurotomaires, en effet, sont les plus anciens de tous les Mollusques aujourd'hui connus; on les ren- contre dans les couches fossilifères les plus primitives, et l’on était en droit de supposer, même avant de connaître leur animal, qu'ils serviraient quelque jour à rattacher les Gastéropodes archaïques aux formes qui leur ont donné naissance. Ces prévisions furent confir- mées en partie quand, à la suite des heureux dragages entfepris par le Hassler etle Blake, M. Dall put examiner des animaux de ce genre el se Convaincre qu'ils avaient deux branchies bipectinées sy- métriques, deux orifices rénaux et un anus situé sur la ligne mé- 116 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. diane dorsale. Il restait toutefois à pousser plus loin les recherches et à faire, pour les organes vitaux, ce que M. Daill avait réalisé pour la morphologie. Ce desideratum, formulé par beaucoup de zoologistes, sera satis- fait, dans une certaine mesure, Par la publication du présent mé- moire. Grâce à la libéralité éclairée et à la générosité scientifique de M. Alexandre Agassiz, nous avons eu la fortune, que beaucoup nous envieront, sans doute, de posséder un des animaux du Pleurotomaria quoyana recueillis par le Blake. C’est le premier animal du genre dont on ait fait l'anatomie ; nous avons eu toute liberté pour l’étu- dier ; il nous a été livré généreusement, sans condition aucune, et c'est pourquoi nous avons réussi, bien qu’il fût incomplet, à en ürer un parti qu'on ne trouvera pas Sans intérêt, nous l’espérons, du moins. Quelle que soit, du reste, la valeur des observations qui vont suivre, nous en rapportons tout le mérite à l'éminent directeur des cam- pagnes du Aassler el du Blake, à M. Alexandre Agassiz. À l'auteur de tant de belles découvertes, au naturaliste qui a su retrouver dans les océans les restes de faunes qu’on croyait éteintes, nous SOMMES heureux de dédier ce mémoire, en lui présentant l'hommage de notre respectueuse reconnaissance ’. PREMIÈRE PARTIE. ÉTAT ACTUEL DE NOS CONNAISSANCES SUR LES PLEUROTOMAIRES. PLEUROTOMARIA (DEFRANCE) SOWERBY, 1821. Le terme générique Pleurotomartia n'est pas apparu subitement dans la nomenclature zoologique el il semble avoir été assez généra- lement employé avant d'être décrit et publié. C’est en juin 1821 * 1 Nous remercions également M. Agassiz d’avoir bien voulu nous permettre de publier en France ce travail qui fait partie des Reports on the Results of Dredging, under the supervision of Alexander Agassiz.…, by the U. S. Coast Survey Steamer « Blake ». 2 Cetle date de publ:cation nous est fournie par Dall (S#, 77). D’autres auteurs indiquent soit 1821, soit 1822. Fæ ETUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS, 4117 que nous trouvons la première indication du nouveau genre, dans les Tableaux systématiques de Férussac. Il s’agit de la simple citation suivante : « Genre VI, PLEUROTOMAIRE, Pleurotomaria? Defrance. » Le point d'interrogation placé après Pleurotomartia se rapporte probablement au nom latinisé Pleurotomarra (qui pouvait avoir différentes termi- naisons), {traduction du nom Pleurotomaire de Defrance; il est peu probable, en effet, que le baron de Férussac ait eu quelques doutes en attribuant la paternité du genre à Defrance, car les auteurs sui- vanis n'ont pas la moindre hésitation à ce sujet. L'ouvrage en ques- tion fait partie de l’Aistoire naturelle générale et particulière des Mollusques terrestres et fluviatiles, etc., du baron de Férussac, dont la publication à commencé en 1819. En décembre 1821, James Sowerby (24) dit quelques mots du genre Pleurotomarta sans en nommer l’auteur; ces quelques mots suffisent d’ailleurs pour le caractériser : « Trochus Gibsi... the upper part (of the shell) is smooth, except the concentric band, upon which are semicircular striæ, indicating a sinus in the outer lip. | « This and several other shells, hitherto called Trochi, with the band around the spire, may more properly belong to the genus Pleurotomaria, which I may be induced at some future period to adopt£. » Cette description, d’après M. le professeur Dall!, confère la prio- rité du genre à James Sowerby. Il est certain que la citation faite par le baron de Férussac ne peut pas être considérée comme suffisante pour établir le genre ; au contraire, la description de James Sowerby met en évidence les ca- ractères essentiels du P/ewrotomarta ; mais il est beaucoup plus dou- eux que James Sowerby ait entendu décrire explicitement ce genre comme résultant de ses recherches personnelles. Dans le passage 1 Dazz (84 et 91, 396). 118 E,-L, BOUVIER ET H. FISCHER. que nous venons de citer, l'auteur parle, en effet, du Pleurotomarria comme d’un genre bien connu, familier à tous les zoologistes de cette époque et dont il est superflu, par conséquent, de nommer l'auteur. Il ajoute qu'il pourra être conduit ultérieurement à l’a- dopter; cette dernière expression suffirait presque à prouver que le paléontologiste anglais n’est pas l’auteur du genre en question. Deux ans plus tard (sept. 1823)’, Defrance publie (23) les figures de deux espèces, avec la légende suivante : 2, Pleurotomaire ornée (Defr.). 3. Pleurotomaire tuberculeuse (Defr.}. En 1824, Defrance ne fait que citer le genre Pleurotomaire dans son Tableau des corps organisés fossiles (24) ; enfin, en 1826, il donne la description du genre et cite cinq espèces : Pleurotomaria tuberculosa Defr., PL, anglica Defr. (Trochus angl- eus et similis Sow.); PI. granulata Defr. (Trochus granulatus Sow.). Pl.ornata Defr. (Trochus ornatus Sow.), PI. elongata Defr. (Antrochus elongatus ? Sow.). Vo J. Sowerby.(31), dans un fascicule de son Genera of recent and fossil Shells, publié fin 1830 ou commencement de 4831 *, donne la diagnose du genre et figure deux espèces (Pleurotomaria reticulata et PI. elongata). Il ajoute : « On the genera distinguished by a more or less deep fissure or notch in the upper part of the outer lip, the Pleurotomaria of De France has no canal... » Ce passage de Sowerby lui-même reconnaît formellement la priorité à Defrance. Une deuxième fois, en 14844, Sowerby (44) cite Defrance comme l’auteur du genre. C’est à l’aide des documents précédents que nous devons attribuer ‘ Voir, pour la date de publication des planches du vingt-sixième cahier de l'Atlas du Dictionnaire des sciences naturelles, la Bibliographie de la France ou Journal général de l'imprimerie et de la librairie, Pillet aîné, Paris, 18923. 2 Voir, pour la date de publication du trente-deuxième cahier de cet ouvrage : D. SuerBoRN, On the dates of Sowerby's genera of recent and fossil Shells (Annals and Magazine of natural history, vol. XIII, 1894, p. 370: R. B. NEWTON, Syst. List Edwards Collection (Catal. Brit. Mus., 1891, p. 321). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS, 419 la priorité soit à Defrance, soit à Sowerby. Il nous semble que, dans le cas actuel, l'application stricte des lois de priorité est impossible ; la citation des Tableaux systématiques doit être écartée; la descrip- tion de Zrochus Gibsi par J. Sowerby (24), avec les remarques qui l’'accompagnent, renferment, au contraire, une bonne définition ; mais il y aurait encore là matière à discussion, car le nouveau terme Pleurotomaria n’est pas proposé à titre définitif par l’auteur, qui se contente d'annoncer qu’il l’'adoptera peut-être plus tard. La première définition réellement complète et indiscutable du nouveau genre est celle qu’a donnée Defrance en 1826, précédée par la planche publiée en 1823. Il faut donc choisir entre les deux nota- tions : Pleurotomaria J. Sowerby 1821 et Pleurotomaria Defrance 1896 : la première a l'avantage de la priorité, mais sa valeur n'étant pas absolument démontrée, la question nous paraît insoluble, comme nous le disions plus haut. Il faut donc renoncer à faire ici l'application étroite des règles de la nomenclature. Il nous semble que l’idée première du genre nouveau revient à Defrance, qui l’avait reconnu depuis un cer- taïin temps déjà, sans le publier, Sowerby eut naturellement con- naissance de la nouvelle coupe générique, grâce aux rapports qu'il entretenait avec Defrance; on lit, en effet, dans la préface des Za- bleaux des corps organisés fossiles‘, que ce dernier avait obtenu de J. Sowerby la communication d’un certain nombre de fossiles ; on comprend très bien, dans ces conditions, que Sowerby, en 1821, ait parlé du nouveau genre, sans d’ailleurs se prononcer complètement sur sa valeur, et qu’il ne l’ait adopté définitivement, en 1831, qu’a- près la description de Defrance, et en lui rendant entière justice. Il nous semble donc tout indiqué de nous ranger à l’opinion de Sowerby lui-même, et de considérer Defrance comme le véritable auteur du genre ; nous croyons avoir ajouté quelques arguments à l’appui de cette manière de voir, que nous partageons avec He 1 DEFRANCE (24, x). 120 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. Woodward (85). En résumé, nous admettrons, comme références originales, à la fois la citation de Férussac (24), prouvant que le genre était adopté par Defrance en 1821, et le passage du Wineral Conchology de J. Sowerby (24), évidemment inspiré par Defrance, et qui met en évidence les caractères du nouveau genre. Nous adop- terons donc la notation suivante : Pleurotomaria Defrance (in Sowerby [1821/). En terminant ce chapitre, nous adressons nos vifs remerciements à MM. Deniker, de Paris, Sherborn et Gude, de Londres, qui nous ont fourni de précieux renseignements sur les dates de publication des premiers ouvrages où il est question du genre Pleurotomaria. PLEUROTOMAIRES FOSSILES. Le genre Pleurotomaria est largement représenté dans les terrains sédimentaires. En 1885, Etheridge et H. Woodward (85)} ont fait le recensement des espèces fossiles et en ont signalé 1156 : ce nombre a été un peu augmenté depuis. La première espèce connue se rencontre dans le cambrien infé- rieur (zone à Olenellus) des États-Unis, c’est-à-dire dans les plus anciens sédiments fossilifères : c'est le Pleurotomaria (Raphistoma) Attleborensis Shaler et Foerste (88), décrit d’après un fragment trouvé à North Atileborough, Mass. Les Pleurotomaires sont donc contem- porains des plus anciens Trilobites et des plus anciens Brachiopodes, qui ont été longtemps considérés comme les plus vieux animaux. A l’époque silurienne, les espèces sont déjà très nombreuses, sur- tout en Amérique; leur nombre augmente encore au carbonifère et atteint son maximum pendant la période jurassique (367 espèces d'après Woodward). La diminution commence à se faire sentir au crétacé. Les sédiments tertiaires ne renferment que très peu d'’es- pèces, et, pendant longtemps, on n’en connaissait que quelques- unes dans l’éocène; l’absence complète du genre à partir du miocène avait même fait supposer que les Pleurotomaires étaient complète- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 121 ment et définitivement éteints : ceci explique le vif intérêt qu'a excité la découverte de la première espèce vivante !. Gette lacune est main- tenant en partie comblée. E. Vincent (90) signale, en 1896, treize espèces éocènes ; H. Crosse(82, 6) en indique deux dans le miocène: Pleurotomaria Sismondai Goldfuss du miocène de Bünde et PI. ter- tiaria Mac-Coy d'Australie. Deux autres espèces ont été trouvées dans les tufs madréporiques quaternaires de la Guadeloupe : Pleu- rotomaria Fischeri Mayer ms et Pl. Duchassaingi Schramm (69): malheureusement elles n’ont pas été clairement définies. Nous ajou- terons à cette liste une forme des terrains tertiaires récents d'Italie: Pleurotomaria gigas Borson et une espèce miocène de l’île Santa- Maria (Açores) : PI. atlantica Cotta®. COMPARAISON DES ESPÈCES VIVANTES AVEC LES ESPÈCES FOSSILES., Les espèces vivantes sont rangées dans les deux sections Zntem- notrochus P. Fischer et Perotrochus P. Fischer (85). Les Zntemnotro- chus (Pleurotomaria adansoniana et PI. Rumphii), caractérisés par la position élevée (supramédiane) du sinus et par leur ombilic, se relient à une série de formes crétacées rangées dans la section Leptomaria. Une espèce éocène, le P{. (Leptomaria) landinensis Vincent (96), du landénien inférieur belge, présente aussi quelques rapports avec le PT, adansoniana. En outre, il existe dans le tertiaire de l'Italie sep- tentrionale un véritable Æ'ntemnotrochus, le Pleurotomaria gigas Bor- son. Dans un travail récent (9%), Sacco signale, en effet, les rapports étroits qui unissent cette espèce au P/. Rumphii; d'autre part, elle a aussi des affinités avec l'espèce miocène de Bünde, 24. Sismondai Goldfuss. Sacco n’est même pas éloigné d'admettre que Pleuroto- maria Rumphii provienne directement de PJ, gigas, et celui-ci de PL. Sismondai. D'après l’auteur, le Plewrotomaria atlantica Cotta pré- 1 Môrcx avait cru retrouver à l’état vivant un autre genre fort intéressant. Voir la description de Murchisonia (Murchisonella) spectrum, de l'ile Saint-Thomas (Malak. Bläiter, 1885, t. XXII, p, 184); mais cette forme est actuellement placée par les auteurs près des Turbonilla. 2? Sacco (92) et Borson (21). 122 E.-L. BOUVIER ET H, FISCHER. sente également les plus grands rapports avec les Entemnotrochus, et est peut-être même identique à PI. gigas. © Les Perotrochus (Pleurotomaria quoyana et PI. Beyrichii), caracté- risés par la situation inframédiane du sinus et par l'absence d’om- bilic, se relient à quelques formes jurassiques!, qui semblent appar- tenir à cette section. Les deux sections actuellement vivantes du genre Pleurotomaria sont donc représentées à l'état fossile, mais il n’est pas encore pos- sible de préciser la filiation de chaque espèce. ESPÈCES VIVANTES DE PLEUROTOMARIA. Les espèces vivantes du genre sont actuellement au nombre de quatre : le lecteur trouvera plus loin, dans la liste des spécimens, l'indication des deseriptions et des figures originales, à propos de chaque type ; nous nous contenterons donc ici de donner leurs Ca- ractères différentiels et leur habitat. Ces espèces sont, par ordre de découverte : Pleurotomaria quoyana P. Fischer et Bernardi, 1856. Pleurotomaria adansoniana Grosse et P. Fischer, 1861. Pleurotomaria Beyrichii Hilgendorf, 1871. Pleurotomaria Rumphii Schepman, 1879. Ces quatre espèces doivent être réparties en deux sections, qui ont déjà été définies par H. Grosse en 1882 (82, 8), mais sans être nom- mées. En 1885, P. Fischer (85) a proposé pour ces deux sections les noms Zntemnotrochus et Perotrochus. Nous résumons en un tableau les caractères différentiels les plus évidents qui permettent de reconnaitre ces espèces, d’ailleurs très distinctes : 1 P. FiscHer (85, 850). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS, 1923 Dernier tour fortement strié longitudinalement et | portant des granulations au voisinage de la suture, Coloration : flammules rouges sur fond rosé. Espèce de très grande taille, habitant les Antilles. l " nsoniqai P, 1S SECHION L = Enfemnotrochus. Pleurotomaria adansoniana, Cr. et Fisch. STE D ns, | Sculpture très atténuée sur le dernier tour; entaille lieu du dernier tour; un beaucoup plus étroite que dans l'espèce précédente. ne Coloration : flammules passant du rouge orangé au rouge carmin et au violet clair, sur fond jaune | blanchätre. Espèce de taille gigantesque, provenant des Molu- QUES ----- Pleurotomaria Rumphii, Schep. | Sculpture très accentuée formée de cordons spiraux | rendus subnoduleux par leur croisement avec des | stries longitudinales. Coloration : flammules rouges vif sur fond jaune clair. SECTION II : Perotrochus. Espèce de grande taille, habitant les mers du Japon. Se cine au dessons du Pleurotomaria Beyrichii, Hilz. milieu du dernier tour : pas d'ombilic Sculpture beaucoup plus fine et plus régulière que dans l’espèce précédente. Coloration : taches ou flammules obscures rouge brunâtre sur fond rosé. Espèce de taille médiocce, habitant les Antilles, Pleurotomaria quoyana, Fisch. et Bern. RECENSEMENT DES EXEMPLAIRES CONNUS DE PLEUROTOMAIRES ACTUELS, Les Pleurotomaires actuels figurent encore aujourd'hui parmi les grandes raretés conchyliologiques ; le nombre des exemplaires trouvés jusqu'à présent et déposés soit dans des musées. soit dans des collections particulières, dépasse à peine une vingtaine. Il est certain que ce nombre s’accroîtra fortement par la suite, lorsque les conditions d’existence de ces animaux seront mieux connues; mais en attendant ce moment, peut-être encore lointain, il nous a semblé utile de recueillir tous les renseignements possibles sur ce un premiers spécimens et d'indiquer ceux qui ont été figurés. Nos recherches nous ont été grandement facilitées par MM. Crosse et 1 Le sinus fournit un excellent caractère pour ces deux sections; il est très long chez les Entemnotrochus, beaucoup plus court chez les Perotrochus. 124 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. Dautzenberg, de Paris; MM. les professeurs Dall, de Washington; Düderlein, de Strasbourg; E. von Martens, de Berlin; Smith et Woodward, de Londres; ainsi que par MM. Damon, de Weymouth ; Fulton et Sowerby, de Londres ; Schneider, de Bâle, auxquels nous adressons nos bien vifs remerciements. Il existe au moins vingt et un spécimens distincts dont voici l'énumération. 1. Pleurotomaria quoyana (TYPE). — Gest en 1855 que le premier exemplaire de Plewrotomaria actuel à été recueilli par le comman- dant Beau «sur une nasse mouillée à une grande profondeur, à plusieurs milles du rivage de Marie-Galante, entre cette île et la Dominiquei.» La coquille était intacte; l'animal et l’opercule man- quaient. P. Fischer et Bernardi (56) ont décrit et figuré ce premier spécimen et signalé l'importance exceptionnelle de sa découverte. Cette belle coquille fit ensuite partie dela collection de M. Rolland du Roquan ; à la mortde ce dernier, elle fut vendue successivement à M. Moitessier, à M. R. Damon, et enfin, en 1872, pour le prix rela- tivement faible de 25 guinées (625 francs), à mistress de Burgh* dont la collection, après sa mort, est échue à miss de Burgh, qui en est actuellement propriétaire. 9. Pleurotomaria adansoniana (TYPE). — La seconde espèce connue a été décrite et figurée par H. Crosse et P. Fischer (64), d'après un exemplaire incomplet qui gisait ignoré dans la collection du docteur Commarmand. Cette coquille a été achetée, en 1858, par M.H. Crosse, qui la possède encore actuellement 3. Pleurotomaria quoyana. — Cet exemplaire est le premier qu'on ait recueilli avec l'animal: il a été capturé par A. Agassiz, en dé- cembre 1871, lors de l'expédition du Aassler, près des Barbades, par 100 brasses environ de profondeur. Quelques détails concernant 1 H. Crossr et P. Fisoner (GA, 155). 2 F1. Crosse et P. Fiscuer (61, 155); H. Crosse (82, 16); CooKkE (93, 122). 3 Ce spécimen vient d’être légué à l’un de nous par le savant et regretté directeur du Journal de Conchyliologie, décédé pendant l’impression de ce mémoire. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 195 son organisation ont été publiés, en 1872, par À. Agassiz (22) et reproduits, peu de temps après, dans une note de E. von Mar- tens (22)!. L’opercule manquait. Ce spécimen est déposé dans les collections du Museum of comparative Zoology, à Cambridge (U. S.). 4. Pleurotomaria Beyrichu(TYPE).— La troisième espèce a été dé- crite, en 1877, par Hilgendorf (2%), d'après un exemplaire en mé- diocre état, acheté à Enoshima (Japon) à un marchand de coquilles locales. Cet échantillon a été, plus tard, figuré par E. von Martens (80, pl. VIID) ; il fait actuellement partie des collections du musée de Berlin. 5. Pleurotomaria quoyana. — Exploration du Blake, st. 290 (1879), au large des Barbades, 73 brasses. Cet exemplaire avait l'ouverture un peu brisée; il était pourvu de l’animal, qui a été étudié par Dall (89, 397, pl. XXXI, fig.1). La coquille est actuellement déposée au Ü. S. national Museum de Washington (89, 397). | 9. Pleurotomaria quoyana. — Exploration du Blake, st. 296 (1879) au large des Barbades, 84 brasses”?. Exemplaire en parfait état, avec l'animal et l’opercule, déposé au Museum of comparative Zoology de Cambridge (U. S.) : c’est celui qui a été étudié dans le présent mémoire. 1.Pleurotomaria adansoniana.— Exploration du Zlake, st.278 (1879), au large des Barbades, 69 brasses. Un individu mort, brisé, déposé au Museum of comparative Zoology de Cambridge. 8. Pleurotomaria adansoniana.— Exploration du Plake, st. 276 (1879), au large des Barbades, 94 brasses. Individu avec l'animal, déposé au U. S.national Museum de Washington, figuré par Dall(89, pl. XXX VII, fig. 4). Dimensions : diamètre maximum, 88 millimètres ; hauteur maxi- mum, 70 millimètres. 1 Voir aussi H. Cross et P. Fiscuer (72); H. Crosse (26); À. Acassiz (88, vol. IT, p. 69). 2 Les figures publiées par Acassiz (88) et par DaLzz (89) se rapportent aux spé- cimens de Pleurotomaria quoyana et de Pl. adansoniana, dont il est maintenant question. 126 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. 9. Pleurotomarta adansoniana. — Exploration du Blake, st.291(1879), au large des Barbades, 200 brasses. C'est un superbe échantillon, pourvu de l'animal; il a été déposé au Museum of comparative Zo0- logy de Cambridge. Dimensions: diamètre maximum, 430 millimètres ; hauteur maxi- mum, 130 millimètres. 10. Pleurotomaria Rumphii (TYPE). — Le type de la quatrième espèce a été trouvé dans un lot de coquilles des Moluques appar- tenant au Jardin zoologique de Rotterdam; c’est le plus grand de tous les exemplaires connus de Pleurotomaires vivants. Il à été décrit, en 1879, par Schepman (%9), figuré trois ans après par le même auteur (82), et, plus tard, ‘par Sowerby (8%) et par À. Pilsbry *. Dimensions : diamètre maximum, 490 millimètres, hauteur, 170 millimètres. 11. Pleurotomaria Beyrichii.— Un exemplaire en partie brisé, acheté en 1881 à Enoshima (Japon) par le docteur Déderlein dans une des nombreuses boutiques où sont en vente, à titre de curiosités, des animaux marins de diverses espèces (Æyalonema Sieboldi, Fusus pagoda, Crustacés, etc.). Cet exemplaire appartient au docteur Dôderlein, actuellement professeur à Strasbourg. 12. Pleurotomaria Beyrichii. — Un très bel exemplaire, en parfait état, acheté à Enoshima, en avril 4881, par le docteur Dôderlein à un pêcheur japonais qui l’avait rapporté, avec d'autres espèces, de Misaki (Japon). Ce spécimen a été communiqué ultérieurement à M. Schneider, de Bâle, puis acheté, pour la somme de 950 marks (1187 francs), par Pætel, qui l’a légué, avec sa collection, au musée de Berlin ?. 1 PirsBry (DO, pl. LVII, fig. 13-14) et H. Crosse (80 et 82. 2 Nous croyons devoir rectifier une annotation de Woopwarp (85%, au bas de la page 435), qui peut prêter à confusion. L'auteur, d’après une communication du doc- teur Gottsche, signale les deux exemplaires du docteur Dôderlein comme incomplets et ne présentant pas la fissure, ce qui n’est pas exact, car l’exemplaire du musée de Berlin est intact. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 127 Dimensions : diamètre, 89 millimètres ; hauteur, 83 millimètres : longueur de la fissure à l'ouverture, 33 millimètres. 13. Pleurotomaria adansoniana. — Cet exemplaire, qui était habité par un Pagure, fut recueilli dans une nasse à homard, à l'’îlet au Fajou, dans le grand cul-de-sac de la Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), à 150 brasses de profondeur. Il a été figuré, en 1882, par H, Crosse (82, 12, pl. I, fig. 1-92) et déposé au musée Lherminier, à la Pointe-à- Pitre. 14. Pleurotomaria Beyrichii.— Un bel exemplaire très frais, acquis, en 1882 ou 1883, par le docteur Gottsche à Enoshima (Japon), a été acheté ensuite par M. R. Damon, de Weymouth, pour la somme de 500 marks (625 francs), puis décrit et figuré par Woodward (85). Miss Ffarington, de Preston, s’est rendue propriétaire de cette belle coquille et l’a léguée, avec ses collections, à sa sœur qui la possède encore actuellement, 45. Pleurotomaria Beyrichii.— Un bel exemplaire, acheté à Londres par M. Sowerby, sans indication de provenance, se trouve dans une collection particulière en Angleterre. 16. Pleurotomaria Beyrichii.— Un exemplaire, acheté par M. Fulton à un négociant du Japon, fait aujourd’hui partie d'une collection particulière de New-York. 17. Pleurotomaria Beyrichii. — Un autre spécimen, ayant la même origine que le précédent, a été acquis, en 1895, par le Ü. S. national Museum de Washington. Dimensions : diamètre maximum, 65 millimètres ; hauteur, 60 mil- limètres. 18. Pleurotomaria quoyana.— Exploration de U/. S. Fish Commis- sion, St. 2354 (1885 ?), au large des côtes du Yucatan, près Arrows- * mith Bank, 130 brasses. Un individu mort, en bon état, à part une cassure à l'ouverture; déposé au U. S. national Museum de Wash- ington. 1 PizsBry (95), W. E. CozziNce (94), 128 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. Dimensions: diamètre maximum, 48 millimètres; hauteur, 40 mil- limètres. 19. Pleurotomaria adansoniana. — Ce magnifique exemplaire, le plus grand et le plus beau de l’espèce, a été remarqué, en 1890, par Lechmere Guppy’, à l'exposition de la Trinité et de Tobago. Il a été acheté par M. R. Damon et figuré par lui (94), puis acquis pour la somme de 33 livres sterling (1 375 francs) par le British Museum de Londres, où il est exposé. 20. Pleurotomaria Beyrichii. —Un bel exemplaire, avec l'animal, a été pêché, en 1897, au Japon, au large de Boshu, sur le banc Okinosé ; ilfutcommuniqué aussitôtà M. Alan Owston, de Yokohama, et au pro- fesseur Mitsukuri, de Tokio, qui put l’observer vivant ?. Ge spécimen est maintenant dans les collections du British Museum de Londres. 91. Pleurotomaria Beyrichii, — Un bel exemplaire a été acquis tout récemment par M. Dautzenberg, de Paris. En résumé, les exemplaires connus se répartissent de la manière suivante : Pleurotomaria quoyana, 5; PL. adansomana, 6; PL. Rumphu, 1; PI. Beyrichi, 9. il est fort probable que cette liste n’est pas complète, surtout en ce qui concerne le Pleurotomaria Beyrichii dont un ou deux exem- plaires, autres que ceux mentionnés, existent encore en Europe. Il semble même que cette dernière espèce soit appelée à devenir Moins rare que les autres, car les pêcheurs japonais en caplurent de temps en temps. Souhaitons que les spécimens soient un jour assez nom- breux pour permettre d'entreprendre une étude anatomique com- plète de ces formes si intéressantes. 1 Lecamere Gurpy (99 et 92), PizsBry (92). 2? MirsuxuRri (9%). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 1929 RÉSUMÉ DE NOS CONNAISSANCES SUR L'ASPECT EXTÉRIEUR ET L'ORGANISATION DE L'ANIMAL. Une courte description de l'animal a été donnée par Agassiz (22). Plusieurs figures, prises sur l’animal vivant par M. J.-H. Blake, tant de Pleurotomaria quoyana que de PI. adansoniana, ont été publiées par M. Dall!, qui a complété, sur bien des points, la description précédente; récemment enfin, Mitsukuri (9%) a publié une courte note sur l'animal vivant du PI. Beyrichii. 1° Pleurotomaria quoyana et PI. adansoniana. — Dall a surtout dé- crit en détail le P/eurotomaria quoyana, et les lignes suivantes se rap- portent spécialement à cette espèce, à moins d'indication contraire ; les deux formes diffèrent d’ailleurs assez peu. Coloration générale, téquments. — Le corps est brun rouge: de fines lignes sombres transversales s'étendent sur la tête, plus serrées en avant des tenlacules qu’en arrière. Le bord du manteau est plus sombre que le pied. La tête, en arrière des tentacules, présente une suriace rugueuse et ridée transversalement : le reste du Corps, à l’exception de la sole pédieuse, est finement granuleux ou pa- pilleux. Chez le Pleurotomaria adansoniana, la surface du Corps est moins rugueuse que chez le P/, quoyana. Pied. — Le pied, très développé, est presque deux fois plus long que la coquille. Sa partie postérieure porte un opercule corné mul- tispiré, semblable à celui des Trochidés?, mais de petite dimension relativement à la taille de la coquille. En arrière du lobe operculi- gère se trouve une surface triangulaire limitée de chaque côté par les prolongements postérieurs des lobes épipodiaux ; cette surface est légèrement tuberculeuse chez le Pleurotomaria quoyana, tandis que chez le PJ. adansoniuna elle est sillonnée de fortes rides trans- 1 Dazz (89, pl. XXIX, fig. 1; pl, XXX, fig. 1-6). ? Dazz (89, pl. XXXII, fig. 10). ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN,.— 3€ SÉRIE. — T, VI. 1898. e] 130 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. versales et creusée d’un sillon médian: d’après M. Dall, c'est cette différence qui fournit le caractère le plus net pour séparer les deux espèces d’après l'animal. Epipodium. — Il est large, mince, muni, COMME les bords du manteau, d’une rangée de petites papilles courtes; il est dépourvu des filaments et prolongements qu’on observe chez les Trochidés el chez les Scissurellidés. Sur l’animal vivant, l'épipodium est intime- ment appliqué sur le manteau, qu’il double encontournani le bord de la coquille, et se comporte donc tout autrement que chez Îles Trochidés, dont l'épipodium s'épanouit librement dans l’eau. Gelui du 2leurotomaria adansoniana est moins développé que celui de PI. quoyana. Tête. — La tête est pourvue de deux tentacules droits et pointus et prolongée antérieurement par un 810$ muffle cylindrique, dont l'extrémité, arrondie en forme de disque, porte la bouche au centre et, inférieurement, un sillon médian. Les yeux, situés à la base des tentacules, sont ronds, petits et noirs ; ils montrent une perforation centrale, de sorte que l’eau de mer occupe la place du cristallin absent et pénètre dans la coupe formée par le fond de l'œil. Manteau. — Ses bords sont garnis de papilles, surtout le long de l'entaille qui correspond à la fissure de la coquille. Lorsque l'animal est en extension, les deux lèvres de cetie entaille s’accolent, sauf à l'extrémité interne du sinus, où il reste une ouverture ayant le rôle d'un siphon. Branchies. — Les branchies n’ont été observées que chez le Pleuro- tomaria adansoniana ; elles sont au nombre de deux, situées à l’inté- rieur de la cavité palléale, près de la soudure du manteau avec le corps, et leur ensemble forme deux séries presque symétriques de feuillets aplatis, disposés de chaque côté d’un bourrelet longitudinal, à parois minces, contenant le vaisseau branchial, et qui s'étend parallèlement à l'entaille du manteau *. L'extrémité antérieure du i Dazu (S9,p. 401; p. 434, fige F; pl, XXX, fig. 2). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 151 bourrelet est libre sur une petite distance et forme une pointe où les feuillets branchiaux diminuent de grandeur. Chacune des deux branchies contient environ trois cent soixante feuillets. Dans la région où le bourrelet devient libre, on observe un renflement des iéguments, et, à côté de lui, un petit organe hémisphérique qui est peut-être sensoriel (osphradium ?). Appareil digestif.— M. Dall a décrit la mâchoire et la radule, dont il sera question plus loin; il a observé, chez le Pleurotomaria adan- soniana, les restes d’un jabot à parois très minces. L’extrémité de l'intestin se recourbe fortement en S avant de s'ouvrir à l’anus 1. Reins (?). — Immédiatement au-dessous de l'intestin se trouve une glande ou bien une paire de glandes en contact sur la ligne mé- diane qui paraissent s'ouvrir, près de l'extrémité postérieure de l'entaille palléale, par deux orifices obliques et symétriques. M. Dall Suppose que ces deux glandes et ces deux orifices sont les reins avec leurs pores excréteurs. Enfin, M. Dall (89, pl. XXX, fig. 3) figure, près des orifices ré- naux où supposés tels, une autre paire de pores sur lesquels il ne s'explique pas ; peut-être faut-il y voir des pores génitaux. 2° Pleurotomaria Beyrichii. — Ce que nous savons sur cette espèce se réduit à fort peu de chose : d’après M, Mitsukuri (#3), la sole pé- dieuse est jaune-paille ; les côtés du pied sont marqués de taches et de traînées carmin foncé sur fond orange ; le muffle est lOULSE-CAr- min. Le tentacule gauche de l'individu observé avait une petite branche près de la pointe. Les deux lobes épipodiaux se relèvent Jusque sur la coquille, et il semble même, d’après la description de l’auteur japonais, que ces lobes épipodiaux présentent un dévelop- pement considérable. 1 Dar (89, pl. XXX, fig. 3). 132 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. DEUXIÈME PARTIE. ÉTUDE ANATOMIQUE DU PLEUROTOMARIA QUOYANA. L'animal que nous avons eu entre les mains avait été extrait de sa coquille, que nous n'avons, par conséquent, pas pu examiner. L’étiquette jointe à l'échantillon portait les indications suivantes : « U. S. Coast Survey, C. P. Patterson, Sup" Carribean Islands Exploration. U. S. GC. S.S. Blake, Alex. Agassiz, 1878-1879. « Pleurotomaria Quoyana. « N° 296, Depth 73 fathoms, Barbados. « This is the best of the specimens and (except the operculum) is exactly as when it was taken from the Shell. » L'animal a été représenté tel qu’il nous parvint dans la figure 1, pl. X, du présent mémoire. Arraché avec effort de sa coquille, il avait perdu le tortillon tout entier, les branchies, la plus grande partie du manteau et des viscères, à l'exception de la radule et d'une portion déchirée de l’œæsophage et de la masse buccale. Le pied se trouvait intact, mais il était recroquevillé, comme le montre la figure; le muscle columellaire, les tentacules, les yeux, une partie des parois de la cavité antérieure du corps et une faible partie de la région inférieure du manteau n'étaient pas trop endommagés et se prêtaient encore parfaitement à des recherches anatomiques; l’épi- podium n'était pas apparent au premier abord et nous pûmes croire un instant qu'il faisait défaut ; mais un examen ultérieur plus at- tentif nous a permis de le voir, contracté par l'alcool, à la partie supérieure du pied. Il paraît peu développé et s'arrête assez loin des tentacules. Pour plus de détails sur la morphologie externe, nous renvoyons à nos figures et aux mémoires de M. Dall, que nous avons résumés plus haut. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 133 DESCRIPTION DE LA RADULE. M. Dall (89, 399, pl. XXXI, fig. 1) a décrit et figuré en partie la radule du Pleurotomaria quoyana : en plus de la dent impaire, il dis- tingue trois séries de dents : 1° les /aferales, au nombre de vingt-six, plus ou moins aplaties; 2° les wncini, ayant un à trois denticules presque aussi longs que la pointe principale; les uncini situés anté- rieurement (uncin: majores) sont plus forts et ont plus de denticules que les suivants (uncini minores); on compte dix-huit à vingt de ces uncini; 3° les /aterales minores, très nombreuses, petites, transpa- rentes et si rapprochées qu'il est presque impossible de les compter. M. Dall pense qu'il en existe quarante à cinquante; elles sont minces et spatuliformes; l’auteur n’a observé sur aucune de ces dents les touffes qu'il a décrites chez le Pleurotomaria adansoniana. La formule radulaire serait donc R + ï == EE + _ : La lettre R désigne la dent rachidienne (impaire); les chiffres inscrits en dénominateur indiquent le nombre de cuspides qui ca- ractérise chaque dent. Nous allons compléter la description de M. Dall en y apportant quelques modifications. La radule des Pleurotomaires est extraordinairement compliquée ; il existe peu de Mollusques qui présentent d’aussi importantes mo- difications le long d’une série transversale ; mais ces modifications présentent un remarquable caractère de continuité qu’on ne trouve à un pare:l degré chez aucun Diotocarde; nousreviendrons d’ailleurs en détail sur cette particularité spéciale aux Pleurotomaires. Les rangées transversales n’ont nullement une direction trans- verse, mais sont repliées en forme de V. La figure 42 (pl. XII) re- présentant la radule, vue par dessous, montre cette disposition d'ensemble ; il est clair que de ce côté les dents ne peuvent pas être aperçues; seules leurs surfaces d'insertion sont visibles. Nous avons représenté une demi-rangée (pl. XIL, fig. 4) à un plus fort gros- 134 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER, sissement, également vue par dessous : on remarque que la surface d'insertion de chaque dent varie de forme et de grandeur depuis la ligne médiane jusqu à l'extrémité ; c’est à la limite du premier et du deuxième tiers que la base des dents présente le plus de force. Nous avons pu établir le nombre exact des dents d’une rangée ; 1l existe une dent médiane impaire, et, de chaque côté, cent dix-sept dents paires: on trouve, en ouire, au delà de la cent dix-septième dent, la base rudimentaire d’une cent dix-huitième. La forme de ces dents est très variée, et, pour la commodité de la description, nous diviserons les dents paires en cinq groupes, qui n’ont pas d’ailleurs de limites précises : 4° dents centrales; 2° dents lamelleuses ; 3° dents à crochets (ou uncini) ; 4° dents à brosses ; 5° dents flabelliformes. Nous désignerons chaque dent par son numéro d'ordre à partir de la dent impaire (exclusivement). Les dents ayant même numéro d'ordre dans deux rangées différentes sont toujours rigoureusement identiques ; nous avons constaté le fait très minutieusement, notam- ment dans les régions de transition entre deux groupes consécutifs, où l'on pouvait s'attendre à des variations individuelles ; il n’en est rien; la vingt-neuvième dent, par exemple, a toujours identique- ment la forme figurée. La disposition générale des dents présente quelques particularités dignes d’être signalées ; les deux moitiés ne se correspondent pas exactement, mais il y a un léger chevauchement (pl. XIL, fig. 2 et fig. 12); en outre, la surface où s’attachent les dents (épithélium lingual) est loin d’être plane; la dent impaire et ses voisines soni insérées sur une forte saillie longitudinale, de chaque côté de laquelle on trouve une forte dépression où sont les dents lamelleuses trian- gulaires. Au delà de cette dépression court une nouvelle saillie qui supporte les grosses dents à crochet. Ces dispositions se voient faci- lement en examinant la radule par dessous. Dent impaire*. — La dent impaire (pl. XI, fig. 4, 5, 6), de petite 1 Les dents figurées isolément sont toutes figurées au même grossissement de 710 diamètres: ce sont toutes des dents du côté gauche, ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS, 135 dimension, est presque couchée sur l’épithélium lingual; elle est constituée par une lame vaguement quadrangulaire, située dans Île plan médian, et prolongée antérieurement par une pointe assez aiguë ; elle s'insère sur l’épithélium lingual suivant une bande étroite et allongée dans le sens de la ligne médiane (cette bande d'insertion est représentée obliquement, vue de trois quarts, dans la figure 5); son bord postérieur, très incliné, porte, de chaque côté, deux expansions minces et foliacées, visibles à droite et à gauche dans la figure 5. Dents centrales paires. — De part et d’autre de la dent impaire, les premières dents que l’on rencontre sont de beaucoup plus grande taille que la dent impaire et que les suivantes ; elles sont insérées (fig. 3) sur une ligne à peu près transversale; on peut les appeler es dents centrales paires en limitant cette région, arbitrairement d’ail- leurs, aux trois premières. Elles sont larges et aplaties (fig. 7, 8, 9), c’est la deuxième qui présente la largeur maximum ; elles portent, du côté externe, une crête de renforcement qui se prolonge latérale- ment et inférieurement par une expansion mince et foliacée (fig. 3), homologue de celles de la dent médiane, mais diminuant rapide- ment de grandeur. Leur surface d'insertion est concave (fig. 7-9). . On remarquera qu'il existe une assez brusque différence de forme et de taille entre la dent impaire et la première centrale : celle-ci n’a point l'équivalent de la pointe que possède la dent impaire. Au contraire, la quatrième dent ne diffère de la troisième que par le rétrécissement de son extrémité supérieure. La quatrième établit donc une transition très ménagée entre les dents centrales et les dents lamelleuses; nous n’avons, d’ailleurs, attribué à ces distinc- tions qu’une valeur absolument artificielle. Dents lamelleuses. — À partir de la troisième dent inclusivement, la direction générale de la rangée change et, au lieu d’être trans- 1 Dans les pages qui suivent, nous appellerons exirémilé antérieure d'une demi- rangée de la radule, celle qui se trouve sur la ligne médiane; par exemple, la figure 2 représente la moitié antérieure de la demi-rangée gauche. 136 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. versale, s'éloigne de l’axe suivant en angle aigu d'environ 30 degrés. La taille des dents diminue légèrement jusqu'à la sixième ou sep- tième (fig. 2), en même temps que la forme tend à devenir triangu- laire : entre la septième et la vingt-cinquième la taille reste à peu près constante, puis s'accroît rapidement au delà. Les petites expan- sions foliacées qui se trouvent à la base des dents centrales persis- : tent sur les dents lamelleuses, mais disparaissent sur la vingt-neu- vième. La huitième et la vingt-huitième dent sont représentées sur les figures 3 (pl. XID) et 2 (pl. XI). Dents à crochet. — La vingt-neuvième dent établit la transition entre les dents lamelleuses triangulaires et les dents à crochet. Elle présente encore une forme générale triangulaire (pl. XII, fig. 1, dent du milieu) et son extrémité est assez mince ; d'autre part, vue de côté (fig. 3), elle présente ‘une remarquable analogie de forme avec la dent suivante (fig. 4) et montre très nettement le début de deux cuspides ; il est impossible de rapporter cette dent aux précédentes plutôt qu'aux suivantes, car elle à des caractères exactement inter- médiaires. Les dents à crochet qui suivent perdent assez rapidement la forme triangulaire, tout en restant aplaties latéralement ; elles s'allongent, s’incurvent, et leur extrémité se munit de cuspides. La trentième (fig. 4) est bicuspide, mais elle possède une faible indication d’une troisième cuspide qui va se développer sur les suivantes. La trente et unième (fig. 6) et la trente-deuxième sont très caractérisées comme dents tricuspides ; on observe que le bord externe et le bord interne présentent l’un et l’autre un bourrelet d'épaississement : le bourrelet interne, du côté concave, forme deux des cuspides que nous appel- lerons cuspides internes, tandis que le bourrelet externe, du côté convexe, se termine par la cuspide externe. Dans la région comprise entre les deux bourrelets, la dent est mince et aplatie. La trente-troi- sième (fig. 7) ne porte plus que deux cuspides : la cuspide interne inférieure a avorté, et sa place n’est plus indiquée que par une légère ondulation du bord, dont on ne trouve même plus de trace dans la ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 137 trente-quatrième. Les dents numérotées de 32 à 35 sont les plus fortes de toutes ; ce sont aussi celles dont la base présente les plus grandes dimensions (pl. XII, fig. 1). À partir de la trente-sixième, la partie recourbée de la dent dimi- nue d'épaisseur ; en même temps, le bourrelet externe de renforce- ment prend de moins en moins d'importance dans la partie termi- nale, en sorte que la cuspide externe, toujours médiocrement saillante, même à la trente et unième dent où elle présente son maximum de développement, est de plus en plus en retrait avec la cuspide interne; en somme, la trente-quatrième dent prend déjà l'aspect d’une dent unicuspide, aspect qui ne fait que s’accentuer (pl. XII, fig. 21) et devient très marqué pour la quarante et unième ; toutefois la cuspide externe, quoique pratiquement invisible, existe toujours morphologiquement comme terminaison émoussée du bourrelet externe, toujours présent. La quarante-deuxième dent (pl. XIIT, fig. 9) est encore unicuspide, mais elle montre, sous la forme d’un léger renflement, le rudiment d’une nouvelle cuspide interne, qui se développe rapidement sur les dents suivantes (voir fig. 11) et qui paraît se former au même point où avait disparu la cuspide interne inférieure des trentième, trente et unième et irente-deuxième dents. Les quarante-troisième et qua- rante-quatrième dents deviennent donc bicuspides, mais sont fon- damentalement du même type tricuspide que la trente et unième, en tenant compte de ce que nous venons de dire sur la cuspide externe. Cette structure ne tarde pas à se compliquer : la quarante- cinquième dent (pl. XII, fig. 11) montre, en effet, entre ces deux cuspides internes, le début d’une troisième cuspide interne (cuspide -moyenne) qui va se développer sur les dents suivantes (ex: 48° dent, fig. 25), qui deviendront donc tricuspides, mais d’un type différent des tricuspides rencontrées antérieurement, puisque les trois cus- pides dépendent du bourrelet interne. On voit que la série des dents à crochet est loin d’être uniforme. Les dernières d’entre elles s’amin- cissent sensiblement. 138 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. Dents à brosse. — La quarante-huitième dent fait la transition entre les dents à crochet et les dents à brosse. Le bourrelet externe est toujours présent; mais son extrémité distale (qui équivaut à la cuspide externe de la trente et unième dent) s'étant de plus en plus retirée de la pointe, n'arrive plus qu’au niveau de la cuspide interne inférieure et se termine par une sorte de petit épaississement irré- gulier, qui se garnit de minuscules baguettes sétiformes, dont on n’observe qu’une trace à peine perceptible sur la quarante-huitième dent, mais qui forment déjà une petite touffe sur la cinquantième (pl. XIII, fig. 13). Ces soies sont transparentes avec une vague Struc= ture transverse ; leur diamètre mesure environ 02,002 à quelque distance de leur insertion. Leur extrémité distale est assez pointue. Sur la cinquante-septième dent, ces soies sont bien développées et atteignent l’extrémité libre de la dent, qu'elles dépassent même sur les suivantes : elles se courbent en enveloppant l'extrémité de la dent de chaque côté, ainsi que son bord convexe (pl. XII, fig. 27). La forme générale des dents à brosse n'est plus celle des dents à crochet : leur courbure est beaucoup plus faible (fig. 15) et tend à s’atténuer encore en approchant de l'extrémité de la série (fig. 16); leur tige est très amincie. Les dernières dents à brosse se modifient sensiblement : leurs cus- pides sont moins saillantes (ex : 103° dent, fig. 16); une expansion foliacée, latérale et externe, se développe tout du long de la tige; elle est déjà sensible sur la cent troisième dent et devient extrème- ment développée vers la cent dixième (pl. XII, fig. 17) et sur les sui- vantes : cette expansion va même former la totalité des dents flabel- liformes, par suite de l’atrophie graduelle de la tige et de la brosse. Les cuspides paraissent disparaître un peu avant la brosse : nous les avons encore aperçues sur la cent neuvième dent; la brosse existe jusqu’à la cent onzième inclusivement, mais en s’atrophiant rapidement, Dents flabelliformes. — La cent douzième dent ne présente plus trace de brosse : une petite incurvation du bord indique seulement ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 139 sa place. Les dernières dents, jusqu’à la cent dix-septième (pl. XI, fig. 5),sont minces, aplaties, spatuliformes, un peu recourbées ; leurs bases sont tellement petites qu’elles prennent une disposition diver- sente rappelant assez celle des feuillets d’un éventail, dontles lames un peu courbes iraient en décroissant lentement. On voit sur la figure, juxtaposée à la base de la dernière dent, la base rudimen- taire d’une cent dix-huitième dent non développée. Plaques basales accessoires. — Dans toute la région moyenne de chaque demi-série, la base des dents est accompagnée d’une petite pièce accessoire fortement adhérente à l'épithélium lingual : on Paperçoit en examinant la radule par sa face inférieure (pl. XIT, fig. 1) ou encore en observant l’épithélium lingual par transparence, après avoir enlevé chaque dent. La première plaque s’observe sur la trente-quatrième dent; il y a déjà, à vrai dire, sur la trente-troi- sième, une pièce analogue, d’un peu plus grande dimension, mais qui parait encore soudée à la base. À partir de la trente-quatrième dent, cette plaque diminue un peu de dimension, puis augmente à partir de la trente-neuvième ; entre la quarante et unième et la soixante-quatorzième; elle conserve à peu près la même taille et la même forme : elle est ovale et disposée obliquement ; puis elle diminue rapidement et disparaît après la quatre-vingt-unième dent. En résumé, la radule présente une dent impaire, quelques dents centrales transversales, une série de dents lamelleuses, puis des dents à crochet, d’abord bicuspides, ensuite tricuspides, de nouveau bicuspides, ensuite unicuspides, puis tricuspides, mais suivant une disposition différente, et, enfin, des dents flabelliformes. IL existe des transitions ménagées entre ces divers types de dents, sauf entre la dent impaire et la première centrale. 140 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. COMPARAISON DE LA RADULE DES PLEUROTOMARIA AVEC CELLE DES AUTRES DIOTOCARDES. La structure de la radule du Plewrotomaria quoyana est absolument spéciale et on ne trouve rien d’analogue chez les autres Scuti- branches ; ces derniers montrent, en effet, une tendance très nette à la division d’une série transverse en régions spécialisées ; on y dis- tingue presque toujours une région centrale formée par la dent im- paire et un petit nombre de dents paires (généralement cinq de chaque côté), et deux régions marginales (une à droite et une à gauche), constituées par des dents allongées et recourbées en forme de crochet: entre la région centrale et chaque région marginale se trouve assez souvent une dent latérale différenciée, tantôt rudimen- taire, tantôt, au contraire, très forte, et qui vient encore accentuer la séparation des deux régions, déjà bien marquée par les différences de structure et de grandeur des dents’. Chez le Pleurotomaria, il y a sans doute desvariations considérables entre les diverses dents d’une rangée, mais il est impossible de tracer des limites précises entre les régions qu'on peut y distinguer, car les dents se modifient de l’une à l’autre (sauf la dent impaire et sa voisine) par des transitions ménagées ; on voit donc la diffé- rence profonde qui distingue les Pleurotomaires des autres Dioto- cardes. En outre, après les dents que nous avons appelées centrales, il existe une longue série de dents lamelleuses triangulaires, mal sé- parées des précédentes et dont il est impossible de trouver l'équi- valent chez aucun autre Diotocarde, si nous les rapportions aux dents centrales, il faudrait admettre, pour ces dernières, un nombre voisin de vingt-huit, c’est-à-dire près de six fois le nombre (cinq) 1 Ce schéma est parfois modifié ; la dent latérale n'est pas toujours différenciée. En outre, les premières marginales sont parfois différentes des suivantes ; mais, x dans aucun cas, on n’observe de dispositions comparables à celles des Pleuroto- maires. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 141 qu’on observe chez les autres Diotocardes. D’autre part, il semble impossible de les comparer aux dents à crochet; elles constituent donc une série bien spéciale aux Pleurotomaires. Il est possible que ces dents aient avorté chez les autres Dioto- cardes ; ainsi s’expliquerait la brusque différence de structure entre les dents centrales et les dents marginales de ces derniers. L'atro- phie de la dent latérale chez certains genres de Trochidés *, où une simple lamelle rudimentaire sépare les centrales des marginales semble appuyer cette manière de voir et prouve, en toutcas, que des dents peuvent disparaître dans cette région de la radule. Malheu- reusement, cette hypothèse, quelque satisfaisante qu'elle soit, n’est pas étayée par un nombre suffisant de faits. La présence des dents à brosse signalées, par Dall, chez le Pleuro- tomaria adansoniana et, par nous, chez le P/. quoyana, paraît égale- ment caractéristique du genre. Il est intéressant de noter que la radule des Scissurella n’a aucun rapport avec celle des Pleurotomaires, mais se rattache facilement au type qu’on observe chez les autres Diotocardes. On voit que l'étude de la radule du Pleurotomaria présente un très grand intérêt ; cet organe possède, en effet, au moins trois carac- tères particuliers à ce genre: transitions ménagées entre les dents d’une série, présence des dents lamelleuses triangulaires, dents à brosse. Le premier de ces caractères est capital, car il est en rap- port avec un état d'organisation primitif par rapport à celui des autres Prosobranches, chez lesquels les dents de la radule sont grou- pées en régions spécialisées et dépourvues de termes de transilion. Pour mieux faire comprendre notre pensée, en employant une com- paraison d’ailleurs tout artificielle, nous pouvons dire qu'on ob- serve, chez les Pleurotomaires, quelque chose d’analogue à ce qui se passe chez les Mammifères fossiles les plus anciens, dont la den- tition est remarquablement homogène et présente des transitions 1 TroscHeLz, Das Gebiss der Schnecken, Bd. Il, 142 | E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. ménagées entre les dents spécialisées, incisives, canines, prémo- laires, etc., qui sont beaucoup mieux séparées chez les Mammifères plus récents. MACHOIRES. Les mâchoires ont déjà été décrites par M. Dall (89). Ce sont deux pièces cornées minces, très faibles et qui n’ont probablement qu'un rôle fonctionnel très restreint; nous donnons la figure de l’une d'elles (pl. XIE, fig. 2). Du bord le plus épais partent de nombreuses stries irrégulières et serrées, qui couvrent plus de la moitié de la surface. ORGANES DES SENS. Œil, — L'œil a été décrit par Dall' (89, 398) et il en a été ques- tion dans un autre passage de ce mémoire. Nous avons vérifié, à l’aide de coupes, que c’est un œil très simple, ouvert à l'extérieur et tapissé à l’intérieur par la rétine; son diamètre mesure environ un demi-millimètre ; l’orifice extérieur est un peu plus étroit. Nous aurions voulu savoir si sa cavité intérieure est absolument vide comme chez les Nautiles, ou bien si elle contient une substance transparente plus ou moins molle, faisant fonction de cristallin rudi- mentaire, comme chez les 7rochus ; mais le médiocre état de con- servalion ne nous a pas permis de résoudre sûrement la question. D’après M. Dall, il n’y a pas de cristallin et l’eau de mer pénètre librement dans la cavité. Notons toutefois une grande analogie de forme et de structure avec l'œil des Zrochus *. Cette disposition générale de l’œil est certainement très primitive. Otocystes. — Les deux otocystes (pl. XII, fig. 10) sont situés en avant et un peu au-dessus de la grosse commissure palléo-pédieuse ; ils sont ovoides, leur plus grand diamètre mesure 07®,55. Leurs parois sont épaisses et laissent voir par transparence une cavité bourrée d’otolithes hyalins, de dimensions très inégales, compa- 1 PecsenNeer (94, 59). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 143 rables, par conséquent, à ceux qui ont été décrits par de M. Lacaze- Duthiers (22, 141) chez les Patella; les petits (2 p. à 7 k.) sont exacte- ment sphériques ; les gros (jusqu’à 15 p et 20 |) sont quelquefois sphériques, mais plus fréquemment ovoïdes allongés ou bosselés; on ne saurait mieux les comparer qu'aux concrétions qui se dé- posent concentriquement autour de plusieurs centres d’attraction voisins : deux, trois ou davantage; la surface extérieure, au lieu d’être une sphère, est composée de plusieurs fragments ae sphère qui correspondent chacun à un centre d'attraction; il semble donc que les gros otolithes bosselés soient formés par l'accroissement de deux ou trois petits qui se sont accidentellement soudés. Le nerf acoustique, après avoir quitté l’otocyste, remonte le long de la corne antérieure des cordons scalariformes en adhérant très intimement à la membrane conjonctive de cette corne; nous n'avons pas pu le suivre jusqu'aux ganglions cérébroïdes. Le grand nombre et l’inégalité des otolithes, ainsi que leur struc- ture très simple, viennent encore accentuer les caractères primitifs des Pleurotomaires ; on sait, en effet, que, chez les formes spéciali- sées, les otolithes ont une taille uniforme, une structure plus où moins compliquée et constante et que leur nombre subit une réduc- ton considérable. SYSTÈME NERVEUX ‘. Par tous ses caractères essentiels, le système nerveux des P/euro- tomaria quoyana ressemble à celui des autres Prosobranches dioto- cardes, surtout à celui des Fissurellidés et des Trochidés ; ses gan- glions cérébroïdes, ses centres stomato-gasiriques, sa commissure viscérale et ses cordons palléo-pédieux sont construits sur ie même 1 Nous présentons nos vifs remerciements à M.le professeur de Lacaze-Duthiers, qui a fait recueillir pour nous, à Roscoff, de magnifiques exemplaires de Chiton fascicularis, à M. le professeur Perrier, qui nous a communiqué des Turbo radiatus recueillis par M. Jousseaume dans la mer Rouge. Comme on le verra plus loin, ces Mollusques nous ont été fort utiles pour interpréter le système nerveux des Pleu- rotomairess 144 E -L. BOUVIER ET H. FISCHER. type ; les différences, qui sont toutes de détails, ont d’ailleurs leur importance et rapprochent, à notre avis, le système nerveux des Pleurotomaires de celui des Amphineures. ao Centres cérébroïdes (fig. 2, 3, 8, 9, 10, C). — Les centres céré- broïdes occupent la même place et ont la même forme que ceux des Trochidés, toutefois leur commissure est sensiblement plus large, ce qui tient à un état de condensation moins avancé des cellules ganglionnaires. Cet état primitif des centres cérébroïdes est rendu manifeste par l'étude des ner/s labiaux supérieurs (m‘) et latéraux (m°); ces nerfs, en effet, n’ont pas leur origine dans les ganglions, mais, comme dans l’Haliotide, sur la commissure (c), au voisinage de la partie renflée des ganglions. Cette dernière est triangulaire et, comme de coutume, se prolonge latéralement et en dessous, sur les côtés de la masse buccale, pour former une longue saillie labiale (L) ; les connectifs cérébro-pédieux (4!) et cérébro-palléaux (4?) naissent côte à côte sur le bord des ganglions, en arrière de cette saillie. Sur le bord antérieur des ganglions on voit naître, de haut en bas, trois nerfs labiaux (m°, mi, m5) aussi puissants que les deux premiers, le troisième se détache de la sarllie labiale dans sa région basilaire qui est très renflée; plus inférieurement, cette saillie émet encore un autre nerf labial (m°),, puis se rétrécit beaucoup et devient alors purement fibreuse ; elle forme alors la commissure labiale (c°) qui ne présente rien de particulier. Sur la face externe des ganglions cérébroïdes prend naissance le puissant nerf tentaculaire (t!); il émet, près de sa base, une petite branche nuquale et, un peu plus haut, le nerf optique (f). Il va sans dire que ce dernier est simplement accolé au nerf tentaculaire, mais qu'il n’est point fusionné avec lui. 2 Stomato-gastrique. — Comme chez tous les Diotocardes, le système nerveux stomato-gastrique a son origine sur le bord posté- rieur dela saillie labiale (Z *) à une faible distance de sa base; comme dans ces derniers aussi, ses connectifs (4) sont allongés, remontent latéralement sous les muscles dans les flancs de la masse buccale, et ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 145 envoient, chemin faisant, quelques ramuscules nerveux (s5) à ce der- nier organe. La partie ganglionnaire (fig.12) présente la forme normale carac- téristique du groupe, celle d’un fer à cheval. Mais ici, le fer à cheval ne présente pas les renflements prononcés qu’on observe chez les Trochidés et même chez certains Chitons (fig. 6 et 1), et qui indi- quent déjà un commencement de condersation ganglionnaire ; à son origine connectivale, il est un peu dilaté, mais, partout ailleurs, son diamètre est sensiblement le même. Les nerfs stomato-gastriques nous ont paru plus gros et moins nombreux que chez les autres Diotocardes ; nous 'n’avons pas pu tous les suivre, en raison du mauvais état de la masse buccale, mais nous croyons avoir observé l’origine de tous, soit sur l’animal, soit en préparations microscopiques. En dehors des ramuscules issus des connectifs, ils sont de chaque côté au nombre de trois : deux (s°, s') se détachent du renflement antérieur et correspondent vrai- semblablement aux nerfs que l’un de nous a désignés par les lettres sets’ dans le Turbo (Bouvier, 8%, fig. 5), l’autre (s) se détache du bord postérieur du fer à cheval, au voisinage de son milieu, et doit être l'équivalent des nerfs st et s? du même animal. L'un (s’) des deux nerfs antérieurs se dirige en arrière et correspond aux trois nerfs (s°) des Turbo; il est très volumineux ct paraît renfermer des cellules nerveuses. Le nerf postérieur se bifurque peu après son ori- gine, 3° Connectifs issus des ganglions cérébroides et commissure viscérale (fig. 3, 8, 9, 10, 11). — Issus du bord postéro-inférieur des gan- glions cérébroïdes, le connectif cérébro-palléal (Æ) et le connectif céré- bro-pédieux (k*) descendent, en divergeant, dans la dépression pro- fonde produite en avant par la cavité du corps (fig. 3) ; le connectif cérébro-palléal est en arrière et le connectif cérébro-pédieux en avant ; le premier est plus puissant que le second. À droite, les deux connectifs atteignent leur maximum d’écarte- ment vers le tiers supérieur de leur longueur: à gauche, ils divergent ARC, DE ZOOL. EXP, ET GEN, — 3€ SÉRIE, = T, VI. 1898, 10 146 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. sur une plus grande étendue, mais, comme du côté droit, se rap- prochent ensuite peu à peu, ei viennent aboutir dans les cornes proximales (fig. 9 et 10, C*) que forment avant leur réunion les Cor- dons palléo-pédieux. Chemin faisant, les connectifs envoient quel- ques branches nerveuses aux parois du corps ; les connectifs céré- bro-pédieux en émettent au moins deux (e, b, b”) et les connectits cérébro-palléaux une (c, ct). Ges derniers, d’ailleurs, présentent le caractère tout particulier de donner naissance, Sur leur trajet, à la branche correspondante de la commissure viscérale. À droite, la branche sus-intestinale (k) se détache du connectif cérébro-palléal (#?) au point où {celui-ci s’écarte le plus du connectif cérébro-pédieux, c’est-à-dire à une faible distance du ganglion cérébroïde droit (C). A gauche, la branche sous-intesténale (h:)se détache plus bas du con- nectif cérébro-palléal (Æ°) un peu au-dessous du milieu de ce der- nier. Quoi qu'il en soit, on observe ici ce fait unique, chez les Gastéropodes, d'une commissure viscérale issue, non point des centres palléaux, mais des connectifs qui réunissent les ganglions cérébroïdes à ces centres. 4 Cordons palléo-pédieux (fig. 4, 8, 9,11). — Chez les autres Gas- téropodes diotocardes (voir fig. d et13), chaque cordon palléo-pé- dieux se prolonge proximalement, au-dessus de la grosse commis- sure, par une corne ganglionnaire palléale (C”) qui se continue avec les connectifs (4£!, k?) issus du cerveau, et la commissure viscérale vient aboutir dans une autre corne (Cg, Cd.) qui provient de la bifur- cation de la première. Dans le Pleurotomaria quoyana, il n'en es plus de même : la corne (C*) de chaque cordon, fort grosse et très allongée, ne se bifurque pas et ne donne pas naissance à la commissure viscérale ; elle se dirige obliquement en arrière, et en haut et les connec- sifs (k!, E?) issus du cerveau viennent aboutir à son extrémité supérieure. D'ailleurs, ces cornes ganglionnaires ne sont pas exclusivement de nature palléale; sur leur face externe (fig. 4 et 11), elles sont creusées d’un sillon profond (s) qui les divise en deux rubans super- posés ; le ruban supérieur (Ps) continue exactement le connectiif ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 147 cérébro-palléal (£°) correspondant, et le ruban inférieur (Pi) le con- nectif cérébro-pédieux (4°). Il est donc manifeste que les cornes du Pleurotomaire, au lieu d’être exclusivement palléales, sont de na- ture mixte, que la bande supérieure est de nature palléale et l’infé- rieuse de nature pédieuse. C’est ce que prouve, du reste, l’étude des nerfs qui émanent de cette région; les nerfs (a, a!, a?) issus du ru- ban supérieur se rendent, en effet, dans les muscles qui forment le plancher de la cavité antérieure du corps, et qui sont nettement columellaires, ceux qu'émet le ruban inférieur, s’enfoncent, au contraire, dans la musculature du pied ou dans la paroiï du corps. Or, s’il est impossible de contester la nature mixte des cornes proximales des cordons pédieux, il faut en conclure que les cordons sont mixtes, comme les cornes elles-mêmes. En effet, le profond sillon que nous avons constaté sur la face externe des cornes se prolonge manifestement, sinon sur toute la longueur des cordons, au moins sur une grande étendue de ces derniers ; il apparaît même, mais beaucoup moins nettement, sur leur face interne (fig. 11), Comme les cornes proximales, chaque cordon se trouve dès lors partagé en un ruban supérieur qui continue le ruban palléal des cornes et en un ruban inférieur qui continue leur ruban pédieux. Ainsi, les deux rubans de chaque cordon ne sont certainement pas de nature identique, du moins au point de vue de leurs rapports et de leurs fonctions. La preuve en est encore dans la position des commissures qui les relient d’un côté à l’autre et dans la nature des nerfs qu’ils émettent. Les cordons se dirigent d'avant en arrière dans le pied (fig. ©), où ils figurent presque un ovale très peu convexe. Au point où ils se continuent avec les cornes, ils sont unis par une commissure puis- sante (fig. 11, 2), à la fois ganglionnaire et fibreuse, qui s’étend entre les deux rubans de chaque côté. Plus en arrière se trouvent d'autres commissures exclusivement fibreuses; nous en avons pu préparer neuf'; mais leur nombre est certainement plus considé- 1 Ces commissures sont représentées dans la figure 9; en arrière de la neuvième, 148 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. rable. Elles sont moins régulièrement transversales que la première et émettent des ramuscules qui se rendent dans Ja sole pédieuse. Ces commissures sont donc vraiment de nature pédieuse ; d’ailleurs, dans le Pleurotomaire, comme dans les Fissurelles, les Haliotides et les Trochidés, elles paraissent indépendantes des rubans supé- rieurs et rattachent l’un à l’autre les rubans inférieurs. Ge fait prouve, à notre avis, que les deux rubans de chaque côté ne sont pas de même nature. Un autre fait vient encore rendre plus évidente cetle manière de voir. Comme dans les autres Diotocardes à cordons divisés en deux parties par un sillon, le ruban supérieur et le ruban inférieur émet- tent des nerfs qui n’ont pas la même distribution. Ainsi que l'ont montré M. de Lacaze-Duthiers dans l'Haliotide (59), M. Boutan (86) dans la Fissurelle et le Parmophora, M. Béla Haller dans divers Dio- tocardes (84, 20, fig. 2), les rubans supérieurs envoient des nerfs (a, a, a*) en avant dansles parois du corps, plus en arrière dans la partie supérieure du pied, qui est de nature columellaire, ainsi que dans l’épipodium qui l’orne de ses franges. Toutefois, dans notre Pleurotomaire, nous n'avons pu suivre ces nerfs jusqu'à l’épi- podium, réduit et recroquevillé, de l'animal. Entre les nerfs anté- rieurs issus des rubans supérieurs des cordons, et ceux qui provien- nent du connectif cérébro-palléal ou du ruban qui lui fait suite dans les cornes, il y a tous les passages, etle champ de distribution est le même, comprenant les parois latérales du corps et tout ce qui, de près ou de loin, fait partie de la région columellaire. Tout autre est Ja distribution des nombreux nerfs issus des rubans inférieurs des cordons ; ces nerfs (p) se rendent dans la sole inférieure du pied el sont manifestement de nature pédieuse ; en outre, COMME chez les autres Diotocardes, les deux nerfs les plus antérieurs (p!) sont très eros et se rendent dans Ja partie antérieure du pied. En résumant ce qui précède, on voit : 4° que les cordons palléo- les coupes nous en ont fait voir cinq autres, ce qui porterait à quatorze le nombre des commissures accessoires. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 149 pédieux sont le prolongement direct de leurs cornes antérieures ; 90 que les deux rubans qui les constituent de chaque côté sont aussi les prolongements directs des rubans des cornes ; 3° que les rubans supérieurs sont la continuation des connectifs cérébro-palléaux et les rubans inférieurs la continuation des connectifs cérébro-pédieux; 4° que, dans les cordons comme dans les cornes, les rubans supé- rieurs envoient des nerfs aux parois du corps, au muscle columel- laire ou à ses dépendances, tandis que les rubans inférieurs donnent surtout des nerfs exclusivement pédieux ; 5° enfin que les rubans supérieurs paraissent indépendants l’un de l’autre, en arrière de la commissure antérieure, tandis que les rubans inférieurs sont réunis par de nombreuses commissures d’où partent des rameaux pédieux. En conséquence, nous croyons pouvoir dire que les cordons, comme les cornes qui les terminent, sont de nature mixte, que leur partie inférieure est pédieuse, et que leur partie supérieure est pal- léale, en donnant au mot palléal une signification étendue et que nous préciserons plus loin. La structure mixte des cordons est rendue très manifeste par la présence de certains nerfs (pu) qu’on voit se détacher sur leur face externe et qui sont mixtes dans leur nature, comme le montrent les coupes, ou, plus simplement, un examen à la loupe. Ces nerfs sont surtout communs et faciles à observer dans la partie antérieure des cordons ; quand on examine ceux-ci par la face externe, on voit que leur sillon est interrompu, de distance en distance, par des saillies linéaires obliques qui prennent leur origine dans les rubans supé- rieurs, se dirigent vers les rubans inférieurs, et, après les avoir at- teints, se fusionnent, pour former un nerf, avec une racine nerveuse émanée de ces derniers. Ces nerfs mixtes se rendent dans le plan moyen du pied, et, bien que nous n'ayons pu suivre leur trajet jusqu’au bout, doivent avoir une distribution mixte, certains de leurs ramuscules se rendant à la partie supérieure et columellaire du pied, les autres dans sa partie inférieure ou pédieuse. L'existence de ces nerfs prouve, une fois de plus, que des parties contiguës, mais de na- 150 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. ture différente, peuvent être desservies par des filets nerveux de nature complexe, quoique d'apparence fort simple. Il en est de même des nerfs acoustiques; dans le Pleurolomaria quoyana, par exemple, les otocystes (o) sont situées, comme dans les autres Dio- tocardes, sur le bord antérieur de la grosse commissure pédieuse (2), où un tractus fibreux les réunit; aussi les nerfs acoustiques (0°) se confondent-ils avec les connectifs cérébro-palléaux, et il nous a même été impossible, dans notre animal, de les suivre jusqu'aux ganglions cérébroïdes, où ils prennent pourtant leur origine. Cette loi a été rendue parfaitement évidente par M. de Lacaze-Duthiers (32) en ce qui concerne les nerfs acoustiques des Gastéropodes, mais l'étude du système nerveux des Mollusques en fournirait sans diffi- cultés d’autres exemples. s° Commussure viscérale, nerfs palléaux (fig. 3, 8, 9, 14). — Ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut, les branches de la com- missure viscérale ont une origine connectivale qu'on n’observe nulle part ailleurs chez les Gastéropodes, et qui donne au système nerveux du Plewrotomaria quoyana un aspect des plus caractéristiques. La branche sus-intestinale (h) se détache du connectif cérébro-palléal (4?) à une faible distance du ganglion cérébroïde droit ; elle se dirige en arrière en suivant la paroi dorsale du corps, puis se recourbe pro- gressivement à gauche et passe au-dessus du jabot de l’animal. Dans notre animal, cet organe était en mauvais état el réduit à ses parois déchirées et affaissées ; au point où s’effectua la rupture quand on arracha le Mollusque de la coquille, s'étaient produites des lésions qui, heureusement, n avaient pas enlevé la branche nerveuse; nous avons pu la suivre jusqu’au point où les parois dorsales du corps cessaient d'exister, comme l'indique la figure. Quant à la branche sous-intestinale (h'), elle se détache beaucoup plus bas du connectif cérébro-palléal gauche (4?) ; nous l'avons vue se diriger à droite sous le tube digestif, mais elle était rompue à peu près au niveau de ce dernier. En tout cas, nos recherches sont suffisantes pour établir que les ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 151 Pleurotomaires possèdent, comme les autres Prosobranches, une commissure viscérale croisée. Nous avons été moins heureux dans uotre étude des nerfs palléaux proprement dits et c’est une lacune que nous sommes les premiers à déplorer. Ordinairement ces nerfs sont volumineux et d'une dissec- tion des plus faciles, au moins à leur origine ; ici, nous ne sommes pas certains de les avoir aperçus ; à droite, nous ne voyons rien qui puisse leur correspondre ; mais, à gauche, nous considérons comme nerf palléal une branche nerveuse (fig. 8, m) qui se détache du connectif cérébro-palléal presque au même point que la commissure viscérale. Au reste, comme on peut s’en convaincre en jetant un coup d'œil sur la figure 1, qui représente l'animal tel qu'il nous fut communiqué, c'est à peine si notre Pieurotomaire présentait les restes de la partie inférieure du manteau, et nous nous demandons si les déchirures n'auraient pas arraché, jusqu’à leur racine, Îles grands nerfs palléaux. Si l'on considère celle hypothèse comme improbable, et nous convenons qu'elle en a toutes les apparences, il faut admettre que nous n'avons pas su apercevoir, au moins à droite, les vraies origines palléales. On sait que, chezles autres Dio- tocardes, les grands nerfs palléaux se détachent des cornes palléales supérieures où dans le voisinage de celles-ci”. De la branche sus-intestinale de la commissure viscérale, nous n’avons vu naître qu’un nerf assez grêle (fig. 3 et 8, d), qui se rendait en arrière dans les téguments dorsaux. De la branche sous-intesti- nale naissaient deux nerfs columellaires postérieurs (l, l), dont l’un était très volumineux. Entre le point où elle se détache du connectif cérébro-palléal gauche et la corne palléo-pédieuse correspondante, cette branche est très volumineuse; nous avons vu qu'elle émet, au premier de ces points, un nerf assez puissant (fig. 8 et 9, m), qui plonge, à gauche, dans les parois du corps, et qu'on doit considérer, à notre avis, comme un nerf palléal gauche. Peut-être faut-il considérer comme les nerfs palléaux deux gros nerfs (ig.11, a) 152 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHÉR. NATURE DES CENTRES NERVEUX DU PIED CHEZ LES GASTÉROPODES. . Les faits qui précèdent nous paraissent propres à jeter la lumière sur un point de l’histoire naturelle des Mollusques qui a soulevé les plus nombreuses et les plus vives controverses, nous voulons parler de la nature des cordons ganglionnaires du pied des Diotocardes et de l'étendue que présentent les centres palléaux de ces Gastéropodes. Sans vouloir remonter au début de cette controverse, ce qui n’aurait aucune utilité, nous dirons que M.de Lacaze-Duthiers (59, 90), et, à sa suite, MM. Wegmann (84) et Boutan (86,858, 99, 98) considèrent les cordons du pied des Diotocardes comme formés par la fusion, suivant leur longueur, des centres palléaux et pédieux de chaque côté; tandis que MM. Spengel (SA), Béla Haller(S4, 89,94), Thiele (90) et Pelseneer (8%, 88, 90, 94), les regardent comme franchement pédieux et considèrent comme centres palléaux ies cornes gan- elionnaires supérieures qui les précèdent et qui donnent naissance à la commissure viscérale et aux nerfs palléaux. Abstraction faite de la nature de l’épipodium, sur laquelle nous reviendrons plus loin, les arguments essentiels fournis par les premiers sont les suivants : 41° les cordons du pied sont divisés en deux rubans superposés par un sillon externe ; ® le ruban inférieur est en relation avec le connectif cérébro-pédieux et le ruban supérieur, plus ou moins di- rectement, avec le connectif cérébro-palléal et les nerfs palléaux. Les arguments de la partie adverse sont essentiellement tirés de l'existence d’un vrai ganglion palléal chez les Diotocardes, ganglion qui se trouve dans la région proximale des cordons, en avant de la grande commissure antérieure; si l’on admettait, disent-ils avec M. Pelseneer, que ces ganglions se continuent dans le ruban supé- rieur des cordons, il faudrait admettre aussi que les ganglions pal- léaux sont commissurés, ce qui n'existe pas chez les Mollusques. Les arguments de second ordre seront signalés plus loin. qui naisssent des rubans supérieurs, un peu en arrière de la commissure palléo- pédieuse. ETUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 153 Pour notre part, nous croyons que la première théorie est l’ex- pression exacte de la vérité, mais que la seconde est loin de s’en éloigner, au fond, autant qu’on pourrait le croire. Commençons d'abord par préciser, aussi exactement que possible, le sens qu’on donne communément au terme palléal (ou à son équivalent, celui de pleural) en anatomie comparée des Mollusques. Si l'on s’en tenait à l'étymologie même des mots palléal ou pleural, on devrait réserver les noms de ganglions palléaux où de ganglions pleuraux aux ganglions qui président à l’innervation du pallium ou manteau et des parois du corps des Mollusques. Mais, en réalité, ces. termes ont dû, par la force des choses, recevoir une signification plus large. Chez les Gastéropodes où les ganglions palléaux (gan- glions pleuraux) sont bien distincts — et c’est le cas chez tous les Monotocardes — ces ganglions donnent naissance aux nerfs du man- teau ou vrais nerfs palléaux, à certains nerfs des parois antérieures du corps et à certains nerfs des muscles columellaires. Qu'il y ait ou non communauté d’origine entre ces dernières parties, il est certain que les nerfs qui les innervent présentent des caractères communs, non seulement à cause de leur origine dans un même centre, mais aussi en raison des anastomoses qu'ils contractent fréquemment ou de leur champ de distribution, qui est mixte : le plus souvent, en effet, sinon toujours, on voit les nerfs palléaux envoyer des rameaux daus les parties du muscle columellaire et des parois du corps qu'ils traversent. Quoi qu'il en soit, il ressort de ce qui précède que le champ d’innervation des centres palléaux, appelés aussi centres pleu- raux, est des plus vastes et s’étend bien au delà du manteau pro- prement dit ou des parois du corps. 1° Pleurotomatres. — Ceci dit, revenons au Pleurotomaire. L'intérêt essentiel de ce curieux Gastéropode, c’est qu'il ne présente pas, comme les autres Diotocardes, de corne palléale distincte en avant des cordons ganglionnaires du pied ; de sorte que, si l’on interpré- tait, au}sens étroit, la théorie de M. Haller et de M. Pelseneer, il fau- drait dire que le Pleurotomaire est dépourvu de centres palléaux. 154 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. A priori, celte interprétation est inexacte, car notre Mollusque a un manteau, un muscle columellaire et des parois du corps aussi déve- loppées que les Haliotis ou les Trochus, de sorte qu’ii doit avoir comme eux, c'est évident, des ganglions et des nerfs palléaux. Aussi bien, nous voulons rejeter cette interprétation, que seul, peut-être, M. Thiele' pourrait accepter, et nous croyons entrer tout à fait dans les vues de MM. Haller et Pelseneer, en disant que les centres pal- Jéaux sont formés, en partie du moins, par le ruban supérieur (fig. 4 et11, Ps) de la corne unique, qui prolonge proximalement de chaque côté les cordons pédieux. Nous avons vu, en effet, que ce ruban est le prolongement direct du connectif cérébro-palléal (Æ), et quil émet, par l'intermédiaire de ce connectif, la commissure viscérale, des nerfs pariétaux, des nerfs palléaux proprement dits et des nerfs collumellaires. Quant au ruban inférieur (Pi), qui se continue par le connectif cérébro-pédieux (#t), aucun fait ne saurait nous per- mettre de le considérer comme palléal, et ses connexions indiquent manifestement qu'il est de nature pédieuse. Nous voici, dès lors, en présence de cornes ganglionnaires (c') qui sont mixtes à tous égards, palléales dans leur ruban supérieur ef pédieuses dans leur ruban inférieur. Or, chacune de ces cornes est le prolongement d’un cordon ganglionnaire du pied, et chacun des rubans qui lescompose estle prolongement du ruban correspondant de chaque cordon. Si les cornes sont palléales dans leur partie supé- rieure et pédieuses dans leur partie inférieure, tout semble dès lors indiquer qu’il en est de même des cordons. En fait, c'est ce que montre également l'étude des nerfs émis par les rubans qui consti- tuent chacun d’eux. Ainsi qu'on le savait depuis longtemps, et comme on peut s’en convaincre par les figures qu'a données M. Béla 1 M. Tueur (92), en effet, ne considère point comme des centres palléaux les cor- dons latéraux des Chitons, mais il les assimile au plexus épipodial de l’'Haliotide, sans d’ailleurs en donner de raison sérieuse. Pour lui, les ganglions palléaux se développeraient ultérieurement chez les Prosobranches. Cette opinion, qu'aucun auteur n’a pu adopter, est en contradiction manifeste avec les faits signalés dans le présent mémoire. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 155 Haller (84, 38, fig. 4), le pied des Diotocardes et des autres Gastéro- podes se compose de deux parties : l’une, supérieure, qui est formée par les fibres musculaires antérieures du muscle columellaire et qui recouvre les cordons; l’autre, inférieure, qui constitue la sole pé- dieuse. Or, les nerfs issus du ruban supérieur se rendent dans la partie supérieure du pied, et, comme il est facile de s’en convaincre par la dissection des nerfs les plus antérieurs des cordons, dans sa partie columellaire ; tandis que les nerfs émis par le ruban inférieur se rendent en divers points de la sole pédieuse. En d'autres termes, le ruban supérieur des cordons innerve la zone columellaire comme Je ruban supérieur des cornes, dont il est impossible, d’ailleurs, de le séparer ; il est dès lors, comme lui, de nature palléale. Ainsi, dans le Pleurotomaire, chaque cordon du pied se compose d’un cordon de nature palléale et d’un cordon de nature pédieuse, de sorte que ces centres ganglionnaires sont mixtes, sinon de leur naissance à leur extrémité, au moins sur une grande partie de leur étendue ‘. | Ceci étant établi, et la grosse commissure des cordons réunissant aussi bien les rubans supérieurs que les rubans inférieurs, il faut conclure de ce qui précède que les centres palléaux sont commrssurés au même titre que les centres pédieux. C'est un fait contre lequel, dans le Pleurotomaire, du moins, il nous paraît difficile de s'élever. 11 n’est donc pas juste de prétendre, avec M. Pelseneer (88,91), que les ganglions palléaux ne sont jamais commissurés ; sans doute, la commissure qui réunit ces ganglions n’est jamais distincte de la commissure pédieuse, mais les recherches sur la structure intime des centres nerveux des Gastéropodes permettent d'établir qu'il existe, dans la commissure pédieuse, des fibres qui se rendent aux ganglions palléaux (p.159). Au reste, l'exemple du Pleurotomaire 1 Il est possible, en effet, que la partie palléale ne s’étende pas jusqu’au bout des cordons, et c’est ce que sembleraient indiquer les centres pédieux des Fissurellidés. Pour être fixé sur ce point, il faudrait étudier l’exacte distribution des fibres du muscle columellaire et connaître le point précis où s'arrête le sillon en arrière. Cette observation s’applique à tous les Diotocardes. 156 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. suffirait, à lui seul, pour montrer qu’il en est ainsi, même si l’on admettait que la parte palléale de ce mollusque se limite au ruban supérieur des cornes. Dans ce Cas, en effet, le centre palléal des cornes s’arrêterait au niveau de la grosse commissure des cordons, et, comme le montrent les coupes, recevrait quand même des fibres de cette commissure. 9 frissurellidés, Hatiotidés, Trochidés (voir plus loin; fig. D). — Le système nerveux des Diotocardes primitifs diffère surtout de celui des Pleurotomaires par la présence de deux cornes proximales (fig. 5 et13), à l'extrémité antérieure de chaque cordon du pied, l’une supé- rieure (Cq, Cd), que chacun s'accorde à reconnaître comme palléale et qui sert de point de départ aux branches de la commissure vis- cérale; l’autre inférieure (C*), à laquelle aboutissent les connectifs cérébro-palléaux et cérébro-pédieux. Ces deux cornes ont été dési- gnées par M. Béla Haller (84, 17) sous le nom de centres pleurocéré- braux ; le même auteur donne le nom de centre pleural où commissural, c'est-à-dire de centre palléal‘, à chaque corne supérieure, mais, comme il passe outre sur les cornes inférieures, on doit croire, sinon qu’il les tient tout entières pour pleurales, du moins qu'il ne leur attribue, à aucun degré, la nature pédieuse. Au surplus, il est néces- saire de rappeler que les partisans de la théorie des cordons pédieux simples ne cherchent pas à caractériser la nature des cornes infé- rieures : M. Béla Haller les a bien figurées, mais M. Pelsencer, qui a consacré le plus de travaux à la question, ne les mentionne même pas, et pourtant, elles sont très développées dans les Fissurelles (86, pl. XXXV), dans les Cemoria (Haller, 34, fig. 449, voir pl. IL, fig. 13), un peu moins dans certains Turbo (fig. 95) et Trochus; dans les Haliotides, elles sont à peine sensibles. Or, toutes les fois qu’elles existent, ces cornes servent, comme dans les Pleurotomaires, de point d'arrivée aux connectifs cérébro-palléaux et cérébro-pédieux, 1 M. SPENGEL (814) a donné le nom de ganglions pleuraux aux centres que nous appelons ganglions palléaux ; M. von Ihering les nomme aussi ganglions commissu- raux ('a'é). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 157 et, comme chez ces derniers aussi, elles sont parcourues par un sillon longitudinal et divisées en deux rubans qui continuent ceux des cordons du pied. Ces rubans et ce sillon se voient surtout bien dans la Fissurelle, ainsi qu’il résulte des figures de M. Boutan (86, fig. 10, pl. XXXV), et, comme ils ressemblent en tout à ceux des Pleu- rotomaires, comme les cordons offrent avec eux les mêmes rapports, il y a lieu, croyons-nous, de leur accorder la même signification. Toutefois, il existe ici une différence importante, qui est précisé- ment la cause de la controverse qui nous occupe ; une partie de la substance palléale des cornes et des cordons s’est aceumulée à l'ori- gine de la commissure viscérale pour former des ganglions palléaux déjà distincts sous la forme de cornes supérieures, en même temps qu’une partie de la substance pédieuse des cornes inférieures se concentrait dans le ruban inférieur des cordons. De là le dévelop- pement réduit des cornes inférieures des Fissurelles, Turbo, Tro- chus, etc., qui sont beaucoup moindres que les cornes uniques des Pleurotomaires. Ainsi, chez les animaux qui nous occupent, le système ganglion- naire palléal tend à se localiser en deux masses : l’une antérieure, qui s’isole et émettra des nerfs pour les parties palléales de la région antérieure du corps ; l’autre, en contact sur toute sa longueur avec les centres pédieux, qui desservira une partie des parois du corps, el surtout la partie du muscle columellaire qui forme les plans supé- rieurs du pied. Aux nerfs issus de cette partie palléale située dans le pied, M. Béla Haller a donné le nom de nerfs latéraux, ils se renden!l, dit-il, dans les parois du corps, et les plus antérieurs dans le muscle columellaire (84, 21). 30 Patellidés, Néritidés, Cyclophoridés, Paludinidés, Cypræilés. — Le processus de concentration, dont nous venons de voir un exemple dans les formes précédentes, s’accentue davantage encore chez les Patellidés, chez les Néritidés et chez certains Monotocardes primi- tifs (voir plus loin, fig. E).Les ganglions palléaux destinés aux parties palléales de la région antérieure du corps (manteau, partie du muscle 158 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. columellaire la plus voisine de la coquille, une partie des parois du corps) se séparent de plus en plus des cordons et forment les gan- elions palléaux proprement dits; ils s’isolent ainsi du ruban palléal supérieur, qui restera logé dans le pied, au voisinage immédiat des parties qu'il innerve (parois les plus antérieures du corps, parties du muscle columellaire situées dans le pied). Dès lors, les rubans pé- dieux et palléaux de chaque cordon, destinés à innerver des parties contiguës, se fusionnent et se concentrent de plus en plus, leur sillon de séparation s’efface, et l’on arrive ainsi à des cordons simples en apparence, mixtes en réalité, auxquels tous les auteurs ont donné le nom de cordons pédieux, bien qu'ils renferment une partie palléale et une partie pédieuse. Ces cordons ne diffèrent guère de ceux des Diotocardes primitifs que par l’atrophie de leurs cornes inférieures, l'isolement plus grand de leurs cornes supérieures appelées ganglions palléaux, la disparition de leur sillon et la moindre quantité de cel- lules palléales qu'ils renferment. Pour le reste, tout est semblable, et la fusion dont leurs deux parties constituantes ont élé le siège n’est rien autre chose que le résultat de la concentration de centres ganglionnaires contigus, concentration dont les exemples abondeni dans l’histoire des Gastéropodes *. 1 Dans son travail sur les organes glandulaires d'Helcion pellucidum L. (Lotlia pellucida), M. Bouran (98, 472) cherche à établir que le système nerveux de cette espèce est un terme de passage entre le système nerveux des autres Patellidés et celui du Parmophore. Pour établir ce fait, qui serdit au moins singulier, M. Boutan reproduit en schéma la belle figure du système nerveux de l’Helcion qu'a donnée M. Hazuer (94, fig. 1) et en fait une sorte de système nerveux de Chiton où la commissure viscérale croisée serait surajoutée. C'est interpréter trop librement, selon nous, le texte et les figures de M. Haller : l'énorme cordon ganglionnaire, semblable à celui des Chitons, que représente M. Boutan dans son schéma, n’a pas son équivalent dans la figure de M. Haller, ou du moins il ne s’y trouve qu’à l’état de nerfs palléaux fusionnés en arrière, comme on l’observe fréquemment chez les Patellidés. Ces nerfs, il est vrai, renferment quelques cellules ganglionnaires, mais le fait n’est point rare dans l'innervation palléale des Mollusques, et c’est vraiment eXa- gérer que de transformer en cordons palléaux de Chitons les nerfs palléaux des Patellidés. L'interprétation de M. Boutan n’est donc pas fondée, mais le füt-elle, ce n’est pas entre les Patellidés et les Fissurellidés que devraient se placer les Helcion, mais bien entre les Chitons et les Pleurotomaires. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 159 4° Autres Gastéropodes. — Des formes précédentes on passe sans difficulté, par une concentration plus grande encore, aux Gastéro- podes dépourvus de cordons ganglionnaires dans le pied (voir la figure F). Les ganglions palléaux proprements dits se séparent nettement de la région pédieuse, et les cordons de cette dernière se condensent d’arrière en avant pour former les ganglions pédieux, arrondis ou ovoïdes, des divers auteurs. Mais ces prétendus gan- glions pédieux sont mixtes, en réalité; ils imnervent, comme on sait, les parties pédieuses et columellaires du pied et n'ont point perdu toute relation avec les ganglions palléaux proprement dits. Ces der- niers, en effet, comme chez le Pleurotomaire et les Diotocardes, sont commissurés à travers les ganglions et la commissure pédieuse. Il y a longtemps qu'on s'était aperçu de ce fait, et Walter en à donné ur bel exemple dans ses études micrographiques sur le système ner- veux de la Lymnée (63, Taf. IV, fig.1); on trouve quelque chose d’ana- logue dans le travail de M. Garnault (8%, fig. 32) sur le Cyclostome. En résumé, nous pensons, avec MM. de Lacaze-Duthiers et Boutan, que les cordons du pied des Fissurelles, des Haliotides, des Zurbo et des Troques, sont palléaux dans leur partie supérieure, pédieux dans leur moitié inférieure; avec MM. Haller, Pelseneer, Thiele, etc., qu'ils sont les homologues des cordons pédieux des Patelles, des Nérites, des Cyclophores, des Paludines, des Cyprées, et des gan- glions pédieux de tous les autres Gastéropodes, abstraction faite de la masse ganglionnaire palléale un peu plus abondante qu'ils ren- ferment. Nous différons des uns et des autres en atiribuant une na- ture mixte, à la fois palléale et pédieuse, aux centres ganglionnaires (ganglions pédieux de tous les auteurs), condensés ou non, qui en- voient des nerfs à la masse museuleuse complexe qu’on désigne sous le nom de pied chez tous les Gastéropodes. Les Pleurotomaires se distinguent de tous les autres Mollusqnes de la classe en ce que la masse ganglionnaire palléale ne tend pas encore à isoler sa partie antérieure, et reste en relation, dans toute son étendue, avec la masse ganglionnaire pédieuse, 160 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. NATURE DE L'ÉPIPODIUM DES PROSOBRANCHES. La comparaison des Diotocardes avec les Pleurotomaires et les Monotocardes nous ayant conduit à établir la nature mixte des cor- dons ou des ganglions qui se rendent au pied des Gastéropodes, il nous est facile maintenant d'interpréter comme il convient la frange pariétale, connue sous le nom d’épipodium, qui borde la partie supé- rieure du pied, chez la plupart des Diotocardes et chez certains Monotocardes tels que la Janthine. Il est un fait bien établi par tous les auteurs, c’est que les nerfs de l’épipodium sont précisément les nerfs latéraux de MM. Béla Haller (84, 20) qui naissent du ruban supérieur des cordons palléo- pédieux. M. de Lacaze-Duthiers l’a, depuis longtemps, montré dans l'Haliotide (59); plus récemment, M. Boutan a observé la même disposition chez la Fissurelle (86), et M. Béla Haller (84, 94), chez les Diotocardes qu'il a étudiés. M. Pelseneer (30, 94), qui a consacré plusieurs mémoires à cette question, ne met pas en doute ce fait, mais il en conteste la valeur en objectant que les nerfs de la partie antérieure de l’épipodium, chez les Diotocardes, partent du connectif cérébro-pédieux et que, parmi ceux de la partie postérieure, certains sont mixtes et prennent à la fois leur origine dans les deux rubans des cordons. Pour ce qui est du premier point, l’observation de M. Pelseneer est exacte, maïs n’a pas l'importance que lui attribue cet auteur. Si l’épipodium «était palléal, dit M. Pelseneer, il est bien évident que, dans cette région (la région antérieure), il devrait être innervé partiellement par le connectif cérébro-pleural». Cet argument ne nous paraît pas fondé, car les connectifs sont formés de fibres nerveuses, et ne peuvent dès lors donner naissance à des nerfs. Il s'agirait de savoir si les fibres épipodiales qui se détachent des connectifs cérébro-pédieux pren- nen£ naissance dans le ruban supérieur ou dans le ruban inférieur du cordon et, jusqu'ici, personne ne nous a fixés sur ce point. Mais ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRÉS ACTUELS. 161 si l’on observe que les nerfs épipodiaux postérieurs se détachent tous du ruban supérieur, il y a des raisons pour croire que ceux issus des connectifs cérébro-pédieux prennent aussi leur origine dans le même ruban et que, s'ils émergent des connectifs précédents, c’est que ceux-ci sont externes par rapport aux connectifs cérébro-pal- léaux et, par conséquent, plus rapprochés de l’épipodium. Il ne faut pas oublier, en effet, que les nerfs se rendent, par la voie la plus directe, à leur champ de distribution particulier et, ici, cette voie ne saurait être que celle des connectifs cérébro-pédieux. Si, comme l'affirme M. Thiele (92), certains nerfs épipodiaux paraissent se dé- tacher des ganglions cérébroïdes, leur origine réelle devrait être, à notre avis, dans le ruban supérieur des cordons. Quant aux nerfs épipodiaux qui, d’après M, Pelseneer, prendraient leur origine à la fois dans les deux rubans de chaque cordon, il ya lieu de croire que ce sont des nerfs mixtes, dont certaines branches se rendent à l’épipodium et d'autres dans les parties avoisinantes de la sole pédieuse. La dissection de toutes les branches d’un nerf du pied étant des plus pénibles, il ne sera pas facile de donner des arguments pour ou contre cette manière de voir ; mais ce qu'il yade bien certain, c’est que, chez les Diotocardes très primitifs, tels que les Pleurotomaires, les nerfs mixtes sont beaucoup moins concentrés que dans les autres formes du groupe, et présentent encore au dehors deux racines, l’une qui se détache du ruban inférieur, l’autre qui émerge du ruban supérieur. Chez les Janthines, ainsi que l’un de nous (Bouvier, 86, 91, pl. III, fig. 2) l’a établi, les nerfs de l’épipodium naissent tous des deux ganglions pédieux et paraissent dès lors être de nature exclu- sivement pédieuse. Mais cette apparence n’est point d'accord avec la réalité : les nerfs de l’épipodium desJanthines sont les plus supérieurs du pied, comme ceux de la partie columellaire pédieuse, et sont, dès lors, de nature palléale, comme ces derniers. Gela revient à dire, comme nous l'avons établi précédemment, que les ganglions du pied sont de nature mixte, à la fois palléaux et pédieux. ARCH, DE ZOOL,. EXPe ET GÉNe — 3€ SÉRIE, — T, Vle 1898, 11 162 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. Nous laissons de côté l'organe latéral des Patellidés du genre Lottia (Helcion) qui est innervé par les cordons pédieux. M. Pelseneer (20, 189) tient cette formation pour épipodiale, mais M. Béla Haller (94, 73-16) et tout récemment M. Boutan (98) ont établi qu’elle est de nature glandulaire, et sans homologie aucune avec l'épipodium. Füt-elle même épipodiale, son innervation par les cordons du pied ne prouverait nullement la nature exclusivement pédieuse de lépi- podium, car les cordons du pied sont, nous l'avons dit, à la fois pal- léaux et pédieux. De ce qui précède, il résulte qu'on doit, avec MM. de Lacaze-Du- thiers et Boutan, considérer l’épipodium des Prosobranches comme étant de nature pa/léale, en donnant à ce mot la signification que nous lui avons attribuée précédemment. Tant qu’on n'aura pas établi qu'il provient d'un dédoublement du manteau, on ne pourra pas dire que l’épipodium a la même origine et la même naiure que ce dernier, mais il est au moins pleural comme le manteau lui-même, comme le muscle columellaire et comme les régions des parois du Corps qu'in- nervent les ganglions palléaux isolés. Un mot encore, pour en finir avec cette question de l’épipodium. D'après MM. Béla Haller ei Pelseneer, la division des cordons du pied des Diotocardes en deux rubans superposés serait due à la présence des nerfs épipodiaux qui se détachent de la partie supé- rieure des cordons, tandis que les auires uerfs du pied prennent naissance dans leur partie inférieure. | Pour nous, cette séparation des deux sortes de nerfs montre tout simplement que;les deux rubans des cordons sont des centres gan- elionnaires distincts, et la preuve, c'est que le sillon qui les sépare n’est nulle part plus accentué que chez le Plewr'otomaria quoyana, espèce dont l'épipodium est, comme on sait, très peu développé. Si la séparation des rubans atteint son maximum chez les Proso- branches les plus primitifs, en dépit de leur épipodium très réduit, c'est que, selon toute vraisemblance, ces rubans ne sont auire chose que des centres ganglionnaires primitivement séparés qui se SOni rap= ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 163 prochés peu à peu, et ont fini par se fusionner suivant leur longueur. Au début, la ligne de démarcation des deux sortes de centres s'est trouvée indiquée par un sillon large et pro- fond, puis la concentration s’accen- tuant, le sillon a disparu peu à peu, en même temps que s'isolait en avant UNE PARTIE de la substance ganglion- nature palléale sous la forme de gan- glions palléaux distincts. ORIGINE DU SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. Si l’on se demande maintenant quels sont les Mollusques dont le système nerveux a pu, en se MO- difiant, servir de point de départ à celui des Diotocardes, on est con- duit à considérer les Amphineures, et principalement les Chitonidés, comme étant les formes qui se rapprochent le plus de ces Mol- lusques. Système nerveux des Chitonidés et des Diotocardes. — Comme les Diotocardes, en effet, les Chitonidés (fig. A) sont pourvus de cordons ganglionnaires palléaux et de cor- dons pédieux, qui présentent entre eux et avec les ganglions voisins les mêmes relations essentielles. Système nerveux du Chilon fascicularis. P, nerfs palléaux ; s, sillon séparant les centres cérébroïdes de la partie antérieure des cen- tres palléaux; #, origine du stomato-gastri- que; R, ganglions subradulaires. (Dans cette figure et dans les cinq suivantes, les centres cérébroiïdes sont marqués de traits verticaux ||, les centres pédieux de traits horizontaux — et les centres palléaux de ponctuations.) Ainsi que nous avons pu nous en convaincre par la dissection du Chiton fascicularis Poli et de l’Acanthopleura Savateri Rochebr., les cordons ganglionnaives pédieux des Chitonidés s'étendent paral- 164 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. lèlement sur toute la longueur du pied, ils émettent les nerfs pédieux proprement dits et sont mis en relation par des commissures trans- versales plus ou moins irrégulières dont certaines se bifurquent parfois et envoient des branches dans la sole pédieuse. Ces faits ont été mis en évidence par M. Béla Haller (82), mais nos observations diffèrent de celles qu’a publiées cet auteur en deux points qui mé- ritent d’être signalés : le premier, c’est que la commissure pédieuse antérieure est, comme l’a montré M. von lhering (23, 45, fig. 4), plus volumineuse que les autres ei régulièrement transversale; le second, c’est que chaque cordon pédieux se rattache aux centres cérébroïdes du même côté par un prolongement qui s’atténue régu- lièrement d'arrière en avant. Ce prolongement anastomotique est muni de cellules nerveuses comme les cordons, mais, contrairement aux observations de M. Béla Haller (82, fig. 4) sur le Chüton siculus Gray, il est plus grêle que les cordons, surtout dans sa partie anté- rieure qui se rattache aux centres cérébroïdes. C'est un connectif cérébro-pédieux encore riche en cellules ganglionnaires, et, si l’on rapproche de ce fait l'existence d’une commissure pédieuse grosse et régulièrement transversale, on trouve que les cordons pédieux des Chitonidés sont semblables, à tous égards, aux rubans pédieux des Diotocardes (surtout à ceux des Pleurotomaires et des Fissurelles), rubans qui se prolongent en avant de la grosse commissure, COMME on sait, et se continuent progressivement avec les connectifs cérébro- pédieux. Mêmes homologies entre les cordons palléaux des Chitonidés et les rubans palléaux des Pleurotomaires. Ils donnent naissance, comme eux, aux nerfs du manteau et des muscles columellaires, et, comme eux aussi, envoient des branches aux viscères ; bien plus, chaque cordon palléal se met en relation avec le cordon pédieux du même côté par des anastomoses transverses très nombreuses. La présence de ces anastomoses esi d'une grande importance pour éclaircir le problème qui nous occupe ; elle montre que les cordons pédieux et palléaux des Chitonidés ne son pas plus indépendants ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS.. 165 que ceux des Diotocardes, et qu'il suffira d'un raccourcissement progressif des anastomoses palléo-pédieuses pour que Îles cordons pédieux et palléaux de chaque côté arrivent à se confondre, et for- ment des cordons palléo-pédieux semblables à ceux des Diotocardes. Les anastomoses palléo-pédieuses sont très nombreuses chez les Amphineures vermiformes, où elles ont été mises en évidence par M. Hubrecht (84, 82) dans la Proneomenia Sluiteri Hubr.; M. von Ihering en avait trouvé une de chaque côté dans le Chilon salaman- der (2%, fig. 47) et M. Béla Haller dans le Chiton fascicularis (82, 11, 414); mais, depuis, M. Plate (33°, 96) et M.Thiele(95)ont mis en évi- dence, chez divers Chitonidés, un ensemble d’anastomoses aussi riche que celui des Proneomenia, et nous avons observé le même fait dans le C'hiton fascicularis. Plus frappantes encore, si c’est possible, sont les ressemblances et les homologies qui existent dans la partie antérieure du système nerveux chez les Chitonidés et les Diotocardes. Les centres céré- broïdes des Chitons, il est vrai, sont moins condensés et émettent des nerfs sur toute leur partie commissurale, mais on sait que la concentration des mêmes ganglions est loin d’être complète chez les Diotocardes et que l'Haliotide, à ce point de vue, ressemble singu- lièrement aux Chitons. Au reste, les homologies qui nous occupent ne portent pas seulement sur la structure générale du système, mais s'étendent jusqu’à ses détails : les saillies labiales des Chitonidés ont la même forme et la même origine que celles des Diotocardes, et, comme chez ces derniers, donnent naissance à la commissure labiale (fig. À) et à un certain nombre de nerfs labiaux; le système sto- mato-gastrique à la même forme caractéristique dans les deux eroupes et se trouve au même état de concentration imparfaite, il occupe la même position sur les parois de la masse buccale et, fait plus remarquable encore, prend ses origines (£) au même point, sur la saillie labiale des centres cérébroïdes. D’après M. Béla Haller (94, fig. 1), on retrouverait, en outre, chez les Patellidés, les gan- alions subradulaires qu’on observe chez tous les Chitons. 166 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. Ayant montré les homologies étroites qui existent entre le sys- tème nerveux des Chitonidés et celui des Diotocardes, il nous reste à interpréter les dissemblances qu'on observe dans le même sys- tème, entre les deux groupes. La plus importante, celle qui, à vrai dire, domine et comprend toutes les autres, c'est la forme et l’éten- due particulière du système ganglionnaire palléal chez les Chitoni- dés. Grâce à la position du manteau qui, sous la forme d'une frange épaisse, entoure le corps des Chitonidés et passe juste au-dessus de la bouche et de l’anus, le système ganglionnaire palléal des Chito- nidés forme un anneau allongé parfaitement clos qui passe lui-même, comme le manteau, au-dessus de la bouche et de l’anus. Produit par une concentration nerveuse très peu accentuée, cet anneau palléal a conservé des relations étroites avec les centres nerveux voisins, en arrière de la région céphalique, nous avons vu qu'il se rattachait aux cordons pédieux par de nombreuses anastomoses; dans la région céphalique, à cause de la superposition du manteau et des lèvres, l'anneau s’est même fusionné avec les centres cérébroïdes et ne s’en distingue plus que par un sillon (fig. A., s.). M. von Thering (#3, 44, fig. 4) s’est parfaitement rendu compte de cette coalescence et, avant tout autre, s’est efforcé de mettre en évidence la nature complexe des centres ganglionnaires antérieurs des Chitons. Nous ne voyons pas pourquoi M. Béla Haller (82, 4) a essayé de combattre une opinion aussi juste ; il suffit de jeter un coup d'œil sur le sys- ième nerveux d’un Chiton pour acquérir la conviction que M. von Thering a dit vrai. Bien plus, les figures de M. Béla Haller (82, fig. 32) établissent elles-mêmes manifestement que le système nerveux céphalique des Chitonidés se compose de deux centres différents, dont l’un innerve exclusivement le manteau, tandis que l'autre en- voie une rangée de nerfs aux lobes céphaliques ef une seconde à la région labiale. Nous faisons allusion à la coupe représentée dans la figure 32 du mémoire de M. Béla Haller sur les Chitons de l'Adriatique ; quant à la figure 1 du même travail, elle donne une idée fort inexacte des relations qui existent entre les centres antérieurs ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS, 167 et la partie libre des cordons palléaux, car les nerfs des lobes cépha- liques (nerfs 2 de l’auteur) y paraissent naître du ruban qui conti- nue les cordons palléaux, tandis que les nerfs palléaux (nerfs 4 de l'auteur) et les nerfs labiaux prendraient leur origine dans la partie des centres antérieurs qui continue les cordons pédieux. C'est tout Je contraire de ce que l’on observe en réalité, quand on étudie les Chitons ‘. Au reste, des traces manifestes de la disposition parli- eulière au système nerveux de ces derniers se rencontrent chez les Gastéropodes; dans ces derniers, en effet, des fibres nerveuses de la commissure cérébroïde traversent les centres cérébroïdes eux- mêmes, et, par les connectifs cérébro-pailéaux, se rendent aux ganglions palléaux. (Voir Walter, 68, pl. IV, fig.1; de Nabias, 24,14, pl. IV, fig. 79.) Une autre différence entre le système nerveux palléal des Chito- nidés et celui des Diotocardes, c'est l'absence, chez les premiers, de toute commissure viscérale, Comme les Diotocardes, les Chitoni- dés émettent des nerfs branchiaux et viscéraux issus du système palléal, mais ces nerfs ne se rattachent pas à une anse viscérale fer- mée et vont séparément se rendre aux organes qu'ils desservent, C’est, nul ne le conteste, un état primitif auquel a dù faire suite un état où certains nerfs viscéraux s’anastomosaient d’un côté à l’autre par-dessous l'intestin; toutefois, on n’a rien observé jusqu'ici, chez les Chitonidés, qui montrât le début de ces anastomoses,. M. von Thering avait cru trouver cette commissure primitive, dans le Chiton cinereus (4%, fig. 4); mais il avait pris pour elle la commissure subra- dulaire, dont les origines ne sont pas, comme il le croyait, sur les cordons palléaux. Depuis, M. Haller à signalé dans le Chiton fascr- 1 La même figure ayant été relevée dans presque tous les ouvrages classiques, il y a lieu de signaler, croyons-nous, les autres corrections qu’elle demande : 1° la com- missure pédieuse antérieure est plus forte que les autres ; 2° les connectifs cérébro- pédieux s’atténuent au lieu de se dilater au voisinage des centres cérébroïdes; 3° la saillie labiale ne se détache pas de ces connectifs, mais bien des centres cérébroïdes ; 30 les racines du sysième nerveux subradulaire se trouvent sur le bord postérieur de la saillie labiale; 5° de nombreuses anastomoses transversales rattachent les cordons pédieux aux cordons palléaux. 168 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. cularis (82) et dans le Ch. magnificus (94°) une paire de nerfs pal- léaux antérieurs qui viendraient se fusionner dans des ganglions sous la partie antérieure de l'estomac; mais les recherches de M. Thiele (95) et de M. Plate (95, 95°, 96), quoique portant sur de nombreux Chitonidés, n’ont pas confirmé cette découverte, et les recherches les plus minutieuses nous ont conduits aux mêmes résul- tats négatifs que ces derniers. Malgré ces observations déconcer- tantes, tous les auteurs admettent, et nous admettons avec eux, que la commissure viscérale primitive a dû se produire par un procédé analogue et former une anse sous-intestinale anastomotique, qui reliait entre eux les cordons palléaux. Les Chitonidés sont assez variables dans leur structure (voy. Plate, 86, 176) pour qu’on puisse espérer y découvrir quelque jour les débuts de cette anse commis- surale. Modifications progressives du système nerveux des Amphineures et des Gastéropodes. — Puisqu’il est impossible de contester les homo- logies profondes qui existent entre le système nerveux des Chitoni- dés et celui des Gastéropodes primitifs, 1l nous faut indiquer main- tenant le processus par lequel a dû passer le premier pour former le second. Quelle que soit l'idée que l’on se fasse du système bran- chial des Chitonidés, ou des formes voisines qui ont servi de point de départ aux Diotocardes, on doit admettre, avec M. Bütschli (S*) et les autres zoologistes que ce système était réduit à deux bran- chies chez les Diotocardes primitifs, que ces deux branchies étaient situées en arrière à droite et à gauche de l’anus, qu'elles étaient innervées par l’anse viscérale primitive dont nous avons parlé plus haut, et que l’ensemble de ce complexe anal s’est déplacé progres- sivement à droite et a fini par se placer en avant du côté dorsal, dans une cavité palléale siluée en arrière de la région céphalique. On sait que le résultat de ce déplacement a été la torsion en 8 de chiffre de la commissure viscérale chez les Prosobranches, et — (ainsi que l’un de nous l'a montré (Bouvier, 92, 93), et comme M. Grobben (94) et M. Pelseneer (94) l'ont reconnu dans la suite) — ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 169 que les Gastéropodes à système nerveux orthoneure dérivent des Prosobranches diotocardes par un retour, vers sa position primi- tive, du complexe anal, et par la distorsion de la commissure viscé- rale qui à été la conséquence de ce dé- placement rétrograde. Ceci dit, nous allons examiner les di- vers stades qu'a dû suivre le système nerveux chilonien des Gastéropodes pri- mitifs, des Prærhipidoglosses comme les appelle M. Plate (95), pour arriver à se transformer en un système nerveux ty- pique de Gastéropode. Premier stade (fig. BP). — Le manteau recule en arrière de la tête, qui fait de plus en plus saillie en avant, ce qui a pour conséquence de séparer complète- ment des centres cérébroïdes, les cellules ganglionnaires palléales qui formaient un ruban sur le bord de ces centres chez les Chitons ; il se forme ainsi, de chaque côté, un connectif cérébro-palléal à peu près dépourvu de cellules, et les cordons pal- léaux, grossis dans leur partie antérieure, se prolongent plus ou moins sur ces con- nectifs. À l’autre extrémité du corps, la chambre qui renferme les deux branchies devient de plus en plus profonde; les cor- pe ty >| à l l LS D | A eo LT 7 ne TN 4 Er N ZZ : \ l'An Re EU Î : MEN "ou LE de NN UM Do) = à | +g — ON É pi IE e ON] DOI OM I = Fig. B. Système nerveux hypothétique intermédiaire entre celui des Chitons et celui des Pleuro- tomaires. P, nerfs palléaux ; A, anus. dons palléaux s'arrêtent à l’extrémité antérieure de cette chambre dont les bords sont innervés par deux nerfs anastomosés qui sont les prolongements, à peu près dépourvus de cellules nerveuses, des cor- dons palléaux. Telle est l’origine des nerfs palléaux primitifs; des branches nerveuses moins puissantes partent aussi de la commis- sure viscérale pour se rendre dans le manteau, En même temps, la 170 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. coquille gagne en importance, les muscles columellaires se déve- loppent et se superposent au pied, dont ils constituent la partie supérieure, Les muscles columellaires et pédieux forment, de plus en plus, un ensemble morphologique distinct, et, par un raccour- cissement progressif des anastomoses palléo-pédieuses, les centres | ganglionnaires de ces muscles se rap- prochent de plus en plus. — La forme orthoneure, qui réalise ce type, ne nous est pas connue ; intermédiaire entre les Chitonidés et les Diotocardes, elle devait avoir un système nerveux peu Concen- tré, et différait par conséquent beau- coup du Prærhipidoglosse, à ganglions condensés, tel que la conçu M. Plate. Deuxième stade (fig. C). — La cavité palléale est plus profonde et vient peu à peu se placer dorsalement en arrière de la tête, ce qui amène le croisement de la commissure viscérale et le dépla- cement en avant de ses racines, qui sont issues, comme on sait, des Cor- dons palléaux. Grâce au processus de condensation qui continue, ces der- Système nerveux du Pleuroto- naria quoyanae. P, nerfs palléaux primaires: p,ners leur longueur, avecles cordons pédieux, palléaux secondaires ; À, anus. niers ont fini par se fusionner, suivant pour former, de chaque côté, entre Îles muscles pédieux et une partie des muscles columellaires, un cordon unique où les deux centres nerveux apparaissent, l’un sous forme de ruban palléal, l’autre sous la forme d’un ruban pédieux séparé du premier par un profond sillon. Au reste, la condensation ganglion- naire, dans le sens de la longueur, est encore fort peu avancée, et les deux rubans se prolongent en une corne, en avant de la grosse commissure des cordons, jusqu'aux connectifs cérébro-pédieux et ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS, 171 cérébro-palléaux. Le Pleurotomaria quoyana se trauve précisément au stade que nous venons de signaler. Troisième stade (fig. D). — Ce stade ne diffère du précédent que par la condensation plus grande de tous les centres nerveux, et, dans bien des cas, par l’atrophie de la branchie droite des Pleuroto- maires. Du ruban supérieur de chaque corne des cordons, et pro- bablement aussi des parties voisines de ces derniers, se sépare une corne dorsale exclu- sivement palléale ; des deux cornes qui se trouverit, dès lors, en avaut de chaque cor- don, celle qui est située du côté dorsal tend de plus en plus à grandir et à s’isoler, tandis que la corne ventrale se réduit progressi- vement, tant par le passage de sa partie ) d mn. Tr \ BE à palléale dans la corne dorsale, que par la condensation en arrière du ruban pédieux qui s’y trouve. En même temps s’atiénue de = Pl «tu le sillon qui sépare les deux rubans de { SAT ne 7/0 É 7 NN ANRT Teese À 2 fé LL (o IEP ASS Dies 1 L Q Fa Le À | Tr Ÿ 4 f ÿ\ aan nes ann KR oRnorer n IE TEE Xe A NN A — chaque cordon. Les Fissurellidés, Haliotidés | | et Trochidés se trouvent à ce stade; leurs \ re l nerfs palléaux d’origine commissurale sont \ ar assez peu importants, mais s'anastomosent | — / déjà avec les nerfs palléaux primaires. Big. ne Quatrième stade (fig. E). — Les rubans Système nerveux dialyneure des Trochidés. palléaux et pédieux de chaque cordon se fusionnent complètement et l’on ne voit plus trace des sillons qui les séparent; les cornes ganglionnaires dorsales forment des ganglions palléaux plus ou moins isolés et les cornes venirales ont disparu. Les Patellidés, les Néritidés, les Hélicinidés, les Paludinidés, les Cyclophores et les Cyprées sont à ce stade. Cinquième stade (fig. F). — Les cordons palléo-pédieux se conden- sent suivant leur longueur et forment des ganglions palléo-pédieux ovoïdes, plus connus sous le nom de ganglions pédieux ; les cornes 172 E.-L. BOUVIER ET A4. FISCHER. palléales deviennent des ganglions palléaux très distincts qui se rap- prochent de plus en plus des centres cérébroïdes, du moins dans la majorité des cas. En même temps, on voit, chez les Prosobranches, les nerfs palléaux secondaires contracter des anastomoses de plus en plus étroites avec les nerfs palléaux primaires correspondants, ce qui conduit à la zygoneurie. Chez les Gastéropodes orthoneures, a Fig, Fig. F. Système nerveux presque Zyg0- Système nerveux zygoneure du Trilon. neure du Cyclophorus. le complexe anal revient du côté droit, et la distorsion du système nerveux se produit à divers degrés. Telle est, croyons-nous, l’idée la plus nette et la plus exacte que l'on puisse se faire de l’évolution du système nerveux chez les Gasté- ropodes. Muni de cordons palléo-pédieux profondément sillonnés et dépourvu de cornes palléales doubles, le Pleurotomaria quoyana se trouve à un stade, inconnu jusqu'ici, qui permet de concevoir tous les autres, et qui rapproche singulièrement les Gastéropodes archaïques des Amphineures, dont ils paraissent tirer leur origine. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 173 Au reste, ce n’est point seulement par son système nerveux que le Pleurotomaria quoyana se place, avant tout autre, en tête des Mol- lusques Gastéropodes. Avec ses branchies presque rigoureusement symétriques et égales, ses orifices rénaux (et génitaux ?) également pairs et symétriques, sa radule à régions mal délimitées, ses yeux en cupule ouverte à l'extérieur, et ses nombreux otolithes toujours petits et de dimensions inégales, il fait songer aux formes les plus primitives du groupe et permet de concevoir, mieux que par le le passé, les formes plus primitives encore dont les Diotocardes sont ISSUS. Il est à présumer que des recherches anatomiques entreprises sur d’autres espèces du genre viendront combler les lacunes nombreuses que laisse forcément notre travail, et étendre plus sûrement le champ de généralisation que nous avons ouvert. À ce propos, qu'il nous soit permis de signaler aux zoologistes l'intérêt tout particulier qui s'attache aux origines de la commissure viscérale chez les Pleu- rotomaires ; situées sur les connectifs cérébro-palléaux dans le Pleu- rotomaria quoyana, elles sont certainement fort curieuses et ne ressemblent guère à celles des autres Gastéropodes. Mais avant de chercher la raison de ces origines remarquables et d'en tirer parti pour expliquer l’origine des Gastéropodes, il faut être bien certain qu’elles ne sont pas spécifiques et secondaires, mais primitives et caractéristiques du genre. C'est un point important, sur lequel nous fixeront bientôt, il y a lieu de l’espérer, d’autres anatomistes. EXPLICATION DES PLANCHES. Letlres communes. Organes divers. — Ao, branche de l'aorte; F, pied; M, masse buccale; M’, muîle ; o, otocyste ; æ, œil ; t, tentacule ; U, manteau ; V, muscle columellaire. Ganglions. — B, ganglions buccaux (stomato-gastrique) ; C, ganglions cérébroïdes; L, saillie labiale; Cd, ganglion palléal droit ou corne palléale supérieure droite; Cg, ganglion palléal gauche ou corne palléale supérieure gauche ; C!, corne pal- léale unique des Pleurotomaires ; Ps, partie palléale des centres nerveux du pied; Pi, partie pédieuse des centres nerveux du pied; s, sillon palléo-pédieux. 174 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. Commissures, conneclifs, nerfs.— c, commissure cérébroïde; ct, commissure labiale ; h, branche sus-intestinale de la commissure viscérale ; h', branche sous-intesti- nale de la commissure viscérale ; 4, connectif cérébro-buccal ; &t, connectif céré- ® bro-pédieux ; k?, connectif cérébro-palléal; ÿ, commissure palléo-pédieuse ; f, nerf optique ; o', nerf acoustique; #, mt, m?, m°….., nerfs labiaux; 5, S1052, S8. EI buccaux : t', nerf tentaculaire ; p, nerfs pédieux ; p', nerfs pédieux antérieurs ; pu, nerfs mixtes (palléo-pédieux). PLANCHE X. fic. 1. Exemplaire de Pleurolomaria quoyana tel qu’il nous a été communiqué, vu du côté gauche. S, sole pédieuse. 2, Région céphalique du même ouverte sur la ligne médiane dorsale. 3. Cavité antérieure du corps du même exemplaire, ouverte sur la ligne mé- diane dorsale : la masse buccale est enlevée. S, sole pédieuse; d, nerf issu de la branche sus-intestinale de la commissure viscérale. k, Partie antérieure du cordon palléo-pédieux gauche, vue par sa face externe. a, a, a?, nerfs issus de la partie palléale. 5. Partie antérieure du cordon palléo-pédieux droit du Turbo radiatus Gmelin, face externe : a, grand nerf palléal droit ; at, a?, aÿ, autres neris issus de la partie palléale du cordon. 6et 7. Branches gauche et droite du système nerveux stomato-gastrique dans le Chiton fascicularis ; les cellules nerveuses se concentrent de chaque côté en deux ganglions. PLANCHE XI. Fi. 8. Même préparation que celle de la figure 3, mais le lobe antérieur du pied ayant été fendu et la cavité antérieure largement ouverte, on peut voir les parties nerveuses qui avoisinent le pied. v, tronc vasculaire qui paraît plonger dans le pied en s'y bifurquant; e, b, d’, nerfs pariétaux qui se détachent des connectifs cérébro-pédieux; € et €, nerfs pariétaux où columellaires issus des connectifs cérébro-palléaux ; !, l’, nerfs colu= mellaires postérieurs ; d, nerf des parois dorsales. 9, Même préparation que la précédente, mais la sole pédieuse a été étalée et en partie disséquée du côté ventral pour mettre à découvert les cordons palléo-pédieux. Lettres accessoires comme dans la figure &. 10. Ganglion cérébroïde droit du Pleurotomaria quoyana, vu par la face interne. 11. Figure indiquant la disposition anatomique et les connexions des parties antérieures des cordons palléo-pédieux. La préparation est vue sous le mème aspect (face inférieure) que celle de la figure 9, seulement les cor- dons ont été disposés de telle sorte que celui de gauche est vu par sa face externe, tandis que celui de droite est vu par sa face externe en avant de la grosse commissure palléo-pédieuse ©, par sa face interne en arrière. a, aî, a?, nerfs émis par le ruban palléal du cordon gauche ; a", a, a3, nerfs émis par le ruban palléal du cordon droit, Les autres lettres accessoires comme dans la figure 8. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS, 175 Hic. 42. 19 Fi, 1. 9 d ke 5. 6, CE 10, 11, 12% 13, Fic, 4. (w2) e Système stomato-gastrique du Pleurotomaria quoyana. Partie antérieure des cordons palléo-pédieux de la Cemoria noachina L., d'après M. Béla Haller (94, fig. 142). C”, cornes inférieures ou palléo- pédieuses ; Cg, Cd, cornes supérieures purement palléales (ganglions palléaux gauche et droit). PLANCHE Xi. Une demi-rangée de gauche de la raduie, vue par-dessous. X 50. Dent impaire et quarante-trois premières dents du côté gauche, x 50. Région antérieure d’une rangée; dent impaire, les trois premières dents droites : les huit premières dents gauches. X 70. Dent impaire, vue de profil. La ligne d'insertion est à droite. x 70. Dent impaire, vue par dessous ef un peu de trois quarts. X 70. Dent impaire montrant, vue de trois quarts, la surface antérieure pourvue de ses deux expansions foliacées. X 70. . Première dent gauche, du côté externe. X 70. Deuxième dent gauche, du côté externe. X 70. . Troisième dent gauche, du côté interne. X 70. Les deux otocystes, avec l’origine des nerfs acoustiques. x 20. Groupe d’otolithes. X 500. Fragment de la radule, vu par dessous, limité à la longueur d’une rangée, montrant le mode d'insertion des dents. Sur les bords extrêmes, les tégu- ments ont été enlevés sans laisser apercevoir, dans leur partie libre, les dernières dents flabelliformes. X 20. Une mâchoire, x 8. PLANCHE XIII. Groupe des trois dents 28, 29 et 30, du côté gauche. x 70. Vingt-huitième dent gauche. x 70. . Vingt-neuvième dent gauche. X 70. Trentième dent gauche. X 70. . Groupe des huit dernières dents (110-117) du côté gauche. x 70. Trente et unième dent gauche. X 70. Trente-troisième dent gauche. X 70. Trente-septième dent gauche. X 70. . Quarante-deuxième dent gauche. X 70. 10. Extrémité supérieure de la cent neuvième dent gauche. x 260. 11. 12, 43, 14e 15, 16. 1ULE Quarante-cinquième dent gauche. X 70. Quarante-huitième dent gauche. x 70. Extrémité antérieure de la cinquantième dent gauche. X 140. Extrémité antérieure de la soixante-sixième dent gauche. x 140. Soixante-sixième dent gauche. X 70. Cent troisième dent gauche. X 70. Cent neuvième dent gauche. X 70. 176 21. 241. 23. 24. 26. SA. 44. 56. 58. GO. GA. 69. E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 1° PARTIE SPÉCIALE (HISTORIQUE). Féauscac. Tableaux systématiques des animaut Mollusques, p. XXXIV, 1821 (?). — Cet ouvrage fait partie de l'Histoire générale et particu- lière des Mollusques terrestres et fuviatiles. Publiée à partir de 1819. . J. Sowerzv. Mineral Conchology, vol. I, p. 139, t. CCLXXVIIL, dé- cembre 1821. Borson. Saggio di orittografia piemontese (Memorie della Reale Accademia delle Scienze di Torino, t. XXVI, 1821, pl. Il, g. 1). Derrance. Dictionnaire des sciences naturelles, planches, 2° partie; Règne organisé. Zoologie, conchyliologie et malacologie, par M. Ducrotay de Blainville, 26° cahier, pl. LXXXVI, fig. 2 et 3. Derrance. Tableau des corps organisés fossiles, p. 114. Derrance. Dictionnaire des sciences naturelles, par plusieurs professeurs du Jardin du roi et des principales écoles de Paris, t. XLI, 1826, p. 381 (Pleurotomaria). J. SowerBv. The genera of recent and fossil shells, part. XXXII (fin de l’année 4830 ou commencement de 1831), Pleurotomaria, avec une planche coloriée. J. SowerBy. Mineral Conchotogy, vol. VIE, p. 69, t. DCXL, novembre 1844. P. Fiscuer et Bernarni. Description d'un Pleurotomaire vivant (Journ. de Conchyl., t. V, 1856, p. 160-166, pl. V, fig. 1-3). H. et À. Apams. The genera of recent Mollusca, London, vol. IF, p. 630. De Rycxnozr, Revue des genres qui composent la famille des Haliotidæ (Journ. de conchyl., t. NVIIT, 1860, p. 183). H. Crosse et P. Fiscuer. Observations sur le genre Pleurotomaire et Des- cription d’une deuxième espèce vivante appartenant au même genre (Journ. de conchyl., t. IX, 1864, p. 155-167; pl. V, fig. 1 et 2). Scaramm. Catalogue des Coquilles et des Crustacés de la Guadeloupe, ?° édi- tion, Basse-Terre, 1869, p. 9. . S. P. Woopwarr. Manuel de conchyliologie, Paris, 1870 (traduction Aloïs Humbert), p. 281, 560. . Acassrz. New-York weekly tribune, 14 febr. 1872. 2. H. Cross et P. Fiscuer. Journ. de conchyl., t. XX, p. 287 (nouvelles). . E. von Martens. Lebende Pleurotomarien (Nachr. bl. der deutsch. Malak. Ges., t. IV, 4872, p. 55). . Reeve. Conch. Icon. Pleurotomaria, fig. 1-2. . H. Crosse. Journ. de conchyl., t. XXIV, p. 216 (nouvelles). . Hizcenvorr. Sitzungsber. der Ges. Naturforsch. Freunde zu Berlin, 1871. Sitzung von 20 märz, p. 72-73. 9. 80. 80. SA. S2. 8722. 82. 83. 85. 85. 86. 8'7. 88. 88. 89. 90. 90. 94. 94. 94. 92. 94. 95. 95. 96. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 177 SCHEPMAN. Æine neue recente Pleurotomaria (Tijdschr. der Ned. Dierk. Vereen. Deel IV, 1879, p. 162-167). H. CRosse. Journ. de conchyl., t. XXVIII, 1880, p. 203-204 (nouvelles). E. von Martens. Conchyl. Mitth., vol. I, p. 33, pl. VIII, Cassel, 1880. Dar. Bull. Mus. of Comp. Zoôl. at Harvard College, vol. IX, 1881. H. Grosse. Les Pleurotomaires de l'époque actuelle (Journ. de conchyl., t. XXX, 1882, p. 5-22, pl. I, fig. 1-2). H. Grosse. Nofe additionnelle sur le Pleurotomaria Rumphii Schepman (Journ. de conchyl., vol. XXX, 1882, p. 183-184). SCHEPMAN. Conchyliologische Bijdragen (Tydsch. d. Ned. Dierk, Vereen. Deel VI, 1882, p. 20-23, pl. IL, fig. 1-3). G. W. Tryon. Séructur. and System. Conchology, vol. II, p. 318, Phila- delphia, 1883. P. Fiscaer. Manuel de conchyliologie, p. 849-851, 1885. Woopwarp. On recent and fossil Pleurotomariidæ (Geological Magazine, octobre 1885, p. 433-439, pl. XI. fig. 1). Journ. de conchyl., t. XXXIV, p. 106, 1886 (bibliographie). SowErBy. Thesaurus Conchyliorum, t. V, 1887, p, 185, t. CDXC, fig. 1-2. Alexander Açassiz. Three Cruises of the Blake, vol. II {Bull. of the Mus. 0f Comp. Zoôl. at Harvard College in Cambridge, vol. XV, p. 69: fig. 288 et 289). SHALER and FOERSTE. Preliminary description of north A ttleborough fossils (Bull. of the Mus. of Comp. Zoël., vol. XVI, p. 30-31, pl. IL, fig. 11) Dazr. Report on the Mollusca, part. II, Gastropoda and Scaphopoda (Bull. of the Mus. of Comp. Zoùl. at Harvard College, vol. XVIIT, 1889, p- 396-403, pl. XXIX, XXX, XXXI, XXXII (partim). LECHMERE Guppy. On a specinen of Pleurotomaria from Tobago, Trinité, 1890, broch. in-8° de 2 pages. À, PizsBry. Manual of Conchology, structural and Systematic, vol. XIT, 1890, p. 69-72, pl. LVI-L VII. H. Grosse. Journ. de conchyl., t. XXXIX, 1891, p. 68, p. 360 (nouvelles). Damon. The Conchologist, vol. I, 1891, une planche hors texte. LECHMERE Guppy. On a Specimen of Pleurotomaria from Tobago (Proc Zool. Soc., London, 1891, p. 484-485). PicsBry. The Nautilus, vol. V, 1892, p. 119 (General Notes). W. E. Corunce. The Journal of Malacology, vol. III, 1894 (notes), p. 20. À. H. Cooxr. The Cambridge Natural History, Molluses, London, 1895. PizsBry. Nautilus, vol. VIII, 4895, p. 131 (notes). E, Vincenr. Note préliminaire sur le Pleurotomaria (Soc. roy. Malac. de Belgique, procès-verbal de la séance du 12 décembre 1896, pl. LXX VIT, fig. 1). ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T. VI. 1898. 12 178 E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER. 96. Mrrsuxuri. À living Specimen of Pleurotomaria Beyrichi (Annotationes zoologicæ japonenses, vol. 1, Tokyo, 1897, p. 67). 9%. Sacco. 1 Molluschi dei terreni terziarii del Piemonte e della Liguria, parte XXII, 1897, p. 2. 99, E.-L. Bouvier et H. Fischer. Sur Porganisation et les affinités des Pleuro- tomaires (Comptes rendus de l'Académie des sciences, mars 1897). 98. E.-L. Bouvier et H. Fiscuer. Sur l'organisation des Pleurotomaires (Comptes rendus de l'Académie des sciences, mai 1898). 90 pARTIE GÉNÉRALE (ANATOMIQUE). 59. H. »e Lacaze-Duormiers. Mémoire sur le système nerveux de l'Haliotide (Annales des sciences naturelles, Zoologie, 4° sér., t. XII, 1859). 63. G. Water. Mikroscopische Studien über das Central-nervensystem wirbel- loser T'hiere, Bonn, 1863. 32. H. pe Lacaze-Durmiers. Ofocysles ou capsules auditives des Mollusques (Gastéropodes) [Archives de.soologie expérimentale, 1°° sér., t. I, 1872|. #7. H. von Imerinc. Vergleichende Anatomie des Nervensystems und Phylogenie der Mollusken, Leipzig, 1877. 84. SrenceL. Die Geruchsorgane und das Nervensystem der M ollusken(Zettschr. wiss. Zool., Bd XXXV, 1880). 81. À. HuerecuT. Proneomenia Sluitert (Niederl. Arch. Zool., suppl. I, 1881). g2. Béca Harzer. Die Organisation der Chitonen der Adria (Arbeit. Zool., Institut Wien, t. IV, 1882). 83. Husrecur. Contribution à la morphologie des Amphineures (Bull. scient. du Nord et de la Belgique, 5° année, 1882). 84. Béca Hazcer. Untersuchungen über marine Rhipidoglossen. Erste Studie (Morpholog. Jahrbuch, Bd. IX, 1884). 84. Wecuann. Contribution à l’histoire naturelle des Haliotides (Archives de zoologie expérimentale, 2° sér., L. Il, 1884). 86. L. Bouran. Recherches sur l'anatomie et le développement de la Fissurelle (Archives de zoologie expérimentale, 22 sér., À. III bis, 1886). 86. E.-L. Bouvier. Contribution à l'étude des Prosobranches pténoglosses (Bull. Soc. malacol. de France, 1886. 86. Béca Hazxer. Untersuchungen über marine Rhipidoglossen. 11. Textur des Central-nervensystems und seiner H üllen (Morphol. Jahrb.,Bd. XI, 1886). sg. E.-L. Bouvier. Système nerveux, morphologie générale et classification des Gastéropodes prosobranches (Annales des sciences naturelles, Zoologie, qe sér., t. ILL, 1887). sv. O. Burscuzi. Bemerkungen über die wahrscheinliche Herleitung der Asym- metrie der Grastropoden, spec. der Asymmetrie im Nervensysiem der Prosobranchiaten (Morph. Jahrbuch, Bd XII, 1887). 8‘. 8". 88. 88. 89. 90. 90. 90. 94. 92. 92. 953. 94, 94. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. 179 P. GarnauLr. Recherches anatomiques et histologiques sur le Cyclostoma elegans, Bordeaux, 1887. P. PELSENEER. Sur la valeur morphologique de l'épipodium des Gastro- podes rhipidoglosses (Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CV, n° 14, 1887, et Bull. scient. de la France et de la Belgique, 1887). L. Boutan. Contribution à l'étude de la masse nerveuse ventrale (cordons palléaux-viscéraux) et de la collerette de la Fissurelle (Archives de z00- logie expérimentale, 2° sér., t. VI, 1888). P. Pecsenter. Sur l’épipodium des Mollusques (Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, 3° sér., 17° année, 1888). BÉLA Harcer. Réplique à M. Boutan (Sur l'épipodium des Mollusques) [Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, 3° sér., t. I, 1889.] H. pe Lacaze-Durmiers. De la valeur relative de quelques procédés d'inves- figation en anatomie comparée (Archives de zoologie expérimentale, 2e sér., t. VIII, 1890). P. PELSsENEER. Sur l'épipodium des Mollusques (deuxième note) | Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XXII, 1890]. J. Tmece. Ueber Sinnesorgane der Seitenlinie und das Nervensystem der Mollusken (Zeits. wiss. Zool., Bd XLIX, 1890). L. Boutan. Le système nerveux du Parmophorus (Scutus) dans ses rapports avec le manteau, la collerette (manteau inférieur) et le pied (Revue bio- logique du Nord, t. II, 1890). P. Pezsenger. Sur l’épipodium des Mollusques (troisième note) [ Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XXII, 1891]. E.-L. 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Recherches sur divers Opisthobranches (Mém.cour.des savants étrangers. Académie de Brurelles, t. LIIT, 1894). É 94. P. Pecsenger. Introduction à l'étude des Mollusques, Bruxelles, 1894. 95. L. Pate. Bemerkungen über die Phylogenie und die Entstehung der Asyim- metrie der Mollusken (Zoolog. Jahrb., Bd IX, 1895). 952, L. Pcare. Ueber den Bau des Chiton aculeatus (Sitz. Ber. Ges. Naturf. Freunde, Berlin, 1895, p. 154-164). 95. J. Tuece. Ueber die Verwandtschaftsbesiehungen der Amphineuren (Biol. Centralblatt, Bd XV, 1895). 96. L. PLare. Ueber einige Organisationsverhältnisse der Chitonen (Sitz. Ber. Ges. Naturf. Freunde, Berlin, 1896, p. 42-50). 96. L. PLare. Ueber die Organisation einiger Chitonen (Verhandl. deutsch. Zool. Gesellsch., 6° Jahresversammlung, 1896). 96. E.-L. Bouvier et H. FiscHER. Sur l'organisation et les affinités des Pleuro- : tomaires (Comptes rendus de l’À cadémie des sciences, mars 1897). - 97. J. Tuecc. Beiträge zur Kenntniss der Mollusken. Ueber Hautdrüsen und Derivate (Zeits. wiss. Zool., 1897). 98. L. Bouran. L'organe glandulaire périphérique de l'Helcion pellucidum Lio. (Archives de zoologie expérimentale, 3° sér., vol. V, 1898). 98. E.