m S ^:* ARCHIVES ZOOLOGI BJ ENTALE ET GKXi- !!AL1' PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, I, RUE DAUCET. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GENERALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE ~ HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIEES SOLS LA DIRECTION DE HENRI DE LAdAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'iNSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) FROFESSEUR D'aNATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Facilité des sciences) TOiME DEUXIÈME 1873 LIBRAIRIE DE G. REINWALD ET C^ 1o, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 NOTES ET REVUE I REMARQUES SUR LA STRUCTURE DES GRÉGARINES ; Tar M. E. RAY-LANKESTER i. M. Edouard van Beneden a récemment publié d'intéressantes observations sur la structure et les métamorphoses d'une énorme qrégarine du homard qu'il nomme Gregarina giganlea. Au-dessous de la cuticule de ce singulier parasite, le professeur de Liège signale une couche de fibres circulaires qu'il décrit comme de nature mus- culaire et à laquelle il attribue, en grande partie du moins, la contractilité de l'animal. D'après ses propres] observations, M. Ray-Lankester ne croit pas devoir adopter cette opinion d'une manière absolue. Cette couche manque en effet chez un grand nombre de grégarines ; chez d'autres (Monocyslis nereidis), on trouve au contraire l'apparence de fibres longitudinales qui, suivant Stuart, coexisteraient avec des fibres circulaires chez la Monocyslis lelepsavi ; les unes et les autres manquent chez les grégarines des siponcles et des lombrics [Monocyslis lumbrici et sipunculi). Comme toutes ces grégarines sont également contractiles, que leurs mou- vements présentent exactement les mêmes caractères, il y a lieu de penser que chez toutes les mouvements sont produits de la même manière et qu'il en faut chercher la cause dans un tissu qui leur soit commun. Cette dernière condition n'étant pas remplie par les fibres décrites par M Ed. van Beneden, M. Ray Lankester pense que leur nature musculaire est au moins douteuse. Il attribue, en conséquence, la contractilité à la partie la plus extérieure et la plus transparente de la couche sarcodique, laquelle est en contact avec la cuticule. La progression s'accomplirait par une onduhition continue des bords de cette portion claire du sarcode ou parenchyme cortical. Une ondulation du même genre est de même pour beaucoup dans la locomotion des planaires. M. Ray-Lankester laisse encore indécise la véritable nature des stries trans- versales parfaitement décrites par M. Ed. van Beneden dans la Gregarina gi- ganlea. ' Quarterly Journal of Microscopical Science, octobre 1872. .^RCH, DE ZOOL. FNP, ET GÉN. — T. II. 1873. . A. Il NOTES ET REVUE. Il fait iK'aniuoiiis remarquer que la cuticule des grégarines présente, comme celle des iufusoires, certaines ornementations (jui peuvent sinuilerune apparence librillaire. Il pourrait d'ailleurs arriver que le parenchyme cortical présentât lui-même une apparence analogue sans qu'il fût rigoureusement permis de conclure pour cela à l'existence de fibres musculaires. M. Ray-Lankester a aussi étudié le développement de la grégarine des si- \)ondes {MonoajsUs sipunculi). Il a retrouvé les principales phases de dévelop- pement signalées par M. van Beneden. Les pseudn-noviculcs sont pourvus à une de leurs extrémités «l'un long fila- ment immobile. La phase amœbéenne n'a pas été vue, mais celle qui doit la suivre est représentée par de pseudo-cercaires dont la queue est toujours en mouvement, la tête demeurant inerte. Viennent ensuite des pseudo-plaires très-actives qui conserventleur forme jusqu'aprèsl'apparition du noyau qui doit les faire passer de l'état de cylodcs monérieunes à celui de cellules véritahles. Les pseudo-filaires devenues grégarines peuvent se diviser par scission lon- gitudinale et donner diverses grégarines; le cycle génétique est dès lors complet. La grégarine n'a plus qu'à s'enkyster et à se résoudre en pseudo-navi- culcs ou psorospermes. E. Perrier. II CRUSTACÉS DIVERS ET POISSONS DES DÉPOTS SILURIENS DE LA BOHÊME; Par JoAcniH BARRANDE. Les lecteurs ont pu se convaincre, en parcourant le premier volume des Archives de zoologie expérimentale, que des travaux importants relatifs au transformisme avaient été insérés soit pour, soit contre cette théorie. La question de la transformation des espèces les unes dans les autres n'est certes pas plus nouvelle qu'elle n'est résolue, et si les uns apportent avec un zèle excessif des faits destinés d'après eux à la confirmer, d'autres, non moins actifs ou, il faut dire, non moins passionnés, cherchent à prouver que les es- pèces sont fixes. Laissons la question se juger d'elle-même, et continuons ;\ publier à son sujet les documents importants. M. J. Barrandc suit les transformistes sur le terrain où ils ont amené la (juestion, et se dit que : « Puis(pie dans les couches du globe on doit trou- ver les preuves du passage d'une espèce à l'autre, et par conséquent l'appari- tion d'abord de types simples primitifs, ensuite les traces des modifications successives de ces types, il faut croire que dans les terrains les plus anciens, montrant les premières traces de la vie animale, on devra rencontrer les animaux les plus simples et les inodifications de leurs formes conduisant aux faunes si varices des couches supérieures. » NOTES ET REVUE. m Et c'est en étudiant, les faunes siluriennes avec un soin rare bien connu de tous les savants^ qu'il cherche la démonstration des tliéories avancées depuis quelques années, et comme il ne la rencontre pas, il réfute le transformisme EN OPPOSANT, comme il dit, les théories a la réalité. Nous reproduisons aujourd'iiuiles conclusions d'un nouveau travail analogue à celui qui a été imprimé en 1872, vol. I des Archives de zoologie expérimentale, note Vïl, p. XXVI. Celui-ci a trait aux crustacés divers et aux poissons des dépôts siluriens de la Bohème'; nous n'avons point à l'analyser, car les conclu- sions qu'on trouvera ici forment elles-mêmes l'analyse du travail. L'apparition brusque des vertébrés, sans être précédée par ^existence, de types intermédiaires permettant de- supposer la transformation progressive, est certainement l'un des faits les plus difficiles à faire concorder avec les théories. Aussi nous bornerons-nous à rapporter les conclusions relatives aux poissons. Dans son introduction, p. 28, M. J. Barrande fait remarquer que, « les poissons étant doués de puissants moyens de locomotion et paraissant en état de supporter d'assez grandes différences de température, on conçoit que leur diffusion a pu avoir lieu dans un temps relativement court. D'ailleurs cette diffusion, s'opérant immédiatement par la voie des mers, a dû être indépen- dante de l'émersion ou de la disparition des continents qu'on invoque dans la théorie pour expliquer la diffusion lente et irrégulière des vertébrés ter- restres. c( On peut donc présumer, avec la plus grande probabilité, que, si les pois" sons avaient existé quelque part dans les mers siluriennes, -durant les âges de la faune seconde ou de la faune primordiale, nous trouverions également par- tout leurs restes, combinés avec ceux des autres animaux qui composent ces faunes, car chacune d'elles représente des âges très-prolongés. « Ainsi l'absence invariable de toute trace des poissons avant l'époque de la faune troiiiième silurienne, bien qu'elle soit de nature négative, constitue à nos yeux l'indication suffisante de leur non-existence durant les âges anté- rieurs. La découverte de quelque avant-coureur sporadique de cette classe dans la faune seconde ne pourrait modifier que faiblement cette conclusion, à cause de sa généralité qui embrasse toutes les région* silurieiuies. « Les observations paléontologiques ne nous ayant révélé jusqu'à ce jour les traces d'aucun animal ([ui puisse être considéré comme représentant une transition entre les vertébrés et les types siluriens préexistants les plus par- faits, c'est-à-dire les trilobites et les céphalopodes nautiles, la première appari- tion des poissons dans la faune troisième offre le môme caractère de soudaineté relative que nous avons signalé pour la première apparition des céphalopodes dans la faune seconde et pour celle des trilobites dans la faune primordiale. C'est toujours le même phénomène qui; se reproduit, sous des apparences diverses, à des époques très-distantes. » PARALLÈLE ENTRE LES POISSONS, LES TRILOBITES ET LES CÉPHALOPODES SILURIENS. « Les fragments très-incomplets des poissons que nous avons découverts dans le bassin silurien de la Bohème méritent toute notre. attention, parce ,v NOTES ET REVUE. ({u'ils i-ontribuent à confirmer des faits de la plus haut»; importance scieiiti- liijue. Cette importance dérive de l'identité de ces faits avec ceux que nous avons déjà constatés pour les céphalopodes et pour les trilobites, c'est-à-dire I)our les deux ordres prédominants dans les faunes les plus anciennes. « 1. Considérons d'abord un fait de nature négative, mais très-significatif par sa généralité. C'est l'absence des poissons dans la faune seconde silu- rienne, comme dans la faune primordiale et dans la faune cambrienne. « L'absence des poissons dans les faunes primordiale et seconde est un fait qui a la même importance! et la même signification que l'absence des trilobites dans la faune cambrienne et (juc l'absence des céphalopodes dans la faune primordiale. « Chacun de ces trois faits contribue à indiquer, d'une manière concor- dante, un commencement d'existence du type correspondant, après une époque déterminée de non-existence , et nous allons montrer que l'époque de ce commencement n'est point en harmonie avec les prévisions théoriques. « 2. Par contraste, nous constatons lapremière apparition relativement sou- daine et comme simultanée des poissons vers le milieu de la durée de la faune troisième silurienne , sur des horizons rai)prochés ou comparables, dans diverses grandes régions siluriennes. « Cette première apparition dus poissons rappelle, par la soudaineté et la simultanéité, le phénomène sendjlablc que nous avons constaté pour les trilo- bites de la faune primordiale et pour les céphalopodes de la faune seconde. Tous les phénomènes montrent entre eux une parfaite harmonie et ils sont également en discordance avec les théories par leur soudaineté relative et par leur extension sur les deux continents. « 3. Les plus anciens poissons ne sont pas représentés par des fossiles d'une apparence équivoque ou d'une organisation inférieure. Au contraire, ces fossiles sont parfaitement reconnaissables comme appartenant exclusive- ment à cette classe. La forme et la structure des écailles, des dents et des parties osseuses ne permettent aucun doute sur leur nature et indiquent un haut degré d'organisation. « Ce fait rappelle les observations semblables dans toutes les régions silu- riennes au sujet des trilobites de la faune primordiale et des premiers cépha- lopodes de la faune seconde ; les uns et les autres se manifestent dans la pléni- tude de leur caractère distinctif, dès l'époque de leur première apparition, sans qu'on ait jamais signalé à notre connaissance une seule forme d'apparence douteuse ou en voie de se constituer en types nouveaux. « C(!s faits sont en complète contradiction avec la transformation gradueH® que nous enseignent les théories, « 4. Quant aux dimensions de la iiUipart des premiers poissons, elles sonf comparables à celles des types de la même classe (jui caractérisent les Ages géologiques ])ostérieurs. Les lecteurs s'en convaincront aisément en jetant uw COU]) d'œil sur les fragments figurés sur nos planches XXVIII, XXIX, XXX, XXXIV, supplément. Nous calculons que le Coccosleus Fiitschi atteignait lai longueur de 1"',30. « Ce fait rappelle les grandes dimensions relatives des plus anciens trilo-- bites primordiaux, etc. NOTES ET REVUE. v « Toutes ces observations concourent à contredire l'idée théorique d'un commencement par les formes minimes ou inférieures de chaque type, « 5. Remarquons maintenant le nombre considérable et la variété des types génériques des poissons qui se manifestent soudainement dans la faune troi- sième silurienne. Nous n'en comptons pas moins de quatre bien contrastants ,dans notre petit bassin de la Bohème. Nous en voyons cinq reconnus en An- f^leterre, dans la hauteur du seul étage de Ludlow. Les formations de l'île d'Œsel et des provinces russes de la Baltique qui renferment la faune troi- ,sième silurienne ont fourni au docteur Pander des éléments divers sur les- quels il a cru pouvoir fonder 28 j:;enres de poissons. Nous les trouvons énu- mérés d'une manière synoptique par M. le docteur Schmidt dans son Mémoire ^ur l'Eslhonie el laLivonie publié en 1856. « Chacun de ces genres est le plus souvent représenté par plusieurs formes spéciflques. » [On sait que dès 1845 cette diversité avait frappé L. Agassiz et qu'il la consi- dérait comme une preuve de créations indépendantes [Géologie de la Russie d'Europe el des montagnes de l'Oural, vol. II, p. 107).] « Le nombre considérable des premiers types génériques et des premières formes spécifiques des poissons siluriens est en parfaite harmonie avec la l^rande variété de genres et d'espèces que nous avons reconnue parmi les tri- lobites des premières phases de la faune primordiale, renfermant 28 genres et 168 espèces. Nous avons constaté de même que les premières apparitions des céphalopodes sur les horizons les plus inférieurs de la faune seconde ont présenté 12 genres et lo6 espèces. « Ce développement relativement soudain de tant de types génériques et de formes spécifiques est en opposition évidente avec toutes les vues théoriques de variation insensible et de transformation. « 6. Parmi les plus anciens poissons, nous observons la manifestation simul- tanée des mêmes formes typiques principales, dans presque toutes les régions siluriennes, sur les deux continents. Ainsi le type si fortement caractérisé des poissons cuirassés qui surgit dans l'ile d'Œsel, en Russie, avec beaucoup d'autres, dans l'une des dernières phases de la faune troisième, est aussi le premier qui apparaît en Bohême, dans notre étage F. On sait que ces deux contrées, situées l'une sur la grande zone septentrionale, l'autre sur la grande zone centrale d'Europe, ne possèdent presque aucune connexion scientifique. « Ce même type cuirassé, sous une forme générique un peu différente de celle des Aslcrolepis et des Coccostens de l'Europe, se montre également parmi les plus anciens poissons du nord de l'Amérique et il a reçu le nom deMacro- petalichthys Sullivanti. « Les genres d'Europe, Cephalaspis et Halopiychius, sont aussi signalés par M. le professeur Dana sur la page citée, comme reconnus sur le même ho- rizon, dans l'État de New-York ; mais ils n'étaient pas encore figurés à l'époque de celte publication. « Cette concordance dans les formes les plus singulières des types des pois- sons, se manifestant avec des variations locales, à de grandes distances géo- graphiques sur le globe, constitue le même phénomène que nous avons signalé pour les trilobites dans les termes suivants : VI NOTES ET REVUE. « Il est donc difficile de concevoir, sans rintluenco d'une cause souveraine a et ordoniiiitrice, pourquoi la vie animale, se développant isolément d'une ma- « nière indépendante et sous l'influence de circonstances locales très-ditîé- « rentes, s'est cependant manifestée simultanément partout , sur les deux « continents, sous des formes, sinon identiques, du moins tellement analogues « ou semblables, que la science ne peut s'empêcher de les associer sous les « mêmes noms génériques : Paradoxidus, Oledus, Agnostus. » « La même observation s'applique aux plus anciens céphalopodes, dont on peut voir la distribution sinmltanée sur les deux continents. « Cette extension géographique des principaux types destinés à caractériser une époque, c'est-à-dire des types cosmopolites, n'empêche pas la coexistence de certains types locaux pour les poissons comme pour les trilobites et les cé- phalopodes. Tous ces phénomènes se reproduisent, à des époques très-espacées dans la série des âges, comme s'ils avaient été réglés par un même pro- gramme dans lequel on ne saurait reconnaître l'action lente et successive de la filiation et de la transformation sous l'influenc*; prédominante des cir- constances locales. « 7. Les premiers poissons siluriens, comparés entre eux, nous offrent des formes très-contrastantes, telles que celles des types cuirassés, Àslerolepis, Coccosleiis, avec lîoloptuchins, Clcnacanthiis, Ccphalaspis, Pteraspis, etc. Si toutes ces formes sont dérivées par voie de liliation et de transformation d'un ancêtre commun de la môme classe, nous devrions trouver les traces des formes intermédiaires. Ces formes devraient être très-multipliées, selon la doctrine des variations insensibles et graduelles. « Cependant ces formes de transition nous manquent et leur absence constante est encore plus inexplicable qiie pour les autres choses, à cause des considérations suivantes : a Remarquons que les plus anciens poissons connus semblent être ceux du Ludlow inférieur en Angleterre, de l'étage F de la Bohême et du grès d'Oris- kany en Amérique. Leur existence paraît correspondre aux phases moyennes de la faune troisième silurienne. Tous les autres poissons de cette faune ap- partiennent à des horizons plus élevés en Angleterre, en Bohême, etc. « Par conséquent, si les types généri(iues des poissons n'ont pas surgi tels que nous les voyons, la trace de leur origine et de leur transformation devrait être cherchée d'abord dans les premières phases de la faune troisième silu- rienne, ensuite dans la faune seconde, [)uis au-dessous dans la faune pri- mordiale et enfin dans la faune cand)rienne. « Or ces diverses faunes réunies occupent un immense espace vertical dans la série géologique et cette hauteur correspond à une énornK! durée dans la série des âges paléontologiques. « Considérons que les dépôts (|ui renferment ces faun(!s, étant généralement exciuipts des influences niétamorplii(|ues, ne se prêtent pas à l'illusion de la disparition des fossiles par l'elïetdes réactions cbimicjues. Il est bien constaté au contraire qu'à partir de la faune camhrienne, jusque vers le milieu de la durée de la faune troisième, les restes, môme les plus délicats, de diverses classes se sont parfaitement conservés; ils sont tellement variés que la science les a 'Miumérés sous plus de neuf mille noms spécifiques. NOTES ET REVUE. vu « La faune cambrienne, malgré son extrême pauvreté jusqu'à ce jour, en comparaison des faunes siluriennes, jouit cependant du remarquable privilège de nous offrir principalement des traces d'annélides, c'est-à-dire de vers mous. Cette circonstance nous montre quelles beureuses cbances de conservation se seraient présentées pour les restes des animaux plus solides s'ils avaient existé à cette époque. « Ainsi, d'un côté, ce n'est pas le temps qui a manqué durant cette longue série d'âges géologiques pour l'existence et la transformation même très-lente des ancêtres supposés des poissons siluriens, et par conséquent nous devrions rencontrer leurs restes très-multipliés. « Il serait difficile d'admettre que, par exception, toutes les contrées silu- riennes aujourd'hui connues auraient été inaccessibles aux poissons, durant tout le temps en question, si des animaux doués de puissants moyens de loco- motion avaient existé dans d'autres régions du globe. « D'un autre côté, puisque tant de formes fragiles et même molles nous sont nettement transmises par leurs empreintes, dans les roches siluriennes et même cambriennes, le manque des moyens habituels de conservation ne saurait être invoqué pour expliquer l'absence absolue des vestiges des pois- sons dans los faunes considérées. « Nous devons donc reconnaître que ce sont les représentants eux-mêmes des poissons sous une forme primitive quelconque qui ont fait défaut, durant l'existence de ces faunes successives. Ainsi, attribuer à la filiation et à la trans- formation de formes antérieures l'origine des poissons de la faune troisième silurienne serait introduire un mythe dans la paléontologie. « En somme, nous constatons une admirable harmonie dans la première apparition des poissons, des trilobites et des céphalopodes, comme dans tous les phénomènes qui s'y rapportent. Malgré les caractères tranchés qui dis- tinguent ces trois classes, elles occupent les premiers rangs par leur organisation dans les faunes anciennes ; malgré l'espace immense de temps qui sépare les époques de leur première manifestation, malgré la distance géographique entre les contrées siluriennes où elles surgissent, nous reconnaissons qu'elles ont été exactement soumises aux mêmes lois de la nature, c'est-à-dire au même plan général, émanant delà souveraine Intelligence créatrice. ches, des lamelli- branches et un supplément relatif à celles des opistobranches. Les mollusques composant la faune malacologique du Kieler Bucht sont représentés avec leurs couleurs propres, de grandeur naturelle ou grossis quand cela est nécessaire; à côté d'eux sont placées les parties importantes de leur corps qui fournissent les caractères destinés aux spécifications. L'ouvrage de MM. Meyer et M'obius devient aujourd'hui nécessaire à tous ceux qui veulent se rendre compte de la faune malacologique des côtes nord de l'Allemagne. H. de L.-D. IV SUii LES GLANDES SALIVAIRES DES ABEILLES. {Mitlheilungen u!);r die Speichelorgane der Biene, vux G. -Tu. v Siebold *.) Les admirables travaux de Charles Darwin sur les Varialions des animaux et des plantes prouvent d'une façon surabondante combien les zoologistes gagneraient à fréquenter plus qu'ils ne le font généralement les agronomes, les éleveurs et en un mot tous les hommes pratiques dont les remarques ingé- nieuses et le talent parfois très-grand pour l'expérimentation prêteraient à la science pure un concours des plus efficaces. ^ Separata/jdruck aus der Bienenzeilung, a» 23 (1872) und. z\var ans dem Berichl iiher die Verhandlungen der achlzehnteu Wanderversainmlung deutscher Bienen- sUchtcr, NOTES ET REVUE, ix C'est ce que les Allemands ont compris depuis longtemps en ce qui concerne l'éducation des abeilles : aussi des savants tels que Siebold et Lcuckart ne dédaignent-ils pas de faire partie de sociétés d'apiculteurs et de collaborer à des journaux d'apiculture dans lesquels ils répandent les pré- cieuses indications de l'entomologie, mais oi!i ils puisent en échange d'im- portantes notions biologiques et les sujets de brillantes découvertes. Ce sont les observations de Dzierzon et de Berlepscli qui ont servi naguère de fondement scientifique aux études sur la parthénogenèse, poursuivies plus tard avec succès par de nombreux zoologistes, et notamment par ceux que nous avons nommés plus haut. C'est encore un apiculteur, Mehring, qui par ses expériences sur la production de la cire et du miel a été l'instigateur du travail que nous allons résumer brièvement aujourd'hui. Les recherches de Ramdohr, de Treviranus, de Meckel et surtout le beau travail de Leydig ' et les études récentes de Fischer^ nous ont fait connaître la complication remarquable de l'appareil salivaire des abeilles. Ces insectes pré- sentent en effet trois systèmes de glandes destinées à la sécrétion de la salive, et que Siebold désigne, d'après leur position, sous les noms de syslèmc cer- vical inférieur, système cervical supérieur et syslcme ihoracique. D'une manière générale, les trois systèmes sont constitués par des glandes paires, composées, racémiformes, dont les acini sont formés d'une membrane propre lort mince [limica propria), tapissée par des cellules sécrétantes à noyaux et contours plus ou moins nets suivant les individus observés. Les canaux excréteurs sont formés de chitine et leur surface interne est recouverte d'une fine membrane linlima) également chitineuse, qui présente une ornementation variable avec les systèmes considérés et avec le sexe. Nous ne suivrons pas l'auteur dans la description détaillée qu'il donne des trois systèmes glandulaires chez l'abeille ouvrière et des rapports remarquables que présentent les deux derniers systèmes, reliés entre eux par une sorte de réservoir infundibuliforme. L'm(im« des canaux excréteurs de ces deuxième et troisième systèmes rappelle tout à fait la disposition du fil spiral des trachées des articulés. La présence de cette spirale chitineuse a même entraîné Fischer à considérer ces appareils comme des organes respiratoires. Siebold oppose à cette opinion des objections très-sérieuses. D'abord l'existence du fil chitineux indique seulement que le canal doit être protégé contre les obstructions et no permet pas de préjuger rien sur la nature des fluides qui y circulent. Mais de plus le second et surtout le troisième système sont beaucoup plus dévelop]»és chez l'abeille ouvrière que chez le mâle et chez la reine, où ils présentent en outre de légères modifications. Comme ces derniers ont un corps beaucoup plus volumineux, c'est l'inverse qui devrait avoir lieu si ces organes servaient à la respiration. Quant aux glandes du premier système, elles font complètement défaut chez la reine et le faux bourdon, qui gardent seulement pour toute trace les ouver- tures extérieures des canaux d'excrétion sur les pièces hyoïdales. Quelles sont les fonctions de ces divers organes salivaires? C'est ce qu'il est 1 Voyez Leydig, MûUer's ArcMv fur Anatomie, lSo9, p. 28. pi. IIL î Voyez Fischer, die Speicheldrusen der hiene {Bienenzeilung, 1871, p. 134). X NOTES ET REVUE. difficile (le décider. Il n'est pas aisé de reconnaître les propriétés chimiques des liquides sécrétés; tout au plus pourrait-on le tenter pour le produit assez abondant des glandes cervicales supérieures. L'absence ou la présence des diverses glandes et leur développement inégal selon le sexe et l'âge de l'insecte faciliteront sans doute la solution de ce problème. « Je ne puis dissimuler, dit .Siebold, (]u'il m'est souvent venu à l'esprit que, parmi les abeilles ouvrières, les nourrices et les porteuses se distinguent autrement que par l'âge, comme on le (lit généralement : peut-être les jeunes nourrices, avec leurs glandes salivaires fortement développées, ?ont-elles plus propres à l'élevage du cou- vain que les vieilles porteuses, car il n'est pas douteux que les organes sali- vaires jouent un rôle dans la préparation de la bouillie nourricière. Fischer a déjà appelé l'attention des apiculteurs sur cette division du travail chez les abeilles oitvrièrcs et sur le processus de régression des glandes salivaires. » Malgré les observations de Dunlioff, de Leuckart et de Dzierzon sur la diffé- rence qui existe entre la bouillie nourricière et les matières contenues dans l'estomac des- abeilles, on trouve encore dans le Traite d'apicullurt de Ber- lepscli, c'est-à-dire dans le livre le plus renommé et le plus répandu chez les apiculteurs, que la bouillie nourricière n'est autre chose que les aliments pris à l'extérieur et déposés dans les cellules des larves. On ne saurait donc trop insis- ter sur ce fait que la bouillie subit l'imprégnation d'au li(|uidc spécial (|ui lui donne ses propriétés. Un fait également important et inconnu des apiculteurs est l'emploi de la salive pour la préparation de la cire et du miel. Fischer a indiqué cette fonc- tion des glandes salivaires, et Siebold se réjouit devoir Dzierzon joindre son témoignage à son opinion personnelle sur cette question. Je dois ajouter toute- fois qu'en ce qui concerne la production de la cire, Lacordaire, dans son excel- lente Inlroduclion à Venlomologie, a signalé depuis longtemps la particularité qui nous occupe. « Pour que la cire arrive à l'état sous lequel nous la tirons des ruches et surtout acquière la ductilité, il faut, dit-il, qu'elle soit travaillée par les abeilles, qui la mâchent pendant qu'elles fabriquent leurs gâteaux et l'im- prègnent de la salive qu'elles rendent pendant celte opération ^ » C'était aussi d'ailleurs ce que pensait Treviranus, et je suis persuadé, comme l'auteur du présent mémoire, qu'il existe une différence de composi- tion clumi(]ue entre la cire telle qu'elle est sécrétée et celle qui entre dans la constitution des gâteaux. D'' A. Giaud. 1 Voyez Lacordaire, lac. cit., II, p. 128. / NOTES ET REVUE. ENVOI ADRESSÉ AU LABORATOIRE DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF PAR MM. AGASSIZ. Le laboratoire de Roscoff, où les travaux vont prendre une activité dont, je l'espère, les lecteurs des Archives ne tarderont pas à s'apercevoir, vient de recevoir de MM. Agassiz un magnifique envoi de livres. Les diverses publications faites at Harvard Collège, sous la direction savante de MM. Agassiz, dont l'activité sans borne imprime une impulsion si vive aux sciences naturelles en Amérique, nous ont été libéralement données. A'côté des quatre superbes volumes des Coniributions, bien connus des na- turalistes, se trouvent les travaux déjà ancrens sur le développement des poissons d'eau douce d'Europe; le catalogue des opliiures, de Lyman ; une révision complète du groupe des oursins, l'embryogénie de-^ astéries, etc., par Al. Agassiz; les coraux des mers profondes, de F. de Pourtalès, etc., etc. Tous ces ouvrages seront, d'une grande utilité pour nos études, surtout si l'on songe qu'ils se rapportent aux faunes marines de l'Atlantique et que Roscoff reçoit des courants d'eau du Guif-Stream. Ils permettront d'essayer des comparaisons entre les deux faunes séparées par des espaces immenses, mais que relient peut-être les courants cbauds venus d'Amérique. Le but de cette note est d'adresser tous nos reinercîmcnts à MM. Agassiz pour leur envoi, qui nous prouve combien ils s'intéressent à la réussite do notre entreprise. H. de L.-D. VI ANNALES DU MUSÉE CIVIQUE D'HISTOIRE NATURELLE DE GÈNES. {Annali del museo civicocU hisloria nalurale di Genova, publicati per cura di GiACOMO DoniA. Genova.) Nous avons reçu en même temps les trois premiers volumes de cette pu- blication importante. Le premier volume, daté de décembre 1870, renferme deux mémoires de M. S. Trinchese, l'un, sur un fœtus d'orang-outang, l'autre sur un nouveau genre d'éolidiens, et un travail de M. A. Issel sur un singe anthropomorphe de l'Afrique centrale. Les planches qui accompagnent ces travaux sont en grande partie coloriées et d'une fort belle exécution. Les volumes II et III, datés l'un d'avril, l'autre de décembre do l'année 1872, XII NOTES ET REVUE. reufernieiit des mémoires nombreux, importants, et accompagnés comme dans le premier volume de dessins fort remarquables. Les noms de MM. Cancstrini, Ferrari, Trinchese, Mayr, Paladilhe, Peters, Gestro, Fairmaire, Giglioli et Morrelet suflisent pour montrer quelle est la valeur des deux volumes de 1872. M. GiAcoMO DoRiA a accepté des travaux écrits dans des langues étrangères à celle de son pays; on trouvera en effet dans les Annales iVhisloire naturelle de Gênes des mémoires en français et en allemand. Je ne ferai qu'une observation. En parcourant le beau travail de M. Trin- chese sur le nouveau genre d'éolidiens, qu'il nomme Ercolania, j'ai vu (p. '.JU, vol. II) : « / generi più affini all^Ercolania sono : la Laura, che descrivero eslesamente nel prossimo numéro degli Annali, e la Hermaea di Loven. » S'il en est encore temps, et je l'espère, puisque dans ce troisième volume il n'y a point de travail sur la Laura, je me permettrai de faire remarquer à M. Trin- chese que j'avais déjà employé le nom génériiiue de LAURA pour désigner un crustacé parasite qui vit sur un antipathaire de la Méditerranée, la Gerar- dia Lamarckii [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 13 novembre 1865, vol. LXI, p. 838). J'avais cru à cette époque que le nom de Laura n'avait pas encore servi à désigner un genre, et c'est ce qui me l'avait fait employer. II. iJE L.-D. VII BIOLOGIE DES ÉPONGES CALCAIRES * ( Biologie der Kalkschwamme) Par le professeur Ernst H^CKEL. M. le professeur Ernst IIa3ckel, à qui la science doit des monographies très- importantes sur les animaux inférieurs, vient de publier sur les éponges cal- caires un travail fort étendu. La rédaction des Archirrs n'a reçu que ï Introduction et la partie générale sans les planches de l'ouvrage. Il est possible néanmoins, d'après l'énumération des chapitres contenus dans la première partie, de juger de l'importance du nouveau travail du professeur d'Iéna. Je m'étais fait un plaisir, c'était en 1868 et 1869, de recueillir à Roscoff des échantillons (l'éponges calcaires [lour M. Ha;ckel, et cela sur sa demande. Je les lui avais adresses avant 1870. Quelque méprise a dû causer l'erreur que l'on constate page 15 du Vortvorl; on y lit : Lacaze-Duthiehs (Prof.) : EineSammlunçj von Kalkschwàmmen, von der Normandie. 1 Die Kalksrlnranmip. t'Jiic MoïKi.t^-i-.-iiiliic in zwei Ua'iuU'ii Tcxl, mid ciucin AUa.s juiLtiO Tal'flu Al)bikliinj^çn. IJorliii, 1S7-^. NOTES ET REVUE. xm Roscoff est en Bretagne, tout près de l'ouverture de la Manche dans l'Océan, et les terrains granitiques ou autres des étages inférieurs formant le fond de la plage sont d'une nature toute différente de celle des roches jurassiques ou calcaires de Normandie. Les faunes et les flores marines sont très-caractérisées suivant la nature du fond de la mer; il y a donc quelque importance à ne point confondre l'origine et la localité où ont été recueillis les objets décrits. Je le répète, quelque méprise involontaire aura fait rapporter à la Nor- mandie les éponges qu'en 1869 j'avais recueillies à Roscoff pour M. Hœckel. H. DE L.-D. VIII SPICILÉGES DE PALÉONTOLOGIE ET DE ZOOLOGIE DE LA RUSSIE' PRÉSENTÉS A LA SOCIÉTÉ DES NATURALISTES DE MOSCOL', LE 3 (IS) OCTOBRE 1871 ; Par le docteur Ed. von EIGHWALD. Pour fêter dignement le centième anniversaire de la naissance de G. Fischer de Waldlieim, fondateur de la Société des naturalistes de Moscou, le docteur Eichwald, qui depuis I82I fait partie de cette Société et qui fut pendant qua- rante ans l'ami de Fischer, présente à la savante compagnie la description de trois animaux appartenant à des gruupes souvent étudiés par son illustre fondateur. I. PAL.EUTEUTHIS MARGINALIS (eICHWALD). Tesla scuiiformis, suhconvexa, elongata, suhquadrala, granosa, antrorsum rotun- àata, pauloque angustior qiiam prostrorsum, ubi sensim latior ; superficies concentrice sulcata ob strala incremenli admodum conspicua in u!roque potisaimum lalere ; média eminentia vixdiim promimdd cuneiformis, antrorsum dilalata ac prostrorsum sensim angustior inque marginem latum utrinqne excurrens ; ipsa denique eminentia média fovcolata, fovea elongata eminentiam in duas dividens parles latérales atqne œquales. Ce fossile est des grauwackes calcaires des bords du fleuve Tschud, que l'auteur considère comme répondant à celles de l'Eifel et apjjartenant au silu- rien supérieur. C'est, d'après Eichwald, l'os d'un céphalopode dibranche, et, comme ces animaux ont laissé fort peu de traces dans les terrains primaires, une semblable découverte présente un certain intérêt. Le professeur H. Kner fut le premier naturaliste qui signala l'existence de 1 Analecten aus der Paléontologie und Zoologie Russlands , von Doctor vo.