-L. Bouvier et H. Fiscuer. Sur l’organisation des Pleurotomaires (Comptes rendus de l’Académie des sciences, mai 1898). À PROPOS DU TRAVAIL SUR LES PLEUROTOMAIRES M. Bouvier vint un jour me faire une aimable visite, et ses pre- mières paroles furent celles-ci : « Vous allez être fort heureux de la communication qui sera faite demain à la séance de l’Académie. J'ai trouvé en disséquant un Pleurotomaire que m'avait adressé M. A. Agassiz, qui l'avait eu dans ses dragages, une disposition du système nerveux qui paraît confirmer vos idées sur la bandelette ou le cordon pédieux de l’Haliotide. » Remercier mon collègue, le savant professeur du Muséum, joe sa gracieuse communication était, certes, chose bien naturelle. Mais je dois avouer que l'expression de ma joie ne fut pas celle que j’au- rais dû sans doute manifester en plus de mes remerciements cer- tainement fort empressés. Voici pourquoi. Lorsqu’en zoologie, ou en anatomie comparée, on tient en main un criterium d’une valeur telle, qu'il conduit à des lois positives, les résultats qu'on obtient sont d’une précision si grande, que lorsque des faits non encore connus viennent confirmer les premiers établis, on voit dans ces nouveaux exemples, non des démonstrations nou- velles, mais des preuves pouvant se ranger sous la loi vraie. Je ne parle pas de ces lois factices, inventées par des faiseurs de théories et qui pour un rien exploitent cette expression prétentieuse : « d’après la loi que j'ai créée ». Il s’agit ici d’une loi réelle d’une valeur qui pourrait être dite cruelle, pour ceux qui ne la voient pas, 182 H. DE LACAZE-DUTHIERS. dura lex sed lex; d’une loi qui n’est pas de moi, que j'accepte et que j’applique. Un exemple rendra la pensée plus claire, la démonstration plus précise, Je veux parler de l’origine du nerf acoustique ehez les Gastéro- podes. Je me suis déjà servi de cet exemple dans une réponse aux critiques adressée aux travaux de MM. Wegmann, Boutan et aux miens ‘. Dans les différentes anatomies que présentent les malacologistes quand ils ont pu conduire le nerf de Potocyste (Lac.-Duth.) jusqu'au cerveau, ils semblent croire qu'ils ont fait une découverte. Ils n'ont fait autre chose que fournir un exemple de plus à l'appui de cette connexion que j'ai démontrée le premier et que j'ai affirmée devoir exister chez tous les Gastéropodes, si bien qu'il n’y a rien pour moi d'étonnant dans les faits nouveaux rattachant l’otocyste au cerveau des Gastéropodes. Ce qui serait étonnant, c’est qu'il en füt autre- ment. Qu’on me permette quelques mots sur cette disposition anato- mique. | Chez les Hétéropodes (Carinaires, etc.), on voyait l’otocyste sus- pendu au cerveau par un nerf, d'autre part, on voyait l’otolithe, comme on l’appelait avant mon travail, prenant le contenu pour le contenant, ce qui me conduisit à créer le mot otocyste ? (la vélicule de l'oreille, on admettait que c'était l'organe de l'audition). L’un des mémoires les plus caractéristiques sur l'erreur que faisait naître la position de l'organe acoustique sur les ganglions pédieux est certainement celui de Claparède sur l’anatomie du Cyclostome (Archives de Muller). On y voit une figure bien curieuse : les deux otocystes semblent implantés par leurs nerfs sur les ganglions pé- dieux et placés dans le collier æœsophagien. C’est l'inverse qui existe. 1 Voir Archives de zoologie expérimentale et générale, 2e sér., t. VIII, p. 617,1890. 2 Voir Archives de zoologie expérimentale et générale, vol. I, pl. A PROPOS DU TRAVAIL SUR LES PLEUROTOMAIRES. 183 Moi-même, j'ai longtemps considéré les otolithes comme étant une dépendance des ganglions pédieux : l'erreur était générale. Mais réfléchissant sur la valeur de la loi des connexions que j'en- tendais autrefois violemment critiquer en Sorbonne, il me sembla étrange que dans les Hétéropodes, qui ne sont en définitive que des Gastéropodes, mais des Gastéropodes singuliers de forme, qu’un organe des sens püût être indifféremment en relation tantôt avec un centre nerveux, tantôt avec un autre. Ce fut guidé par ce doute que je cherchai à voir si la relation du nerf de la Garinaire n’était pas un type réel et normal qui devait se retrouver chez tous les autres Gastéropodes; mais qui, dans la plupart des cas, était masqué par un déplacement de l'organe et des soudures causant les erreurs d'interprétation. Les doutes nés dans mon esprit prirent une bien grande puissance quand, ayant traité par une solution d’acide nitrique un peu trop forte le cerveau de l’Ancyle, je trouvai, sur la préparation dont les cellules nerveuses s’égrainaient, une vélicule suspendue à un nerf venant au cerveau. J’en ai donné la figure (Arch. de zool., vol. T, p. 119, pl. VI, fig. 23) et j'arrivai sur le Cyclotome à reconnaître non seulement l'erreur de Claparède, qu’on ne peut attribuer qu’à l'opi- nion qui alors avait cours, mais encore à disséquer et à suivre le nerf acoustique depuis la vélicule auditive jusqu’au cerveau. Quand, par d’autres anatomies plus difficiles, mais réussies, il fut possible d’arriver à rencontrer des exemples venant confirmer ces premières vues, il me fut facile de comprendre que la loi, celle-ci exacte et vraie, des connexions, lorsqu'elle était bien appliquée, conduisait toujours au même résultat : la vérité. Dès ce moment, j'ai pu affirmer que la relation entre les otocystes et les ganglions pédieux n’était qu'apparente et non réelle, que tous les exemples nouveaux viendraient se ranger sous la loi des connexions, qui n’est certes pas de moi, mais que j'ai appliquée et qui est devenue inflexible, dwra lex, tout en remarquant que Geoffroy Saint-Hilaire, qui l'avait formulée, en avait un peu forcé l'extension 184 H. DE LACAZE-DUTHIERS. après l'avoir découverte. Je n'ai point été surpris que tous les ana- tomistes ayant cherché le nerf acoustique l’aient trouvé. Leydig lui-même, dans son travail publié pendant la guerre de 1871, après ma communication à J’Académie’en 1868, n’a fait que confirmer les résultats que j'avais obtenus et qui, présentés à l’Académie des sciences en 4868 ‘, m'ont assuré la priorité. Aussi, je dois avouer que je n’éprouve aucune surprise quand, dans un travail sur un Gastéropode non encore soumis au scalpel, on annonce que le nerf acoustique de l’animal se rend au cerveau ef non au ganglion pédieux. Non seulement je n’en suis pas surpris, mais ce qui m'étonnerait, ce serait qu'il en fût autrement, car mon travail de 14868, appuyé sur la dissection d'une quarantaine d'espèces appartenant à des groupes très différents, indiquait d'avance ce résultat. | Voilà donc un cas bien précisé, et comme MM. Bouvier et Fischer pensent que le nerf acoustique remonte au cerveau du Pleuroto- maire, genre et espèce si mal connus jusqu’à eux, j'avoue n'avoir vu dans ce cas qu’une conformation absolument naturelle se ran- geant sous la domination d'une loi inflexible. On voit bien par ce qui précède quelle est ma foi, ma confiance, dans la loi des connexions bien appliquée ; j'ajoute, ne voulant pas trop généraliser, quand la loi est bien appliquée à un groupe et à des organes qui ne sont pas réfractaires aux résultats qu’elle fournit; c’est le cas du système nerveux des Gastéropodes. Tout en remerciant et félicitant mon excellent collègue, il sera plus facile, maintenant, de montrer comment je n’eus pas une explo- sion de joie aussi forte que j'aurais peut-être dû la manifester. Tout amour-propre mis de côté, je puis bien, cependant, soutenir ce fait, que j'ai disséqué pendant ma longue carrière scientifique un nombre suffisant de Gastéropodes qui me permet d’avoir trouvé des connexions me paraissant immuables, On vient d'en voir un i Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. LX VIT, p. 882. A PROPOS DU TRAVAIL SUR LES PLEUROTOMAIRES. 185 exemple pour la connexion cérébrale de l’otocyste, qui, aujourd’hui, semble une naïveté, mais qui, cependant, avait dû être démontrée. L’exemple de l'erreur du grand et remarquable anatomiste Claparède est là pour le prouver irrécusablement. | Eh bien, il en est à mes yeux de même relativement au cordon pédieux de l’Haliotide. On finira par admettre ses connexions comme pour l’otocyste; elles s'imposent. Voyons donc ce qui existe. Si, dans les descriptions, les termes étaient plus parfaitement définis, les discussions seraient plus simplifiées. Deux connectifs, c'est-à-dire deux cordons unissant des ganglions de nature différente, descendent de chaque côté du cerveau aux extrémités antérieures ou supérieures (suivant la position qu’on donne à l’animal) du cordon pédieux, existant seul indubitablement,. Or, il n’y a pas et ne peut y avoir de doute, ces deux connectifs sont les connectifs cérébro-pédieux et cérébro-viscéraux (je nomme ces derniers cérébro-asymétriques). On a beau chercher d’autres cor- dons, il n’y en à pas. Donc, forcément, ils représentent l’union du cerveau, d'une part avec les ganglions pédieux, d’autre part avec les ganglions viscéraux (asymétriques pour moi). S'il n’y a pas d’autres connectifs unissant le cerveau à la chaîne asymétrique ou viscérale, on se trouve en face de la loi des con- nexions tout aussi inflexible pour l’union des ganglions cérébroïdes et viscéraux que pour l’otocyste et le cerveau. À mes yeux, il suffit de cette connexion pour déterminer la nature de la bandelette postérieure du cordon pédieux du Pleurotomaire. Quelques considérations que l’on puisse faire intervenir, il faut arriver à la loi qui ne peut conduire à l'erreur, et c’est cette foi absolue dans l'interprétation ainsi conçue d’après les connexions qui ne font jamais défaut, qui m’a fait admetire, avec plaisir sans doute, le nouveau cas du Pleurotomaire comme venant se ranger à côté de ceux isolés encore, qui ont été si vivement attaqués. Mais ce nouveau Cas ne m'a point surpris du tout. 186 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Que pourrait-on substituer à la partie postérieure de cette bande- Jette si l’on en faisait une dépendance exclusive du centre pédieux ? On n’aurait alors aucun connectif pour unir le centre asymétrique ou viscéral au cerveau, et il se trouverait deux gros connectifs pour unir le centre pédieux seul aux ganglions cérébroïdes. Il suffit de rappeler ces choses pour ne pas pouvoir se refuser à admettre dans le cordon pédieux deux parties rapprochées, mais néanmoins dis- tinctes par leur union ou mieux leurs connexions avec les ganglions cérébroiïdes. Certes, il est superflu de revenir sur les arguments présentés pour défendre la théorie soutenue en principe à propos du système nerveux de l'Haliotide. Il est bien évident que, guidé par l'union des centres nerveux que démontre le travail de M. Bouvier, il n’était pas possible d'arriver à un autre résultat, qui sera le même, la chose est certaine, si l’on trouve quelque nouveau Diotocarde non encore disséqué. Si l’on rencontre sur un Mollusque, Diotocarde ou non, une bandelette, un cordon couché sur le disque pédieux, recevant à son extrémité supérieure deux connectifs venant du cerveau, on peut être assuré que l’on sera en présence d'un cas homologue qui viendra confirmer la vérité des exemples déjà connus. En disant, au commencement de ces observations, que je n'avais été nullement étonné des résultats obtenus par la dissection du Pleurotomaire, je n'ai, en aucune façon, voulu diminuer l'intérêt qui s’attachait à l’histoire de cet animal aussi rare que curieux. La publication, dans mes Archives, de ce travail que j'ai vivement désirée et sollicitée, est là pour prouver l'importance attachée à ces re- cherches. J'ai tenu àrapprocher dans le même recueil les travaux qui démontraient une même idée, ainsi que la réfutation quon y trouve de la critique produite par ceux qui nous croyaient dans l'erreur. Les lecteurs des Archives pourront, en revoyant Particle (+. VIIT, 1890, 2° série, p. 617) ayant pour titre : De la valeur relative de quel- ques procédés d'investigation en anatomie comparée, se convaincre que, dans la note actuelle, écrite huit ans plus tard, il n'y a rien autre A PROPOS DU TRAVAIL SUR LES PLEUROTOMAIRES. 187 chose que dans l’article rappelé, qu’il n’y a pas une idée nouvelle ici. Ils n’y trouveront que la répétition de la croyance absolue en la valeur de la loi de Geoffroy Saint-Hilaire quand elle est appliquée dans les cas particuliers, dans les groupes homogènes, bien déter- minés, dont les termes sont comparables. Il me paraît inutile d'étendre plus longuement ces observations. Je remercie les auteurs, MM. Bouvier, Fischer et AI. Agassiz, qui ont anatomisé et trouvé l’animal, d’avoir bien voulu accéder à ma demande et d’avoir confié aux Archives de zoologie expérimentale la publication de leur mémoire. Dans un travail prochainement publié dans ce même recueil à propos de faits d’un ordre certainement secondaire, l'occasion se présentera d'apprécier quelques vues générales sur l'organisation et la nomenclature du système nerveux des Gastéropodes. Les remar- ques que suivront quelques observations générales viendront encore à l’appui de celles qu’on vient de lire, et qui, pour être un peu minu- tieuses, n’en mériteront pas moins, je le crois, d’être prises en con- sidération. H. DE LACAZE-DUTHIERS. RECHERCIHES SUR LA MATURATION, LA FÉCONDATION ET LA SEGMENTATION CHEZ LES POLYCLADES PAR P. FRANCOTTE Membre correspondant de l’Académie royale de Belgique. (Recherches entreprises sous les auspices de la fondation scientifique Elizabeth Thompson.) INTRODUCTION. Le matériel d'étude qui nous a servi à l’élaboration de cette com- munication préliminaire a été recueilli, en 1897 et en 1896, à Banyuls pendant le mois d'avril, et en 1897 à Roscoff, pendant les mois d’août et de septembre. Notre savant collègue M. de Lacaze-Duthiers nous avait offert l'hospitalité la plus large et la plus aimable au labora- toire Arago et dans sa station zoologique des côtes de Bretagne. Nous avons pu apprécier ainsi combien a été heureuse l’idée de créer deux stations maritimes, l’une sur la Manche, l’autre sur la Méditerranée, les deux établissements se complétant l’un l’autre et offrant aux travailleurs toutes les ressources nécessaires et dési- rables. Qu'il nous soit permis, en adressant à M. de Lacaze-Duthiers nos plus sincères remerciements, de faire connaître la véritable admira- tion que nous professons pour l’œuvre qu'il a accomplie en fondant les belles stations biologiques de Roscoff et de Banyuls où Lant de chercheurs ont pu, en toute liberté, élaborer les beaux travaux dont 190 P. FRANCOTTE. la plupart sontinsérés dans les Archives de zoologie expérimentale; ce recueil périodique est devenu ainsi, grâce à l’habile direction de son fondateur, l’un des plus importants du monde entier. Nous avons séjourné également, en 4897, pendant le mois de sep- tembre, aux laboratoires du Portel (Boulogne) et de Concarneau ; que MM. Hallez et Fabre-Domergue reçoivent l'expression de toute notre reconnaissance pour l’accueil bienveillant qu'ils ont bien voulu nous faire. Nous avons pensé qu'il était nécessaire de donner des détails zoologiques précis sur les animaux qui ont servi à nos études ; c'est ainsi qu'avant de décrire les phénomènes qui font l’objet principal de ce mémoire, nous avons donné des renseignements qui ne laisse- ront aucun doute sur les espèces chez lesquelles nous étudions la maturation et la fécondation. L I PROSTHIOSTOMUM SIPHUNCULUS (LANG). RENSEIGNEMENTS ZOOLOGIQUES. | Dans son mémoire sur quelques Planariés marins appartenant aux genres Zricelis et Polycelis, de Quatrefages (45) a décrit deux espèces de Prosthiostomum : l'une, qu'il a découverte sur les côtes de Bretagne, à l’île Bréhat, et qu’il a nommée Prosthiostomum elon- gatum ; l’autre, qu’il a appelée Prosthiostomum arctum et qu'il avait rencontrée à Na] les, près du château de l’OEuf, n'était, d’ailleurs, autre chose que Planaria siphunculus de Delle Chiage (28). La pre- mière de ces deux espèces, à notre connaissance, depuis 1845, na plus été signalée par aucun auteur, ni dans l'Atlantique, ni dans la Manche. Quant à la seconde espèce, elle fut étudiée à Naples par Lang qui l’a décrite dans sa belle monographie, Die Polycladen (84). Quoique n’ayant pas observé le Polyclade de l’île Bréhat, Lang, sur la simple description de de Quatrefages, estima qu'il n’y avait lieu qu'au maintien d’une seule espèce qu'il nomma Prosthiostomum ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 191 siphunculus. Nous verrons, par la suite, que nous nous rallions à cette manière de voir. Les exemplaires de Prosthiostomum siphunculus qui ont servi à DOS études proviennent des récoltes que nous avons faites pendant notre séjour aux laboratoires de Banyuls et de Roscoff. Au mois d'avril de 1897 et de 1898, nous avons recueilli, aux environs du laboratoire Arago et à Port-Vendres, un bon nombre d'individus de l’espèce qui nous occupe à ce moment. A la station zoologique de Roscoff, aux mois d'août et de septembre 1897, nos recherches à la côte ont été également assez fructueuses. Nous avons obtenu, aux deux époques ci-haut indiquées, des pontes dont nous parlerons par la suite. Avant notre départ pour la Bretagne, notre intention était de nous rendre à l’île Bréhat, à l’endroit indiqué par de Quatrefages, afin d'y rechercher Prosthiostomum elongatum qu'il y avait signalé. Il nous paraissait intéressant de vérifier si Lang avait eu raison de fondre en une seule espèce Prosthiostomum arctum et elongatum, de l'illustre savant français. Ce voyage fut rendu inutile; nous avons, en effet, rencontré à Roscoff le Prosthiostomum siphunculus (Lang) et nous avons pu nous assurer, connaissant de visu l’espèce méditerranéenne, que les diagnoses des Prosthiostomum arctum et elongatum données par de Quatrefages répondaient parfaitement à une seule et même espèce. Nous avons la certitude que les deux espèces de de Quatre- fages ne sont pas spécifiquement différentes ; elles répondent à des états d'âge et de grandeur différents d’une seule et même espèce. Les caractères basés sur le nombre et la disposition des yeux, choses importantes, sans doute, pour les autres Polyclades, sont variables suivant les dimensions et l’âge des individus quand il s’agit de Pros- thiostomum siphunculus que nous avons observé à Banyuls et à Roscoif. Il y a donc lieu d'admettre définitivement la revision proposée par Lang ; Hallez, dans son excellent travail (90) sur les Turbellariés est, d’ailleurs, de cet avis. À Roscoff, Prosthiostomum siphunculus est assez commun ; après Leptoplana tremellaris (Oersted) et Séylostomum variabile (Lang), c'est 192 P. FRANCOTTE. le Polyclade que nous avons rencontré le plus souvent à la grève. Remarquons, en passant, que, d’après nos observations, la Trémel- laire y est tout aussi commune qu'à Ostende, qu’au Portel (Boulogne) et qu'à Concarneau. Dans la Manche, Prosthiostomum siphunculus vit à un niveau plus bas que la Trémellaire. Pour fixer les idées sous ce rapport, prenons un exemple : le 23 août 1897, par une basse marée de 24 décime- mètres, M. Wauthy, notre assistant, et nous, nous avons pu récolter, pendant l’espace de deux heures et demie, une dizaine de Trémel- laires que nous trouvions sous les pierres encore immergées de quelques centimètres. Le jour suivant, par une basse marée de 21 décimètres, nous avons pu capturer le même nombre de ces ani- maux et nous n avons rencontré qu'un seul exemplaire de Prosthios- tomum siphunculus. Le 25, par une basse marée de 16décimètres, nous nous sommes procuré quatre exemplaires de Prosthiostomes pour onze Trémellaires. Enfin, par les marées de 6 et 4 décimètres, nous avons obtenu sept Prosthiostomum pour trente-cing trémellaires. Le plus grand nombre d'individus que nous avons récoltés en une très basse marée, a été de onze Prosthiostomum. Les recherches avaient commencé à 10 heures du matin et s'étaient terminées à 2 heures, moment oùles eaux du reflux nous obligeaient à abandonnerla grève. Prosthiostomum siphunculus vit sous les pierres comme la Lepto- planaire ; sous ce rapport, ces deux espèces recherchent les mêmes conditions d'habitat, hormis la question de niveau que nous venons de faire connaître. A Roscoff, notre Polyclade affecte une belle cou- leur jaune citrin au moment de la capture ; après quelques jours, il devient blanchâtre. Quelquefois, il est verdâtre, mais la captivité lui fait perdre également cette coloration. L'animal a souvent 3 centi- mètres de longueur sur un demi-centimètre de largeur. La plus grande longueur observée a été 33 millimètres. À Banyuls et à Port-Vendres, nous trouvons notre Prosthiostome sous les pierres, que nous rencontrons, quand les eaux sont basses, à une coudée de profondeur. Les eaux deviennent-elles hautes, la ETUDES SUR LES POLYCLADES. 193 recherche à la côte et sans instrument est impossible. Dans ces lo- calités, la couleur de l'animal est jaune brunâtre, souvent verdâtre, suivant les circonstances. La couleur verte ou brune est très accen- tuée quand l’animal a été capturé dans les algues. Mais toujours, la décoloration se produit après quelques jours de captivité. Voici une expérience qui donnera une idée de ce qu'est la coloration des Poly- clades. Nous avons mis un prosthiostome dans un cristallisoir avec des Triclades, des Procerodes, de couleur noire, que nous rencontrons à Banyuls et que nous décrirons par la suite ; le lendemain, notre Po- lyclade avait une coloration que nous n’avions jamais observée chez aucun de ses congénères ; il élait tout noir; en examinant à la loupe, nous pûmes découvrir des Procerodes entiers qui se trouvaient dans le tube digestif du Polyclade ; de là, la coloration foncée qui était survenue. Comme nous le verrons par la suite, les Polyclades ont des substances colorantes propres à une espèce; mais il existe une Coloration qui est due à l’alimentation. Sous ce rapport, le Prosthiostomum n’a pas de couleur particulière; il est uniformément blanc, quelle que soit la localité d'où il provienne, si on le soumet à un ou deux jours de jeûne. PONTES,. Les pontes sont accolées aux pierres ; elles ressemblent beaucoup aux pontes de la Trémellaire comme couleur et comme aspect ; ce sont des plaques jaunâtres mesurant 1 centimètre de long sur 5 mil- limètres de large. Tandis que chez la Trémellaire et la plupart des Polyclades, on ne trouve qu’un seul œuf dans une coque, chez Prosthiostomum, la même coque renferme sept, huit et jusqu’à dix œufs. Rarement le nombre d’ovules dans une même coque est de cinq. Aux débuts du développement, si l'on ne se contentait que d'un examen superficiel, on pourrait croire que l’on se trouve en présence d’un œuf en voie de segmentation, chacun des œufs simu- lant un blastomère. Les coques renfermant les œufs sont disposées les unes à côté des ARCH, DE ZOOLs: EXP, ET GÉN, — 3% SÉRIE, — T, Vis 1898. 13 194 P. FRANCOTTE. autres et placées en rangées rectilignes. Les coques sont protégées par une substance qui se coagule et qui affecte un faux aspect cel- lulaire. Cette substance se rétracte vivement par les réactifs ; elle comprime ainsi les coques qui sont écrasées en même temps que les œufs qui y sont contenus. Ce phénomène de rétraction se produit également pour la paroi de la coque. Il en résulte qu’il faut couper beaucoup de pontes pour arriver à une série de stades; malgré le nombre assez considérable d'animaux que nous avons eu à notre disposition, il se fait qu’il nous reste à combler encore plus d’une lacune ; c’est ce que nous nous efforcerons d'effectuer par la suite. La coque contenant les œufs est ovoïde ; le grand axe mesure 400 à 450 m, le petit diamètre mesure 340 à 400 L. Les œufs sont eux-mêmes ovoïdes ; le grand axe mesure 100 |. en moyenne. Par millimètre carré, on compte neuf à dix coques renfermant chacune, comme nous l'avons vu plus haut, huit à dix œufs. Par la laque de fer de Heïdenhain, la substance dans laquelle les pontes sont englobées se colore en gris ; elle a l’aspect du collo- dion qui se serait figé affectant une disposition polygonale rappelant une coupe de cellules. La paroi propre de la coque contenant les œufs se colore plus vivement ; on peut y distinguer deux couches se teignant différemment ; la couche externe est grise, la couche interne est noire après le traitement à l’hématoxyline, au fer de Hei- denhain. Examen des pontes vivantes. — Nous avons d’abord examiné les œufs vivants, étudiant, pas à pas, les phénomènes jusqu'au stade gastrula. La coque qui contient les œufs est très nette sur le vivant ; cha- cune d’elles est entourée de cette substance générale qui englobe l’ensemble ; cette substance est figée même sur les pontes vivantes; nous en avons déjà parlé antérieurement ; l'aspect pseudo-cellulaire qu'elle affecte simule, en coupe optique, une couronne quientoure chaque coque; c’est réellement une sphère de pseudo-cellules qui enveloppe chaque coque. C'est à la périphérie des plaques que cette disposilion se montre le mieux. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 195 Gomme la plupart des Polyclades, Prosthiostomum pond pendant la deuxième partie de la nuit ou très tôt le matin. Cependant, on obtient quelquefois des pontes dans la journée. Pendant que se produit l'expulsion du premier globule polaire, la plaque reste blanchâtre : elle jaunit de plus en plus à mesure que les phénomènes s’avancent. Dans les œufs qui viennent d’être pondus, la figure cinétique du premier globule polaire occupe une posilion presque centrale. Pour que le centrosome qui doit être expulsé vienne en contact avec la surface de l’œuf, il faut assez de temps. C’est vers 8 heures du matin que l’on aperçoit à l’en- droit où sera expulsé le premier globule polaire, un léger aplatis- sement. Vers 8 heures et demie, un petit mamelon apparaît : vers 9 heures et quart, 9 heures et demie, le globule polaire est complètement formé ; il est encore adhérent à la surface de l’œuf par un pelit pédicule. La séparation ne tarde pas à se produire : à 10 heures, l'éminence annonçant le deuxième globule polaire est visible ; à onze heures, l'expulsion est terminée. Si l’on arrête les phénomènes par les réactifs, vers midi, on peut apercevoir, sur une préparation, qu'on est au stade des deux pronuclei; sur certains œufs vivants, on peut quelquefois entrevoir deux vésicules claires, l’une plus petite et l’autre plus grande; ce ne sont autre chose que l’image très vague de ces pronuclei. Vers 2 heures, la segmenta- tion en deux blastomères s’accomplit; entre 4 et 5 heures, on observe le stade quatre ; à 6 heures, le stade huit est réalisé: il existe alors dans l’œuf quatre gros blastomères et quatre petits. Le lendemain matin, on se trouve en présence du stade gastrula. La température vient-elle à s'élever, les phénomènes sont de beaucoup accélérés et le stade huit peut être atteint à 2 heures. L’inverse a lieu pendant les journées froides. L’opacité des œufs ne permet pas de ürer de l’examen sur le vivant des renseignements bien nombreux, comme on le constatera par la lecture de ce qui précède. Nous avons eu recours, en les combinant, aux deux moyens de préparations qui ont été employés par les auteurs: nous avons 196 P. FRANCOTTE. d'abord étudié les œufs en les préparant entiers, les fixant et les colorant: puis, après fixation convenable, nous les avons coupés. Nous allons résumer les moyens techniques que nous avons mis en œuvre pour arriver à des résultats. TECHNIQUE. Pour préparer des pontes entières, nous les avons fixées par dif férents réactifs qui sont : L’acide nitrique à 3 pour 100. Le liquide de Perenyi. Le liquide de Hermann. Le liquide de Fol. Ce sont ces deux derniers réactifs qui fixent le mieux, mais si l’on n'y prend garde, le vitellus noircit très fort, de sorte qu'il est diffi- cile d’apercevoir les fines structures. Pour la coloration, nous avons employé sensiblement les mêmes méthodes que celles que nous avons décrites dans notre premier travail (9%). Nous croyons nécessaire de les résumer ici parce que nous y avons apporté des modifications importantes. Nous faisons réagir le liquide fixateur en suivant, sous le micros- cope, l'effet produit. Quand les granules opaques ne s’aperçoivent plus et que la charpente cytoplasmique apparaît, nous enlevons le réactif avec le liquide suivant : Giycérine - ...sosesesersee : 45 parties en volume. Alcool à 90 degrés....... M RROLS — DAS 0 300000000000 00000 70 — Nous avons obtenu de meilleurs résultats en au s#mentant la teneur en alcool et en glycérine ; Car, primitivement, ce réactif contenait 5 pour 400 de glycérine et d'alcool en moins. Après un lavage suffisant sur lame ou dans un verre de montre, dans une dizaine de centimètres cubes du liquide glycérique ci-haut indiqué, nous introduisons dix à vingt gouttes de l’une ou l’autre solution colorante suivante, selon le but à atteindre : ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 197 D HONTE € 010 BAUER EN Ae 70 Haut Eioe 70 Glycérine...... 15 Glycérine........ 15 Glycérine.... 45 AICOOR ES. 45 ANCOU EEE 15 AICOO Ar EREEEE 15 Vertdeméthyle. 08,1 Vert de malachite. 08,05 OrangeG...... 06,1 Acide acétique.. 1goutte. Vésuvine.....,.. 0 ,4 Fuchsine acide. 0 ,01 Vertdeméthyle. 0 ,01 Acide acétique.. 4 gouttte. L'alcool acétique gonfle le protoplasme. Il en est ainsi, mais à un moindre degré, de l’acide nitrique à 3 pour 100. Le liquide de Her- mann et de Fol fixe mieux ; la coque se distend, tandis que le vo- lume du vitellus reste sensiblement le même. Mais si ces réactifs agissent longtemps, le tout noircit comme nous l'avons dit plus haut et l'observation devient difficile ou impossible. Nous avons employé également la thionine en prenant Comme véhicule le liquide glycérique dans lequel nous introduisons { déci- gramme de la couleur par 30 centimètres cubes. Nous faisons le même usage de la formule à la thionine que s’il s'agissait des autres liquides colorants dont nous avons parlé plus haut, Nous nous sommes également servi des solutions colorantes pri- mitives sans avoir recours à aucune dilution. Mais alors, il se pro- duit une vive surcoloration et il est nécessaire d’avoir recours à un lavage difficile à conduire sans altérer les pontes. Voici la méthode que nous avons suivie en cette circonstance : la fixation étant opérée et le réactif étant enlevé, comme nous l’indiquons plus haut, nous faisons passer le colorant sous la lamelle ; puis, pour éviter toute évaporation, nous fermons avec un lut convenable; après trois ou quatre jours, la préparation est ouverte et, avec le liquide glycé- rique indiqué à la page 188, nous enlevons le colorant de manière à n’en laisser qu’un léger excès; nous l’abandonnons pendant quelques jours sans la fermer afin d'obtenir une concentration graduelle de la glycérine. Pendant le lavage de la couleur, les coques se recro- quevillent et se plissent avec la plus grande facilité. Il se fait que nous préférons la méthode de coloration directe sans lavage, la concentration lente de ia glycérine n’altérant ni la coque, ni Île 198 P. FRANCOTTE. protoplasme de l'œuf. Disons, toutefois, que nous comptons beau- | coup sur une décoloration qui se produit toujours à la longue par J'altération à la lumière des réactifs de teinture. Nous avons essayé de monter au baume par la méthode de Kultschitzky (88); mais, les renseignements que nous avons pu obtenir par ce moyen sont si minimes, que nous nous contentons de renvoyer à la page 9 de notre travail de 1897. Enfin, disons encore que nous avons dilacéré les coques, et les œufs étant ainsi isolés, nous avons monté au baume, le fixateur étant le liquide de Hermann ou de Fol. Nous avons alors, au préalable, coloré par la safranine, l’hématoxyline, etc. Mais nous avons dû renoncer à ce moyen qui est sans doute efficace; car, il eût fallu sacrifier un grand nombre de pontes pour obtenir quelques œufs convenablement préparés pour l'étude; force donc nous a été d'abandonner ce moyen de préparation, n'ayant pas à notre dispo- sition un matériel suffisant. Nous regardons comme importante la préparation des œufs entiers _par les méthodes qui précèdent ; si, comme nous le faisions remar- quer dans notre dernier travail, il nous a fallu de grands efforts, en 1893, pour ce qui concerne la Trémellaire, avant d'arriver à mettre les centrosomes des figures cinétiques polaires en relief, il n'en a pas été de même avec notre Prosthiostome ; c’est ainsi quil est arrivé souvent que des œufs préparés le matin, dès le soir même nous montraient très nettement les centres cinétiques correspondant aux globules polaires. Au reste, il est utile de pouvoir contrôler, sur des œufs entiers, les résultats que donne la méthode des coupes, qui s'est généralisée actuellement pour l'étude de sujets analogues à celui que nous traitons. Méthodes des coupes.— Pour étudier les premières phases de la matu- ration, nous avons coupé des animaux entiers, ou bien encore, nous avons extrait en masse les œufs des utérus par des piqûres : la fixa- tion se faisait au sublimé en solution saturée dans l’eau ; on y ajoute 5 pour 400 d'acide acétique glacial ; le sublimé est enlevé par l'alcool ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 199 à 50 degrés iodé ; on passe dans les différents alcools pour obtenir la déshydratation ; puis, on fait usage pour arriver à la paraffine, soit de chloroforme alcoolique de plus en plus concentré jusqu’au chloro- forme pur, soit encore d'essence de cèdre. Il nous a paru que cette essence, préconisée par Bolles Lee et Henneguy (96) donnait, avec le sujet qui nous occupe, de meilleurs résultats que les autres agents employés dans les mêmes circonstances. Comme fixateur, nous avons mis en œuvre le liquide de Hermann, le liquide de Flemming (solution faible) et le liquide de Fol. Le liquide de Flemming noircit fort les tissus et surtout les ovules. Nous évitons, comme ceci, cet inconvénient: nous tuons rapidement au liquide de Flemming et nous transportons les pièces le plus rapidement possible dans le liquide de Fol qui achève de fixer les structures. Ce dernier réactif n’amène pas assez vite la mort, les animaux persistant à vivre assez longtemps, se gonflant sous l'excitation du réactif. La mort étant produite, comme nous l’indiquons plus haut, le liquide de Fol pé- nètre bien et fixe sans beaucoup noircir les tissus. La coloration se réalise avec facilité par la suite. Quel que soit le réactif osmique employé, il importe de laver très bien à l’eau avant de passer aux alcools. La suite des manipulations s’accomplit comme pour les ani- maux fixés par le sublimé acétique. Pour ce qui concerne les pontes, nous fixons au sublimé acétique, au liquide de Flemming dilué, au liquide de Hermann et au liquide de Fol. Nous employons le liquide de Perenyi également. La suite des manipulations se fait, d’ailleurs, comme plus haut; toutefois, le liquide intermédiaire entre l’alcool absolu et la paraffine est le chlo- roforme. | Remarquons que, pour les pontes, aucun des fixateurs ci-haut indiqués n’est satisfaisant, et nous sommes obligé de faire connaître que, malgré tous nos efforts et toutes les précautions prises, les coques et la substance englobant les œufs sont très cassantes. Et voici un inconvénient bien plus grave; quand on passe dans la pa- raffine, toutes ces enveloppes se désagrègent, se compriment, se 200 P. FRANCOTTE, recroquevillent et, malgré toutes les minuties mises en pratique, nous perdons un nombre considérable de pontes. Pour parer, dans une certaine mesure, à tous ces mécomptes, après le passage dans l'alcool absolu, nous plaçons les pontes dans le collodion dilué ou la colloïdine dissoute dans l’éther et l'alcool ; quand une imbibition suf- fisante s’est produite, nous passons dans le chloroforme. Le coton- poudre se fige et feutre les pontes. Quoi qu'il en soit, les difficultés sont encore grandes et elles sont bien autrement difficiles à vaincre que s’il s'agissait de l’étude de la Trémellaire, où nous avons élé souvent arrêté pourtant. La fixation des coupes sur lames se fait au liquide de Mayer très dilué. Nous avons coloré principalement à lalaque de fer de Hei- denhain ; comme premier bain de fer, nous préférons, au sulfate de fer et d'ammoniumi, le tartrate desmêmes métaux. Mais pour la déco: loration, nous sommes obligé de recourir au sulfate, le tartrate ne décolorant que très peu. Ce sont surtout les produits fixés au chlo- rure mercurique qui réussissent très bien avec la laque de fer. Voici, en résumé, comment nous procédons. Dans le bain de sel ferrico-ammoniaque (sulfate ou tartrate) contenant pour 100 d’eau 3 à 3,5 grammes, nous placons les lames recouvertes des coupes; elles y restent pendant dix à douze heures. Nous lavons rapidement à l’eau ; une simple immersion dans l’eau suffit même. Nous transportons ensuite les préparations dans le bain d’hématoxy- line pendant douze à vingt-quatre heurés, suivant l'effet à produire. Nous préparons le bain d’hématoxyline en dissolvant un demi- gramme de cette substance dans quelques centimètres cubes d'alcool à 90 degrés ; puis, nous versons cette dissolution alcoolique dans l’eau de façon à faire en tout 100 centimètres cubes. Après l’immersiondans la teinture, nous enlevons l'excès d'hématoxyline par un lavage à l’eau. Nous décolorons ensuite dans une solution aqueuse de sulfate ferrico-ammoniacal à 2 pour 100. Nous surveillons, sous le micros- cope, la décoloration. Nous lavons à l’eau pendant un quart d'heure; puis, pour donner une teinte convenable à certains éléments, nous ÉTUDES SUR LES POLYCLADES, 201 passons les préparations pendant quelques moments dans une solu- tion quelconque d'hématoxyline. Souvent, nous avons fait simple- ment usage de la solution de Bæœhmer. Nous avons employé égale- ment différentes couleurs d’aniline ; le carmin boracique et même le carmin aluné nous ont donné de bons résultats. Comme colorant général, la safranine fournit de bonnes prépara- tions ; nous avons décoloré, soit à l'alcool chlorhydrique, soit encore à l'acide picrique, comme le conseille Van der Stricht (9%). Dans l'espoir d'arriver à des données plus précises sur la constitu- tion des éléments chromatiques, nous avons fait les essais suivants : 4° Les coupes étant fixées sur la lame et la paraffine enlevée par le xylol, nous lavons à l’alcool absolu et nous passons ensuite dans l’alcool absolu saturé de vert de méthyle; par 100 centimètres cubes, nous ajoutons une goutte d'acide acétique glacial bien anhydre. Nous essayons d'obtenir une coloration nucléaire directe, c’est-à-dire sans qu'il soit nécessaire d’avoir recours à la décolora- tion par l'alcool qui enlèverait le vert de méthyle; nous passons ensuite au xylol, puis au baume. Le vert de méthyle colore surtout la chromatine dans ces circonstances. 20 Après le lavage de la paraffine par le xylol et le passage dans l’alcool absolu, nous plaçons les lames dans un liquide contenant : AICOOIFADS OUR Le ee dense eue eu cesse 100 HUCHSIMERACITON MAMAN INRA MEURT 05,01 Vertidesméthyle ee rte ne ee Tee de Dr Acide acétique glacial anhydre.......,..... 1 goutte. Nous tàchons d'obtenir encore une coloration directe sans devoir recourir à la décoloration, qui enlèverait le vert de méthyle comme nous l'avons vu plus haut. Nous repassons au xylol, puis nous montons au baume. Ces deux derniers modes de préparation nous ont donné assez souvent des renseignements précieux; mais ils sont capricieux et, après quelques semaines, la décoloration se produit. Il importe de ne pas retarder l'étude des objets qui ont été ainsi colorés. 202 P. FRANCOTTE. ÉTUDE DE L'ŒUF EN GÉNÉRAL. C'est, comme chez les autres Polyclades, dans l'utérus que débutent les premiers phénomènes de la maturation. Dans la partie initiale de cet organe, on rencontre les ovules les plus jeunes et qui vont entrer en cinèse ; puis, on trouve successivement toutes les phases jusqu'à la métacinèse. Il est possible, par des coupes de l’animal entier ou bien par des dilacérations, de faire l'étude des œufs contenus dans l'utérus. Dans les œufs, on voit, au moment de la ponte, la figure cinétique dont l’un des centrosomes est bien près de la sur- face de l'œuf. Que ce dernier provienne d’une ponte, ou qu'il soit extrait de l'utérus, comme nous l’avons remarqué plus haut, le cytoplasme est trop opaque sur le vivant et entier pour que l'on puisse en analyser la structure. Cependant, par une vive lumière, on peut découvrir, si l’ovule est jeune, un grand noyau clair; sil est âgé, on aperçoit vaguement le rayonnement des figures cinétiques. Ordinairement sont seuls visibles des sphérules de quelques microns de diamètre disposées suivant des lignes rayonnant vers un même point. Pour étudier la structure de l’œuf entier, il faut le soumettre à l’action des réactifs. Les œufs étant placés dans l’eau de mer, sur une lame et une lamelle recouvrant le tout, si l’on fait pénétrer de l’alcool acétique, de l’acide nitrique à 3 pour 100, du liquide de Fol, etc., les sphé- rules disparaissent, et là où l’on voyait un rayonnement vague, il apparaît successivement des filaments qui s’entre-croisent, ou bien qui sont reliés entre eux par des anastomoses plus fines et dont l’ensemble constitue un système compliqué, le réseau cellulaire. A l’entre-croisement des filaments, il se produit des nœuds qui donnent à l’ensemble un aspect particulier. Par des colorations convenables, surtout par le vert de malachite et la vésuvine, les éléments du réseau montrent qu'ils sont consti- jués de fins microsomes entre lesquels se trouve intercalée une substance moins colorable. Cette structure microsomale se voit bien ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 203 à l’aide d'objectifs résolvants, tel que le NA = 1,40 de Zeiss. En pro- longeant le temps d'immersion dans le bain de fer et dans le bain d'hématoxyline, on obtient également, avec la coloration de Heiden- hain, des résultats remarquables. L'aspect du réseau cytoplasmique est on ne peut plus variable; aux débuts des phénomènes de la maturation, alors que dans une position centrale ou légèrement excentrique se trouve le noyau, ce dernier est le centre du rayonnement général des filaments prin- Cipaux. Le réseau est beaucoup moins dense à la périphérie de l'œuf; les mailles y sont plus lâches et les filaments beaucoup moins robustes. Dans l’œuf des Polyclades, la différence entre l’hémisphère végé- tatif et l'hémisphère animal est très caractéristique. Le réseau est également beaucoup plus serré vers cet hémisphère, et il l’est d’au- tant plus que l’on est plus proche du pôle. Les sphérules protoplas- miques qui y sont contenues sont beaucoup moindres en volume. Au contraire, dans l'hémisphère végétatif, surtout vers le pôle, les mailles du réseau sont considérables, et ces mailles renferment de grosses sphères de deutoplasme que les réactifs colorants teignent vivement. Les descriptions qui précèdent se rapportent aux œufs entiers ; l'examen des coupes, quelle que soit la coloration, confirme d’ail- leurs ces données; il permet de s’assurer que le réseau cellulaire possède une structure plus délicate encore que ce que monire l'œuf entier. Entre les mailles du réticulum se trouvent intercalées les sphérules dont nous avons parlé antérieurement. Sur les coupes, on constate aussi que la laque de fer de Heidenhain teint fortement en noir les sphérules deutoplasmiques de l’hémi- sphère végétatif. Le même réactif colorant met nettement en relief une zone périphérique parallèle à la surface de l’œuf où siègent des sphérules deutoplasmiques, de diamètre moindre pourtant que celles qui sont amassées dans l'hémisphère végétatif. Soit sur des œufs entiers, soit sur des coupes, on peut s'assurer 204 P. FRANCOTTE. que les rayonnements des asters comme ceux des fuseaux et des cônes qui constituent les figures cinétiques ne sont autres choses que des différenciations du réseau cellulaire. Les variations des figures cinétiques étant constantes, celles du réseau le sont éga- lement. Les œufs s’entourent de la coque au moment de la ponte ; dans le liquide périvitellin, on découvre des spermatozoïdes. L'élément mâle pénètre dans l'œuf pendant que celui-ci se trouve encore dans l’uté- rus : il pénètre d’ailleurs tout entier; sur des coupes, on le voit ayant la tête à demi enfoncée dans le vitellus; ou bien encore, on le dé- couvre dans ce dernier, muni de son fouet qui est souvent con- tourné sur lui-même. Au milieu du vitellus, là où le spermatozoïde est arrêté, il se différencie immédiatement un protoplasme que la laque de fer teint en gris bleuâtre. Avant l'expulsion de l'œuf, il ne se produit guère d’autre phénomène provoqué par l'élément mâle. Nous reviendrons d’ailleurs par la suite sur ce sujet. VÉSICULE GERMINATIVE. Elle est ovoïde; le grand axe mesure, en moyenne, 30 p.; le petit axe a quelques microns en moins. Elle est d’abord centrale dans les œufs qui viennent d’être expulsés de l’oviducte; elle occupe ensuite une situation plus ou moins excentrique. Primitivement, il existe, dans le noyau de l’œuf, un réseau à structure compliquée et très irrégulier, et d’ailleurs semblable au réticulum de l'œuf lui-même. La charpente réticulée nucléaire se colore primitivement très peu par les réactifs. A l’aide d'objectif résolvant, on constate que les filaments du réti- culum sont formés de très fins microsomes. Au point de vue de la nature chimique des substances constituant le réticulum nucléoplasmique, il n’est primitivement pas possible de distinguer la substance achromatique de la chromatine elle-même. On doit donc admettre que celle-ci est dissoute en partie dans le ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 205 suc nucléaire. On pourrait dire que le noyau de l’œuf du Prosthios- tome est pauvre en chromatine. Il apparaît ensuite des filaments chromatiques moniliformes, dont les grains sont plus nets et mieux délimités que ceux qui consti- tuent le réticulum nucléoplasmique, dont nous avons parlé anté- rieurement. Les filaments chromatiques se colorent d’une façon de plus en plus intense à mesure que les phénomènes s'avancent. On voit souvent, sur des coupes, ces filaments moniliformes tendus à travers la cavité de la vésicule, les deux extrémités s’attachant à la paroi en s’ineurvant même contre la surface interne de celte der- nière. Sur une longueur de 15 x, on compte, en moyenne, 25 à 30 gra- nulations chromatiques dans les filaments moniliformes. Entre les grains de chromatine, il est intercalé des plaques d’une substance moins colorable ; c’est la linine des auteurs. En reconstituant par une série de coupes, la configuration des filaments, on peut se convaincre qu'ils sont disposés de façon à pré- senter la partie fermée des anses, vers un point de la cellule, le champ polaire de Rabl, la partie ouverte étant dirigée vers le champ antipolaire. Le stade spirem, que nous venons de décrire, est très net. Pendant ce stade, la charpente achromatique se distingue fort bien : elle est un peu moins colorable que précédemment ; elle sert, d’ailleurs, de soutien aux filaments achromatiques. Le nucléole, ou tache de Wagner, est sphérique ou ovoïde; quel- quefois, il a l'aspect de deux ou plusieurs nodules également sphé- riques, accolés l’un à l’autre. Le diamètre du nucléole est en moyenne de 5 . Il se colore vivement par la laque de fer, le vert de méthyle, la safranine, elc. Il persiste pendant longtemps, et il existe encore quand les fuseaux sont constitués ; quelquefois, il per- siste dans le protoplasme quand la membrane nucléaire s'est dis- soute. Wheeler (95, 9%) et Kostanecki (98) ont constaté également, mais d’une facon permanente, chez Wyzostoma glabrum, la persistance 206 P. FRANCOTTE. du nucléole, dans le cytoplasme, après la disparition de la mem- brane de la vésicule germinative. À mesure que la maturation s’avance, le nucléole prend de moins en moins les couleurs. C’est la périphérie qui reste le plus longtemps colorée. Ce phénomène ferait croire que la disparition de la sub- stance constituant le nucléole se produit du centre vers la péri- phérie ; il reste, en dernier lieu, une paroi sphérique colorée qui ressemble à une membrane. Outre le nucléole que nous venons de décrire, il existe encore, dans la vésicule germinative, des corps colorables comme le nucléole ; ces corps sont indépendants des nœuds résultant de l’intersection des filaments de la charpente nucléoplasmique. Ils sont sphériques ; leur diamètre n’atteint jamais que la moitié de celui du nucléole; mais ce diamètre peut être beaucoup moindre. On les trouve quelquefois accolés à la membrane nucléaire. Ils sont assez nombreux; dans une coupe, on en rencontre quelquefois quatre; nous les appellerons provisoirement pseudo-nucléoles. Chez Prostheceræus vitattus, nous avons rencontré des corpuscules sem- blables à ceux que nous décrivons actuellement. À la page 59 de notre premier mémoire (9%), nous en avons parlé. Formation des groupes quaternes. — La vésicule germinative pos- sédant toujours sa membrane, les filaments chromatiques forment huit segments chromatiques qui, par fendillement longitudinal, prennent primitivement l’aspect d’anneaux. L'ouverture de ces der- niers se maintient ou disparaît. Les segments chromatiques affec- tent ainsi diverses formes : l’anneau se résout en une figure en losange dont les angles sont occupés par une petite sphère; ces dernières ont, en moyenne, un micron de diamètre. Dans cet état, le segment chromatique est semblable aux groupes quaternes qui ont été décrits antérieurement par les auteurs chez diverses espèces. La plus grande longueur des figures en losange mesure 6 à 7 p. Il arrive que l’un des quatre côtés du losange est supprimé ; deux sphères sont alors accolées l’une à l’autre. Les quatre sphères sont ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 207 quelquefois tangentes par le raccourcissement des côtés du losange; ceux-ci sont-ils supprimés, les quatre sphérules sont coalescentes ; elles sont alors plus volumineuses. Elles ont augmenté de la quan- tité de chromatine qui aurait été disposée suivant les côtés du losange. La plus grande longueur des groupes quaternes ainsi diminués est alors environ de 5 u. Les groupes quaternes, quel que soit leur aspect, sont maintenus en place dans les mailles du réseau achromatique de la vésicule germinative ; remarquons que les formations dont nous nous occu- pons à ce moment se sont constituées alors que, dans le noyau de l'œuf, aucune trace de fuseau n’a apparu. Remarquons encore que, pendant la constitution soit des filaments chromatiques, soit des groupes quaternes, le nucléole (tache de Wagner) n’a pas changé de volume, ni d’aspect; ses réactions vis- à-vis des réactifs colorants sont restées les mêmes. Quant aux autres sphères (pseudo-nucléoles) de volume variable et d'aspect également variable, elles se sont plutôt accrues en nombre et en dimension. CENTRES CINÉTIQUES. A la page 262 de son travail intitulé : Nouvelles Recherches sur la fécondation et la division mitosique chez l'Ascaride mégalocéphale (8%), M. le professeur Van Beneden s'exprime ainsi : « Si, après avoir tué par un mélange à parties égales d’alcool et d’acide acétique un amas d'œufs montrant le stade équatorial dans le premier blastomère en voie de division, on colore les œufs par la glycérine additionnée de vert de malachite et de vésuvine, tous les éléments achromatiques de la figure dicentrique apparaissent distinctement.» « Il est facile de voir aussi qu’un corpuscule teinté de vert clair siège à chacune des extrémités du fuseau ; c’est le corpuscule polaire que l’un de nous a, le premier, signalé dans les cellules en voie de division mitosique. Ce corpuscule est formé ici par un amas de gra- 208 P. FRANCOTTE. nulations. Il occupe le centre d’une figure radiaire bien circonserite et à contour circulaire. Dans les limiles de cette région circulaire, en coupe optique, sphéroïdale en réalité, on distingue des fibrilles très apparentes dirigées radiairement; des fibrilles aboutissent à la surface des sphères et y présentent d'habitude des renflements. Ce- pendant, elles ne s’arrêtent pas en ces points; elles se prolongent dans le vitellus et on peut les poursuivre jusqu’à la surface de ce dernier. Au delà de la surface des sphères, elles sont beaucoup plus minces que dans la limite de ces dernières. Si l’on donne à l'en- semble des figures stellaires le nom d’asters, il y a lieu de distinguer, dans ces derniers, une portion centrale, de forme sphéroïdale, bien circonscrite, se teignant en vert clair, comme le corpuscule polaire qui occupe leur centre ; ce sont ces portions centrales des asters que nous avons désignées sous le nom de sphères attractives ; elles se dé- tachent en vert dans le fond faiblement coloré du vitellus, si l’on examine l'œuf à un faible grossissement. » è e e e @ Q © Q Q © QJ « Si l'on examine de plus près la constitution des sphères attrac- tives, on remarque qu'il existe, immédiatement autour des corpus- cules polaires, qu’il vaudrait mieux appeler corpuscules centraux, une zone circulaire plus claire, dans les limites de laquelle les radia- tions sont peu marquées et peu nombreuses. Elle est délimitée par un cercle de granulations assez volumineuses. Des fibrilles réunis- sent ces granulations aux corpuscules centraux. Nous donnerons à ces zones centrales des sphères le nom de zones médullaires, en réser- vant le nom de zones corticales à leur couche périphérique.» En fixant par le liquide de Fol, de Hermann, etc., des œufs au stade du premier globule polaire de nos différents Polyclades et en colorant par le vert de malachite et à la vésuvine dans la glycérine, comme l’a fait Van Beneden, on obtient, au milieu des centres ciné- tiques, un corps sphérique affectant absolument l’aspect du corpus- cule central de cet auteur; ce corps est nettement limité ; il existe, en outre, une zone claire pareille aux zones médullatres, dont il s’agit ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 209 dans le texte cité plus haut; en outre, on trouve en dehors une masse plus colorée, comme le serait les zones corticales del’Ascaris. Cependant, ce corps, occupant ainsi le milieu des centres cinétiques, n'est pas le corpuscule central ; et le protoplasme faiblement coloré qui l'entoure immédiatement n’est pas la zone médullaire comme il semblerait le résulter du texte de Van Beneden cité plus haut et se rapportant à l’Ascaris. Pour déterminer l’existence du corpuscule central chez les Polyclades, la réaction au vert de malachite et à la vésuvine, contrairement à l'opinion que nous avions exprimée dans notre dernier travail, ne suffit pas. Il faut tenir compte en même temps et de la coloration et des rapports des différentes parties des centres cinétiques. Voici ce qui le prouve : parmi nos préparations à la glycérine additionnée de vert de malachite et de vésuvine, beau- coup se sont altérées; mais, parmi celles qui ont été fixées au liquide de Hermann et de Fol, il en est qui se sont parfaitement conservées ; des photographies d’un même œuf, prises à deux années d'’inter- valle, ne laissent aucun doute sous ce rapport. La coloration du corps sphérique central, dont nous parlons plus haut, devient, dans des préparations anciennes bien conservées d’un vert brunâtre, et, au centre de ce corps, nous distinguons une granulation légèrement plus foncée, mais, surtout rendue bien visible par la réfringence beaucoup plus grande que celle du milieu où elle estcontenue. Cette granulation est le corpuscule central vrai. À cette granulalion vien- nent aboutir les rayons des asters ; c’est cette dernière disposilion qu il est surtout nécessaire de constater quand on veut s’assurer de la présence du corpuscule central ; elle n’est pas visible sur les œufs de nos Polyclades nouvellement préparés, comme il est dit plus haut; ce n’est qu’une décoloration lente qui à pu nous révéler, sur nos anciennes préparations, les rapports morphologiques du cor- puscule central avec les autres éléments de la cellule, les bouts des rayons des asters contenus dans la zone médullaire, se colorant dif- ficilement. Au reste, Van Beneden, dans le travail cité plus haut, a représenté dans ses figures 1, 2, 3, 4, 5 de sa planche I, et, dans sa ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 8€ SÉRIE. — T,. VI, 1898, 14 210 P. FRANCOTTE. planche VI, dans les figures 1, 2, 3,5, les rayons des asters comme traversant sa zone médullaire et venant aboutir au corpuscule cen- ral : il est vrai qu’il s'agissait là de figures cinétiques correspondant à la segmentation et non pas de figures cinétiques correspondant au premier globule polaire, comme celles que nous allons étudier. Il est à peine besoin de le dire, la sphère environnant le corpus- cule polaire tel que nous venons de le décrire et qui, primitivement, se colorait comme ce dernier chez l’Ascaris, correspond aux zones médullaires de Van Beneden. Des décolorations sur les œufs en- tiers, comme elles se pratiquent dans les laboratoires, ont été im- puissantes à nous révéler les fines structures que nous venons de décrire. Notre photogramme 34 (pl. XVII) représente un œuf de Prosthe- ceræus vittatus montrant la figure cinétique du premier globule polaire. Au milieu de l'œuf, on découvre la zone médullaire autour de laquelle s'irradient nettement les rayons des asters, qui, d’ail- leurs, pénètrent jusqu’à la granulation constituant le corpuscule central. D'après des mesures que nous avons faites sur des œufs fixés au liquide de Hermann et ayant subi la décoloration lente dont nous avons parlé, la zone médullaire de Van Beneden a un diamètre de 3 à 6u:; elle est environnée d’une mince couche formée de très fines granulations très colorées. Quant au corpuscule central, il mesurait de À à 2 à. Jusque dans ces derniers temps, on admettait que le corpuscule central de Van Beneden et le centrosome de Boveri étaient deux choses synonymes. Cependant, Kostanecki et Siedlecki ont prouvé que le centrosome de Boveri comprenait l’ensemble du corpuscule central et de la zone médullaire de Van Beneden. Primitivement, Van der Stricht, comme nous-même d’ailleurs, avait aussi admis que la zone médullaire de Van Beneden était le corpuscule central À la page 93 de sa communication à la réunion de l’Anatomische Gesellschaft, à Gand (9%), nous lisons en note ce qui suit : ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 211 Contrairement à ma première opinion, exposée dans une note préliminaire au Congrès anatomique de Strasbourg, je suis obligé de changer les désigna- tions données aux différentes parties constituantes de cet ovocentre. La granu- lation centrale correspond, en réalité, au corpuscule central de Ed. Van Bene- den. De sorte que la zone qui l’entoure immédiatement est la couche médullaire de cet auteur. Le corpuscule central de Van Beneden, plus la couche médullaire, correspond au centrosome de Boveri, v. Erlanger, v. Kostanecki et Siedlecki ont émis un avis analogue. Nous verrons par la suite, surtout pour Cycloporus papillosus, que nous avons pu mettre en relief le corpuscule central, à l’aide de la méthode à la laque ferrico-hématoxylique de Heidenhain. La chose a été plus difficile pour Prosthiostomum siphunculus, où presque toujours la zone médullaire et le corpuscule central sont restés co- lorés uniformément après le bain décolorant agissant pendant long- temps. Dans ces circonstances, nous nous servirons du mot centro- some pour désigner l’ensemble des formations de la zone médullaire et du corpuscule central. Malgré tous nos efforts pour arriver à un résultat décisif, nous n'avons pu, chez Prosthiostomum siphunculus, déceler la présence des centres cinétiques qu'au moment où la vésicule germinative étant encore close, il apparaît, dans cette dernière, un filament de chro- matine bien défini. Il en a été ici comme pour les espèces que nous avons étudiées précédemment : les granulations de deutoplasme se colorant de la même manière que le centrosome, il n’est pas possible, à un stade inférieur à celui que nous décrivons, de distinguer ces formations l’une de l’autre. Peu avant le stade spirem, les amas de granulations deutoplasmiques émigrent vers le pôle végétatif de _l’œuf et à la périphérie de celui-ci ; alors seulement, sans courir le risque de confondre les granulations deutoplasmiques avec le cen- irosome ou peut-être avec le corpuscule central, on peut faire des observations sur ces dernières formations. Au début, le centrosome est entouré d’un amas de protoplasme irrégulièrement étoilé et que la laque de fer de Heidenhain colore en gris; ce protoplasme est constitué de fins microsomes, qui tendent 212 P. FRANCOTTE. à s’'irradier autour du centrosome, cet amas protoplasmique est la zone corticale de la sphère attractive de Van Beneden. Très réduite dans le principe, elle mesure 6 à 8 u d'épaisseur; elle parait alors d’une structure uniforme. Le centrosome, au début, est ovoïde; il mesure 2 k; souvent encore, il affecte l’aspect d'une lentille biconnexe. Le plus souvent, nous le rencontrons accolé à la membrane vési- culaire, ou bien il est très près de cette membrane. Mais le centro- some et le reste dela sphère attractive ont été rencontrés également éloignés de la vésicule germinative, de telle sorte qu'avec cette der- nière ils n’avaient absolument aucune relation. La première transformation que subit la sphère attractive consiste en l'apparition, tout autour du centrosome, d’une sphère diffé- renciée en de fins microsomes, d'abord peu colorables par la laque de Heidenhain ; à la coupe optique, cette sphère simule une auréole; c’est la première trace de la zone corticale de la sphère attractive qui, primitivement, nous paraissait peu différenciée. La sphère attractive prend de plus en plus de développement, on y voit apparaître les rayons des asters ; ceux-ci s'irradient du cen- trosome vers la périphérie. Leurs extrémités internes, épaissies, forment des nœuds, et bientôt, par la juxtaposition des extrémités qui se soudent en se gonflant de plus en plus, il se forme une paroi sphérique, close de toute part. Cette paroi sphérique est en dedans de la première trace de la couche corticale, que nous avons décrite plus haut. Avant de continuer nos descriptions, nous tenons à faire remar- quer que déjà des auteurs ont décrit cette paroi sphérique enve- loppant le centrosome; c'est ainsi que, dans sa note intitulée : De l'origine de la figure achromatique de l’ovule en mitose chez Thyza- nozoon Brocchii, Van der Stricht (94) s'exprime comme suit en par- lant du centrosome : « Il est formé par une substance compacte, dense, à peu près homogène, limitée périphériquement par une membrane à double contour et renfermant à son centre un petit cor- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 213 puscule arrondi et allongé. » Niessing, dans son travail portant pour titre Zellenstudien (95), constate, comme nous, que les fibrilles de la radiation protoplasmique fixées au centrosome engendrent une sorte de surface sphérique, produite par la juxtaposition des nœuds provenant des extrémités internes des fibrilles ; cet auteur constate encore que cette surface sphérique ponctuée a été décrite par Van Beneden, sous le nom de zone granuleuse de la sphère attractive. Comme on le voit, Van der Stricht est d’avis que le centro- some est contenu dans une membrane. Niessing parle d’une espèce de surface sphérique enveloppante. Quant à nous, nous sommes convaincu, par l'étude des œufs des différents Polyclades que nous avons à notre disposition et principalement ceux de Prosthiostomum siphunculus et de Cycloporus papillosus, que réellement, au stade de la métacinèse, il existe dans l’œuf des espaces clos par une membrane et contenant le centrosome comprenant la couche médullaire de Van Beneden et le corpuscule central du même auteur. Nous traiterons ce sujet d’une façon plus approfondie par la suite, quand il s'agira de la description des œufs de Cycloporus papillosus. Actuellement, nous nous bornerons à attirer l’attention du lecteur sur le fait sui- vant : à différentes reprises, lorsque nous faisions des coupes, soit par le rasoir, soit aussi par une pression anormale, il est arrivé que le centrosome contenu dans sa sphère d’enveloppe était ainsi en- traîné hors de sa membrane. C’est ce que montrent très bien Îles deux figures représentées par les phototypies 3 et 4, pl. XV, que nous allons décrire : elles représentent deux coupes voisines d'un même œuf de Prosthiostomum siphunculus, pris dans une ponte et fixé, à Banyuls-sur-Mer, à 8 heures et demie du matin, le 93 avril 4897. La fixation était le chlorure mercurique en solution saturée dans l’eau additionnée de 5 pour 100 d'acide acétique glacial. La colo- ration a été obtenue avec l’hématoxyline au fer de Heidenhain. Photographie 3 (pl. XV). — Elle montre la figure d'une coupe de l'œuf, suivant un plan passant par le centrosome d'expulsion et tan- 214 P. FRANCOTTE. gent au centrosome interne. Le premier de ces centrosomes est très voisin de la surface de l’œuf; mais la tache noire e ne représente pas seulement ce centrosome ; comme on le peut constater, la péri- phérie de cette tache n'est pas netiement limitée par une courbe régulière soit circulaire, soit elliptique ; il en est ainsi parce que, en dehors de la membrane d’enveloppe sphérique du centrosome, il reste une zone irrégulière de granulations absorbant fortement la laque de fer et ne la cédant pas à la décoloration. Cette couche, restée de la sorte vivement colorée, est la partie la plus interne de Ja zone corticale de Van Beneden. On distingue, en outre, une zone plus claire entourant concentriquement toute la tache noire; c'est la partie la plus externe de la zone corticale de Van Beneden. À côté et à droite de la tache e, image des formations que nous venons de décrire, se trouve une autre tache noire c ; ce n'est autre chose que le centrosome interne qui, entraîné par des pressions anormales, a passé à travers l'œuf et est venu occuper l'endroit où nous le voyons placé. Il se fait qu'il est sorti de toute pièce, laissant vide l’espace où il était normalement contenu. Disons, en passant, que nous possédons plusieurs œufs de Protheceræus vitattus, dans lesquels cet accident s’est réalisé. Pour ne devoir plus revenir sur la description de cette photo- graphie, disons, quoique la chose s’écarile du sujet actuel, quel- ques mots de ce qui reste de la figure cinétique. Le fuseau sur lequel se montrent les segments chromatiques est très net; deux segments chromatiques, formés chacun d’un bâtonnet constitué de trois petites sphérules, représentent maintenant les groupes qua- ternes qui se sont transformés ; les autres segments chromatiques n’ont pas été mis au point exactement, on n’en découvre que la silhouette. Enfin, la photographie donne encore une idée de la différenciation entre l'hémisphère formateur et l’hémisphère végétatif où se trou- vent condensées les sphérules de deutoplasme. Photographie 4 (pl. XV). — La coupe qu’elle représente, voisine ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 215 comme nous l'avons dit de la précédente et parallèle d’ailleurs à cette dernière, passe par le lieu où se trouvait le centrosome c; elle est tangente au centrosome d’expulsion qui, sur notre image, n’est figuré que vaguement, n'ayant été que légèrement entamé par la coupe. L'espace a, où le centrosome était primitivement logé, est figuré par la silhouette d’une partie de la sphère formée par la réunion des extrémités internes coalescentes des rayons des asters. Immédiatement en dehors de la sphère restée en place, malgré le déplacement de son contenu, se montre la zone corticale de Van Beneden ; elle a absorbé beaucoup moins la laque de fer ; elle appa- raît, par conséquent, beaucoup plus claire sur l'image que la masse c décrite ci-haut. L'étude des coupes dont nous venons de parler est on ne peut plus instructive; par le mouvement de la vis micrométrique, on peut successivement se rendre compte de ce fait que l'enveloppe du centrosome est le lieu où viennent se réunir les extrémités internes épaissies des rayons des asters. Ces extrémités sont formées de mi- crosomes plus colorables et dont l’ensemble forme réellement une membrane close de toute part; toutefois, sur quelques œufs seu- lement, nous avons pu voir que les rayons des asters ne s'arrêtent pas à cette enveloppe; mais qu'ils se prolongent encore par de minces filaments peu colorables jusqu’au corpuscule central vrai. Continuons notre étude par l’analyse de quelques photogrammes : Phototypie 5 (pl. XIV). — Elle figure la coupe d’un œuf fixé, le 26 avril1897, à 8 heures du matin; le stade est semblable.à celui que pous venons de décrire. Au centre, on découvre un cercle noir représentant la coupe du centrosome et de la membrane qui ren- ferme cette formation; puis, accolés contre cette membrane, sont appliqués de fins microsomes, placés irrégulièrement ; à la décolo- ration, ils ont conservé vivement la laque de fer de Heidenhain ; il faut donc les considérer comme ayant, si ce n’est une composition _ chimique différente du milieu qu’ils occupent, tout au moins une nature physique spéciale consistant peut-être en une condensation 216 P. FRANCOTTE. plus considérable de leur protoplasme. La courbe enveloppant le contenu de toute cette masse colorée vivement n’est pas régulière ; ce n’est ni celle d’un cercle, ni celle d’une ellipse nettement tran- chée, comme le montrent, par exemple, les photographies de notre travail de 1897. En dehors de toute la masse colorée, on voit une auréole plus claire constituée de fines granulations d’ailleurs nettement visibles au microscope, c'est la partie externe de la zone corticale. Disons, pour terminer, que la figure montre fort bien les rayons des asters et quelque peu le réseau cytoplasmique ; enfin, l'hémisphère végétatif fortement coloré et l'hémisphère formateur sont bien limités. Ils donnent une idée exacte de la répartition du deutoplasme dans le contenu de l’œuf. La figure 6 (pl. XIV} représente un œuf au même stade que ceux que nous venons de décrire ; la coupe est perpendiculaire à l’axe du fuseau cinétique et passe par le centrosome, encore au centre de l’œuf. L'image de la masse noire, colorée vivement par la laque de Heidenhain, représente les mêmes formations que celles que nous venons d'examiner. Les figures 1, 2 (pl. XIV), 3, 7, 8 et 9 (pl. XV) montrent des choses semblables, que le lecteur analysera facilement avec les indications qui précèdent. Si la phototypie peut rendre les fines structures que montrent nos clichés, on remarquera, sur la figure 7 (pl. XV), l’image des fins microsomes qui se trouvent appliqués sur la membrane du centrosome. Comme nous l'avons constaté, les descriptions que nous venons de terminer concernent des œufs dont les coupes ont été traitées par l’hématoxyline au fer de Heidenhain. Voyons quelles sont les indications que nous fourniront des œufs entiers, traités comme nous l’avons vu précédemment et soumis au colorant de Van Bene- den (vésuvine et vert de malachite). La figure 10 (pl. XV) représente un tel œuf. Nous distinguons les centrosomes colorés vivement en vert et entourés de la paroi qui ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 247 l'enveloppe. Le centrosome d'expulsion se trouve très près de la sur- face de l'œuf; il en part de nombreuses irradiations de l’aster. Presque au centre de l'œuf, on distingue le centrosome interne ; il est coloré vivement en vert. La zone corticale de la sphère attractive est restée très claire dans la partie qui est immédiatement en contact avec le centrosome; la portion la plus externe de la zone corticale se colore vivement. Quant au corpuscule central vrai, nous avons pu, différentes fois, constater son existence sur des œufs qui se sont décolorés lentement. Il mesurait un peu plus d’un x. La coloration était légèrement plus intense que celle du centrosome. Gest, croyons-nous, sa réfringence considérable qui permettait de l’aper- cevoir. Les segments chromaliques sont colorés en vert, et le fuseau est nettement différencié. L’œuf dont nous venons de parler a été fixé à 8 heures et demie, le 25 avril 14897, La fixation était le liquide de Fol. Avant de continuer l’étude de notre sujet, nous tirerons quelques conclusions des analyses que nous venons de faire : 1° Sur Prosthiostomum siphunculus, le centrosome est enveloppé, à un moment donné, dans un espace clos constitué par une sorte de membrane résultant de la fusion de renflements formés à une faible distance des extrémités internes des filaments des aslers. 2° Cette enveloppe sphérique ou ovoïde, qui se colore vivementpar la laque de fer et même par le colorant de Van Beneden, n’existe pas primitivement autour du centrosome. Elle apparaît à mesure que se constituent les filaments des asters; c’est au stade de la métacinèse qu’elle peut être le mieux étudiée. 3° Dans la zone coriicale de la sphère attractive de Van Beneden,il faut distinguer une zone plus interne en contact avec la surface enve- loppante du centrosome, peu colorable parle vert de malachite et la vésuvine, et une zone plus externe prenant vivement ces couleurs. 4° Le centrosome, contenu dans la sphère attractive, varie de volume suivant le stade de la cinèse; peut-être que sa masse est en raison du rôle qu'il a à remplir. A notre avis, il est nettement 218 P. FRANCOTTE. limité au stade de la métacinèse par la surface enveloppanie dont nous avons parlé. Dans des œufs encore contenus dans l'utérus, nous avons vu sou- vent des centrosomes s'allonger ; nous en avons vu affecter la forme d’une haltère ; d’autres étaient scindés en deux nouveaux centro- somes, restant tangents l’un à l’autre; d’autres, enfin, nés d'un centrosome, étaient plus ou moins éloignés l’un de l’autre. Bref, nous avons de nombreuses preuves matérielles pour que nous puissions conclure que primitivement, dans l'œuf, il n'existait qu'un seul centrosome qui, par division, fournit les deux centro- somes qui doivent intervenir dans la cinèse du premier globule polaire. C’est le moment, croyons-nous, d'examiner si, par centrodesmose, se constitue le fuseau central. Notre réponse à cette question sera brève. Nous avons constaté que des filaments étaient tendus très souvent entre deux centrosomes, qui venaient de se séparer; rien ne nous prouvait que ces filaments avaient pour origine les centro- somes. Au contraire, nous avons constaté que ces filaments n'étaient autre chose que des rayons des asters. Ces filaments des asters, qui unissent, pendant quelque temps, les centrosomes, ne constituent pas le fuseau central; voici pourquoi : nous pouvons affirmer que, chez Prosthiostomum siphunculus, lorsque la vésicule germinative est encore parfaitement close et qu'aux deux extrémités d’un même diamètre de celle-ci les deux centrosomes se trouvent situés, à travers, il n’y a pas de filaments du fuseau cen- tral. Des reconstilutions de coupes prouvent qu'il n'existe pas non plus, en dehors de la membrane vésiculaire, de filaments réunissant les deux centrosomes. Ces filaments, s'ils existaient, seraient par- faitement visibles ; d'un centrosome à l’autre, ils devraient former des courbes parallèles à la membrane de la vésicule. Is ne pour- raient donc échapper à un examen attentif. Au reste, nous revien- drons sur ce sujet à propos de Cycloporus paprllosus, dont nous par- lerons par la suite. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 219 Dans leur travail intitulé /a Fécondation chez l'Ascaris megaloce- phala (9), Carnoy et Lebrun démontrent que, chez l’espèce qu'ils ont étudiée, les centrosomes sortent du noyau. En raison de cette affirmation, notre attention a été particulièrement attirée sur ce point. Nous avons décrit antérieurement des amas contenus dans la vésicule germinative se colorant comme le nucléole (tache de Wagner). Quelquefois ces amas sphériques, ayant l’aspect de cen- trosomes ou même de corpuscules centraux, se trouvaient appliqués intérieurement contre la membrane nucléaire; on eût dit qu'ils allaient sortir de la vésicule. Quand nous avons constaté pour la première fois cette disposition, nous avons cru que c'était là réelle- ment des centrosomes ou même des corpuscules centraux intra- nucléaires; mais, par un examen plus attentif, nous avons vu que les centrosomes existaient déjà au dehors, placés au milieu de leur sphère attractive. Donc les granulations internes simulant des cen- trosomes ou des corpuscules centraux sur le point de s'échapper de la vésicule germinative ne méritaient pas ce nom. Chez Cycloporus papillosus, nous pourrons encore mieux démontrer que les amas nucléolaires ne constituent ni les centrosomes ni les corpuscules centraux. La figure 11 (pl. XIV) représente un œuf utérin de Prosthiostomum siphunculus dans lequel on voit une vésicule germinative encore close; dans celle-ci, vers le bas, on découvre un pseudo-nucléole simulant un centrosome; cependant, on peut s'assurer, en exami- nant la coupe suivante qu’un centrosome existe en dehors de la vésicule ; il siège au milieu de la sphère attractive non loin du nucléole. Sur cette figure 11, on aperçoit d’ailleurs le second cen- irosome au milieu desirradiations des asters. Des images semblables sont très nombreuses dans nos coupes. ASTERS ET FUSEAUX Au moment où nous avons vu pour la première fois avec certitude, le centrosome au milieu de la sphère dans les œufs qui allaient en- 220 P. FRANCOTTE. trer dans la période de maturation, il n'existait pas de rayon d’aster. Mais il existait une orientation générale du réseau cytoplasmique marqué par un rayonnement des filaments vers le noyau même. Quand les centrosomes sont venus occuper les extrémités d’un même diamètre de la vésicule germinative, cette orientation s'est trans- formée en deux autres centres d'orientation ayant pour pivots les deux centrosomes. Des filaments de plus en plus nombreux, par- tant de ces derniers, s’irradient vers la périphérie de l'œuf; de proche en proche, ils s'orientent en se subdivisant et en envoyant de l’un à l’autre des anastomoses. Des mailles sont ainsi organisées ; elles sont très serrées dans le voisinage du centrosome et au milieu de la sphère attractive ; ces mailles s’élargissent de plus en plus ; dans leur milieu, on constate l'existence de granulations plus ou moins considérables. Souvent une granulation occupe tout l’espace laissé libre au milieu d'une des mailles; à la périphérie de l’œuf, les granulations sont de grosses masses de deutoplasme qui sont ainsi renfermées dans l’espace compris entre plusieurs grandes mailles. Si l’on examine avec soin la figure (pl. XIV), on constate que dans l'hémisphère végétatif, les rayons principaux des asters se colorent à la laque de Heidenhain bien plus vivement que partout ailleurs dans l'œuf. À l’aide d’un objectif résolvant, on voit que les rayons des asters sont constitués de fins mierosomes entre lesquels est inter- calée une substance moins colorable. Il en est de même des fila- ments qui réunissent les branches principales des asters. En compa- rant un œuf sur le point d'entrer en maturation, dans lequel le rayonnement réticulaire a pour centre unique le noyau même, on constate que les filaments ont le même aspect et la même structure microsomale que ceux qui constituent les rayons des aslers. Il nous semble ainsi démontré que les asters résultent de l'orientation, sui- vant deux centres, du réseau cytoplasmique tout entier; et, cette disposition s’acquiert sous l'influence du centrosome et de la sphère altractive. Quand on examine successivement et avec attention les coupes d’un même œuf, ou même quand on éludie un œuf entier, ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 291 on acquiert la conviction que pas une seule maille du réseau cyto- plasmique ne reste sans être influencée par le mouvement d'orien- tation dont nous venons de parler. Il se fait ainsi, chose que l'on peut constater également, chez les autres Polyclades que nous avons étudiés antérieurement (voir figure 5, 7, 8, 17 et 18 de notre travail de 1897), que les deux asters s’envoient réciproquement des rayons qui s’entre-croisent suivant un plan passant perpendiculairement par le milieu de l'axe de la figure cinétique. À un moment donné, vers les points où le premier globule polaire sera expulsé, il se dif- férenciera un cône antipolaire à l’aide de rayons qui prendront un aspect plus robuste, comme si plusieurs filaments s'étaient soudés ; les extrémités internes de ces filaments s’attachent d’une part à la sphère enveloppant le centrosome,tandis que, d'autre part, les extré- mités externes aboutissent à la surface de l’œuf (fig. 10, pl. XV). L'étude du fuseau est moins facile sur Prosthiostomum siphun- culus que sur nos autres Polyclades. Nous décrirons brièvement les observations que nous avons faites et qui confirment nos données antérieures. Quand le centrosome s'éloigne de la membrane de la vésicule germinative, il se forme, comme chez Prostheceræus vittatus (voir figure 9 de notre travail de 1897), un cône constitué de rayons plus colorables que tout le milieu environnant; très nettement limité, il a pour sommet le centrosome et pour base un cercle ou un triangle sphérique décrit sur la membrane de la vésicule germina- tive. Remarquons qu’à ce moment cetle membrane est encore très nette et que la laque de fer à l’hématoxyline la teint vivement, il n’est pas possible que le cône dont il s'agit plus haut et qui est la première ébauche du fuseau, soit sorti du noyau. Au reste, dans Ce dernier, on ne constate que l'existence du réseau achromatique et des segments chromatiques dont nous avons parlé antérieurement, Par la suite, on découvre que les filaments des deux cônes (de cha- cun des deux demi-fuseaux) se continuent dans le noyau même, la membrane nucléaire existant toujours. Les filaments extranucléaires et les filaments intranucléaires sont si bien en rapport et se conti- 292 P. FRANCOTTE. nuent si bien en ligne droite, les uns avec les autres, que l’on serait tenté d'affirmer, d'une façon définitive, que les rayons formant le cône dont il s'agit ci-haut et qui sont certainement d'origine cyto- plasmique ont pénétré dans le noyau même; n’étant pas rigides, ces rayons n'ont pu percer la membrane et s’introduire ainsi à travers le noyau sans un soutien ; ils auraient pu, cependant, venant de l'extérieur et s’insinuant de proche en proche, s'appuyant sur le réticulum achromatique, s’introduire jusque dans la vésicule germi- native. C’est l'hypothèse à laquelle nous nous étions arrêté pour ce qui concerne Prostheceræus vitattus et les autres Polyclades que nous avons étudiés antérieurement. Mais il en est une autre qui nous paraît plus plausible et plus pro- bable, c’est celle-ci : la portion des filaments du fuseau qui est for- mée à l'extérieur du noyau et qui fait partie du cône primitif dont il s’agit plus haut a pour origine le cytoplasme ; tandis qu’à un moment donné, le réticulum achromatique du noyau s'oriente sous l'influence du centrosome, les fibres intranucléaires se mettent en rapport avec les fibres externes cytoplasmiques pour les continuer. Les fibres du fuseau se constitueraient ainsi sur place ; la partie externe aurait pour origine le cytoplasme ; la partie interne dérive- rait du réticulum achromatique nucléaire. Comme preuve à l'appui de cette hypothèse, nous dirons que nous avons vu plusieurs fois le réticulum achromatique orienté suivant des rayons convergeant vers le centrosome. Une objection se présentera probablement à l'esprit du lecteur, c’est celle-c1 : est-il possible qu’une même fibre ait une double origine et comment les deux segments (d’origine différente) de cette fibre se mettent-ils si bien en rapport que le tout soit exac- tement en ligne droite ? Nous ferons remarquer que c’est en somme le réticulum de toute la cellule, réticulum cytoplasmique et réti- culum nucléaire, qui, de proche en proche, par une orientation de ses filaments, constitue le fuseau externe. Nous avons constaté sou- vent, en effet, que les filaments du cytoplasme étaient si bien en rapport avec ceux du noyau qu'il nous paraît certain qu’il y a conti- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 293 nuité entre le réseau cytoplasmique et le réseau nucléaire à travers la membrane encore existante. Nous reprendrons ce sujet quand nous étudierons Cycloporus papillosus et dans la partie générale. Pour ce qui concerne le fuseau central, comme Prostheceræus vittatus, il se forme aux dépens de rayons plus colorables qui pren- nent naissance dans le noyau même. Quand la membrane de la vésicule germinative a disparu à la métacinèse, si l’on examine la figure achromatique avec attention, on est frappé par la ressemblance qui existe entre les filaments qui constituent les différentes parties de la figure achromatique. Les rayons des asters, comme ceux de deux fuseaux interne et externe, se colorent de la même facon ; tous sont formés de fins microsomes semblables. Si bien que, comme structure, il n’est pas possible deles différencier ; on se trouve ainsi en présence d’un réseau cellulaire | dont les branches principales sont formées par les rayons des asters et par ceux des fuseaux ; et entre tous ces rayons, il existe des fila- ments secondaires qui constituent des mailles plus ou moins ser- rées. Il se fait que le réseau nucléoplasmique et le réseau cytoplas- mique ne forment maintenant qu’un seul réticulum. Du noyau, il ne reste plus de spécifique que les segments chromatiques. Comme nous l’avons vu plus haut, autour de la figure cinétique, les mailles sont plus serrées ; à la périphérie, elles le sont moins. On peut ainsi distinguer dans l'œuf deux territoires nettement limités : l'un comprenant le réseau serré qui entoure le noyau ou la figure cinétique ; l’autre, à mailles plus larges, qui lui est externe. FORMATION DU PREMIER GLOBULE POLAIRE. La figure cinétique, qui s’est constituée comme nous venons de le décrire, occupe une position sensiblement centrale ; par la suite, vers le pôle animal, les irradiations de l’aster deviennent de plus en plus robustes, tandis que, vers le pôle végétatif, ces irradiations n’aboutissent que par des bifurcations grêles formant des mailles très 224 P. FRANCOTTE. distendues par le deutoplasme. L’aster dont une partie sera enlevée avec le premier globule polaire, l’aster d'expulsion, diffère ainsi de celui qui restera dans l'œuf. Dans l’aster d'expulsion, il se différenciera un faisceau de radia- tions qui deviendront plus robustes ; leur ensemble formera un véritable cône antipolaire dont le sommet sera le centrosome vers le centre de l'œuf, et dont la base sera un cercle, ou mieux, une calotte sphérique formée par les points d’attache des filaments à la surface de l’œuf. La rétraction des rayons constituant le cône antipolaire attre toute la figure cinétique vers la surface de l’œuf; ce cône antipolaire varie d’ailleurs constamment de forme et d'aspect; car de nouvelles fibres, d'abord plus externes que tout le reste, viennent s’y ajouter pour renforcer l’ensemble au fur et à mesure que le centrosome se rapproche de la surface de l'œuf; ainsi, s’élargit constamment la base du cône en même temps que sa hauteur diminue. Certaines radiations astrales partant du centrosome vont s’attacher à la sur- face de l’œuf pour former la base du cône; elles se bifurquent en- suite; elles se dirigent à travers l'œuf vers un autre point de la surface de celui-ci. D'autre part, du centrosome d'expulsion partent de nombreuses fibres qui vont rejoindre les autres fibres de même nature naissant de l’aster interne. Très souvent, on voit qu’au lieu où s’est formé, à la surface de l’œuf, le cercle antipolaire, il s’est produit un creux considérable ré- sultant de la rétraction des fibres du cône antipolaire (fig.12, pl. XV). Remarquons que les attaches, à la surface de l'œuf, dans l’hémi- sphère végétatif, des radiations de l’aster interne sont moins nom- breuses et moins solides que dans l'hémisphère formateur. On s’expliquera ainsi le transport de toute la figure cinétique du pre- mier globule polaire vers un point de la surface de l'œuf. Le centrosome atteint la surface de l’œuf; 1l s’y aplatit en prenant la forme d’une lentille; il ne tarde pas à proéminer vers l'extérieur; il est situé d’ailleurs au milieu de sa sphère attractive également ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 295 aplatie contre la surface de l’œuf. Sur nos différentes photographies, au stade où nous sommes arrêté, Les sphères se voient peu ou point, parce que nous avons toujours fortement décoloré nos œufs afin d'arriver à une teinte aussi convenable que possible des centro- somes. Autour et non loin du centrosome, il se formera ensuite une éminence conique dans laquelle on voit les rayons des asters; puis, il se réalise un lieu de moindre résistance, suivant un cercle concentrique au centrosome, par lequel passeront d’abord ce der- nier et sa sphère attractive avec une petite portion du cytoplasme comprenant une partie du réticulum. Ainsi se trouvera constitué le bourgeon du premier globule polaire. L’expulsion, au dehors de ce bourgeon, aura lieu par des pressions qui se produiront à ce moment dans l’œuf. Le globule polaire se séparera de l'œuf; sur la partie des filaments du fuseau central, qui restera en contact entre les deux nouvelles formations, il apparaîtra une plaque cellulaire très colo- rable à la laque de fer de Heidenhain. En résumé, 1l est expulsé de l'œuf par le premier globule polaire un centrosome avec sphère attractive, une partie du cytoplasme, dans laquelle on constate l’existence d’un réticulum, une partie des fuseaux central et externe, et, comme nous allons le voir dans un instant, la moitié de chacun des huit segments chromatiques pri- maires. À mesure que le fuseau externe s’est développé, les segments chromatiques que nous avons décrits antérieurement se sont allon- gés; l'aspect en losange, ou en un dérivé analogue, disparaît bientôt. Pendant le commencement de la métacinèse, on découvre des seg- ments en forme de petites croix (fig. 2,pl. XIV) ou en forme de bâton- nets, Mais l'aspect final des segments chromatiques est celui de petits bâtonnets (fig. 3, pl. XV, et fig. 9, pl. XIV) à quatre nodosités sphé- riques superposées et dont la direction est celle de l'axe du fuseau : quelquefois, les deux petites sphérules du milieu du bâtonnet se sont soudées; il n’existe ainsi que trois nodosités ; celle qui occupe ARCH. DE ZOOL, EXPe ET GÉN. — 3€ SÉRIE, — T, VI. 1898. 15 226 P. FRANCOTTE. le milieu du bâtonnet est alors plus volumineuse (fig. 3, pl. XV). Les bâtonnets se coupent par leur milieu; s’il y a quatre nodo- ” sités, il se forme des bâtonnets secondaires comprenant deux petites sphérules ; si le bâtonnet n’est formé que de trois sphères, le plan de division passe par le milieu de la nodosité médiane. L'aspect des segments nucléaires ressemble beaucoup à celui des mêmes forma- tions qui ont été décrites et figurées par Wheeler (94, 9%) et Kosta- necki (98), chez Myzostoma glabrum ‘Leuckart), dans l'œuf, lors de la formation du premier globule polaire. Comme nous l’avons dit plus haut, huit segments chromatiques secondaires à deux nodosités sont emportés avec le premier glo- bule polaire; on les voit encore parfaitement dans ce dernier quand la séparation définitive s’est accomplie. Dans l'œuf, il reste égale- ment huit segments chromatiques secondaires. DEUXIÈME GLOBULE POLAIRE. L'étude de la formation du deuxième globule polaire présente dans ses débuts bien des difficultés et, sous ce rapport, nous avons bien des lacunes à combler ; c’est ce que nous nous réservons de faire par la suite. Nous pouvons affirmer, toutefois, que c'est sans stade repos et sans stade spirem que se reforme la figure cinétique correspondant au deuxième globule polaire. Il est encore certain que le centrosome resté dans l'œuf après le développement du premier globule polaire se divise pour former, d'une part, l’ovocentre et, d'autre part, le cen- trosome qui est expulsé avec le deuxième slobule polaire. Quelque- fois, nous avons constaté que l'ovocentre s'était déjà divisé pendant l'expulsion du second globule polaire. | Nous ne possédons pas de données suffisantes pour décrire le processus du début suivant lequel se forment les fuseaux central et externe, correspondant à la figure cinétique du second globule polaire. Nous nous contenterons donc de la décrire lorsqu'elle est complètement formée. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 297 La distance qui sépare les deux centrosomes au stade monaster et au commencement du dyaster est moindre que cette même distance, dans les mêmes circonstances, pour ce qui concerne le premier glo- bule polaire ; la figure paraît ainsi plus réduite, et les irradiations des asters achromatiques sont également moins robustes que précédem- ment. Il se forme encore ici un cône antipode, comme nous l’avons constaté pour l'expulsion du premier globule polaire. Après l'expulsion de ce dernier, les segments nucléaires restés dans l'œuf prennent l’aspect de bâtonnets que l’on trouve section- nés suivant un plan perpendiculaire à l’axe du fuseau ; assez souvent encore, les bâtonnets primaires fournissent des figures fermées qui, en se coupant suivant un plan perpendiculaire à l’axe du fuseau, prennent l’aspect de “e les deux angles ou anses formés ainsi, atta- chés aux fibres du fuseau externe, cheminent vers les centrosomes, la partie fermée tournée vers ces derniers. Au stade correspondant au dyaster, on trouve qu'il existe deux groupes de huit segments chromatiques. Quant à l'expulsion du second globule polaire, elle a lieu par le même mécanisme que celui qui a produit le premier globule polaire. Par le second globule polaire, il est encore expulsé de l’œuf : 1° Un centrosome, qui s’est aplati d’abord contre la surface de l'œuf ; 2° Une sphère attractive avec une petite partie des radiations de l’aster, et également une petite portion du protoplasme réticulé de l'œuf ; 3° Huit segments chromatiques. Tout le reste de la figure achromatique est resté dans l'œuf, comme nous l'avons dit plus haut, en même temps que le centro- some interne qui est l’ovocentre ; celui-ci est entouré d’une sphère attractive (zone corticale) et des irradiations de l’aster achromatique interne. La plus grande partie des irradiations de l’aster chromatique d'expulsion est, d’ailleurs, restée dans l'œuf. 228 P. FRANCOTTE. Le second globule polaire est plus petit que le premier; il reste longtemps attaché à l'œuf à l’aide d’un petit pédicule formé, en grande partie, des derniers rudiments des fuseaux. On constate l'existence d’une plaque cellulaire très colorable, très visibie aux points de tangence de l'œuf et du second globule polaire. PRONUCLEUS FEMELLE. Van Beneden a démontré, dans son travail de 4887, que la recon- stitution des noyaux dérivés a lieu aux dépens des dyasters. Les noyaux présentent, après le stade du dyaster, des lobes marginaux en rapport avec le nombre d'anses chromatiques ; les quatre anses, en s’imbibant d'un liquide à la façon d'une éponge, forment des boyaux qui, en se gonflant, finissent par se toucher dans la portion de l'étoile; ils se soudent entire eux ; leurs limites disparaissent. Le noyau prend la structure définitive caractéristique du noyau au repos. Nous lisons à la page 259 du travail cité : «Il est certain que le noyau reconstitué présente une structure déterminée par la forme de l’aster dont il procède, et que les extrémités des lobes marginaux de ces boyaux répondent aux extrémités des anses secondaires du dyaster. Il est également certain que le noyau se reconstitue exclu- sivement aux dépens des éléments chromatiques du dyaster, qui s’imbibent à la facon d’une éponge ; aucune portion du corps proto- plasmique de la cellule n intervient directement dans la réédification du noyau. Certes, les liquides dont s’imbibent les cordons chroma- tiques sont soutirés au pr otoplasme cellulaire ; mais le noyau Se reconstitue exclusivement aux dépens des cordons chromatiques gonflés, qui finissent par se toucher entre eux de façon à donner naissance à une masse réticulée, unique en apparence, mais, en réalité, constituée de quaire parties distinctes, juxtaposées entire elles, et organiquement liées en un tout unique en apparence; qui est le noyau au repos. » Les observations de Van Beneden oni été confirmées par Henne- guy (94) dans son travail sur la Truite ; à la page 219 de ses belles ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 229 Lecons sur les cellules (96), le savant français, parlant des chromo- somes vésiculeux, s'exprime ainsi : « Chacun d’eux se transforme très probablement par absorption de liquide cellulaire en un petit boyau, dont la partie centrale est claire el homogène et dont la périphérie fortement colorée présente une série de petites granula- tions distantes les unes des autres et faisant saillie dans l'intérieur du boyau ; au fur et à mesure que ses boyaux se rapprochent du centre de l’aster, ils prennent une forme vésiculeuse arrondie. Les vésicules ayant la même constitution que Îles boyaux, c’est-à-dire formées d’une partie claire entourée de granulations colorées, se groupent en un amas arrondi qui est le noyau fille. Bientôt, les vési- cules augmentent de volume, deviennent polyédriques par pression réciproque et paraissent se souder. Leurs parois disparaissent dans l'intérieur du noyau, et les granulations colorées qu'elles renfer- maient se disposent en séries linéaires, entre-croisées et anasto- mosées, pour former le réseau chromatique du noyau à l’état de repos. » Comme les auteurs que nous venons deciter,von Klinckowstrom, dans son excellent travail sur Prosteceræus viltatus, décrit et figure le pronucleus femelle muni de varicosités. C’est par un processus semblable que se forme le pronucleus femelle chez l'espèce qui nous occupe à ce moment; chacun des huit segments restés dans l'œuf se gonfle et constitue, en absorbant le liquide cytoplasmique, un petit boyau qui se transforme en une petite vésicule munie d’une paroi et renfermant un réticulum déli- cat, mais se teignant fortement par les réactifs ; des granulations absorbant les couleurs y sont incluses; il reste presque toujours, dans chaque vésicule, une granulation de chromatine plus volumi- neuse que les autres. Sur nos séries de coupes, nous avons pu sou- vent retrouver les huit petites vésicules ayant l'aspect que nous venons de décrire et se distinguant de tout le reste par une appa- rence plus claire. Assez souvent, nous n’avons rencontré que cinq ou six vésicules ; 230 P. FRANCOTTE. mais il se peut qu’alors deux vésicules se soient déjà confondues en une seule ; par la suite, les parois en contact se résolvent et l’on obtient une seule grande vésicule multilobée. Dans chacun des petits diverticules saillants, résidus des boyaux primitifs provenant des segments nucléaires, on retrouve une granulation de chromatine mesurant en moyenne de 3 à 4 p. Le pronucleus femelle devient par la suite ovoïde, à mesure que s’effacent les lobes ; le grand diamètre mesure alors, en moyenne, de 25 à 30 y; le petit diamètre a une longueur de 20 pu; on y trouve des granulations de chromatine sphériques dont le diamètre mesure de 2 à 5 . Enfin, le pronucleus prend une forme sphérique ; on distingue alors, dans sa masse claire, un fin réticulum, un gros nucléole très ressemblant au nucléole que nous avons appelé anté- rieurement tache de Wagner et une série de pseudo-nucléoles qui ne sont probablement que des granulations chromatiques. L’ovocentre et la sphère attractive y correspondant ne s’éloignent pas d’abord du pronucleus femelle ; nous les avons vus quelquefois accolés sur la membrane du demi-noyau femelle. Enfin, nous avons également vu, à différentes reprises, l’ovocentre et la sphère divisés. L'hypothèse de Boveri, qui fait dériver le corpuscule central devant fournir les centrosomes de segmentation de la pièce intermédiaire du spermatozoïde, est celle qui est généralement admise dans la science. Ce savant supposait, d’ailleurs, qu’il ne se formait pas de centrosome dans les fuseaux des globules polaires et que, par con- séquent, il ne pouvait pas subsister d’ovocentre. Mais bon nombre d'auteurs, tels que Rückert (95), Wilson et Matthews (95), Hill (95), Kostanecki et Wierzejski (96), etc., tout en maintenant l’origine mâle des corpuscules centraux de segmentation, pensent qu'il se produit un ovocentre qui disparaît en dégénérant, n intervenant pas ainsi dans la reconstitution du fuseau de segmentation. Un seul auteur, Wheeler (95 et 9%), combattu d’ailleurs par Kos- tanecki (98), prétend que, chez Myzostoma glabrum, V'ovocentre donne naissance aux centrosomes de segmentation, tandis que ce ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 231 serait le spermocentre qui disparaîtrait. Chez Prosthostomum siphun- culus, nous avons pu suivre, comme on l'a vu antérieurement, le développement, avec centrosomes, des figures cinétiques correspon- dant àux globules polaires ; après l’expulsion du deuxième globule polaire, nous avons constaté l'existence de l’ovocentre parfaitement constitué ; nous avons même vu la division de cet ovocentre ; chaque fois que nous avons pu le retrouver, même après la formation du pronucleus femelle, il ne nous à jamais apparu comme se trouvant en dégénérescence, ni comme en voie de disparition. Rien ne nous autorise, d’ailleurs, à mettre en doute les observations des auteurs cités plus haut; l'observation de Wheeler concernant Myzosioma glabrum est-elle vraie pour notre polyclade ? Nous ne pouvons donner actuellement une solution certaine à la question basée sur une obser- vation nettement catégorique; car, à notre avis, le point en litige doit se résoudre par l'étude de faits objectifs. Notre attention, par la suite, se portera particulièrement sur le sujet que nous traitons actuellement; nous espérons, d’ailleurs, arriver à bref délai à une solution certaine. PRONUCLEUS MALE. Nous l'avons constaté précédemment, le spermatozoïde pénètre dans l’œuf alors que celui-ci se trouve encore dans l'utérus. On peut observer l'élément mâle ayant une partie de la tête ou la tête entière plongée dans le cytoplasme. On voit également que la tête et une partie de la queue ont pénétré, une portion de celle-ci restant en dehors. Il est possible ainsi de voir toutes les phases de la pénétration du spermatozoïde, qui s’introduit d’ailleurs tout entier. Pour ce qui concerne le point de pénétration, nous ne pouvons affirmer que cette seule chose : c’est qu'il se trouve dans l’hé- misphère formateur ; nous ne pouvons dire si le lieu de pénétration est fixe et comme prédestiné. La tête du spermatozoïde a la forme d’une alène émoussée. Sur des coupes, elle se colore vivement en noir par la laque de Heiden- 232 P. FRANCOTTE. hain et en rouge par la safranine. Dans les œufs entiers, fixés aux liquides osmiques, suivant la méthode que nous avons indiquée an- térieurement, le colorant étant le vert de méthyle ou le réactif de Van Beneden, la tête du spermatozoïde se teint en vert intense. Elle mesure 7 à 8 y de longueur et 1 p d'épaisseur. La queue est fili- forme; elle a une épaisseur quatre à cinq fois moindre que la tête, tandis que la longueur est de 8 à 9 x. Elle est ondulée et souvent recourbée sur elle-même ; elle se colore aussi par la laque héma- toxylique de Heidenhaïn en une teinte gris bleuâtre. La pièce intermédiaire, d'abord relativement peu distincte, ne tarde pas à se différencier, tout en occupant sa position intercalaire entre la tête et la queue, en un corpuscule sphérique colorable comme la tête ou à peu près. Ce corpuscule deviendra le spermo- centre ou centrosome mâle. Dans certains œufs contenus dans l'utérus, il peut arriver que la queue du spermatozoïde se sépare et s'éloigne de la partie anté- rieure de ce dernier. Dans ces circonstances, un examen superficiel pourrait faire croire que le spermocentre nait de la tête du sperma- tozoïde. Autour de la queue du spermatozoïde, il se différencie une petite masse de protoplasme qui se colore en gris bleuâtre par la laque de fer à l’hématoxyline, le filament restant toujours très net et très distinct. Dans beaucoup de cas, la pièce intermédiaire ne se différencie nettement et ne se sépare complètement de tout le reste, pour constituer le spermocentre, que dans les œufs pondus. Presque en même temps, une sphère attractive irrégulièrement radiée enve- loppe le spermocentre. Décrivons, pour fixer les idées, la figure 14 de notre planche XVI; elle représente, grossie environ cinq cent cinquante fois, la coupe d’un œuf fixé au chlorure mercurique acétique et colorée à l’héma- toxyline au fer ; le stade est la métacinèse du second globule polaire; l’objectif employé pour obtenir la photographie est le ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 233 NA — 1,30, 2 m. de Zeiss, combiné avec l’oculaire à projection 2. Au centre de l'œuf se présente l’ovocentre o, coloré en noir ; il est entouré de granulations, qui sont externes à la sphère enveloppant le centrosome femelle. En dessous et à gauche, on voit une autre masse noire représen- tant le spermocentre s; il est plus petit que la masse o; il est envi- ronné déjà d'un protoplasme irrégulièrement étoilé, très bien figuré sur notre cliché négatif et sur nos positifs au gélatino-chlorure obtenus par noircissement suivi de virage; nous espérons que ces détails seront bien reproduits par la phototypie. Avec un objectif résolvant, on voit sur la préparation le spermocentre enveloppé d’une sphère formée de très fins microsomes,; c’est probablement la première trace de la couche corticale de la sphère attractive. Parlons maintenant de la coupe suivante, que nous n'avons pu figurer dans notre planche ; une description suffira d'ailleurs à l’in- telligence du sujet. Cette coupe montre le centrosome, qui sera expulsé avec le second globule polaire en contact avec la surface de l'œuf. L’ovocentre n’y a laissé que quelques vestiges, le rasoir n'ayant fait que l’effleurer; entre les deux centrosomes se trouvent tendus les fuseaux ; et sur le fuseau externe se sont attachés les segments chromatiques. On aperçoit encore sur cette coupe la masse ovoïde de chromatine provenant de la tête du spermatozoïde ; elle est entourée d’un amas protoplasmique plus considérable que celui qui forme la sphère attractive enveloppant le spermocentre. Sur des œufs entiers fixés comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises et colorés au vert de malachite et à la vésuvine, nous obser- vons, après l’expulsion du second globule polaire, qu'une membrane enveloppe la chromatine provenant du spermatozoïde; cette chro- matine s’est toutefois transformée en granulations et en un fin réti- culum, Il est d’ailleurs probable que le noyau mâle naît comme le demi- noyau femelle ; mais, ici, il ne se constituerait qu’un seul boyau, d’où dériverait une seule vésicule, 234 P. FRANCOTTE. FÉCONDATION ET FORMATION DU NOYAU DE SEGMENTATION. Les deux pronuclei arrivent en contact; les varicosités du demi- noyau femelle ayant disparu, celui-ci, nous l’avons vu, est devenu sphérique. Au point de contact, les membranes disparaissent; il y a fusion des deux demi-noyaux ; il se forme un seul noyau, qui est le noyau de segmentation. On ÿ trouve une charpente réticulée achro- matique se colorant peu par la laque hématoxylique de Heïdenhaiïn; des cordons chromatiques moniliformes ne tardent pas à se mon- trer. On trouve encore, dans le noyau de segmentation, un gros nucléole et un certain nombre de pseudo-nucléoles plus petits. La figure 45, pl. XVI, nous montre l’une des coupes sériées pro- venant d’un œuf fixé, le 24 avril, à Banyuls, à midi, par le chlorure mereurique et coloré à la laque ferrico-hématoxylique de Heiï- denhain ; la photographie a été obtenue avec l’apochromatique 2m.m., NA — 1,30 de Zeiss, combiné avec l’oculaire à projection 2, de telle sorte que le grossissement a été 550 diamètres. Au bas de l'image, on aperçoit le noyau de segmentation qui se trouve dans l’hémisphère formateur, l'hémisphère végétatif étant tourné vers le haut de la planche. Par la reconstitution des coupes, on peut s'assurer que la forme du noyau de segmentation est celle d’un ovoïde dont le grand axe mesure 30 y et le petit axe 95 pu. La membrane nucléaire est très nette ; elle a, particulièrement, été mise au point à gauche; elle est teintée en gris par le colorant. La charpente réticulée achromatique se montre fort bien sur le cliché ; l'expérience nous dira si la phototypie peut rendre ces fins détails. Il existe déjà un cordon de chromatine moniliforme, répondant au commencement du stade spirem ; deux sections transversales de ce cordon se montrent colorées en noir sur notre photographie; sur les autres coupes de la série, nous en trouvons des fragments plus ou moins considérables, En bas et à gauche, dans le noyau, se montre une masse noire ñ ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 235 sphérique, bien limitée ; elle est tangente intérieurement à la mem- brane nucléaire. La ressemblance avec un centrosome est si grande, que l’on serait tenté de croire à la possibilité du passage à travers la membrane nucléaire du corps dont il s’agit ici pour devenir le cen- trosome de segmentation; nos lecteurs ont déjà reconnu là, sans nul doute, un pseudo-nucléole dont il a été antérieurement ques- tion et qui ne forme jamais, d'après nos observations, chez Pros- thiostomum siphunculus, de centrosome. Au reste, on observe, dans la série de coupes, cinq pseudo-nucléoles semblables à celui que nous venons de décrire. CENTROSOMES ET FUSEAU DE SEGMENTATION. Nous venons de dire que les pseudo-nucléoles dont nous venons de parler ne constituent pas les centrosomes pour cette raison que, dans l’œuf dont il s’agit, les deux centrosomes sont déjà formés ; sur la figure 45 (pl. XVI), au-dessus et un peu à gauche, on voit l’un des centrosomes c au milieu de la sphère attractive irradiée ; en exami- nant la préparation, on découvre les deux centrosomes l’un à côté de l’autre : il suffit pour cela de faire varier la vis micrométrique très légèrement, pour les voir successivement apparaître. La photographie, qui ne reproduit que les objets qui se trouvent sur une faible épaisseur, n'a figuré qu’un seul centrosome ; quoi qu’il en soit, au microscope, les deux centrosomes qui viennent de se former aux dépens d’un seul se montrent d’une netteté remar- quable ; ils sont colorés en noir bleuâtre par la laque ferrico-héma- toxylique. Ils sont presque tangents l’un à l’autre. Les rayons des asters s’'irradient vers la périphérie de l'œuf et ils forment, en venant s’attacher à la membrane du noyau, un véritable cône. En faisant varier la vis micrométrique, la coupe correspondant à la figure 15, comme les autres sections de la série, fait voir que la membrane nucléaire est complète, sans solution de continuité nulle part. Mais d’où provient le centrosome qui vient de donner les deux 236 P. FRANCOTTE. eentrosomes dérivés ? Nos lecteurs savent déjà à quoi s’en tenir sous ce rapport; nous n'avons pu déterminer, d’une façon positive, sil était d'origine mâle ou femelle. La série de coupes qui nous occupe à ce moment ne montre aucune formation qui rappelle un centro- some ou une sphère attractive en dégénérescence. Il en est ainsi également pour d’autres séries que nous possédons. Il est cependant probable que l’ovocentre, ou le spermocentire, à disparu. Quoique nous ayons quelquefois observé posilivement l’'ovocentre et le sper- mocentre divisés, rien ne nous autorise cependant à admettre comme probable la réalisation du guadrille des centres de Fol. Nous ne pou- vons nous dispenser de trouver étrange cette division de l’ovocentre, s’il doit disparaître. Nous nous abstenons d'en dire davantage pour le moment, espérant de pouvoir résoudre objectivement cette ques- tion à bref délai. Il résulte de la description précédente que les irradiations de l’aster achromatique qui commencent à se développer sont d'ori- gine cyloplasmique ; ici encore, ce n'est qu'une différenciation du réticulum général cellulaire. Comme nous l'avons décrit antérieurement, le fuseau externe est constitué de fibrilles qui, partant du centrosome, traversent la mem- brane du noyau, celui-ci étant toujours à l'état vésiculaire. Nous avons d’abord observé un stade dans lequel il existe un cône de fibrilles ayant pour sommet le corpuscule central et, pour base, une calotte sphérique comprenant une partie de la membrane nucléaire. Ensuite, nous avons vu que les fibrilles du cône, première ébauche du fuseau périphérique, semblaient traverser la membrane du noyau; elles supportaient les chromosomes primaires. Une partie tout au moins des fibrilles des deux demi-fuseaux est d'origine cytoplasmique ; ce sont ces fibrilles qui, avant la dispari- tion de la membrane nucléaire, constituaient le cône primitif, qui avait pour sommet le centrosome et, pour base, une portion de la membrane du noyau. Par la suite, alors que la membrane du noyau existe toujours, la ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 937 partie externe (cytoplasmique) d'une même fibre est si bien en rap- port avec la partie interne (nucléaire) que tout l’ensemble est en ligne droite ; on pouvait ainsi émettre l'hypothèse que tout le fuseau périphérique est d’origine cytoplasmique ; c'est ce que nous avons fait dans notre travail de 1587. Remarquons cependant qu'il arrive souvent que la partie interne, nucléaire par conséquent, d’une fibre partant du centrosome ettra- versant en ligne droite le noyau, se colore plus vivement par la laque ferrico-hématoxylique et la safranine que la partie restée en dehors du noyau ; comme nous le dirons par la suite, nous pensons que l’origine du fuseau est à la fois cytoplasmique et nucléaire. Quant au fuseau central, nous pensons qu ‘il est d’origine nucléaire et qu'il s’est formé par l'orientation du réseau achromatique nu- cléaire ; il ne s’est pas, à coup sûr, formé aux dépens des centro- somes par centrodesmose. Comme chez l'Ascaris megalocephala, il existe, à un moment donné, deux cônes antipodes résultant de la différenciation de fibrilles des asters achromatiques qui deviennent très robustes. Il n’est pas rare, sur des œufs entiers, de constater l'existence de cercles polaires (Van Beneden [S87)). Voyons maintenant ce que devient, dans le noyau de segmenta- tion, la substance chromatique. Chez notre Prosthiostome, on ob- serve, après la fusion des pronuclei, une phase dans laquelle la laque de fer à l'hématoxyline et la safranine colorent un grand nombre de sphérules de chromatine, reliées entre elles par des fibrilles ténues, mais très colorables ; ces granulations chromatiques ont un dia: mètre de 1! à2u:; dans une même coupe de 5 k d'épaisseur, on aperçoit souvent dix granules de cette espèce. Les sphérules disparaissent et il naît, dans le noyau, un cordon chromatique moniliforme du stade spirem. Peu avant la disparition de la membrane, le cordon se segmente en anses où chromosomes ; on compte seize chromosomes primaires au stade monaster. La disparition de la membrane se réalisant, on 238 P. FRANCOTTE. ne tarde pas à voir la division longitudinale des anses. Cette division longitudinale a lieu très souvent suivant le mode hétérotypique que Van Beneden a si bien décrit chez l’Ascaris megalocephala (8). Les anses jumelles ou secondaires se séparent donc, de façon que leur écartement est maximum vers le milieu et décroît vers leurs extré- mités ; on rencontre ainsi très souvent des figures doliformes. Quand l'écartement des anses est déjà considérable et que le stade dyaster est déjà très avancé, par exemple, quand l'écartement entre les deux étoiles filles est de 12 p, alors que ces mêmes étoiles ne se trouvent qu’à une distance de 4 p des centrosomes, dans la forme hétéro- typique, il existe encore des filaments réunissants excessivement robustes se teignant fortement en bleu foncé par la laque ferrico- hématoxylique. Ces filaments sont moniliformes; ils portent, en outre, des granules, probablement de chromatine, comme si celle-ci avait fusé de distance en distance. Ces filaments réunissants, très colorables, persistent pendant longtemps. Dans la forme homéotypique, les filaments réunissants esitent également, mais ils se colorent beaucoup moins; ils ne prennent qu'une teinte peu différente de celle du fuseau. Enfin, les anses de l'étoile mère et de l’étoile fille sont réunies par de minces connectifs colorables. Les noyaux fils, en entrant au repos, sont munis de lobes vésiculeux comme ceux qui ont été décrits par Van Beneden, en 1887, p. 255 et 250 (8%), el qui naissent aux dépens des bouts marginaux des chromosomes. Dans un prochain travail, nous nous réservons de revenir sur cette question avec plus de détails. Avant que le sillon circulaire qui doit séparer l'œuf en deux blas- tomères soit prononcé, il apparaît des granulations sur le milieu des fibres du fuseau qui se trouvent entre les deux dyasters. Ges granulations se colorent vivement, surtout par la laque ferrico- hématoxylique. Il se constitue ainsi une plaque cellulaire, qui per- siste après la division en deux blastomères. Ceux-ci, alors quils sont complètement individualisés, sont quelquefois réunis l’un à l’autre, vers le milieu de leur surface de contact, par un petit ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 239 pédicule constitué par les derniers linéaments des fibres du fuseau. Les deux premiers blastomères sont à peu près égaux, et la répar- tition du deutoplasme ne présente plus cette disposition réalisée dans l’œuf au début du développement en deux hémisphères. Au stade quatre, les blastomères sont à peu près égaux. Mais au stade huit, il se forme quatre gros blastomères et quatre petits comme chez tous les Polyclades. Puis, on assiste à des phénomènes analogues à ceux que nous avons étudiés antérieurement quant à la répartition du deutoplasme dans les quatre blastomères qui vont se diviser ; le deutoplasme s’amasse dans un hémisphère dans lequel le réseau est moins serré ; on distingue, dans chaque blastomère, un hémisphère formateur où la figure cinétique se transporte, attirée par un cône antipode robuste. Bref, les phénomènes qui se passent au stade huit rappellent en tout point ce qui s’est produit lors de la réalisation des globules polaires ; il est entendu qu'il s’agit, non pas des phénomènes inté- ressant les éléments chromatiques, mais seulement ceux qui con- cernent les asters achromatiques, les fuseaux ainsi que les mouve- ments se produisant dans le réseau cytoplasmique. Il LEPTOPLANA PALLIDA (LANG). RENSEIGNEMENTS ZOOLOGIQUES. En 1897, au mois d'avril, nous avons recueilli à Port-Vendres et dans Les environs du laboratoire Arago, sous les pierres et dans les algues, une dizaine de Leptoplana pallida. Cette espèce n'est autre chose que Polycælis pallidus et P. modestus de de Quatrefages, qui l'avait trouvée en 1845, à Naples, dans les fucus. Quant à Lang, il a rencontré Leptoplana pallida à Castello-dell Uovo, à une faible profondeur, dans les algues. Les exemplaires que nous nous sommes procurés sur les côtes du Roussillon mesuraient 9» 9 de long et 5 millimètres de large. Cette espèce recherche, à 240 P. FRANCOTTE. peu près, le même habitat que Prosthiostomum siphuncuius ; toute- fois, ayant placé quelques-unes de ces Leptoplanaires bien vivantes avec des Prosthiostomes, ceux-ci ont dévoré celles-là ; nous pensons qu'il y a antagonisme entre ces deux espèces. En 1898, malgré les recherches les plus minutieuses, nous n’avons pu nous procurer, ne fût-ce qu’un seul exemplaire, de Leptoplana pallida aux endroits mêmes où nous nous les étions procurés, une année auparavant. Nous avons gardé assez longtemps quelques exemplaires de Lep- toplana pallida, dans des aquariums, espérant en obtenir des pontes. Une étude attentive nous fit découvrir que ces animaux n'étaient pas à maturité sexuelle ; cependant, par transparence, on voyait qu’il existait des œufs, d’ailleurs relativement peu nombreux, dans l’uté- rus. Nous avons préparé les animaux par le chlorure mercurique acétique et nous les avons coupés. Nous avons coloré les séries de sections par l’hématoxyline au fer de Heidenhain. Les coupes confirmèrent les observations que nous avions faites sur le vivant : les animaux n'étaient pas à maturilé. Cependant les œufs restés dans l’utérus présentaient un grand intérêt au point de vue de la structure du cytoplasme. Comment expliquer la présence d'œufs dans l'utérus, alors que l'animal n’est pas en maturité sexuelle ? Nous pensons que l'espèce que nous étudions actuelle- ment, comme Leptoplana tremellaris, donne ses œufs en automne; jusqu’au mois de décembre, il est probable qu'il y a encore des pontes; les œufs que nous trouvions dans l'utérus provenaient de la maturité automnale ; ils ont continué à vivre sans se développer; toutefois, certains œufs paraissaient avoir subi une dégénérescence; tandis que les autres, à en juger par comparaison avec les ovules de Leptoplana tremellaris que nous étudions encore, n'avaient subi aucune atteinte dans leur structure. Tandis que chez Leptoplana tremellaris à maturité sexuelle, le deutoplasme, dans les jeunes ovules, prend beaucoup la laque ferrico-hématoxylique, chez L. pallida, dans les circonstances où nous avons pu en faire l'étude, il n’en est pas de même; nous pou- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 241 vons ainsi beaucoup mieux nous rendre compte de la structure du protoplasme de l’œuf. Comme les photographies 16, 17 et 18 (pl. XVI) le montrent, le réticulum cytoplasmique est particulièrement remarquable ; il est constitué de fibres qui, en s’entre-croisant, forment des mailles ; ces dernières, sur les coupes et comme le montrent nos figures, ont l'aspect de polygones à cinq, six ou sept côtés; à l’aide d’un objectif bien résolvant, on peut se convaincre que les fibres sont elles-mêmes formées de fibrilles moniliformes ; celles-ci se déta- chent des gros faisceaux primaires et, entre les grandes mailles, elles forment un réticulum secondaire délicat que nos figures ne montrent pas, car il aurait fallu, pour obtenir une image de cette disposition, ne photographier qu'une seule grande maille primaire, mettant seulement au point le réticulum secondaire. La surface de l'œuf est occupée par des fibres du réseau cytoplas- mique; de cette surface, il part des faisceaux de fibres qui semblent y prendre racine. C’est ce que montre très bien la photographie 17 (pl. XVI) ; vers le haut, un amas de fibrilles f aboutit à la surface de l’œuf en s’épanouissant et en s’accumulant sous une certaine épais- seur à la circonférence de la coupe. Entre les mailles du réseau, on trouve des sphérules plus ou moins considérables. Le réseau cytoplasmique n'est pas disposé au hasard ; au con- traire, il existe une véritable orientation qui a pour centre le noyau ; vers ce dernier, toutes les fibres primaires convergent en rayonnant. Les coupes ont ainsi un aspect radié. La photographie 18 (pl. XVI) représente un œuf coupé et mon- trant cette disposition rayonnante vers le noyau; la section n’a entamé qu'une légère portion du noyau, qui se montre vers le centre sous forme d'une masse plus colorée. Le plus grand diamètre de l’œuf dont il s’agit ici était 172 p, le plus petit diamètre mesurait 160 &. Sur de très jeunes ovules de Zeptoplana tremellaris, nous avions déjà constaté, par nos études antérieures, l'existence d’une struc- ture également radiée autour du noyau. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. = T, VI. 1898. 16 242 P. FRANCOTTE. Des essais de reconstitution d'une série de coupes d'un même œuf nous font penser qu'il n’existe pas d’alvéole;, mais que toutes les cavités formées par les mailles du réseau communiquent libre- ment l’une avec l’autre. Les noyaux des œufs Îles plus développés, contenus dans l'utérus, prennent vivement les couleurs et particulièrement la laque héma- toxylique au fer de Heidenhain. Ces noyaux paraissent au repos, ils contiennent un gros nucléole (diamètre, 12 u) et un réticulum chro- matique, formé de fibres moniliformes. Ces noyaux sphériques, quelquefois un peu bosselés, ont un diamètre mesurant en moyenne 98 Lu. La membrane nucléaire se colore vivement. Les œufs, moins développés, montrent, outre un nucléole de la dimension que nous renseignons ci-haut, une charpente ayant l'as- pect d’un réseau doni les fibres semblent passer à travers la mem- brane du noyau, comme si le tout ne constituait avec le réticulum cytoplasmique qu'un seul réseau général cellulaire. Gette disposi- tion, qui se montre ailleurs chez les Polyclades, est conforme à ce que Rawitz (95) et Reinke (95) ont observé, et pour qui Le cytomi- tome est en continuité directe avec la charpente de linine du noyau. Nous avons attiré antérieurement l’attention du lecteur sur ce fait qu'il était primitivement difficile de distinguer, chez les Polyclades, dans des œufs en maturation, un centrosome où un corpuscule central d’une sphérule de deutoplasme. Dans les œufs qui ont sé- journé longtemps dans l'utérus de notre Leptoplanaire pâle sans se développer, le deutoplasme se colorant peu, il nous a été facile de mettre en évidence le corpuscule central et la sphère attractive à un moment où nous n’aurions rien obtenu dans les circonstances ordinaires. L'analyse de la figure 13 (pl. XVI) va mettre ce fait en évidence. | Elle représente l’une des coupes faites dans un œuf de Leptoplana pallida, dont le noyau est au repos, comme le prouve l'étude de la série de sections. Cet œuf est ovoïde ; le grand diamètre mesure 160 L. ; le petit diamètre en Mesure 148. La charpente cytoplasmique ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 243 se présente comme nous l'avons décrite précédemment ; mais elle n'est pas visible sur la photographie, parce qu'elle est moins co- lorée et parce que l’on n’a mis au point que les éléments dont nous allons parler. On distingue, sur l’image, un corpuscule cen- tral c enveloppé d’une sphère attractive ; celle-ci est irrégulièrement étoilée ; elle est, en outre, très réduite. Il n’existe pas d'irradiation d’aster achromatique. Le corpuscule central vrai mesure 3 p ; il ne paraît point enveloppé comme il le serait si les irradiations des asters achromatiques existaient déjà. La granulation qui le constitue se présente à nous comme simple. Quant à la sphère attractive, elle est constituée de fins microsomes. Il ne s’agit pas ici d’un fait isolé, particulier à l'œuf que nous montre la figure 43 (pl. XVI). D’autres œufs offraient également les disposi- tions que nous venons de faire connaître. De ce que la sphère attractive et le corpuscule central persistent ainsi pendant un long espace de temps d'inactivité, nous pouvons croire que ce sont là des formations permanentes de l’œuf et qu’il est possible qu'ils soient l’un et l’autre d’origine cytoplasmique. Remarquons que l’étude de la série de coupes de l’œuf corres- pondant à la photographie 13 (pl. XVI), prouve également que le réticulum cytoplasmique est encore irradié autour du noyau. Les œufs renfermés dans l'utérus de Zeptoplana pallida, dans les conditions que nous venons de décrire, ne contenaient pas de sper- matozoïdes. IL PROSTHECERÆUS VITTATUS. LANG. RENSEIGNEMENTS ZOOLOGIQUES. Nous nous sommes occupé longuement, dans notre travail de 1897, du développement de Prostheceræus vittatus. Nous avions découvert, à Concarneau, en 1896, des individus de cette espèce atteints de gigantisme et qui offraient cette anomalie intéressante 244 P. FRANCOTTE. de donner des premiers globules polaires ayant un quart, un tiers du volume de l'œuf, et même égalant ce volume. Ces globules po- laires fécondés devenaient des Gastrula. À Roscoff, nous avons obtenu un Prostheceræus vittatus mesurant 5 centimètres de long ; mais, l'individu ne contenait ni œuf, ni spermatozoïde. L'utérus et les testicules étaient remplis d’un liquide Lenant en suspension des cellules en dégénérescence. Nous sommes retournés à Concarneau, et, malgré les recherches les plus minutieuses, nous n'avons plus retrouvé de Prostheceræus vittatus. À Roscoff, cependant, nous avons récolté, à la plage, un certain nombre d'exemplaires normaux mesurant de 2 centimètres et demi à 3 centimètres et demi. FORMATION DU PREMIER FUSEAU DE DIRECTION. Comme complément à nos observations antérieures, nous allons décrire quelques faits qui nous paraissent intéressants. Occupons- nous d’abord de l’origine du fuseau cinétique correspondant au premier globule polaire. Nous avons montré qu'il se formait dans le cytoplasme deux cônes constitués de fibrilles ayant pour base un triangle sphérique ou la surface d’une calotte sphérique limitée sur la paroi de la vésicule germinative encore close. À notre avis, ces deux cônes ne sont autre chose que la première trace des deux demi-fuseaux. Si l’on examine la figure A ci-contre qui représente, rapportée sur zinc, une photographie d'une coupe d’un œuf de Prostheceræus à un grossissement de 1000 diamètres. on voit au- dessus de la vésicule germinative un centrosome formant le sommet d'un des cônes dont il s’agit ici, la base dudit cône étant une partie de la surface de la membrane vésiculaire. Dans l’intérieur de la vési- cule germinative, en examinant la suite des coupes, on découvre un réseau achromatique à mailles très nettement visibles; les segments nucléaires ont, d’ailleurs, à ce moment, l’aspect d’anneaux ou de corps quadrilobés. Inférieurement, on distingue également le cen- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. . 5 trosome ; mais le cône d’où dépendra le demi-fuseau inférieur n’est pas visible sur l’image, À ce moment, entre les deux centres ciné- tiques, dans le cytoplasme, il n’est pas tendu de fibrilles et, à travers la vésicule germinative, il n’y a pas non plus de filaments passant à travers le nucléoplasme pour réunir ces deux centres cinétiques. Ce n’est donc pas par centrodosmose que se constitue le fuseau cen- tral, sinon, en dehors de la vésicule, nous eussions retrouvé des Fig. À, Centrosome, fuseau périphérique, vésicule germinative complètement close. Grossissement : 1000 diamètres. filaments réunissant les centrosomes. Nous ne nions d’ailleurs pas que, quand les centrosomes sont rapprochés, il existe des fibrilles _qui les réunissent ; nous avons même, quelquefois, observé ce fait, mais nous avons de bonnes preuves pour croire que ces fibres ne constituent pas le fuseau central; à ce moment, ce dernier n'existe pas. Nous pensons qu'il se forme tardivement aux dépens des fibres du réseau du noyau. | Par la suite, on trouve des fibres qui traversent la membrane 246 P. FRANCOTTE. vésiculaire : et chacune de ces fibres, partant du centrosome, pré- sente à considérer une partie extranucléaire moins colorée provenant ri cône décritci-hautet d’une partie nucléaire plusteintée parla laque hématoxylique de Heidenhain. On observe encore quelquefois ce fait que la partie de la fibre qui se trouve dans l'intérieur est formée d’une substance colorée comme la partie siégeant dans le cyto- plasme; toutefois, la partie intranucléaire est revêtue d’une sub- stance plus colorable. Nous l’avons dit tout à l’heure, dans le noyau, il existe un réseau ; les fibres du fuseau ne sont autre chose que des filaments de ce réticulum, qui sont unis aux fibres du cône cytoplas- mique en une telle concordance, qu'il n'est plus possible, par la suite, de reconnaître l’origine des deux parties intra et exiranu- cléaire; sans nul doute, c’est sous l'influence du centrosome et de la sphère attractive que cet état de choses s’est réalisé. Quand la membrane nucléaire existait encore, nous avons pu observer que les fibres du fuseau s’envoient réciproquement des fibrilles secondaires, le tout formant encore un véritable treillis. Quand la membrane disparaît, d’un centrosome à l’autre, les fibres du fuseau sont uniformément colorées, et l’on ne distingue plus les origines des fibres du fuseau. En résumé, nous estimons que le fuseau n’est autre chose qu'une différenciation du réseau cytoplas- mique et nucléoplasmique. Les deux réseaux étant, d’ailleurs, en continuité à travers la membrane du noyau, il y a lieu de ne les considérer que comme dérivant d'une seule et unique formation qui se montre d’ailleurs ainsi quand la membrane nucléaire disparaît. Au reste, Boveri (95) remarque dans son travail sur l'œuf d'£chi- nus microtuberculatus que la linine du noyau ne se distingue pas des filaments du protoplasme. Nous avons dit ailleurs que Rawitz (95) et Reinke (95) avaient montré qu'il existait une véritable continuité entre le réseau cytoplasmique et nucléoplasmique. L'opinion de Mitrophanow (94) sur le sujet que nous traitons actuellement mérite d’être citée ici #n extenso : « 4° Le réseau du corps cellulaire (plastine) et celui du noyau ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 247 (linin) ne présentent pas des formations qui soient morphologique- ment limitées d’une manière très prononcée (fig. 3, 9-11, 13-15, 21, 20121129) « 4° La figure achromatique, contenant le fuseau nucléaire cen- tral et la figure rayonnante (sphère attractive), se forme, d’un côté, du réseau du noyau, de l’autre, de celui du corps cellulaire, et pré- sente ainsi un élément qui les lie organiquement (fig. 3-6, 8-11, 22; 29 et 30). « 6° Étant liés avec le réseau nucléaire, les filaments réunissants peuvent se trouver en connexion immédiate avec le réseau du corps cellulaire (fig. 13-15), ce qui est typique pour le reste du réseau nucléaire. » CENTROSOMES. Dans nos coupes de Prostheceræus géant, nous avons souvent ren- contré des œufs utérins qui, au stade de la métacinèse correspon- dant au premier globule polaire, présentaient déjà les phénomènes de la division du centrosome. Dans certains ovules, l’un des centro- somes était allongé en biscuit ; dans d’autres œufs, il était disposé en haltère. Enfin, comme le montre la figure 36 (pl. XIX), représen- tant une coupe d’un œuf utérin de Prostheceræus vittatus traité par le chlorure mercurique acétique et teint à la laque ferrico-héma- toxylique, les deux nouveaux centrosomes nés par division sont tangents. Pour démontrer la propriété que possèdent les centrosomes de se diviser, il n’y a pas, à notre avis, d'exemple plus démonstratif que celui que nous offrent les œufs de nos individus géants. Dans le cas qui nous occupe actuellement, c'est le centrosome dirigé vers l'hémisphère formateur qui offre cette particularité; et, dans la formation du premier globule polaire anormal, cetie divi- sion précoce du centrosome joue probablement un rôle en impri- 248 P. FRANCOTTE. mant une orientation particulière au protoplasme d’où résulteraient les anomalies que nous avons observées. Remarquons encore que, dans les œufs qui ont fourni le premier globule polaire volumineux, la répartition du deutoplasme n'est pas la même que dans les œufs normaux ; les deux hémisphères, formateuret végétatif, ne sont pas aussi nettement accusés et au lieu d’un seul cône antipode, comme -il s’en forme lors de l’expulsion du premier globule polaire normal, il s’en réalise deux; de là, la division de l’œuf en deux parties presque égales. Nous avons également vu, dans nos préparations, la division des deux centrosomes primaires, de sorte qu’à la métacinèse il y avait dans l’œuf quatre centrosomes. Pour ce qui concerne la formation du premier globule polaire, l'étude des œufs représentés par les figures 34 et 35 (pl. XVII) nous paraît d’un haut intérêt. Ils avaient été fixés au liquide de Fol, montés à la glycérine, le colorant étant la vésuvine et le vert de malachite. L’œuf correspondant à la figure 34 (pl. XVII), dont nous avons déjà fait en partie l’étude antérieurement, montre, outre le centrosome et le corpuscule central, comment les fibres des asters viennent s’insérer au centrosome ; la préparation montre nettement - que ces fibres ne s'arrêtent pas à la surface de ce dernier, mais qu’elles pénètrent jusqu’au corpuscule central. Entre les deux centrosomes attachés sur les fibres du fuseau externe, on voit, figurés, deux des six segments chromatiques. Notre figure 34 (pl. XVII) nous donne encore des renseignements précis, quant à la constitution du réseau cytoplasmique ; vers l'hé- misphère végétatif, on voit de grandes mailles formées de fibrilles ténues ; vers le pôle animal, lieu où se dirige toute la figure ciné- tique, les mailles sont beaucoup plus serrées. Enfin, les irradiations de l’aster achromatique qui vont former le cône antipode sont net- tement indiquées. La figure 35 (pl: XVII) donne une idée très précise de la constitution de ce cône antipode à un âge plus avancé. Les fibres qui le constituent ont atteint la surface de l’œuf; là, le réti- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 249 culum cytoplasmique est très puissant. Certaines fibrilles, celles qui siègent au centre du cône, s'arrêtent dans le réticulum de la surface ; d’autres fibres se bifurquent ou s’infléchissent; d’autres enfin, les plus externes, se dirigent suivant les méridiens du corps ovulaire. L'examen des dispositions que nous venons de décrire nous permet de penser que le rôle du cône antipode est d'amener, comme nous l'avons décrit ailleurs, toute la figure cinétique à la périphérie de l’œuf et de contribuer ainsi à l'expulsion du premier globule polaire. Nous avons rencontré des œufs sur lesquels nous avons pu exa- miner la division du spermocentre. Comme nous l’avons décrit, ce dernier se constitue aux dépens de la pièce intermédiaire; il a, d’abord, l'aspect d’une sphère. Bientôt, il s’allonge, prenant l’appa- ‘rence d’une lentille biconvexe ; la sphère atiractive, formée en même temps que le spermocentre, s’allonge également; puis, le centro- some mâle ressemble à un biscuit; enfin, il devient une petite hal- tère dont le bâton, unissant les deux boules, disparaît, de sorte que les deux demi-spermocentres sont tangents l’un à l’autre. L'image 33 (pl. XVII) est la photographie d’une coupe d'œuf fixé au chlorure mercurique, teint à la laque hématoxylique au fer : le centrosome est allongé en biscuit, la sphère attractive qui l'entoure est égale- ment allongée. Des fibres de l’aster achromatique sont formées et elles s’irradient dans le cytoplasme. Sur la coupe suivante de la même série, on découvre encore des fragments des parties que nous venons de décrire ; puis, en dedans, on trouve le pronucleus mâle. Enfin, dans la série de coupes du même œuf, nous observons le pronucleus femelle, ainsi que l’ovocentre également environné d'une sphère attractive ; cet ovocentre n'était toutefois pas divisé. 250 P. FRANCOTTE. IV CYCLOPORUS PAPILLOSUS. LANG. (Fig. 37 et 38, pl. XIX bis.) Planaria Schlosseri. Giard (8). Proceros tuberculatus. Schmidtlein (80). RENSEIGNEMENTS ZOOLOGIQUES. Dans notre travail de 1897, à la page 30, nous avons dit que nous avions récolté, à Concarneau, sur des algues, trois exemplaires de Cycloporus papillosus ; cette dernière assertion, quant à l'habitat, est le résultat d’une erreur de copie; ce n’est point sur des algues que nous avons recueilli les spécimens dont il s’agit ici, mais bien sur des Botrylles. En 1897, aux mois d’août et de septembre, à Roscoff d'abord et à Concarneau ensuite, nous nous sommes procuré, sur des Synascidies, un assez bon nombre d'individus de cette espèce. Au bas dela page 30 de notre mémoire (9%), nous disons que c’était la première fois que Cycloporus papillosus était signalé dans l'Atlantique. Cette affirmation nécessite une explication. L'honneur d’avoir trouvé, dans la Manche, l'espèce dont nous nous occupons à ce moment, revient à Giard (2 et #3); il l'a appelée Planaria Schlosseri ; toutefois, ce savant auteur n’en donne qu’une description sommaire et deux croquis. D'abord, dans son travail de 1872, inti- tulé : Recherches sur les Ascidies composées ou Synascidies, Giard la représente par la figure 9, pl. XX VII (vol. I des Archives de zoologce expérimentale et générale). Dans l'explication de la planche, il appelle ce Polyclade « Planaire parasite du Potryllus violaceus ». Nous lisons, page 558 du mémoire : « On trouve surtout sur le Botryllus violaceus une planaire bleue, tachetée de jaune, qui se con- fond très aisément avec les systèmes de l’Ascidie. » A la page 488 de son travail de 1873 intitulé: Æistoire naturelle des ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 251 Synascidies (Archives de zoologie expérimentale et générale, vol. IT), Giard s'exprime comme suit: 3 Planaria Schlosseri (n. sp.). — En ce qui concerne le mimétisme des Pla- naires, je puis ajouter un exemple fort remarquable à ceux que j'ai donnés an- érieurement. J'ai trouvé sur le Botryllus Schlosseri, variété Adonis, une Pla- naire dont l'aspect est tellement semblable à celui d’un individu de ce Botrylle, qu'il faut une grande attention pour la distinguer à la surface du cormus de l’Ascidie. M. le professeur Baudelot et M. Lemire, qui se trouvaient avec moi à Roscoff et à qui je communiquai cette observation, furent quelque temps à dé- couvrir la Planaire mimétique sur un cormus que je leur désignais. La Planaria Schlosseri est longue de 10 à 12 millimètres, large de 4 à 5 millimètres, et pré- sente à sa partie antérieure deux prolongements courts et émoussés. Elle est d’un blanc grisâtre pigmenté de jaune vif et de quelques points d’un noir vio- lacé. Au-dessus du système nerveux central se trouve un gros point rouge-car- min ayant identiquement la forme et la nuance du point ganglionnaire du Po- tryllus adonis. Le tube intestinal est droit et présente seulement de chaque côté deux ou trois cæcums latéraux d’un rouge vif, disposition qui simule les lignes radiales et la croix du Botrylle. Une ligne longitudinale de pigment blanc divise en deux le tronc du tube digestif et achève ainsi la ressemblance. L'illusion est complète quand la Planaire est en repos et ses mouvements seuls peuvent déceler sa présence (voir pl. XIX, fig. 1). Lang (84), à la page 590 de son travail intitulé : die Polycladen, cite le texte qui précède, en le faisant suivre de la remarque: ANHANG ZUR FAMILIE DER EURYLEPTIDEN. Planaria Schlosseri Giard. Die Abbildung ist ebenso mangelhaft wie die Beschreibung, der carminrothe Punkt liegt nicht über dem Gehirn, sondern viel weiter nacht hinten, er be- zeichnet wahrscheinlich das vordere Ende des Hauptdarmes. Die Abbildung zeigt, dass die Art Augen besitzt. Im vorderen Theile rechts und links von der Medianlinie bemerkt man mämlich zwei langgestreckte, schwarz getüpfelte Streifen, die beiden Gruppen der Gehirnhofaugen. Giard bezeichnet sie in der Figurenerklärung als « tache pigmentaire ». Lang (84), qui a étudié d’une façon complète Cycloporus papil- losus, n'a pas reconnu que Planaria Schlosseri n’était autre chose que cette première espèce. Schmidtlein (80) s'est également occupé d’une espèce qu'il a appelée Proceros tuberculatus, que Lang à assi- milé à Cycloporus papillosus. Quant à nous, avant notre séjour à 252 P. FRANCOTTE. Roscoff (août et septembre 1897), nous ne soupçonnions même pas que l'espèce que nous avions trouvée à Concarneau (1896) avait été découverte par Giard et décrite par lui sous le nom de Planaria Schlosseri. Si un auteur tel que Lang, aussi expérimenté en ce qui concerne les Polyclades, n’a pu deviner que Planaria Schlosseri n’était autre chose que Cycloporus papillosus, on ne s’étonnera pas qu’en 1896, à Concarneau, nous n'ayons pu faire mieux. Ce n’est que grâce à notre séjour à Roscoff qu'il nous est permis d'affirmer que l’espèce dont nous nous occupons à ce moment a été vue pour la première fois par Giard ; aucun doute n’est possible sous ce rap- port : il n’y a, dans cette localité, qu'une Planaire vivant habituelle- ment surles Botrylles et les mimant,comme le décrit fort bien Giard ; elle possède, dans la plupart des cas, le point rouge carminé dont parle Giard, placé en arrière du ganglion nerveux, et que Lang croit n'être autre chose qu’un diverticule du tube digestif. Voici à quoi est due cette tache pigmentaire : on reconnaît facilement au microscope que l’épithélium de Cycloporus papillosus contient des granulations de pigment rouge, non visible à l'œil nu sur l’animal nouvellement capturé; ce pigment est la cause d’une teinte légère générale, rou- geâtre quand l'animal est décoloré par le jeûne, comme nous le ver- rons par la suite ; en arrière du ganglion nerveux, dans l’épithélium, le pigment s’est accumulé en abondance, de là, l'existence de la tache rouge signalée par Giard ; elle n’a aucun rapport avec le gan- glion nerveux, comme le pensait ce savant auteur. Les autres parti- cularités signalées par Giard répondent à Cycloporus papillosus. Les individus que nous avions récoltés en 1896, à Concarneau, étaient munis de grandes papilles dorsales très bien visibles à l'œil nu. La tache pigmentaire rouge était très accentuée. Les spécimens recueillis à Roscoff, en 1897, ne possédaient le plus souvent que des papilles plus petites ; quelquefois, on ne les découvrait qu'après la fixation par le liquide de Flemming ou par le chlorure mercurique acétique. Cependant, dans la dernière localité citée, nous avons aussi rencontré des exemplaires ayant les papilles aussi grandes ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 253 que celles portées par les animaux examinés à Concarneau; enfin, en 1897, dans les environs de cette dernière station, nous avons également obtenu des Cyclopores à petites papilles. Bref, nous avons observé toutes les transitions de grandeurs pour ce qui concerne Îles papilles, depuis les dimensions les plus développées jusqu’à celles si réduites qu'il était difficile d’en constater la présence à center cela dans les deux localités que nous avons explorées. Les spécimens à papilles développées répondent à la variété Cy- cloporus papillosus établie par Lang ; quant aux spécimens à papilles peu visibles, ils doivent être rangés dans la variété Cycloporus papil- losus, variété lævigatus, du même auteur. Ces deux variétés qui, à Roscoff et à Concarneau, passent de l’une à l’autre, ont été décrites et figurées par Lang dans son grand travail cité plus haut. Quant à la tache carminée dont parle Giard, elle répond à une tache rosée qui est d’ailleurs figurée par Lang (84) sans avoir de limites aussi nettes, au bas et au milieu de l’amas d’yeux cervicaux (tafel VI, fig: 2). Au reste, cette tache n'est pas permanente ; à Con- carneau et à Roscoff, nous avons vu des exemplaires qui en étaient complètement privés et d’autres exemplaires où elle était très réduite. Cette tache peut même disparaître chez un même individu tenu en captivité pendant longtemps (fig. 37, pl. XIX bss). Au reste, nous avons gardé, en 1897, à Roscoff, les animaux Vi- vants que nous avions récoltés à Concarneau et nous avons pu nous assurer ainsi de l’identité spécifique des exemplaires récoltés dans les deux localités. Pendant notre séjour à Roscoff, nous avons obtenu bon nombre de clichés de Cycloporus papillosus. Les figures 37 et 38 de notre planche XIX bis reproduisent, en phototypie, deux de ces clichés ; elles représentent les animaux vivants photographiés instantané- ment : nos Polyclades étaient placés dans une petite cuvette creusée dans un porte-objet, assez profonde pour qu'aucune déformation ne se produise en recouvrant le tout d’un couvre-objet. Toutefois, les papilles dorsales étaient alors aplaties. 294 P. FRANCOTTE. L'appareil employé était la chambre microphotographique de Zeiss, de récente construction, supportée par une solide tige en fer, pouvant occuper la position verticale ou horizontale, suivant les besoins. Cet instrument a été confectionné pour l'usage exclusif de la microphotographie (avec microscope composé). Entre nos mains, il a subi des modifications telles que, non seulement il peut servir à son usage primitif, mais encore on peut l’employer également à la reproduction d'animaux entiers, en grandeur naturelle ou faible- ment amplifiés par l'usage d'objectifs ordinaires à foyers divers. Pour ce qui concerne les Polyclades, nous remplacons le micros- cope composé par le support d’un microscope simple dont nous enlevons les loupes. Au lieu de la planchette portant l'anneau qui doit unir le microscope à la chambre, nous glissons une autre plan- chette munie d’un pas de vis tel que nous puissions y adapter soit l'objectif 70 millimètres de Zeiss, soit l'objectif de 35 millimètres du même constructeur. Sur l'objectif, nous appliquons un ajutage en forme de rondelle, de façon à pouvoir disposer ensuite l’obturateur Leconstant. Disons en passant que nous adaptons, à l’aide de planchettes de rechange, n'importe quel objectif sur notre chambre et qu’en même temps, à l’aide de rondelles appropriées, nous fixons l’obturateur instan- tané ; nous photographions ainsi les animaux en expérience, soit dans des cristallisoirs, soit dans des aquariums à faces parallèles, la chambre étant placée horizontalement ou verticalement. Pour obtenir les clichés des Polyclades représentés par nos fi- gures 37 et 38 (pl. XIX is), nous avons opéré en plein soleil et ins- tantanément, les animaux étant en mouvement. Voici comment nous disposons l’éclairage : le iniroir du microscope simple sur lequel est appliquée la préparation est recouvert d’une rondelle de papier blanc ; nous nous sommes servi également de papier légère- ment teinté en jaune par l'acide picrique. Par ce dispositif, les ani- maux ne sont pas incommodés par une trop vive lumière et celle-ci est d’ailleurs répartie plus uniformément sur la plaque que si l’on n'avait ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 255 pas pris les précautions que nous indiquons. Il résulte de ce que nous venons de dire, que l’image de l’animai sera obtenue en partie par transparence, par les rayons venani du réflecteur en papier, et par réflexion, par les rayons tombant directement sur l’objet à pho- tographier. La figure 37 (pl. XIX bis) représente un Cycloporus papillosus vu de la face dorsale. En avant, on voit les deux tentacules ff, dans la posi- tion où ils se trouvent habituellement quand l'animal circule libre- ment sans rencontrer d’obstacle. À l’état de repos, ces organes se distinguent à peine. La forme générale de notre Cycloporus papil- losus représentée sur cette image rappelle l’aspect de la figure 5 (tafel 8) de l'ouvrage de Lang (84). Le cerveau n, placé sur la ligne médiane, est représenté sous la forme d'un ganglion recouvert laté- ralement par deux groupes de points pigmentaires qui sont les yeux; ces groupes se prolongeni par une suite d’yeux isolés jus- qu'aux tentacules ; à la base de ces derniers, les organes visuels sont très nombreux. Sur la ligne médiane, se trouve représentée la branche principale de l'intestin ; perpendiculairement, six paires de branches secon- daires latérales viennent s’y adapter. Ces branches se ramifient d'abord et finissent par s’anastomoser vers les bords de l'animal. En arrière de la branche principale de l’intestin, deux tubes cou- rent latéralement et parallèlement à ce dernier; ils se réunissent postérieurement; ce sont les branches postérieures de l’utérus. Un examen superficiel de l’image ferait croire que la dernière paire de branches latérales de l’intestin est en communication avec ces tubes utérins; il n’en est rien; ce sont là simplement des organes super- posés. Notre image 37 (pl. XIX bis) montre que l’animal est recouvert de taches colorées : ces taches sont, sur le vivant, de couleur jaune clair ou bien de couleur rouge-carmin; ce sont là, d’ailleurs, des choses variables d’un spécimen à l’autre. Elles répondent, pour la plupart, aux papilles dorsales ; ces taches sont irrégulièrement grou- 256 P. FRANCOTTE. pées ; vues par transparence et étant plus denses que le reste du corps, elles sont imprimées en teinte sombre sur le positif. Sur la ligne médiane, on découvre également une série de taches plus grandes et également groupées ; elles représentent sur l'animal des surfaces colorées en rouge et en jaune. En avant de la première paire de branches latérales de l'intestin, et en arrière du cerveau, se trouve ordinairement la tache pigmen- taire observée d’abord par Giard. Sur l’animal que nous avons pho- tographié, cette tache était presque nulle ; il n’en existait qu'un rudiment que l’on remarque immédiatement en arrière du cerveau, à droite de la ligne médiane et presque tangent au ganglion. Gette tache, qui peut manquer, n’a donc rien de caractéristique ; la lettrer indique la place où ordinairement cette tache s’observe. La figure 38 (pl. XIX bis) nous montre l'animal observé par la face ventrale. Sur la ligne médiane, on voit la branche principale du tube digestif d’où partent perpendiculairement six paires de bran- ches secondaires ; celles-ci se ramifient d’abord, puis elles s’anasto- mosent ensuite. Sur notre photographie,on peut s'assurer que les derniers rameaux périphériques de l'intestin arrivent jusqu’à la surface du corps. Ils s'ouvrent même au dehors, comme Lang l’a décrit, par de petits pores épithéliaux; dans l’épithélium, on voit ces petits tubes en communication avec les dernières ramifications du tube digestif. Ces petits tubes épithéliaux ont leur paroi interne remplie de pig- ments rouge intense; ce pigment pénètre même profondément dans le corps cellulaire. L'existence des taches rouges épithéliales dont nous avons parlé plus haut est due, en grande partie, à la présence de ces tubes; la tache pigmentaire contient également un grand nombre de tubes à parois pigmentées, semblables à ceux que nous venons de décrire. La tache pigmentée ne serait pas un seul diverticulum du tube digestif, comme cela s’observe sur Stylostoma variabile que nous avons récolté à Roscoff et comme le suppose Lang, dans sa note sur Planaria Schlosseri, mais ce serait une agglo- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 957 mération de tubes épithéliaux terminaux en rapport avec les rami- fications du tube digestif ; de là, la disparition de la tache occasionnée par le jeûne, comme nous l’avons vu antérieurement. Il est probable que les tubes épithéliaux, dernières ramifications de l'intestin, rejet- tent une matière pigmentaire rougeûtre; en effet, quand un Cyclo- porus maculatus est resté immobile pendant longtemps, il laisse, à l'endroit où il a séjourné, une tache rougeâtre ayant les dimensions du corps de l’animal. Vis-à-vis de la quatrième paire de branches intestinales secon- daires, sur la ligne médiane, se trouve la ventouse (Saugnapf) ; elle n'est pas visible sur la photographie, l'épaisseur du tube digestif n'ayant pas permis à la lumière de passer à travers le tout, de facon à rendre évidente l'existence de cet organe. En avant, on remarquera les tentacules {ft dans l’état où ils se trouvent quand on inquiète l'animal; cet aspect rappelle, d’ailleurs, celui que Lang a représenté par sa figure 1, tafel 6 (84). Les phénomènes de mimétisme concernant notre Polyclade ont été fort bien décrits par Giard ; nous nous permettons, cependant, d'y ajouter quelques mots. Les Polyclades que nous étudions à ce moment possèdent,au moment de la capture, absolument la couleur de Fa Synascidie sur laquelle on les récolte ; celle-ci est-elle violette, rosée ou verte, le Cycloporus est respectivement violet, rosé ou vert, La nuance dans la teinte est même absolument reproduite par le Polyclade. Nous avons, un jour, récolté un Cycloporus violet sur une Synascidie jaune; ce fait nous parut en contradiction avec nos observations antérieures ; un examen attentif nous fit découvrir que la pierre sur laquelle était attachée la Synascidie de couleur jaune portait également des fucus couverts de Botrylles violets que nous n'avions d’abord pas aperçus ; le Polyclade coloré en violet venait probablement de se transporter d’un Botrylle violet sur une Ascidie de couleur jaune. Nous avons étudié expérimentalement le mimétisme des Poly- clades et surtout nous avons, sous ce rapport, observé plus particu- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉNe. — 32 SÉRIE. — T,. VI. 1898, 17 258 P. FRANCOTTE. lièrement Cycloporus papillosus. Quoique ce point de nos recherches s'éloigne du sujet principal de ce travail, nous croyons utile de ré- sumer brièvement l'exposé des résultats auxquels nous sommes arrivé. Nous nous sommes d’abord heurté à quelques difficultés : nous ne sommes pas parvenu primitivement à faire vivre les Synascidies assez longtemps dans des aquariums pour que les expériences fussent concluantes : il était nécessaire, d'autre part, de se servir de réci- pients pas trop volumineux, afin que les Planaires se retrouvassent facilement : et si elles venaient à quitter leurs supports naturels, 1l fallait qu'elles pussent y revenir. Voici le dispositif, d’ailleurs très simple, que nous avons imaginé : dans un aquarium mesurant 80 X 70 X 40 centimètres cubes, nous avons suspendu un petit filet rectangulaire (40 X 35 c.)en mousse- line très fine ; ce filet était maintenu par quatre baguettes de verre s'appuyant sur les bords de l'aquarium ; les trois quarts du filet seulement étaient constamment immergés. Les Synascidies et les Planaires étaient déposées dans le filet, dans lequel un jet d'eau aérée tombait constamment. Nous avons également placé les animaux en expérience dans des cristallisoirs dont nous fermions l'ouverture à l’aide d’un fragment de mousseline, maintenue sur les bords du verre par une ficelle. Nous faisions arriver le jet d’eau aérée sur la mousseline tendue comme le parchemin d’un tambour; les animaux se trouvaient ainsi emprisonnés, mais l’eau dans laquelle ils vivaient était constamment renouvelée; le cristallisoir était, d'ailleurs, plongé aux trois quarts dans un grand aquarium dans lequel l'eau s’écoulait. D'abord, nous avons entretenu des C'ycloporus papillosus dans nos appareils dont l’eau, constamment renouvelée, ne contenait abso- lument aucune nourriture. Apres quatre à cinq jours de jeûne, la coloration primitive violette, rose, jaune, brune ou verte, disparais- sait; la tache carminée seule persistait, mais elle diminuait de vo- lume: les taches jaunes persistaient assez longtemps. En même ETUDES SUR LES POLYCLADES. 259 temps, on trouvait dans le fond du cristallisoir des amas de pigment coloré qui avaient été rejetés par les Cycloporus. Si, dans le filet dont nous avons. parlé plus haut ou dans le cris- tallisoir fermé par de la mousseline, on introduit des Cyclopores en même temps que des corps jaunes, des coquilles par exemple, les animaux en moins d’une demi-heure y sont établis ; mais ils ne tardent pas à abandonner ce support, qui ne leur fournit qu’un des éléments qu’ils recherchent et qui doit être un objet coloré qui les protège en les confondant avec lui ; il leur faut un autre élément : la nourriture. Que l’on introduise maintenant dans le filet un frag- ment de Botrylle coloré en jaune, attaché, autant que possible, à une petite pierre ou à un fragment de fucus ou de laminaire, les Planaires soumises à l'observation et qui avaient été décolorées par le jeûne ne tardent pas à s’y établir ; elles ne quittent plus ces supports ; au bout de trois jours, le mimétisme est si parfait qu'il est difficile de distinguer le Polyclade de la Synascidie qui le porte. Il va sans dire que la Planaire à absorbé les éléments colorés emprun- tés aux Tuniciers. Soumet-on à un second jeûne le Cyclopore: actuellement coloré en jaune, au bout de quatre à cinq jours il redevient blanc, très légèrement rosé, les taches jaunes persistant. Nous avons aussi placé nos Cyclopores décolorés dans le filet, avec des Botrylles violets ; après quatre à cinq jours, ils ont pris la même teinte que si nous venions de les récolter à la plage sur une Ascidie composée ayant cette couleur. Enfin, après une décoloration prati- quée comme nous l’avons expliqué, nous avons fourni à nos Pla- naires des Synascidies rougeâtres, et nos Turbellariés ont encore pris la couleur de leur support. Donc, un même Cyclopore d’abord coloré en violet, récolté sur un Botrylle violet, a été successivement décoloré et coloré en jaune, en violet et, enfin, en rouge. Le mimé- tisme dont il s’agit ici est celui que Giard a appelé le mimétisme va- mable temporaire ou simple (p. 860, loc. cit.). Il n’est pas soumis à la volonté. Cependant, il est un acte posé par la Planaire qui ressort de la volonté ; c’est la façon de se poser sur la Synascidie : si nos 260 P. FRANCOTTE. Planaires se disposaient au hasard, sur les Botrylles, malgré la colo- ration mimétique, elles seraient assez facilement découvertes ; elles se placent, non seulement de manière que le tube intestinal et ses cæcums latéraux simulent les lignes radiales et la croix du Botrylle, mais encore de telle sorte qu'il y ait une véritable concordance entre la place occupée sur le Botrylle et l’image même du parasite; en un mot, la Planaire, quand elle va se mettre au repos, se dispose volontairement sur la Synascidie de façon que la surface qu'elle figure est semblable à la surface du Botrylle qu’elle recouvre. Un mot sur la préparation des Polyclades entiers ne nous parail pas, à cet endroit, déplacé. Jusqu'à ce moment, une méthode pra- tique pour conserver la forme et la couleur naturelles de ces ani- maux n’est pas connue; les réactifs produisant l’anesthésie, tel que la cocaïne, n’ont pas donné de bons résultats ; les animaux tombent irop facilement en déliquescence sous l'influence des agents étran- sers, qui paraissent toujours produire, avant de les rendre insen- sibles etimmobiles, une irritation contre laquelle Îles tissus réagis- sent. Voici le moyen que nous avons mis en œuvre avec un réel succès : les Planaires sont placées sur un porte-objet dans lequel est creusée une petite cuvette; on recouvre d’une lamelle, de façon à comprimer légèrement l'animal ; s’il est nécessaire, on soutire un peu d’eau par absorption à l’aide dun buvard. Peu à peu, les mouvements de l'animal emprisonné cessent ; il est probable qu'il s’asphyxie lentement dans le gaz carbonique qu'il exhale; après deux heures, l'immobilité est complète; mais le Turbellarié n’est pas mort, et si, dans cet état, on le soumettait à l’action d’un réactif fixateur, il y aurait un retrait assez considérable; c'est pourquoi, pour éviter cet inconvénient, la préparation est introduite dans une chambre humide, dans l’eau de laquelle on a dissous une dizaine de gouttes de formol; après quatre ou cinq heures, quand ce dernier agent aura diffusé sous la lamelle et aura produit la mort complète des tissus, on placera, sur l’un des côtés de la lamelle, quelques gouttes du liquide sucré de Fabre-Domergue, tandis que, de l’autre ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 261 côté, on aspirera, à l’aide d’un papier buvard, le liquide dans lequel la Planaire a été primitivement immergée. Dans le liquide de Fabre- Domergue, la conservation des couleurs est assurée pendant long- temps. On fermera la préparation par un lut convenable. GÉNÉRALITÉS SUR L'ŒUF. Nous avons coupé longitudinalement et transversalement un bon nombre de spécimens de Cycloporus papillosus. Dans l'utérus, se trouvent accumulés un grand nombre d'œufs, depuis les états les plus jeunes jusqu’au stade de la métacinèse préalable à la forma- tion du premier globule polaire. Ce dernier stade y est souvent très avancé, comme le montrent les figures 31 et 32 (pl. XIX). Nous avons également coupé des œufs que nous extrayions de l'utérus en y pratiquant des piqûres ; on peut, ainsi, sur de grands spécimens, obtenir des amas d'œufs qu’il est facile de fixer, soit par le liquide de Flemming, de Hermann, ou par le sublimé acétique. Dans les ovules jeunes, le réticulum cytoplasmique est disposé en rayonnant autour du noyau; ce réseau forme une charpente que la coloration à l’hématoxyline au fer rend très élégante ; les fila- ments réticulaires sont constitués de fines granulations juxtaposées réunies par une substance se colorant moins; il en résulte un aspect moniliforme caractéristique; dans des œufs obtenus par piqûre, fixés par le liquide de Fol et colorés au vert de malachite et à la vésuvine et montés dans la glycérine, les filaments du réticulum se montrent également moniliformes, les granulations se teignant en vert intense. La disposition rayonnée du réticulum autour du noyau dispa- raît pendant les phénomènes de la mitose ; autour de la figure ciné- tique, il se produit des mailles plus denses formant un ovoïde dans lequel siège la figure cinétique ; une zone enveloppant cet ovoïde renferme un réticulum à mailles plus larges et à fibrilles moins robustes ; ces fibrilles seules atteignent la surface de l'œuf. La dis- position que nous venons de faire connaître brièvement, très visible, 262 P. FRANCOTTE. soit sur des œufs entiers, soit sur des coupes, a été décrite à la page 31 de notre mémoire de 1897. _ Le cytoplasme qui occupe les mailles du réseau est légèrement coloré en gris par l’hématoxyline au fer, surtout si l’on a eu recours à une post-coloration à l’hématoxyline de Bœhmer, ce cyto- plasme intraréticulaire est formé de sphères plus ou moins consi- dérables qui, d’ailleurs, varient de diamètre, selon les stades. Le deutoplasme est d’abord irrégulièrement réparti dans les mailles du treillis; ensuite, il paraît se condenser à la périphérie de l'œuf; enfin, il s’'amasse au pôle végétatif; toutefois, il en reste tou- jours une mince couche très près de toute la surface, excepté là où les globules polaires viendront se disposer. VÉSICULE GERMINATIVE. La vésicule germinative ou noyau de l’œuf, d’abord sphérique, devient finalement ovoide. Le grand diamètre mesure 30 à 40 k. Rela- tivement au volume primitif de l’œui, cette dimension du noyau est considérable. La membrane nucléaire se colore très bien par les réactifs spécifiques de la chromatine ; cette membrane est tapissée à l’intérieur, pendant tout le temps de son existence, par de fines granulations très colorables ayant un diamètre variant entre un demi ou un quart de p. Dans les vésicules germinatives jeunes, on distingue un réseau constitué de filaments qui, à leur intersection, forment des nœuds ; d’abord, ce réseau se teint peu par les réactifs de la chromatine ; par la suite, ce réticulum se charge vivement des couleurs. Puis, il s'organise un cordon de chromatine aux dépens du réseau comprenant primitivement cette substance. En traitant par le tricolorant dont nous avons parlé précédemment, nous avons obtenu une coloration qui, croyons-nous, présente un intérêt : le cordon chromatique se montrait teint en un beau vert intense, mettant en relief les fins microsomes qui le constituaient; la fuchsine acide (rubine S) avait été retenue faiblement par un réticulum qui différait de la chromatine, non seulement par la réaction de couleur, ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 263 mais encore par un aspect particulier des fibres dont la structure, également microsomale, était très différenciée. Sur des coupes, on constate souvent que le cordon de chromatine s’arc-boute sur la membrane nucléaire en des poinis opposés; la figure 22 (pl. XIX) représente la silhouette de deux fragments du cordon chromatique ainsi disposé. Dans tous les œufs ayant un noyau encore clos par une mem- brane, le nucléole (tache de Wagner) existe; il se colore d’autant plus vivement par la laque ferrico-hématoxylique que le stade est moins avancé. Dans les stades plus développés, il ne se teint plus qu’en bleu clair. Cependant, il arrive souvent qu’une circonférence reste plus colorée que le reste, comme si elle représentait, sur la coupe, une membrane. Dans le nucléole, on rencontre souvent une ou deux granulations plus denses, ordinairement centrales, retenant d’une facon plus intense les couleurs. Le diamètre du nucléole ne varie pas dans la suite des stades; il a toujours, en moyenne, une longueur de 7 pu. Outre le nucléole dont nous venons de parler, il existe encore, comme nous l’avons vu chez Prosthiostomum siphunculus, des corps sphériques dont le diamètre varie entre À et p. Ils se colorent comme le nucléole et comme les centrosomes ou même comme les corpuscules centraux. On les voit, représentés dans les figures 22 (pl. XIX) et 23 (pl. XVIII) ; ils affectent un aspect rappelant un centrosome. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet. Ces corps sont également colorables, comme la chroma- tine ; quelquefois, ils sont en contact avec la membrane nucléaire ; ils refoulent celle-ci vers le cytoplasme; ils produisent ainsi de petites hernies vers l'extérieur du noyau. Dans l’une des coupes de la série qui nous a donné la figure 19 (pl. XVI), l’un de ces corps sphériques se trouve en partie dans le noyau, en partie dans le cyto- plasme, comme si la membrane avait été réellement traversée. Il est possible que les corps dont nous venons de parler répondent aux éléments chromatiques dont l'élimination du noÿau à été étudiée par quelques auteurs, entre autres par Van Bambeke (93). 264 P. FRANCOTTE. Le cordon chromatique se segmente transversalement en huit tronçons. Nous avons vu plusieurs fois, chez Cycloporus papillosus, que les segments nucléaires se clivaient longitudinalement, les extré- mités des tronçons restant coalescents; il en résulte des anneaux dont nous avons parlé dans notre travail de 1897 et qui ont été figurés dans la vésicule germinative de l’œuf représenté par notre photographie 34, pl. II (#3). Aux dépens de ces anneaux, se forment les groupes quaternes, qui ont quelquefois l'aspect de corps cruci- formes, de bâtonnets, de nœuds, de masses quadrilobés à lobes iné- gaux plus ou moins sphériques. Il s’est réalisé ainsi huit segments nucléaires aux dépens de la chromatine du noyau. Quand ils sont parfaitement individualisés, un réseau achromatique persiste dans le noyau ; l’hématoxyline au fer le teint en gris, et quand le tricolo- rant que nous avons renseigné antérieurement réussit, la fuchsine acide le teint en rouge. Il n’est pas rare de voir les filaments du réseau cytoplasmique en continuité avec ceux du réseau nucléo- plasmique. CENTROSOMES, CORPUSCULES CENTRAUX, SPHÈRES ATTRACTIVES. Les granules de deutoplasme se colorant vivement par les réactifs spécifiques du centrosome et du corpuscule central, pendant toute une période, il ne nous est pas possible de nous assurer, d'une façon certaine, de la présence dans l’œuf de ces parties des centres ciné- tiques. Cependant, en décolorant beaucoup, quand il s’agit de la laque ferrico-hématoxylique, il arrive souvent qu'il reste dans le cytoplasme, alors que l’ovule est encore relativement jeune, une granulation colorée entourée d’une masse étoilée légèrement teintée en gris. C’est probablement là un centrosome. Toutefois, nous ne pourrions l’affirmer d’une façon absolue. Quand nous pouvons déceler avec certitude le centrosome, les ovules contenus dans l'utérus se trouvent au stade dont on se fera une idée exacte en analysant les deux photogrammes 19 (pl. XVII) et 21 (pl. XVIII). À ce moment du développement, ou peu avant, le ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 265 centrosome est appliqué tellement bien sur la membrane de la vésicule germinative qu’il semble naître de celle-ci. Nous avons observé ce fait chez Prostheceræus vittatus (voir fig. 6, pl. Il, 9%); ou bien encore, le centrosome est en contact avec la membrane nu- cléaire: cet état est rendu objectif par la figure 19 (pl. XVIT) ; enfin le centrosome peut être éloigné de la membrane; c'est ce que montre notre figure 21 (pl. XVII). La coupe représentée par la photographie 19, pl. XVII, provient d'un œuf utérin fixé au sublimé acétique; elle nous montre la vési- eule germinative ovoïde, encore close, et dont le grand diamètre mesure 35 &, tandis que le petit en mesure 27. On voit que la paroi s’est teinte vivement; aux deux extrémités d’un même diamètre, on aperçoit les deux centrosomes dont la section mesure en longueur environ 4 u. Si l'on reconstitue la série des trois coupes sur les- quelles nous découvrons des fragments des centrosomes, on peut s'assurer qu'ils ont l’aspect biconvexe. La préparation montre avec une netteté parfaite qu’il existe un intervalle entre la membrane vésiculaire et les centrosomes. Un espace clair, dans lequel on découvre de fins microsomes, entoure le centrosome. Notre pho- iographie figure encore les rayons des asters qui se montrent ici comme des différenciations du réseau cytoplasmique. Sur la prépa- ration, il est possible d’apercevoir à l’aide de l'objectif homogène N À — 1,30, 2 millimètres de Zeiss, des rayons d'aster formés de fins microsomes et qui partent du centrosome inférieur. Quoique les coupes soient minces, nous ne pouvons déceler ici le corpuscule central. En bas et à droite, nous voyons, dans la vésicule germinative, la silhouette d’un de ces pseudo-nucléoles dont nous avons parlé antérieurement ; il est appliqué sur la membrane nucléaire. La coupe suivante, de la même série, fait voir l'un de ces pseudo- nucléoles enclavé dans la membrane, de telle sorte qu'une moitié est dans le cytoplasme et l’autre moitié dans le nucléoplasme. L'analogie de forme et de coloration entre ce pseudo-nueléole et 266 P. FRANCOTTE. le centrosome et même le corpuscule polaire, en maintes circon- stances, ferait croire que ces derniers sont expulsés du noyau. Dans ‘le cas qui nous occupe, il n'en est rien, puisque les deux centro- somes qui se montrent dans la coupe se trouvent situés dans le cytoplasme. En examinant notre photogramme 21, pl. XVIII, on découvre encore des dispositions analogues à celles que nous venons de dé- crire ; le stade représenté est d’ailleurs semblable au précédent. Il s’agit toujours d’un œuf utérin fixé au chlorure mercurique acétique et teint à la laque ferrico-hématoxylique. La vésicule germinative possède une paroi qui s’est vivement colorée; un gros pseudo-nu- cléole est figuré à droite et non loin de la membrane ; des anneaux chromatiques se découvrent dans les préparations; l’image n’en montre que des sections mal définies. Au-dessus de la vésicule ger- minative, on voit le centrosome au milieu de la sphère et de l’aster achromatique. Une particularité digne d’être notée est celle-ci : le centrosome est éloigné de la membrane nucléaire. Analysons maintenant le photogramme 20, pl. XVIT; il représente encore l’une des sections d’un œuf utérin à un stade un peu moins avancé que précédemment ; la série de coupes est faite suivant un plan perpendiculaire à celui correspondant à la coupe représentée par la figure 19, pl. XVII; cette série nous montre une vésicule ger- minative sensiblement dans le même état que précédemment. Mais, ici, les deux centrosomes ne sont pas placés à l’extrémité d’un même diamètre ; ils sont au contraire situés l’un à côté de l’autre et imparfaitement séparés ; ils simulent un haltère dont le bâtonnet serait très court; une zone corticale allongée environne l’ensemble ; les deux centrosomes secondaires qui vont se séparer naissent d’un centrosome primaire, unique aux débuts. Nous avons vu sur d’autres œufs, au même stade de l’évolution, des centrosomes très allongés, d’autres simulant l’aspect d’un biscuit ; bref, nous avons eu l’occa- sion d'analyser toutes les phases de la division des centrosomes, telle qu'elle a été écrite ailleurs. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 267 Un examen attentif de la série complète des coupes dont faisait partie celle qui est représentée par la photographie 20 (pl. XVII), nous permet d'affirmer qu'il n'existe pas d'autre centrosome que ceux que nous venons de décrire et qui figurent sur l’image. Occupons-nous maintenant de la figure 22 (pl. XIX) représentant une coupe d’un œuf utérin passant par l’un des centrosomes, le rasoir ayant traversé la plus grande partie de la vésicule germina- tive: celle-ci est encore complètement close et la membrane se colore comme dans le cas précédent. Un cordon chromatique moni- liforme se remarque. La série de coupes permet de constater que le nucléole vrai, « la tache de Wagner», existe; il est coloré en noir par la laque ferrico-hématoxylique. L’un des centrosomes est figuré sur l'image de notre coupe ; il est enveloppé d’une zone corticale et de l’aster chromatique. Le fait sur lequel nous désirons attirer l’at- tention du lecteur est celui-ci : non loin du centrosome, en bas et à droite, on remarque accolé intérieurement à la membrane un corps semblable par la forme et par les dimensions au centrosome; ce corps s’est d’ailleurs coloré comme ce dernier, si bien que nous avons cru un instant que le corps qui nous occupe à ce moment était le second centrosome sur le point de sortir du noyau. L'étude de la série de coupes nous à montré qu’il existait un se- cond centrosome, placé non loin de la membrane du noyau, dans une position à peu près diamétralement opposée à celui qui est figuré par le photogramme 22, pl. XIX. Le corps qui simule un cen- trosome est l’un des pseudo-nucléoles dont nous avons parlé à diverses reprises. L'existence simultanée des centrosomes siégeant dans le cyto- plasme et des pseudo-nucléoles intranucléaires ne constitue pas une exception ; elle peut se constater à des stades plus avancés, alors même que la membrane vésiculaire prend un aspect bosselé; c'est ce que nous allons mettre en évidence par l'étude des deux coupes d’un même œuf utérin, représentées par les photogrammes 23 et 24, pl. XVIII. La fixation, dans cette circonstance, a encore été le 268 P. FRANCOTTE. 1 chlorure mercurique acétique, et la coloration à eu lieu par la mé- thode de Heidenhain à l’hématoxyline au fer. Pour obtenir la coupe représentée par la photographie 24, nous avons fait passer le rasoir par les deux centrosomes ; comme on peut le voir, la vésicule germinative a une forme irrégulière ; la membrane existe pourtant encore ; elle se colore moins que dans les stades précédents : elle est en voie de disparaitre ; la photogra- phie ne la montre plus aussi nettement que dans les images 19 et 20, pl. XVII. Inférieurement, on voit un centrosome nettement accentué, enveloppé d'une sphère attractive et d’un aster achroma- tique. L'autre centrosome, que l’on remarque à la partie supérieure du noyau, n’a été que très légèrement entamé; le fragment qui est figuré se montre, cependant, enveloppé de la sphère attractive et de l’aster achromatique. La coupe représentée par la figure 93, pl. XVIII, appartenant, nous le répétons, à la même série, est placée, sur le couvre-objet deux rangs après celle que nous venons d’exa- miner ; elle permet de constater que la vésicule germinative possède l'aspect qui a été décrit ci-haut, cette image montre mieux la mem- brane vésiculaire; en haut et dans l’intérieur du noyau, et placés l'un vis-à-vis de l’autre, on distingue deux pseudo-nucléoles appli- qués contre la membrane et simulant, à s’y méprendre, des cen- trosomes en voie de sortir du noyau. On peut même distinguer, avec un objectif convenable, dans l'intérieur de ces pseudo-nucléoles, une granulation très petite. L'examen des coupes prouve, à la der- nière évidence, que les centrosomes siègent dans le cytoplasme ; il n’est pas possible d'admettre que les corps que nous avons ap- pelés pseudo-nucléoles entrent pour quelque chose dans la genèse des centrosomes ou dans celle des corpuscules centraux. Enfin, notre série de coupes nous a montré que, dans l’œuf dont nous venons de parler, le nucléole existe toujours ; il est coloré en noir intense. Les fuseaux externe et central, les asters achromatiques s’orga- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 269 nisent chez Cycloporus papillosus comme chez les espèces dont nous nous sommes occupé précédemment. En attendant que nous puis- sions publier un travail plus complet sur ces formations, nous nous contenterons de dire qu’une partie des fibres du fuseau externe est d’origine cytoplasmique ; c’est celle qui se montre dans le cône pri- mitif que nous avons décrit et figuré pour Prostheceræus vittatus, alors que la vésicule est encore close; l’autre partie est d’origine nucléaire. Il y a ici analogie parfaite entre la genèse du fuseau externe chez Cycloporus papillosus et Prostheceræus viitatus. Quant aux fibres du fuseau central, mieux que pour les espèces étudiées antérieurement, il nous a été possible de constater que ce n’est point par centrodesmoses qu’elles se forment, mais qu'elles naissent dans le noyau aux dépens de la charpente achromatique qui s'oriente sous l'influence des centres cinétiques. C’est ainsi que, dans des séries de coupes comme celles que nous a données la pho- tographie 19, il nous est possible de nous assurer que les deux cen- trosomes ne sont pas reliés par des fibrilles se rendant directement de l’un des centres cinétiques à l’autre. À ce moment même, le fuseau central n’est pas ébauché. Quand nous trouvons les centrosomes en contact, lors de leur di- vision, comme elle est figurée par le photogramme 20, pl. XVII, des rayons d’aster ou des fibres du réseau cytoplasmique les relient sans nul doute. Mais quand ces éléments s’éloignent l’un de l’autre, les fibres achromatiques ne les relient plus et elles ne forment, par conséquent, pas le fuseau central. Pour donner une idée de l’état de choses au stade de l'étoile mère, nous avons figuré deux coupes représentées par nos photo- grammes 26, pl. XVII, et 28, pl. XIX. La photographie 26 représente un œuf utérin fixé au chlorure mercurique acétique ei teint à l'hé- matoxyline au fer; la coupe passe par les deux centrosomes ; elle montre 4 des 8 segments nucléaires. Au sommet du fuseau, chacune des deux grosses sphères qui sont figurées en noir intense représente le cenirosome, plus une mi- 270 P. FRANCOTTE. nime partie de la zone corticale immédiatement en contact avec l'enveloppe du centrosome ; cette partie a une grande tendance à conserver la laque ferrico-hématoxylique. Les mêmes formations sont figurées sur notre photogramme 28 (pl. XIX). Ici, nous voyons 6 des 8 segments ayant l'aspect de corps cruciformes, de corps quadrilobés ou de bâtonnets. Il s'organise un cône antipode dans l’hémisphère formateur ou animal, que les œufs entiers montrent fort bien. Ce cône, très ro- buste, est d’ailleurs figuré sur notre photogramme 31 (pl. XIX); attirée par ce cône contractile, toute la figure cinétique chemine vers le pôle animal où se fera l’expulsion du globule polaire. Sur un petit nombre de préparations, nous avons vu nettement que des extrémités internes des fibres des asters atteignaient le cor- puscule central vrai. Le cliché négatif qui a fourni le photogramme 31 (pl. XIX) montre cette disposition intéressante ; mais, c’est là un détail si délicat, que nous n’espérons pas que la phototypie puisse le représenter fidèlement. Le corpuscule central est figuré dans les images 25 (pl. XVII), 27, 29 (pl. XVIII), 30 et 31 (pl. XIX). Non loin de cette extrémité, qui atteint le corpuscule central, il se produit, comme nous l'avons décrit précédemment, des renfle- ments dans les fibres des asters ; ces renflements, entrant en coa- lescence, constituent une espèce de membrane réalisant un espace clos de toute part; nos préparations, comme les photographies ci-haut indiquées, montrent avec une grande netteté la coupe de cette membrane, que la laque hématoxylique teint avec la même intensité que la membrane de la vésicule germinative. Cette disposition est commune à tous les Polyclades qui ont fait l’objet de nos études, à tel point que, si l’on n'avait en vue que ces animaux, on pourrait dire que le centrosome est un corps enve- loppé dans un espace clos de toute part. Continuons notre étude par l’analyse plus détaillée des coupes représentées par les figures 25 (pl. XVII), 27 (pl. XVIII), 30 et 31 (pl. XIX). Elles représentent toutes des œufs utérins fixés au chlorure ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 271 _ mercurique acétique et colorés, en prenant certaines précautions, par la laque ferrico-hématoxylique. La coupe 95 (pl. XVII) entame obliquement l’axe du fuseau (stade monaster) ; elle montre la section de la paroi de la sphère envelop- pant le centrosome colorée avec autant d'intensité que s’il s’agis- sait de la membrane vésiculaire. Le centrosome proprement dit (zone médullaire de Van Beneden) est décoloré de façon à montrer nettement la granulation (centre de la sphère), et qui constitue le corpuscule central; ce dernier mesure environ 1 y. de diamètre. Sur la préparation et entourant l'enveloppe du centrosome, avec un objectif bien résolvant, on distingue, concentriquement disposées en dehors, des granulations qui constituent la couche la plus in- terne de la zone corticale de Van Beneden; plus en dehors,on voit le reste de cette zone corticale ; enfin, on peut se faire une idée de la structure de l’aster formé de rayons qui s’envoient des filaments grêles de moins en moins nombreux, à mesure qu'ils se rapprochent du centre de la figure. La coupe représentée par la photographie 27 (pl. XVIII), provenant d’un œuf utérin fixé au chlorure mercurique acétique et teint à l’hé- matoxyline au fer, a été faite à peu près suivant le plan passant par les deux centres cinétiques ; cependant, il résulte de la très légère obliquité que l’un des centrosomes est seul figuré ; de l’autre centre cinétique, on ne voit guère qu’une trace de la zone corticale el les rayons des asters. L’enveloppe du centrosome c, que l’on peut certainement assi- miler à une membrane, est très nette sur nos préparations ; elle est colorée d’une façon intense ; elle est parfaitement limitée el parfai- tement différenciée des éléments qui l'entourent comme de ceux qu’elle enclôt ; elle se montre ici tout aussi bien individualisée que l'est la membrane de la vésicule germinalive. Le corpuscule central est lenticulaire ; il est plus volumineux que dans les œufs de Cycloporus papillosus que nous avons étudiés pré- cédemment. 272 P. FRANCOTTE. Les rayons de l’aster correspondant au centrosome c se montrent assez nettement, mais la couche corticale ne se différencie guère de ‘tout le reste. Quant aux chromosomes, sur l’image que nous ana- lysons, ils n’ont pas été mis au point avec précision ; on n’en voit, par ce fait, que des silhouettes. Pour ce qui concerne l'image 29 (pl. XVIII), les renseignements techniques sont les mêmes que pour le photogramme précédent, c'est-à-dire que la fixation employée a été le chlorure mercurique et la coloration, l'hématoxyline au fer de Heidenhain. La coupe est oblique par rapport à l’axe du fuseau et le plan par lequel elle passe intéresse l’un des centres cinétiques ; ce plan est, en outre, tangent extérieurement à l’£'ioile mere, de facon à entamer légèrement deux chromosomes. Le centrosome c est ovoïde ; son grand axe mesure environ cinq m. Le corpuscule central a l'aspect d’une lentille biconvexe dont le grand diamètre mesure environ trois 1, se confond, sur une cer- taine longueur, avec le grand axe du centrosome. L’enveloppe du centrosome se montre avec plus de netteté encore que dans l'œuf précédent. Des chromosomes, qui n’ont pas été spécialement mis au point, on n'aperçoit que deux ombres imparfaitement définies que nous signalons pour que le lecteur puisse, au point de vue topographique, établir les rapports nécessaires à la compréhension du sujet. Les deux coupes correspondant aux figures 30 et 31 (pl. XIX) doi- vent être analysées ensemble et comparées dans les détails; elles correspondent à deux œufs différents fixés et teints, comme nous l'avons renseigné plus haut; les deux ovules sont au même stade; on s’en fera une idée exacte par l'examen de la figure 31 ; on y voit la figure cinétique transportée presque tout entière dans l’hémi- sphère animal, le cenirosome interne est au centre de l'œuf, tandis que le centrosome externe ou d'expulsion est à environ quinze & du point de sortie du premier globule polaire; la distance entre les deux centrosomes est de quarante 4 à peu près. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 273 La section correspondant à l’image 30, pl. XIX, est presque exac- tement perpendiculaire à l’axe du fuseau ; elle passe par le centro- some, qui, lui, est situé, nous l'avons dit plus haut, à environ quinze p du point d'expulsion du premier globule polaire. Tant dans la figure 30 que dans la figure 31 (pl. XIX), l'enveloppe membraniforme du centrosome se différencie avec une grande netteté des éléments internes et externes avec lesquelles elle est en contact ; la coloration est spéciale, et l'élection pour la laque ferrico- hématoxylique est plus intense que celle du centrosome proprement dit et que celle de la zone corticale dans les mêmes conditions. Le corpuscule central, au stade où nous sommes arrêté, comme le montre les deux images 30 et 31, est ovoïde ; le plus grand dia- mètre est un peu moins de 2 p. La photographie 30 nous montre, avec assez de précision, la zone corticale et les filaments moniliformes de l’aster. Soit sur des coupes exécutées suivant l'axe du fuseau, soit sur celles qui sont faites perpendiculairement ou obliquement à cet axe, le centrosome (corpuscule central + la couche médullaire de Van Beneden)se montre toujours enveloppé, au stade monaster ou même quelque temps avant ce stade, d’une paroi sphérique constituée par un protoplasme ayant pour les couleurs une affinité spéciale. Cette élection pour les réactifs colorants, laque ferrico-hématoxylique, safranine carmin, vert de malachite et vésuvine, etc., est presque aussi grande que celle que possède, dans des circonstances ana- logues, la membrane de la vésicule germipative ou nucléaire. Le corpuscule qui y est inclus est enveloppé dans la masse du Centrosome ; il affecte, suivant les stades, des dimensions variables, il possède même une forme spéciale à un stade déterminé ; c’est ainsi qu’il est d’abord sphérique, il devient ensuite ovoide, puis il affecie une forme lenticulaire. Il est probable qu’à un moment donné, quand l’enveloppe qui entoure le centrosome n’est pas constituée, la substance de ce dernier, individualisée, siège avec ses propriétés propres dans le ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN,— 3€ SÉRIE. — T. Vi. 1898. 18 274 P. FRANCOTTE. cytoplasme. On peut se demander si le corpuscule central ne pour- _ rait être comparé aux chromosomes ou à la chromatine tout au moins, qui, elle aussi, est incluse dans un espace fermé, le noyau, entouré d’une membrane qui disparait comme l'enveloppe du cen- trosome. Si Boveri a pu dire, avec raison, que le noyau est une maison bâtie pour les chromosomes, il nous semkle qu’on peut répéter, par analogie, que le centrosome, enveloppé comme nous l'avons décrit, est également une maison pour le corpuscule central. Remarquons que, de même qu'aux stades initiaux, les filaments du cytoplasme sont orientés suivant des rayons partant du centre du noyau, de même dans les stades terminaux, le centre des deux nouvelles irradiations est le milieu du centrosome occupé par le corpuscule central. Entre les deux extrêmes, il ÿ a cependant un intermédiaire, el c’est ainsi qu'en analysant les coupes dont l’une est représentée par la figure 49, pl. XVII, on imagine deux plans passant par les centrosomes et perpendiculaires à l'axe qui réunit ces deux der- niers, le segment moyen possède une orientation qui à pour pivot le centre du noyau, tandis que les deux segments supérieur el infé- rieur possèdent une irradiation suivant le milieu des centrosomes. Ce n’est que progressivement que l'orientation unique se transforme en deux nouvelles orientations. Comparons maintenant les photographies 31 ei 32, pl. XIX, repré- sentant deux coupes voisines d’un même œuf préparé et teint comme précédemment; rappelons que les centres cinétiques représentés sur l'image 31 ont déjà été analysés. On sait déjà que les sections ont été faites suivant un plan parallèle à l'axe du fuseau. Sur la coupe cor- respondant à l’image 32, la zone corticale et l’aster externes oni été seuls atteints par le rasoir. Dans les deux images 31 et 32, on voit nettement le cône antipode, dont les fibres, partant du centrosome, atteignent la périphérie de l'œuf; on y voit également les fuseaux cen- tral et périphérique; Sur ce dernier sont attachés les chromosomes. Quant aux centres cinétiques internes, ils présentent ce caractère ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 275 spécial, bien mis en évidence par les deux photogrammes dont il s’agit ici et que les coupes montrent admirablement : la laque fer- rico-hématoxylique a été retenue avec intensité non seulement par le centrosome et son enveloppe, mais encore une partie de la zone corticale constituée de fines granulations, immédiatement en con- tact avec le centrosome, est restée vivement colorée. La décoloration avait été pourtant prolongée. La partie moyenne de la zone corticale n’a pas conservé la coloration ; enfin, la portion la plus externe de cette même zone a pris une teinte plus foncée; cette partie, plus externe, se différencie d’ailleurs difficilement de l’aster. Sur les pré- parations, on peut nettement constater que les éléments des asters ne peuvent être confondus avec ceux de la zone corticale. Examinons maintenant les rapports qu'ont entre eux les asters internes et externes ou d'expulsion. On constate, sur les deux pho- togrammes 31 et 32, qu'ils s’'envoient réciproquement des fibres ro- bustes moniliformes dont la structure et l’élection pour les réactifs colorants sont les mêmes que celles des filaments se rendant à la périphérie de l'œuf. Les fibres des deux doubles cônes qui résultent de cette disposition s’enchevêtrent à la base de ces derniers. On peut en conclure que si les fibres des deux figures dicentriques se con- tractent, des pressions se produisent dans le milieu moins feutré qui renferme les fuseaux; autour du centrosome et un peu en dehors de ce dernier, quand il a atteint la surface de l’œuf, il s'organise un cercle de moindre résistance qui amènera l'expulsion du premier globule polaire. FORMATION DU PREMIER GLOBULE POLAIRE. Nous nous sommes déjà occupé de ce sujet dans notre travail de 1897. Nous résumerons brièvement les résultats de nos recherches, comptant reprendre cette étude d’une façon complète par la suite. Toute la figure cinétique cheminant vers la périphérie de l'œuf, comme nous l'avons expliqué plus haut, le centrosome vient en contact avec la surface. Il s’aplatit fortement contre cette surface. 276 P. FRANCOTTE. Souvent, il se produit un creux dans l’œuf à l’endroit où le centro - some vient s'attacher. C'est probablement la traction des filaments des fuseaux qui, agissant sur la surface de l'œuf, oblige celle-ci à s’enfoncer dans le protoplasme ovulaire. Nous savons qu’un phéno- mène analogue se produit chez Prosthiostomum siphunculus. Enfin, le bourgeon du premier globule proémine de plus en plus. Huit segments nucléaires sont emportés avec le premier globule polaire en même temps que le centrosome d'expulsion comprenant, dans sa masse, un corpuscule central; la partie centrale des rayons de l’aster tapisse toute la surface interne du globule polaire ; la partie externe des fibres demeure dans l'œuf. Sur le fuseau central, au milieu des fibres, il apparaît assez tôt des granulations très colo- rables qui constitueront une plaque cellulaire ; on en voit encore des traces au moment où la séparation du globule polaire va s’ac- complir ; les éléments de cette plaque cellulaire sont surtout mis en relief dans des œufs entiers fixés au liquide de Fol, et teints par le vert de malachite et la vésuvine dans la glycérine. Huit segments chromatiques restent dans l'œuf. Disons un mot de la formation de ces derniers éléments. Nous avons vu antérieurement que, primitivement, le cordon chroma- tique moniliforme du stade spirem se clivait longitudinalement; puis, qu’il se sectionnait en huit tronçons formant, par la coales- cence des extrémités, huit anneaux; ceux-ci prenaient par la suite l'aspect de groupes quaternes dont la forme pouvait s’altérer plus ou moins, suivant les circonstances. Les segments nucléaires prenaient ainsi l'apparence de poignards, de doubles clous, de corps quadrilobés ou de bâtonnets à quatre ren- flements sphériques superposés. Toute cette variété d’aspects ré- sulte, d’ailleurs, des tractions plus ou moins considérables qui sont exercées dans le sens de la longueur sur les éléments chromatiques. Dans la forme de doubles clous et de bâtonnets, toute fente rappe- ant l'anneau ou la division longitudinale disparait (voir fig. 33 bas, 35 et 36 de notre travail de 1897). ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 277 Les segments nucléaires, quelle que soit leur forme au stade de l'étoile mère, alors qu’ils se trouvent attachés au fuseau périphé- rique, se segmenteront au stade subséquent suivant un plan perpen- diculaire à l'axe de la figure cinétique ; chacun des segments esl ainsi exactement sectionné en deux parties égales. La moitié de la chromatine est donc expulsée de l’œuf sous forme de huit segments secondaires ; l’autre moitié reste dans l'œuf. Sur des œufs entiers fixés au liquide de Fol et teints à la vésuvine et au vert de malachite dans la glycérine, nous avons observé que la moyenne du diamètre du premier globule polaire était 12 1. DEUXIÈME GLOBULE POLAIRE. Ilreste dans l'œuf huit segments nucléaires, une sphère attractive dans laquelle est inclus un centrosome; dans celui-ci, bien souvent, on constate déjà la division du corpuscule central. Nous avons pu observer la division du centrosome et de la zone corticale de la sphère attractive, qui doivent constituer les deux nouveaux cenires cinétiques correspondant à la deuxième figure de direction. Remar- quons qu'ici, beaucoup mieux que dans la cinèse de la première figure de direction, il est possible de suivre Îles rayons des asters jusqu’au corpuseule central. | Sur le fuseau qui s’est reformé, nous retrouvons les huit segments nucléaires primaires. La figure cinétique est moins robuste que s’il s'agissait du premier fuseau de direction, et la distance entre les deux centrosomes est moindre que précédemment. Au stade de la métacinèse, les segments chromatiques sont coupés transversale- ment parleur milieu suivant un plan perpendiculaire à l'axe du fuseau; il en résulte de petites anses à ouvertures tournées l’une vis-à-vis de l’autre et dans le sens opposé au centrosome, le sommet de l'angle étant dirigé vers ce dernier. Ces anses sont nettement figurées dans notre travail de 4897, pl. III, fig. 39. En comparant cette dernière figure au photogramme 38 de la même planche, or se fera une idée exacte de la division transversale des anses. 278 P. FRANCOTTE. Ces segments chromatiques secondaires ainsi formés cheminent vers les centrosomes en changeant considérablement d'aspect ; d’abord, la masse de chromatine constituant chaque anse s’agglos mère et devient sphérique ; ensuite, elle devient turgescente ; elle se gonfle par absorption du liquide cellulaire, et nous voyons les seg- ments chromatiques déjà, pendant le stade dyaster, prendre l'appa- rence de petites vésicules ; ce phénomène se produit par le processus que nous avons décrit à la page 220. Les petites vésicules dérivant des segments chromatiques secon- daires, mesurant en moyenne 4 p de diamètre, possèdent une paroi tapissée intérieurement de très fines granulations très colorables. C’est surtout sur des œufs entiers fixés au liquide de Fol et teints par le vert de malachite et la vésuvine dans la glycérine, que les dispo- sitions que nous venons de décrire se découvrent le mieux; elles sont, d’ailleurs, bien visibles également sur des coupes. Les petites vésicules dérivant des chromosomes ressemblent aux mêmes forma- tions qui ont été figurées et décrites par Wheeler (97, voir pl. IT, fig. 59, 60 et 61 du mémoire sur la Maturation et la Fécondation chez Myzostoma glabrum). Par le second globule polaire, il est expulsé de l'œuf un centro- some contenant un corpuscule central, des rayons d'aster, est expulsée également la moitié du fuseau achromatique. On observe encore ici la formation d’une plaque cellulaire qui se constitue sur les filaments réunissants. En dernier lieu, elle siège au point de tan- _gence de l'œuf et du deuxième globule polaire. Ce dernier emporte encore huit segments chromatiques secondaires affectant, dans la plupart des cas, la forme de petites vésicules. Dans l’œuf, nous découvrons le centrosome interne qui devient l'ovocentre comprenant, au centre, un corpuscule central; les rayons d’aster arrivent jusqu’à ce dernier par des bouts délicats très peu colorables ; une sphère attractive et l’aster achromatique envelop- pent l’ovocentre. Quelquefois, nous avons trouvé l’ovocentre divisé en deux. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 279 PRONUCLÉUS FEMELLE. Le bourgeon donnant naissance au deuxième globule polaire étant complètement formé, mais la séparation de l'œuf n'ayant pas eu lieu, les restes des filaments réunissants produisent encore un véri- table trait d’union entre les deux corps cellulaires qui viennent de se constituer. Le grand axe des vésicules dérivant des segments nu- cléaires mesure environ 6 «; elles restent attachées quelque temps encore au résidu du fuseau, qu’elles quittent enfin pour se réunir en un groupe. L'une des extrémités de leur grand diamètre tend’à occuper un point central; de ce point, les vésicules sont disposées suivant des rayons. Il se fait qu’en coupe optique l’ensemble offre l'aspect d’une rosace plus ou moins régulière. Les parois en contact vers le centre de l’agglomération se résolvent successivement; les lobes disparaissent en s’effaçant de plus en plus; mais, souvent, il en persiste un ou deux pendant longtemps. Dans l’intérieur du pronucléus femelle ainsi formé mesurant en moyenne 20 u, il s’amasse un grand nombre de granulations réfrin- gentes et colorables par les réactifs de la chromatine ; il se consti- tue, en même temps, un réseau relativement peu colorable, mais très serré. PRONUCLÉUS MALE. Le spermatozoïde pénètre dans l’œuf avant l'existence de la coque, alors que ce dernier se trouve encore dans l'utérus. L'élément mâle s’introduit, d’ailleurs, tout entier dans l’ovule. La tête fournira la chromatine mâle; plusieurs faits d'observation nous font penser que le pronucléus se constituerait par gonflement de la tête du sperma- tozoïde, de la même facon que les segments nucléaires ont constitué le pronucléus femelle. La pièce intermédiaire donne naissance au spermocentre. Quand le pronueléus mâle s’est différencié, il forme une vésicule sphérique mesurant de 15 à 18 pu. Il se produit également des gra- 280 P. FRANCOTTE, nulations sphériques réfringentes de 2 4 de diamètre, Le réseau du pronucléus mâle est très serré et relativement peu colorable. FÉCONDATION. Les deux pronucléi se rapprochent et dans une situation légère- ment excentrique, alors qu'ils siègent dans l’hémisphère animal, ils arrivent en contact (voir fig. 52 et 42, pl. III, de notre travail de 1897). Leur paroi commune se résout. Le noyau de segmentation est ainsi réalisé. On y voit apparaître un nucléole de même nalure que celui que nous avons fait connaître antérieurement dans l'œuf, avant la maturation. Dans le noyau reconstitué, on ne tarde pas à voir éga- lement apparaître un cordon chromatique moniliforme très colo- rable, qui se segmente transversalement en seize chromosomes {voir fig. 33 de notre travail de 1897). CENTROSOME ET CORPUSCULE DE SEGMENTATION. Nous avons vu qu'il restait dans l’œuf un ovocentre, qui se divise en même temps que le corpuscule polaire qu'il contient. Autour de ces deux nouveaux centres, il siège une sphère attractive et des rayons d’aster qui pénètrent jusqu’au corpuscule central. Ces der- nières formations ne tardent pas à devenir indécises: l’ovocentre persiste longtemps toutefois dans l'œuf. Nous avons également vu le spermocentre, dérivé de la pièce intermédiaire, s’envelopper d’une sphère attractive et d’irradiations d’aster achromatique; nous avons pu nous assurer que le spermo- centre se divisait en deux nouveaux centres cinétiques robustes, qui sont entourés chacun d’une sphère dérivée et de rayons d’aster. Mais il arrive un moment où les centres cinétiques résistent à la coloration ; il est impossible de mettre en évidence les détails avec autant de netteté que précédemment. Nous possédons cependant des préparations qui montrent les deux pronucléi au moment où ils viennent de se confondre en un noyau unique; dans les œufs à cette phase, il existe quatre centres cinétiques avec des irradiations, ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 28i réunis deux à deux et provenant de la division du spermocentre et de l’ovocentre. Plus que chez les autres Polyclades, nous avons constaté, pen- dant la période de maturation, des figures polycentriques ; nous avons observé l'existence, dans un même œuf, de six centres munis de centrosomes et de corpuscules polaires. Cette circonstance nous met dans une indécision plus grande que s’il s'agissait des œufs des autres Polyclades que nous avons étudiés antérieurement. Nous nous réservons de reprendre ce sujet avec les nouveaux matériaux que nous nous sommes procurés nouvellement. Les chromosomes primaires, au nombre de seize,se montrent sur le fuseau de segmentation ; on assiste à leur division longitudinale. Il se forme ainsi trente-deux chromosomes secondaires groupés en deux étoiles filles, comprenant chacune seize éléments chromatiques. Souvent, dans la division longitudinale: les bouts des chromosomes restent coalescents ; la forme hétérotypique est ainsi réalisée. Les centrosomes du fuseau de segmentation montrent, avec une netteté parfaite, les corpuscules centraux ayant en moyenne 2 y de diamètre. On suit, avec la plus grande facilité, les bouts des rayons des asters qui pénètrent dans le centrosome jusqu’au corpuscule central. La segmentation produit deux blastomères de dimension sensiblement égale. Pendant cette segmentation, le deutoplasme s'est uniformément réparti dans l'œuf, et la disposition du réseau cyloplasmique possède, en outre, deux cônes antipodes de consti- tution semblable et de puissance égale. CONCLUSIONS. Dans ce travail, nous avons immédiatement tiré des conclusions au fur et à mesure que nous décrivions les résultats de nos observa- üons. Il ne nous paraît donc pas nécessaire de faire suivre l'exposé qui précède d’une partie générale bien longue. Au reste, nous possé- dons encore d'assez nombreuses observations concernant d’autres Polyclades que ceux dont nous avons parlé dans ce travail. Nous 282 P. FRANCOTTE. espérons donc pouvoir publier une étude comparée de la matura- tion, de la fécondation et de la segmentation chez plusieurs espèces du groupe qui a fait l'objet de nos recherches. Nous nous propo- sons alors de synthétiser d’une façon plus parfaite l’ensemble de nos recherches. Toutefois, il nous paraît utile d'attirer l'attention du lecteur sur les conclusions suivantes : 41° Pour ce qui concerne l’origine du centrosome et du corpuscule central chez les Polyclades, il ne nous est pas possible de nous ral- lier à l'hypothèse en vertu de laquelle ces formations naîtraient dans le noyau, soit aux dépens du nucléole vrai, soit aux dépens de corps analogues aux nucléoles, soit encore aux dépens d’une partie de la chromatine. Examinons chacun de ces cas : a. Aux dépens du nucléole. — Nous avons vu que le nucléole vrai existait encore alors que les deux centrosomes se montraient déjà aux deux extrémités des rudiments des fuseaux, ei aussi lorsque le fuseau étant complètement formé, la membrane nucléaire était sur le point de disparaître. Il ne peut done avoir aucune relation immé- diate entre le nucléole et les centrosomes. b. Aux dépens des pseudo-nucléoles. — Chez Prostheceræus vittatus, chez Prosthiostomum siphunculus et chez Cycloporus vittatus, nous savons que des corps ayant de l’analogie avec les centrosomes et les corpuscules centraux, au point de vue de la coloration par divers réactifs, se montrent, en effet, dans le noyau ; mais, en même temps que nous constations leur présence, les centrosomes existaient déjà dans le cytoplasme; ainsi, s’il existe des corps colorables qui ont l'aspect, soit de centrosomes, soit de corpuscules centraux siégeant dans le noyau d’où ils semblent sortir et d’où ils sortent, nous l’ad- mettons même, nous avons suffisamment prouvé que les véritables centrosomes siégeaient en même temps dans le cytoplasme. L’exis- tence simultanée des corps que nous avons appelés provisoirement pseudonucléoles et des centrosomes enlève toute vraisemblance à l’origine nucléaire de ces derniers. Mais voici un fait qui semble exclure plus encore l’origine nu- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 283 cléaire des centrosomes; c'est que nous avons constaté très souvent la division du centrosome, non seulement à différents stades de la segmentation, mais même dans l’ovule qui va entrer en maturation pour donner les deux centres cinétiques de la première figure de direction. Si les centrosomes se divisent en même temps que les corpuscules centraux de facon qu'un centrosome primaire en- gendre deux centrosomes secondaires qui vont occuper les deux extrémités des fuseaux, il ne nous paraît pas possible que les for- mations qui nous occupent puissent avoir une origine nucléaire (fig. 20, pl. XVII; fig. 36, pl. XVIIL, du présent travail; fig. 11 et 24, pl. I, Leptoplana tremellaris, centrosome en voie de division; fig. 16, pl. IL, Prostheceræus vittatus de notre travail de 1897). 90 D’après nos observations chez les Polyclades, le centrosome est enveloppé par un protoplasme spécial continu sans pertuis d'aucune sorte qui a, en outre, des propriétés bien définies au point de vue des réactifs colorants. Ce protoplasme a encore une consistance assez considérable : c’est ainsi que, dans certains cas particuliers, il peut se distendre considérablement comme la paroi d'une vésicule ; il peut se bosseler. Des coupes pratiquées suivant l'axe où perpen- diculairement à cet axe, soit encore sous n'importe quelle obliquité, nous montrent constamment l'enveloppe du centrosome comme étant continue. Nous pensons que ce protoplasme, formant cette enveloppe, net- tement différenciée, peut être comparé à une membrane et entre autres à la membrane de la vésicule germinative ou du noyau. De même que celle-ci se résout laissant libre son contenu au milieu du cytoplasme, de même le protoplasme formant la membrane du cen- trosome disparaît également à un moment donné, laissant libres le centrosome et le corpuscule central. De là la difficulté de retrouver ces dernières formations qui, cependant, à notre avis, sont des or- ganes permanents de la cellule. 3° Nos observations sur le réticulum cytoplasmique, sur les asters achromatiques et sur les fuseaux confirment, à notre avis, l'opinion 284 P. FRANCOTTE. que Ed. Van Beneden (83) a émise à la page 280 de son travail sur l’'Ascaride du cheval: | Tous les mouvements internes qui accompagnent la division cellulaire ont leur cause immédiate dans la contractilité des fibrilles du proto- plasme cellulaire et dans leur arrangement en une sorte de système musculaire radiaire composé de groupes antagonistes. Le corpuscule central joue, dans le système, le rôle d'un organe d'insertion. Des divers organes de la cellule, c’est lui qui se divise en premier lieu et son dédou- blement amène le groupement des éléments contractiles de la cellule en deux systèmes ayant chacun leur centre. 4° Pour ce qui concerne la réduction chromatique chez les Poly- clades, nous ne pouvons que répéter les conclusions énoncées dans notre travail de 4897, appliquant à Cycloporus papillosus et à Pros- thiostomum siphunculus, l'hypothèse que nous avons émise relative- ment à la Trémellaire et que nous allons développer. Dans son travail sur la réduction chromatique à la maturité de l'élément mâle et femelle, vom Rath (85) constate comme con- clusion qu’il a toujours observé, dans l’ovogenèse et dans la sper- matogénèse, l'existence des groupes quaternes | Vierergruppen) ; au stade spirem (Ænäuelstadium), 11 à vu les segments nucléaires se diviser par une fente longitudinale (Zangspaltung) du filament de chromatine: il s’est formé ainsi deux Schwestersegmenten, tantôt à l’aide d’un anneau (Ringbildung), tantôt sans anneau ; de chacun des segments, naissent, par contraction, quatre bâtonnets ou quatre sphérules. Si l’on compare maintenant nos observations concernant Lepto- plana tremellaris (9), Cycloporus papillosus et Prosthiostomum siphun- culus à celles de vom Rath, on acquerra la conviction, que de Klinc- kowstrüm (9%) a formulée aussi ailleurs, que les segments nucléaires de l’œuf des Polyclades, à la maturité, sont homologues aux groupes quaternes signalés d’abord par Boveri et étudiés par différents auteurs. Chez les différents Polyclades que nous avons étudiés, nous avons ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 285 vu, en effet, le cordon de chromatine du stade spirem, se couper transversalement, puis se seinder longitudinalement ; les segments chromatiques qui résultaient de ces transformations affectaient en- suite la forme d’anneaux et de figures en forme de losange; ces segments avaient une grande ressemblance avec ceux qui ont été figurés par vom Rath dans le travail ci-dessus indiqué, dans l’œuf mûr de Anomalocera Patersoni (fig. 32, pl. VIIT). La forme de losange qu’affectent les segments de nos Polyclades rappelle l'aspect des segments d’Anomalocera Patersonii figurés par vom Rath (fig. 33 et 54, pl. VII). Pour ce qui concerne la division des segments chez les Poly- clades, il est évident que la forme de poignard décrite par de Kliric- kowstrôm et la forme de double clou que nous avons signalée ont les plus grandes analogies avec les anses restées ouvertes des groupes quaternes représentées par vom Rath dans la figure 36 (Pleuromma gracile) et dans la figure 39 (Zucalanus attenuatus). Il est évident que la forme de poignard ou de double clou résulte de deux branches plus ou moins en coalescence. Le phénomène qui se produit ici est analogue à celui qui se passe quand les branches de deux anses jumelles restent coalescentes par leurs extrémités dans la forme hétérotypique de la caryocinèse ordinaire. Au reste, nous avons observé chez nos Polyclades que, quelquefois, le segment nucléaire, après la métacinèse, affectait la forme d'anse, comme les choses existent pour les animaux étudiés par vom Rath. Nous sommes d'accord avec de Klinckowstrôm pour admettre que les segments nucléaires des œufs mûrs des Polyclades ont la valeur des groupes quaternes. Chez ZLeptoplana tremellaris comme chez Prosthiostomum siphunculus et Cycloporus papillosus, il y a huit seg- ments nucléaires dans les fuseaux des globules polaires; le nombre est double, donc il est de seize dans Les fuseaux de segmentalion. Appliquant aux Polyclades dont nous venons de parler les raison- nements que de Klinckowstrôm a formulés pour Prostheceræus vitia- lus et que vom Rath (95) a proposés antérieurement, chaque segment du premier fuseau de direction doil compter double, puisque les 286 P. FRANCOTTE. globules polaires effectuent la réduction et que le spermatozoïde ramène la chromatine nécessaire à la formation du premier noyau de segmentation; imitant donc de Klinckowstrôm et von Rath et appelant a, 6, c, d....., m, n, 0, p, les seize chromosomes du pre- mier fuseau de segmentation, les huit segments nucléaires devant compter double du premier fuseau de direction seront: ab, cd..., mn op. Quand ces huit segments seront divisés, on aura : ab cd ef mn 0p A Si le premier globule polaire emporte ab, cd, ef..…, mn, op, il res- tera dans l’œuf huit segments sur le deuxième fuseau de direction qui seront : ab", c'd, e'f'.…., m'n', 0'p, et après leur division on aura: ! ! = AMC Pape Supposons que huit segments a”, c', e…, m', o' soient enlevés par le | 3 1e ss LS deuxième globule polaire ; il restera dans l'œuf 0’, d', f.…, n', p', qui formeront la chromatine femelle du pronucléus de ce nom. Si maintenant nous supposons le spermatozoïde rapportantles éléments chromatiques également réduits sous forme de huit segments que nous appellerons B', D', F'..., N', P’, la chromatine du fuseau de seg- mentation sera : (CERTES net!) (B° DAAPETAINeEDI) (Pronucléus) (Pronucléus mâle) Nous n’examinons pas les combinaisons que l’on pourrait ima- giner à ce propos ; nous nous contentons, actuellement, de résumer la question, nous réservant d'y revenir bientôt. Banyuls, laboratoire Arago, 28 avril 1898. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 287 BIBLIOGRAPHIE. Pour la bibliographie, nous avons suivi le mode employé par les auteurs anglais et américains, entre autres par Minot dans son traité intitulé Human Embryo- logy (92). Les noms d'auteurs sont disposés, dans la liste suivante, d’après l'ordre alphabétique; les deux derniers chiffres de l’année servent de renvoi dans le corps du travail ; des bibliographies complètes ayant été publiées dans ces derniers temps concernant le sujet que nous traitons, nous nous contentons de signaler dans cette liste les ouvrages des auteurs cités dans le texte ou bien encore ceux qui ont un rapport immédiat avec notre travail. 87. Boveri (Th.). Ueber den Anteil des Spermatozoon an der Teilung des Eies (Sitz-Ber. d. Gesell. f. Morph. u. Phys. in München, 3 Bd, 3 Hefi, 1887). s82, — Ueber partielle Befruchtung (Sitz-Ber. d. Gesell. f. Morph. u. Phys. in München, 4 Bd, 2 Heft, 1888). ss», — Zellen-Studien. Heft 2. Die Befruchtung und Teilung des Eies von Ascaris megalocephala (Jena Gustav Fischer, 1888, 5 Tafel). 90. — Zellen-Studien. Heft 3. Ueber das Verhalten der chromatischen Kern- substanz bei der Bildung der Richtungskérper und bei der Befruch- tung (Jena. Zeitschr. f. Naturwiss., 24 Ban MAN Bd 4890) 92. — Befruchtung (Merkel u. Bonnets Ergebnis. der Anat. u. Entwickelungs- geschichte, 1 Bd, 1892). 9&3. — Ueber das Verhalten der Centrosomen bei der Befruchtung des Seeigel- Eies, nebst allgemein Bemerkungen über Centrosomen und Verwandtes (Verhand. physik. med. Gesell. Würzburg, n. F., 29 Bd, n° 1, 1895). 95. — Ueber die Befruchtungs- und Entwickelungsiähigkeiït kernloser Seeigel- Eier und über Moglichkeit ihrer Bastardirung (Arch. Entw. Mech., IT, 394-443, 2 pl.). 99. — Zur physiologie der Kern- und Zellteilung (Würsburg, 1897, 18 p. 5 fig.). 98z, Brauer (A.), Zur Kenntniss der Spermatogenese von Ascaris megaloce- phala (Arch. f. Mikr. Anat., 42 Bd, 1893). 932. — Zur Kenntniss der Reiïfung des parthenogenetich sich entwickelnden Eies von Artemia solina (Arch. f. Mikr. Anat., #3 Bd, 1893). 9%. CARNOY (J.-B.) et Lesrun (H.). La fécondation chez l’Ascaris megaloce- phala (la Cellule, t. XXIIT, fase. 1, p. 65, 1897). 95. Decace (J.). 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Contribution à l’histoire naturelle des Turbellariés, Lille, 1879, Thèse. 90. — Catalogue des Turbellariés du nord de la France. Lille, 1890. 96. HenneGuy. Leçons sur la cellules et les tissus ; Morphologie et reproduc- tion. Paris, 1896. 94. HErLa, Étude des variations de la mitose chez l’Ascaride mégalocéphale, (Archives de biologie, t. XIII, 1894, p. 423-550, pl. XV-XIX). 94. HemenxaIN. Neue Untersuchungen über die Centralkôrper und ihre Bezie- hungen zum Kern und Zellenprotoplasma (Arch. f. Mikr. Anat., 43 Bd, Heft, 3). 95. HerrwiG (R.). Ueber Centrosoma und Centralspindel (Sitzungsb. d. Ges. f. Morph. u. Phys. in München, 14 Bd, 1895, Heft, À). 94. HerTwiG (0.). La cellule et les tissus (traduit de l’allemand). Paris, 1894. D ee PS + mi mé _— GA, 93. 95. 96. 96. 96. 98. 88. S4°, 94, ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 289 . Hizc (M. D.). On fecundation, maturation and fertilisation (Quart. Journ. of maicroscopical Science, novembre 1895, p. 315). . JULIN. Structure et développement des glandes sexuelles : ovogenèse, sper- matogenèse et fécondation chez le Séyelopsis grossularia (Bulletin scien- hfique de la France et de la Belgique), t. XXN, p. 93 à 154. KerersTEIN. Beiträge zur Anat. und Entwicklungs. einiger Seeplanarien von Saint-Malo (À bhandl. der künigl. Gesell. der Wiss. zu Güttingen, 14 Bd, p. 3-38). KuincrowsrRôm (v.). Beiträge zur Kenntniss der Eireifung und Befruch- tung bei Prostheceræus vittatus (Arch. f. Mik. Anat., 48 Bd, 44 pages, 587 à 609). Kosranecki. Untersuchungen an befruchteten Echinodermen-Eiern. Kra- kau, 1895, 13 pages. — Ueber die Gestalt der Centrosomen im befruchteten Seeigelei. Xrakau, 1696, p.20; Taf. 219.20, Kostanecxt und Srepcecxi. Ueber das Verhältniss der Centrosoma zum Protoplasma (Arch. f, Mikr. Anat., 48 Bd). Kosranecx: und Wierzeskr. Ueber das Verhalten der sogen. achroma- tischen Substanzen im befruchteten Ei (Arch. f. Mikr. Anat., 42 Bd, p. 809). Kosranecxr. Die Befruchtung des Eies von Myzostoma glabrum (Arch. f. Mikr. Anat., 51 Bd, p. 461-480, Taf. 2, fig. 25). KULTSCHITZRY. Die Befruchtungsvorgänge bei A scaris megalocephala (Arch. f. Mikr. Anat., 31 Bd). LanG (A.). Der de von Gunda segmentata und die Verwandtschaft der Plathelminthen mit Cœlenteraten und Hirudineen (Mitth. aus d, Zool. Station Neapel, 3 Bd, 1 und, 2 Heft, 1881). . — Die Polycladen (Seeplanarien) des Golfes von Neapel {Fauna und Flora des Golfes von Neapel, 1884). . LEBRUN. Les Centrosomes dans l'œuf de l’Ascaris megalocephala (Anat. Anz., 1 Bd, n° 19 et 20), . Les (A.), Bozces et HenNecuy. Traité des méthodes techniques de l’Ana- tomie microscopique. Paris, 1896. . Marx. Maturation, fecundation, and Segmentation of Limax campestris, Binney (Bull. of the Mus. of Comp. Zoology, october 1881, vol. VI, n°12, p. 470-625, pl. V, fig. 93, 1881). . Minor. Human Embryology, p. 815, fig. 463. New- Vork, 1892. — Ouvrage classique moderne le jus complet et en rapport avec les progrès récents de la science. MirroPHANow (P.). Contributions à la division cellulaire indirecte chez les Sélaciens (Journal international d'anatomie et de physiologie, t. XI, fase, T, p. 21, 1 pl., 38 fig., 1894). ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉNe -— 90 SÉRIE, =u T, VI, 1898, 19 290 P. FRANCOTTE. 95. Nisssine (G.). Zellenstudien, Theil I (Arch. f. Mikr. Anat., 46 Bd, p. 141- 168, 1 pl.) AS. Quarreraces (De). Étude sur les types inférieurs de l'embranchement des Annelés. Mémoire sur quelques Planariées marines appartenant aux genres Tricelis (Annales des sciences naturelles, 3° sér., Zoologie, t. IV, Paris, 1845, p. 129-184, pl. III-VII). 94. Raru (vom). Ueber die Reduction der chromatischen Elemente in der Samenbildung von Gryllotalpa vulgaris (Ber. d, Naturf. Ges. zu Freiburg, 6 Bd, 1891). 92. — Zur Kenntniss der Spermatogenese von Gryllotalpa vulgaris (Arch. f. Mikr. 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Anceig., 10 Bd, 1895, p. 708-725, fig. 1-8). 96. — Nochmals zur Reduktionsfrage (Arch. f. Mikr. Anat., 1896). so, ScnmprLèn (R.) Vergleichende Uebersicht über das Erscheinen grôsserer pelagischer Thiere und Bemerkungen über Fortpflanzungsverhältnisse einiger Seethiere im Aquarium (Mittheilungen aus der Zool. Station zu Neapel, I1 Bd, 1880). 84, SeLenxa. Ueber eine eigentümliche Art der Kernmetomorphose (Biol.Cent.; 1 Bd, 1881-1882). 84. — Zur Entwickelungsgeschichte der Seeplanarien (Biol. Centralbl., 1881, p. 222). 82, — Zoologische Studien (Zur Entwickel. der Seeplanarien, Leiprig, 1882, DO A 00) 95. Sosorra. Die Befruchtung und Furchung des Bies der Maus (À rech, f. Mikr. Anat., 45 Bd). 93. Van Bawgee. Contribution à l’histoire de la constitution de l'œuf, Il Éli- ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 291 mination d'éléments nucléaires dans l'œuf ovarien de Scorpena scrofa (Bulletin de l'Académie royale des sciences de Belgique, 63° année, XX, n°5, 1893): 66. VaLant. Remarques sur le développement d’une Planariée dendrocæle : Polycelis levigatus (Mém. Acad. de Montpellier, t. VII, p. 93-108). 20. VAN BEN#oEN (En). Recherches sur la composition et la signification de l'œuf (Mém. cour. de l Académie des sciences de Belgique, t. XXXI V, p. 66 et 67). 83. — Recherches sur la maturation de l’œuf, la fécondation et la division cel lulaire (Arch. de biologie, Gand, 1883), 8'3. Van Benenen (En.) et Nuyr (A.). Nouvelles recherches sur la fécondation et la division mitosique chez l’Ascaride mégalocéphale (Bulletins de l'Académie royale de Belgique). 94. VAN Der Srricur (O.). De l’origine de la figure achromatique de l’ovule en | mitose chez Thysanosoon Brochüi (Verh. der Anat. Cesel. auf der Vers. in Strassburg, 1894). 9%. — La maturation et la fécondation de l'œuf d'Amphiozus lanceolatus (Ar- chives de biologie, t. XIV). 96. — La maturation et la fécondation de l’œuf de Thyzanozoon Brochii (Asso- ciation française pour l’avancement des sciences. Congrès de Carthage ; séance du 3 avril 1896). 96%. — Le premier amphiaster de rebut de l’ovule de Thysanozoon Brochi (Bibliographie anatomique, n° 1, janvier et février 1896). 96°. — Anomalies lors de la formation de l’amphiaster de rebut (Bibliographie anatomique, n° 1, janvier et février 1896). 93 — Les Ovocentres et les Spermocentres de l’ovule de Taysanozoon Brochi (Verhandl. d. Anat. Gesells. in Gent, 1897). 95. Wizcox (E.-V.). Spermatogenesis of Caloptenus femur-rubrum and Cicada tüibicen (Bull. Mus, Comp. Zool. Harv. College, vol. XX VIL, n° 1, 1895, p. 3-32, pl. I-V). 95. Wizson. Archoplasma, centrosome and chromatin in the Sea Urchin Egg (Journ. of Morph., vol. XI, octobre 1895, n° 2, p. 44% à 478). 95. Wizson and Maruews. Maturation, fertilization and polarity of the Echi- noderm Egg (Journ. of Morph., vol. X, n° 1). 95. Wuegcer (W. M.). The Behavior of the Centrosomes in the Fertilized Egg OÙ Mysostoma glabrum Leuckart (Journ. of Morph., vol. 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Objectif de Zeiss, 2 millimètres N A=1,30; oculaire projecteur 2. Amplification, 550 diamètres. Puorocrapuie 2. Mêmes indications techniques que pour 1. Le centrosome central : se montre entouré de fins microsomes qui tapissent extérieurement sa membrane d’enveloppe. Puorocrapuie 5. OEuf pondu, fixé le 26 avril 14897, à 8 heures du matin, par le chlo- rure mereurique acétique; colorant : la laque ferrico-hématoxylique. Coupe oblique par rapport au fuseau de la première figure de direction et passant par le centrosome interne qui est au centre de l'œuf. Il est tapissé de fins microsomes colorés qui recouvrent extérieurement son enveloppe. À l'extérieur de la masse noire, on aperçoit une auréole claire, formée de fins microsomes peu colorables, distincts de l’aster et constituant la couche corticale de Van Beneden. Rayons d’aster bien différenciés. Hémisphère formateur, moins coloré ; hémisphère végétatif, où siègent en abondance les sphérules de deutoplasme très colorés. Objectif, 2 millimètres N À = 1,30 ; projecteur 2. Amplification, 550 diamètres. PuorTocraPaie 6. Même stade que l'œuf représenté par la figure s. Fixation : chlo- rure mereurique acétique ; coloration : laque ferrico-hématoxylique. Direction de la coupe : elle passe par le centrosome interne qui occupe le centre de l’œuf et elle est perpendiculaire à l’axe du fuseau. Centrosome et rayons d’aster achromatique. A droite de la coupe et presque tangente à l’œuf, paroi de la coque contenant les œufs. Objectif de Zeiss, 2 millimètres ; oculaire projecteur 2. Amplification, 550 diamètres. PuorocraPie 9. Stade : cinèse du premier fuseau de direction. Coupe légèrement oblique par rapport à axe du fuseau ; elle passe par le centrosome in- terne qui occupe le centre de l'œuf. Segments nucléaires au moment de leur division transversale ; le segment de gauche est formé de quatre petites sphères superposées. Centrosome dont la membrane est tapissée extérieurement de fins microsomes appartenant à la couche la plus in- terne de la sphère attractive de Van Beneden. Espace clair concentrique au centrosome et dont une partie forme le reste de la zone corticale. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES,. 293 Pnorocrarxte 11. OEuf utérin. Fixation : chlorure mercurique acétique ; coloration: laque ferrico-hématoxylique. La coupe passe par l’un des centrosomes et est presque tangente à l’autre. Vésicule germinative encore close et dont la membrane est très bien colorée. On y voit en bas et à droite un pseudo- nucléole non loin de la membrane. L'aspect rappelle celui du centrosome qui se trouve au milieu de l’aster, au-dessus de la vésicule germinative. Objectif de Zeiss, 4 millimètres, N A = 0,95. Amplification, 500 diamètres. PLANCHE XV. Prosthiostomum siphunculus (fig. 3, 4,7, 8, 10 et 12). Phase : figure cinétique du premier fuseau de direction. PuortocrApuaies 3 et 4. Deux coupes voisines d’un même œuf fixé au chlorure mer- curique acétique et coloré à la laque ferrico-hématoxylique. Les sections ont lieu suivant un plan très légèrement oblique à l’axe du fuseau. La figure 3 montre le centrosome e d'expulsion, le fuseau et les segments nucléaires dont deux se montrent trilobés., Le centrosome c, interne, a été artificiellement déplacé et se trouve à la périphérie de l'œuf où il a été amené de toute pièce par des pressions anormales ; il se trouve mainte- nant à la périphérie de l’œuf. Le photogramme 4 montre en a la place laissée vide par le centrosome déplacé. Objectif de Zeiss, 2 millimètres N A = 1,30 ; oculaire projecteur 2. Amplification, 550 diamètres. Pnorocrapme 7. Coupe passant par le centrosome central occupant le milieu de l'œuf et perpendiculaire à l’axe du fuseau. Les fins microsomes colorés en noir et tapissant extérieurement la membrane du centrosome se mon- trent fort bien. Fixation : chlorure mercurique acétique ; coloration : laque ferrico- hématoxylique. Objectif, 2 millimètres N À = 1,30. Amplification, 550 diamètres. PHOTOGRAPHIE 8. Mêmes indications techniques que pour 7 ; également même di- rection pour la coupe. Soit par manque de fixation, soit par toute autre cause, la membrane du centrosome est ici fortement distendue et forme un espace très clair au centre duquel se trouve le centrosome. PHorograpuie 10. Œuf entier pondu, fixé au liquide de Fol, à 8 heures et demie, à Banyuls, le 25 avril 1898. Coloration : vésuvine et vert de malachite dans la glycérine. Centrosome interne vivement coloré en vert, entouré de la sphère attractive et d'irradiation d’aster. Fuseau avec segments nucléaires. Silhouette du centrosome d'expulsion entouré de rayons d’aster. Sphé- rules de deutoplasme très colorés à la périphérie de l’œuf. Fragment de trois œufs tangents à celui que nous avons analysé. Objectif de Zeiss, 4 millimètres N À = 0,95 ; oculaire projecteur 2. Amplification, 300 diamètres. 294 _p, FRANCOTTE, Puorocrapaie 42. Coupe passant par le centrosome d'expulsion et très légèrement oblique à l’axe du fuseau. Le centrosome d'expulsion est en contact avec la surface de l'œuf ; celle-ci s’est profondément affaissée en formant un cône creux vers l’intérieur de l’œuf, sous l'influence probablement de la traction des fibres du fuseau. Segments nucléaires. Fixation : chlorure mercurique ; coloration : laque ferrico-hématoxy- lique. l Objectif de Zeiss, 2 millimètres N À = 1,30. Amplification, 550 diamètres. PLANCHE XVI. Prosthiostomum siphunculus (fig. 14 et 15). Prorocrapuie 44. Coupe d’un œuf pondu passant par le centrosome femelle in- terne ou ovocentre O: elle est oblique à l’axe du fuseau de la seconde figure de direction de façon que la coupe suivante montre le centrosome d'expulsion (enlevé avec le 2e globule polaire). s est le spermocentre ou centrosome mâle né de la pièce intermédiaire du spermatozoïde; autour il est formé des irradiations d’aster qui donne au protoplasme environ- nant l'aspect irrégulièrement étoilé. Fixation : chlorure mercurique acétique; coloration : laque ferrico- hématoxylique. Objectif de Zeiss, 2 millimètres N A = 1,30; oculaire projecteur 2. Amplification, 550 diamètres. PuorocrApie 45. Coupe d'un œuf pondu au stade où les deux pronuclei viennent de se fusionner. Vers le bas de la figure, on voit le noyau de segmenta- tion complètement et dont la membrane est fort bien colorée; on y voit en bas et à gauche un pseudo-nucléole n simulant un centrosome. C re- présente l’un des centrosomes; l’autre centrosome se découvre sur la pré- paration en faisant mouvoir la vis micrométrique légèrement. Sphère attractive peu colorée, rayons d’aster et cône formant la première ébauche du fuseau. ; Fixation : chlorure mercurique, à Banyuls, le 24 avril 1898, à midi. Objectif, 2 millimètres NA = 1,30. | Amplification, 550 diamètres. Leptoplana pallida (fig. 13, 16, 17 et 18). PaorocRAPHies 16 et 17. Coupes à travers des œufs utérins montrant le réticulum cytoplasmique ; le noyau est au repos; les fibrilles en s’entre-croisant don- nent, en coupe optique, aux mailles qu’elles constituent un aspect polygo- nal, ff f représentent des faisceaux de fibrilles partant du réseau qui se trouve à la surface de l’œuf. Fixation : chlorure mercurique; coloration : laque ferrico-hématoxy- lique. Objectif de Zeiss, 8 millimètres N À — 0,65; oculaire 4. ÉTUDES SUR LES POLYCLADES. 295 ProrocraPuie 48. Mèmes indications ; la membrane de la vésicule germinative a été légèrement atteinte. Le réticulum cytoplasmique est orienté suivant des rayons partant du centre du noyau. Puortocrarnte 13. OEuf utérin fixé au chlorure mereurique acétique; coloration : laque ferrico-hématoxylique. c, sphère attractive avec quelques rayons; le tout formant un corps étoilé. Au centre, coloré en noir, le corpuscule central vrai. Objectif, 8 millimètres N A — 0,65; oculaire projecteur 4. PLANCHE XVII. Cycloporus papillosus (fig. 19, 20 et 25). Coupes d'œufs utérins au stade de la cinèse préalable au premier globule polaire. Ils ont été fixés au chlorure mercurique acétique et colorés à la laque fer- rico-hématoxylique. Objectif, 2 millimètres N A=— 1,30; oculaire projecteur 2. Amplification, 550 diamètres. Puorocrapuie 19. La coupe passe par les deux centrosomes et intéresse la vési- cule germinative encore close et dont la membrane est colorée d’une façon intense. Sphères attractives et rayons d’aster. Les centrosomes ont l'aspect de lentille biconvexe. A droite et près de la membrane à l’inté- rieur de la vésicule, on remarque un pseudo-nucléole, PxorocrAPHiE 20. La série de coupes est faite suivant un plan perpendiculaire à celui correspondant à la coupe précédente (19) et passant par le centro- some primaire qui vient de se diviser en deux centrosomes secondaires. Sphères attractives et rayons d’aster. PuoTograAPxIE 23. Elle représente une coupe perpendiculaire à l’axe du fuseau et passant par un centrosome. On voit que ce dernier est nettement limité par une membrane très bien colorée; au centre, on découvre un cor- puscule central. Sphère attractive et rayons d’aster achromatique. _Prostheceræus vittatus (phot. 33, 34 et 35). PnorocrAPxie 33. Coupe d’un œuf pondu fixé au chlorure mereurique, teint à l'hé- matoxyline au fer. Spermocentre allongé en biscuit environné d’une au- réole allongée et claire, puis d’une partie plus colorée; ces deux parties constituent la zane corticale, Rayons d’aster. Puorocrapute 34. OEuf entier pondu, fixé au liquide de Fol, coloré au vert de ma- lachite et à la vésuvine dans la glycérine ; décoloration lente; figure correspondant à la cinèse du premier globule polaire. Le centrosome interne doit montrer au centre le corpuscule polaire. Réseau cytoplas- mique à grandes mailles dans l'hémisphère végétatif (inférieur). Objectif de Zeiss, 2 millimètres N À = 1,30; oculaire projecteur 2. PaorocrApme 35. OEuf entier pondu, fixé au liquide de Fol. Figure cinétique pour la formation du premier globule polaire; cône antipode; centrosome d'expulsion non loin de la périphérie de l’œuf. Aster achromatique. 296 P. FRANCOTTE, PLANCHE XVIII. Cycloporus papillosus (fig. 21, 23, 24, 26, 27 et 929). Les photographies de cette planche représentent des œufs utérins de Cycloporus papillosus fixés au chlorure mercurique acétique et teints à la laque fer- rico-hématoxylique. Objectif, 2 millimètres N A = 1,30 ; oculaire projecteur 2. PaortoGrapxie 21. Vésicule germinative encore close dont la membrane est bien co- lorée; centrosome au milieu de la sphère attractive et de l’aster achro- matique. PHoToGRAPxies 23 et 24. Elles représentent deux coupes voisines d’un même œuf. Sur la figure 23, nous découvrons l’image d’une vésicule germinative allongée à paroi bosselée; vers le haut de cette vésicule, nous trouvons deux corps très colorés simulant des centrosomes ; ils sont intimement appliqués contre la membrane nucléaire et placés l’un vis-à-vis de l’autre en deux points opposés; ils simulent fort bien des centrosomes sur le point de s'échapper du noyau; ce sont des pseudo-nucléoles. En effet, les deux centrosomes existent déjà dans le cytoplasme au milieu des sphères attractives et des asters achromatiques; la figure 24 nous montre également la vésicule germinative ; mais, sous cette vésicule, on découvre une sphère attractive avec rayons d’aster et, au milieu, le centrosome est très coloré. L’autre centrosome n’a été que légèrement atteint par le couteau; on le voit au-dessus de la vésicule germinative. PHOTOGRAPHIE 26. Coupe faite suivant l’axe du fuseau et passant par les deux cen- trosomes ; quatre des huit segments nucléaires se trouvent à l'équateur du fuseau. Aster achromatique, sphère attractive. PnotocraAPHie 27. Coupe un peu oblique par rapport à l’axe du fuseau; elle entame en plein un centrosome et elle est tangente à l’autre. Le centrosome c, inférieur, est enveloppé par une couche de protoplasme, qui s’est vive- ment colorée et dont la coupe, sur la figure, est elliptique; corpuscule central ; silhouette des segments nucléaires. PHOTOGRAPHIE 29. Coupe oblique par rapport à l’axe du fuseau. Centrosome c en- veloppé de sa membrane bien distinctement colorée ; corpuscule central en forme de lentille biconvexe. | PLANCHE XIX. Cycloporus papillosus (fig. 22, 28, 30, 31 et 33). OEufs utérins coupés fixés au chlorure mercurique acétique et colorés à l’héma- toxyline au fer. Objectif, 2 millimètres N A = 1,30; oculaire projecteur 2. Amplification, 550 diamètres. PHoToëRAPHIE 22. La coupe passe par l’un des centrosomes et par la vésicule germinative encore close ; cordon moniliforme arc-bouté en deux points opposés de la membrane. Pseudo-nucléole simulant un centrosome très ÉTUDES SUR LES POLYCLADES, 297 voisin de la membrane et à peu de distance de ce dernier, qui se trouve dans une sphère attractive en dehors de la membrane au milieu d'irra- diations d’aster. L'autre centrosome se trouve sur la coupe suivante de la même série. PHoTocraPiE 28. Coupe très légèrement oblique par rapport à l’axe du fuseau; elle passe par l’un des centrosomes et non loin de l’autre centrosome, vivement coloré au milieu de la sphère attractive et de l’aster achroma- tique. Six des huit segments. nucléaires à formes diverses : petites croix, doubles clous, corps: quadrilobés, etc. PHorToGRAPHIE 30. Coupe perpendiculaire à l’axe du fuseau et passant par le centro- some d'expulsion; centrosome avec enveloppe très colorée et nettement différenciée ; au milieu, corpuscule central. Sphère attractive et rayons d’aster moniliformes. PHOTOGRAPHIE 31. Coupe suivant un plan passant par les deux centrosomes, tous les deux visibles; le centrosome d'expulsion a subi une décoloration plus forte ; on y observe le corpuscule central et la membrane d’enveloppe. Le centrosomeinterne est fortement coloré; en outre, l'enveloppe à COn- servé les couleurs ainsi que des granulations externes faisant partie de la sphère attractive; fuseau; segments nucléaires; asters achromatiques. Cône antipode. PxortoGraPiE 32. Coupe du même œuf et de la même série que celle qui est repré- sentée par la photographie 31; même renseignement que pour 31. Toute- fois, des centres cinétiques d'expulsion, on ne voit que la sphère attrac- tive et l’asterachromatique ; lecentrosome n'est pas figuré. Lecentrosome interne est coloré vivement; il est entouré d’une auréole claire apparte- nant à la sphère attractive. Prostheceræus villalus. PHOTOGRAPHIE 36. Coupe d’un œuf utérin fixé au chlorure mercurique et teint à la laque ferrico-hématoxylique. Fuseau devant donner naissance au pre- mier globule polaire. Centrosome primaire correspondant à l'hémisphère formateur en voie de division, les deux centrosomes secondaires encore tangents ; des rayons d’aster les enveloppent ainsi qu’une sphère attrac- tive. L'autre centrosome est également enveloppé des mêmes forma- tions. Fuseau et silhouette des segments nucléaires. PLANCHE XIX bis. PHOTOGRAPHIE 38. Elle représente, amplifié sept fois, un Cycloporus papillosus vi- vant examiné par la face ventrale. En avant, on distingue les deux ten- tacules £i. Sur la ligne médiane du corps, on voit la branche principale du tube digestif à d’où partent latéralement et par paires des branches secondaires qui vont se ramifier dans tout le corps en s’anastomosant. La ventouse, qui n’a laissé sur la photographie qu’une faible trace, est placée vis-à-vis de la cinquième paire de branches du tube digestif. 298 P, FRANCOTTE, Pnorocrapate 37. Elle montre, amplifié neuf fois, un Cycloporus vivant examiné par la face dorsale; en avant se voient les deux tentacules fé rétractés recouverts de petites taches noires (les yeux tentaculaires). La masse noire n, plus sombre, est le cerveau recouvert d’yeux disposés aux deux côtés de la ligne en deux groupes qui se prolongent au delà du cerveau jusqu'aux tentacules ft. La tache carminée r n’est représentée ici que par une minime quantité de pigment. Sur la ligne médiane, on voit la branche principale à de l'intestin sur laquelle s’abouche perpendiculaire” ment six paires de branches secondaires. La première paire est peu vi- sible. Sur la ligne médiane et au-dessus de la branche principale du tube digestif, il existe des taches colorées en noir sur la photographie; sur le vivant, ces taches, pour la plupart, sont jaunes; mais il en existe qui sont rouges; la tache carminée r n’est qu’une exagération de ces taches rouges en un point déterminé. Inférieurement et placées autour de la branche principale du tube di- gestif, on voit les deux branches s de l'utérus qui se réunissent en ar- rière. La photographie montre que l’animal est recouvert de taches colo- rées groupées; sur le vivant, ces taches sont colorées en jaune; elles paraissent noires sur la photographie, parce que c’est en partie par trans- parence que le cliché a été obtenu et les taches jaunes plus denses lais- saient passer beaucoup moins la lumière. —— L'INSTANTANE DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE PAR L. BOUTAN Maître de conférences à la Faculté des sciences de Paris. I HISTORIQUE. En 1893, j'ai publié un mémoire sur la photographie sous-marine’. Dans ce travail, je n’avais pas eu d'historique véritable à présenter, la question étant à peu près complètement nouvelle. Avant cette date, on avait, en effet, proposé quelques dispositifs permettant de prendre des photographies sous-marines, mais aucun d'eux n'avait, à ma connaissance, été réalisé 2. Il est inutile de reproduire ici tous les détails que j'ai donnés dans ce travail préliminaire. Je rappellerai seulement que j'utilisais, pour obtenir des vues sous- marines, un appareil assez rudimentaire, dont on trouvera le dessin plus loin, Il se composait essentiellement d’un petit appareil du genre détective sans mise au point à partir d’une certaine distance. Une boîte protectrice en métal mettait l'appareil à l'abri du contact 1 L. BouTan, Mémoire sur la photographie sous-marine (Archives de zoologie expé- rimentale et générale, 1893). 2 Le docteur P. REGNARD avait en effet proposé un dispositif, dont il a donné une figure très démonstrative, mais qui ne pourrait fournir, si on l’utilisait, qu'une vue en plan, une sorte de projection analogue à celle qu’on obtient, lorsqu'on photogra- phie des paysages du haut de la nacelle d’un ballon. 300 L. BOUTAN. direct de l’eau, et sur les faces latérales de l'instrument se trouvait percée une série d’orifices munis de presse-étoupes, par l’intermé- diaire desquels on pouvait manœuvrer des manettes destinées à ouvrir et à fermer l’objectif ou à faire tomber les plaques. Malgré ses petites dimensions, ce petit appareil élait d'un manie- ment peu pratique, et pour le manœuvrer, j'étais obligé de des- cendre en scaphandre et de faire de très longs séjours dans Peau. Pour obtenir, en effet, des images suffisantes, une pose d'environ dix minutes, au minimum, était nécessaire, et certaines photogra- phies avaient demandé plus d’une demi-heure. Cette pose très longue constituait un grave inconvénient. Quelles que soient les précautions prises, en effet, quelque immobiles que fussent l'appareil et le scaphandrier, l’image était nécessairement floue, parce que le paysage lui-même était en mouvement. J'étais obligé de confesser ce résultat médiocre dans le mémoire cité plus haut et j'écrivais : « Les clichés obtenus ont un grave défaut. Malgré leur pittoresque, malgré le rendu des premiers plans, ils manquent visiblement de profondeur. Même dans les clichés les mieux réussis, le paysage semble coupé brusquement à une distance relativement faible. « En réalité, la vue porte plus loin que ne semble l'indiquer l'image photographique, et l’on pourrait reprocher avec juste raison à mes clichés de ne traduire qu’une faible partie du paysage que le scaphandrier a sous les yeux. « Malgré tous mes efforts, malgré de nombreuses variations dans le temps de pose, je n’ai pu arriver à modifier avantageusement le résultat final. « La cause de cet insuccès tient, je crois, non pas à la façon d'opérer, mais à l’appareil lui-même; il est très vraisemblable qu'avec un appareil photographique puissant, dans lequel il serait possible de régler la mise au point avec exactitude, on pourrait obtenir une profondeur plus considérable et qui traduirait plus fidè- lement le spectacle qu’on a sous les yeux. » L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 301 En attribuant cet insuccès relatif à l'appareil photographique que j’utilisais, j'étais dans le vrai, et l’on verra plus loin qu'en modifiant le dispositif employé, je suis arrivé à un résultat tout autre. Pour raccourcir le temps de pose et obtenir des images instan- tanées, j'avais à la même époque essayé d'introduire dans l’eau une source artificielle de lumière. On trouvera le détail de ces essais dans le mémoire cité plus haut; des clichés obtenus ainsi ont été reproduits dans quelques journaux scientifiques. Il faut convenir cependant qu’en dépit de toutle travail que nous avait donné la con- struction de l'appareil d'éclairage au magnésium, le résultat effectif laissait encore à désirer. Je constatais qu'il était possible d'intro- duire dans l’eau une source lumineuse assez puissante pour impres- sionner instantanément une plaque photographique, ce qui élait un premier résultat important, mais les images gravées sur les clichés ne donnaient qu’une silhouette sans détails. J'ai cru nécessaire de rappeler ces quelques faits pour arriver à répondre à cette question : Pourquoi les premiers essais n'ont-1ils fourni que des images médiocres? Le milieu eau est-il impropre à l'obtention de bonnes photographies ? L'expérience de ces trois dernières années m'a prouvé que le milieu n’était nullement le coupable, et qu'il suffisait de perfec- tionner l'appareil photographique pour perfectionner les images obtenues. Depuis la publication du mémoire que je viens d'analyser rapide- ment, de nombreux renseignements m'ont été demandés, parti- culièrement de l'étranger, sur la construction des appareils de pho- tographie sous-marine. Les Américains, en particulier, semblent être entrés dans cette voie nouvelle, mais aucun résultat n a encore été publié, à ma connaissance. Je devrais donc arrêter ici l'historique de la question, si je ne voulais y rattacher quelques tentatives intéressantes de photogra- 302 L. BOUTAN. phies faites non plus au fond de la mer, mais dans un aquarium contenant des animaux marins. Avant le travail que j'ai analysé plus haut, M. Prouho, le savant professeur de Lille, et plusieurs autres travailleurs avaient déjà pris au laboratoire de Banyuls plusieurs clichés remarquables dans l'aquarium de l'établissement. | Ces photographies étaient d’ailleurs obtenues avec un appareil ordinaire, sans dispositif spécial, et la beauté des clichés tenait à l'habileté des opérateurs. C’est ainsi que M. le professeur Topsent a enrichi la bibliothèque de la station d’un magnifique album de pho- tographies, document unique en son genre, reproduisant les prin- cipales espèces d’éponges qui vivent dans les environs de Banyuls. Depuis, j'ai vu, à plusieurs reprises, obtenir des clichés instan- tanés d'animaux captifs dans les aquariums, en uülisant l'éclair au magnésium, qu'on produisait en enflammant le magnésium en arrière de l'appareil photographique.: Ce mode opératoire à un grave inconvénient; malgré toutes les précautions prises, la lumière ne pénètre qu'incomplètement dans l’intérieur du récipient contenant de l’eau de mer; il se produit des réflexions sur les glaces de l’aquarium, qui nuisent à la netteté de l’image. En un mot, la chambre où l’on opère ést sensiblement. mieux éclairée que l’animal que l’on veut photographier. M. Fabre-Domergue parait avoir tourné heureusement la difficulté, et je vais reproduire ici la description du dispositif qu'il emploie, dispositif qui est appelé à rendre des services à beaucoup de natu- ralistes ! : « Dans un aquarium rectangulaire de 70 centimètres de longueur sur 50 centimètres de largeur et autant de profondeur, je fais arriver, dit l’auteur, un courant d’eau filtrée à travers une petite poche de flanelle. Le irop-plein de l'aquarium est réglé de manière à main- 1 FABRE-DOMERGUE, Photographies d'aquarium (Photo-Gazelte, 8e année, n° 8,1898). L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 303 tenir le niveau de l’eau à À ou 2 centimètres au-dessous du bord supérieur. Sa face postérieure est garnie extérieurement d'un écran peint en gris formant le fond du paysage. « Dans le vase ainsi disposé, je place un fond de graviers et de roches couvertes d'algues, préalablement bien lavés, sous un filet : d’eau. Le tout est arrangé aussi naturellement que possible, de facon à former un petit paysage aquatique en harmonie avec les mœurs des animaux que l’on se propose de photographier. Ceux-ci sont alors introduits dans l’aquarium, et le courant d’eau étant bien réglé, le tout est laissé au repos pendant quelques heures, de façon à donner à la population le temps de s acclimater à sa nou- velle demeure. | « Bien que, dans des conditions favorables, on puisse essayer d'uti- liser pour ces reproductions la lumière directe du soleil, j'ai dü, par suite de la disposition de mon aquarium, renoncer à m en servir. J'ai donc eu recours à l'éclair magnésique. « Au-dessus de l'aquarium et reposant exactement sur ses bords, on dresse une boîte en bois mince, formée de trois côtés, un anté- rieur et deux latéraux, d’une hauteur égale ou un peu supérieure au récipient. Cest à l’intérieur de cette boîte, le plus près possible de _ la surface de l’eau et dans des positions variables que l'éclair magné- sique doit se produire. Pour cela, la paroi antérieure est percée d’un trou dans lequel glisse à frottement doux une tige de fer terminée par un anneau où se trouve enchâssé un godet de métal. En pous- sant plus ou moins la tige, on peut amener le godet soit vers la face antérieure, soit vers le milieu, soit vers la face postérieure de l’aqua- rium. Ce godet doit être assez grand pour éviter la projection des particules magnétiques dans l’eau au moment de la combustion. L'intérieur de la caisse est peint en blanc à la colle, de façon à former réflecteur. On peut allumer la poudre magnétique mélangée de chlorate de potasse et posée sur une couche de coton-poudre, soib au moyen d'une longue mèche se rendant à l'extérieur, soit, ce qui vaut mieux, au moyen de l’étincelle d'induction d'uné bobine 304 L. BOUTAN. Ruhmkorï. Dans le premier cas, il convient de ne procéder à l’allu- mage que par l'intermédiaire d’une bougie-tige, au bout de laquelle est fixé un tampon imbibé d'alcool, afin d'éviter d’effaroucher les animaux. Une soucoupe pleine d’alcool et une bougie allumée sous l’aquarium permettent d'effectuer la manœuvre sans bouger. « L'avantage de l'éclairage par la surface de l’eau s’explique aisé- ment : d’abord il permet d'éviter les réflexions de la lumière sur les parois extérieures de l’aquarium et, de plus, en raison de la marche des rayons dans les milieux liquides, ces rayons se trouvent concen- trés dans le récipient, qui apparaît comme une masse uniformément éclairée, mais douée d’un pouvoir rayonnant relativement faible. « Il ne reste plus qu’à installer convenablement l'appareil photo- graphique bien en face de l'aquarium, à découvrir la glace, à armer l'obturateur pour la pose et à se munir de patience. « En dehors des espèces fixées, en effet, les animaux aquatiques ne se placent pas toujours au gré de l'opérateur. Certains sont animés de mouvements très vifs ; il en est, au contraire, qui se terrent sous les pierres, se tapissent contre le fond et ne sont pas moins difficiles à saisir. D'autre part, l'éclair magnésique est loin d’avoir une instanta- néité suffisante pour permettre de fixer l’image d’un corps en mouve- ment avec la réduction de quatre à dix diamètres que nous désirons obtenir. D'où la nécessité d'attendre que les habitants de l'aquarium soient calmes, nagent avec lenteur et qu’ils soient, de plus, conve- nablement groupés. La réussite, ici, est entièrement subordonnée à la patience et à l'esprit d’à-propos de l'opérateur. Le mieux est de s'asseoir commodément à côté de l’appareil, de tenir d’une main la poire de l’obturateur, de l’autre l'appareil d'allumage ; quand on juge le moment opportun, d’un premier mouvement, on découvre l'objectif et, presque en même temps, on allume le magnésium, L'éclair se produit, on referme l'objectif d’une nouvelle pression sur la poire et l'opération est terminée. Le développement s'effectue par les moyens habituels. f « L'impression causée par l'éclair magnésique sur les Poissons est L'INSTANTANE DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 305 extrèmement vive, mais le mouvement réflexe qui en est la suite est assez lent à se manifester, car, bien qu’en proie à une folle ter- reur, ils se précipitent tête baissée sur le fond ; je n’ai jamais eu, de ce fait, le moindre insuccès. L’éclair est éteint avant que le réflexe n'ait commencé à se produire. Si, par contre, au moment où jaillit la lumière, un des animaux se meut avec trop de rapidité, il ne donne souvent qu'une image floue qui gâte le cliché. Telle est même la principale difficulté de ce genre de reproduction. La con- dition idéale serait évidemment de faire coïncider l'ouverture de l’ob: turateur, armé pour une instantanéité convenable, avec l'éclair ma- gnésique, dont on n’utiliserait ainsi qu’une partie de la durée ; mais je n'ai encore pu réaliser le dispositif nécessaire pour avoir le syn- chronisme des deux mouvements. » M. Fabre-Domergue a bien voulu me communiquer quelques-unes des belles épreuves obtenues; elles ne laissent rien à désirer au point de vue du modelé et de la netteté des animaux photographiés. On sent que les Poissons, au moment où l’image s’est fixée sur la plaque, étaient, si l’on peut employer une pareille expression, plongés dans un véritable bain de lumière. Malgré les services que peut rendre cet ingénieux procédé, je crois cependant quil ne fait pas double emploi avec la photographie sous-marine et que, s’il est appelé à rendre de réels services, parti- culièrement dans l'illustration des ouvrages scientifiques, il ne peut remplacer les photographies d'animaux pris en pleine liberté. Ces dernières, en se plaçant au point de vue zoologique, sont appelées à fournir d'utiles indications biologiques, non seulement sur les ani- maux eux-mêmes, mais aussi sur le milieu dans lequel ils évoluent, Elles constitueront bientôt, je l'espère, des documents précieux pour l'étude des fonds sur lesquels nous n’avons que des données incom- plètes, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 93€ SÉRIE. — T. VI. 1898. 20 306 L. BOUTAN. IT LE PLAN ADOPTÉ DANS LA CAMPAGNE DE 1898. Par suite d’un long séjour au laboratoire de Roscoff, je n'avais que le mois de septembre 1898 à consacrer aux expériences de pho- tographie sous-marine qui devaient avoir lieu au laboratoire Arago de Banyuls-sur-Mer, où se trouvaient mes appareils. En conséquence, j'ai dû me tracer à l'avance un plan de travail qui, sans embrasser toutes les questions, devait cependant conduire à la solution de quelques-unes qu'il paraissait urgent d’élucider pour juger de l'avenir de la photographie sous-marine. Les premières tentatives que j'ai rappelées dans le chapitre relatif à l'historique de la question m’avaient donné cette conviction, que la photographie sous-marine ne pouvait entrer dans une phase pra- tique qu’à la condition d'obtenir des clichés instantanés. Le travail préparatoire des années 1895, 1896 et 1897, où diffé- rents essais avaient été tentés, m'avait montré que, pour atteindre ce résultat, il fallait renoncer complètement à l'emploi de dia- phragmes à petite ouverture, el que je devais chercher à produire la netteté par une mise au point rigoureuse. Les diaphragmes à petite ouverture ont, en effet, l'inconvénient de diminuer la quantité de lumière qui doit impressionner la plaque ; ils ne pouvaient convenir pour l’instantané, alors, précisément, que j'essayais d'opérer avec le maximum de lumière. Je devais donc chercher à faire travailler mes objectifs à toute ouverture ef, dans ces nouveaux essais, utiliser une source lumineuse aussi intense que possible. Il pouvait, tout d’abord, sembler rationnel d’essayer de produire ce foyer lumineux en utilisant encore une fois l’éclair au magné- sium : mais, à la réflexion, j'ai préféré tout d’abord employer direc- tement la lumière solaire. L'INSTANTANE DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 307 En quelques mots, le but que je me suis proposé d'atteindre, dans cette campagne, peut se résumer ainsi : Arriver à prendre des instantanés & une certaine profondeur sous l'eau, sans intervention de lumière artificrelle. Pour compléter ce premier résullat, j'aurais dû faire des photo- oraphies instantanées à des profondeurs variables et déterminer la limite maximum où la chose est possible; il eût été, en effet, curieux de déterminer suivant quelle proportion décroît la puissance lumi- neuse et photogénique du faisceau solaire à mesure qu’on inter- pose, entre le soleil et l’objet, une couche d’eau de plus en plus forte. J'ai négligé l'étude de cette question très intéressante, mais dont la solution précise exigerait un temps très long, car on se trouve en présence de conditions variables qui ne permettent d'espérer qu'un résultat approché. La puissance photogénique du soleil dépend d’une foule de causes et peut varier d’un moment à l’autre ; il en est de même de la sensibilité des plaques et de la transparence de l'eau, autant de facteurs qu'on ne saurait négliger. Cette détermination ne peut donc avoir rien d'absolu; elle se rap- porte uniquement aux plaques sensibles et aux meilleurs objectifs que nous possédons actuellement. J'ai dû me borner cette année à préciser un autre point qui m’in- téressait plus particulièrement. En s’enfonçcant de plus en pius sous l’eau, on se trouve succes- sivement en possession d'une source lumineuse qui s’affaiblit gra- duellement, si bien qu’il arrive un moment où le faisceau solaire correspond à une intensité moins forte qu’une source artificielle qui serait immergée au niveau même de l’objet à photographier. C’est cette limite que j'ai essayé d'atteindre cette année. Il m'a paru évident que, si j'arrivais à prendre ce qu on est con- venu d'appeler des instantanés à une profondeur où la source lumi- neuse solaire était suffisamment amoindrie pour ne plus représenter 308 L. BOUTAN. l'équivalent d'une source lumineuse artificielle immergée à la pro- fondeur donnée, je démontrais du même coup qu’on pouvait prendre également des instantanés avec cette source lumineuse artificielle immergée au niveau de l'appareil. Pour indiquer complètement le plan que je me suis tracé dans la campagne de 1898, il faut donc compléter la phrase que j'ai souli- gnée plus haut et écrire que j'ai voulu arriver à prendre des enstan- sanés sous l’eau à une profondeur telle qu'il soit possible de substituer à ln lumière solaire une source artificielle de lumière immergée au niveau de l'appareil. TT DESCRIPTION DES APPAREILS. Après la publication du premier mémoire sur la photographie sous-marine, dont j'ai parlé dans l'historique de la question, Je m'étais proposé de modifier le dispositif employé (fig. 1). Je me trouvais placé, pour arriver à ce résultat, dans des condi- tions particulièrement favorables. Le laboratoire fondé par M. de Lacaze-Duthiers se trouve à l’une des extrémités les plus reculées de la France, dans une des der- nières digitations de la chaine des Albères, à quelques kilomètres de la frontière espagnole. 1 semble, au premier abord, que dans ce coin perdu du Rous- sillon, il doit être bien difficile de s’outiller convenablement et d’ar- river à se procurer les instruments nécessaires pour des recherches délicates. Heureusement, il n’en est rien, el ces conditions, en apparence défavorables, ont, au contraire, grandement facilité mon travail. Pour obvier, en effet, aux conséquences de l'éloignement de la station de tout centre important, M. de Lacaze-Duthiers a été amené à condenser en un même point les ressources les plus variées, de manière à ce que l'établissement püt se suffire à lui-même. L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 309 On chercherait, probablement en vain, un laboratoire de zoologie maritime français, où l’on trouverait un atelier de mécanique aussi largement installé. Dans quel laboratoire pourrait-on actuellement exécuter, à l’aide des seules ressources de la station, des appareils aussi compliqués que ceux qui sont repré- sentés figure 2 et figure 3? Ces appareils ont, ce- pendant, été construits de toute pièce à Banyuls- sur-Mer, par les soins de l'habile mécanicien du laboratoire David ; et ce dernierne s’est pas borné à reproduire, plus ou moins fidèlement, les cro- quis que je lui remettais, Fig. 1. comme aurait pu le faire Premier appareil de photographie sous-marine utilisé au laboratoire Arago en 1893, un praticien ordinaire. à Aa B, ballon compensateur. Maintes fois, il a su les D, manette actionnant le déclanchement des plaques. dif d’ OB, manette actionnant l’obturateur. modifier d'une façon pra- 6, objectif. V, viseur, tique et est arrivé ainsi à créer des disposilifs nouveaux, tels que le châssis représenté figure 4. Le deuxième appareil, dont j'ai essayé l’emploi (fig. 2), était basé sur un principe tout différent de celui qui avait servi de point de départ à la construction du premier appareil (fig. 1). Les objectifs que nous employons journellement sont plongés dans l’air, aussi bien par leur face antérieure que par leur face postérieure. Rien ne s'oppose à ce que des objectifs calculés conve- nablement ne fonctionnent également bien dans des milieux plus réfringents, en étant immergés complètement, par exemple, dans le milieu eau. 310 L. BOUTAN. Je résolus d'établir le nouvel appareil en donnant suite à cette idée. et la figure n° 2 représente ce dispositif. L'objectif devant être baigné par l’eau, aussi bien par sa face anté- rieure que par sa face LA postérieure, la chambre noire, qui remplace le soufflet des appareils or- dinaires, n’avait plus be- soin d’être étanche et se remplissait d'eau de mer au moment de l’immer- sion. Les plaques elles- mêmes se trouvaient en contact avec l'eau de mer. Il serait oiseux de dé- crire en détail les parti- cularités de cet appareil, qui à été construit au PAS 9 Fee: laboratoire à la fin de Deuxième appareil de photographie sous-marine 7. L4 9 construit au laboratoire Arago. l’année 1896, car J'ai re B, chambre noire où l’eau de mer peut pénétrer hbrement. nonce à Son emploi cette m, manette actionnant le chässis. PF m!., manette aclionnant l'obturateur. annee ; la figure 2 peut O, objectif. NV, viseur. suppléer d’ailleurs à une longue description. Je me contenterai de signaler la disposition particulière du châssis qu'on ne peut apercevoir dans la figure 2, parce quil est recouvert par la porte B. Il s’ouvrait, lorsqu'il était en place dans l'appareil, par le mouvement de la manette » située à l'arrière. On pouvait de cette facon mettre l'appareil en place, indépendamment du châssis, et le charger au fond de l’eau sans crainte de voiler les plaques. Quoique ce dispositif m’ait donné un résultat tout à fait insuffi- L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 311 sant, je devais cependant le signaler, parce que ce résultat n’est pas définitif et peut être, je crois, amélioré. Le principe est certainement bon et, malgré l’insuccès de l’appli- cation que j'en ai faite, là peut-être est l'avenir des appareils photo- sous-marins. Si le résultat a été insuffisant, cela tient à ce que je n'ai pas eu à ma disposition des objectifs convenablement appro- priés à cette nouvelle fonction. il est bon de rappeler ici que la différence des indices de réfrac- tion de l’eau de mer et du verre pour les différentes radiations solaires étant relativement faible, il est indispensable de créer un objectif nouveau, dont les courbures soient calculées en partant de ces conditions spéciales. On peut prévoir cependant que le jour où l'on aura construit un objectif calculé pour un milieu aussi dense que l’eau de mer, il deviendra parfaitement inutile de recourir à une chambre complète- ment étanche et que l'objectif pourra travailler d'une façon utile, tout en étant immergé dans l’eau de mer, aussi bien par sa face antérieure que par sa face postérieure. L'action de l’eau salée sur les plaques est, en effet, très faible, lorsqu'elle n’est pas trop prolongée; et l'on peut l’annihiler complè- tement en employant des plaques sensibles préalablement vernies, comme MM. Lumière ont eu la complaisance d’en faire préparer spécialement pour moi, lorsque je faisais ces essais. Il faut noter, cependant, que ce n’est pas seulement la nécessilé de posséder un objectif approprié au milieu eau de mer, objectif dont la construction n’est qu’une affaire de calcul et d'argent, qui m’a fait renoncer à ce dispositif et adopter une autre voie. ll faut faire manœuvrer l’obturateur pour prendre un cliché; or, la difficulté de faire mouvoir l’obturateur, sans imprimer au liquide une ondulation nuisible à la netteté des images — dans le cas où toutes les parties composantes sont plongées dans l’eau — m'a paru presque insoluble. Si l’on arrivait à tourner ces premiers obstacles par un procédé 312 L. BOUTAN. que je n’entrevois pas, l'appareil immergé dans sa totalité aura encore un autre défaut moins grave, mais qu'il me paraît également impos- sible de corriger. Puisque l’eau le remplit entièrement, la colonne d’eau interposée entre la plaque sensible et l'objet à photographier se trouve aug- mentée d'une quantité peu considérable, il est vrai, mais cependant nullement négligeable, et qui se trouve mesurée par la distance de l'objectif à la plaque sensible. De là doit résulter, nécessairement, une diminuüon dans la portée de l’appareil. Ces diverses considérations m'ont amené à faire établir un troi- sième appareil (fig. 3), dans lequel je reprenais le dispositif employé dans le premier : une boîte étanche renfermant à la fois l'objectif et la plaque, qui sont ainsi plongés tous les deux dans l’air. L'objectif est donc exactement dans la même situation que l'œil du scaphandrier qui, placé au milieu de l’air que lui envoie la pompe, voit les objets à travers la glace du casque. Comme lui, s'il est myope, il ne verra pas grand'chose ; si, au contraire, il est doué d'une vue normale et perçante, le paysage qui va se dérouler devant lui sera très étendu. Tout se ramène donc à perfectionner, autant que possible, l’œil ou plutôt l'objectif qui doit transmettre l’image à la plaque sensible. Au lieu d'employer un objectif simple, avec mise au point fixe à partir d’une certaine distance, le perfectionnement principal a con- sisté dans l'emploi d’un des excellents objectifs que construit la maison Darlot, du genre des anastigmats symétriques. Comme ces lentilles exigent une mise au point rigoureuse, cela m'a amené à toute une série de modifications secondaires que nous allons indiquer. Dans le nouvel appareil pour plaques 18 X 24, construit au labo- ratoire Arago par le mécanicien David (fig. 3), l'enveloppe extérieure, de métal À, est rendue parfaitement étanche, de manière à limiter une grande cavité où est placé l'objectif qui voit à l'extérieur par L'INSTANTANE DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. _ 313 l'intermédiaire d'une glace à faces planes et parallèles situées en O. L'enveloppe extérieure est un parallélipipède rectangle, formé d'un manchon de tôle épaisse, manchon ouvert en arrière en A, mais qui peut être fermé par l'intermédiaire d'une porte garnie d’un cadre de caoutchouc. Cette porte appuie sur la garniture en caout- Troisième appareil construit au laboratoire Arago et permettant d'obtenir des épreuves instantanées. (A droite l’abat-jour AB, à gauche le châssis CH.) A, enveloppe de métal, limitant l'appareil et servant de chambre noire. M, manette commandant le déclanchement des plaques. MO, manette commandant l’obturateur. O, obturateur. P, pieds de l’appareil. V, viseur. X, point d'attache de l’abat-jour A B. CH, châssis à 6 plaques. gl, glissière du châssis. pl, plaques. t, turillon, chouc, qui peut être fortement comprimée par l'intermédiaire d’une série d’écrous. Dans l'intérieur de la boîte se trouvent deux glissières, qui per- mettent le déplacement du châssis CH placé à gauche dans la fi- gure 3. Quand la porte est en place, les seules ouvertures qui existent sur l’appareil sont : 1° L'ouverture de l'objectif O, obstruée par une glace; 29 L'ouverture d’un presse-étoupe située en MO et permettant d’actionner l’obturateur ; 314 L. BOUTAN. 3° L’orifice d'un presse-étoupe placé en arrière de l'appareil, qui livre passage à une manette M actionnant le châssis et permet le déclanchement des plaques p/ placées dans l'intérieur du châssis. Le châssis à six plaques imaginé par le mécanicien David, mé- rite une mention particulière, Nous en donnons une figure schéma- tique qui facilitera la description (fig. 4). Il est pourvu en arrière de res- sorts puissants 7 {fig. 4) destinés à repousser les plaques P et P’ dans la chambre noire, qui remplace le soufflet. Les plaques sont mainte- nues en place par un taquet é, qui joue un rôle important dans le dé- Dessin schématique du châssis à clanchement. 6 plaques du mécanicien David. ; A gauche, vue de face ; à droite, En effet, les plaques P et P sont coupe du châssis. (Pour simplifier le dessin, deux plaques seulement ont été représentées.) selon le rang qu’elles occupent munies d’un prolongement p ou y’, LP GRR. dans la boîte ; prolongement placé m, manette actionnant le taquet é. P et P/, plaques métalliques supportant à droite, par exemple, pour la pre- les plaques sensibles. p et p’, prolongement de cesplaquesmain Mière; à gauche, pour la seconde ; " cs ir dues à droite, pour la troisième, et ainsi | de suite jusqu'à la sixième. Le fonctionnement de l'appareil s’opère de la manière suivante : L'opérateur, enfermé dans une chambre noire, de manière à ma- næuvrer les plaques sans danger de les voiler, les place une à une -dans le châssis en suivant l’ordre indiqué plus haut, de manière que le prolongement de la plaque P, destinée à tomber la première, soit maintenue en place par le taquet t. 1] fait glisser le châssis sur les rainures gl (fig. 3), de manière à l’amener à une distance connue d'avance, l'appareil ayant été réglé au préalable, pour photographier à une distance donnée, 4 mètres par L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 315 exemple, comme pour la photographie du scaphandrier (pl. XXII). Il fixe le châssis sur les rainures, à l’aide d’une vis mobile. Désormais, l'appareil est au point d’une façon invariable pour la distance choisie, sans qu'il soit nécessaire de toucher à l’objectif. Il ferme la porte à l’aide des écrous, après avoir vissé la manette M dans la partie postérieure du châssis où elle est maintenue en place par un contre-écrou. Les mouvements de la manette ne peuvent faire avancer ou re- euler le châssis, qui est maintenu en place par la vis indiquée plus baut: mais, en imprimant à la manette un mouvement de rotation, on communique le même mouvement au taquet £. Supposons, maintenant, l'appareil en place et immergé à la pro- fondeur voulue. En agissani sur la manette MO, qui actionne l’obtu- rateur, l'opérateur ouvre et ferme celui-ci (obturateur est préala- blement réglé en pose ou en instantané, selon le résultat que l’on veut obtenir). Une première plaque se trouve impressionnée. Il s’agit de la faire tomber pour lui substituer une autre plaque, qui doit occuper rigoureusement la même posilion. Pour y arriver, on imprime à la manette M un mouvement de rotation ; le taquet { tourne sur lui-même, le prolongement p de la plaque qui la maintenait en place (fig. 4) se trouve dégagé ; la plaque poussée par derrière tombe, tandis qu'une autre vient prendre exac- tement sa place, sous l’action des ressorts 7. En tournant, le taquet é est venu se placer à l'opposé de sa position première et coïncide maintenant avec le prolongement de la plaque qui vient de remplacer celle qui est tombée ; cette dernière est donc momentanément immobilisée. Pour amener sa chute, il faudra actionner la manette en sens contraire, ce qui produira la rotation dans le même sens du taquet qui, après la chute de la deuxième plaque, coïnicidera avec le prolongement de la troisième plaque et ainsi de suite, 316 L. BOUTAN. A l’aide de l’appareil que j'ai employé, on peut donc prendre suc- cessivement six clichés, sans aucune manipulation autre que le mouvement de la maneite M; mais il faut remarquer que ces six clichés doivent être nécessairement pris à la même distance, puis- qu'on ne peut modifier la position du châssis et, par conséquent, la distance de l'objet à l'objectif, sous peine d’avoir une image confuse. IV RÉGLAGE DE L'APPAREIL. Pour obtenir de bonnes photographies, il était indispensable de régler convenablement la mise au point; et, comme il est impos- sible d'effectuer cette opération d’une facon convenable au fond de l’eau, nous avons dû chercher un procédé nous permettant de tourner la difficulté. Il fallait de toute nécessité que la graduation eût lieu par l’inter- médiaire de l’eau, car ce milieu étant beaucoup plus réfringent que le milieu air, la graduation que l’on peut obtenir dans l’air en met- tant au point sur une série d'objets de plus en plus éloignés, ne peut servir pour les mêmes objets placés à la même distance dans l’eau. Voici comment nous avons opéré : Au-dessus du bassin de radoub qui sert à mettre le vapeur de la station en cale sèche, lorsqu'on a besoin de le réparer ou de le reprendre, le mécanicien du laboratoire à établi un bâti avec de gros madriers. Une sorte de pont reliant les deux bords du bassin a été ainsi con- situé, et au milieu on a installé, par les moyens que possède la station, une sorte de tablier en planches qui arrivait à fleur d’eau; c’est ce qui a été figuré théoriquement figure 5, où l’on a supposé le bassin de radoub coupé perpendiculairement au niveau du bâti. Au milieu du tablier P, on avait ménagé une ouverture d’un dia- L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 317 mètre un peu supérieur à celui de l'appareil A, de manière à ce que celui-ci pût manœuvrer librément dans le sens indiqué dans la figure 5. KW . _ i SOS, = h . NN Fig. 5. Dessin théorique indiquant le procédé employé pour régler la mise au point de l’appareil de photographie sous-marine pour deux distances données. À, appareil. B, madriers constituant le bâti. N, niveau de l’eau. O, objectif plongé dans l'eau. P, plancher situé au-dessus de la surface de l’eau. ch, verre dépoli pouvant glisser avec le châssis et servant à la mise au point, L'appareil À, soutenu par des câbles que manœuvrent les hommes de l'équipage, et que, pour plus de simplicité, dans la figure, on a supposés attachés aux madriers B, est amené progressivement au niveau de l’eau N, la tête en bas, c’est-à-dire l’objectifO tourné du 318 L. BOUTAN. côté de l’eau, comme si l’on voulait prendre une photographie en plan. On laisse l'objectif pénétrer de quelques centimètres dans l'eau de manière à ce que la glace qui ferme la partie antérieure soit immergée. La partie supérieure de l’appareil, débarrassé de la porte d'entrée, est donc tournée vers le ciel, et en regardant en ch, où l’on peut placer le verre dépoli qui se déplace avec le châssis, on a devant soi l'objectif regardant vers le fond du bassin. La mise au point devient dès lors très facile. Supposons qu'on veuille régler l'objectif pour une distance à l’objet de 2 mètres, on descend un grand écran blanc, portant au centre une inscription en lettres noires à une profondeur de 2 mètres à partir de l'objectif (fig. 5), puis on enveloppe la partie supérieure de l'appareil d’un voile noir sous lequel l'opérateur examine tout à son aise la glace dépolie qui occupe exactement la place destinée à la plaque sensible. On fait manœuvrer cette dernière en faisant glisser le châssis sur ses rainures jusqu’à ce que l'inscription s’aperçoive avec une par- faite netteté; après quelques tàtonnemenis, on arrive au résultat aussi facilement que dans un appareil ordinaire. Un trait gravé dans la rainure, une fois la mise au point obtenue, indique, une fois pour toutes, l'endroit où devra prendre place le châssis pour une mise au point à 2 mètres. Pour régler la mise au point à une autre: distance, à 12,50 par exemple, il suffit de remonter l'écran de la quantité voulue (50 cen- timètres environ), et l’on recommence la manœuvre précédente en faisant glisser la glace dépolie de la quantité'convenable. Le bassin de radoub où nous opérions n’ayant qu'une profondeur de 22,50 environ, le réglage se trouvait limité à cette distance maximum. Quand nous avons voulu régler l'appareil pour des distances plus considérables, 4 mètres par exemple, nous avons dû transporter le dispositif que nous venons de décrire à bord du L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 319 bateau, car nous pouvions amener celui-ci à un point quelconque de la baie. Le bâti résistant était alors remplacé par une petite passerelle qu’on accrochait au flanc du bateau et au bord de laquelle on fixait l’appareil de manière à ce que l’opérateur pût manœuvrer facilement la glace dépolie. On peut alors régler la mise au point pour une distance qui n’est plus limitée que par la transparence de l’eau, puisqu'on peut choisir une profondeur quelconque. Seulement, la manœuvre, tout en res- tant essentiellement la même, devient plus délicate par suite du peu de stabilité du bateau, qui, sous l'influence du vent et en dépit des amarres, se déplace et rend plus difficile de viser exactement un objet placé à une distance déterminée à l'avance. v MODE OPÉRATOIRE. Nous avons expliqué, dans le chapitre précédent, comment on règle l’appareil, il nous reste à indiquer maintenant comment on arrive à l'utiliser dans la mer. L'appareil est si lourd et si encombrant qu'il faut trois hommes pour le manœuvrer dans l'air sans trop de peine; aussi le mécani- cien David avait-il transformé Ja cale du bateau en chambre noire, afin de pouvoir charger l’appareil à bord et d'éviter tout déplace- ment inutile. | A l’aide d’un palan fixé sur la vergue, les hommes de l'équipage descendaient l'appareil dans la cale, puis on rabaltait le capotetl'on calfeutrait le mécanicien et son aide dans la chambre noire. Le bateau n’a que des dimensions fort restreintes et la chambre noire forme un réduit très étroit, où les opérateurs ne peuvent ma- nœuvrer qu'accroupis sur leurs talons. Bien souvent, sous le soleil torride de Banyuls et par les chaudes 320 L. BOUTAN. journées de septembre, il m'est arrivé de plaindre mes modestes collaborateurs, enfermés dans cette caisse étroite où je craignais pour eux l’asphyxie prochaine. Aussi, est-il de toute justice que je rende hommage à leur dévouement ainsi qu'à celui de l'équipage commandé par le brave patron Rocaries. Lorsque l'appareil était chargé, on le hissait de nouveau sur le palan, le patron, faisant imprimer un mouvement de rotation à la vergue, l’'amenait au niveau de l’eau (fig. 6). Pendant ce temps, L'appareil de photographie sous-marine suspendu au-dessus de l’eau au moment de son immersion. (D’après un cliché de M. Marcel Gorse.) tantôt le mécanicien, tantôt moi-même, nous revêtions l’habit du scaphandrier et nous allions choisir l'emplacement que devait oc- cuper l'appareil pour obtenir le cliché voulu. On laissait ensuite filer l’appareil au fond de l’eau et quand il avait pénétré à la profondeur convenable, le scaphandrier le dispo- sait de son mieux. Cette opération ne laissait pas d’être fort pénible, quoique l'appa- reil, allégé dans l’eau, pût être plus facilement manié par un homme seul. L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 321 Ce n’est qu'assez tard, dans la campagne, que j'ai eu l'idée de rendre l'appareil plus maniable en y faisant adapter un tonneau rempli d'air qu'on fixait sur lui au moment voulu. Voici comment s’effectuait cette manœuvre : On envoyait du bord une corde à laquelle était amarré le tonneau rempli d’air. Le scaphandrier n'avait plus qu'à l’accrocher momen- tanément à l'appareil. Le déplacement du système devenait alors, on le comprend sans peine, des plus faciles. On le conduisait ainsi aisément au point voulu et on l'installait à la distance, choisie d’avance, de l’objet qu'on voulait photogra- phier. Il suffisait alors d'attendre que l’eau, un instant troublée par la manœuvre et les mouvements du scaphandrier sur le fond, eût repris sa limpidité, pour opérer dans des conditions convenables. Cette description suffira, je l’espère, à ceux qui voudront opérer dans des conditions analogues. Je ne dois pas omettre cependant de signaler deux faits importants qui pourraient nuire à la réussite de l'opération. L'appareil, souvent échauffé par les rayons du soleil, est, dans l'air, à une température fort différente de celle qu'il va prendre dans l’eau; dans ces conditions, si l’on néglige de tenir compte de l’état hygrométrique de l’air renfermé dans l'appareil, il peut se produire de graves mécomptes. L'appareil photographique est donc transporté, de l'air où le soleil l’échauffe, dans l’eau, où il se trouve fortement refroidi. L'at- mosphère confinée, toujours plus ou moins humide, qui est logée dans son intérieur subit les mêmes variations de température.Chaude avant l'immersion _ poids de vapeur d’eau qu'elle renferme est insuffisant pour la saturer — elle se maintient parfaitement trans- parente. Refroidie à la suite de l'immersion dans la mer, ce même poids de vapeur pourra, dans bien des cas, la saturer, à raison de Îa ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. VI, 1898. 