\ Eichwald. Moskau. 1871. XIV NOTES ET REVUE. sépiostéges dans la grauwacke en Galicie*. Une étude comparative de ces débris et de l'os de la Scpia of/icinalis le conduisit à leur exacte détermina- tion. 11 leur donna le nom de Pleraspis pour indiquer l'al'linité qu'ils présen- tent avec les fossiles décrits par Agassiz sons le nom de Cephalaspis Lloydii et Cephalaspis Lewesii, dans son grand ouvrage sur les poissons fossiles (1835). Cotte dernière ressemblance conduisit M. Ray-Lankester à considérer le Pleraspis comme un poisson qu'il ap^teh Scaphaspis Kneri, réservant le nom de PUraspls pour quelques espèces de Cephalaspis qui appartiennent réellement à la classe des poissons'^. Eichwald reprend l'opinion de Kner et donne à l'espèce étudiée par ce na- turaliste le nom de Palœolculhis Kneri, une autre espèce voisine ayant été trouvée dans la grauwacke de l'Eifel et nommée Palœoteulhis dunensis par le professeur R(ïimer^. Ce dernier regarde aussi le Palœoteulhis comme un cé- pbalopode nu. Outre les raisons données par Kner à l'appui de cette manière de voir (présence des trois mêmes couclies histologiques et de la même structure concentrique des zones d'accroissement dans les fossiles en question et l'os de la seiche), Eichwald signale aussi l'absence de canaux vasculaires et de lacunes osseuses chez les Palœoteulhis. La même remarque a également été faite par Huxley pour les Pleraspis I.loydli et roslratus. M. Ray-Lankester reconnaît d'ailleurs parlaitimient ces différences de struc- ture; aussi divise-t-il ces poissons en deux groupes : les Heterostraci et les Osteostiaci, selon qu'ils sont dépourvus de lacunes ou qu'ils en présentent. Il a découvert en Jz Kner, ieher dk heiden Arien Cephalaspis Lloydii und Lewesii {Agassiz) und einige diesen znnachst stehende Sehalenresle (voyez IIaiuinger's, Naturhislorische Abhandlungen, 1847). 2 Voyez Monograph of the Fishes ofçld red Sandstone of Britain, by J. Powrie et E. IUy-Lankesteu. Part. 1, the Ceplialospidœ, hy RAY-L.\î^KESTEri, London, 1868, iu Paleontological Society, vol. XXI. 3 Voyez I^'eud. Hœmer, Palœoleulhis, eine Gallung nackter Cephalopoden ausdevo- nischen Schichten der Eifel in Palœonlographiva, von W. Dlnki;ii imd von Meyer, B. iV. Giissel, 18b(J, [). Ti. NOTES ET REVUE. xv II. ACERUNA FISCHERl (eICHWALD). Corpus paulo exallalum, capite decUvi, parte corporis superiore nigra, infera alhida flavescente ; tœniis 8-10 pluribiisve atris longitudinalibus dorsum mediumque corpus exornanlibus, capite nlgro concolore profundis foveis exstriicto, prima dorsali simplice 26 radiata, nigropunclata, anali C aculeis crassioribiis instructa pinnis pectoralibus nigrescentibus, nigropunctatis, abdominalibus G radiatis antico radio brevissimo. L'Acerina Fischerise trouve dans quelques lacs du gouvernement de Terask. Bien qu'habitant exclusivement les eaux douces, cette espèce a donc une très- faible extension géographique. Elle se distinguo des autres Acerina surtout par ses dix lignes noires longitudinales et par sa grosseur. L'Acerina vulgaris ou cernua (Linné) est beaucoup plus petite et n'a pas ces lignes. Block en a fait son genre Gymnocephalus, qu'on devrait bien conserver, car il est fondé sur un bon caractère, l'absence d'écaillés sur la tête, et le mot est meilleur que celui d' Acerina, qui n'est pas latin et ne signifie rien. Ce type se distingue par sa tête non écailleuse des Perça, Lucioperca, Lahrax et autres percoïdées ; par ses profondes fossettes cervicales, il se sépare éga- lement ÙQsSciœna. Une espèce très-voisine de Y Acerina Fischer i est Y Acerina Schralzer [V Acerina du Danube). Alais chez cette dernière le corps est cinq fois aussi haut que long, la tête est très-allongée, les fossettes sont plus larges et moins pro- fondes que dans Y Acerina Fischeri. La couleur du corps est jaunâtre, brune oli- vâtre en dessus, blanche en dessous : trois lignes noires longitudinales occupent la longueur du corps et entre ces lignes on remarque en outre de nombreuses taches noires ; enfin Y Acerina Schralzer se distingue surtout de Y Acerina Fischeri par la faible longueur de son corps, qui a de 8 à 9 pouces seulement. L'auteur établit aussi des diagnoses difTérentielles pour des animaux de groupes voisins, qui rappellent par leur aspeclY Acerina Fischeri. Tels sont les Perça asper. Perça volgensis (qu'Eichwald regarde comme une Lucioperca), Lucioperca marina, Cirrhilis fasciculatus, Herapsa Iheraps, Lucioperca sandra, et enfin le Cheilodiplerus arabicus, qui n'est qu'une perça. Les caractères distinctifs de ces espèces sont surtout tirés de leur distri- bution géographique, de la forme des dents, de la présence et de la disposition des raies ou taches noirâtres dont la plupart sont ornées. Ce dernier caractère, peut-être insuffisant pour la spécification, fournirait sans doute de curieux renseignements sur la phylogénie du groupe des per- coïdes. En effet, il arrive parfois que ces taches disparaissent avec l'âge ou le sexe. C'est ce qui a lieu, d'après Cuvier, chez le bar ou Lahrax lupus, dont les jeunes individus, surtout les femelles, sont le plus souvent tachetés pendant un temps plus ou moins long. III. HAUCILERUS GRYPUS (o. FABR. SP.). Après avoir exposé les divers changements (abaissements ou élévations) qu'ont subis et que subissent encore les eûtes de la Baltique, l'auteur rend compte de la pauvreté zoologique de cette mer, dont les eaux, continuellement XVI NOTES ET REVUE. adoucies par la fonte des glaciers Scandinaves, renferment cinq fois moins de matières salines que celles de l'océan Atlantique. Presque toute la population de cette mer intérieure a été amenée là par les vents de l'ouest, et l'on comprend aisément qu'elle se compose surtout de petits animaux inférieurs : bryozoaires, annélides et acalèphes, bivalves et gastéropodes. Parmi les vertébrés, les seuls poissons s'y trouvent en assez grande abondance, tandis que les mammifères n'y sont représentés que par les phoques et plus spécialement par le Calocephalus vUulinus, qui fut long- temps l'unique espèce habitant ces parages. Plus tard seulement, un autre phoque, VHalichœrus gnjpus, émigré de la mer groënlandaise, vint lui tenir compagnie, et tout récemment enOn une baleine, la Balœnoplera longimana, s'est égarée dans la mer Baltique. C'est en 18i7 que ce monstre lit son ajqiarition, au grand ell'roi des popula- tions riveraines. On le vit successivement en divers points des côtes, et, après avoir déjoué pendant quatre ans les jioursnites des pêcheurs esthoniens, le malheureux cétacé languit, mourut et fut rejeté par les vagues sur le rivage des îles Wrangelsholm et Rammesaar, d'où on le traîna jusqu'à Revel. Là on reconnut (|uc c'était un jeune individu mâle de Kijphobalwna keporkak (Esch- richt) ou Balœnu lonyimana (lUidolpIii). Un autre individu de cette espèce groën- landaise avait déjà été observé précédemment sur les côtes du Danemark. Eichwald attribue la mort de cette i)aleine à l'absence, dans la Baltique, d'animaux propres à la nourriture des cétacés (actinies, seiches et surtout Clio borcaiis) . Egalement originaire du (Jror'nland et du Spitzbcrg, où il vit en troupes avec le Pagophilus grocnlandicus et le Calocephalus viUdinus, VHalichœrus grypus a depuis longtemps conquis un droit de bourgeoisie dans la mer Bal- tique, où les poissons ne font ]ias défaut pour son alimentation. Il apparut d'abord sur la côte de Suède, et depuis bien des années on le voit aussi sur les côtes d'Eslbonie, et plus rarement dans le golfe de Hnlande, où a été pris l'animal étudié par Eichwald. Bien (ju'arrivé dans la Baltique à une époque relativement récente, VHali- chœrus ou phoque gris y a déjà siUii quelques modilications. Dans la mer de glace, son pelage est d'un gris blanc ou même d'un blanc d'argent sur le dus, avec des taches noires irrégulières plus nombreuses chez le mâle que chez la femelle, de sorte que cette dernière paraît d'une teinte noire foncée. Dans la Balticjue, l'animal est d'un gris fauve uniforme, avec les lianes jaunâtres et non maculés, le museau noir. Il est d'ailleurs très-rare, surtout sur la côte d'Esthonic, tandis (|u'il abonde au (jrdcnlaiid. Cela lient sans doute à la concur- rence que lui l'ait dans la Balti(iut' le plioipio commun, premier occupant de cette mer, et très-abondant même dans le golfe de Fiidande et dans la Néwa, où il remonte jusqu'au village d'Ochta. D' A. GlARD. Le directeur-gérant : H. dk Lacaze-Duthiers. NOTES HT REVUK. IX SUR L'EXISTENCE A PARIS DU CORDYLOPHORA LACVSTRIS, ALLMAN ; Par M. Edmond PERRIER. Nous venons de rencontrer, dans les bassins du Muséum d'histoire natu- relle, le Cordylophora lacuslris d'Allnian. C'est la première fois que ce polype hydraire est signalé en France. La rareté de ce charmant animal, les caractères tout particuliers qu'il présente donnent à sa découverte, à Paris même, un certain intérêt. Les Cordylophora sont les seuls polypes d'eau douce, actuellement connus, qui forment des colonies ramifiées et qui soient revêtus d'un polypier chitineux. Ces deux caractères les rapprochent singulièrement des hydraires marins. Leur forme et la disposition de leurs tentacules accusent encore cette ressem- blance : les petits polypes sont en effet en forme de massue et la bouche est à l'extrémité de cette massue ; quant aux tentacules, au lieu de former une couronne circulaire autour de la bouche, ils naissent assez loin d'elle sur la massue et sont disposés très-irrégulièrement, sans ordre : ils sont au nombre de douze à quatorze et peuvent s'étendre beaucoup en s'amincissant comme des fils, ou se ramasser de manière à ne plus constituer que de petites verrues sur la massue. L'animal n'est pas rétractile dans son polypier, qui ne présente pas d'élar- gissement pour le recevoir comme chez les Campanulaires. Les individus reproducteurs naissent sur la tige au-dessous des individus nourriciers, qui sont terminaux. Us sont dépourvus de tentacules, enfermés dans une enveloppe chitineuse : les œufs donnent naissance à un embryon cilié et non pas à un petit polype, comme cela a lieu pour les Hydres d'eau douce. Ces divers caractères rapprochent les Cordylophora des Clava, qui sont ma- rins. Aussi n'est-ce pas sans étonnementque fut accueillie la découverte faite par AUman, en 1844, d'un animal ayant tout à fait le type marin et vivant dans les eaux douces. C'est à Dublin, dans le grand canal, que ce singulier zoo- phyte a été observé pour la première fois. Depuis cette époque il a été signalé dans un petit nombre de localités que nous croyons devoir rappeler ici. M. Rowerbank l'a va dans les bassins des différents docks commerciaux de Londres, sur les bois flottants ou submergés, et le docteur Low, près deLyme- Regis.M. Lindstrom l'a rencontré ùGolo-Strat, dans les eaux demi-salées de la Baltique, où il croît sur les Myriophyllum, au milieu dun singulier mélange de productions marines et lacustres. Retzius le signale, de son côté, i)rès de Stockholm. Dans son Histoire naliirelle des polypes de la Belgique {Nouveau.r Méuioires ARCH. DE ZOOT.. F.XP. F.T GKN. — T. U. 1873. 1! XVII, NOTFS KV \\\i\'l]K. de l'Acadnuie roijale de Urn.vciirs. \. WXVi. iSfiT;, .M. v;iii iJcinMliMi (lonm; d'int(''r(!Ssaiitos observations zooluyi(jues sur des Cordylophora hinistiis qui lui oui élé envoyés du Schleswig, par le docteur Semper. Kulin, a l'ond)ou(duiro do l'Ellie, sur desboufîcs, Kirclienpauer signale encore un Conljilophnra qu"il considère comme une espèce nouvelle et qu'il nomme Cordijlophnra alhicola. Une antre es])èce, de Newport-Harbour, a été décrite par le docteur Leidy; mais il n'est pas absoluraent établi que ces deux espèces dilTcrent du CordylopJwr.3. On peut aussi consulter IciBriiish Ilyilroid Zoophytcs de Hincks. Eniin, eu 1871, le docteur Franz Eilbard Scbulze, de Rostock, a publié sur l'organisation, l'embryogénii^ et les mœurs du Cordylophora lacuslrix un volumineux mémoire, accompagné de six planches, et (|ui est une œuvre accomplie. X OBSERVATIONS SUR LA STRUCTURE ET LE DEVELOPPEMENT DES NAGEOIRES DES POISSONS OSSEUX, Par M. E. BAUDELOT, professeur à la Faculté des sciences de Nancy. Dans le cours de mes travaux sur l'anatomie comparée des poissons, je me SUIS occupé à diverses reprises de la structure des nageoires. De nouvelles recherches sur ce sujet m'ayant fourni quelques résultats qui me paraissent, digues d'intérêt, je me propose aujourd'hui de les faire connaître. Un premier fait sur lequel je veux appeler l'attention est relatif à la struc- ture intime des rayons des nageoir(;s paires ou impaires des poissons osseux. En étudiant le tissu qui compose les rayons mous et articulés delà nageoire caudale de la Perche, j'ai été amené à reconnaître entre ce tissu et celui des écailles la plus grande ressemblance. On sait que les écailles se composent d'un tissu fd)reux de nature conjonctive, auquel se trouvent incorporées de NOTES ET REVUE. xix petites concrétions calcaires de pliospliate et de caiiionrite de chaux (nodii- lites, calco-spliéritos de M. Harting). Ces concrétions, de volume très-variable- le plus souvent arrondies ou ovalaircs, montrent fréquemment des stries conr centriques qui indiquent qu'elles sont formées d'un certain nombre de couches emboîtées les unes dans les autres. Si la présence du tissu fibreux dans la charpente des rayons des nageoires des Téléostiens a été reconnue par les histologistes, aucun d'eux, je crois, n'a encore signalé dans ce tissu l'existence de nodulites isolables, à couches con- centriques distinctes, entièrement semblables aux corpuscules des écailles. Ce sont des concrétions de cette nature que j'ai observées dans les rayons de la nageoire caudale de la Perche. Ces concrétions apparaissent avec beaucoup de netteté ; leur volume, souvent considérable, est variable comme celui des cor- puscules des écailles ; la plupart sont de forme sphérique, d'autres sont allon- gées et à contours plus ou moins elliptiques ; les stries concentriques que l'on aperçoit dans leur intérieur sont parfois très-apparentes et très-nombreuses. De même que dans les écailles, le volume des nodulites offre de très-grandes différences suivant le point qu'ils occupent dans l'épaisseur de chacun des ar- ticles du rayon natatoire. Les nodulites les plus volumineux occupent la face intérieure, concave, des articles, où ils sont quelquefois libres dans l'épais- seur du tissu fibreux. A mesure que l'on se porte de dedans en dehors, ces concrétions diminuent peu à peu de volume, et vers la surface de l'article elles finissent par dégénérer en cori)uscules calcaires d'une extrême finesse. Ainsi que dans les écailles, ces différences dans le volume des nodulites sont dues apparemment à l'âge des couches qui les renferment. Les nodulites peuvent aussi se souder entre eux de manière à constituer une sorte de tissu calcaire plus ou moins uniforme. J'ai dit tout à l'heure que la forme des nodulites des rayons pouvait être sphérique, ovalaire ou polyédrique; je tiens à faire remarquer que dans les écailles de la Perche la forme des corpuscules calcaires peut être ovalaire ou polyédrique, mais qu'elle n'est jamais sphérique. Ce fait semblerait indiquer que la forme des nodulites dépend jusqu'à un certain point du mode de texture de la trame fibreuse à laquelle ils se trouvent incorporés ; on sait, en effet, que le tissu des écailles est formé de plans de fibres entre-croisées à angle très-ouvert, tandis que le tissu des rayons natatoires est constitué par des faisceaux de fibres disposés plus ou moins parallèlement. Les résultats que je viens de faire connaître conduisent à des conséquences générales dont l'importance ne saurait être méconnue. Etablir l'identité de structure des rayons natatoires et des écailles, c'est établir la parenté de ces deux ordres de productions, c'est montrer en même temps l'étroite liaison, la communauté d'origine de tous ces tissus calcifiés qui constituent la charpente des organes du mouvement, le revêtement extérieur et le squelette intérieur des poissons. Comme base organique, du tissu fibreux ou cartilagineux; comme base inorganique, des molécules calcaires isolées ou agglomérées sous forme de nodulites : tels sont les matériaux très-simples dont la nature a constitué toutes les parties dures des poissons. Par suite de cette uniformité de structure, il est facile do prévoir combien, dans certains cas, la détermination des organes peut offrir de difficulté. Lors- XX NOTES ET UKVUE. quo dans une région, comme celle du crâne, par exem[)le, le squelette inté- rieur et le squelette extérieur se trouvent eu contact direct l'un avec l'autre, il devient parfois impossible de décider auquel de ces deux systèmes appartient telle ou telle pièce. Je citerai comme exemple les iiièces de l'appareil operculaire. De la texture des rayons uatatoires je passe maintenant à l'étude de leur développement. Au moment de leur éclosion, les poissons osseux sont, comme on le sait, entourés d'une grande nageoire impaire, qui occupe presque toute la péri- phérie du corps. De cette nageoire unique, et par suite d'atrophies partielles, sortiront plus tard les nageoires dorsale, caudale et anale, toujours plus ou moins distinctes les unes des autres. Comment est constituée la nageoire primitive des jeunes poissons? Telle est la question qu'il s'agit pour nous de résoudre tout d'abord. Si l'on exan)ine la nageoire embryonnaire d'une Épinoche peu de jours après la luiissance, on reconnaît que cet organe se présente sous l'aspect d'une Jarne membraneuse très-mince, striée perpendiculairement à son bord libre. Le tissu de cette membrane se montre composé de très-petites cellules sou- vent assez difficiles à distinguer. En soumettant la membrane natatoire à une légère macération, j'ai pu reconnaître au niveau des stries la présence de corps dont l'existence bien connue dans les nageoires des poissons adultes n'a pas, je crois, été signalée jusqu'ici dans la nageoire transitoire des jeunes pois- sons. Je veux parler des lilaments cornés, c'est-à-dire de ces corps allongés, effilés aux deux bouts, un [teu aplatis, transparents comme du verre, parfois légèrement jaunâtres, que l'on trouve d'une façon constante à l'extrémité de chacun des rayons natatoires, et accidentellement dans la membrane qui sé- pare ces rayons les uns des autres. Lorsque la macération a détruit en partie les tissus mous de la nageoire embryonnaire, si l'on vient à porter sous le microscope une portion de cette nageoire, on voit sous une pression légère saillir sur le bord libre les pointes de lilaments cornés, rangés parallèlement les uns aux autres comme les pieux d'une palissade. En comprimant davantage la nageoire, on peut isoler quel- ques-uns de ces lilaments et les étudier sans difficulté. On reconnaît alors que ce sont des productions sans structure apparente, composées d'une substance amorphe et parfaitement homogène. Ces filaments ne dilVèrenl en rien de ceux (]ue l'on rencontre chez les poissons adultes, si ce n'est par le volume. Ainsi donc, avant la foriiialion des rayons de la nageoire définitive, la na- geoire end)ryonnaire a pour charpente et pour unique soutien des filaments cornés, uniformément répartis dans toute son étendue. Ce fait n'a pas seulement un intérêt purement anatomi(iu(', il ofl're aussi un intérêt pliilosoplii(iue. On sait (]ue chez les i)oissons du groupe des Sélaciens les nageoires impaires sont souvent constituées presque en totalité par des filaments cornés, le sque- lette véritable de la nageoire se trouvant réduit à quelques pièces cartilagi- neuses. On «ait d'autre part que la iiaL'('nir(! caudale des Sélaciens, avec sa NOTES ET REVUE. xxi forme hétérocerqiie, représente l'iiiie des phases du développement de la na- geoire caudale des jeunes Téléostiens (l'hétérocercie est des plus remarqua- bles chez l'Epinoclie au moment de sa naissance). De la comparaison de ces divers faits il est donc légitime de conclure que, sous le rapport de la structure intime aussi bien que sous le rapport de la forme, les nageoires ides poissons cartilagineux représentent un état de déve- loppement moins avancé que les nageoires des poissons osseux. Les nageoires des premiers, avec leurs fdamenls cornés pour squelette, correspondent évi- demment à la nageoire embryonnaire des seconds, qui n'a aussi pour charpente que des filaments cornés. C'est donc ici une nouvelle preuve, tirée de la struc- ture, venant corroborer une vérité déjà acquise par l'étude des formes exté- rieures. Après avoir parlé de la texture de la nageoire embryonnaire des poissons osseux, il me reste maintenant à envisager la question du dévelop- pement des rayons articulés. Quelque temps après l'éclosion, lorsque la nageoire embryonnaire va donner naissance aux nageoires définitives, on voit se former dans l'épaisseur de la membrane primitive des zones parallèles d'une certaine épaisseur, alternati- vement plus claires et plus obscures et perpendiculaires au bord libre. Les premières de ces zones (zones radiales) correspondent aux futurs rayons na- tatoires, les secondes (zones interradiales) représentent les portions memlira- neuses intermédiaires à ces rayons. Une fois commencé, le travail déformation des rayons se poursuit avec ra- pidité ; les zones radiales s'allongent, elles acquièrent des limites mieux tranchées, et l'on voit se former dans leur épaisseur de distance en distance des lignes plus foncées qui représentent des sortes de cassures transversales. Ces lignes n'apparaissent pas toutes à la fois ; il s'en forme une première d'abord, puis une seconde, puis une troisième, et ainsi de suite en allant ih; la base de la nageoire vers son sommet. Les portions de rayon comprises entre C0s lignes transversales constituent les premiers articles des futurs rayons. Combien de temps dure cette formation des articles? Quand les rayuus ont- ils acquis leur forme définitive? Telle est la question qu'il nous faut mainte- nant examiner. On serait porté à croire que. lorsque le jeune poisson a acquis sa l'unne dé- finitive, c'est-à-dire au bout de quelques semaines, les nageoires ont aussi revêtu leurs caractères adultes. Il n'en est pas ainsi : non-seulement (juelques semaines, quelques mois ne suffisent pas au développement complet des na- geoires, mais j'ai constaté ce fait remarquable, que chez la plupart des pois- sons l'évolution des nageoires n'est jiour ainsi dire jamais terminée, et quand je dis évolution, naturellement je n'entends point parler du simple accrois- sement de ces organes, mais des changements accomplis dans la forme des rayons articulés et dans le nombre des pièces qui les constituent. Des obser- vations très-précises poursuivies sur la Perche et sur divers Cyprins m'ont dé- montré, en effet, que le nombre des articles des rayons natatoires va en s'ac- croissant d'une manière continue [tendant toute lu durée de la vie, d'où résulte XXII NOTES ET KEVUE. coiiiiiio conséquence naLurelle un accroissement pkis ou nionis niar(|ué dans le nombre des bifurcations de chaque rayon. J.es tableaux suivants, obtenus d'après une étude minutieuse de la nageoire caudale de la Perche, serviront mieux que tous les développements à préciser les faits sur lesquels je tiens à appeler l'attention. A. Nageoire caudale W une jeune Perche. Longueur liitale du poisson du bout du museau à rextrémilé diî la (pieue, .SS millimètres. Longueur de l'un des |iriiicipaux rayons, 11 millimètres el demi. Nombre des articles contenus dans ce rayon, 18. Longueur de chacun de ces articles en allant de la base du rayon vers son sommet : Millim. Millim. iMillim, ie> articlo 1,24 7« tiriicle 0,54 13e article 057 a*-- 0,39 8e (bifurqué)... 0,54 lie ()',;o •T" 0,4a y*' 0,57 15e o'.iO 4^ 0,45 lOe 0,57 i(ie(biiurqué).,. 0,54 5e 0,45 lie 0.54 17e 0,51 tje 0,48 Jâe 0,54 18e 0^54 B. ISiKjcoire caudale d'une Perche ûgée. Longueur totale du poisson du bout du museau à l'extrémité de la queue, '.VA centimètr, 4^^ article o,54 2". 0,45 26e „ 50 e , o,(;0 ne 0,45 27e . » 51e 0,54 4e 0,51 28e „ 5-je 0,54 5e 0,51 29e • » 53e 0,54 (ie ,... 0,51 30e ), o4e 0,54 7e 0,51 31e » 55e 0,54 se 0,54 32e )) 5Ge 0,45 9e 0,54 33e » 57e 0,75 lOe 0,51 34e » 5Se 0,57 H" 0,54 35e » 59e 0,54 12<' 0,60 36e.. _ „ ooe 0,54 13e 0,60 37e 0,54 6le 0,57 14e 0,57 38e... 0,60 62e o,54 15e 0,57 39e 0,57 63e. o,57 16e 0,57 40O 0,58 64e 0,54 17e 0,57 41e ._ 0,54 65e 0.66 18e. 0,60 42e 0,66 66e __ 0,48 19e 0.63 43e 0,54 67e o',3(i 20e 0,(54 44e 0.6(i 68e 0,45 21e 0,57 45e 0,60 i;9e 0,48 22e 0,56 46t 0,60 70e 0,42 23c 0,57 /,7e 0,57 71e 0,45 24e »(♦) 48e 0,54 72e 0,51 ' Du 24e article jusqu'au 37e. les mesures n'ont pas été prises, vu le pou d'étendue des variations;. NUTKS hï KJiVL'K. x.viii Si l'un compare eiilrc eux les deux tableaux qui précèdent, on est l'ryppé de l'énorme diilerence qui existe dans le nombre des articles d'un même rayon chez une jeune Perche et chez une Perche âgée ; 18 articles d'un coté, 72 de l'autre ! Un rap|)ort de 1 à 4 1 C'est là certainement un résultat tout à fait inattendu. A quoi il faut encore ajouter que dans un même rayon tous les articles sont à peu près d'égale longueur, sauf le premier (l'article basi- laire), qui paraît beaucoup plus long, ce qu'il faut attribuer évidemment à la réunion de plusieurs articles eu un seul. On aperçoit encore du reste sur l'extrénuté externe de cet article basilaire des traces de soudure qui démon- trent jusqu'à l'évidence son origine complexe. Enfin les arîicles des rayons de la Perche de G centimètres sont au^si longs que ceux des rayons de la Perche de 33 centimètres, ce i)ui montre (ju'une fois formés, ces articles n'ont plus de tendance à s'accroître en longueur et qu'il n'y a d'autre supposition pos- sible que celle d'une addition successive de nouveaux articles à l'exlrémité libre des rayons. Du reste, cette extrémité libre des rayons présente cette par- ticularité extrêmement remarquable, qu'elle otfre toujours pour ainsi dire les mêmes caractères de texture que la nageoire embryonnaire, puisqu'elle est composée d'une trame de tissu conjonctif et dehlaments cornés. La production incessante de nouveaux articles à l'extrémité des rayons natatoires explique aussi jusqu'à un certain point la facilité que possèdent les nageoires de pou- voir se reproduire après une ablation plus ou moins complète. Cet accroissement du nombre des articles des nageoires avec l'âge chez la Perche n'est pas un fait (jui soit particulier à ce poisson. On peut le constater également chez les Cyprins. Ainsi, chez un jeune Vairon de 3 à 4 cen- timètres de longueur, le nombre des articles appartenant aux plus longs rayons de la nageoire caudale n'est que de li environ, tandis que sur un grand Vairon le nombre des articles de ces mêmes rayons dépasse .30. Cependant cet accroissement continu du uondDre des articles avec l'âge n'est pas également marqué chez tous les types de poissons; chez l'Epinoche, par exemple, la dilîérence du nondjre des articles pour un même rayon de la nageoire caudale n'est guère que de deux ou de trois chez un individu de petite taille et chez un individu de taille beaucouji plus considérable. Par contre,'la longueur des articles b'accroii, d'une façon très-notable avec l'âge. Nous avons vu [lar les tableaux A et 13 que chez la Perche les dimensions en longueur des articles ne varient que dans des proportions extrêmement faibles; dans d'autres types de poissons (Cyprins) les articles consécutifs d'un meure rayon présentent, au contraire, des différences de longueur très-consi- dérables; entre deux longs articles on trouve un article extrêmement court, (jui offre pour ainsi dire les apparences d'une petite pièce articulaire. Cette succession de très-longs et de très-petits articles se répète ainsi d'une façon plus ou moins régulière dans tonte la longueur des rayons. Peut-être ces caractères particuliers des différents articles consécutifs ne seraient-ils pas sans intérêt au point de vue de la distinction des espèces. Ce serait là, en tout cas, une question à examiner. Tout ce que je vi(!n6 de dire des rayons de la jiageoire caudale s'applique également aux rayons dtîs autres nageoires impaires, ainsi qu'aux rayons des naueoires paires. ïM\ iNOTES irr REVUE. Pour terminer ces considérations sur la structure et le développement des rayons natatoires, il me resterait à parler du mode de formation des articles ; sur ce point, inaliinurensement, je ne possède encore que des observations tout à fait insuflisantes; il me semble cependant, d'après les quelques notions (|ue j'ai pu recueillir, que la formation dos articles est due à la production suc- cessive de points ou plutôt de zones de calcilication distinctes dans le tissu conjonctif qui constitue la base organique des rayons. Les lignes d'arti- culation correspondent à la ligne de séparation de deux zones calcifiées adja- centes. J'ai été conduit, en étudiant ce mode de formation des articles, ù établir un rapprochement extrêmement curieux entre la constitution des rayons nata- toires et celle des écailles. .l'ai démontré au commencement de cet article qu'il y avait entre la struc- ture élémentaire des écailles et celle des rayons natatoires une analogie aussi complète que possible. Cette identité de structure me paraît de nature ù per- mettre de se rendre compte d'une particularité de l'organisation des écailles qui jusqu'à présent est restée sans explication, je veux parler des sillons qui rayonnent du centre vers la périphérie. Si l'on veut bien réfléchir que dans un rayon natatoire les lignes de suture qui séparent deux articles consécutifs sont perpendiculaires h la direction des faisceaux fibreux du rayon et que dans une écaille supposée circulaire et composée de faisceaux plus ou moins concentriques les sillons rayonnants coupent aussi ces faisceaux plus ou moins perpendiculairement, on a là déjà un premier indice de rapprochement à établir entre les lignes articulaires des rayons natatoires et les sillons rayonnants des écailles; mais, quand après cela on vient à constater dans cer- taines écailles, celles des l^lcuronectes, de VOpidium barbulum, des anguilles, par exemjile, que le tissu calcifié constitue des îlots plus ou moins séparés les uns des autres par des sillons, disposition qui est due évidemment à la forma- tion d'autant de centres particuliers de calcification ; d'après ces faits, dis-je, la nature des sillons rayonnants et leur analogie avec les lignes articulaires des rayons natatoires me paraissent rendues aussi probables que possible. Quoi qu'il en soit, ce sont là de nouveaux horizons à explorer, et qui déjà suffisent, en attendant des recherches plus approfondies, pour nous faire entre- voir une admirable unité dans la constitution de toutes ces parties solides qui forment le revêtement extérieur et les supports des organes du mouvement chez les poissons. XI lU-VISlON DES OUHSINS {lîKVISIOX OF IllH E( IIIM), l'îii- Alexandre AGASSIZ. L'ouvrage que nous nous proposons d'analyser brièvement est un modèle on son gt!nr(^ 11 l'ait partie de la séri(! des Calaloffues illuslrh du Musée de znoJogir rnm^uinilirr dr i'nwhridqr Mns.snrliusctlj). mu>ée ipù a été fondé NOTliS Eï REVUE. xxv sous l'inspiration de Louis Agassiz, s'est rapidement développé et menace de dépasser bientôt tous nos musées européens. Il s'est notamment enrichi, dans ces dernières années, do toutes les merveilles recueillies dans le voyage du Hassier antouT de l'Amérique, et auquel ont pris part, avec M. Agassiz père, les docteurs Pourtalès et Steindachncr. Non content de créer en si peu de temps un musée de premier ordre aux Etats-Unis, M. Agassiz a voulu qu'un inventaire complet des richesses de sa création fût dressé, et dressé de manière que chacune des parties du Catalogue illustré devînt un ouvrage de zoologie descriptive que les naturalistes pour- raient désormais prendre pour base de tout travail de nomenclature. Les Cata- logues du musée de Cambridge sont ainsi devenus un exposé complet de l'état de la science au moment de leur publication, et l'œuvre de M. Alexandre Agassiz a, parmi toutes celles du même genre, atteint, pour ainsi dire, à la perfection. Son catalogue, quand il sera complet, pourra remplacer tout ce qui a été écrit jusqu'à ce jour sur les oursins vivants. L'ouvrage, in-i" de 378 pages de texte, est accompagné d'un atlas volumi- neux, comprenant, outre un certain nombre de cartes de géographie zoolo- gique, ]a représentation souvent photograplii(}ue de toutes les espèces d'Our- sins des côtes des Etats-Unis, parmi lesquelles figure le genre extraordinaire des Pourtalesia, recueilli dans les récents draguages exécutés en Amérique. Le plan de la Revision des Echinides est des plus larges. Dans un chapitre remarquable, M. Agassiz expose les règles de nomenclature qui lui paraissent devoir être adoptées. 11 croit devoir rejeter les règles posées par la Société royale de Londres et tendant à ne considérer comme valables dans les méthodes que les noms proposés depuis Linné. Linné n'a pas été également heureux dans toutes les branches de la science; souvent — et en particulier à propos des Oursins — ses prédécesseurs ont vu plus juste que lui et il est impossible de leur dénier la part qu'ils ont eue dans les progrès de la zoologie. M. Alexandre Agassiz pense, en conséquence, que la seule règle qui doive guider, dans le choix d'un nom spécifique, c'est la priorité, toutes les fois qu'il est possible de l'établir d'une manière authentique, soit que les descriptions et les circonstances dans lesquelles elles ont été faites ne puissent laisser aucun doute sur la nature des objets qu'elles ont eu en vue; soit, ce qui vaut encore mieux, que l'examen des types mêmes de l'auteur soit encore possible. C'est là la stricto équité, et M. Alexandre Agassiz était plus apte que personne à mettre en pratique ces principes, ayant visité tous les musées et toutes les collections particulières qui ont quelque renom en Europe. Quant aux noms génériques, il est abusif, quand on remanie un genre, de supprimer son ancien nom et d'en donner de nouveauxà toutes les coupes que l'on établit à ses dépens, sous prétexte que l'on comprend le genre autrement que son fondateur; il est toujours possible, quelles que soient les limites adoptées pour les genres nouveaux, de conserver à l'un d'eux, sans forcer aucunement les choses, le nom du genre démembré, et l'on diminue ainsi la confusion. C'est de ces règles que M. Alexandre Agassiz s'est inspiré dans la méthode qu'il propose sous forme d'une simple Liste des rsprces comuies : mais il a xxvt NOTES El ï\E\[:t:. voulu que ceux (]ui ue |ieusaient pas comme lui pussent trouver dans son ouvrage même tous les éléments nécessaires pour choisir les noms qui leur conviendraient le mieux, et dès lors il a, dans sa révision, donné tous ses soins à la partie bibliographique, qui est un chef-d'œuvre. Une première partie contient, dans l'ordre alphabétique des noms d'au- teurs, la liste de tous les ouvrages publiés jusqu'à ce jour sur les Oursins vi- vants. La même liste est ensuite reprise dans l'ordre chronologique; mais en même temps le résultat du dépouillement des ouvrages est fait, et chacun des noms, bons ou mauvais, donnés à une espèce ou à un genre, est relevé; s'il est nouveau, il (!s( ini|iriiné en caractères spéciaux et indiqué, s'il y a lieu, comme équivalent du nom primilif. Si le nom fait doiU)le emploi dans la science au moment où il apparaît, le premier équivalent [(oslérieur eat imliqué avec sa date. Ainsi se trouve constituée Vhisloire des noms usités en échinologie, in- dé]iendamment des espèces auxquelles ils se rapportent. Vient ensuite Vhisloire des espèces, c'est-à-dire la synonymie, dans l'ac- ception qu'a ce mot pour tous les zoologistes. Les genres adoptés et, dans chaque genre, les espèces qu'il contient, sont rangés par ordre alphabétique. On trouve ainsi iiCur clia(pie espèce les dénominations diverses qu'elle a pu recevoir, et les motifs (jui ont déterminé dans le choix du nom déhnitif résul- tent immédiatement de la liste précédente et de la règle de priorité que M. Alexandre Agassiz applique dans toute sa rigueur. Une quatrième liste comprend, par ordre alphabétique, tous les noms qu ont été enqiloyés jusqu'à ce jour en échinologie et renvoie pour chacun à celui qui est délinitivement adopté. Elle est le complément de toutes les autres et, combinée avec elles, elle permet de reconstituer en quebiues heures tout le passé historique d'un nom ou d'une espèce. Je ne crois pas (pi'il existe pour un autre groupe d'animaux un travail de synonymie plus complet, mieux conçu, plus lieureusement combiné. Nous arrivons enlin à la dernière liste, celle des espèces connues, où est exposée en même temps la méthode de M. Alexandre Agassiz. Les Ëchinides vivants sont divisés en trois ordres : les Desmosticha (Haickel), les Ci.Yi^EASTKiu.'i'; (Agassiz) et les Petalosticha (Hicckel). Le premier de ces ordres correspond exactement à celui des Ëchinides réguliers. Il est divisé en quatre familles qui sont des plus naturelles : celles des Cidaridœ, Arbaciadœ, Diadematidcp, Echinomclradœ et Echinidœ. Ce n'est pas sans quelque satis- faction personnelle (juc nous voyons M. Agassiz adopter ces familles. Elles correspondent en elîet à très-peu i)rès à celles aux(iuelles nous avons été con- duit nous-mème dans de précédents travaux, par la seule considération des pédicellaires et des spicules ambulacraires ', dont les formes sont jusqu'à ce jour absolument caractéristiipuis de ces diverses familles. Cette constance delà forme des spicules dans une même famille n'aurait rien d'étonnant si, comme semblent le démontrer les travaux de M. Ilarting, la forme des spi- cules dépend surtout de la nature du milieu albumineux au sein duquel ils se déposent. Ceci ne saurait du reste s'applifpier (ju'à une certaine catégorie de spicules, tels (pie ceux d;'s Echinodermes, des Ascidies et de divers iMollus- I Annales dos sciences naturelles. 1870. el Sotivelles Archives dn Muséum, 1872. NOTES ET REVUE. xwii ques ; ces spicules se rapprochent, à beaucoup d'égards, des substances excré- tées, tandis que d'autres, les spicules des Eponges par exemple, sont de vérita- bles organes ayant chacun un rôle bien nettement défini à remplir. En se plaçant à ce point de vue, les Echinomelradœ se rapprochent considé- rablement des véritables Echinidœ, et peut-être y aurait-il eu quelque avan- tage à les réunir à ce dernier groupe, laissant simplement à cette coupe la signification d'une tribu. Cette manière de voir ne s'éloigne, du reste, pas beau- coup de celle de M. Alexandre Agassiz, qui comprend dans .sa famille des Echinomelradœ des Oursins ù test absolument circulaire connue celui des vrais Echinidœ. Dès lors la différence entre les deux grouiies ne consiste plus guère que dans le nombre des pores correspondant à chacune des plaques ambula- craires, et cette différence n'a pas une importance bien considérable, puisque M. Alexandre Agassiz laisse jiarmi les Echinidœ les Holopneusles qui ont, comme les Echinomètres, plus de trois paires de pores par plaques ambula- craires. Cette même famille des Echinomelradœ serait d'ailleurs elle-mèmeplus homogène si l'on y laissait seulement les Oursins à test elliptique et dont les pédicellaires présentent eu même temps ce singulier caractère que chacune de leurs branches est dissymétrique. Les autres Echinomelradœ de M. Alexandre Agassiz pourraient former entre les Echinides ordinaires et les Echinomètres vrais une tribu de transition, pour laquelle nous avons proposé autrefois le nom de Loxechinidœ. Les tribus dans lesquelles se subdiviserait la famille des Echinidœ, ainsi comprise, seraient alors les suivantes, en conservant l'ordre même de M. Agassiz : Loxechinidœ, Echinomelradœ, Temnopleuridœ, Triple- chinidœ. La tribu des Temnopleuridœ comprend un certain nombre de genres qui tous ont ce caractère commun, d'avoir leurs plaques séparées soit par des impressions, soit par des pores ; peut-être n'eùt-il pas été inutile de limiter la tribu à ces genres, ce qui eût présenté l'avantage d'indiquer dans la mé- thode une particularité intéressante. Il eût suffi pour cela d'élaguer de la tribu les Amblypneuslcs, qui peuvent être rangés parmi les Triplechinidœ, et les Holopneusles, qui se rapprochent certainement beaucoup, à divers égards^ des Ambhjpneusles , mais dont les affinités réelles nous paraissent encore dou- teuses. Ils nous paraissent représenter, vis-à-vis des Oursins à plus de trois paires de pores par plaque ambulacraire, ce que les Tripiieusles représentent vis-à-vis des autres Triplechinidœ, quant à la disposition de leurs pores ; c'est ce que nous avions voulu indiquer en réunissant, dans un précédent travail, ces deux genres dans une même famille, tout aussi naturelle que celle qui laisse ensemble les Salmacis et les Ambhjpneusles. Quant aux Heliocidaris de Desmoulins, que M. Alexandre Agassiz laisse sous le nom ^ï Eccchinus ])armi les Triplechinidœ, nous croyons qu'ils demandent à être encore étudiés. Leurs spicules ambulacraires se sont montrés tout ditTérents dans les échantillons que nous avons observés de ceux des vrais Echinides, et il serait singulier qu'un caractère constant pour toutes les autres familles lïit en défaut pour un seul genre. Peut-être ne sont-ils pas extrêmement éloignés des Arbaciadœ de Gray, qui constituent une famille que nous avons désignée sous le nom d'Echi- nocidaridœ, du nom qu'a imposé à son genre principal M. Desmoulins l'année même 1 1835) où, pour les mêmes animaux, M. Gray créait le genre Arbacia. Le travail de M. Alexandre Agassiz est trop au-dessus de toute critique de xxviii NOTES ET liliVUE. iiotr(3 part, pour que nous lui soumettions ces observations autrement que comme des points que nous voudrions voir éclaircis, et qui le seront sans doute dans la partie non encore publiée de son travail. Qu'il nous permette encore d'exjtrimer un regret pour certains change- ments dont il n'est du reste pas la cause. C'est celui d'être obligé de rem- placer, de par la loi de priorité, les noms euplioniques et significatifs de Acrodadia et de Podophora que son père avait introduits dans la science par ceux de Helcrocenlrotus et de Colobocenlrolus ([ue Brandt aurait dû nous épargner. Il faut aussi qu(î nous appelions désormais Slromjylocenlrolus (Brandt) les anciens Toxopneusles de Louis Agassiz, et ci' qu'il y a de plus fâcheux, c"estquece même nom de To.ropneuslcs se trouve maintenant trans- porté aux Bolclia de Desor, ce ({ui pourra causer quelque embarras aux nomenclateurs. Cependant nous sonnnes, comme M. Alexandre Agassiz, d'avis qu'il faut se résigner pour en finir ; mais nous ne dissimulons pas nos regrets tout en témoignant à M. Alexandre Agassiz notre admiration pour la modestie dont il a fait preuve en remplaçant par ces noms barbares les noms heureux choisis par son père. M. Agassiz a remanié avec juste raison un certain nombre de genres. Les anciens Toxopneusles et Loxcckinus sont répartis entre les genres autrement limités des Sphœrechinus, employés dans une acception nouvelle, et Slrongylo- cenlrolus. Les Pscuiimechinus, Echinus, SpJuercchinus, Lylcchinus, Bolelia sont répartis dans les deux genres Echinus et Toxopneusles (nouvelle accep- tion). Les changements apportés à la classification des Oursins irréguliers sont beaucoup moindres. Signalons cependant que M. Alexandre Agassiz rejette la famille des Echinoconidces et place les Echinoneus parmi ses Cassidulidœ, ce qui est en rapport avec les caractères (]ue présentent les jeunes Echinoneus. La Révision de M. Agassiz comjirend deux autres parties qui seront lues avec un vif intérêt, mais qu'il nous est impossible de résumer ici. Ce sont la distribution géographique et bathymétrique des Oursins, avec six cartes indi- quant les principaux districts géographiques et le mode de répartition des différents genres. AL Alexandre Agassiz s'occupe ensuite de la description zoologi([uc des es- pèces qui habitent le littoral des Etats-Unis; ces descriptions sont accompa- gnf'os de (luaranle-neuf planches fortl)ellos; jamais les Oursins n'ont été aussi magnifiquement illustrés. Ce monument élevé à l'histoire tles Echinides sera continué par un autre volume comprenant la description des (sspèces vivantes non comprises dans la première parti(i, en même temps qu'une revue de l'anatomie et de la classifi- cation de ces animaux. Tous les naturalistes ne peuvent ([ue souhaiter ardenunent la |iublication prochaine de ce qui doit compléter ce spleinlide travail. iùl. IMiiiKiiiu. NOTES h:T REVUE. XII EXPÉDITION DU CHALLENGER. Les expéditions scientifiques lointaines et dans des conditions nouvelles, conséquence des progrès de la science, ont pris, depuis une dizaine d'années, une grande extension à l'étranger. La France seule ne suit point ce mouve- ment. Si quelques naturalistes font tous leurs efforts pour ne pas laisser notre pays trop en arrière, c'est toujours avec des moyens insuffisants qu'ils agis- sent. Los lecteurs des Archives verront sans aucun doute avec intérêt comment en Angleterre les naturalistes qui se dévouent aux intérêts de la science sont secondés. « Le Challenger (vaisseau de Sa Majesté) a quitté la jetée de Portsmouth à onze heures trente minutes du matin, le 21 décembre, le baromètre étant très-bas. Une forte brise sud-ouest soufflait et le cylindre était hissé ; si bien que dans une saison comme celle dans laquelle nous nous trouvions, nous n'avions pas en perspective peu de semaines pour accomplir notre voyage autour du monde. « Le résultat justifia les indications du cyliiulre S et pendant une semaine nous ne fîmes que louvoyer à l'embouchure du canal et de la baie de Biscaye, faisant peu de progrès au midi. Il a peut-être mieux valu être ainsi secoués d'abord, cela a servi à nous montrer ce qu'il pouvait y avoir de défectueux et nous a fourni l'occasion de prévenir bien des désagréments. Un violent cyclone qui nous jeta sur le chemin de Shoarness à Portsmouth avait déjà prouvé l'excellence de nos systèmes d'arrimage, et quoique le Challenger roulât considérablement en arrivant vers .33 degrés, pas un instrument ne bougea et pas un verre ne fut brisé, tant dans le laboratoire de zoologie que dans celui de chimie. Un peu avant Lisbonne le temps s'améliora, nous pûmes gagner les eaux profondes et donner un ou deux coups de drague. « A'fjrès avoir quitté Lisbonne le 12 janvier, le vent fraîchit de nouveau, mais entre Lisbonne et Gibraltar nous fîmes quelques expériences importantes et trouvâmes, entre autres choses, que nous pourrions travailler facilement et avec succès au moyen de la drague ordinaire au-dessous de 600 pieds. J'écris maintenant à 100 milles au nord de Madère, et, depuis que nous avons quitté Gibraltar, le temps, quoique un peu rafraîchi, a été à beau fixe. Nous avons fait plusieurs sondages à de grandes profondeurs et atteint avec succès une profondeur de 2 123 brasses, d'où nous avons retiré les débris d'intéressants animaux : plusieurs d'entre eux sont nouveaux pour la science, et d'autres fort rares et fort beaux. Nous n'avons jusqu'à présent pu faire autre chose que des essais. Le temps a été contre nous. C'est de plus une entreprise toute nouvelle que de draguer avec un aussi grand vaisseau ; cette tentative pré- sente des difficultés spéciales et en tout cas exige quelques précautions. Le poids du vaisseau est si grand, qu'il est impossible de se balancer sur la dra- 1 Signal dosliiii'' à indiquer 1p lemps probable dans les ports anglais. XXX NOTES ET REVUE. giie comme avec un plus petit vaisseau. Si on l'essaye, l'impulsion donnée à la drague est irrésistible et paraît avoir uniqiKunent pour ell'et de la faire sauter sur le fond. «Cette difficulté peut sans doute être tournée, maisïa seule manière paraît être d'user d'une longueur de corde beaucoup plus grande que la profondeur de l'eau et ayant un grand poids. Une seule opération de draguage peut ainsi prendre beaucoup de temps, mais en compensation nous pouvons nous servir d'une drague plus volumineuse. Le peu d'essais que nous avons déjà faits ont tous eu pour but des études de perfectionnement, et j'ai peu de doute que, sous l'habile direction du capitaine Nares, ce qui est aujourd'hui une petite difficulté disparaisse complétemcut. « Comme j'espère envoyer de temps en temps à Nature quelques articles don- nant les résultats de notre voyage. Il me paraît utile de commencer par donner une esquisse générale du but de nos opérations et des moyens d'action dont nous disposons. a Le Challenger est une corvette de 2 000 tonnes de tirant. Sa construction particulière lui donne un avantage immense pour ses présents projets ; elle présente aussi l'accommodation d'une frégate avec la légèreté et le tirant d'eau d'une corvette. Seize des dix-huit pièces de canon qui forment l'arme- ment du Challenger ont été enlevées et le pont est presque entièrement amé- nagé pour les travaux scientifiques. La cabine d'arrière est divisée en deux par une cloison, et les deux chambres ainsi formées, égayées par des miroirs, des peintures, des tentures, et parfaitement éclairées, sont la mienne et celle du capitaine Nares. La cabine d'avant, une fort élégante chambre qui com- munique avec les cabines particulières, nous sert de salon • le côté de bâbord avec sa table à écrire, sa table à travailler, sa bibliothèque garnie de mes au- teurs favoris, est appropriée à mon usage. Le capitaine a un arrangement semblable à tribord. Deux cabines ont été construites sur le pont pour le travail scientifique. A bâbord, un commode laboratoire zoologi(jue est occupé par les naturalistes de l'autorité civile; la chambre des cartes lui correspond du côté opposé. Vers le milieu du pont, à bâbord, se trouvent une chambre noire et un laboratoire pour le photographe; à tribord, M. Buchanan a son laboratoire de chimie et de physi(iue. Presque tout l'avant du pont est occupé par nos engins de dragujige et de sondage, l'appareil photométriijue et ther- mométrique (le M. Siemens et les plus encombrantes de nos machines, telles que la pompe hydraulique, l'aquarium et autres choses très-importantes dont je vous donnerai plus tard la description. «Je crois pouvoir dire que l'installation scientifique à bord du Challenger ne laisse que peu ou même point â désirer. Le capitaine Nares et ses officiers font non-seulement tout ce qu'ils peuvent pour nous aider; mais, ayant naturelle- ment un avantage sur nous dans jles gros temps, ils maintiennent notre cou- rage par le vif intérêt (ju'ils prennent au succès de nos opérations. Il y a table commune dans luie grande salle de garde sur le deuxième pont, et les civils ont à remercier cordialement les marins pour la franche courtoisie avec laquelle ils les ont admis en leur compagnie. « Les ajtpareils de draguage et de sondage sont portés par la grande vergue. Un fort palan (pennnul) 0¥,\ att.iché par un «'rociii'l au cli()iu|net irap), ensuite NOTES ET REVUE. xkxi par un palan \lachlr} à rextriMiiité de cette vergue. Un appareil de cinquante- OHiq Hodges accumuhtovs est suspendu au pennant, et nu-dessous de lui se trouve un bloc à travers lequel passe la corde de la drague. Cet arrangement parait mieux valoir que l'ancien, où l'appareil dépendait du martinet d'artimon. «Aux deux ou trois premiers coups dans les eaux profondes des côtes de Por- tugal, la drague a été remplie par la vase atlantique ordinaire, tenace et uni- forme, et le long tamisage que nous en avons fait ne nous a donné que les résultats les plus insignifiants. Nous étions très-désireux de nous faire une idée du caractère général de la faune et principalement de la distribution des groupes élevés, et, après plusieurs avis sur les modifications à apporter dans la drague, il a été proposé d'essayer la drague ordinaire. Nous avons à bord une drague épaisse avec une poutre de 15 pieds, et nous l'avons descendue au-dessous du cap Saint-Vincent, à une profondeur de 600 pieds. L'expérience semblait basardée, mais à notre grande satisfaction la drague a été ramenée tout droit : elle contenait, avec beaucoup de grands invertébrés, quelques poissons. Deux de ces derniers appartenaient au genre Macronre et un de grande taille nous était inconnu, mais se rapprochait à beaucoup d'égards du genre Mugèle. Tous ces poissons étaient comme gonflés par la dilatation des gaz contenus dans leur corps. Cessant d'être soumis à une haute pression, leurs yeux avaient particulièrement une singulière apparence, celle de gros globes sortant de leur tête. « Après cette première tentative, nous avons essayé plusieurs fois la drague aux profondeurs de I 090, \ S2o et enfin 2 123 pieds, fft toujours avec succès. « Plusieurs poissons voisins des Macroures doivent être ajoutés à la liste. Plu- sieurs Crustacés décapodes et parmi les Crustacés inférieurs un gigantesque amphipode de la famille des Hypernia, voisin des Phroynpnpx. ont été ramenés d'une profondeur de J 090 pieds. Les yeux de cet animal sont très-remarquables, s'étendant comme deux lobes à facettes sur toute la partie antérieure du cé- phalothorax, comme les yeux ûesjEglina parmi IcsTrilobites. Ce Grustacé, qui a 3 pouces et demi de long, est une splendide trouvaille et rappelle un des anciens Euryptérides. Le docteur von Willemes Suhmo s''occupe de sa description. (( Les Mollusques sont très-rares dans les eaux profondes, et nos prises se bornent aux espèces de Nncula, Leaa, Verlkordia, etc., que nous avions l'iia- bitude de remonter lors des draguages du Porcupine. « Parmi les Molluscoïdes, un coup de drague donné à i 523 pieds nous a donné un bel échantillon d'un Bryozoaire formant, au moyen de branches semblables à celles d'une Accromarchis nerUinrt, une gracieuse coupe. Les bases des branches sont unies par une tige transparente de 2 ou 3 pouces de haut semblable au tuyau d'une plume ou à la tige d'un verre à bordeaux. Ce genre, qui présente des caractères différents de ceux de tous les Bryo- zoaires actuellement connus, je le dédierai au capitaine Nares, en témoignage de la confiance et de l'estime qu'il s'est déjà complètement gagnés de la part des hommes de science. La Naresia rynl.hus rappelle certainement, d'une sin- gulière façon, les Diclyonema du terrain cambrimi, forme que j'avais penché jusqu'ici à rapporter aux Hydrozoaires. « Les Echinodermes ont fourni à la drague quelques espèces fort intéres- santes. Parmi eux, plusieurs exemplaires de ce beau petit Oursin trouvé par xxTU M)Ti:S KT uF.vur:. le comte Pourlaiès il;uis le détroit de la Floride et décrit par Alexandre Agassiz sous le nom de Salcnia varispinn. C'est incontestablement un véri- table Salenia, et, pour un partisan de la doctrine de la «continuation delà craie », il est agréable de voir vivante cette petite beauté, (|ui a jusqu'ici été reléguée parmi les animaux perdus. « Parmi les Etoiles de mer, deux espèces du genre Hymenasles ont été ren- contrées, et les Ophiurides sont surtout bien représentés par de grands exem- plaires de plusieurs espèces du genre Ophiomusium. (' Tous les coups de drague, à 2 12^ pieds, ont ramené plusieurs spécimens d'un singulier Holothuride dont une description sera bientôt publiée par le docteur Moseley. L'animal est d'une belle couleur violette. Comme les Psolus, il a une surface ambulatoire distincte avec une double ligne ventrale de pieds tentaculaires. La cavité du corps est très-petite, mais le périsome est représenté par une énorme couche gélatineuse qui, en arrière, de ciiaque côté de la ligne médiane, se soulève en une série de lobes arrondis perforés cha- cun pour le passage d'un tube ambulacraire et correspondant par conséquent à un pied ambulacraire. La partie supérieure des vaisseaux du trivium émet une série de sacs en forme de feuillets, richement pigmentés, qui forment une frange de chaque côté du discpie ambulatoire, et paraît surtout en rapport avec la fonction de respiration. « Nous avons rencontré fréquemment des Sertulariens et des Gorgones, tou- jours vivement phosphorescentes. Le capitaine Maclear donne une attention spéciale à ce phénomène. Une Mopsea, qui était remarquablement brillante, a donné un spectre s'étendant du vert jusque dans le rouge, tandis qu'une Umbellulaire en a donné un très-restreint. Le spectre fourni par ce remar- quable et rare Zoophyte était compris entre les raies b et D. Nous en avons ramené un très-bel échantillon avec une tige de 3 pieds de long à une pro- fondeur de 2 M5 pieds en vue du cap Saint-Vincent. Comme cela est habituel dans les mers profondes, les éponges dominent et nous avons pu ajouter à ce groupe quelques nouveautés qu'il faut surtout rapporter aux Hcxaciinellidœ. « Quelques belles espèces nouvelles d' Aphrocaliisles ont été recueillies le long des côtes de Portugal et dans les parages de Saint-Vincent, avec beaucoup de spicules et des échantillons plus ou moins détériorés d'Hijalonema, deux ou trois spécimens en bon état d'une espèce d'Eupleclella avec des spicules qu'il m'est impossible de distinguer de ceux de VEuphalclles aspcrgillum, la Cor- beille de fleurs de Vénus, des Philippines. La forme des deux éjjonges est la même. Mais nos exemplaires sont entièrement mous et les spicules ne sont [tas agglutinés dans un réseau continu de silice. « Les observations de physique et de ciiimie seront détaillées plus tard. Les températures prises sur les côtes de l'ortugal sont identiques à celles trouvées en 1871 par le Porcupine, en 1871 par \c Sliearwaler, au-dessous de 100 pieds, après lesquels la température dans cette saison est à peu près uniforme. Trad. Kumond Pkrrier {Nature, mars 1873). Le directeur : \\. m. Lacaze-Di'thieks. Le gérant : C. Rei.wvai.d. NOTES ET REVUE. xxxhi XIII PHILOSOPHIE ZOOLOGIQUE DE LAMARCK. Nouvelle édition. Librairie F. Savy. — Paris, 1873. Prix : 12 francs. Les nouvelles théories sur l'évolution de l'espèce ont donné lieu à de très- nombreuses publications, surtout à l'étranger. Elle ont aussi ramené les natu- ralistes à s'occuper des travaux si remarquables de l'un des zoologistes français à la fois le plus consommé dans les détails et aussi le plus hardi dans les con- ceptions générales. La Philosophie zoologique de de Lamarck, dont on se procurait difficilement un exemplaire, vient d'être rééditée avec soin par M. Savy, que l'on ne saurait trop louer d'avoir songé à permettre à tous ceux qui le désirent de se pro- curer le moyen de reconnaître facilement la part qui revient à notre grand naturaliste français dans les théories nouvelles pour lesquelles ou contre les- quelles se passionnent si vivement depuis quelques années les naturalistes on peut dire de tous les pays. XIV LITHOLOGIE DU FOND DES iMERS : Par M. DELE55E, Ingénieur des mines, prjfesseur à l'Ecole des mines, à TEcole normale, etc., etc M. le professeur Delesse a bien voulu adresser au directeur des Archives un exemplaire de l'ouvrage en deux volumes, accompagné d'un atlas très-beau dans les cartes duquel sont réunis des renseignements nombreux relatifs à l'hydrologie et à la lithologie de l'Europe, de la France et de l'Amérique du Nord. M. le professeur Delesse s'est attaché, d'après les renseignements en très- grand nombre qu'il est parvenu à se procurer, à faire la statistique, d'une part, des éléments minéralogiques et rocheux; d'autre part, des êtres vivants dont les débris sont si souvent mêlés aux sables ou aux vases. Il estime que son ou- vrage doit offrir de l'intérêt aux zoologistes qui s'occupent des animaux peu- plant le fond des mers, car la nature de ces fonds exerce une grande in- lluence sur le développement de ces animaux. En parcourant les belles cartes qui accompagnent ce travail considérable, on reconnaît en effet bien vite que le zoologiste s'occupant des faunes marines pourra dans plus d'une circonstance consulter avec grand avantage non-seu- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. U. 1873. G XXXIV NOTES ET REVUE. lement les cartes diverses, mais aussi les catalogues des dél)ris d'animaux, surtout des coquilles. Il sera, par cet examen, aisément conduit à se faire à l'avance l'idée d'une localité telle qu'elle est décrite et envisagée par M. Delesse. H. DE L. D. XV FORMES REMARQUABLES D'ANIMAUX VIVANT DANS LES MERS PROFONDES DE LA SUEDE Par m. Ossian SARS. Dans un mémoire i sur quelques formes remarquables d'animaux vivant dans les iners profondes de la Suède, M. G. Ossian Sars, lils du célèbre Michael Sars, nous fait connaître un intéressant bryozoaire, sommairement décrit, en 1868, par son père, sous le nom (THaliloplms mirabUis, et dragué par lui dans le voisinage de la localité de Lofoten, qui avait déjà fourni le curieux crinoïde bien connu de tous les naturalistes, sous le nom de Rhizo- crinus Lofolensis. Un animai du même genre, peut-être de la même espèce que Y Ilaiilophiis mirabilis, fut trouvé l'année suivante aux îles Sbetland, par Allnian, mais la description qu'il en a donnée avait été faite sur des individus conservés dans l'alcool. Allman avait donné à ce bryozoaire le nom de Rhabdopleura Nuimanni. Le nom de Rhabdopleura, au moins, doit donc disparaître. On connaissait parmi les Bryozoaires d'eau douce quelques types, les Fré- déricelles, par exemple, se rapprocbant des types marins par la forme circu- laire de leur couronne tentaculaire; Yllalilophus de Sars est le premier bryozoaire mariu dont les tentacules soient disposés sur un lophophore en fer à clieval, comme c'est le cas ordinaire pour les bryozoaires d'eau douce. De plus, celte disposition de la couronne tentaculaire coïncide avec la présence d'un épistome pourvu de cils vibratiles, de même forme, mais plus développé que celui des Polijzoaphylaclolcemala de Allman, que Ton croyait exclusivement lacustres et lluviatiles. Lorsque l'animal est contracté à rintéricur du polypier corné (jui peut l'abriter complètement, et qu'il en veut sortir, il applique son éiiisLome sur la paroi de son tube et s'cnjsert comme d'un pied, à l'aide duquel il rampe jus([u'à l'orilice de sa loge. On ne saurait affirmer (juctel soit l'usage de l'épistomc chez les Bryozoaires d'eau douce. Par différents détails de structure, VHalilophus, qui se rapproche, d'une part, des Bryozoaires d'eau douce, se rapproche, d'un autre côtt', des 1 Ecrit on anglais eu considération des services que les savants de ce pays ont rendu à la Zoologie en général et à celle des Tonds des mers en particulier. N'est-ce pas une sorte de reproche h. notre pays, dont la langue passait autrefois pour la langue scientifique par excellence? NOTES ET REVUE. xxxv Hydraires. Son polypier est annelé comme celui tic beaucoup de ces animaux, et se compose d'un certain nombre de tubes dressés sur un stolon qui les unit les uns aux autres. L'animal est libre dans sa loge; l'endocyste, au lieu de le relier aux parois, consiste simplement en une membrane transparente appliquée sur le corps de l'animal, de sorte que l'eau pénètre librement entre ce dernier et les parois de la loge. Il n'y a donc ni espace, ni liquide péri- gastrique. Les muscles si développés qui permettent aux bryozoaires ordinaires de se retirer dans leur loge avec la prestesse que tout le monde connaît, manquent ici complètement. L'animal ne peut se retirer que lentement, ce qu'il ne fait que lorsqu'il est vivement tracassé. Ce mouvement de rétraction est dû à la ( ontraction lente d'un cordon de couleur foncée qui relie cliaque animal au tissu commun du stolon, et dans lequel G. 0. Sars est tenté de voir un tissu intermédiaire cumulant les fonctions qui sont d'ordinaire dévolues à l'appareil musculaire et au système nerveux colonial. Le tube intestinal présente, comme d'habitude, deux orifices, la bouche et l'anus; mais on ne peut reconnaître sur sa longueur aucune modification propre à y faire distinguer plusieurs régions, comme cela a lieu chez les autres bryozoaires. Ce fait et ceux que nous venons d'indi(juer semblent prouver que VHali- /op/iHsestun terme tout à fait inférii'ur de la série des bryozoaires, et l'auteur le considère comme une « forme très-ancienne «, prouvant que « les bryozoaires sont unis de très-près aux Cœlentérés, et spécialement à ceux de la classe des Hydraires, » opinion que l'on peut mettre à profit pour les en faire dériver, si l'on s'occupe de pbylogénie. Edmond Peiuuei',, XVI NOTE SUR SUR LE DÉVELOPPEMENT DU yÀISSEAl DORSAL CHEZ LES INSECTES Pau m. Camille 1).