21 322 L. BOUTAN. température notablement plus basse qu’elle aura acquise. Il se pro- duira alors une condensation partielle de cette vapeur, dont le pre- mier effet sensible sera le dépôt d'une buée sur la lame de verre, à faces planes, située devant l'objectif. Gette lame perdra de sa trans- parence; l'épreuve obtenue sera mauvaise. il est, heureusement, facile de parer à ce grave inconvénient en ayant soin de maintenir daus l’intérieur de l'appareil, entre chaque descente, un bocal ouvert, renfermant de la chaux vive ou tout autre corps avide d’eau, de manière à dessécher à peu pres complètement l'atmosphère limitée, qui va éprouver un abaissement de tempéra- ture pendant l'immersion. Le second fait sur lequel je désire attirer l'attention est le suivant : La nappe d’eau superficielle est rarement tout à fait tranquille; il se produit à sa surface des clapotements qui détruisent l’horizonta- lité parfaite du liquide et transforment cette surface en une série de petits miroirs occupant des positions variées. [l en résulte la produc- tion de rayons lumineux réfléchis dans des directions très diverses et dont quelques-uns peuvent venir frapper l’objectif et donner nals- sance à un voile qui nuit ensuite à la netteté de l’image. J'ai été longtemps avant de me rendre compte de l'effet que pou- vaient produire les mouvements de la surface de l'eau et de la nécessité qui existe de protéger l'objectif contre ces rayons mal- faisants. | | Dès que J'eus soupeonné ce MaUuvaIs effet, il me devint facile de le corriger, en mettant en avant de mon objectif un abat-jour, une sorte de visière (fig. 3, AB) analogue à celle qu’on place sur le front des malades qui ont la vue affaiblie. J'ai constaté immédiatement une diminution importante dans la production du voile qui nuisait jusque-là à la netteté des clichés. J'avais pensé tout d'abord à corriger directement ce défaut de la surface de l’eau et à rétablir l’horizontalité du niveau en filant de L'INSTANTANE DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 323 l'huile ; on sait, en effet, que quelques gouttes d'huile répandues à la surface de l’eau empêchent les vagues de déferler. Ce procédé est même utilisé avec succès, à bord des navires, pendant les grosses tempêtes. Maintes fois, quand l’eau clapotait, nous avons employé ce déri- vatif, mais sans grand succès, je dois le dire. Assurément, sous l'influence de l'huile, il se produisait une zone de calme; mais ce calme relatif n’était pas suffisant pour empêcher les ondulations de la surface, et l'inconvénient indiqué plus haut reste le-mème- Je veux signaler aussi, pour mémoire, l'emploi que nous avons fait d’un grand miroir pour accroitre la pénétration des rayons lumi- neux dans Peau. On dirigeait par réflexion les rayons solaires vers un espace déterminé, de manière à obtenir une intensité d'éclairage plus considérable. Il y avait manifestement une augmentation sensible d'intensité; mais l'installation du miroir nécessite un dispositif encombrant, et, comme je ne constatais pas de différence sensible dans la vigueur des clichés, je n'ai pas tardé à laisser de côté la lourde machine que j'avais fait établir à cet effet. Toutes les photographies reproduites dans ce mémoire provien- nent de clichés obtenus directement sous l'influence de la lumière solaire sans l’emploi du miroir dont je viens de parler. VI DESCRIPTION DES PHOTOGRAPHIES REPRODUITES DANS CE TRAVAIL ET DÉVELOPPEMENT DES CLICHÉS. On trouvera, parmi les planches relatives à ce travail, plusieurs photographies reproduites par l'héliogravure. Je crois qu'il n’est pas sans intérêt d'indiquer dans quelles conditions et à quelle profon- deur les clichés, dont elles sont une fidèle reproduction, ont été obtenus. 324 L. BOUTAN. Les quatre photographies en question ont été prises à une profon- deur commune de 3 mètres sous l'action directe du soleil et sans aucune intervention de lumière artificielle. La distance de l’objet à l'objectif a, au contraire, varié dans des limites assez étendues que nous noterons pour chaque épreuve reproduite. La photographie (pl. XX) représente une bande de Poissons, prise en instantané dans la baie des Elues, près de Banyuls. Le cliché à été obtenu par le mécanicien David. Fig. 7. Cette figure montre comment l’on à opéré pour obtenir les instantanés de poissons dont l’une des épreuves à été reproduite planche XX. Voici les détails que je relève dans mes notes : Le mercredi 44 septembre 1898, malgré une houle assez forte causée par le vent du nord, le bateau du laboratoire a été ancré dans la baie des Élues, mieux abritée que celle de Banyuls. La journée était belle, avec un clair soleil ; le cliché a été pris à 10 heures du matin. Après avoir immergé l'appareil à 3 mètres de profondeur sur ün fond de sable, le scaphandrier place, en face de l'objectif, à 27,80 environ (par conséquent un peu au delà de la distance pour laquelle était réglé l’appareil), un grand écran blanc. L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 325 Cet écran, qui représente le fond de la photographie, était cons- titué par un morceau de toile peinte, tendu sur un cadre en fer muni de pieds, de manière à ce que la surface blanche prit une position oblique dans l’eau. Pour attirer les Poissons qui rôdent dans le vois sinage, le scaphandrier place en avant de l'écran, à une distance d'environ 2 mètres, un appât constitué par des débris d'Oursins et d'Annélides qu’on lui avait fait passer du bord dans un bocal fermé. On aperçoit d’ailleurs sur l'épreuve les fragments de ces Oursins encore munis de leurs piquants. | Plusieurs épreuves ont été prises dans les mêmes conditions, à des distances variant de 1",30 à 2 mètres, et parmi les clichés in- stantanés de Poissons, nous n’avons eu que l'embarras du choix pour déterminer ceux qui méritaient d’être reproduits. La seule difficulté de l'opération consiste à prendre l'image au moment où les Poissons sont à peu près au point, c'est-à-dire au niveau de l’appât (fig. 7). On peut remarquer que l’écran, dans la photographie (pl. XX), est en partie couvert par des traînées de sable dues à la violence de la houle qui agitait le fond. Geci nous monire que limmobilité de l’eau, si elle facilite l'opération, n’est pas indispensable à sa réussite. L'écran que nous avons employé forme un fond sur lequel les Poissons se détachent nettement; son emploi est utile, mais non indispensable; car, dans d’autres clichés que nous n'avons pu repro- duire ici, nous avons obtenu des Poissons très nets qui se projettent sur le fond de sable ou de vase. La photographie (pl. XXI) représente un paysage pris dans la baie de Banyuls, sur le bord d’une prairie sous-marine. | La photographie n’est pas instantanée, elle a été obtenue à la suite d’une pose au maximum d’une seconde; j'ai opéré en sca- phandre par 3 mètres de fond, en ouvrant et fermant l’objectif aussi vite que possible à l’aide du bouchon. La cuvette sur laquelle on avait écrit au préalable les mots de 326 L. BOUTAN. photographie sous-marine, avait été placée exactement à 2 mètres de l'objectif. Cette photographie a été prise le 15 septembre, à 3 heures et demie de l'après-midi, par beau temps. Cette figure montre comment l’on a opéré pour prendre la photographie du scaphandrier reproduite planche XXIT. La photographie (pl. XXII) me paraît la plus intéressante de la série. Elle représente le mécanicien David revêtu du scaphandre et placé par 3 mètres de fond, à 4 mètres de distance de l'objectif. Cette photographie a été prise, en instantané, le 22 septembre à 41 heures du matin par un beau soleil. La figure 8 est destinée à montrer la position relative du scaphan- drier dont l’image est reproduite (pl. XXII), de l'appareil et de l’opérateur chargé de manœuvrer l'obturateur. = L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 327 Le scaphandrier, accroupi au milieu des herbes marines, tient dans sa main une cuvelte portant une inseription; on voit l'air s'échapper par la soupape sur le côté du casque. L'intérêt de cette photographie ne réside pas seulement dans Îa netteté de l’image obtenue, il consiste surtout dans ce fait que l’ap- pareil, bien qu'il fût immergé à 3 mètres de profondeur comme l’objet à photographier, a été manœuvré hors de l’eau. Voici, en effet, ainsi que l'indique la figure théorique n° 8, com- ment j'ai opéré pour prendre ce cliché : Après avoir muni la manette qui commande l’obturateur d'une longue corde, terminée par un liège de manière à en maintenir une extrémité hors de l’eau, l'appareil est descendu à la profondeur voulue et le scaphandrier se place à la distance convenue d'avance. Quand il est dans la position convenue, ce qu’il était facile de cons- tater de l'extérieur de l’eau, parce que celle-ci était très transpa- rente, une légère traction sur la ficelle me suffit pour ouvrir l’ob- turateur, qui, ainsi qu'on le sait, se referme automatiquement quand il s’agit d’instantané. Cette petite manœuvre paraît bien peu de chose; en réalité, elle constitue cependant un perfectionnement important. Elle prouve que la présence du scaphandrier n’est nullement nécessaire pour effectuer la seule manœuvre essentielle de l'appareil, et qu’on peut arriver, avec quelques précautions, à le faire fonctionner sans être obligé de pénétrer dans l’eau. Enfin, la photographie (pl. XXII) provient d'un cliché du mécani- cien David, et représente un plongeur à 3 mètres de profondeur et à 2 mètres de l'objectif. Ce cliché a été fait à 10 heures du matin, par beau soleil, dans la baie de Banyuls, le 21 septembre 1898. Pour faciliter la mise au point, le scaphandrier avait fixé dans le sol, à 2 mètres en avant de l'appareil, une solide barre de fer qui devait servir de point de repère: 328 L, BOUTAN. Je ne crois pas que cette méthode, pour faire faire son portrait, soit appelée à un grand avenir; cependant, j'ai tenu à reproduire ici cette épreuve pour montrer, sans équivoque possible, que l'on a bien réellement affaire à des photographies instantanées. Le développement des clichés des photographies sous-marines, tels que je puis les obtenir avec l'appareil actuellement construit, exige des précautions particulières, et je dois présenter ici tous mes remerciements à M. Marcel Gorse, qui a bien voulu consacrer la presque totalité de ses vacances à m'aider dans cette opération délicate. Les clichés sont très uniformes et manquent le plus souvent de vigueur ; de plus, pour une cause que je n'ai pu complètement éclair- cir, les plaques ont une tendance à se voiler. J'ai déjà diminué sensiblement ce voile en employant l’abat-jour que j'ai décrit dans le chapitre précédent et qui protégeait l’appareil contre les rayons dérivés de la surface ; je ne Pai cependant jamais complètement évité. Les clichés étant uniformes doivent être poussés assez énergi- quement, ce qui a l'inconvénient de les rendre durs à tirer. Il faut employer un révélateur suffisamment énergique pour détacher rapidement l’image, sans cependant révéler du même coup tous les détails. L'INSTANTANÉ DANS LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 329 VII CONCLUSIONS. La conclusion à tirer du travail que je viens d'exposer peut se résumer en quelques lignes : Sous une profondeur de 3 mètres d'eau, on peut obtenir de bons instantanés en utilisant la lumière du soleil, sans disposition spéciale et sans l'intervention d'une source de lumière artificielle. L'appareil actuellement construi peut être immergé et manœuvré en dehors de l'eau. J’ajouterai cependant, comme je l’ai déjà fait dans la note que M. de Lacaze-Duthiers a bien voulu présenter à l’Académie des sciences’, qu’à la suite des expériences dont je viens d'exposer le résultat, on peut prévoir que la photographie sous-marine peut entrer dans une phase nouvelle. S’il est possible, en effet, de prendre des instantanés à l’aide de la lumière solaire, alors que les rayons ont traversé une épaisseur d’eau de plusieurs mètres ? avant de frapper l’objet et de revenir à l’'ob- jectif, il est incontestable que d'aussi bons résultats, pour éclairer le champ photographique, pourront être obtenus en plaçant une source lumineuse puissante au niveau de l'appareil lui-même. Partant de ces données, le nouvel appareil pourra être immergé à une profondeur quelconque. Malheureusement, ce dispositif nouveau exige la construction de lampes spéciales, l'emploi d'une source électrique puissante et l'achat d'accumulateurs de grande surface. Sera-t-il possible de faire, dansla station fondée par M. de Lacaze- Duthiers, une nouvelle dépense aussi considérable ? Dois-je oser lespérer ? 1 L. Bouran, Comptes rendus de l'Académie des sciences, uovembre 1898. 2 Jestime qu'on peut prendre de bons instantanés jusqu'à 7 ou 8 mètres de pro- fondeur, lorsque le temps est favorable. 330 L. BOUTAN. Cependant il y aurait un grand intérêt pratique à réaliser un appareil pouvant être immergé à une profondeur qui ne serait plus limitée que par la résistance de ses parois à la pression extérieure de l’eau. Ceci ne paraît plus être qu’une question de construction, puisque la photographie du scaphandrier reproduite planche XXII a été faite à l’aide de l'appareil immergé, mais manœuvré hors de l'eau. LES GANGLIONS DITS PALLEAUX ET LE STOMATO-GASTRIQUE DE QUELQUES GASTÉROPODES PAR H. DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l’Institut. AVANT-PROPOS. Dans plus d’une publication relative au système nerveux des Gastéropodes, j'ai insisté sur cette idée que, « loin de dissocier les ganglions composant différents centres pour leur attribuer des fonc- tions diverses, ilimportait, au contraire, de les grouper, de les rap- procher en un tout qui püt être considéré et regardé, dans son en- semble, comme appartenant à un même système ; qu'il ne fallait pas les isoler, et cela quel qu’en fût le nombre, suivant certaines indica- tions, qui, admises jadis, auraient de la peine à être renouvelées aujourd'hui, bien que parfois on en voie reparaitre la tendance ». Dans mes cours de la Sorbonne, comme dans mes travaux, j'ai souvent eu l’occasion d’insister sur ce mode d'interprétation des variations nombreuses que présente l’une des parties importantes du système nerveux des Gastéropodes, Et c’est surtout dans l'étude du groupe que j'ai nommé centre asymétrique et qui est absolument caractéristique des Gastéropodes normaux, que l’on voit se vérifier quelques faits fort importants de morphologie sur lesquels il est 332 H. DE LACAZE-DUTHIERS. utile de revenir en commençant cette étude, très limitée, il est vrai, mais qui n’en présente pas moins de l'intérêt. Il faut rappeler ici les travaux présentés à l'Académie des sciences, vol. CIII, en 1886, et vol. CVI, 1888 (Comptes rendus). Dans le premier de ces résumés, jai montré quelles modifications éprouvait le stomato-gastrique de quelques types fort particuliers — chez les Acères, par exemple — et comment, dans ces animaux, l'in- nervation du tube digestif, de cette partie qu'on nomme aujourd hui l'intestin antérieur, est très différente de ce qu’on la voit être dans les autres Gastéropodes. Aussi j'ai dû revenir sur ce principe : que les fonctions qu’un organe doit remplir sont la cause, dans cet organe, de modifications souvent profondes. C’est ce qui ressortira facile- ment des études anatomiques détaillées qui vont suivre. IL importe d’abord de faire remarquer que, pour reconstituer le système nerveux central des Gastéropodes — tel, du moins, qu'il me paraît devoir être compris — il faut établir nettement quels sont les amas ganglionnaires d'une importance primaire, afin de ne point attribuer une valeur trop grande à des ganglions qui, par leur volume ou souvent leur nombre et leur écartement, pourraient paraître fort importants, tout en n'ayant qu’un rôle accessoire et absolument secondaire. On peut affirmer que, lorsqu un organe acquiert des proportions considérables, la partie du système nerveux qui lui correspond, représentée dans les cas ordinaires par quelques nerfs seulement, prend, dans ces nouvelles conditions, un développement propor- tionnel à celui de l'organe et présente souvent des ganglions acces- soires surajoutés. Presque toujours, le centre réellement primitif présidant à l’in- nervation de l'organe ne se modifie que peu ou point, et ce ne sont que les parties plus ou moins lointaines et souvent périphériques, ou bien celles éloignées du centre ou bien encore correspondant aux organes modifiés, qui éprouvent les changements souvent assez grands pour conduire à croire, si un examen approfondi n’a pas eu SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 333 lieu, à une importance morphologique considérable, qui n'existe pas et n’a qu'une fausse apparence, C’est ainsi qu’on rencontre, sur le trajet des principaux nerfs des organes modifiés, des dépôts de cellules ou ganglions, vrais centres, dont le nombre et le volume ont pu faire croire à des dispositions spéciales qui n’ont qu’une apparence et une importance fictive. Il y a déjà longtemps que j'ai nommé ces dépôts de cellules nerveuses des ganglions de renforcement ou supplémentaires, car ils sont acces- soires et surajoutés et n'ont pas la constance des groupes formant essentiellement les centres primitiis. Il importe donc, dans la recherche des homologies, de se préoc- cuper surtout des différences que présentent les ganglions d'ordre primaire, bien plus que de ceux qui sont accessoires ou surajoutés, et qui, en réalité, sont d'ordre secondaire. C'est en reconnaissant leur multiplicité et la considérant comme une dissociation, qu on les réunit et reconstitue les groupes primordiaux. S Ac GANGLIONS DITS PALLÉAUX. C’est surtout à l'étude de l’un des centres sous-æsophagiens des Gastéropodes qu'Huxley avait nommé palléo-viscéral ou simplement viscéral, que s'appliquent ces observations. Dans mes recherches déjà anciennes sur ce centre, j'ai insisté sur ces idées, et comme aujourd’hui il y a une tendance incontestable à dissocier de nouveau les différents ganglions secondaires de ce centre, il m’a paru utile de présenter d’abord ici quelques remar- ques avant d'arriver à la description du stomato-gastrique, objet : spécial de ce travail. Les principes généraux que je dois d’abord rappeler ont été en- 334 H. DE LACAZE-DUTHIERS. seignés et appliqués dans les différentes chaires que j'ai eu l’hon- neur d'occuper; quelques-uns ont été acceptés et sont passés dans la science, sans qu'on en indique l’origine. Ils ont donné lieu à des recherches originales. Jamais je n’ai manqué de rappeler, comme je désire le faire en- core en ce moment, que la loi des connexions a été le guide le plus sûr de mes recherches et que les déterminations les plus rigou- reuses ont été les conséquences de son application. Plus d’une fois aussi, j'ai rappelé qu’à mes yeux, chez les Mol- lusques, et plus particulièrement chez les Mollusques gastéropodes normaux, il n'existait que quatre centres nerveux autour desquels il fallait grouper tous les autres ganglions secondaires, qui sont le plus souvent des ganglions de renforcement. Trois de ces centres, toujours formés de deux ganglions symé- triques, offrent peu d'intérêt au point de vue qui nous occupe. Le quatrième présente un caractère constant qui le différencie des précédents : toujours il est formé de plus de deux ganglions ; le plus souvent, d’un nombre impair. ce qui le rend asymétrique. Si le nombre est pair, exceptionnellement, la différence. de vo- lume de l’un des ganglions permet encore de reconnaître la non- symétrie. Ce quatrième centre, quand il s’agit des Mollusques en général, Je le nomme centre inférieur, parce qu'il descend, en elfet, au-dessous de tous les autres. Mais comme, pour les Gastéropodes en particu- lier, son asymétrie est caractéristique, je le nomme centre asymé- trique, ne pouvant accepter le nom de piscéral qui n’est apphcable qu’à un ou deux de ses éléments et pas toujours sans exception. Autre fait important : ces ganglions, souvent au nombre de cinq, tantôt plus, tantôt moins, sont unis par une commissure ou très courte ou très longue. Dans le premier cas, Lous Îles ganglions se touchent : dans le second, ils sont espacés et comme dissociés. J'ai reconnu que les différences nombreuses et très particulières qui se rapportent aux diverses sortes de rapprochement de ces amas gan- SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 339 glionnaires correspondent à des types distincts secondaires du groupe des Gastéropodes. _ Le nom imposé par Huxley est insuffisant, si l’on se borne au qua- lificatif splanchnique, car le groupe innerve le manteau ; palléo- splanchnique serait plus exact. Mais, dans ce cas, si l’on spécifie l’un des organes innervés, il faudrait spécifier les autres, et lon doit reconnaître que la seconde moitié du nom est insuffisante et que Île mot est hybride. Qu'on le remarque, tous les centres ganglionnaires des Mollusques sont divisibles en deux moitiés semblables, symétriques, non super- posables. Dans le groupe des ganglions qui va nous occuper tout d’abord, deux ganglions semblables entre eux par leur forme, leur situation et leur symétrie, forment, si l'on veut, une paire, et comme ils occupent à droite et à gauche la première place sur les côtés, on les a nommés pleuraux. Nombre d'auteurs, tous ne le disant pas explicitement, les décrivent séparément et semblent les regarder, les admettre même, comme des personnalités anatomiques ou morphologiques distinctes. Les autres ganglions situés entre les deux pleuraux, unis entre eux par une commissure, Sont différents, par le volume, la forme ainsi que par la situation. On ne trouve entre eux aucune trace de symétrie. ; Si l’on considère l’ensemble des ganglions formant les quatre centres principaux, on en reconnait trois qui, Sans aucun doute, malgré les variétés sans nombre que présentent leurs rapports mo- difiés en apparence par leur écartement, ou leur voisinage, leur forme ou leur développement, sont toujours constitués par deux ganglions semblables comme les deux mains et, comme elles, non superposables ; ils sont symétriquement semblables. Dans le quatrième groupe, celui qui innerve le cœur, les bran- chies, les organes profonds de la reproduction et enfin le manteau, deux des amas ganglionnaires qui le forment présentent ce caractère 336 H. DE LACAZE-DUTHIERS. de symétrie et de latéralité. Ils n’ont pas toujours le même volume ni la même forme. Est-ce une raison suffisante pour les séparer et en former un centre distinct ? Les autres ganglions, le plus souvent au nombre de trois, mais quel- quefois moins nombreux dans bien des types, sont placés entre les deux premiers. Ils sont toujours irréguliers de forme et de volume. Or, la question qui se pose et qui n’a pas été suffisamment étudiée et résolue à mon sens, est celle-ci : faut-il, dans ce quatrième centre, étudier isolément pour en faire un centre distinct, les ganglions symétriques des côtés, et les séparer des ganglions intermédiaires toujours asymétriques, variant par Île nombre, la forme et Île vo- lume ? Je ne le crois pas. Certes, l'étude de ces deux ganglions symétriques posés aux extré- mités de la chaîne du quatrième groupe palléo-splanchnique offre un intérêt incontestable; mais encore est-ce une raison suffisante pour en faire un centre distinct? Je ne le pense pas, car cette opinion n'est pas basée sur un ensemble d'observations et d’études comparatives assez nombreuses, ainsi qu’on va le voir. Il Mais rappelons d’abord quelques-unes des dispositions spéciales et caractéristiques du centre asymétrique. | Elles ont été exposées dans un résumé présenté à l'Académie des sciences. M. Simroth en fait, en quelques mots, une très brève criique ;, 1 Voir Bronn's Klassen und Ordnungen des Thier-Reichs, nouvelle édition, 1806, Dritter Band, p. 50: Eintheilung der Gasteropoden et page 52. « Der Vorschlag Lacaze-Duthiers, auf Grund des Nervensystems eine veränderte und weiter durch- greifende Classification zu gründen (S. 78) hat keinen praktischen Erfolg gehabt und kann daher bei Seite gelassen verden, » C’est bientôt dit. Ah ! si cette classifi- cation avait la forme du chandelier aux sept branches, quel espace elle prendrait et quel avantage elle offrirait pour allonger le 23e Liferung ! SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 337 sans même dire ce que sont les figures qui les accompagnent. J'aurais été curieux de savoir si un malacologiste de sa valeur, qui laisse de côté les considérations d’un autre ordre que celles de la science pure, pourrait déclarer que Îles dessins parus aux Comptes rendus sont entachés de quelques erreurs. Il m'est cependant permis de dire que des savants dont la com- pétence n’est guère mise en doute, tels que R. Bergh, m'ont parlé de ces figures dans un sens favorable. Je les crois, en effet, parfai- tement exactes. Les ganglions dits palléaux, c'est-à-dire les deux premiers dans la chaîne ou le chapelet du groupe, occupent des positions diffé- rentes avec les différents genres et espèces. Non pas qu'ils aient changé de place ; morphologiquement, elle est toujours la même; car leurs connexions, quand ils existent, sont immuables et ne semblent varier que parce que les connectifs qui les unissent en haut aux ganglions cérébroïdes, en bas et en avant aux ganglions pédieux, se sont allongés ou raccourcis. Je dis: quand ils existent ; c’est qu’en effet, leur présence semble quelquefois faire défaut. Précisons : la chaîne asymétrique, quand nous la voyons com- plète et formée, par exemple, de cinq ganglions, nous montre les deux premiers ou pleuraux fournissant des nerfs dans les parties voisines des insertions du manteau, mais surtout aux parties de droite et de gauche du manteau; et comme, dans bon nombre de cas, ils fournissent les nerfs de cet organe, M. Bouvier les nomme, avec d’autres auteurs, palléaux. Mais il est des groupes importants de Mollusques où les ganglions pleuraux ne fournissent aucun nerf. Il en est d’autres où le nombre cinq des ganglions n'existe pas ; enfin, quelquefois il est dépassé, puisqu'on compte de sept à huit amas ganglionnaires. En parcourant les ouvrages les plus récents relatifs aux Mol- lusques : Introductions à la malacologie, Traités de zoologie français ou étrangers traduits, on ne trouve que des généralités extraites des ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 3€ SÉRIE. — T. VI. 1898. 29 338 H. DE LACAZE-DUTHIERS. mémoires qu’on à compulsés; mais on n’y voit pas de recherches spéciales personnelles, poursuivies dans un but bien nettement dé- fini sur la personnification anatomique des deux ganglions palléaux dont il est ici question. Tout y est vague, tout y manque de cette précision qui découle des recherches personnelles originales sérieu- sement conduites, et non d’interprétations des travaux d'autrui. Désireux de serrer la question de plus près que ne l'ont fait les auteurs produisant des traités, non pas d’après leurs propres travaux, mais d’après les travaux des autres, j'ai relu fort attentivement el avec le plus grand plaisir le beau mémoire de M. le professeur Bouvier. | Ce travail avait été présenté comme thèse pour l'obtention du grade de docteur ès sciences en Sorbonne. J'avais eu l’heureuse chance d’être l’un des membres du jury, et, en relisant de nouveau ce remarquable travail, le souvenir de la grande satisfaction que j'avais eu à féliciter celui qui, aujourd’hui, est professeur au Mu- séum, m'est revenu en mémoire ; j'ai retrouvé les mêmes impres- sions en ce moment qu’en 4887, il y a plus de dix ans. Plus on fouille ce travail considérable, plus on y trouve de don- nées importantes, de faits de grande valeur. Peut-être y a-t-il tel ou tel point que nous interpréterions d'une facon différente. Mais les interprétations des faits sont tellement variées, suivant les idées générales qui nous guident, qu'il est bien permis de ne pas être toujours en tout et pour tout en communion d'idées sur la facon de considérer une disposition anatomique suivant que l'on part de telle ou telle théorie. Ce qui importe le plus, c'est la vérité des faits positifs bien établis, sans contestation possible. Que l’on arrive à une démonstration théorique dans un sens ou dans l'autre, j’en ai déjà tant vu mourir de théories, que j'attache bien plus de valeur à un fait positif qu'à son interprétation théorique. « Un fait absolument certain a toujours sa valeur », disait Claude Bernard, et Claude Bernard avait grandement raison. SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 339 Donc si, comme on va le voir, je ne partage pas en tout point l’in- terprétation et la manière de voir de mon collègue, relativement à la personnalité des ganglions dits palléaux, je n’en veux pas moins répéter en quelle estime je tiens son magistral et magnifique travail. Ne mest-il pas permis d’ajouter que, au fond, nos opinions sont rarement différentes ? La plupart des auteurs acceptent le nom de ganglions pleu- raux, M. Bouvier, avec d’autres, les nomme palléaur, parce qu'il trouve et montre que, dans les exemples nombreux du groupe des Prosobranches qu'il à étudié, ils fournissent les nerfs au man- teau. | Pour moi, j'aimerais autant les appeler latéraux. Voici en quoi diffèrent nos opinions : je rattache à un même centre nerveux ces ganglions et ceux qui innervent la plupart des viscères, sauf le tube digestif. M. Bouvier et beaucoup d'auteurs avec lui isolent ces ganglions et partagent ainsi le centre asymétrique en deux groupes, qui paraissent dès lors tout aussi distincts que le sont les ganglions pédieux et les ganglions cérébroïdes. Une telle distinction aussi absolue me paraît inadmissible. Je la repousse, VOICI pourquoi : Il existe, chez les Gastéropodes, je viens de le répéter, trois cen- tres formés chacun d’une paire de ganglions parfaitement symé- triques. Ce sont les centres cérébroïdes, pédieux et stomato-gas- trique. Sur ce point, tout le monde est d'accord. Les parties latérales de ces différents centres sont unies entre elles par des connectifs dont on ne peut se refuser d'admettre l’existence. Quelle que soit leur brièveté qui les masque ou leur longueur qui les accuse, ils existent. Une aulre connexion esl constante ; elle se voit entre les palléaux et les cérébr'oides d’une part, en arrière, et les pédieux d'autre part, en avant; elle cache la formation de ce triangle latéral, sur lequel 340 H. DE LACAZE-DUTHIERS. j'ai appelé l'attention dans mon travail sur Îles Otocystes', dont les angles sont formés par l’un des ganglions cérébroïdes en haut et en arrière, par l'un des pédieux en haut et en avant, et, enfin, par l'un des palléaux ou pleuraux en bas. Dans le cas où il existe cinq ganglions pour le groupe qui nous occupe, les deux premiers, si on les personnifie comme centres, offrent les deux connexions que l’on vient de voir. Ils ressemblent en cela aux centres cérébroïdes et pédieux, qui, eux aussi, ont ces deux connexions. Si l’on sépare ces palléaux des trois qui sont placés comme des intermédiaires entre eux et qui sont appelés viscéraux, on arrive alors à cette distinction particulière forcée et très exagérée, que les trois splanchniques ou médians de la chaîne asymétrique ne se trouvent plus unis par deux connectifs aux autres centres, mais qu'ils n’ont qu'une seule connexion avec un seul centre qu'on à formé artificiellement en l’isolant d'eux, le centre palléal, il faut bien le nommer ainsi. On ne peut pas lui refuser ce nom si on l’isole. A cela, on pourra répondre que le centre stomato-gastrique, dont il va être question surtout dans ce travail, n’a lui-même qu'une seule connexion, établie par les connectifs constants venant du céré- broïde. Cela est vrai, mais, à ce sujet, il faut faire deux réserves im- portantes : je Le centre cérébroïde ou dorsal doit tenir une place physiolo- gique et morphologique bien importante, puisque tous les autres centres sont en communication directe avec lui, et, par cela, il semble être dominateur; 9° Les ganglions splanchniques, les trois interposés entre les deux palléaux ou pleuraux, seuls feraient exception, dans cet ensemble des relations du système nerveux central des Gastéropodes, à cette règle générale de la connexion detousles centres, pédieux, stomaio- gastrique et palléaux avec les ganglions cérébroïdes. Eux seuls se- 1 Voir Archives de zoologie expérimentale et générale, pl. II à VI, vol. I, 1872, el Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1866. SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 341 raient séparés de ces derniers par le centre palléal que formeraient les pleuraux. Or, ces connexions sont tellement constantes el paraissent, en malacologie, d’une telle valeur, qu'aujourd'hui on les recherche même chez les Acéphales entre les centres branchiaux et pédieux alors qu’on ne les admettait pas et que, dans les plus nombreux cas, on à la plus grande difficulté à en démontrer l'existence. Il semblerait même que le centre stomato-gastrique ne ferait pas exception à la règle, bien qu'il ne paraisse avoir qu'un seul connectif l’unissant aux ganglions cérébroïdes, car M. Bouvier décrit, dans les Janthines, deux connectifs entre ces deux centres, et moi-même j'ai montré que, chez la Testacelle et le Zonites algirus, il y a deux cordons naissant l’un du connectif cérébro-pleural, l’autre du con- nectif cérébro-pédieux et s’unissant pour former le connectif qui rattache le centre stomato-gastrique aux centres nerveux de la vie animale. Ce fait seul ne semble-t-il pas montrer que, même pour le stomato- gastrique, il doit exister, quoique masquées, des connexités avec les centres pédieux et asymétrique ? Si donc on attribue une personnalité morphologique aux gan- glions pleuraux, on arrive à admettre, chose tout à fait exception- nelle, que les ganglions constituant le centre intermédiaire splanch- nique n’ont pas de relations directes avec les cérébroïdes, qu'il n’en ont qu'avec les pleuraux ou palléaux interposés entre eux et les premiers. D'un autre côté, il faut reconnaître que les fonctions attribuées aux différents centres, bien que la physiologie expérimentale ne nous ait fourni que fort peu de renseignements, si l’on en juge seulement d’après les organes qu'ils innervent, entrent pour beau- coup dans l'appréciation de la valeur morphologique ou anatomo- physiologique que nous leur attribuons. D’après ces premières rai- sons, on peut comprendre que l'isolement des ganglions pleuraux et leur distinction absolue nous paraissent difficiles. 342 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Mais où la difficulté devient plus grande encore, c'est dans le cas où l’on considère ces ganglions pleuraux à un autre point de vue. Comment les interpréter : 1° Quand le nombre des amas de cellules nerveuses diminue beaucoup, comme chez l’Ancyle et autres exemples ? 9° Quand le nombre de ces amas est normalement développé, que leurs connexions sont identiquement les mêmes avec les ganglions cérébroïdes ct pédieux et que les pleuraux dits palléaux ne donnent absolument aucun nerf au manteau? Dans ce dernier cas, on peut bien les appeler latéraux ou pleuraux, tant qu'on le voudra pour la simplicité des descriptions, mais le nom de palléaux devient tout à fait impropre, puisqu'ils ne fournissent pas de nerf au manteau. Chez l’Ancyle (fig. 1), les conditions sont très particulières. Le manteau est fort développé; aussi les ganglions qui l'innervent offrent-ils un volume relativement considérable. A gauche, dans l'Ancylus fluviatilis (qui est senestre), le ganglion 2) est pyriforme, accolé, pour ainsi dire, au ganglion cérébroïde du même côté. De son extrémité externe, légèrement effilée, part un eros nerf, qui se bifurque au moment où il pénètre entre Îles fibres musculaires qui, de la sole pédieuse, remontent à la coquille et représentent la partie gauche du muscle columellaire. Chacun de ses rameaux se dirige en dehors et l’un d'eux gagne le haut, l’autre le bas, innervant chacun les moitiés supérieure et inférieure du manteau. C’est bien là un nerf franchement palléal, partant d’un ganglion qui mérite à tous égards ce nom. Remarquons de plus que, du rameau inférieur, dans la traversée du muscle, se détache une branche aussi grosse que le rameau lui-même et qui, sans fournir de branches ou de ramuscules secondaires, se termine brusque- ment à l'organe particulier que j'ai décrit chez les Lymnées et les Planorbes, et dans lequel on voit aujourd’hui un osphradium ou SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 343 organe d'olfaction. Disons en passant que cette fonction n'a été déterminée par aucune expérience à l'appui. Free Système nerveux de l’Ancylus fluviatilis. V, cerveau ; X, ganglions pédieux ; Z, ganglion médian impair duf centre asymétrique ; Zd?, ganglion latéral droit, premier de la chaîne asymétrique donnant deux nerfs palléaux ; Zg?, ganglion latéral gauche, premier de la chaine asymétrique de ce côté, ne donnant qu’un nerf palléal qui se bifurque avant de traverser le muscle columellaire, et dont le rameau inférieur fournit le nerf de l'organe particulier que j’ai découvert, La. Du côté droit, le ganglion est moins développé, mais pyriforme, de même que celui du côté gauche; sa partie effilée s’unit à Pur des deux autres ganglions placés en ligne et formant, à eux quatre, un chapelet pendant au-dessous des ganglions cérébroïdes, 344 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Il y a aussi, du côté droit, deux nerfs palléaux se portant l’un à la partie supérieure, l’autre à la partie inférieure du manteau, tout comme on l’a vu à gauche; la seule différence existant entre les deux côtés est celle-ci : du renflement ganglionnaire droit naissent deux nerfs alors qu'au côté gauche un seul nerf existe. Les ganglions intermédiaires Z sont au nombre de deux; les nerfs qui en naissent sont les nerfs des organes de la reproduction ; celui de droite est allongé, uni au ganglion palléal du même côté par un cordon fort évident, quoique très court. Il n’est séparé de celui qui le suit à gauche que par un étranglement, de telle sorte qu’il semble en être une dépendance; ce qui le prouverait, c’est qu'il ne fournit pas de nerf; du moins, je n’en ai point rencontré, pas plus que mon excellent ami, le docteur Thomas de Gaillac, qui, avec la plus grande sûreté de main et une patience extrême à toute épreuve, a bien voulu contrôler le résultat. Le système nerveux de la Limace agreste (fig. 2) montre les cinq Limax agrestis. Le système asymétrique en noir est désigné par les lettres Z, Zd?, Zg?, Zd\, Zg. ganglions asymétriques en chapelet, sans aucun chevauchement sur leurs voisins. Les ganglions Zd*' et Zq' ne fournissent aucun nerf. Ce sont les ganglions médians qui présentent trois gros troncs, deux pour le manteau et un médian pour les organes splanchniques. SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 349 Leurs divisions n’ont pas été dessinées ; car ce qu'il importait de montrer, c’est l'absence de nerf sortant des ganglions Zd' et Zg°. La figure du système nerveux de la Clausilie (fig. 3) a été publiée il V a déjà fort longtemps dans mon mémoire sur le système nerveux des Pulmonés (Archives de zoologie expérimentale et générale, vol. I, 1872, pl. IL, fig. 12). Je n'ai rien à y changer, son exactitude étant absolue; elle est si claire et si démonstrative que j'ai cru devoir la reproduire. Fig. 3. Système nerveux de la Clausilia nigricans. On y voit une dissociation des ganglions ; l'animal est sénestre et le ganglion Z du milieu est beaucoup le plus volumineux des trois fournissant des nerfs ; le palléal droit Zg' est bien plus petit que l’autre palléal Z 9°. L'absence des nerfs sur les ganglions Zg! et Zd' est bien évidente. Le collier œsophagien de l'Helir aspersa (fig. 4) présente un che- vauchement des ganglions Z et Zg°, qui rend, avant la préparation, la disposition assez confuse. On y voit, comme dans les exemples + 346 H. DE LACAZE-DUTHIERS. précédents, les deux ganglions Zd' et Zg", dits palléaux, ne four- Fig. 4. Syslème nerveux de l'Helix aspersa. nissant pas de nerfs palléaux. Ce système nerveux central des Helix est, dans les ouvrages, souvent assez mal représenté. Stenogyra decolata (Gg.5).Cette espèce montre, commelesexemples 1e, 6 Collier æsophagien du Stenogyra decolata. (Dessin de M. L. Boutan.) précédents, que les deux ganglions Zg' et Zd° ne fournissent pas de nerfs. SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 347 Il en est de même dans tous les Pulmonés. | Chez les Lymnés, Planorbes, Testacelles, Physes, Clausilies, Li- maces, Æelix aspersa, et beaucoup d’autres, Stenogyra decolata, les ganglions latéraux ou pleuraux méritent bien ce nom en raison de leur position, mais ne fournissant aucun nerf au manteau doivent perdre le qualificatif de pailéaux ? Les ganglions Zd! et Zg!, à droite et à gauche, les premiers de la chaîne asymétrique, ne donnant aucun nerf dans ce groupe, ce sont les ganglions Zd et Zg? qui fournissent les palléaux, et le gan- glion Z impair médian qui fournit les nerfs splanchniques et un palléal antérieur. Une comparaison intéressante se présente entre les Ancyles et les Pulmonés aquatiques et même terrestres. Dans ces derniers, en effet, on compte dans la chaîne asymétrique constamment cinq masses ganglionnaires. Siles premières, l’une à droite, l’autre à gauche, ne fournissent aueun nerf, il importait de rechercher d’où naissaient les nerfs du manteau proprement dit. Comme il ne reste que trois ganglions fournissant des nerfs, deux de ces trois ganglions, un à droite, l’autre à gauche, doivent innerver le manteau. Il n'y a donc plus qu'un ganglion médian et impair pour fournir les nerfs des or- ganes génitaux, du tortillon, du cœur, en un mot, des viscères. C’est done bien ce dernier qui mérite à lui seul le nom de splanch- nique où viscéral, et encore faut-il faire une réserve. Que l’on compare cette disposition à celle que montre l’'Ancyle, on ne trouve chez celui-ci que les trois ganglions du milieu de la chaîne des Pulmonés, en remarquant que le mitoyen est un peu bilobé, mais que sa partie droite ne fournit pas de nerf. Donc, chez les Pulmonés, les vrais ganglions palléaux sont les se- conds latéraux, et, dans l’Ancyle, les premiers. En prenant les nerfs comme termes précis servant à déterminer les parties homologues, les ganglions pleuraux du premier rang n'auraient point d’'homologues. Ainsi, dans les exemples dont il vient d’être question, le centre 348 H. DE LACAZE-DUTHIERS. que j'appelle asymétrique ne serait composé que de trois ganglions, dont deux palléaux et un viscéral, et cet unique ganglion splanchni- que ou viscéral ainsi placé entre deux, formerait à lui seul un centre spécial qui séparerait les éléments constitutifs d'un autre centre éga- lement spécial, le palléal, réduit aux deux ganglions, un droit et un gauche, qui, bien que séparés par la partie splanchnique, très diffé- rente d’eux,n’en formeraient pas moins également un centre spécial. Il faut d’ailleurs insister sur ce fait qu’en admettant cette disposi- tion, on aurait un centre formé de deux parties symétriques, mais séparées par un autre centre. On ne trouve de fait semblable chez aucun mollusque. Cette analyse, exacte en tout point, ne démontre-t-elle pas la grande difficulté qu’il y a à admettre deux centres distincts dans la grande chaîne asymétrique ? Ne semble-t-il pas, d'après ces exemples, qu'on doit être conduit à ne pas dissocier les éléments de cette chaîne, caractérisée non seulement par son asymétrie, mais encore par la diversité fonc- tionnelle des éléments qui la composent et par son hétérogénéité. D'ailleurs, dissocier ces éléments, n'est-ce pas revenir à ces idées anciennes auxquelles il était fait allusion en commençant et qui ont dû être abandonnées en grande partie et d’après lesquelles on arrivait à trouver un ganglion ou un centre particulier pour chacun des organes fonctionnellement différenciés ? Nous revenons ainsi à notre premier point de départ. Loin de dissocier les ganglions d’après les innervations auxquelles quelques-uns président, il faut, au contraire, les réunir en groupes plus généraux, tout en reconnaissant à chacun d'eux, dans une certaine mesure, des fonctions spéciales et diverses auxquelles ils doivent répondre. Plus haut, nous avons fait une réserve, et l’on va voir maintenant quel embarras nouveau se présenterait si l’on séparait les ganglions pleuraux du reste de la chaine asymétrique. SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 349 Dans les cas où les pleuraux ne donnent pas de nerfs au manteau, on peut et doit admettre que les rôles ont été transposés, puisqu’en effet, dans les Pulmonés terrestres et aquatiques, les rôles sont in- tervertis. La première paire pleurale ne serait, dans ce cas, qu’un simple amas ou dépôt de cellules nerveuses, tandis que la deuxième paire serait la véritable pleurale. Comment expliquer cette différence ? Mais encore ces ganglions latéraux, qui sont les seconds dans la chaîne, un à droite, un à gauche, seraient-ils seuls pour innerver le manteau et mériteraient-ils seuls le nom de palléaux en raison de cette fonction ? Il n’en est rien, car la partie médiane de la chaîne, celle-là même qui est impaire et qui innerve les organes splanchni- ques, n’a pas seulement sous sa dépendance l’innervation des vis- cères, elle fournit également un nerf (Lymnés et Zonites, etc.) qui vient, après avoir traversé le muscle columellaire, se ramifier dans la partie antérieure et médiane de la collerette palléale située entre les deux parties latérales qui ont reçu leurs nerfs des deux seconds ganglions pleuraux. On trouvera ce nerf figuré dans les planches XVII, XVIII, XIX, et désigné par le chiffre 3' ou 8, vol. [, 1° série, de nos Archives de z00- logie expérimentale (Histoire du système nerveux des Lymnés). Au moment où j'écris ces lignes, je constate de nouveau par des dissections fines cette particularité, et il me paraît qu'il est possible d’en tirer cette conclusion, que, du moins, dans le groupe des Pul- monés, les trois ganglions du centre de la chaîne asymétrique in- nervent les viscères, mais encore fournissent des nerfs au manteau, que, dès lors, il n'est pas possible de réserver aux seuls ganglions des deux extrémités de la chaîne le nom de ganglions palléaux, car, en fin de compte, il est bien évident, d’après ces exemples, que les ganglions du milieu de Îa chaîne asymétrique, ceux-là mêmes re- connus comme franchement viscéraux, fournissent au manteau, el ne sont pas exclusivement attribués à telle ou telle fonction que fai- saient prévoir les nerfs qu'ils donnent. 390 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Du reste,on na qu'à chercher dans les figures de la chaîne asymé- trique données par les auteurs, et l’on y verra dans toutes des nerfs, partant de la partie centrale de la chaîne, se diriger dans quelques parlies du manteau. Il n’est donc pas possible, en se basant sur les distributions des nerfs qu'ils fournissent, d'attribuer aux seuls ganglions pleuraux une spécialité unique, indépendante et différente du reste de la chaine du centre asymétrique, soit parce qu'ils ne fournissent pas de nerfs, soit parce que des nerfs palléaux naissent sur les parties viscérales les plus centrales de cette chaîne, d’où l’on voit partir des cordons destinés à la reproduction ou à d’autres fonctions secon- daires de la nutrition. On le voit, on n'est donc pas en droit de désigner les ganglions impairs comme étant exclusivement génitaux ou respirateurs ; aussi persistons-nous à considérer le centre intermédiaire sous-æsopha- gien différent du stomato-gastrique et du pédieux comme formant un seul groupe indivisible auquel le nom d'asymétrique doit être conservé pour toutes les raisons qui viennent d’être données. Le nom de groupe inférieur, que j'avais employé primitivement pour désigner le centre asymétrique, a été adopté par quelques au- teurs, puis abandonné. Il m'a paru intéressant de rechercher attentivement, dans le tra- vail remarquable sur le système nerveux des Prosobranches, quelle était l'opinion précise du savant professeur du Muséum relative- ment à la distinction des ganglions palléaux et des ganglions de ce qu'il appelle la commissure. | Outre la distinction qui a été rappelée au commencement de cette discussion, dans l’énumération des parties générales constituantes du système nerveux pris dans son ensemble, M. Bouvier admet, dans la commissure loujours étudiée séparément des ganglions palléaux, un ganglion sus-intestinal et un ganglion sous-intestinal, el entre les deux se trouve le ganglion impair viscéral. SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 31 Or, voici ce qu'il dit à ce propos: « Un autre nerf palléal droit plus réduit se détache aussi du ganglion sous-intestinal, il innerve le manteau en arrière du précédent. » Il est donc bien évident que les ganglions du milieu de la chaîne viscérale fournissent, eux aussi, des nerfs au manteau, et cela ailleurs que chez les Pulmonés, et, par conséquent, qu'il n’est pas possible d'attribuer aux seuls ganglions pleuraux la fonction innervante du manteau, dès lors on est forcé, en outre, de reconnaître que cette fonction appartient à l’ensemble du groupe. Dès le commencement de son travail, à propos de la nomenclature qu'il emploiera, M. Bouvier s'exprime ainsi (p. ii): «Le système nerveux des Prosobranches comprend : 1° deux ganglions céré- broïdes ; 2 deux ganglions pédieux; 3° deux ganglions palléaux latéralement placés, l’un à droite, l’autre à gauche, par rapport à l'æsophage. Le ganglion droit se rattache au ganglion cérébroïde droit par un connectif cérébro-palléal, au ganglion pédieux du même côté par un connectif palléo-pédieux; le ganglion palléal gauche présente les mêmes relations avec le ganglion cérébroïde et le gan- glion pédieux du côté gauche; 4° deux ganglions buccaux; 5° une commissure viscérale formée de deux branches : une branche sus- intestinale, qui a son origine dans le ganglion palléal droit, se dirige de droite à gauche par-dessus l’œsophage, forme un ganglion sus- intestinal, puis se termine en arrière dans un ou plusieurs ganglions viscéraux situés au-dessus du tube digestif; une branche sous-intes- tinale, qui a son origine dans le ganglion palléal gauche, se dirige de gauche à droite par-dessous l'œsophage, forme un ganglion sous-intestinal, puis se termine en arrière dans les ganglions viscé- raux. » J'ai tenu à citer textuellement ce passage afin de ne laisser aucun doute sur mon interprétation. Le savant professeur du Muséum, évidemment, ne dit pas qu'il personnifié en deux entités nerveuses, d’une part, les ganglions pleuraux ou palléaux; d'autre part, la com- missure. 352 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Mais cette expression, dans la description de la commissure, née ou formée « d’une branche qui a son origine dans le ganglion pal- léal, etc. », ne prouve-t-elle pas que commissure viscérale et gan- glions palléaux sont, à ses yeux, deux choses différentes ? Cependant, puisque le ganglion sous-intestinal donne un nerf pal- léal, il n’est pas possible de considérer la commissure comme étant exclusivement viscérale. Sans rechercher la démonstration que je poursuis en ce moment dans une discussion de mots, il faut néanmoins rappeler que la com- missure dont il s’agit ne forme pas de ganglions, maïs que ces gan- glions sont des amas de cellules nerveuses déposés sur elle, ce qui est bien différent. A l’aide de préparations histologiques, il est facile de démontrer que les fibres de la commissure ne naissent pas dans les ganglions sus- et sous-intestinaux, mais que des prolongements de cellules s'ajoutent etse mêlent aux fibrilles du long cordon en arc qui, réellement commissural, s’étend, en les unissant, d'un ganglion pleural à l’autre. Dans la distinction établie entre les ganglions païléaux et la com- missure, j'aimerais mieux voir et croire que mon savant collègue a trouvé une manière commode et simple de préciser et d'effectuer ses descriptions, bien plutôt que d’établir une distinction absolue et tranchée. Toutefois, ce qui peut sembler démontrer que M. Bouvier dis- tingue bien nettement les ganglions palléaux de la commissure, c’est qu’en plusieurs endroits de son travail, il parle d’un connectif les unissant à la commissure ; or, il ressort bien clairement des des- criptions détaillées qui se trouvent dans son ouvrage que les connec- tifs naissent des centres distincts et que les commissures établissent les relations entre les ganglions de même ordre. Cependant, dans l’esprit de mon savant collègue, il reste certai- 1 Ainsi page 357 : « Dans les Aspidobranches, la base du conneclif qui rattache le ganglion à la commissure indique évidemment la position qu'occupent les ganglions dans les Pectinibranches. » | SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 393 nement un doute, dont jedois tirer profit en faveur des conclusions que je cherche à dégager de la discussion. En effet, je lis, page 356: « On considère bien à tort les ganglions viscéraux antérieurs comme essentiellement distincts des ganglions palléaux. » Et à l'appui de cette opinion, il cite le passage suivant de B. Haller (406): « Le ganglion supra-intestinal et le ganglion sub-intestinal ont été considérés abusivement comme des ganglions palléaux par H. Simroth, car ils n’ont rien à faire avec le manteau et sont essentiellement des ganglions viscéraux. » EtM. Bouvier ajoute: « Il m'est impossible de partager cette opinion, car je trouve que ces deux ganglions ont essentiellement le même rôle que les ganglions palléaux. Ils sont en relation très étroite avec le manteau. » Enfin, on trouve en note, au bas de la page 357 : « Si j'ai employé quelquefois l'expression de ganglions viscéraux antérieurs pour dé- signer les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal, j'ai simplement voulu simplifier le langage en indiquant la position des ganglions sur la commissure; je ne leur attribue en aucune manière la signi- fication de ganglions essentiellement viscéraux.» (P. 357, noie.) Enfin, pages 379 et 380, on lit, à propos des ganglions buccaux : « B. Haller considère les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal comme des ganglions viscéraux ; ce sont, je l’ai dit plus haut, des ganglions essentiellement palléaux. » On le voit encore par ce passage, la tendance à dissocier les amas de cellules nerveuses n’est pas douteuse ; on voit aussi par ces cita- tions que, si l’on veut arriver à la personnalité de ces ganglions pleuraux en faisant d'eux des ganglions spécialement palléaux, on est bien obligé de leur adjoindre les sus- et sous-intestinaux. Ce qui ramène à notre opinion, qui consiste à réunir ces ganglions dans un ensemble, au lieu de les dissocier. Je préfère admettre, après la discussion qui précède, que M. Bou- vier n'est pas aussi éloigné de mon opinion que les pages citées pourraient porter à le croire. Il avait devant lui des dispositions dif- ficiles à faire connaître clairement, dans un groupe fort nombreux et ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉNe— 3 SÉRIE, — T. VI. 1898. 23 354 H. DE LACAZE-DUTHIERS. très variés de formes ; il a employé des expressions propres à sim- plifier ses descriptions, et comme, par des rapprochements, on peut trouver quelque indécision sur sa manière de voir que la com- missure et les palléaux sont deux centres divers, J'espère que mon explication pourra le convaincre. Du reste, si je me suis attaché à citer surtout l’opimion de M. Bou- vier, c'est que son travail semble résumer l’ensemble des études des auteurs sur ce sujet. Encore un mot sur le cas du Cyclostome, type fort intéressant. C’est un Pulmoné, par ses organes de la respiration ; c’est un Pecti- nibranche, si l’on ne considère que son système nerveux. Dans la figure que j'ai publiée (Archives de zoologie expérimentale, t. Ier, pl. IL, fig. 8), l'exactitude a été reconnue par M. Garnault, qui a fait un travail, une thèse sur ce même sujet *. En relisant le travail de M. Garnault, je ne trouve rien qui soit contraire à ce qui est dit dans le présent mémoire. La description des deux ganglions pleuraux, qu’il nomme latéraux et dont il indique les relations, ne fait connaître rien qui puisse infirmer les observations qu’on trouve ici, au contraire. J'invoque ce travail, parce qu’il date d’une époque où les idées relativement à ces ganglions n'avaient pas encore été présentées d’une façon aussi ferme qu’elles le sont aujourd'hui. J'ajoute qu'en outre, il permet d'appuyer la critique sur une anatomie autre que celle que J'ai présentée moi-même. Voici ce que dit M. Garnault des ganglions qui nous occupent : « Les ganglions qui constituent les centres inférieurs... sont au nombre de cinq... Les deux premiers ganglions du système infé- rieur ? sont les deux ganglions latéraux, droit et gauche. » Il en dé- crit la forme et, après avoir fait connaître les connectifs qui les unissent aux différents centres, il ajoute : « Il nous reste à dire que 1 Voir GARNAULT, Thèse pour le doctorat es sciences naturelles, Paris, 1886. 2 Système inférieur est le nom que j'ai employé moi-même et que j'ai remplacé par celui d'asymélrique. SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 300 le connectif cérébro-inférieur fournit de chaque côté un filet qui s’accole au nerf optique, sans cependant se confondre avec lui en aucun point. Ce filet naît du côté gauche par deux racines. Le con- nectif gauche donne encore naissance, un peu plus bas, à un petit nerf qui va se perdre dans les tissus. « Les deux ganglions latéraux sont unis aux autres ganglions du système inférieur par deux longues commissures... Ces deux com- missures ne mont jamais paru fournir aucun filet nerveux. » (P. 717 et 78.) Et c’est tout pour les ganglions pleuraux. À propos du centre pédieux (p. 16) et de ses connectifs, il dit : « Ce connectif antéro-inférieur fournit de chaque côté... un petit filet... mais avant de s'unir au ganglion pédieux, il donne, à droite et à gauche, ‘un rameau volumineux. Il est difficile de savoir si c’est du connectif antéro-inférieur ou du ganglion pédieux... puis, il se porte en bas et en dehors en décrivant une courbe à concavité supérieure, arrive jusqu'aux téguments, sans avoir fourni d'autres branches qu'une anastomose avec le nerf de l’organe de Spengel, et se distribue à la partie supérieure du collier palléal... à droite. Ce nerf, chez la femelle, est tout à fait symétrique du précédent. Il naît au même point... se porte en dehors et fournit une anasto- mose au nerf palléal droit... et se perd dans les parois latérales du COrps. » Dans la figure générale 1, on ne peut douter, en examinant le dessin à la loupe, que ces deux nerfs ne naissent du ganglion pédieux. Dans la figure que j'ai moi-même donnée, le nerf du côté gauche, né du ganglion pleural de ce côté, s’anastomose avec le nerf vrai palléal, né du deuxième ganglion ; cela ne fait, pour moi, aucun doute. J'ai refait les préparations pour bien m'assurer du fait et me rendre mieux compte des assertions de M. Garnault. Si donc l'opinion et le dessin de M. Garnault étaient l'expression de la pure vérité, il n’en reste pas moins établi que les ganglions latéraux, pour lui, ne fournissent pas de nerfs palléaux, bien qu’il 396 H. DE LACAZE-DUTHIERS. \ cite quelques grêles filets qui en naissent, mais vont se distribuer aux parois du corps. La vue de la planche I de M. Garnault (thèse, 1887, de la Faculté des sciences de Paris, juillet) m'a laissé un doute sur l’origine des nerfs des ganglions pleuraux, et j’en ai refait attentivement la dissection. J'ai toujours retrouvé à gauche le nerf assez gros pour ne laisser aucun doute, partant du premier pleural (Zg') à côté de la commissure tordue en 8 de chiffre, parallèle au nerf palléal (Zg°), naissant du deuxième ganglion et se portant à l’organe que l'on considère comme étant l’osphradium. Tout cela était parfaitement exprimé et exact dans la figure géné- rale du système nerveux du Cyclostome paru en 1872, dans le tome I des Archives. Le nerf du côté droit naît plutôt du connectif cérébro-asymé- trique, et se porte à la verge chez le mâle, aux téguments du cou chez la femelle. L'impression que m'a donnée une nouvelle dissection est que le Cyclostome, au point de vue qui nous occupe, présente, par son ganglion pleural gauche, comme un souvenir de ce qui se trouve constant chez les Pectinibranches, à savoir qu’un nerf né du pre- mier pleural va bien au manteau, à l'organe spécial, mais après s'être anastomosé avec le vrai nerf palléal parti du deuxième gan- glion. Tandis qu’à droite, les origines nerveuses ressemblent absolument à ce quise voit chez tous les Pulmonés gastroneurés, il est donc Pectinibranche en partie par son côté gauche, Pulmoné par son côté droit au point de vue des ganglions pleuraux et des nerfs qui en naissent. 11 faut bien reconnaître que le nerf né du premier pleural gauche offre un caractère très particulier, que la figure donnée par M. Gar- nault ne confirme pas. En effet, il naît toujours en arrière de l'ori- sine de la commissure, et dans l'animal allongé sur son pied dans une cuvette à dissection, il paraît supérieur à la commissure. Il est SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. Jon gros et cylindrique, et ne fournit aucun filet jusqu'au voisinage du deuxième ganglion de droite (Zd?) qui, par la torsion, s'est porté sur le côté gauche. Là il se renfle un peu, se partage en filets qui for- ment comme un vague réseau, traversent les muscles pour aller aux parois inférieures gauches du cou. Lorsqu'il se gonfle en petit gan- glion, il fournit un filet d’anastomose allant au nerf palléal sorti du ganglion (Zg°) de gauche. Il a de grandes difficultés à trouver cette anastomose, si bien que quelques doutes sur son existence pour- raient naître de préparations peu réussies, En résumé, l’on éprouve, en y réfléchissant, un grand embarras à concevoir un centre nerveux, tel qu’on est bien obligé de le cons- tituer si l’on érige les deux ganglions latéraux ou palléaux en un centre spécial, car on ne voit jamais dans les Mollusques un centre quelconque, qui, formé de deux parties semblables et symétriques, présente entre les deux éléments principaux qui le constituent, un autre centre venant s’interposer et isoler l’une de l’autre ses deux parties constitutives. Il y a dans celte interposition un fait très singulier qui répugne et qu'il est difficile d'admettre, d'autant plus que si l’on veut regarder les ganglions pleuraux comme étant, eux, exclusivement palléaux, on doit constater que, dans les Lymnés et autres, l'attribution pal- léale appartient aussi au ganglion impair médian dit splanchnique. L'embryogénie fournirait-elle du moins quelques raisons plausi- bles à l’appui de ces idées. On à bien décrit l’invagination de cellules ectodermiques dorsales donnant naissance aux ganglions cérébroïdes ; on à vu auprès de chacun des côtés de ceux-ci se multiplier des amas de cellules aux- quelles correspondraient l’origine des ganglions dits pleuraux, mais on ne possède pas encore des fails positifs relativement au chapelet asymétrique. Il y à une telle incertitude sur le développement de cette partie du système nerveux central et périphérique, qu'il semble difficile 338 H. DE LACAZE-DUTHIERS. de tirer, pour le moment, des preuves suffisantes de ces connais- sances pour justifier les idées que l’on a puse faire sur les ganglions -palléaux. Je sais bien qu'on peut invoquer aussi les altérations qu'éprou- vent les types qui se modifient, se transforment durant l’évolution ; mais ces raisons sont toutes hypothétiques et loin d'être démonirées. Elles sont commodes pour éviter les explications embarrassantes ou. atténuer la valeur des dispositions que viennent corroborer les dis- positions morphologiques dont il est difficile de nier la valeur et l'importance. IT SITUATION DE LA CHAINE ASYMÉTRIQUE. Considérée dans son ensemble, elle peut être interprétée diffé- remment suivant les exemples que l’on étudie et suivant aussi les idées particulières que l’on a sur le sujet. Ce sont toujours les inter- prétations qui varient et diffèrent, les faits restant les mêmes lors- qu'ils sont vrais et exactement observés. Ici encore mon opinion est différente de celle de M. Bouvier, ou du moins nous interprétons différemment les mêmes choses. Il faut tout d'abord rappeler l’énumération des grands centres faite par mon savant collègue (p. 4 et 12 de son travail) : « 1° Centres cérébroïdes.… ; « 2° Centre pédieux... : « 3° Deux ganglions palléaux, l’un à droite, l’autre à gauche, par rapport à l’œsophage; | « 4° Ganglions buccaux... ; « 5° Une commissure viscérale formée de deux branches, une sus- intestinale, qui a son origine dans le ganglion palléal droit, se dirige de droite à gauche par dessus l’œsophage, forme un ganglion sus- intestinal, puis se termine en arrière dans un ou plusieurs ganglions viscéraux situés au-dessus du tube digestif; une branche sous-intes- SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 359 tinale, qui a son origine dans ce ganglion palléal gauche, se dirige de gauche à droite par-dessous l’œsophage, forme un ganglion sous- intestinal, puis se termine en arrière dans les ganglions ViSCÉrAUX. « Le système nerveux des Prosobranches est donc essentiellement caractérisé par une commissure viscérale croisée en 8 de chiffre. » En revenant une seconde fois sur cette citation, j'ai tenu à affirmer encore que tout cela est d’une parfaite exactitude et confirme les descriptions que j'ai moi-même le premier données du système nerveux des Cyclostomes, des Vermets et des /aliotides. Ainsi que le reconnaît M. Bouvier, nous sommes, en ce qui concerne les faits anatomiques, parfaitement d'accord. Il n’y a pas le moindre doute. Où l'accord s’évanouit, c’est dans l’interprétation. M. Bouvier conserve évidemment à peu près la nomenclature rela- tive aux parties du système nerveux que j'ai toujours employée. Il nomme connectifs les cordons unissant entre eux des centres diffé- rents, mais il ne se prononce pas sur la valeur du nom à donner au cordon qui unit les ganglions palléaux et les ganglions splanchni- ques ou viscéraux. Il dit simplement: « 5° Une commissure viscérale formée de deux branches. » Mais si les ganglions palléaux sont détachés du groupe, il semble bien certain qu’on a voulu les per- sonnifier. Ce qui ne peut faire de doute, puisqu'ils sont non seule- ment décrits isolément, mais encore séparés dans l’énumération des groupes par le numéro 4 correspondant aux vanglions buc- Caux. Si la nomenclature est acceptée dans une partie pour éviter les confusions, elle doit l'être aussi dans l’autre; le cordon umissant les ganglions palléaux aux premiers ganglions viscéraux de chaque côté devrait être considéré comme un connectif, puisqu'il unit des cen- tres d’une nature qui semble différente. Il y a donc sur ce point une différence dans nos vues, et non seulement cette différence existe entre l'opinion de M. Bouvier et la mienne, mais aussi entre celles de beaucoup de malacologistes. J'attache, je l'avoue, une grande valeur à cette nomenclature, Car, 360 H. DE LACAZE-DUTHIERS. dans le cas actuel, on en reconnaît bien évidemment la nécessité. Si elle était rigoureusement appliquée, toute discussion cesserait, et il . n'existerait aucun des doutes indiqués précédemment. Sur un autre point, il ne m'est pas encore possible d'être d'accord avec mon savant collègue et ami. C’est sur la position d'une partie des ganglions viscéraux, au-dessus du tube digestif. Gette position n’est due qu’à une simple apparence causée par la torsion du corps. Le développement du côté droit a été tel, alors que le côté gauche ne le suivait pas dans son extension, que bran- chie, cœur, se sont trouvés entraînés à gauche, ainsi que la partie du système nerveux qui avait à les innerver. Celui-ci a une partie de sa longue commissure asymétrique reportée sur le côté gauche, mais, en réalité, elle à gardé la position vraie par rapport au tube digestif. Elle est inférieure ; nous reviendrons sur ce fait en indi- quant justement les positions diverses que peuvent prendre les ganglions de la chaîne asymétrique. Les malacologistes discutent sur cette question de la torsion ; elle est admise par les uns et rejetée par les autres. Il me semble qu'il suffit d’avoir disséqué des Aplysies, des Acères, des Philines, comparativement, pour reconnaître qu'il est de la der- nière évidence que la longue commissure partant des premiers ganglions latéraux voisins des ganglions cérébroïdes et pédieux et formant comme un U penché à droite, est suspendue par les extré- mités de ses branchies aux ganglions centraux. Il y a longtemps que j'ai fait cette comparaison, qui est restée parfaitement juste après les travaux nouveaux publiés depuis 1865. Malgré les opinions fort diverses sur cette question, je persiste à croire que le développement excessif de l’un des côtés de l’animal est la cause efficiente de la véritable torsion du corps et de l’appa- rence trompeuse de la position des organes par suite de l’interver- sion des parties. La torsion du tortillon dans les Clausilies, par exemple, montre combien sont considérables les déplacements qu’elle cause. Il semble SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 361 que, dans cet exemple, le cœur ait fait plusieurs tours pour se fixer définitivement à la place qu’on lui voit occuper. Que, par la pensée, chez un Pectinibranche ordinaire, on détache les organes nerveux et qu'on les étale sur un plan, qu’on porte à droite les parties qu'on observe à gauche, l’on imitera l’Aplysie; que, d'autre part, l’on essaye de porter à gauche dans cette situation, mais en sens inverse, la longue chaîne ou commissure de l’Aplysie en laissant le tube digestif dans sa position naturelle, on verra la partie gauche de la commissure rester sous le tube digestif, tandis que la droite, remontant au-dessus de l'organe de la digestion, sem- blera être à gauche et en dessus, tout en étant morphologiquement inférieure au tube digestif et dépendant toujours du côté droit. Deux organes, constamment très voisins l’un de l’autre, le cœur et la bran- chie (si bien que pour trouver le premier il faut chercher le second), ne se sépareront pas des ganglions de la chaîne les avoisinant ; aussi les uns et les autres verseront, si l’on peut s'exprimer ainsi, dans le côté gauche du corps peu développé, et la torsion en 8 de chiffre qui a fait créer le qualificatif de chiastoneurés pour cette dis- posilion, sera réalisée artificiellement par cette manœuvre. Une comparaison un peu triviale traduit exactement ce qui se passe. Tout le monde connaît le petit manteau, le crispin, que les Espa- gnols portent surtout comme pardessus et avec lequel ils se dra- pent si noblement en rejetant le pan droit sur l'épaule gauche. Dira-t-on que cette partie du mantelet, ramenée à gauche en pas- sant sous le menton de la personne drapée fait partie de la portion sauche du vêtement ? Cela n’est pas possible et ne paraîtrait nulle- ment raisonnable. Il y a déplacement du bord droit qui est jeté à gauche, mais ce bord reste toujours une dépendance de la partie droite du mantelei. Il ne m'est pas possible de comprendre autrement le croisement de cette longue et véritable commissure pas plus que je ne puis en séparer les diverses parties. 362 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Comme conclusion de cette longue discussion sur la personnalité des ganglions pleuraux dits palléaux, dont j'ai puisé les éléments en majeure partie dans le travail remarquable de M. Bouvier, parce qu'il fait l’historique et la critique des vues des auteurs, tels que Bela Haller, Simroth, V. Jhering, Spengel, je ne puis modifier mon opinion. La chaine, allongée ou raccourcie, suivant les groupes commencant par les ganglions pleuraux, est un composé, une réu- nion de masses cellulo-nerveuses, hétérogènes par leurs fonctions. Aussi on ne peut irouver un argument dans la distribution des nerfs qui en naissent et se portent à des organes divers permettant de la partager en autant de centres distincts qu’il y a d'organes innervés. Nous reviendrons sur cette question en invoquant les faits se rap- portant aux types les plus divers. Quelle différence ne trouverait-on pas si l’on comparait les Pul- monés et les Nudibranches? Ce n’est que pour les Prosobranches que M. Bouvier, dont je ne saurais, encore une fois, trop louer le travail, a fait une distinction en apparence si absolue des ganglions pleuraux et de la commissure viscérale. Je ne puis croire qu’un esprit aussi clairvoyant, un anatomiste aussi précis ne puisse voir naître quelque doute en lui, quand, sortant du groupe des Proso- branches, il établira des comparaisons entre les premiers ganglions de la chaîne n’émettant pas un seul nerf ou quand :il verra le gan- glion central, uniquement viscéral, dit-on, fournir aussi des nerfs au manteau, et s’il considérait les Aplysies, les Dolabelles, les Phi- lines, les Éolidiens, les Téthys, combien les différences seraient encore plus accusées |! A côté de ces étonnantes variations, nous verrons les centres pédieux, cérébroïdes, stomato-gastriques, restant, pour ainsi dire, immuables ou sans grandes modifications, parce qu’ils sont neîte- ment définis ; en dehors d’eux, au contraire, les centres formés des palléaux et viscéraux se modifient et preinent presque autant de formes qu'il y a de variétés d'organismes. Aussi, à un centre hété- rogène faut-il donner un nom qui rappelle non les fonctions, parce SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 363 qu’elles sont multiples, mais un nom tiré de l’un de ses caractères le plus évident. C’est ce qui fait que je persiste à ne point séparer de ce centre les ganglions des deux extrémités de la chaîne et que je continue, pour les Gastéropodes normaux, à nommer l’ensemble de cette chaîne, de ce chapelet de ganglions, aux fonctions diverses et multiples, centre asymétrique ; qu'on nomme les deux premiers ganglions occupant les deux extrémités de la chaîne, ganglions pleu- VAUT, j'aimerais mieux latéraux, je le veux bien, indiquant ainsi leur place, mais rien de plus, sans faire d’eux des personnalités qui ne peuvent avoir aucune raison d'être. Comment, en effet, s'élever contre une pareille opinion, quand on voit dans la Philine (pl. XXVII, fig. 4 et 2), les Scaphander, les Haminea, des nerfs palléaux (pd et pg) naître de la commissure elle- même et non des ganglions ? Cela se voit surtout dans la Philine, chez qui le manteau, fort éloigné du collier œsophagien près duquel se trouvent les ganglions latéraux; chez elle, c’est de la partie droite, vers les deux tiers inférieurs de la longueur de la commissure que naît un gros cordon destiné à la fois à la moitié droite du manteau et à la branchie. C’est sur la branche qui a fourni les nerfs palléaux que se déposent les cellules nerveuses qui forment le ganglion bran- chial (pl. XX VII, fig. 4, gb), d'où naissent les nerfs destinés à l'inner- vation de l’organe respirateur. Et, dans les Aplysies, ne trouve-t-on pas aussi des différences dans l’origine des nerfs du manteau ? Pour toutes ces raisons, répétées bien des fois, nous conservons notre première interprétation du Centre asymétrique. 364 H. DE LACAZE-DUTHIERS. IV Voici les principales positions occupées par les deux premiers ganglions latéraux du centre asymétrique ; voici de même comment il est possible d'utiliser les caractères tirés des diversités de ces posi- tions présentées par les premiers ganglions de ce centre. Dans un cas, la commissure asymétrique est fort courte, tous les ganglions se touchent et forment un arc uni au cerveau par un con- nectif égal en longueur au connectif cérébro-pédieux ; de là résulte la position de cette chaîne courte et ramassée en arrière, un peu au- dessous du centre pédieux et en avant du tube digestif (fig. 6). Le nom de (astroneurés (yasrho et veïcoy) rappelle que ce centre est situé du côté abdominal ou antérieur (fig. 6). Les Pulmonésterrestres et aquatiques, les Gadinia, les Onchidies, les Ancvles se trouvent placés dans celte division fort naturelle. Dans un second cas, tout à fait opposé au premier, le centre asy- métrique se partage en deux et remonte vers le dos, la commissure s'allonge et embrasse en avant l’æsophage ; le plus souvent, les ganglions pédieux s’écartent, suivent ce mouvement et remontent vers le cerveau. Les connectifs unissant les trois centres sont d’une brièveté telle. qu'ils semblent disparaître et que tous les ganglions paraissent avoir passé sur le côté dorsal du tube digestif (fig. 7). Le nom de ÂVotoneurés, fig. 6, 7 (vüTos et veücoy) indique bien cette dis- position, qui, chez la Téthys”, est poussée jusqu'à l'extrême, et qu'on retrouve à des degrés divers chez les Tritonies, les Doris, les Ombrelles et tous les Éolidiens. 1 Voir Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. CVI, 1888. — Dans toutes les figures qui vont suivre, les mêmes lettres désignent les mêmes parties : V, cerveau; X, centres pédieux ; Z, ganglion impair médian du centre asymétrique ; Zd', Zd?, -les premier et second ganglions latéraux asymétriques de droite; Zgt, Zg?, les pre- mier et second ganglions latéraux asymétriques de gauche ; OE, æœsophage. ? Voir DE Lacaze-DurTniers, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1885, t. CI, p. 135. ' SUR LES GANGLIONS DITS PALLÉAUX. 363 Il y a déjà longtemps que, pour exposer plus facilement les condi- tions qu’il me reste à indiquer, j'ai comparé ‘ le centre asymétrique pris dans son ensemble à un U, dont les deux extrémités libres se- raient attachées au centre cérébroïde et occupées par les deux pre- miers ganglions ; les trois autres (en supposant le centre formé de cinq ganglions)seraient échelonnés dans le fond de la courbe de l'U. Que l’on suppose la commissure, représentant cette lettre, éminem- ment élastique etse raccourcissant, tous les ganglions serontramenés Fig. 6. ne we Type de Mollusque à système nerveux Type de Mollusque à système gastroneuré, que l’on trouve dans nerveux notoneuré. Les cinq les Pulmonés. Les cinq ganglions ganglions asymétriques sont asymétriques sont placés dans le remontés avec les ganglions voisinage des ganglions pédieux. pédieux tout près du cerveau. sous l’æsophage (fig. 6) : c’est la gastroneurie qui se produira ; mais, si l’on entraîne le ganglion impair, occupant le fond de l'U jusque vers la moitié de la longueur du corps et du côté droit, on aura allongé démesurément la commissure et produit la disposition que présentent l’Aplysie, la Bulle, la Philine. Je donne le nom de Pleu- roneurés (rheveä et veücov) aux animaux présentant cette condition (fig. 8). La différence entre ces animaux et les Doris, les Pleuro- branches, les Téthys, avec lesquels ils sont placés dans les Opisto- 1 Voir De Lacaze-Duruaiens, Comples rendus de l’Académie des sciences, à jan- vier 1870. 366 H. DE LACAZE-DUTHIERS. branches, est telle, au point de vue de l’innervation, qu'il ne peut y avoir de doute quant à leur séparation. Ici, la torsion n'existe pas. Au contraire, dans les anciens Pectinibranches, et l’on se com- prend encore en employant cette dénomination cuviérienne, la commissure étant tordue (voir les figures 9 et (0), fournit un carac- ière important; je nomme Strepst- neurés (fig. 9 et 40 [de croécu, futur stpébw, tordre, et veüpov] les animaux offrant ce caractère ‘. Pour s'expliquer cette disposition, que l’on prenne le fond de l’U de l’Aplysie (fig. 8) et qu’on le reporte de droite à gauche en passant en arrière du tube digestif. De la sorte, le bas de la tige de droite devient gauche et la partie gauche restant en place, se trouve à droite. On F n'oublie pas que, dans l’Aplysie, le Fig. 8. fond de l’U et les ganglions qui s’y Type de Mollusque à système trouvent sont voisins à la fois du nerveux pleuroneuré. Les deux : ue premiers ganglions de la chaîne CŒUr et de la branchie qu'ils inner- restent près du cerveau, les trois autres sont portés loin sur le côté droit. transport qui vient d’être indiqué, les vent ; aussi, dans le mouvement de organes de la respiration et de la cir- culation suivront les ganglions impairs et viendront se placer sur le côté gauche. C'est ce qui se trouve réalisé chez tous les Pectini- branches (fig. 9). Dans les Strepsineurés, deux cas bien distincts se présentent. 1 M. Von Jhering a dit Chiastoneura (de yracros, croisé) ; les nerfs peuvent bien être croisés, mais ils sont séparés par le tube digestif. L’idée de torsion est préfé- rable ; elle à été reprise par M. Spengel (Zeits. für Wiss. Zool., 1881, vol. XXXV, p. 333), qui appelle les animaux la présentant Streptoneura (de Groemros, Qui tourne). J'aime mieux S/repsineura, comme étant moins dur; le radical strepsi a d’'âilleurs été employé déjà (Insectes). SUR LES GANGLIONS DITS PALLEAUX. 367 Tantôt les deux premiers ganglions placés aux extrémités des branches de l’U sont tout voisins du cerveau (fig. 9, Zdt, Zg') : c'est la disposition la plus normale, la plus fréquente, celle qui répond au grand groupe assez naturel des Pectinibranches de Cuvier, en y ajoutant le Cyclostome, eic. Fig. 9. Fig. 10. Type de Mollusque à système Type de Mollusque à système nerveux Strepsineurés, Apo- nerveux Sirepsineures, Erpi- notoneurés ; les Pectinibran- podoneurés, Haliotides, Fis- ches. surelle, Troques. Je nomme ces Strepsineurés Aponotoneurés (la préposition àxo in- diquant que c’est du côté du dos que vient la commissure tordue). Tantôt les premiers ganglions descendent jusque sur le dos du centre pédieux, et alors la commissure semble commencer au cÔté ventral (fig. 10, Zd!, Zg').Je nomme ces Strepsineurés É pipodoneurés (la préposition èxi indiquant l'origine apparente de la commissure sur le centre pédieux). Entre ces deux divisions, toute la différence consiste dans la lon- gueur du connectif céphalo-asymétrique et podo-asymétrique. Les Épipodoneurés renferment les 7rochus, avec les Fissurelles et 368 H. DE LACAZE-DUTHIERS. les Haliotides, les Pleurotomaires que von Jhering sépare et qui, par l’ensemble de leurs caractères, doivent être réunis comme par la constitution de leur système nerveux. Il m'a paru dès lors logique et rationnel d'admettre que les varia- tions présentées par l’organe caractéristique du groupe tout entier pouvaient servir à déterminer, mais surtout à caractériser ses sub- divisions principales. Il n’est pas douteux, en effet, que, toutes les fois qu’une partie de l’organisme fournit un caractère de premier ordre, si elle varie non dans le fond, maïs dans ses formes, elle peut fournir par ses variations mêmes des caractères propres à faire dis- tinguer les divisions. Ces considérations m’ayant conduit à choisir pour Critérium, dans cet essai de classification des Gastéropodes, les dispositions variées du centre asymétrique, je rappellerai la clas- sification des Gastéropodes que j'ai proposée‘. La classe peut être divisée en deux sous-classes et cinq ordres : ï Notoneurés, IT Gastroneurés. III Pleuroneurés. IV Aponotoneurés. . Épipodoneurés. 19 Sous-classe des Astrepsineurés. Classe des GASTÉROPODES. 20 Sous-classe des Strepsineurés., Il importe de remarquer que, dans un grand nombre de cas, les ganglions dits pleuraux ou latéraux, les premiers de la chaîne à droite et à gauche, sont aussi voisins des ganglions cérébroïdes que des pédieux, car ces deux centres sont très rapprochés, comme on peut le voir dans les différents Gastro ou Noto ou Pleuro-neurés ; mais, lorsqu'il y a chiastoneurie, comme dans la deuxième sous-classe, deux conditions fort importantes et très différentes se présentent, dont l’une a été niée et a donné lieu à des critiques qui m'ont paru 1 Comples rendus de l’Académie des sciences, t. CVI, séance du 12 mars 1898, VOIRIE SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 369 d'autant plus sans valeur qu’elles viennent contredire toutes les lois morphologiques et qu'aujourd'hui des exemples nouveaux et abso- lument probants ont confirmé, en les complétant, mes vues et inter- prétations !. Tantôt, dans les Prosobranches de Milne Edwards, la plus grande partie des anciens Pectinibranches de Cuvier, les ganglions pleu- raux sont accolés, pour ainsi dire, aux ganglions cérébroïdes ; dans ce cas, le plus souvent les ganglions pédieux sont rapprochés. Tan- tôt, au contraire, le centre pédieux s’est éloigné du cérébroïde, et les latéraux ou pleuraux l’ayant suivi, se sont accolés, soudés presqu’à lui. C’est ce que l’on voit chez les Fissurelles, comme l'a démontré M. Boutan, chez les Haliotides, les Troques; comme moi-même je l'ai soutenu depuis bien longtemps et je le soutiens encore. D'après tout ce qui précède, on voit bien qu'il y à beaucoup d’in- térêt à étudier et à connaitre la position de ces ganglions, que nous ne pouvons séparer, nous le répétons en terminant, de la chaîne formant un centre, dont le caractère d’asymétrie est incontestable et peut rendre de véritables services quand on s’occupe de l’organi- sation et de la morphologie générale des Gastéropodes. $ 2. LE STOMATO-GASTRIQUE. Ï QUELQUES GÉNÉRALITÉS SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. Ce centre nerveux est très constant ; aussi a-t-il été signalé par presque tous les malacologistes ; quelques détails sont néanmoins nécessaires sur la distribution de ses nerfs et sur sa constitution générale pour quelques espèces. Gette étude mettra en évidence les idées générales que l’on trouve dans les principaux travaux que j'ai publiés sur le système nerveux des Mollusques. 1 Voyez Bouvier, Compies rendus de l’Académie des sciences, 1897. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 32 SÉRIE. -— T. VI, 1898, 24 370 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 11 m'est difficile d'admettre pour les ganglions qui forment ce centre le nom qu’emploie M. Bouvier ; il les appelle, en effet, gan- glions buccaux ; du reste, il dit lui-même :« J'ai choisi cette déno- mination uniquement pour indiquer la place des ganglions et non pour qualifier leur rôle. » Il ajoute, d’ailleurs, que ce nom à pour but d'arriver à une critique des opinions de Bella Haller, qui nomme ces ganglions : ganglions véscéraux antérieurs, par opposition à d'au- tres qu’il nomme viscéraux postérieurs. Nous devrons revenir sur cette critique qui est parfaitement juste. Je préfère et maintiens le nom de stomato-gastrique, tiré des deux parties extrêmes bien distinctes innervées par ce centre. On l’a aussi appelé grand sympathique, nom qui n’est justifiable qu à un seul point de vue et pour une seule de ses parties. Sa simplicité et la régularité de sa position, qui est invariable, sont des caractères qu’on retrouve toujours dans les groupes les plus différents. D'une facon constante, il présente deux ganglions plus ou moins rapprochés l’un de l’autre, ordinairement globuleux, surtout chez les Gastéropodes, Pectinibranches el Pulmonés, la plupart des Nu- dibranches:; mais non chez les Haliotides, les Patelles, les Osca- brions. Ils sont symétriques, identiquement semblables et aplatis. Leur situation est invariable. On les trouve toujours entre la masse du bulbe lingual et l’origine de l’œsophage; il existe, en effet, entre ces deux parties, un angle dièdre limité par la face antérieure de la première partie de l'æso- phage et la face postérieure du bulbe radulaire. C’est dans cet angle qu'il faut les chercher, car, très rarement, on les voit dépassant un peu les bords latéraux de l’œsophage. En écartant le bulbe lingual et la première partie du tube digestif, on est assuré, sans difficulté et sans erreur possible, de trouver ces deux ganglions,.unis par une commissure plus ou moins longue, suivant leur écartement. Ils sont comme suspendus aux ganglions cérébroïdes par deux longs con- nectifs. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 371 Ils offrent encore un rapport constant : c’est sur leur côté externe, eb tout près d'eux, qu’on voit les glandes salivaires s’ouvrir dans la cavité buccale. Sur cette partie de l’histoire du centre stomato-gastrique, tout a été, ou à peu près, dit dans différents mémoires isolés; nous n’au- rons qu'à signaler quelques particularités tenant à des conditions organiques spéciales ou exceptionnelles. Les nerfs qui naissent sur ces ganglions sont de deux ordres, et leur apparence est tellement différente qu’elle permettrait de les distinguer, si les parties sur lesquelles ils se distribuent n'étaient de même très différentes ; les uns vont au bulbe, les autres au tube digestif jusqu’à l'intestin. Les premiers sont volontaires; les seconds ne doivent pas être soumis à l’action de la volonté, et représentent les nerfs du grand sympathique des animaux supérieurs. L'apparence des deux est absolument Caractéristique. Sur le bulbe radulaire qui est très musculaire, les nerfs, dont nous fixe- rons l’origine plus loin, se bifurquent et se ramifient à la façon des nerfs du manteau, du pied, en un mot, de tous ceux qui correspon- dent à des organes, ou sensitifs, ou musculaires, de la vie animale. On sait que le caractère de ces cordons est partout le même et qu'à mesure que leurs divisions et leurs subdivisions se produisent, ils diminuent sensiblement de volume: on peut les comparer aux »ranches, rameaux et ramuscules d’un arbre, dont les diamètres vont en décroissant à mesure que l’on s'approche davantage des extrémités et que les subdivisions se multiplient. La comparaison est fort exacte en Ce qui touche les nerfs du bulbe radulaire, et c’est ce caractère qui leur donne une physionomie spéciale, facile à reconnaître. Au contraire, pour les cordons descendant sur l’æœsophage et allant jusqu’à l'intestin, en s’irradiant sur ces organes, une forme toute différente apparaît; les cordons secondaires, qui se détachent du plus gros nerf parti du centre et qui reste de la même grosseur d’un bout à l’autre (excepté, cela s'entend, quand il va se terminer), se divisent, en se bifurquant ordinairement assez près de leur origine, 372 H. DE LACAZE-DUTHIERS. et s’anastomosent très vite avec les branches de subdivisions de leur voisin. Il en résulte un réseau à mailles irrégulièrement carrées, hexagonales, pentagonales, en un mot, polygonales fort irrégulières. Il existe un premier plan d’un réseau qui couvre les organes, c’est l'analogue du réseau d’Auerbach, d'où naissent des ramuscules plus petits qui se disposent eux-mêmes en un réseau profond — celui-ci étant l'homologue du réseau de Meissner — dont les mailles, comme chez les premiers, présentent des cordons ayant un dia- mètre à peu près partout égal. La différence entre ces deux modes de distribution des nerfs sur le bulbe lingual et l’æsophage ou le reste du tube digestif saute aux yeux, quand on fait des préparations. Du reste, beaucoup de malacologistes ont été frappés par un fait sur lequel nous reviendrons en étudiant plus particulièrement les exemples dont on trouvera plus loin l’histoire. MM. Vayssière et Bouvier ont signalé ce fait incontestable que, souvent, les nerfs du bulbe lingual ont leur origine sur Île connectif, qui les unit au gan- glion cérébroïde avant son entrée dans le ganglion stomato-gas- trique. Des auteurs étrangers ont aussi présenté la même remarque ; je puis le dire, elle ne m'avait pas échappé. Nous allons, dans le courant de ce travail, passer successivement en revue les formes du stomato-gastrique chez quelques espèces bien connues et communes, mais chez lesquelles le système, quoi- que signalé, n’a pas été étudié avec tous les détails qu'il compor- tait; nous verrons, chose importante à constater, que la démonstra- tion de quelques-unes des idées générales qu’on vient d'exposer Sy trouvera très clairement et facilement établie. Il Mais, auparavant, une question se pose : M. B. Haller a émis une opinion que M. Bouvier à déjà déclaré ne pouvoir accepter. Il s’agit de l’origine des connectifs du stomato-gastrique. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 373 On a vu que le premier de ces habiles anatomistes admettait deux centres viscéraux, l’un antérieur et l’autre postérieur, l'antérieur étant celui qui nous occupe, le postérieur dépendant du centre asymétrique. D’après lui, les deux centres viscéraux tireraient leur origine des ganglions palléaux. Pour les viscéraux postérieurs, cela ne peut faire de doute, puisque nous considérons les ganglions palléaux comme les premiers dépôts des corpuscules nerveux sur la longue commissure asymétrique. Pour le centre viscéral antérieur ou buccal, pour employer l'expression de M. Bouvier, «les connectifs buccaux (d’après Haller, citation empruntée à M. Bouvier, p. 381) auraient leur origine réelle dans les ganglions palléaux, suivraient les connectifs latéraux, traverseraient les ganglions cérébroïdes qui leur serviraient seulement d’origine apparente et se rendraient en- suite aux ganglions buccaux... A toutes ces allégations, je répondrai par une négation absolue... » Pour appuyer son dire, M. Bouvier veut bien citer quelques obser- vations qui me sont personnelles, en les approuvant. Elles condui- sent à une conclusion prouvant la négation. Je dois faire ici un rapprochement de quelques dates. Le travail de M. Bouvier est du mois de juillet 1887 ; or, ce n’est qu’à la fin de la même année (vol. V de mes Archives, 2° série) que parut mon travail sur la Testacelle. M. Bouvier ne pouvait donc pas citer mon travail qui était en préparation, à la gravure et à l'imprimerie, quand paraissait le sien. Voici ce que l’on y trouve et que je dois rappeler (p. 576) : « L'origine des connectifs du groupe stomato-gastrique mérite une mention particulière. « Il y a déjà longtemps que j'ai émis l'opinion que les fonctions spéciales étant l'apanage de chacun des groupes des ganglions et que, par leurs communications à l’aide des connectifs, il devait s’éta- blir un échange de ces propriétés. « Ainsi, l'on peut admettre que les ganglions pédieux sont des centres moteurs et qu'ils recoivent du ganglion cérébroïde, qui esf, 314 H. DE LACAZE-DUTAIERS. sans contredit, un centre de sensibilité, des fibres leur permettant d'apprécier les impressions portées sur les parties qu'ils innervent. « Sans développer davantage cette manière de voir, il est rationnel de supposer quele grand sympathique doit recevoir des filets mo- teurs et des filets ayant des propriétés semblables à celles qui carac- térisent le centre asymétrique et le cerveau. «Dansle Zonites cellarius, j'avais, il y à déjà longtemps, remarqué que le connectif unissant le ganglion stomato-gastrique aux autres centres était formé par des racines distinctes naissant sur les deux connectifs cérébro-pédieux, cérébro-asymétrique et sur le cerveau. « Ici (pl. XXX VII, fig. 70 et 71, k, vol. V, 2° série), l'on ne voit pas trois racines, mais on en trouve deux : l’une d’elles s'approche telle- ment du cerveau, qu’elle prend à la fois son origine sur le cerveau et le connectif cérébro-asymétrique ‘; l’autre descend très bas sur le connectif cérébro-pédieux. » Cette racine semble remonter du ganglion pédieux. On trouve là un fait important, dont M. Bouvier ne pouvait avoir eu connaissance à l’époque où il publiait ses remarquables re- cherches. Que le connectif du centre stomato-gastrique ait plusieurs ori- gines pour ses racines, cela, d’après les exemples qu’on vient de citer, ne paraît pas douteux. Cela ne viendrait pas à l'appui de l’af- firmation de B. Haller, puisqu'il y aurait, d’après lui, deux ordres d'origines : les apparentes et les réelles. Mais il faut remarquer qu’on voit ici la preuve de l'influence des idées préconçues de chaque auteur d’après l'interprétation des con- ditions biologiques générales admises. Ainsi, supposant l'existence de la distinction entre la motricité de la sensibilité dans les centres spéciaux et trouvant plusieurs racines sur les connectifs, je leur attribue des relations qui sont en rapport avec la distinction des 1 Il faut remarquer que, dans le texte, ce connectif cérébro-pédieux a été, par erreur typographique, mis à la place du connectif cérébro-asymétrique, mais dans la planche la couleur ramène les choses en leur place respective. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 375 centres moteurs et sensibles; ma conclusion est le résultat d’une opinion préconçue. M. Bella Haller, partant d’un tout autre point de vue, arrive à trouver dans les ganglions palléaux, l’origine des deux centres viscéraux comprenant le centre stomato-gastrique et le centre asymétrique. Dans tout cela, on reconnait des interprétations particulières de certains faits ; reste à savoir si les faits apportés par B. Haller sont positivement vrais. M. Bouvier en conteste l'exactitude. Quant à ceux que j'ai publiés, je ne saurais les mettre en doute ayant encore les préparations sous les yeux. De nouvelles recherches, surtout histologiques, devraient être faites pour généraliser ou localiser ce fait de la pluralité des origines du connectif cérébro-stomato-gastrique. On trouvera, dans la suite de ce mémoire, des observations rela- tives au stomato-gastrique des Aplysia, des Dolabella, des Acera bullata, des Haminea hydatis, Philine aperta et Scaphander lignarius. TI DU STOMATO-GASTRIQUE EN PARTICULIER DANS LES ESPÈCES SUIVANTES. Aplysie. (PIERANE 1-2") Les Aplysies sont des Mollusques fort voraces, se nourrissant sur- tout d'algues. Vivant à des profondeurs variables moyennes, mais venant souvent jusqu'à la surface de l’eau, surtout quand elles sont adultes, leur corps émerge même quelquefois en partie au-dessus du niveau de l’eau. En été — je ne sais si les conditions, aujourd'hui, sont autres ou les mêmes — il y à quelques années, dans le vieux port de Cette, on voyait sur les rebords des soubassements sur lesquels ont été éle- vés les murs des quais, à très peu de profondeur sous l’eau, ramper des colonies, il serait mieux de dire des chaînes d’Aplysia depilans 3176 H. DE LACAZE-DUTHIERS. occupées à brouter les algues et ulves ou autres qui s’y trouvaient, à s’accoupler et à pondre. C'est là surtout que j'ai trouvé des indi- vidus de fort belle taille et qui m'ont permis de faire de bonnes pré- parations, à l’époque où, plusieurs années de suite, j'ai fait des recherches dans le port de Cette. Du côté des Bourdigues, entre les blocs de roches accumulées au pied de la petite Lour qui porte le feu rouge destiné à guider les em- barcations voulant entrer de nuit dans le canal en venant de l'étang de Thau, j'ai fréquemment rencontré d'énormes individus d'Aplysia fasciata, que la couleur sombre et le liséré rouge des bords du pied et du manteau ou des tentacules font si facilement reconnaître. Dans le bassin d'Arcachon, surles bancs des huîtrières, on trouve surtout l'Aplysia fasciata, que les pêcheurs appellent Pisse-vinaigre. A Roscoff, c’est la Depilans, comme à Banyuls, que nous avons; je n’ai eu qu’une fois la Fasciata à Port-Vendres. Dans toutes, du reste, quelle qu’en soit la taille, c’est toujours même disposition pour l’organe qui nous occupe. Je n’ai pas trouvé de différence chez l’Aplysia punctata, que j'ai pêchée et disséquée à Ajaccio. A Roscoff, nous avons des localités à Aplysies. Les pêcheurs de orève les nomment des Vaches, alors que Cuvier les nommait des Lievres marins. Comme tous les Phytophages, les Aplysies dévorent de grandes quantités de matière végétale et leur tube digestif dans sa parlie comprise entre le bulbe lingual et l'intestin proprement dit dans le point où s'ouvrent les conduits hépatiques, peut se dilater énormément et prendre des dimensions en rapport avec le volume des matières ingérées. Il résulte de là des différences considérables entre l’état de con- traction et l’état de dilatation. Cette observation est tout d'abord nécessaire pour prévenir de ce fait que les dispositions du système nerveux dans une partie de l'or- gane digestif varient considérablement et que ces variations tien- nent, pour le plus grand nombre, à l’état de réplétion ou de vacuité de la première partie du tube digestif. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 311 Rappelons d’abord quelques traits bien connus de la disposition générale du tube digestif. Pour juger des conditions anatomiques spéciales auxquelles il sera fait allusion, il faut observer l’Aplysie vivante et rampante. La partie du corps correspondant aux viscères forme une masse globuleuse, occupant, en bas et en arrière, un peu plus du tiers de la totalité du corps. Le foie, le cœur, les organes génitaux, glande hermaphrodite et annexes, celles-ci fort considérables, le corps rénal ou de Bojanus, sont réunis dans cette masse au-dessous ou en avant de la coquille mince et membraneuse, enfermée dans le manteau encore ouvert sur le dos par une sorte d'ombilic. Sur le côté droit de la masse est une excavation latérale, tout près de l'anus, où est logée la bran- chie. Le tout est recouvert par les deux lobes latéraux du pied qui se rejoignent au-dessus du manteau, de la coquille et de la branchie cachée. Tout cela est parfaitement indiqué par Cuvier dans ses mémoires célèbres sur les Mollusques. J'ai l'habitude de fixer la situation des animaux que je décris en plaçant la bouche et la tête en haut, le disque pédieux en avant. L'orientation est, dès lors, simple, et toutes les espèces décrites ici seront supposées dans une telle position. Dans cette position, la masse viscérale se trouve en bas et en ar- Mère. Près de la moitié de la longueur totale du corps, située au-dessus de la masse viscérale, répond au cou, au sommet duquel on voit les tentacules qui sont dorsaux, et, tout à fait en haut, les appendices labiaux, qui, avec les extrémités de la sole pédieuse, complètent la tête, dont la physionomie est rendue si particulière par lesondulations et découpures de ses lobes. La partie inférieure de la tête se con- tinue avec la partie du corps que j'appelle le cou et qui représente un demi-cylindre commençant au-dessous de la tête et finissant à la masse viscérale globuleuse. Cou et tête sont creusés d’une grande cavité dans laquelle flottent divers organes au milieu desquels se fait remarquer la partie supérieure du tube digestif. 378 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Cette vaste cavité céphalo-cervicale s'arrête à la masse viscérale etles deux sont séparées par un diaphragme résistant percé à gauche d’un orifice dans lequel s'engage le tube digestif. De la bouche, qu’on découvre au milieu des appendices labiaux, à l’orifice diaphragmatique qui vient d’être signalé, le tube digestif s'étend en ligne droite, présentant des flexuosités dont il faut tenir compte et dont l'étendue varie avec l'état de réplétion. Les Aplysies sont phytophages, avons-nous dit; elles broutent surtout les Ulva lactuca, et lorsqu'on les ouvre à un moment oppor- tun, c’est-à-dire après qu’elles ont abondamment brouté ces algues, le tube digestif est distendu et très facile à observer dans tous les dé- tails de ses formes. Ses parois sont minces et l’on peut, grâce à leur transparence, voir les matières vertes qu'il contient. De la bouche à l’orifice diaphragmatique on peut reconnaître cinq parties bien distinctes (voir pl. XXIV, fig. 1). a). Le bulbe radulaire est très volumineux et musculaire, à peu près sphérique ; sur son dos se détache, membraneuse, l’origine de l’œsophage (br). Je ne le décrirai point, pas plus que sa radula. Je parlerai seule- ment de ses neris. b). Au bulbe fait suite l'œsophage (æ) plus ou moins long, cylin- drique et dont le diamètre, comparé au reste du tube, est très faible. Malgré l'énorme dilatation que présente quelquefois la troisième partie, la deuxième faisant immédiatement suite au bulbe radulaire, conserve (2d., æ) toujours un très faible diamètre. Aussi le nom d’æsophage lui convient, sans aucun doute. c). La troisième partie comprise entre cet œsophage et la qua- trième est très dilatée : elle est toujours, mais surtout quand elle est bourrée de matières alimentaires, tordue en $S, mais en S incomplète (#d., j). Pour la partie inférieure, c’est vers le milieu de sa longueur que se dessine la plus forte courbure. Voici à peu près ce qu'il est facile d'observer, en ouvrant le cou de l’Aplysie par le côté dorsal, sur un tube digestif modérément dilaté. . SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 319 L'œsophage est habituellement vertical. Après lui le tube digestif se porte à droite en subissant la première courbure ; puis, vers le milieu de sa longueur, il se dirige à gauche, forme bientôt une anse pour revenir à droite, mais sans avancer beaucoup de ce côté, et après un court trajet devient vertical et s’unit à la quatrième partie. Cette troisième partie du tube digestif semble être un réservoir de la matière ingurgitée, faut-il la nommer abot ? Il n’y a point de contre-indication. C'est, de toutes, la plus étendue ; elle est, à elle seule, plus longue que les quatre autres réunies. d). La quatrième partie (g) contraste par la forme, l'épaisseur, la musculature de ses parois avec la précédente, qui est relativement mince et presque transparente. On peut comparer cette partie, et cela a été déjà fait, à un gésier. Sa paroi musculaire est puissante et sa muqueuse est recouverte et armée de grosses pièces chitineuses en forme de pyramides, à som- inets tournés vers la cavité et qui certainement concourent à une seconde mastication. La forme de ce gésier est celle d’un tronc de cône extrêmement allongé dont la base est supérieure et unie au jabot sous un sillon très marqué et dont la partie répondant à son sommet serait très éloignée et séparée de la cinquième partie par un autre sillon cir- culaire ; tout cela a été déjà décrit. e). Vient enfin une dernière dilatation (es) également conique, plus conique, plus surbaïssée que la précédente, dont le sommet in- férieur se perd dans l’orifice diaphragmatique faisant communi- quer la cavité cervicale avec les espaces lacunaires existant entre les lobes de la masse viscérale du foie et de l’appareil génital profond. Cetie cinquième partie est l'estomac vrai, débouchant dans l’in- testin, qui est cylindrique et dont le diamètre est faible et égal dans toute sa longueur jusqu’à l'anus. Elle reçoit, avant de se continuer avec l'intestin, les deux canaux 380 H. DE LACAZE-DUTHIERS. hépatiques correspondant aux deux lobes de la glande qu'il est con- venu d'appeler foie dans les Mollusques, mais qui, certainement, a des fonctions bien différentes de la glande ainsi nommée chez les animaux supérieurs. L'apparence de cette partie diffère de celle de la précédente; cela tient à la faible épaisseur de ses parois, qui sont à peu près aussi transparentes que celles du jabot. Telles sont les principales parties du tube digestif de lAplysie. H était indispensable d’en rappeler les dispositions afin d'arriver plus facilement à la description du système nerveux stomato-gastrique. Un procédé qui m'a bien réussi pour voir et dessiner l’ensemble de ce système, c’est de conserver dans l’eau de mer le tube digestif soit séparé du corps, soit aussi l’animal tout entier jusqu’au mo- ment où commence une très légère putréfaction, qui se produit sur- tout quand on a laissé quelques parcelles du foie suspendues à la partie inférieure du tube digestif. Dans ces conditions, le système nerveux blanchit et l’on en distingue souvent les détails les plus remarquables. Connectif cérébro-stomato-gastrique. — Il est cylindrique, peu flexueux, naissant dans le haut de la face antérieure des ganglions cérébroïdes (V) ; il se porte directement, faisant peu de flexuosité, dans l'angle dièdre qui se trouve entre la première partie de Lœso- phage et le bulbe radulaire, et s’unit aux ganglions stomato-gas- triques (Y) sur le côté externe de ceux-ci. (On le voit comme unare horizontal allant de V à Y.) Ganglions. — Is m'ont paru toujours à peu près sphériques (Y, fig. 1), très rapprochés aussi sur quelques individus ; la commissure qui les unit ne paraît pas dans la figure, bien qu’elle existe manifes- tement. Nerfs. — Les nerfs fournis par les ganglions stomato-gastriques SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 381 sont de deux ordres, très différents dans leur forme et dans leur mode de distribution. | Les nerfs du bulbe lingual (fig. 1, nl) naissent sur la limite an- téro-inférieure des ganglions. On en compte trois paires latérales : une, antérieure, se dirige parallèlement à l’œsophage, vers la partie antérieure du bulbe ; une autre, moyenne, occupe le milieu de la face latérale du bulbe ; enfin, une autre, postérieure, émerge du ganglion, tout près du connectif, et se porte en avant tout en se courbant et émettant des rameaux musculaires. (Le bulbe lingual, dans la figure 1, étant vu de prolil, il est facile d’y reconnaître les trois paires de nerfs bulbaires.) Entre les deux ganglions que, dans ces positions, l’on distingue, on voit naître un nerf qui se porte sur la ligne médiane et en des- sous du bulbe, où il se bifurque très près de son origine; on l’a décrit dans d’autres espèces comme allant à la poche ou matrice radulaire. Enfin, en haut eten arrière naissent les nerfs gastriques (ng). Si, regardant les ganglions de profil, on énumère les nerfs bul- baires, on voit, tout à fait en arrière et en bas, le nerf bulbaire médian inférieur, puis le connectif unissant le groupe au cerveau, successivement les trois nerfs bulbaires : inférieur, moyen et supé- rieur; enfin, le nerf gastrique (ng), qui se porte en haut pour s’ac- coler à l’origine de l’œsophage, puis brusquement, par un retour en bas, devenir parallèle à sa première partie et serpenter sur l'œso- phage ; mais, avant de descendre très bas, il émet deux rameaux que j’appellerai volontiers sympathiques : l’un continue en avant, sur les côtés de la voûte buccale, laquelle peut être considérée comme une dépendance de l’origine de l’œsophage; l’autre se rend à la glande salivaire, qu'il innerve ; on peut le suivre fort loin sur cette glande qui, très allongée, descend jusqu'au gésier (gs'). Il y a deux nerfs gastriques : l’un droit, l’autre gauche. Nous retrouverons, dans les autres exemples, la même apparence. Répétons-le, les nerfs du bulbe lingual ont une tout autre phy- 302 H. DE LACAZE-DUTHIERS. sionomie que les nerfs nés du même ganglion stomato-gastrique, mais se distribuant au tube digestif proprement dit ; on n’a qu'à considérer la figure 4 pour reconnaître ces différences. Le bulbe, très musculaire, est incontestablement animé de mou- vements volontaires; l'animal râpe avec sa radula les matières quil veut introduire dans son jabot, et cela, il le fait quand il le veut, quand la faim le pousse, et l’on reconnaît dans cet organe la forme, le mode de distribution des nerfs que l’on trouve dans le pied, le manteau, organes soumis à la volonté ; mais, dès qu’il s’agit de la digestion proprement dite, fonction tout à fait végétative, la phy- sionomie des organes de l’innervation est absolument différente. Ainsi, les deux nerfs gastriques (fig. 1) ont le même volume à leur origine et à leur terminaison; ils présentent une multitude d’in- flexions, d'autant plus accusées que le tube gastrique est moins gorgé d'aliments. Les nombreuses branches qu'ils fournissent tout le long de leur parcours ne semblent pas les épuiser, comme cela a lieu pour les nerfs volontaires du bulbe. Les dessins qu'on peut donner de ces deux nerfs gastriques sont éminemment divers avec les individus ; on trouve, d’ailleurs, les réseaux qu’ils forment par leurs branches et ramuscules collatéraux, à mailles polygonales extrèmement va- riables. Le diamètre des nervules s’anastomosant est à peu près constant pour les mêmes réseaux. Fréquemment, aux angles où se rencontrent les éléments formant les figures polygonales, on reconnait des dépôts de cellules ner- veuses en petit nombre, mais formant comme de tout petits gan- lions de renforcement. Dans l’Aplysie et dans les autres espèces offrant des dispositions analogues, on peut suivre les deux nerfs gastriques ou sympathiques sur les côtés du jabot, jusqu’au sillon qui sépare nettement le jabot et le gésier. Il faut remarquer que les deux nerfs ne suivent pas exactement SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 383 les côtés gauche et droit du tube digestif; le droit se dirige (fig. 1) en avant, et, après avoir abandonné le côté droit, se porte dans la concavité de la courbe en S; là, il émet souvent des neris secon- daires assez gros qui s'anastomosent entre eux et avec ceux du côté gauche qui s’est porté un peu sur le côté droit, comme on le voit dans la figure 1, pl. XXIV. Les deux nerfs gastriques, malgré leurs nombreuses flexuosités, les ramuscules qu'ils fournissent et les réseaux qu'ils forment, peu- vent être suivis jusqu'au sillon supérieur de séparation du gésier et du jabot, où ils produisent en arrivant là, à l’aide des rameaux per- pendiculaires à leur direction qui s’anastomosent, un véritable cercle facile à découvrir (fig. 2, ef); ils continuent leur course sans changer devolume et en arrivant au second sillon circulaire qui sépare Le bord inférieur du gésier et l'estomac; là, ils forment de même un grand cercle qui entoure complètement le tube digestif. (Voir pl. XXIV, fig. 2, s, cercle supérieur de l’estomac,; s', cercle inférieur du jabot.) On peut voir dans la même figure, tout comme dans la figure 1, que de ces deux cercles descendent ou s'élèvent des nerfs plus grêles qui, parallèles aux deux nerfs gastriques, émettent des filets trans- versaux très déliés, lesquels leur sont perpendiculaires et, par consé- quent, parallèles à la direction des fibres musculaires circulaires formant la couche épaisse et puissante des parois du gésier. Enfin, sur l'estomac ou partie qui précède l'intestin, on reconnait encore la continuation des deux nerfs gastriques ; mais, au milieu des variétés sans nombre que présentent les réseaux, tantôt on peut les suivre, tantôt on trouve, naissant de l’anneau inférieur, une série de ramuscules s’anastomosant et formant un réseau semblable (fig. 1 et 2) à celui que l’on a vu sur le jabot et qui s'étend au bas de la figure jusque sur l'intestin, pénétrant au milieu des lobules du foie (F). J'ai donné sous un grossissement faible, pris au microscope et à la chambre claire, le dessin d’un réseau fin et profond préparé sur l'intestin de la T'estacelle, à l’aide du chlorure d’or, par le procédé 384 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Ranvier. M. B. Haller ‘ en a donné aussi des figures. C'est toujours la même disposition qu'on remarque : la longueur des nerfs gas- triques reste la même, sans qu'ils s'épuisent en fournissant des branches, des réseaux polygonaux entre les deux couches, et en- voyant dans les parois intestinales des nervules qui produisent d’autres réseaux profonds. Au niveau (fig. {, in, intestin; F, foie) de la partie du tube digestif où débouchent les canaux de la glande dite hépatique, on voit des filets se détacher des réseaux qui couvrent l'estomac et se continuer pourse perdre sur les canaux excréteurs de la glande. L’analogie doit faire supposer que la terminaison de ces filets doit être très profondé- ment située vers les extrémités d’origine des canaux excréteurs hépatiques ; mais il est fort difficile de les suivre et de les préparer. Constater les relations des réseaux de l'estomac et des canaux de la glande, c’est là le fait important. Ainsi donc, dans le fond de la glande comme sur les premières parties du tube digestif, les réseaux sympathiques existent; il est possible d’en constater la présence, mais il est difficile d’en faire des préparations générales en tout point satisfaisantes. IV Dolabelle. (PI. XXI V, fig. 3 et 4.) Cuvier n’a donné, dans ses mémoires, que des renseignements très succincts sur la Dolabelle; on pourrait les résumer ainsi : la Dolabelle est une Aplysie à manteau modifié et moins mobile. Or, dans l'emploi fait ici du mot manteau, il y a une méprise curieuse. Dans la description du Lièvre marin, comme il appelle lPAplysie d’après les gens de mer et les anciens naturalistes, il dit formelle- ment (p. 6) : « La tête est la seule partie supérieure qui avance au delà des bords du disque qui fait le pied. Les autres bords de ce 1 Zur Kenniniss der Muriciden, 1582. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 389 disque se redressent, et font une espèce de palissade qui entoure les côtés et la partie postérieure du corps : cette sorte de muraille charnue se redresse et s'élève plus ou moins en s’amincissant, ou bien elle s’affaisse en se gonflant, ou bien elle se plie en ondulations plus ou moins nombreuses, selon la volonté de l'animal, qui peut croiser l’une sur l’autre la partie droite et la partie gauche, ou les écarter et les évaser. » On ne peut mieux décrire les bords du pied, leurs mouvements et les positions diverses qu'ils prennent, Mais C'est en ceci que la remarque est intéressante : il est évident que si Guvier à vu et bien vu le pied de l’Aplysie, il n’en a pas reconnu la nature morphologique par l'anatomie. MM. Milne Edwards et Fischer ont décrit de même ces lobes en palissade, mais ils les ont pris pour le manteau ; ils ont cru que les lobes du manteau, en s’écartant et se rapprochant alternativement, servaient à la natation de l’Aplysie, ce qui est une erreur ; ce n’est Pas avec son manteau, mais bien avec les lobes latéraux de son pied qu’elle nage. Voilà donc Cuvier qui reconnait le rôle de ces lobes chez l’Aplysie, mais qui, n’en ayant pas les preuves anatomiques et morphologiques, arrive, à leur égard, à l'erreur, quand il étudie la Dolabelle. Il dit, en effet (p. 4) : « Toute la différence extérieure un peu essentielle consiste dans la disposition du manteau qui, dans l’Aplysie, se relève presque verticalement quand l'animal le veut, parce que ses bords sont plus amples, et qui, dans la Dolabelle, ayant des bords étroits et rapprochés, est toujours plus ou moins serré sur le dos.» Ainsi, la différence dans l'apparence fait que Cuvier voit bien et appelle pied ce qui est le pied, mais, plus loin, il se trompe en l’ap- pelant manteau, parce que l'apparence extérieure, ayant changé, le trompe. J'ai eu l’occasion plus d’une fois d’insister justement sur l'exemple de l’Aplysie, pour montrer combien la loi des connexions, bien en- tendue et bien appliquée, conduisait à d’heureux résultats. Les nerfs ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GËN, — 3€ SÉRIE, — T. VI. 1898, 25 386 H. DE LACAZE-DUTHIERS. qui se rendent au pied, si démesurément développé dans l’Aplysie, naissent tous et exclusivement des ganglions pédieux et servent à déterminer, avec la plus absolue précision, la nature de l’organe. Il y a longtemps que j'ai démontré cette connexion anatomique, tou- jours exacte et précise. Aujourd’hui, pour le plus grand nombre des zootomistes, cette vérité est inattaquable et il pourra leur sem- bler inutile d’insister sur ce fait, et cependant il en est qui la mettent en doute. Aussi m'’a-t-il paru utile de montrer comment Cuvier, qui avait si bien jugé dans un cas, faisait erreur dans l’autre en s’en rapportant seulement à l'apparence, en n’ayant pas employé la dé- monstration anatomo-morphologique. Le système nerveux de Îa Dolabelle a été exactement décrit par M. Amaudrut ‘. Il n’y aurait qu’à répéter ici la plupart des faits qu’il a fait connaître. Comme il n’a point donné de figures dans sa note, j'ai pensé qu'il serait utile d'ajouter à mon travail deux dessins qui montreront à quel degré le tube digestif peut différer dans sa lon- gueur, lorsque l'animal est à peu près à jeun ou qu'il est après un repas copieux. Cette différence entre les deux apparences explique les dispositions du système nerveux gastrique, que l'on trouve dans les deux cas. Les deux figures 3 et 4 de la planche XXIV ont été des- sinées d’après deux individus de même taille. Le bulbe radulaire (fig. 3 et 4, br) était sensiblement de même taille dans les deux exemplaires; la première partie du tube, après le bulbe que nous considérons comme l’œsophage vrai, est à la fois plus courte et moins différenciée que dans l’Aplysie, mais ce sont toutes différences de peu d'importance. La troisième portion, que l’on peut considérer comme le jabot (j), est incomparablement plus longue, plus dilatable, et plus contournée quand elle est bourrée de matières alimentaires, que dans l’Aplysie dans les mêmes conditions. Maïs ce qui frappe surtout à la première vue de ces trois tubes digestifs placés sur la même planche, c’est la 1 Voir Bulletins de la Société philomathique, 7° sér., t, X, n°9, p. 68, 1886, SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 387 différence qui existe dans l'étendue et le nombre des circonvolutions. Les deux individus de Dolabelle (fig. 3 et 4) avaient, on vient de le voir, à peu de chose près, même taille : quant à l’Aplysie, elle était d’une taille près du double de celle des Dolabelles, quoique les des- sins soient exécutés à la même grandeur. Je n’ai jamais trouvé les Aplysies avec un jabot aussi circonvoluté et formé d’anses aussi courbées et rapprochées que chez la Dolabelle : les figures de la planche permettent aisément d'établir la Comparaison et la diffé- rence. Que, si l’on compare les deux figures de la Dolabelle, l’une est rectüligne, l’autre semblerait avoir, si ses anses étaient étendues, au moins deux fois la longueur de la première ; où les différences ces- sent, c'est pour le gésier (g) qui rappelle celui de l'Aplysie, en étant toutefois un peu plus arrondi et légèrement plus conique. La partie sitomacale est beaucoup plus allongée dans le cas de vacuité (fig. 3) ; elle est plus courte et plus dilatée dans l’autre cas (fig. 4). Dans les deux genres, les glandes salivaires (gs) s'étendent de l’ori- gine de l’œsophage sur le bulbe lingual jusqu’au sillon séparant le gésier et le jabot, sillon dû à la contraction produite par les fibres musculaires circulaires qui caractérisent cette partie du tube. Entre les deux figures 3 et 4 existe encore une différence bien marquée, d'une part, dans la situation du collier æsophagien ; d'autre part, si l'on établit la comparaison entre l’Aplysie et la Dojabelle, on trouvera, toutes proportions gardées, que le collier œsophagien est plus grand dans la Dolabelle que dans l’Aplysie, et que, surtout, il se déplace dans la première et reste fixe dans la seconde. Dans l’Aplysie, on le trouve (fig. 4) toujours au-dessous du bulbe: dans la Dolabelle, je l’ai observé dans cette même situation (fig. 3) quand le tube était fortement dilaté par les matières alimentaires. Dans le cas de vacuité (fig. 4), il était beaucoup plus éloigné du bulbe. Il y a une autre très grande différence entre les deux genres : chez l’Aplysie, la commissure cérébrale est très courte, la pédieuse 388 H. DE LACAZE-DUTHIERS. est, au contraire, très longue ; les ganglions latéraux ou premiers de la chaîne asymétrique sont très près des ganglions pédieux, le con- nectif qui les unit étant très court; de telle sorte que, si l’on enlève le collier, si on le place sur un plan, il forme un triangle isocèle très surbaissé dont l’angle-sommet est formé par les deux ganglions cérébraux et les deux angles de base par les ganglions pédieux et _les latéraux, très rapprochés et très voisins. Ici, le collier est allongé, les deux ganglions pédieux se trouvent très rapprochés, leur commissure étant très courte, ce que l’on voit dans la figure 4, et les ganglionslatéraux sont de même très près des pédieux. N'y a-t-il pas ici comme une vague indication de ce qui se verra si caractérisé chez les Troques, les Haliotides ? A propos des ganglions latéraux de la chaîne asymétrique, on a vu en commen- çant que d'opinions diverses existaient sur la dénomination des dif- férents ganglions appartenant au groupe asymétrique. M.Amaudrut nomme wiscéraux antérieurs ceux que d’autres auteurs nomment pleuraux où palléaux. Il appelle connectifs les deux cordons qui, de ces ganglions latéraux, vont aux ganglions placés au fond de l’arcade asymétrique, lesquels sont pour lui les viscéraux postérieurs. Est-il besoin d’ajouter que je n'accepte pas cette nomenclature. Quant aux nerfs fournis par les viscéraux antérieurs, ils forment deux paires. Je cite textuellement : «Ces ganglions donnent deux paires de nerfs assez fortes, qui se portent directement aux tégu- ments situés de chaque côté en avant de la coquille et envoient sur la ligne médiane des rameaux dont quelques-uns s’anastomosent entre eux. Latéralement, d’autres rameaux s’anastomosent avec les branches d’un nerf pédieux. « La deuxième paire, plus grêle, se rend dans la partie du manteau située en avant de la région innervée par les nerfs précédents. » Ainsi, voilà des ganglions qui, d’après l’auteur, ne fournissent qu'aux téguments et qui reçoivent néanmoins le nom de viscéraux. Les ganglions viscéraux postérieurs innerveni encore le manteau, mais fournissent les nerfs des organes véritablement splanchniques. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 389 Il est évident, d’après ses descriptions, que M. Amaudrut sépare et distingue les ganglions pleuraux des ganglions vraiment viscéraux, Je n'ai cité cette partie de ce travail que pour présenter:un exemple de plus sur l'incertitude de la nomenclature, à ajouter à ceux dont il a été précédemment question. Et je répéterai encore une fois : pourquoi séparer et distinguer des ganglions dont les attributions, tout en étant multiples et diffé- rentes, se rapportent à des fonctions semblables, puisque les gan- glions viscéraux postérieurs sont à la fois splanchniques et palléaux ? M. Amaudrut nomme aussi ganglions buccaux ceux que nous appelons séomato-gastriques. Il fait connaître les nerfs qui en partent. La disposition des nerfs du bulbe est indiquée à peu près sem- blable à celle que l’on a vu exister chez l’Aplysie. Nous avons observé que les paires de nerfs du bulbe naissent tout près, et quelques-uns sur le point où le connectif unissant ce centre au cerveau vient péné- trer dans le ganglion stomato-gastrique. Le nerf gastrique ou sym- pathique naït surtout de la partie postérieure du ganglion, ce qu’on peut voir figure 3. Il importe de remarquer que les nerfs du bulbe ont une physio- nomie en tout semblable à celle des nerfs du bulbe de l’Aplysie, et qu'il y a ici, comme là, une tendance à un rapprochement dans l’apparence des nerfs bulbaires et des nerfs moteurs volontaires. Le connectif cérébral-asymétrique est, à son arrivée sur le ganglion stomato-gastrique, uni aux nerfs bulbaires. Quant au nerf sympathique, la différence de son aspect est tout autre suivant que le jabot est gonflé par les aliments ou qu'il est vide. Il suffit de voir etde comparer les deux figures 3 et 4, pour re- connaître cette différence (ng). J'ai trouvé les mêmes cercles(s, s') au-dessus et au-dessous du gé- sier,avec peut-être plus d’irrégularités, d'anastomoses et de pseudo- petits ganglions, que ne semble en indiquer M. Amaudrut. Du reste, il faut remarquer que les différences individuelles sont nombreuses et que, par cela même, les descriptions peuvent varier. 390 H. DE LACAZE-DUTHIERS. M. Amaudrut n’a pas fait la remarque que les réseaux formés par les nervules nées des grands sympathiques gastriques sont, les uns superficiels, les autres profonds, mais toujours formés de mailles polygonales ayant le même caractère. Les mailles de ces réseaux sont beaucoup plus petites sur les ja- bots non gonflés par les aliments que dans les conditions contraires, et les ondulations des deux nerfs gastriques des jabots dilatés et les nervules des réseaux qui les accompagnent sont presque nulles. Les gastriques surtout, dans un cas, forment des zigzags très nombreux (fig. 3); dans l’autre, ils sont droits (fig. 4). Il nous reste à faire encore remarquer combien ce caractère est marqué chez les Dolabelles; les nerfs viscéraux proprement dits semblent se régénérer à mesure qu'ils avancent; car, dans la figure 3, on peut constater que le nerf gastrique droit est tout aussi grêle après le gésier qu’en sortant du ganglion stomato-gastrique. C'est là, du reste, un caractère constant des nerfs sympathiques. En dehors des faits relatifs au stomato-gastrique, il est impossible de ne pas faire une remarque sur l’organisation de l'espèce que jai disséquée et qui m'a été donnée sous le nom de Dolabella scapula du Pacifique. Cuvier n’a pas manqué d'observer le fait sur lequel j'appelle l'at- tention du lecteur; il en donne un dessin dans ses mémoires. Peut- être n’a-t-il pas interprété les dispositions anatomiques comme il peut paraître qu’elles auraient dü l'être. | Ce qui frappe tout d’abord quand on ouvre une Dolabelle, cest _ que, sous les téguments épais de la partie cervicale, c'est-à-dire de- puis la limite de la masse viscérale jusqu à la tête, on trouve une série de bandelettes musculaires allant des environs de la bouche au voisinage des viscères. Il y a là comme une enveloppe des organes qui se trouvent séparés des parois du corps par des bandes unies entre elles à l’aide de lamelles minces et constantes d’un tissu mince et transparent conjonctif. La présence de ces bandes musculaires explique la forte rétraction SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 391 de l'extrémité céphalique vers la partie inférieure ou viscérale du Corps. C’est au-dessous de cette couche musculaire que flotte la première partie du tube digestif. Cuvier a été frappé de cette disposition musculaire ; il dit : «Les museles qui retirent en dedans la masse de la bouche sont seuls un peu autrement faits (il fait allusion à l’anatomie de l’Aplysie, qu'il avait fait connaître avant celle de la Dolabelle), ils sont plus longs et disposés également tout autour de cette masse, qu'ils embrassent comme un cône pour aller fixer leur extrémité postérieure au pour- tour de l'enveloppe générale du corps. » La figure qu’il donne est fort exacte, on pourrait peut-être même dire plus exacte que la description. Ces lamelles sont destinées à faire invaginer l'extrémité de la tête dans la cavité du cou et non à rétracter le bulbe radulaire, qui a ses muscles spéciaux cachés au- dessous et au milieu de ces bandes rétractles. \ Acera bullata. HS SON TE 102718) Ce charmant Mollusque est de la Méditerranée, comme de la Manche et de l'Océan. Dans le vivier du laboratoire Arago, nous l'avons souvent très abondant, voletant dans l’eau comme un pa- pillon dans l'air, au-dessus des parties du fond peu profondes et dans lequel il se terre et dépose ses glaires allongées remplies d'œufs donnant rapidement des embryons veliger. On le trouve encore à Roscoff. Son histoire et son anatomie ont été plus ou moins complète- ment faites par MM. Mœbius (Kieleur-Bucht), Vayssière (Archives du musée de Marseille). ; Aussi, il ne sera nécessaire que de quelques indications, sur des points qui paraissent devoir être mis en lumière. 