\RESTE. On a souvent décrit et figuré le vaisseau dorsal des insectes, depuis Swiim- merdam et Malpighi; mais un l'a toujours étudié sur des animaux adultes ou sur des larves déjà avancées en âge ; aussi ne sait-on pas encore quel est son mode de formation, et (juels sont ses différents états dans les premiers mo- ments de la vie de la larve. J'ai fait, pendant le cours de l'été (en 1856), un grand nombre d'observations microscopiques qui m'ont permis, non pas de résoudre complètement ces questions, mais du moins de réunir quelques faits qui les éclairent d'un nouveau jour. Les larves de plusieurs espèces de Chironomus, de l'ordre des Diptères XXXVI NOTES ET REVUE. et (le la famille des Tipulaires, sont très-abondantes dans les mares des envi- rons de Paris. Elles ont été depuis longtemps souvent observées et décrites. Réaumur les a fait connaître sous le nom de Vers polypes dans deux de ses célèbres mémoires sur les Insectes, et Lyonct sous le nom de Vers teignes aquatiques. De nos jours, M. Kolliker a consacré l'un de ses premiers mémoires à l'étude de leur formation dans l'œuf. Mais tous ces naturalistes ont laissé de côté la question de la circulation. Le vaisseau dorsal présente, dans les dilîérents ordres de la classe des In- sectes, des différences plus ou moins grandes ; mais toutes les fois qu'on l'a observé, il s'est toujours présenté, du moins à ma connaissance, sous la forme d'un vaisseau qui s'étend dans toute la longueur du corps, au-dessus du tube digestif, et qui est contractile dans toute son étendue. Les différences tiennent surtout au nombre des cbambres qui sont formées dans son intérieur par des cloisons transversales. Les larves de Chironomiis, pendant un certain temps après l'éclosion, m'ont présenté, pour le vaisseau dorsal, une conformation très-différente. Cet organe est alors formé de deux parties bien distinctes. La partie postérieure qui occupe l'avant-dernier anneau du corps, est beaucoup plus renllée que la partie antérieure ; elle présente des fd)res musculain^s qui se contractent d'une manière très-manifeste, et qui doivent la faire considérer comme étant le véritable cœur. Ce cœur présente à sa partie postérieure deux ouvertures qui s'ouvrent pendant la systole et se ferment pendant la diastole. Tout le reste de l'appareil circulatoire est formé par un vaisseau qui s'étend depuis la partie antérieure du cœur jusqu'au-dessous des ganglions céré- broïdes. Ce vaisseau, dont le diamètre est plus petit que celui du cœur, jtré- sente partout les mêmes dimensions, et ne possède aucune contractilité : aussi se distingue-t-il très-nettement de la partie contractile ou du cœur. L'orifice qui sépare ce vaisseau, que l'on peut considérer comme une aorte, de la portion contractile de l'appareil circulatoire, présente deux valvules dont la disposition et le jeu rappellent ce que l'on observe dans les orifices ar- tériels du cœur des Mammifères. Elles sont convexes du côté du cœur, et s'adossent parjleur face convexe, pendant la diastole, de manière à fermer l'ori- fice et il empêcher le rellux du lluide circulatoire ; elles s'écartent au contraire pendant le systole. Cette disposition a été décrite et figurée avec soin dans un mémoire cou- ronné par l'Académie des scicnces_de Bruxelles, et dont l'auteur est M. Vcrloren (Mémoire en réponse à la question suivante : Eclaircir par des observations nouvelles le phénomène de la circulation dans les Insectes, en recherchant si on peut la reconnaître dans les larves des dilférents ordres de ces animaux, dans les Mémoires couronnés et Mémoires des savants étrangers de V Académie des sciences, des lettres et des heaux-arts de Uelijiiiue, t. XIX. JS. Chaque coupe, une fuis faite, passe directement de la surface du rasoir dans un vase rempli d'eau pure; pour éviter toutes les confusions, il est bon de placer chacune d'elles dans un vase séparé. Alin de ne pas confondre la surface supérieure et l'inférieure de cluujue coupe, avant de pratiquer les coupes, je fais une marque sur la pièce primitive au moyen d'un rasoir; de sorte que je puis distinguer le côté droit du gauche. Les préparations sont laissées dans l'eau pendant vingt-quatre heures, suivant leur degré de durcissement. L'eau doit être fréiiueminent changée surtout pen- dant l'été; un petit fragment d(î camphre placé dans chiuiue vase, comme l'a proposé Max Schuitze, i)révient le développement dcis infusoires. Ces coupes sont ensuite transportées dans la solution de carmin. Diverses matières colo- rantes qui ont été recommandées dans ces dernières années pour colorer les préparations microscopiques — telles (pn; l'indigo, les couleurs d'aniline et diverses teintures végétales — ne valent rien i>our l'i'tude des centres nerveux- NOTES ET REVUE. xlvh Les unes sont imparfaitement absorbées, frautres sont entraînées par les ma- nipulations nécessaires pour enlever l'eau des préparations. Le carmin ou, comme on dit, le carminate d'ammoniaque, introduit dans la science par Gerlach, demeure encore la meilleure et peut-être la seule matière colorante qu'on puisse employer pour les préparations. Je crois pouvoir confirmer l'as- sertion de Deiters, qui dit que, s'il est absolument nécessaire de colorer les préparations nerveuses, l'usage du carmin pour cet effet ne laisse rien ù désirer. Le fait que le carmin agit de diverses façons sur les différents éléments de la préparation est démontré par cette circonstance, que les cellules nerveuses sont, ainsi que Fa montré Mauthner, colorées de façons différentes. Deiters, qui n'admet pas cela, convient cependant que certains groupes d'éléments nerveux absorbent plus facilement le carmin que d'autres. .le puis confirmer ce fait et j'ajouterai que quelques groupes de cellules nerveuses absorbent une certaine quantité de carmin et ne subissent pas de cliaugements ultérieurs, même lorsqu'elles sont laissées pendant longtemps dans des solutions colo- rantes à différents degrés de concentration. La solution de carmin est préparée de la façon suivante : du carmin du commerce, est broyé dans un mortier avec une petite quantité d'eau, jusqu'à ce qu'elle forme une épaisse masse sirupeuse. On verse alors sur elle la solu- tion d'ammoniaque en agitant continuellement. La solution ainsi obtenue est étendue d'une grande quantité d'eau et filtrée afin de séparer les substances, telles que le verre pilé, qui sont mélangées au meilleur carmin. Cette solution filtrée est exposée au soleil dans une bouteille ouverte de verre vert, jusqu'à ce qu'un précipité floconneux apparaisse, et filtrée sur du papier à filtre neuf. La liqueur qui passe est encore traitée de la même façon et filtrée de nouveau. Il n'apparait généralement pas de troisième précipité. Si cela avait lieu cependant, le liquide serait filtré de nouveau et conservé ensuite dans un vase fermé. La solution ainsi préparée peut être conservée des mois ou même une année entière, sans s'altérer. Elle colore rapidement toutes les préparations microscopiques, mais plus spécialement celles des centres ner-. veux. Une demi-heure ou' une heure au plus est suffisante pour donner une coloration parfaite et intense aux préparations d'une certaine étendue. Si les coupes sont très-minces et bien trempées, la plus belle coloration apparaît au bout de dix ou quinze minutes ; après cela la matière colorante est très-lente- ment absorbée. En préparant la solution de carmin, surtout pendant l'été, il arrive quelque- fois qu'elle se couvre d'une croûte blanche granuleuse et qu'elle a une odeur désagréable. Cela n'empêche en rien la préparation de la solution et ne fait au contraire que l'accélérer. Après une liltration l'odeur semble disparaître d'elle- même. La matière colorante agit d'abord sur la substance grise des centres nerveux et spécialement sur sa matière granuleuse, ensuite sur les différents groupes de cellules nerveuses, l'épithélium et les autres éléments. Avec une solution plus diluée, quelques parties demeurent incolores, d'autres sont moins colorées et on obtient ainsi de belles et instructives préparation? montrant les divers groupements de la substance grise. XLvin NOTES ET REVUE. IV. MONTAGE DES PREPARATIONS. Les préparations colorées, après être demeurées suffisamment longtemps dans l'eau, sont transportées dans de l'alcool de force graduellement crois- sante. Pour cela, on fait usage d'une série de dix verres contenant de l'alcool ordinaire. Chaque préparation est placée dans le premier verre, puis dans le second et ainsi de suite, de sorte que la première préparation est dans le dixième verre, quand la dixième est dans le premier. Après avoir passé à travers dix verres d'alcool, la iiréparation est placée dans l'alcool absolu, oîi elle est complètement déshydratée, puis rendue transpa- rente. Ce mode de traitement a les avantages suivants : la complète déshydra- tation de la préparation se fait dans un temps plus court que par la méthode ordinaire ; la contraction est plus uniforme et les préparations ne deviennent pas cassantes. Ce dernier défaut se produit lorsque les coupes séjournent trop longtemps dans l'alcool absolu. Pour rendre les préparations transparentes, la térébenthine, quelque peu résineuse, mais pas trop épaisse, est le meilleur milieu. Les préparations à l'essence de térébenthine sont les plus souples et les plus flexibles. Pour la conservation des coupes, le meilleur milieu est la solution de gomme Damniar dans la térébenthine, connue dans le commerce sous le nom de vernis Dammar. Les coupes portées dans cette solution ont toutes les qualités de celles qui sont rendues transparentes par l'essence de térébenthine. La surface du vernis sur les bords du couvre-objet sèche plus rapidement que le baume de Canada. Pour fixer le couvre-objet, les bords peuvent être recouverts d'une solution alcoolique de Shellac, colorée avec du bleu d'aniline et qui sèche très-rapidement. V. APPAREIL POLARISANT. L'examen des tissus au moyen de la lumière polarisée est entouré de beau- coup de difficultés et n'a jamais été appliqué, que je sache, à l'analyse anato- mique des centres nerveux. Comme les nerfs cérébraux apparaissent, dans la lumière polarisée, colorés des dilYérentes couleurs du spectre et peuvent être ainsi distingués des nerfs qui ne proviennent pas du cerveau et des autres tissus des centres nerveux, je me suis servi de la lumière polarisée pour déter- miner leur trajet et leur disposition. Pour cet objet, le mieux est de se servir d'une plaque mince do sélénite, (jui donne avec le nicol croisé un champ rouge et avec le nicol parallèle un champ vert. Le disque de sélénite est fixé au moyen de bandes de papier à un support en carton qui est placé sur le porte- objet du microscope, et présente un trou dont le diamètre correspond à celui des trous du porte-objet. Ce support peut ainsi être enlevé et remplacé sans altérer la position primitive du disque de sélénite. L'appareil polarisant est spécialement utile pour déterminer les libres des hémisphères cérébraux, (jui ne peuvent être colorées par le carmin et qui sont par conséquent difficiles à distinguer dans les grandes coupes sous le microscope. Trad. Eom. Perrier. Le directeur : H. de Lacaze-Dlthieks. Le gérant : C. Reinwald, NOTES ET REYUE. XXÏ HISTOIRE DE LA CRÉATION DES ÊTRES ORGANISÉS D'APRÈS LES LOIS NATURELLES ', Par Ern-est ILECKEL, Professeur de zoologie ù l'Université de léna. / M. Reinwald a eu la très-heureuse pensée de faire paraître une traduction française de ce livre, dont la publication a eu un très-grand retentissement à l'étranger. M. le professeur E. Haeckel, admettant le darwinisme jusque dans ses consé- quences les plus extrêmes, a voulu expliquer la création de toutes les formes organiques, animées ou inanimées, en les faisant dériver les unes des autres. C'est la théorie de la descendance ou du transformisme dans tout son déve- loppement. D'autres analyseront peut-être dans les Archives ce livre très-intéressant, en ce sens qu'il nous montre combien l'imagination, aidée de la science, peut conduire à des productions séduisantes. Le but de ces quelques lignes est de donner des éloges sans bornes, car ils sont les plus mérités, à M. Reinwald, dont le^ efforts ne sauraient être accueillis avec trop de reconnaissance par tous les naturalisles français. Il a publié successivement les traductions des ouvrages de Charles Darwin, de mon savant et excellent ami C. Vogt, du professeur Huxley, de Gegenbaur, dont VÀnalomie comparée est peu connue en France, quoi qu'elle soit un livre aussi précieux qu'utile à con->ulter, et que personnellement j'avais désiré voir traduire depuis longtemps. Enfin il vient de donner VHisloire de la Création, de E. Haeckel, qui sera lue certainement avec le plus grand attrait par tous ceux qui aiment à se tenir au courant, et qui ne manqueront pas d'y voir l'une des productions caracté- ristiques de la période d'évolution que subit en ce moment la zoologie. Souhaitons la plus entière réussite aux entreprises de M Reinwald, Le succès de ses traductions parait assuré, car on lit peu en France dans le texte même les auteurs dont les ouvrages et les noms viennent d'être cités. Rien n'a été négligé dans la publication de la Création de Hœckel. Des 1 Paris, C. Reinwald ot C'^, lo, rue des Saints-Pères. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GKX. — T. II. 1S73. D t NOTES ET REVUE. planches faites avec grand soin, tirées sonvent en couleur, éclairent le texte par des illustrations qui présentent nettement aux yeux la pensée de l'auteur. Le darwinisme a incontestablement déterminé un mouvement considérable dans les études zoologiques et paléontologiqucs ; des progrès certains ont été la conséquence de ce mouvement. Aussi les publications de M. Reinwald ont cela surtout de très-utile qu'elles rappellent, en France et dans les pays où les publications françaises sont recherchées, l'attention vers des vues nouvelles qui, dans bien des cas, ont largement contribué au progrès. H. DE L.-D. XXII OSTI-IOGRAPHIE DES CÉTACÉS VIVANTS ET FOSSILES, Par MM. van BENEDEN et Paul GERVAIS. M. Paul Gervais, de l'Académie des sciences, continue le travail très-impor- tant qu'il publie en collaboration avec M. van Beneden, le savant professeur (le Louvain, sur les Cétacés. Cette publication conipreudra la description et l'iconographie du squelette et du système dentaire- de ces animaux, ainsi que des documents relatifs à leur histoire naturelle. Ce travail occupe déjà une place considérable dans la science anatomo-zoo- logiquc. Quand il sera terminé, il fera sans aucun doute b; plus grand honneur à la fois aux savants qui en ont conçu le plan et accompli l'exécution, enlin au grand établissement français, qui aura fourni une grande partie des ma- tériaux. L'Osléographic des Cclacés vivants: et fossiles rendra certainement de grands services aux zoologistes et aux paléontologistes, car rien n'est confus et peu facile à aborder comme la détermination des Cétacés. La conformation e.xté- rieure de ces êtres a été adaptée à des conditions biologiques particulières. Quand on les considère, on voit qu'un grand type est comme revêtu d'un masque général sous lequel se cachent des variations diverses qu'une grande ressemblance purement extérieure dissimule dans quelques cas. Leur taille est tellement grande, que, suivant l'observation très-juste de Frédéric Cuvier, de près le regard a de la peine à en embrasser l'ensemble et que de loin il ne peut plus en saisir les détails. De là de très-grandes difficultés de déter- mination. M. Paul Gervais a entrepris à temps, avec notre célèbre correspondant van Beneden, l'histoire de ces animaux qui, on lésait, commencent dans toutes les mers à disparaître et ils oui établi leur distinction sp('cilique et générique sur l'ostéologie, seule base sérieuse pour une étude semblable. CluHjuc article de ce grand ouvrage est signé par son antiMir. M. van Bene- den a fait l'histoire des Baleines proprement dites et M. i'aul Gervais s'occupe des Cétodontes, c'est-à-dire des Cétacés à dents, Dauphins, Cachalots. NOTES ET REVUE. li Des planches nombreuses et fort belles font de cet ouvrage un des recueils les plus utiles et les plus importants, car les parties du squelette propres aux déterminations y sont soigneusement représentées, et l'on sait quelles difli- cultés avaient eues jusqu'ici les paléontologistes pour reconnaître les restes de ces animaux. H. de L.-D. XXIII NOTE SUR UN RAMEAU DORSAL DU NERF PATflÉTIQUE CHEZ LES GADES. Dans un mémoire présenté à l'Institut en 1865, j'ai signalé chez le Merlan {Gadus merlangus] l'existence d'une branche dorsale du nerf pathétique, branche dont les ramifications se distribuent dans les enveloppes du cerveau ; la nature de cette branche m'était alors restée inconnue *. En 1868, dans une note des Bullelins de la Société des sciences nalurellcs de Strasbourg, j'ai donné une interprétation de cette même branche, établissant qu'il faut la considérer comme l'homologue de la branche dorsale d'autres nerfs cérébraux (trijumeau et pneumogastrique), comme l'homologue aussi de la branche motrice postérieure ou d(U'sale des nerfs spinaux. En août et septembre 187,3, durant un séjour de plusieurs semaines que j'ai fait au laboratoire de zoologie expéi-imentale fondé par M. de Lacaze-Duthiers à Roscoff, ayant eu à ma disposition plusieurs espèces de Gades {Gadus pollachivs et Gadus molva), j'ai voulu m'assurcr si la branche ascendante du pathétique que j'avais observée sur le Merlan ne se retrouverait point également dans ces types. J'ai eu la satisfaction de voir mes prévisions se réaUser dès mes premières r.echerches. Dans le Gadus poUachius, j'ai trouvé un rameau dorsal très-apparent. Dans le Gadus molva, ce rameau est plus grêle, c'est à peine s'il est visible à l'œil nu sur un individu d'une longueur de 60 à 70 centimètres. Il naît du pathétique, tout près de son origine, se porte en haut et en dedans dans l'épaisseur de la pie-mère et s'anastomose avec un rameau semblable venu du côté opposé. Des recherches plus récentes, poursuivies sur le Gadus lola, m'ont démontré que le rameau dorsal du nerf pathétique existe également dans cette espèce, seulement ce rameau est tellement grêle, qu'il est difficile de le découvrir (même sous la loupe), et qu'il échapperait très-probablement à un observateur qui ne l'aurait pas vu d'abord sur les types que j'ai indiqués. Quoi qu'il en soit, et sans vouloir revenir ici sur l'importance de ce rameau dorsal considéré au point de vue homologique, je ferai observer que l'existence d'une branche nerveuse aussi particulière dans les divers représentants d'un même groupe naturel UKuitre les avantages que pourrait offrir l'étude du 1 Voir, poui- la repirsentatiou do celle brandie {Méni. Soc. des se. nat. de Stras- bourg, 1870), mou mémoire sur l'encéphale. Fig. 8. 4 . î.ii NOTES ET REVUE. système nerveux périphérique au point de vue de la classification. C'est là un vaste champ d'observation qui reste encore à explorer. E. Baudelot. Nancy, 15 janvier 1874. XXIV CONTRIBUTIONS A L'HISTOIRE DU DÉVELOPPEMENT DES POISSONS OSSEUX D'APRÈS L'OBSERVATION DE L'ŒVV DE LA THUITE. {BeitrUgesur Entwicklung der Knochenflsche nach Beohachtungen an Dachforellenekrn ', von JosEF OP]llacher.) Analyse par Charles BARROIS, licencié es sciences naturelles. formation du RliDlMENT EMBRYONNAIRE. Après le fractionnement, les dimensions du disque proligère sont plus con- sidérables; il a alors la forme d'une épaisse lentille biconvexe reposant sur le vitellus par une de ses faces, et composée d'une masse homogène de cellules embryonnaires poiygonales-arrondies. Une partie de cette lentille s'aplatit alors, elle s'étale sur le vitellus, puis, s'en détachant un pi;u en un point, elle forme ainsi sous elle une cavité. Cette cavité est limitée postérieurement par la partie de la lentille qui est restée épaisse, et antérieurement par la partie amincie qui se reiille en bourrelet marginal, adhérent au vitellus. Cette cavité, découverte par Strickler, doit être appelée cavité germinalive, attendu ([u'elle semble analogue à celle de l'œuf de la poule. La partie amincie de la lentille blnstodermique s'étend de jilus eu plus à la surface du vitellus, et en même temps la cavité germinative s'agrandit sous elle; finalement, le globe vitellin est complètement recouvert par un feuillet blastodermique, qui ne lui est adhérent que par un bourrelet marginal saillant. Le dis{|ue proligère ne s'étend donc pas sur le jaune en s'accroissant égale- moiit de tous côtés, comme l'avait dit Kuppfer, et le point où s'achève renvelopiiciiient du vitellus n'est pas le pùle de l'œuf opposé au pôle geruiiiiatif. Le disque a un point de sa circ(Uif('r(!iico immobile, gardant sou épaisseur prinntive, et sous lequel ne se prolonge! pas la cavité germinative; c'est près de ce point, c'est-à-dire au pùl<; gerniinatif même, qiuï s'achève le travail d'i'.iivehtiipement du vitellus, dir au d('v/lo|i|icni(Mit de i;i [lariie amincie. Le » '/eUschrijtfufwmi'HSvh.y.ool.. 187:», XXIIl VA.. 1 lielL NOTES ET REVUE. L..11 point immobile, qui se trouve sur le bourrelet marginal entourant l'anus de Rusconi, est l'embryon; il ne doit donc pas être considéré comme une forma- tion nouvelle constituée par une hypertrophie locale du bourrelet marginal, mais seulement comme le dernier vestige du disque proligère ; c'est de lui que l'embryon prend naissance, dirigé suivant un méridien de l'œuf et la partie céphalique en avant. La formation du blastoderme ne constitue pas une première phase du développement, mais s'effectue graduellement en même temps que se forme l'embryon. C'est le douzième jour que la masse cellulaire homogène qui constitue le disque proligère commence à s'étendre à la surface du vitellus ; dès le moment où elle commence à s'accroître, elle commence aussi à se différencier : d'abord une couche de cellules en palissade se forme à sa surface; ces cellules s'aplatissent bientôt après ; cette couche enveloppe le blastoderme tout entier, elle constituera plus tard l'épiderme du poisson. Sous elle se trouve une épaisse couche de cellules embryonnaires, qui se divise en deux feuillets superposés; dès leur apparition, ces feuillets se différencient chacun dans leur sens spécial , mais pas de la même façon, sur toute la surface du hlastoderme. Dans la partie mince du blastoderme, le toit de la cavité germinative, ces deux feuillets se montrent bien distincts dès le seizième Jour; les cellules du feuillet superficiel s'allongent perpendiculairement à la surface du toit de la cavité germinative; il en résulte une couche simple de cellules cylindriques, qui s'applique bientôt contre la couche épidermique pour former avec elle le feuillet sensoriel de Remak; quant au feuillet inférieur, une partie des cel- lules dont il se compose se détachent et tombent sur le plancher de la cavité germinative; elles s'enfoncent dans le vitellus, où elles restent très-longtemps. Ces cellules jouent peut-être plus tard un rùle dans la formation du cœur, des vaisseaux et surtout des globules sanguins. Œllacher n'est pas très-aflirmatif à ce sujet; toujours est-il qu'on les retrouve dans le jaune, au moment de la formation des organes .de la circulation, et qu'elles y semblent même, avec d'autres cellules issues directement de la substance même du vitellus, douées d'une force de reproduction particulière. Les autres cellules qui constituaient ce feuillet inférieur, restent encore quelque temps appliquées à la surface du toit de la cavité germinative, puis peu à peu leur nombre diminue, et elles finissent par disparaître. Dans la partie épaisse du blastoderme, c'est-à-dire dans l'embryon, la divi- sion en deux feuillets ne devient apparente que le dix-huitième jour; le supé- rieur ne se différencie en cellules cylindriques qu'à sa partie inférieure ; il reste parfaitement indépendant de l'épiderme et demeure composé d'une épaisse couche de cellules embryonnaires, limitées inférieurement par les cel- lules cylindriques. Le feuillet inférieur, loin de s'atrophier comme dans le toit de la cavité germinative, persiste et devient le siège de différenciations importantes qui se manifestent d'abord par l'apparition d'une corde axiale. Cette corde, visible dès le dix-huitième jour à la partie postérieure du germe, est formée par des cellules du feuillet inférieur qui sont disposées concentri- quement, et situées à la limite entre les deux feuillets. L'embryon se trouvera uniquement constitué par l'évolution des feuillets uv NOTES ET REVUE. supérieur et inférieur ; la couche épidermique qui les recouvre ne joue aucun rôle dans sa furination, aussi peut-on la laisser de côté en traitant de la nais- sance des ditTéreiits organes de l'embryon. A la fin du dix-huitième jour l'embryon n'a guère changé d'aspect ni de volume, mais, par suite de ces différenciations, son organisation intime est très-modifiée : à un épaississement cellulaire informe et sans structure, a succédé un véritable rudiment embryonnaire qui contient en principe tous les éléments du développement ultérieur; aussi Œllaclier a-t-il donné an germe, après la séparation dos feuillets, le nom de rudiment embryonnaire primitif, et après la formation de la corde dorsale, celui de premier rudiment embryonnaire. Ainsi, après la formation de l'épiderme, a lieu dans le germe la formation du rudiment embryonnaire, et dans le toit de la cavité gcrminative, du feuillet sensoriel de Rem;ik. Le dix-neuvième jour, quand le germe est transformé en rudiment em- bryonnaire, il commence à s'accroître, s'étale sur le jaune, s'allonge rapide- ment à la surface du vitellus, et ne tarde pas à donner ainsi naissance à l'embryon. Celui-ci a extérieurement la forme d'un ccussoii embryonnaire arrondi, il présente à sa partie postérieure une légère dépression ; le bour- relet marginal, dans lequel il est comme enraciné par son extrémité caudale, porte sur les côtés deux lames cellulaires triangulaires qui le fixent plus solidement. Les auteurs qui avaient précédemment étudié ces questions et qui n'avaient pas suivi la formation du rudiment embryonnaire, éprouvaient de grandes difficultés à expliquer la formation subite de l'embryon : Œllaclier discute successivement les opinions de Vogt, qui pensait que les cellules du blastoderme se concentraient en un point de sa périphérie ; celles de Rieneck, de Gotte, de Strickler, qui croyaient l'écusson formé par l'accumulation, en un point du blastoderme, des cellules voyageuses enfouies dans le jaune; celle de Kuppfer, enfin, pour qui les cellules du limbe du blastoderme se réunissent à un rudi- ment de l'écusson formé d'une manière indépendante. A la période de Yécusson embryonnaire arrondi, succède la période de l'écusson embryonnaire large (vingtième jour), expression qui indique le sens de l'accroissement de l'écusson; il s'est élargi. Un renflement s'est formé à sa partie tout à fait postérieure, c'est le bourgeon caudal ; enfin, la légère dépres- sion qui existait aussi précédemment à sa partie postérieure s'est changée eu un sillon qui occupe la moitié postérieure de l'embryon. Le vingt et unième jour, période de l'écusson embryonnaire pyriforme, l'écusson a pris la forme d'une poire. Le bourgeon caudal s'est allongé; le sillon médian n'existe plus à la partie postérieure de l'embryon, il n'a per- sisté qu'à sa partie moyenne, au lieu de disparaître insensiblement à la partie antérieure; comme dans la période précédente, il se termine par une dépres- sion profonde. Ce sillon dorsal n'a rien de commun avec la formation du système nerveux : on le voit encori; pendant les quelques jours qui suivent, mais il ne tarde pas à disparaître, et le système nerveux se forme au-dessous d'une manière tout à fait indépendante. Le vini^t-deuxièine jop.r, période de l'écusson embryonnaire rhomboïdal, NOTES ET REVUE. lv l'écusson s'est encore allongé, il a pris la forme d'un losange; le sillon dorsal s'est allongé d'un tiers à la partie antérieure et présente trois fossettes. L'antérieure est située à l'avant du sillon ; la moyenne correspond à la dépression qui le terminait dans la période précédente; la postérieure est double et se compose de deux fossettes latérales réunies par une dépression transversale; derrière elle, enfin, existe encore un dernier prolongement de sillon dorsal. Ces fossettes permettent de diviser l'écusson en trois parties, division qui se justifiera d'elle-même dans la suite du développement; la partie antérieure, qui porte les fossettes, sera la partie céphalique ; la partie comprise entre la fos- sette postérieure et le bourrelet marginal, la partie rachidienne; enfin, la dernière portion, comprenant la partie postérieure de l'embryon avec le bour- geon caudal, sera la partie caudale. La partie cépbalique occupe d'abord à elle seule plus de la moitié de l'écusson embryonnaire, mais peu à peu elle diminue par rapport à la partie racliidienne, et est enfin ramenée aux dimen- sions qu'elle offre cliez le poisson complètement développé. Le vingt-troisième jour {pèrioiie de l'écusson embryonnaire en fer de lance) est caractérisé par la division i!e la partie cépbalique en trois renflements, correspondant à chacune des trois fossettes et représentant les trois divisions du cerveau (prosencéphale, mésencéphale, épencépliale;, dont Tantérieure donne naissance aux vésicules oculaires, et la postérieure aux vésicules auditives. Les trois jours suivants n'offrent aucune particularité remarquable, l'em- bryon continue à croître en longueur et en épaisseur, ses contours se délimi- tent mieux; enfin, le vingt-septième jour, les différenciations qui se sofit accomplies dans son intérieur commencent à devenir visibles à l'extérieur. Le système nerveux central fait saillie à la surface de l'embryon et forme, sur sa ligne médiane, un cordon allongé renflé à la partie cépbalique; de chaque côté de ce renflement, on distingue les saillies des vésicules auditives et ocu- laires ; celles-ci, situées à la partie antérieure, sont encore peu prononcées; celles-là, déjà très-visibles, forment à la partie postérieure de l'extrémité cépha- lique deux renflements considérables en forme de croissants. Le sillon dorsal et les fossettes ont presque entièrement disparu ; une fente linéaire peu pro- fonde, placée à la surface du cordon médullaire, en indique seule les derniers vestiges; enfin, de chaque côté de ce cordon se trouvent les parties latérales de l'embryon. Elles ne constituent qu'une seule masse dans la partie cépha- lique, mais présentent déjà dans la partie rachidienne une division bien nette en lames vertébrales et en lames péritonéales. A l'extrémité postérieure on voit le bourgeon caudal qui forme une saillie assez prononcée au-dessus du bourrelet marginal. L'examen de l'écusson embryonnaire fait voir l'accroissement de l'embryon en longueur et en largeur, mais son épaisseur s'est également accrue. Pendant les premiers jours de son développement, il a sur les coupes transversales (perpendiculaires à l'axe de symétrie) la forme d'un ovale allongé, qui nous présente une face supérieure et une face inférieure; la première est légère- ment aplatie, et, à sa partie médiane, on trouve la coupe du sillon dorsal; la seconde repose sur le jaune; elle offre en son milieu une épaisse carène formée Lvi NOTES ET REVUE. par la saillie de In corde axiale, s'eiifonçant profondément dans le vitellus. A mesure que le sillon dorsal diminue, et (|ue l'embryon gagne en épais- seur, la dépression médiane de la face supérieure disparaît, et sa convexité augmente; de même, lorsqu'à la corde axiale ont succédé des formations plus complexes, la carène devient moins épaisse, et présente bientôt dans son en- semble une courbure régulière, de sorte qu'à l'approclie du trente-septième jour l'embryon a dans les coupes une forme régulièrement ovale. La corde axiale n'occupe d'abord, cliez le rudiment embryonnaire, qu'une très-faible étendue ; mais, à partir du dix-neuvième jour, elle s'allonge rapi- dement et ne larde pas à s'étendre dans presque toute la longueur de l'em- bryon; elle fait alors saillie à sa face inférieure, où elle détermine la formation d'une carène axiale. Œllacher, par une étude attentive de l'embryon à cette époque, est arrivé à se convaincre que cette carène était constituée par deux parties bien dis- tinctes : la partie postérieure appartient seule à la corde axiale proprement dite, dépendante du feuillet inférieur; la partie antérieure, au contraire, est due à une formation nouvelle dérivant du feuillet supérieur, et à latiuelle il donne le nom de parité réphnlique de la corde axiale. Si l'on fait des coupes à travers l'écusson embryonnaire à cette époque, on ne trouve plus qu'en un seul point la corde axiale occupant, comme primiti- vement, une disposition intermédiaire aux deux feuillets. Ce point est situé à la partie antérieure de la région caudale; derrière, la corde axiale augmente graduellement d'épaisseur et refoule peu à peu vers le haut le feuillet supé- rieur, qui finit par disparaître, et l'on ne voit bientôt plus sur la coupe qu'une seule masse de cellules disposées concentriquement. En avant de ce même point, le contraire arrive : la couche supérieure augmente à son tour, s'épaissit au-dessus de la corde et la presse graduellement vers le bas, jusqu'à sa complète disparition dans la masse cellulaire du feuillet inférieur, ce qui a lieu entre les parties céphaliquc et racbidienne. Elle forme alors au milieu de ce feuillet le cylindre cellulaire solide qui porte le nom de pnrlic crphalique de la corde axiale. La corde axiale se compose donc, dès le début, de deux parties superposées, bien distinctes, qui se renflent chacune à l'une de leurs extrémités. Pendant la suite du développement, ces deux parties se délimitent de mieux en mieux : la première, formée par une hypertrophie du feuillet supérieur, devient la corde médullaire; son renflement antérieur constitue le cerveau; la seconde, qui tire son origine d'une hypertrojihie du feuillet inférieur, formera la corde dor- sale ; quant à son reullenuMU postérieur, il constitue d'abord presque exclu- sivement le bourgeon caudal, mais ne tarde pas à subir un arrêt de dévelop- pement et disparaît; la corde dorsale se termine alors en pointe à ses deux extrémités. En même temps que s'accomplissent ces phénomènes et que la partie mé- diane du feuillet inférieur se difTérencie en corde dorsale, une couche cellu- laire continue se détache graduellement de sa partie inférieure, et finit par constituer un troisième feuillet, qui est, à proprement parler, le feuillet infé- rieur; la formation appelée jusqu'ici le feuillet inférieur était donc la réu- nion des feuillets inférieur et moven. NOTES ET REVUE. lyu Les coupes transversales menées par l'embryon au vingt-cinquième jour montrent distinctement les trois feuillets; le supérieur et l'inférieur sont assez minces ; une épaisse corde axiale, formée dans la partie céphalique par le renflement du cordon médullaire, dans la partie rachidienne par le cordon médullaire et la corde dorsale superposés, s'étend de l'un à l'autre ; elle divise ainsi le feuillet moyen en deux parties latérales symétriques, de forme trian- gulaire, qui donneront naissance à la plus grande partie des organes de l'embryon. Les coupes menées par la région caudale montrent qu'elle est d'abord presque exclusivement constituée parla corde dorsale; puis, quand celle-ci s'est arrê tée dans son développement jiour se terminer aussi en pointe, comme dans la partie céphalique, la division eu feuillets, qui existe partout ailleurs, appa- raît aussi dans cette région. Dans la région rachidienne, les parties latérales du feuillet moyen se divi- sent chacune, dès le vingt-septième jour, en trois masses distinctes disposées longitudinalement : la niasse interne ou lame vertébrale, l'externe ou lame péritonéale; la troisième est intermédiaire entre les deux autres. Le vingt-huitième jour se forme entre le feuillet inférieur et la corde axiale, peut-être, suivant Œllacher, aux dépens de cette dernière, une corde cellu- laire mince et continue qui deviendra l'aorte primitive ; en même temps le feuillet inférieur s'épaissit sur la ligne médiane, tandis qu'il s'amincit latéra- lement; ce processus se continue pendant les jours qui suivent, et les extré- mités latérales, qui s'amincissent de plus en plus. Unissent par disparaître; le feuillet inférieur, réduit alors à sa partie médiane, se renfle en un cylindre cellulaire qui constitue le rudiment de l'intestin moyen et postérieur. C'est aussi à partir du vingt-huitième jour que commence l'évolution des trois lames cellulaires du feuillet moyen ; à l'origine, elles sont toutes placées sur un même plan horizontal, à la suite les unes des autres ; le vingt-huitième jour elles commencent à changer de position respective : Tinterne et l'externe tendent à se rejoindre au-dessus de la masse intermédiaire, qui est ainsi gra- duellement refoulée vers le bas; et le vingt-neuvième jour les trois masses cellulaires de chaque côté, au lieu d'être situées à la suite les unes des autres^ sont juxtaposées ; leur ensemble constitue un triangle appliqué contre la corde axiale ; l'angle interne de ce triangle est représenté par la lame vertébrale, l'externe par la lame péritonéale, et l'inférieur par la lame intermédiaire. Le trente et unième jour, un changement important s'effectue dans les lames péritonéales; au milieu de la masse cellulaire qui les constitue appa- raît une fente, premier rudiment de la cavité péritonéale. Peu de temps après la formation de cette cavité, sa paroi supérieure émet un bourgeon qui se pré- sente sous forme d'un canal cellulaire creux et est situé dans le voisinage de la masse intermédiaire ; ces canaux se détachent de leur support à la fin du trente-troisième jour, et se transforment en deux tubes fermés qui constituent les canaux rénaux primitifs. En même temps que s'achève ce processus, les masses cellulaires intermédiaires, qui sont placées de chaque côté de la corde dorsale, marchent à la rencontre l'une de l'autre entre cette corde et l'intestin, et se soudent le trente-cinquième jour en une masse ovale