392 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le bulbe radulaire est ovoïde, relativement assez allongé. Ses muscles protracteurs et rétracteurs forment des houppes dirigées en haut ou en bas et viennent s'attacher soit aux côtés internes de la bouche, soit sur les téguments. L'origine de l’æsophage sur le dos du bulbe radulaire forme une bandelette dorsale qui occupe le tiers médian de la largeur totale du bulbe. L'œsophage (æ), c’est-à-dire la partie cylindrique habituellement peu dilatée et qui fait suite en dessous au bulbe, n’a guère qu'un quart de la longueur totale du tube compris entre le bulbe et le gésier. Le jabot {7) n'a souvent qu’un diamètre un peu plus du double de celui de l’æœsophage ; je ne l'ai jamais trouvé démesurément gonflé, comme dans les deux genres précédents. Le gésier présente la forme d’une toupie dont la pointe serait mousse, ou, pour mieux dire, qui offrirait deuxétranglements. Lepre- mier, immédiatement après l'extrémité inférieure du jabot (s''), pro- duit comme un anneau, dans lequel s’enfonce l’extrémité inférieure du jabot. Le second (s) est en bas de la partie moyenne, qu’il sépare de la plus volumineuse, et représente aussi un anneau d’un dia- mètre à peu près égal au premier, plus grand si le tube digestif n’est pas contracté. La partie moyenne offre, pour sa hauteur et son diamètre, des di- mensions doubles de celles des deux parties extrêmes en bas et en haut. On se ferait facilement une idée exacte de cette partie moyenne en la comparant à une sphère dont on aurait enlevé à chacun des pôles une calotte qu’on aurait remplacée en haut et en bas par un anneau. Au-dessous de l’anneau inférieur et sortant de lui, on trouve l’es- tomac vrai (es), qui est tubuleux, d'un diamètre moindre à son ori- gine que dans son milieu, qui traverse un diaphragme (D), comme dans les espèces précédemment étudiées et se perd, en tant qu'in- SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 393 testin, au milieu du foie (F), après avoir acquis une longueur un peu plus grande que celle du gésier avec ses trois parties, telles qu’on vient de les indiquer. La longueur totale de la partie du tube digestif que nous étu- dions, étendue du bulbe au foie, se partage en trois portions bien nettement accusées et égales : l’œsophage et le jabot, le gésier avec ses trois zones d'inégale étendue, enfin l'estomac. Cette longueur totale, ainsi également partagée avec les diamètres très différents de ses pariies, cause une apparence très particulière, comme on en peut juger en observant la planche XX V. La description qu'a donnée du tube digestif de l’Acera bullata M. Vayssière semble un peu écourtée. Nous pensons qu'il faut regarder comme étant l'estomac véritable la partie qui fait suite au renflement médian renfermant des pièces chitineuses ressemblant à celles qu’on trouve dans le gésier de l’Aplysie. Ces pièces ont été décrites avec soin par Mœæbius, retrouvées par M. Vayssière; j'en ai donné deux figures (fig. 3). Ce sont des pyramides tri- ou quadrangulaires ; on croirait qu'il existe à leur intérieur allant du milieu de la base vers leurs sommets aigus comme une lame formée de soies accolées les unes aux autres et occupant le centre ou l’axe de la pyramide. La partie sphérique, à parois fortement musculaires, que nous avons désignée comme étant le gésier, qui est bien réellement l’ho- mologue de cette partie de l’Aplysie et de la Dolabelle, montre à l'extérieur des fibres musculaires puissantes, qui se laissent déliter par bandes circulaires. Dans l'anneau supérieur qui précède ce robuste gésier, on trouve comme une invagination de la fin ou partie inférieure du jabot, fai- sant saillie comme une sorte de museau de tanche. Il faut encore remarquer que le cou de l’Acera bullata est rela- tivement beaucoup plus long que la masse viscérale et que le dia- phragme qui sépare sa cavité de celle, fort remplie, qui renferme la 394 H. DE LACAZE-DUTHIERS. lande génitale et le foie, est facile à reconnaître, et l’infundibulum par lequel pénètre l’estomac dans la masse viscérale est également très facile à voir (fig. 4, pl. XXV). La disposition des nerfs et des ganglions stomato-gastriques est semblable à celle que nous ont montrée les genres précédents. Le collier œæsophagien se trouve très habituellement tout près du bulbe radulaire (fig. 4, V,V, Zg', Zd') et je n’ai pas rencontré de dé- placements semblables à ceux que aous avons vus précédemment ; aussi le connectif cérébro-stomato-gastrique est-il court, comme on le voit (fig. 2). Il ressemble aux nerfs dont le diamètre est égal dans toute la longueur du parcours et il n’est point onduleux. Deux faits doivent être signalés relativement à ces ganglions et aux nerfs qu'ils fournissent. Le bulbe radulaire étant ovoïde et allongé, le collier œsophagien étant très près de lui, il s'ensuit que les ganglions cérébroïdes re- montent sur le dos de l’origine de l’œsophage (fig. 1, V), de là une direction particulière des connectifs cérébro-gastriques qui semblent descendre. Car les ganglions stomato-gastriques sont dans l’angle dièdre, placés plus bas que ne le sont les cérébroïdes. Ces deux ganglions sont très rapprochés et unis par une COMMIS- sure très courte non visible dans la figure. De la commissure, il naît en dessous un nerf impair qui se dirige en avant et remonte vers le bouton matrice de la radula et se bifurque tout près de son origine (fig. 2). Sur le bord supérieur de chacun des ganglions, on rencontre, en allant vers l'extérieur, un premier nerf qui est le connectif cérébral, duquel, chose à remarquer, naissent le plus grand nombre des nerfs allant au bulbe et offrant le caractère qui a été indiqué déjà, celui des nerfs de la vie animale ; puis on trouve le nerf gastrique et enfin le dernier cordon qui longe les côtés de l’origine de l’œsophage. La figure publiée par von lhering ne donne qu'une idée vague et insignifiante de ces origines des nerfs. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 395 Le nerf gastrique ou sympathique présente les inflexions ordi- naires, peut-être un peu moins nombreuses, car, évidemment, le jabot n’est pas soumis à de très fortes alternatives de vacuité absolue et de gonflement extrême. Dans son parcours, il conserve à peu près son diamètre, bien qu'il fournisse de nombreux ramuscules s’anas- tomosant et formant des réseaux qu'il est plus difficile de reconnaître que dans les Aplysiadés. Les deux nerfs gastriques descendent jus- qu'au gésier. Au premier cercle, ils fournissent bien des anasto- moses transversales qui les mettent en connexion, mails je n'ai pu observer d’anneau complet comme on en a vu précédemment, au- dessus et au-dessous de la partie charnue sphérique du gésier; il y a cependant de nombreux nerfs transversaux que l’on peut suivre avec les troncs gastriques sur l'estomac, où l’on retrouve les réseaux à mailles polygonales caractéristiques du sympathique. Il faut remarquer que, sur la partie musculaire correspondant au gésier, les ramuscules s’anastomosent toujours en réseaux moins polygonaux et plus perpendiculaires à la direction du grand nerf gastrique. Je n'ai pas suivi au delà de l'estomac les nerfs gastriques ; tout doit faire supposer que sur l'intestin ils s’épuisent en formant des réseaux toujours semblables ayant la même disposition. Il faut signaler, enfin, une anastomose (an) entre les nerfs que Pon voit sur le gésier et le nerf palléal partant du ganglion gauche Zg" dont il à été question à propos du centre asymétrique. Nous trouverons plus loin des anastomoses semblables, qui doi- vent non seulement être signalées, mais remarquées au point de vue morphologique. À ce point de vue, la figure 1 de la planche XXV demande une attention spéciale. La grande commissure asymétrique (com) a été conservée, elle occupe sa position naturelle. On reconnaît dans le haut les ganglions Zd’ et Zg' occupant la position ordinaire auprès des ganglions céré- broïdes V. À gauche, on voit le ganglion palléal Zg” fournissant le 396 H. DE LACAZE-DUTHIERS. nerf palléal np, qui lui-même donne une branche anastomotique qui va se souder avec les nerfs du gésier. À droite, le ganglion Zd” fournit un nerf qui lui-même se renfle en un ganglion (nbr); c’est le nerf branchio-palléal de droite. Enfin, dans le milieu inférieur de la commissure en Z, on trouve deux ganglions, qui sont les impairs et médians de la chaïîne. Sur quelques individus, le ganglion Zd' est comme bilobé, et alors on compterait sept ganglions pour le centre asymétrique. La chaîne du centre asymétrique de l’Acera bullata mérite, ai-je dit, une mention particulière. | Von Ihering l’a représentée comme je ne l'ai jamais rencontrée. J'aime peu les dessins de système nerveux, indépendants de tous les organes et mis à plat sur une surface. Il dessine 3 ganglions, 2 pleuraux, 2 vers le milieu de la longueur de la commissure. Ces 4 ganglions sont de même taille et à même hauteur, ronds comme des boules. Enfin, au sommet du triangle isocèle qui représente dans le dessin le centre asymétrique, se trouve un gros ganglion toujours rond, ce qui conduit au nombre cinq. Or, qu’on étudie la figure 1, pl. XXV, et l'on verra une disposition tout autre; elle est copiée sur la nature même, et le tube digestif est conservé à la place qu'il occupe. Les deux ganglions latéraux touchent les ganglions pédieux et ne sont pas très éloignés des cérébroïdes. Celui de droite est un peu plus gros que celui de gauche, c’est une observation constante; quand un animal est dextre ou senestre, ses ganglions asymétriques accusent la sinistrorsité ou la dextrorsité par leur plus grand déve- loppement. Les deux branches de la commissure qui doit descendre jusqu'au- près du diaphragme, arrivent à peu près à égale distance de chaque côté du tube digestif, jusqu’à la hauteur de l’anneau supérieur du gésier. La branche gauche, dans ce point, émet un nerf et dans l'angle SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 397 de séparation se déposent des cellules nerveuses qui forment un ganglion petit et presque triangulaire. La branche droite, à partir du même point, s’écarte du tube digestif et vers le milieu de la hauteur du gésier, présente un gan- glion presque aussi gros que le pleural du même côté, un nerf s'en détache et se porte à droite, puis la commissure continue à descendre et en revenant vers la ligne médiane arrive tout près de l’infundibulum du diaphragme, présente là deux autres petits ganglions, après eux rebrousse chemin et, remontant en avant du tube digestif, va rejoindre la partie gauche et la commissure qui, elle aussi, passe en avant du tube digestif. On le voit, le nombre des ganglions est six et non cinq, leur posi- tion et leur volume ne sont pas tels que l’indique von Ihering, en les plaçant à la même hauteur. On sent ici, avec la dernière évidence (lg. 1, pl. XXV), que l'animal qui est dextre a son système nerveux du groupe asymétrique offrant aussi le caractère dextre. Ici se présente toujours la même question : comment dissocier des ganglions éloignés et comment en faire des personnalités? Un nerf part du deuxième ganglion de droite, qui porte un ganglion supplémentaire, d'où naît le nerf branchial? Quand on à disséqué et dessiné beaucoup de systèmes nerveux de Gastéropodes (anciens pectinibranches), et qu’on jette les yeux sur la figure 1 de la planche XXV, il n’est pas possible de ne pas trouver une grande ressemblance entre le système nerveux de l’Acera et celui des Gastéropodes de la division dans laquelle l’a placé Cuvier, mais en tenant compte toutefois de la position à droite des gan- glions 7, Zd' et Zd". Que, par la pensée, dans une préparation semblable, on suppose le ganglion Zd” porté sur le dos du gros gésier de l’Acera, on aura, mais avec l’exactitude la plus absolue, la reproduction du système nerveux chiastoneure d’un Pectinibranche quelconque dans sa partie asymétrique. Il est, je crois, difficile de trouver un exemple plus favorable à 398 H. DE LACAZE-DUTHIERS. cette démonstration. Le ganglion Zd" devient le ganglion dorsal de M. Bouvier, et les deux petits ganglions Z sont les sous-abdomi- naux, ainsi que le ganglion Zg” du même auteur. Nous allons trouver, dans d’autres exemples, des faits complète- ment analogues et conduisant aux mêmes interprétations. VI Haminea hydatis. HD OEM ENG TA L'anatomie de cette espèce, qui est l’ancienne Pulla hydatis de Linné et de beaucoup de malacologistes, est pleine d'intérêt ; mal- gré cela, je n'aurai garde d'étendre outre mesure le paragraphe la concernant. Dans son ensemble, le système nerveux a été exactement repré- senté par M. Vayssière (Annales des sciences naturelles, pl. XX, miens 2e pl. XII, fig. 154, et Bibliothèque des hautes études). Pour ce qui nous intéresse relativement au stomato-gastrique, on ne trouve dans cette figure que la position de ces ganglions, dont le connectif d'union avec les cérébroïdes est fort long. Une observation que j'avais faite sans la publier, fort ancienne (mes des- sins datent de 1857), est tout entière contenue dans le travail de M. Vayssière, qui en a la priorité de publication et que mes notes fort anciennes viennent confirmer. C'est du connectif cérébro-sto- mato-gastrique que naissent les trois troncs principaux de nerfs se distribuant aux muscles du bulbe (voir pl. XXV, fig. 4 et 5). Le con- neclif (cvy) qui unit ces deux centres s’élève du cérébroïde jusqu’au niveau du point où l’æsophage se détache du bulbe, puis, se cour- bant en décrivant une demi-circonférence, redescend aux ganglions stomato-gastriques situés dans l’angle dièdre existant entre le bulbe et l’œsophage. C’est à partir de cette brusque courbure que naissent successivement le nerf dorsal, le mitoyen et l’interne, destinés tous au muscle du bulbe. Déjà, j'ai insisté sur le caractère de ces nerfs qui ressemblent SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 399 complètement et diffèrent en cela des gastriques, aux nerfs de la vie animale, par leur mode de ramification et leur épuisement, après avoir fourni de nombreuses branches et ramuscules. Cela est bien évident sur le bulbe radulaire (br, fig. 5). Il semble donc, dans cet exemple, que les nerfs du bulbe naissent plutôt sur le connectif que sur les ganglions, qui, cependant, par leur commissure, fournissent le nerfimpair que M. Vayssière nomme avec raison nerf radulaire. Mais ce sontsurtout les nerfs gastriques qui nous intéressent ici. Les deux figures (4 et5) qui se trouvent planche XXV donnent une idée générale de leurs positions et de leurs divisions, sur un individu des- siné d’après nature, et dont les réseaux n’offraient pas un développe- ment considérable. Il faut, je crois, attribuer non à un état orga- nique limité, mais à une condition n'ayant pas été favorable à la manifestation des nerfs, cet état incomplet des ramifications sympa- thiques. On sait que, dans plusieurs préparations sur des individus divers, on trouvera toujours des détails différents tenant à ce que quelques nerfs se manifestent mieux les uns que les autres sur divers individus. Je suis convaincu que tout le tube digestif est couvert d'un lacis de ramifications nombreuses, formant des réseaux à mailles polygo- nales irrégulières, comme dans les espèces déjà décrites. Je n’ai voulu dessiner et reproduire que ce qui était manifeste sur les exem- plaires observés. Voilà pourquoi les dessins semblent incomplets. Le jabot (7) et l’æsophage (æ) sont peu distincts l’un de l’autre ; on passe insensiblement du premier au second. Comme dans cette espèce, jamais on ne trouve le jabot énormé- ment distendu, on peut s'expliquer par ce fait opposé à ce que l’on a vu chez la Dolabelle et l’Aplysie, que les nerfs gastriques sont peu flexueux dans toute leur longueur. Le gésier (g) a été décrit par tous les auteurs, depuis Guvier. Je ne vois point la nécessité de reprendre complètement cette descrip- tion. Je n’en dirai qu un mot. 400 H. DE LACAZE-DUTHIERS. M. Vayssière l’a comparé à une bourse à quartiers de quêteuse des églises présentant trois lobes triangulaires isocèles surbaissés et dont la base répond à la partie élargie des pièces chilineuses internes que Cuvier décrivit, et dont on trouve de bonnes figures dans le mémoire de M. Vayssière. Les sommets de ces triangles (fig. £et5,s,s) sont un peu détachés de la fin du jabot par un sillon qui les entoure. Au-dessous de la base des triangles, une dépres- sion circulaire (c) sépare la partie supérieure du gésier de la partie inférieure beaucoup plus dilatée, représentant une portion de sphère. De chacune des séparations des bases des triangles partent des sillons qui descendent jusqu’au bas du gésier et qui partagent, pour ainsi dire, en trois lobes cette partie inférieure, la plus volumineuse de l’organe. Si l’on accepte la comparaison de M. Vayssière, cette partie inférieure représenterait les trois quartiers de la bourse des quêteuses et les trois sillons les jonctions de ces quartiers. Cette partie inférieure est franchement musculaire. Aussi, sur les parties bombées et séparées par les sillons, voit-on très nettement les traces des paquets de fibres musculaires circulaires. De la partie centrale et inférieure de cette moitié trilobée, fermée par une membrane, sort le tube digestif, qui évidemment correspond à la même partie que nous avons trouvée dans les exemples précé- dents et qui est l'estomac (es). Après avoir rappelé ces dispositions, suivons maintenant les divi- sions des nerfs sympathiques. Arrivés à la hauteur des sommets des angles dièdres correspon- dant aux bases des pièces, vraies mâchoires chitineuses formant l’'armature interne du gésier, des nerfs assez gros se détachent d'eux et se dirigent perpendiculairement à l'axe vertical, s’anastomosent avec leurs similaires pour former un anneau ou collier nerveux. Soit aux angles d'émergence, soit sur le parcours du collier, on voit deux ou trois petits ganglions qui viennent renforcer l'appareil ner- veux. De ce collier ou de ces ganglions supplémentaires (fig. 4, 5, SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 401 6 et 7) partent régulièrement trois branches d’égal diamètre, qui suivent le sillon en émettant à droite et à gauche des filets grêles allant innerver les muscles puissants de l’appareil masticateur. Arrivés au bas du gésier, les trois cordons s'unissent de nouveau comme ils l'avaient fait en haut, et un second collier enserre cette fois le tube sortant de l’appareil masticateur, tube plus développé que l'intestin et que l’on doit, à bon droit, considérer comme étant l'estomac vrai, puisque c’est dans son intérieur que se déversent les produits de la sécrétion de la glande brunâtre que l’on appelle le foie. Les figures 6 et 7 montrent de face, et non plus de profil, la pre- mière, la terminaison du jabot dans le milieu de l’espace compris entre les trois bases des mâchoires que l’on aperçoit par transpa- rence; on voit, à droite et à gauche, les deux nerfs gastriques des- cendant et s’unissant par leurs branches circulaires et anastomo- tiques en un cercle périintestinal. Dans la figure 6, on voit l'estomac entouré par le collier inférieur et les nerfs qui descendent sur lui en formant un réseau à mailles, comme toujours irrégulières et polygonales. Un dernier fait se présente ; il a de l’importance. Dans la figure 4, on voit l’anse (com, Zd") passant en Z en dessous du gésier. C'est la fin de la partie droite de la commissure asymé- trique avec trois ou quatre petits ganglions; celui le plus voisin de la droite étant le plus gros, indique que l’animal est dextre. Or, de cette commissure entre les ganglions Za4" et Z naît un filet anastomotique (an) qui va se joindre au collier inférieur placé au- dessous du gésier; incontestablement, cette anastomose nous montre que, dans la commissure, se trouvent des fibres qui peuvent, à bon droit, être regardées comme des fibres organiques ou sympathiques, le ganglion Zd” innervant à la fois la branchie et le manteau, le ganglion Z innervant aussi une partie du manteau et des viscères quand il a plongé dans la masse viscérale. Tels sont les faits relatifs au système stomato-gastrique se rappor- tant à l’Aaminea hydatis. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, == 3° SÉRIE. — T. VI. 1898. 26 402 H. DE LACAZE-DUTHIERS. On trouve encore ici une preuve de la difficulté qu’il y à à séparer et personnaliser les ganglions latéraux. On voit, en effet, ici le gan- glion Zd” donner un filet npb, qui est destiné à innerver le manteau à droite, ainsi que la branchie. VII Philine aperta. (PI. XXVI, fig. 1 à 6.) Cette espèce est l’une de celles qui ont le plus attiré l’attention des malacologistes; aussi une foule de renseignements sont-ils donnés sur elle et cependant son histoire dogmatique, méthodi- quement faite, manque encore, une planche entière sera consacrée à l'étude de son système nerveux stomato-gastrique. Les cinq parties du tube digestif au-dessus de l'intestin terminal sont faciles à distinguer. Le bulbe lingual est globuleux. La gaine radulaire, à peine sail- lante, paraît au milieu d'une éminence de la face antérieure. Après le bulbe, dont il se détache, le tube digestif est conique ; l’œsophage et le jabot, comme d’habitude, ne se distinguent que par une légère différence de diametre. Dans la Philine, la masse viscérale est contenue tout entière dans la coquille (C) dont le bord supérieur limite au bas la partie du corps que je considère comme étant le cou et que les malacologistes appellent bouclier ou disque céphalique (&g. 1, pl. XXVI, bc, be). En écartant les deux moitiés de ce bouclier, quand on le fend sur la ligne médiane, on tombe dans une cavité, où l’on trouve facilement, vers le milieu de la longueur, le gésier (g) armé de trois pièces en partie calcaires, en partie chitineuses, décrites dans tous les ou- vrages comme formant un COrps solide à trois pans, dont l’un, losan- gique, est antérieur, les deux autres latéraux et dorsaux; ceux-ci, en se rapprochant forment le dos de l'appareil. Ce qu’il nous importe de remarquer, c’est que ces trois pièces SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 403 sont (figures diverses) propres à broyer. Elles sont, en effet, par leurs faces internes, à nu dans la cavité du gésier ; à l’extérieur, elles sont enfermées dans une poche qui les a sécrétées et elles présentent deux pores qui se remplissent quand on réussit bien une injection des vaisseaux du tube digestif. Il serait intéressant de suivre chez les embryons leur mode de production, car lorsqu'on les enlève, on voit un orifice (fig. 6) qui correspond à leur partie destinée à broyer, pénétrant dans la cavité même du tube digestif. Quelques observations que je ne voudrais pas considérer comme définitives permettraient de penser que, dans la partie de l’organe digestif non encore différenciée totalement et correspondant au gésier, il se forme dans son épaisseur trois dépôts de substance solide; que peu à peu l’action de ces dépôts use la partie de la mem- brane qui la recouvrait et met ainsi à nu la partie triturante. Mais, ces considérations sont en dehors de notre étude, nous les indiquons pour conduire à des recherches sur les développements de ces organes. Dans l’ensemble des espècés, elles offriraient certai- nement de l'intérêt. Ge qu'il importe de constater, dans l'organe de la Philine, c'est que des fibres musculaires, serrées et fines, s'étendent d’une pièce à l’autre ; comme on peut le voir dans toutes les figures 2, 3, 4,5 de la planche XXVI, il résulte de cette condition organique que le gésier est un organe puissant de mastication, de trituration, car l’action de ces muscles doit être puissante, puisqu'ils s’insèrent perpendicu- lairement au bras du levier qu’ils font mouvoir. On aura une idée très exacte de la puissance et du mode d’action de ces mâchoires ou sortes de meules internes, en considérant la figure 6. Une seule pièce solide a été conservée, c’est l’antérieure, qui est rhomboïdale; les muscles qui l’unissent à la plaque latérale ont disparu et l’on voit l’orifice (0) à gauche de la figure qui permet- irait à la plaque latérale enlevée d’avoir sa partie libre active, dans l'intérieur du tube digestif. 404 H. DE LACAZE-DUTHIERS. On voit encore, dans cette figure, que le tube digestif se continue de (7) en (es) du jabot à l'estomac et que les extrémités des plaques solides, dépassant en haut et en bas les parties saillantes dans le tube, laissent au bas du jabot et en haut de l’estomac une dépres- sion circulaire, une sorte d’infundibulum où pénètre le jabot (en) d’où sort l'estomac (#n'). Revenons maintenant au système nerveux. Les deux nerfs gastriques naissent sur les ganglions stomato-gas- triques, toujours éloignés l’un de l’autre. Tout près de leurs extré- mités externes, ils reçoivent aussi le connectif cérébral. Ils se diri- gent en dedans, pour rejoindre la partie œsophagienne du tube, et là, d’une façon constante et plus ou moins accusée, le nerf gastrique droitse porte vers le côté dorsal du jabot, en restant toutefois latéral (voir fig. 1, 2). Par un mouvement inverse, le gauche (gg) se place presque au milieu de la face antérieure du jabot (fig. 3). L'un et l'autre présentent de nombreuses flexuosités, ce qui semblerait in- diquer que parfois la Philine distend beaucoup son organe. Mais j'avoue n’être jamais tombé sur des échantillons à jabot extrème- ment rempli. Que l’on examine maintenant toutes les figures de la planche XX VI et l'on verra qu'entre le jabot et le gésier, d’une part, l’estomac et le gésier, d'autre part, dans ces deux dépressions circulaires qui exis- tent autour de la fin du jabot, au commencement de l'estomac, par suite de l'allongement des pièces calcaires, se trouvent un collier nerveux ondulé et formé d’anses ou d’arcades unissant en haut Îles deux nerfs gastriques, et au bas d’autres nerfs, dont il va être main- tenant question. De ce collier supérieur, assez irrégulier, présentant quelquefois l'apparence d'un réseau formé de quelques mailles irrégulières et allongées, perpendiculaires à la direction générale du tube diges- tif, part en face de chacun des sillons qui marquent l'union des muscles aux pièces calcaires un nerf grêle (a el b) non flexueux, qui SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 405 suit exactement le bord des pièces calcaires, et émet sur son côté opposé à ces pièces des filets nerveux très délicats parallèles aux fibres musculaires qu'ils innervent. On voit cette disposition avec la dernière évidence dans les figures 1, 2, 3, 4, 5, G. Arrivés aux extrémités des angles des pièces calcaires, tous les nerfs musculaires — il y en a six — puisqu'il y a trois pièces cal- caires, s'unissent en un collier semblable à celui qui se trouvait au sommet du gésier et qui en diffère seulement par la concavité un peu plus marquée de ses anses. De ce second collier partent des nerfs délicats qui forment des réseaux, que l’on voit habituellement sur le tube digestif et que de l’estomac l’on peut suivre jusque sur l'intestin. Dans la figure 6, on voit que des colliers inférieurs et supérieurs se détachent des nerfs destinés à la partie profonde des parois du gésier existant entre les parties calcaires internes. Il faut encore remarquer que dans les deux colliers, aux points d'union des nerfs, on trouve de loin en loin, sans existence et posi- tions constantes, de tout petits ganglions de renforcement, Les cordons formant ces colliers offrent bien souvent un dia- mètre plus grand que celui des nerfs gastriques eux-mêmes; par ces faits, on voit ce qui a été, en plus d’une occasion, répété, que chez les Mollusques, il y a comme des additions de cellules nerveuses des- tinées à renforcer la puissance de l’innervation. Ne peut-on pas dire que les ganglions supplémentaires sont comme des ganglions de relais supplémentaires, qui multiplient et renou- vellent le système au fur et à mesure de son épuisement, causé par son étendue? Une dernière observation sur les nerfs que montrent les figures 1 et 2 de la Philine. Du milieu de la commissure (com), on voit naître un cordon (pd), qui est le nerf palléal de droite, et qui, arrivé vers le milieu du dos du manteau recouvrant la coquille, se renfle en un ganglion (gb), d'où partent les rameaux innervant la branchie. Avant ce ganglion, deux 406 H. DE LACAZE-DUTHIERS. branches ont été dessinées; elles vont au manteau. On voit encore ce nerf (pd) sur la figure 2. | Voilà donc un exemple bien net, dans lequel le ganglion pleural de droite ne fournit pas à l’innervation palléale et branchiale. Sur le côté gauche de la même figure, on voit de même, au bord supé- rieur de la courbe limitant la coquille, un rameau (pg) naître de la commissure à gauche (com). C’est un nerf palléal gauche né bien loin du ganglion pleural. N’est-il pas curieux de retrouver, dans des animaux aussi différents que les Pulmonés et la Philine, une dispo- sition relative aux ganglions dits palléaux aussi caractéristique et venant à l’appui des idées développées dans la première partie de ce travail ? VII Scaphander lignarius. (PI. XXVII, toutes les figures de 1 à 6.) L'appareil masticateur du Scaphander est connu. Il est constitué sur un plan morphologique identique etsemblable à celui des Haminea et des Philines. Trois pièces solides concourent à sa formation ; on en trouve la description dans les traités de Fis- cher, dans le mémoire de Vayssière et ailleurs. Il suffira donc de rappeler et de préciser ici quelques poinis de l’organisation, en vue de la description du système nerveux qui nous OCCupe. | L'armature du gésier du Scaphander a la plus grande analogie avec celle de la Philine. La différence capitale qui distingue ces deux appareils se trouve dans le très grand développement en surface, chez le Scaphander, des deux pièces latérales et dans la réduction excessive, également en surface, de la pièce antérieure rhomboïdale de la Philine. Que l’on oppose la figure 2 de la planche XXVII à la figure 5 de la plan- che XXVI; dans la première, qui est vue par la face antérieure de même que la seconde, on reconnaît une pièce du Scaphander dont SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 407 la face libre rappelle la forme d’un chiffre 8, tandis que la seconde, celle de la Philine, est un losange fort régulier à angles arrondis. Dans le Scaphander, les deux pièces latérales symétriques, s’étalant en longueur et en largeur, deviennent des triangles à peu près équi- latéraux à angles très mousses et arrondis, à côtés différents, suivant la direction des lignes qu'ils accusent. Le côté inférieur est le plus court, courbe et concave; le côté supérieur est un peu plus grand que le précédent, mais également concave, quant au postérieur, il a plus du double de largeur que l’inférieur et il est convexe. Les qualificatifs antérieur, postérieur et inférieur demandent une explication, car dans la figure 1, qui montre le gésier dans sa posi- tion habituelle, on nereconnaît pas la situation morphologique vraie, Il importe tout d’abord d'expliquer cette position ordinaire que l’on trouve toujours quand on ouvre la cavité cervicale de l’animal. Dans la Philine, la pièce antérieure losangique impaire est aussi large, si ce n’est plus, que les deux pièces latérales symétriques vaguement triangulaires et allongées dans le sens de l’axe du corps; elle peut former comme une base sur laquelle repose le gésier, en s'appuyant sur la face interne de la sole du pied. On trouve bien, quelquefois, en ouvrant les Philines, le gésier penché plus ou moins d’un côté ou de l’autre, mais presque toujours l’organe formant une sorte de prisme triangulaire, dont l’une des faces est régulièrement symétrique, repose naturellement sur le plancher de la cavité cervi- cale, par cette base. Ici la différence de forme de la pièce impaire antérieure cause le déplacement de tout l'organe, elle est comme une lame de couteau, n'offrant pour toute surface extérieure que cette partie en forme de 8 de chiffre (fig. 2) extrèmement étroite. Dans la figure 4, le gésier est posé comme si le bas de la planche était la face interne de la sole du pied. On voit que la hauteur de l’organe, pris dans son ensemble, l'emporte et de beaucoup sur la largeur de sa base. 1 Voir figure 1. Le gésier (g) est vu par son côté gauche. 408 H. DE LACAZE-DUTHIERS. On peut encore se figurer exactement, ce que peut être l'organe en regardant les deux figures 4 et 5, qui montrent le gésier vu par ses faces gauche et droite; il est difficile de comprendre comment pourrait rester en équilibre stable un organe aussi comprimé placé de champ et reposant sur un plan par le petit côté du triangle courbe et convexe qui est dans les deux figures tournées vers le milieu de la planche. Si la pièce impaire médiane, antérieure par sa position anato- mique et morphologique, reposait sur la paroi antérieure du corps, l'appareil masticateur s’élèverait comme une lame dans la cavité du cou et soulèverait la paroi dorsale de cette cavité ; le dos de l’ani- mal serait gibbeux, ce qu'on ne voit jamais. J'ai sous les yeux des échantillons des plus grandes tailles, et bien que par expérience je sache à quel point les tissus des Mollusques sont à la fois exten- sibles et contractiles, je ne puis comprendre comment le gésier énorme de ces animaux de grande taille aurait pu se tenir dressé en s'appuyant seulement sur la face antérieure du 8 de chifire. L’organe s'incline donc en se penchant constamment du côté droit reportant ainsi sa pièce impaire à gauche (fig. 1), de sorte que la mâchoire droite se trouve reposer sur la sole pédieuse et devient accidentellement antérieure, tandis que la gauche devient dorsale, et l'impaire intermédiaire, qui morphologiquement est antérieure, se trouve du côté gauche. C’est ce que montre la figure 4, qui repré- sente le Scaphander dont le cou a été ouvert longitudinalement. Cette position habituelle, conséquence de l’aplatissement de L'or- gane dans le sens latéral, cause une sorte de torsion de l'œso- phage, torsion qui mérite l'attention, car elle entraîne une déviation des cordons nerveux qui ne laisserait pas que d’embarrasser, si l'on n’en tenait compte, lorsque l’on veut suivre leur distribution. C’est donc en haut et à gauche qu'il faut chercher l’union de l’œ- sophage avec l'appareil broyeur, et en bas de ce côté aussi la nais- sance de la partie inférieure du tube qui lui fait suite et que nous avons considéré comme étant l'estomac vrai (fig. 4, 5, gésier grossi SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 409 débarrrassé des pièces solides et occupant une position identique à celle qu'on voit dans la figure 1). Est-il nécessaire de dire qu'ici, de même que dans les exemples précédents, on trouve très neltement distinctes les cinq parties du tube digestif supérieures aux orifices de la glande hépatique. Reprenons-les successivement les uns après les autres : Le bulbe lingual du Scaphander est médiocrement développé, sa radula étant très courte et peu riche en denticules. Le fond du cul- de-sac producteur des dents,'ou la matrice denticulaire (mr), fait à peine saillie en dehors de la masse ovoïde que représente le bulbe. L'œsophage s'avance sur son dos jusque vers la limite du tiers pos- térieur de sa longueur et sur ses côtés paraissent deux très courtes glandes salivaires (gs); enfin, symétriquement, à droite et à gauche, on voit deux bandelettes musculaires (m/p) représentant les muscles rétracteurs allant s’insérer, comme chez la Philine, aux parois de la cavité du cou. Sur la face dorsale et sur la face antérieure, le bulbe présente aussi des bandelettes musculaires, courtes, paires et allant se terminer dans les tissus épais qui entourent la bouche (mla). Ces bandelettes et les précédentes sont les muscles extrinsèques du bulbe; quant aux intrinsèques, ils sont les mêmes que dans la plupart des Gastéropodes et varient, quant à leur développement, d'après l'importance de l’action de la radula. Il est des naturalistes qui ont cru faire une découverte en remar- quant que puisqu'on ne trouvait jamais de matières alimentaires dans la cavité buccale, il devait y avoir des organes de la locomo- tion chargés de faire place nette dans cette cavité. La chose n’a rien en soi d'étonnant. Quel est donc l'animal dans la cavité buccale duquel on trouve, au repos, des matières alimentaires ? Et de pareilles naïvetés se trouvent consignées aux Comptes rendus. Mais, pour avancer une proposition semblable, il eût été néces- saire de prendre, tout d'abord, connaissance de la nature de la ma- tière alimentaire. 410 H. DE LACAZE-DUTHIERS. L'exemple de la Testacelle est bien intéressant à étudier à ce point de vue, il en sera question plus loin. Il y a, dans ce bulbe, des muscles destinés à mouvoir le cartilage, support de la radula, des muscles tenseurs de la lame sur laquelle est fixée la pièce chitineuse dentelée et des muscles æsophagiques ou pharyngiens, si l'on veut, ayant pour but d'amener les matières dans l’æœsophage, après avoir passé au-dessus de la ràpe linguale. Il suffit de voir sous la loupe une Lymnée râpant la surface des parois du bocal contre lequel elle rampe, pour voir que l'animal lèche le corps sur lequel il cherche sa nourriture et que deux ordres de mouvements sont produits par lui. Il projette d’abord sa langue hors de sa bouche, puis il l’étale, pour l’étendre sur le corps à lécher, enfin, il la rentre en la ramenant à sa position première, qui fait disparaître l’étalement et reproduit la gouttière linguale qui rentre dans son fourreau. Ces mouvements sont dus: les premiers, aux muscles extrinsèques, aux bandelettes musculaires protractiles ; les seconds, aux muscles rétracteurs, ceux-ci étant toujours d’autant plus développés que la proie ou la matière à attirer dans la cavité buccale est plus difficile à retenir. Le reploiement de la râpe proprement dite, moulée et soutenue sur le cartilage, est surtout dû au retour de celui-ci par son élasti- cité, à sa forme primitive, les muscles intrinsèques latéraux ayant pour effet, par leur contraction, d'étaler le cartilage toujours plus ou moins modelé en forme de gouttière, dans laquelle est placée la ràape. En principe donc, on voit ce que sont les mouvements de la ra- dula, qu'on doit considérer comme une dépression du plancher buccal, tapissée d'organes durs destinés à entamer les corps propres à devenir des aliments. On a beaucoup écrit sur cet organe. Qu’on le considère dans son ensemble ou ses détails, il ne faudra pas moins revenir à trois ordres de mouvements : projection au SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 411 dehors suivie de son étalement rendant les dents saillantes et propres à agir; secondement, rentrée de l'appareil dû aux muscles rétracteurs, toujours plus puissants, et troisièmement, enfin, réta- blissement de la forme au repos du cartilage plus ou moins aidé par des muscles intrinsèques. Dans ces mouvements, les dents, d’abord appliquées sur les objets, puis redressées et enfin implantées dans le corps étranger à entamer, agissent par le retrait de l’organe. Or, c'est la nature même des matières alimentaires qui cause le plus ou moins de développement de quelques-uns des organes secon- daires, entrant daus la composition du bulbe lingual. Quelle différence dans l’action d'une radula destinée simplement à lécher, comme dans la Lymnée, les Limacons, et celle si puissante de la Testacelle, qui saisit et avale une proie active, vivante et aussi fortement contractile que l’est un Ver de terre ! Ici les bandelettes des muscles rétracteurs se multiplient et for- ment une énorme masse dans le côté gauche de la cavité cervicale. Qu'on établisse la comparaison entre les différents types et l’on verra de quel côté se trouve l'avantage! Le Ver vivant, se tortillant, résis- tant à l'inglutition et s’accrochant dans son terrier à l’aide de ses soies, entraîne la Testacelle qui s’agite et le suit, autant qu'elle le peut, dans son canal souterrain, mais les dents de la radula, évagi- nées et profondément plantées dans le tissu du Lombric, ne cèdent pas. Les muscles rétracteurs si puissants, qu’on ne trouve nul autre exemple dans les Gastéropodes, chez qui la force soit comparable, relativement à la taille, attirent sa proie dans son puissant pharynx. Elle commence à être digérée par l’une de ses extrémités alors qu'elle se contracte encore par l’autre. Dans ce cas, fort instrucüf pour l’étude comparative du bulbe lin- gual, les auteurs trouveraient, en y regardant bien, qu'un Lombric dévoré par une Testacelle est encore en partie hors du corps de _ son ennemi, en partie dans sa bouche et, enfin, entrant en bouillie ou chyme dans son estomac. Pour de telles conditions, l’appareil broyeur doit, évidemment, A12 H. DE LACAZE-DUTHIERS. éprouver des modifications en rapport avec les fonctions que lui impose la matière alimentaire. Aussi, chez la Testacelle, les muscles intrinsèques de la radula sont-ils infiniment plus puissants que dans la plupart des Gastéro- podes. Et même le cartilage s'enrichit de fibres musculaires non douteuses, ce que semblent ignorer quelques naturalistes écrivant sur la radula. Ils trouveront ces détails dans l’histoire de la Testacelle ‘. Qu'ils étudient donc les bulbes des Murex et des Pourpres dont l'habileté à percer les coquilles bivalves pour se nourrir de leurs habitants est bien connue ! Ils verront avec quelle précision un trou circulaire est percé dans les valves de l’Acéphale par la radula qui peut lutter avec la plus acérée des tarières. Groit-on que, pour per- cer une coquille dure et souvent épaisse, il faille des organes loco- moteurs identiques à ceux qui doivent fixer et retenir, puis englou- tir une proie active et puissante comme un Ver de terre ? La nature assure la fonction par un rapport harmonieux constant entre la forme de l'organe et le but qu’il doit atteindre et pour cela donne aux parties un développement en rapport avec les condi- tions éminemment variées, d'où les modifications conduisent à des variations des organismes non moins grandes. Si je me suis abstenu de nommer quelques auteurs ayant, il ya peu de temps, publié de gros mémoires sur la radula, c’est quil me semble qu'ils eussent pu prendre connaissance d’un travail fait avec quelque soin sur la radula de la Testacelle. Ils paraissent avoir ignoré des faits d’une grande importance, comme le mélange des fibres musculaires avec l'élément cartilagineux, des nerfs sans nombre distribués dans le cartilage, ete. S'étant abstenus, je m’abstiens. Mais revenons au Scaphander. Nous trouvons dans les ouvrages que son alimentation se compose surtout de coquillages, d'Anné- lides tubicoles, de Dentales. Je ne vois pas les Crustacés signalés ; 1 Voir Archives de zoologie expérimentale et générale, 2e sér., vol. V, 1887, p. #83. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. A3 cependant J'en ai trouvé dans le jabot et j'y ai vu jusqu’à des spi- cules d'Oursins. Tous les corps qui vivent sur les fonds vaseux de la mer leur sont bons; aussi la radula n'est-elle plus composée comme chez les animaux se nourrissant de proies actives; elle est formée de crochets mousses, arrondis en arci qui, dans leur ensemble, étant évaginés et étalés, doivent présenter comme autant de bras qui, en rentrant et se rapprochant, embrassent et ramènent les coquilles de Turritelles, de Dentale, les carapaces des Crustacés, etc., sur lesquelles des dents aiguës n’auraient eu aucune prise, auraient même glissé. Tout se lie dans ces organes merveilleusement combinés. Les glandes salivaires sont bien peu développées ici; que ferait, en effet, une salive abondante sur des coquilles qui doivent être plus ou moins broyées entre les pièces solides du gésier ? L'œsophage commence, avons-nous dit, à la limite des deux tiers supérieurs et du tiers inférieur de la longueur du bulbe lingual; il est épais, et sa membrane interne épaisse s'arrête à un bourrelel qu'on rencontre au-dessous du bulbe (figure 6, æ, œsophage ; /, sil- lon ou bourrelet séparant l’œsophage et le jabot) à une distance égale à peu près à la longueur de celui-ci. En ouvrant le conduit, on recon- naît la limite inférieure de cette partie à un bourrelet un tout petit peu saillant dans son intérieur. À partir de ce bourrelet, le tube digestif se dilate; il est ordinai- rement assez mince, renferme des matières variées et offre, quelque- fois, une dilatation considérable (fig. 1 et 2 7, 7), puis il se rétrécit, pour pénétrer entre les trois pièces solides. Là se trouve une dé- pression circulaire, qu'il importe de signaler, car c’est dans sa pro- fondeur que l’on doit chercher quelques-unes des parties impor- tantes du système sympathique. * Une membrane interne tapisse la cavité laissée libre entre les trois pièces dures, mais elle disparaît au pourtour de leur partie médiane ou active. Aussi, comme on le voit dans les figures 4 et 5, 1 Voir FiscHer, Manuel de Conchyliologie, p. 556, fig. 316, d’après O. Sars. 414 H. DE LACAZE-DUTHIERS. aperçoit-on au centre l’ouverture (0) de cette membrane, dont les bords sont comme dentelés, moulés qu’ils étaient sur la limite de la partie active nue et destinée à la trituration. Remarque. — Dans les descriptions, nous indiquerons la position des parties comme si elles étaient dans leur position morphologique réelle, c’est-à-dire la troisième pièce impaire, posée du côté ventral et antérieur. Mais en réalité, on l’a vu plus haut, l'appareil est incliné, couché sur la droite, et son côté gauche devient dorsal par déviation et non par organisation morphologique. Toute la partie comprise entre le bourrelet œsophagien (l, fig. 4) et l'appareil masticateur doit être regardée comme étant le jabot et, en fait, c’est elle que l’on trouve bourrée de produits très divers. Il ne me paraît pas possible de partager l'opinion de M. Vayssière‘. « Revenons, dit-il, à l'estomac : cet organe très volumineux pré- sente deux grandes plaques calcaires semblables, l’une dorsale, Pautre ventrale, reliées entre elles par une multitude de bandelettes mus- culaires. Il existe, en outre, une troisième plaque beaucoup plus petite enchâssée dans le tissu musculaire, dans la région postérieure de l'estomac, et représentant la plaque en forme de losange de la Philine. » Ce dernier point est seul exact, mais en fait la troisième plaque n’est pas dorsale, elle est latérale, les deux autres morphologique- ment parlant, on vient de le voir, ne sont qu'en apparence dorsales et ventrales; elles sont latérales et couchées sur leurs côtés. Il n’est pas possible d'admettre non plus que l'organe masticateur soût un estomac; la partie dilatée inférieure à cet organe, située au- dessous du diaphragme et recevant Îe liquide sécrété par ce quon est convenu d’appeler le foie, est le véritable estomac. Nous continuerons donc à appeler gésier cette quatrième dilata- tion du tube digestif fortement armée. 1 Loc. cit., p. 83. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. A1S Un peu plus loin, M. Vayssière trouvant les coquilles de Turritelles sans jamais renfermer leur animal, mais un Phascolosoma, dit : « Le Scaphander me paraît savoir fort bien choisir, car dans les fonds où on le trouve, il existe des Turritelles en abondance et jamais il n’avale les coquilles qu'occupent ces animaux vivants, mais seule- ment celles qui servent d’abri au Phascolosoma. » On peut se demander pourquoi le Scaphander a pu avaler des pi- quants d’Oursins, puisqu'il sait si bien choisir, car j’en ai trouvé dans son organe digestif, ayant même dépassé le gésier. Dans aucune des espèces précédemment étudiées, nous n'avons vu une séparation aussi distincte qu'ici entre l’œsophage et le jabot. Celui-ci offre, du reste, des parois minces et peu musculaires, on distingue à leur travers la nature des matières quil renferme. Nous n'avons rien de particulier à ajouter. Au-dessous et après le gésier, le tube digestif est de nouveau mem- braneux dans la dépression du côté inférieur du triangle et se dilate bientôt après avoir traversé un orifice arrondi du diaphragme (D, fig.2). Il s'étend en bas, entre les lobes du foie à gauche et de la glande hermaphrodite à droite ; après être sorti de la cavité cervicale par l’orifice de cette sorte de diaphragme, qui sépare la grande cavité du cou de la cavité générale, renfermant tous les viscères, tassés les uns contre les autres et constituant le vrai torüllon du Scaphander. Après le diaphragme, le tube digestif se rentfle. C’est alors l'estomac vrai (es) dans lequel on retrouve encore les débris solides des corps déglutis et ayant échappé à la trituration. Un se demande comment peuvent cheminer dans le tube digestif, sans en déchirer les parois minces, des spicules d'Échinodermes, des coquilles aussi pointues que des Turritelles, des Dentales, etc. J'ai trouvé sur un individu un spicule d'Oursin occupant toute la partie de l'intestin qu’on voit à gauche de la poche stomacale, sous-dia- phragmatique et l'intestin, fort transparent et mince, était abso- lument intact. 416 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Il nous reste à parler de la musculature de l’appareiïl masticateur. Elle est puissante et formée de paquets de muscles ayant une grande épaisseur, comme on peul s'en rendre compte en jetant les yeux sur les figures 3, 4, 5, 6. Les fibres des muscles sont courtes et vont d’une plaque à l’autre, mais il en est qui sont d'autant plus longues qu'elles sont plus voisines des sommets des angles (fig. 3). Celles du côté ventral sont partagées en deux groupes absolument distincts (fig. 2, m, m, séparés par la pièce médiane mp), dont les deux bords extérieurs se ploient en donnant à sa face libre abdomi- nale la forme d’un 8 très allongé. Il y a, en définitive, deux muscles, unissant les pièces latérales à la pièce médiane; ces deux muscles sont constitués exactement comme leur homologue du côté dorsal et, bien que plus courts, ils sont très puissants, car ils forment deux couches très profondes. Il est facile, d’après cette description, de comprendre l’action de l'organe broyeur : les deux pièces latérales symétriques soni des- tinées, en s'appuyant l’une contre l’autre, à écraser les corps; la troisième, asymétrique, cultriforme, doit surtout pousser ces corps vers le milieu des deux latérales en les ramenant entre elles. Un appareil aussi développé et aussi puissant doit être largement innervé. Prenons le système nerveux dès son origine. Les deux ganglions du stomato-gastrique (Y) sous-æsophagien reçoivent leurs connectifs des ganglions cérébroïdes qui passent entre les muscles rétracteurs du bulbe et l’ouverture de la glande salivaire. C'est là un rapport constant chez tous les Gastéropodes, qui est très lisible chez le Scaphander (fig. 2). Voilà pourquoi nous signalons le fait. | Le connectif et le rameau sympathique sont unis avant d'arriver aux ganglions. La commissure de ces deux ganglions est relativement longue ; SÛR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 417 elle fournit, vers son milieu, un nerf allant au bulbe et se dirigeant avant sa terminaison vers la saillie de la matrice radulaire. M. Vays- sière a indiqué ce fait, bien démontré par l’étude du bulbe radulaire de la Testacelle et d’autres Gastéropodes. La distribution des nerfs dans le bulbe est différente de celle des nerfs sympathiques proprement dits. Nous n'avons donc pas à nous occuper davantage de cette partie de l’innervation par le stomato-gastrique, puisque précédemment celte disposition anatomique a été longuement indiquée. Quant aux nerfs gastriques, ils se séparent du connectif à côté et toui près du ganglion et marchent un peu différemment à droite et à gauche (fig. 2). Si l'on éprouve quelques difficultés à les suivre, cela est dû à la demi-torsion causée par le renversement sur le côté droit de l’appa- reil masticafteur. Le nerf gastrique droit (fig. 2) n’est, pas plus que son homo- logue du côté gauche, accolé immédiatement à l’æsophage après son origine, ce n’est guère qu’au niveau ou un peu au-dessous du bourrelet, dont il a été question précédemment, qu’il s’accole à la partie du tube digestif désigné sous le nom de jabot. Dans ce point, il donne habituellement un rameau bien développé, qui se distribue à la manière des autres branches, dans la partie correspondante de l'organe, Au-dessus de cette première branche, il ne reste pas sur le côté droit du tube digestif; il se porte, en serpentant, sur la partie cor- respondant au dos de l'appareil masticateur, s'incline vers la gauche, descend dans la dépression que l’on a vu exister sur le côté supé- rieur du triangle — plus loin nous verrons ce qu'il y produit — et remontant sur le bord supérieur du muscle adducteur dorsal des deux plaques molaires symétriques (fig. 3, ngm) croise, ce bord étant plutôt du grand côté convexe de gauche qu’à droite, enfin il suit toute la longueur des muscles, pour arriver au milieu de leur bord inférieur et s’enfoncer dans la dépression qu’on a vue encore exister ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T. VI. 1898. 27 A18 H. DE LACAZE-DUTHIERS. sur le côté inférieur du triangle, en se portant surtout vers la gauche de cette dépression (fig. 3 et 4). De là partent, tantôt un, tantôt deux ou trois nerfs qui descendent sur cette partie qui traverse l'orifice diaphragmatique et se voient très nettement distribuant leurs rameaux à cette poche stomacale, en formant les réseaux polygonaux habituels. Le nerf gastrique gauche a une marche semblable au fond, mais différente par la direction qu'il prend, dès qu'il est, lui aussi, arrivé au bourrelet æsophagien sous-bulbaire. Le nerf précédent se portait sur le dos; celui-ci, lorsqu'il cesse d'être non soudé aux parois, se jette du côté ventral et cela par la même raison due au renversement du tube. Il descend, en se con- tournant et ondulant, sur les parois du jabot et, arrivé au gésier, vers le côté droit antérieur à la dépression supérieure de l'appareil masticateur, y descend, en ressort el continue son trajet en passant en sautoir sur les fibres musculaires unissant la plaque molaire droite au bord droit de la plaque impaire médiane et antérieure. Il arrive ainsi au bas de cette bande musculaire et pénètre dans la dé- pression inférieure pour en ressortir el fournir les nerfs des réseaux antérieurs de la partie stomacale inférieure au diaphragme. Les nerfs, étant représentés par des filets noirs, sont faciles à suivre sur les figures, sans avoir besoin d'être tous désignés par des lettres. Dans son ensemble, la marche des deux nerfs sympathiques esi à peu près identique; ils arrivent l’un et l'autre à l'appareil mastica- teur, croisent les muscles, mais ont une tendance à se porter l’un, le droit, sur le dos et à gauche; l’autre, celui de gauche, en avant et à droite. Des colliers ganglionnaires, peu semblables et irrégulièrement con- stitués sur les différents individus, se forment dans les deux dépres- sions supérieures et inférieures. Tantôt un nerf est très renflé, puis, 1 l’entrecroisement ou à l'origine des rameaux, se développent des amas de cellules ganglionnaires qui sont de petits centres (fig. 4 et 5) dont la couleur orangée décèle facilement la présence. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 419 Il se forme, en somme, dans les deux dépressions supérieure el inférieure de l'appareil masticateur, deux cercles ou colliers, pour chacun des nerfs, l’un supérieur, l’autre inférieur, dus aux accumulations des cellules ganglionnaires et aux anastomoses : mais si ces centres ganglionnaires sont plus développés à droite et à gauche, en haut et en bas de l'appareil masticateur, s'ils corres- pondent respectivement aux deux nerfs gastriques, ils sont reliés entre eux par des unions quelquefois difficiles à voir, à cause de leur position dans la profondeur des replis, et en définitive finissent par faire, à la base et au sommet de l'appareil, deux colliers ou centres ganglionnaires, ainsi que nous l’avons déjà vu dans tous les exemples éludiés précédemment. On à vu que les nerfs du bulbe lingual avaient un mode de dis- tribution et de ramification identique à celui qui s’observe dans les organes de la vie de relation, qu’une branche mère se divisait et se subdivisait en ramifications de plus en plus grêles et délicates par une sorle de dichotomie, enfin arrivait à l'épuisement. Ces dispositions sont très évidentes chez le Scaphander, tandis que pour les nerfs de l'estomac et du gésier, il n’en est plus de même, ces nerfs, depuis leur origine, près des ganglions sous-æsophagiens, jusqu'aux col- liers sus- et sous-masticateurs, conservaient leur diamètre à peu près semblable. Ils sont irès ondulés ou en zigzag et forment des mailles mul- tiples, et se prêtent ainsi aux variations de volume des poches, sur lesquelles ils rampent. Ils donnent, suivant la position qu'ils occupent, des rameaux à droite et à gauche qui, de même qu'eux, quoique plus petits, sont flexueux et s’'anastomosent sans se subdiviser dichotomiquement, à la façon des nerfs de la vie animale ; à la surface extérieure du tube. ils forment un réseau superficiel de mailles irrégulières et de gran- deur variée, aux angles desquelles s'ajoutent souvent des cellules ganglionpaires. De ces angles ou des nerfs, partent des ramuscules qui pénètrent plus profondément et qui forment entre eux des ré- 420 H. DE LACAZE-DUTHIERS. seaux profonds à mailles plus petiles, mais de même apparence. Il existe donc, nous l'avons déjà dit, comme dans les animaux supé- rieurs, deux réseaux, l’un superficiel, l’autre profond. On peut remarquer que ces divisions et subdivisions des nerfs sym- pathiques se comportent toujours de même ei que le renforcement des différentes parties des réseaux, par la naissance de loin en loin des corpuscules ganglionnaires est un fait constant, qu'explique l'égalité du diamètre des cordons nerveux, dans les mêmes réseaux, alors qu'ils se prolongent presque indéfiniment. Il est curieux de voir, par exemple, les deux nerfs stomacaux, partant des ganglions sous-æsophagiens, leurs centres primitifs, conserver leur diamètre jusqu'aux colliers, entourant le gésier et d'autant plus fluxueux et ondulés que l'organe qu'ils innervent est destiné à subir des dilatations souvent considérables, mais il ne s'épuisent pas à la suite de la naissance des cordons et réseaux secondaires qu'ils fournissent, comme cela arrive pour les nerfs soumis à la volonté. Ce que nous venons de dire des nerfs sympathiques du Scaphan- der est, on le voit, entièrement applicable aux mêmes organes des Bulles, Acères, Philines, Aplysie etDolabelles. C’est une répétition qui montre combien sont identiques ces dispositions organiques, sauf cependant une dernière particularité qui doit être signalée. Chez la Philine, la bande musculaire unissant, du côté dorsal, les deux bords postérieurs des deux pièces latérales symétriques est parcourue par deux nerfs descendant de l'anneau supérieur et sui- vant la rainure d'insertion du muscle aux deux extrémités de ces fibres (fig. 2, a et b). Ces deux nerfs donnent, tout le long de leur parcours, les filets innervant le muscle unissant les plaques. Dans la Philine, ce muscle représente une bande assez large. Dans le Scaphander, au contraire, le rapprochement des deux pièces laté- rales est assez grand du côté du dosetun seul nerf (fig. 3 ngm) suffit à l’innervation de cet organe actif, qui doit rapprocher les parties des plaques triturantes. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 421 Il est encore nécessaire de rappeler que M. Vayssière, dans son travail, a parlé des colliers supérieur et inférieur du gésier, mais ses descriptions sont tellement succinctes qu'elles deviennent insuf- fisantes. Dans l’un des dessins (fig. 143, pl. II, loc cit.), on voit bien évidem- ment que la figure doit se rapporter au gésier du Scaphander, mais nulle part dans le texte ou l’explication des planches, il n’est ques- tion de cette figure. Dans l'explication des planches, p. 125, on lit : « Figure 113 une des petites plaques stomacales 20/1 » ; il y a, d'ailleurs, dans cette figure, un ganglion allongé, très gros relativement, duquel part, à côté du nerf gastrique, un rameau nerveux remontant vers ce que je nomme le jabot, qui a un mode de division arborescente que je n'ai jamais rencontré dans les distributions des nerfs du tube digestif. Il y.a, enfin, une confusion qui ne permet pas de se rendre un compte exact des significations de ces figures. Dans les planches XI et XII, on trouve répétés les numéros des figures 112, 113, 114. Au numéro 95, on lit ceci : « Figure de la région stomacale d'un Scaphander pour montrer le stomalo-gasirique qui l'innerve. » M. Vayssière emploie indifféremment la désignation d'estomac, d'estomac masticateur ou de gésier; mais je n’ai pas trouvé qu'il ait, en aucun endroit, considéré la partie du tube inférieure au gésier comme étant l'estomac. IX CONCLUSION. Tels sont les faits relatifs aux conditions spéciales du système nerveux des Gastéropodes que nous venons d'examiner ; ils mon- trent combien, avant de généraliser, il est utile de multiplier les observations particulières, et, pour résumer en quelques mots toute cette étude, nous répéterons que la séparation en un groupe par- 429 H., DE LACAZE-DUTHIERS, ticulier des ganglions dits pleuraux ou palléaux ne nous paraît pas justifiée ; qu’il est mieux de Îles laisser dans le groupe hétérogène que son asymétrie seule suffit à caractériser ; car, on l’a vu, tantôt ils innervent, tantôt ils n'innervent pas le manteau; ils peuvent exister comme ils peuvent faire défaut, comme chez les Pulmonés, où ils cessent de produire des nerfs et l’innervation du manteau. N'est-ce pas le prélude de leur disparition chez l’Ancyle ? N’est- on pas conduit, dans ces cas spéciaux, à admettre que les amas de cellules nerveuses peuvent se produire indépendamment du déve- loppement des nerfs, et, d’un autre côté, n’a-t-on pas vu les nerfs palléaux dans les Philines et autres espèces se détacher de la com- missure et non des ganglions pleuraux ? Enfin, dans le fait de la naissance de nerfs palléaux sur le cours d'une commissure et la for- mation, sur un nerf détaché de cette commissure, en un point éloigné d'elle, d’un ganglion nouveau d’où partent les cordons d’in- nervation de la branchie et d'une partie du manteau, n’y a-t-il pas un argument puissant en faveur de l'opinion développée dans ce travail ? La nécessité impérieuse de fixer nettement la valeur des termes employés dans la nomenclature servant à désigner les parties constituantes du système nerveux a dû certainement frapper le lecteur. | En soumettant ces observations aux malacologistes, n'est-il pas permis d'espérer qu'ils apprécieront le but poursuivi dans ce travail un peu spécial, sans doute, et qui peut sembler tout de détail, mais qui doit conduire à des interprétations plus nettes sur les homologies des parties de l'organisme, que l’on étudie parfois trop isolément et succinctement et sur lesquelles on trouve bien peu de discussions dans les traités nouveaux s'occupant de ces matières. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 493 POST-SCRIPTUM. Après la publication du mémoire de M. Bouvier, sur les PleurolLo- maires, j'ai cru devoir revenir sur la question si controversée de la nature du cordon pédieux de l’Haliotide, de la Fissurelle, etc. Et dans une note ayant pour titre: « À propos du mémoire sur le Pleuroto- maire » (Archives, vol. V.), j'ai rappelé quelle était ma foi dans la loi des connexions sagement et logiquement appliquée. Le présent travail sur les GANGLIONS DITS PALLÉAUX était rédigé et les planches gravées depuis longtemps. J'ai voulu le laisser tel qu’il avait été fait, sans y introduire de nouvelles observations critiques. Je laisse au lecteur le soin de voir si le nouveau travail de mon savant collègue lève tous les doutes relatifs à la séparation des gan- glions dits palléaux. Je ferai simplement remarquer une dernière fois que la valeur de la nomenclature découlant du sens précis des mots employés per- mettra seule de clore les discussions dues à des interprétations que le vague des expressions semble seul légitimer. 424 H, DE LACAZE-DUTHIERS, EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXIV. APLYSIA ET DOLABELLA. Dans toutes les figures, B indique la bouche. Fig. 1. Tube digestif de l’Aplysia depilans, vu du côté droit. br, bulbe radulaire : nl, nerfs du bulbe radulaire naïssant du ganglion stomato-gastrique Y:; l’un d’eux naît du connectif cérébro-stomato-gastrique ; V, ganglion céré- bral; X, ganglion pédieux ; Zd’, le ganglion dit pleural ou palléal droit ; œ, œsophage ; j, jabot; gs, glande salivaire; gs’, terminaison de la glande salivaire arrivant à la limite du jabot j et du gésier g; F, le foie entre les lobules duquel plonge l’intestin ên. Au-dessus du foie F, l'on voit l'estomac vrai es. Sur l’æsophage, l’on aperçoit la première partie du nerf sympathique ng qui passe vers la première circonvolution du jabot, un peu sur le côté antérieur, et revient ensuite dans l’anse pour former un réseau à mailles polygonales irrégulières se mêlant au réseau du nerf gastrique (ng') gauche qui est passé de ce côté sur le dos et est arrivé jusqu’à droite. À remarquer sur le gésier, d’abord à la limite de celui-ci et du jabot 7, un cercle nerveux d’où partent des nerfs verticaux. On en voit quatre sur le côté droit. Ils donnent des nerfs qui leur sont perpendiculaires. Arrivés à la fin du gésier, à un étranglement (peu marqué dans la figure) qui le sépare de l'estomac, on voit reparaître des filets irrégulièrement con- tournés formant le réseau sympathique de l’estomac et se continuant sur l'intestin. 2, Gésier séparé en s et s’ en haut du jabot ÿ, en bas de l’estomac es, par deux sillons dans lesquels on voit les nerfs formant un cercle ou anneau, né du nerf gastrique droit (ng) duigauche (ng'). Cette partie du tube digestif a été fendue et étalée sur le plan de la planche. | 3 et 4. Tube digestif de la Dolabella. La figure 4 montre l'organe vu par le dos et extrêmement dilaté, rempli qu’il est par des matières alimentaires. Les mêmes lettres répondent aux mêmes parties que dans la figure de l’Aplysie. Ce qu'il importe de remarquer ici, c’est d’abord les changements de position du collier œsophagien dans les deux cas de la dilatation et de la vacuosité du jabot. En outre, dans le collier, les ganglions Zd' et X sont très rapprochés sur la face ventrale et éloignés du cerveau V. On remarque encore que les nerfs gastriques ou sympathiques ng sont, dans le cas de réplétion du tube (fig. 3), tout droits, sans flexuosités, et dans l’autre cas (fig. 4) le nombre des flexuosités est considérable. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 425 PLANCHE XXV, ACERA BULLATA (fig. 1, 9, 3). HAMINEA HYDATIS (fig. 4, 5, 6, 7). FiG. 1. Acera bullata. Première partie du tube digestif comprise entre la bouche B et le foie F. Le bulbe lingual est allongé, l’œsophage (æ), le jabot (3), le gésier (g), l'estomac (es) sont nettement différenciés. L'origine de l’estomac après le gésier (g) se trouve au-dessus du dia- phragme Di. Les mêmes lettres désignent les mêmes parties que dans les figures précédentes. Ce qu’il importe de remarquer dans cette figure, c'est le centre asymé- trique représenté par la longue commissure (com) et les ganglions(Zd’, Zg'), ganglions latéraux placés à côté du cerveau. Les ganglions Zd” et 700 qui fournissent les nerfs palléaux en plus. Ce qui est encore important, c'est que Zg'’ donne un nerf palléal (np) d’où naît une anastomose (an) allant s’unir au réseau sympathique du gésier. Le ganglion Zd” fournit aussi un nerf qui bientôt se renfle en un gan- glion (nbr) qui innerve la branchie. Il faut encore remarquer que le gésier semble formé de deux parties. L'une d'elles, entre s et s”, est pointillée extérieurement et très différente de forme, de consistance comparée à la seconde (g), qui est franchement musculaire. C’est dans cette partie que la fin du jabot (j) s’invagine en formant un museau de tanche. 2. Le bulbe lingual, vu par le dos, l’œsophage étant un peu rejeté à gauche, laisse voir les ganglions stomato-gastriques très rapprochés, entre lesquels naît ce nerf radulaire impair et proprement dit. On voit naître le nerf gastrique (ng) du point où arrive le connectif stomato-gastrique céré- bral (cuy) qui, lui-même, donne les principaux nerfs radulaires, au mo- ment où il se courbe pour descendre vers les ganglions. 3. Deux des pièces chitineuses de l’intérieur du gésier, déjà décrites par les k, 5, auteurs. On voit dans l’épaisseur de la plus grande, une rangée de stries qui semblent former comme un éventail central. | 6,7. Haminea hydatis (anciennement Bulla hydatis). Fig. 4. Partie du tube digestif comprise entre la bouche (B) et l'estomac (es), et vue par le dos. Les mêmes lettres désignent les mêmes parties secondaires. Le gésier (g) offre un étranglement en (c) entre les appendices renfermant les dents ou pièces maxillaires (d) vues par transparence. Les dessins de ces dents ont été donnés par Cuvier d’abord et M. Vayssière ensuite ; il est utile, au point de vue de l’innervation, de considérer à la fois les deux figures 4 _ et 5. Cette dernière, de profil, étant vue par le côté droit, on peut juger de la largeur du connectif (evy), d'où naïssent les nerfs du bulbe radu- laire (ni). ‘ 426 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Il faut encore remarquer les deux cercles s et s’ formés parles branches latérales du nerf gastrique (ng), l’un au-dessus, l’autre au-dessous du gésier trilobé par trois sillons, dans lesquels descendent les cordons d’union ou continuation des nerfs gastriques (g). Les figures 6 et 7 représentent le gésier vu par sa face supérieure (fig. 7), par sa face inférieure (fig. 6). On y voit les connexions des nerfs gastri- ques formant les colliers supérieurs et inférieurs placés dans les enfon- cements qui séparent le jabot et le gésier d’une part, l'estomac et le gésier d'autre part. Remarque. — Il importe d'observer que dans la figure 4 une partie de la commissure asymétrique (com) a été conservée entre les ganglions Z et Zd'"' pour montrer d'abord une forte anastomose (an) existant entre la commissure vers le milieu de sa partie unissant les deux ganglions Z et Zd” et le cercle nerveux (s/) sympathique formé entre l’estomac et le gésier. Le ganglion Zd’”' fournit le nerf palléal branchial droit, qui innerve et le manteau à droite et les branchies. [ci encore, ce n’est pas le ganglion pleural qui fournit des rameaux à la partie droite du manteau. PLANCHE XXVI. PHILINE APERTA (toutes les figures). Fié. 1. Philine aperla ouverte par le dos de son cou; bc, les deux moitiés du bou- clier cervical qui n'est autre que le cou de l'animal fort développé. La figure a pour but de montrer la première partie du tube digestif en place. Le gésier (g) occupe le milieu de la longueur du cou. Ce qu'il faut remarquer, c’est la commissure asymétrique (com) dont les ganglions inférieurs sont cachés sous la coquille C laissée en place. On voit surtout les deux nerfs palléaux, nés de la commissure à droite (pd), celui-ci donnant naissance au ganglion branchial (gb). À gauche (pg), . on trouve ici une nouvelle preuve des idées soutenues dans ce mémoire : savoir que les nerfs du manteau ne naissent pas toujours des ganglions pleuraux. : 2. Cette figure représente grossie la partie du tube digestif comprise entre la bouche B et la coquille C. Les mêmes lettres représentent les mêmes choses. On doit remarquer les nerfs (a et b) suivant le bord des pièces chitino-calcaires sur la bande musculaire dorsale qu’ils innervent. On ne doit pas négliger de constater l'existence de l’anastomose (an) entre la commissure, au-dessous du nerf palléal droit (pd) et le nerf sto- macal (es). On voit encore une tendance à un changement de direction du nerf (gd) qui, de droite, passe sur le côté dorsal. 3. La même préparation que figure 2, vue par la face ventrale. Il est important de reconnaître la différence de forme de l'armature impaire antérieure et des pièces latérales. SUR LE CENTRE STOMATO-GASTRIQUE. 421 Dans cette figure, les ganglions stomalo-gastriques placés au-dessous de l’æsophage paraissent très éloignés, et sur le milieu de la longue com- missure qui les unit, on voit naître le nerf impair médian, que nous avons tous vu, et que M. Vayssière appelle radulaire. Fc. 4 et 5. Le gésier, vu du côté gauche et du côté droit, pour montrer les bandes musculaires et les nerfs qui les animent, ainsi que les colliers inférieurs et supérieurs et leurs connexions avec les nerfs gastriques et stomacaux. 6. Le gésier, vu par le côté droit. 6’, mâchoire ou plaque chitineuse de droite enlevée afin de montrer l’orifice (o) qui lui permettait de faire saillie dans l’intérieur du tube membraneux. On voit aussi dans cette figure les dépressions (in) et (én') qui font suite au jabot en haut et qui précèdent l’estomac en bas. C’est dans ces dépressions que l’on voit les cercles ou colliers formés par les anastomoses transversales des nerfs gastriques. | PLANCHE XXVII, SCAPHANDER LIGNARIUS (toutes les figures). F1c, 1. L'animal ouvert par le dos ; be, les parties latérales du bouclier cervical. Le foie, à gauche (F), et l'estomac (es), paraissent au-dessous du dia- phragme D qui sépare la cavité du cou du tortillon. On voit en place le gésier (g) qui, incliné sur le côté droit, se présente avec sa pièce chitino-calcaire gauche, vue de face. Il faut remarquer aussi la longue commissure asymétrique (com) des- cendue du collier œsophagien dont on voit les ganglions cérébraux V au- dessus du bulbe radulaire. 2. Partie du tube digestif compris entre la bouche B et le foie F grossie pour montrer les relations des parties. Le gésier g a été replacé dans sa posi- tion normale. En effet, la pièce maxillaire impaire médiane antérieure, dont la face externe est très étroite et modelée en 8 de chiffre (pm), a été remise à sa place. Elle se trouvait dans la figure 1 du côté gauche ; elle occupe l’angle arrondi mousse du triangle que représente le gésier. De chaque côté de ce 8 de chiffre, on voit les fibces musculaires unis- sant la pièce médiane aux deux pièces latérales, dont on ne voit dans la figure que les limites antérieures. Le diaphragme (Di) situé au-dessus du foie F, et que traverse l’esto- mac, a été conservé. On remarque encore ici d’une façon très nette que le nerf stomacal /ng) dé gauche se porte sur la face antérieure du jabot, tandis que le gastrique gauche se portant sur le dos ne paraît pas dans cette figure, si ce n’est dans la partie supérieure (ngd). On voit de plus dans cette figure combien, dans le collier œsophagien, les ganglions pédieux X sont éloignés. et la commissure pédieuse est par conséquent étendue. Il en est de même des ganglions stomato-gastriques (Y), dont la com- 428 C5 Bo H. DE LACAZE-DUTHIERS. missure fournit le nerf appelé radulaire, mais qui se bifurque et ne se distribue pas uniquement à la gaine de la radula. Il faut noter aussi que du collier formé par les deux gastriques à la fin du jabot descendaient deux nerfs destinés à chacun des muscles (m,m4) qui unissent les parties latérales de l’appareil masticateur à la pièce médiane impaire pour aller former le second collier entre l'estomac et le gésier. Le gésier (g), une partie du jabot (j) et l'estomac (es) débarrassés du dia- phragme et vus par le dos. Les deux pièces latérales sont très rapprochées et le muscle (m) qui les unit, dont les fibres sont très courtes vers le mi- lieu, n’a qu’un nerf (ngm), alors qu’on en avait vu deux dans la mème partie de la Philine aperta (pl. XXVI, fig. 2, a, b). Le gésier privé de ses plaques dures, vu par le côté gauche. On peut y re- connaître la puissance des paquets musculaires (m et m’). En (0), on voit l'ouverture laissée au centre des membranes par laquelle la partie centrale de la pièce mâchoire est à nu dans la cavité. . La même préparation que figure 4, vue par le côté gauche. 6. Cette figure est très démonstrative de la position des pièces solides du gésier. g et g' représentent les bords supérieurs des deux plaques laté- rales symétriquement placées à droite et à gauche, entre lesquels on voit la membrane au milieu de laquelle s’abouche la fin du jabot. Dans le bas on n’aperçoit que l’une des boucles du 8, la supérieure pm. On voit très nettement sur cette membrane le cercle ou collier qui est le résultat des anastomoses après renflement ganglionnaire sur le trajet du nerf gastrique et les origines des trois nerfs qui suivront les bandes musculaires unissant les trois pièces destinées à la mastication. SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES PAR J.-H. FABRE Correspondant de l’Institut. Ï LE GRAND PAON. Ce fut une soirée mémorable. Vers les 9 heures, la maisonnée se couchant, grand remue-ménage dans la chambre voisine de la mienne. À demi déshabillé, Paul, mon garçconnet de dix ans, va, vient, court, saute, trépigne, renverse les chaises, comme affolé. Je l’entends m'ap- peler : « Viens vite, clame-t-il; viens voir ces Papillons gros comme des oiseaux : La chambre en est pleine! » J'accours. Il y a de quoi justifier l'enthousiasme de l'enfant et son exclamation hyperbolique. C’est une invasion de Papillons géants, sans exemple encore dans notre demeure. Quatre sont déjà pris et logés dans une cage à moineaux. D’autres, nombreux, volent au plafond. À cette vue me revient en mémoire une femelle de grand Paon, sortie du cocon le matin même, dans mon cabinet, et séquestrée sous une cloche en toile métallique, tout humide encore des moi- teurs de l’éclosion. Je l'avais mise là sans projet aucun la concer- nant: je l'avais incarcérée par simple habitude d’observateur, tou- jours attentif à ce qui peut arriver. Ses prouesses nuptiales m'étaient inconnues. | — Remets tes nippes, petit, dis-je à mon fils; laisse là ta cage et viens avec moi. Si je ne me trompe, nous allons voir curieuse chose. 430 J.-H. FABRE. On redescend pour se rendre dans mon cabinet, qui occupe l’aile droite de l'habitation. Dans la cuisine, je rencontre la bonne, ahurie, elle aussi, des événements qui se passent. De son tablier, elle pour- chasse de gros Papillons qu’elle a pris d’abord pour des chauves- souris. Le grand Paon, à ce qu'il paraît, a pris possession de ma de- meure un peu de partout. Que sera-ce là-haut auprès de la prison- nière, Cause de cette affluence ? Heureusement, l’une des deux fené- tres du cabinet est restée ouverte. Les voies sont libres. Une bougie à la main, nous pénétrons dans la pièce. Ce que nous voyons alorsest inoubliable. Avec un mo)l flic flac, les grands Papillons volent autour de la cloche, y stationnent, partent, reviennent, mon- tent au plafond, enredescendent. Ilsse jettentsur la bougie, l’éteignent d'un coup d’aile ; ils s’abattent sur nos épaules, s’accrochent à nos vêtements, nous frôlent au visage. C’est l'antre du nécromancien avec son tourbillonnement de Vespertilions. Pour se rassurer, petit Paul me serre la main plus fort que d'habitude. Gombien sont-ils ? Une vingtaine environ. Ajoutons-y l’appoint des égarés dans la cuisine, la chambre des enfants et autres pièces de l'habitation, et le total des accourus se rapprochera de la quaran- taine. Venus de tous les points et avertis on ne salt comme, voici donc quarante amoureux empressés autour de la nubile,née le matin du 6 mai, dans les mystères de mon cabinet. Pour aujourd'hui, ne troublons pas davantage l’essaim des préten- dants. La flamme de la bougie compromet les visiteurs qui s’y jettent étourdiment et s’y roussissent un peu. Demain, nous reprendrons cette étude avec un questionnaire expérimental prémédilé. Déblayons d’abord le terrain ; parlons de ce qui se répète à toutes les séances pendant les huit jours de mes observations. Chaque fois, cest à la nuit noire, entre 8 et 9 heures du soir, que les Papillons arrivent un par un. Le temps est orageux, le ciel très voilé et l’obscu- rité si profonde, qu’en plein air, dans le jardin, loin du couvert des arbres, les mains projetées devant le regard peuvent à peine se dis- tinguer. LE GRAND PAON. 431 A ces ténèbres s'ajoutent, pour les arrivants, les difficultés de l’accès. La maison est cachée sous de grands platanes ; elle a, pour vestibule extérieur, une allée à épaisse bordure de lilas et de rosiers; elle est défendue du mistral par des groupes de pins et des rideaux de cyprès. Des massifs d'arbustes buissonnants forment rempart à quelques pas de la porte. C’est à travers ce fouillis de branchages, dans une complète obseurité, que le grand Paon doit louvoyer pour atteindre le but de son pèlerinage. En de telles conditions, la Chouette n'oserait quitter le creux de son olivier. Lui, mieux doué avec son optique à facettes que ne l’est l’oi- seau nocturne avecses gros yeux, va de l'avant, passe et ne se heurte. Il dirige si bien son essor tortueux, que, malgré les obstacles fran- chis, il arrive dans un état de fraicheur parfaile, ses grandes ailes intactes, sans la moindre éraflure. Les ténèbres sont pour lui clarté suffisante. Même en lui accordant la perception de certains rayons inconnus des vulgaires rétines, celte vue extraordinaire ne saurait être ce qui avertit le Papillon à distance et le fait accourir. L'éloignement et la multitude d'écrans interposés s’y opposent de façon formelle. D'ailleurs, à moins de réfractions trompeuses, hors de cause ici, on va droit à la chose vue tant les indications de la lumière sont précises. Or, le grand Paon fait parfois erreur, non sur la direc- tion générale à prendre, mais sur le lieu précis des événements qui l’attirent. Je viens de dire que la chambre des enfants, à l'opposite de mon cabinet qui est, à cette heure, le véritable but des visiteurs, se trou- vait occupée par des Papillons avant que l’on y pénétrât avec une lumière. Ceux-là, certainement, étaient mal renseignés. Dans la cuisine, même affluence d’hésitants; mais ici, la clarté d’une lampe, | irrésistible séduction des insectes nocturnes, peut avoir dérouté les accourus. Ne tenons compte que des lieux ténébreux. Les égarés n'y sont pas rares. Ainsi, lorsque la captive est dans mon cabinet, les Papillons 432 J.-H. FABRE. n’entrent pas tous par la fenêtre ouverte, voie directe et sûre, à trois ou quatre pas de la prisonnière sous cloche. Divers pénètrent par en bas, errent dans le vestibule, gagnent au plus l'escalier, route sans issue que barre en haut une porte fermée. Ces données nous disent que les conviés aux fêtes nuptiales ne vont pas droit au but, comme ils le feraient s'ils étaient renseignés par des radiations lumineuses quelconques, connues ou inconnues de notre physique. Autre chose les avertit au loin, les achemine au voisinage des lieux précis, puis laisse au vague des recherches et des hésitations la découverte finale. À peu près ainsi sommes-nous renseignés par l’ouie et l’odorat, guides de faible précision quand il faut déterminer exactement le point d’origine du son ou de l’odeur. Quels sont les appareils d'information des gros Papillons en rut, pèlerinant la nuit ? On soupconne les antennes, qui, chez les mâles, semblent en effet interroger l'étendue avec leurs amples feuillets plumeux. Ces superbes panaches sont-ils de simples atours, ou bien ont-ils en même temps un rôle dans la perception des effluves qui guident l’énamouré ? Une expérienee concluante semble facile. Essayons-la. Le lendemain de l'invasion, je trouve dans mon cabinet huit des visiteurs de la veille. Ils sont campés, immobiles, sur les croisillons de la seconde fenêtre tenue fermée. Les autres, leur ballet terminé vers les 10 heures du soir, sont partis par la voie d'entrée, c'est-à-dire par la première fenêtre, jour et nuit laissée ouverte. Ces huit persé- vérants, voilà bien ce qu'il faut à mes projets. Avec des fins ciseaux, sans autrement toucher aux Papillons, je coupe les antennes, près de la base. Les amputés ne s'inquiètent guère de l’opération. Nul ne bouge, à peine un battement d'ailes. Condition excellente : la blessure semble n'avoir rien de grave. Non affolés par la douleur, les décornés ne répondront que mieux à mes desseins. La journée s'achève, dans une tranquille immobilité, sur les croisillons de la fenêtre. Restent à prendre quelques autres dispositifs. Il convient, en par- LE GRAND PAON. 433 ticulier, de changer de local et de ne pas laisser la femelle sous les yeux des amputés au moment de reprendre l'essor nocturne, afin de réserver le mérite des recherches. Je déménage donc la cloche et sa captive ; Je l'installe à terre, sous un porche qui se trouve de l’autre côté de l'habitation, à une cinquantaine de mètres de mon cabinet. La nuit venue, je m’informe une dernière fois de mes huit opérés. Six sont partis par la fenêtre ouverte: deux restent encore, mais tombés sur le parquet et n’ayant plus la force de se retourner si je les renverse sur le dos. Ce sont des épuisés, des moribonds. N’allons pas en accuser ma chirurgie. Sans l'intervention de mes ciseaux, cette prompte décrépitude invariablement se répétera. Mieux dispos, six sont partis. Reviendront-ils à l’appât qui les attrait hier ? Privés d'antennes, sauront-ils trouver la cloche main- tenant déposée ailleurs, assez loin du point primitif ? L'appareil est dans l'obscurité, presque en plein air. De temps à autre, je my rends avec une lanterne et un filet. Les visiteurs sont capturés, reconnus, catalogués et immédiatement lâchés dans une pièce voisine dont je ferme la porte. Cette élimination graduelle me permettra exact dénombrement, sans crainte de compter plusieurs fois le même Papillon. En outre, le cachot provisoire, vaste el nu, ne compromettra pas les incarcérés qui trouveront là retraite tran- quille et ampleur d'espace. Pareille précaution sera prise dans le reste de mes recherches. À 10 heures et demie, plus rien n'arrive. La séance est finie. Total : vingt-cinq mâles cueillis, dont un seul privé d’antennes. Sur les six opérés d'hier, assez valides pour quitter mon cabinet et se remettre en Campagne, un seul est donc revenu à la cloche. Maigre résultat auquel je nose accorder confiance s’il me faut affirmer ou nier le rôle directeur des antennes, Recommencçons sur une plus grande échelle. Le lendemain matin, visite aux prisonniers de la veille. Ce que je vois nest pas encourageant, Beaucoup sont étalés à terre, presque inertes. Saisis entre les doigls, divers donnent à peine signe de vie ARCEH Dh ZOOL. EXP, LIN GEN. — SCNSÉRIE. — 1 VI. 1808. DIS 434 J.-H. FABRE. Qu’attendre de ces perclus ? Essayons tout de même. Peut-être aux heures des rondes amoureuses reprendront-ils vigueur. Les vingt-quatre nouveaux subissent l’amputation des antennes. L'ancien décorné est mis hors rang, mourant qu’il est ou peu s'en faut. Enfin, la porte de la prison est laissée ouverte le reste du jour. Sortira qui voudra, ira au festival de la soirée qui pourra. Afin de soumettre les sortants à l'épreuve de larecherche, la cloche, qu'ils rencontreraient inévitablement sur le seuil de la porte, esi encore changée de place. Je la mets dans un appartement de l'aile opposée, au rez-de-chaussée. L'accès de celte pièce est libre, bien entendu. Des vingt-quatre décornés, seize seulement gagnent le dehors. Huit restent, impuissants. À bref délai, ils vont périr sur place. Sur les seize partis, combien en revient-il le soir autour de la cloche ? Pas un seul. Mes captures de cette veillée se réduisent à sept, tous nouveaux venus, tous empanachés. Ce résultat semblerait affirmer que l’ablation des antennes est affaire de quelque gravité. Ne concluons pas encore pourtant : un doute me vient, de haute portée. Privés de leurs beaux panaches, mes papillons n’osent-ils plus paraître au milieu de leurs rivaux ? Est-ce confusion de leur part? Est-ce défaut d’un guide ? Ne serait-ce pas plutôt épuisement après une attente qui excède la durée d’une éphémère ardeur ? L'expérience va nous le dire. Le quatrième soir, Je prends quatorze papillons, tous nouveaux et séquestrés à mesure dans une pièce où ils passeront la nuit. Le lendemain, profitant de leur immobilité diurne, je les dépile un peu au centre du corselet, Gelte légère tonsure n’incommode pas l’in- secte, tant la bourre soyeuse vient avec facilité ; elle ne les prive d'aucun organe qui puisse plus tard leur être nécessaire quand viendra le moment de retrouver la cloche. Pour les tondus, ce n’est rien ; pour moi ce sera signe authentique des accourus répétant leur visite. Cette fois, pas de débiles, incapables d'essor. A la nuit, les qua- LE GRAND PAON. 435 torze tondus se remettent en campagne. Il va de soi que la cloche est encore changée de place. En deux heures, je capture vingt Pa- pillons, parmi lesquels deux tonsurés, pas plus. Quant aux amputés de l’avant-veille, aucun n'apparaît. Leur période anuptiale est finie, bien finie. Sur quatorze marqués d’un point dépilé, deux seulement revien- nent. Pourquoi les douze autres s’abstiennent-ils, bien que munis de leurs guides présumés, les panaches antennaires ? Pourquoi, d’autre part, les nombreux défaillants constatés presque toujours après une nuit de séquestration ? A cela, je ne vois qu’une réponse : le grand Paon est promptement usé par les ardeurs de la pariade, En vue des noces, unique but de sa vie, le Papillon est doué d’une merveilleuse prérogative. À travers la distance, les ténèbres, les obstacles, il sait découvrir la désirée. Quelques heures, pendant deux ou trois soirées, sont accordées à ses recherches, à ses ébats. S'il ne peut en profiter, tout est fini; la boussole, si exacte, se détraque ; le fanal, si lucide, s'éteint. À quoi bon vivre désormais! Stoïquement alors on se retire dans un coin et l’on dort son dernier sommeil, fin des illusions comme aussi des misères. Le grand Paon n’est Papillon que pour se perpétuer. Se nourrir lui est inconnu. Si tant d’aulres, joyeux convives, volent de fleur en fleur, déroulant la spirale de leur trompe et la plongeant dans les corolles sucrées, lui, jeüneur incomparable, affranchi pleinement des servitudes du ventre, n’a pas à se restaurer. Ses pièces buccales sont de simples ébauches, de vains simulacres et non de vrais outils aptes À fonctionner. Pas une lampée n'entre dans son estomac, magnifique prérogative si elle n’imposait brève durée. À moins d'extinction, il faut la goutte d'huile à la lampe. Le grand Paon y renonce, mais il lui faut du coup renoncer à longue vie. Deux ou trois soirées, juste le strict nécessaire à la rencontre du couple et c’est tout: le gros Papillon a vécu. Que signifient alors les décornés ne revenant plus ? Affirment-ils que le défaut d'antennes les a rendus incapables de retrouver la 436 J.-H. FABRE. cloche où les attend la prisonnière? Pas du tout. Comme les ton- surés, indemnes d'opération compromettante, ils signifient que leur temps est fini. Amputés ou intacts, ils sont maintenant hors de ser- vice pour cause d’âge, et le témoignage de leur absence n'a plus de valeur. Faute du délai nécessaire à l’expérimentation, le rôle des antennes nous échappe. Douteux il était avant, douteux il reste après. Mon incarcérée sous cloche persiste huit jours. Elle me vaut chaque soir, tantôt en un point, tantôt en un autre de l'habitation, au gré de mes désirs, un essaim de visiteurs en nombre variable. Je les prends à mesure au filet et les relègue, aussitôl capturés, dans un appartement clos, où ils passent la nuit. Le lendemain ils sont marqués, au moins d'une tonsure au thorax. Le total des accourus en ces huit soirées s’élève à cent cinquante, nombre stupéfiant si je considère à quelles recherches il ma fallu livrer les deux années suivantes pour récolter les matériaux néces- saires à la continuation de cette étude. Sans être introuvables dans mon étroit voisinage, les cocons du grand Paon y sont du moins fort rares, car les vieux amandiers, séjour de la Chenille, ny abondent pas. Deux hivers, je les ai tous visités, ces arbres décrépits ; je les ai in- spectés à la base du tronc sous le fouillis des durs gramens qui les chaussent, et que de fois ne suis-je revenu les mains vides! Donc mes cent cinquante papillons viennent de loin, de fort loin, peut-être d’une paire de kilomètres à la ronde et davantage. Gom- ment ont-ils eu connaissance des événements de mon cahinet ? Trois agents d'information à distance desservent l’impressionna- bilité : la lumière, le son, l’odeur. Est-il permis de parler ici de vision ? Que la vue intervienne pour diriger vers la cloche une fois la fenêtre ouverte franchie, rien de mieux. Mais avant, dans l'inconnu du dehors! Accorder l'œil fabuleux du Lynx, qui voyait à travers les murailles, ne suffirait pas ; il faudrait encore admettre une acuité visuelle capable de ce prodige à des kilomètres de distance. De telles énormités ne se discutent pas ; on passe outre. Le son est également hors de cause. La bête pansue, capable de LE GRAND PAON., 437 convoquer de si loin, est une silencieuse, même pour l’oreille la plus délicate. Qu’elle ait des vibrations intimes, des tressaillements pas- sionnels, appréciables peut-être avec un microphone d’extrême sub- tilité, à la rigueur, c’est possible ; mais rappelons-nous que les visi- teurs doivent être renseignés à des distances considérables, à des milliers de mètres. Dans ces conditions, ne songeons pas à l’acous- tique. Ce serait charger le silence de mettre en émoi les champs des alentours. Reste l'odeur. Dans le domaine de nos sens, des émanations odo- rantes, mieux que toute autre chose, expliqueraient à peu près les Papillons accourus et ne trouvant néanmoins qu'après certaines hé- sitations l’appât qui les attire. Y aurait-il, en effet, des effluves analogues à ce que nous appelons odeur, effluves de subtilité extrême, absolument insensibles pour nous et néanmoins capables d'impressionner un odorat mieux doué que le nôtre? Une expérience est à faire, des plus simples. Il s’agit de masquer ces effluves, de les étouffer sous une odeur puissante et tenace, qui s’empare en maîtresse de l’olfaction. L'excessif neutrali- sera le très faible. Je répands à l'avance de la naphtaline dans l'appartement où les mâles seront conviés le soir. De plus, sous la cloche, à côté de la femelle, je dispose une large capsule pleine de la même matière. L'heure des visites venue, il suffit de se mettre sur le seuil de la pièce pour percevoir une forte odeur d'usine à gaz. Mon artifice n’aboutit pas. Les Papillons arrivent comme d’habi- tude ; ils pénètrent dans l’appartement, traversent son atmosphère sgoudronneuse et vont à la cloche avec la même sûreté de direction que dans un milieu inodore. Ma confiance dans l’olfaction est ébranlée. De plus, me voici dans l'impossibilité de continuer. Le neuvième jour, usée par sa stérile attente, ma prisonnière périt après avoir déposé ses œufs inféconds sur le treillis de la cloche. Faute de sujet, plus rien à faire jusqu à l'an prochain. 438 J.-H, FABRE. Cette fois, je prendrai mes précautions; je m’approvisionnerai afin de répéter à souhait les épreuves déjà essayées et celles que je mé- dite. A l’œuvre donc, et sans tarder. En été, je fais commerce de Chenilles à un sou la pièce; le marché sourit à quelques bambins du voisinage, mes habituels fournisseurs. Le jeudi, affranchis de l’affreux verbe à conjuguer, ils courent les champs, trouvent de temps à autre la grosse Chenille et me l'appor- tent, agrippée au bout d’un bâton. Ils n’osent la toucher, les pauvres petits; ils sont ébahis de mon audace lorsque je la saisis du bout des doigts, comme ïls le feraient eux-mêmes du familier Ver à soie. Élevée avec des rameaux d'amandier, ma ménagerie me fournit, en peu de jours, de superbes cocons. En hiver, des recherches assi- dues au pied de l'arbre nourricier complètent ma collection. Des amis, qui s'intéressent à mes études, me viennent en aide. Enfin, à force de soins, de courses, de pourparlers commerciaux et d’écor- chures dans les broussailles, je suis possesseur d’un assortiment de cocons, parmi lesquels douze, plus volumineux et plus lourds, m'annoncent des femelles. Un déboire m'attendait. Mai arrive, mois capricieux, qui met à néant mes préparatifs, cause de tant de tracas. L'hiver nous revient. Le mistral hurle, dilacère les feuilles naissantes des platanes, en jonche le sol. C’est le froid de décembre. Il faut rallumer les flam- bées du soir, remettre les épais vêtements dont on commençait à s’alléger. Mes Papillons sont très éprouvés. Les éclosions sont tardives, me donnent des engourdis. Autour de mes cloches, où les femelles attendent, aujourd’hui l’une, demain l’autre, d’après l’ordre de naissance, peu ou point de mâles, venus du dehors. Il y en a cepen- dant à proximité, car les sujets à grands panaches issus de ma récolte sont déposés dans le jardin aussitôt éclos et reconnus. Éloi- enés où voisins, bien peu arrivent et sans fougue. Un moment, üls entrent, puis disparaissent, ne reviennent plus. Frigent veneres. LE GRAND PAON. 439 Mon année est perdue, Ah! qu’elle est pénible l’expérimentation esclave du retour et des caprices d’une courte saison ! Pour la troisième fois, je recommence. J’élève des Chenilles, je cours la campagne à la recherche des cocons. Lorsque mai revient, je suis convenablement pourvu. La saison est belle, répond à mes souhaits. Je revois les affluences qui tant m'’avaient frappé à mes débuts, lors de la fameuse invasion, origine de mes recherches. Chaque soir, par escouades d’une douzaine, d'une vingtaine et plus, les visiteurs accourent. La femelle, puissante matrone ventrue, se tient agriffée au treillis de la cloche. Nul mouvement de sa part, pas même une trépidation d'ailes. On la dirait indifférente à ce qui se passe. Nulle odeur non plus, autant que peuvent en juger les parines les plus sensibles de la maisonnée ; nul bruissement que puisse apprécier l’ouie la plus subtile, parmi les curieux appelés en témoignage. Immobile, recueillie, elle attend. Les autres, par deux, par trois et plus, s'abattent sur le dôme de la cloche, vivement le parcourent en tous sens, le fouettent du bout des ailes en continuelle agitation. Pas de rixes entre rivaux. Sans indice de jalousie, chacun cherche de son mieux à pénétrer dans l'enceinte. Lassés de leurs vaines tentatives, ils s’envolent et se mê- lent au ballet de la foule tourbillonnante. Quelques désespérés s’en- fuient par la fenêtre ouverte, de nouveaux arrivants les remplacent ; et sur le dôme de la cloche, jusque vers les 10 heures, les essais d'approche sans cesse recommencent, bientôt lassés, bientôt repris. Chaque soir, la cloche est déplacée. Je la mets au nord et au midi, au rez-de-chaussée et au premier étage, dans l’aile droite de l’habi- tation ou 30 mètres plus loin dans l'aile gauche, en plein air ou dans le secret d’une pièce reculée. Tous ces déménagements brusques, combinés de facon à dérouter, si possible, les chercheurs, ne trou- blent en rien les Papillons. Je perds à les duper mon temps et mes malices. La mémoire des lieux n’a pas ici de rôle. La veille, par exemple, la femelle était installée en certaine pièce de l'habitation. Les empa- 440 J.-H. FABRE, nachés y sont venus voleier une paire d'heures, divers même y ont passé la nuit. Le lendemain, au coucher du soleil, lorsque je démé- nage la cloche, tous sont dehors. Bien que de durée éphémère, les plus récents sont aptes à recommencer une seconde, une troisième fois, leurs expéditions nocturnes. Où iront-ils tout d’abord, ces vété- rans d’un Jour ? Ils sont renseignés sur le point exact du rendez-vous de la veille. Ils y reviendront, croirait-on, guidés par la mémoire, et n’y trou- vant plus rien, ils iront continuer ailleurs leurs investigations. Eh bien, non; contre mon attente, ce n’est pas cela du tout. Nul ne reparaît aux lieux si fréquentés hier au soir, nul n'y fait brève visite. La place est reconnue de valeur nulle sans information préalable, comme semblerait en exiger le souvenir. Un guide plus affirmaüf que la mémoire les convoque autre part. : Jusqu'ici la femelle a été laissée à découvert, sous le réseau d’une toile métallique. Les visiteurs, clairvoyants dans la nuit sombre, pouvaient la voir à la vague luminosité de ce qui, pour nous, est ténèbres. Qu’adviendra-t-il si je l’enferme dans une enceinte opaque? Suivant sa nature, cette enceinte ne peut-elle laisser libres ou bien arrêter les effluves informateurs ? La physique nous prépare aujourd’hui la télégraphie sans fils, au moyen des ondes hertziennes. Le grand Paon nous aurait-il devancés dans cette voie ? Pour mettre en émoi les alentours, avertir les amoureux à des kilomètres de distance, la nubile qui vient d’éclore disposerait-elle d'ondes électriques, magnétiques, connues ou incon- nues, que tel écran arrête et tel autre laisse passer? En un mot, se servirait-elle, à sa manière, d’une sorte de télégraphe sans fils? À cela, je ne vois rien d’impossible; l’Insecte est coutumier d'inven- tions aussi merveilleuses. Je loge donc la femelle dans des boîtes de nature variée. Il y en a en fer-blanc, en bois, en carton. Toutes sont hermétiquement closes, lutées même avec un mastic gras. Je fais également usage d'une cloche de verre reposant sur l’appui isolateur d’un carreau de vitre. LE GRAND PAON. 441 Eh bien, dans ces conditions de rigoureuse clôture, jamais un mâle n'arrive, jamais un seul, si favorables que soient la douceur et le calme de la soirée. N'importe sa nature, métallique ou vitreuse, de bois ou de carton, l’enceinte close met obstacle infranchissable aux effluves informateurs. Une couche de coton, de deux travers de doigt d'épaisseur, a même résullat. Je loge la femelle dans un large bocal, à l’embou- chure duquel je ficelle, pour couvercle, une nappe de ouate. Cela suffit pour laisser le voisinage dans l'ignorance des secrets de mon laboratoire. Aucun mâle ne survient. Servons-nous, au contraire, de boîtes mal fermées, entre-bâillées ; cachons-les dans un tiroir, une armoire, et malgré ce surcroît de mystère, les Papillons arrivent, aussi nombreux que lorsqu'ils accou- ralent à la cloche treillissée, en évidence sur une table. J'ai gardé souvenir d'une soirée où la recluse attendait dans un étui de chapeau, au fond d’un placard fermé. Les arrivants allaient au placard, le choquaient de l’aile, toc-toc, voulant entrer. Pèlerins de passage, venus on ne sait d'où, à travers champs, ils savaient très bien ce qu'il y avait là dedans, derrière les planches. Ainsi est reconnu inadmissible tout moyen d’information ana- logue à la télégraphie sans fils, car le premier écran venu, bon conducteur ou mauvais conducteur, arrête net les signaux de la femelle. Pour leur laisser voie libre et les propager au loin, une condition est indispensable : c’est l’imparfaite clôture de l'enceinte où la captive est renfermée: c’est la communication de l'atmosphère intérieure avec celle de l'extérieur. Cela nous ramène à la probabi- lité d’une odeur, démentie cependant de façon formelle par l’expé- rience où j'ai fait intervenir la puissante senteur de la naphtaline. Mes ressources en cocons s’épuisent et le problème garde son obscurité. Recommencerai-je une quatrième année? J’y renonce pour les motifs que voici : Un Papillon à noces nocturnes est d'observation difficultueuse, si je veux le suivre dans l'intimité de ses actes. Le galant, pour aller à 442 | J.-H, FABRE. ses fins, n’a certes pas besoin d’un luminaire; mais mon infirme vision humaine ne peut s’en passer, la nuit. Il me faut au moins une bougie, souvent éteinte par l’essaim tournoyant. Une lanterne m’évite ces éclipses ; mais sa louche clarté, rayée de larges ombres, ne con- vient nullement à mes serupules d’observateur, qui veut voir et bien voir. Ce n’est pas tout. La lumière d’une lampe détourne les Papillons de leur but, les distrait de leurs affaires et compromet gravement, si elle persiste, le succès de la soirée. Aussitôt entrés, les visiteurs accourent éperdument à la flamme, s’y grillent le duvet et, désor- mais, affolés, sont des témoins suspects. S'ils ne sont rôtis, tenus à distance par une enveloppe de verre, ils prennent pied tout à côté de la flamme, et là ne bougent plus, hypnotisés. Un soir, la femelle était dans la salle à manger, sur une table, en face de la fenêtre ouverte. Une lampe à pétrole, munie d'un large réflecteur en émail blane, brûlait, appendue au plafond. Des arri- vants, deux s’arrêtèrent sur le dôme de la cloche, très empressés auprès de la prisonnière ; sept autres, quelques salutations données en passant, allèrent à la lampe, tournoyèrent un peu; puis, fascinés par la gloire de lumière rayonnant du cône d’opale, ils se cam- pèrent, immobiles, sous le réflecteur. Déjà, les mains des enfants se levaient pour les saisir. « Laissez, dis-je, laissez; soyons hospita- liers. » De toute la soirée, nul des sept ne remua. Le lendemain, ils y étaient encore. L’ivresse de la lumière leur avait fait oublier l'ivresse des amours. Avec de tels passionnés pour l'éclat de la flamme, l’expérimenta- tion précise et prolongée est impraticable du moment que l'observa- teur a besoin d’un luminaire. Je renonce au grand Paon et à ses noces nocturnes, il me faut un Papillon de mœurs différentes, habile comme lui dans les prouesses du rendez-vous nuptial, mais opérant de jour. Ge papillon, l’aurai-je ? LE BOMBYX DU CHÊNE. 443 II LE BOMBYX DU CHÉNE. L’aurai-je, ce Papillon à noces diurnes, pèlerin accouru de loin ? Oui, je l’aurai; je l'ai même déjà. Mine éveillée non lavée tous les jours, pieds nus, culotte délabrée retenue avec une ficelle, un gar- connet de sept ans, habitué de la maison comme fournisseur de navets et de tomates, m'arrive un matin avec son panier de légumes. Après avoir reçu, comptés un à un dans le creux de la main, les quelques sous attendus de sa mère comme prix de l’hortolaille, il sort de sa poche un objet trouvé la veille le long d’une haïe en cher- chant de l'herbe pour les lapins. « Et ça, fait-il en me tendant l'affaire, et ça, le prenez-vous ? — Certes oui, je le prends. Tâche d’en trouver d’autres, le plus que tu pourras, et je te promets, le dimanche, de bonnes tournées sur les chevaux de bois. En attendant, mon ami, voici deux sous pour toi. Crainte de te tromper en rendant tes comptes, ne les mélange pas avec ceux des navets. Mets-les à part. » Épanoui de satisfaction devant telle richesse, mon petit mal peigné promet de bien chercher, entrevoyant déjà une fortune. Lui, parti, j’examine la chose; elle en vaut la peine. C’est un beau cocon, de forme obtuse, rappelant assez bien le produit de nos ma- gnaneries, de consistance ferme, de coloration fauve. De brefs ren- seignements glanés dans les livres m'affirment presque le Bombyx du chêne. Si c'était cela, quelle aubaiïine ! Je pourrais continuer mon étude, compléter peut-être ce que m'a fait entrevoir le grand Paon. Le Bombyx du chêne est, en effet, un Papillon classique. Il n’est pas de traité d’entomologie qui ne parle de ses exploits en temps de noces. Une mère, dit-on, vient d’éclore en captivité, à l’intérieur d’un appartement et même dans le secret d'une boîte. Elle est loin de la campagne, dans le tumulie d’une grande ville. L'événement est néanmoins divulgué aux intéressés, dans les bois et les pelouses. 444 J.-H. FABRE. Guidés par une boussole inconcevable, les mâles arrivent, accourus des champs lointains ; ils vont au coffret, l’ausculient, virent et revirent. Ces merveilles m’étaient connues par la lecture ; mais voir, de ses propres yeux voir et du même coup expérimenter un peu, c'est bien autre chose. Que me réserve mon acquisition de deux sous? En sor- tira-t-il le fameux Bombyx ? Appelons-le de son autre nom : le Winime à bande. Cette originale dénomination de Minime est motivée par le costume du mâle, robe monacale d’un roux modeste. Mais ici la bure est délicieux velours, avec bande transversale pâlie et petit point blanc oculé sur les ailes antérieures. Le Minime à bande n’est pas ici Papillon trivial, de capture pro- bable, si, en temps opportun, le désir nous vient de sortir avec un filet. Aulour du village, dans l’enclos de ma solitude en particulier, ilne m'est pas encore arrivé de le voir, après une vingtaine d'années de séjour. Je ne suis pas chasseur fervent, il est vrai ; l’Insecte mort des col- lections m'intéresse fort peu ; il me le faut vivant, dans l'exercice de ses aptitudes. Mais, à défaut du zèle du collectionneur, j'ai le regard attentif à tout ce qui anime les champs. Un Papillon si remarquable de taille et de costume ne m'aurait certes pas échappé, si je l'avais rencontré. Le petit chercheur, que j'avais si bien alléché avec la promesse des chevaux de bois, plus jamais ne fit seconde trouvaille. Pendant trois ans, j'ai mis en réquisition amis et voisins, les jeunes surtout, perspicaces gratteurs de broussailles ; j'ai gratté moi-même beaucoup sous les amas de feuilles mortes, j'ai inspecté les tas de pierrailles, j’ai visité les troncs caverneux. Peines inutiles : le pré- cieux cocon restait introuvable. C’est assez dire que le Minime à | bande est très rare autour de ma demeure. Le moment venu, on verra l'importance de ce détail. Comme je le soupçonnais, mon unique cocon appartenait bien au LE BOMBYX DU CHÊNE. 145 célèbre Papillon. Le 20 août, il en sort une femelle, corpulente et ventrue, costumée comme le mâle, mais à robe plus claire, tournant au nankin. Je l’établis sous cloche en toile métallique, au centre de mon cabinet, sur la grande table de laboratoire, encombrée de livres, bocaux, terrines, boîtes, éprouvettes et autres engins. On connaît les lieux, les mêmes que pour le grand Paon. Deux fenêtres, donnant sur le jardin, éclairent la pièce. L'une est fermée, l’autre est maintenue jour et nuit ouverte. C’est entre les deux, à la distance de 4 à 5 mètres, que le Papillon est établi dans la pé- nombre. Le reste de la journée et le lendemain se passent sans rien amener digne d'attention. Appendue par les griffes d'avant au treillis, du côté de la lumière, la prisonnière est immobile, inerte. Nulle agita- tion des ailes, nul frémissement des antennes. Ainsi faisait la femelle du grand Paon. La mère Bombyx se mürit, raffermit ses tendres chairs. Par un travail dont notre science n’a pas la moindre idée, elle élabore un appât qui lui amènera des visiteurs des quatre coins du ciel. Que se passe-t-il dans ce corps ventru ? Quelles transmutations s’y accom- plissent pour révolutionner après les alentours ? Connus, les arcanes du Papillon nous grandiraient d'un empan. Le iroisième jour, la mariée est prête. La fête éclate en son plein. J'étais dans le jardin, désespérant déjà du succès, tant les choses traînaient en longueur, lorsque, vers les 3 heures de l’après-midi, par un temps très chaud et un soleil radieux, j'aperçus une foule de Papillons tourbillonnant dans l’embrasure de la fenêtre ouverte. Ce sont les amoureux qui viennent faire visite. Les uns sortent de l'appartement, d’autres entrent, d’autres stationnent sur le mur, sy reposent comme harassés d’un long parcours. J'en entrevois qui viennent de loin, par-dessus les toits, par-dessus les rideaux de cyprès. Il en accourt de toutes les directions, mais de plus en plus rares. J'ai manqué le début de la convocation; et maintenant les invités sont à peu près au complet, 446 J.-H. FABRE. Allons là-haut. Gette fois, en plein jour, sans perdre un détail, je revois le spectacle étourdissant auquel m'a initié le gros Papillon nocturne. Dans le cabinet vole une nuée de mâles que j'évalue du regard à une soixantaine, autant qu'il est possible de se reconnaître dans cette mobile confusion. Après quelques circuits autour de la cloche, divers vont à la fenêtre ouverte, tout aussitôt reviennent, recommencent leurs évolutions. Les plus empressés se posent sur la cloche, se harcellent de la patte, se bousculent, cherchent à se supplanter aux bons endroits. De l’autre côté du grillage, la captive, sa grosse panse pendante contre le treillis, attend impassible. Pas un signe d'émoi de sa part devant la turbulente cohue. Sortant ou rentrant, assidus à la cloche ou voletant dans la salle, ils ont, pendant près de trois heures, continué leur sarabande effré- née. Mais le soleil baisse, la température fraîchit un peu. Se refroidit aussi l’ardeur des Papillons. Beaucoup sortent, ne rentrent plus. D’autres prennent position pour la séance de demain; ils se fixent sur les croisillons de la fenêtre fermée, ainsi que le faisaient les grands Paons. La fête est finie pour aujourd'hui. Elle reprendra cer- tainement demain, car elle est encore sans résultat à cause du grillage. Mais non, hélas! à ma grande confusion, elle ne reprendra pas, et par ma faute! Sur le tard, une Mante religieuse m'est apportée, méritant attention à cause de sa petite taille exceptionnelle. Préoc- cupé des événements de l’après-midi, distrait, j’entrepose à la hâte l’Insecte carnassier sous la cloche de mon Bombyx. L'idée ne me vient pas un instant que cette cohabitation puisse tourner à mal. La Mante est si fluelte et l’autre si corpulente ! Donc aucune appréhen- sion de ma part. Ah! que je connaissais mal encore la furie de carnage de la bêle à grappins! Le lendemain, amère surprise, je trouve la petite Mante dévorant le gros Papillon. La tête et le devant de la poitrine ont déjà disparu. LE BOMBYX DU CHÈNE. 447 Horrible bête, quel mauvais moment tu m'as valu ! Adieu mes recherches, caressées en imagination toute la nuit. De trois ans, faute de sujets, je ne pourrai les reprendre. Que la mauvaise fortune ne nous fasse pas oublier cependant le peu que nous venons d'apprendre! Pour une seule séance, soixante mâles environ sont venus. Considérons la rareté du Minime, remet- tons-nous en mémoire mes recherches personnelles et celles de mes auxiliaires prolongées inutilement des années entières, et ce nombre nous causera stupéfaction. L’introuvable est devenu subitement mul- titude avec l’appât d’une femelle. Or, d'où accouraient-ils ? De tous côtés et de fort loin, à n'en pas douter. Depuis si longtemps que je l’explore, mon voisinage m'est familier buisson par buisson, tas de pierre par tas de pierre, et je peux affirmer que le Bombyx du chêne ne s'y trouve pas. Pour assembler l’essaim de mon cabinet, il a fallu, de çà, de là, le con- cours de toute la banlieue, dans un rayon que je n'ose déter- miner. - Trois années se passent et la chance, tenacement sollicitée, me vaut enfin deux cocons de Minime. L'un et l’autre, à quelques jours d'intervalle, vers le milieu du mois d'août, me donnent une femelle, bonne fortune qui me permettra de répéter el de varier les épreuves. Je renouvelle rapidement les expérimentations où le grand Paon m'a fourni déjà réponse très affirmative. Le pèlerin de jour n'est pas moins habile que le pèlerin de nuit. Il déjoue toutes mes malices. Il accourt à la prisonnière sous cloche en treillis mécanique, quel que soit le point de l’habitation où l'appareil est installé ; il sait la découvrir dans la cachette d’un placard ; il la devine dans le secret d’une boîte quelconque, pourvu que la fermeture ne soit pas rigou- reuse. Il cesse de venir, dépourvu d'informations, si le coffret se trouve hermétiquement clos. Jusque-là, rien autre que la répétition des prouesses du grand Paon. Une boîte bien fermée, dont le contenu aérien n'a pas de commu- nication avec l'atmosphère extérieure, laisse le Minime dans la com- 448 J.-H. FABRE. plète ignorance de la recluse. Pas un n'arrive, même si la boîte est exposée en pleine évidence sur la fenêtre. Ainsi revient, plus pres- sante, l’idée d’effluves odorants, non transmissibles à travers une paroi de métal, de bois, de carton, n'importe. Interrogé sur ce point, le gros Papillon nocturne n'a pas élé trompé par la naphtaline, qui devait, à mon avis, masquer de sa puissante odeur des émanations extra-subtiles, insensibles pour toute olfaction humaine. L'épreuve est reprise avec le Minime. J'y pro- digue cette fois tout le luxe d’essences et de puanteurs que peuvent me permettre mes ressources en drogueries. Une dizaine de soucoupes sont disposées partie à l’intérieur de la cloche en toile métallique, prison de la femelle ; partie à l'extérieur, tout autour, en cercle continu. Les unes contiennent de la naphta- line ; d’autres, de l'essence de lavande aspic ; d’autres, du pétrole; d’autres, finalement, des sulfures alcalins à fumet d'œufs pourris. À moins d’asphyxier la prisonnière, je ne peux faire davantage. Ges dispositifs sont pris dans la matinée, afin que l'appartement soit à fond saturé quand viendra l'heure des convocations. L’après-midi, le cabinet est devenu odieuse officine où domi- nent le pénétrant arome de l’aspie et l'infection sulfhydrique. N'ou- blions pas que, dans cette pièce, il se fume et abondamment. L'usine à gaz, la tabagie, la parfumerie, la pétrolerie, la chimie puante, concertant leurs odeurs, parviendront-elles à dérouter le Minime ? Nullement. Sur les 3 heures, les Papillons arrivent, nombreux comme d'habitude. Ils vont à la cloche, que j'ai eu soin de recouvrir d'un linge épais pour augmenter la difficulté. Ne voyant rien une fois entrés, plongés dans une atmosphère étrange où tout fumet subtil devrait être annihilé, ils vont à l’enfermée et cherchent à la rejoindre en se glissant sous les plis du linge. Mes artifices n'ont aucun résultat. Après cet échec, si net, semble-t-il, dans ses conséquences et répétant ce que m'avaient appris le grand Paon et la naphtaline, je devais, en bonne logique, renoncer aux effluves odoranis comme LE BOMBYX DU CHÊNE. 449 guides des Papillons. Si je ne l’ai pas fait, j'en suis redevable à une observation fortuite. L’imprévu, le hasard nous vaut parfois de ces surprises qui nous lancent dans la voie du vrai, inutilement cherchée jusqu'alors. Un après-midi, m'informant si la vue a quelque rôle dans les recherches, une fois les Papillons entrés dans l’appartement, je loge la femelle sous une cloche de verre. L'appareil estidisposé sur une petite table, en face de la fenêtre ouverte. En entrant, les accourus ne peuvent manquer de voir la prisonnière, placée qu’elle est sur leur passage. La terrine avec couche de sable, où la femelle a passé la nuit pré- cédente et la matinée, sous le couvert d’une cloche en toile métal- lique, m’embarrasse. Je la dépose, sans préméditation aucune, à l’autre bout de la salle, sur le parquet, en un coin où ne pénètre qu'un demi-jour. Une dizaine de pas la sépare de la fenêtre. Ce qui advient de ces préparatifs me bouleverse les idées. Des arrivants, nul ne s’arrête à la cloche de verre, où la femelle est en évidence, dans le plein jour. ils passent indifférents. Pas un coup d'œil, pas une information. Ils volent tous là-bas, à l’autre bout de la pièce, dans le recoin obscur où j'ai entreposé la terrine et sa cloche. Ils prennent pied sur le dôme en treillis, longtemps l’explorent, battant des ailes et se gourmant un peu. Tout l'après-midi, jusqu'au déclin du soleil, c’est, autour du dôme désert, la sarabande que sus- citerait la réelle présence de la femelle. Enfin, ils partent, non tous. Il y a des obstinés qui ne veulent s’en aller, cloués là par une attrac- tion magique. Ils y passent la nuit. Étrange résultat vraiment : mes Papillons accourent où il n'y a rien, y stationnent non dissuadés par les avis répétés de la vue: ils passent sans le moindre arrêt à côté de la cloche en verre, où la femelle ne peut manquer d’être aperçue par l’un ou l’autre des al- lants et des venants. Affolés par un leurre, ils n’accordent attention au réel. ARCH. DE ZOOL. :XP, ET GEN, — 3€ SÉRIE, — T. VI. 1898, 29 490 J.-H. FABRE. De quoi sont-ils dupes? Toute la nuit précédente et toule la ma- tinée, la femelle a séjourné sous la cloche en toile métallique, tantôt ‘appendue au treillis, tantôt et plus souvent étendue à plat sur le sable de la terrine. Ce qu’elle a touché, surtout de son gros ventre apparemment, s’est imprégné, à la suite d’un long contact, de cer- taines émanations. Voilà son appât, son philtre amoureux; voilà ce qui révolutionne le monde des Minimes. Le sable quelque temps le garde et le diffuse à la ronde. C’est donc l’odorat qui guide les Papillons, les avertit à distance. Subjugués par l’olfaction, ils ne tiennent compte des renseignemenis de la vue: ils passent outre devant la prison de verre où la belle est maintenant captive ; ils vont au treillis, au sable où se sont épanchées les burettes magiques; ils accourent au désert où plus rien ne reste de la magicienne que le témoignage odorant de son séjour. L'irrésistible philtre demande un certain temps pour être élaboré. Je me le représente comme une exhalaison qui petit à petit se dé- gage et sature les objets en contact avec l’immobile ventrue. Si la cloche de verre repose en plein sur la table ou mieux sur un Carreau de vitre, la communication entre l'intérieur et l'extérieur est insuffi- sante, et les mâles, ne percevant rien par l'odorat, n’arrivent pas, Si longtemps que se prolonge l'épreuve. Actuellement, je ne peux invoquer ce défaut de transmissibilité à travers un écran, Car si j'établis une large communication, si Je sOu- tiens la cloche de verre à distance du support au moyen de trois cales, les Papillons n'arrivent pas fout d’abord, quoique nombreux, dans l'appartement. Mais attendons une demi-heure, plus ou moins, l’alambic aux essences féminines travaille, et l’affluence des visiteurs se fait comme à l'ordinaire. En possession de ces données, éclaircie inattendue, il m'est loisible de varier les épreuves, toutes concluantes dans le même sens. Le matin, j'établis la femelle sous une cloche en treillis métallique. Son reposoir est un petit rameau de chêne feuillé et sec. Là, immo- bile, comme morte, elle stalionne de longues heures, ensevelie dans LE BOMBYX DU CHÊNE. 4)1 le paquet de feuillage, qui doit s’imprégner de ses émanations. Quand s'approche le moment des visites, je retirele rameau, saturé à point, et le dépose sur une chaise, non loin de la fenêtre ouverte. D'autre part, je laisse la femelle sous sa cloche, bien en évidence sur la table, au milieu de l’appartement. Les Papillons arrivent. Ils entrent, sortent, rentrent, montent, descendent, vont et viennent, toujours au voisinage de la fenêtre, non loin de laquelle est la chaise avec son rameau de chêne. Aucun ne se dirige vers la grande table, où, quelques pas plus avant dans la pièce, la femelle les attend sous le dôme en treillis. Ils hésitent, cela se voit clairement : ils cherchent. Enfin, ils trouvent. Et que trouvent-ils ? Juste le rameau qui toute la matinée a servi de lit à la matrone pansue. Les ailes en rapide agitation, ils prennent pied sur le feuillage ; ils l’explorent dessus et dessous, le sondent, le soulèvent, le déplacent, tant qu’à la fin le léger fagot tombe sur le parquet. Les sondages entre les feuilles ne continuent pas moins. Sous le choc des ailes et les coups de griffeties, maintenant le paquet court à terre, semblable au chiffon de papier qu'un jeune chat fouette de la patte. Tandis que le ramuscule s’éloigne poussé par ses investigateurs, deux nouveaux arrivants surviennent. Sur leur passage est la chaise, quelque temps support de la brindille feuillée. Ils s’y arrêtent et ardemment cherchent au point même que tantôt recouvrait le rameau. | Cependant, pour les uns et pour les autres, l’objet réel de leurs désirs est là, tout près, sous un treillis que j'ai négligé de voiler. Nul n’y prend garde. Sur le parquet, on continue de bousculer la cou- chette où la femelle gisait le matin ; sur la chaïse, on continue d’aus- culter le point où cette literie était d’abord entreposée. Le soleil baisse, l’heure de la retraite vient. D'ailleurs, les effluves se dissipent. Sans plus, les visiteurs s’ent vont. A demain. Les épreuves suivantes m'apprennent que toute matière, n'im- 452 J.-H. FABRE. porte laquelle, peut remplacer le rameau feuillé. Quelque temps à l'avance, je pose la femelle sur une couchette, tantôt de drap ou de flanelle, tantôt de ouate ou de papier. Je lui impose même la dureté d’un lit de camp, en bois, en verre, en marbre, en métal. Tous ces objets, après un contact de quelque durée, ont, sur Îles mâles, la même puissance attractive que la mère Minime elle-même. Ils conservent cette propriété les uns plus longtemps, les autres moins, suivant leur nature. Les meilleurs sont la ouate, la flanelle, la poussière, le sable, enfin les objets poreux. Les métaux, le marbre, le verre, au contraire, perdent vite leur efficacité. Enfin, toute chose sur laquelle la femelle a reposé, communique ailleurs par contact ses vertus attractives. C’est ainsi que les Papillons accouraient à la paille de la chaise après la chute du rameau de chêne. Servons-nous de l’un des meilleurs lits, de la flanelle, par exemple, et nous verrons curieuse chose. Au fond d'une longue éprouvette ou bien d'un bocal à étroit goulot, juste suffisant pour le passage du Papillon, je mets un morceau de flanelle, reposoir de la femelle toute la matinée. Les visiteurs entrent dans ces ustensiles, s’y débattent, ne savent plus sortir. Je leur ai créé une souricière où je pourrais les décimer. | Délivrons les malheureux et retirons le morceau d'étoffe que nous enfermerons dans le secret absolu d’une boïte bien close. Les étour- dis reviennent à l’éprouvette, replongent dans le traquenard. Îls sont attirés par les effluves que la flanelle imprégnée a communiqués au verre. La conviction est faite. Pour convier aux noces les Papillons des alentours, les avertir à distance et les diriger, la nubile émet une senteur d'extrême subtilité, absolument insaisissable par notre olfac- tion. Les narines sur la mère Minime, nul de mon entourage ne perçoit la moindre odeur, même les plus jeunes, à sensibilité non encore émoussée. De cette quintessence aisément s'imprègne tout objet où quelque temps la femelle repose, et cet objet devient dès lors, à lui seul, tant LE BOMBYX DU CHÊNE. 453 que ses effluves ne se sont dissipés, un centre d'attraction aussi actif que la mère elle-même. Rien de visible ne révèle l’appât. Sur le papier, couchette ré- cente autour de laquelle s’empressent les visiteurs, nulle trace appré- ciable, nulle mouillure ; la surface est nette, tout aussi bien qu'avant l’imprégnation. Le produit est d'élaboration lente et doit s’accumuler un peu avant qu'il agisse dans sa pleine puissance. Enlevée de son repo- soir et placée ailleurs, la femelle perd momentanément ses attraits et devient indifférente. C’est au reposoir, saturé par un long con- tact, que les arrivants se portent. Mais les batteries se remontent et l’abandonnée reprend son pouvoir. L'apparition du flux avertisseur est plus ou moins tardive, suivant l'espèce. La récente éclose a besoin de se mürir quelque temps et de disposer ses alambics. Née dans la matinée, la femelle du grand Paon a des visiteurs parfois le soir même, plus souvent le lendemain, après une quarantaine d'heures de préparatifs. Celle du Minime diffère davantage les convocations ; ses bans de mariage ne sont publiés qu'après deux ou trois jours d’attente. Revenons un moment sur le rôle problématique des antennes. Le mâle Minime en a de somptueuses, pareilles à celles du grand Paon, son émule en expéditions matrimoniales. Convient-il de voir bous- sole directrice dans la pile de leurs feuillets ? Je recommence, sans trop y insister, mes amputations d'autrefois. Aucun des opérés ne revient. Gardons-nous de conclure. Le grand Paon nous a dit à quels motifs, autrement sérieux que des cornes tronquées, se rapporte le défaut de retour. D'ailleurs, un second Minime, le Bombyx du trèfle, très voisin du premier et comme lui superbement empanaché, nous soumet ques- tion très embarrassante. Il est fréquent autour de ma demeure; jusque dans mon enclos, je trouve son cocon, si facile à confondre avec celui du Bombyx du chêne. _ Je suis tout d’abord dupe de la ressemblance. De six cocons d'où 454 J.-H. FABRE. j'attendais le Minime à bande, il m'éclôt, sur la fin d'août, six fe- melles de l’autre espèce. Eh bien, autour de ces six mères, nées chez moi, jamais un mâle n'apparaît, bien que les empanachés soient présents, à n’en pas douter, dans le voisinage. Gi les antennes amples et plumeuses sont vraiment des appareils d'information à distance, pourquoi mes voisins somptueusement empanachés ne sont-ils pas prévenus de ce qui se passe dans mon cabinet ? Pourquoi leurs beaux plumets les laissent-ils froids à des événements qui feraient accourir en foule l’autre Minime ? Appa- remment parce que l’un est doué et l’autre ne l’est pas, malgré la parité organique. Si l'appareil récepteur de l'impression reste douteux, il est du moins établi que le guide du Bombyx et du grand Paon appartient à la catégorie de ce que nous appelons odeur. Creusons plus avant la question ; la chose en vaut la peine. En physique, il n’est bruit aujourd hui que des rayons de Rœnt- gen, qui traversent les corps opaques et nous photographient l'in- visible. Belle trouvaille en vérité, mais combien humble en face des étonnements que l’avenir nous réserve lorsque, mieux instruits du comment et du pourquoi des choses et suppléant par notre art à la faiblesse de nos sens, nous pourrons rivaliser quelque peu avec l’acuité sensorielle de la bête. Qu’elle est enviable, en bien des cas, cette supériorité de l’animal! Elle nous dit la pénurie de nos renseignements ; elle nous aflirme très médiocre notre outillage impressionnable ; elle nous certifie des sensations étrangères à notre nature ; elle proclame des réalités qui nous tourneboulent l’entendement, tant elles sont en dehors de nos attributs. Qui n’a pas vu le Chien cherchant la truffe ignore une des plus belles prouesses de sens olfactif. Absorbé dans ses fonctions, l’animal va, le nez au vent, le pas modéré. Il s'arrête, interroge le sol d'un coup de narines, et, sans insister, gratte un peu de la patte. «Ça y est, maître, semble-t-il dire du regard ; ça y est. Foi de chien, la LE BOMBYX DU CHÈNE, 455 truffe est là. » Elle y est, en effet; nez de chien ne peut mentir. A diverses reprises, j'ai eu la bonne fortune d'accompagner un Chien des mieux experts en ce genre de métier. Certes, il ne payait pas de mine l'artiste que je désirais tant voir travailler : chien quel- conque, placide et réfléchi, disgracieux, mal peigné, ron admissible aux intimités du coin du feu. Talent et misère fréquemment vont de pair. Son maître, célèbre rabassier! du village, convaincu que mon dessein n'était pas de lui dérober ses secrets et de lui faire un jour concurrence, m’admit en sa compagnie, gracieuseté non prodiguée. Du moment que je n'étais pas un apprenti, mais un simple curieux qui dessinait et mettait par écrit les choses végétales souterraines, au lieu d'apporter à la ville mon sachet de trouvailles, gloire de la dinde aux fêtes de la Noël, l'excellent homme se prêta de son mieux à mes vues. Ii fut convenu entre nous que le Chien agirait à sa guise, avec la récompense obligatoire après chaque découverte, n importe laquelle, un croûton de pain gros comme l’ongle. En tout point gratté de la patte, il serait fouillé, et l’objet indiqué serait extrait sans préoccu- pation de sa valeur marchande. Dans aucun cas, l'expérience du maître ne devait intervenir pour détourner la bête d’un point où la pratique des choses n'indiquait rien de commercial, car aux morceaux de choix, accueillis bien en- tendu quand ils se présentaient, mon relevé botanique préférait les misérables productions non admises au marché. Ainsi conduite, l’herborisation souterraine fut très fructueuse. De son nez perspicace, le chien me fit indifféremment récolter le gros et le menu, le frais et le pourri, l’inodore et l’odorant, le parfumé et l'infect. J'étais émerveillé de ma collection, comprenant la majeure partie des champignons hypogés de mon voisinage. Quelle variété de structure et surtout de fumet, qualité primor- 1 Rabasso est le nom provençal de la truffe, d’où le terme de rabassier pour dési- gner un chercheur de truffes. 496 J.-H. FABRE. diale en cette question de flair ! Il y en a sans rien autre d’appré- ciable qu’un vague relent fungique, qui partout se retrouve plus ou moins net. Il y en a qui sentent la rave, le chou pourri ; il y en ade fétides, capables d’apuantir l'habitation du collectionneur. Seule, la vraie truffe possède l’arome cher aux gourmets. Comment fait l’ani- mal pour se reconnaître au milieu de ces disparates ? Je revins de l’école du Chien avec la persuasion que le nez dénon- ciateur de la truffe a pour guide mieux que l'odeur, telle que nous la concevons d’après nos aptitudes olfactives. Pourquoi le domaine de l’odorat n’aurait-il pas ses émanations clandestines, inconnues de notre sensibilité et perceptibles avec une olfaction différente ? Pour découvrir la tubéracée dont se nourrit leur famille de larves, divers Insectes possèdent un flair comparable à celui du Chien. De truffes extraites de terre gâtées, peuplées de vermine et mises en cet état dans un bocal avec couche de sable frais, J'ai obtenu d’abord un petit Coléoptère roux (Anisotoma cinnamomea Panz); puis divers Diptères, parmi lesquels un Sapromyze qui, par son mol essor, sa débile tournure, rappelle la Scatophaga scybalaria, la Mouche à ve- lours fauve, hôte paisible de l’excrément humain dans l’arrière- saison. Celle-ci trouve sa truffe à la surface du sol, au pied d’un mur ou d’une haie, refuge habituel dans la campagne ; mais l’autre, com- ment sait-elle en quel point, sous terre, est la sienne ou plutôt celle de ses vers? Pénétrer là-dedans, se mettre en recherche dans les profondeurs, lui est interdit. Ses frêles pattes, que fausserait un grain de sable à remuer ; ses ailes, d'envergure encombrante dans un dé- filé ; son costume hérissé de soies, contraires à la douce glissade, tout s’y oppose. La Sapromyze doit déposer ses œufs à la surface même du sol, mais au lieu précis qui recouvre la truffe, car les vermisseaux péri- raient s'ils devaient errer à l’aventure jusqu'à la rencontre de leur provende, toujours clair-semée. La Mouche rabassière est donc informée par l'olfaction des points LE BOMBYX DU CHÊNE. 457 favorables à ses desseins maternels ; elle a le flair du Chien chercheur de truffes, et mieux encore sans doute, car elle sait de nature, n’ayant rien appris, et son rival n’a reçu qu’une éducation artificielle. Suivre la Sapromyze en campagne ne manquerait pas d’intérèt. Tel projet me paraît peu réalisable. L’'Insecte est rare, prestement s’envole, se dérobe à la vue. L’observer de près, le suivre en ses re- cherches demanderait grande perte de temps et une assiduité dont je ne me sens pas capable. Un autre découvreur de champignons hypogés nous dédommagera de ce que le Diptère très difficilement nous montrerait. C’est un gentil Scarabée noir, à ventre pâle et velouté, tout rond, gros comme un fort noyau de cerise. La nomenclature officielle le nomme Bolboceras gallicus Muls. Il est fréquent en certains points sablonneux des collines Sérignanaises. Par la friction du bout du ventre contre le bord des élytres, il fait entendre un doux pépie- ment, pareil à celui des oisillons lorsque la mère arrive au nid avec la becquée. Le mâle a sur la tête une gracieuse corne, imitée, en petit, de celle du Copris espagnol. Dupé par cette armure, j'ai d’abord pris l’Insecte pour un membre de la corporation des bousiers, et je l’ai élevé comme tel en volière. Je lui ai servi les friandises stercorales les mieux appréciées de ses prétendus confrères. Jamais, au grand jamais, il n’a voulu y toucher. Fi donc! de la bouse, à lui! Et pour qui le prend-on? C’est bien autre chose que demande le gourmet ! Il lui faut, non précisément la vraie truffe, mais à peu près son équivalent. Ce trait de mœurs ne m'a été connu qu'après de patientes investi- gations. Le terrier du Bolbocère est presque toujours ouvert et sim- plement entouré d’un bourrelet de sable. Sa profondeur est mé- diocre, un pan, ou guère plus. Il descend d’aplomb dans un sol très meuble. Aussi est-il aisé d’en faire l’inspection, si l’on à soin de pra- tiquer d’abord en avant une tranchée, qui permet après d'abattre la paroi verticale, tranche par tranche, avec la lame d’un couteau. Le 458 J.-H, FABRE. terrier apparaît alors dans toute son étendue, de l'embouchure au fond, sous forme d’un demi-canal. Souvent, la demeure violée ne renferme rien. L'Insecte en est parti de nuit. Ayant terminé là ses affaires, il est allé s'établir ailleurs, C’est un nomade, un noctambule, qui, sans regret, quitte son domicile et à peu de frais en acquiert un second. Souvent aussi, au fond du puits, se rencontre l’Insecte, tantôt un mâle, tantôt une femelle, et toujours isolé. Les deux sexes, égale- ment zélés au forage des terriers, travaillent à part, ne collaborent pas. Ce n’est pas ici, en elfet, logis familial, nourricerie de jeunes ; c’est manoir temporaire, creusé de chacun pour son propre bien-être. Parfois rien autre ne s’y trouve que le puisatier, surpris dans son travail d'excavation ; parfois, enfin — et le cas n’est pas rare — l’er- mite de la crypte enlace de ses pattes un petit champignon hypogé, entier ou entamé. Convulsivement il le serre, ne veut s'en séparer. C’est son butin, son avoir, sa fortune. Des mieltes éparpillées déno- tent que nous l'avons surpris festoyant. Enlevons-lui sa pièce. Nous reconnaîtrons une sorte de bourse irrégulière, anfractueuse, close de partout, variant de la grosseur d’un pois à celle d’une cerise. L’extérieur en est roussätre, chagriné de fines verrues : l’intérieur en est lisse et blanc. Les spores, ovoïdes et diaphanes, sont contenues, en rangées de huit, dans de longs sa- chets. À ces caractères se reconnaît une production cryptogamique souterraine, voisine des truffes et dénommée par les botanistes Hydnocystis arenaria Tul. | Le jour se fait sur les mœurs du Bolbocère et sur la cause de ses terriers, si fréquemment renouvelés. Dans le calme äu crépuscule, le trotte-menu se met en campagne, pépie doucement, s'encourage de sa chanson. Il explore le sol, l’interroge sur son contenu, exactement comme le Chien à la recherche de la truffe. L’olfaction l’avertit que le morceau désiré est là-dessous, recouvert de quelques pouces de sable. Certain du point précis où git la chose, il creuse tout droit, LE BOMBYX DU CHÈNE. 459 d'aplomb et l’atteint infailliblement. Tant que les vivres durent, il ne sort plus. Béatement il consomme au fond du puits, insoucieux de l’orifice ouvert ou à peine obstrué. Lorsque plus rien ne reste, il déménage, en quête d’une autre miche, qui sera l’occasion d’un nouveau terrier, abandonné à son tour. Autant de champignons consommés, autant de demeures, sim- ples stations à repas. Ainsi se passent, en liesses de table, d’un domi- cile à l’autre, l’automne et le printemps, saisons de l’hydnocyste. Pour étudier de près, chez moi, l’Insecte rabassrer, il me faudrait petite provision de son mets favori. Le chercher moi-même, en fouil- lant au hasard, serait peine perdue : le petit cryptogame n'est pas si fréquent que je puisse me flatter de le rencontrer sous ma hou- lette, si je n'ai pas un guide. Le chercheur de truffes a besoin de son Chien; mon indicateur sera le Bolbocère. Me voilà rabassier d’un nouveau genre. Je livre mon secret, quitte à faire sourire mon initiateur aux herborisations souterraines, si jamais il apprend ma singulière concurrence. C’est en des points restreints, assez souvent par groupes, que vien- nent les champignons hypogés. Or, l’Insecte a passé là ; de son flair, il a reconnu l’emplacement bon, car les terriers y sont nombreux. Donc fouillons au voisinage des trous. L’indication est exacte. En quelques heures, grâce aux pistes des Bolbocères, je suis possesseur d’une poignée d'hydnocystes. C'est la première fois que je récolte ce champignon. Capturons maintenant l’Insecte, ce qui ne présente aucune difficulté. Il n’y a qu’à fouiller les terriers. Le soir même, j expérimente. Une ample terrine est remplie de sable frais, passé au tamis. A l’aide d’une baguette de la grosseur du doigt, je pratique dans le sable six puits verticaux, de 2 décimètres de profondeur et convenablement espacés. Un hydnocyste est plongé au fond de chacun d’eux ; une fine paille le surmonte pour m’indi- quer plus tard l'emplacement précis. Enfin, les six cavités sont com- blées avec du sable tassé. Sur cette surface bien égalisée, partout la même, abstraction faite 460 J.