cylindrique im- paire, située sous la corde aortique. Enfin, les masses vertébrales se montrent r.viii NOTES ET REVUE. à cette époque composées de deux parties bien visibles : un noyau central, une couche de cellules cylindrif|ues qui cutourent ce noyau. En résumé, à la fin du trente-septième jour, époque à laquelle se sont arrêtées les observa- tions d'ŒHacher, la partie racliidienne de l'embryon se trouve constituée comme il suit : au-dessous de l'iuicicnne corde axiale se trouvent la cordii aortique, la masse cellulaire impaire formée par la réunion des lames inter- médiaires, et cnlin le rudiment solitle de l'intestin. De chaque côté de la corde axiale se trouvent les niasses vertébrales ; de chaque côté de la masse cellu- laire impaire sont les conduits rénaux, en dehors desquels s'étendent latéra- lement les lames péritonéales. La partie céphali(iue présente plusieurs particularités, dont les plus impor- tantes sont l'absence de la corde dorsale, l'absence des masses cellulaires inti^rmédiaircs et le iuode de formation de l'intestin; les lamos vertébrales et péritonéales y sont représentées par les lames céphaliijue et péricardialc. L'ab- sence de la corde dorsale s'explique, parce que la partie axiale est ici uhique- ment formée par la corde médullaire qui s'est hypertrophiée pour constituer le cerveau. Les masses cellulaires intermédiaires, si bien développées dans le milieu de la partie rachidienne, ne présentent pas partout la même épaisseur; aux extrémités de cetti'jrégion môme, elles s'amincissent en se confondant avec les lames vertébrales, et dans la partie céphalique on n'en retrouve plus aucune trace. Le mode de formation de l'intestin est des plus remarquables; le feuillet inférieur, au lieu de se concentrer simplement sur la ligne médiane pour for- mer une masse cellulaire solide située à la partie inférieure de l'embryon, envoie de chaque côté de la corde médullaire un repli, qui pénètre profondé- ment dans la masse cellulaire latérale du feuillet moyen; bientôt après, les parois externes de ces replis se rejoignent inférieiirement à la partie médiane de la coupe, et constituent ainsi une formation fermée de toutes parts, en forme de croissant, qui représente les premiers rudiments de la cavité bran- chiale. La partie du feuillet inférieur qui ne passe pas dans les parois de cette cavité disparaît rapidement. Les parties latérales du feuillet moyen ne se divisent pas comme dans la région rachiilienne, mais les replis du feuillet inférieur pénètrent dans leur substance et les séparent finalement en deux portions : l'interne, placée au-dessus du sac branchial, constitue les lames céphaliques; l'externe, située au-dessous, les lames péricardiales. Au moment où l'aorte commence à se former, chaque lame céphalique envoie latéralement un prolongement qui pénètre entre le sac branchial et la lame péricardialc correspondante; ces prolongements, qui donneront nais- sance aux arcs aortiques et branchiaux, marchent à la rencontre l'un de l'autre en entourant l'intestin, et ne tardent pas à se rejoindre au-dessous de lui, sur la ligne médiane. Là ils se soudent et donnent naissance à un renfle- ment (•cllidaire, priMuier rudiment du c(cur, (jui enviiii; à la surface du vitellus des prolongements irréguliers, (|ui forment hss veines du jaune. En même temps que s'elTectuent ces phénomènes, une fente apparaît au milieu de cha- cune des lames péricardiales, puis ces lames s'accroissent et ne tardent pas à NOTES ET REVUE. ux présenter un aspect analogue à celui que nous ont offert les lames péritonéales dans la partie rachidienne. Ces phénomènes concourent tous à la formation des organes de circulation ; on voit donc que, vers le trente-septième jour, l'euibryon se trouve formé de deux systèmes superposés, le premier comprenant la corde médullaire et les lames céplialiques, le second le sac branchial entouré des organes de la circu- lation : c'est-à-dire supérieurement par l'aorte, inférieurement par le cœur et les lames péricardiales, sur les côtés par les prolongements des lames céplialiques. FORMATION DES ORGANES. Si on compare les différentes phases du développement de la truite avec ce qui se passe chez les autres vertébrés, on voit que la division du blastoderme de la truite en quatre feuillets (feuillet épidermique, sensoriel, moyen, infé- rieur) est loin d'être un fait isolé : elle se retrouve chez les batraciens, comme l'ont déjà démontré depuis longtemps les recherches de Gotte et de plusieurs autres embryogénistes. La nature de la corde axiale semble, par contre, s'accorder mal avec ce qu'on a remarqué chez d'autres vertébrés; dans l'œuf de la poule, le feuillet moyen tout entier est le résultat de l'évolution de la bandelette primitive; cette dernière a une origine propre et entièrement indépendante des feuillets préexistants; elle vient s'interposer entre eux, se soude au supérieur, puis s'étend latéralement pour constituer ainsi le feuillet moyen. Chez la Truite, rien de semblable : le feuillet moyen n'est jamais constitué entièrement, ni même en majeure partie, par la portion axiale; il naît, comme les autres feuil- lets, par suite d'une simple lamination du bIa>toderme. Le système cérébro- spinal provient d'une simple hypertrophie du feuillet supérieur; il se forme d'abord un renflement (partie céphalique de la corde axiale), qui se divise ensuite en trois parties (prosencéphale, mésencéphale, épencéphale), et se continue postérieurement avec la moelle épinière, située au-dessus de la corde dorsale. Ou retrouve, en examinant la structure histologique de cette production, tons les éléments constitutifs du feuillet supérieur : elle se compose d'une couche de cellules cylindriques qui entoure une masse de cellules embryon- naires; ces dernières ne tarderont pas à disparaître pour former ainsi le canal central de la moelle. 11 existe donc des différences importantes entre le développement de la truite et celui des autres vertébrés : chez les batraciens et le poulet, le système nerveux se forme par l'occlusion de la gouttière primitive, et il se forme ainsi de prime abord un canal creux tapissé intérieurement par une couche épider- mique ; chez la truite, au contraire, l'axe cérébro-spinal est d'abord un cylindre cellulaire solide qui se creuse postérieurement et ne renferme jamais d'épiderme. Ces particularités dans la formation du système nerveux se retrouvent, du reste, dans celle des organes des sens. Les yeux naissent du prosencéphale ; il émet de chaque côté un bourgeon solide dirigé d'avant en arrière, qui bientôt L\ NOTES ET REVUE. s'étrangle à sa partie inlerieure pour former le nerf optique. Ce bourgeon ofîre une structure liistologique analogue à celle do la moelle épinière, il se creuse de la même façon, et le vingt-huitième jour il se présente sous la forme d"un bulbe oculaire relié à la corde médullaire par un nerf optique. Le cristallin apparaît sous forme d'un second bourgeon solide qui pénètre dans le bulbe oculaire en se détachant graduellement du feuillet supérieur dont il il a |)ris naissance. (ïi;i lâcher ne s'étend pas davantage sur la formation des organes de la vision; il déclare ne pouvoir rien trouver de nouveau sur ce sujet après les travaux de Schenk, et renvoie à cet auteur ceux qui désireraient avoir déplus amples renseignements sur cette matière. Quant aux organes auditifs, ils suivent dans les premiers temps du déve- loppement une marche identique à celle des organes oculaires, et consistent en deux bourgeons creux nés de l'encéphale. De l'intestin. — La cavité branchiale se termine d'abord en avant en cul-de- siic, mais bientôt ses extrémités latérales se prolongent jusqu'à la rencontre du feuillet sensitif, au niveau de la région auditive, et là elles communiquent avec l'extérieur, formant ainsi les fentes branchiales. Derrière cette région, la cavité du sac branchial diminue rai)idement ; il tend à prendre une forme arrondie et à se rapprocher de la partie inférieure de l'embryon, pour former la portion antérieure de l'intestin; bientôt on ne trouve plus qu'une masse cellulaire solide arrondie, située sous les lames l)éritonéales, et qui constitue l'intestin moyen et postérieur. Cœur et conduits rénaux. — D'après Kuppfer, dès les premiers temps du développement de l'embryon (vingtième jour), deux vésicules se montrent à sa face inférieure sur la carène axiale. La vésicule antérieure est creusée dans le tissu même de la carène ; elle indique un péricarde préformé dans lequel pénétrera ensuite un bourgeon solide, né soit de la corde axiale, soit de la paroi supérieure du péricarde même, et qui constitue le cœur. La vésicule postérieure est logée entre la corde axiale et le vitellus; Kuppfer la désigne sous le nom d'allantoïde, et la considère comme la future vessie urinaire; d'après lui, elle émet bientôt un prolongement qui rampe à la surface du vitellus jusqu'à l'extrémité postérieure de l'embryon, et constitue ainsi un urèthre impair. Œllacher donne de la formation des organes circulatoires une description toute différente: ses observations se trouvent d'accord, en les complétant beaucoup, avec celles de Kathke, Vogt, Lereboullet, Reichert et Aubcrt. D'après lui, le cœur est d'abord un organe solide qui se creuse par un pro- cessus analogue à celui qu'a suivi le système nerveux et devient une vésicule fermée de toutes parts (jui ne se met que plus tard en communication avec les arcs aortiques. Quant au péricarde, son développement se fait parallèle- ment à celui du cœur : les deux lames péricariliales marchent à la rencontre l'une de l'autre et linissent par se rejoindre sur la ligne médiane, au-dessus du C(eur, constitiiaiil, un suc fernu' i|Mi n'est aiitiw; ipic b; pt'ricarde. La formation (lu pi'Titoiiic SI' l'iiil, d'ailleurs ^imullaiuMncnl, et par mi [irocessus analogue, aux dépens des lames péritonéales. La (juesli(Hi qui reste la plus obscure est celle de l'origine des organes de NOTES ET REVUE. lxi circulation ; trois éléments semblent concourir à leur formation : la corde axiale qui forme l'aorte, les masses céphaliques qui forment les arcs aortiques et branchiaux, et enfin les cellules du jaune, qui formeront peut-être les glo- bules sanguins et les veines du jaune. Le désaccord n'est pas moins complet en ce qui concerne la formation des conduits rénaux ; Œllacher les trouve, dès leur origine, composés de deux canaux pairs nés aux dépens de la paroi supérieure de chaque lame périto- néale ; d'après Rosenberg, qui a parfaitement suivi chez le Brochet le dévelop- pement de ces parties, cette disposition persiste très-longtemps, et les deux canaux ne se soudent que très-tard en un urèthre impair très-court. Du reste, Œllacher ne sait ce qu'il faut voir dans ces vésicules d'apparition si précoce dont parle Kuppfer. Le péricarde et les conduits rénaux n'appa- raissent au contraire qu'assez tard, bien après les premiers rudiments de la corde axiale et de l'intestin. Œllacher termine son remarquable travail par quelques considérations générales sur le rôle et la destination des diiîérentes parties du blastoderme dans le groupe des vertébrés. Dès que l'on eut sur l'évolution des différentes couches du blastoderme des idées un peu précises, on constata que du feuillet moyen naissait la majeure partie des éléments musculaires et conuectifs, et des feuillets superficiels (supérieur et inférieur) la majeure partie des éléments nerveux et épithélianx. On a prétendu voir, dans les tissus nerveux et épithéliaux d'une part, connectifs et musculaires d'autre part, des formations dérivant des feuillets superficiel et moyen, non en majeure partie, mais exclusivement et dans leur totalité, ce qui conduisait à établir une opposition bien tranchée eutre ces deux catégories de tissus. Cette théorie a, dès sa naissance, rencontré un obstacle sérieux ; la pré- sence au milieu du feuillet moyen de formations épithéliales (conduits rénaux, etc.); c'est pour parer à cet obstacle que fut inventée l'hypothèse des feuillets germinatifs; d'après His, les conduits rénaux naîtraient directement du feuillet supérieur, sous forme de deux replis qui s'en détacheraient dans la suite du développement. Ainsi se trouvait expliquée d''une manière très-simple la présence des conduits rénaux au milieu du feuillet moyen. Malheureuse- ment l'expérience a contredit ces assertions, ainsi que l'ont démontré, pour les oiseaux, les recherches de Dursy, Schenk et Waldeyer; pour les batra- ciens, celles de Gôtte ; pour les poissons, enfin, celles de Rosenberg, aux- quelles viennent s'ajouter celles d'ŒIlacher. Il est maintenant incontestable que les conduits rénaux naissent des lames latérales du feuillet moyen ; la théorie des feuillets germinatifs est donc détruite, et l'objection primitive reparaît dans toute sa force. Aujourd'hui deux opinions sont en présence : celle de Waldeyer, qui à la théorie des feuillets germinatifs tente d'en substituer une autre, faisant encore dériver les conduits rénaux du feuillet supérieur; et celle de Rosenberg, qui renonce définitivement à cette dérivation. D'après Waldeyer, les canaux rénaux naîtraient inlireclcment du feuillet supérieur; ses recherches sur le développement de la poule lui ont appris que chez cet oiseau le feuillet supérieur, après avoir donné naissance ù la corde Lxn NOTES ET REVUE. médullaire, s'étend sur les côtés pour foruicr les lames vertébrales. Cette oh.-,ervaliou vient donc à l'appui de l'hypothèse qui attribue la naissance des conduits rénaux au feuillet supérieur; l'on conçoit en elTct sans peine que les lames vertébrales puissent pousser des prolongements qui s'étendent dans les lames latérales et contribuent ainsi à la formation des conduits; un fait qui confirme encore cette opinion est le mode de formation des lames vertébrales chez les batraciens ; il est identique, selon Golte, à ce que Waldeyer a décrit chez la poule. Rosenberg rompt définitivement avec la théorie ; il trouve plus sage de s'en rapporter uniquement aux apparences, et de considérer les canaux rénaux comme naissant bien du feuillet moyen; aussi abandonne-t-il complètement la règle de spécilication des tissus et toutes ses conséquences. Entre ces deux opinions extrêmes, CEIlacher semble hésiter: d'un côté, il trouve les idées de Rosenberg fort absolues; de l'autre, il termine l'exposition do la théorie de Waldeyer en disant : « Je considère actuellement celte théorie comme possible, mais non démontrée pour les oiseaux et les batra- ciens, comme impossible pour la truite, où les lames vertébrales se forment indépendamment du feuillet supérieur. » Aussi se borne-t-il, en attendant que de nouvelles recherches viennent éclairer ces questions difficiles, à bien préciser la nature des différentes parties du feuillet moyen. On a vu précédemment que les lames vertébrales se composent d'un noyau et d'une couche périphérique ; bien des opinions contraires ont été émises au sujet de savoir ce que devenaient dans la suite ces deux parties; on peut néan- moins considérer comme établi, d'après les recherches de Scheuk pour les oiseaux, de GôUe pour les batraciens, enfin d'ŒIlacher lui-même pour les poissons, (jue les noyaux donnent naissance aux muscles et aux vertèbres ; de leur partie supérieure dérive la membrane de réunion de Rathke, de leur partie interne les vertèbres, de l'externe les muscles de la peau, enfin de la partie inférieure naissent dans la partie céphaiique les parois musculaires de la cavité branchiale et de l'intestin antérieur. Dans la partie rachidienne elles s'hypertrophient pour former les masses intermédiaires d'où dérive le stroma des reins et de l'intestin. Le rôle de la couche périphérique est moins bien établi; Gôtle avait pensé qu'elle donne naissance aux nerfs périphériques, et (JEliacher fait remarquer qu'on devra peut-être accorder à cette opinion plus d'attention qu'on ne l'a fait jusqu'ici; en eflet, elle semble indiquer entre les feuillets moyen et supérieur de curieux rapports restés jusqu'à ce jour ina- perçus, chacun de ces feuillets serait composé d'une partie centrale nerveuse et de parties latérales cpithéliales. Les parties épitliéliales seraient représentées dans le feuillet moyen par les lames latérales tout entières; elles ont, suivant Œllacher, la même valeur chez les poissons, les batraciens et les oiseaux; elles forment les épithéliums péritonéal et péricardial, le canal rénal primitif, et enfin l'épithélium germinatif. NOTES ET REVUE. ixui XXV NOTES CRITIQUES La septième livraison de la traduction française du Manuel d'anatomie comparée de M. Ge^enbaur, par K, Vogt, vient de paraître. L'ouvrage de M. Gegenbaur étant un livre sérieux et destiné à obtenir en France un légitime succès, il ne saurait être indifférent de laisser passer sans critique toutes les idées qu'il renferme, lorsque quelques-unes de ces idées peuvent être ou inexactes ou erronées. Ayant fait des poissons une étude particulière, je tiens à présenter ici quelques observations que in'a suggérées la lecture du septième fascicule concernant l'anatomie de ces animaux. Dans la partie de son ouvrage relative à l'encéphale des poissons (p. 684- 687), M. Gegenbaur a adopté les déterminations de Miklucho-Maclay, Comme Baer, il nomme Vorderhirn (cerveau antérieur) les lobes antérieurs ou hémisphères. Il désigne par ces mots : cine Làngsaymmissur (commissure longitudinale), la partie suivante, celle qui est comprise entre les hémisphères et les lobes optiques, c'est-à-dire le Zwischenhirn (cerveau intermédiaire) de Baer ou le lobux vcnlriculi leriii de J. Mùiler. Il appelle Zwischenhirn (cerveau intermédiaire) les lobes optiques (Mittel- hirn de Baer). Il donne le nom de MilUihirn au cervelet [Binicrhirn, t cerveau posté- rieur » de Baer), et il réserve celui de Hinlerhirn à une lamelle située au-dessous et en arrière du cervelet. De même que Baer enfin, il nomme Nachhirn (cerveau terminal) la moelle allongée. S'il ne s'agissait ici que d'un simple changement dans des dénominations reçues, nous n'aurions à signaler qu'un inconvénient, toujours grave néan- moins, puisqu'il peut devenir une source de confusion. Mais la question porte plus haut, et, ainsi que l'on peut s'en convaincre par la lecture des pages 687- 691, relatives à l'encéphale des autres vertébrés, l'assentiment tacite accordé l'opinion de M. Gegenbaur aurait pour résultat d'introduire dans la science des vues théoriques tout à fait inadmissibles. Dans la partie de son ouvrage relative à l'encéphale des amphibiens, des reptiles et des oiseaux, M. Gegenbaur accepte les déterminations adoptées par tous les auteurs; les figures comme le texte indiquent comme Vordcrhiin (cerveau antérieur) les hémisphères, comme Millclhirn (cerveau moyen) les lobes optiques, comme Hinterhini (cerveau postérieur) le cervelet. Lorsqu'il s'agit de l'encéphale des poissons, ces déterminations ou du moins plusieurs d'entre elles se trouvent changées: le cervelet n'est plus le cervelet (HinterhirnJ, mais devient le cerveau moyen (Mittelliirn), c'est-à-dire l'équivalent du lobe optique des amphibiens, des reptiles et des oiseaux; d'autre part, le lobe optique, cessant d'être le cerveau moyen (Mittelliirn), devient le cerveau intermédiaire (Zwischenhirn), et représente par conséquent une partie différente du lobe optique des autres vertébrés. Outre que cette théorie a contre elle les simples appare«ces, il est aisé de montrer qu'elle heurte directement le principe des connexions, et que même uiv NOTES ET REVUE. elle se trouve en désaccord avec l'embryogénie, sur laquelle cependant ses auteurs ont prétendu l'étayer. Elle a contre elle les simples apparences en ce que, si l'on compare point à point les parties de l'encéphale d'un poisson avec celles d'un reptile ou d'un ampliibien, on est conduit tout naturellement à assimiler les lobes optiques du premier aux lobes 0[itiques des seconds. Elle heurte directement le principe des connexions par ce fait que si le Mittelhirn des poissons (cervelet) devient l'équivalent du Mittelhirn (lobe optique) des amphibiens et des reptiles, non-seulement le nerf optique se trouve naître de parties différentes, mais le Mittelhirn des poissons se trouve rejeté en arrière des origines du nerf pathétique, tandis qu'il est situé en avant de ces mêmes origines chez les reptiles et chez les amphibiens. Enfin cette théorie se trouve en désaccord avec l'embryogénie, attendu que le Mittelhirn des poissons (cervelet) n'apparaît que très-tardivement, tandis que le Mittelhirn (lobe optique) des reptiles et des amphibies (comme, du reste, le lobe optique véritable des poissons) se montre dès les débuts du développement embryonnaire. Je pourrais ajouter en terminant qu'il n'y a point toujours concordance suffisante entre les ligures et le texte dans la partie de l'ouvrage de M. Gegen- baur sur laquelle je viens d'appeler l'attention (1). Une autre question au sujet de laquelle je tiens à apporter une rectification est la suivante : M. Gegenbaur, dans un passage relatif aux organes auditifs des poissons (p. 7d1), dit en parlant des osselets de Weber ; « La chaîne d'osselets qui chez les Cyprinoïdes réunit la vessie natatoire au labyrinthe résulte en partie d'une modili cation des côtes. » Les côtes n'entrent pour rien dans la formation des osselets de Weber. Cela a été démontré dans un travail que j'ai publié en 1808 dans les BuUeiins de la Sociélé des sciences nalurelles de Sirashourg, sous ce titre : « Considérations sur les premières vertèbres des Cyprins, des Loches et des Silures. « (Voir, pour les figures relatives au texte, les Mémoires de la Société des sciences naturelles de Strasbourg y 1870.) J'ai étalili sur un ensemble de preuves que je crois indiscutables, que les marteaux {mallrus de Weber) représentent les branches de l'arc inférieur de la troisième vertèbre; les enclumes (incus de Weber), les branches de l'arc supérieur de la seconde vertèbre; les étriers [stapes de Weber), les branches de l'arc supérieur de la première vertèbre; les deux ciaustrum, un inter- crural de la première vertèbre très-rédnit et partagé en deux. E. B.VUDELOT. Nancy, 29 janvier 1874. ' Les vues nouvelles de MM. Maclay et Gegenbaur ont étéréfutées par le doc- teur L. Stiiîda., de Dorpat, dans un article intitulé : Uerer die Deltung der einzel- NEN TiiEiLE DES FiscHENHiRNS {Zeilsckrifl f. wisseiiscli. Zoologie, 1873. Bd. XXIII, p. 443). Le directeur : il. bt L^cazk-Dltiukus. Le gérant : C. Rei.nwald, ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE DE L'ABSORPTION NORMALE ET TYPIQUE DES os ET DES DENTS A. VON KÔLLIKER ', Prof'essour à Wih'zburg (Bavière). PREMIER MÉMOIRE (Lu k- 2 mars 187-2.) SUR LA DISTRIBUTION ET LE ROLE DES CELLULES A NOYAUX MULTIPLES (MYÉLOPLAXES, ROBIN) DES OS ET DES DENTS Une série d'observations ayant pour ijut de déterminer la distribu- tion et le rôle des cellules à noyaux multiples {mijéloplaxes, Robin ; cellules gigantesques, Virchow) ont donné des résultats dont je me permets de publier brièvement les [joints les plus intéressants. Je commence par avancer les propositions suivantes : 1. Toutes les parties des os et des dents, qui sont sujettes à une ' Ces deux mémoires sont la traduction libre de deux travaux publiés en 1871 dans les Verhandlungen der Physicalisch-med. GeselUchaft von Ww'zburg, Band II 'etlll, 1872. Cette traduction a été faite spécialement jjour \o> Archives de zoolO[/ie expéri- AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉX. — T. II. 1S73. . 1 2 A. VON KOLLIKER. absorpliou dans le courant de leur développement typique , pré- sentent à leur surface des lacunes microscopiques, lesquelles sont généralement désignées sous le nom de lacunes de Howship. 2. Ces lacunes contiennent, sans exception, des cellules à noyaux multiples ou myéloplaxes, de telle sorte que généralement chaque lacune est remplie par une cellule et que lacunes et cellules se cor- respondent dans leur forme. Çà et là une lacune renferme deux myéloplaxes, tandis que d'autres myéloplaxes sont tellement déve- loppés qu'ils occupent deux lacunes. 3. Les cellules à noyaux multiples des os et des dents ne se forment pas par une transformation des cellules normales des tissus qui vont être résorbés, mais bien par une métamorphose des cellules forma- trices du tissu osseux ou des ostéoblastes. Elles sont les organes qui, par une fonction non encore bien déterminée, produisent la résorp- tion normale et typique des os et des dents, ce qui fait que je les nomme ostéoclastes ou ostéophages. A. DISTRIBUTION DES OSTÉOCLASTES ET DES LACUNES DE HOWSHir. I. Les o.s montrent des ostéoclastes tant à leur surface extérieure que dans les cavités intérieures et spécialement dans les points sui- vants : a. Dans le voisinage des bords d'ossi/ication des cartilages. Les ostéo- clastes se trouvent ici, sans exception, là où la formation des pre- mières cavités médullaires a lieu par la destruction du tissu cartila- gineux calcifié et des premières lamelles osseuses. Il paraît môme que, sur les bords d'ossification, non-seulement la formation des pre- mières cavités médullaires irrégulières est due à l'action dissolvante des ostéoclastes, mais aussi le développement des premiers canaux al- longés et étroits qui prennent leur origine dans la concrescence des séries de cellules du cai'tilage du boni ossifiant môme. En tout cas, je puis affirmer que maintes fois des ostéoclastes ou myéloplaxes se trouvent dans les canaux médullaires les plus étroits, dans la zone même où se déposent les premiers sels calcaires. mentale, pur le professeur Albert von KoUiker, qui a bien voulu y ajouter quelques observations nouvelles, parmi lesquelles il l'aul citer celles relatives îl la cliute des bois de (■erC Je le w'w de recevoir mes sincères rcmercîments. II. de L--U- ABSORPTION DES OS ET DES DENTS. 3 b. En beaucoup cVendroits, sur les parois des cavités médullaires plus grandes des os en format ion, comme, par exemple, dans le diploé des os plats du crâne, sur les parois de la grande cavité médullaire des os longs, dans la substance spongieuse des apophyses et des os courts. c. Sur les parois de tous les sinus des os du crâne (sinus ethmoïdales, frontales, sphénoïdes, maxillares, cellulx mastoidx), dont la première formation et le développement ultérieur sont uniquement dus à l'ac- tion destructive des ostéoclastes, d. Sur les parois internes des gouttières dentales et des alvéoles des mâ- choires en voie de formation. Les bords alvéolaires des mâchoires présentent, au temps de la première formation des dents, la forme de gouttières dont la partie concave est tapissée par une couche conti- nue d'ostéoclastes, tandis que la surface extérieure de l'os et les tu- bercules intérieurs sont recouverts par des ostéoblastes. Rien de plus clair que l'action tout à fait différente de ces deux espèces de cel- lules. Ici les ostéoblastes ajoutent de la nouvelle substance osseuse à celle déjà formée et là les ostéoclastes dissolvent, au furet à mesure de l'agrandissement des sacs dentaires et des dents, la substance qui environne ces parties. Pendant tout le temps que dure le développe- ment des sacs dentaires, l'absorption d'un côté et la formation de substance osseuse de l'autre côté se faisant avec la même énergie, et en suivant de près ces phénomènes, on esL étonné de voir en maintes places un trabécule osseux portant ici des lacunes de Howship et des ostéoclastes, tandis que tout le reste est recouvert d'ostéoblastes et se trouve en état d'agrandissement. Les mêmes phénomènes, qu'on ob- serve lors de la formation des dents de lait, ont aussi lieu quand les dents secondaires se développent, et ici les ostéoclastes jouent même un rôle pendant l'éruption de ces dents en détruisant les cloisons entre les alvéoles primitives et secondaires. e. Sur les surfaces des os qui entourent la cavité du crâne en beaucoup d'endroits. Tous les os qui limitent la cavité crânienne portent, du temps du développement du crâne, des lacunes et des myéloplaxes, et sont sujets à une absorption énergique moyennant laquelle la cavité crânienne s'agrandit. Il n'est donc point juste de dire que celte ca- vité ne s'agrandit que par l'accroissement des os qui l'entourent. /'. La même chose a lieu pour les surfaces des vertèbres limitant le canal qui contient la moelle épinière. ■ g. \J orbite, ainsi que la cavité nasale, doit son agrandissement. 4 A. VON KÔLLIKER. durant le temps du développement du squelette, en grande partie à une absorption active qui est exercée sur les parois de ces cavités par des couches étendues d'ostéoclastes. II. La mâchoire inférieure montre des couches d'ostéoclastes à la partie antérieure des prolongements coronoïde et condyloïde. Ici a lieu pendant tout le temps du développement de la mâchoire un travail actif d'absorption, ensuite de laquelle lesdits prolongements sont comme refoulés en arrière pour faire place aux alvéoles des molaires, tandis que leur bord postérieur est le siège d'une apposition conti- nue de substance osseuse. i. La plupart des orifices et canaux perforant les os de la base du crâne possèdent â leur paroi externe une couche d'ostéoclastes, tan- dis que la paroi opposée est tapissée d'ostéoblastes. L'action continue de ces deux espèces de cellules explique le curieux phénomène, ici d'une absorption, là d'une apposition de substance osseuse. Jusqu'à présent, on ne l'avait guère apprécié, excepté Welker, et encore il avait moins expliqué l'écartement toujours croissant de ces orifices et canaux, même dans les cas où ils sont placés dans un os simple, conmie les trous ovalaires, optiques, ronds, épineux, condyliens, le canal vidien et autres. Dans d'autres cas, des couches d'ostéoclastes régulièrement distribuées produisent simplement un agrandissement des orilices et canaux, qui d'ailleurs peut aussi être accompagné d'un changement de position ; je cite comme exemple d'un pareil élargis- sement les trous nourriciers des os longs, le canal maxillaire infé- rieur, carotidien, etc., etc. J. Enfin je mentionne brièvement les os de la colonne vertébrale et les os des extrémités, qui tous possèdent, en certains endroits de leur surface extérieure, des couches d'ostéoclastes, surtout dans le voisi- nage de leurs apophyses, et qui font aussi preuve du rôle important que joue l'absorption dans le développement typique des os. IL Los dents ne montrent des lacunes de Howship et des ostéoclastes que sous des conditions toutes spéciales, savoir : sur les parties des dents de lait (racines et une partie du cori)s de la dent même) qui sont détruites avant leur chute. Cette destruction est due à une couche continue d'ostéoclastes (jui absorbe aussi bien le cément que la dentine, et (jui est C(jntiiuie dans des lacunes de Howship très- régulières, décrites depuis longtemps [)ar mon ami le célèbre den- tiste et anatomiste Tomes, de Londres. ABSORPTION DES OS ET DES DENTS. B. SUR LE ROLE ET LE DÉVELOPPEMENT DES OSTÉOGLASTES. L'absorption de certaines parties du tissu osseux dans le courant du développement normal, autant qu'elle était connue jusqu'à pré- sent, est expliquée d'une manière différente par les divers auteurs. Ainsi Virchow admet que la substance osseuse se dissout par des changements intérieurs non encore bien définissables, dans lesquels les cellules étoilées, osseuses, jouent un rôle important et se trans- forment en de simples cellules de la moelle. Bredichin, un auteur russe, et Rindfleisch sont de plus de l'opinion que môme les myélo- plaxes de Robin, ou ce que je nomme osféoclastes, ne sont autre chose que de pareilles cellules osseuses devenues libres par le ramollisse- ment de la substance fondamentale du tissu osseux et métamorpho- sées en de grands corps à noyaux multiples. En opposition directe avec ces auteurs, Billroth, le célèbre chirurgien de Vienne, prétend que, dans les cas pathologiques, le tissu des granulations détruit les os, en se fondant sur le fait bien connu que même des cylindres d'ivoire, implantés dans des os humains vivants, se trouvent corrodés et en partie absorbés après un certain laps de temps. Quant h moi, toutes mes expériences et mes observations me portent à croire que la substance osseuse et dentaire joue un rôle tout à fait passif pen- dant son absorption et que les ostéoclastes ou myéloplaxes qui se dé- veloppent indépendamment des tissus mentionnés sont les véritables organes ou éléments qui amènent l'absorption. Les faits qui prouvent que les ostéoclastes ne sont pas des cellules osseuses devenues libres et métamorphosées sont les suivants : a. Jamais les os ou les dents ne montrent dans les parties qui portent des lacunes et des ostéoclastes la moindre trace d'une trans- formation des corpuscules osseux, comme par exemple un agrandis- sement de ces éléments, une multiplication de leurs noyaux ou autre chose. C'est au contraire un des faits des plus faciles à constater, qu'au bord de ces lacunes les corpuscules osseux, non altérés quant à leur forme et h leur grandeur, se trouvent plus ou moins corrodés, de manière que leur contenu et les ostéoclastes soient contigus et juxtaposés. b. En second lieu, les ostéoclastes se séparent toujours assez facile- ment du tissu osseux et rien ne prouve une transformation lente de ce 6 A. \0N KOLLIKEK. tissu en ces éléments ou une véritable continuité de ces deux parties. c. La présence d'ostéoclastes dans des lacunes de l'ivoire des dents de lait en chute démontre mieux que tout autre fait que ces cellules n'ont aucune relation avec les éléments des tissus résorbés. d. Enfin je cite un fait qui ne laisse pas le moindre doute sur la for- mation indépendante des ostéoclastcs. Des cylindres d'ivoire, implan- tés dans des os vivants, sont sujets à une absorption plus ou moins énergique, comme l'ont démontré les premiers Tomes, M. de Norgan etBillroth. Eh bien, ces surfaces de corrosion montrent, d'après mes observations, des lacunes de Ilowship remplies d'ostéoclastes typiques. Il est donc sûr qu'ici, au moins, les ostéoclastcs sont étrangers, quant à leur développement, au tissu qu'ils détruisent. Je profite de cette occasion pour mentionner un autre fait curieux observé sur un pareil cylindre d'ivoire, reçu de Billroth. Ici l'ivoire portait non-seulement des lacunes, mais était encore recoiivert, en certains endroits, par des dépôts de tissu osseux humain, qui for- maient de petites exostoses. Voilà donc de la dentine d'éléphant ab- sorbée en partie par des ostéoclastcs humains et recouverte par du tissu osseux humain. De tout ce qui vient d'être mentionné, il suit bien clairement que les ostéoclastcs ou myéloplaxes ne tirent pas leur origine du tissu os- seux ou dentaire auquel ils sont apposés ; mais de l'autre côté nulle lumière ne se fait sur leur origine véritable, et nous avons besoin d'autres faits pour élucider cette partie de la question. Ces faits ne manquent pas et paraissent prouver que les ostoclastes appartiennent au même ordre d'éléments qui forment aussi les cellules génératrices du tissu osseux ou les ostéoclastcs. Ce sont les suivants : \. En premier lieu il y a des transitions entre les ostéoblastes et les ostéoclastcs formés par des cellules surpassant en diamètre les ostéoblastes et })ourvus d'un, deux ou trois noyaux. 