-H. FABRE. des six pailles, repères de valeur nulle pour l’Insecte, je lâche mes Bolbocères, maintenus captifs sous une cloche en toile métallique. Ils sont huit. D'abord, rien autre que l’émoi inévitable après les événements de l’exhumation, du transport et du parcage en lieux inconnus. Mes dépaysés cherchent à fuir, escaladent le treillis, se terrent tout au bord de l’enceinte. La nuit vient et le calme se fait. Deux heures plus tard, je les visite une dernière fois. Trois sont toujours terrés sous un mince rideau de sable. Les cinq autres ont creusé chacun un puits vertical, au pied même des pailles qui m'indiquent la place des champignons enfouis. Le lendemain, la sixième paille a son puits comme les autres. C’est le moment de voir ce qui se passe là-bas. Le sable est métho- diquement enlevé par tranches verticales. Au fond de chacun des terriers est un Bolbocère en train de manger sa truffe, l’hydnocyste. Répétons l'épreuve. Même résultat. En une brève séance nocturne, la friandise est devinée sous terre, à 2 décimètres de profondeur ; elle est atteinte au moyen d’une galerie qui descend d’aplomb au point où gît la pièce. Nulle hésitation, nulle fouille d’essai, dirigée par à peu près. Ainsi l’affirme la surface du sol, partout telle que je l'avais laissée en l’égalisant. Dirigé par la vue, l'Insecte n'irait pas plus droit à l'objet convoité ; il fouille toujours au pied des pailles, mes repères. Dans ses recherches à coups de narines, le Chien flai- rant la truffe atteint à peine ce degré de précision. L'hydnocyste possède-t-il donc odeur vive, qui puisse donner avis si formel au flair de son consommateur? Nullement. Pour notre odorat, c’est chose neutre, dépourvue de tout caractère olfactive- ment appréciable. Un menu caillou, extrait du sol, nous impression- nerait tout autant avec sa vague senteur de terre fraiche. Comme révélateur des produits fungiques souterrains, le Bolbo- cère est ici le rival du Chien. Il lui serait même supérieur, s’il géné- ralisait. Mais c’est un spécialiste étroit ; il ne connaît que l’hydno- cyste. Rien autre, que je sache, ne lui agrée, ne l’invite à fouiller. LE BOMBYX DU CHÈNE. 461 L'un et l’autre serutent le sous-sol de très près, à fleur de terre ; l'objet cherché est à médiocre profondeur. Avec quelque peu d’éloi- ognement, ni le Chien ni l'Insecte ne percevraient des odeurs aussi faibles, pas même le fumet de la truffe. Pour impressionner à de grandes distances sont nécessaires des senteurs fortes, capables d’être perçues même de notre grossière olfaction. Alors de tous côtés accourent, venus de loin, les exploiteurs de la chose odorante. Si mes études ont besoin de disséqueurs de cadavres, j'expose une Taupe morte au soleil, en un coin reculé de l’enclos. Dès que la bête se ballonne, gonflée par les gaz de la putréfaction, et que la four- rure commence à se détacher de la peau verdie, surviennent en nombre Silphes et Dermestes, Escarbots et Nécrophores, dont on ne trouverait pas un seul dans le voisinage sans l'intervention de pareil appât. Ils ont été avertis par l’olfaction, bien loin à la ronde, lorsque moi- même je suis à l’abri de la puanteur en me reculant de quelques pas. En comparaison de leur odorat, le mien est misère ; mais, enfin, pour moi comme pour eux, il y a réellement ici ce que notre lan- sage appelle odeur. J'obtiens mieux encore avec la fleur de l’Arum serpentaire (Arum dracunculus), si étrange par sa forme et son incomparable infection. Figurons-nous une ample lame lancéolée, d'un pourpre vineux, longue d’une coudée, qui inférieurement se contracte en une bourse ovoïde de la grosseur d’un œuf de poule. Par l'orifice de celte sa- coche s'élève du fond une colonne centrale, longue massue d’un vert livide, entourée à la base de deux bracelets, le premier d'ovaires, le second d’étamines. Telle est sommairement la fleur ou plutôt l’inflorescence de l’Arum serpentaire. Durant une paire de jours, il s’en exhale une épouvantable odeur de charogne, comme n’en donnerait pas le voisinage de quelque Ghien pourri. Au gros de la chaleur et sous le vent, c'est odieux, intolé- rable. Bravons l’atmosphère apuantie, approchons-nous et nous ver- rons curieux spectacle. 462 J.-H. FABRE. Avertis par l'infection, qui au loin se propage, accourent au vol divers Insectes, charcutiers de petits cadavres, Crapauds, Couleuvres et Lézards, Hérissons, Taupes et Mulots, que le paysan rencontre sous sa bêche et rejette éventrés sur le sentier. Ils s’abattent sur la grande feuille qui, teintée de pourpre livide, produit l’effet d’un lambeau de chair faisandée ; ils trépignent, grisés par la senteur cadavérique, leur délice ; ils roulent sur la déclivité et s’engouffrent dans la bourse. En quelques heures d’un soleil vif, le récipient est plein. Regardons là-dedans par l’étroite embouchure. Nulle part ailleurs ne se verrait telle cohue. C’est une délirante mêlée d’échines et de ventres, d'élytres et de pattes, qui grouille, roule sur elle-même avec des grincements d’articulations accrochées, se soulève et s’affaisse, remonte et replonge, mise en branle par un continuel remous. C'est une bacchanale, un accès général de delirium tremens. Quelques-uns, rares encore, émergent de la masse. Par le mât cen- tral ou la paroi de l’enceinte, ils grimpent au goulot. Vont-ils prendre l'essor et fuir? Point. Sur le seuil du gouffre, presque libres, ils se laissent choir dans le tourbillon, ressaisis d'ivresse. L'appât est irrésistible. Nul n’abandonnera l'assemblée que le soir, ou même le lendemain, lorsque se seront dissipées les fumées ca- piteuses. Alors les emmêlés se dégagent de leurs mutuelles étreintes, et len- tement, comme à regret, quittent les lieux, s’envolent. Au fond de la diabolique bourse reste un amas de morts et de mourants, de pattes arrachées et d’élytres disjointes, suites inévitables de la frénétique orgie. Bientôt vont venir Cloportes, Forficules et Fourmis, qui feront curée des trépassés. | Que faisaient-ils là? Étaient-ils prisonniers de la fleur, .convertie en un traquenard qui permet l'entrée et empêche la sortie au moyen d’une palissade de cils convergents? Non, ils n'étaient pas prison- niers ; ilsavaient touteliberté de s’en aller, comme letémoigne l'exode final, qui se fait sans entrave aucune. LE BOMBYX DU CHÈNE. 403 Dupes d’une senteur fallacieuse, travaillaient-ils à l’établissement des œufs comme ils l’auraient fait sous le couvert d’un cadavre ? Pas davantage. Dans la bourse du serpentaire nulle trace de ponte. Ils étaient venus, convoqués par un fumet de bête crevée, leur suprême délice ; la griserie cadavérique les avait saisis, et ils tournoyaient affolés en un festival de croque-morts. Au plus fort de la bacchanale, je veux me rendre compte du nombre des accourus. J'éventre la sacoche florale et je transvase son contenu dans un flacon. Tout ivres qu’ils sont, beaucoup m'é- chapperaient pendant le recensement, que je désire exact. Quelques gouttes de sulfure de carbone immobilisent la cohue. Le dénombre- ment me donne 406 sujets pour une seule fleur inventoriée. Deux genres à eux seuls composent le total, le genre Dermeste et le genre Saprin. Les espèces dominantes sont le Dermestes Frischii Kugel., au nombre de 1920, et le Saprinus subnitidus de Mars, au nombre de 160. Mon ami Bull, de son vivant honnête Chien s'il en fût, entre bien d’autres travers avait celui-ci : rencontrant dans la poudre des che- mins une aride relique de taupe, aplatie sous le talon des passants, momifiée par les coups de soleil, il y glissait délicieusement du bout du nez à la queue ; il s’y frottait, s’y refrottait sur un flanc, puis sur l’autre, secoué de spasmes nerveux. C'était son sachet de muse, son flacon d’eau de Cologne. Parfumé à son gré, il se relevait, se secouait, et le voilà parti, tout heureux de son cosmétique. N’en mé- disons pas et surtout n’en discutons pas. Tous les goûts sont de ce monde. Pourquoi, parmi les Insectes amateurs de l’arome des morts, cer- tains n’auraient-ils pas semblables usages ? Dermestes et Saprins viennent au serpentaire ; l’entière journée ils y grouillent, quoique libres de s’en aller; de nombreux y périssent dans le tumulte de l’orgie. Ce qui les retient, ce n’est pas grasse provende, car la fleur ne leur fournit rien à manger; ce n’est pas affaire de ponte, car ils se gardent d'établir leurs vers en ce lieu de famine. Que font-ils donc 464 J.-H. FABRE. là ces frénétiques ? Apparemment ils s’y grisent de fétidité comme le faisait Bull sur la carcasse d’une Taupe. - Et cette griserie de l’odorat les attire de tous les environs, de bien loin peut-être, on ne sait au juste. De même les Nécrophores, en quête d’un établissement de famille, accourent de la campagne à mes pourrissoirs. Les uns et les autres sont informés par un fumet puissant, qui nous offense nous-mêmes à des cent pas, plonge avant et les délecte à des distances où cesse le pouvoir de notre olfaction. L'hydnocyste, régal du Bolbocère, n’a rien de ces brutales émana- tions, capables de se diffuser dans l’espace; il est inodore, du moins pour nous. L'insecte qui le cherche n’arrive pas de loin ; il habite les lieux mêmes où gît la cryptogame. Si faibles que soient les effluves du morceau souterrain, le gourmet investigateur, outillé en consé- quence, a toute facilité de les percevoir; il opère de très près, au ras du sol. Le chien est dans le même cas ; il va scrutant le nez à terre Et puis la vraie truffe, pièce essentielle des recherches, possède un arome des mieux prononcés. Mais que dire du grand Paon et du Minime à bande venant à la femelle éclose en captivité ? Ils accourent des confins de l'horizon. Que perçoivent-ils à cette distance? Est-ce vraiment une odeur comme l'entend notre physiologie? Je ne peux me résoudre à le croire. Le Chien sent la truffe en reniflant à terre, tout près du tubercule; il retrouve son maître à de grandes distances en interrogeant du flair les pistes laissées. Mais à des cent pas, à des kilomètres d’éloigne- ment, la truffe lui est-elle révélée ; en complète absence de piste, le maître est-il rejoint ? Non, certes. Avec toute sa subtilité d'odorat, le Chien est incapable de pareille prouesse, réalisée cependant par le Papillon, que ne troublent ni la distance ni le défaut de traces lais- sées dehors par la femelle éclose sur ma table. Il est admis que l’odeur, la vulgaire odeur, celle qui affecte notre olfaction, consiste en molécules émanées du corps odorant, La ma- LE BOMBYX DU CHÈNE. 465 tière odorante se dissout dans l'air et s’y diffuse en lui communi- quant son arome, de même que le sucre se dissout et se diffuse dans l’eau en lui communiquant sa douceur. Odeur et saveur se palpent en quelque sorte; de part et d'autre, il y a contact entre les par- ticules matérielles impressionnantes et les papilles sensibles im- pressionnées. Que l’Arum serpentaire élabore une violente essence dont l'air simprègne et s’apuantit à la ronde, jusque-là rien de plus simple, de plus lucide. Ainsi sont renseignés, par la diffusion moléculaire, les Dermestes et les Saprins, passionnés de senteurs cadavériques. De même du Crapaud faisandé se dégagent et se disséminent au loin les atomes infects, joie du Nécrophore. Mais, de la femelle Bombyx ou grand Paon, que se dégage-t-il matériellement? Rien d’après notre odorat, rien dont notre vue puisse reconnaître l'origine. Et ce rien, lorsque les mâles accourent, devrait saturer de ses molécules un orbe immense, de quelques kilomètres de rayon! Ge que ne peut faire l’atroce puanteur du ser- pentaire, l'inodore maintenant le ferait! Si divisible que soit la ma- tière, l'esprit se refuse à telles conclusions. Ce serait rougir un Jac avec un grain de carmin, combler l'immense avec zéro. Autre raison. Dans mon cabinet, saturé au préalable d’odeurs puissantes, qui devraient dominer, annihiler des effluves délicats entre tous, les Papillons mâles arrivent sans le moindre indice de trouble, Un son intense étouffe la faible note, l'empêche d’être entendue ; une vive lumière éclipse la faible luminosité. Ce sont ondes de même nature. Mais le fracas du tonnerre ne peut faire pâlir le moindre jet lumineux; comme aussi la gloire éblouissante du soleil ne peut étouffer le moindre son. De nature différente, lumière et son ne s’in- fluencent pas. L'expérience avec l'aspic, la naphtaline et autres semblerait donc dire que l’odeur reconnaît deux genèses. A l'émission substi- luons l’ondulation et le problème du grand Paon s'explique. Sans ARC, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. = 30 SÉRIE. — T. VI, 1998. 30 466 J.-H. FABRE. rien perdre de sa substance, un point lumineux ébranle l’éther de ses vibrations et remplit de lueur un orbe d’ampleur indéfinie. À peu près ainsi doit fonctionner le flux avertisseur de la mère Bombyx. Il n’émet pas des molécules ; il vibre, il ébranle des ondes capables de se propager à des distances incompatibles avec une réelle diffusion de la matière. | En son ensemble, l’olfaction aurait ainsi deux domaines : celui des particules dissoutes dans l'air et celui des ondes éthérées. Le pre- mier seul nous est connu. Il appartient également à l’Insecte. C'est lui qui renseigne Le Saprin sur les fétidités du serpentaire et le Né- crophore sur les puanteurs de la Taupe. Le second, bien supérieur en portée dans l'espace, nous échappe complètement, faute de l’outillage sensoriel nécessaire. Le grand Paon et le Minime le connaissent au moment des fêtes nuptiales. Bien d’autres doivent y participer à des degrés divers, suivant les exigences de leur genre de vie. Le monde des sensations est bien plus vaste que ne le disent les bornes de notre impressionnabilité. Faute d'organes assez sublils, que de faits nous échappent dans le jeu des forces naturelles! L'in- connu, champ inépuisable où s’exercera l'avenir, nous réserve des moissons auprès desquelles l'actuel connu est mesquine récolte. Sous la faucille de la science tomberont un jour des gerbes dont le grain paraîtrait aujourd'hui paradoxe insensé. Rêveries scientifiques ? Non pas, s’il vous plaît, mais réalités indiscutables, affirmées par la bête, bien mieux avantagée que nous sous certains rapports. LA POURPRE VERTE ET SA VALEUR POUR L'INTERPRÉTATION DES ECRITS DES ANCIENS PAR A. DEDEKIND Conservateur adjoint au Hof Museum de Vienne. Après avoir étudié le précieux contenu d’un envoi que m'avait fait notre maître, M. de Lacaze-Duthiers, je pensais à la lumière que jettent tous ces échantillons sur les idées et les expressions des an- ciens à propos de la pourpre, et je songeais combien de contro- verses auraient été épargnées à la science, si les interprètes des écrits anciens avaient pu les avoir en main, déjà au temps des renatæ litteræ. On n’eût pas vu alors ces batailles mémorables entre deux armées, dont les chefs s’appelaient Bähr et Hartmann‘, et qui avaient pour mot de ralliement : thekeleth est bleu foncé! ou thekeleth est violet! Ces factions n'avaient pas daigné faire appel aux sciences natu- relles. Si Bähr et Hartmann avaient pu jeter seulement un coup d'œil sur les dessins faits par notre maître avec la matière à pourpre de Murex trunculus, ils auraient vu que ce Mollusque donne aussi bien une Couleur violette qu’une couleur bleue. Leur discussion rappe- lait en fait le boniment du crieur à la foire : « Entrez, messieurs, 1 Docteur Herzoc, Real-Encyclopädie für protestantische Theologie u. Kirche Gotha, 1860, t. XII, p. 402. — R1eHM, Handwoerterbuch d, biblischen Allerthums für gebildele Bibelleser, 2 Aufl., t. II, p. 1265-a. 168 A. DEDEKIND. vous verrez les deux crânes de Charlemagne; celui qu'il avait quand il était jeune, et l’autre quandil était vieillard. » Je veux dire un mot de la série très intéressante des pièces mon- trant la pourpre verte sur soie. Les essais que M. de Lacaze-Duthiers en a fixés sont représentés dans sa collection par une trentaine d'échantillons, dont chacun montre une nuance différente, de même que chaque feuille d’un arbre diffère des autres par sa forme. Beau- coup de philologues, de théologiens, de talmudistes, en un moi d'interprètes des anciennes écritures, ne se doutent pas, même à l'époque actuelle, qu’il existe une pourpre verte. Ainsi le docteur Conrad Keller !, professeur au Polytechnikum de Zurich, ne la men- iionne même pas, puisqu'il ne parle que d'une «€ Farbstoff, der erst gelblich aussieht, dann aber eine violette Faerbung annimmt ». Pourtant, son exposé me donne à penser qu’il a connu la pourpre verte, mais il n’en dit rien. De la part d’un naturaliste qui à écrit sur la pourpre, cela me parait être une lacune qu’explique seulement la tendance fâcheuse du temps actuel à populariser le peu que nous savons, plutôt qu'à creuser plus profondément les questions scien- tifiques dont on est loin d’avoir trouvé le fond. Si l'existence des nuances innombrables de la pourpre .verte est connue un jour de tous ceux qui devraient connaître dès mainte- nant ce fait important, la science des interprétations avancera beau- coup plus vite. L'étude des antiquités elle-même devra s'occuper de la porphyrologie, et il faudra revenir toujours aux trésors d’obser- vations de notre maître, qui à inauguré l'investigation méthodique et vraiment scientifique, à l’aide de l'histoire naturelle, de la porphy- rologie. 11 a recueilli une foule de nuances de la pourpre sur la soie, le satin, la laine, la toile, le papier, la batiste, elc., mine inépuisable pour l'avenir, à la condition que ces nuances délicates el ravissantes, celles surtout de la pourpre qui n'est pas mére, une sorte de pendant aux fruits verts, ne seront pas altérées. Car pour cette sorte de 1 GC, KerLur, Das Leben des Meeres, Leipzig, 1895, p. 490, LA POURPRE VERTE. 469 pourpre, toute exposition à la lumière, même dans une pièce exposée au nord, modifie presque imperceptiblement les nuances. Ces reflets si tendres, ces douceurs de ton qui vont du vert au glauque, au vert bleuâtre, au noir discret, sont altérés chaque fois, si peu que ce soit, comme l’empreinte d'une monnaie est défraîchie par le frotte- ment du commerce, même d’un seul jour. Et c’est surtout l’ob- servation de la reine des couleurs, à cette époque de sa plus tendre enfance, qui aurait évité aux philologues bien des fausses interpréta- tions, et aurait projeté une vive lumière sur bien des passages restés obscurs dans les ouvrages des anciens, si la philologie avait pris la peine de s’occuper de la matière de la pourpre en elle-même, au lieu de se borner à rééditer les opinions erronées des devanciers ou à se taire quand les anciens s'étaient tus eux-mêmes. C’est verser du vin dans des tonneaux percés que de faire comme ces savants inter- prètes du Talmud ou de la Bible, qui nous donnent leurs interpréta- tions sans s'être jamais préoccupés de l’évolution de la matière à pourpre, du premier au dernier stade de son développement. Ils ne se doutent pas que la reine des couleurs peut se montrer aussi bien dans une robe verte que sous un manteau azuré ou dans des habits cramoisis. La riche collection de notre maître montre à merveille la variété de la garde-robe royale. Je vais donner deux exemples pour prouver l'intérêt qui s'attache à cette variation el à cette succession de couleurs. Joseph Bergel ‘ à le mérite d’avoir rassemblé tout ce qu'ont écrit les talmudistes touchant les sciences naturelles; il nous fait donc connaître ainsi tous les passages qui concernent la pourpre, même la pourpre verte. Mais Bergel n’est pas spécialiste ; il a mal compris et mal interprété ce que les savants juifs nous ont iransmis sur ce sujet. Et c’est pourquoi, après avoir signalé les différents passages qui ont trait à la pourpre, il éclate à la fin : « Mais en tout cela, s’écrie-t-1l, le Talmud semble être en contradiction avec lui-même! » 1 J. BERGEL, Studien über die nalurwissenschaftlichen Kenntnisse der Talmudisten, Leipzig, 1880, chap. Zoologie, 8 24 ; die Schalthiere Buccinum und Purpura, p. 49-51. 470 A. DEDEKIND. Mais pas du tout, répondra la porphyrologie. Examinons ces pré- tendues contradictions! Bergel dit à propos de la pourpre violette, que les Hébreux appe- laient thekeleth et les Assyriens ta-kil-tu : «Selon Jarchi(£zxode, xxv, 4), c'était une couleur verte ou jaune (7er6k). Mais Ibn Esra mentionne l'opinion d’un certain Japhet, qui prétend que le thehkeleth est une couleur noire : il termine, il est vrai, en disant : « Cependant, il faut nous en tenir aux paroles de nos sages, qui nous ont enseigné que le thekeleth est jerék. » Qu'il me soit permis d’ajouter que les Hébreux ont employé le mot jer6k (vert) pour désigner l'herbe et même l'or, car l'or martelé en feuille mince et vu par la lumière transmise paraît vert. Et c’est celte même nuance que Jarchi a attribuée à la pourpre qui n’est pas encore mûre. Or, en examinant les épreuves de pourpre verte, au nombre d’une trentaine, que M. de Lacaze- Duthiers m'avait envoyées à Vienne, j'ai pu reconnaître que ce terme hébreu jerék, employé pour l'or et pour l'herbe, convenait parfaite- ment à quelques-unes de leurs nuances. Tout est donc parfaitement elair : le thekeleth ou la matière à pourpre du Murex trunculus, Mol- lusque dont les anciens ont tiré leur simple pourpre hyacinthe, pouvait avoir, d’après les échantillons que la science doit à notre maître, au moins cent nuances différentes, et quand on atiribuait telle ou telle nuance à cette substance, il ne s'agissait que d’un stade ou d’une étape dans le développement de sa couleur. Mais Bergel continue : « Selon les Septuaginta, cette pourpre thekeleth était hyakinthos, c'est-à-dire rouge foncé ou rouge noi- râtre. » Quelle confusion! Cette pourpre-ci ou plutôt cette nuance, dont Bergel n’a qu’une notion confuse, c’est la pourpre que les Hébreux appelaient argaman, et les Assyriens ar-ga-ma-nu. Feuille- tons de nouveau les précieux échantillons de notre maître, et nous 1 Hyacinthe ! Je ne parle pas ici des pourpres artificielles des anciens, purpura janthina ou hyacinthina (Pline, XXI, 8, 22), je ne parle que de la pourpre de Murex trunculus sans aucun mélange. C’est cette pourpre sans mélange qui était appelée chez les Hébreux, au temps de Moïse, thekeleth. LA POURPRE VERTE. 471 trouvons cette pourpre rouge, mais empruntée cette fois au Murex brandaris et à la Purpura hæmastoma. C'est à un médecin français, Gaillardot, que revient le grand mé- rite d’avoir découvert à Saïda, en Syrie, des débris, en amas im- menses, de coquilles qui avaient été brisées soit au moyen âge, soit même dans l’antiquité, par les teinturiers en pourpre. Cette décou- verte de Gaillardoë n’a pas encore été appréciée comme elle le mé- rite, quoiqu’elle se trouve rapportée dans des journaux de premier ordre. Elle n’en est pas moins une annexe des plus importantes à tous les récits des anciens sur la pourpre. Elle fournit les renseignements les plus intéressants pour résoudre la question posée si souvent : « Quels étaient les Mollusques employés par les anciens pour la teinture en pourpre? » Nous verrons que les coquilles des Mollusques qui donnaient le thekeleth étaient parfaitement séparées de celles qui fournissaient la pourpre rouge ou argaman. Ces deux catégories fondamentales (pourpre violette et pourpre rouge) devraient toujours être distinguées avec le plus grand soin. C’est encore un Français, Samuel Bochart, qui les à reconnues le premier, en 1663, et la distinction se montre parfaitement justifiée par l'examen des épreuves rassemblées au nombre de plus d'une centaine par M. de Lacaze-Duthiers. C’est en 1864 que Gaillardot montra à M. de Saulcy un grand amas de coquilles de Murex trunculus, au bord de la mer, près de Saïda. Ces coquilles avaient été brisées toutes de la même manière exacte- ment, et Gaillardot conclut que c’étaient là les restes du matériel d’une fabrique de pourpre établie dans le voisinage. M. de Saulcy fut du même avis. Cet amas de coquilles avait une étendue de 190 mètres et une hauteur de 7 à 8 mètres au centre, où il était le plus épais. Cet entassement énorme ne se composait que de coquilles d’une seule espèce, Murex trunculus. Mais on trouva aussi d’autres amas qui n'étaient distants du premier que de quelques pas; et ces derniers consistaient en restes de Murex brandaris et du Purpura hœmastoma (Corn de fel). C’est évidemment avec intention qu’on avait 472 A. DEDEKIND,. séparé les débris de Murex trunculus de ceux des autres espèces; et il semble ainsi que les teinturiers assortissaient les diverses espèces à pourpre pour produire des nuances différentes ‘. Si Bergel avait eu la moindre idée de tous ces détails, il aurait été amené à rechercher scientifiquement pourquoi les amas de coquilles de Purpura hœæmastoma et de Murex brandaris étaient séparés de ceux formés de Murex trunculus, et il ne serait pas tombé dans une erreur aussi grossière que de confondre la pourpre thekeleth (violette) avec la pourpre argaman (rouge). Il impute, du reste, cette même idée fausse, que le thekeleth était rouge foncé ou noirâtre, à Flavius et à Philo, tandis que ceux-ci parlaient, au contraire, du bleu in- tense du ciel en plein midi. Nous reviendrons, du reste, sur cetle magnifique pourpre bleu d’azur. Bergel continue encore : « Mais le Talmud est complètement d’un autre avis(Menach, xzur, 2). Il y est dit: « La couleur du thekeleth res- « semble à la mer, celle-ci à l’éther et celui-ci au saphir, c’est-à-dire « au bleu du ciel. » Et, d’autre part, nous trouvons cette phrase dans le Berach (1x, 2) : « Le temps de la prière du matin commence quand on peut distinguer le bleu (éhekeleth) du vert, » parce qu’on ne peut distinguer ces deux couleurs que quand la clarté du jour est com- plète, ajoute Bergel. Bergel voit là des contradictions, mais il n’y en a pas. À prendre les choses au point de vue purement porphyrologique, on reconnaît que le thekeleth peut parfaitement être de telle ou telle couleur, sui- vant le stade de son développement. La couleur définitive est vio- lette, mais elle a passé par d’autres teintes transitoires, et les au- teurs échapperaient à toute contradiction apparente s’ils se bornaïent à dire, l’un : « Je me suis trouvé au moment où notre pourpre était verte, » et l’autre : «Moi, je l’ai vue quand elle était devenue violette ou bleu foncé. » Ce raisonnement peut paraître banal, mais il n’est pas sans utilité 1 CF, « Globus », illustrirte Zeitschrift für Länder- u. Vôlkerkunde, herausg. von Karl Andree, Braunschweig, 1874, t. XX VI, p. 237 et suivantes. LA POURPRE VERTE. 473 pour apprécier la gravité de l’erreur que commettent les théolo- giens de nos jours, quand ces interprètes du Pentateuque mettent sous le boisseau à la fois une lourde erreur de Luther et une obser- vation parfaitement juste de Ibn Esra! et de Raschi. Luther n’a jamais eu la moindre idée de ce que signifie thekeleth, puisqu'il tra- duit ce mot hébreu par « de Ja so jaune » ! C’est absolument faux. et la porphyrologie nous force à souligner cette erreur, quoique Palmer * exhorte ses contemporains à ne jamais avouer devant le peuple que Luther a pu mal traduire ceci ou cela. Mais quant aux paroles d'Ibn Esra, il n’y a pas de doute que ce savant indiquait un prélude du violet définitif. Ce qu'ont dit Raschi et Ibn Esra doit être interprété cum grano salis. Il peut se faire que ces deux talmudistes aient été en présence d’une pourpre jaunâtre ou verdâtre (y\wocc) obtenue par l’arrêt du processus de développement chromatique de la matière fraîche. Aussi bien, M. de Lacaze-Duthiers m'a envoyé une pareille épreuve très intéressante, et dont on peut voir ici une reproduction fidèle (pl. XXIX). Ce dessin, qui montre clairement la couleur du chlore, laisse loin derrière lui tout ce que nous ont trans- mis Aristote et Pline sur la pourpre au point de vue de l’histoire naturelle, et il montre en même temps le processus du développe- ment de la couleur, repris après une longue interruption, trente- neuf ans après la production de cette nuance verdâtre. Je laisse la parole à M. de Lacaze-Duthiers, qui m’a exposé, dans la lettre suivante, l'expérience qu'il venait de faire : « MoN CHER COLLABORATEUR, « Par le courrier de ce jour, je vous adresse, en même temps que cette lettre, un dessin que j’ai fait à Boulogne-sur-Mer il y a bien longtemps, avec de la matière à pourpre de la Purpura lapillus. 1 Handwôürterbuch d. biblischen Allerthums f. gebildete Bibelleser, herausg, von D. E. C. Aug. Riehm, zweile Auflage, Bielefeld u. Leipzig, 1894, t. II, p. 1266-a et 1265-6. ? PALMER, Homilelik, p. 303. — Cf. Dérrincer, Kirche u. Kirchen, p. 469-470. — CF. J.JANSSEN, Geschichte des Deutschen Volkes, Freiburg im Breisgau, 4893, t. VII, p. 554, nole 2. 474 A. DEDBKIND. « Ce dessin est un peu primitif, cela se comprend, car il est dif- ficile, sur du blanc, de limiter des contours réguliers, avec une ma- _tière incolore visqueuse, et que l’on désire ne pas voir changer de couleur. « Ge dessin est resté pendant de longues années dans mes cartons, placé entre deux feuilles de papier noir afin d'éviter sur lui l’action de la lumière. Avec le temps, la couleur jaune sale qui précède le développement de la pourpre et qui suit l'emploi de la matière blan- châtre de la glande, est devenue un peu brunâtre. « Il m’a paru curieux de voir si, après trente et quelques années, la matière à pourpre, desséchée et non colorée, reprendrait ses pro- priétés en la plaçant dans des conditions favorables ordinaires de son développement. J'ai fait deux petites fenêtres au papier noir qui couvrait le dessin. J’ai imbibé avec de l’eau de mer le tissu du des- sin et j’ai exposé aux rayons du soleil. « En face des deux petites fenêtres du papier noir, l’action de la lumière n’a pas manqué de se faire sentir, et vous verrez nettement que la couleur pourpre, restée à l’état latent pendant trente-sept ans, n’a pas perdu de ses propriétés caractéristiques, puisque la réaction conduisant au violet s'est produite sous l’action des rayons solaires et de l'humidité. « Il me semble que cette expérience très démonsirative sera bien faite pour vous intéresser. « Bien à vous. « H. DE L.-D. » Pour ce qui concerne l'observation rapportée par Philo et par Josephus ‘, que la couleur thekeleth ressemblait à la couleur du ciel clair, qu’on jette les yeux sur la planche XX de ces Archives de zoologie expérimentale (3° série, t. IV, 1896) et l'on y retrouvera le plus beau bleu de ciel obtenu à l’aide de la pourpre du Murex trunculus. 1 Cf. Rien, loc. cüit., p. 1264-b et suivantes. LA POURPRE VERTE. 475 Les contours du dessin sont noyés dans cette teinte, et cela est dû à la solubilité de la substance et à l'infiltration de la solution dans les mailles du tissu. Voilà donc une vérification éloquente des affirmations que nous trouvons mentionnées dans l’antiquité sur l'identité possible de la Pourpre thekeleth des Hébreux, tantôt avec la couleur verte de l'or battu au marteau et vu par transparence, tantôt avec le plus beau bleu du ciel pur de l'Orient, tantôt avec le violet que les Grecs appe- laient *yakinthinon. On voit, par ces déductions philologiques éclai- rées par les dessins de notre maître, que la collection de ceux-ci ren- ferme de véritables trésors pour la juste interprétation des écrits des anciens. Ceux-ci savaient au moins distinguer dans la Pourpre deux grandes classes : l'argaman ou pourpre rouge, et le #hehkeleth ou pour- pre violette, tandis qu’on n’emploie plus, de notre temps, que l’ex- pression élastique de pourpre, terme parfaitement vague et indéter- miné, comme seraient, par exemple, les expressions arbre ou pierre, qui peuvent s'appliquer à un chêne, un sapin, un cèdre, etc., ou à une émeraude, un rubis, une ardoise, etc. J’arrête ici la démonstration du premier exemple annoncé au début, et je passe au second par lequel j'espère prouver que la por- phyrologie peut nous expliquer le pourquoi d’une coutume intéres- sante de la cour de Byzance. L'histoire mentionne simplement, et sans commentaires, le fait que les administrateurs ou les curateurs de l'empire byzantin avaient coutume de signer avec de l’encre verte. Mais personne ne s'est de- mandé si les sciences naturelles ne permettaient pas de pénétrer le motif de cette coutume. Il n’est pas un seul fait dans tout l'univers qui se puisse expliquer par lui-même. C’est une loi qui s'étend des bacilles de la peste viennoise jusqu'aux systèmes solaires les plus compliqués. La prétendue loi de la séparation des études est le sabot le plus propre à enrayer tout progrès. ]l nous faut souvent rappro- cher les faits prétendus les plus disparates, pour arriver à connaître les vrais rapports des choses. 476 A. DEDEKIND. Croirait-on que les calecons de bain de M. Sacc* pussent avoir un rapport étroit avec ce fait historique que les curateurs de l'empire de Byzance employaient pour leur signature une encre verte? Cela parait à première vue aussi incroyable que peu respectueux pour la cour byzantine ; mais cela peut être prouvé. Voyons comment! Je suppose que mes lecteurs sont au courant de l'aventure instruc- tive de M. Sacc, mentionnée d’ailleurs et expliquée au point de vue scientifique par notre maître dans son Mémoire sur la pourpre (Paris, 4859), et j'appelle d'abord l'attention sur Île passage suivant de la dissertation de Steger?, qui a été réimprimée dans mon ou- vrage : Fin Beitrag zur Purpurkunde : « Nemini licuit encausto uti præter imperatores, ita ut, si contin- geret imperatorem adhuc esse in pupillari ætate, tutori ejus minime liceret, imperatoris pupilli licet nomine subscriberet, hoc encaustum adhibere, sed véridi colore scribebat, uti de Alexio Sebastocratore, Alexii Comneni tutore id perhibet NIceTaAs. » Voici encore ce que mentionne Wattenbach* relativement à cette même coutume de la cour de Byzance : « L'usage de l’encre pourpre était réservé aux empereurs. Le Gode justinien (liv. VI, chap. 1, 23) dit : « Sacri affatus quoscunque nosiræ « mansuetudinis in quacunque parte paginarum scripseritauctorilas, « non alio vultu penitus aut colore nis? purpurea tantummodo enscrip- « tione lustrentur, seilicet ut cocti Muricis et triti conchylii ardore « signentur.» Il était défendu, sous peine de la vie, à d’autres personnes de se servir de cette encre pourpre. De même, Pasil.,t. II, v, 26, dit : dvioyusoc Éctu faciAtu ynpévouca dvrvypagh vroypaghs peroèc PacuAtyNc, The Eé, ÉVuaUTS ÉTAEVATLEVNE HOYNOVe 1 Cf. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1854-1855, t. XX VI, n°s 130 etoile 2 ADRIANI STEGERI, Disserlatio de purpura, sacræ dignitatis insigni, Lipsiæ, 1741, P: 59. 3 W. WarTenBacu, Das Schriflwesen im Millelaller, 3° vermehrte Auflage, Leipzig, 1896, p. 248. LA POURPRE VERTE. 417 Cette encre sacrée était conservée dans le xavixAstev, appelé autre- fois (Lyd. de Mag.) xaAxAuoy, dérivé du latin caliculus (Cassiod., Var. XI, 36); c'était l’encrier du Præfectus prælorio, dont M. Meyer a retrouvé la représentation sur un diptyque. Cet encrier était gardé par un chambellan spécial : à èrt avixhctov, caniclinus. Ragenvin (Gesta Fred., t. LL, 47) l'appelle : « Unus de servis palatii, caniclinus videlicet, quem nos cancellarium dicere possumus. » Et Wattenbach termine en disant : « Les tuteurs de l’empire signaient de vert, avec farpayeiov Yeüpa. » C’est tout ce que dit Wattenbach, et il aurait certainement été embarrassé pour répondre si on lui avait demandé pourquoi cette couleur était spécifiquement verte. Or, chacun sait que les moindres actions avaient, à la cour byzantine, une signification importante ; le moindre détail était un symbole. Le Code justinien nous montre ce penchant, quand il dit, par exemple, que l'adoption doit imiter la nature ; ces mots : « Adoptio naturam imitalur 1 » avaient trait à l'âge de ceux qui voulaient adopter. Il est donc bien certain que l’ordre qui prescrivait aux tuteurs de l'empire d'employer, pour signer, une encre verte, n'avait pas été introduit dans le cérémonial sans quelque raison. C’est ce que nous montre la porphyrologie. Le temps de la tutelle, en effet, était, dans le gouvernement de l'empire, le stade qui précé- dait celui du gouvernement personnel et définitif par l'empereur. Puisque les empereurs, quand ils avaient passé l’âge de la tutelle, signaient d'encre pourpre”, il était logique que la nuance la plus 1 Cf. G. F. Pucura, Pandekten, Leipzig, 1845, p. 393 et suivantes, $ 442, note ti, $ 4, Instit. I, 11, L. 16-D. I. 7 de adoptionibus. 2 Cf. KRAUSE, article sur la pourpre, dans Reai-Encyclopädie d. classisch. Alther- thumwissenschaft, herausg. von A. Pauly, nach dessen Tode fortges. u. beendigt von Ch. Walz u. W. S. Teuffel, t. VI, 1 Abth., p. 283, Stuttgart, 1852. — Il yest dit: « Auch wurde Tinte aus Purpursaft bereitet. Solcher bedienten sich die byzantinis- chen Kaiser zu Unterschriften von Decreten, Diplomata, u.s. W., und desshalb war jedem Andern der Gebranch untersagt. » (Vgl. MaBiLLon, De re diplomatoria, C.410, p. 43, u. J. HeINEccIus, Syntagm. de veteribus sigillus, P. I, c. 1v, p. 31). — Krause ne fait pas mention de la pourpre verte; il n’examine pas non plus la question im- 478 A. DEDEKIND. accentuée de la Pourpre non encore müûre, c'est-à-dire la couleur verte, fût choisie pour marquer la période qui précédait celle où les décrets seraient signés de la couleur de la pourpre définitive. La pourpre verte, pourpre pas encore mûre, symbolisait la jeunesse de l’empereur, qui n’était pas encore mûr physiquement et psychique- ment, tandis que l’encre de pourpre rouge dont l’empereur se servait lui-même, marquait l’état définitif après la fin de la tutelle. Voilà comment la porphyrologie nous aide à comprendre des choses restées parfaitement obscures jusqu'ici. Plus nous nous adres- serons à cette science, et plus elle nous enseignera l'histoire, comme le prouve cet exemple. Il n’y a pas de symbole plus caractéristique et plus ingénieux des temps où la pourpre marquait la sacra Ma- jestas que cette coutume qu'ont pu seules expliquer les sciences na- turelles. portante de l’étymologie du mot pourpre. Il parle, en revanche, de Ia prétendue pourpre dont le roi des Perses aurait fait cadeau à l’empereur Aurelianus, mais sans paraître savoir que cette prétendue pourpre ne consistait qu’en sandyæ, qui était une plante! Cependant il serait injuste de ne pas reconnaître que Krause donne beau- coup de détails fort intéressants et instructifs, quoiqu'il ne soit pas spécialiste en porphyrologie. Du reste, le volume en question est paru en 1852, el cette époque n’avait pas grand'chose à nous apprendre sur la pourpre. Il faut remarquer que le mémoire de Krause est accompagné de quelques notes intéressantes de M. Scheiffele. Krause dit, p. 282: « Plutarch (Rom. 14) laesst schon den Romulus dei der Feier der Spiele im Purpurgewande erscheinen (&rovpyidt xexoounmévos). » M. Scheiffele ajoute la note suivante, p. 282 : « Die Sitte war von den Etruskern herübergekommen und bezeichnete die magistratus als Erben und Nachfolger der Kônigl. Macht. Plinius, Pan. LVIIT, 5, nennt das Consulat summum purpuræ decus ; vgl. Ovid. Fast. I, 81. Flor. III, 21,67 : Septima illa Marii purpura. Auch die Priester trugen Purpurgewaender, s. d. A. Laena; auch vgl. d. À. Palu- damentum. Der Geldbrotze Nasidienus (Hor. Sat. II, vi, 11), kann seinen Reich- thum nicht glaenzender zeigen als dadurch, dass er sogar den Tisch mit einem pur- purnen Lappen wischen laesst. Nach Plinius H. N. XXXV, 32, wurden auch die Waende mit Purpur bemalt. » — Quant à cette dernière matière, j'ai essayé d’en montrer la continuité jusqu'aux temps des Pharaons (Cf. Archives de zoologie éxœpé- rimentale et générale, 3° sér., t. IV, 1896, p. 481 et suivantes). LA POURPRE VERTE. EXPLICATION DES PLANCHES XXVIII, XXIX, XXX. SUR LA COULEUR POURPRE VERTE. NOTE. Pendant la correspondance active que j'avais eue avec M. Dedekind au sujet des nuances variées de la pourpre, il m’avait été facile de comprendre que, pour bien juger des différentes nuances que peut produire la matière à pourpre depuis le mo- ment où elle est extraite de l’animal qui la produit jusqu’à celui où la teinte défi- nitive se développe sous l’action des rayons solaires, il était indispensable d’avoir sous les yeux des échantillons nombreux résultant des essais tentés dans différentes conditions. Aussi j’adressai avec le plus grand empressement à mon savant collaborateur tout ce que je possédais, tout ce que j'avais fait en photographie, en dessins au pinceau, sur soie, gaze, mousseline de coton, toile très fine de fil, laine et papier. Mon très savant collaborateur et historiographe de la pourpre choisit quelques échantillons et les fit photochromolithographier. Il m’adressa gracieusement, pour les Archives, les trois planches qui suivent et dont je ne saurais trop cordialement le remercier avant d'en donner l'explication qui suit. PLANCHE XXVIII. Cette photochromolithographie n’a d'autre intérêt que la date de la marque inscrite sur le foulard acquis à Mahon (Minorque) en 1858, et sur lequel, après avoir vu le pêcheur Alonzo marquantses vêtements avec la matière qu'il enlevait du Corn De reL (Purpura hæmastoma), j'avais inscrit mes initiales en lettres go- thiques. La couleur rouge, imprimée, des fleurs du foulard a été bien modifiée par les la- vages; celle de la pourpre, dans les lettres inscrites H. L. D. et les mots Mahon, el 30 de julio 1853, n’a pas été altérée du tout. Ces caractères furent faits avec grand soin le lendemain du jour où Alonzo m'a- vait montré le gîte de la matière à pourpre. PLANCHE XXIX. Cette figure présente véritablement beaucoup d'intérêt; elle est restée cachée pendant trente-neuf ans à l’abri de la lumière. Je l’ai souvent présentée dans mes leçons. Après ce long temps, la teinte jaune päle et sale qui s'était développée au mo- ment où la matière était étendue sur la soie, avait un peu changé de ton; elle était devenue un peu grisâtre. La photochromolithographie a beaucoup trop accusé cette teinte gris noirâtre. En été 1898, il fut fait, au papier noir qui recouvrait le dessin, deux petites fenêtres, correspondant l’une au sommet du tortillon et une à droite, près du bord de la figure, dans le haut. Puis la soie fut imprégnée d’eau de mer et le dessin recouvert du papier noir percé de deux petites fenêtres, exposé au soleil. 480 A. DEDEKIND. Les deux points correspondants aux deux petites fenêtres prirent la coloration pourpre, démontrant par ce fait qu'après trente-neuf ans, la matière pourpre des- séchée et tenue dans l’obscurité, avait conservé la propriété de virer au violet dans lés conditions d'humidité et de lumière nécessaires au développement de la couleur pourpre. PLANCHE XXX. La figure du haut reproduit une vieille gravure hollandaise, où des musiciens donnent un concert. Sa reproduction est d’une fidélité telle que l’on croirait la soie collée sur le papier. L'on y voit écrit dans le bas, au crayon, Purpura lapillus Boul., 14 juillet 1859. La teinte rouge est un peu trop vive; elle a été forcée par le lithographe. Les blancs de la photographie sont restés à la teinte verdâtre. La figure du bas est plus nette. La photographie de la statue de Napoléon et du cheval se détache avec une teinte exacte de la couleur pourpre. La nuance vert sale du fond rappelle très exactement la teinte verte qui se produit avant d’arriver au violet lorsque le bleu et le jaune sont encore mélangés. Ces planches, que mon savant collaborateur a voulu gracieusement offrir aux Archives, dont il a suivi lui-même l'exécution, complètent heureusement les ren- seignements donnés par M. Dedekind, dans sa note sur la pourpre verte, dont on voit un exemple frappant dans la planche XXX. N'est-il pas curieux de retrouver, dans la figure du bas de cette planche, le profil de la statue équestre, d’un violet un peu trop rougeàtre, entouré par son vert com- plémentaire. Les deux couleurs se rehaussent l’une l’autre en se faisant valoir réci- proquement. H, pe L.-D, RECHERCHES SUR LES CHILOPODES PAR 0. DUBOSCQ Chef des travaux de zoologie à la Faculté des sciences de Grenoble. INTRODUCTION. J'ai rassemblé ici sous le titre de Æecherches sur les Chilopodes, des recherches un peu disparates dont la seule unité est de porter sur le même groupe. En 1893, mon maître M. le professeur Joyeux-Laffuie, à qui je demandais un sujet de thèse de médecine, m'indiqua la glande venimeuse de la Scolopendre. Elle était mal connue; un inhabile pouvait en tirer quelque chose. Aux faits acquis, j’ajoutai certaines remarques nouvelles, plusieurs erreurs et beaucoup de naïivetés. En m’accordant une indulgence excessive, M. Joyeux-Laffuie m'encouragea à continuer l'étude des Myriapodes. Je pense qu'il eût voulu me voir faire une monographie et je crois n’en avoir ébauché que le commencement. Je parle seulement de l’épithélium tégumen- taire et ses dérivés, de l’appareil circulatoire et du mésenchyme. Mais on ne m'a jamais rien imposé. M. Joyeux-Laffuie et M. Pruvot m'ont enseigné leur science et leurs méthodes. Ils m'ont fourni les moyens matériels de travailler avec une situation avantageuse. Jamais ils ne se sont enquis de ma soumission à tel procédé ou de ma croyance à tel dogme. Ainsi j'ai eu l’avantage de toutes les faci- lités et de toutes les libertés. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GËNs — 32 SÉRIE. — T, VI, 1898. 5: 482 0. DUBOSCQ. J'avais reçu les bonnes leçons de M. le professeur Huet, qui me guida le premier dans l’histologie. Henry Brolemann m'a appris le peu que je sais dans la difficile systématique des Myriapodes. d'attache une grande importance à la détermination exacte des animaux. Chez les Arthropodes, une grande ressemblance extérieure masque souvent de sérieuses différences anatomiques. J'ai séjourné à Roscoif. J'ai travaillé à plusieurs reprises à Banyuls, d’où j'ai reçu beaucoup d'envois. En des circonstances inoubliables, M. de Lacaze-Duthiers m'a témoigné plus que de la bienveillance. Je ne remercie pas, comme il convient, tous ces maîtres à qui Je dois ce que j'ai pu faire. Ma discrétion n’est pas de l'indifférence. Mais qui peut aimer la publicité des sentiments ? Les ouvrages que je cite sont toujours indiqués au bas des pages. Je ne les ai pas réunis en index bibliographique parce que, par la nature même de mes recherches, j'ai été amené à citer beaucoup d'auteurs qui n'ont point traité des Chilopodes. Une liste n'aurait pas d'autre avantage que de signaler au lecteur un ensemble de travaux sur le groupe dont je m'occupe, el cette bibliographie a été faite par Latzel (84), par Daday (89) et par Silvestri (96). Je crois avoir tenu un compte rigoureux dans les sujets que j'ai traités, de ce que l’on savait avant moi sur les Chilopodes. Si parfois mon historique est un peu long, c’est que je n’accorde pas plus d’im- portance à mes recherches qu'à celles de mes prédécesseurs. Dans les questions d'ordre général, j'ai tâché d'être bien renseigné sur les résultats obtenus chez les autres Arthropodes ; mais je sens bien que je ne le suis pas toujours suffisamment. Mes résultats ne sont pas énumérés à la fin de ce travail. J'ai rem- 1884. R. LarzeL. Die Myriopoden der OEsterreichisch-Ungarischen Monar- chie, II. Wien. 1889. E. Dapay. Mvyriapoda regni Hungariæ. Budapest. 1896. F. Sizvesrri. I. Diplopodi. Parte Ï. Sistematica (Ann. Mus. Civ. Stor. Nat. Genova). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 483 placé les conclusions habituelles par un résumé, en forme de table de matières, qui permet de trouver un renseignement dans le mé- moire sans s'astreindre à de longues lectures. TECHNIQUE, Je fais un chapitre spécial de la technique pour ne point rappeler dans le texte, à des endroits différents, des méthodes appliquées à des objets divers. Ce n’est donc pas que j'aie la prétention de donner ici de précieuses recettes et de faire des additions ou corrections au livre de Bolles Lee et Henneguy. Mais le lecteur qui sait comment on a travaillé, est bon juge de la confiance que les résultats mé- ritent. Il peut les vérifier ou s’expliquer les erreurs. Fixation et coloration, — J'ai dû fixer des animaux entiers ou des organes extraits des animaux. À vrai dire, je fixe rarement des ani- maux entiers. D’ordinaire, je les coupe en tronçons numérotés, que je plonge dans le liquide. Avant de les couper en tronçons, il faut les tuer au chloroforme, sans quoi certains organes font hernie au niveau de la section et perdent leurs rapports. L'histologie fine ne doit être élucidée que sur des fragments faciles à fixer et à débiter en coupes très minces. Le meilleur fixateur est le Flemming fort. Chez les Géophiles, la coloration consécutive est difficultueuse. Avec Lithobrus, les résultats sont excellents, presque aussi bons avec Scutigera et Scolopendra. Pour les recherches courantes et en particulier pour la coloration à l’hématoxyline et l’éosine que le Flemming ne permet pas, je fixe au liquide de: Perenyi ou bien au sublimé acétique ou nitrique. Le liquide chromo-nitrique que j'emploie est un peu différent de la for- mule de Perenyi. Je prends: Acide chromique à 1 pour 400 Acide nitrique à 10 pour 100 Ÿ parties égales. Alcool à 95 degrés....,...... Gette formule, qui est plus simple, est plus forte en acide chromi- que et moins forte en acide nitrique que la formule originelle. Il m'a 484 O0. DUBOSCQ. paru qu’elle digérait moins le cytoplasma et que la fixation était plus rigoureuse, Sans entraver les colorations. On a des résultats passables avec l'alcool acétique, fait au moment de s’en servir. | Acide acétique glacial......... 10 parties. Alcoo!l absolu..... echec ec AU Je recommande ce liquide, le plus pénétrant que je connaisse, pour les animaux destinés aux collections. Ils sont tués irès vite et meurent en extension parfaite. L’acide picrosulfurique et l'acide picronitrique, excellents fixa- teurs, ne permettent pas d'aussi belles colorations que le Perenyi et le sublimé. Le formol ne vaut rien, pas plus comme fixateur que comme liquide conservateur. Ces fixateurs sont pour les objets destinés à être coupés. Presque toutes mes coupes ont été faites à la paraffine. J'ai quelquefois enrobé au collodion pour bien conserver certains rapports, mais il s'agit de recherches, qui ne sont guère examinées dans le travail présent. La coloration des coupes a été faite sur lame après collage à l'al- bumine de Mayer. La cochenille est le moins mauvais des colorants en masse, et j'y ai à peu près renoncé. Après le Flemming, je conseille avant tout la safranine O.Golorer vingt-quatre heures dans une safranine très forte avant de diffé- rencier. La safranine la plus forte est la safranine dissoute à satu- ration dans l’eau anilinée. Elle est indispensable pour les Géophiles. Je différencie soit seulement par l'alcool et l’essence de’girofle, soit par l'acide picrique dissous dans l'alcool absolu (Ohimacher), soit par le lichtgrün (Benda). À la méthode de Benda, je préfère celle d’Ohimacher. Si l’on décolore au lichtgrün une coupe d'animal entier, on aura enlevé la safranine des tissus conjonctifs, quand les épithé- liums seront encore rouges et tous les points de la préparation ne seront pas bons. J'avoue que ceux qui le sont flattent l'œil, mais les fins détails ne sont pas révélés comme avec l'acide picrique. de fais RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 485 une réserve pour les membranes particulièrement bien démontrées par le lichtgrün. Enfin de première importance est la méthode de Heidenhain, c’est-à-dire l’hématoxyline au fer, qui peut être appli- quée après tous les fixateurs. Pour les coupes entières, elle n’est pas recommandable, la décoloration portant inégalement sur les divers tissus. À l’hémaioxyline au fer, j'ajoute souvent un colorant plas- matique, éosine, lichtgrün, rouge congo ou orange. Après le Perenyi ou le sublimé, je colore à l’hématoxyline suivie d’éosine ou de lichtgrün et je procède par surcoloration et décolo- ration (1° coloration intensive des coupes à l'hématoxyline Delañeld ; 90 décoloration par l'acide nitrique à 1 pour 200 ou mieux par le liquide de Perenyi très étendu d’eau ; 3° lavage à l’eau de source ; 4° coloration à l’éosine alcoolique). C'est la meilleure méthode pour les recherches courantes. Les noyaux sont toujours colorés avec une grande élection. Pour certains points spéciaux, par exemple pour la démonstration des muscles de la glande venimeuse, j'ai coloré avec le picrocarmin suivi de décoloration par l’acide acétique. Les muscles et les nu- cléoles des noyaux restent seuls colorés. Étude des tissus frais. — Le tissu conjonctif et les globules du sang sont avantageusement étudiés à l'état frais. J'ai contrôlé l'examen que l’on peut faire dans la solution salée physiologique, par une méthode plus rigoureuse. Je place sur la lame une goutte d’une huile inodore et purifiée, comme les huiles à machine. C'est sur celte goutte que je dépose la gouttelette de sang contenant les globules, que j'aspire dans l’animal avec une pipette préalablement humectée d'huile. En recouvrant d’une lamelle, on a des globules dans leur milieu naturel, et ne pouvant être en contact qu'avec un corps comme l'huile, beaucoup moins nocif pour eux qu'un corps solide comme le verre de la lame. Si je ne me trompe, Balbiani avait usé de ce tour de main pour l'étude des œufs. Il est pareillement bien utile de fixer sur lame au liquide de Perenyi, qu'on lave facilement au buvard, ce qui permet de colorer de diverses 186 O. DUBOSCQ. manières. Pour le tissu conjonctif, je recommande le rouge congo, qui différencie ce qui est fibre de ce qui est cytoplasma granuleux ou cytoplasma hyalin. Mais j'aime beaucoup à employer un liquide à la fois fixateur et colorant. Je ne me sers guère de picrocarmin. Pour le tissu conjonctif, la thionine dissoute dans le liquide de Ripart et Petit donne de bien jolies colorations : un ton jaune verdâtre pâle du cytoplasme avec définition de beaucoup de détails et des noyaux parfaits. C’est bien supérieur au vert de méthyle, colorant sans vi- gueur, et qui n’est pas complètement soluble dans le liquide de Ripart et Petit. J'avais commencé l’étude des globules sanguins avec ce liquide. Ils sont si délicats qu'ils se contractent et s’altèrent. Il est vrai que cela m'a démontré leur membrane, qui ne suit pas le cyloplasme dans sa contraction. Par des modifications successives, j'ai été amené au mélange suivant : AGIT ACEIQUES ERP CERTA CUE À gramme, Acétate de cuivre..... PS DTA CE 1 — Chlorure de CUITE... 1 — Acide osmique- recente 1 — IMominenososoosstooccouosdooct 1 — Hau distillée.- CEE ME RMERACEE 400 — Cela revient à prendre parties égales de : 4° acétate de cuivre à 1 pour 400 dissous dans l’acide acétique à 1 pour 100 ; 2° chlorure de cuivre à 4 pour 100; 3 acide osmique à 1 pour 100, 4 thionine à 4 pour 400. Une goutte du mélange est mise sur la lame et l’on ajoute une goulte de sang. Au bout de 2 minutes, la coloration est com- plète, la fixation très bonne. On recouvre d’une lamelle et l’on examine en lutant la préparation, sans changer le liquide. Les noyaux, avec la chromatine violette et le suc nucléaire rose, peuvent être analysés dans tous leurs détails. Les mitoses, colorées en noir d'encre, se trouvent avec la plus grande facilité. Dans le cytoplasme d’un ton gris clair, les grains basophiles seuls sont colorés en violet, ainsi que certaines inelusions (vieux globules) qui se colorent d'un ton plus rougeâtre. Enfin certains grains, que j'appelle plus loin grains métachromatiques, Se colorent en rouge. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 487 Pour la recherche des granules acidophiles, je fixe à l’iode dissous dans l’iodure de potassium, et sans enlever l’iode à fond, je colore sous la lamelle avec une goutte de fuchsine acide. Ces méthodes sont sérieuses, et je les préfère souvent aux mé- thodes classiques, dont je me suis servi parallèlement. D'abord, je repousse le procédé de l’étalement du sang sur lame en laissant sé- cher avant de fixer ou en fixant à la flamme. Les globules du sang des Chilopodes résistent mal à cette technique. Si l’on veut opérer de façon telle, il faut mettre préalablement sur la lame une petite goutte de liquide de Ripart et Petit avec acide osmique, où l’on verse le sang qu’alors on étale. Quand il est sec, les éléments sont collés et l’on ajoute un liquide qui complète la fixation. J’opère ainsi quand je colore à l’hématoxyline, particulièrement à l’hématoxyline de Heidenhain. Je n’ai pas trouvé bon de faire tomber directement le sang dans un fixateur énergique. Toutes les albumines du sérum sont coagulées en bloc et les globules empâtés dans une gangue que traversent mal les colorants. Ce reproche s’applique à l’étalement direct du sang sur lame. Injections vitales. — J’ai beaucoup usé des injections de liquides variés à des animaux vivants. Elles sont indispensables pour l'étude de la circulation, de la phagocytose et des cellules à carminate, ainsi que pour l'étude du système nerveux. J'injecte presque toujours avec de simples tubes de verre effilé et je souffle avec la bouche. Avec une certaine expérience, on peut ainsi injecter les divers liquides aux plus petits animaux, sans leur faire de blessure grave. Les Chilopodes ne sont pas très fragiles, mais à la moindre ouverture sérieuse, leurs organes font hernie et la mort est rapide. Je n’insisterai pas sur les injections de carminate d'ammoniaque. J'emploie le carminate neutre de Hoyer en solution très étendue. Les animaux tués plusieurs jours après sont fixés au Perenyi ou au sublimé et colorés à l’hématoxyline et lichtgrün ou au brun de Bis- marck. Il faut éviter certains colorants, comme la thionine, qui se 488 O. DUBOSCQ. superposent au carminate et le masquent. Les cellules à carminate sont également mises en relief par le bleu de méthylène, quelles absorbent en grande quantité. C’est aussi par les injections vitales que j'ai étudié la circulation. J'ai d’abord trouvé que le rouge congo en injection vitale colorait avec élection les vaisseaux des Arthropodes. On à des résultats très beaux. surtout avec les Crustacés. Néanmoins, Je préfère les injections d'encre de Chine. Je ne sais qui a inventé cette dernière technique. Elle est indiquée par Vogt et Yung (83), et Causard (96) a fait un travail sur la circulation des Arachnides avec ce procédé. C'est une méthode importante, qui ne réclame aucune habileté. On peut injec- ter aux Chilopodes d’assez grandes quantités d'encre. Je me sers de l'encre de Chine liquide du commerce (marque Bourgeois) que j'é- tends de moitié d’eau. Une grosse Scolopendra cingulata en supporte jusqu’à trois quarts de centimètre cube. Je tue l'animal de deux à cinq heures après. Ces indications sont spéciales à l'étude de la circula- tion où le but est de remplir le système vasculaire. Pour constater la phagocytose, on ne doit injecter que de très petites quantités. Technique du système nerveux,— C’est encore à l’aide d'injections vitales que j'ai étudié le système nerveux périphérique. La méthode d’Ehrlich s'impose; c’est la technique à employer couramment. Je n'ai pas manqué de la contrôler par la méthode de Golgi et les mé- thodes ordinaires. L'Ehrlich ne réussit pas aussi facilement avec les Trachéates qu'avec les Crustacés. Non pas qu'on ne puisse arriver à colorer le système nerveux périphérique, mais c’est l'élection qui est difficile. Le tissu conjonctif se colore pareillement, ainsi que le système tra- chéen. Qui ne l’a observé? Holmgren, dont j'ai dû critiquer les résul- tats, le sait aussi bien que moi, puisqu'il à fait un très intéressant 4883. Vocr et Yuxc. Traité d'anatomie comparée pratique (13° livraison). Pants 4896. Causarp. Recherches sur l'appareil circulatoire des Arachnides (Thëse, Paris). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 489 travail sur les trachées avec la méthode d'Ehrlich. D'après mon expé- rience, la coloration élective est obtenue le plus sûrement avec des solutions très concentrées. La mode est aux solutions diluées; je ne crois pas à leur succès chez les Chilopodes. Par elles, tous les tissus se teignent, sauf le système nerveux. D'abord ce sont les tubes de Malpighi qui se colorent, excrétant le bleu, puis le tissu adipeux et les cellules à carminate, enfin, et de très jolie facon, le réseau con- Jonctif pigmentaire, C’est même une technique pour le mettre en relief là où il n’est pas coloré naturellement, comme chez certaines espèces de Lithobius. Par contre, avec les solutions concentrées, au bout de deux heures, le système nerveux est coloré avec élection, et, ce qui est remarquable, à aucun moment n'apparaît le réseau con- Jonctif compromettant. Seuls les muscles prennent une coloration bleu pâle, qui s’affaiblit dans la solution fixatrice. Quand la coloration est venue, j’expose les pièces à l'air durant quelques minutes, et je les plonge ensuite dans la solution de Bethe (95) au molybdate acide, additionnée de moitié d’eau. La fixation est complète au bout d’une heure pour des coupes épaisses, mais elle peut être prolongée sans danger. J’ai conservé, depuis deux ans, dans la solution molybdique, des pièces quisontencore aujourd’hui fort utiles. Je monte soit dans la gomme d’Apathy, soit au baume. D'abord, je me servais exclusivement de la gomme d’Apathy, où je mettais les coupes sans les laver. Les résultats étaient d'autant plus sûrs, que le molybdate restant assurait la conservation des pièces imparfaitement fixées. Mais la cristallisation du sucre m'a perdu de belles préparations. Il faut donc autant que possible monter au baume, ce qui réussit quand la fixation est complète. La méthode de Golgi est plus difficile que la méthode d’Ehrlich. 1893. À. Berg. Studien über das Centralnervensystem von Carcinus menas nebst Angaben über ein neues Verfahren der Methylenblaufixation (Archiv f. mikr. Anat.). — C'est de la solution fixatrice indiquée dans ce mémoire que je parle. Bethe a postérieurement donné d’autres for- mules que je n’ai pas essayées. (Voir Anat. Anz., octobre 1896.) 490 O. DUBOSCQ. À un moment, je réussissais comme je voulais. Puis, en opérant dela même façon, il me semble, j'ai subi une série d’insuccès qui me font dire maintenant : « Persévérons et escomptons la chance. » Ce n’est pas qu’on n’obtienne rien. On obtient trop au contraire. En opérant comme je vais dire,on a des préparations pareilles à celles de Schrei- ber (98), où, avec le système nerveux, est imprégné le névrilemme et d’autres choses encore. L'imprégnation, après durcissement par le bichromate osmique, ne m'a rien donné, rien qu’un noircissement toujours parfait du tissu adipeux. Vom Rath, qui est le seul à avoir réussi avec ce liquide chez les Trachéates, car les résultats de Ramon y Cajal (90) me paraissent suspects — Vom Rath (94) ne dissimule pas l’intermittence du succès. S il faut tant de persévérance à un his- tologiste aussi expérimenté, ce n’est pas encourageant pour un dé- butant. J’appelle donc l'attention sur un mélange qui m'a fourni de belles préparations. Il s’agit de la substitution du formol à l'acide osmique qui a été préconisée presque en même temps par Strong, Durig, Dell’ Isola et Pilade Lachi, et que j'ai appliquée le premier aux Arthropodes. Voici deux bains qui permettent d'obtenir, chez les Géophiles et chez Scutigera, des préparations très pures et sans aucun dépôt superficiel : Bichromate de potasse à 5 pour 100....... 3 parties. | Formol à 20 pour 100.............e.er.se A partie. 90 bain. Nitrate d'argent à 4 pour 100. 40 bain. Avec Geophilus linearis CK, de bons résultats sont obtenus par une simple imprégnation : quarante-huit heures dans le premier bain et vingt-quatre heures dans le second, le tout à 40 degrés, tempéra- 4898. W. Scarermer. Noch ein Wort über dus peripherische sensible Ner- vensystem bei den Crustaceen (Anat. Anz., n° 10). 4890. Ramon v Casa. Coloration par la méthode de Golgi des terminaisons des trachées et des nerfs dans les muscles des ailes des Insectes (Zeitschr. f. wiss. Mikr.). 4894. O. vou Rarx. Ueber die Nervenendigungen der Hautsinnesorgane der Arthropoden nach Behandlung mit der Methylenblau und Chromsil- bermethode (Berichte der nat. Gresells. zu Freiburg). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 491 ture des liquides dans des tubes mis au-dessus d’une petite étuve de Naples réglée à 52-53 degrés. Comme le formol, en réduisant l'acide chromique du bichromate, donne lieu à d’abondants préci- pités d'oxyde brun de chrome,je ne me sers que de mélanges chauffés vingt-quatre heures à 52 degrés et filtrés ensuite‘. Les dépôts qui se pro- duisent encore sont bien négligeables quand on renouvelle souvent le liquide. D'ailleurs, je lave rapidement à l’eau distillée après chaque bain; ainsi j’évite les précipités superficiels, et il le faut à tout prix, les pièces les plus démonstrativesétant les pattes, antennes ou pièces buccales montées directement sans faire de coupes. Si la simple im- prégnation n'a pas réussi, je fais la double et triple imprégnation en laissant vingt-quatre heures dans chaque bain. Mais, d’après mon expérience, les résultats les plus beaux sont obtenus par la simple imprégnation quand on a trouvé les temps, qui varient avec chaque espèce. D’une façon très générale, je recommande les animaux adultes et je qualifie les jeunes de mauvais matériaux. Avec le Golgi osmique, vom Rath a trouvé le contraire. PREMIÈRE PARTIE. DE L'ÉPIDERME. [. STRUCTURE DES TÉGUMENTS. Historique. — Comme travail traitant particulièrement de l’épi- derme des Chilopodes, je ne connais que celui de Passerini (83) qui décrit chez les Myriapodes un tégument formé de deux couches, une externe, l’épiderme, et une interne, l’hypoderme. L'auteur italien dé- veloppe cette erreur d’un tégument d’Arthropode formé de deux cou- ches cellulaires superposées. C’est que Passerini reconnut l'existence 4883. N. Passerini. Contribuzione allo studio dell’ istologia dei Myriapodi (Bull. Soc. Ent. Ital.). 1 Il vient immédiatement à l’idée de remplacer le bichromate par le chromate neutre. J'ai essayé la chose sans aucun succès, 492 O. DUBOSCQ. de ce que j'appelle plus loin la chitine chromophile, et, se mépre- nant sur les granulations colorées au milieu des polygones de la cuti- cule, illes interpréta comme noyaux, et vit des cellules là où n'étaient que diverses sortes de chitine cuticulaire. Bolles Lee (84), dans une courte note, met en doute de pareils ré- sultats en contradiction avec la « doctrine acceptée par tous les his- tologistes, qui ne voient dans Île tégument des Arthropodes qu'un hypoderme avec une cuticule provenant de lui ». Mais Passerini (84) ne se laisse pas toucher par les raisons théo- riques ; il maintient son erreur el je ne sache pas qu’on l'ait ex- pliquée. Cependant Zograf (80), dans son anatomie du ZLithobius forficatus, montre le tégument formé de chitine (épiderme de Passerini) et de issu chitinogène (hypoderme de Passerini). La chitine a une couche externe seule colorée, très dure et très cassanie, en dessous de laquelle se succèdent des couches molles et incolores. Elles sont traversées par des canaux, dont les uns sont pour les poils et les autres pour les glandes. A côté de leurs pores, on remarque, sur la surface de la chitine, des poils, des éminences, des crêtes, des ver- rues et autres formations analogues. Les verrues couvrent ordinai- rement les parties incolores, tandis que les autres formations sont distribuées sur les parties colorées, le plus souvent sur des organes 1884. À. Bozzes Ler. Observations sur une note récente de N. Passerini sur le tégument des Myriapodes (Bull. Soc. Ent. lial.). 4884. N. Passenii. Risposta ad alcune osservazioni fate dal socio A. Bolles Lee ad una nota sull’integumento dei Miriapodi (Bull. Soc. Ent. Ital.). 1880. Zocrar. Anatomie du ZLithobius forficatus (Fedtcenko-Bibliothek Mos- cou). Je résume ce travail aussi complètement que possible, car il est en russe, et les auteurs précédents n'en ont guère tenu compte. Je dois à la libéralité de M. Pruvot de connaître cette importante mono- graphie par une excellente traduction. À la demande de M. Joyeux- Laffuie, M. le professeur Zograf avait offert de me traduire lui-même ce qui me préoccupait. Trop de choses vraiment m'intéressaient pour que j'abusasse de son extrême obligeance. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 493 ayant une fonction spéciale. Immédiatement sous la chitine se trouve le tissu chitinogène. C'est une masse plasmatique uniforme, avec un très grand nombre de noyaux elliptiques ou réniformes. Là où la matrice est étroitement serrée contre le corps adipeux, elle semble en être la continuation directe et se distingue très mal. Vogt et Yung (83) n’ajoutent rien à Zograf. Mais, je dois mentionner un fait avancé par Verhoeff (92) sur les canaux qui traversent la chitine. Dans la cuticule, il voit des canaux respiratoires, qui aident aux échanges gazeux de l’épiderme. Ils sont vénéralement de calibre uniforme. Quelques-uns sont plus élargis et aboutissent à la cuticule par un fin canal capillaire. Voici, je crois, tout ce que l’on sait sur l’épithélium tégumentaire des Chilopodes. Intentionnellement, je passe sous silence l'historique des cellules sensorielles, parce que j’en fais un chapitre à part. DE LA CHITINE. Un Chilopode, comme tout Arthropode, a son tégument composé de parties dures et de parties molles. Les régions dures correspon- dent à ce qu'on appelle les pièces du squelette (sclérites) et les ré- gions molles sont articulaires. On sait assez que les unes et les autres sont des productions différentes d’un épithélium continu, qui est l'ectoderme de l'animal. La couche superficielle de chitine, sécrétée par l’épithélium, doit sa dureté et sa souplesse non pas à son épais- seur, mais à des qualités physiques et chimiques variables, ce qui nous oblige à étudier successivement la chitine des parties squelet- tiques et la chitine des articulations. | Chitine des parties squelettiques. — Une coupe d’un sclérite du milieu du corps de Scolopendra cingulata Latr., si elle est colorée à l'hématoxyline-éosine, nous montre (fig. 3, pl. XXXI), au-dessus de 1883. Vocr et Yunc. Traité d'anatomie comparée pratique (13° livraison). Paris. 4892. C. Vernorrr. Zur Kenntnise der Analpleurendrüsen bei Scolopendriden (Berl. Ent. Leitsch). 494 Ô. DUBOSCO. l’épithélium, la chitine formée de trois couches différentes. La pre- mière couche au-dessus de l’épithélium cz. c est une straüfication de couches plus denses et de couches moins denses, comme un carton fait de lames superposées. Elle se colore en rose clair vers la partie supérieure et devient violette en se rapprochant de l'épithélium. La couleur a toujours un ton acide, d’où le nom de couche lamelleuse acidophile que je propose. Elle est beaucoup plus épaisse que les couches superficielles qui mesurent ensemble 4 à 5 x, tandis quelle atteint 20 LL en moyenne. Au-dessus de la couche acidophile est une couche colorée en bleu ch. b. Elle est donc basophile. Sa limite est très tranchée. C'est une couche très réelle, très différente de la précédente. Elle est difficile à colorer, mais retient d'autant mieux la couleur, d’où la facilité de la mettre en relief par surcoloration et décoloration, comme J'opère toujours. Quand elle n'est pas colorée artificiellement, elle est jaune ainsi que la couche superficielle, qui est d’un ton plus foncé. Sur les coupes, la ligne de séparation des chitines basophiles et acidophiles n’est pas une droite. En beaucoup de régions, elle est sinueuse en petites arcades régulières. Elle exprime qu'au lieu d’avoir une face inférieure plane, la chitine basophile s'appuie sur l’acidophile par un pavage de petites lentilles convexes correspondant aux polygones de la chitine. | La troisième couche ou couche superficielle ch. a est très mince et facile à délimiter, puisqu'elle résiste toujours à toute coloration. Je l'appelle chitine achromatique. De couleur jaune ochracé comme la couche précédente, elle est séparée d’elle par une ligne sinueuse. C’est dire qu’il faut concevoir la couche basophile comme une mo- saïque de lentilles biconvexes, revêtues de chitine achromatique. Le revêtement épouse assez bien les surfaces de la chitine basophile. C'est pourquoi les polygones superficiels ont entre eux de légers sillons. | Les trois couches n’ont pas la même nature chimique. Toutes sont insolubles dans la potasse à chaud et à toute concentration. Mais la RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 495 chitine acidophile est facilement soluble dans les acides forts, les deux autres le sont difficilement. On peut done les séparer. IL suffit de mettre du tégument lavé à la potasse dans l’acide nitrique étendu d’un tiers d’eau : la chitine acidophile se dissout et les chitines su- perficielles restent à peu près inattaquées. Quand on a fait cette pré- paration sur une lame, on trouve flottant çà et là de petits anneaux qui sont les anneaux des poils. On en saura la raison tout à l'heure. La chitine des parties squelettiques est traversée par un grand nombre de canaux, qui sont de deuxsortes. Les uns, canaux des poils, ont un calibre égal dans toute la traversée de la chitine ; les autres ont un calibre inégal et ce sont les canaux des glandes unicellulaires, Les canaux des poils sont normalement surmontés de ce qui est le poil proprement dit, pointe creuse faite entièrement de chitine achro- matique. Sur l'animal vivant, le poil est parfois tombé et il l'est sou- vent sur les coupes par les manipulations dela technique. Néanmoins, on reconnaîtra son canal par le calibre, et aussi par d’autres carac- tères. Un poil est entouré d’un petit anneau de chitine achromatique (fig. 6, pl. XXXI, et fig. 10, pl. XXXII). Chose bizarre, l'anneau n'est pas superficiel. Il est immédiatement au-dessous de la couche baso- phile (a fig. 3, pl. XXXI), de sorte qu'après traitement par l'acide ni- trique étendu, qui dissout la couche basophile, il est mis en liberté. Les canaux des glandes sont d'un calibre d’abord plus grand que celui des poils ; puis ils se rétrécissent en cône et débouchent à l’ex- térieur par un fin canal. Leur axe, comme l’axe du canal des poils, est perpendiculaire à la surface de la chitine. Dans l'intérieur de la partie dilatée du canal est une petite ampoule de chitine basophile. C'est le prolongement du fin canal extérieur « qui est emboïté dans le canal dilaté. La situation de l’ampoule varie en même temps que la longueur du canal. J’interpréterai plus loin ces formations et l’on verra que le fin canal est intracellulaire. Dans le tégument de Îa Scolopendre et un peu partout sont des canaux pareils, moins la for- mation de l’ampoule. Dans leur partie large, ils paraissent plus étroits que les précédents et, comme eux, débouchent à l'extérieur par un 496 O. DUBOSCQ. fin canal. Je n’ai pas reconnu d'autre différence que l'absence d’am- poule. En résumé, chez Scolopendra cingulata Lat., les parties squelet- tiques du tégument ont une épaisseur moyenne de 25 ., el sont faites d'une couche inférieure acidophile, formant la majeure partie de la chitine, couche surmontée de deux autres, une moyenne basophile et une superficielle achromatique. Toutes ensemble sont traversées perpendiculairement par des canaux, dont les uns sont pour les poils et les autres pour les glandes. Chitine des articulations. — L'absence de poils caractérise les parties articulaires, où les glandes sont d’ailleurs très rares. La chitine de ces régions a l'épaisseur de celle des parties squelet- tiques ; même que la couche acidophile y est plus épaisse en cer- tains points, tout en conservant les mêmes caractères. Elle est toujours feuilletée. Mais elle se colore uniformément, tandis que dans les parties squelettiques les couches inférieures de la chitine sont plus violettes. Quoi qu'il en soit, cette couche acidophile ne joue aucun rôle dans la résistance, puisque là où elle est très épaisse les téguments sont flexibles et, comme on dit, arlicu- laires. Elle est surmontée d’une très mince couche de chitine baso- phile et la chitine achromatique paraît absente. La chitine basophile n’a pas une surface extérieure plane, mais très verruqueuse, ainsi que l'avait remarqué Zograf. Ge n'est que l’exagération de la dispo- sition polygonale de la chitine achromatique et aussi de la couche basophile des parties squelettiques. Nous prévoyons donc maintenant la cause de la résistance du tégument. Elle est uniquement due aux couches basophile et achromatique. L'étude qu’on en fait dans les autres Chilopodes justifie cette affirmation. Une coupe de Zithobius (fig. 1 et 2, pl. XXXI) démontre les mêmes couches. Si l'animal a mué depuis longtemps, la couche acidophile est très développée (fig. 2, pl. XXXI). Si la mue est récente (fig. À, pl. XXXI), cette couche ch: € n’est qu'un fin liséré, dont la signi- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 497 fication acidophile est même douteuse. À ce moment, les cellules épi- théliales contiennent vers leur surface des grains basophiles g, appa- remment de même nature que la couche colorée qu'ils formeraient ou au moins à laquelle ils s’ajouteraient. Et en effet, dans un tégu- ment de Zithobius préparé à la potasse et coloré à l'hématoxyline, les bords des boucliers sont chargés de fins grains chromatiques, lesquels représentent la chitine basophile vue par transparence. Ainsi la cou- che basophile semble se former au moment de la mue par une série de granules issus de cellules épithéliales, qui ensuite ne sécréteraient plus que de la chitine acidophile. Et alors, ou ces granules s’uniraient en une nappe Continue, ou ils resteraient plus ou moins distincts, comme va nous le montrer l’étude de la chitine des Géophiles. Voici (fig. 9, pl. XXXI) une portion squelettique du tégument de Chaætechelyne vesuviana Newp., traitée longuement par la potasse et colorée à l’hématoxyline. C’est ce qu'a vu Passerini dans /imanta- rium, et c'est ce qu’il a pris pour une couche de cellules cornées, un véritable épiderme au-dessus de l’épithélium qu'il appelle Aypo- derme. Les noyaux sont les amas centraux de granules, violets par l'hématoxyline. Mais comment Passerini n’a-t-il pas été impres- sionné par les granules pareillement chromatiques, qui délimitent : ces soi-disant cellules ? Cela seul suffisait à prouver son erreur, qui jusqu'ici n’avait pas été expliquée. En décrivant la chitine de Chætechelyne, j'ai parlé de granules co- lorés par l’hématoxyline, sans prononcer le nom de couche basophile. Ne seraient-ils pas les équivalents de la couche de la Scolopendre ? Si, Sans aucun doute. Ils ont mêmes rapports et se colorent bien par l'hématoxyline; mais, par la double coloration hématoxyline- éosine, on les trouve éosinophiles nettement et non basophiles. Voilà qui semble brouiller ma classification, et, en effet, cela la change, mais sans ébranler ma division en trois couches. La couche inférieure est toujours éosinophile, toujours faiblement colorée. La deuxième couche, au contraire, prend la couleur d’une façon in- tensive et mérite le nom de couche chromophile, que je lui donnerai ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE, = T, VI. 1898. 32 498 O. DUBOSCQ. désormais. Elle est basophile chez la Scolopendre et acidophile chez les Géophiles. Le mot de chromophile reste justifié. Dans les prépa- rations colorées à la safranine, la deuxième couche est seule colo- rée, et elle l’est vivement du ton qu’ontles noyaux. Chez la plupart des Géophiles, chez Séigmatogaster, par exemple, la chitine chromo- phile a la disposition qu'elle a partout, c’est-à-dire en nappe con- tinue au-dessus de la couche feuilletée. Chez Chœtechelyne vesuviana Newp., c’est tout autre chose. La chitine chromophile dont nous n’avons vu que la surface (fig. 9, pl. XXXI) plonge dans la couche feuil- letée plus ou moins selon les régions. Aux plis articulaires, rien. Mais aux pièces squelettiques (fig. 1, texte), tantôt ce sont des cônes à sommet vers l’intérieur, tantôt des cylindres atteignant l'épithélium. Fig. 1. Ceci prouve que les cellules épithé- Coupe de la chitine d’un bouclier ventral de Chætechelyne vesuviana Newp. chitine chromophile en même temps c, cône chromophile. liales ont continué de sécréter cette que la couche feuilletée. Selon le temps qu'a continué la sécrétion, la chitine chromophile descend plus ou moins à travers la couche feuilletée. Ainsi les cellules péri- pilaires sécrètent autour de la cavité du poil des cylindres chromo- philes descendant jusqu’à elles. Quant aux poils, ils sont, comme partout, formés extérieurement de chitine achromatique. Mais, chose curieuse, l'anneau du poil est basophile. D’ailleurs, à certains endroits, on croit voir immédiatement, au-dessous de la chitine achromatique, une excessivement mince couche de chitine basophile et la très mince couche chromophile qui recouvre les articulations serait aussi basophile. À aucun endroit, la chitine des Chilopodes n’est imprégnée de sels calcaires, comme elle l’est chez les Chilognathes ou les Crusta- cés. Elle ne paraît pas imprégnée non plus d'autres matières miné- rales. C’est pourquoi elle n’a pas la résistance de la chitine de ces animaux. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES, 499 L'histogenèse de la chitine est mal connue. L'étude de lépithé- lium qui la produit nous donnera des indications nouvelles, mais non une solution complète du problème. Quoi qu'il en soit, nous pou- vons résumer ainsi cette première étude : La chitine se montre dans les parties squelettiques composée de - trois couches : {° une couche externe, résistant à toute coloration (chitine achromatique) ; ® une couche moyenne qui se teint intensi- vement tantôt par les couleurs basiques, tantôt par les couleurs acides (chitine chromophile). En nappe simple au-dessous de la pre- mière, chez la plupart des Chilopodes, elle plonge plus ou moins dans la couche inférieure au niveau de chaque cellule, chez certains Géophiles (Chætechelyne, Himantarium) ; 3° une couche interne très épaisse formée de lamelles superposées et se colorant toujours fai- blement par les couleurs acides (chitine acidophile). La cuticule des parties articulaires ne diffère de celle des parties squelettiques que par l'absence de la chitine achromatique et la ré- duction de la chitine chromophile. C’est donc à ces deux chitines qu'est due la résistance, la rigidité du tégument. Mes résultats sont en accord avec les résultats tirés des autres groupes. Chez les Chilopodes, ce que l’on savait se bornait aux lignes très courtes de Zograf (80), qui ne distinguait que deux couches. Chez les Arachnides, Schimkewitsch (84) décrit trois couches qu'il est téméraire d’homologuer aux miennes, puisque nous n’avons pas usé des mêmes méthodes. Il m'est plus facile de comprendre les quatre couches de Vitzou (82). Ce que j'appelle chitine achroma- tique, c’est ce qu'il appelle cuticule. Sa deuxième couche ou couche pigmentaire est, à n'en pas douter, ma chitine chromophile. Il a bien mis en relief la formation de ces deux couches au moment de 4880. Zocrar. Anatomie du ZLüifhobius forficatus (Fedtcenko Bibliothek. Moscou). 4884. Scamxewirsc. Étude sur l'anatomie de l’Epeire (Ann. Sciences Nat.). 4882. Virzou. Recherches sur la structure et la formation des téguments chez les Crustacés décapodes (Arch. Zool. Exp.) 500 O. DUBOSCQ. la mue, et c'est ce qui justifie ma comparaison. Mais il n'a pas com- pris la chitine des articulations. Sur cette question, qui m'a paru Si intéressante, il n’a donné que des indications vagues, dont je n’ai rien pu tirer. Quant à ma couche lamelleuse acidophile, elle repré- sente ses troisième et quatrième couches. Enfin, tous les auteurs sont d'accord pour attribuer aux couches minces superficielles la résistance et la dureté de la chitine. B. Lowne (92) a trouvé, chez la Mouche, que les plaques les plus denses sont ordinairement les plus minces (10 à 42 p.) et que le tégument pouvait atteindre 100 k entre les sclérites. 8 DE L'ÉPITHÉLIUM PROPREMENT DIT. La coupe faite à travers le tégument d’un selérite de Scolopendra nous montrait (fig. 3, pl. XXXI), sous la chitine, des cellules épithé- liales diverses. Parmi les cellules épithéliales banales ou cellules épithéliales proprement dites, sont des cellules glandulaires cg el des cellules mères des poils cn. Les cellules épithéliales proprement dites sont la couche ectoder- mique très peu modifiée : cellules sans différenciation spéciale et sans autre rôle que de sécréter la chitine. Elles ont des aspects va- riables selon les régions. Au niveau des sclérites, elles sont beaucoup plus hautes que larges, séparées les unes des autres vers leur milieu par des espaces libres. Sur les coupes, les noyaux sont ovalaires, allongés dans le sens des cellules. En réalité, beaucoup de ces noyaux sont plus irré- guliers qu'ils ne le paraissent et sur des préparations où l’épithé- lium est vu à plat, on trouve à certains endroits des noyaux très irré- guliers (fig. 6, pl.XXXI). Les noyaux épithéliaux sont riches en chro- matine. Sur les coupes au Flemming, la safranine les montre vive- ment colorés et l’on distingue parmi les grains de chromatine, un nucléole, quelquefois deux (fig. 1 et2, pl. XXXI). Les bonnes prépara- 4892. B. TuowPson-Lowne. The anatomy, physiology, morphology and deve- lopment of the Blow Fly (London). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 501 tions à l’hémaloxyline montrent légèrement teinté le réseau qui unit les grains chromatiques. J’ai signalé les noyaux irréguliers. La bizarrerie des formes peut aller très loin. Chez Scutigera, les bou- cliers dorsaux et ventraux présentent, à égale distance de la ligne médiane et du bord latéral, deux zones à peu près dépourvues de poils. Leurs noyaux, examinés à plat, après coloration à l’hématoxy- line et l'éosine (fig. 7, pl. XXXI), sont, les uns simplement échancrés, d’autres découpés, déchiquetés, fragmentés. En certains endroits, la fragmentation est complète. Dans ces noyaux étranglés n, la chro- matine estrassemblée à deux extrémités, qui sont seulement réunies par des filaments de linine.On pourrait croire à un processus d’ami- tose. Il y a souvent un noyau pour deux cellules ou inversement deux noyaux pour une cellule, comme si la division cytoplasmique ne suivait pas parallèlement la division du noyau. Cette interpréta- tion serait plus logique que l’histoire de noyaux amœæboïdes allant à la rencontre l’un de l’autre pour se conjuguer, comme cela se pas- serait d’après Ryder (94) chez les Isopodes. Toutefois, leur position et leur forme semblent indiquer des noyaux comprimés et déformés mécaniquement, d’où leur polymorphisme exprimerait plutôt un état dégénératuf. Des noyaux semblables à ceux de Scutigera existent chez Lithobrius, mais seulement à la face dorsale des boucliers. Je n’insiste pas autrement sur ces noyaux. S ils n'ont pas été vus chez les Myriapodes, de pareils ont été rencontrés souvent chez les Arthropodes, et j'en pourrais citer des exemples aussi nombreux qu'inutiles. Quant à la structure cytoplasmique, elle se montre, au Flemming, irès fibrillaire, les fibrilles étant perpendiculaires à la surface. J'y reviendrai à propos de l'insertion des muscles, où les cellules épithéliales se montrent nettement fibrillaires. La description précédente concerne uniquement les cellules des sclérites. Dans les parties articulaires, lépithélium est très aplati. Ainsi, chez Zaithobius, tandis que la hauteur de l’épithélium des 4894. J. Ryner and Mary PENNINGTON. Non sexual conjugation of the Nuclei of the adjacent Cells of an Epithelium {Anat, Anz.). 502 O. DUBOSCQ. sclérites est en moyenne de 25 y, celui des régions articulaires me- sure 3 p. Les noyaux de cet épithélium sont étalés comme les cel- lules et assez distants. C’est dire qu'il y à beaucoup moins de cellules pour une même surface que dans l'épithélium des sclérites. De plus, les glandes y sont très rares. Voici donc le moment de rechercher le mécanisme de la formation des chitines chromophile et achromatique. Auparavant, citons un autre fait. La chitine d'un Lithobius qui vient de muer à seulement 2 x d'épaisseur dans les sclérites: elle est entièrement formée de chitine achromatique et chromophile. Dans les régions articulaires voisines, elle est moitié plus épaisse et formée, comme toujours, d’une mince couche de chitine artificielle avec toute une série de lamelles acidophiles déjà sécrétées. Ces faits m'ont suggéré la conclusion suivante : La chitine chromophile est le résultat d’une sécrétion ! qui se pro- duit seulement au moment de la mue. Si elle est plus abondante au niveau des sclérites, c’est qu’à cet endroit les cellules sont beaucoup plus nombreuses pour une surface donnée qu’au niveau des articu- lations. La production de la chitine acidophile ou lamelleuse ne se produit qu'après cette sécrétion et serait due à l’altération périphé- rique des cellules, à leur kératinisation, si j'ose employer ce mot. Comme elle ne dépend que dela surface, il n y a aucune raison pour qu’elle soit plus abondante là où les cellules sont hautes et étroites que là où elles sontlarges et aplaties. J'ai déjà dit que chitine achro- matique et chitine basophile avaient chance d’être de même nature, La première serait une modification de la seconde sous l’influence du milieu extérieur. Si on ne la trouve pas aux articulations, c'est que peut-être ces couches sont si minces qu’elles sont difficilement perceptibles, et que, d’autre part, les articulations étant des plis subissent peut-être moins les influences extérieures. Ceci laisse prise à la critique. On se demandera pourquoi je ne fais jouer aucun rôle à la sécré- 4 Voyez plus haut la description des grains (9, fig. 4, pl. I). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 503 tion glandulaire, quand, à plusieurs reprises, j'ai signalé la multi- plicité des glandes aux sclérites et leur rareté aux articulations. Ce serait revenir à l'opinion d'Eisig, qui admet un accroissement de la chitine par la surface. Je ne puis y souscrire. Voici, en effet, d'autres remarques significatives. Les épaississements (fil spiral) des tra- chées sont de la chitine chromophile dans les petits troncs et achro- matique dans les gros troncs, et l’épithélium trachéen est exempt de glandes. Il n’y en a pas davantage dans l’épithélium tendineux et. les tendons sont faits de chitine chromophile ou achromatique. D'autre part, l’épithélium très élevé et très dense du vestibule stig- matique (fig. 4, pl. XXXI) sécrète des pseudo-poils faits d’élevures de chitine achromatique. N’est-il pas manifeste qu'aucune glande n'in- tervient dans leur formation ? Ainsi se justifie mon opinion. Rapport des cellules entre elles et avec les muscles. — Je n'ai pas trouvé grands renseignements sur les rapports des cellules entre elles. Rien n’a été écrit à ce sujet chez les Chilopodes. Les coupes or- dinaires montrent pourtant des faits curieux (fig. 1,2, 3, 4, pl. XXXI). Vers le milieu, les cellules épithéliales se rétrécissent, délimitant des espaces interstitiels d'importance variable selon les régions. Le sérum sanguin circule-t-il dans ces espaces ? C'est possible. Car on voit par endroits une coagulation granuleuse, qui pourrait bien n'être pas autre chose. Au surplus, les espaces ne sont pas com- plètement vides et les cellules s’envoient des ponts de substance qu'on ne saurait nommer ponts intercellulaires. Ge sont des anasto- moses de cellules réticulées. L’épithélium serait vraiment du tissu réticulé sans la contiguïté des bords supérieurs. Une coupe tangen- tielle ou oblique (fig. 5, pl. XXXI) paraît montrer un véritable tissu conjonctif de cellules étoilées, dont les branches s’anastomosent. Et la disposition se complique parfois de vacuoles creusées dans le corps cellulaire pour donner des mailles plus petites. Comme les cellules sont déjà étoilées lors de la formation du blastoderme, il est probable qu'elles persistent dans leur structure initiale, et cela doit être très commun chez les Arthropodes. J’ai vu même chose dans 904 O. DUBOSCQ. l'épithélium tégumentaire des pattes de Lepas, où le corps cellulaire est plus gros et les mailles sont très petites, presque semblables alors à de vrais ponts intercellulaires. C'est ce qu'on rencontre aussi chez les Diptères. Quoique je ne traite que des Chilopodes, je n'ai pu me retenir de représenter (fig. 11, pl. XXXIII) l'épithélium tégumentaire de l'Æris- talis tenax Fabr. La préparation, obtenue par l’imprégnation vitale au bleu de méthylène, nous donne les images des imprégnations métalliques où le cytoplasme est coloré intensivement et le noyau réservé en clair, les nucléoles étant seuls apparents. Entre les corps cellulaires, très nettement distincts les uns des autres, sont de fines mailles comme des parois d’alvéoles. Et, en effet, plus on y regarde de près, plus il semble qu’on ait affaire à un syncytium dont le cy- toplasme serait alvéolaire. Autour du noyau, les alvéoles, très denses et chargés de fines granulations chromatiques dans leurs intervalles, constitueraient le corps cellulaire. A une certaine distance, des al- véoles lâches et transparents formeraient la limite intercellulaire. Du côté interne, les cellules épithéliales sont normalement bor- dées par la membrane basale, qui est mince, anhiste et équivaut à la cuticule externe, en particulier aux couches lamelleuses de la chitine. Très généralement, de nombreuses cellules conjonctives — cellules pigmentaires, cellules adipeuses ou cellules représentant la terminaison des vaisseaux — viennent s'appliquer sur elle et doi- vent en être distinguées. Les noyaux qu’on trouve sur les coupes, contigus à la basale, appartiennent à ces cellules conjonctives, qui manquent dans certaines régions. Quand les deux faces du corps de l'animal sont très rapprochées, quand, par conséquent, deux épithéliums ont leurs basales voisines, il peut exister, entre les cellules épithéliales des deux faces, des ponts intercellulaires ou des anastomoses. Soit le bord saillant d’un bou- clier de jeune Zithobius mutabilis C. K. (fig. 2, pl. XXXI). Là, les cel- lules s’envoient les unes aux autres des anastomoses fibrillaires, qui sont simplement les prolongements de leurs pieds, et, à ces endroits, RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 505 la basale n’existe plus. Il n’y a aucun autre élément conjonctif entre les cellules que les globules sanguins circulant entre les mailles ainsi formées. De telles structures, pour n'être pas encore bien clas- siques, sont cependant très connues. Elles sont fréquentes chez les Insectes, où alors les pieds des cellules épithéliales sont massifs au lieu d’être déchiquetés comme chez Lithobius, et forment les fibres à deux noyaux de Graber. Bolles Lee (85) a fort bien interprété ces choses dans le septum du balancier des Mouches, qui en fournit une belle illustration. Il a montré tous les intermédiaires entre deux cellules épithéliales accolées par leurs pieds avec formation de basale les séparant, jusqu à la dis- parition totale de la ba- sale, qui donne la fibre à deux noyaux. Je connais beaucoup d'exemples ana- logues dans les lames min- ces comme les branchies. Fig. 2. Je représente ici (fig. 2, Coupe d’une branchie d’Oniscus murarius. texte) une branchie d’Oniscus murarius. Dans l’épithélium syncytial se sont formées des fibres qui sont tendues d’une face à l’autre pour maintenir les deux faces à distance égale et empêcher le gonflement de la branchie sous l’afflux du sang. Huet (83) avait vu ces anasto- moses, mais il ne les décrit pas comme fibrillaires. Les muscles s’insèrent sur le tégument, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un tendon. En réalité, ces deux modes d'insertion n’en font qu'un. Un tendon d’Arthropode n’a rien de commun avec un tendon de Vertébré. C’est une invagination du tégument comme une glande ou comme une trachée. Il est creux au centre, au moins virtuellement, parce que le centre représente la surface externe. C’est toujours un tube chitineux, et sa chitine est le produit de la 4885. Bozes Lee. Les Balanciers des Diptères (Rec. 2001, suisse), 4833. Huer. Nouvelles Recherches sur les Crustacés isopodes (Th, Paris). H06 O. DUBOSCQ. couche épithéliale recouvrant le tube. Mais cette couche épithéliale a son cytoplasme si fibrillaire, qu’elle peut donner le change à quel- qu’un de non prévenu. On sait que les tendons muent comme tous les produits de l’épithélium externe. J'ai des mues de Chilopodes qui le confirment pour ce groupe. Soit un muscle de Lithobius piceus C.K., s’insérant directement sur le tégument (fig. 8, pl. XXXI). Après une bonne fixation au Flemming, on voit, au-dessous de la chitine, une rangée de cellules épithéliales dont le cytoplasme est très fibrillaire. Ge sont de véritables cellules tendineuses, pourrait-on dire. Sauf à la surface, où elles sont conti- ouës par Jeur bord, elles laissent entre elles des espaces notables tra- versés par un réticulum granuleux ge, qui forme les anastomoses, transversales entre les cellules. Leurs noyaux, toujours très allongés dans le même sens que la cellule, sont peu riches en chromatine et possèdent un nucléole très pelit, difficile à reconnaître dans les pré- parations au Flemming safranine. Ils sont accolés à la partie fbril- laire ou dans l’intérieur même du corps fibrillaire, jamais dans les espaces clairs qui sont pour moi, et je le souligne, les espaces inter- cellulaires. Quant à la basale, elle n'existe pas. Dans beaucoup de préparations, on voit très clairement qu'elle se réfléchit pour devenir le sarcolemme du muscle. Ainsi, la fibre musculaire est comprise avec la cellule épithéliale en dedans de la basale. Gependant, pour séparer apparemment la fibre musculaire de la cellule épithéliale, il existe une ligne sombre #4. Elle n’est pas autre chose qu’une série d’épaississements des fibrilles dont on ne saurait dire s'ils appar- tiennent aux fibrilles épithéliales ou aux fibrilles musculaires, les unes et les autres ne pouvant être distinguées. Parfois, ces épaissis- sements se soudent etsimulent une basale, mais ce n’est pas la règle. Ainsi la continuité est complète entre la fibre musculaire et la cel- lule épithéliale. Les fibrilles musculaires se suivent dans la cellule épithéliale où elles constituent, après l'épaississement basal, une partie des fibrilles épithéliales. Examinons en effet la fibre muscu- laire. Elle est d'un calibre plus ou moins grand selon les régions. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 507 Une fibre musculaire n’est pas un élément anatomique, mais un syn- cytium d'importance variable, limité par une membrane anhiste ou sarcolemme. Distinguons d’abord les noyaux nm qui sont, soit immédia- tement sous le sarcolemme, extérieurs au faisceau fibrillaire, soit parmi les fibrilles en rangées parallèles. Variable est le nombre des rangées, qui dépend de la grosseur de la fibre. Il y en a communé- ment plusieurs chez Lithobius (m, fig. 51, pl. XXX VII) et une seule cen- trale chez Geophilus (m, fig. 52, pl. XXX VII). Ces noyaux sont très allongés, et parmi leurs très nombreux grains chromatiques est un nucléole dont la position n’est pas constante. Ils sont entourés d’un cytoplasma granuleux, d’où la distinction qui s'impose d’un proto- plasma granuleux gm (fig. 8, pl. XXXI) et d’un protoplasma fibril- laire fm. Les fibres musculaires sont en rapport avec un plus ou moins grand nombre de cellules épithéliales selon leur grosseur. Comme je l'ai dit, le corps fibrillaire dela cellule épithéliale se continue avec le protoplasma fibrillaire de la fibre musculaire, certaines fibrilles pas- sant sans interruption de l’une à l’autre. Les interstices granuleux de la fibre musculaire correspondent aux espaces intercellulaires des cellules épithéliales, d’où les noyaux musculaires ne sont jamais sur la même file que les noyaux épithéliaux. Mais les espaces granuleux musculaires sont beaucoup moins importants que les espaces inter- cellulaires épithéliaux, c’est pourquoi beaucoup de fibrilles muscu- laires s'arrêtent vers le niveau de la basale. La fibre musculaire, avant de se continuer avec les cellules épi- théliales, perd sa striation. Il y a ainsi, après une zone striée sm, une zone de fibres fm purement tendineuses. L'importance de cette zone est très variable. Tantôt elle est très longue, tantôt presque nulle, mais existe toujours. Elle a été très bien figurée par plusieurs auteurs chez d’autres animaux, et par exemple par List (93) chez Palemon. Dans la description précédente, les cellules épithéliales faisaient 4895. Tu. List. Morphologisch-biologische Studien über den Bewegungsap- parat der Arthropoden [2° Theil! (Mitéh. Zool. Stat. Neapel), H0S 0. DUBOSCQ. partie de la surface tégumentaire. Que cette chitine ch soit un ten- don, j'aurai à répéter la même description. J'ai décrit, sans idée doctrinale, ce que j'ai vu sur les rapports des muscles et de l’épithélium. C’est une question qui a déjà préoccupé nombre d'histologistes, sans que la lumière soit faite. Je me suis permis d’y ajouter une contribution, parce que rien n'avait été dit sur les Chilopodes. En somme, un point est acquis : les fibrilies mus- culaires pénètrent parmi les cellules épithéliales et vont jusqu'à la cuticule. Le fait a été vu par un grand nombre d’auteurs. Mais les uns, comme Frenzel (85), comme Ide (92), comme Nicolas (89), poursuivent les fibrilles entre les cellules épithéliales. Dans cette pé- nétration interstitielle, les fibres musculaires s’épanouissent en fais- ceaux de fibrilles qui entourent, qui enveloppent la cellule épi- théliale. Telle n’est pas l'opinion de Leydig (85). Pour lui, chez les Insectes, il y à continuité entre les fibrilles épithéliales et les fibrilles muscu- laires, la cellule formative de la cuticule continuant complètement la fibre musculaire. Dans les tendons, il les voit jusqu’à la cuticule. S'il n’y a pas de tendon, les cellules épithéliales sont fibrillaires seulement dans leur partie inférieure, mais continuent encore les fibrilles musculaires. Leydig a étudié PHydrophile. Je puis affirmer que, chez les Myriapodes, les cellules épithéliales sont fibrillaires dans toute leur hauteur. Et, cette réserve faite, je me rallie complètement à l'opinion de Leydig. Or, nous sommes appuyés par l'embryologie. Heathcote (86) a insisté sur ce fait que, dès les premiers stades du développement, les cellules épithéliales étaient largement anastomo- sées avec les cellules mésodermiques. Personne n’a démoniré que ASSS. FRenzez. Ueber den Darmecanal der Crustaceen nebst Bemerkungen zur Epithelregeneration (Arch. f. mikr. Anat.). 4892. Ine. Le Tube digestif des Edriophthalmes (Cellule). 4889. Nicocas. Sur les rapports des muscles et des éléments épithéliaux dans le pharynx du Péripate (Rev. biol. Nord France). 4885. Leypic. Zelle und Gewebe (Bonn). 4886. Hearacote. The early development of Zulus terrestris (Quart. Journ.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 509 ces anastomoses se brisent, et par conséquent que les fibrilles se développant postérieurement dans les deux cellules ne puissent en partie être communes, II. CELLULES SENSORIELLES. L'étude des cellules sensorielles, c’est l'étude du système nerveux périphérique et même du système sensitif dans son ensemble, el c’est en même temps et fatalement l’étude difficile des poils et de leur valeur histologique. On doit penser que je ne vais pastrancher d'une façon définitive ces grandes questions controversées. Mais, comme les Chilopodes leur ont fourni peu d'appoint, j'ai traité ce chapitre avec prédilection, certain que j'étais d'obtenir des résultats, au moins nouveaux pour le groupe spécial auquel je me limitais. J'ai déjà donné (9%, 98) la bibliographie de cette question, et je résumerai seulement celle qui a trait aux Chilopodes.Ce que l’on sait sur eux est entièrement dû à vom Rath (94, 96), qui les a envisagés dans son enquête sur le système sensitif des Arthropodes. Il est très bref. Il représente une patte de jeune Zithobius imprégnée au Golgi. Jusqu'à l'extrémité de chaque poil pénètre un filament, prolonge- ment périphérique d'une cellule bipolaire dont l’autre prolongement est le cylindre-axe du nerf sensitif. C’est une confirmation des pré- parations obtenues plus facilement avec les Crustacés et aussi avec les Chilognathes. Le gnatochilarium d’un /ulus lui a fourni la dé- monstration de sa théorie du système sensitif des Arthropodes, qu'il a énoncée en ces termes : 489%. O. Dugosco. Sur la terminaison des nerfs sensitifs des Chilopodes (Ann. de l'Université de Grenoble). 4898. O0. Dusosco. Sur le système nerveux sensitif des Trachéates (Orthop- tères, Chilopodes) [ Arch. de zool. exp.]. 4894. O. vou Rarx. Ueber die Nervenendigungen der Hautsinesorgane der Arthropoden nach Behandlung mit der Methylenblau und Chrom- silber methode (Bericht. d. natur. Gesells. zu Freiburg). 4896. O. vou Rarx. Zur Kenntniss der Hautsinnesorgane des sensiblen Nerven- systems der Arthropoden (Zeifsch. f. wiss. Zool.). 910 O. DUBOSCQ. « Chez les Arthropodes, toutes les terminaisons sensitives, les yeux exceptés, se font dans des poils. «A chaque poil sensitif correspond, à une distance plus ou moins éloignée de sa base, une ou plusieurs cellules sensorielles bipolaires dont un prolongement (prolongement distal) pénètre dans l'inté- rieur du poil et s’y termine sans se ramifier, dont l’autre prolonge- ment (prolongement proximal) pénètre dans le centre nerveux où il se divise en deux branches fournissant de nombreuses ramifications, lesquelles, finalement, se terminent sans anastomose. » En somme, à chaque poil correspondent un ou plusieurs neurones sensoriels, et ces neurones ne sont que des cellules épidermiques étirées. Donc, le cylindre-axe d’un nerf sensitif n’est qu’un prolon- sement de cellule épidermique. Les nombreux travaux sur l'anatomie des Chilopodes ont été tel- lement dépassés par vom Rath, que je ne les cite que pour mémoire. Ainsi, Zograf a complètement glissé sur cette question dans sa belle monographie de Lithobius. A signaler seulement, dans son embryo- logie de Geophilus (83), la représentation exacte d’une cellule sen- sorielle. Haase (84) et Heathcote (85) ont décrit les organes particu- liers de la mâchoire de Scutigera. Leur description, très intéressante au point de vue spécial où ils se placent, n’est qu'une contribution sans importance à la question telle que je l’envisage. Pour l’élucider, j'ai employé simultanément la méthode d'Ehrlich, la méthode de Golgi et les méthodes ordinaires. La difficulté de su- perposer les images obtenues par ces moyens divers m’oblige à les décrire successivement. Méraope n'Enrzica. — Examinons les téguments d’un Zithobius piceus G. K. injecté depuis trois heures. Dans les pattes (A, G, D, 4883. Zocrar. Matériaux pour l’histoire du développement de Geophilus fer- rugineus et proximus (Fedtcenko Bibliothek. Moscou). 4884. Haase. Schlundgerüst und Maxillarorgan von Scutigera (Zool. Bei- träge A. Schneider). 4885. Hearucorr. On a peculiar sense organe of Scutigera coleoptrata (Quart. Journ. of micr. Sc.). L “ Ê a. NN SES NN Pro Lithobius piceus C. K. Méthode d'Ehrlich. A, bord supérieur d’un tibia; B, hanche de la forcipule; C, poils d’une cuisse; D, poils d’une hanche ; E, grand calcar inférieur d’une cuisse s, cellule sensorielle; ss, groupes de cellules sensorielles ; sx, cellule sensorielle probable ; z, cellule sensorielle ou cellule du névrilemme ; k, cellule épidermiqne du groupe senso- riel; a, globule sanguin ; », nerf. 512 O. DUBOSCQ. fig. 3, texte), à chaque poil correspondent une ou plusieurs cellules vivement colorées: toujours une seule vers l'extrémité de la patteetun groupe quand on remonte vers la racine du membre. De la cellule s ou du groupe ss, part un filament distal qui atteint la base du poil. Le prolongement opposé est une branche fine du nerf. Dans le cas d’une cellule unique, on a affaire visiblement à une cellule sensorielle bipolaire. Ce n’est pas toujours évident quand il s’agit d'un groupe. Il y a des groupes decellules sensorielles manifestes, et j’en ai figuré un (ss, fig. 15, pl. XXXIII). Remarquez dès maintenant ce que montre . cette figure 15. Les cellules sensorielles des divers poils sont accolées les unes aux autres, et souvent les cellules de la bifurcation des bran- ches nerveuses s'imposent à l’œil comme des cellules sensorielles. De même dans les lames de la forcipule (B, fig. 3, texte, et fig. 16, pl. XXXHI). En fait, je n'aipu déterminer par l'Ebrlich le nombre des cellules sensorielles affectées à chaque poil. Tout ce que j'aipuvoir, c'est que, dans ces groupes (fig. 15, pl. XXXIID), tantôt toutes les cel- lules sont uniformément teintes, tantôt une seule est de couleur intensive parmi d’autres plus pâles de nature inconnue. Est-ce iou- jours ainsi ? Et non. On peut trouver deux cellules nettement colo- rées et peut-être toutes les transitions. Mais, encore une fois, on ne peut distinguer leurs prolongements respectifs. Somme touie, il apparait que, morphologiquement, le nerf sensitif est la réunion des prolongements basaux des cellules sensorielles. Qui n’en serait Con- vaincu par des préparations comme celles de ma figure 10 (pl. XXXII). Dans ces téguments de la forcipule de Lithobius Martini Brôl., on poursuit le prolongement proximal jusque dans le nerf lui-même, où on le discerne longtemps des prolongements pareils issus de cellules sensorielles semblables. Ge point est acquis. J'ai trouvé d’autres cellules sensorielles que celles des poils. D'abord, toutes les éminences dures, comme les dents des mandi- bules, les dents des hanches de la forcipule, ont des groupes de cel- lules sensorielles (ss, B, fig. 3, texte). Elles sont situées, aux dents comme aux poils, à une certaine distance de leur base. Voici bien RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 913. autre Chose. Dans l’intérieur des calcars des pattes de Zithobius (E, fig. 3, texte), dans les grands calcars si nombreux chez Scutigera (fig. 16, pl. XXXIII), j'ai vu des cellules bipolaires manifestement sensorielles. Leur pied se suit jusqu’à une branche du nerf sensitif, Au surplus, l'étude comparée de Lithobius et de Scutigera fournissant la preuve que ces calcars sont homodynames aux dents, on devait s'attendre à y découvrir des groupes de cellules sensorielles. Le fait intéressant est qu’elles soient contenues en eux. À ma connaissance, rien de pareil n’a été signalé chez d’autres Arthropodes. Sans être une méthode cytologique, la méthode d’Ehbrlich nous fournit, sur la structure des cellules, des renseignements qu’on aurait difficilement d'autre manière. Sur le noyau, peu de chose. Quand il est distinct, il apparaît soit uniformément clair, soit uniformément foncé, et toujours à peu près sphérique (n, fig. 14, pl. XXXIIT). En général, tout le corps cellulaire a pris la couleur et très vivement. Les prolongements sont plus pâles (diverses cellules de la figure 10, pl. XXXII). Les deux ensemble ont la direction de l’axe cellulaire, ou bien sont à angle droit l’un par rapport à l’autre avec toutes les formes intermédiaires. Le prolongement distal est progressivement effilé, toujours granuleux et teint de façon assez uniforme. On le suit jusqu’au poil, où il se termine un peu latéralement en s’appli- quant sur un petit cylindre creux, qui continue la cavité du poil à l'intérieur des téguments. Quant au prolongement proximal ou cylindre-axe, il commence d’une façon très particulière. D'abord la cellule se rétrécit et d'ordinaire sa première portion est très claire (Sa fig. 10, pl. XXXII), parfois entourée d’un anneau chromatique (a, Gg. 14, pl. XXXIII). Puis vient une formation intensivement colo- rée, qui donne l'impression de quelque chose de rigide (Site 210, pl. XXXIL, et 4, fig. 14, pl. XXXIII), d’où je l’ai appelée kampe chro- matique. À sa suite, le cylindre-axe plus ou moins onduleux paraît à de forts grossissements un faisceau de filaments très fins, faits eux- mêmes de files de granules. Chez Lithobius, les filaments nerveux périphériques s'altèrent assez lentement et sont fixés en bon état. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, — 3® SÉRIE, — T, Vl. 1898, 33 #14 0. DUBOSCQ. Fragment d’une patte (tibia) de Scutigera coleoptrata L. Méthode de Golgi. D. DA DaP3 Dr, poils sensitils; CM, enveloppe des cellules du poil; €, €1 C2, canaux des cellules du p Mais chez Seutigera, l'altération est aussi rapide que chez les Crus- tacés décapodes, et chaque cy- lindre-axe se change en un Cha- pelet de petites varicosités. Mal- gré les idées bizarres de Renaut, qui fait jouer un grand rôle à ces perles, il est bien démontré au- jourd’hui que ce sont des altéra- tions post mortem. Elles se produi- sent plus rapidement chez les éléments plus délicats. Ainsi dans les centres nerveux de Lithobius, toutes les fibres d’origine céré- brale sont très rapidement vari- queuses. Voilà tout ce que m'a montré l'injection vitale de bleu de mé- thylène. Maïs, je ne saurais trop le répéter, cette méthode peut colorer les plexus conjonctifs qui, dans les bonnes préparations, doivent rester très pâles (fig. 13, pl. XXXII). Elle peut colorer pa- reillement les trachées et beau- coup d’autres choses, quand on s'y prend mal. Méthode de Golgi. — Soit une paite de Scutigera coleoptrata L:., traitée par le Golgi formol (fig. 4, texte). Parmi les nombreux poils, certains seulement: D, Pys Per Ps Ps Sont imprégnés avec quelques RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. S15 différences dans les images ainsi fournies. Le poil p, semble confir- mer l'interprétation de Rath. Une cellule bipolaire pousse ce qui est apparemment son prolongement distal jusqu'à l'extrémité du poil ; l'autre prolongement, très peu imprégné, est certainement le cylindre- axe d'une fibre sensitive. Mais voyez les poils comme p,. Le prolon- gement distal remplit la cavité du poil et se poursuit vers la cellule avec une épaisseur égale c, puis brusquement suit un fin prolonge- ment pareil au prolongement central qui est le cylindre-axe. J’in- terprète ainsi: la partie épaisse du prolongement périphérique est limprégnation du canal du poil se poursuivant jusque dans les cellules trichogènes. Le prolongement fin est seul le prolongement distal. Cette interprétation est appuyée par les images de poils comme p, où, là encore, ce qui est bien le vrai prolongement de la cellule se distingue du canal du poil par sa minceur. Avec le canal est imprégnée une partie de l’enveloppe des cellules mères cm. Le poil p, est d’une interprétation plus difficile. D'après ce que j'ai vu par d’autres méthodes, c, serait un canal de première formation, €, le canal de nouvelle formation qui s’enfonce dans les tissus, À remar- quer que ce poil a deux cellules sensorielles très nettes. Enfin, les poils p nous donnent vraiment la sensation que l'imprégnation — ici très incomplète — commence par l’ex- térieur et intéresse d’abord toute la ca- vité du poil. C'est seulement Fig. 5. plus loin que les cel- Patte de Geophilus linearis C. K. Méthode de Golgi, cs, capsule sensorielle ; ss, groupe de cellules sensorielles; 4, anastomose. lules avec leurs pro- longements s’imprè- gnent purement. Donc, jusqu'ici, malgré les apparences, mes pré- parations de Scutigera ne démontrent pas la pénétration jusqu’à 916 O. DUBOSCQ. l'extrémité du poil du prolongement distal de la cellule sensorielle. Voyons les images données par les Géophiles. Elles sont un peu différentes. La figure ci-contre (fig. 5, texte) est la représentation des résultats communs. Tous ces corps ovalaires çs avec un filet nerveux d'apparence cylindraxile et un prolongement distal pé- nétrant jusqu’à l'extrémité du je poil, beaucoup les prendraient LOUE . pour de simples cellules. Il n’en ï "est rien. Ce sont des groupes de cellules avec la capsule de névrilemme, laquelle est im- prégnée et empâle ainsi cel- lules et cylindres-axes, Sans parler des réseaux conjonctifs qui prennent l’imprégnation et fournissent des anastomoses & n'ayant rien de nerveux. J'ai donc appelé ces corps cs Cap- sules sensorielles. Sur certains points, les capsules sont jaunes et apparaissent comme vides, parce que leur contenu n’a pas Bord interne du premier article d’une an- été touché per le chromate tenne de Geophilus longicornis Leach. Mé- d'argent. Ailleurs, c'est la cap- thode de Golgi. sule qui n’est pas imprégnée, © s, cellule sensorielle; cs, capsule sensorielle; n, nerf. et le contenu est révélé sous la forme d’un groupe de cellulesss. Cette interprétation est complètement justifiée par l'examen d’autres préparations. Voici (fig. 6, texte) le bord interne d’une an- tenne de Geophilus longicornis Leach. Nous retrouvons nos COTps arrondis cs mesurant près de 25 p; le nerf auquel la capsule senso- rielle se rattache estimprégnéavecson névrilemme. Mais, beaucoup de points sont imprégnés purement. Alors, ce sont de petites cel- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 47 lules s ne dépassant pas 7 p. Cette fois, le nerf auquel elles se rat- tachent laisse discerner ses cylindres-axes, et de telles images sont superposables aux images obtenues par l'Ebrlich chez Zithobius (fig. 40, pl. XXXII); d'autant plus que le prolongement distal s’ar- rête à la base du poil. De pénétration jusqu’à l'extrémité du poil pas trace, tant que la capsule ou au moins le groupe de cellules dites sensorielles n’est pas imprégné. Voit-on, par le Golgi, d’autres terminaisons nerveuses que celles destinées aux poils? Ce qu’il faut signaler d’abord, c'est que très souvent les canaux des glandes unicellulaires sont remplis par le chromate d’argent. Je me suis dispensé de les représenter. Elles sont faciles à reconnaître et l’on me croira bien sur parole, puisque la méthode de Golgi est une méthode d’'imprégnation des canaux glan- dulaires. On rencontrera de nombreuses glandes imprégnées dans les boucliers des Géophiles, dans les pattes de Scutigera, dans les pièces buccales de Zithobius et un peu partout chez Scolopendra. Il est une autre forme d’imprégnation fréquente chez Zithobius dans les téguments des pattes ainsi que dans les griffes et calcars (fig. 7, texte). Ce sont de fins filaments que je n'ai jamais pu pour- suivre loin. Le fait, c’est qu'ils se terminent à l'extérieur par un très petit pore, et qu'ils sont contournés à un endroit de leur par- cours. Je les ai d’abord assimilés (9%) aux organes en bouteille que Forel et Kræpelin ont décrits chez les Fourmis. Ge n’est pas très méchant comme homologie, puisqu'on sait mal la valeur de ces organes. Je penchais pour des glandes, parce que toutes les im- prégnations analogues, mais plus courtes et moins contournées, appartiennent à des glandes. Mais je n’y crois plus guère. J'ai rappelé à ce propos que vom Rath (96) avait vu des ter- minaisons analogues chez Miphargus puteanus, sans les comprendre. 489%. O. Dusosco. Sur la terminaison des nerfs sensitifs des Chilopodes (Ann. de l'Univ. de Grenoble). 4896. O. vou Rarx. Zur Kenntniss der Hautsinnesorgane und des sensiblen Nervensystems der Arthropoden (Zefsch. f. wiss. Zool.). 518 O0. DUBOSCQ. Elles se rattachaient dans S0n cas aux branches nerveuses. Si elles sont nerveuses, alors Sa formule deviendrait fausse, puisque, chez les Arthropodes, il ne reconnaît de terminaison sensitive que pour les poils. Seraient-ce des trachées ? C’est que cela y ressemble beaucoup. Ces contournements en tire- bouchon, on ne les voit par d'autres mé- thodes que dans les canaux des trachées (é. tr, fig. 10, pl. XXXII). Or des terminai- sons trachéennes qui déboucheraient à l'extérieur, comment insister sur pareille hypothèse avec des préparations aussi dé- fectueuses. Qu’on ait décrit plus d’une fois des canaux respiratoires dans le tégu- ment des Arthropodes, je ne l'ignore pas. Mais les auteurs qui ont avancé de pareils faits, n’ont montré, pour les appuyer, que des préparations bien discutables. En ce sul | ÿ nn qui concerne les Chilopodes, j'ai déjà dit $ î is no 5 n ; ï Fig. 7. incomplètes, et c’est ma seule conclusion. Extrémité d’une patte de Litho- Méthode ordinaire. — Maintenant, soit bius hexodus Brül.: Méthode ; : de Golgi. une préparation à plat de tégument d'un s, capsule sensorielle ; g, canal de bouclier ventral de Scutigera, coloré à l'hé- glande (?); c, calcar. matoxyline et l’éosine (fig. 6, pl. XXXI). Le tissu conjonctif a été enlevé au pinceau. Toutes les cellules épi- que Verhæff (92) en avait trouvé. Ses des- criptions et figures me donnent l’assu- rance qu'il interprète ainsi les canaux des glandes unicellulaires. En somme, je n'ai pas compris mes imprégnations qui sont théliales banales se montrent colorées en rouge avec un noyau violet plus ou moins irrégulier. Parmi elles, des groupes très ser- a892. Veruærr. Zur Kenntniss der Analpleurendrüsen bei Scolopendriden (Berl. Entom. Zeitschr.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 519 rées ge sont toujours au-dessus de l’origine des prolongements dis- taux des cellules sensorielles, lesquelles s nous reconnaissons avec la plus grande facilité, tranchant par leur couleur entièrement vio- lette sur les voisines qui sont rouges. Partons de la base d’un poil (fig. 6, pl. XXXI, à droite). On trouve comme un canal en cul-de-sac c creusé dans l'extrémité du prolon- gement distal. Le prolongement nous mène à la cellule s avec son noyau. Elle est intimement accolée à des cellules pareilles et ces groupes se continuent par des filaments nerveux, enveloppés d'un névrilemme caractérisé par ses noyaux » très allongés. Les cylindres- axes sont-ils ces filaments que l’on suit à travers les cellules, très distincts du cytoplasme propre. Ils traverseraient plusieurs cellules, qui paraissent d'ailleurs en continuité, pour finalement se diriger vers le poil. J'appelle ces filaments nerveux /p fibrilles primitives, pensant que j'ai vu là ce qu'ont vu Apathy (9%) et Bethe (98) dans leurs dernières recherches. Ainsi, nous sommes loin de l’Ehrlich et du Golgi. Les cellules sensorielles sont situées dans des espaces interépithé- liaux, semblables à des canaux clairs, lesquels ne sont pas traversés par des anastomoses des cellules épithéliales propres, ce qui est logique, puisque les cellules sensorielles sont des cellules émigrées. Dans toute cette description, je n'ai pas parlé de cellules mères du poil, mais seulement des cellules sensorielles, C’est qu'il m’a été impossible de distinguer les unes des autres. J'ai montré les noyaux du névrilemme intimement accolés aux cellules senso- rielles et je tiens le névrilemme pour épithélial en accord avec l’opi- nion de vom Rath (88) et les recherches embryologiques de Hey- 48977. S. Araruy. Das leitende Element des Nervensystems und seine topo- graphischen Beziehungen zu den Zellen (Mitéh. Z. Stat. Neapel). 4898. Berne, Das Centralnervensystem von Carcinus menas (IT Thiel., 3e Mitth.) [Archiv. f. mikr. Anat.]. 41888. O. vou Rarx. Ueber die Hautsinnesorgane der [nsekten (Zertsch. f. wiss. Zool.). | 920 O. DUBOSCQ. mons (98). Quant aux grandes cellules à noyaux arrondis, leur simi- litude ne m'a pas permis de leur donner des noms différents. | Les préparations à plat nous fournissent d'importants détails de fine structure. D'abord le noyau des cellules sensorielles est carac- téristique. Il est arrondi ou légèrement elliptique et toujours très régulier, ce qui le distingue immédiatement des autres noyaux épi- théliaux. Sa chromatine est en petits grains et en gros grains dis- posés sur un réseau très net. Dans beaucoup de préparations de Scu- tigera, on ne voit pas le nucléole. Il ÿ en a toujours un pourtant et facile à reconnaître chez Lithobius, où la chromatine n’a pas de gros grains. Une petite atmosphère hyaline enveloppe le noyau. Mais c'est le cytoplasme qui est vraiment spécial. Dans la double coloration, il se teint par l’hématoxyline, qui met en relief des corpuscules chro- mophiles, de véritables corpuscules de Nissl. Les cellules ont toutes un aspect tigré dû à ces corpuscules, qui sont de taille analogue et en forme de petites étoiles irrégulières, placées aux nœuds du réseau cytoplasmique. Je ne crois pas que les corpuscules de Nissl aient été signalés dans les cellules sensorielles. Ils sont faciles à voir chez Scutigera (fig. 6, pl. XXXI). J'ai déjà parlé des fibrilles primitives, autre différenciation du cytoplasme. Très visibles sur certains points, elles sont ailleurs si vagues, que je n’entreprendrai pas de les décrire longuement avec des préparations insuffisantes. Les coupes tangentielles de l’épithélium externe concordent en- tièrement avec les préparations au pinceau et n'ajoutent rien. Les coupes perpendiculaires déterminent quelques rapports intéressants. Ainsi (fig. 4, pl. XXXI), la cellule sensorielle est placée en dedans de la basale et entre les pieds des cellules épithéliales de soutènement. Les cellules névrilemmatiques » lui forment une enveloppe, tandis qu’elle est coiffée par un groupe de cellules épithéliales ge dont les’ noyaux sont accolés. Ceci semble constant. 4898. Heymons. Zur Entwicklungsgeschichte der Chilopoden (Sitz. d. K. P. Akad. wiss. zu Berlin). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 521 De l'analyse de ces préparations diverses, quelles conclusions tirer ? Allons-nous prendre parti dans les controverses suscitées par ce système nerveux périphérique des Arthropodes ? Si je n’ai pas de conviction définitive, je n’ai pas fait ces recherches sans aboutir à des opinions. Avant de les énoncer, il me faut, pour être clair, exposer les points en litige. Il y a plusieurs questions bien distinctes qu'il importe de scinder. 1° Quel est le rapport des cellules sensorielles avec les cellules mères des poils ? 2° Qu'est-ce que le nerf sensitif par rapport à la cellule sensorielle ? 3° Y a-t-il des cellules sensitives en dehors des cellules sensorielles ? La première question est pour moi la plus obscure. Sans en faire l'historique, je rappelle que c’est Viallanes (83) le premier, qui a décrit la cellule sensorielle et la cellule mère du poil d’une façon assez précise. Voici comme elles sont chez les Diptères. Le poil est formé par une grosse cellule placée à sa base (cellule du poil). Elle sécrète le poil, comme les autres sécrètent la chitine du tégument. Elle pré- sente un bourrelet protoplasmique, qui correspond au bourrelet dela base du poil, puis un prolongement qui pénètre dans le canal même qu'elle remplit. À côté d’elle est une cellule sensorielle bipolaire (corps fusiforme). Celle-ci envoie son prolongement distal dans l’in- térieur même de la cellule du poil; l’autre prolongement est le cy- lindre-axe du nerf sensitif. Dans sa belle monographie de la Mouche, B. Lowne (92) à donné des descriptions et figures en accord avec Viallanes. Holmgren (95), qui à fait le travail le plus récent et le 4883. Viarranes. Recherches sur l’histologie des Insectes et sur les phéno- mènes histologiques qui accompagnent le développement postembryon- naire de ces animaux (7%. Paris, in Ann. Sc. Nat.). 4892. B. Taowpson Lowne. The Anatomy, physiology, morphology and de- velopment of the Blow Fly (London). 4895. E. HozmGren. Studier ofver hudens och koertebart hudorg. mortol. hos skand. makrolepidopterlarven (X. Svenska Vetensk. A kad. Hand- ling.). Je fais toutes réserves sur l'interprétation que j’ai pu donner 599 O. DUBOSCQ. plus documenté sur cette question, arrive à des résultats analo- gues. À côté d'une très grosse cellule mère du poil, il trouve, dans la peau des chenilles de Lépidoptères, de petites cellules sensorielles bipolaires en union intime avec cette cellule. Les auteurs allemands sont beaucoup moins précis. Je n'ai pas trouvé dans les travaux de Retzius, de Rath et de Bethe de distinc- tion nette entre les deux cellules. Ils ne les tiennent pas pour d’une seule sorte, et ils parlent plus ou moins vaguement de matrixzellen à côté des sinneszellen. Pour Retzius (95), elles sont contenues les unes et les autres dans le groupe de cellules d'apparence ganglion- naire qui est en rapport avec le poil. Car, pour lui, c'est bien le cor- don, fait des prolongements distaux de cet amas cellulaire, qui est la matrice du poil. Vom Rath (96) soutient la même vue de façon aussi vague. Après avoir décrit les cellules sensorielles envoyant leur pro- longement dans le poil, il ajoute: € Le poil contient en outre les prolongements de quelques cellules hypodermiques matrices du poil. » Et c’est tout. Pas de représentation de ces cellules matrices. Or, visiblement, c’est là un point sur lequel ils ne s’entendent pas. Yom Rath (94) avait décrit à la base de chaque poil de Mysis un groupe de cellules sensorielles. Bethe (95) ne voit qu'une cellule là où vom Rath trouvait un groupe etil écrit : « Je crois que vom Rath a pris les cellules mères des poils avec leurs noyaux allongés pour groupe de cellules sensorielles, erreur dans laquelle j'étais tombé moi-même. » | Là dessus, comme je l'ai dit, mes préparations m’imposent une aux quelques passages de ce travail suédois que, tant bien que mal, j'ai déchiffrés. 4895. G. Rerzus. Das sensible Nervensystem der Crustaceen (Biol. Unters. INR) 4896. O. vou Rars. Zur Kenntniss der Hautsinnesorgane des sensiblen Ner- vensystems der Arthropoden (Zeitschr. f. wess. Zool.). 4894. O. vou Rara. Zur Kenntniss der Hautsinnesorgane der Crustaceen. (Zool. Anz.). 1895. À. Berue. Die Otocvste von Mysis (Spengel's Zool. Jahrbuch.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. b23 grande réserve. J'ai vu par l’Ehrlich des groupes de cellules senso- rielles allant à des poils différents (ss, fig. 18, pl. XXXIID) ; mais, par cette méthode, quand elles allaient à un seul poil, je n'ai pu savoir si l’une seulement était sensorielle, les autres étant des cellules épider- miques pures qui seraient simplement matrices du poil. Cependant par le Golgi, j'ai vu plusieurs cellules sensorielles pour un poil de Scu- tigera (p,, fig. 4, texte), ce qui a été souvent représenté par vom Rath chez d’autres Arthropodes. Les méthodes ordinaires ne m'ont jamais permis de distinguer les cellules mères du poil des cellules senso- rielles. Les distinctions que j'ai faites autrefois entre les unes et les autres — d’ailleurs avec beaucoup de réserve — ne sont pas justi- fiées. Elles ne reposaient que sur des différences de coloration (Ehrlich) ou desimprégnations vagues (Golgi). Je n’affirme pas que les cellules sensorielles et les cellules mères du poil ne font qu’un, mais je citerai à l’appui de cette vue quelques arguments. J'ai dit que B. Lowne avait confirmé, chez les Diptères, les résultats de Vial- lanes. Ce n’est vrai qu’en partie. A côté de poils où il distingue la cellule sensorielle et la cellule mère, il en décrit d’autres où ces deux cellules ne sont manifestement qu’une seule. Or, chez ces mêmes Diptères, Künckel d'Herculais (83) distinguait en dehors des cellules sensorielles d’autres cellules qu’il rattachait au névrilemme ; mais vom Rath déclare que Künckel s’est trompé et que les unes et les autres sont cellules sensorielles, ce qui confirme les anciennes figures de Jobert (32), où elles sont fort bien figurées. Enfin, pour ne pas sortir de ce groupe, je citerai de Bolles Lee (85) un travail fort sug- gestif. L'auteur a étudié, chez les Mouches, les plaques du balan- 4883. Küncrez D'Hercucais. Recherches sur l'organisme et le développement des Diptères et en particulier des Volucelles de la famille des Syr- phides (Atlas. Paris et C. R. Ac. Sc. 1881). 4872. Jogert. Etudes d'anatomie comparée sur les organes du toucher chez divers Mammifères, Oiseaux, Poissons et Insectes (Th., in Ann. Sc. Nat.). 4885. A. Bozces Lee. Les Balanciers des Diptères (Rec. Zool. Suisse). 524 O. DUBOSCQ. cier. Elles sont percées de nombreux trous où fait saillie un tout petit poil au centre d'une petite papille. À chacun de ces poils cor- respond une cellule bipolaire ou cellule sensifère. Mais qui a formé le petit poil ? Est-ce la cellule sensifère ? Bolles Lee ne trouve aucun élément trichogène en dehors d’elle. Et alors, pour se conformer à la doctrine classique, comme il y a à la base du poil un anneau qui se colore par le carmin, c’est peut-être, dit-il, du protoplasma mêlé de débris de nucléine, reste d’un noyau désintégré qui représenterait l'élément trichogène. Cette bonne volonté prouve que, malgré une recherche soignée, Bolles Lee n’a vu aucun élément trichogène autre que la cellule sensorielle. Comme je n’ai pas étudié le développement des poils, les Chilo- podes n’étant pas favorables à cette étude, je n'insiste pas davantage. La deuxième question est celle-ci : qu'est-ce que le nerf sensitif par rapport aux cellules sensorielles ? Mes préparations d’'Ebrlich et de Golgi concordent tant avec celles de Rath et de Retzius que je ne puis qu'être de leur avis: les cylindres-axes du nerf sensitif sont for- més par les pieds très allongés des cellules sensorielles qui vont jusqu'à la moelle. Les cylindres-axes, comme dirait Racovitza (96), sont les connexions basales développées excessivement. Gette acqui- sition paraissait ne pouvoir être contestée avant les travaux de Holmgren (95, 96) sur les Insectes. Pour cet auteur, le pied de la cellule sensorielle serait en relation avec un plexus périphérique formé de cellules multipolaires anastomosées de façon compliquée. Un petit travail sur la Forficule (98) m'a convaincu que les prépara- 1896. Racovrrza. Le Lobe céphalique et l'Encéphale des Annélides polychètes (Archiv Zool. Exp.). | 4895. Hozucren. Op. cit. (K. Svenska. Vet. À had. Handling.). 1896. Hozueren. Zur Kenntniss des Hautnervensystems der Arthropoden (Anat. Anz.). ï 1898. O. Dusosco. Sur le système sensitif des Trachéates (Orthoptères Ghilo- podes) [Arch. Zool. Exp.]. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 325 tions de Holmgren n'étaient pas pures et que chez les Orthoptères, on pouvait obtenir par l'Ebrlich des préparations aussi démonstra- tives que celles de Rath par le Golgi. Schreiber (98) a tout récem- ment cru donner l'appui du Golgi à la démonstration des plexus pé- riphériques. J'ai eu,chez les Trachéates, des préparations pareilles à celles que Schreiber a tirées des Crustacés. Ce sont des images où le névrilemme est imprégné, el qui ne prouvent absolument rien. Il est une vue beaucoup plus sérieuse, c’est celle d’Apathy (97) que Bethe (98) vient d'appuyer. Nous sommes, comme dit Bethe, à un tournant de l’histoire du système nerveux. On avait jusqu'ici consi- déré comme élément nerveux fonctionnel la cellule nerveuse en to- talité. Eh bien, il n’y a de fonctionnellement nerveux que les fibrilles primitives formées par les cellules nerveuses, comme il n'y a de fonctionnellement musculaire que les fibrilles musculaires formées par les syncytiums musculaires. Quand donc on voudra déterminer un parcours nerveux, on ne l'aura pas fait quand on connaîtra les diverses ramifications de la cellule nerveuse, élément morphologique, on ne le fera qu’en déterminant le parcours des fibrilles primilives, élément fonctionnel. Or, les fibrilles primitives passent couramment d’une cellule à l'autre. D'autre part, un seul prolongement comme le cylindre-axe peut contenir des fibrilles centripètes et des fibrilles centrifuges, etc. Gomme les méthodes ordinaires m'ont fait croire aux fibrilles passant d’une cellule à l’autre, je suis tout disposé à Lenir pour démontrées ces récentes acquisitions, si conformes aux données générales de la cytologie. Je les aurais même admises comme pos- tulat par la considération des éléments moteurs des Invertébrés, qui n’ont d’autres dendrites que les collatérales du cylindre-axe. Je crois 1898. W. Scureiger. Noch ein Wort über das peripherische sensible Nerven- system bei den Crustaceen (Ana. Anz.). 4897. S. Aparuy. Das leitende Element des Nervensystems und seine topo- graphischen Beziehuugen zu den Zellen (Mifth. Z. Stat. Neapel). 4898. À. Berue. Das Centralnervensystem von Carcinus Menas (II Theil., 3e Mitth.) [Arch. f. mikr. Anat.]. 526 0. DUBOSCQ. donc queles préparations par l'Ebrlich et le Golgi sont l'imprégnation des fibrilles empâtées dans le protoplasma, où elles sont nées. Dès lors, on n’a que l'imprégnation de l'élément morphologique, impré- gnation même qui serait incomplète, n’atteignant pas la périphérie et par là même ne montrant pas la continuité des cellules entre elles. Si ces vues nouvelles ont porté un mauvais coup à la doctrine du neurone fonctionnel, elles n’ont guère entamé le neurone morpho- logique. La théorie de la fibrille primitive n’infirme pas la notion du système sensitif fait de cellules épithéliales, qui se sont étirées sans perdre leurs connexions. Et c’est pourquoi je devrais parler de la terminaison dans la moelle du cylindre-axe sensitif. J'ai vu dans les ganglions au niveau de la racine des nerfs des terminaisons en T. Les unes se terminaient entièrement dans le ganglion où arrivait la fibre. Les autres étaient longues et remontaient vers les ganglions supé- rieurs. J’ai figuré chezla Forficule des choses toutes semblables, mais je n’ose y attacher d'importance. Généralement l’arborisation ter- minale était trop pauvre pour être complète. Je n'étais donc autorisé à les interpréter que par leur concordance avec les préparations meilleures de Allen (94), Rath (94) et Bethe (97) chez les divers Ar- thropodes. Troisième question : YŸ a-t-il des cellules sensitives en dehors des cellules sensorielles ? Je ne parle ici que du système périphérique et je laisse de côté tout ce qui a trait aux cellules de la moelle. En refusant de considérer comme nerveux les plexus périphériques de Holmgren et les autres, je donnais, en somme, ma réponse. Je n'ai pas vu chez les Chilopodes autre chose que les réseaux conjonctifs (fig. 12, pl. XXXIII), et en fait de cellules tripolaires, seules les cel- lules sensorielles accolées aux troncs nerveux pouvaient les simuler 1894. E. Azren. Studies on the nervous system of the Crustacea (Quart. Journ. of micr. Sc.). 