2. Un fait très-important est celui-ci : la plupart des surfaces os- seuses, qui montrent dans unc^ certaine phase du développement des ostéoclastcs, sont originairement revêtues d'ostéoblastes qui peu à peu font place aux ostéoclastcs. 3. De môme des surfaces d'absorption peuvent redevenir des sur- faces d'apposition, et dans ce cas des ostéoblastes prennent la place des ostéoclastes. Les faits nien lionnes sous les numéros 2 et .'J sont très-faciles à ABSORPTION DES OS ET DES DENTS. 7 observer sur des mâchoires en voie de développement. En premier lieu et avant la formation des sacs dentaires, toute la surface des mâchoires est revêtue d'ostéoblastes et se recouvre partout de nouvelles couches osseuses. Puis survient la formation de la gouttière dentaire et des alvéoles, et alors des ostéoclastes de nouvelle formation détruisent la substance osseuse h peine formée. En dernier lîeu, l'absorption fait de nouveau place à l'apposition, lorsque, le développement des dents étant terminé, des alvéoles étroites se forment pendant leur éruptiou. De pareils phénomènes se répètent pendant la formation et l'érup- tion des dents permanentes, et il n'est pas difficile de trouver, môme dans des mâchoires développées, des traces de toutes ces phases diffé- rentes, sous forme de couches osseuses superposées"à des surfaces d'absorption reconnaissables à leur superficie inégale et lacuneusc. De tous ces faits il me paraît permis de conclure avec une grande vraisemblance que les ostéoclastes se forment aux dépens des ostéo- blastes par une métamorphose de ceux-ci, et que d'un autre côté ils sont aussi capables de se transformer de nouveau en simples cellules formatrices, ce qui pourrait avoir lieu par un procédé de division, comme cela est si fréquent pour les éléments cellulaires. J'aborde maintenant une autre question, savoir la proposition émise plus haut que les ostéoclastes sont les éléments qui absorbent le tissu osseux dans le courant de son développement normal. Cette proposition n'est pour le moment, comme je l'admets volon- tiers, rien moins que prouvée et n'a que la valeur d'une hypothèse ;' néanmoins je crois devoir prétendre qu'elle est non-seulement permise, mais encore basée sur des faits tels, qu'elle acquiert un grand degré de probabilité. Rappelons-nous simplement, en premier lieu, que, toutes les surfaces d'absorption des os, des dents de lait et même des cylin- dres d'ivoire implantés artificiellement dans des os montrent, en règle générale, des lacunes de Howship, et que ces lacunes contiennent, sans 'aucune exception, des ostéoclastes ou myéloplaxes et corres- pondent, quant à leurs formes, à ces éléments; en second lieu, que ces ostéoclastes ne se forment pas par une métamorphose du tissu ab- sorbé, mais par une transformation des ostéoblastes, et on ne pourra guère arriver à une autre conclusion qu'à celle que je défends ici, savoir : que les ostéoclastes sont des organes microscopiques spéci- fiques qui ont pour fonction de dissoudre et de détruire les tissus osseux et dentaire. « A. VON KÔLLIKER. Quant au mode d'acUon des ostéoclastes, je ne puis encore préciser exactement une opinion ; néanmoins je me permets d'appeler l'atten- tion sur les faits suivants, qui pourront être utilisés dans des recher- ches ultérieures. a. La résorption normale du tissu osseux et dentaire ne commence pas par une dissolution des sels calcaires, comme cela se voit dans l'ostéomalacie, mais se fait tant dUnnhlh- simultanément pour les sub- stances organiques et inorganiques des os. h. En second lieu, cette dissolution a lieu d'une manière lente et imperceptible et n'est pas précédée d'une solution dans la continuité de la substance osseuse. Dans aucun cas les surfaces d'absorption ne montrent des fragments ou granulations séparées. Mais elles sont tou- jours lisses et le Itord des lacunes de Howship vu de profil est net et tranchant ; aussi la substance osseuse, qui porto les lacunes et est contiguë aux ostéoclastes, est-elle toujours dure et transparente, en un mot du même aspect que le tissu osseux normal. c. Il m'a été impossible de démontrer une réaction acide des sur- faces d'absorption, couvertes d'ostéoclastes. d. Si, comme il est plusViue probable, les ostéoclastes agissent d'une manière chimique sur le tissu osseux, il est impossible d'ailmettre une action ;\ des distances tant soit peu grandes, car en fait j'ai constaté en beaucoup d'endroits que des ostéoclastes sont contigus à des ostéo- blastes, des surfaces d'absorption à des faces d'apposition. e. Poiu- élucider la question de savoir si les ostéoclastes préparent ou contiennent un ferment qui, en solution faiblement alcaline ou acide, soit capable de dissoudre le tissu osseux ou les albuminates so- lides, à la manière de certains sucs de l'intestin, deux expériences pré- liminaires ont donné un résultat négatif. /'. Des ostéoclastes présentent quelquefois une structure tout à fait particulière, (jui pourrait être en relation avec leur action dissolvante sur le tissu osseux. (]e sont un grand noml)re de lllaments courts et très-fins, qui se trouvent à celle de leurs surfaces qui est en contact avec l'os, et qui pourraient n'être autre chose que des prolongements conlractiles implantés dans le tissu osseux. //. En dernier lien, il me paraît utile de rap|)el(M' qnel([ues faits ana- logues (|ui démontrent que des éléments organiques très-délicats sont capables de détruire des tissus d'une grande dureté. Je cite ici certains cryptogames, qui perforent des os, des dents, des c^xjuilU^s de moUus(iues, des scpielettes de madrépores et autres, puis certains ABSORPTION DES OS ET DES DENTS. 9 tissus des phanérogames (noyaux de dattes, de physelephas pendant la germination), qui produisent un ramollissement de tissus dont la dureté est bien comparable à celle du tissu osseux. Nous avons démontré dans les pages précédentes que les surfaces de résorption des os et des dents sont revêtues sans aucune exception d'ostéoclasles enchâssés dans des lacunes de Howship ; nous avons de plus rendu probable que ces éléments se forment par une transmu- tation des ostéoblastes ordinaires et qu'eux seuls sont les organesqui, par suite d'une fonction non encore déterminée, dissolvent et détrui- sent certaines parties du tissu osseux. Si nous considérons la totalité des cas dans lesquels les os montrent, tant à leur surface extérieure que sur les parois de leurs cavités, des surfaces d'absorption, et si nous nous rappelons en outre que presque toutes ces surfaces sont originairement des surfaces d'apposition recouvertes d'ostéoblastes, et que même les surfaces d'absorption peuvent redevenir des lieux d'ap- position, nous nous trouvons forcé de poser cette question : De quelles influences et de quelles actions dépendent les phénomènes qui ici amènent un accroissement et là une dissolution des os? Cette question est liée par un rapport tellement intime avec les lois fondamentales de l'ostéogenèse, qu'il me paraît impossible de donner une réponse décisive aussi longtemps que les faits très-importants qui ont rapport à l'absorption normale des os, dont nous avons donné ici la première ébauche, ne seront pas mieux connus ; néanmoins je ne peux m' abstenir d'indiquer déjà une voie de solution en appelant l'attention sur l'influence que pourraient avoir l'accroissement et le changement de position des organes et tissus avoisinant les os sur leur résorption partielle. Pour m'expliquer plus clairement, je dirai qu'avant tout la iolalité des changements des mâchoires pendant le développement des dents paraît démontrer que c'est une pre.is/on de la part des parties molles qui amène une résorption des os. On pourrait admettre (hms le cas de la mâchoire que les sacs dentaires en formation produisent par leur accroissement un état d'irritation dans la couche d'ostéoblastes qui tapisse originairement môme le bord alvéolaire et qu'ensuite de cette irritation ces cellules se transforment en myéloplaxes ou ostéoclastos et acquièrent une nouvelle propriété, celle d'absorber le tissu osseux. Cette propriété ou fonction cesserait, aussitôt que les dents seraient formées, avec le manque de pression, et alors l'action formatrice des Kl A. VON KOLLIKEK. cellules adjacentes à l'os reparaîtrait de nouveau en môme temps qu'une nouvelle transformation de ces éléments en ostéoblastes. Il me paraît prudent de ne pas pousser plus loin ce premier essai d'une explication d'un fait aussi important que l'absorption normale des os, et je me borne donc à faire observer qu'en tout cas une pres- sion exercée par les parties molles entre pour beaucoup dans ce phé- nomène. Qui ne songe, en face de ces faits, aux nombreux cas patho- lop,iques d'une absorption des os par des anévrismes, des tumeurs, des organes hypertrophiés? Qui n'admettrait pas que la disparition d'or- ganes en voie de croissance, ou en arrêt de leur développement, au- rait une grand influence sur l'agrandissement des cavités osseuses en- vironnantes, ainsi que Fick, ancien professeur d'anatomieà Marburg, l'a depuis longtemps démontré pour l'orbite après des extirpations de l'reil ? Quant à la transformation morphologique et fonctionnelle sup- posée des ostéoblastes en ostéoclastes par suite d'une pression, l'on pourrait citer certains accroissements de tissus cellulaires végétaux causés par la pression (racines d'ampélopsis), et certains changements fonctionnels observés sur les cellules des glandes par suite de l'irrita- tion du système nerveux. En fin de compte, l'hypothèse émise pour les mâchoires ne paraît pourtant pas trop manquer de fondement, et il est donc permis de faire un pas de plus et d'émettre cette proposition : que, sur d'autres parties du squelette, la pression extérieure est aussi pour beaucoup dans les phénomènes d'absorption. C'est ainsi que l'accroissement du cerveau et de la moelle épinière doit produire les phénomènes de ré- sorption observés sur la surface interne de la cavité du crâne et du canal spinal; celui de l'œil, de la muqueuse nasale, des vaisseaux et des nerfs du crâne pourrait avoir comme résultat l'agrandissement et en même temps aussi (pour les trous) l'écartement des cavités et ca- naux environnants, etc., etc. ' Nul n'ignore que l'existence d'une absorption du tissu osseux vers les surfaces externes des os est disculée depuis bien longlemps. Déjà â la fin du dernier siècle le célèbi'c chirurgien anglais Hunier se vil forcé de r(M'ourir à une pareille absorption lorsqu'il essaya de se rendre compte du changement de la forme extérieure des os pendant leur accroissement, et de nos jours les expériences de Brullé et deHugueny ont surtout contribué ;\ rappeler de nouveau l'attention sur ces phé- nomènes. Moi-mr-me j'ai démontré aussi en 1850 [Anafoinie i/riri-o- ABSORPTION DES OS ET DES DENTS. H scopique) que certains changements des os en état d'accroissement, comme le mouvement rétrograde du prolongement coronoïde de la mâchoire inférieure, l'agrandissement du bord sus-orbitaire de l'os frontal, l'élargissement des trous et canaux perforant les os, etc., conduisent nécessairement à admettre une absorption extérieure. Mais une absorption semblable n'a encore jamais été démontrée par l'obser- Tation directe des surfaces en question, et quant aux preuves indirectes, le professeur d'anatomie de Marburg, Lieberkiihn, est le seul qui, par des expériences à l'aide de la garance, en ait fourni pour quelques os. Il me sera donc permis d'attacher quelque valeur aux observations dont je viens de donner plus haut une courte énumération. D'après ces observations il est donc possible de prouver à l'aide du microscope, par la démonstration des lacunes de Howship et des ostéoclastes ou myéloplaxes placés dans ces lacunes, qu'un très-grand nombre d'os subissent une résorption en certains points de leur surface extérieure. En même temps j'ai fait voir que les destructions de substance osseuse depuis longtemps connues, qui ont lieu dans l'intérieur des os pendant la formation de la substance spongieuse et des grandes cavités médullaires, se font d'après les mêmes lois et sont aussi accom- pagnées de la formation de lacunes et d'ostéoclastes. Arrivons aux dernières conclusions. L'observation microscopique démontre que, sur maintes et maintes surfaces, tant extérieures qu'in- térieures, les os sont sujets à une absorption énergique, absorption qui naturellement a une très-grande influence sur la conformation gé- nérale des os. De l'autre côté, il ne peut être mis en doute que les os croissent en longueur et en largeur par l'entremise des cartilages arti- culaires et du périoste ; il n'est donc guère possible de ne pas admettre la justesse des anciennes théories sur la formation des os par un concours régulier des phénomènes d'apposition et d'absorption. Mes observations me conduisent à soutenir d'une façon toute spéciale cette théorie et à combattre une autre proposition défendue dans nos temps par le docteur J. Wolff, de Berlin, et autres, d'après laquelle les os croî- traient uniquement par des appositions interstitielles et non par les cartilages articulaires et le périoste. Wollf base son hypothèse de la croissance interstitielle des os particulièrement sur la structure émi- nemment régulière de la substance spongieuse de l'apophyse supé- rieure du fémur humain ; il prétend que la conformité de cette struc- ture pendant tout le temps du développement de l'os ne pourrait pas 12 A. VON KOLLIKER. subsister, s'il y avait des phénomènes d'absorption ou d'apposition sur les trabécules osseux de ce tissu ou des destructions locales et des nouvelles formations. Eh bien, j'espère arriver à prouver, dans un travail plus étendu sur ce sujet, que ni Wolff ni d'autres n'ont réussi h démontrer l'existence d'une croissance interstitielle des os ; pour le moment, je me borne à dire que les trabécules de la substance spon- i^ieuse du lemur en voie de formation portent, aussi bien que ceux de toutes les autres parties spongieuses, des surfaces d'absorption, carac- térisées par des lacunes de Howship et des ostéoclastes en très-grand nombre, et qu'il ne peut donc pas être révoqué en doute qu'ici aussi l'absorption joue un grand rôle, quand môme la conformation géné- rale du tissu reste la même. Les observations dont traite ce mémoire ont été faites en premier lieu sur des embryons du mouton et de la vache, et sur des veaux, en partie aussi sur des embryons humains et des enfants. Quant aux phé- nomènes de résorption des dents, je les ai avant tout étudiés sur les dents (le lait du chat et du porc. Pour les autres animaux vertébrés, je n'ai pas encore eu l'occasion de les étudier spécialement; pourtant je puis dire que j'ai observé des lacunes et aussi des ostéoclastes sur des oiseaux et des poissons. De môme je n'ai pas encore eu le loisir dom'occuper des réfiorpliuns />nt/io(();/it/ites des os. Néanmoins il me sera permis de dire que, vu un bon nombre d'observations isolées et de relati(jns aphoristiijues de pUiNieursauteurs récents, parmi lesquels je cite A^irt'how , lUndlleisch, Lewschin, Bredichin,Nassilolf et Soborow , il n'y a pas à douter que, dans de pareils cas aussi, l'absorption est très-souvent le résultat de l'action destructive d'ostéoclastes contenus dans les lacunes de Howship. SECOND MÉMOIRE NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA DISTRIBUTION DES SURFACES D'ABSORPTION TYPIQUE DES OS Du temps de nos premières observations sur la résorption typique des os, je ne possédais qu'une connaissance imparfaite de la distribu- tion des surfaces d'absorption. Maintenant je suis en état de remplir cette lacune, car je viens de finir une étude sur le squelette du veau, dans laquelle tous les os, après avoir été ramollis par de l'acide chlor- hydrique dilué, ont été examinés à leur surface externe parcelle par parcelle, ;\ l'aide du microscope, afin de déterminer, à l'aide des lacu- nes et des ostéoclastes, les surfaces d'absorption. Les résultats obtenus sur ces os furent notés aussi exactement que possible, à l'aide d'une couleur rouge, sur les os correspondants du môme squelette, et, de cette manière, j'obtins, non sans grande perte de temps, une collec- tion qui permettait une étude approfondie des phénomènes d'ab- sorplion. Ces observations une fois terminées, il me fut facile, en beaucoup d'endroits, de reconnaître les surfaces d'absorption à l'œil nu, car ces surfaces ont, en général, un aspect tout particulier, et apparais- sent comme corrodées. Néanmoins il est impossible de résoudre ces questions sans l'aide du microscope, car, en beaucoup d'autres endroits, les surfaces d'apposition sont aussi munies de petites éléva- tions et de perforations , et de même les surfaces d'absorption peuvent paraître l.out à fait lisses à l'œil nu. Les observations microscopiques pour déterminer les surfaces d'absorption prenant beaucoup de temps, j'ai tenté encore un autre moyen pour arriver au même but : j'ai fait des expériences sur des animaux vivants, à l'aide de la garance. Les résultats de ces deux séries d'observations sont consignés dans le mémoire suivant, où l'on trou- vera aussi quelques nouvelles observations sur la chute des bois des ruminants, qui, d'après mes recherches, rentrent dans les phénomè- nes d'absorption tyi)ique produite par des ostéoclastes. U A. VON KÔLLIKER. I. DESCRIPTION DES SURFACES DE RÉSORPTION TYPIQUE DU SQUELETTE DU VEAU DÉTERMINÉES A l'aIDE DU MICROSCOPE. A. Os du crâne. 1. Occipital . — La partie hasilaire possôdo sept petites surfaces d'a])sorption à sa surface iuternc. Trois paires se trouvent près des bords latéraux, dont l'une, placée le plus en arrière, est située au bord du grand trou occipital ; une septième se trouve au milieu du bord antérieur du trou mentionné. La partie condylienne montre une surface d'absorption longue et étroite là oîi cet os se joint ;\la partie basilaire, puis une autre petite sur ilc bord du trou occipital, les deux situées à la surface interne de l'os. La surface externe a une grande surface d'absorption au-dessous de la ligne de jonction avec la partie squammeuse, et une autre sur toute la surface médianede l'apophyse paramastoïde. Une troisième se trouve à la paroi latérale du trou condylien. IjK partie squammeuse ne possède qu'une seule surface d'absorption de moyenne grandeur à sa face interne, au-dessus de la ligne de jonction avec la partie condyloïde. 2. Sphénoide. — La face intcj-ne possède les surfaces d'absorption suivantes : a. La partie antérieure de l'aile orbi taire, depuis presque le milieu du corps de l'os jusque près du bord latéral ; h. Les parois latérales des trous ovalaires, orbitaires (c'est ainsi que je nomme le trou formé par l'union de la fissure orbitale supé- rieure et du trou rond) et optiques, sur lesquelles les surfaces d'absorption s'étendent aussi à la face externe de l'os. La surface externe a des surfaces d'absorption : a. A la face médiane de la lame externe de l'apophyse ptérygoïde ; h. A la môme surface de la lame interne dudit prolongement, qui forme ici un os ptérygoïde séparé ; r. A la face médiane de l'apophyse ethmoïdale. 3. Paririnl. — Presque toule la surface inLorue de cet os n'est qu'une seule grande surface d'absorption, excepté toutes les éminen- ces mamillaires de la partie verticale de l'os. ABSORPTION DES OS ET DES DENTS. ii) 4. Frontal. — La surface interne montre des surfaces d'absorption : a. A sa partie postérieure, et spécialement sur le versant antérieur des éminences mamillaires ; /j. A sa partie antérieure, çà et là et avant tout à la partie latérale de l'échancrure qui reçoit l'ethmoïde ; c. A la surface médiane de la partie orbitaire en haut, là où le cartilage de l'aile orbitaire est enchâssé dans une rainure de l'os frontal. La surface orbitaire possède une zone de résorption très-grande, large et courbée en demi-cercle, qui s'étend à 2 millimètres de distance du bord sus-orbitaire, depuis l'apophyse zygoma tique jusqu'à l'apophyse qui s'unit au lacrymal et à l'apophyse ethmoïdale du sphé- noïde. D'autres surfaces d'absorption se trouvent à la paroi latérale du trou sus-orbitaire, à la face postérieure de l'apophyse zygomalique et aux parois des sinus frontaux, en de nombreux endroits. 5. Temporal. — Cet os a beaucoup de surfaces d'absorption qui ne peuvent guère être décrites clairement sans l'aide de dessins. Je mentionne les places suivantes : a. Toute la surface médiane de l'apophyse zygomalique ; h. Plusieurs zones de peu d'étendue à la surface interne de la par- tie squammeuse et de la partie pierreuse de l'os ; c. La paroi latérale et supérieure du canal veineux temporal, s'ou- vrant au-dessus du conduit auditif externe ; d. Plusieurs endroits de la partie mastoïdienne. . - 6. Ethmoïde. — Les surfaces d'absorption sont tellement nombreuses sur cet os, qu'une description spéciale devient presque impossible. Je me borne donc à dire qu'en général toutes les cavités de cet os en possèdent sur une ou deux de leurs surfaces, et toutes les lames enrou- lées sur leur paroi concave. 7. Cornet inférieur. — Pour cet os aussi, la remarque suivante peut suffire; les lamelles sont pourvues, en général, à leur surface concave, de zone de résorption. 8. Vomer. — Les surfaces de résorption se présentent dans les places suivantes : a. A la partie profonde de la gouttière qui contient le cartilage nasal dans presque toute sa longueur ; /k Aux parties latérales de la grande crête inférieure qui se trouve à la partie postérieure de l'os ; 16 A. VON KOLLIKER. c. Aux snrlaces latérales de la partie postérieure de l'os, vers leur bord supérieur ; d. Sur les deux côtés du renllemcnt qui se trouvent à sa crôte infé- rieure, vers la partie antérieure de l'os. 9. Maxillaire supérieur. — La surface faciale possède quelques petites zones de résorption : une première tout en avant, en arrière de l'apo- physe qui se joint à l'intermaxillaire , deux autres à la paroi supé- rieure et inférieure du trou sous-orbital , enfin une quatrième devant l'alvéole de la première molaire. En outre, l'on remarque des surfaces d'absorption sur la partie médiane de la petite lame qui s'unit à la tnbérositc molaire, et sur les parois latérales des canaux palatins. 10. Intermaxillaire. — Des surfaces d'absorption se trouvent aux parties suivantes : a. Au prolongement palatin, à la paroi qui limite le grand trou incisif; h. A la face nasale de l'angle antérieur ; c. Au bord antérieur de l'apophyse maxillaire, près de sa termi- naison ; (l. Sur le bord inférieur du môme prolongement, Ifi où il s'enchâsse dans une rainure du maxillaire supérieur, il, Lacrijmal. — La grande cavité interne de cet os, qui fait partie de l'antre de llighmore, présente sur ses ])arois une surface d'absorp- tion continue, tandis que toutes les autres surfaces de l'os ne mon- trent que des surfaces d'apposition, excepté une petite zone à la face orbitaire et une autre à la paroi supérieure du canal lacrymal. La surface nasale montre une grande zone de résorption, de forme elliptique, de 42 millimètres en longueur et de 13 milhmètres en lar- geur, à sa paroi latérale, et une antre un peu plus petite (longueur, 'M millimètres; largeur. Go millimètres) sur l'apophyse palatine. D'autres surfaces d'absorption se trouvent : a. Dans la gouttière qui reçoit l'intermaxillaire à la partie médiane de sa face externe ; l). Dans le sinus maxillaire presque partout, excepté aux protubé- rances formées par le canal sous-orbitaire cl les alvéoles ; c. Sur les i)arois des alvéoles, avec exception des crêtes et protubé- rances moyennes placées entre les racines des molaires. ■12, Nasal. — Cet os montre une grande surface d'absorption a sa iacc nasale concave, et une autre moins étendue à sa face nasale ABSORPTIONjDES OS ET DES DENTS. 17 plane. Une troisième se trouve sur les parois d'une petite cavité com- muniquant avec les sinus frontaux, qui fait défaut sur des os moins développés. 13. Palatin. — Presque toute la surface nasale de cet os ne forme qu'une seule surface d'absorption, et la même chose se trouve vraie pour la cavité de l'os, qui fait partie de l'anlre de Highmore. 14. Zyçjoina. — Cet os n'a que deux surfaces d'absorption, une très- étendue sur la face orbitaire et une autre au bord médian de l'apo- physe temporale. 13. Maxillaire inférieur. — Les surfaces d'absorption de cet os se trouvent sur les parties suivantes : a. Au bord antérieur de l'apophyse coronoïde presque dans toute sa longueur ; Ij. A la face antérieure de l'apophyse condylienne ; de là les surfaces d'absorption s'étendent à la partie interne jusqu'au trou alvéolaire et aux parois latérales du canal alvéolaire, et du côté opposé jusqu'au- dessous de l'échancrure sigmoïde ; c. A la partie antérieure de l'os en arrière durenllement qui porte les dents incisives, en laquelle partie chaque moitié de l'os est complètement entourée par une large zone de résorption ; d. Sur les parois des alvéoles. B. Os du tronc. Colonne vertébrale. {.Vertèbres. — Les vertèbres possèdent en général des surfaces d'absorption aux endroits suivants : a. Aux parois du canal rachidien en plusieurs points, savoir : sur le corps de la vertèbre, au bord latéral des deux trous veineux, et en se- cond lieu sur les arcs vertébraux au-dessous de leur surface de jonc- tion et puis aux bords antérieur et postérieur de la partie qui prend part à la formation du corps de la vertèbre ; Ij. Sur les surfaces latérales des apophyses épineuses, non loin de leur sommet ; c. Au bord antérieur des apophyses articulaires postérieures ; d. A la face inférieure des apophyses transverses ; e. A la surface externe, aux bords antérieur et postérieur de bipartie de l'arc vertébral qui prend part à la formation du corps de la ver- tèbre. AUCII, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 187;^ î IS A. VON KOLLIKER. i>. Af/tif'. — 11 montre une très-tj;rande surface d'absorption à la face racliidienne de l'arc postérieur, une autre à la face dorsale de l'apophyse transverse, non loin de son sommet, enfin une troisième à la paroi antérieure du canal contenant l'artère vertébrale. ;]. Sacium. — Les surfaces de résorption se trouvent : u. A la face latérale des apophyses épineuses ; //. Du cùlé du canal sacré, là oîi les arcs des vertèbres sacrées prennent leur origine ; c. Non. loin des bords des apophyses transverses des vertèbres sacrées. Côtes. Les côtes ont des surfaces d'absorption bien développées aux deux faces de leur extrémité antérieure, puis à leur tète, à la face concave et au bord supérieur. (]. O.s" des membres. Mcmljre antérieur. 1. Omoplate. — L'angle antérieur montre à sa partie latérale, non loin du bord de la cavité glénoïde, une zone de résorption très-étroite, mais longue de 3:2 millimètres. Les surfaces de résorption des trois faces de l'os sont au contraire très-grandes et toutes placées près de la base de l'os. Celle de la fosse sus-épineuse est longue de 0:2 millimètres, située non loin du bord antérieur de l'os et large de 15 millimètres, mesurée près de la base de l'os. Dans la fosse sous-épineuse la surface d'absorption mesure près de l'épine 45 millimètres en longueur ; plus loin, vers le bord posté- rieur de l'os, elle n'a au contraire (jue 13 à 17 millimètres de diamètre dans le sens du grand axe de l'os. La fosse sous-scapulaire possède la plus grande surfice d'absoi'ption de toutes les trois, mesurant de 3i2 à Ci millimètres de longueur et ne laissant libre, du coté de la base de l'os, que le bord postérieur(axillaire)dans une largeur de tout au ])lus 17 centimètres. :2. llmnéi-UH. — i^'exlrémité supérieure de la diai»liyse possède une grande Z(jne d'absorption au-dessous de la tète de l'os, (|ui est formée l)ar l'épipliyse. Cette surface contourne à peu près la moitié ubstance osseuse ou la dentine, une fois colorée par la garance, paraU conserver sa couleur pendant un (jrand espace de temps, et ne dispa- raît quen suite de la résorption tyjnque en certains endroits. Dans mes expériences, les animaux nourris avec de la garance n'ont jamais été conservés vivants i)lus longtemps que trois semaines après la "cessation du régime de garance vl neuf semaines après la pre- mière introduction de cette substance; or l'occasion ne m'a point été donnée d'arriver à des résultats décisifs par rapport à la durée de la coloration ; mais il me paraît bien permis de déduire, des observa- tions de Duhamel et de Flourcns, et plus encore de celles de Serres et Doyère et de Brullé et Hngueny, que les parties osseuses colorées qui ne sont pas détruites dans le courant du dévelopjjement, par suite du mode de résorption typique, se conservent môme chez k^s animaux adultes. Les faits mentionnés étant acceptés comme justes, ralimenlation ABSOKF'I lUN DES OS ET DES DENTS. 23 avec de la garance paraît être un mode d'expérience très-approprié et commode pour déterminer les surfaces d'apposition et de résorp- tion sur les os. 11 est en effet permis de supposer : l" qu'après une alimentation courte, les surfaces d'apposition seront rouges, les sur- faces d'absorption incolores ; et 12", qu'après une alimentation do plus longue durée, suivie de quelques semaines de nourriture normale les premières se trouvent blanches et les secondes colorées. Guidé par ces réflexions, j'entrepris une série d'.expérienccs avec de la garance, sur trois jeunes chiens et trois cochons de lait, etje puis dire qu'en général mes suppositions furent coniirmées par les faits. Mais je découvris aussi un fait non encore connu, qui réduit en partie la valeur de pareilles expériences, au moins si elles sont insti- tuées dans l'intention de déterminer d'une manière facile et sans grands frais de travail les surfaces de résorption typiques. Ce fait est le suivant : sur des os en état de formation il existe à la surface non- seulement des places d'accroissement et de résorption, mais aussi des zones indifférentes où ni l'une ni l'autre des deux actions n'a lieu. Je découvris ces zones en instituant les deux séries d'expériences mentionnées plus haut. Dans la première série je trouvai dps places non colorées, comme les surfaces de résorption, en des endroits oii, d'après mes observations sm^ le squelette du veau, je m'attendais à voir des couches rouges de nouvelle formation, et le contraire se montra dans la seconde série. Dans les deux cas le microscope mon- tra'bien décidément l'absence de lacunes de Howship et d'ostéoclastes, ce qui prouve qu'il n'y av.iit pas absorption ; et quant à l'apposition,' son absence était claire par le manque de couches rouges dans le premier et de couches non colorées dans le second cas. Il est d'ail- leurs utile de remarquer qu'aucune de mes observations ne dura plus de quarante-trois jours, et il sera nécessaire d'instituer des expé- riences de plus longue durée pour bien éclaircir cette question nouvelle. Les zones indifférentes mentionnées plus haut n'ont pas encore été suivies exactement quant à leur distribution et leur forme. Tout ce que je puis dire, c'est que sur les diaphyses des os longs elles se trouvent entre les zones d'apposition et celles de résorption et qu'elles ne font pas défaut sur certains os du crâne. Leur valeur physiolo- gique ne pourra èlre déterminée que lorsqu'elles seront aussi bien connues que les surfaces d'absorption ; néanmoins je crois pouvoir émettre dès maintenant cotte supposition : y«c, sur tous les os chez les- 21 A. VON KOLLIKEK. quels /('S surfaces (Pdhsorptiou se transforment dans le courant du, déve- lopitcnicnt en des surfaces d'apposition, les zones indifférentes présentent un état intermédiaire et en même temp)S nécessaire. Ainsi, dans tous les os longs, les zones d'absorption s'éloignent toujours plus du milieu des diaphyses ; et comme elles ne s'agrandissent pas en raison de leur ccar- tement, tandis que la région d'apposition qui se trouve au milieu de la diaphyse s'allonge en proportion directe de l'accroissement de l'os , il s'ensuit que les lieux de résorption deviennent peu à peu des surfaces d'apposition. Or si la résorption dépend des ostéoclaste.s(myé- loplaxcs) et si l'apposition ne se fait qu'en présence d'ostéoblastes, si d'ailleurs ma supposition est vraie, que les myéloplaxes se transforment dans de pareils cas en ostéoblastes, il paraît naturel d'admettre que cette transformation a besoin d'un certain espace de temps pour s'ac- complir, et dans ce temps il n'y aurait ni absorption ni apposition, et de pareilles surfaces seraient des surfaces inertes ou indifférentes. En définitive, on ne peut espérer d'utiliser les expériences avec de la ga- rance, comme je le pensais, que pour déterminer les surfaces d'ab- sorption d'ime manière directe et à l'œil nu, et il faudra, dans ce cas, faire aussi usage du microscope pour se rendre compte de leurs limites exactes. Mais, malgré cette condition défectueuse, de sem- blables expériences auront toujours une grande valeur dans les re- cherches sur l'accroissement des os. IV. SUR LA CHUTE DES BOLS DES CHEVREUILS ET DES CERFS. Les bois des ruminants, qui sont sujets à une chute périodique, sont placés sur un pédoncnde ou une apophyse cylindrique de l'os frontal, appelée en général noyau^ qui pendant le développement du bois, et môme longtemps après que celui-ci a atteint sa grandeur normale, ne se distingue en rien de la base du bois et lui est unie intimement et sans laisser voir de limite entre les deux. Au moment de la chute du bois, un Iravail d'absorption s'organise dans le sommet du pédon- cule, dont les premières traces s'accusent par une ligne de démarca- tion non loin de la base reullée dn bois même. (kilte ligne de démarcation esl formée, comme il est très-facile de le démontrer à l'aide du microscope, sur des coui)es longitudinales, l)ar une série régulière de ('anaux de liavers très-nombreux et élar- gis, places lous les mis près des aiili'cs dans un plan horizontal plus ou moins courbé dans l'un ou l'aulre sens. L'observation démontre ABSORPTION DKS OS ET DES DENTS. 