1894. Vox Rarx. Op. cit. (Bericht. d. nat. Gesells. zu Friebury). 189. À. Berme. Ov. cit. (Arch. f. mikr. Anat.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 921 (fig. 15 et 16, pl. XXXIIL, et fig. 5, texte). Holmgren invoque, à l'appui de ses résultats, ceux de Rina Monti (94). Les figures très consciencieuses de M%° Monti prouvent que sa technique était dé- fectueuse. Comme elle attendait vingt-quatre heures après l'in- jection pour examiner les pièces, le système nerveux se trouvait en une dégénérescence telle, que d'immenses vacuoles simulaient des cellules. Holmgren (98) est pareillement satisfait des résultats de Schreiber. Je suis convaincu que les images de Schreiber repré- sentent à la fois le système nerveux, le névrilemme et d’autres choses encore. Ainsi, je ne reconnais comme éléments sensilifs que les cellules bipolaires. Seulement, vom Rath na vu ces cellules qu'annexées aux poils, et moi, je les ai trouvées ailleurs. Je distingue deux sortes d’'éminences : 1° Les poils vrais, formés par une ou plusieurs cellules invaginées. Tous possèdent des cellules sensorielles bipolaires, dont le prolon- gement proximal est le cylindre-axe du nerf sensitif et dont le pro- longement distal se termine au voisinage de la base du poil. Ce dernier point n’est pas en accord complet avec Rath, qui admet la pénétration jusqu’à l'extrémité. Il est possible qu’il ait raison; mais mes préparations ne m’ayant pas permis de suivre le prolongement distal plus loin que la base du poil, je ne puis rien y ajouter, rien, sauf la remarque que Bethe (96) et Retzius (95) ont vu ce prolonge- ment distal s'arrêter net à la base dans certains poils des Crustacés (poils fermés) ; 9 Les faux poils, simples éminences formées par des cellules 4894. R. Mowrr. Ricerche microscopische sul sistema nervoso degli Insetti (Bollet. scient.). 4898. E. Hozuceren. Zum Aufsatze W. Schreiber’s « Noch ein Wort, » (Anal. Anz.). 4896. À. Berne. Ein Beitrag zur Kenntniss des peripheres Nervensystems von Astacus fluviatilis (Anat. Anz.). AS935. G. Rerzius. Das sensible Nervensystem der Crustaceen (Biol. Uni. INSEE)" h28 0. DUBOSCQ. épidermiques dont le corps cellulaire n'a pas émigré. Tantôt, ce sont de simples élevures chitineuses délicates, mais pleines. Tels les poils de l'intérieur des stigmates (fig. 4, pl. XXXI). Ils n'ont rien de nerveux et sont des appareils protecteurs. Tantôt, ce sont, au con- traire, de fortes apophyses toujours creuses (calcars, dents des man- dibules et de la forcipule, etc.). Dans ce cas, des cellules bipolaires remplissent ces éminences par leur prolongement distal et sont sou- vent contenues entièrement en elles (calcars); puis leur prolonge- ment proximal devient cylindre-axe, comme celui des cellules sen- sorielles des poils ordinaires. Il n’y a pas lieu d’être surpris de ce que ces pièces dures soient sensitives. La riche innervation des dents des Chilopodes n’est pas plus bizarre que celle des dents des Mammifères. L'étude des terminaisons sensitives suggère des remarques qui ne sont pas sans intérêt. Nous venons de voir que tous les poils et émi- nences creuses sont des organes de sensibilité et, de plus, sont les seuls organes de sensibilité, les yeux exceptés. De là découle qu'un animal doit être d'autant plus impressionnable qu'il a les poils plus développés. C’est ce qui arrive. La Scutigère, avec ses poils si longs et si denses, est d’une sensibilité extrème. Le moindre souffle l'ex- cite. Les Lithobies, qui sont beaucoup moins velues, sont bien moins irritables et, parmi elles, celles qui ont les poils et éminences les plus développés (Æulithobius et Lithobius s. str.) sont beaucoup plus sensibles que les autres (Archilithobius). Or, parallèlement à la sensi- bilité se développe non pas la puissance musculaire, mais la vitesse de contraction musculaire, qui se manifeste par l’agilité. Les Chilo- podes les plus agiles sont aussi les plus riches en poils. Et voici une autre conséquence. Fredericq (89) a montré que l’autotomie des Crustacés était due à une contraction brusque. Certains Chilopodes s’autotomisent : ce sont justement les plus agiles, c’est-à-dire les 1889. L. Freperico. Sur l’autotomie (Archiv Zool. Exp.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 529 bêtes à contraction brusque. Citons, avant tous, Scutigera, qu'il est fort difficile de saisir, sans qu'il vous lâche plusieurs pattes. Et ce sont aussi les Lithobies à poils et éminences nombreuses, comme Lithobius Martini Brül., par exemple. II GLANDES ÉPIDERMIQUES. En traitant des téguments, j'ai signalé les canaux des glandes, sans décrire les cellules qui leur correspondent. Ce sont de grosses cellules globuleuses, situées parmi les cellules épithéliales qu’elles écartent. Tantôt elles sont très claires et tantôt très foncées, selon l'état sécrétoire. Leur noyau, toujours arrondi, est sur une ligne inférieure à celle des autres noyaux épithéliaux. Elles se prolongent par un col, qui remplit le canal intrachitineux, et dans ce col pro- toplasmique est formé un véritable canal intracellulaire (c, fig. 3, pl. XXXI), qui se colore en violet comme la chitine basophile. Ce canal se termine en une ampoule, que je crois parfaitement close. La sécrétion la traverserait par osmose. De pareilles structures re- présentent la structure normale des glandes unicellulaires des Arthro- podes et sont trop connues pour qu il soit utile d’insister. Les cellules épithéliales voisines s’agencent autour de la glande unicellulaire, pour lui former comme une enveloppe conjonctive. Leurs corps massifs sont au niveau du col de la glande et leurs pieds très atténués entourent la partie renflée. De plus, ces cellules de soutènement pénètrent avec le col de la glande dans le canal intra- chitineux, où l’on rencontre leurs noyaux. Ces glandes sont très répandues dans les divers téguments et montrent partout une structure identique. Par ce dire, je ne fais pas allusion aux glandes coxales de ZLithobius, aux glandes des pleuræ posticæ et aux glandes anales des Scolopendrides et Géophilides, lesquelles sont semblables entre elles, mais pluricellulaires. Je n’en ARCH. DE ZOOL,. EXP: ET GÉN. = 3° SÉRIE. -— T. VI. 1898. 34 D30 O0. DUBOSCQ. ai pas fait d'étude spéciale, car Zograf (80), Tomosvary (84), Ver- hœff (92), Herbst (94) et Willem (97) en ont donné une bonne des- cription. Je ne cite pas Vogt et Yung (83), qui ont pris ces glandes pour des organes des sens. Une telle opinion n’est soutenable qu'avec de mauvaises préparations. Nous venons de voir brièvement des cellules de l’épithélium tégu- mentaire évoluées vers le type glandulaire sans que la différencia- tion ait été poussée loin. Répandues parmi toute la peau, elles res- tent sur la ligne épithéliale, intérieurement limitées par la même basale. Voici maintenant des glandes unicellulaires énormes, réu- nies en groupe au point de constituer de véritables organes. Par leur grand développement, elles ont plongé dans le mésenchyme. Alors chaque élément glandulaire va être compris dans un alvéole conjonctif et perdre ainsi le caractère d’épithélium pur, pour deve- nir ce que Renaut appelle un paraépithélium. Les glandes ventrales des Géophilides et la glande venimeuse de tous les Chilopodes sont de ce type. Comme les glandes ventrales sont les plus simples, je les décrirai d’abord. Glandes ventrales. — On trouve épars dans la littérature quelques renseignements sur les glandes ventrales. Elles existent chez tous les Géophilides. Leur disposition et l'assemblage de leurs pores sont différents selon les genres et, partant, d'un grand secours pour la classification. Passerini (82) est le seul, à ma connaissance, qui les ait décrites d’une façon spéciale. 1880. Zocrar. Anatomie du Lithobius forficatus (en russe) (Fedtcenko Bi- bliothek. Moscou). 4884. Tomosvary. Ueber den Bau der Spinndrüsen der Geophiliden (Math. Naturw. Bericht. aus Ungarn). 4892. Veraœærr.Zur Kenntniss der Analpleurendrüsen bei den Scolopendriden (Berl. Entom. Zeütschr.). 18912. Henesr. Beiträge zur Kenntniss der Chilopoden (Bibl. Zoo. Leuck.). 4897. Wiccem. Les Glandes filaires des Lithobies (Ann. Soc. Ent. Belg.). 1883. Vocr et Yunc. Traité d'anatomie comparée pratique (13° livr.) [Paris]. 1882. Pässerinr. Sull’ organo ventrale del Geophilus Gabrielis (Bull. Soc. Ent. lial.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 931 La description de Passerini est courte, mais sans erreur sérieuse. Il a bien vu que ces glandes sont composées de grandes cellules piriformes, débouchant directement au dehors par les trous du disque ventral. Il a reconnu le premier cette singulière structure de cellules plongées dans un filet musculaire servant à les contracter. Mais qu'il est incomplet! C’est ainsi qu’il est muet sur le noyau de la cellule, en sorte qu'on peut douter qu'il ait eu affaire à des glandes unicellulaires. Passerini a étudié Himantarium Gabrielis IS E je décrirai les glandes de Chætechelyne vesuviana Newp. A la face ventrale de C'hætechelyne, on aperçoit à tous les seg- ments un disque grenu de 0%*,2 de diamètre, situé au milieu de chaque bouclier. Par la potasse ou les acides forts, tous les petits grains du disque apparaissent comme des trous. Au nombre _de cent à trois cents et plus (le chiffre varie selon les segments et selon les animaux), ces trous sont les pores, les orifices des glandes ventrales. Leur diamètre (4 à 5 1.) est sensiblement le même pour tous. Ils sont assez uniformément disséminés, l’ensemble formant disque, cependant moins nombreux au centre qu’à la périphérie. Il n'est pas possible extérieurement de reconnaître quelque groupe- ment. En dehors des trous principaux, on distingue des pores très fins, toujours situés sur les limites des polygones qui ornementent la chitine. Une coupe transversale de C'hætechelyne vesuviana Newp. (fig. 8, texte) montre qu’à chaque pore du disque correspond une glande unicellulaire. Ces cellules glandulaires, loin d’être indépendantes, sont intimement adhérentes, comprises qu’elles sont dans un réseau conjonctivo-musculaire formant autant d’alvéoles que de cellules. De plus, tandis qu’extérieurement aucun groupement ne se révélait à l'aspect du disque, une dissection attentive fait voir que chaque glande ventrale — j'appelle ainsi l'ensemble des cellules glandulaires d'un disque — chaque glande ventrale est composée de quatre lobes en croix de Malte (fig. 9, texte). Entre les deux lobes antérieurs a comme entre les deux lobes postérieurs p, l’incisure est peu pro- 532 O. DUBOSCQ. fonde. Mais le sillon qui sépare les lobes antérieurs des postérieurs est très marqué, sans atteindre pourtant jusqu'au disque. J'ai vu, dans ce sillon, une lacune sanguine reconnaissable aux nombreux globules sanguins ; puis, une branche nerveuse, qui m'a paru con- stante, et qui n’est pas le seul nerf de la glande. En effet, chacun des quatre lobes se termine par un ligament suspenseur (/) en grande partie musculaire, ligament qui va se perdre sur Île septum hori- zontal séparant des glandes ventrales les organes internes. Ces liga- Fig. 8. Coupe transversale du huitième segment de Chætechelyne vesuviana Newp. GV, glandes ventrales; gun, canal excréteur de la glande venimeuse ; vd, cœur; ?, œsophage; gs, canal excréteur des glandes salivaires ; CA, système nerveux; Ca, COTpS adipeux. ments suspenseurs m'ont toujours paru contenir un petit filet ner- veux, dont je n’ai pas vu l’origine. | La structure doit être étudiée par l'examen de la glande disséquée, et par des coupes en divers sens. Les deux méthodes montrent très nettement que les cellules glandulaires cg (fig. 9, texte) sont com- prises dans un réseau conjonctivo-musculaire al. Ce réseau est très bien mis en évidence en dissociant des glandes fraîches ou fixées au Perenyi, et en colorant sur lame au picro-carmin OU au carminate d'ammoniaque. Je montre deux cellules ainsi préparées (fig. 24, pl. XXXIV). Elles sont d'un Himantarium. Mais je réédite ici, dans le texte, mes anciennes figures de Chæteche/yne (fig. 10, texte). Chaque RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 533 cellule est dans un véritable filet à mailles serrées et inégales s’en- chevêtrant sur deux plans au moins. Les anastomoses s'étendent d'une cellule à l’autre par des fibrilles toujours très fines, tandis que les mailles appliquées sur la cellule sont très larges. Toutes ces fibres sont striées, avec la striation transversale, bien marquée par Fig. 10. À, glandes ventrales d’un disque. Cellule isolée des glandes ventrales d, disque ; a, lobes antérieurs ; p, lobes posté- de Chætechelyne vesuviana Newp. rieurs ; /, ligament suspenseur. ng, noyau glandulaire; na, noyau al- B, coupe transversale d’un lobe. véolaire: r, réseau; fm, fibre muscu- laire. — A droite, noyau très grossi ; al, alvéole; na, noyau alvéolaire; fm, fibre mus- £ à ch, sphérule chromatique ; 7, Ccorpus- eulaire ; cg, cellule glandulaire ; #g, son noyau. JE ASE P cule de sécrétion. la ligne de Dobie, et plus nette que la striation longitudinale. Si Passerini ne tient pour striées que les grosses fibres, c'est qu'il a mal vu. Les noyaux des fibres sont ovalaires et situés soit dans la fibre, soit à côté d'elle. Leur chromatine est en petits grains nom- breux, et je n’ai pas vu de nucléole. Les mailles des fibres ne sont pas vides, comme on pourrait le supposer. Elles sont pleines, con- formément au type du tissu réticulé des Géophilides. Je dis bien tissu réticulé, interprétant les réseaux musculaires, comme une évolution de la fibrille conjonctive et de même valeur histologique. 34 O. DUBOSCQ. Ainsi, ce réseau à mailles pleines constitue des alvéoles conjonc- livo-musculaires enveloppant complètement les grandes cellules glandulaires, comme un filet recouvre un ballon. Une coupe trans- versale de la glande démontre encore mieux ces alvéoles (fig. 9, texte). Chaque cellule cg, avec son noyau très particulier ng, est bien distincte des fibres fm” constituant l’alvéole al. Les cellules glandulaires, qui remplissent l’alvéole, atteignent souvent un demi-millimètre. Allongées, elles sont renflées vers leur fond qui est intimement accolé à l’alvéole, tandis qu'en se dirigeant vers le disque, elles s’amincissent (fig. 40, texte). Les neuf dixièmes de la cellule sont remplis par la sécrétion, liquide limpide et homo= gène à l'état frais et que la plupart des réactifs précipitent en une masse solide très finement granuleuse. Le cytoplasme occupe le fond, en une mince couche qui tapisse l’alvéole. Il prend vivement les matières colorantes, et se montre sous la forme d'un réticulum irrégulier chargé de granules et de petites sphérules qui sont la forme primitive de la sécrétion. Le noyau de la cellule est presque toujours contigu à la paroi soit dans le fond, soit latéralement. C’est une vésicule ronde de 6 u de diamètre, très claire après l’action des fixateurs acides. Au centre du noyau est un très gros nucléole atteignant 2 p.,5 et qui ne m’a jamais paru un nucléole vrai. Il doit représenter la majeure partie de la chromatine du noyau. Il se colore par le vert de méthyle à l’état frais et, en dehors de lui, on ne peut mettre en évidence dans les meilleures colorations que quelques granules épars sur un réseau qui ne se colore pas. J'ai déjà insisté sur ces faits et j'avais montré, à côté de ce pseudo-nucléole, un pétit corpuscule, prenant franchement les couleurs acides, que j'in- terprétais comme un nucléole vrai. Aujourd’hui, je considère ce soi-disant nucléole comme une sphérule de sécrétion. On le com- prendra très bien quand je vais étudier la glande venimeuse ei l'histogenèse du venin. Je n’insiste pas ici, parce que Îles Géophiles sont un mauvais matériel d'étude. Leurs éléments se colorent très mal. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 535 En dehors des grandes cellules, on trouve sur les coupes, et sur- tout par dissociation, des cellules semblables en structure, mais beaucoup plus petites. Ce sont certainement les jeunes cellules. Elles doivent aboutir aux petits pores, que j'ai décrits plus haut dans le disque entre les pores principaux, et expliqueraient ainsi l’ac- croissement en nombre des trous du disque et des glandes unicellu- laires qui leur correspondent. Je serai bref sur la sécrétion. Le liquide émis par Chætechelyne est un liquide clair et limpide, qui se coagule rapidement à l'air. Il est acide et rougit fortement le tournesol bleu. Il est certainement défensif. En effet, en captivité comme en liberté, Chætechelyne vesu- viana Newp. reste presque toujours enroulée en un peloton compli- qué et tel que, sur toutes les faces du peloton, elle présente exté- rieurement ses boucliers ventraux. À la moindre irritation, on voit sourdre le liquide des glandes ventrales, fait très facile aussi à con- stater chez Himantarium Gabrielis L., où le liquide est d'un rouge vineux. Certains Géophiles sont phosphorescents et, comme l'a bien vu Gazagnaire (88), cette phosphorescence est la propriété du liquide des glandes ventrales. Prenez, au printemps, un Geophilus carpo- phagus Leach; frottez du doigt la face ventrale. Elle émettra un liquide luisant à l'obscurité d'une douce lumière bleuâtre. La phos- phorescence paraît due à une réaction s’opérant en présence de l'oxygène de l'air et qui est connexe de l’évaporation ou de la coa- gulation. En effet, le liquide des glandes n’est pas phosphorescent à l’intérieur de l'animal et, lorsqu'il est émis, la phosphorescence dure fort peu *. Glande venimeuse. — La connaissance des glandes ventrales des 4888. GazacNaiRe. La Phosphorescence chez les Myriapodes (Bull. Soc. Zool. Fr.). 1 On trouvera des renseignements sur la phosphorescence des Myriapodes dans les Leçons de physiologie de Raphaël Dubois, Paris, 1898. — Cet auteur donne une coupe d’Orya, qui est si défectueuse, qu’elle ne montre pas les véritables glandes ventrales. 536 O. DUBOSCQ. Géophiles facilitera beaucoup la description en même temps que la compréhension de la glande venimeuse de tous les Chilopodes. Ge sont des formations homodynames. En effet, considérons cette asso- ciation de glandes unicellulaires qu'est la glande ventrale, et imagi- nons l’invagination du disque pour former à ces glandes un canal excréteur commun, on a exactement la glande venimeuse. En ne citant que les travaux des vingt dernières années, je trouve la glande venimeuse étudiée successivement par Mac Leod (38), Zograf (39, S0), Karlinski(83), Vogt et Yung (83), Herbst (#2) et moi- même (94, 96). Il n’y a aucune description histologique antérieure aux travaux de Zograf et Mac Leod. Ces auteurs se sont disputé la décou- verte de la glande elle-même. J'ai cité (94) un passage de Monograph of the class Myriapoda, prouvant que Newport (44) la connaissait. Sa description sans figures resta ignorée, parce qu’elle est perdue dans un ouvrage de systématique. Mais, sans doute possible, la décou- verte de la glande venimeuse doit être attribuée à Newport, comme 4838. Mac Leon. Recherches sur l'appareil venimeux des Myriapodes Chilo- podes (Bull. Acad. Belg.). 4899. Zocrar. Vorlaufige Mittheilungen uber die Organisation derMyriapoden (Zool. Anx.). 4880. Zocrar. Anatomie du Lithobius forficatus (en russe) [Fedtcenko Bi- bhothek. Moscou). 4883. Karunsxr. Sur les glandes venimeuses des forcipules des Lithobides (en polonais) [Kosmos. Lemberg]. Je n’ai pu lire ce travail, ni même l’avoir en main. 4883. Vocret Yunc. Traité d'anatomie comparée pratique, II (Paris). ASS5. H. Souuié. Appareil venimeux et venin de la Scolopendre (Thèse méd. Montpellier). 4892. C. Herpsr. Beiträge zur Kenntniss der Chilopoden (Biblioth. Zoo!. Leu- chart). 4894. 0. Dusosco. La Glande venimeuse de la Scolopendre [Thèse méd. Paris). 4896. O. Dusosco. Les Glandes ventrales et la Glande venimeuse de Chæte- chelyne vesuviana (Bull. Soc. Linn. Normandie). 4844. G. Newport. Monograph of the Class Myriapoda, order Chilopoda, with description on the general arrangement of the Articulata (Trans. Linn. Soc. London). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 537 la découverte de l’orifice à l'extrémité de la forcipule est due à Leeuwenhæk (4249). De Leeuwenhæk à Newport, la glande venimeuse est confondue avec les autres glandes de la tête par les Treviranus (46), Léon Du- four (24), Gœde (4%), Kutorga (34), Straus-Durkheim (28), d’autres encore. Je passe. En 48%8, Zograf retrouve la glande de Newport en même temps que Mac Leod. Mac Leod décrit la glande venimeuse comme formée d’un canal excréteur chitineux, dont l’extrémité interne est percée de trous où viennent aboutir des grandes cellules glandulaires, une pour chaque trou. Geci est exact. Mais il ne décrit pas histologiquement ces cel- lules, et la figure qu’il donne du noyau, ainsi que l’endroit où il le place, prouvent qu’il ne l’a pas vu. La figure de Zograf est presque exacte en ce qui concerne Zitho- bius, quoique le noyau, qu’il ne décrit pas, soit mal représenté. Mais la glande de la Scolopendre n’est pas comprise. Au lieu de glandes unicellulaires, il croit avoir affaire à des glandes formées d’une masse plasmatique à plusieurs noyaux. La représentation conscien- cieuse qu'il en fait montre qu’il n’a pas vu le véritable noyau de la cellule glandulaire et qu’il attribue à cette cellule les noyaux de l'enveloppe conjonctive. Vogt et Yung n'ont guère vu que le canal excréteur et n’ajoutent rien aux descriptions précédentes. Soulié, trompé sans doute par 449. Leeuwennæx. Epistolæ ad societatem regiam anglicam (Æ£p. 124) | Leyden|. 4816. G.et L. Treviranus. Vermischte Schriften anatomischen und physio- logischen. PBréme. 4AS24, Léon Durour. Recherches sur le Lithobius (Ann. Sc. nat.). 4849. Gœpe. Beiträge zur Anatomie der Insecten (Wiedemann’s Zoolog. Ma- gaz. Kiel). 4834. Kurorca. Scolopendræ morsitantis anatome. Petropoli. 4828, Srrats-Durkneim. Considérations générales sur l’anatomie comparée des animaux articulés (Bull, Sc. nat. Ferussac.) 538 O0. DUBOSCQ. l'enveloppe conjonctive dont il aura coloré les noyaux, décrit chaque cellule comme une glande en tube. Herbst revient à la description de Mac Leod et y ajoute fort peu. Notons cependant qu'il a cru voir entre les cellules des fibres de nature élastique. Enfin moi-même, dans un premier travail (94), décrivant la glande venimeuse avec plus de détails que les auteurs précédents, je commets la même erreur que Soulié. J'attribue aux noyaux de l'enveloppe conjonctive une valeur épithéliale, et je prends les glandes unicellulaires pour des glandes en tube. Dès ce premier travail, je découvris le réseau musculaire entourant les cellules glandulaires. C’est, d’ailleurs, ce qui me perdit. Ne connaissant rien à l'histologie des Arthropodes, j'imaginais difficilement qu'une seule cellule pût être entourée de muscles servant à la contracter. Je devais le reconnaître plus tard en étudiant les glandes ventrales des Géophiles, ce qui me permit, dans un second travail (96), de reconnaître mon erreur. Je vais donc reprendre entièrement la description de ceîte glande, en y ajoutant des faits inédits. Je prends toujours comme type la glande de la Scolopendre. Elle est tout entière comprise dans la forcipule et n'atteint pas ce qui re- présente la hanche. C’est une glande presque cylindrique, d'un blanc bleuâtre dans sa partie glandulaire. Elle devient conique à partir de l'incisure formée par la saillie chitineuse de la jonction externe des articles du tarse, puis s’atténue en se continuant jusqu’au premier tiers de la griffe, après quoi le canal excréteur chitineux reste seul dans la partie distale et va déboucher presque à l'extrémité du cro- chet, par un petit orifice ovalaire o (fig. 11, texte) situé sur la face supérieure ou buccale de cette griffe. Celle-ci est aplatie pour jouer le rôle de branches de ciseaux. En effet, les forcipules ne se meu- vent isolément que dans le sens transversal ; mais la plaque forci- pulaire (forcipules et lèvre inférieure) peut, en totalité, se déplacer verticalement. La glande laisse voir par transparence le canal excréteur c de chi- 4894, 4896, O. DuBosco. Op. cit. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 539 tine brunâtre. Le long du bord externe de la partie glandulaire est un sillon s. Sinueux à la surface, il est très régulier dans le fond où l’on trouve presque à nu le canal excréteur chitineux. Le nerf de la forcipule n a son origine dans le ganglion sous- æsophagien. Il arrive dans la forcipule en longeant le bord externe du long faisceau du grand adducteur et fournit ordinairement trois branches à la glande. Une première branche très fine innerve la partie postérieure de la glande et se dirige vers le sillon. Une deuxième branche, la plus importante, s’accole à la glande du côté opposé au sillon. C'est pourquoi on trouve toujours de ce côté, sur les coupes de la glande, des branches nerveuses que j'ai oublié de représenter sur ma figure (fig. 12, texte) un peu sché- matique. Enfin, une troisième branche innerve la partie antérieure, tandis que HR dit nl ti l Forcipule ouverte par la face e tronc principal continue vers 16 Cro- Pceales chet. 9, glande venimeuse ; s, sillon; c,ca- : k À nal excréteur vu par transparence; L’artère forcipulaire (af, fig ° 29, 9, orifice ; ?, incisure; ad4, court faisceau du grand adducteur ; ad, pl. XXXV) est satellite du nerf. Elle j1ong faisceau du grand adducteur; donne à la glande une première branche ” ue très importante, se dirigeant vers le sillon où elle se divise en T pour donner un rameau supérieur et un rameau inférieur qui lon- gent le sillon, en fournissant des rameaux secondaires. La partie supérieure de la glande reçoit une autre petite branche de l'artère forcipulaire. Je n’ai pas représenté les trachées, qui toutes naissent d’un tronc se rattachant au premier stigmate. En arrivant dans la forcipule, ce tronc trachéen se ramifie en un véritable bouquet de branches allant les unes au crochet et aux muscles, d’autres, au nombre de deux ou trois, à la glande. Celles-ci se dirigent directement vers le sillon, d’où elles se ramifient sur les parois de la glande. 540 O. DUBOSCQ. Une coupe transversale de la glande venimeuse en montre toute la structure. Quel que soit le niveau de la coupe dans la partie glan- dulaire, l'image est la même, sauf des modifications insignifiantes. C’est ainsi que le sillon devient de moins en moins profond en s'é- loignant de l'extrémité postérieure, pour ne plus exister à la partie antérieure où les tubes glandulaires sont moins longs. Négligeant ces détails, faisons une coupe dans la région moyenne (fig. 12, texte). La coupe est à peu près circulaire, plutôt quadrilatérale, inter- Coupe transversale de la glande venimeuse de Scolopendra cingulata Latr. e, canal excréteur; Cÿ, cellule glandulaire; fm, fibre musculaire; #g, noyau glandulaire ; na, noyau alvéolaire; 7, À, tunique externe; €, épithélium; a. cellules indéterminées. rompue par un large sillon, au fond duquel est le canal excré- teur c d’une chitine jaune. Sa paroi n'est pas perforée sur un quart de son pourtour, la partie correspondante au sillon, où elle est re- couverte seulement d’un épithélium e. Sur les trois autres quarts rayonnent de longues cellules elandulaires eg, séparées les unes des autres par des fibres musculaires striées fm, pourvues de nombreux noyaux. Une tunique » entoure la glande ; elle est plus épaisse dans la région opposée au sillon. Étudions en détail les éléments de la glande. Le canal excréteur est divisible en deux portions : une antérieure RECHERCHES SÛR LES CHILOPODES. 541 contenue dans l'extrémité épaissie du crochet et ne portant point de tubes glandulaires, et une portion plus longue, perforée de trous où viennent aboutir les tubes glandulaires. Il est cylindrique dans toute sa longueur d’un calibre de 0*®,1 environ (un peu moins dans la partie antérieure), chez Scolopendra cingulata adulte. La partie antérieure est plus ou moins enchâssée, sertie dans la chitine (C, fig. 13, texte). C'est sim- plement un tube chitineux, qui n'est recouvert d’épithélium que là où il se sépare de la chitine tégumentaire. La partie postérieure (A B, fig. 15, texte) est d'une structure vraiment singulière. Également d’une chitine très épaisse, jaune et paraissant bruneen masse, elle apparaît comme portant, sur les trois quarts de sa Fig. 13. À, fond du canal excréteur grossi 100 f.; tites éminences, où viennent abou- B, coupe du canal excréteur, région : : : postérieure ; tir les tubes glandulaires. C'est & coupe du canal excréteur, région ainsi que Mac Leod les avait inter- antérieure avec la paroi de la forci- pule. prétées. En réalité, comme l'a bien s, région non perforée; c, cavité du canal; : . p, trou de la paroï; g, tube glandulaire ; vu Soulié, ces éminences apparentes e, épaississement de la paroi du tube glan- surface, un grand nombre de pe- sont des trous dans la paroi du canal #7: € CEE 1 MERE (p, B, fig. 13, texte), trous dont la chitine bordante est plus dense et, de là, semble en relief. Entre ces cylindres, il est toujours facile d’apercevoir sur les coupes une chitine d’un jaune pâle qui les unit tous. D'autre part, la région non perforée correspondant au sillon de la glande s a la même hauteur que tous ces trous cylindriques, c’est-à-dire 10 p. Ces trous ont la forme de petites outres assez irré- gulières, à quatre ou cinq faces mal définies. Ils présentent deux orifices, l’un interne plus large, l’autre externe où s’abouche le tube glandulaire. Le canal excréteur n'ayant pas partout la même épais- seur, ces trous de la paroi sont plus ou moins profonds, ainsi que 542 0. DUBOSCQ. l'avait signalé Mac Leod. La région non perforée semble présenter à sa surface des épaississements, à la façon des trachées; mais ces épaississements sont très irréguliers et ne sont jamais des fils spi- raux, comme l’a cru Mac Leod. Ils se prolongent entre les trous. Sur une coupe, il apparaît très nettement que la chitine dense, épaissie, de cette portion du canal siège à la partie interne de la paroi. Les cellules glandulaires, rayonnant autour du canal excréteur, ont les caractères des cellules des glandes ventrales des Géophiles. Elles sont piriformes, accolées les unes aux autres, et atteignent 02,9 à Omm,3. Ce sont, si l’on veut, des cellules caliciformes où le cytoplasme occupe le fond, les neuf dixièmes de la cellule étant remplis par la sécrétion. Sur des coupes fixées au sublimé ou au Perenyi et colorées à l’hématoxyline et l’éosine, selon le procédé décrit au chapitre de la technique, voici ce que l’on voit : Au fond de la cellule, un cytoplasma granuleux, les granules s’agençant en un réticule de mailles irrégulières et se teignant en rouge violet ; dans le cytoplasme, le noyau toujours vers le fond de la cellule quoique à une position variable, contigu à la paroi ou un peu éloigné, placé selon l’axe ou complètement latéral; quoi quil en soit, toujours bien caractéristique. C'est une vésicule sphérique de 1à84 (N, fig. 43, pl. XXXVI). À un pôle et adhérent à la membrane nucléaire est un gros nucléole rond se teignant en pourpre. Il repré- sente un nucléole vrai, mais il a une partie corticale mince se tei- gnant en bleu d'encre et dans laquelle on distingue généralement trois ou quatre grains de chromatine. Ces grains, s'ils sont saillants, donnent au nucléole une coupe optique polygonale. Autour du nu- cléole se trouve une petite atmosphère hyaline. Elle est traversée par quelques filaments incolores, reliant la chromatine périnucléo- laire au réseau nucléaire. Le reste du noyau est occupé par un fin réseau de linine assez régulier, sur lequel sont distribués de très petits grains de chromatine. Le réseau commence autour du nucléole par un cercle sur lequel sont des grains chromatiques équidistants, disposition qui est bien connue (grains d’Eimer). Il n’y a pas de zone RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 943 hyaline autour du noyau. Toutefois, je crois voir d'une façon con- stante, je ne dirai pas un canal réel, mais un trajet hyalin en forme d’entonnoir allant du noyau, à travers le cytoplasme, jusqu'à la zone où il n’y a plus de réseau cytoplasmique et seulement du venin accumulé. | Ces détails se reconnaissent sur ce que j'appelle les noyaux au repos, en détournant un peu le sens de ce mot (fig. 43, les deux cel- lules de gauche, en haut). Notons que, dans ces noyaux au repos, le réseau chromatique est plus ou moins dense. Les uns sont très riches en chromatine, d’autres beaucoup plus clairs. Sur d’autres noyaux, qui sont les noyaux en activité sécrétoire, on peut voir : Dans les uns, des grains de chromatine du réseau comme gonflés en vésicule claire se colorant en violet pâle (fig. 43, cellule du bas, à gauche) ; Dans d’autres, en face le nucléole au pôle opposé, un autre nu- cléole que j'appelle nucléole de venin (fig. 43, nv, cellule de droite, en haut). Il se colore en pourpre, paraît homogène, et une atmosphère hyaline le sépare du réseau chromatique (plasmosome) ; Dans d’autres (fig. 43), à la place du nucléole de venin, un cor- puscule homogène v se teignant en rouge vif par l’éosine. Ce corpus- cule est plus ou moins gros ; ou bien, il y a plusieurs corpuscules pareils; ou bien, ces corpuscules sont eux-mêmes compris dans un plus grand corpuscule de même nature. Et ces corpuscules peuvent remplir le noyau au point qu’il n’y ait plus trace de chromatine, le nucléole persistant seul. Ces corpuscules sont bien une partie constituante du venin. Sur certaines cellules, on les surprend sortant du noyau en refoulant la membrane. Ailleurs, les uns sont dans le noyau, d’autres hors du noyau (fig. 43, cellules du milieu, en bas). Et enfin, dans une grande quantité de cellules, on voit des boules homogènes se tei- gnant pareillement en rouge vif, parfois de même taille, mais géné- ralement plus grosses que les corpuscules intranucléaires. Et ces boules ne sont jamais très éloignées du noyau. 544 Ô. DUBOSCQ. Il résulte donc qu’un élément du venin est formé dans le noyau aux dépens de la chromatine. Or, si l’on sait peu de chose sur l’his- togenèse des venins!, il est acquis par l'étude chimique que certains principes actifs de ces venins sont des nucléo-albumines, même que certaines toxines microbiennes, comme la tuberculine, sont des nucléines. Le venin n’est pas ainsi complètement élaboré. Le canal excréteur ne contient jamais de boules éosinophiles homogènes. Elles n exis- tent que dans le noyau ou à son voisinage. Dans la partie inférieure de la cellule comme dans le canal excréteur, le venin se présente en une masse uniformément granuleuse se colorant en rouge(v,, fig. 43). Comme, vers le milieu de la cellule, à côté des boules homogènes sont des boules granuleuses {v,, fig. 43), on doit penser que ces boules granuleuses proviennent de la transformation des boules homogènes, soit par addition d’une nouvelle substance venue du cytoplasme, soit par une modification chimique opérée dans le cyto- plasme. Ces faits prennent de l'intérêt si l’on se rappelle que les venins sont des liquides complexes et que, par exemple, avec la toxine, on rencontre l’antitoxine qu’on peut parfois séparer par d’adroites filtrations, comme l’a fait Phisalix pour le venin de vipère. On ne s’étonnera pas de voir le noyau jouer un grand rôle dans la sécrétion, puisque déjà l’on connaît des cellules à sécrétion nais- sant dans le noyau (par exemple, glandes muqueuses, glande thy- roïde). Je rappellerai surtout, dans les trachéates, l'étude qu a faite Gilson (94) des glandes de la soie chez le Bombyx. Get auteur à vu dans le noyau des enclaves de soie, qui naîtraient aux dépens de la nucléine.Or, Soldaini, cité par Passerini (82), a trouvé que le li- 4894. Grzson. La Soie et les Appareils séricigènes (Cellule). 4882. Passerini. Sull’ organo ventrale del Geophilus Gabrielis (Boll. Soc. Ent. Ital.). 1 Un travail de M. Lindemann (Arch. f. Mikr. Anat., décembre 1898) sur les phénomènes de la sécrétion dans la glande venimeuse de la vipère vient de pa- raître, postérieurement à la rédaction de ce texte. Lindemann n’a vu chez la vipère aucun des processus d'histogenèse que je décris chez la Scolopendre. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 945 quide des glandes ventrales des Géophiles était un produit analogue à la soie. Dans son travail sur les glandes d’Anilocra, vom Rath (95) montre que la sécrétion a son origine dans le plasma nucléaire et non dans le plasma cellulaire. Mais le rôle qu'il fait jouer au nu- cléole n'est pas en accord avec ce que j'ai vu dans la glande veni- meuse. Je irouve le nucléole persistant durant toute la transfor- mation de la chromatine en venin. Dans les noyaux bourrés de corpuscules éosinophiles au point qu'il ne reste pas trace visible de chromatine, le nucléole reste toujours de même diamètre, tandis que, pour vom Rath, le nucléole serait de même nature que la sé- crétion. Il se formerait durant la vie végétative du noyau, et sa dis- parition au moment de la division s’expliquerait par le fait que c’est le moment de la dissolution et de l’émission. Une autre question se pose. A-t-on affaire à des cellules à sécré- tion continue ? ou bien la sécrétion n'est-elle que le fait de la dégé- nérescence cellulaire? C’est à la fois l’un et l’autre. Car il y a sécré- tion continue due à une dégénérescence lente et interrompue par des moments de repos. J’ai tout lieu de croire que la sécrétion d’une cellule dure tant qu’il y a de la chromatine dans le noyau, et que cette chromatine peut fournir de grandes quantités de corpuscules éosinophiles. La preuve en est dans ces boules homogènes nom- breuses qu'on rencontre dans le cytoplasma, alors que le noyau n’est encore qu un peu altéré. Le noyau devient de plus en plus clair, car il est probable que la chromatine disparue ne se remplace pas ; fina- lement, il n’y a plus de chromatine et ce serait l'annonce de la mort. Il me semble illogique d'interpréter autrement mes préparations. Croire à la mort des cellules, c'est admettre leur remplacement. Le mode en est obscur. Je trouve entre les cellules glandulaires des cellules simplement épithéliales de soutènement et semblables à celles qui tapissent la partie non perforée du canal excréteur. Encore sont-elles difficiles à distinguer, car leurs noyaux ont le caractère 4893. O. vom Rats. Ueber den feineren Bau der Drusenzellen des Kopfes von Anilocra mediterranea (Zeitschr, f, wiss. Zool.), ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE, — T. VI, 1898. 35 940 O. DUBOSCQ. des noyaux alvéolaires et les alvéoles sont accolés les uns aux autres. Cependant tout conspire à démontrer la formation de nou- veaux trous dans le canal excréteur. Un trou provient de ce que la cellule glandulaire sous-jacente ne produit pas de chitine. Or, au moment de la mue, le canal excréteur chitineux est entièrement re- jeté comme les tendons et les trachées. J'ai là, sous les yeux, une mue de Scolioplanes très démonstralive. Par conséquent, les trous du nouveau canal excréteur peuvent ne pas coïncider avec les an- ciens, si d’autres cellules deviennent glandulaires. Cela arrive. J'ai signalé autrefois que, chez les Scolopendres jeunes, le canal excré- teur a son diamètre moindre d'un tiers de celui des Scolopendres adultes. Néanmoins, la paroi a autant d'épaisseur ; elle dépasse même 10 p. Les trous sont aussi plus grands et plus écartés les uns des autres. Sur une coupe transversale, on en compte une douzaine, tandis qu'une Scolopendre adulte en montrerait une tren- taine. Donc, de nouveaux irous se forment en même temps que de nouveaux tubes glandulaires, quand la Scolopendre grandit. Structure des alvéoles. — Chaque cellule glandulaire de la glande venimeuse est enveloppée d’un alvéole conjonctivo-musculaire. Les différents alvéoles ont leurs parois communes, Ce qui n’arrive pas dans les glandes ventrales, où il est facile de séparer les unes des autres les cellules avec leur enveloppe. La dissociation étant très difficile, les coupes en divers sens sont à peu près la seule méthode. Elles montrent que l'enveloppe, comme dans les glandes ventrales, est formée d’un tissu réticulé à mailles pleines où la substance fibril- laire est évoluée en myoplasma strié. La striation longitudinale est bien marquée. Dans la striation transversale, on voit toujours bien les lignes de Dobie avec les grains du disque accessoire, mais les colorations ordinaires ne montrent pas autre chose. D'ailleurs, chez les Arthropodes, la striation des muscles viscéraux est toujours plus simple et présente moins de disques que celle des muscles loco- moteurs. Les mailles sont dirigées dans le sens de l'axe de la cellule, de sorte que, sur les coupes transversales de la glande, on rencontre RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 947 des fibres musculaires longeant tout le bord d’une cellule. Mais les mailles superficielles, celles qui constituent la tunique externe de la glande, sont naturellement perpendiculaires à l’axe de la cellule. Des trachées parcourent les alvéoles et, par conséquent, pénètrent intimement la glande (tr, fig. 43, pl. XXX VI). Elles m’avaient échappé dans mes premières recherches. Leurs noyaux allongés et irrégu- liers, très riches en chromatine, sont cependant faciles à distinguer des noyaux alvéolaires. Ceux-ci sont de deux sortes, selon qu'ils sont situés dans l’intérieur des fibres musculaires ou, à côté, dans l’in- térieur des mailles. Les noyaux des fibres sont très allongés dans le sens de la fibre, et leur chromatine est si dense et en réseau si serré qu'on ne peut l'analyser. Les noyaux des mailles sont simplement ovalaires, avec des grains chromatiques bien distincts et d’inégale grosseur. Je ne leur ai pas trouvé de nucléole. Ces divers noyaux ne sauraient être confondus avec les noyaux glandulaires. Et pourtant, rien de tout cela n’avait été vu. La description précédente s'applique seulement à la glande veni- meuse de la Scolopendre. Mais le groupe des Chilopodes est si ho- mogène quon ne doit pas s'attendre à trouver dans les diverses familles de sérieuses modifications, et, en effet, elles sont minimes. Partout l’orifice s'ouvre à l'extrémité de la forcipule et à sa face in- terne. Partout de longs tubes glandulaires débouchent dans un canal excréteur chitineux percé de trous. Partout des fibres musculaires entourent la glande et servent à la contracter. Ce qui varie, c’est la grandeur relative des éléments. La glande venimeuse du Cryptops est assez semblable à celle de la Scolopendre ; mais le canal excréteur, plus court, est perforé sur toute sa surface dans la région glandulaire et les tubes sont disposés tout autour. Ges tubes ne sont pas perpendiculaires au canal, qui ne parcourt pas toute la longueur de la glande. Ils sont inclinés à 45 degrés et aussi longs que ceux de la Scolopendre. Au lieu d’être régulièrement cylindrique ou prismatique, la glande est renflée à sa partie postérieure en forme de poire. Elle ne présente pas de sillon. 548 O. DUBOSCQ. Les muscles sont très développés, tous striés et disposés comme dans la Scolopendre. Par rapport à la forcipule, la glande est très grande, et cet animal doit être, relativement à sa taille, très venimeux. Chez Lithobius la disposition est assez semblable, mais les muscles n’ont pas de striation transversale. Le réticulum musculaire est très peu développé entre les cellules. Quant à la tunique, elle est assez épaisse et avait été bien vue par Zograf, qui l’a correctement décrite. C'est du tissu réticulé avec des fibres d'apparence conjonctive. Elles se colorent très fortement par l'acide picrique, le rouge congo, l'éo- sine, très bien aussi par le bleu de méthylène en injection vitale. Elles résistent à l'eau bouillante et aux acides forts. Elles doivent être contractiles. Tout engage à les rapprocher des fibres musculaires, d'autant plus que, chez les Chilopodes, on trouve toutes les transitions entre les fibres dites conjonctives et les fibres musculaires striées (voir le chapitre du Tissu conjonctif). Scutigera a sa glande faite comme celle de Zithobrius. Mais l'allongement Fig. 14. Réseau de la tunique de la glande de la forcipule amène un allongement venimeuse de Lithobius. des tubes glandulaires, qui descendent an au CRU jusque dans la hanche et atteignent 3 millimètres. ‘ Chez les Géophilides, l'extrémité du canal excréteur est seule percée de trous. Leur disposition variable mérite d'être signalée dans les caractères spécifiques. Ces trous sont souvent moins nombreux sur la face externe et, de ce côté, la glande est ordinairement moins développée. Ge qui est bien spécial et qui caractérise ce groupe, c est la structure de la tunique. Chez les autres Chilopodes, elle était for- mée de fibres en réseau. Ici ce sont de grandes fibres parallèles nettement striées et d’une largeur constante, qui est celle des fibres locomotrices. Du côté interne, où les cellules sont plus nombreuses, RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 549 les fibres sont parallèlement beaucoup plus épaisses. Cette disposi- tion est presque générale. Mais j’ai trouvé (96) une exception remar- Glande venimeuse de Chælechelyne vesuviana Newp. A, glande isolée ; B, coupe du canal excréteur; C, coupe de la glande (tiers inférieur). e, canal excréteur ; g, cylindre criblé ; n, nerf; fm, fibre musculaire ; e, épithélium ; ct, cuticule ; mb, membrane basale; fc, tunique; ng, noyau glandulaire ; na, noyau alvéolaire. quable chez Chætechelyne vesuviana Newp., dont la glande est très particulière. 1896. O. Dugosco. Les Glandes ventrales et la Glande venimeuse de Caæte- chelyne vesuviana Newp. (Bull, Soc. Linn. Normandie). 550 O. DUBOSCQ. Dans tous les Chilopodes, la glande venimeuse est située dans la hanche de la forcipule. Il en est ainsi dans les genres Scutigera, Henicops, Lithobius, Scolopendra, Cryptops, Geophilus, Schendyla, Scolioplanes, Dignatodon, Stigmatogaster, Himantarium, que Jai examinés. Or, chez Chætechelyne, par une exception sans doute propre à ce genre, j'ai trouvé la glande venimeuse située dans le corps entre le douzième et le dix-huitième segment. La position est un peu variable et la glande droite descend plus bas que la gauche. Je ne m'étendrai pas sur la description de cette glande que J'ai dé- crite ailleurs et qui se ramène à la glande de tous les Géophiles. Comme les autres, elle débouche à l'extrémité de la forcipule et ses particularités consistent dans l'allongement considérable du canal excréteur, le grand développement de la glande et sa symétrie ainsi que celle des muscles de la tunique, qui sont partout de même épaisseur. Jereproduis ci-contre mesanciennes figures(A, B,G, fig. 15, texte) et je n’insiste pas davantage. Je serai bref sur le venin et ses effets. Une étude intelligente n’en peut être faite que par un chimiste et un physiologiste. Comme je n'étais ni l’un ni l’autre, je n’ai publié, dans mon premier tra- vail (94), que des remarques naïves. En voici le résumé : Examinée fraîche et à l'abri de l’évaporation, une goutte de venin est limpide, transparente, homogène. On n'y voit alors aucune gra- nulation, aucun corpuscule, aucune matière solide. Le venin est acide franchement. A son contact, une goutte de tournesol bleu vire au rouge nettement. La plupart des liquides, même l’eau distillée, causent un précipité dans la goutte de venin, mais je n’ai essayé ni l’eau salée, ni la glycérine. J’ai écrit que le venin paraissait composé, d’après les formes de la coagulation, de deux matières en solution dans un acide. Ce n’est pas absurde; mais on ne saurait attacher d'importance à des observations mal appuyées. Comme les solutions dans l’eau ou les parcelles de glande broyée 4894. O. Dusosco. La Glande venimeuse de la Scolopendre (Th. méd. Parts). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 991 ne me donnaient aucun résultat quand je les injectais aux ani- maux, j'ai étudié les effets du venin en faisant mordre l’animal en expérience par la Scolopendre elle-même. Gette manière de faire a contre elle qu’on ne sait jamais la quantité de venin injecté, mais elle est très minime et comment la doserait-on ? Elle a contre elle aussi qu’en outre de l'injection, la blessure faite est toujours grave et qu'on pourrait attribuer à la seule blessure les désordres consécutifs. Mais en pressant un peu fort la Scolopendre tenue entre les doigts, elle lâche de suite sa proie et l’on obtient une morsure rapide. J'ai trouvé ainsi que les Arthropodes et les Vertébrés sont proba- blement les seuls groupes sensibles au venin. J'ai surtout envisagé les Arthropodes parce qu'ils sont la nourriture ordinaire des Scolo- pendres. Il est bien établi, je crois, qu'en général ils sont tués par le venin, l'intensité d’action variant selon les genres, mais non selon les classes. Les Araignées et les Scutigères sont très sensibles, de même que les Carabiques, tandis que les Scorpions et les Téné- brionides le sont assez peu et les Scolopendres à peine. L'homme est très sensible au venin ; mais les effets varient selon l’époque. En hiver, la morsure d’une Scolopendre provoque tout au plus une petite élevure ortiée disparue une heure après. Quand vient le printemps et le temps chaud, que les Scolopendres ont recouvré toute leur activilé, une simple morsure provoque une inflammation, qui progresse pendant trente-six, quarante-huit heures ou même trois jours et s'étend loin de l’endroit piqué. Une morsure à un doigt cause l’enflure de toute la main et de la moitié de l’avant- bras. Il n’y a ni fièvre, ni aucuns troubles généraux. IV. GLANDES MÉTAMÉRIQUES DES SEGMENTS ANTÉRIEURS. Je ne sais trop quel nom donner à cet ensemble de glandes con- sidérées longtemps comme salivaires et que Herbst (89, 94) appelle 4889. C. HErpst. Anatomische Untersuchungen an Scutigera coleoptrata (Inaug. Diss. lena). 4894. C. Herssr. Beiträge zur Kenntniss der Chilopoden (Bib/. Zoo!. Leuckart). 902 O0. DUBOSCQ. les glandes de la tête (Kopfdrüsen). Le-mot de glandes salhvaires est à rejeter, parce qu’elles ne sont pas toutes salivaires, si tant est que certaines le soient, Plateau (28) déclarant leur sécrétion très diffé- rente d’une salive. Glandes de la tête n’est pas une expression plus satisfaisante. Herbst, qui la propose, numérote ces glandes, la pre- mière paire sous le nom de système 1, la seconde, sous le nom de système 11. Viennent de même le système III, le système 1V et le système V. Or, ce numérotage n'implique nullement une position déterminée. Ainsi la glande de la deuxième mâchoire est le sys- tème III chez Scultigera et le système IV chez la Scolopendre. Le système V de Scolopendra n’a rien de commun avec le système V de Scutigera et il appartient au premier segment du corps. Voilà donc des appellations défectueuses. Je les nommerai glandes méta- mériques des segments antérieurs, ce qui est une désignation plus expli- cite que le simple mot de glandes antérieures qui a été proposé par Plateau. Je ne m'occuperai guère, dans ce chapitre, que des glandes de la Scolopendre et encore j'élimine les glandes, contenues entièrement dans la tête, qui forment le système I et le système II de Herbst. Je n’ai donc en vue que la masse glandulaire longeant l’œsophage et composée de trois paires de glandes. Plateau, qui, en 488 (op. cit.), en fit l'étude physiologique, écri- vait à leur sujet : «11 y a peu de questions plus embrouillées ; on ne trouve ni deux auteurs, ni deux figures d’accord et on quitte cette étude bibliographique l'esprit fatigué et dans l’impossibilité de dis- tinguer la vérité. « Première confusion quant au nombre. J. Müller (29) ne figure qu'une seule paire de glandes grandes et compactes; Gœde (4%) 4848. PcatTeau. Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Mv- riapodes (Mém. Acad. roy. Belgiq.). 4829. J. Müzcer. Zur Anatomie der Scolopendra mursitans (Oken's Isis). 481%. Gœpe. Beiträge zur Anatomie der Insekten ( Wiedemann’s Zool. Magaz. Kiel). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 293 représente deux paires de glandes petites en grappes ; Kutorga (34) et Straus-Durkheim (28) en signalent trois paires. « Deuxième confusion quant à l’endroit où aboutissent les canaux excréteurs : pour Gæde, les canaux aboutissent à la bouche ; pour Kutorga, il y a de chaque côté un canal se rendant à la forcipule et deux canaux s’ouvrant dans la cavité buccale ; pour Straus, il y a encore trois canaux pénétrant l’un dans la pince ou la mâchoire du même côté, le second dans la lèvre et le troisième dans la man- dibule. « Enfin, troisième confusion quant au rôle. J. Müller dit qu’elles sont salivaires ou venimeuses ; Gœde les appelle salivaires et les re- garde cependant comme produisant le liquide vénéneux; Kutorga les nomme simplement salvaires; Straus les réunit toutes sous le nom de venimeuses. » Plateau n'a pas étudié la Scolopendre et il ne vit qu'une paire de glandes chez les Lithobies, Cryptops et Géophiles. C'était une erreur, mais excusable, une seule glande étant bien développée chez ces animaux. Ce qui est inexplicable, c’est qu'un élève de Plateau, Mac Leod (#8), n’en ait trouvé qu'une paire chez la Scolopendre. Nous étions ramenés du coup à J. Müller. En dehors des glandes salivaires proprement dites aboutissant au niveau de l'insertion de la mandi- bule sur les parties latérales du labre (système I), Zograf (80) décri- vait chez Lithobius le système IT de Herbst, qui débouche sur la lin- gule, sans parler des glandes qui sont au-dessus du labre et qui ont dû échapper à Herbst, car il en aurait fait son système [. Zograf n’a pas traité de la Scolopendre, où les glandes sont le mieux dévelop- pées et le plus faciles à élucider. C’est à Herbst que revient le mérite de les avoir débrouillées. 4834. Kurorca. Scolopendræ morsitantis anatome. Peéropoh. 4828. SrraUs-DuRKHEIM. Considérations générales sur l’anatomie comparée des animaux articulés (Bull. Sc. nat. Ferussac). 4848. Mac Leon. Recherches sur l’appareil venimeux des Myriapodes (Bull. Acad. roy. Belgiq.). 4880. ZocRar. Op. cit, 354 O. DUBOSCQ. Il a étudié Scutigera, Lithobius et Scolopendra. Voici ce qu'il a vu chez Scolopendra. | D'abord, au-dessus du cerveau existe une masse enchevêtrée d’acini glandulaires avec deux paires de canaux excréteurs débou- chant dans la cavité buccale sous la lèvre supérieure. Il en fait les deux premières paires de glandes métamériques (Systèmes I et IT). Viennent maintenant les glandes du long de l’œsophage, les seules dont je m'occupe. Elles constituent ses systèmes II, IV et V. Il y en a donc trois paires, comme autrefois l’avaient soutenu Kutorga el Straus-Durkheim. Tout en distinguant bien leurs canaux et vers quel point ils aboutissent, Herbst n’a pas précisé comme je vais le faire. C'est que, si je ne me trompe, il a seulement employé la mé- thode des coupes en série. Cela ne vaut jamais une dissection quand elle est possible. Or, elle ne demande pas une habileté extraordi- naire et l’on se demande pourquoi les anciens n’en avaient pas liré de meilleurs résultats. Peut-être se sont-iis aidés du microscope, el en suivant le canal excréteur qui a l'apparence d’une trachée, ils auront cru se tromper et n’auront pas cherché son orifice extérieur. Herbst envisage d’abord les systèmes IIT et IV en les séparant du système V, ce qui est très logique, tant les structures sont diffé- rentes. Les systèmes III et IV peuvent être appelés, dit-il, glandes des mâchoires. le système III se rattachant à la première mâchoire — ce qui n’est pas exact — et le système [IV à la seconde. Les sys- tèmes III et IV ont d’abord leurs canaux excréteurs contigus el pa- rallèles, situés entre les troncs trachéens de la tête d'une part et l'intestin et la moelle ventrale d’autre part. Puis le système III va déboucher à la face ventrale sur les côtés de l'hypopharynx, tandis que le système [IV s'ouvre sur les côtés de la tête au voisinage de la base de la deuxième mâchoire. Il ne précise pas davantage le par- cours des canaux excréteurs et leurs orifices. Ces canaux sont formés d’une rangée de cellules épithéliales amincies, sécrétant à l'intérieur un intima présentant des épaississements analogues à ceux des trachées, et ils sont entourés par une enveloppe conjonctive lâche, RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. DD9 qui contient le nerf de la glande. Tout ceci est compris. Mais la struc- ture de la glande elle-même l’a fort embarrassé par sa complexité. Il a bien vu qu’elle était massive, que les canaux excréteurs étaient d’abord un épithélium à grandes cellules glandulaires, qu’on recon- naissait dans les lobes terminaux des noyaux, de la sécrétion, des petits canaux excréteurs, des trachées et des globules sanguins. La distribution des éléments et leur compréhension lui ont échappé. La description qu’il essaye d’en faire est toujours vague et souvent fausse. Comme il n’a pas la prétention d’avoir fait la lumière, je ne relèverai pas ses erreurs. La glande du système V est mieux élucidée. Elle débouche au dessous du premier bouclier dorsal et son orifice apparaît sur les coupes au niveau de la racine de la forcipule. À ce moment, les canaux des systèmes IIL et IV sont accolés à l’æœsophage. C’est exact, mais sans la précision qui serait donnée par une bonne dis- section. La glande est formée d’une trentaine de petites vésicules glandulaires débouchant dans le canal excréteur. Leur épithélium, très haut, est recouvert d’un mince intima. Le canal excréteur res- semble à ceux des autres glandes, mais sans épaississement spiral. À l’orifice extérieur existerait un sphincter annulaire. Depuis Herbst, aucun auteur — sauf moi (94) — ne s’est occupé de ces glandes. ANATOMIE DES GLANDES. Le tissu glandulaire qui longe l’æœsophage depuis le troisième seg- ment jusqu'au septième inclusivement représente trois paires de glandes situées l’une derrière l’autre. Celle qui débouche le plus en avant (ga, fig. 17, pl. XXXIV) est la plus développée; elle a le canal excréteur le plus long et sa masse glandulaire est située le plus en arrière dans les cinquième, sixième et septième segments. En re- vanche, celle qui morphologiquement est postérieure (gp, fig. 17, pl. XXXIV) est apparemment la glande antérieure. 4894. O0. Dusosco. La Glande venimeuse de la Scolopendre (Thèse méd. Paris). 586 0. DUBOSCQ: Glande postérieure. — Cette glande postérieure est facile à dis- tinguer des deux autres. C'est une glande de 322,5 de long formée de trente à quarante petites vésicules arrondies. Chaque vésicule, dont la taille est variable, débouche par un petit canal court dans le canal excréteur commun. Située au-dessus des canaux excré- teurs des autres glandes et immédiatement en avant de la glande moyenne gm, la glande postérieure a sa direction générale oblique de dedans en dehors et d’arrière en avant. Son canal excréteur, très fin, se dirige sans contournements vers la racine de la première paire de pattes. Pour préciser la situation de son orifice, je dois rappeler la disposition des pleuræ ou pièces des flancs. Considérons le troisième segment ambulatoire (fig. 20, pl. XXXIV). Au-dessous du tergum s’aligne une série de pièces. La plus grande, située au milieu et contiguë au tergum, s'appelle scutellum spüracu- lferum, parce qu'elle porte le stigmate trachéen sf. On appelle pres- culella les pièces qui sont en avant d’elle ; postscutellum, la pièce qui est en arrière. En dessous, les pièces épisternales englobent la hanche de Ia patte comme un joug. Peu distinctes entre elles, ces pièces sont bien séparées du scutellum spiraculiferum. La même disposition se retrouve à tous les segments, et, par exemple, au segment précédent ou deuxième segment ambulatoire. Les pièces y sont plus ramassées, parce que le segment est plus court et le scutellum ne porte pas de stigmate, car il n’en existe jamais à deux anneaux consécutifs chez les Scolopendrides. Le premier seg- ment est plus difficile à interpréter. C'est qu’il est très modifié, fait de la soudure de deux segments (segments de la première paire de pattes et de la forcipule). Quoi qu’il en soit, au-dessous du bouclier dorsal est une grande plaque entourée de préseutelles et de postscu- telles. Par sa position, c’est le scutellum spiraculiferum. En dessous, la première paire de pattes a sa hanche comprise dans le joug des pièces épisternales. Il y en a trois : une antérieure, une supérieure et une postérieure s'appuyant l’une sur l’autre à angle droit. La pièce antérieure ou épisternum nous intéresse seule. Son bord an- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 597 térieur a un relief marqué. Il présente les poils espacés qu'on trouve à pareille place aux autres segments. Suivons ce bord antérieur épisternal, qui est la suite du bord antérieur de la hanche. Il fait un angle droit avec le bord inférieur d’une pièce supérieure, qui est, sans doute, le prescutellum. Dans l'angle de ces deux pièces est un orifice marqué par une touffe de poils très courts. C'est l’orifice de la glande postérieure gp (fig. 20, pl. XXXIV) ou glande de la première paire de pattes. Cette description un peu longue montre-que la glande postérieure ne débouche pas sur la grande pièce soustergale, où elle devrait déboucher si elle représentait une trachée. Glandes moyenne et antérieure. — La glande moyenne est intime- ment unie à la glande antérieure (apparemment glande postérieure). L'une et l’autre sont formées de lobules müûriformes composés d’acini élémentaires, avec des canaux propres qui se réunissent en un canal excréteur commun. La glande moyenne a ses lobules plus gros et de diamètre plus égal que ceux de la glande antérieure. Comme les lobules postérieurs de l’une sont enchevêtrés avec les lobules antérieurs de l’autre, il est assez difficile de les séparer. Le canal excréteur de la glande antérieure est plongé parmi les lobules de la glande moyenne, de sorte que les canaux excréteurs des deux glandes se trouvent contigus et parallèles dès leur origine. Ils cheminent ensemble vers la tête. Au niveau de l'insertion des forcipules, c’est-à-dire sitôt qu'ils arrivent sous le bouclier cépha- lique, ils s’écartent, séparés qu’ils sont par un tronc trachéen dont il faut expliquer l'importance. Toutes les trachées de la tête naissent du premier stigmate, silué sur le scutellum du troisième segment. De ce stigmate partent dix troncs en faisceau, entre lesquels est située la glande postérieure décrite plus haut. Elle est comprise entre sept troncs trachéens qui sont au-dessous d'elle et trois troncs qui la recouvrent. L'un de ces troncs, entièrement destiné aux antennes, se reconnait facile- ment par la disposition curieuse de sa ramification. La trachée an- tennaire se dirige vers le ganglion œsophagien et passe au-dessous 558 O. DUBOSCQ. du muscle en sangle. Quant elle atteint la ligne médiane, quand, par conséquent, elle se rencontre avec sa congénère, elle se divise en deux branches, dont l’une va à gauche et l’autre à droite. 11 en résulte un véritable chiasma trachéen, en sorte que chaque antenne a des trachées provenant des stigmates droit et gauche. Cette curieuse trachée a une importance morphologique. Elle passe tou- jours entre les canaux excréteurs des glandes moyenne et anté- rieure, laissant en dedans le canal excréteur de la glande moyenne et celui de la glande antérieure en dehors. Les deux canaux excréteurs avant de déboucher à l’extérieur se recourbent en crosse à convexité opposée. L’explication en estfacile, Les canaux de la glande antérieure (ga, fig. 18, pl. XXXIV) débou- chent assez près l’un de l’autre. Leurs orifices sont sur le plafond de la bouche, au point où les fulcres s'appuient sur le labre. Au contraire, les canaux de la glande moyenne, qui se trouvaient refoulés en dedans par la trachée, doivent la contourner en s’écar- tant pour aller déboucher vers la racine des stipes (séämme) des deuxièmes mâchoires (gr, fig.19, pl. XXXIV). C'est dans l’aisselle for- mée par l'insertion de ces stipes sur le tégument qu'est l'orifice. Par conséquent, il est recouvert, et, pour le voir, il faut examiner la deuxième mâchoire par la face interne ou buccale. Chez les Géo-= philes —dont je ne veux dire qu'un mot dans ce chapitre — l’orifice _est sur la face externe des stipes. Sans être signalée et comprise, la chose a été vue. Latzel (80) représente l’orifice sur les pièces buc- cales de Chætechelyne vesuviana Newp. (fig. 82, op. cit.). Meinert (24) le dessine chez Himantarium Gabrielis L. (fig. 15, tab. I, op. cit.), chez Schendyla nemorensis C. K. (fig. 33, tab. TT, op. cit.) et chez Geophilus carpophagus Leach. (fig. 6, tab. IV, op. cit.). Les trois paires de glandes reçoivent des nerfs dont Je n'ai pas vu 4880. R. LarzeL. Die Myriapoden des Osterreichisch Ungarischen Monarchie. Wien. 48242. F. MunerTt. Myriapoda musæi Hauniensis (Naturh. Tidskrift.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 999 l’origine. Le tronc nerveux principal longe le canal excréteur, ainsi que l’a bien montré C. Herbst. Je connais mieux les vaisseaux qui sont des branches des artères latéro-dorsales des premiers segments. L’artère de la glande posté- rieure est la branche antérieure des artères latéro-dorsales du troi- sième segment (fig. 26, pl. XXXV). Ellelonge tout le canal excréteur, en donnant des rameaux à chaque vésicule glandulaire. La branche postérieure de cette même artère se ramifie dans les lobules anté- rieurs de la glande moyenne, qui reçoit encore, pour sa partie postérieure, des vaisseaux issus de l'artère latéro-dorsale du qua- trième segment. La glande antérieure reçoit des rameaux issus des artères latéro-dorsales des quatrième, cinquième et sixième seg- ments. Ces rameaux ont au moins autant de branches terminales qu’il y a de lobules. La distribution est irrégulière, mais beaucoup de lobules ont chacun plusieurs vaisseaux, qui se terminent dans leur tunique conjonctive. En somme, les glandes sont vascularisées par le vaisseau qui se trouve le plus près d'elles, et non par les artères des segments auxquels elles appartiennent morphologiquement. HISTOLOGIE DES GLANDES. Dans la description anatomique des trois glandes, j a1 d’abord traité de la glande postérieure isolément et j’ai envisagé simultané- ment les deux autres. Cette méthode s'impose encore plus pour l'histologie. Les glandes antérieure et moyenne — c'est-à-dire les glandes du labre et de la deuxième mâchoire — ont la même struc- ture et ce qu'on peut dire de l’une s’applique à l’autre. La glande postérieure — glande de la première patte — est, au contraire, très différente. Comme sa structure est de beaucoup la plus simple, je la décrirai d’abord. Glande postérieure. — La glande postérieure ou glande du pre- mier segment est, comme je l’ai dit, composée de trente à quarante vésicules semblables, ayant chacune un canal propre débouchant 960 O0. DUBOSCQ. dans le canal excréteur commun. D'où il suffit d'étudier successive- ment des coupes du canal commun, du canal propre et d’une vési- cule (fig. 22, pl. XXXIV). Le canal commun et les canaux propres ont la même structure, à la dimension près. Ils sont formés d’un épithélium plat, à noyaux également aplatis. Je le crois syncytial, n'ayant pas vu de limites cellulaires. La basale n’est pas nette, et le réseau conjonctif ou tunique de la glande s’applique intimement sur l’épithélium. En dedans, vers la lumière du canal, l’épithélium montre une première zone incolore, qui est le début d’une formation cuticulaire. Gette zone est recouverte par une cuticule de nature chitineuse se tei- gnant vivement. Elle est basophile et d’un beau bleu dans la double coloration hématoxyline-éosine. La structure d’une vésicule est très simple. Apparemment, elle est à peu près ronde, mais, en réalité, bosselée. Il y a des incisures t pénétrant entre des groupes de cellules et subdivisant la vésicule en lobes de nombre variable. Des cellules épithéliales en palissade for- ment la couche interne. Leur hauteur n’est pas uniforme, celles du fond de la vésicule sont plus élevées que les autres. De plus, elles n’ont pas un axe rectiligne qui, dans une vésicule régulière, serait un rayon de la sphère. Elles se recourbent pour former des villo- sités, de sorte que les coupes, comme celles que je représente, ne sont pas les plus communes. Certaines coupes même paraissent massives, la lumière étant remplie de sommets de cellules coupées, fait bien facile à expliquer par l'irrégularité des villosités. Toutes les cellules épithéliales ont une membrane nette. Le cylo- plasme a un réseau très visible, avec orientation générale des tra- vées selon l'axe de la cellule. Les filaments portent des grains fins aux nœuds du réseau. Mais j'ai mal élucidé la nature de la sécrétion. Certaines cellules sont très claires, tandis que d’autres sont très granuleuses, Je n'ai vu ni balles de mucus, ni granules d'aucune sorte. À la surface des cellules est un intima cuticulaire, qui se dé- tache sous forme de membrane irrégulièrement plissée ch. Elle est RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 561 basophile et semblable à celle que nous avons trouvée dans le canal excréteur, quoique moins épaisse. Le noyau des cellules est arrondi ou ovalaire, situé dans une atmosphère hyaline, traversée seulement par quelques rares fila- ments reliant le noyau au cytoplasme dense qui est autour de la partie hyaline. Sa chromatine se répartit en quelques gros grains, dont le nucléole très petit est difficile à distinguer, et en un assez grand nombre de grains plus petits sur un réseau très visible. Cer- tains noyaux sont très clairs, ne contenant presque plus de chroma- ne, et comme dégénérés. J’ai tout lieu de croire qu'ils prennent une grande part à la sécrétion. A côté des noyaux, ronds ou ovalaires, on trouve quelques noyaux étroits et allongés. Plusieurs appartiennent manifestement à des cellules épithéliales de même valeur morphologique que les cellules glandulaires et qui, comprimées, ne jouent, au moins pendant un certain temps, qu’un rôle de soutènement. Mais d’autres sont entre deux cellules épithéliales et correspondent aux incisures que j'ai signalées. Je suis fort perplexe sur leur nature, et je ne serais pas étonné s'ils représentaient des noyaux de la tunique conjonctive pénétrant dans ces étroits interstices. Comme nous allons retrouver cetie structure dans les glandes moyenne et antérieure, je n’insiste pas davantage sur la glande postérieure. Signalons enfin que, parmi ces vésicules, comme parmi les lobules des autres glandes, nous trouvons des lobules adipeux (a, fig. 21, pl. XXXIV) et des cellules à carminate (/#, fl, fig. 21, pl. XXXIV), qui existent en plus ou moins grand nombre sur toutes les coupes et qu'il importe de ne pas confondre avec les tissus propres de la glande. &Glandes moyenne et antérieure. — La glande antérieure a la même structure que la glande moyenne et ce qu’on dit de l’une s'applique à l’autre. Certaines coupes (fig.21, pl. XXXIV) peuvent nous montrer les diffé- rentes parties, c'est-à-dire : le canal excréteur principal ou canal de ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GEN. = 3° SÉRIE. — T. vi. 1898. 36 562 O. DUBOSCQ. premier ordre €, ; les canaux secondaires €, manifestement glandu- laires, et qui sont souvent communs à plusieurs lobules ; enfin, les canaux de troisième ordre €,, qui sont propres au lobule et four- nissent les canaux de quatrième ordre c,, lesquels sont intralobu- laires. Le canal excréteur principal ou canal de premier ordre c, est Cir- culaire et souvent affaissé sur les coupes. Les cellules épithéliales sont aplaties et toutes de même valeur. Elles sécrètent un intima très épais qui donne au canal sa rigidité, renforcé qu’il est par de nombreux épaississements de chitine chromophile. Ces épaississe- ments n’ont pas la régularité de ceux des trachées qui, dans les gros troncs, n’ont pourtant rien de spiral. Ils sont courts, ne faisant en moyenne chacun qu'un demi-tour dans un plan perpendiculaire à l'axe du canal. Le canal de premier ordre est entouré par une tunique conjonctive lâche, qui n’a pas été représentée sur la coupe. Cette simplicité de structure se retrouve dans la première partie des canaux de second ordre; mais bientôt, en remontant vers les lobes de la glande, ils deviennent eux-mêmes glandulaires, tandis que leur lumière se rétrécit. Ces canaux sont de section ronde, et la coupe c, que je représente est oblique. Leur contour bosselé indique l'ébauche de lobes. L’épithélium du canal montre, dans un cyto- plasma d'apparence syncytiale, deux espèces de noyaux : 1° Des noyaux arrondis ng plus grands, situés dans le tiers infé- rieur de la cellule. Ils sont tantôt riches en chromatine, tantôt clairs avec les grains chromatiques à la périphérie, comme dans les noyaux en dégénérescence. Je les appelle noyaux glandulaires. Autour d'eux, le cytoplasme se groupe en fibrilles qui convergent toutes vers un point de la cellule, où est un petit orifice limité par un anneau de protoplasma dense et même chitinisé ; 9° Des noyaux plus petits nt, plus ou moins allongés, à chromatine dense et situés, en général, dans le tiers supérieur de la paroi du canal, quoiqu'ils puissent être à toutes les hauteurs. Je les appelle noyaux interstitrels. D RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 963 Le canal excréteur est donc formé par une rangée de glandes uni- cellulaires. Entre elles existeraient des cellules à noyaux allongés dont la signification morphologique est douteuse. Faut-il les consi- dérer comme des cellules épithéliales de soutènement remplissant les espaces entre les cellules évoluées en glande ? C’est l'interpréta- üon que je propose, parce qu'entre les orifices des cellules glan- dulaires s'étale un intima chitinisé avec épaississements circulaires comme dans le canal de premier ordre, intima, qui doit être formé par les cellules interstitielles, puisqu'il ne peut être formé par les cellules glandulaires. Contre cette hypothèse, on peut arguer qu'à la simple dissection, les canaux de deuxième ordre apparaissent avec une surface gaufrée, comme s'ils étaient faits d’un grand nombre de lobules bien délimités. Or, le tissu réticulé qui est inti- mement appliqué sur eux en tunique conjonctive ne les pénètre-t.il pas en s’insinuant entre les cellules ou groupes de cellules glandu- laires, et alors les noyaux interstitiels n’appartiennent-ils pas à des cellules conjonctives ? Car, j'ai eru voir des filaments trachéens # pénétrer dans la paroi même du canal, ce qui s’expliquerait bien si les cellules étaient conjonctives. Ce n’est pas AlMestvrai un argument décisif. La question de la terminaison des trachées est irop controversée pour en faire une objection. Ainsi Faussek (87) et Holmgren (95) ont vu des terminaisons trachéennes dans l’inté- rieur des épithéliums des divers tissus des Insectes, et je suis loin de nier a priori Ce qu'ils avancent. Je concilierai les deux interpré- tations en adoptant l’une et l’autre, c’est-à-dire en admettant qu'il y à à la fois des cellules épithéliales de soutènement et des cellules conjonctives, que je n'ai pas su distinguer. Je devais insister sur ces faits. Comprendre les canaux de deuxième ordre, c’est comprendre tout le reste de la glande, qui est construite sur le même type. 1887. Fausse. Beiträge zur Histologie des Darmkanals der Insekten (Zestschr, f. wiss. Zool.). 4895, E, Hozucren. Die trachealen Endverzweigungen bei den Spinndrüsen der Lepidopterlarven (Anat. Anz.). 264 O. DUBOSCQ. Avant de pénétrer dans la glande, le canal de second ordre se mo- difie en même temps que souvent il se sépare en plusieurs branches. [1 forme ainsi les canaux de troisième ordre c;. À première vue, les canaux de troisième ordre sont incompréhensibles, lacuneux qu'ils sont au point de simuler du tissu réticulé. Une observation attentive découvre qu’ils ont une lumière centrale étroite, bordée de noyaux tout à fait semblables aux noyaux interstitiels du canal de deuxième ordre. Les lacunes sont régulièrement autour de cette lumière. Si la plupart d’entre elles sont réellement vides, d’autres contiennent un gros noyau rond pourvu d’un nucléole, de sorte qu’on est amené à penser que ces soi-disant lacunes ne sont autre chose que de grandes cellules vides de leur sécrétion, étant peut-être d’ailleurs dégéné- rées. D'où le canal de troisième ordre à fondamentalement la même structure que notre canal précédent, formé comme lui de cellules interstitielles dont les noyaux bordent la lumière et de cellules glandulaires souvent vides sur les coupes, ce qui, joint à leur rela- tion étroite avec le tissu conjonctif qui les tapisse, leur donne l’ap- parence de tissu réticulé. Les lobes glandulaires Z sont faits d'un grand nombre de lobules, mais la petitesse du canal excréteur ne permet pas de les délimiter facilement, d'autant plus que, par pression réciproque, les surfaces des cellules sont déformées. Voici donc, d’abord, ce que montrent les meilleures coupes. Dans le lobe massif Z, des cellules glandulaires très nombreuses et qui se différencient au premier coup d'œil en deux sories: les unes cv ont un cytoplasme réticulé très clair, les autres çs sonê bourrées de granules qui se colorent vivement comme la chroma- tine, de sorte qu’elles tranchent parmi les cellules claires comme des cases de damier. En réalité, ce sont les mêmes cellules à des stades différents de sécrétion : les unes sont bourrées de granules, les autres en contenant peu ou point. Le noyau est très facile à reconnaître. C’est une sphère claire qui contient, à un pôle, un gros nucléole très constant entouré d’une RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. d65 auréole hyaline. La chromatine est en grains très fins. Parfois, un autre nucléole est en face le premier, mais il est sans doute d’autre nature. Par l'hématoxyline au fer, une différenciation arrêtée à temps peut nous donner le nucléole vrai en noir et, en face de lui, un nucléole gris clair comme les grains de sécrétion qui sont du même ton, quelques-uns cependant encore noirs. Je suis disposé à admettre ici ce que j'ai démontré dans la glande venimeuse, c’est- à-dire la naissance de la sécrétion dans le noyau. Cela reste néan- moins hypothétique. Aucune de mes préparations n'échappe à la critique, puisque je n’ai pas trouvé de colorant qui mette en relief la sécrétion, comme j'ai pu le faire pour le venin de la glande for- cipulaire, Le cytoplasme présente un réticulum clair sur les bords de la cel- lule et dense au centre. Sur presque toutes les cellules, en avant du noyau et limité par un protoplasme dense, est un orifice 0, qui pa- raît comme le centre du réseau cytoplasmique. Cet orifice est la coupe d’un canal intracellulaire que l’on voit sur quelques cellules, et qui mène la sécrétion dans les canaux intralobulaires. Les cellules glandulaires se groupent autour de canaux de qua- trième ordre ou canaux intralobulaires e,, dans lesquels elles versent leur sécrétion; mais, par pression réciproque, ces lobules sont si déformés qu'il est difficile de les délimiter tous et de rattacher les diverses cellules au canal excréteur dont elles dépendent. Cepen- dant ces canaux sont indiqués par la présence de noyaux nt très différents des noyaux glandulaires et semblables aux novaux inters- tiliels des canaux extralobulaires. Pour bien comprendre la struc- ture, il faut chercher des coupes de lobules isolés /. On voit alors, au centre de ces lobules élémentaires, un canal étroit. Il est limité par des noyaux interstitiels, et autour de lui rayonnent des cellules glandulaires à divers états de sécrétion. C'est donc la structure du canal excréteur avec un développement spécial de l'élément glan- dulaire. Des trachées compliquent le problème en pénétrant dans la glande à la suite du canal excréteur. Nous avions vu pareille chose 266 O. DUBOSCQ. dans les canaux de deuxième ordre, et là gît la difficulté de l’inter- prétation de ces glandes. Les lobes sont entourés de tissu conjonctif réticulé, où viennent se ramifier les branches nerveuses et les trachées, dont je passe sous silence les terminaisons. J’ai déjà signalé, parmi les lobes de la glande, l'abondance des filaments acides /l, jt, ou cellules à car- minate. Je ne sais rien du rôle physiologique de la sécrétion. Elle est com- plexe. Les canaux de second ordre doivent en produire un élément et les lobes de la glande la matière principale, qui est figurée par les corpuscules basophiles. Malgré les recherches de Plateau (48), je crois que ces glandes ont un rôle salivaire. Le liquide s'écoule assez abondamment entre les mâchoires quand les animaux mangent. Bien entendu, ces réflexions visent seulement la glande antérieure et la glande moyenne. La glande de la première paire de pattes a un rôle plus obscur, mais tout autre certainement. Et, maintenant, je ne puis éviter la discussion de la valeur mor- phologique de ces glandes. Je les ai appelées glandes métamériques, sans attacher à ce mot une importance dogmatique. Je me suis conformé aux appellations ordi- naires et je ne cache rien de transcendant sous cette étiquette. Mais voici. Il existe, chez tous les Trachéates, un certain nombre de glandes (glandes salivaires, glandes fileuses) qui débouchent dans la tête, annexées aux diverses pièces buccales. On les nomme glandes métamériques, parce qu'elles paraissent se rattacher aux divers seg- ments de la tête. Herbst (89, 93) en cite un grand nombre d'exem- ples, et l’on en trouvera d’autres bien choisis par Eisig (8%) et par H. Bernard (92). Assurément, les glandes métamériques antérieures 4838. PLATEAU. Op. cit. 41889, 4893. Hergst. Op. cit. 488%. H. Ersic. Die Capitelliden (Fauna und Flora des Golfes von Neapel). 4892. H. Bernar». An endeavour to show that the tracheæ of the Arthropoda arose from setiparous sacs (Zoo. lahrb. A bth. f. Anat.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 967 des divers Trachéates sont homologues à nos glandes des Chilo- podes. Elles ont même structure et même position. Ainsi, la glande de la deuxième mâchoire se retrouve dans presque tous les groupes d’Insectes, soit chez l’adulte, soit chez la larve. Mais, par exemple, on s'engage dans des comparaisons oiseuses el fausses quand on veut les assimiler soit à des trachées, soit à des néphridies. Elles ne sont pas des trachées, parce qu'elles n’ont pas la même structure. Que leur canal excréteur ressemble aux trachées, je le veux bien, mais quelle différence dans la terminaison ! Elles sont entièrement formées par une invagination du tégument dont elles conservent la structure fondamentale. Les terminaisons des trachées sont, au contraire, des canaux intracellulaires du tissu conjonctif. Ceux qui s'en étonneront pourront être édifiés par les travaux de Leydig (5%), de Cajal (80), de Holmgren (95), etc. Les arguments embryologiques réfutent mieux encore l'homologie avec les trachées. Hatschek !3%) a fait voir que dans les Chenilles, aux pièces buccales où se développent les glandes fileuses, dont l’in- vagination est du côté interne, il y a, plus extérieurement, des ébauches trachéennes. Et voici un fait plus démonstratif encore, Georgevitsch (98) vient de faire connaître, à tous les segments du corps des larves de Staphylin,une paire de glandes en tubes ramifiés et d’origine ectodermique pure. La première glande est dans la tête et n’est pas autre chose que les glandes salivaires. Aux autres segments, les glandes de structure pareille à celle des glandes sali- vaires, et seulement moins développées, ont leurs orifices immé- 483%". Levnic. Aistologie. 4890. Ramon y Casaz. Coloration par la méthode de Golgi des terminaisons des trachées et des nerfs dans les muscles des ailes des Insectes (Zeitschr. f. wiss. Mikr.). 4895. E. HozuerEen. Die trachealen Endverzweigungen bei den Spinndrüsen der Lepidopterlarven (Anat. Anz.). 48%. Hatscnek. Beiträge zur Entwicklungsgeschichte der Lepidopteren (Jen. Lertschr.). 4898. J. GrorcEvirscH. Die Segmentaldrüsen von Ocypus (Zoo, Anz.). 968 O0. DUBOSCQ. diatement au-dessus des stigmates trachéens, avec lesquels on ne saurait les confondre. Les Chilopodes nous conduisent aux mêmes conclusions. Si l’on s’en tenait aux apparences, on dirait : la glande antérieure débouche entre le labre et les fulcres, c’est qu’elle appartient à la mandi- bule. La première mâchoire n’a pas de glandes. La deuxième mû- choire a ses glandes débouchant à un endroit qui est bien une partie des pleuræ. Les forcipules n'ont pas de glande métamérique, car la glande venimeuse qui débouche à leur extrémité est tout autre chose. La première paire de pattes a sa glande à peu près où serait le stigmate. La deuxième paire de pattes n’a pas de glandes. La troisième non plus, mais alors c’est une trachée qui la remplace, et à la suite les trachées, sauf une, répètent l’alternance à la place des glandes qui n’existent plus. Aïnsi, depuis la tête, les glandes, puis les trachées se répéteraient de deux en deux segments, con- formément à la diplopodie. C’est une opinion très portative. J'ai dit les objections d'ordre général. Je rappelle, en plus, que le seul orifice glandulaire, dont la discussion soit facile chez nos animaux, est celui de la première paire de pattes. Il ne débouche pas sur la pièce représentant le scutellum spiracuhferum. Dans son travail sur le développement des Abeilles, Bütschli a homologué leurs glandes métamériques aux trachées et les trachées aux organes segmentaires des Annélides. La première homologie eut beaucoup de succès, la seconde fut déclarée fausse à l’unami- mité. Eh bien, si je comparais les Arthropodes aux Annélides, je trouverais la seconde très suggestive; mais, comme je compare seulement les Arthropodes entre eux, je repousse la première sans hésiter. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES, 369 DEUXIÈME PARTIE. DU MÉSENCHYME. J'entends, comme les embryologistes, sous le nom de mésen- chyme, ce que les histologistes ont appelé le issu conjonctif. Les uns et les autres comprennent sous ces noms l’ensemble des tissus dérivés du feuillet moyen qui forme l’hémocæle, par opposition au mésoderme épithélial ou cœlome vrai, qui, chez les Arthropodes, nest souvent représenté, chez l'adulte, que parles organes génitaux. J'étudie donc successivement la circulation et le tissu conjonctif proprement dit. Ï. ANATOMIE DU SYSTÈME CIRCULATOIRE. Historique, — Kutorga (34) et quelques anciens auteurs avaient ébauché la description des vaisseaux des Chilopodes. Newport, le premier (43), en fit une description très poussée, qui est encore classique. Il a étudié la Scolopendre particulièrement, sans négliger les autres types. Zograf (8@) commit l'erreur de substituer au vais- seau ventral des Lithobies et Géophiles un sinus ventral semblable à celui des Orthoptères”. Cependant Vogt et Yung (83) remettent 4834. Kutorca. Scolopendræ morsitantis anatome (Petropoli). 4843. G. Newport. On the structure, relations and development of the Ner- vous and Circulatory System in the Myriapoda and macrourous Ara- chnida (Phul. Transact. Roy. Soc. London). AS8O. Zocrar. Anatomie du ZLithobius forficatus (Fedicenko Bibliothek. Moscou). 4883. Vocr et Yunc. Traité d'anatomie comparée pratique (13e livraison). Paris. 1 C’est sans doute aux recherches de Zograf que Houssaye (C. R. Ac. Sc., 1887) fait allusion en soutenant la même erreur chez le Scorpion. Dans une critique acerbe des résultats de Houssaye, Schneider (Tabl. Zoologig., 1892) semble nier qu’on ait trouvé un sinus ventral chez les Chilopodes ; en quoi il a tort, puisque Zograf l’a annoncé. Il est vrai que c’est inexact. 570 O. DUBOSCQ. les choses au point et retrouvent le vaisseau ventral que Newport avait figuré. Entre temps, Johannès Chatin (83) publie des obser- vations morphologiques, n’apportant aucun fait nouveau. Enfin Herbst, d’abord chez Scutigera (89), puis dans les divers types de Chilopodes (92), les Géophilides exceptés, fournit une nouvelle contribution, qui est de beaucoup la plus importante depuis le travail de Newport. J'énoncerai en bloc les résultats de ces auteurs; la description que je ferai ensuite du système circulatoire en sera facilitée. C’est la Scolopendre qui a été le mieux étudiée. Newport a étudié Scolopendra alternans ; Chatin S. gigantea, et Herbst S. cingulata. Au-dessus de l'intestin et des organes génitaux, sur la ligne mé- diane, est un vaisseau dorsal divisé en vingt et une chambres par des rétrécissements au niveau desquels sont les ostioles. De la face inférieure des ostioles part une paire de vaisseaux latéraux, qui se bifurquent en deux branches, lesquelles donnent des rameaux aux téguments dorsaux. Dans les dix-septième et dix-huitième chambres, ces vaisseaux seraient beaucoup plus développés que les autres, d’après Newport, et se distribueraient aux vaisseaux de Malpighi, ce qui est nié par Herbst. En arrière, le vaisseau dorsal se termine par un faisceau de fibres musculaires qui le fixent à l’extré- mité du corps. En avant, la première chambre, très petite, se con- tinue vers la têle par un trone médian ou aorte céphalique. À sa naissance, l'aorte communique par deux arcs ou crosses avec le vaisseau ventral. Ces crosses donneraient d’abord une artère pour les glandes salivaires — Herbst la nie — puis une branche très importante, l'artère forcipulaire. L'aorte céphalique à été suivie 4883. J. Canin. Observations morphologiques sur les origines de l'artère récurrente chez les Myriapodes (Bull. Soc. Philom.). ASS9. C. Herpstr. Anatomische Untersuchungen an Scutigera coleoptrata (Inaug. Diss. Tena). 4892. C. Herssr. Beiträge zur Kenntniss der Chilopoden (Bobloth. zool. Leuckart). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. B7A jusqu'au cerveau. Elle fournit, après les crosses, une première paire de branches au niveau des deuxièmes mâchoires ; un peu plus loin, elle donne une autre paire au niveau de la première mâchoire. Cette paire a deux rameaux : l’un va en arrière, l’autre se dirige sur les côtés du cerveau et, finalement, accompagne les nerfs de l'antenne. En avant, l’aorte céphalique arrive dans une cavité du cerveau qu'elle traverse et, à sa sortie, fournit un rameau impair et une paire de petites branches sur les côtés. Newport avait considéré comme des arcs secondaires, reliant le vaisseau dorsal et le vaisseau ventral, les branches antérieures à l’anneau aortique ; Herbst nie ces anastomoses. Le vaisseau ventral est donc, d’après Herbst, relié au vaisseau dorsal uniquement par l'anneau aortique. Il est situé au-dessus de la chaîne nerveuse. Au niveau de chaque ganglion, il donne une branche dont les rameaux se distribuent aux quatre paires de nerfs spéciaux. Mais Herbst et Newport ne sont pas d'accord sur le mode de naissance de ces branches, Newport les faisant partir d’un cercle situé au-dessus du ganglion, ce que Herbst ne confirme pas. Ni l’un ni l’autre ne donnent l’origine des artères des pattes. Ils sont d’ac- cord seulement pour l’artère de la forcipule, qui naît de la crosse aortique. Ils signalent aussi les artères de la dernière patte. New- port, qui en trouve plusieurs, fait naître les unes du vaisseau dorsal, les autres du vaisseau ventral. Herbst n’en reconnaît qu’une paire naissant du vaisseau ventral, lequel, à son extrémilé, se divise en deux branches pour les pattes postérieures ; les artères donnent, avant d'entrer dans la patte, un faisceau de fines artérioles aux glandes pleurales. Chez Zithobius et chez Scutigera se retrouvent les grandes lignes de cette circulation. Je n’insisterai pas sur Scutigera, qui présente quelques particularités, entre autres une sorte de cœur (pumpapparat) qui est un diverticule inférieur de l’aorte céphalique. Chez Lithobius, Newport a signalé la bifurcation du vaisseau ventral à sa terminai- son postérieure. Les rameaux latéraux naissent de ces branches 512 O0. DUBOSCQ. bifurquées. En somme, dit Herbst, on retrouve dans la série des Chilopodes les grands traits constants, c’est-à-dire un vaisseau dorsal où cœur divisé en autant de chambres qu'il a de segments, et con- tinué antérieurement par une aorte céphalique ; un vaisseau ventral situé au-dessus de la chaîne nerveuse; enfin un anneau aortique reliant le vaisseau dorsal au vaisseau ventral. Les Géophiles n’ont pas été étudiés. Zograf mentionne seulement l'absence de vaisseau ventral. En général, mes recherches confirment les descriptions précitées. J'ai pu y ajouter quelques faits, parce que j'ai employé une meilleure technique, les injections vitales d'encre de Chine. Vogtl et Yung, qui les avaient appliquées à Lithobius, n’en avaient pas tiré grand-- chose, ce qui est surprenant. J. Chatin a étudié Scolopendra giyantea au moyen des injections ordinaires; mais il n'a vu aucun fait nou- veau. Or, les résultats très complets de Newport ont été obtenus par la simple dissection, el Herbst, si j'ai bien compris, n’a eu d'autre méthode que l'examen patient de coupes en séries. Système circulatoire de Scolopendra. — J'ai étudié particuliè- rement Scolopendra cingulata Latr. Elle a un vaisseau dorsal et un vaisseau ventral réunis par l’anneau aortique. Le vaisseau dorsal (vd, fig. 26, pl. XXXV) est situé sous les tégu- ments et les muscles dorsaux, au-dessus du tube digestif et des organes génitaux, maintenu par des brides musculaires dont les unes, latérales, limitent les sinus aliformes sa, dont les autres, médianes, comprennent le sinus dorsal que je n’ai pu représenter. Il est divisé en vingt et une chambres, non par des étranglements comme on l'écrit quelquefois, mais par des renflements qui correspondent aux ostioles. Les étranglements sont simulés par l’absence du Lissu péri- cardial. La première chambre, moitié plus petite que les autres, est située dans le deuxième segment. Tous les segments qui suivent, contien- nent une chambre, mais le dernier en contient deux, ce qui supplée au premier, qui n’en contient pas ; d'où le même nombre de cham- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 513 bres que de segments, la tête exceptée. Les deux dernières chambres sont irès petites. La vingtième est moitié plus petite que la dix- neuvième, et la vingt et unième moitié plus petite que la vingtième. Cette dernière chambre est attachée aux téguments de l'extrémité du corps par un faisceau musculaire en éventail qui la continue. La première chambre se continue en avant par l'aorte céphalique, qui garde toujours sa position sus-intestinale, va droit vers le cer- veau, qu'elle traverse, pour se terminer à l'extrémité de la tête. En arrière, la dernière chambre se bifurque en deux petites bran- pres courtes, qui se perdent dans les muscles en éventail. Au niveau de chaque ostiole, le cœur ou vaisseau dorsal donne une paire de vaisseaux latéro-dorsaux, qui naissent de la face inférieure d’une manière que nous décrirons plus loin. Chaque vaisseau latéro- dorsal a une branche principale pour les téguments latéraux, et des branches secondaires naissant plus ou moins dichotomiquement et se terminant finalement dans le tissu réticulé. Du vaisseau latéro- dorsal ou de ses branches naissent de deux à cinq rameaux por- tant à leur extrémité un petit corpuscule arrondi, le corpuscule de Kowalevsky, cK. Ces corpuscules manquent dans les trois premiers segments. Ils sont plus nombreux dans les régions moyenne et postérieure. Certains vaisseaux latéro-dorsaux ont une distribution particu- lière. La dix-neuvième paire a une branche, qui suit le tube de Mal- pighi en se dirigeant vers le rectum, et la partie terminale de l’in- testin moyen auquel elle se distribue. Les artères latéro-dorsales du milieu du corps ont des rameaux pour les organes génitaux. Elles sont bien développées chez les femelles, et chaque follicule ovarien a un rameau spécial, qui apporte le sang à l'œuf en maturation. J'ai décrit précédemment les artères des glandes salivaires, qui sont issues des deuxième, troisième, quatrième et cinquième paires latéro-dorsales. La deuxième paire de vaisseaux latéro-dorsaux, avant de fournir la grosse artère salivaire, a, tout près de sa naissance, une branche 974 O. DUBOSCQ. plus importante encore, qui se dirige vers l'intestin antérieur, puis, quand elle l’a atteint, se réunit à sa congénère pour former, sur la ligne médiane de l'intestin, une sorte de tissu caverneux, saïllant à l’intérieur en un cordon qui est comme une ébauche de typhlosolis. Je n’en ai pas fait d’étude approfondie, malgré l'intérêt qu'il y aurait à être fixé sur cette formation très spéciale. J'ai très mal vu la première paire latéro-dorsale, figurée par New- port. Elle est très petite et ne s’injecte jamais. Le vaisseau dorsal se continue en avant par l'aorte céphalique, qui n’est pas entourée de tissu adipeux. À son origine, elle donne l’an- neau aortique, formé de la soudure d’un vaisseau latéro-dorsal et d’un vaisseau latéro-ventral correspondant. L’anneau aortique n'a pas d'autre branche que l'artère forcipulaire, laquelle doit être rap- portée à la partie latéro-ventrale. Il est dans un plan incliné par rapport à l’axe du corps. Dorsalement, il naît entre le premier et le deuxième segment, puis les deux branches se dirigent en bas et en avant. | L’aorte céphalique se continue jusqu’au milieu de la têle, en ne donnant qu’un tout petit rameau impair pour l’æsophage. Plus loin naît une paire de vaisseaux importants, les artères céphaliques, qui se divisent chacune en deux branches irriguant les téguments et les glandes de la tête. Au point où l’aorte touche le cerveau, elle donne deux très grosses branches, qui contournent la masse nerveuse en dessous et accompagnent les nerfs antennaires. Ces artères anten- naires, qui vont jusqu à l'extrémité des antennes, ne sont pas sans rameaux,comme je les avais représentées d’abord (96). Dans chaque article, une branche latérale se détache perpendiculairement du tronc principal, vers le milieu de l’article. Quand elle à fourni les artères antennaires, l’aorte céphalique paraît traverser le cerveau. C’est que le tritocérébron a une très grosse commissure, qui est na- turellement en dessous de l'aorte, selon la règle. L’aorte, jusqu'ici 4896. O. Dusosco. La Terminaison des vaisseaux et les Corpuscules de Kowa- levsky chez les Scolopendrides (Zoo!. Anz.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 919 impaire, se bifurque à son extrémité, et les branches terminales très petites irriguent le bord antérieur de la tête. C'est à la suite d’in- jections incomplètes que j'avais soutenu d’abord qu'elle se terminait en un petit renflement clos. Le vaisseau ventral (vv, fig. 27 et 28, pl. XXXV) a une distribution régulière depuis la deuxième paire de pattes jusqu’à l’avant-dernière. D'un bout à l’autre de son parcours, il est situé au-dessus de la chaîne nerveuse, compris dans la paroi somalique du sinus péri- viscéral. À chaque segment, il donne une seule paire de vaisseaux latéro-ventraux perpendiculaires à l’axe du corps et qui deviennent l'artère de la patte. Les vaisseaux latéro-ventraux naissent ei sont situés sur la moitié antérieure de chaque ganglion. Ils ont d’abord pour le ganglion deux rameaux, un antérieur et un postérieur, qui naissent sur le bord supérieur du ganglion, puis le contournent, de sorte que les branches sont au-dessous du ganglion. Le rameau antérieur fournit le sang à la moitié postérieure du connectif qui va au ganglion pré- cédent, landis que le rameau postérieur est pour la moitié anté- rieure du connectif du ganglion suivant. Les vaisseaux latéro-ventraux fournissent ensuite des rameaux pour irriguer les téguments et les muscles inférieurs. Je n’insiste pas sur leur distribution, toujours limitée à un segment. Je ne m'étendrai pas non plus sur les rameaux des paties, que je repré- sente (fig. 30, pl. XXXV) pour donner une idée de leur richesse et surtout de leur aspect, bien différent de celui des branches ner- veuses, moins rameuses et plus régulièrement dichotomiques. Il faut avoir ces choses dans l’œil quand on emploie la méthode de Golgi, qui peut imprégner les trachées et les vaisseaux. Les plus curieuses branches sont celles qui se terminent en cor- puscules de Kowalevsky, cK. Depuis le quatrième segment jusqu’au dernier *, on les trouve de trois à six par segment et naissant soit di- ‘ J'entends le dernier segment pédifère. Car il y a morphologiquement deux autres segments postérieurs au segment des pattes anales. D76 O0. DUBOSCQ. rectement du vaisseau latéro-ventral, soit des divers rameaux, aussi bien les rameaux tégumentaires que les rameaux destinés au gan- glion nerveux. Il n’y a pas de corpuscules de Kowalevsky dans le dernier segment où la distribution des vaisseaux est différente. Dans ce segment, les ganglions nerveux sonë au nombre de deux, le gan- glion propre du segment et le ganglion génital. Au-dessus du gan- glion du dernier segment, le vaisseau ventral donne la paire ordi- naire de vaisseaux latéro-ventraux, bien plus développée que les précédentes. C’est l'artére principale des dernières pattes. Avant d'entrer dans la patte, cette artère donne un rameau qui est destiné aux premiers articles de la patte et que j'ai appelé artère fémorale profonde, puis un gros vaisseau Court qui se divise en un paquet de vaisseaux fp destinés aux glandes des pleuræ posticæ, et presque aussi nombreux que les glandes, quoique leur distribution soit irré- eulière, puisqu'ils se terminent dans le lissu réticulé enveloppant. Enfin, le vaisseau ventral se termine au-dessus du ganglion géni- tal, en donnant deux paires d'artères : une paire pour le rectum et une paire pour les glandes accessoires des organes génitaux. Ces artères sont récurrentes. Je les ai représentées (fig. 28, pl XXXV) dans le prolongement du vaisseau ventral, parce que j'ai rabattu en arrière les glandes et le rectum. En avant, le vaisseau ventral se termine sur le premier ganglion ventral par deux petites branches, qui remontent le long des con- nectifs œsophagiens qu'elles irriguent. Auparavant, il a fourni deux vaisseaux latéro-ventraux, qui se divisent en trois branches princi- pales pour les pièces buccales, lesquelles sont aussi vascularisées que les pattes. Au ganglion suivant, la distribution est également très particulière. C'est là que s'abouche la crosse aortique, formée de la fusion des vaisseaux latéro-ventraux et latéro-dorsaux. L'ar- tère forcipulaire, née de l'anneau aortique, est, en effet, le vais- seau latéro-ventral du segment, et l’on peut dire que le vaisseau Jatéro-dorsal correspondant n'a pas de rameaux ei se jette en elle. La distribution de l'artère forcipulaire a été décrite dans le chapitre RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 977 de la glande venimeuse. Il suffit d'en regarder la représentation (ig. 29, pl. XXXV) pour voir qu’elle ne diffère guère de la distribu- lion des artères des pattes. C’est très peu en arrière de l’anneau aor- tique que naissent les vaisseaux latéro-ventraux de la première paire de pattes, dont la distribution est semblable à celle des pattes sui- vantes. | Cette distribution très simple des vaisseaux de la Scolopendre correspond presque à la distribution fondamentale des vaisseaux chez les Annelés. Pour le schéma complet, il manque l’union, à tous les segments, des vaisseaux latéro-dorsaux et latéro-ventraux, comme elle existe au segment forcipulaire. J'ai pensé un moment, quand j'ai vu les corpuscules de Kowalevsky provenir, chez la Scolopendre, tantôt du vaisseau dorsal, tantôt du vaisseau ventral, qu’ils pou- valent, en réalité, recevoir une branche de ces deux vaisseaux, et là se serait faite l'union, comme chez certains Vers, par de petites ampoules. Mais il n’en est rien. Les corpuscules de Kowalevsky ne reçoivent Jamais qu'un vaisseau, et le cas du Cryptops va nous le confirmer. J'ai trouvé chez Cryptops la même distribution des vaisseaux que chez Scolopendra. Seuls, les corpuscules de Kowalevsky naissent différemment. Il n'y en a qu’une seule paire par segment, ce qui s'explique, puisqu'ils sont presque aussi gros que ceux de la Scolo- pendre. Leur diamètre est en moyenne de 120 p, et le vaisseau, dont ils sont la terminaison, naît directement du vaisseau ventral, toujours en avant du vaisseau latéro-ventral qui est l'artère de la patte. Comme les artères de la patte, ils ne naissent point au même point, mais l’un en arrière de l’autre. Je n'ai trouvé de corpuscules de Kowalevsky ni chez Litho- bius, ni chez les Géophiles, malgré des recherches attentives. J’ai mal étudié Seutigera. On trouve chez cet animal, autour d’un cer- tain nombre de vaisseaux, du tissu adipeux qui ne paraît pas différer des autres lobes adipeux répandus cà et là. Chez beaucoup de Crus- tacés, on rencontre cette disposition, qui ne représente pas un tissu ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GENe — 3© SÉRIE -— T, VI. 1898, 37 578 0. DUBOSCO. spécial. Au surplus, il y a,chez Scutigera, un certain nombre d'amas cellulaires désignés par Herbst sous le nom de glandes indéterminées. Représentent-ils nos corpuscules de Kowalevsky? La difficulté des injections chez cet animal si délicat m'a causé des insuccès répétés, qui m'imposent une grande réserve. Je renvoie donc aux travaux de Herbst, auxquels j'ai pleine confiance, et je ne veux rien y ajouter. Chez les Géophiles, qui n’avaient pas été étudiés, j'ai retrouvé la disposition connue partout : un vaisseau dorsal et un vaisseau ven- tral, réunis par un anneau aortique. Comme il n’y à pas de corpus- cules de Kowalevsky, il ne naît du vaisseau ventral pour chaque seg- ment qu’une paire de vaisseaux, qui sont les artères des pattes. La terminaison postérieure de ce vaisseau ventral est spéciale. Au lieu de se poursuivre impair jusqu'à l'extrémité postérieure, ilse bifurque quatre ou cinq segments avant le dernier (fig. 33, pl. XXXV), et alors, de ces branches bifurquées, qui vont aux glandes des pleuræ posticæ, naissent les artères des dernières paires de pattes. En dedans el assez haut, ces branches terminales fournissent aux glandes anales deux vaisseaux a qui donnent, en passant, un petit rameau aux pleuræ posticæ. Chez Lithobius, si l’on excepte les vaisseaux des glandes des pleuræ posticæ, qui ne sont pas plus représentés que les glandes elles-mêmes, la disposition est pareille. Vogt et Yung sont d'accord là-dessus avec Newport, dont la description est correcte. Il faut donc tenir pour inexact ce que Zograf à pu dire à ce sujet. Je ne m'explique pas qu’il n'ait pas aperçu le vaisseau ventral que les coupes ordinaires montrent très bien (v. v., fig. 54, pl. XXXVIL). Je ne décris pas de système veineux. Il n'y en à pas. Les artères se terminent dans un tissu réticulé, et l’étude des lacunes fait partie de l'histologie. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. D79 IT. HISTOLOGIE DU SYSTÈME CIRCULATOIRE. Je parle, dans ce chapitre, de la structure du cœur et des gros vaisseaux, de la terminaison des vaisseaux et des corpuscules de Kowalevsky, qui sont une forme de cette terminaison. Historique. — Newport (43) a bien vu les attaches du cœur, quiest rattaché à la face supérieure par des brides délicates et aux tégu- ments latéraux par les muscles aliformes, formés de chaque côté de deux faisceaux pour chaque chambre. La structure qu’il reconnaît au cœur est inexacte. Il veut distinguer trop de fins détails, malgré l'imperfection de ses méthodes, et il décrit une tunique interne, composée elle-même de deux couches musculaires, et une tunique externe, faite de fibres musculaires entrelacées. Ces deux tuniques contractiles seraient séparées par une membrane séreuse, et le tout serait encore enveloppé par un péricarde, qui séparerait le cœur des structures environnantes. D'après Zograf (80), au contraire, la structure du cœur est très simple, mais l’étude en est rendue difficile par le tissu adipeux qui adhère à son côté inférieur ou ventral, et aussi par le grand nombre de trachées, qui viennent se ramifier sur sa paroi externe. Sur les coupes transversales, le cœur apparaît comme un tube circulaire composé d'une série de muscles annulaires, qui forment la paroi interne, et d’une tunique conjonctive formant la paroi externe. Disons-le dès maintenant, c’est la vraie structure. Malheureusement, Zograf ne décrit pas la tunique externe, et ses figures ne nous per- mettent pas de dire qu'il l’a comprise. Que pense-t-il du péricarde ? [Il n'en parle pas et ne le représente pas. Vogt et Yung (83) nous donnent une coupe du cœur de Lithobius. Cela manque de détails, comme la description qu'ils ajoutent à leur 4843, G. Newport. Op. cit. 4880. Zocrar. Op, cit. 4883. Vocr et YunG. Op. cit, 580 O. DUBOSCQ. illustration ; mais c’est très exact. Leur dessin montre bien que le tissu adipeux péricardial est formé simplement de deux masses accolées sur les flancs du vaisseau dorsal. Ils ne sont nullement dans une cavité et ne s'étendent pas au-dessous du cœur. Cuénot (94) a décrit brièvement le cœur de la Scolopendre avec le tissu adipeux qui l'entoure. Entre Le cœur et la couche adipeuse, i] aurait trouvé « une glande lymphatique formée de petits mame- lons isolés, bourrés de noyaux et d’amibocytes mürs avec tous les stades de développement intermédiaires ». Guénot à dû prendre pour une glande lymphatique des globules sanguins arrêtés au niveau des ostioles. Kowalevsky (92), qui n’a pas retrouvé la glande péricardiale, semble croire que c’est le tissu péricardial tout entier que Guénot interprète ainsi. Et il démontre que, malgré les apparences, ce tissu adipeux péricardial est semblable au tissu adipeux du reste du corps: Les descriptions de Kowalevsky sont très exactes, mais ses dessins un peu schématiques. En ce qui concerne le péricarde, Kowalevsky est d'accord avec Herbst. Convaineu de l'erreur de Cuénot, Kowalevsky (94-95) a cherché ailleurs les glandes lymphatiques, qui n’existent pas autour du cœur, et illes a trouvées parmi le tissu adipeux non péricardial, sous la forme de petits corpuscules, en nombre variable depuis le troisième segment du corps jusqu’au dernier. Ces « petites rates » absorbent vivement le noir de Chine, les bactéries et le carminate d'ammo- niaque. D’après lui, elles sont faites d'agglomérations denses de cel- AS94. Cuéxor. Études sur le sang et les glandes lymphatiques dans la série animale (Invertébrés) [Archiv. zoo. exp. |. | 4892. À. Kowazevsky. Sur les organes excréteurs chez les Arthropodes ter- restres (Zrav. du Congrès intern. de zoologie à Moscou). 1894. À. Kowazevsxv. Études expérimentales sur Îles glandes lymphatiques des Invertébrés (Mélanges biologiques du Bulletin de l'Acad. imp. des sc. de Saint-Pétersbourg). 1895. À. Kowazevsky. Études des glandes lymphatiques .de quelques Myria- podes (Archiv. soul. exp.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 581 lules épithélioïdes par pression réciproque, au centre desquelles sont, sur les coupes, des trous, « qu'il croit être des vaisseaux sanguins qui traverseraient ces glandes ». Ainsi Kowalevsky a bien pensé que les glandes étaient un tissu spécial développé autour de branches vasculaires. Voici, en effet, un autre passage plus explicite de son mémoire : « En ce qui concerne les vaisseaux, j'en ai toujours vu un qui pénétrait dans la glande en entrant par en haut, c’est-à-dire du côté dorsal. Ce serait ainsi une branche de l'artère qui sort du vais- seau dorsal. J'ai vu cette même branche se diviser ou se bifurquer, quand elle donnait un vaisseau aux deux glandes voisines. Si mon interprétation est juste, ce seraient donc des artères qui se ren- draient à nos glandes et pénétreraient dans l'intérieur. » Herbst (92), dont le mémoire est antérieur aux derniers travaux de Kowalevsky, n’a pas vu les corpuscules dont je viens de parler. Il est, néanmoins, le plus complet des auteurs qui traitent de l’his- tologie de la circulation. Si j'énumérais en détail tous ses résultats pour les faire suivre de ma description personnelle, j'aurais à répé- ter souvent les mêmes faits, puisque Je suis souvent d'accord avec lui. C’est pourquoi je décrirai l'histologie du système circulatoire en comparant continuellement mes résultats avec ceux de Herbst. J’ai hésité à écrire ce chapitre, parce que j y apporte trop peu de nou- veau. Si je m y suis résigné, c’est que certains points restaient obs- curs. Qui répondrait à des questions comme celles-ci : Y a-t-il, chez les Chilopodes, ébauche de système veineux etle péricarde est-il une oreillette? Le péricarde est-il une formation constante? Sans parler des corpuscules de Kowalevsky, dont il restait à montrer les relations avec les vaisseaux, ainsi que certains détails de structure. Structure du vaisseau dorsal. — Le cœur de la Scolopendre, en un point quelconque éloigné d’une ostiole, se présente comme une cavité comprise entre deux fibres musculaires courbées en fer à cheval et contiguës par leurs extrémités libres, qui sont médianes. Ce sont des fibres musculaires striées avec une rangée de noyaux 4892. C. HERBST, Op. cit. 582 0. DUBOSCQ. au centre de la fibre. Les noyaux, quoique centraux, ne sont pas en ligne régulière. Du côté dorsal où, en beaucoup d’endroits, les fibres ont un plus grand diamètre, les noyaux sont sur deux rangs. Leur forme varie. Quelques-uns sont sphériques, la piupart sont allongés et irréguliers. Le cytoplasme est évolué en fibrilles musculaires d’une façon très particulière. Les vues en totalité et mème les coupes longitudinales de ces fibres, c’est-à-dire les coupes transversales du. cœur, semblent montrer une striation typique, quoique la partie interne en contact avec le cœur paraisse plus trans- parente. Il faut faire des coupes transversales de ces fibres, c’est-à-dire des coupes longitudinales du cœur, pour être édifié. Elles montrent les fibres composées de fibrilles toutes dirigées de l'extérieur vers l'intérieur comme dans certains épithéliums secrétoires. Mais ces fibrilles n’ont pas le parallélisme rigoureux qu'on trouve dans les muscles ordinaires. Leur épaisseur est inégale. Si j'appelle base la surface externe du cœur, on peut dire qu'à leur base, elles sont très épaisses et confondues souvent les unes avec les autres, puis elles s'atténuent et finissent très minces en atteignant le sarcolemme interne, d'où une transparence plus grande. Ces alignements de fibrilles transversales sont coupés par des fibrilles longitudinales inégalement distribuées, en sorte même que, par endroits, elles paraissent manquer, quand ailleurs elles sont épaisses au point de figurer des faisceaux spéciaux. Le sarcolemme très développé présente intérieurement de très nombreuses annelures dues à la continuité des lignes de Dobie avec le sarcolemme lâche. Ce soulèvement du sarcolemme simule une membrane particulière, et Herbst l'interprète comme telle. C'est sa troisième couche du cœur que, maintenant (92), il déclare homo- sène, mais que, dans son premier travail (89), il considérait comme un endothélium interne. Encore une fois cet endothélium, maintes fois décrit ailleurs, n’existe pas. Les fibres ont le diamètre ordinaire, et le cœur est formé d’une file d’arceaux accolés les uns aux autres 1889-1892. C. HERBST. Op. ct. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. D83 et unis par leur sarcolemme. Les coupes tangentielles et l'examen en totalité du cœur des petits animaux (fig. 48, pl. XXXVII) montrent bien cette structure. Extérieurement, le sarcolemme est continué par des prolonge- ments conjonctifs qui brident le cœur et doivent être interprétés comme fibres périmysiales. On sait que les diverses fibres muscu- laires du corps sont unies entre elles par des réseaux conjonctifs. Cela vient de ce que la masse syncytiale, qui représente chez l’em- bryon le mésenchyme, fournit à la fois la fibre musculaire et le tissu conjonctif interstitiel. Autour de certains noyaux, le cytoplasme syncytial se transforme en fibrilles musculaires et le reste évolue en tissu réticulé. Le cœur, formé de fibres musculaires recourbées et jointes par leurs extrémités libres, est pareillement entouré de tissu périmysial et ce tissu rayonne autour de lui en formant ses attaches. Chez Cryptops hortensis Leach, ces attaches ou ligaments du cœur sont si nombreux qu'il est malaisé d'en faire une description. Ce n’est qu’à une certaine distance du cœur que ces diverses fibres conjonctives se transforment en tissu adipeux, de sorte que, chez cet animal, les cellules péricardiales paraissent logées entre les brides du cœur. Chez Lithobius, il y a une ordonnance et elle est très simple. Sur une coupe transversale, le cœur est à peu près rectangulaire et des angles partentles brides en croix de Saint-André. Donc deux paires de ligaments : une paire supérieure et une paire inférieure {vd, fig. 51, pl. XXX VII). Les ligaments supérieurs, simples filaments conjonctifs s’attachent aux téguments dorsaux. Les ligaments inférieurs sont, de très bonne heure, transformés à leur base en tissu adipeux. Chez un Lithobius pullus VII, il y a toujours deux cellules adipeuses dévelop- pées ainsi à la base du cœur. Déjà, chez un Lifhobius immaturus (fig. 51, pl. XXX VII), le développement du tissu adipeux est notable, et nous avons ce qu'on appelle les cellules péricardiales, produites par la transformation adipeuse des brides conjonctives inférieures. 584 O. DUBOSCQ. Elles se continuent par la lame de tissu réticulé so, qui limite la cavité périviscérale et que j'appelle lame somatique du sinus péri- viscéral. Elles sont prolongées aussi par des ligaments purement musculaires, situés au-dessus de la lame somatique fa. Ces ligaments, qui sont d’abord la partie supérieure du tissu péricardial, vont se perdre en réseau s’attachant aux muscles dorsaux et constituent les muscles aliformes. La disposition est pareille chez les Géophiles et une préparation à plat (fig. 48, pl. XXXVII) montre que ces muscles aliformes, nés en éventail, ont quelques fibres partant des ostioles, qu'elles maintien- nent béants. En somme, chez Lithobius, il n’y a pas trace de formation péricar- dique, et le sang circulant dans toute la région supérieure du corps rentre sans canalisation dans les ostioles. On verra plus loin l'expli- cation possible de ce fait. C’est que, chez Zethobius, tout le tissu ré- ticulé est, comme chez les Insectes, à mailles vides (fig.50,pl.XXX VII). Ces mailles, souvent largement ouvertes, sont incapables de former des parois qui endiguent le sang. Donc il n'y a pas trace chez cet animal d’ébauche de système veineux. Car, pour le dire dès mainte- nant, ce qu’entend Herbst par ce mot de péricarde, c'est bien ce qu’on appelle ainsi chez les Crustacés, c’est-à-dire une oreillette. Si je nie le péricarde chez Lithobius, je l’'admets pourtant chez la Scolopendre, et à peu près comme l’a décrit Herbst. Quand on fait une injection d'encre de Chine à Scolopendra cingulata Latr., et qu’on dissèque avec soin l'animal, on trouve immédiatement, sous les téguments, une ligne médiane noire; c’est une cavité remplie d'encre de Chine située au-dessus du vaisseau dorsal et qui est la chambre supérieure du péricarde de Herbst. Je préfère substituer à ce mot celui de sinus dorsal. On voit, en outre, que ce qu’on nom- mait muscles aliformes dans les dissections ordinaires, semble rempli d’encre de Chine. A ce propos, notons qu'il y a une paire de fais- ceaux aliformes pour chaque chambre du cœur dans Geophilus (fig. 48, pl. XXX VII) et Zithobius, et deux paires chez Scolopendra, RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. D89 ou, si l’on préfère, le muscle aliforme est échancré et divisé en deux faisceaux, la première et la deuxième chambre n'ayant toute- fois qu’un seul faisceau. Au voisinage du cœur, ces muscles s'éta- lent en deux lames (fig. 16,texte), une supérieure, /p,une inférieure, fr, entre lesquelles sont développées les cellules péricardiales cp. Or, tandis que, chez Lithobius, le tissu péricardial est massif, il s’or- donne chez Scolopendra en chaînes de corpuscules comme dans tout le corps d’ailleurs, et alors, entre ces cordons adipeux sont Fig. 16. Coupe transversale du cœur et péricarde de Scolopendra cingulata Latr. fh, lame supérieure du sinus aliforme (péricarde); fi, lame inférieure : sa, sinus aliforme: sd, sinus dorsal; cp, cellules péricardiales. d'étroits espaces où le sang peut circuler. De plus, tandis que ces cordons sont assez densément appliqués l’un sur l’autre sur la partie inférieure des flancs, ils sont plus lâches en haut, où le sang s'étale en nappe dans un véritable sinus dont la forme est celle des muscles qui sont sa paroi et que j'appelle pour cette raison sinus aliforme. Ainsi se constitue la première ébauche d’un système veineux, les ostioles étant compris dans ce sinus qui est, pour parler correcte- ment, une oreillette. Bien entendu, il s’agit ici de cavités mal fer- mées, puisque leur paroi est faite de tissu réticulé plus ou moins perforé. Mais assez de mailles restent pleines pour constituer une membrane bien réelle. L'étude de la structure des ostioles nous édifiera complètement sur le mécanisme de l'entrée du sang dansle cœur. On peut conce- 286 O. DUBOSCQ. voir les ostioles comme des fentes o (fig. 17), texte) au point de jonc- tion de deux ventriculites. À ce niveau, la partie postérieure du ven- triculite se replie de façon à masquer l'ostiole et à constituer un canal ostiolique en même temps qu'un .diverticule v qui jouera le rôle de valvule pour empêcher la sortie du sang au moment de la systole. Des soudures de certaines parois masquent cette structure et les coupes du cœur paraissent assez complexes. Herbst les a com- prises dans leur ensemble, quoique je ne sois pas complètement d'accord avec lui. D'abord, les deux ostioles sont rarement au même niveau, de sorte que les coupes ne sont pas symétriques. Geci est sans Fig. 17. importance. Mais il a trouvé un sillon entre les val- Coupe théori- vules, c’est-à-dire que l'ostiole ne serait là qu'une que d’une os- Folle gouttière, tandis que moi j'y vois un canal, ce qui 0, ostiole ; permet, d’ailleurs, de comprendre très bien le méca- v, valvule. nisme de la fermeture de l’ostiole, qu'on comprend moins avec sa description. Comme, au surplus, il n'a pas donné assez de dessins pour l'explication, je représente ici huit coupes choi- sies dans une série. Leur étude successive apprend les détails de la structure, Les huit coupes sont numérotées d'avant en arrière. il est avan- tageux de les décrire en commençant par la dernière, c’est-à-dire en suivant le cours du sang. Coupe 8. — C'est le début de l’ostiole qui n’est encore qu'une gouttière à peine ébauchée à droite, mais bien formée à gauche. Les grains noirs et la flèche indiquent la pénétration du sang dans le cœur. Les filaments conjonctifs qui, à gauche, prolongent le canal, sont les parois de l'oreillette. Coupe 7. — À gauche, l’ostiole est devenue un canal, et sa paroi externe est très épaisse. À droite, commencement de l'ostiole. Coupe 6.— À gauche, la paroi externe de l’ostiole montre la coupe RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 58 d’un autre canal, c’est la valvule sigmoïde v (blindsack de Herbst). À droite, l'ostiole est encore une gouttière. Coupe 5. — Les deux ostioles sont des canaux. Coupe 4. — Les ostioles sont toujours des canaux, et le sang n’entre pas encore dans le cœur. Nous sommes près de l’origine du bord libre des valvules, qui sont très grandes. Coupe 3. — À gauche, la cavité centrale du cœur communique avec les valvules. À droite, bord de la valvule. Ë MAN S LEO À Fig. 18. Coupes en série du cœur de Scolopendra cingulata Latr. au niveau des ostioles, a, artère latéro-dorsale ; v, valvule ; n, chaîne nerveuse. Coupe 2. — Ouverture interne des:ostioles. Le sang pénètre dans le cœur. Coupe 1. — Le cœur reprend sa forme ordinaire. Remarquons, sur les trois premières coupes, l’origine des artères latéro-dorsales a. Comme toutes les artères, elles sont formées d’une simple couche de cellules conjonctives. La paroi musculaire du cœur fait saillie en museau de tanche à leur origine, et ainsi se irouve constituée une valvule artérielle qui, de ce côté, empêche le sang de refluer au moment de la diastole. Notons encore la coupe n de ce que Herbst appelle le nerf du cœur et qui est une chaîne nerveuse ganglionnaire. Newport avait pris ce 588 O. DUBOSCQ. cordon pour un vaisseau. Herbst affirme que c’est un nerf, et sans pouvoir le démontrer, il pense qu'il doit être en relation avec les centres viscéraux rattachés au cerveau. J'ai la certitude que ce cor- don est rattaché au cerveau, mais je ne veux pas le décrire minu- tieusement, car mes dissections ne sont pas définitives. Ce que Je puis affirmer, c’est que ce cordon n’est pas simplement un nerf, mais une chaîne ganglionnaire. Si Herbst eût étudié minutieusement ses coupes, il eût trouvé, sur certaines d’entre elles, à côté des cylin- dres-axes, de belles cellules nerveuses, fréquentes dans la région des ostioles. Elles sont unipolaires ou bipolaires, comme le montrent bien les dissections. Une facile préparation de cette chaîne est faite avec le cœur des Géophiles (fig. 48, pl. XXX VII). Il suffit d’étaler la région dorsale de la lame somatique et de la colorer, après fixation, à l’hématoxyline et l’éosine ; les muscles sont rouges et les cellules nerveuses avec leurs fibres violettes. On voit alors que la chaïne ner- veuse du cœur présente des cellules ganglionnaires gn en deux ré- gions principales, au-dessus des ostioles et dans la région intermé- diaire, à égale distance de deux ostioles. Ces centres nerveux sont spéciaux au cœur et expliquent comment le cœur, coupé en frag- ments, peut battre encore pendant un certain temps avec son rythme régulier, qui est facile à observer chez les Géophiles. La structure du cœur nous permet de comprendre aisément sa physiologie. L'observation montre que, lorsqu'une chambre ou ven- triculite est en systole, la suivante ou la précédente sont en dias- tole. Il ne faut pas attacher à ces mots un sens rigoureux et croire à deux temps tranchés. La systole se montre comme une onde pro- gressant d’arrière en avant, et c’est pourquoi le sang est toujours chassé vers la partie antérieure. Toutefois, au moment de la dias- tole, il y à un léger reflux du sang, parce qu'il n’y a pas de valvule parfaite entre deux chambres consécutives. Soit la systole d’une. chambre. Le sang, dont elle est remplie, est chassé : 1° dans la chambre précédente à ce moment en diastole; 90 dans les artères latéro-dorsales (a, fig. 18, texte); 3° dans le cul- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 289 de-sac ou valvule, qui, en se gonflant de sang, comprime le canal ostiolique et le ferme. Succède la diastole. Alors le sang de la cham- bre précédente rétrograde légèrement. Mais le reflux est impossih.e par les artères latéro-dorsales où les valvules sont parfaites. Quant à l’ostiole, elle se rouvre par le vide de la valvule sigmoïde, et le sang remplit de nouveau le ventriculite. Herbst a compris le mécanisme du cœur et en particulier de la fermeture des ostioles par le gonfle- ment des valvules. Comme toujours il est très bref et na pas exa- miné les animaux vivants. Aussi trouve-t-1l possible que,par le gon- flement des valvules, la fermeture soit parfaite entre les chambres el empêche le retour du sang, tandis qu’il n’y a pas d’autre explication que la progression de l'onde, et il y a toujours léger reflux. Chez les Géophiles, et en particulier chez Scolioplanes maritimus Leach, le cœur se contracte environ dix-huit fois par minute quand l’animal est au repos. Vogt et Yung (83) donnent le chiffre de 80 par minute pour ZLithobius. Chez ces animaux, j'ai eu des difficultés à compter les battements qui sont d’ailleurs en nombre variable. Le chiffre de Vogt, tout en me paraissant élevé, peut être exact, car les Li- thobies sont des animaux d’une vie active. Je rappellerai à ce propos les observations de Wagner (93) sur le cœur des Araignées. Quand l’Araignée marche lentement, le cœur bat quatre-vingt-dix fois par minute. Après une excitation, une marche forcée, le cœur bat de cent soixante à deux cent trente fois par minute, et à l'état de repos, seulement quarante fois. Structure des MAPS leur terminaison. — La structure des autres vaisseaux est très simple et Je n’en dirai que quelques mots. Ils sont formés d’une simple couche de cellules qui représentent du tissu réticulé à mailles pleines. Je n’ai jamais vu de véritable endo- thélium. Dans les gros vaisseaux (aorte, vaisseau ventral), la différen- ciation commence (fig. 34, pl. XXXV). Autour des noyaux, qui sont 4883. Vocr et Yunc. Op. cut. 1893, Wacner, L'Activité du cœur chez les Araignées (Ann. des sc. nat.). 990 O. DUBOSCQ. toujours saillants en dehors, existe une zone simplement granu- leuse. Puis, tout le cytoplasme, qui est syncytial, montre des fibrilles longitudinales parallèles sur le plan profond. Ces fibrilles serrées pré- sentent des files de granules qui les renflent en très fin chapelet et dont l’alignement donne la striation transversale. Les gros vaisseaux sont certainement contractiles d’après leur structure. Quoi qu'ils aient une paroi très mince, leur striation n’en est pas moins visible sur toutes les coupes. La terminaison des vaisseaux n’a été traitée jusqu'ici que par moi- même (96). Tout vaisseau artériel se termine dans le tissu réticulé. Inversement, toute lame de tissu réticulé représente la paroi de lacunes, et l’on sait que toutes les cavités entre les organes sont hé- mocæliques. De ces lacunes, la plupart sont irrégulières et échap- pent à toute description, ce sont les interstices des divers tissus. D'autres sont bien limitées. J'ai déjà décrit le sinus dorsal nommé par Herbst chambre supérieure du péricarde. Je décrirai plus loin le sinus périviscéral qui a échappé à tous les auteurs, malgré son im- portance, puisque le fait de le mettre en relief imposera une dis- cussion de sa valeur morphologique (voir chapitre V). A signaler encore que, si tout vaisseau se termine dans le tissu réticulé, tout espace sanguin n’est pas fatalement limité par du tissu réticulé. J'ai montré qu’à l'extrémité des boucliers dorsaux, le sang circulait dans des espaces interépithéliaux, comme cela se passe dans les branchies des Crustacés inférieurs. D'ailleurs, chez les Vertébrés, est-ce que la lymphe ne cireule pas à travers les cellules épithéliales dans les endroits où se fait la phagocytose (cæcums de l’intestin, follicules clos, etc.) ? En poursuivant avec attention les ramifications des vaisseaux, on ne rencontre pas d’anastomoses. Du moins je n’en ai jamais vu avec certitude. Je fais une réserve pour l'ovaire, où des lacunes étroites 4896. O0. Dusosco. La Terminaison des vaisseaux et les Corpuscules de Kowa- levsky chez les Scolopendrides (Zoo/. Anz.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. d91 sont anastomosées, et il est parfois délicat de distinguer ce qui est lacune étroite de ce qui est vaisseau, encore que les vaisseaux aient un calibre très régulier, tandis que celui des lacunes est inégal. En tout cas, si les anastomoses existent, elles sont très rares, et ceux qui en ont signalé ont dû prendre pour anastomoses vraies des fibrilles conjonctives qui relient souvent les vaisseaux. Newport a représenté des anastomoses dans les branches des derniers vaisseaux latéro-dorsaux se rendant aux tubes de Malpighi. Je les mets en doute. Quelle est la terminaison dernière des ramifications vasculaires D La lame somatique du sinus périviscéral — je l’ai appelée à Lort dans une note (96) {unique congonctive de l'intestin — est un bon objet pour cette étude (fig.314, pl. XXX V). Après injection d'encre de Chine, les vaisseaux de la région sont tous remplis. Ils se terminent dans le réseau conjonctif sans changer de calibre et de deux façons : 1° par des terminaisons en pointe {p; 2° par des terminaisons en massue {m. Les terminaisons en pointe paraissent closes, et le vaisseau parait s’infiltrer dans une maille originelle. N'est-ce pas qu’une apparence ? Les terminaisons en pointe sont rares. Peut-être représentent-elles des vaisseaux en train de s’accroître. Je crois plutôt que ce sont des points où les vaisseaux finissent en s’abouchant directement sur une grande maille, sans l'intermédiaire de brides terminales. Les terminaisons communes sont les terminaisons en massue {m, qui sont ouvertes. Le vaisseau finit par un petit entonnoir, et des bords de l’entonnoir partent de trois à six filaments conjonctifs & ou brides terminales, qui attachent le vaisseau au tissu réticulé dont elles sont d’ailleurs la continuation. Telle est la terminaison générale des vaisseaux. Il y en a une autre et très particulière, celle des corpuscules de Kowalevsky. Corpuscules de Kowalevsky. — J’ai démontré, au chapitre de l'anatomie, que les corpuscules de Kowalevsky étaient l’extrémité 4896. O, Duposco. Op. cit. 599 O. DUBOSCQ. de certaines branches vasculaires issues des vaisseaux latéro-dorsaux et latéro-ventraux chez la Scolopendre, des seuls vaisseaux latéro- ventraux chez le Cryptops. Ces très curieuses formations n'existent que dans la famille des Scolopendrides. Leur structure est pareille chez Cryptops et chez Scolopendra. Les corpuscules de Kowalevsky sont placés au milieu du corps adipeux auquel ils sont rattachés par des brides conjonctives, bien développées dans les jeunes animaux. Les injections de matières colorées, qu'ils absorbent ou retiennent avec une grande élection, permettent de les démontrer facilement. Mais on les distingue aisé- ment à l'œil nu, malgré leur petitesse. Ils tranchent en blanc parmi le tissu adipeux couleur d’ocre. Leur taille moyenne est de deux à trois dixièmes de millimètre. La plupart sont arrondis ou ovoïdes avec une surface régulière. Quelques-uns plus gros, müriformes, semblent composés de trois ou quatre ganglions primitifs. Si j’ai proposé de nommer ces «petites rates» corpuscules de Kowa- levsky, c’est un peu pour rappeler le mot de corpuscules de Malpighi, en même temps que, surtout, pour rendre hommage au savant qui les fit connaîlre. Car cette découverte n’est pas due au hasard. Elle fait partie de cette série de recherches minutieuses et ingénieuses par lesquelles Kowalevsky a entièrement créé l’histoire des glandes lymphatiques des Invertébrés. Dans sa grande enquête, les Myria- podes l'ont intéressé particulièrement, et il est revenu sur eux à plusieurs reprises. Tout ce qui concerne les corpuscules de Kowa- levsky se trouve rassemblé dans son dernier travail qui a paru dans ces Archives (95). Comme je l’ai dit plus haut, Kowalevsky considère ces corpuseules comme un amas de cellules épithélioïdes groupées autour de trous qui seraient les vaisseaux. J'ai écrit que cette des- cription était surtout une apparence et j’ai rapporté au tissu réticulé le tissu des corpuscules de Kowalevsky. Pour avoir vu des faits exacts, j'ai exagéré dans un autre sens, et ma figure schématique 1895. À. Kowazevsrv. Étude des glandes lymphatiques de quelques Myria- podes (Archiv. zool, exp.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 593 donne seulement l'idée de certains corpuscules qui m'avaient trop impressionné et qu'aujourd'hui je n'hésite pas à rapporter à des corpuscules en inflammation. En disséquant, on est frappé du fait suivant : tandis que certains corpuscules, sous quelques coups d'’ai- guille, laissent échapper un grand nombre de lymphocytes et d’amæ- bocytes, d’autres corpuscules, au contraire, ne se laissent pas disso- cier sans préparation préliminaire et l’on extrait d’eux seulement quelques éléments libres. Aussi, après des recherches plus appro- fondies, je trouve ce tissu tout à fait comparable au tissu conjonctif de l’embryon. C’est donc une masse syncytiale pourvue de nom- breux noyaux très serrés par endroits, et creusée de mailles ou la- cunes plus ou moins farcies d’amæbocytes. Quand les lacunes et les éléments libres sont rares, on a des corpuscules qui correspondent bien aux descriptions de Kowalevsky ‘. Nous avons à décrire d’abord le vaisseau qui arrive au corpuscule, puis le corpuseule lui-même avec sa trame, ses cavités et les éléments libres qui les remplissent. Le vaisseau du corpuscule peut se suivre, en tant que cavité, jus- qu'au centre de l'organe. Sa paroi, limitante interne, contient des fibrilles conjonctives différenciées qui se colorent vivement par l'orange G, ce qui permet de les reconnaître et de s’assurer que, dans le corpuscule lui-même, le vaisseau doit fournir quelques branches et ne reste pas indivis. Kowalevsky, par les injections de saccharate de fer, a démontré des cavités qu'il supposait être des vaisseaux et qui concordent avec mes préparations à l'orange. Une coupe du vaisseau, à un niveau assez éloigné du corpuscule, 1 Les figures de Kowalevsky peuvent donner une idée fausse des corpuscules. Mais il dit lui-même dans le texte qu’il a trop exagéré dans son dessin l'aspect épi- thélioïde. De plus, si, dans son dernier travail, il tend à considérer ces glandes comme de structure épithéliale massive, n'oublions pas son premier mémoire où il dit: « Ce sont des amas de cellules qui ont l’aspect des leucocytes très resserrés entre eux. 1l y a d'assez grandes cellules avec des grands noyaux et d’autres toutes petites. Sur la plupart des coupes, ces glandes paraissent former un groupe assez compact de cellules, mais pourtant dans plusieurs cas, j'ai trouvé beaucoup de petits canaux qui les traversaient et eur structure peut être plutôt comparée à la structure spon- gieuse. » ARCH,. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. VI, 1898. 