2o que ces élargissements sont la véritable cause de la destruction qui se montre plus tard, et c'est pourquoi je les nommerai \g^ sinus (Pab- soyption des bois. Grandissant de plus en plus, moins en longueur qu'en largeur, ils finissent par s'unir çà et Là et par réduire la substance os- seuse de cette région à un petit nombre de lamelles et de piliers ; ceux-ci se rompent sous l'inHuence d'actions mécaniques faibles, et alors le bois tombe. La ligne de cassure correspond à peu près au mi- lieu des sinus d'absorption; aussi montrent-ils (après la chute du premier) à leurs surfaces correspondantes des sinuosités et anfrac- tuosités tout à fait pareilles. Quant aux agents qui occasionnent la formation des sinus d'ab- sorption mentionnés, je dois dire d'abord que déjà Lieljerkiihn a démontré ( Archives de Millier, 1861 ) que les anfractuosités des surfaces de cassure sont couvertes sur leurs parois de lacunes de Howship. Cette observation est facile à vérifier, et en étendant ces recherches sur les bois non encore tombés, on constate que les élargissements des canaux de Havers nommés sinus cV absorption dé- montrent les mêmes lacunes. Bien plus encore, sur des pièces fraîches on trouve cette région du liois pourvue de vaisseaux sanguins nom- breux et élargis et toutes les lacunes remplies des mêmes grandes cellules à noyaux multiples, que nous avons nommées ostéoclasfes, cellules qui sont aussi faciles à démontrer sur les parois des sinuosités des surfaces de cassure des bois que de leur pédoncule. 11 résulte de ces observations que la chute des bois de cerf et de chevreuil est un phénomène qui rentre dans la grande classe des résorptions typiques de substance osseuse, quoique son a[)parL'nce extérieure ait un cachet particulier. Il est même permis d'aller plus loin encore et de dire qu'ici une pression exercée sur les surfaces osseuses est la cause directe de l'absorption, pression (jui est exercée parles vaisseaux des canaux de Havers, qui se dilatent et s'agrandis- sent dans Je sommet du pédoncule du bois au temps de sa chute. M'appuyant sur les observations nouvelles contenues dans ce second mémoire, il me sera possible maintenant d'émettre, avec plus de préci- sion encore que dans mon premier travail, cette opinion : «jue les plié- nomènes de la résorption extérieure typique des os sont de la plus grande ini|)orlance et beaucoup plus fréquents qu'on n'aurait i)U le supposer d'abord. (Juant aux points où une résorption extérieure a surtout lieu, l'on Sf) A. VON KOLLIKRR. il |)ii \i»ir (ju'cii ^rnrral elle ji'ol)sorve d'abord sur les i)ar(tisliinilanles de (oiis les Irons, sillons, canaux, fosses et eavilés i)Uis i^nnuUïs, cl ensnile dans Ions les endroits oîi les os possèdent des proloni^ements et renflements qni changent de place, ou des courbures qui se niodi- lient. Relalivemenl ù l'importance de ces absorptions, il suffit de com- parer, mnne snpciliciellenieni, d((s os de dillerenis ai^es, comme par exemple la mâchoire inférieure, le iemur, rhnmérus, le sph6noïd(!, l'cthmoïde et autres, pour acquérir la persuasion, que le développe- ment et la conservation des formes typiques des os sont dus en grande partie aux phénomènes d'absorption extérieure, comme le célèl)re limiter l'a reconnu le premier pour certains cas, mais sans donner à cette question grave le développement qu'elle méritait. Quant aux causes finales (jui occasionnent les phénomènes de résorption, il ne m'a pas encoi'e été possible d'arriver à un résultat décisif. On se rappellera que, dans mon ])remier mémoire, j'ai émis l'hypo- thèse que la pression exercée par les parties molles croissantes est l)our beaucoup dans les phénomènes d'absorption extérieure des os, et je ne puis que répéter ici que, môme en prenant en considération mes nouvelles observations, cette supposition me paraît suffisante pour exi)liquer les résorptions qui ont lieu sur les parois de beaucoup de cavités, canaux et trous, cavités du crâne, canal rachidien, orbite, alvéoles, cavités nasales, sinus des os de la tète, canaux et trous pour le passage de vaisseaux ou de nerfs et autres. II faut avouer que, pour ce qui est des proéminences, tubérosités, apophyses et renflements, qui se déplacent par des phénomènes d'absorption, l'explication est plus difficile. Mais dans certains cas, ici aussi, uno i)ression occasionnée par les parties environnantes paraît è(re la cause de l'absorption, comme par exemple pour les apophyses coronoïdes et cotyloïdcs de la mâ- choire inférieure;, les ai)ophyses i)térygoï(les et ethmoïdales du sphé- noïde, rapo[)hyseparamastoïd(i de l'occipital. Toutefois, dans d'autres cas, il n'est guère j)ossil)le d'admellre une pareille pression ; du moins ne m'a-t-il ])as été donné (!e nie icnrhe raison des changements (U' forme d(;s diaphyses des os lon.gs vu [)renant pour point ilc départ une ])r('s.ioii (ixercée par les muscles el tendons s'insérant à ces parties ou les entourant. Il se pourrait d'ailleurs ({ue dans ces régions la solu- tion de la (|uesliou se trouvât ailleurs. i'.n éludiant la (lucslioii des diaiihyses sur des os en voie de forma- tion, je fus frappé d'un fait qui, bien ([ue déjà connu des observateurs ABSOltPTlON DI':S OS KT DES DlvNTS. 27 (lu dernier sièele, comme Duhamel, semltle être tombé presque entiè- rement en oubli. Le périoste se comporte, en effet, dans ces conditions tout autrement que chez l'adulte. Sur l'os en formation il s'épaissit gran- dement vers l'extrémité de la diaphyse et se continue avec un péri- chondre de la même épaisseur, qui recouvre une bonne partie du cartilage de l'épiphyse; il s'unit intimement à lui. Or il est permis d'admettre qu'en croissant les épiphyses cartilagineuses exercent par leur périchondre une traction sur le périoste des parties voisines de la diaphyse, et que cette traction a pour résultat une pression plus ou moins grande sur la surface de l'os. Il y aurait même en certains points une action négative, une espèce d'aspiration, là oii les surfaces sont concaves, au-dessous des extrémités des diaphyses et des épiphyses très-saillantes. Or ce sont surtout ces parties concaves qui, sur les diaphyses, sont le siège d'une résorption active, et il resterait à savoir si l'action négative, qu'il est nécessaire d'admettre ici, pourrait expli- quer l'absorption sans altérer les principes que nous avons cru devoir poser pour généraliser les bases de ce phénomène. Il faut le recon- naître, cette question est bien difficile, et il me paraît qu'on doit attendre les résultats de nouvelles recherches avant de la considérer comme entièrement résolue. Néanmoins il paraît dès maintenant permis de supposer que la traction de dedans en dehors exercée sur le périoste des surfaces osseuses concaves peut avoir pour suite une hypcrémie des vaisseaux sanguins ou un état de congestion du périoste, le(|uel produirait une pression sur la surface de l'os et par là une ab- sorption. « Ajoutons, en terminant, que la traction exercée par les carti- lages épiphysaires. et leur périchondre sur le périoste, telle qu'elle a été admise dans ce qui précède, explique aussi les déplacements des insertions des muscles. Pendant le développement des membres, ces déplacements, observés par Liebcrkiihn, sont d'ailleurs Jaciles à constater. Si mes vues sur le développement des os sont justes, tout ce déve- loppement et la production de la forme typique des os, précédée par la formation des cartilages, apparaîtraient comme la fonction de deux pi'ocessus, savoir : 1° du mode d'accroissement des cartilages- et 2" de l'énergie de l'action des ostéoblastes au-dessous du périoste. Mais, pour les autres os, les ostéoblastes d'une part et le mode de croissance de certains organes d'autre part joueraient le rôle principal. 28 A. VON KULLIKER. PLANCIll-: I. — EXPLICATION UKS FIGURES. Fk;, 1. Lai'iiiK.'s de Ilowship tle l;i [jaroi du sinus froiiLil du vimu. Grossissc- lucnl, : 400. (a), lacunes; (/j), cellules osseuses. FiG. 2. Lacunes de Ilowship et ostéoclastcs {myclo] laxfs, Robin) de la paroi du sinus maxillaire du veau. Grossisseiuent : 400. Les cellules osseuses oui été omises. Préparation colorée par du carmin. Fio. 3. Trabécules osseux de la mâchoire intérieure d'un embryon de veau; coloré par l'acide chromiquc et puis par du carmin. Grossissement : 350. {a), snrl'acc; du résor[)tion d'mi i'oilicule dentaire eu voie de formation, avec des lacunes de Ilowship et trois ostéoclastes ; ib,b,b), surfaces d'a[ipositioii recouvertes d'ostéo- blastes. FiG. 4. Une petite partie de la surface de l'ésorpfion de la racine d'une deiil de lait d'un piu'c; de six mois, avec des lacunes de Ilowship et des ostéoclastes. Grossissomeni : 400. F(G. 0. Uiaphyse du fémur du veau vue de face avec les surfaces de résorption co- lorées en rouge. Trois quarts de grandeur naturelle. RECHERCHES SUR L'x\NÂTOMIE ET LA RÉGÉNÉRATION^ DES BRAS DE LA COMATULA ROSACEA {ANTEDOy ROSACEUS, LINCK) PAR EDMOND PERRIER, Maître de conférences à l'Ecole normale supérieure, Aide-naturaliste au Muséum de Paris. Pendant l'été de 1870, en compagnie d'un certain nombre de ses élèves, j'accompagnai mon excellent maître M. le professeur de Lacazc-Dulhiers ;\ Uoscoff. Nous devions tous ensemble entreprendre sur cette côte si riche une série de travaux fjue les événements ne tardèrent pas à interrompre. Je m'étais proposé pour mon compte d'étudier d'une manière aussi complète que possible l'anatomie de la comatlte kose de T.amarck, dont le professeur Wp-ille Thomson a si bien décrit le di-velnppe- ment, et dont le squelette calcaire a fourni au docteur Carpcnter la matière d'un si remarquable mémoire. Je dus après quelques jours regagner Paris, dont l'investissement était imminent. Cette année, 187i2, M. le professeur de Lacaze-Duthiers a i'ondé à Floscoff même un laboratoire de zoologie e.rp^h'/nic/itale, où, malgré l'insuffisance de l'installation, j'ai pu continuer le travail commencé il y a deux ans déjà. Le temps dont je pouvais disposer étant limité, il me fallut par cela même limiter le sujet de mes études. C'est pourquoi, au lieu (le m'attaqucr loul d'abord à l'analoinio d'enscmlîlc de la coma- Iule, j'ai dû me borner à rechercher comment les bras sont consti- tues et par quel procédé, quand ceux-ci ont été coupés, ils peuvent arriver à se l'cproduire et à reprendre leur l'orme et leur grandeur naturelles. (l'était là, du reste, un champ d'exploraLions assez vasle, car les parlies molles des comaLules el des autres criuoïdes souL aussi peu connues (pic leurs parties dures le sont bien. Les travaux de J. Millier* souL à peu i)rès les seuls que nous ayons sur ce point, et je n'hésite pas à dire (ju'ils sont tout à lait au-dessous de nos moyens actuels d'investigation. Les comalules sont du reste des animaux assez faciles à se i)rocurer à Hoscolf, lors des grandes marées. 11 suillt pour cela de se conl'or- mei' de tous points aux indications données par M. de Ijacaze-Dulhiers dans le premier fascicule de <.e'ii Archives, 187:2. Les antédons habitent certainement toute la région qui s'étend au- devant de l'île Verte, entre cette île et l'île de Bas, tant à l'est qu'à l'ouest. A l'est, M. de Lacaze nous les montra en 1870, couvrant litté- ralement pour ainsi dire les pieds de sargasse. Cette année, j'en ai trouvé à l'ijuesl, mais un peu moins abondants, un peu à gauche, et presque en l'ace de la jjalise n(jire de Per-Roch. Vaï deux marées, j'ai pu m'en procurer là près de trois cents, sans compter une quantité déjeunes à tous les états de développement, y compris l'état de pentacrino'ide le plus simple. Ce n'est qu'immédia- tement au-dessous de la zone des hirnuntaUa lojva que les comatules étaient très-abondantes, attachées soit aux sargasses, soit aux fucus bruns et frisés qui abondent aux pieds de ces algues. Dans les nu'-mes régions se rencontrait assez fré(|uemment la grande lucernaire {luccnuu-ia cai/ijjauukUa, Lamouroux), ({ui se trouve quel- quefois, mais bien rarement, fixée aux zostères là où abonde, oii foi- sonne, poiu' ainsi dire, la i)elite lucernaire xcrlc {hœeniaria auricula, Fabr.). Les comatules transportées à domicile se conservent avec la plus grande facilité ; j'en ai gardé de i)arf'aitement vivantes dans de simples cuvettes de moyenne grandeur pendant près d'un mois. T(Jutel'ois il ne faut pas négliger certaines précautioiis. * (Icbitr den Hau der l'entacrmwi Caput Modusw (Mémoires de l'Académie de Berlin 1841). ANATOMIE DE LA COMATULE. 31 Les comatules, tout en s'accommodant parfaitement de la lumière du jour, n'aiment pas les rayons directs du soleil. Elles enroulent leurs bras dès que celui-ci devient un peu vif, et, si l'insolation est trop prolongée ou se répète trop souvent, les bras se détachent un à un, tombent au fond de la cuvette et l'animal ne tarde pas à mou- rir. L'enroulement des bras est d'ailleurs chez la comatule un signe de maladie. Ouand elle est bien purlante, elle est généralement éta- lée, et ne s'em'oule que momentanément, quand on la tracasse; en- core aime-t-elle mieux quelquefois quitter la tige sur laquelle elle est accrochée et fuir avei- une a.ssez grande agilité en se servant de ses bras comme d'autant de rames- élégantes frappant aUernativemcut le liquide. Quand une comatule est demeurée ainsi enroulée quelques jours, on peut être sûr que ses bras ne tarderont pas à se détacher ; il m'est ar- rivé fréquemment de voir des comatules encore vivantes, demeurant fixées aux morceaux de sargasse, et à qui il ne restait "plus un seul bras. Néanmoins un animal aussi gravement mutilé ne peut vivre longtemps ; le rôle des bras est trop important relativement à la nu- trition de l'animal pour que celui-ci ne soit, après les avoir tous per- dus, voué à une mort certaine. Il faut, quand on veut conserver des antédons, avoir soin de placer dans les cuvettes quelques corps rugueux ou branchus sur lesquels ils puissent s'accrocher, ne fût-ce que quelques débris flottants de sargasses. Faute de ce soin , les divers individus s'acrrochent les uns aux autres, se gênent mutuellement, se mutilent en se remuant, et la mortalité peut devenir assez grande ; d'autant plus qu'il est alors impossible d'enlever les individus morts, qui deviennent autant de foyers d'infection. J'ai pu, en prenant ces précautions, et changeant sans trop les agi- ter l'eau de mes cuvettes matin et soir, conserver près d'un mois dans une môme cuvette et sinniltanémcnt une cinquantaine d'autédons bien vivants et voir ainsi se reproduire parfaitement et sur une assez grande longueur les bras qui leur avaient été coupés. Les jeunes larves pentacrinoïdes s'habituent à la cai)tivité tout aussi bien que les comatules adultes. Ce sont là d'excellentes conditions pour l'étude, et je ne désespère pas de voir ces animaux se reproduire dans les aquariums de Roscoff et se prêter ainsi à toutes les études embryogéniques que l'on pour- rait désirer entreprendre sur eux, bien (j[ue le travail de M. Wyville 32 EDMOND PERRIEU. Thomson laisse ;\ ses successeurs peu d'espoir de faire mieux ou d'aller plus loin que lui. HISTORIQUE. — GÉNÉU ALITÉS. , La partie historique de notre travail sera nécessairement fort courte. Heusinger ', J. iMiiller-, Wyville Thomson^ et Carpenter* sont les seuls auteurs dont nous ayons ;\ parler ; encore les deux derniers ne se sont-ils occupés qu'incidemment de la structure des parties molles des comatules. Dans son célèbre mémoire de 1841 sur Vnnaloime du. pcntnonmia coj/iii Mfthiselui qui borde l'orifice. Seraient-ce là des organes de sensations spéciales? Chez les très-jeunes comatules, on ne voit que cinq de ces culs-de-sacs, un pour chaque secteur ; mais chez les individus adultes, chacjue secteur en présente une vingtaine. Plu- si(ïurs d'entre eux ont les bords de leurs orifices tangents, comme si les deux organes contigus s'étaient formés par une sorte de scis- siparité longitudinale ; mais (-(da aurait besoin d'un nouvel examen. Pour nous conformer à un usage assez général, nous désignerons sous le nom de face ventrale celle qui contient la bouche et l'anus. La l'ace ventrale des bras est en consé(iuence celle ({ui regarde en haut lors(pic ranimai est complètement étalé et repcjse par ses cirrhes sui- un plan horizontal. Nous désignerons également cette face sous ANATOMiË DE LA COMATULE. 43 le nom de face supérieure. La face opposée sera la face dorsale ou inférieure. Cela étant, si, on bras d'antédon bien étalé reposant par sa face dorsale sur une lame de verre, on l'observe par sa face ventrale à un faible grossissement, voici ce que l'on remarque : Le squelette calcaire est entouré de toutes parts par un étui de ma- tière molle et charnue que Carpenter * considère comme étant une enveloppe u de plasma (sarcode) granuleux » . De chaque côté, cette enveloppe s'élargit en une membrane assez large, très-régulièrement découpée en festons -. A droite et à gauche ces festons [crescentic leaves de Wyville Thomson) alternent de façon que les sommets des parties convexes de droite sont juste en face des sommets des courbes concaves ou courbes rentrantes de gauche. Ces festons ne sont pas parfaitement symétriques autour d'un axe pas- sant par leur sommet et perpendiculaire à la direction du bras ou de la pinnule qui les porte, de sorte que leur direction générale paraît^ inclinée sur cet axe, comme le sont les dents de certaines scies, le sommet du feston regardant le sommet du bras ou de la pinnule *. Ces lestons peuvent d'ailleurs se relever vers la face ventrale du bras, de manière à constituer une gouttière, et même se rabattre pres- que complètement sur elle. Chacun d'eux est séparé du suivant par un groupe de trois tubes tentaculaires de grandeur inégale et disposés de façon que le plus grand [extensile tentarle, Wyville Thomson) soit en même temps le plus rapproché du sommet libre du bras ou de la pinnule. Des deux autres {non extensile tentacles, Wyville Thomson), le plus grand est celui du milieu lorsque l'animal est complètement étalé. Ces trois tenta- cules forment un groupe divergent qui part d'une tige conmiune, comme les nervures principales des folioles d'une feuille composée de marronnier d'Inde partent en divergeant du pétiole commun ; seule- ment ici la ramilication la plus grande est la ramification externe. Elle dépasse beaucoup le sommet des festons voisins, tandis que les deux autres le dépassent à peine, de sorte qu'elle est seule visible à l'icil nu ou à Une faible loupe. C'est le seul tentacule que les anciens auteurs représentassent. Il peut effectuer de nombreux mouvements, se rétracter un peu, se rabattre sur la face ventrale ou s'étaler au - 1 Philosophical Transactions, lue. cit., \>. 703. ^ PI. JI, fig. 1 et -2. 3 PI. II, fij<. -Z. 44 EDMOND PKRKIKR. dehors, tous mouvemcDls que peuvenl parfaitement eflectuer les petits tentacules, mais qui sont moins sensibles chez eux, parce {[ue leur partie libre est beaucoup plus courte. 11 n'est possible d'aper- cevoir aucune différence physiologique dans la manière d'être de ces trois tentacules ; il n'y en a pas davantage, ainsi que nous le verrons plus tard, dans leur constitution hislologique ; leur mode de formation établit d'ailleurs entre eux les liens les plus étroits. Ils n'offrent absolu- ment (ju'une différence de taille, aussi ne me servirai-je pas dans ce travail des dénominations de tentacule exfetisi/j/e et de teittaculcs non extensibles qui sont la traduction des expressions dont se sert ^^yville Thomson pour les désigner. Je dirai simplement le grand et les petits tentacules. D'ailleurs il est à peine besoin d'employer ces expressions ; ce qui est vrai pour l'un d'entre eux est applicable à l'un quelconque des deux autres. Je dois insister ici sur les relations que ces tentacules présentent entre eux, relations qui paraissent n'avoir pas été vues par les deux 'auteurs anglais que j'ai déjà si souvent cités, qui n'ont été tout au moins ni explicitement décrites ni figurées par eux et que leurs expressions tendent au contraire toujours à écarter de l'esprit. Ils considèrent les grands et les petits tentacules comme formant deux systèmes différents; ce sont au contraire essentiellement di's parties homologues d'un même système. Je les comparais tout à l'heure aux nervures principales des folioles d'une feuille composée ; cette compa- raison est on ne peut plus exacte. Chaque groupe de trois tentacules naît du canal tentaculaire par une branche unique ' qui ne tarde pas à se trifurquer, et ces trois branches constituent le canal central des trois tentacules d'un même groupe. Ces derniers ne peuvent com- numi([uer avec le canal tentaculaire que i)ar la branche vasculaire (■onnnune qui les supporte et dont ils ne sont qu'une division. Ainsi, loin d'appartenir ;\ deux systèmes différents, les trois tenta- cules d'un même groui)e constituent esst-nliellement un même tout organique et sont dans la plus étroite dépendance les uns des autres. Contrairement à l'opinion de Wyville Thomson, les deux petits ten- tacules ne contractent pas avec les festons d'union plus étroite que le grand tentacule, et ce n'est pas par leur intermédiaire qu'ils commu- nicpient avec le canal tentaculaire. Je le répète, réunis avec le grand tentacule, ils conununiquent tous trois ensemble par une branche 1 PI. II, (if;-, â, a. AXATOMIE DE LA COMATULE.' lo commune avec le canal tentaculaire. (Jiiant à celui-ci, je n'hésite pas ;\ l'affirmer de la manière la plus positive, il ne communique par aucun orifice particulier avec la cavité intérieure des festons; il ne s'ouvre absolument que dans l'appareil tentaculaire, dont le tissu extérieur est seul en continuité avec celui des festons '. La communication dont parle Wyville Thomson, dans des termes que nous avons rapportés dans la partie critique et historique de ce travail, a été le fait d'une méprise causée certainement à son tour par l'idée inexacte que le savant professeur d'Edimbourg s'est faite de la nature des appendices tentaculaires de la comalule. Il est d'ailleurs parfaitement exact que le grand tentacule sépare complètement les deux festons consécutifs entre lesquels il est situé, de sorte que ceux-ci se raccordent avec lui par leur base, tandis que les petits tentacules émergent entre l'axe du bras et le sommet du feston, de façon que par une portion de leur étendue ils reposent sur la surface ventrale de celui-ci. C'est probablement cette circonstance qui a causé la méprise de M. Wyville Thomson. Dans chacun des rectangles que circonscrivent le canal central et les branches d'origine de chaque groupe tentaculaire, se trouve un de ces organes sphériques que "Wyville Thomson appelle calcnrcous (jlands et auxquels il attribue, par voie d'exclusion, la fonction de sécréter la substance calcaire des bras -. Nous aurons à discuter plus tard cette opinion, qui n'est d'ailleurs qu'une pure hypothèse de l'auteur. J'ai toujours vu, dans les pinnules, ces corps singuliers al- terner régulièrement avec les branches d'origine des groupes ambu- lacraires, de telle sorte que, celles-ci correspondant à peu près aux sommets des festons opposés, le corps glandulaire est situé à très-peu près en face de leur partie concave ; déplus, ces singuhers organes ne sont pas, comme le dit AI. W yville Thomson, irrégulièrement enfoncés dans le sacrode {ii-ft-gularli/ intheddcd) ; nous verrons, au contraire, que les tissus qui les environnent affectent toujours une disposition qui est fondamentalement la même. Dans les bras, surtout dans ceux des jeunes individus, l'alternance de ces corps et des groupes tentacu- laires n'est pas aussi régulière. Cinq de ces corps se trouvent sur le disque des jeunes individus, 1 Voir à ce sujet la figure 2 de la planche II, qui représente avec la plus scrupu- leuse exactitude tous les détails dont il vient d'être question et qui ne peut laisser aucun doute. 2 PL II, fig. 2, c. m EDMOND PKRRIER. à pou près eu lace de l'origine des dix paires de bras. Au milieu do l'iulcrvalle qui les sépare, mais un peu plus rapprochés de la bouche, on dislingue Ircs-nettement et sans aucune préparation, sur les très- jeunes individus, les cinq orifices fort singuliers, entourés de cellules épithéliales bien distinctes, dont nous avons déjcà parlé. Ces orifices jouent sans doute un rôle important dans la physiologie des coma- tulcs, mais ils n'ont jamais été signalés jusqu'ici. On les retrouve assez facilement sur le tégument de l'adulte, mais ils sont en bien plus grand noml)re, de môme que les corps sphériques, et irrégulièrement disposés. On les voit chez le jeune entre les plaques interradiales et extérieurement par rapport à elles. L'axe ventral des bras est occupé par un canal (jue nous appelle- rons, avec MM. Carpenter et Wy ville Thomson, le mna/ tentaculaive. C'est lui qui donne naissance en effet à tous les groupes tentaculaires. Ce canal prend son origine dans un anneau vasculaire qui entoure la bouche ; il traverse superficiellement le disque en se dirigeant vers chacune des cinq paires de bras ; sur le disque on ne peut distinguer dès lors que cinq canaux tentaculaires ; mais, arrivés à la naissance des bras, ces cinq canaux se bifurquent et chacune de leurs branches pénètre dans l'un des bras. Sur les très-jeunes individus, on voit une troisième branche naître du point de bifurcation de ce canal, dont elle semble être le prolon- gement direct. Cette branche aboutit à un petit tentacule placé entre les deux bras et généralement recourbé sur la membrane qui les unit. Ce tentacule, qui s'atrophie plus tard et disparaît, n'est pas autre chose que Vazf/f/oufi tentack de Wyville Thomson, ainsi qu'il l'a lui- même indiqué. Il se distingue des autres tentacules [)ar son isolement et sa caducité et ne peut être, par conséquent, considéré, ainsi que le veut l'auteur anglais, comme le premier du système des grands tentacules, puisqu'il n'est pas destiné à coexister avec ces derniers. Avant de se bifurquer, le canal (pii doit i)énétrer dans les bras donne naissance, de chaque côté et dans sa partie comprise dans la nKMubrane unissant la base (les bras, à un groupe de tentacules sem- l)lai)l('s;i ceux des bras et dos pinnules. Par leur ])()sili()n ces groupes semblent être contemporains du tentacule impair {(izi/f/ous tcniaclc), mais AV\ ville 'fhonisDU n'en l'ail aui uni' mention dans ledéveloppe- ment de la larve pentacrinoïde. De j)lus, dans leur trajet sur le disque, les cin(i canaux radiaux fournissent alternativement sur chacun de leurs côtés un certain nombre de tentacules courts, isolés. Il existe ANATOMIE DE LA COMATULE. 47 d'ailleurs autour de l'anneau buccal de l'adulte de petits tentacules correspondant à ceux que décrit \Yyville Thomson connne adhérents aux lobes du calice. (les tentacules forment cinq f>roupes constituant un pentagone régulier autour de la bouche. Chaque côté de ce pentagone porte de six à huit tentacules rabattus vers la bouche et diminuant de lon- gueur depuis les tentacules médians jusqu'aux tentacules latéraux. Tous naissent d'ailleurs du bord externe de l'anneau vasculaire qui entoure la bouche. Ces tentacules, comme tous ceux du disque, sont peut-être dépourvus de papilles. Quant aux corps glandulaires sphé- riques, ils forment une rangée de chaque côté de chacun des canaux radiaux du disque ; aussi, sur le très-jeune animal, les cinq corps sphériques qui existent seuls ne sont-ils pas tout à fait en face de chaque paire de bras, mais un peu de côté. Les canaux principaux des bras émettent devant chaque pinnulc une branche qui remonte jusqu'à l'extrémité de la pinnule qu'elle dessert. Le trajet du canal des bras n'est pas absolument rectiligne : devant chaque pinnule, les deux tronçons voisins de ce canal forment un co.ude du sommet duquel part le canal de la pinnule. Il en résulte que le canal tentaculaire des bras forme une série de zigzags fort réguliers, faisant alternativement saillie de chaque côté de l'axe géométrique de ces derniers. La même disposition en zigzag s'observe dans les pinnules ; les groupes tentaculaires prennent naissance de chacun des sommets de la ligne brisée formée par le canal. 11 résulte de là que sur les pinnules les groupes tentaculaires alternent comme les pinnules aRernent elles-mêmes sur les bras ; les calcareous glands de VVyville Thomson, que, pour ne rien préjuger sur leur nature, nous nommerons simplement les corps sphériques, suivent cette même voie d'alternance dans leur disposition ; cela est la consé- quence de ce fait que chacun d'eux est situé dans un angle rentrant du canal tentaculaire. Si donc à droite du canal tentaculaire on voit une l)ranche d'ori- gine des groupes do tentacules, on peut être sur qu'à gauche et juste en f^ce on trouvera un corps sphériquc, et oii-e vcrs(t. Je me suis demandé s'il n'y avait pas un rapport déterminé entre la position des groupes tentaculaires et celle des articles calcaires qui constituentle squelette des bras et celui des pinnules ; mais je n'ai pas ;k HDMONl) PEKUIEU. vu ((uc la (lispc^siLioii relative de ces appareils se présentât avec un carai-lère de conslance bien t'rai)pant. En général, d'nn -môme côté ou ti'ouve un groupe tentaculaire en lace de chaque articulation et un groupe intermédiaire, de telle façon que du côté opposé deux groupes tentaculaires se montrent en des points qui divisent l'article en trois parties égales ; mais c'est là seulement le cas le plus fréquent, et l'on peut constater des rapports «liflerents, mais qui ne s'éloignent jamais beaucoup pourtant de ce type principal. Telle sont les diverses parties que l'on observe à un lailjle grossis- sement dans un bras de comatule ; nous avons laissé à dessein de côté dans cette description tout ce qui touche aux parties cal- caires ; le squelette a été trop bien décrit par le docteur Carpenter dans le mémoire déjà souvent cité pour qu'il soit utile d'insister davantage. Eu ce (jui touche la constitution et la disposition de l'appareil génital, mâle ou femelle, nous ne pouvons que conlirmer de tous points ce qu'en dit le professeur Thomson ; nous renvoyons donc à son mémoire, dont nous avons soigneusement contrôlé tous les résultats sur ce point. Nous ajouterons cependant que les spermato- zoïdes nous ont tiuijours présenté dans leur tète un petit noyau bril- lant, ce dont il n'est nullement fait mention dans le travail du naturaliste anglais. On aura remarque (jue nous n'avons rien dit dans notre description des caitdnx cndiiujat's de Carpenter, de son canal afférent ni de son canal elférent; c'est que rien de pareil ne se montre dans les bras adultes. Dans les bras en voie de développement, ou distingue bien au-dessous du canal tentaculaire quelque chose qui ressemble à un second canal ; mais c'est là tout siuqjlemeut,à notre avis, un prolon- gement de la cavité générale et pas autre chose, prolongement qu'il est impossible d'ailleurs d'apercevoir Irès-uettenient chez les indi- vidus bien dévelopi)és; car là, en effet, le canal tentaculaire parait toujours reposer directement sur la mince couche de tissus qui enve- loppe le s(iuelelle, et l'on ne peut rien distinguer dans cette couche (|ui l'csseudjle à un canal. D'autre part, quand l'ovaire ou le testicule se développeui dans les pinnules, c'(!st sur cette mince couche de tissus qu'ils se forment, au-dessous, j)ar couséquent, du canal tenta- culaire, (jui est soulevé par eux et forme connue une sorte d'arciuMpii les embrasse. Or, pas plus rntre le canal tentaculaiie et la glande génitale ANATOMIE DE LA COMAtULE. 49 qu'entre celle-ci et le tissu enveloppant le squelette, il ne m'a été possible d'apercevoir la moindre trace de canal. Si, comme semble l'indiquer Carpenter, c'est entre le canal efierent et le canal afférent des pinnules que se développe la glande génitale, on devrait, quand celle-ci est bien développée, apercevoir tout de suite les vaisseaux en question ; or nous n'avons rien vu de semblable. Au-dessous du canal tentaculaire, la cavité générale du corps se prolonge ; mais il n'y a pas autre chose. C'est sur les parois des pro- longements de la cavité générale dans les pinnules que se déve- loppent les glandes génitales;' à ce point de vue, les comatules ne diffèrent pas des autres échinodermes, malgré la singularité apparente de la position de leur appareil reproducteur. Peut-être môme serait- il possible de poursuivre plus loin encore le parallèle morphologique entre elles et les animaux qui font partie de la môme classe. C'est ce que nous tenterons peut-être un jour. Quant au canal tentaculaire, dans les bras comme dans les pinnules, il se termine toujours en cul-de-sac; cela est on ne peut plus évident dans les bras en voie de développement ; mais, en examinant avec un peu de soin l'extrémité d'un bras adulte, on reconnaît assez facilement que là aussi ce canal se termine brusquement sans se recourber et sans presque diminuer de calibre '. Il y a plus : cette terminaison se fait toujours au môme endroit du bras ou de la pinnule, vers le milieu de la longueur de l'article antépénultième du squelette. On n'en voit pas de traces sur l'avant-dernier article, qui est dentelé en dessous ; il n'y en a pas davantage sur le dernier article, celui qui forme la griffe. Dans une assez grande longueur avant sa terminaison, le canal tentaculaire cesse de donner naissance latéralement à des groupes de tentacules ; en conséquence, on ne rencontre jamais ceux-ci sur les trois derniers articles des bras ou des pinnules, et j'ai bien de la peine à comprendre comment disparaît ce tentacule extensible qui, suivant Wyville Thomson, terminerait chacun des jeunes bras en voie de dé- veloppement, tandis (|u'un troisième serait placé au point de bifur- cation des deux bras constituant la môme paire. Pénétrons maintenant d'une manière plus intime dans la consti- tution des bras de la comatule et voyons de quels tissus ils sont constitués. 