38 594 O. DUBOSCQ. offre la structure commune des vaisseaux ; mais, en se rapprochant, on arrive progressivement à une structure très particulière. Le vais- seau est presque plein. Vers le centre ou latéralement, sa cavité, étroite, est bordée par deux ou trois rangées de cellules épithélioïides à gros noyaux bien vivants. A ja périphérie seulement, le tissu de- vient fibrillaire ; les cellules ont leurs noyaux allongés comme elles et forment des mailles où circulent les amæbocytes. La trame du corpuscule est syncytiale et d'apparence très irré- gulière. Elle est inégalement dense, ordinairement plus lâche à la périphérie qu'au cenire, où souvent existe un protoplasma presque homogène, pourvu de noyaux très rapprochés. Les lacunes semblent une fonte, une altération de la masse syncytiale. Certains trous sont comme faits à l'emporte-pièce, les autres sont les interstices de cel- lules ou d’amas cellulaires irrégulièrement étoilés (fig. 44 et 45, pl. XXX VII). Il y a de grandes variations dans les aspects. Ainsi, certains corpuscules contiennent un grand nombre d'amæbocytes et d’autres presque pas : ce qui correspond à des corpuscules où les lacunes sont très nombreuses et à d’autres où la masse syncytiale est très dense. L'aspect des noyaux de la trame est excessivement variable dans la même coupe. Tous sont arrondis ou légèrement ovalaires. Les uns ont la chromatine en grains distincts avec l'aspect fréquent chez la Scolopendre : quatre ou cinq gros grains périphériques avec un assez grand nombre de petits grains centraux. D’autres sont clairs, plus grands, avec la chromatine tapissant la surface, ce qui implique un état dégénératif. A côté de ces noyaux clairs se détachent des noyaux colorés très vivement, et qu’il faut séparer en deux groupes bien distincts. Cer- tains sont des noyaux en division, dont les diasters très nets n’ont pas échappé à Kowalevsky. Le plus grand nombre représente des noyaux en dégénérescence chromatolytique. On trouve (ous les stades, depuis le noyau à quelques gros grains et plus où moins dé- formé, jusqu’à la dispersion des granules chromatiques g. J'avais vu RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 095 ces faits depuis longtemps et n’en avais rien dit, croyant avoir affaire à des préparations mal fixées. Mais, aujourd’hui, je ne doute plus de mon interprétation. On a là un issu de vie très active où un grand nombre d'éléments sont en division, tandis que d’autres sont en dé- générescence. Les lacunes doivent provenir de ces altérations con- tinues. Le cytoplasma syncylial a une structure banale granuleuse, avec une différenciation de fines fibrilles dans le tissu périphérique. Il contient plusieurs sortes d’inclusions, sans parler des corps étran- sers. Comme inclusions normales, ce sont d’abord quelques glo- bules de graisse visibles sur les pièces dissociées ga. Naturellement, ils n'existent presque jamais sur les pièces incluses dans la paraffine et montées au baume par la méthode ordinaire. A côté d’eux sont des granules g, très chromophiles et très voisins de la chromatine. L'usure rapide des cellules a pour conséquence l’éparpillement des grains chromatiques, des noyaux désintégrés. Tous les granules chro- mophiles ont-ils cette origine ? Peut-être que non, mais je n’ai pas su les distinguer. Les corps étrangers à la trame cytoplasmique du corpuscule sont des globules sanguins, du tissu adipeux, des corps bruns et des ma- tières diverses incorporées par phagocytose. Les globules sanguins sont en nombre très variable selon les cor- puscules, et de deux sortes. Il y a des grands globules à grains aci- dophiles a, mais ils ne sont pas nombreux. Très communs, au con- traire, sont les lymphocytes, petits globules à protoplasma dense, se colorant vivement, ce qui permet de les reconnaître parmi la trame du corpuscule. Ce caractère n’est pas un criterium. Autour de certains noyaux du syncytium se différencie pareillement un cytoplasma à teinte foncée, qui fait néanmoins partie de la trame. C'est, d’ailleurs, la raison pour laquelle je pense que ces cellules se détachent et qu’ainsi les lymphocytes prennent naissance dans les corpuscules de Kowalevsky, d'autant plus que certaines lacunes ressemblent à de petits trous à l’emporte-pièce. La question reste 596 O0. DUBOSCQ. ouverte et tout n’est pas élucidé dans l’histologie des corpuscules de Kowalevsky. _ Voici, au surplus, des faits très élranges annoncés par Kowa- lewsky et que je confirme entièrement. Tandis que la plupart sont massifs, certains corpuscules — et ils ne sont pas rares — ont leur centre creusé d’une ou de deux grandes cavités assez régulièrement sphériques, au milieu desquelles sont des lobules de corps adipeux tout à fait normaux. Ces lobules peuvent atteindre la taille de la moitié du corpuscule. Quelle est leur signification? D'où vien - nent-ils? Mystère. N’allez pas dire que c'est un lobule détaché des chaînes adipeuses et qui, lancé dans la circulation, est venu aboutir dans le corpuscule de Kowalevsky comme y aboutissent les Corps étrangers introduits dans le sang. Sa dimension et la structure du vaisseau du corpuscule réfutent cette hypothèse. Dans cet ordre d'idées, la seule chose admissible est qu'une simple cellule se dé- tache et, à la facon d’une cellule cancéreuse, prolifère une fois arrivée dans le ganglion lymphatique. On doit penser plutôt que les cellules du corpuscule, issues du mésenchyme comme le tissu adi- peux proprement dit, évoluent elles-mêmes, sous des influences à déterminer, en tissu adipeux vrai. Remarquons cependant que presque tous les corpuscules où se rencontrent des lambeaux de corps adipeux sont de grands corpuscules de forme irrégulière, comme s'ils provenaient de la fusion de plusieurs corpuscules. Si des corpuscules différents peuvent se souder, ils le font peut-être en englobant un lobule de corps adipeux. La connaissance de l’em- bryologie est nécessaire pour résoudre la question. Je n’ai pu la faire, car les plus jeunes Scolopendres (2°*,5) que j'ai eues à ma dis- position présentaient les corpuscules entièrement développés. De son côté, Heymons, qui vient de trouver des embryons, ne parait pas s'être préoccupé des corpuscules de Kowalevsky. Outre le corps adipeux, on trouve des corps bruns qui sont plus communs. Les corps bruns de Kowalevsky sont ou bruns ou jaunes. Ils résistent aux acides même concentrés et paraissent des matières RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 597 résiduelles. Les uns sont plongés parmi le tissu du corpuscule sans qu'il y ait autour d’eux de différenciation. Mais, pour d’autres, les cellules du corpuscule se sont transformées en cellules plates et leur constituent un kyste. Ce sont donc bien des corps étrangers dont il faut déterminer l’origine. Je n’ai pas la preuve qu'ils représentent du tissu adipeux mortifé. Enfin, les corpuscules retiennent les produits injectés expérimen- talement, et le mémoire de Kowalevsky est bien documenté sur cette partie de leur histoire. Ils absorbent le carminate d'ammoniaque, le bleu de méthylène, les sels de fer et phagocytent l’encre de Chine, les bactéries, etc. Une remarque, cependant. Si ces ganglions sont très vite chargés d'encre de Chine ou autre matière après injection, cela ne prouve pas que la phagocytose soit intensive en eux. L'ana- tomie du système circulatoire montre qu'un liquide introduit dans les lacunes du corps rentre rapidement au cœur par l’ostiole, et de là, en quelques secondes, doit aboutir aux corpuscules de Kowa- levsky, où un feutrage dense l’arrête mécaniquement, ce qui est très favorable, d’ailleurs, à la phagocytose. Kowalevsky n'avait décrit ces organes que chez la Scolopendre. Je les ai retrouvés chez Cryptops, mais pas chez d’autres genres. Je discuterai plus loin la question de savoir s’ils ont quelque équivalent chez les divers groupes de Chilopodes. Kowalevsky met sur la même ligne les cellules du sinus périnervien des lules. La glande de Blan- chard du Scorpion, développée autour de l'artère spinale et possé- dant les mêmes propriétés, est certainement homodyname. On de- yrait faire de nouvelles recherches sur le tissu formateur des globules sanguins que Schäffer (89) à trouvé parmi le tissu adipeux de cer- taines Chenilles. À première vue, il a bien des rapports avec nos cor- puscules. En tout cas, quoique le développement soit inconnu, la structure que j'ai décrite et qui montre l’analogie entre ces corpuscules et le 4889. Scaxrrer. Beiträge zur Histologie der Insekten (Zoo!. Jahrb. Abth. Anal): D98 O. DUBOSCQ. tissu conjonctif embryonnaire, amène à penser qu'ils sont les restes de mésenchyme embryonnaire. Quoi de plus conforme, au surplus, à ce que l’on sait des organes pareils les mieux connus, tels que la rate des Vertébrés? Laguesse (94), reprenant une idée de Ziegler exprimée à propos du tissu lymphoïde en général, a dit : « La rate est un reliquat du mésenchyme destiné à assurer la rénovation des éléments figurés du sang pendant toute la vie, et qui n’a évolué fran- chement, pas plus vers le type vasculaire que vers le type conjonc- tif. » Cette définition est parfaite et s'applique, non seulement aux corpuscules de Malpighi de la rate des Vertébrés, mais très justement encore aux corpuscules de Kowalevsky des Scolopendrides. II[. LE SANG. Historique. — Le sang des Chilopodes a été fort peu étudié jus- qu'ici. Zograf n’en parle pas. Vogt et Yung (83) écrivent cette simple ligne : « Le sang est incolore et renferme une grande quantité de globules blancs. » Kowalevsky (95), sans décrire Îles globules, a si- gnalé leur double propriété excrétrice et phagocytaire. Ils englobent les grains de carmin, les bactéries et les cellules dégénérées, dans les cas pathologiques. Ils enlèvent au sang les sels de fer ef le car- minate d’'ammoniaque qu’on y a introduit. Les seules descriptions des globules sont dues à Gattaneo (89) et à Cuénot (94). Cattaneo a décrit le premier un peu longuement les globules du sang des Myriapodes, mais il en a trouvé l'étude difficile. « En cou- 4891. Lacuesse. Le Tissu splénique et son développement (Anaf. Anx.). 4883. Vocr et YUNG. Op. cat. 489%. KowaLevsky. Étude des glandes lymphatiques de quelques Myriapodes (Archiv. zoo. exp.). 4889. Carranro. Sulla morfologia delle cellule ameboïdi dei Molluschi e Arthropodi (Bol. Sc.). 4894, Cuénor. Études sur le sang et les glandes Iymphatiques dans la série animale (Invertébrés) [Archiv. 1001. exp.]. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 999 pant un /ulus ou un Scutigera, il n'en sort pas, comme chez les autres animaux, la goutte de liquide cavitaire apte à former la pré- paration. » Il a vu cependant, par dilacération, des cellules de forme ronde de 10 à 12 avec granulations réfringentes et noyau rond, mais il n’est pas sûr que ce soient les formes naturelles. Et, en effet, voici ce que lui a montré Glomeris, qu'il a surtout examiné. Les leu- cocytes sont assez différents des leucocytes des Crustacés et Arach- nides. Leur corps cellulaire n’est pas sphérique, mais aplati, discoïde. Ils peuvent avoir un ou deux pseudopodes assez courts ei obtus, ou en être privés. Beaucoup sont hémisphériques, ou en calotte ou lentille convexe-concave sans pseudopodes, forme qui ne se trouve que dans les Myriapodes. Ils présentent des granulations réfringentes plus ou moins nombreuses et un noyau rond ou ovale, quelquefois en davi- sion (la figure qu'il donne de ces divisions est, tout au plus, une figure d’amitose ou un globule à deux noyaux). En ajoutant à la goutte de sang une goutte d’eau. les cellules se regontflent et l’on note le curieux phénomène de changement de figure des cellules concavo- convexes, qui sont peut-être des états spéciaux aux (Glomeris d'hiver. L’altération des globules se fait comme ailleurs. Cependant, iln a vu dans la dégénérescence que des expansions digitiformes ct pas d'expansions aiguës. Comme l’enchylème est peu diffusible, il se forme rarement des plasmodiums, qui sont toujours composés de quelques cellules seulement. Cuénot est bref, car le sang ne présente rien d’exceptionnel. À la différence de ce qui a lieu chez beaucoup d’Insectes, le sang des Chilopodes ne se colore pas à l'air. Il contient des amibocytes de 16 à 95 p,, ovoides, allongés, n’émettant guère de pseudopodes qu’au repos ; ils sont remplis de granules albuminogènes très réfringents, verdâtres, laissant, au centre de la cellule, une éclaircie correspon- dant au noyau. On observe facilement Loutes les phases de la régres- sion habituelle. Outre ces amibocytes parfaitement typiques, il a trouvé de très rares amibocytes de réserve renfermant des granules plus gros, de nature protéique. Il aurait constaté la formation des > GO(t O. DUBOSCQ. DOTE amibocytes dans la glande lymphatique accolée au vaisseau dorsal: Mais il s’est trompé, comme l’a montré Kowalevsky, et il le recon- naît lui-même, car il (9%) écrivait récemment dans une revue cri- tique de la question : « On ne sait pas comment se remplacent les amibocytes. » La question n'étant pas épuisée, j'ai fait sur elle quelques recher- ches dont j'ai déjà publié le résumé (98). Le liquide sanguin, — Le sang est abondant chez les Myriapodes, malgré ce qu'a pu écrire Cattaneo. Il suffit d'enfoncer dans le corps une pipette effilée, pour en retirer une goutte de liquide contenant des centaines de globules. La masse du sang ainsi que le nombre des globules varie selon les conditions de vie de l'animal. Ce n'est pas la nutrition qui à une grande influence. La plupart des Chilo- podes peuvent rester privés de toute nourriture pendant plusieurs mois, sans que la masse du sang diminue de façon notable. Mais, s'ils vivent dans une atmosphère trop sèche, au bout d’un temps assez court, ils n’ont presque plus de liquide sanguin, comme sils étaient eux-mêmes des régulateurs de l’état hygrométrique, et ils meurent finalement par anhydrobiose. En revanche, dans une atmosphère chargée de vapeur d’eau, comme celle des endroits où ils vivent (dessous des pierres, mousses, écorces, etc.), ils sont toujours en parfait état et conservent la masse de leur sang. J'ai observé, à l'appui de ceci, qu’un animal placé au fond dun bocal ouvert meurt au bout de quelques jours au plus, et qu'il vit toujours plus longtemps dans un tube bouché, parce qu'alors une diminution plus légère de la masse du sang peut fournir à l’air am- biant l’état hygrométrique qui empêche une évaporation continue. Si les animaux séjournent des mois dans une atmosphère saturée de vapeur d’eau, par une absorption du liquide dont le mécanisme est 489%. Cu“nor. Les Globules sanguins et les Organes lymphoïdes des Invertébrés (Revue critique et nouvelles recherches) [Archiv. d'anat. microsc.]. 4898. O. Dugosco. Sur les globules sanguins et les cellules à carminate des Chilopodes (Archiv. zool. exp. Notes et Revue). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 601 obscur, ils se gonflent et deviennent, pour ainsi dire, œdémateux. La masse du sang varie selon les espèces. C’hætechelyne vesuviana Newp. contient plus de sang que les autres animaux du même groupe et, en particulier, les Geophilus. C'est autant à la masse du sang qu'au grand développement des glandes ventrales qu’elle doit son aspect rebondi. On connaît ces variations chez les Insectes. Bal- biani (86) a noté que les Orthoptères ont beaucoup de sang, tandis que les Lépidoptères, les Diptères et les Hyménoptères en ont peu, Et, à ce propos, les Insectes pourvus de beaucoup de sang ne se- raient-ils pas ceux qui vivent dans un air très humide ! ? Le sang est incolore chez les Chilopodes, quoique chez ZLithobius il me paraisse avoir une teinte très légèrement violacée. Ne contien- drait-il pas en solution le pigment violet qu’on retrouve dans tous les réseaux conjonctifs chez ces animaux? Comme l’a bien vu Cuénot, il ne change pas de couleur à l’air. Sa réaction est nettement alcaline. Il contient un certain nombre d’albumines, qui se comportent différemment vis-à-vis des réactifs coagulants. C’est pourquoi il importe de ne pas fixer le sang avec le Flemming qui précipite toutes les albumines du sérum en une gangue opaque empâtant les globules. Les sels de cuivre et l’acide osmique, au contraire, laissent liquides certaines albumines. Par le fixateur cupro-osmique que j'ai couramment employé, les albumines du sérum de la Scolopendre se coagulent sous deux aspects ; d’une part, en granules fins qui s’ag- glutinent et s’agglomèrent soit en masses irrégulières, soit en bou- dins assez longs de calibre uniforme où sont emprisonnés les glo- bules sanguins ; d'autre part, en fibrilles parallèles plus ou moins unies entre elles par un ciment transparent, fibrilles d’inégale épais- seur et irès souvent sinueuses, à sinuosités serrées. Ne seraient-ce pas déjà deux matières différentes coagulées par ce fixateur, qui 4886. BALBiaANI. Études bactériologiques sur les Arthropodes (C. R. A cad. sc.). 1 À rapprocher de ces faits les très curieuses observations de Cuénot (Arch. Biol., 1897) sur les pores dorsaux et le liquide cœlomique des oligochètes, 602 O. DUBOSCQ. laisse liquides d’autres albumines ? Je n’insisterai pas sur la consti- tution de ce sérum, que je suis incapable d’analyser. © Dans le sérum, on peut voir des granules graisseux. Ils sont assez fréquents chez Lithobius et chez Geophilus, et ie ne sais pas leur signification et leur rôle. Globules du sang, — Les éléments qui nous intéressent particu- lièrement sont les globules. Voici leurs caractères chez la Scolo- pendre. Examinés vivants dans le sérum sur huile, ils se montrent très différents de taille. Les uns n’ont que 5 y, d’autres atteignent 95 y, et l’on trouve les dimensions intermédiaires. Communément, ils me- surent de 12 à 18 p. Leur forme est variable, et nous devons trancher ici une question controversée. Dans les premiers instants de l’examen sur huile, tous les globules apparaissent entièrement ronds ou ovalaires (4, fig. 25, pl. XXXIV), en coupe optique, ce qui correspond à des globules à peu près sphériques, comme on le voit par l'examen dans l’eau où l'on provoque aisément un courant qui les déplace. Plus tard, ils peuvent pousser un ou deux pseudopodes (2, 3, fig. 25, pl. XXXIV) légèrement arqués. Les pseudopodes, quand ils sont deux, sont opposés et leur convexité est généralement du même côté. Ces pseudopodes sont formés par le cytoplasme tout entier et ne peu- vent être confondus avec les fusées de dégénérescence. Les globules sont alors de couleur grise, et en leur centre est une tache claire, qui correspond au noyau. On devine que le cytoplasme est bourré de granules assez gros, peu réfringents. Enfin, certains globules (4, 5, 6, fig. 25, pl. XXXIV) émettent des sortes de pseudopodes hya- lins sur toute la surface ; puis, par un point, se fait une grande fusée de la même substance hyaline, laquelle se termine en pseudopodes pareils, et alors les granules, peu visibles de prime abord, deviennent très réfringents et très nets, comme le montrent mes figures où ces apparences sont peut-être exagérées. Or, parmi ces globules, certains sont déjà déformés et le noyau paraît devoir être expulsé. Ce sont RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 603 bien, n'est-ce pas, des globules qui meurent. C’est l’interprétation des auteurs modernes, tels que Cattaneo (89), Griesbach (94) et Lôwit (94), qui ont traité des globules des divers Arthropodes. Dans ses premiers travaux, Cuénot (94) représentait tous ces amæbocytes avec les pseudopodes hyalins multiples, tels au surplus qu'ils traî- nent encore dans les livres classiques. Aujourd'hui (93), il s’est rangé à l'avis général. L'accord n’est pas complet pourtant. Aïnsi, Lüwit veut que tous les globules des Décapodes soient ronds, et n’admet aucun pseudopode, tandis que Cattaneo, Cuéuot, Gries- bach, Langelaan (98), admettent un ou deux pseudopodes pour les globules vivants. La question n'est pas simple. C’est presque une affaire d'impression, car les formes ne sont pas en question, mais bien leur interprétation. Notons que, dans les fixations par les liquides les plus fidèles, on voit très rarement les pseudopodes, à quoi l'on peut répondre que le premier mouvement du globule est de les rétracter sous l’action du fixateur. Pour moi, les formes à un ou deux pseudopodes correspondent à des globules bien vivants et, à l’appui de ceci, rappelons que Paul Mayer, dans son étude sur les Caprelles (82), montre le globuie à un pseudopode sortant du vais- seau par diapédèse. Mais tous les globules ont-ils des pseudopodes ? Cuénot dit que, chez l’Écrevisse, les globules à grains acidophiles 4889. CarTraneo. Sulla morfologia delle cellule ameboïdi dei Molluschi e Arthropodi (Boll. Sc.). 4894. GRiesBacx. Beiträge zur Kenntniss des Blutes. IT. Über die amæboïden Zellen des Blutes und ihre Betheilung an der Gerinnung desselben (Archiv. f. d. ges. Phys.). 4894. Lôwir. Ueber Neubildung und Beschaffenheit der weissen Blutkorper- chen (Betrage z. Pathol, Anat. und z. allg. Pathol.). 4894. Cuénor. Étude sur le sang et les glandes lymphatiques dans la série animale (Invertébrés) [Archiv. zool. exp.|. 4893. Cuénor. Études physiologiques sur les Crustacés décapodes (Archives de biologie). 4898. W. LanGeLaan. Les Corpuscules sanguins des Crustacés décapodes et leur rôle phagocytaire (Tisschr. d. Nederlandch. Vereenig.). 4882. P. Mayer. Die Caprelliden!des Golfes von Neapel (Fauna und Flora). 604 O. DUBOSCQ. n’en ont pas. Chez les Chilopodes, je trouve des granules aussi bien dans les globules à pseudopodes que dans les autres. | Quoi qu’il en soit, la question des pseudopodes hyalins multiples est jugée. Ils représentent, chez les Chilopodes comme chez les autres Arthropodes, un mode de dégénérescence. Quand les globules vivent dans l’eau salée, ils peuvent dégénérer d’autre manière. Au lieu d'émettre des pseudopodes hyalins, ils émettent des boules. Sans doute, les phénomènes de l’osmose sont différents ; mais j'ai vu aussi la chose dans le sérum sur huile, quoique plus rarement, il est vrai, et toujours de façon beaucoup moins prononcée. Dans le liquide de Ripart et Petit, les globules se rétractent. La contraction porte sur le cytoplasme seul, et alors se trouve démon- trée une fine membrane à double contour. Elle présente même, en certains points, des épaississements très visibles en coupe optique. Ainsi la présence d’une membrane, qui est un fait si contesté dans les amæbocytes, n’est pas douteuse pour moi en ce qui concerne les globules des Chilopodes. Pour étudier les noyaux, je conseille avant tout mon liquide cupro-osmique à la thionine. Les globules ne possèdent couramment qu'un noyau, et très rares sont les globules à deux noyaux (23, fig. 25, pl. XXXIV). Les noyaux, dans tous les globules, sont ronds ou légèrement ovalaires et situés au centre du globule, lorsqu'ils sont normaux. Je considère comme des accidents de préparation certains noyaux étranglés (19, fig. 25, pl. XXXIV), qui ne sont pas une forme d’amitose, malgré qu'il y en ait de certaines. Je diviserai les noyaux, pour l'étude, en grands noyaux et petits noyaux. Dans les grands noyaux, la chromatine est en gros grains et en petits grains. Les gros grains, au nombre de quatre à sept, toujours périphériques, peuvent parfois faire hernie (46, fig. 25, pl. XXXIV), ce qui est dû à la technique et arrive fréquemment avec le liquide de Ripart et Petit, sans acide osmique. Les petits grains, également arrondis, sont plus centraux, disposés selon les lignes d'un réseau RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 605 très facile à voir. Si, au lieu d'employer le liquide à la thionine, on fixe le sang, étalé, au sublimé et au Perenyi, et qu'on colore à l’hé- matoxyline (44-46, fig. 25, pl. XXXVI), la chromatine se présente toujours en gros.et petits grains; mais, au lieu de grains ronds, on a des grumeaux irréguliers, souvent triangulaires. J’insiste sur ces détails pour montrer qu'il importe de dire la technique employée et qu’il faut être prudent dans les classifications basées sur l'aspect de la chromatine. Ceci n’est pas pour mettre en doute les résultals de Lôwit, quoique je repousse sa classification, qui repose sur d’autres caractères encore plus défectueux. Même avec mon liquide à la thionine, on voit, comme il l'indique, des empâtements irréguliers dechromatine dans le réseau nucléaire de certains Crustacés, par exemple, de Ligia oceanica, mais je n’en ai jamais vu chez les Chilo- podes et pas davantage chez les Insectes. Les grands noyaux que je viens de décrire se trouvent dans des cellules de toute taille. Ils ont en moyenne 7 x de diamètre, et les cellules peuvent avoir seulement 8 à 9, c’est-à-dire n'être représentées que par une mince couche de protoplasma autour du noyau (26, fig. 25, pl. XXXIV), ou bien atteindre jusqu’à 20 et même 25 k. Les petits noyaux sont rencontrés surtout dans les grands et les petits globules. Ils mesurent 3 à 4 11. Leur réseau chromatique n’est pas visible et la chromatine tend à se rassembler en nappe périphé- rique, comme dans les noyaux en dégénérescence. Dans les plus petits globules, les masses chromatiques sont homogènes (42, fig. 25, pl. XXXIV\. De tels globules sont très rares dans le sang normal et irès communs après injection d'un bacille pathogène. Dans ce cas, Ja chromatine, au lieu de se colorer par la thionine en bleu violet, est d’un violet rouge. J'ai dit qu'ontrouvait parfois des globules à deux noyaux (23, fig. 25, pl. XXXIV). Ils sont très rares. Ils pourraient bien provenir d’une division amitotique qui existe très rare aussi. Le globule 24 (fig. 95), pourvu d'un noyau étranglé avec deux masses chromatiques cen- trales pour les noyaux filles, me parait, sans conteste, une figure 606 O. DUBOSCQ. d’amitose. Je n’ai jamais vu de division amitotique avec étrangle- ment cytoplasmique, c’est-à-dire donnant lieu à deux globules, et c’est pourquoi je pense que l’amitose, très rare, fournit les très rares globules à deux noyaux. Les mitoses sont assez communes. Avec la plupart des Scolo- pendres, on ne peub faire aucune préparation contenant plusieurs centaines de globules sans en rencontrer à un stade quelconque. Les stades les plus communs sont les diasters (2%, 28, fig. 95, pl. XXXIV) avec ou sans étranglement cytoplasmique et une phase de rassemblement de la chromatine (26, fig. 25, pl. XXXIV) qui pré- cède le stade spiréme, que je n’ai jamais vu nettement. Au stade dont je parle, la chromatine est en petits segments renflés aux deux bouts en huit de chiffre, comme certains diplocoques. Les glo- bules étant ovalaires, le fuseau est dirigé selon le grand axe de la cellule. Mais j'ai vu deux fois des divisions selon le petit axe (28, fig. 25, pl. XXXIV), ce qui est bien surprenant dans une cellule libre. Y avait-il déformation artificielle? Je ne puis le nier formelle- ment, mais je ne le crois pas. Les mitoses se rencontrent dans des globules de taille moyenne ou grande et jamais dans les petits globules. J'en ai vu dans des globules qui avaient absorbé du carminate d'ammoniaque (42, fig. 25, pl. XXXVI). Le résultat de la mitose paraît fournir des glo- bules de moyenne taille et je pense que les petits globules à gros noyau ne dérivent pas des globules circulants, mais bien des corpuscules de Kowalevsky. Je ne l'ai pourtant pas prouvé complè- tement. Le cytoplasme contient des grains réfringents dans tous les glo= bules supérieurs à 10 et 12 p.. Les petits globules n’en possèdent pas. Ces grains sont plus ou moins nombreux (38, 39, 40, fig. 25, pl. XXXVI), très rares parfois dans les globules de moyenne taille, tandis que les grands globules en sont remplis. Ils se colorent vive- ment par la fuchsine acide. L'iode, dont je me sers comme fixateur, lesteint en jaune. Ona l'habitude d’assimiler cesgranules aux éosino- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 607 philes «& des Vertébrés. Est-ce prouvé? Metchnikoff (93) le nie et Lôwit pareillement en ce qui concerne les granulations des Crustacés, qui sont certainement les mêmes que les nôtres. Chez les Myriapodes, ces granulations ne prennent pas l’éosine avec l'élection remarquable des granulations «&. IL est certain, néanmoins, que toutes les cou- leurs dites acides sont bonnes pour les mettre en relief. Appelons-les donc acidophiles. Voici cependant un caractère qui les rapprocherait des granulations &. Elles paraissent se colorer par l’'hématoxyline au fer (29, fig. 25, pl. IV). Je dis paraissent, car s'agit-il bien des mêmes granulations ? Je le crois. Mais ce qui m'inquiète, c’est que les gra- nules colorés par cette méthode sont toujours ordonnés selon des cercles réguliers, régularité que la fuchsine ne démontre pas. C’est un point à éclaircir. Les granulations acidophiles ne sont pas les seules. Par la thio- nine, on met en relief dans quelques globules une rangée plus ou moins complète de grains situés autour du noyau (22, fig. 25, pl. XXXIV). J’en ai vu de pareils chez un Crabe, Mara squinado Ron- del, par la même méthode. En colorant par le bleu de méthylène, ce n’est pas une rangée qui apparaît, mais plusieurs rangées ordonnées en cercles. J'appelle provisoirement et en bloc ces grains mal étu- diés granules basophiles. J'ai eu le tort de ne pas les représenter pour la Scolopendre, mais je les montre dans les Géophiles (30, fig. 25, pl. XXXIV\. Il me reste à parler des inclusions. Elles sont rares. Tantôt ce sont un ou deux corps sphériques se colorant vivement par la thionine (25, fig. 25, pl. XXXIV), tantôt c'est un corps clair avec un gros cor- puscule se colorant au centre (44, fig. 25, pl. XXXIV), ou deux petits corpuscules se colorant aux extrémités (45, fig. 25, pl. XXXIV). Le noyau peut être refoulé et aplati par ces corps étrangers. Leur signification est douteuse. Certains (44, fig. 25, pl. XXXIV) ressem- blent beaucoup aux vieux globules (42, fig. 25, pl. XXXIV), qui alors 4893. Mercanxorr. La Théorie des Alexocytes, revue critique (Ann. Inst. Pasteur). 608 O. DUBOSCQ. auraient été phagocytés. L'hypothèse de parasites analogues aux hématozoaires ne paraît guère soutenable. On ne connaît pas de parasites endoglobulaires dans le sang des Invertébrés. Des corps pareils ont été vus chez les autres Arthropodes et on les appelle, avec Flemming, quand on ne veut pas se compromettre, #ingibeln korper. L'interprétation que nous venons de donner est d'autant plus lo- gique que la propriété de la phagocytose ne saurait être mise en doute. Elle a été vue par Kowalevsky chez nos globules des Chilo- podes, comme elle a été constatée d’ailleurs à peu près dans tous : les amæbocytes de la série animale. J’ai répété les expériences et je à puis montrer des globules ayant absorbé l’encre de Chine (85,36, 3%, fig. 25, pl. XXXV), depuis quelques grains seulement jusqu'au rem- plissage complet du cytoplasme transformé en une masse noire. Quand, par avance, j'étendais d’eau mon encre de Chine, il s'y développait en culture presque pure un petit bacille non pathogène, qui était excellent pour l’étude de la phagocytose des bactéries. Ger- tains globules étaient littéralement gorgés de la bactérie de la façon que je représente (7 et 8, fig. 25, pl. XXXIV). D’autres contenaient à la fois quelques bactéries et quelques grains d’encre de Chine. A la .suite d’injections où le petit bacille était trop abondant, l’ani- mal mourait; mais comme il résistait dans la plupart des cas, le bacille indéterminé de l’encre de Chine ne doit pas être tenu pour pathogène. Un bacille pathogène pour nos animaux est le bacille typhique, qui les tue en moins de trois jours. Quand on en a fait une injec- tion, il est très rare de trouver des bacilles dans les globules, quoique je représente (406, fig. 25, pl. XXXIV) un globule où deux bacilles déformés sont dans une vacuole qui était rosée. Générale- ment, il n’y a pas de phagocytose et les globules en dégénérescence sont fréquents. Ce sont d’abord, et en grand nombre, des figures connues (42, fig. 25, pl. XXXIV). La chromatine est rassemblée en une masse compacte ou en deux ou trois corpuscules. Ces masses RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 609 sont rondes ou ovalaires et il ne reste autour d’elles que très peu de cytoplasme. A côté de cette dégénérescence atrophique existent des figures plus curieuses de globules en dégénérescence hypertrophique. Celui qui est représenté (43, fig. 25, pl. XXXIV) est relativement petit, puisque certains atteignent 40 x. Dans ces cas, le noyau de- vient pâle, la chromatine beaucoup moins distincte et le cytoplasme d'aspect trouble est rempli de gouttelettes d’une substance qui m'a paru albuminoïde et qui du moins n'est pas de la graisse. On trouve une ou deux grosses gouttelettes de même nature. Elles jaunissent par l’iode, se colorent en bleu clair dans le liquide cupro-osmique à la thionine, tandis que le noyau devient trouble pareïllement avec la chromatine vague. Toute cette étude est superficielle et mes recher- ches sont insuffisantes. J'ai vu encore, après l'injection de bacille typhique, certains glo- bules présenter des grains métachromatiques, c’est-à-dire qu'avec la thionine ils se coloraient en rouge vif. Le globule 24 (fig. 25) montre la disposition et la grandeur de ces grains. Pour que l'image fût représentative, le noyau devrait être en violet et les grains en rouge vif. En dehors de la phagocytose, les globules ont la propriété d’en- lever au sang les substances solubles nuisibles, comme le carminate d'ammoniaque, et j'en donne quelques représentations (44, 42, 43, 44, 45, 46, fig. 25, pl. XXXVI). Il n’y a jamais qu'un certain nombre de globules à présenter des grains de carmin. Tantôt le globule ne contient que quelques petits granules, tantôt ces granules le rem- plissent et tantôt au lieu d’être en granules le carmin absorbé est une masse homogène. Ces diverses apparences ont-elles une signifi- cation différente? Les unes représentent-elles le carmin qui aété ab: sorbé dissous, d’autres le carmin précipité dans le sang et phagocyté ultérieurement ? La précipitation toujours possible d’une partie du carminate m'impose une grande réserve. Mais j'ai bien l'impression qu'il s’agit d’une absorption de carmin dissous dans le sang, le bleu ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN: — 3€ SÉRIE. — T, VI, 1898, 39 610 O. DUBOSCQ. de méthylène étant absorbé pareiïllement. De son côté, Kowalevsky à montré l'absorption des sels de fer par ces mêmes leucocytes. Ils ont donc la propriété excrétrice, comme les amibocytes des Échino- dermes, des Bryozoaires et des Oligochètes. Dans tout l’ordre des Chilopodes, les globules présentent les mêmes caractères. J’ajouterai que, chez les Chilognathes, je n'ai pas trouvé non plus de différence sérieuse. J ’ai observé entre autres le sang de divers Glomeris (Gl. ornata C. K., Gl. marginata Villers), en hiver commeen été, et, pour moi, les disques en calotte décrits par Cattaneo ne sont que des altérations dues à une technique défec- tueuse et ne représentent pas des états naturels dans le sang. Pour rester dans les Chilopodes, on peut dire que, en tenant compte de la grande variabilité des globules de chaque animal, les globules sont un peu moins grands chez Lithobius que chez Scolopendra et beau- coup moins grands chez les Géophilides, ce qui d’ailleurs est vrai pour les cellules de tous les tissus. Chez Lithobrius, la chromatine des noyaux globulaires est en grains fins uniformes parmi lesquels est un nucléole (82, 33, fig. 25, pl. XXXIV). Ainsi que chez les Géo- philes, le noyau tient moins de place dans le cytoplasme que chez Scolopendra. J'ai vu des mitoses également chez ces animaux. IL faut les si- gnaler, car il est loin d'être établi que la division se fasse partoul dans les globules circulants. Ainsi, chez les Crustacés adultes, les mitoses sont inconnues. J'ai fait moi-même quelques recherches avec mon liquide à la thionine, qui est si commode, et j'ai trouvé des mitoses chez un grand nombre de Trachéates, par exemple chez les Coléoptères (Carabus monilis Fabr., Ocypus olens Mull.), où je ne les crois pas signalées. Je les ai cherchées sans succès chez les Crustacés. En résumé : Les globules du sang sont semblables dans tout l’ordre des Chilo- podes, à la dimension près. On trouve, dans chaque animal : Des petits globules à gros noyau à chromatine en grains distincts RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 611 eb à cytoplasme homogène. Ils représentent les formes initiales et naissent peut-être dans les corpuscules de Kowalevsky ; Des globules moyens et grands à chromatine en grains distincts et à Cytoplasme plus où moins chargé de granulations acidophiles. À côté de ces granulations constantes, ils ont parfois des grains baso- philes ou des corpuscules représentant des éléments phagocytés (vieux globules). Ils sont uninucléés. C’est bien rarement, mais sûre- ment, qu’on rencontre des globules à deux noyaux dérivés sans doute d’amitoses également très rares. La reproduction normale se fait par mitose dans le sang circulant. Vivants, ils sont ronds ou ovalaires et peuvent pousser un ou deux pseudopodes. Ils sont des phagocytes actifs et excrètent aussi les matières solubles. Une série de globules à petit noyau représentent les stades de la dégénérescence normale, qui est atrophique. Sous l'influence de bacilles pathogènes, ils peuvent mourir par une dégénérescence trouble hypertrophique. IV. DU TISSU coNJoncTiIr. Je n'ai pas fait une étude poussée du tissu Conjonctif. Si je tente une esquisse de son histoire, c’est que les renseignements parus sur lui jusqu à ce jour sont bien maigres, et qu'on ne comprendrait pas les cellules à carminate, sur lesquelles je m'étends particulièrement, sans la connaissance du tissu réticulé et du tissu adipeux. TISSU RÉTICULÉ. Historique. — Je n’ai trouvé dans aucun ouvrage traitant des Chi- lopodes une rubrique annonçant l'étude du tissu réticulé. Ce qui le concerne est épars dans les descriptions des divers organes, et c’est toujours très superficiel. Herbst (92) a représenté le tissu réticulé 1892, OC Hergsr. Op. cit. 612 O. DUBOSCQ. de la Scolopendre. Il le montre formé de filaments ramifiés. Certains flaments sont creusés de canaux qu'il interprète comme la termi- naison des trachées. Comme intentionnellement j'évite cette question des trachées, je n’insiste pas autrement ; mais sou affirmation est très importante et s'accorde sur ce point avec les données récentes. Outre les canaux intracellulaires, le cytoplasme du tissu réticulé montre des fibrilles. Ailleurs, Herbst parle de fibres de nature élas- tique, par exemple entre les cellules de la glande venimeuse, ou en- core à propos de la membrane péricardique. D'autres fois ce sont des membranes homogènes, pourvues de noyaux, qui entourent les organes de nature épithéliale. Membranes homogènes, tissu réticulé fibrillaire, fibres élastiques, quelles sont au juste toutes ces formes ? Quels rapports ont-elles entre elles et avec le tissu. adipeux et les cellules à carminate? Recherches personnelles. — Rappelons que le mésenchyme tapisse toutes les cavités du corps des Myriapodes, lesquelles sont de nature hémocælique, en un mot représentent en même temps ce qui est Ca- pillaire sanguin, veine ou espace lymphatique dans un autre groupe d'animaux. Nous étudions donc un tissu paroi de lacunes. Tantôt les lacunes sont bien endiguées. Alors leur paroi n’est jamais un endothélium, comme on pourrait le supposer, c’est du tissu ré- ticulé à mailles pleines. Tantôt elles communiquent largement les unes avec les autres: elle ont pour paroi le tissu réticulé à mailles vides. Dans l’une et l’autre forme de tissu réticulé, il peut se déve- lopper ou des fibrilles conjonctives ou des fibrilles musculaires où des fibrilles élastiques. Quelques détails maintenant sur chacune de ces formes. Le tissu réticulé à mailles pleines est très commun chez les Géo- philes, où il revêt la forme la plus simple. Chez ces animaux, les lacunes sanguines sont bien endiguées, el en particulier le sinus péri- viscéral. Sa paroi splanchnique est une lame de tissu réticulé mus- culaire (muscles de l'intestin), tandis que la paroi somatique cCompre- nant le cœur sur la ligne médiane dorsale et le vaisseau ventral sur RECHERCHES SUR LES CHILOPODES, 613 la ligne médiane ventrale, cette paroi somatique est formée d’une simple lame de tissu réticulé à mailles pleines, transformée par places en tissu adipeux. J’ai étalé une portion dorsale de cette lame somatique (fig. 48, pl. XXXVII). Toute la région comprise entre les cellules péricardiales et les masses adipeuses latérales est très favorable à l’étude. Vue à un fort grossissement, après coloration à l’'hématoxyline, elle paraît faite d’un grand nombre de cellules étoilées dont les prolongements délicats et compliqués s'anastomose- raient en laissant entre eux une substance hyaline. Depuis les tra- vaux de Retterer (96) chez les Vertébrés, on sait comment interpré- ter ces choses. Dans une masse cytoplasmique primitivement homo- gène, il se fait une différenciation en hyaloplasma et en substance fbrillaire. Toujours développée autour du noyau, la substance fibril- laire, simulant un corps cellulaire, pousse des prolongements com- pliqués, ramifiés, délimitant des espaces ou vacuoles de hyaloplasma. La substance fibrillaire se colore assez vivement par l’hématoxyline, tandis que le hyaloplasma prend très peu les couleurs et reste pâle, d’où il est très facile d’avoir de bonnes préparations du réseau. La substance fibrillaire se montre formée de très fins granules. Si l’on peut appeler fibrilles les fins prolongements de cette substance, on ne saurait appliquer ce nom à la zone périnucléaire. Au surplus, partout la substance a moins l’aspect de fibres ramifiées que de pa- rois de vacuoles qui seraient remplies par la substance hyaline. Elle évoluera en fibrilles, mais c’est une différenciation ultérieure qui n'existe guère dans la lame somatique des Géophiles. Les noyaux du tissu sont épars à des distances régulières et assez éloignés l’un de l’autre. On trouve par places deux noyaux très rapprochés, entourés d’une même zone commune de substance fibril- laire. Proviennent-ils d’une récente division ? C'est probable, Mais je n’ai jamais vu de figure nette de mitose ou d’amitose. 4896. Ed. Rretrerer. Sur le développement morphologique et histologique des bourses muqueuses et des cavités péritendineuses (Journ. de l’anat. et phys.), 614 O. DUBOSCQ. En somme, c’est un tissu d'une texture qui est bien connue. L’om- brelle des Méduses a sa masse faite d’un tissu dit mugueux qui en est très voisin, tout comme la gélatine du cordon ombilical des Mammi- fères. Rappelons enfin que c’est un stade du tissu conjonctif des Vertébrés, ainsi que l’a établi Retterer dont j’adopte ici la termino- logie très expressive. En certains endroits, des orifices o (fig. 49, pl. XXX VIT) font com- muniquer le sinus périviscéral avec les espaces supérieurs. Ces trous ont été produits par une résorption du hyaloplasma, dont je ne sais pas le mécanisme. Est-ce une fonte cellulaire ? Ou bien inter- vient-il une action mécanique ? Signalons à ce sujet que les trous sont très communs au niveau des ostioles (o, fig. 48, pl. XXX VII). Toute cette région est percée comme une écumoire et l’on a raison de penser que le sang du sinus périviscéral, attiré vers l’ostiole au moment de la diastole, contribue à produire ces orifices, soit quil s'agisse d’une simple aclion du liquide lui-même, qui, en pressant sur le tissu à intervalles réguliers l’altérerait et causerait sa dégénéres- cence, soit qu'il y ait perforation parles amæbocytes travaillant avec leurs pseudopodes. Nous arrivons ainsi au tissu réticulé à mailles vides. Il vaut mieux, pour l’étudier, s'adresser à un autre animal. Prenons encore la lame somatique du sinus périviscéral, mais alors chez un Zefhabrus, ani- mal plus élevé en organisation. Le tissu conjonctif y est plus dif- férencié et la même région nous montre une structure typique de tissu réticulé à mailles vides (fig. 50, pl. XXX VII). Selon les régions, le creusement des mailles est plus ou moins avancé. Il y a des ré- gions pleines et des régions vides. En général, le creusement se fait à une certaine distance du noyau, autour duquel reste une assez grande quantité de substance, laquelle est néanmoins formée de sub- stance fibrillaire et de hyaloplasma, comme le montre mon dessin. À un examen superficiel, on dirait encore de grandes cellules ramifées dont les prolongements s’anastomoseraient. Mais celte apparence n’est pas identifiable à celle des Géophiles, puisqu'il faudrait inter- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES,. 615 préter le tissu des premiers comme fait de cellules étoilées sécrétant une substance fondamentale le hyaloplasma, tandis qu'ici on ne re- trouverait pas de substance fondamentale, malgré l'existence de hyaloplasma. La fonte des mailles commence par le hyaloplasma, elle envahit ensuite la substance fibrillaire et sans doute aussi les noyaux, vu la grandeur de certaines mailles chez certains Lithobius adultes. Le tissu réticulé de Z2thobius se complique en beaucoup de poinis de la présence du pigment (p, fig. 50, pl. XXX VIT). De couleur violette ce pigment est très abondant par tout le corps et forme de très jolis réseaux, particulièrement dans les cuisses et tibias des pattes. Les divers auteurs qui se sont occupés de ZLithobius l’ont signalé sans expliquer sa distribution. Il se dépose dans le tissu réticulé et toujours seulement dans la substance fibrillaire. En général, le dépôt commence dans la zone granuleuse périnucléaire et se continue dans la sub- stance fibrillaire contiguë, de sorte qu’on a des figures de pigment telles qu’elles simulent des cellules pigmentaires spéciales appliquées sur le tissu réticulé ordinaire. Comme ce pigment est interrompu par endroits, les îlots pourraient être pris là pour des extrémités de cel- lules fragmentées à la facon des clasmatocytes. En réalité, il ne faut voir que du pigment déposé dans la substance fibrillaire. Tout fait croire que le pigment est une matière dissoute dans le sang, qui esi reprise par des granules spéciaux du tissu réticulé. Le bleu de méthylène, en injection vitale, se fixe sur les granules pigmen- taires de Zithobius et accroît leur coloration. Scolopendra n’a pas de pigment ailleurs que sous les téguments proprement dits et le tissu réticulé qui relie les diverses fibres musculaires est complètement incolore à l’état normal. Or, si l’on injecte en solution faible du bleu de méthylène, de fins granules se colorent en bleu dans le tissu périmysial (fig. 12, pl. XXXIIT), granules distribués de la même ma- nière que le pigment de Ztfhobius. Je pense donc que dans la sub- stance fibrillaire du tissu réticulé, il existe des granules spéciaux qui peuvent retirer du sang certaines matières colorantes. On peut les appeler grains basophiles et ils sont peut-être les mêmes que ceux 616 O, DUBOSCQ. des globules sanguins. C’est sur ces grains que physiologiquement se fixe le pigment chez Lithobius, ce qui les change en grains pigmen- taires. C’est sur eux qu’expérimentalement chez Scolopendra se fixe le bleu de méthylène en injection vitale. Les fibrilles sont une autre différenciation. Elles se présentent sous trois formes : f£brilles conjonctives, fibrilles élastiques, fibrilles musculaires. Les fibrilles conjonctives abondent dans le tissu réticulé de la lame somatique de la Scolopendre. Ce sont de fines fibrilles, qui donnent aux mailles leur résistance et qui sont groupées en faisceaux irrégu- liers, développés selon le contour des mailles. Elles sont très alté- rables par la potasse, mais résistent aux acides acétique et nitrique dilués. Dans les préparations au Flemming safranine, elles sont tein- tées en gris foncé, comme les muscles. Les fibrilles élastiques sont des fibres isolées, sinueuses, passant d’une maille à l’autre sans interruption. Elles constituent les par- ties tendineuses des muscles viscéraux, et se trouvent dans tous les ligaments du cœur et les lames qui constituent le péricarde. Les unes se ramifient en branches plus fines ; d’autres, de calibre égal, s’unissent ou au moins s’accolent à d’autres, pour former une fibre plus grosse. La potasse et les acides forts ne les dissolvent que lente- ment. La meilleure méthode pour les mettre en évidence est le rouge Congo en injection vitale, ou les préparations au Flemming safranine. Dans ces préparations, elles se colorent en rouge vif. Elles tranchent donc sur le cytoplasme avec une netteté particulière. Les chitines de nouvelle formation, les cuticules des épithéliums in- ternes et, je souligne ceci, les parois des trachées ont des réactions microchimiques qui les rapprochent singulièrement des fibres élas- tiques. Fibrilles conjonctives et fibrilles élastiques sont des formations éparses dans un tissu réticulé à substance fibrillaire granuleuse. Or,le tissu réticulé peut se transformer en totalité en fibrilles. Dans ce cas, cesont des fibrilles musculatres. Elles peuvent être ou lisses ou striées, RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 617 la striation n'étant produite au surplus que par des épaississements des fibrilles d’une alternance régulière. On trouve des réseaux mus- culaires de fibres lisses dans la tunique alvéolaire de la glande ve- nimeuse de Zithobius, que j'ai représentée plus haut (fig. 14 texte, p. 548). Chez les autres groupes de Chilopodes et, en particulier, chez la Scolopendre, les réseaux musculaires sont striés, d’une striation bien conforme aux données de Van Gehuchten. Ces fibrilles, ne se groupant pas en fibres de diamètre égal, n’ont pas de sarco- lemme. Leurs noyaux ovalaires sont riches en chromatine et épars sans ordre. On trouve plusieurs noyaux au même point, tandis que beaucoup d’îilots n’ont pas de noyaux. Cela s'explique facilement par la considération du tissu réticulé à mailles vides dont nous n'avons là qu'une transformation. Un très bel exemple de ces ré- seaux musculaires est fourni par la couche conjonctive appliquée sur l'ovaire des divers Chilopodes (fig. 47, pl. XXXVII). Un autre exemple est la couche qui enveloppe les glandes ventrales (fig. 24, pl. XXXIV) et la glande venimeuse. Les alvéoles, que j'ai décrits minutieusement à propos de ces glandes, se comprennent donc très bien. Puisque nos réseaux musculaires sont une forme commune de l’évolution conjonctive, rien de plus naturel de les trouver appli- qués sur ces grandes cellules, qui ont plongé dans le mésenchyme absolument comme y plonge la glande unicellulaire d'un Ver plat, d’une Hirudinée ou d’un Mollusque. Enfin, je concois comme devant se ramener à une évolution plus poussée encore de ce tissu réticulé toute la musculature de l'intes- tin, que j'appelle lame splanchnique du sinus périviscéral. L’ordon- nance très régulière des fibres n’est qu’une ordonnance des mailles et, chez certains animaux, les muscles de l’intestin se rapprochent beaucoup des muscles de l’ovaire des Myriapodes. Au surplus, ce n’est pas là une découverte personnelle que j’avance. Je ne puis que renvoyer aux excellents travaux de Van Gehuchten (90) sur la larve 4890. Van GEHUCHTEN. Recherches histologiques sur l’appareil digestif de la larve de Pfychoptera contaminata (Cellule). 618 O0. DUBOSCQ. de Ptychoptera, où les idées que je soutiens ici sont parfaitement énoncées. Entre autres choses, l’auteur montre bien que les pro- longements protoplasmiques non fbrillaires, les fibres lisses et les fibres striées sont les diverses formes d’un même réseau avec toutes les transitions rencontrées dans une même région. Je ne saurais trop insister sur le fait que les diverses sortes de fibres n’ont pas de caractères microchimiques tranchés. Il y a évi- demment des formes types, qu’on peut appeler fibrilles conjonctives, fibrilles élastiques, fibrilles musculaires lisses et fibrilles musculaires striées ; mais leurs réactions ne peuvent être formulées d'une façon précise, et ces mots n’ont pas la valeur qu'on leur accorde dans l'histologie des Vertébrés. J'ai gardé ces termes parce qu'ils sont communément employés et qu'il était inutile d’en créer d'autres. Encore une fois, on trouve tous les passages entre ces divers élé- ments, et les fibrilles représentent divers stades de l’évolution de la substance fibrillaire des syncytiums conjonctifs, dont le type infé- rieur est représenté chez l'adulte par le tissu réticulé à mailles pleines. Dans le tissu réticulé des pattes de ZLithobius, à côté du pigment se rencontre un autre élément, les globules de graisse. Chez cet ani- mal, certaines cellules de la trame réticulée contiennent seulement quelques gouttes de graisse ; puis, par degrés, on passe à une autre forme où le tissu est massif et rempli de globules graisseux. Gette forme spéciale du tissu conjonctif doit être étudiée à part sous le nom qui lui est réservé de tissu adipeux. TISSU ADIPEUX. Vogt et Yung (83), Kowalevsky (95) et Heathcote (93), sont les seuls auteurs, à ma connaissance, donnant quelques renseignements 4883. Voer et Yunc. Traité d'anatomie comparée pratique (13° livraison). Paris. 4895. Kowazevsky. Étude des glandes lymphatiques de quelques Myriapodes (Archiv. zool. exp.). 4893. Hearacore. À new mode of respiration in the Myriapoda (Philos, Trans. of the Roy. Soc. London). Lo RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 619 sur la structure du tissu adipeux des Chilopodes. Les premiers par- lent de Zithobius ; Kowalevsky, de Scolopendra, et Heathcote, de Scu- tigera. Vogt et Yung disent de Zifhobius : « Le corps adipeux constitue de puissantes masses irrégulières ou en forme de boyaux courant dans toutes les directions, se coupant les uns les autres. Ces masses tapissent intérieurement les muscles et séparent ainsi ces derniers des différents organes suspendus dans le cæœlome. La constitution de ces masses est partout la même; on y distingue une enveloppe externe, laquelle paraît être anhiste, et un contenu formé, d’une part, de grosses cellules très claires, huileuses ; d'autre part, d’une quantité de petits corps sphériques dont la nature graisseuse ne peut être établie avec certitude. Dans le tissu courent une très grande quantité de fins tubes trachéens se ramifiant de plus en plus. Sou- vent, le tissu graisseux se montre coloré en bleu violet: on le ren- contre toujours dans le voisinage immédiat de la chaîne nerveuse, sous les bords latéraux des plaques chitineuses dorsales, le long des flancs de l’animal ; on en trouve aussi souvent à la base des pattes. » Kowalevsky nous donne de bons renseignements sur le tissu adi- peux de la Scolopendre. « Le corps adipeux se compose d’agglomé- rations de cellules adipeuses en forme de sphères rondes ou plus ou moins allongées ; les sphères sont réunies ou, mieux, collées les unes aux autres comme les grains d’un chapelet, et chaque sphère con- siste en plusieurs cellules. On compte sur chaque coupe de six jus- qu'à dix noyaux, ou même plus. Chacune de ces cellules contient un globule graisseux et une quantité plus ou moins grande de ora- nules brunâtres. Ces chapelets du corps adipeux sont réunis dans des trous et des mailles plus ou moins serrées, » Heathcote nous annonce tout autre chose. Chez Scutigera, le tissu adipeux est composé d’un réseau de tissu bordant avec noyaux aux nœuds du réseau et avec des globules huileux plus ou moins larges dans les mailles, qui contiennent aussi des globules sanguins, sans 620 0. DUBOSCOQ. qu'on puisse comprendre le mécanisme de leur pénétration, Comme il admet un péricarde, il dit, entre autres choses, que le tissu adi- peux perce le péricarde pour pénétrer dedans et s y étaler. Recherches personnelles. — On appelle éissu adipeux des cellules conjonctives contenant de nombreux globules de graisse. Chez les _Myriapodes, ce tissu n’est pas simplement équivalent à la cellule eraisseuse des Vertébrés. Outre Îles globules de graisse, il contient un élément tout aussi constant, le grain chromophile pigmentaire. Avant d'entrer dans les détails de la structure, voyons Îa distri- bution. Une coupe de Lithobrus (fig. 51, pl. XXXVII) la montre très bien. Il y a d’abord des îlots sous-épithéliaux 4, transformation adipeuse partielle de la nappe conjonctive appliquée sous l’épithélium. Ces ilots sous-épithéliaux sont principalement développés dans les plis du tégument remplissant les creux où les muscles n'existent pas. Un fait à noter. Le tissu adipeux n'existe jamais parmi les masses musculaires, quoique les diverses fibres soient réunies entre elles par un tissu conjonctif périmysial. C’est pourquoi, dans une patte, il n’y a de tissu adipeux qu’à la surface au-dessous de l’épithélium. Les îlots sous-épithéliaux ne représentent jamais les masses im- portantes du tissu adipeux. Chez les Géophiles, ils sont même exces- ivement réduits. Le tissu adipeux tire, en grande partie, son origine de la transformation de la lame somatique du sinus périviscéral so. Chez un Lithobius adulte, toute cette lame est changée en tissu adi- peux, de sorte qu'il serait artificiel de déterminer des îlots particu- liers. Au contraire, chez un Lithobius immaturus (fig. 51, pl. XXX VID), on trouve, en coupe transversale, trois masses constantes : une masse péricardiale cp (cellules péricardiales), une masse latérale am et une masse ventrale av, située à quelque distance du vaisseau ventral et descendant de chaque côté autour du ganglion nerveux. Chez l'adulte, la masse ventrale délimite un sinus périnervien en entou- rant complètement les ganglions. Gette formation inconstante est toujours secondaire et due à ce que Île ganglion n'étant pas séparé RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 621 de l’épithélium par des muscles comme le sont les connectifs inter- ganglionnaires, le tissu adipeux sous-épithélial peut ainsi rejoindre les masses ventrales av. La même disposition existe chez les Géophiles. La coupe de Sco- l'oplanes que je représente (fig. 52, pl. XXXVII) montre cependant une particularité dont je parle plus loin. C’est la substitution de cellules à carminate aux masses adipeuses ventrales av. La forme des îlots du tissu adipeux est très variable. Souvent, ce sont des lobes énormes, irréguliers, à surfaces arrondies (Zithobius, Scutigera). Chez quelques animaux, ce sont des globes sphériques, qui se soudent les uns aux autres par plusieurs faces pour s’agencer en conglomérats. Himantarium Gabrielis L. (fig. 41, pl. XXXVI) en fournit un bon exemple. D’autres fois, les mêmes globes, plutôt ovoïdes, se soudent seulement par leurs bouts pour constituer des chaînes ou chapelets. C’est la disposition qu’on rencontre chez Sco- lopendra. 11 ne faut pas attacher d'importance à ces agencements, qui peuvent varier en certains points du même animal. Chez la Sco- lopendre, si la plupart des globes adipeux sont en chaînes, les cellules péricardiales montrent moins nettement cette disposition et tendent à s’agglomérer par toutes leurs faces. Il est vrai qu’elles sont si denses que leur arrangement vrai n’est pas net. Mais il y a, chez le même animal, un tissu adipeux plus spécial que les cellules péri- cardiales. C’est une bande couleur d’ocre pâle, située au-dessous des organes génitaux. Elle est formée de deux rangées de rosettes, for- mées chacune de cinq à six globes adipeux. L'aspect de cettebande est tellement différent de celui des cordons, que je me suis demandé, sans pouvoir le prouver, si elle n’avait pas un rôle particulier. Chez Lithobius, on trouve dans les pattes tous les passages entre le tissu réticulé ordinaire, c’est-à-dire depuis quelques globules de graisse épars dans du tissu réticulé pigmentaire, jusqu'à un enva- hissement de la graisse tel que le tissu devient massif. Bien entendu, la graisse est incluse dans le cytoplasme et n’est pas libre dans les lacunes, comme l’aurait vu Heathcote. 622 O. DUBOSCQ. Malgré des apparences extérieures différentes, le tissu adipeux a la même structure chez tous les Chilopodes. Ce sont des amas syncy- tiaux, denses, pourvus de noyaux plus ou moins nombreux ; ils sont toujours bien délimités en lobes ou en globes, par une membrane à double contour. Quand on en fait une coupe par la méthode de la paraffine, la graisse est presque entièrement dissoute et ne laisse à sa place que des vacuoles plus ou moins grandes. De là, le tissu adipeux massif prend l'aspect d’un tissu réticulé à mailles vides, et c’est ainsi que l’a compris Heathcote. Cette interprétation de Heathcote est une grosse erreur. Comment, dans les mailles, a-t-il trouvé des globules sanguins, autre erreur ? J'ai là, sous les yeux, du tissu adipeux de Scutigera. Eh bien, Heathcote a dû prendre pour amæbocyte les noyaux mêmes du tissu adipeux. La méprise paraît grossière. Elle s'explique. Sur les préparations au Flemming safranine, un amæbo- cyte se présente avec un noyau à chromatine dense colorée en rouge vif, et dans le cytoplasme sont les grains acidophiles qui peuvent être pareillement colorés (voyez les amæbocytes que je dessine dans les corpuscules de Kowalevsky, fig. 44, pl. XXXVII). Placez un amæ- bocyte dans une masse granuleuse ; à première vue, il semblera un gros noyau pourvu d’un très gros nucléole. Or, chez Scutigera, les éléments sont très grands et les noyaux du tissu adipeux sont carac- térisés par un très gros nucléole. C’est donc bien là l'explication de l’erreur de Heathcote. Chez tous les Chilopodes, les noyaux ont la même structure : toujours arrondis ou légèrement ovalaires, ils possèdent un très gros nucléole entouré d’une auréole hyaline. Les grains chroma- tiques nombreux et bien distincts paraissent parfois rattachés au nucléole d’une façon très particulière que je ne suis pas en mesure de décrire. Le cytoplasme est creusé de grandes vacuoles remplies de graisse, assez distantes les unes des autres, c’est-à-dire incluses dans des mailles épaisses. Dans ces mailles est une autre inclusion, les cor- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 623 puscules chromophiles pigmentaires, aussi constants que les globules de graisse, mais de tout autre nature. Comme ils ne sont pas dissous par le xylol, ils apparaissent sur toutes les coupes. On sait qu'ils sont de nature protéique, mais on n’est pas renseigné sur leur valeur et sur leur rôle. Ils se colorent par la plupart des colorants, avec une intensité particulière par le bleu de méthylène et la thionine. Dans les préparations au Flemming safranine, ils sont plus ou moins rouges, selon l'intensité de la différenciation. Chez la plupart des Chilopodes, ces grains chromophiles sont jaune d’ocre à l’état na- turel et c’est à eux qu'est due la couleur du tissu adipeux. Chez Chæ- techelyne, ils sont noirs. C’est qu'un pigment s’est fixé sur eux. J'ai noté antérieurement (96), en expliquant la couleur de cet animal, que le pigment se déposait avec l’âge et que les très jeunes animaux n'en avaient pas. Guénot (92) a montré que le bleu de méthylène se comporte comme un pigment et se fixe sur les mêmes granules. Or, justement, il se dépose sur nos grains chromophiles, qui deviennent d'un bleu intense après injection vitale. En sorte que ces granules doivent jouer un rôle dans l’excrétion. La membrane qui entoure les lobes adipeux est une différencia- tion produite par les cellules elles-mêmes. Et il faut bien distinguer cette membrane du ciment ou hyaloplasme dans lequel elle est plon- gée. Ceci a besoin d’être expliqué. Prenons les chaînes de tissu adi- peux de la Scolopendre. En un point, elles sont toujours en conti- nuité avec le tissu réticulé, c’est-à-dire avec la substance fibrillaire et le hyaloplasma du syncytium conjonctif. Cette continuité se fait par une fibre en grande partie hyaline, laquelle est le prolonge- ment fin de la membrane du globe adipeux initial. La membrane des globes a son bord limitant interne très dense et le bord ex- terne hyalin. Il y a donc une substance hyaline, très visible au 1896. 0. Dusosco. Note sur le corps adipeux de Chætechelyne vesuviana Newp. (Bull. Soc. Linn. Norm.). 1592. Cuénor. Études physiologiques sur les Gastéropodes pulmonés (Archives de biologie). 624 O. DUBOSCQ. point externe de la soudure de deux globes, où elle se montre triangulaire en coupe optique. Elle enveloppe et cimente tous ‘les globes. En présence, durant quelques secondes, de la potasse à 40 pour 100 (fig. 49, texte), ce ciment est beaucoup plus vite dis- sous que la membrane et les globes adipeux sont isolés avec leur membrane propre. En sorte que la membrane a la même valeur que les différenciations fibrillaires de la substance granuleuse. Chez presque tous les Chilopodes, le tissu adipeux reste en lobes syncyliaux. Chez la Scolopendre, nous assistons à une différencia- Cordon adipeux de Scolopendra cingulata Latr. traité par la potasse. m, membrane; €, substance hyaline. tion beaucoup plus élevée et très remarquable. D'abord, dans les globes adipeux de l'adulte, les noyaux sont ordonnés en un cercle périphérique et des noyaux centraux ne se rencontrent que dans quelques globes. Ge n’est pas tout. Les cellules, au lieu d’être syn- cyliales, sécrètent une membrane qu’on peut rendre très apparente par l’eau iodée, membrane qui sépare complètement les cellules les unes des autres. C’est ainsi la structure d’un épithélium massif. Et cela va plus loin, beaucoup de lobes présentant une cavité centrale plus ou moins régulière (a, fig. 21, pl. XXXIV), qui les transforme en glande close. On dirait une vésicule de glande thyroïde ou, pour faire une comparaison plus juste, un cylindre de capsule surrénale de poisson. | Je n'ai rien trouvé, touchant la fonction du tissu adipeux. Îl est certain qu'il n’est pas seulement un tissu de réserve. Ses propriétés excrétrices sont connues depuis les recherches de Kowalevsky, qui RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 625 a montré — et je puis le confirmer — que les cellules péricardiales excrètent partiellement le carmin d’indigo'. On ne connaît pas, chez les Ghilopodes, de concrétions d’urate comme celles des Chilognatihes, et les matières excrétées n’ont pas d'autre forme figurée que le pigment. La structure de glande close fait pressentir que le tissu adipeux joue le rôle de ces glandes régulatrices des sérums, retirant du sang certaines matières et y versant quelque sécrétion. Ce sont là des hy- pothèses dans l'inconnu, mais justifiées par la remarque que des glandes comme le foie, la glande thyroïde ou les capsules surrénales ne peuvent avoir, semble-t-il, d'autre représentant chez nos Chilo- podes que le tissu adipeux ou les cellules à carminate. CELLULES A CARMINATE. À côté du tissu adipeux, il existe chez tous les Chilopodes un tissu analogue, ayant même origine mésenchymateuse et mêmes rap- ports, mais qui en diffère nettement par ses caractères histologiques et son rôle physiologique. Ce sont des cordons ou agglomérations de cellules vésiculeuses, ayant la propriété de retirer du sang le car- minate d'ammoniaque injecté en quantité minime. D'où je les dé- signe sous le nom de cellules à carminate. Historique. — Ces cellules paraissent avoir été vues par Plateau (6), qui les appelle cellules à pigment et les figure autour des glandes salivaires de Lithobius. Mais il ne les a pas distinguées des cellules pigmentaires banales qui font partie du tissu réticulé à mailles vides et ce qu'il en dit n’a qu’une importance historique. Herbst (94), dans son étude sur les glandes salivaires, a reconnu 1826. Prareau. Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Myria- podes (Wém. Acad. Roy. Belgique) | e 41894. Hengsr. Beiträge zur Kenntniss der Chilopoden (Brblioth. zool. Leuckart). 1 J'ai observé, par contre, que les tubes de Maipighi excrètent partiellement le carminate d’ammoniaque. + ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE, — T, VI. 1898, 40 626 | O. DUBOSCQ. les cellules à carminate de la Scolopendre, qu’il appelle fetregene- rationzellenketten. Comme ce sont des chaînes de cellules aplaties, il les compare, dans une métaphore très expressive, à des piles de monnaies. Il les représente avec exactitude, mais sans aucun détail de structure. Sans avoir fait de recherches embryologiques ou phy- siologiques, il pense qu'elles donnent naissance aux cellules adi- peuses et aux globules du sang. C'est à Kowalevsky (92, 95) que revient le mérite de les avoir comprises et d’avoir montré leur rôle physiologique dans plusieurs travaux successifs. Comme ces cellules ont la fonction et les réac- tions du rein acide ou rein à carminate, il les appelle f/aments acides. Les filaments acides sont « composés de cellules superposées en forme de rouleau de monnaie. Les cellules sont plates, adhèrent lune à l’autre et sont disposées sur un seul rang. Par leur forme exté- rieure, elles rappellent les cellules adipeuses ; néanmoins elles ne sauraient être confondues avec ces dernières, même au point de vue de l’apparence externe ». Elles entourent de toutes parts les tubes de Malpighi dans leur longueur. Elles excrètent avec une grande élection le carminate d’'ammoniaque et les sels de fer introduits dans le sang, propriété que partagent avec elles les leucocytes et les glandes lymphatiques (corpuscules de Kowalevsky). Mais les filaments acides n’absorbent absolument que les substances dissoutes. Et « on le prouve très bien, dit Kowalevsky, en introduisant du carmin en poudre dans le corps des Scolopendres. La première journée, le car- min en poudre est absorbé par les leucocytes et les glandes lympha- tiques et les trones acides restent incolores. Mais déjà, dès la seconde ournée, on remarque qu’ils commencent à se colorer en rouge et la coloration va toujours en augmentant, si bien que vers la cin- 4892. À. Kowazevskv. Sur les organes excréteurs chez les Arthropodes ter- restres (Trav. du Congrès intern. de zoo. de Moscou). 1895. À. Kowazevsxv. Étude des glandes lymphatiques de quelques Myria- podes (Archiv. 1001. exp.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 627 quième journée les troncs acides sont colorés de la même manière rouge intense que si le carmin avait été introduit en solution. C’est le même fait que j'ai déjà depuis longtemps décrit pour les Insectes, chez lesquels les cellules péricardiales ne se colorent pas non plus immédiatement en rouge si le carmin est introduit en poudre, mais seulement au bout de quelque temps, lorsque les grains de carmin ont été digérés, c’est-à-dire dissous par les leucocytes ou par les glandes lymphatiques ; alors le carmin vient colorer les cellules pé- ricardiales. C’est un phénomène qui a été aussi très justement inter- prété par M. Cuénot relativement à la glande branchiale des Crus- tacés décapodes, chez lesquels la glande branchiale absorbe l’hémo- globine dissoute par les leucocytes, mais n’absorbe pas les globules du sang entiers». J’ai tenu à citer tout le passage ; on en comprendra tout à l’heure l'importance. Chez Lithobrus, les filaments acides — et non pas tubes acides! -- sont représentés par le réseau qui entoure les cellules glandulaires. Tout en adhérant à la glande, ils n’en font pas partie. Ils sont formés d’un seul rang de cellules, rarement de deux ou plusieurs rangs. Dans ce dernier cas, les cellules forment des saillies aveugles dépassant la surface générale de la glande. On trouve en elles un amas de globules noirs sous forme de pigment noir, et l’on aperçoit un espace clair où vacuole dans laquelle se trouvent des gouttes colorées par le carmin. Les globules noirs se rencontrent, chez tous les Lithobes, en nombre plus ou moins grand. Gomme on le voit, Kowalevsky nous a appris beaucoup de choses sur les éléments à carminaie de Scolopendra et Lithobius. Aussi n’a- jouierai-je que quelques faits complémentaires et m'étendrai davan- tage sur les Géophilides. Kowalevsky a éprouvé des difficultés avec ces animaux, et « comme leur étude exigerait beaucoup de temps, il ? Dans son second travail sur la question, Kowalevsky explique en note que si ces filaments acides ont été appelés tubes acides dans son premier mémoire, la faute en est au traducteur. Il avait envoyé son manuscrit écrit en langue russe à la rédaction des travaux du congrès de Moscou; on en a fait la traduction sans lui envoyer d'épreuves, de sorte que plusieurs termes inexacts appartiennent au traducteur. 628 O. DUBOSCQ. l'a laissée de côté ». Il n’était pas inutile de la reprendre. C’est ce eroupe qui nous éclairera le mieux sur la valeur morphologique des cellules à carminate, non seulement pour le groupe lui-même, mais pour la comparaison avec Îles cellules à carminate des autres Arthro- podes. Recherches personnelles. — Avant de donner les résultats de mes recherches, je dois signaler que je me suis placé à un point de vue différent de celui de Kowalevsky. Les recherches de Kowalevsky ont pour point de départ les résultats célèbres de Chzonezewsky et Hei- denhaim sur le rein des Vertébrés. Ces auteurs ont reconnu que le carminate d'ammoniaque était excrété par les glomérules de Malpi- ghi et le carmin d’indigo par les tubuli contorti. On a été amené, de là, à séparer le rein à carminate, dont les cellules ont une réaction acide, du rein basique ou rein à indigo. Une vaste enquête dans la série animale a montré à Kowalevsky que les deux reins pouvaient être très éloignés l’un de l’autre. De plus, tandis que le rein à indigo communique avec l'extérieur pour rejeter au dehors les matières nuisibles enlevées au sang, souvent le rein à carminate est clos de toutes parts, et les produits d’excrétion s'accumulent dans ses cellules qui constituent ainsi un rein d'accumulation. Or, au lieu de provenir de l’épithélium cœlomique, il peut avoir une origine mésenchyma- teuse et représenter un élément particulier du tissu conjonctif. Telles les cellules de Leydig des Pulmonés et Opisthobranches, telles aussi les cellules péricardiales des Insectes. Mais, comme les recherches de Kowalevsky sont, avant tout, des « études biologiques », il se préoc- cupe moins de la valeur des divers éléments que de leur rôle. Dans mes recherches, au contraire, je n'ai guère employé le carminate que comme méthode histologique, et j'entends sous le nom de cel- lules à carminate, non pas toutes les cellules qui, dans un organisme, peuvent avoir la réaction de cellules rénales acides, mais seulement les cellules vésiculeuses du tissu conjonctif, qui ont cette propriété. Cellules à carminate de la Scolopendre. — Comme l’a bien vu Kowalewsky, les cellules à carminate de la Scolopendre sont des fila- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 629 ments emmêlés autour des tubes de Malpighi. Cette contiguïté est vraiment remarquable, puisqu'ils n'ont, avec les tubes de Malpighi, qu’un rapport physiologique. Geci fait penser que les tubes de Mal- pighi jouent un rôle dans leur développement en le déterminant à cet endroit. Kowalevsky (94) remarquant que, chez la plupart des animaux, le rein acide et le rein basique sont réunis en un même organe, pense que, là où ils sont fondamentalement séparés, ils s’at- tirent l’un l’autre. Cette curieuse idée a été émise pour expliquer l'introduction des tubes de Malpighi dans le cœur des Orthoptères. Chez Locusta et chez Pachytrlus, les tubes de Malpighi, situés nor- malement dans le sinus périintestinal, pénètrent dans le cœur par des « orifices cardiocælomiques » découverts par Kowalevsky et res- sortent, après des circonvolulions nombreuses, par les ouvertures « cardio-péricardiales ! », ce qui les met en rapport avec les cellules péricardiales qui jouent le rôle de rein acide. La disposition des cel- lules à carminate de la Scolopendre appuie la thèse de Kowalevsky. Quoi qu’il en soit, les cellules à carminate de la Scolopendre ont les rapports et la disposition générale du corps adipeux. Gomme lui, ce sont de longs cordons se continuant toujours par quelque point avec le tissu conjonctif réticulé. Comme les cordons de corps adipeux, les cordons de cellules à carminate peuvent se bifurquer ou bien s’anastomoser, mais la plus grande partie reste en files isolées. Leur structure intime diffère de celle des cellules adipeuses. En coupe transversale, les cordons adipeux présentent une rangée de cellules 4894. Kowazevskv. Études sur le cœur de quelques Orthoptères (Archiv. z00Ù. exp.). 1 Je ne sais si on a jamais donné la signification morphologique de ces très inté- ressants orifices du cœur des Orthoptères. 11 y a pourtant une interprétation qui s'impose. Ce que Kowalevsky appelle ouverture cardio-péricardiale, c'est l’ostiole. Quant aux ouvertures cardio-cœlomiques « disposées sur des mamelons ou renfle- ments coniques des parois du cœur », ne sont-elles pas manifestement nos artères latéro-dorsales des Chilopodes? Qu’on se reporte à mes figures du cœur de la Scolo- pendre. Élargissez la tunique conjonctive de l'artère a (fig. 18, texte, p. 587) en un sinus. Est-ce que la valvule artérielle ne devient pas l’orifice cardio-cælomique au sommet d’un renflement conique de la paroi ventrale du cœur? 630 0. DUBOSCQ. orientées par rapport au centre du cordon à la façon d’un tube glan- dulaire. lei la coupe transversale ne montre qu'une seule cellule (ft, fig. 21, pl. XXXIV). Herbst les a comparés à des piles de pièces de monnaie. Et, en effet, elles sont peu épaisses, discoïdes, par con- séquent, pourvues d’un noyau qui.est saillant et rarement central. C'est que, pour l’empilement, les noyaux doivent se mouler sur des dépressions du cytoplasme des cellules contiguës et être, par consé- quent, excentriques et alternants. Les cellules ont une membrane. Extérieurement, la membrane du cordon, qui représente les tranches des monnaies, ne présente pas les cloisonnements qu’on trouve en coupe longitudinale. Au surplus elle est épaisse, tandis que les membranes intercellulaires sont minces. Très souvent, avec certains fixateurs comme le Perenyi, les cellules contractées sont nettement séparées les unes des autres vers leur centre et soudées à la périphérie. Ceci laisse penser que deux cellules contiguës n’ont pas leur membrane intermédiaire commune, mais ont chacune leur membrane propre. Et, en effet, dans le Ripart et Petit, liquide qui contracte les éléments, les cellules à carminate se détachent de la membrane externe. Elles glissent les unes sur les autres comme des monnaies dans un étui qui ne serait pas plein. Ces cellules dissociées paraissent bien avoir encore une membrane qui se détacherait de la membrane externe commune à la façon dont un épithélium se détache de sa cuticule ou intima. Le noyau est vésiculeux, très clair au centre, avec la chromatine en grains périphériques. Il est elliptique en coupe longitudinale f!/, et rond en coupe transversale /{. C’est donc un ellipsoïde. Le cytoplasme semble alvéolaire, et après injection de carminate, les alvéoles grandissent. Chose curieuse, le carmin ne se dépose pas dans les alvéoles, mais bien dans les interstices, de sorte qu'on a un aspect tout différent de celui des cellules à carminate des autres Chilopodes. On n’y trouve ni pigment, ni granules de graisse. Kowalevsky signale que les filaments acides peuvent éliminer le carmin en poudre, et iutentionnellement j'ai cité le passage intégral RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 631 où il cherche à démontrer qu'ils n’absorbent ce carmin qu'après sa dissolution par les leucocytes. Les arguments ne sont pas péremp- toires, et je reste persuadé que Kowalevsky, dans son expérience du carmin en poudre, à vu, avant moi, la phagocytose. En tout cas, j'ai pu démontrer la propriété phagocytaire par les injections d'encre de Chine. Malheureusement je n’ai pu régler l'expérience et la repro- duire à volonté. Je sais qu'il faut injecter une quantité d'encre de Chine assez grande (jusqu’à 1 demi-centimètre cube), et qu'il faut attendre au moins cinq heures. Pourquoi cela ne réussit-1l pas tou- jours ? Je l’ignore. Mais j'ai des préparations indiscutables, et, dans les cas réussis, on a des images où les filaments nous montrent l'en- cre phagocytée de façon très curieuse (fig.35, pl. XXXV). En somme, cela se passe comme dans les globules du sang. Gertaines cellules sont entièrement gorgées d'encre, d’autres n’en contiennent pas ou peu, et les cellules, remplies jusqu’à être d’un noir opaque, sont dis- tribuées sans ordre, souvent entre deux autres qui n’ont rien absorbé. Le mécanisme de la phagocytose est très obscur. L’absorption du carminale est excessivement facile à vérifier. Elle réussit avec des doses variables, et, chaque fois, toutes les cellules sans exception sont remplies de grains rouges. Ces grains se déposent dans le réticulum lui-même et non dans des vacuoles spéciales. De plus, il n’y en à pas dans la zone périphérique qui est toujours hya- line. Enfin, le noyau est bien ménagé, témoignant que l'absorption est le fait d’un élément vivant. Le cas de « Scutigera ». — Chez Scutigera j'ai observé un fait curieux. D'abord, je n'ai pas trouvé de cellules à carminate, c'est- à-dire un tissu de nature conjonctive ayant la propriété excrétrice. Mais j'ai vu qu'une des glandes métamériques excrétait le carminate d’une facon élective. Et voici le fait curieux. À quelque dose minime qu'on injecte le carminate, les poumons deviennent rouges très vite, tous les noyaux de l’épithélium trachéen sont colorés, et l'animal, qui est si délicat, reste en parfaite santé. Je rappelle à ce sujet que, dans l’excrétion du carmin d'’indigo par les tubes de \alpighi, très 632 O0. DUBOSCQ. souvent les noyaux absorbent l’indigo. Je n'insiste pas autrement sur Seutigera où les cellules à carminate restent à trouver. . Cellules à carminate de « Lithobius ». — Chez Zithobius, les cel- lules à carminate n'existent que dans la région des glandes salivaires. Elles sont une transformation de la lame splanchnique de cette ré- gion appelée souvent {unique cononctive. Je représente plus loin (fig. 20, texte, p. 641) cette paroi du sinus périviscéral chez Zitho- bius. Elle entoure l’œsophage et les glandes salivaires en totalité, mais l’æœsophage étant au milieu de la masse glandulaire, la lame se replie pour constituer comme un méso. Gelte lame, fondamentale- ment conjonctive, est presque entièrement transformée en cordons de cellules à carminate. Le calibre des cordons est inégal. Ils sont souvent étranglés en chapelet et formés de lobules qui peuvent être réguliers sur un cerlain parcours (fig. 23, pl. XXXIV) et ressemblent ainsi, par leur disposition, au tissu adipeux de la Scolopendre (a, fig. 21, pl. XXXIV). Les lobules ont des noyaux ovoïdes, à grains de chromatine nom- breux. Il y a un, deux ou trois noyaux par lobule. Quant au cyto- plasme, outre un réticule à mailles assez grandes, il contient des va- cuoles remplies d’un liquide de nature albuminoïde et de grains de pigment. Je crois que les grains de pigment se déposent sur les vacuoles, car les amas pigmentaires ont la grandeur et la forme arrondie des vacuoles. Les cellules à carminate de Lithobius n’ont pas la propriété pha- gocytaire pas plus que celles des Géophiles que je vais étudier main- tenant, et un peu plus longuement, puisqu'elles sont inconnues. Cellules à carminate des Géophilides. — Dans ce groupe si homo- gène des Géophilides, les cellules à carminate ont une distribution assez variée. Cependant, chez tous, nous retrouvons d’abord les cel- lules à carminate autour des glandes salivaires. Quand on a fait l'injection, les longues glandes salivaires blanches (gs, fig. 36, pl. XXXVI) sont bordées d’une frange rouge délicate de ces cellules à carminate, qui adhèrent aux glandes beaucoup plus que chez Zitho- RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 633 bius. Je dis bordées. Et, en effet, les glandes sont aplaties et présen- tent deux faces et deux bords. Les cellules à carminate s'étendent presque uniquement le long des bords. Discontinues sans régularité, tantôt elles n'existent qu'aux saillies du bord découpé, tantôt elles s’enfoncent dans les plis en suivant tous les contours, comme une jolie dentelle. Elles ne diffèrent en rien des cellules à carminate du reste du corps, dont la distribution varie beaucoup selon les genres. J’ai représenté les cellules à carminate de Scolioplanes maritimus Leach (fig. 36, 37, 38, pl. XXX VI). En dehors des cellules des glandes salivaires, nous trouvons, chez ce Géophile, de chaque côté du vais- seau ventral vv, deux bandes de cellules à carminate. Il suffit d'étendre la face ventrale de l’animal après avoir enlevé le tube digestif et les viscères, pour obtenir une belle préparation de ces cellules. Les deux bandes sont plus ou moins interrompues à chaque segment et les lobes ainsi délimités sont eux-mêmes divisibles en un grand nombre d'îlots qui ressemblent à des acini glandulaires sans canal. Mes figures, à différents grossissements (fig. 36, 37, 38, pl. XXXVI), sont assez claires pour rendre inutile toute description. Les coupes font connaître leur disposilion exacte. J’en représente une de la région antérieure de l'animal (fig. 52, pl. XXXVII). Autour de l'intestin et des glandes salivaires est la lame splanchnique du sinus péri- viscéral sp. La lame somatique so, qui tapisse toute la muscu- lature et le système nerveux, comprend sur la ligne médiane en haut le cœur vd, en bas le vaisseau ventral vv. C'est la région infé- rieure av de cette lame somatique qui est transformée en cellules à carminate. Pour prendre connaissance de la structure, étalons cette région inférieure de la lame somatique sans faire l’injection de carminate (fig. 39, pl. XXX VI). Elle sera plus instructive qu'une coupe. Dans la lame conjonctive de tissu réticulé à mailles pleines éc, parcouru par des filaments trachéens tr, sont les lobes à carminate /. Ge sont de simples cellules, qui, au lieu de se différencier en hyaloplasma et 634 O. DUBOSCQ. substance fibrillaire lamineuse, se sont renflées, sont devenues vésicu- leuses, vacuolaires et ont acquis la propriété excrétrice. Les cellules sont isolées ou groupées en lobules syncytiaux, en un mot, sont des lobules à un ou plusieurs noyaux, séparés les uns des autres par du hyaloplasma, qui se différencie en membrane sur leurs bords dont les contours sont polygonaux, d'où cet aspect de glande. Et, après tout, ne devons-nous pas les considérer comme des glandes closes et n’avons-nous pas vu dans ce sens une différenciation encore plus grande du tissu adipeux ? Le cytoplasme est creusé d’un grand nombre de petites vacuoles. Le carminate injecté se retrouve dans de grandes vacuoles presque toutes rondes ; quelques-unes cependant ont des contours irréguliers. Il faut admettre que ces vacuoles non préformées proviennent des petites vacuoles qui s’agrandissent au moment de l'absorp- tion du carmin. On ne doit pas attacher d'importance à la varia- tion de taille des vacuoles. Ainsi, chez les autres Géophilides, elles sont plus petites que chez Scolioplanes maritimus, d'où est tirée ma figure. Chez Geophilus, même disposition que chez Scolioplanes, sans dif- férences dignes d’être mentionnées. Nous avons toujours un tissu entièrement sus-nervien. 11 n’en sera plus ainsi chez Chætechelyne vesuviana Newp. Les cel- lules à carminate s'étendent encore au-dessus du système nerveux, mais elles le contournent en formant unsinus qui l'enveloppe et, se trouvant plus développées à la face inférieure, elles s'appuient sur Les glandes ventrales. De plus, l'aspect général est tout autre. Au lieu de se conglomérer en lobules parallèles au vaisseau ventral, les îlots, plus dispersés, s'étendent en largeur, du ganglion jusqu’au stigmate trachéen, en accompagnant les principales trachées. Chez Stigmatogaster subterraneus Leach, autre disposition (fig. 40, pl. XXXVI). Les cellules à carminate bordent toutes les masses adi- peuses et au lieu de se grouper en lobes prennent la forme de guir- landes qui rappellent les filaments périmalpighiens de la Scolopendre. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 635 Cependant, quelques groupes simulent encore des pseudo-acini et presque tous les éléments des chaînes sont pluricellulaires, ce qui les rapproche des cellules à carminate de Zithobius. Dans les animaux que je viens d'étudier, quelle que soit la dispo- sition, les cellules à carminate sont bien séparées du tissu adipeux, soit qu’elles se cantonnent en des régions où il n’y a pas de tissu adi- peux, soit qu’elles n'existent qu’à sa surface ou sur ses bords. Voici bien autre chose chez Fimantarium GabrwelisL. Aprèsinjection, pas de localisation du carmin ailleurs que dans le tissu adipeux, qui est rose. La couleur n’est pas due à un {on uniforme, mais à des corpus- cules rouges épars dans le tissu adipeux blanc. Les cellules à carmi- nate (e, fig. 41, pl. XXX VI) sont intimement mêlées aux lobes adi- peux a, qui sont des sphères agglomérées. Toujours en éléments éparpillés, elles sont accolées sur les sphères adipeuses ou bien sont de courtes chaînes soudant deux sphères, comme un tissu de passage entre le tissu adipeux proprement dit et les filaments con- jonctifs ordinaires. Si l’on ne connaissait que Æimantarium, on croirait que les cellules à carminate représentent de jeunes éléments du corps adipeux. Elles ont même distribution que lui, possèdent comme lui des grains pig- mentaires chromophiles et n’en diffèrent que par la taille et l’ab- sence complète de graisse. J’ai néanmoins la certitude que les cel- lules à carminate ne représentent pas le tissu adipeux jeune. D'abord, contre cette idée, nous pouvons rappeler leur localisation très par- ticulière chez certains animaux (Scolioplanes) et ces régions ne montrent jamais de graisse. D’autre part, bien que j'ignore leur développement, je puis dire que, chez les très jeunes animaux, les cellules à carminate existent concurremment avec le tissu adipeux et sont beaucoup plus vite développées que lui. Ainsi, chez Scolopendra cingulata immaturus (0%,03), les cellules à carminate sont développées comme chez l'adulte, tandis que les cordons adipeux, encore très réduits, ont un diamètre moins large que celui des filaments à car- minate. Et les cellules n’ont pas du tout le même arrangement. Dans 636 O. DUBOSCQ. les filaments à carminate, c’est la disposition en pile de monnaie, montrant une cellule unique en coupe transversale, avec un noyau plus ou moins central. Dans le Lissu adipeux, c’est l'état syncytial avec tendance des noyaux à se grouper à la périphérie, et souvent en coupe transversale nous trouvons plusieurs noyaux. Les cellules à carminate ne sont donc pas le tissu adipeux jeune. Néanmoins, les cellules à carminate sont morphologiquement équi- valentes au tissu adipeux. Si elles n’en sont pas un stade, elles doivent dériver de cellules mésenchymateuses pareilles. Remarquons d’abord qu'elles ont un arrangement analogue. Chez Scolopendra, où les cel- lules à carminate sont en cordons de diamètre toujours le même, les cellules adipeuses sont groupées en cordons d’un diamètre plus gros, mais assez peu variable. Chez Lifhobius et chez Geophilus, les cellules à carminate ressemblent aux cellules adipeuses de la Scolopendre, c’est-à-dire qu’elles sont plus massives, plus agglomérées, moins ré- gulières que les cellules à carminate de cet animal. Mais le tissu adi- peux des Lithobies et Géophiles exagère encore plus la disposition massive. Ce sont des lobes énormes qui témoignent d’une variation de même ordre dans le groupement. Autre preuve. Comparez une coupe de Scolioplanes à une coupe de Lithobius. Sans discussion possible, ce qui est masse adipeuse ven- trale chez Lithobius (av, fig. 81, pl. XXX VII) est groupe de cellules à carminate chez Scolioplanes (av, fig. 52, pl. XXX VII). Donc, les cellules à carminate sont des éléments d’origine con- jonctive ayant la propriété excrétrice. Elles ne forment pas le tissu adipeux, comme l’a cru Herbst, etelles ne forment pas davantage, comme il le croyait aussi, les globules sanguins, qui se reproduisent par mitose dans le sang, ainsi que je l’ai montré. Restent en discussion nos corpuscules de Kowalevsky. Doit-on les assimiler aux cellules à carminate ordinaires ? Je le crois. Kowalevsky a insisté sur leur pouvoir phagocytaire ; mais n’ai-je pas attribué la même propriété aux filaments acides? Kowalevsky appelle glandes lymphoides les glandes qui excrètent les substances solubles, et, RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 637 glandes lymphatiques celles qui ont la propriété phagocytaire. Glandes lymphoïdes et glandes lymphatiques sont souvent bien difficiles à distinguer, et le passage est insensible des unes aux autres. En les réunissant et les homologuant, nous comprenons la distri- bution des cellules à carminate des Chilopodes. Elles sont groupées, d’une part, autour des glandes salivaires (Lithobies, Géophiles) avec extension possible le long des tubes de Malpighi (Scolopendre); d'autre part, autour des vaisseaux ou sinus. Alors, elles peuvent être cantonnées à l'extrémité de certains vaisseaux latéraux (Scolopendra, Cryptops) ou le long d’un vaisseau principal (Scolioplanes, Geophilus), ou s'étendre le long des sinus (Chætechelyne et les autres Géophilides), tout comme le tissu adipeux. L'histoire des cellules à carminate des Géophilides est encore plus suggestive pour les homologies à faire dans les autres groupes d’ani- maux. Resserrez un peu plus, autour du vaisseau ventral, les cel- lules à carminate de Scolioplanes, et vous avez la glande de Blanchard du Scorpion. Au lieu qu’elles soient groupées autour du vaisseau ven- iral, supposez-les groupées autour du vaisseau dorsal, ce sera le cas des Insectes. Que les cellules à carminate de C'hætechelyne, qui des- cendent sous la chaîne nerveuse en l’enveloppant dans un sinus, se développent considérablement au-dessous de cette chaîne. Ne sera- ce pas alors la disposition des lules. Enfin, la dispersion, l’éparpille- ment de ces éléments chez imantarium, fait penser aux cellules phagocytaires des Talitres et aussi aux cellules de Leydig des Gasté- ropodes opisthobranches et pulmonés. V. DU SINUS PÉRIVISCÉRAL ET DU COŒLOME. Le terme de sinus périviscéral est nouveau. Ce qui est plus grave, c’est que la chose est aussi inconnue que le nom. Il n'existe pas une figure, pas une description du sinus périviscéral. Je n'aurais donc pas à faire d'historique en ce chapitre si je ne devais, pour être clair par la suite, rappeler quelques points du développement des Myriapodes 638 O0. DUBOSCQ. tel que nous l'ont montré les recherches de Zograf (83) et Hey- mons (98) sur Geophilus et Scolopendra, et celles de Heathcote (82) sur Julus. Le cælome, parfaitement développé chez l'embryon, ne fournit, chez l'adulte que l'organe génital et le septum péricardial. Voici de quelle façon : La couche extérieure étant rangée en ectoderme et les cellules vitellines étalées en endoderme à la surface du vitellus, la couche intermédiaire ou mésoderme s'organise en une série de paires de sacs qui déterminent la métamérie primitive (wrseymente). Ces sacs se forment sur la ligne ventrale, toute la région dorsale de l'embryon se développant plus tardivement. Peu à peu, ils s'étendent vers lehaut pour s’accoler finalement sur la ligne médiane dorsale. Un accole- ment pareil se produit sur la ligne médiane ventrale. Ce sont les cel- lules de l'extrémité des sacs qui, en s’accolant, forment le cœur et le vaisseau ventral. Alors les deux lames splanchniques et somatiques sont bien distinctes. La lame splanchnique recouvre l'intestin et donne naissance à ses muscles. La lame somatique recouvre le mé- senchyme extérieur. Mais par le développement du système muscu- laire et du corps adipeux, le cæœlome est étouffé; ses deux lames s ac- colent et la cavité disparaît presque entièrement. Il n’en reste que deux canaux dorsaux au-dessous du cœur, lesquels sont les organes génitaux, les cellules génitales provenant de la prolifération de leur paroi splanchnique. Ainsi, du cœlome ne resterait que l’organe géni- tal et aussi le septum péricardial, cavité virtuelle oblitérée par l’acco- lement des parois cæœlomiques. En résumé, les auteurs sont d'accord sur ces deux points : 1883. Zocrar. Matériaux pour l’histoire du développement de Geophilus ferru- gineus et proximus (en russe) [Trav. du laboratoire du Musée z0ologi- que de Moscou]. 4898. Hevmows. Zur Entwicklungsgeschichte der Chilopoden (St. d. K. P. Akad. Wiss. zu Berlin). 4883. HEarcucote. On the postembryonic development of Zulus terrestris (Proceed. R. Soc. London). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 639 4° autour de l'intestin existe, chez l'embryon, une cavité cæœlomique ; 90 cette cavité s'oblitère presque entièrement par la suite du déve- loppement. Je vais soutenir maintenant qu’il existe chez l’adulte une cavité périintestinale bien délimitée dont je discuterai ensuite la valeur. Soit une coupe transversale de la région médiane d’un Zxthobius immaturus (fig. 51, pl. XXX VII). Au centre est l'intestin I, dont la basale épithéliale est recouverte d’un réseau musculaire sp. Îl est dans une cavité, et quiconque a disséqué un Myriapode sait que l'in- testin flotte librement au milieu du corps, n’étant retenu dans la région moyenne par aucune bride. Il est rattaché aux autres tissus seulement dans ses portions œsophagienne et rectale. La paroi externe de la cavité nous est connue. C’est cette lame so- matique so que j'ai examinée dans l'étude du tissu réticulé. Sur la ligne médiane dorsale, elle comprend le cœur dont la paroi infé- rieure limite directement la cavité. Sur la ligne médiane ventrale est le vaisseau ventral, paroi également de la même cavité. Enfin, laté- ralement s'étend de part et d'autre la lame somatique transformée sur trois points en tissu adipeux. D'abord de chaque côté du cœur et contiguës à lui sont les cellules péricardiales cp. Au milieu s’éta- lent les masses moyennes am. Inférieurement, les masses adipeuses ventrales av, qui ne sont pas contiguës au vaisseau ventral (elles le sont chez la Scolopendre), descendent sur les côtés de la moelle. Cette lame somatique tapisse, en un mot, la musculature et le sys- tème nerveux. La disposition est pareille chez un Zithobius adulte. Le grand déve- loppement du tissu adipeux la rend moins apparente et donne lieu à des cavités secondaires. Ainsi, les masses ventrales av contournent le système nerveux et l’enveloppent en constituantun sinus périnervien qui a été plusieurs fois décrit. D’autre part, les masses latérales am s'étendent latéralement, rejoignent le tissu adipeux sous-épithélial et cloisonnent la musculature en deux champs, un champ dorsal et un champ ventral. Cela nous amène ainsi à une disposition 640 O. DUBOSCQ. rencontrée chez les Insectes et en particulier chez les Orthoptères. Comme nous avons étudié un Ztthobius jeune, nous n avons ren- contré dans le sinus périviscéral que les tubes de Malpighi. Si l’on coupe un Zithobius adulte dans la partie postérieure, la cavité ren- ferme les organes génitaux. Les tubes génitaux mâle ou femelle sont recouverts par une lame de tissu réticulé. On peut donc considérer qu'ils sont morphologiquement en dehors du sinus périviscéral. Cette interprétation est justifiée par l’étude de Scolopendra. Chez cet ani- mal, la paroi somatique du sinus périviscéral paraît en dedans des organes génitaux. Une différenciation particulière a subdivisé le sinus périviscéral en un sinus périintestinal proprement dit et un sinus génital compris entre le cœur et la lame somatique. Ce qui prouve bien qu'il faut considérer les organes génitaux comme en dehors de ce sinus. Voici une autre remarque plus importante. Aucun vaisseau, aucune trachée ne traverse le sinus périviscéral. Aussi, fait remarquable, l'intestin moyen ne reçoit directement aucun vaisseau ni aucune trachée, qui n'existent d’ailleurs pas du tout dans la région moyenne, et si l’on en trouve aux régions antérieure et postérieure, c’est qu’ils se sont insinués par le point où la paroi somatique s’unit à la splan- chnique. Il n’en est pas ainsi pour les organes génitaux abondamment pourvus de vaisseaux et trachées. Autre raison pour les considérer comme en dehors du sinus. Comment se terminent en avant et en arrière le sinus périviscéral? L'étude de coupes en série d’un Zithobius peut nous lapprendre. En avant (fig. 20, texte), les deux lames se rapprochent de plus en plus et deviennent indistinctes au niveau de la tête. Quant aux glandes salivaires, elles ont repoussé en doigt de gant le sinus et se sont logées dans ces enfoncements antérieurs qui entourent les glandes salivaires, tout en les maintenant en dehors d’elles. C’est du moins ce que l’on voit chez Lithobius; car, chez les Géophiles (fig. 52, pl. XXX VII), la partie externe de la lame splanchnique s'est nette- ment séparée de la partie interne qui tapisse les glandes et l'intestin, RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 641 d’où glandes et intestin sont enfermés dans un sinus placé à l’inté- rieur du sinus périviscéral proprement dit. Fig. 20. Coupe d’un Lithobius au niveau de l’æœsophage. so, lame somatique ; sp, lame splanchnique transformée en cellules à carminate ; I, œsophage; gs, glandes salivaires, En arrière (fig. 21, texte), le sinus périviscéral se prolonge jusqu’à l’origine du rectum sans se modifier. Il com- mence à perdre sa paroi supérieure par dispari- tion progressive du cœur et des masses adipeuses sous-épithéliales. Au so.!\ moment où les organes génitaux passent au- dessous de l'intestin, ment le sinus périviscéral se Coupe d’un Lithobius au niveau du rectum. montre séparé des au- so, lame somatique; sp, lame splanchnique; Z, rectum, ; gg, organes génitaux. tres cavités par une simple cloison qui existe jusqu’à l'extrémité du corps, entre le rectum et les glandes génitales. Je rappelle que le sinus périviscéral communique librement avec les autres cavités du corps dans le cas quiest général de tissu réticulé ARCH. DE ZOOL, EXP. üT GEN,— 30 SÉRIE, — T. VI. 1898. 41 642 O. DUBOSCQ. à mailles vides. Chez les Géophiles, où les mailles du tissu réticulé sont pleines, il y a quelques orifices à des endroits variables et con- stamment au niveau des ostioles. 11 n'existe dans le corps aucune autre cavité sanguine aussi bien limitée que le sinus périviscéral. Le sinus dorsal compris entre les attaches supérieures du corps peut être signalé cependant; puis, chez la Scolopendre, les sinus aliformes, qui n'existent pas en tant que sinus chez les petits Chilopodes. Quant au sinus périnervien, il est si largement ouvert par endroits à la partie inférieure, qu'ii n’a pas plus de valeur que les cloisons latérales formées au point où les masses adipeuses moyennes rejoignent le tissu adipeux sous-épithélial. Le sinus périviscéral a beau communiquer largement avec toutes les autres cavités sanguines, on y trouve fort peu de globules du sang, qui sont, au contraire, nombreux dans le sinus dorsal et le sinus périnervien. Nul doute cependant que le liquide sanguin n'y circule comme ailleurs. | Quelle est la valeur morphologique du sinus périviscéral? À pre- mière vue, la coupe d’un animal adulte, telle que je la fais con- naître, a beaucoup de rapports avec celle des embryons ou avec une coupe d’Annélide. On ne peut objecter l'absence de mésentères. Ils ont pu disparaître, puisque l'intestin n'a pas de vaisseaux. Chez le Scorpion, qui a un développement semblable à celui de nos Myria- podes, Brauer (95) a bien montré que la fusion des sacs devenait complète et que la cavité cæœlomique faisait le tour de l'intestin. Mais une étude attentive nous montre que, chez nos Chilopodes, les tubes de Malpighi flottent dans la cavité, quand ils devraient être, au contraire, recouverts par la lame splanchnique ; que ce cœ- lome hypothétique aurait pour limite à certains endroits la paroi même des vaisseaux (vaisseau dorsal et ventral), qu'il commu- nique largement avec les diverses cavités sanguines et que les artères débouchent en lui à plein canal (voyez mes recherches sur la termi- 4895. À. Brauer. Beiträge zur Kenntniss der Entwicklungsgeschichte des Skorpions (Zeischr. [. wiss. Zool.). RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 643 naison des vaisseaux, où je conseille l'étude de la lame somatique de la Scolopendre) ; enfin, il aurait pour limite non un épithélium, mais du tissu réticulé. Or, il est certain que les organes génitaux représentent le cælome. Ils ne communiquent nullement avec le sinus périviscéral. Situés dans sa cavité, ils sont tapissés par une couche conjonctive qui les met morphologiquement hors de lui. Et, caractère histologique im- portant, ils présentent dans toute leur étendue le caractère épithélial pur. Leur paroi est faite soit d’un épithélium à hautes cellules grou- pées souvent en villosités, soit d’un endothélium plat à cellules po- lygonales par pression réciproque (fig. 46, pl. XXX VII) tel qu’on ne le trouve nulle part ailleurs dans les tissus dérivés du mésoderme. Dans ces épithéliums, aucun orifice ne permet la communication avec les cavités sanguines. Les rameaux trachéens #r qu’on y voit ne Sont pas des canaux creusés dans les cellules elles-mêmes, mais elles ont très nettement leurs noyaux propres et rampent toujours à la surface externe. Donc, tout concourt à démontrer que le cœlome n’est représenté chez nos animaux que par l'organe génital. Le sinus périviscéral que j'ai fait connaître est une cavité sanguine formée sans doute secon- dairement après l’oblitération du cœlome. Il est de toute importance cependant d'en déterminer la genèse, car si l’on prouvait qu'il dérive de la cavité des sacs cœlomiques, beaucoup d’affirmations, qui pas- sent pour des dogmes, seraient anéanties. En terminant, j’attire l'attention sur la simplicité de structure des Chilopodes. Non seulement leur symétrie bilatérale est parfaite ; mais, chose bien plus remarquable, ils ont encore une symétrie mor- phologique réelle déterminée par le plan horizontal passant au mi- lieu du corps. Qu on observe une coupe de jeune Ghilopode (fig. 51, pl. XXXVII), en imaginant la ligne, trace du plan horizontal médian. Les champs musculaires supérieurs sont homologues aux champs musculaires inférieurs. L’intestin est coupé en deux moitiés égales ainsi que le 644 O. DUBOSCQ. sinus périintestinal. Sur la ligne médiane dorsale, voici le vaisseau dorsal avec la chaîne sympathique au-dessus de lui. Sur la ligne médiane ventrale, c’est le vaisseau ventral avec la moelle au-dessous de lui. Seuls les organes génitaux, si la coupe les rencontrait, ne seraient que dans la moitié supérieure. Mais ne l’oublions pas, s'ils sont limités à la moitié dorsale, c’est par l’atrophie latérale et ven- trale du tore cœlomique, et vers la partie postérieure du corps on retrouverait l'anneau cælomique entier entourant l'intestin. Le déve- loppement de ces êtres justifie ces remarques. L'embryon de Chilo- pode réalise le schéma le plus simple qu'ou puisse donner d'un Ar- thropode. Fred. FF . Fe o10 Rice: 42% 13. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 645 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXXI. Coupe du tégument d’un tergum de Lithobius piceus C. K. er mue. ch.a, chi- tine achromatique ; ch.b, chitine chromophile ; ch.c, chitine lamelleuse acidophile ; g, granules chromophiles ; s, cellule sensorielle ; 7, noyau de l'enveloppe de la cellule sensorielle ; ge, groupe de cellules épithé- liales serrées au-dessus de la cellule sensorielle. (Flemming. Safranine. Acide picrique.) Coupe du tégument de l’angle postérieur du tergum de Lithobius mutabilis C.K. juvenis. fm, fibre musculaire.(Flemming. Perman ganate Safranine) . Coupe du tégument d’un tergum de Scolopendra cingulata Lair. ch.a, chi- tine achromatique ; ch.b, chitine chromophile ; ch.c, chitine lamelleuse acidophile ; a, anneau du poil ; em, cellule mère du poil ; cg, cellule glandulaire; €, canal et ampoule intracellulaire de la cellule glandulaire. (Sublimé acétique. Hématoxyline. Éosine.) - Coupe des pseudo-poils d’un stigmate trachéen de Scolopendra cingulata Latr. éc, tissu conjonctif. (Perenyi. Hématoxyline. Éosine.) . Coupe tangentielle oblique de l’épithélium tégumentaire de Lithobius piceus C. K. n, noyau épithélial fm, fibre musculaire. (Flemming. Safranine.) . Épithélium du tégument des boucliers ventraux de Scutigera coloptraia L. vue à plat. c, canal du poil; s, cellule sensorielle ; ge, groupe de cel- lules épithéliales serrées; #, noyau du névrilemme; fp, fibrille DER at ? (Perenyi. Hématoxyliñe. Éosine.) Épithélium du segment d'une autre région d’un sternum de stature coleoptrata L. vu à plat. n, noyau. (Perenyi. Hématoxyline. Éosine.) Fibres musculaires s’insérant directement sur le tégument d’un Lithobius piceus C. K. ch.a, chitine achromatique; ch.b, chitine chromophile ; ch.c, chitine lamelleuse acidophile ; /e, fibrilles épithéliales ; ge, plasma granuleux épithélial ; ne, noyau épithélial; b, basale ; fm, fibrilles muscu- laires lisses (myoplasme) ; sm, fibrilles musculaires striées (myoplasme); gm, plasma granuleux musculaire (sarcoplasme). (Flemming. Safranine. Acide picrique.) PLANCHE XXXII. . Tégument du fémur de la forcipule de Lithobius Martini Brël. (Coupe épaisse à main levée.) n, nerf; S1-S.-S,, cellules sensorielles ; {r, tra- chée ; {.tr. terminaison de trachée ; m, muscle. (Ehrlich. Mélydate ) PLANCHE XXXIII. Épithélium tégumentaire d’un tergum abdominal de Eristalis tenax Fabr. (Ehrlich). Fibres musculaires d’une patte de Scolopendra cingulata Latr. avec le ré- seau conjonctif; n, nerfs ; f.{r, terminaison trachéenne. (Ehrlich.) Deux poils de la hanche de Lithobius piceus C. K. avec les cellules senso- rielles. (Ehrlich.) . Une cellule sensorielle d’un poil de la forcipule de Lithobius Marlini Brül. n, noyau ; &, anneau chromatique ; h, hampe chromatique ; pc, prolon- gement cylindraxile. (Ehrlich.) 646 Fig. F1. 15e 16. 18. 19e 20 21° 22e 23. 24e 25e O. DUBOSCOQ. Appendice génital © de Scutigera coleopirata L. s.s, groupe de cellules sensorielles. (Ehrlich.) Hanche de la forcipule de Scutigera coleoptrata L. s, cellule sensorielle. (Ehrlich.) PLANCHE XXXIV. Scolopendra cingulata ouverte par la face dorsale. gv, glande venimeuse ; ga, glande antérieure ou glande des fuleres; gm, glande moyenne ou glande de la deuxième mâchoire ; gp, glande postérieure ou glande de la première paire de pattes. Labre de Scolopendra cingulata Latr. ga, canal de la glande antérieure. Deuxième mâchoire de Scolopendra cingulata Latr. gm, canal de la glande moyenne. Scolorendra cingulata vue latéralement. sf, stigmate trachéen ; gp, orifice de la glande postérieure. Coupe d'une glande antérieure de Scolopendra cingulata Latr. c4, canal excréteur de premier ordre ; ©, canal extérieur de deuxième ordre ; C3, Canal excréteur de troisième ordre ; c,, canal excréteur de quatrième ordre ; L, lobe ; L, lobule: ng, noyau glandulaire ; #5, noyau interstitiel; cs, cellule remplie de sécrélion; cv, cellule vide; o, coupe du canal intracellulaire ; v, vaisseau : tr, trachée; a, tissu adipeux ; f{, cellule à carminate, coupe transversale ; fl, cellule à carminate, coupe longitu- dinale. (Sublimé nitrique. Hématoxyline. Lichtgrün.) Coupe d’une vésicule de glande postérieure de Scolopendra cingulata Latr. c, canal excréteur; à, incisure ; ch, intima; {c, tunique conjonctive. (Perenyi. Hématoxyline. Éosine.) Cellules à carminate de Lithobius pilicornis Newp. Deux cellules des glandes ventrales de Himantarium Gabrielis L. n, noyau; fm, fibres musculaires. (Perenyi. Carminate d’ammoniaque.) Globules du sang de Scolopendra cingulata Latr. (1-29), de Stigmatogaster sublerraneus Leach. (30-31), de Lithabius pilicornis Newp. (32-34). 1-2-3, globules vivants, état naturel; 4-6, globules altérés ; 7-9, phago- cytose de la bactérie de l'encre de Chine; 10, phagocytose du bacille typhique ; 41, globule à grains métachromatiques, après injection du bacille typhique ; 12, dégénérescence atrophique ; 13, dégénérescence hypertrophique ; 14-15, phagocyiose des globules morts; 16, globule légèrement altéré ; 17, glabule moyen à grand noyau; 18, grand glo- bule à petit noyau ; 49, grand globule à grand noyau étranglé; 20, petit globule à grand noyau; 21, petit globule à petit noyau ; 22, globule à grains basophiles ; 23, globule à deux noyaux; 24, amitose ; 25, globule avec corps tingibles ; 26-28, mitoses ; 29, grand globuie à grand noyau; 30-31, globule à grains basophiles ; 32-33, globule moyen à grand noyau; 34, mitose. Tecanique. Fig. 4 à 6. Dans le sérum sur huile. 7 à 9. Sublimé. Bleu de méthylène. 29. Perenyi. Hématoxyline au fer. 10-34. Liquide cupro-osmique. Thionine. RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 647 PLANCHE XXXV. Fic. 25 (Suite) 35, 36, 37. Globules du sang ayant phagocyté l'encre de Chine. FrG. (Perenyi. Hématoxyline.) 26. Scolopendra cingulata Latr. ouverte (partie antérieure et dorsale). sa, sinus aliforme ; vd, vaisseau dorsal; aa, anneau aortique ; cK, corpuscule de Kowalevsky. (Injection vitale d'encre de Chine.) 97. Scolopendra cingulata Latr. ouverte (partie antérieure et ventrale). vv, vais- seau ventral ; aa, anneau aortique; cK, corpuscule de Kowalevsky; ta, tissu adipeux. (Injection vitale d’encre de Chine.) 98. Scolopendra cingulata Latr. ouverte (partie postérieure et ventrale). vv, vais- seau ventral; cK, corpuscule de Kowalevsky; fp, faisceau des pleuræ postice ; éa, tissu adipeux; r, rectum; ga, glande accessoire des organes génitaux. (Injection vitale d'encre de Chine.) 29, Forcipule de Scolopendra cingulata ouverte par la face buccale. gv, glande venimeuse ; €, son canal; af, artère forcipulaire. (Injection vitale d'encre de Chine.) 30. Patte de Scolopendra cingulala. (Injection vitale d’encre de Chine.) 31. Terminaison des vaisseaux de la lame somatique de Scolopendra cingulata Latr. im, terminaison en massue; {p, terminaison en pointe ; d, bride terminale : tr, trachées. (Injection vitale d’encre de Chine.) 39, Chaîne nerveuse avec le vaisseau ventral de Cryptops hortensis Leach. vv, vaisseau ventral; ap, artère de la patte ; cK, corpuscule de Kowa- levsky. (Injection vitale d'encre de Chine.) 33. Partie postérieure de Chætechelyne vesuviana Newp. vv, vaisseau ventral; p, branche bifurquée se terminant aux pleuræ postice; a, artère des glandes anales. (Injection vitale d'encre de Chine.) 34. Vaisseau ventral de Scolioplanes maritimus Leach. (vu à plat). (Perenyi. Hématoxyline. Lichtgrün.) 35. Cellules à carminate de Scolopendra cingulala Latr. ph, cellule ayant pha- gocyté l'encre de Chine. (Injection vitale d’encre de Chine.) PLANCHE XXXVI. 25 (Suite). Globules du sang de Scolopendra cingulata Latr. 38 à 40, grains acidophiles. (Iode. Fuchsine acide.) 41 à 46. Absorption de carminate d'ammoniaque(Perenyi. Hématoxyline.) 36. Scolioplanes maritimus Leach. c, cellules à carminate ; gs, glandes sali- vaires. (Disséqué six jours après l'injection de carminate.) 37. Scolioplanes marilimus Leach. (Deux segments de la préparation précé- dente vus à un plus fort grossissement.) c, cellules à carminate ; à, tissu adipeux; vu, vaisseau ventral. 38. Lobules à carminate de Scolioplanes. (La préparation précédente vue à un fort grossissement.) oc, vacuole remplie de carminate. 39, Lobules à carminate de Scolioplanes marilimus non injecté. !, lobule ; n, noyau; ({c, tissu réticulé; tr, trachées. (Perenyi. Hématoxyline. Lichtgrün.) 40. Stigmatogaster subterraneus Leach, (Deux segments de la région moyenne étalés et vus par la face ventrale). c, cellules à carminate ; à, tissu adi- peux. (Injection de carminate, 5 jours. Perenyi. Hématoxyline.) 648 e O. DUBOSCQ. Fic. 41. Tissu adipeux de Himantarium Gabrielis L. a, sphérule adipeuse ; c, cellule Fic. 42. à carminate. (Injection de carminate, 5 jours. Perenyi. Hématoxyline.) Cellules à carminate de Scolopendra cingulata Latr. A droite, coupe trans- versale du filament; à gauche, coupe très oblique du filament. (Injection de carminate, 3 jours. Perenyi. Hématoxyline.) 43. Cellules d’une coupe transversale de la glande venimeuse de Scolopendra ke. 45. 46. 4T. cingulata Latr. N, noyau; n, nucléole ; nv, nucléole de venin; vw, cor- puscules éosinophiles intranucléaires ; w, boules éosinophiles homo- gènes ; %, boules granuleuses ; v3, venin. (Sublimé. Hématoxyline. Éosine.) PLANCHE XXXVII. Fragment de coupe mince de corpuscule de Kowalevsky de Scolopendra cingulata Latr. a, amæbocyte ; !, lymphocyte ; m, mitose; g, granules chromophiles. (Flemming. Safranine.) Fragment dissocié d’un corpuscule de Kowalevsky de Scolopendra cingu- lata Latr. a, amæbocyte ; !, lymphocyte ; r, trame; g, granules chro- mophiles ; ga, globule graisseux. (Liquide cupro-osmique. Thionine.) Épithélium d’un follicule de l’ovaire de Scolopendra cingulata L. ni, noyau interstitiel : tr, trachée. (Sublimé. Hématoxyline. Éosine.) Réseau musculaire de l’ovaire de Lithobius pilicornis Newp. à, ilot non nucléé. (Perenyi. Hématoxyline. Éosine.) 48. Vaisseau dorsal et lame somatique de Scolioplanes marilimus Leach. gn, ganglion nerveux ; fa, muscles aliformes; o, orifice. (Perenyi. Héma- toxyline. Eosine.) 49. Tissu réticulé de la lame somatique de Scolioplanes marilimus Leach. o, orifice. (Perenyi. Hématoxyline.) 30. Tissu réticulé de la lame somatique de Lithobius pilicornis Newp. n, noyau; p, pigment. (Perenyi. Rouge Congo.) 51. Coupe transversale de la région moyenne de Lithobius mutabilis C. K. im- . maturus. À, intestin ; ém, tubes de Malpighi; sp, lame splanchnique (museles de l'intestin); s0, lame somatique du sinus périviscéral ; vd, vais: seau dorsal; vv, vaisseau ventral; fa, muscles aliformes; cp, cellules péricardiales ; am, masse adipeuse moyenne; av, masse adipeuse ven- trale : à, tissu adipeux sous-épithélial ; m, muscles. (Flemming. Safra- nine. Acide picrique.) 59. Coupe transversale de la région antérieure de Scolioplanes marilimus Leach. i, œsophage; gs, glandes salivaires ; sp, lame splanchnique du sinus périviscéral; so, lame somatique ; vd, vaisseau dorsal; vv, vaisseau ventral ; cp, cellules péricardiales ; am, masse adipense moyenne ; av, cellules à carminate ; m, muscles; tr, trachée. (Sublimé. Thionine.) RECHERCHES SUR LES CHILOPODES. 649 TABLE DES MATIÈRES. Pages INTRODUCTION ae hu: DRE OA Pre SOI EP RESPRRET EC AO ILE RE NE CE 481 ÉCANIQUES 0 ee AA NAN M RL RS MR OS 6, ARLES NS 483 PREMIÈRE PARTIE. DE L'ÉPIDERME. I. STRUCTURE DES TÉGUMENTS. Historique. — De la chitine. Chitine des parties squelettiques. Chitine des articulations. — De l’épithéliutn proprement dit. Rapport des cellules épithéliales entre elles et avec les muscles............................ 491 II. CELLULES SENSORIELLES. Historique. — Descriptions des préparations obtenues par la méthode d'Ehriich : par la méthode de Golgi; par les méthodes genérales. — Discussion et conclusions. — Remarques sur la sensibilité, l’agilité et ID ÉOME Re ee cesse less se ieas ARE DO 1. 0) III. GLANDES ÉPIDERMIQUES. Glandes simples ou épithéliales. Glandes complexes ou paraépithéliales. Glandes ventrales, — Historique. — Les glandes ventrales de Chztechelyne vesuviana Newp. Glande venimeuse. — Historique. — La glande venimeuse de la Scolo- pendre. Anatomie. Histologie. Formation du venin. — Glande venimeuse des autres Chilopodes. — Effets du venin de la Scolopendre............ 529 IV. GLANDES MÉTAMÉRIQUES DES SEGMENTS ANTÉRIEURS. Historique. — Anatomie des glandes. Glande postérieure. — Glande anté- rieure et moyenne. — Histologie des glandes. Glande postérieure. — Glande antérieure et moyenne. — Valeur morphologique des glandes métamériques..... D 0 Br ATEN 0 D EN VAE ESS SERRES Shi DEUXIÈME PARTIE. DU MÉSENCHYME. |. ANATOMIE DU SYSTÈME CIRCULATOIRE. Historique. — Système circulatoire de la Scolcpendre. — Corpuscules de Kowalevsky. Cas du Cryptops. — Absence des corpuscules de Kowa- laShwenerles autres Chilopodes:. sn... ne. 569 Il. HISTOLOGIE DU SYSTÈME CIRCULATOIRE. Historique. — Structure du vaisseau dorsal. Péricarde et ostioles. — Ter- minaison des vaisseaux. — Corpuscules de Kowalevsky : leur structure, L'ÉTAGE TD D dtie robe RP MU DB DOI dE OO ER ice 210 III. LE SANG. Historique. — Le liquide sanguin. — Les globules : leurs caractères, — Mitoses. — Phagocytose.......,,,.., DNA NE ART RC ND à 1508 650 O0. DUBOSCQ. Pages. IV. LE TISSU CONJONCTIF. Tissu réticulé. — Historique. — Tissu réticulé à mailles pleines. Tissu réticulé à mailles vides. — Pigment. — Réseaux musculaires. Tissu adipeux. — Historique. — Structure : glande close. Cellules à carminate. — Historique. — Gellules à carminate de Scolopendra. — Cas de Scutigera. — Cellules à carminate de Lithobius. — Cellules à carminate des Géophilides. -- Valeur morphologique des cellules à car- MINATENEE ME AE A EE PSE I RS UD 0 SSSR 611 V. Du SINUS PÉRIVISCÉRAL ET DU CŒLOME. Développement du cæœlome d’après Zograf et Heymons. — Le sinus péri- viscéral. Sa signification. Simplicité de structure des Chilopodes : double symétrie................ 037 TT ns UM Dodo ou à EE Son DS) EXPLICATION DES PLANCHES... TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 3e SÉRIE. TOME VI Acera bullata (voir H. de Lacaze-Du-. thiers, p. 391). Allis (E. Phelps). Les muscles crâniens, les nerfs crâniens etlespremiers nerfs spinaux chez l'Amia calva, p. 63. Amia calva (voir E.-Ph. Allis, p. 63). Aplysie (voir H. de Lacaze-Duthiers, p.373). Archives (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 34). Bacs-filtres du laboratoire de Roscoff (voir L. Boutan), N. etR., p. xvii. Blatte (Région absorbante dans l’intes- tin de la) [voir L. Cuénot], N.etR., D-ExXV. Bombyx du chêne (voir J.-H. Fabre, p. #43). Boutan (L.). Les bacs-filtres du labora- toire de Roscoff pour l'élevage des embryons, N. et R., p. xvir. — L'instantané dans la photographie sous-marine, p. 299. — Mœurs de l’Eolis papillosa, N. et R., P- XXXVII. — Notesurlafixationet l’éclaircissement des embryons entiers (d’après E. Con- Eklin); N°et R., p. xv. Bouvier (E.-L.) et Fischer (H.). Étude monographique des Pleurotomaires actuels, p. 115. Chilopodes (Recherches sur les) [voir O. Duboscq, p. 481]. Chilopodes (Globules sanguins et cel- lules à carminate des\ [voir O0. Du- boscg], N. et R., p. xI. Coccidies (Microgamètes des) [voir L. Lé- genUN et R., p. xx. Compte rendu bibliographique,N.etR., He EXXIX. Congrès international de zoologie (voir G.Pruvot), N.etR.,p.xxx1, XLVIeË LVI. Conklin (E.) [voir L. Boutan], N.etR., DAV: Cuénot (L.). La région absorbante dans l'intestin de la Blatte, N.et R., p.Lxv. Cycloporus papillosus (voir P. Fran- cotte, p. 250). Dedekind (A.). La pourpre verte et sa valeur pour l'interprétation des écrits des anciens, p. 467. — Sur la fausse pourpre des anciens, N.etR., p. LxIx. — (voir 4. Robert), N.et R., p. zxurr. Dispersion des espèces terrestres (voir PH Marchul}, N°ret/R%D'xEtr- Dolabelle (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 384). 3 Duboscq (0.). Recherches sur les Chilo- podes, p. 481. — Sur les globules sanguins et les cel- lules à carminate des Chilopodes, N. ER ND EE — Sur l’histogenèse du venin de la Scolopendre, N. et R., p. xuIx. Embryons (Fixation et éclaircissement des) [voir L. Boutan], N.et R., p. xv. Eolis papillosa (voir L. Boutan),N.etR., P. XXXVII. Éponges (voir H. de Lacaze-Duthiers), N. et R., p.11. Éponges de la Calle (voir E. Topsent), NENCER RE D RRRETT Éponges (Digestion chez les) [voir E. Topsent], N. et R., p. xxvi. Fabre (J.-H.). Souvenirs entomologi- ques, p. 429. Filet pélagique à fonctionnement très rapide (voir C. Vigquier),N. et R., p. vi. 652 Fol(Souvenir d'Hermann) [voir H. de La- caze-Duthiers, p. 32]. Francotte (P.). Recherches sur la matu- ration, la fécondation et la segmenta- tion chez les Polyclades, p. 189. Gastéropodes(Ganglions palléaux et sto- mato-gastriques de quelques) [voir H. de Lacaze-Duthiers, p.331]. Hadromerina. Classification (voir E£. Topsent, p. 91). Hagenmuller (P.). Sur les hémosporidies d’un Ophidien du système européen, NACRE DATE Halichondrina (voir E. Topsent, p. 93). Haminea hydatis (voir H. de Lacaze- Duthiers, p. 398). Hémosporidies d’un Ophidien P. Hagenmuller), N.et R., p. Li. Howard (0.) [voir P. Marchal], N.etR., De ue Laboratoire Arago (voir H. de Lacaze- Duthiers, p. 16). Laboratoire de Roscoff (voir H. de La- caze-Duthiers, p. 1). Laboratoires de Roscoff, Banyuls(Surles) et les Archives (voir H. de Lacaze-Du- Lhiens-p°410; Lacaze-Duthiers (H.de). Sur les labora- toires de Roscoff, Banyuls et les Ar- chives, p. 1. — À propos du travail sur les Pleuroto- maires, p. 181. — Les Éponges sont-elles des Cœlen- térés? Net R., pr. — Les ganglions dits palléaux et le sto- mato-gastrique de quelques Gastéro- podes, p. 331. Léger (L.). Sur la morphologie et le dé- veloppement des microgamètes des Coccidies, N. et R., p. xx. Leptoplana pallida (voir P. Francotte, p. 239). Loisel (G.) [voir E. Topsent, N. et R.. P- XXVI]. Marchal (P.). La dispersion des espèces terrestres en général et des Insectes en particulier par l'influence de (voir l’homme (d’après O. Howard),N.etR., p-. XLII. Monaxonides de France (voir E. Top- SeNCD 01) TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. Note de la direction, N. et R., p.t. Paon (leGrand) [voir J.-H. Fabre, p.429]- Philine aperta (voir H. de Lacaze-Du- thiers, p. 402). Photographie sous-marine (voir L. Bou- Lan Mp=1299): Pleurotomaires actuels (voir E.-L. Bou- vier et H. Fischer, p. 115). Pleurotomaires (A propos du travail sur les) [voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 181]. Polyclades (voir P. Francotte, p.189). Pourpre verte (voir À. Dedekind, p. 467). Pourpre (Sur la fausse) [voir À. Dede- kind, Net Rp. rxx|: Pourpre (voir À. Robert, N. et R., Dex) Prostheceræus vittatus (voir P. Fran- cotte, p. 243). Prosthiostomum siphunculus (voir P. Francotte, p. 190). Pruvot (G.). Les travaux du quatrième congrès international de zoologie, N. Et RP: XLVIET ENVI. — Le quatrième congrès international de zoologie, N. et R., p. xxxr. Robert (A.). Contribution à l'étude de la Pourpre (d’après 4. Dedekind, N. CLR DTA Scaphander lignarius (voir H. de Lacaze- Duthiers, p. 106). Scolopendre (Venin de la) [voir O. Du- bosca, N.1et R., p- xx]. Tethys fimbriata (voir C. Viguier, p. 37). Topsent (E.). Sur quelques Éponges de la Calle recueillies par M. A. de Lacaze- Duthiers N°vetrR pme Topsent(£E.). De la digestion chez les Éponges (d'après G. Loisel), N. et R., DVI — Introduction à l'étude monographi- que des Monaxonides de France. Classification des Hadromerina, p. 91. Viguier (C.). Sur un filet pélagique à fonctionnement très rapide, N. et R., CAD VI — Recherches sur les animaux infé- rieurs de la baie d'Alger. — V. Con- tribution à l'étude du développement de la Tethys fimbriata, p. 37. TABLE DES PLANCHES 32 SÉRIE. TOME VI PI. 1 et Il. — Vues du laboratoire Arago. IT. — Vue intérieure d'un aquarium réservé. [A'É — Appareil à sonder du Roland. V. — Le bassin de radoub Saint-Pierre. VL. — Vue de la tranchée qui sépare le laboratoire Arago de la mon- tagne. VII, VIII et IX. — Développement de la Tethys. X, XI, XII et XIII. — Anatomie des Pleurotomaires. XIV et XV. — OEufs de Polyclades, Prosthiostomum siphunculus. AVE —- — Prosthiostomum siphunculus et Lepto- plana pallida. XVII. — _ Cycloporus papillosus et Prostheceræus vitiatus. XVIII. — — Cycloporus papillosus. AIX. D — Cycloporus papillosus et Prostheceræus vittatus. XIX bis. — Extérieur du Cycloporus papillosus. XX. — Photographie sous-marine. Vue instantanée de Poissons. XXI. — Paysage sous-marin. XXII. — Portrait instantané d’un scaphandrier. XXIIT. -— — d'un plongeur. XXIV. — Système nerveux de l’Aplysie et de la Dolabelle. XXV. — — de l’Acera et de l'Haminea. XXVI — — de la Philine. LATE _ du Scaphander. XXVIII, XXIX et XXX. — Photographies et dessins exécutés avec la matiere à pourpre. XXXI — Chilopodes. Épithélium tégumentaire. XXXII — — Cellules sensorielles. XXXIIT. — — — Epithélium. AXXIV. — — Glandes. Sang. XXXV. — — Circulation. XXXVI, — —— Cellules à carminate. Glande venimeuse. AXXNII. — — Tissu conjonctif. Cœlome. 654 Fig. Fig. Fig. Fig. D CORNORE Œ = © | | TABLE DES PLANCHES, FIGURES DANS LE TEXTE. MÉMOIRE DE M. PH. ALLIS SUR LES MUSCLES ET LES NERF3 CRANIENS DE L'Amia calva. . -— Tête d’Amia adulte, ouverte par la face supérieure, p. 67. . — Masse ganglionnaire trigémino-faciale de l'Amia, p. 72. . — Base de l’encéphale de l'Amia, p. 78. . — Tête d’Amia adulte, disséquée par la face inférieure, p. 83. MÉMOIRE DE MM. E.-L. BOUVIER ET H. FISCHER SUR LES PLEUROTOMAIRES ACTUELS. . — Système nerveux du Chiton fascicularis, p. 163. . — — hypothétique intermédiaire entre celui des Chitons et celui des Pleurotomaires, p. 169. — — du Pleurotomaria quoyana, p. 170. — — dialyneure des Trochidés, p. 171. presque zygoneure du Cyclophorus, p. 172. — — zygoneure du Triton, p. 172. MÉMOIRE DE M. P. FRANCOTTE SUR LES POLYCLADES. . — Centrosome, fuseau périphérique et vésicule germiuative d’un œuf de Prostheceræus, p. 245. MÉMOIRE DE M. L. BOUTAN SUR LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE. 1. — Premier appareil de photographie sous-marine du laboratoire Arago, p. 309. 2. — Deuxième appareil, p. 310. 3. — Troisième appareil, p. 313. k. — Châssis à six plaques de l'appareil précédent, p. 314. 5. — Réglage de la mise au point de l'appareil, p. 317. 6. — L'appareil au moment de l'immersion, p. 320. 7. — Procédé pour la prise d’un instantané par un scaphandrier, p. 324. 8. — Prise d’un instantané à bord d’un bateau, p. 396. MÉMOIRE DE M. H. DE LACAZE-DUTHIERS SUR LES GANGLIONS DITS ( PALLÉAUX ». 1. — Système nerveux de l'Ancylus fluviatilis, p. 343. . 2. — — de la Limax agrestis, p. 344. 3. — — de la Clausilia nigricans, p. 345. h. — — de l’Helix aspersa, p.346. 5. — Collier æœsophagien du Stenogyra decolata, p. 346. 6. — Type de Mollusque gastroneuré, p. 365. 7. — — notoneuré, p. 365. _ TABLE DES PLANCHES. 655 Fig. 8. — Type de Mollusque pleuroneuré, p. 366. 9. — — strepsineure aponotoneuré, p. 367. 10. — — — épipodoneuré, p. 367. MÉMOIRE DE M. O0. DUBCSCQ SUR LES CHILOPODES. Fig. 1. — Coupe d’un bouclier ventral de Chælechelyne vesuviana, p. 498. 2. — Coupe d’une branchie d’Oniscus murarius, p. 505. 3. — Cellules sensorielles de Lifhobius piceus, p. 511. 4. — Fragment d’une patte de Scutigera coleoptrata, p. 514. 5. — Patte de Geophilus linearis, p. 515. . 6. — Bord interne d'une antenne de Geophilus longicornis, p. 516. 7. — Extrémité d'une patte de Lithobius hexodus, p. 518. 8. — Coupe transversale du huitième segment de Chætechelyne vesuviana, p. 532. 9 et 10. — Glandes ventrales de Chætechelyne vesuviana, p. 533. 11. — Forcipule ouverte par la face buccale, p. 539. 12. — Coupe transversale de la glande venimeuse de Scolopendra cingulata, p. 540. 43. — Canal excréteur de la glande venimeuse, p. 541. 14. — Réseau de la tunique de la glande venimeuse de Lithobius, p. 548. 15. — Glande venimeuse de Chætechelyne vesuviana, p. 549. 16. — Coupe transversale du cœur et du péricarde de Scolopendra cingu- lata, p. 5835. 17. — — théorique d’une ostiole, p. 586. 18. — Coupes en série du cœur de Scolopendra cingulata, p. 587. 19. — Cordon adipeux de Scolopendra cingulata, p. 624. 20. — Coupe d'un Lithobius au niveau de l’æsophage, p. 641. 21. — — _ du rectum, p. 641. MÉMOIRE DE M. C. VIGUIER SUR UN FILET PÉLAGIQUE. Fig. 1. — Filet pélagique vu en coupe transversale, N. et R., p. vu. 2. — Le même, vu en coupe sagittale, N. et R., p. 1x. MÉMOIRE DE M. L. LÉGER SUR LES MICRCGAMÈTES DES COCCIDIES. Fig. 1. — Microgamètes de Barroussia et d'Echinospora, N. et R., p. xxur. 2. — Autres aspects des mêmes, N.etR., p. xxiv. 3. — Prélude de la fécondation chez Échinospora, N. et R., p. xxv. MÉMOIRE DE M. L. CUÉNOT SUR L’INTESTIN DE LA BLATTE. Fig. 1. — Tube digestif de Periplaneta orientalis, N. et R., p. Lxvu. 2. — Coupe transversale d’un cæcum de l'intestin moyen de la même, NES; D. LxXIx. PARIS, — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE DARCET, 7. EU À TO DEC pi do Li t PEHPAER Qt si (ait ut . | | : M Pr OT EDNEU near à | EN RA T HU. ID ab «wi 0M Nes LEA EM CNE MAETC bof it UE p 7 Does CL sa D , Ni LL be wi, 0 ATEN Ÿ M Et a} MA PHARE FAN: 4. = F Ë EU 11 PL LATE TEN AN à LL Ho à 1h Bu ÉD MOI PAS 1 J 5 Lo RATES ER Ode Gr TANIA AM Nm } ki fan Li HE SUR E Nat Te E CAE Ê D. AUOT T PTT NUE EE DAME LEE GO tot L ‘4 Vas AUX ft de ant a ( 21 x 4 us à } è A $ }. L { 4) BASES LV ELU de DA Rp HN UE! DR \ 10 Sr 209 al F. rt | 1} » Lt 4 Ha { a J" SE VE it 10 ont FEMME ACTA ES" MES 152 2 HOTEL T MES M St": HONTE A SANTO RE RIM LOS HOTTE ME) ARE Œ et 40 4 AAMSMONLT "D LE Senna nee . "ITA R Ai «h f hr: ee H 11 HETE #4: 4° at9h MAIN ul feu Le ONG PAR Jo TAN A4) ei À ca ail IN HU RO ALTONTRANR ENS 1e Lee: lo ri je " NUE RS A RME Arte (tr Vol Fo ATOUT EEER MO La (TPATS SRE Ce AT Te ve EU PAR QUE PER AU ARE à TMC UE EE PTOL CA OT SE MAN RO 30 Série, Vol. VI, BIT Eee Zoo EXP CREER: *28eJ9 Jorwuo1d un,p 2A9[2 232 a109u9 sed e,u sjuatunjeq Xn2p Sa] a1jue ualpies np juawW980] 27 ‘FOgI NA HLINYLSNOID AXANNV,1 ALIOYG V LNVAHLNON OOVAV AHIOLVAO4VT NA ANA AD ESN RonE mg gr ASS ER MrchedeZool. Expiet Génie. 3 SÉME MOT. VAN PIERRE FIG. A. — LE LABORATOIRE ARAGO VU DU HAUT DU FONTAULÉ. A droite l’ancien batiment, a gauche le nouveau. Une passerelle provisoire établit la communication entre les deux. (Cliché instantané du mécanicien David.) FIG B. FAÇADE OUEST DU LABORATOIRE. On voit le premier étage élevé au-dessus du logement du gardien qui n’existait pas dans la planche I et la figure A. (Cliché instantané du mécanicien David.) D Mende Zocl Exphet Gén ae Gée. Mois VIPIENTINRE VUE INTÉRIEURE DE L'UN DES DEUX AQUARIUMS RÉSERVÉS. Les bacs sont dressés sur des tables de glace coulées à Saint-Gobain et éclairés obliquement par les grandes baies ; sur les bords des tables peuvent être placés des dessins; on y voitun microscope à long support. (Photographie du mécanicien David.) f + LL CRE: Fe l'E 5 : ’ Cl i FN d \ { f » | l L TN j - î : ; = 1 Ÿ h / 77 1 ; EL “+ < DS k % 2: “ Î ee Ty LE" : ; - L HT 2 R , \ LE EQRE j 1 \ 1 A ñ 1 I > NL] ‘ ' - QT ve \ F A Lot < \ L 1 Ÿ k r + Lu r Î Le F v Lu " à ee + : er A 1 î Ci [ \ l 1 = : 3 € 1 LL V7] ! : x " { PE he z 4 à * Fe ‘ L (U ÿ ei \ : = / ' LP « + 1 \ Che ZooMExp et GENE MS ÉTHEMOINEIP PIPSIVE PETIT CHEVAL-VAPEUR FIXÉ SUR LE ROUFLE DU ROLAND ET CONSTRUIT AU LABORATOIRE PAR LE MÉCANICIEN DAVID. À gauche, l'appareil à sonder Belloc, le tambour sur lequel est enroulé le fil et le cadran marquant le nombre des mètres de profondeur; à droite, le petit cheval, son volant prés de l'appareil Belloc, entre les montants, la bielle qu’actionne le piston placé dans le corps de pompe situé dans le haut, (Cliché instantané de M. Robert pris au moment où le mécanicien David met la machine en mouvement.) Mn ichideZoolExphetGéns. MSCTE MONA RIVE LE BASSIN. SAINIT-PIERRE DE RADOUB-A SEC: Dans le fond, l'entrée du bassin est fermée par une porte en bois ; au milieu paraissent les différentes parties du berceau sur lequel vient se reposer le Roland lors de sa mise à sec (Photographie de M. Robert.) Che ZOOMErMEtCENL MOCMEMOINAIURITENAIE VUE DE LA TRANCHÉE QUI SÉPARE LE LABORATOIRE ARAGO DE LA MONTAGNE. ” Eboulement causé par l’un des ouragans qui ont dévasté le Roussillon. On y voit le personnel du laboratoire occupé à prendre des mesures destinées à guider les réparations. (Photographie de M. Robert ) : Arch. de Zool. Expl° et Gent, 3€ Serie Vol. VI PL VIL = 2. C, Viquier Del , Digardin Photet se DEVELOPPEMENT DE LA TETHYS Librairie C.Reinwald Arch, de Zool Exp Eten + Bo emle VOL MINE AVI © d-É Aix ù & À DERNIER AA 5 3O;': A fs 2 RES ACT Yo FÊTE y 7 er D, TD, C Viquier Del. Dujardin Photetse DEVELOPPEMENT DE LA TÉTHYS Librairie CRerrnvald 5° Serie Vok VE PI IX. n Ps DUR Sne en < ujardinPh.et se, D 7IT €. Viguier Del, DEVELOPPEMENT DE LA TETHYS Librairie C.Reinwald |. 11 h Arch de Zoo! Expl® et Gent. 3° Série. Vol VI PIX. LE À Ne \ “ \ \ ‘ \V£ \ À ‘“ " \ 6 / \ A f ? d ” 4, / va 7” D / À CA \ 270 0 INERE À A À \ \ / 4 | / / me > / K 1 LL 2 4 * - £ “ D LA Es À = A Laréaud. se, ANATOMIE DES PLEUROTOMAIRES Librasrie LC. Rervald % ZLarteud se, 8° Serie, Vol VI, PL XI. <= | : \ j à re ANATOMIE DES PLEUROTOMAIRES Librairie C.Reinwald 2 AC _ 278 " 2 2 PA rer Pi \ Arch.de Zool, Exple et Génie. 1 4 / ) \ } ( Ÿ 1 \ 4 US & de | RS A S ® Si À a © NN N 22 Lpel 2e \ 4 { = h it ais G == QUINET mA CR LT - une ME pen 8 rails cé POLE US ] ER ES SE re r- 8° Serie. Vol.VT. PI XII. S\] eu Lartaud se, I ANATOMIE D ES PLEUROTOMAITR Librairie C_Reimvald Arch. de Zool. Expie et Cénl°. KR drserie VelVE PCT 1h À Arch.de Zool. Expl® et Cénl®. = SL 6 Z = L Z LZ ZA A Æ Lartaud se ANATOMIE DES PLEUROTOMAIRES MFischer del, Zibrairt C.Retnwald Arch. de Zool. Exp'° et Génie de Série, Vol. VI PI XIV. Photographies de P. Francotte Librairie C. Reinwald O2 , Vol. VI, PI, XV. @ Cu Sa TD a AD Tv [ra | lo E q 4 (ob) em. oO (cb) - [3 A Las al © ‘1 H de 2 = - («| ni=) œ 2 CO F4 = Bi = a ee © = a =») o = “ a, -E ü a Fe E ce. « 4.de L. D.phot. Lœwy (de Vienne),chromotith.-phot. PHOTOGRAPHIES SUR ÉTOFFE DE SOIE FAITES AVEC LA POURPRE LAPILLIENNE. 3° Séme. Vol VI. PL XXXI. | Chromohth. JL GOFFART, Bruxelles. D OP ODErS CPE NPE PB LIU M UNE GUMENTATRE . Librairie C'Reimvald et C* * 4 8€ Série. Vol VI, PL XXXIL. D SS JS : & ill } SEE S ee { a . « En Cu * ES 2 { CS ie RS à « 4 > .. pe a SX SN += 4 F 5 Le SN ï ie o CA FE ao ur Loc On ET en tIES, SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINIIISNI _ NVINOSHLIWS, S 3 Iavaagl 7/4 F DES A VEN ense | mm NN Er. JU TN DIS" _ an Ë a on NOSHLINS, S31HVH411_ LIBRARI ES, SMITHSONIAN INSTITUTION, NOILALTLSNI VO É. ne Z € UE DRE LT A one NS = = = Ex LL /4 Oo NI Œ © T GZHf ? KN\ © D G 2 Gfÿ E 2 = 2 = 5 . = UE 4 QNOILNLILSNI_ NVINOSHLINS SAIBVUE 11 & us Ce a = œ = œŒ = É d — « — = _ = = = e = 5 st o 2 —) A Fe = FA Dev deu MCIBRARIESSMITHSONIAN INSTITUTION NOHSMLILSNIS © — O D = © “SE œ — (9 œ = = : e 4: e - = 7 E GE = : : RE m ANSE = D —_ on = on = on ITHSONIAN INSTITUTION NOIINLILSNI NVINOSHLINS S314vVyg11_LIBRARIES + in = (22) : <= ; un INT = #2; = Es < = Z = D = Z = S NN = PP = o NN S LE * à NN h; a LP LT O E NK Q E KI Z , VE = = LE N N Z Do > © : = 5 ON = INOSHLINS, S3IHVH911_ LIBRARIES MNSTITUTION, NOUBMIESRIE à er F L = “ G NN = = £ “= < = IKKS om = a = a = 5 2 = - ï 2 INSTITUTION NOILNLILSNI NVINOSHLINS S31#VYg11 LIBRARIES Le Z Je Us = 55 = -œ 2 co Oo © a au D + D Le 4 > = = S se æ) D - = = ; 2 . Voir = ü 5 INOSHLINS S3 IYVHAa ML BRARI ES,,SMITHSONIAN ! INSTITUTION,, NONEHISNI, = À ‘= N = = : É LP 74 O RS SUN © se O CN 0 NS 5 (TR NNKK D in . (22) O LA “s KR O L O © Æ 2 4 EN = = 2 = > sr 2 > = > = : à an >. F4 y n lTHSONIAN _INSTITUTION NOIANLILSNI NYINOSHLINS S31 HVUSIT_ LIBRARIES. ui Le tu É Se ui = ui An — œ a SL =. ne VW > < KW : - < VE œ | KR œ œ 4 > : Vs : s F = ” = SN 2 à lINOSHLINS LS31UVHg11 LIBRARI ES. SMITHSONIAN_INSTITUTION _NOINLILSNI N = co = ; œ = co NS LE > = > = > NOK E pe _ pe) _ A KŸ Fa E F 5 EN Z m 2 m = je fITHSONIAN INSTITUTION NOILALILSNI NYINOSHLINS S31YVH 817 LIBRARIES LAN 3 9088 01353 4425