1 PI. m, lig. 9 ; voir l'extrémité des pinnules, e. ARCH. DR ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 1873. i 50 EDMOND PEUKIE1{. HISTOLOGIE DES BllAS DE LA COMATULE ET DES DIFFERENTS ORGANES qu'ils CONTIENNENT. On se souvient que MM. Wy ville Thomson et Garpenter décrivent les parties molles de la comatule comme simplement constituées par un sarcodegraiiu/eiu:. Les })arlies musculaires destinées à mouvoir les articles du squelette et les ligaments sont cependant décrits à part par M. Garpenter et nous les laisserons pour cette raison de côté; mais on va voir que les tissus mous n'en sont pas moins formés d'éléments figurés très-reconnaissables, très-distincts, en toutcomparablesàceux que l'on trouve chez les échinodermes les plus élevés. Nous étudierons successivement les divers organes dont nous ve- nons de décrire les formes et les connexions. Téguînentu, cavité générale. — Au premier abord, oii n'aperçoit en effet que fort peu d'éléments nettement figurés dans les tissus mous des comatules ; cela tient à la délicatesse des éléments d'une part, de l'autre à l'abondance du pigment rouge et des corpuscules jaunes qui abondent dans ces tissus et masquent les limites des élé- ments qui les composent. L'usage de réactifs appropriés fait dispa- raître simultanément ces deux conditions défavorables. Sous l'action de l'acide chromique, de l'acide osmique, tous deux très-faibles, d'une dissolution d'alun ou encore de sublimé corrosif dans l'eau de mer, le pigment rouge disparaît, les éléments se condensent et deviennent dès lors très-nettement apparents. Tous ces réactifs m'ont paru donner des résultats ;\ peu près identiques. J'ai également essayé, mais sans grand avantage, le chlorure d'or ; il a l'inconvénient, de même que l'acide osmique, quand on ne l'emploie pas à très-faible dose, do noircir presque coinplélement les tissus que l'on veut étudier. En somme, j'ai obtenu les meilleurs résultats, soit avec l'acide chromique, soit surtout avec le sublimé corrosif. Ge dernier a l'avantage de tuer instantanément le bras qu'on y plonge, avant même qu'il ait eu le temps de se rétrac- ter; on arrive ainsi à préparer san^s aucune peine des pièces qui peu- vent servir peiu'ant plusieur,s mois aux études les plus délicates. On reconnaît alors que la mendjrane (jui limite les bras de l'animal n'est pas une membrane anhiste ; elle est au contraire conqiosée d'une couche régulière de cellules ai)laties, polyédri(jues, pourvues d'un noyau brillant, à contenu Irès-clair et prescjne (léi)ourvu de ANÂTOMIE I)H LA COMÂTULE. ril i^faniiliitions. Ces celluli's l'oriiu'iil uiu' v('rila])li' coiu'Jit' (''iiilh(''lial(', dont nous donnons i un dessin pris avec le plus grand soin à la chambre claire. Fréquemment, en observant les bras détachés, encore bien vivants, j'ai constaté dans leur voisinage un mouvement assez vif des granules contenus dans le liquide du porte-objet. Ce mouvement était-il dû à l'action de cils vibratiles? était-il au contraire produit par les cou- rants osmotiques qui ne peuvent manquer de se développer en pa- reille circonstance ? Je ne saurais le dire positivement. J'ai bien vu parfois, en particulier sur le bord convexe des festons du bras, quel- ques longs cils isolés çà et là, flexueux et extrêmement grêles, mais j'ai peine à croire que ces productions fussent de véritables cils vibratiles. II n'en est plus de même, tout le long de la gouttière tentaculaire, sur toute la partie qui recouvre le canal tentaculaire. Là, l'épithélium (pi. III, lig. 10, e) change complètement de nature ; les cellules sont moins distinctes; mais on remarque à leur surface externe comme tm pointillé brillant dont les points sont Ircsrapprochés. Ces points ne sont })as autre chose que les origines des cils vibratiles très-nets et très-actifs qui revêtent extérieurement toute cette région de la gout- tière. Sur les festons {crescentir /.eares), l'épithélium est d'ailleurs exactement le même que celui de la face dorsale des bras (]ue nous avons eu sous les yeux en dessinant la figure à laquelle nous venons de renvoyer. Nous parlerons tout à l'heure de l'épithélium des tentacules. Retenons seulementici que l'épithélium de la gouttière ambulacraire proprement dite est différent de celui qui revêt les autres parties du bras; cette circonstance n'est cependant pas suffisante pour conduire à penser que lui seul soit vibratile. Immédiatement au-dessous de la couche épithéliale se trouve un tissu particulier formé d'éléments qui semblent relier entre elles la membrane cellulaire qui forme le tégument externe et la membrane qui revêt l'axe calcaire du bras. Ces éléments- sont incolores, fusi- formes, et les extrémités du fuseau, qui souvent se bifurquent, donnent naissance à des prolongements qui, après s'être plus ou moins 1 PI. III, (ig. ['). ■^ PI. Ill.fig. M <-t 18. m KDiMONI) PEUKIKU. divisés, vi(Uiii('nL s'allacher ;\ riinc des deux nieiuluaues (jui relient ces éléments. Dans la partie renflée de ces sortes de cellules étoilées on aperçoit toujours un noyau très-brillant. Des corpuscules analogues, (juant à leur l'orme, se retrouvent chez un grand nombre d'animaux inférieurs; on en a figuré souvent chez les bryozoaires, chez les helminthes, et j'en ai décrit d'un autre côté dans le pavillon vibratile qui termine le corps des dero et supporte leurs Iii'anchies caudales '. Les éléments en question des helminthes ont été considérés comme des cellules musculaires ; j'ai cru devoir leur attribuer un rôle dans la contraction du pavillon vibratile des a'ero, où ils forment un réseau très-complexe. Ceux dont il s'agit ici, chez la comatule, me paraissent être surtout des éléments de tissu conjonctif. Je ne les ai jamais vus changer de forme ni éprouver ces contractions ou ces mouvements amiboïdes particuliers aux éléments musculaires d'une part, aux éléments sar- codiques ou protoplasniiques de l'autre. Ils contiennent un noyau ; par conséquent ce sont bien de véritables cellules, et l'on voit que leur étude, aussi bien que celle de la membrane tégumentaire, conduit nécessairement à rejeter cette idée commune à MM. Carpenter et Wyville Thomson, que les tissus mous qui enveloppent le squelette de la comatule sont simplement des a tissus formés de sarcode ou proto- plasme granuleux ». L'étude du noyau de ces éléments n(His paraît ne tlevoir laisser aucmi doute sur leur nature, on le verra tout à l'heure ; mais aupa- ravant nous devons signaler des corpuscules qui seront d'une certaine utilité pour notre démonstration. Ce sont les corpuscules jaune clair et très-réfringents désignés par la lettre a dans la figure 11 de la plan- che III, corpuscules qui se retrouvent en plus ou moins grande abon- dance dans toutes les parties du corps de l'animal, que le professeur Wyville Thomson signale déjà chez la jeune larve pentacrinoïde, et qu'il nomme o/'l rc//.s, c'est-à-dire cellules à huile. Ces cellules (pi. III, lig. 1 i a) ne diffèrent des autres cellules étoilées que par leur volume, (jui est un peu plus grand, et parce qu'elles rep(jsent la plupart par une de leurs extrémités sur les téguments, au • Voir, (i;uis le tome II de ce recueil, Uistvire naturelle du Dero o/j(usa,o[ pi. II, fig. 11 et 13. do ce mémoire. ANATOMIE DE LA COMATULE. o3 travers desquels, au moins après la mort de l'animal, elles font parfois hernie. Elles n'en présentent pas moins toujours une extrémité effilée qui se prolonge aussi en plusieurs filaments qu'il est tout à fait impos- sible de distinguer des fdaments issus des éléments ordinaires. D'autre part, si l'on examine attentivement ces; derniers, (in reconnaît facile- ment que plusieurs d'entre eux reposent sur les téguments, comme les oil celLs de Wyville Thomson ; de plus, leur noyau ne j)résente pas toujours le même aspect. Tantôt il est assez petit et très-brillant, mais complètement inco- lore ; d'autres fois, une mince couche de matière jaune se dépose autour de lui et lui prête sa couleur; ailleurs, cette matière beaucoup plus abondante forme une masse lobée qui occupe une grande partie du volume de la cellule. On retrouvera ces diverses apparences dans la figure 11 de la planche III, qui représente le tissu en question dans la région dorsale d'un bras. Nous pensons, en conséquence, que les éléments étoiles et les gros éléments jaunes sont morphologiquement de même nature , que ces derniers ne diffèrent des autres que parce que la matière jaune a envahi tout l'intérieur de la cellule et distend ses parois. Or une semblable modification du contenu de la cellule ne se produit jamais d'une manière normale dans des éléments musculai- res ; au contraire, le tissu conjonctif présente ce caractère à un haut degré, et c'est précisément à une modification de ce genre qu'on attribue actuellement la formation des cellules adipeuses. . Voilà déjà par conséquent deux espèces de tissus que nous pré- sente la couche charnue des antédons : des épithéliums et du tissu conjonctif. En même temps que ce dernier, il convient de décrire le réseau pigmentaire qui rlonne à l'antédon sa couleur rouge si reniarquajjle. Cette couleur ne se présente pas toujours avec la môme nuance. On trouve en effet des antédons d'un rouge carmin foncé, d'autres qui présentent une teinte assez claire de vermillon, d'autres enfin qui sont d'un blanc de porcelaine plus ou moins veiné de rouge. Ces différentes teintes n'ont rien de spécifique ni de local ; on les trouve toutes sur les antédons d'une même localité, et l'on trouve entre elles tous les passages. Toutefois il nous a semblé que la teinti' vermillon plus ou moins jaune appartenait surtout aux jeunes individus; la teinte carmin, aux individus plus âgés, dont beaucoup conservent néanmoins la couleur vermillon ou présentent une teinte rosée; enfin les individus M KlLMUNl) l'KKKII':i{. tacli(''s (Ui l)l;ui{' sdiil (les individus nuilades el chez qui des cuiierclions calcaires se sont déposées dans les téguments. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on soumet îi l'examen microscopique les tissus d'une comatule, on voit courir parmi les filaments et les cellules du tissu conjonctif un réseau trc^s-complexe formé de traînées de granules très-réfringents et d'un rouge vif. Ces traînées se trouvent nn peu partout, mais ne pénétrent jamais dans la couche épithéliale, contre laquelle elles sont simplement appuyées. Je ne suis pas absolu- ment (>,ertain qu'elles traversent toute l'étendue qui sépare l'axe cal- caire des téguments ; il m'a semblé au contraire que c'était presque toujours contre la face interne de ces derniers (jue les traînées de granules rouges s'appuyaient. Je n'ai pu constater au microscope de différence de teinte bien marquée entre les granules pigmentaires des comatules de différente couleur ; mais cela n'est pas nécessaire pour expliquer les différences de teintes que présentent les divers individus. En effet, toutes ces teintes peuvent se dériver du rouge carmin par l'addition d'une plus ou moins grande quantité de jaune ; or l'histologie nous donne im- médiatement l'explication de ces variations : elle nous montre, en effet, dans la couche charnue de l'animal deux sortes d'éléments colorés, savoir : 1" les traînées de granules rouges; 2° les corpuscules conjonctifs jaunes. Ces éléments étant les uns et les autres imperceptibles à l'œil nu, la couleur de l'animal résulte du mélange de ces deux teintes primi- tives : si le pigment rouge est très-abondant, sa couleur domine ; il peut même couvrir plus ou moins complètement les corpuscules jaunes, et l'animal paraîtra d'un rouge carmin presque pur. Si, le pigment étant plus rare, les corpuscules jaunes sont très-nombreux, c'est alors ia teinte vermillon que prendra l'animal, et l'on conçoit dès lors (jue toutes les teintes intermédiaires puissent apjiaraître. On les rencontre parfois sur le môme animal, notanmient lorsque celui-ci a perdu une partie de se^ bras, qui se sont régénérés, et qui souvent môme se montrent jaunes au début, les corpuscules de cette couleur étant les premiers ;\ se développer. On peut jnger, par les figures que nous donnons, de l'abondance plus nu moins grande de ces derniers corpuscules, qui sont nombreux dans la région dorsale et siu'les festons, mais ipii man([uenl toujours, ainsi (pie le pigment, au-dessus de la gouttière andiulacraire. Lu, sous répithélium vibratile, en contact innnédiat avec la paroi AXATOMIE DE LA COMATULE. 5S externe et ventrale du canal tentaculaire, se montre une bandelette d'un troisième tissu que l'on pourrait décrire en môme temps que le canal tentaculaire, mais qui, à certains égards, en est indépendante ; c'est pourquoi nous en parlerons tout de suite. Cette bandelette ' ne devient apparente que par l'action des réactifs, du sublimé corrosif et de l'acide chromique faibles notamment ; elle est formée de fibrilles délicates, parallèles, très-longues, et que l'on ne peut guère songer à isoler les unes des autres ; je ne leur ai pas vu de noyaux. La bandelette en question s'étend sur toute la longueur du canal tentaculaire et sur ses ramifications dans les pinnules, mais sans suivre toutes ses sinuosités. Elle chemine en ligne droite au lieu de se plier en zigzag, de sorte que le canal tentaculaire fait alternativement saillie à droite et à gauche de chaque côté de son épaisseur. Toutes les courbes concaves de droite du canal sont tangentes par leur sommet au bord droit de la bandelette ; toutes les courbes concaves de gauche sont dans le môme rapport avec le bord gauche. L'apparence est la môme que si les sinuosités du canal avaient été pro- duites par le raccourcissement de la bandelette auquel il aurait été alternativement fixé à droite ou à gauche ; c'est ce dont on se rendra parfaitement compte en examinant la figure h laquelle j'ai renvoyé tout à l'heure. Dans les festons comme dans la membrane qui les rejoint et qui contient les corps sphériques, on trouve souvent, mais non d'une ma- nière absolument constante, des spicules. Ceux-ci, de nature calcaire, n'ont pas nrm plus une forme nette-' ment définie ; on peut seulement remarquer qu'ils se déposent h pou près symétriquement de chaque côté des corps sphériques, au voisi- nage desquels on en trouve presque toujours sur le disque. Un spicule en forme d'étrier se trouve assez souvent dans l'axe des festons. A ce sujet, la figure 3 de la planche 11 en dira, d'ailleurs, beaucoup plus qu'une description. Canal tentaculaire. -^ Nous avons déjà décrit la disposition géné- rale de ce canal ; voyons maintenant comment sont constituées ses parois. Il y a \h quelque chose de fort remarquable et qui peut servir à expliquer les opinions diverses qui ont été émises jusqu'ici. 1 PI m, fiy. s, m. 56 EDMOND PERRIKH. Le micnxscope, si on met au foyer la section moyenne du eanal, montre en effet qu'il existe autour de celui-ci comme deux traînes em- boîtées l'une dans l'autre et présentant le même aspect. Elles sont de couleur un peu jaunâtre et plus réfringentes que les tissus environnants K Ces deux gaines sont ;\ peu près parallèles l'une à l'autre ; seulement, dans les angles rentrants, il arrive assez souvent que l'angle de la gaîne externe est plus aigu que celui de l'interne ; sur la coupe optique, les deux côtés de l'angle se rejoignent alors en paraissant s'adosser par une courbe convexe, et son sommet se rapi)roche davantage de celui de l'angle formé par les parois de la gaîne interne. Ces deux gaines concourent l'une et l'autre, comme nous le verrons tout fi l'heure, ;\ la formation des tentacules. De distance en distance, chacune d'elles présente de petits renfle- ments pourvus de noyaux, et les renflements de l'une des gaines sont rejoints à ceux de l'autre par un ou plusieurs filaments brillants qui font ressembler les renflements d'où ils partent ;1 des cellules étoilées. Des corpuscules détachés ressemblant à la fois aux renflements des gaines que nous venons de décrire et aux corpuscules conjonctifs dont il a été parlé précédemment se trouvent entre les deux gaines, plus près de la gaîne interne, et forment souvent au-dessus d'elle une double rangée ; ils s'accumulent encore en plus grand nombre et d'une manière constante autour des origines des groupes tentaculaires. Tous ces corpuscules, très-réfringents, sont pourvus d'un noyau et pré- sentent de longs prolongements qui les unissent aux deux gaines entre lesquelles ils semblent destinés j\ établir une union intime. Il semble évident fine les deux gaines, leurs noyaux et ces corpuscules étoiles sont exactement de même nature et ne forment qu'une seule et unique espèce de tissu. Les corpuscules ont un noyau très-petit; à part cela, leur substance, légèrement jaunâtre et Irès-réfringenle, est parfaite- ment homogène et sans granulalions ; ils sont dépourvus de membrane (reuvcl(t[)pe ; mais rien dans leur aspect ne révèle luie nature sarco- diquc. .!<" lU' leur ai jamais vu épronver la moindre contraction, et je ne crois pas (|u'ils aient rien de nuisculaire. Ils se distinguent assez bien par leiii's caractères opticpies tles corpuscules conjonctifs ordinaires; je ne crois pas que leur origine soit la uiènie ; il est bon de les distin- guei', mais il ne serait d'aucune uiiliU' de Iciu' donner une dénomina- tion paiticulière. ' l'I. II, iiK, i:, moyenne (hi ' IM. II, tl^. i cl, 4. ■' l'i. m, s, /. ■' 1>1. II, fi^'. 2. ANATOMIE DE LA CCJMATULF. 61 plus grand et celle du plus petit des tentacules, les([uelles sont conti- nues à leur tour avec celle du tentacule moyen. Elles sont donc toutes les trois desimpies diverticulums de la gaine externe du canal tentaculaire et participent d'ailleurs à tous ses ca- ractères. Elles ont l'apparence d'une membrane anhiste assez épaisse, réfringente et présentant d'espace en espace un certain nombre de renflements nucléaires. Seulement ici ces renflements ne présentent plus de prolongements comme dans le canal tentaculaire ; ils ont simplement une forme ovoïde. La gaine interne du canal tentacu- laire se continue aussi avec la couche interne des tentacules, ainsi qu'on peut le voir sur la même figure 2 de la planche II ; mais là les choses se passent un peu autrement. Il semble, sur la coupe optique, que cette gaine s'interrompe, soit percée d'un trou circulaire au point d'origine de chaque groupe de tentacules et supporte simplement la couche sarcodique interne de ces derniers. C'est bien cependant cette membrane interne du canal qui par un procédé analogue se prolonge comme la membrane externe en un simple diverticulum ; il arrive parfois tju'on voit un mince filament variqueux qui la continue im- médiatement dans le tentacule et semble indiquer qu'elle s'est trcs- amincie en môme temps qu'autour d'elle s'est formée la couche d'ap- parence sarcodique, contractile, granuleuse, dont j'ai déjà parlé, qui ne se montre que dans les tentacules et dont je n'ai pu voir de traces entre les deux membranes du canal tentaculaire. Cela est surtout évident sur les jeunes individus conservés dans l'alcool. A l'origine de chaque groupe tentaculaire on perd cette couche sarcodique au milieu des corpuscules étoiles, réfringents, qui occupent dans cette région presque tout l'intervalle entre les deux membranes. Mais au-dessus d'eux, dans la branche d'origine unique des trois tentacules, cette couche est déjà parfaitement distincte et se termine en doigt de gant dans chacun d'eux, sans présenter aucun diverticulum vers l'exté- rievu', laissant voir seulement quelques tractus cjui traversent la cavité centrale du tentacule et semblent établir des relations entre les points diamétralement opposés de ses parois. L'existence de ces tractus n'est d'ailleurs pas constante. Ainsi il demeure bien établi que, des trois couches de tissus qui forment chaque tentacule, les deux internes ne prennent aucune part à la production des papilles, et celles-ci, ainsi que je l'ai déjà dit, ne possèdent aucune communication directe ou indirecte avec la cavité centrale du tentacule, pas plus qu'avec le canal tentaculaire. Ce sont 62 EDMOND l'EHKIKH. de simples jjroloniicnu'nts do la (■((iichc la plus externe du tentacule, dont nous avons à dessein rejeté l'étude jusqu'ici. Tout ce que nous venons de dire peut en effet se voir facilement et sans aucune préparation sur des pièces fraîches que Fou vient de détacher de l'animal vivant ; c'est môme une condition essentielle si l'on veut vériiier tous les faits que nous venons d'avancer. Si l'on veut aller plus loin et se rendre plus complètement compte de la nature exacte de ces différents tissus qui entrent dans la compo- sition des tentacules, il faut faire intervenir les réactifs. Il est d'ail- leurs indifférent ou à peu près de prendre de l'acide chromique, de l'alun ou du sublimé corrosif. J'ai également obtenu de bons résultats avec l'acide osmique très-faible et n'agissant que fort peu -de temps. Quant il l'a/otate d'argent, même en ajoutant un excès d'ammoniaque dans la liqueur, il produit dans l'eau de mer des précipités assez abondants pour gêner considérablement l'observation ; du reste, son action spécilique se porte pricipalement sur les épithôliums, qui sont suffisamment visibles sans lui. L'un quelconque des autres réactifs montre tout de suite que la couche externe .granuleuse qui recouvre le tentacule et donne nais- sance aux papilles n'est autre chose qu'une couche épithéliale. Au lieu d'être aplaties, comme les cellules de l'épithéliurn de la région dor- sale ', ces cellules - sont au contraire sphériques, de façon qu'elles forment autour des tentacules une couche assez épaisse bien que cette couche ne soit formée que d'une seule rangée de cellules. Ces der- nières ont d'ailleurs un contenu granuleux, et leur noyau, dépourvu de nucléoles, est très-volumineux par rapport à la cellule, dont il occupe environ la moitié. Il m'a été impossible de distinguer (piehjue chose de net dans la structure des papilles ; il est d'ailleurs hors de doute que leur sub- stance ne peut être qu'une nKxlilication légère de l'épithéliurn du tentacule. Dans les tentacules traités par les réactifs déjà indiqués, immédia- tement au-dessous de l'épithéliurn on distingue avec la plus grande netteté une enveloppe ({ue je crois incom])lète défibres dont la nature musculaire ne saurait Otre douteusti. Ces fibres occupent toute la lon- gueur des trois tentacules, se continuent sans interruption sur leur 1 PI. m, lig. 12. 2 PI. II, flff. 5. ANATOMIE 1)K LA COMAlULE. «3 branche commune d'origine, et on peut les suivre eu dessus jusqu'à la bandelette musculaire qui occupe l'axe des bras et de leurs pinnules. Comme elles ne croisent pas cette bandelette, et que d'autre part il n'est pas admissible que les fibres de l'une viennent s'insérer sur les fibres de l'autre, il me paraît probable qu'elles s'insèrent soit sur une enve- loppe aponévrotique delà bandelette longitudinale, qu'elles atteignent toujours, soit sur la gaine externe du canal tentaculaire, auquel elles contribueraient à faire prendre sa forme en zigzag ; c'est là un pro- blème à éclaircir. Sans en être cependant absolument certain, je crois d'ailleurs ces fibres situées immédiatement au-dessous de l'épithélium. H reste- rait à décider si elles sont surajoutées à la couche continue de la gaîne interne du canal tentaculaire, ou si elles constituent celte couche. La première opinion me paraît la plus probable ; car, lorsque les tissus s'altèrent, l'épithélium s'en va avec les papilles ; il en est de môme du revêtement musculaire, et il ne reste qu'une enveloppe en doigt de gant qui ne peut ètre-la troisième couche ; c'est donc la couche moyenne, qui est efiectivemenl la plus résistanle des trois, et c'est entre elle et l'épithélium qu'il faut placer la couche musculaire. Le filament que nous avons décrit à l'intérieur de chaque papille, et qui est certainement extérieur à la couche moyenne du tentacule et ne la traverse pas, arrive au contraire bien évidemment au coulacl des fibres musculaires, se replie de manière à cheminer parmi elles sans qu'il soit possible de continuer à le suivre un peu loin, parce (pi'alors rien ne le distingue des fibres ses voisines. Peut-être cette circonstance porterait-elle à penser que ce fila- ment est musculaire et que c'est à sa contractilité qu'il faut attri- buer les mouvements, d'ailleurs irrécusables, dont les papilles sont le siège. Un autre argument vient encore militer en faveur de notre inter- l)rétation de la position des fibres musculaires. Si l'on se reporte à la ligure 10 de la planche lll, i>n peut voir un certain nombre de libres de la couche musculaire, appartenant à la face dorsale des tentacules, se continuer en pinceau sur la paroi externe du canal tentaculaire, per- pendiculairement à l'axe duquel elles sont dirigées. Ces fibres s'in- sèrent bien nettement sur la ligne médiane dorsale de cette paroi; or, celle-ci formant la deuxième couche des tentacules, ainsi que nous l'avons vu, il faut bien admettre que les fibres musculaires sont au- dessus de cette dernière. G.4 KDMOXI) PHlUlIHIt. D'ailleurs, si nous laissons wicorc (iiichinc incerliUuk; sur la })Osition réelle (le l;i couche musculaire longitudinale des tentacules, nous n'en laissons [)as, du moins, quant à son existence ; ce que nous en disons est on ne peut plus facile à vériiier. 11 laut donc abandonner cette idée émise par le professeur A\ yvillc Thomson dans son beau mémoire ', que les parois de ces lenlaculessont simplement formées d'un sarcode granuleux où aucun tissu musculaire llbreux contractile ne se laisse distinguer. Il est vrai que M. Wyville Thomson parle surtout des tentacules des jeunes larves pentacrinoïdes; mais les tentacules de ces larves et ceux de la comatule sont absolument identiques, et c'est bien là ifailleurs ro[)inion plusieurs fois exprimée du naturaliste anglais, opinion que corroborent complètement nos propres observations. La ligure 10 de la planche III a été faite d'après une comatule dont les bras ne por- taient encore que deux ou trois pinnules, qui n'était libre que depuis quelques heures par conséquent, et les divers tissus (jue nous venons de décrire étaient cependant parfaitement distini'ts. L;\ ne se borne jjas du reste le tissu nnisculaire de la partie molle des bras. Il existe encore, ainsi que le prouvent les mêmes réactifs, d'autres bandelettes libreuses évidemment destinées à imprimer des mouvements d'ensemble aux groupes tentaculaires, et que nous décrirons pour cette raison avec eux, bien (]ue par leur situation elles dépendent de la membrane festonnée. Ces bandelettes -, qu'il n'est "uère possible de distinguer sur les parties fraîches, s'étendent entre deux groupes tentaculaires consécutifs, parallèlement à la bandelette musculaire de l'axe des bras; elles joignent entre eux les points de trifurcation des branches d'origine des tentacules et s'insèrent partie sur cette branche, partie sur le grand ou le petit tentacule suivant l'extrémité que Ton considère. Les deux bords de ces baiulelettes ne sont pas exactement parallèles ; chacune d'elles s'ouvre légèrement en éventail de sa i)artie supérieure à sa p'.uiïo inférieure , de telle façon ({ue l'extrémilé (jui s'insère en partie sur un [ictit tentacule est moins large ([ue celle cpii jjrend i)artiellement son insertion sur un grand tentacule. On se souvient d'ailleurs (jue les gr.inds tentacules sont ceux (jui ' l^h'dosopkiral Traiisaclions, lov. cit., l. C1j\', part. 11, p. liiii « 1^1. m, lit;. « ''t 'f'- '"■ ANÂTOMIE UE LA COMATULE. 05 regardent l'extrcmité libre des pinniiles, les petits étant les plus rap- prochés de leur base. Les bandelettes que nous venons de décrire ne sont pas, comme la bandelette axiale, continues d'un bout à l'autre des bras ; chacune d'elles ne s'étend que d'un groupe tentaculaire à l'autre et on peut la suivre néanmoins jusqu'au contact de la couche musculaire de chacun de ces groupes, ce Tjui vient encore corroborer notre opinion que cette couche est immédiatement située au-dessous de l'épithélium. Les muscles de la branche d'origine des groupes tentaculaires et les deux bandelettes que nous venons de décrire concourent ensemble à former une ligure rectangulaire, presque carrée, mais un peu allongée cependant dans le sens des bras ou des pinnules. C'est dans ces ligures rectangulaires que l'on voit les corps glandu- laires sphériques dont j'ai déjà parlé plusieurs fois. Il est à remarquer que les bandelettes axiale et latérale sont antago- nistes l'une de l'autre; la bandelette axiale, en se raccourcissant, tend à porter vers l'extrémité libre des pinnules les groupes tentaculaires; l'autre tend au contraire à les ramener vers le bras. Il n'est pas improbable que, lorsque les bandelettes se contractent ensemble, elles ont leur part dans le phénomène de l'enroulement des bras. Il est facile de comprendre maintenant de (juelle façon les extré- mités inférieures des groupes tentaculaires sont, pour me servir de l'expression de M. Wyville Thomson, engagées [iinheddcd) dans le soi- disant sarcude de la membrane fest(Hinée. Les tentacules traversent complètement cette expansion charnue et se terminent par l'intermédiaire de leur branche commune d'origine sur le canal tentaculaire. Leur épithélium seul est en continuité avec l'épithélium de l'expansion festonnée. Seulement, tandis que chacun des grands tentacules traverse com- plètement l'expansion, les petits émergent beaucoup plus bas et sont adossés à la face ventrale de l'expansion, au lieu de paraître la soute- nir complètement k la manière des grands. C'est pourquoi ils sem- blent faire corps avec chaque feston, auquel ils paraissent en partie soudés, et constituer avec lui un tout unique, tandis que le grand tentacule en paraît plus indépendant. Muant à la communication spé- ciale qui a été signalée entre le canal tentaculaire et le groupe formé par un feston et les deux petits tentacules, les détails dans lesquels je viens d'entrer montrent d'une manière bien évidente que c'est là AUCH. DE ZOOL. F.XP. ET GÉX. — T. II. 1 S73 . 3 GC) EDMOND PERRIER, une pure illusion que je suis forcé de signaler, sans cesser pour cela d'avoir la plus grande admiration pour le magnifique travail de M. Wyville Thomson. Corps sphériques (ralcareom (/lan/Js, Wyvilk; Thomson). — J'arrive maintenant A ces corps ([ui aUcrnentsi régulièrement avec les groupes tentaculaires et auxquels M. Wyville Thomson attribue, mais sim- plement par exclusion, lô rôle de sécréter le calcaire; j'avoue que, pour ma part, je n'ai rien vu qui pût servir à appuyer cette manière de voir, énoncée d'ailleurs comme simple hypothèse ; il m'a môme semblé que l'histoire du développement donnait d'ailleurs plus d'un argument contre elle ;, mais ce n'est pas encore le lieu d'en parler. Ces corps sont placés, comme je l'ai indiqué précédemment (pi. I, fig. 2, et pi. II, lig. 2 et G), dans les figures rectangulaires formées par l'appareil musculaire des parties molles ; seulement ils ne sont pas au centre de ces carrés et empiètent assez souvent sur la bandelette extérieure, au-dessous de laquelle on peut les voir. Leur figure est parfaitement sphérique ; ils sont limités par une capsule paraissant de môme nature que les gaines du vaisseau tenta- ciilaire et présentant, comme elles, de distance en distance un cci'tain nombre de renllements nucléaires, mais dépourvus de pro- longement. Je crois en conséquence pouvoir considérer et les gaines vasculaires et la capsule qui limite les corps sphériqucs comme étant une simple modification d'un tissu de nature conjonctive. 11 m'est arrivé assez souvent devoir une sorte de tube membraneux faire hernie extérieurement sur la face ventrale de la membrane fes- tonnée et correspondant au corps sphérique. (>ela semble bien indi- quer en effet qu'une seconde membrane se trouve au-dessous de la capsule : c'est là une opinion commune à Dujardin et à Wyville Thomson, qui suggère même à un de ces savants l'idée quelque peu inattendue de comparer ce corps à un grain de pollen. La facilité avec la(|uellc s'échappe le contenu de cette capsule m'a- vait conduit à me demander si chacune d'elles n'avait pas un orifice ]>articulier sur la face ventrale ou supérieure des bras. Il m'a semblé plusieurs fois voir (juelque chose de ce genre ; mais, soit par l'observa- tijon directe, soit en cherchant à suivre la marche de l'imbibition si lapide du contenu de la capsule par les matières colorantes, il m'a été impossible d'arriver à me faire une opinion bien arrêtée sur ce point. ANATOMIE DE LA COMATULE. GT Je ferai cependant remarquer que l'idée d'une capsule close paraît exclure celle d'une imbibilion si rapide de son contenu; d'autre part, ce contenu s'éciiappe avec tant de facilité, que l'existence d'un orifice extérieur paraît encore quelque chose de probable, et dans ce cas il me semble que ces corps sphériques seraient bien plutôt des appa- reils excréteurs qu'autre chose. Je laisse toutefois la question encore indécise. Le contenu de ces capsules se compose d'un certain nombre de masses piriformes, quelquefois atténuées, mais inégalement à leurs deux extrémités. Elles s'échappent en général toutes à la fois de la capsule qui les contient et demeurent alors suspendues exté- rieurement en grappes auprès d'elle, à peu près comme cela est indi- qué pour les œufs qui attendent la fécondation (pi. I, iig. G). Chacune des masses en question se prolonge généralement en une sorte de queue très-grêle (pi. I, iig. 7), assez longue, souvent entor- tillée, continue avec la membrane propre de la masse d'oii elle dépend, et qui paraît complètement anhiste. Dans cette membrane, qui forme comme une sorte de sac et sur les parois de laquelle se montre pres- que toujours une sorte de petit noyau de couleur brune, on trouve un nombre variable de petites sphères incolores, très-réfringentes, ressemblant à des gouttelettes d'un liquide transparent, et probable- ment enveloppées chacune d'une mince membrane qui lempèche de se confondre avec ses voisines. Ce sont ces petites sphères qui absorbent si rapidement les matières colorantes et qui, sous l'action du sublimé corrosif, prennent très- rapidement une couleur brune qui permet de les distinguer immédia- tement. Je n'ai jamais vu de cristaux à l'intérieur des capsules ; les spicules calcaires ne paraissent pas se trouver de préférence dans leur voisi- nage ; j'ignore encore ce qui a pu conduire M. Wy ville Thomson à voir là les organes sécrétant le calcaire. Sont-ce même bien réelle- ment des corps glandulaires ? A quelle catégorie de fonctions faut-il les rattacher? Ce sont là des questions vers la solution desquelles nous n'avons, à mon avis, môme pas encore fait le premier pas. C'est pourquoi je rejette le nom de glandes du calcaire {calcareous ylaads) adopté par M. VVyville Thomson et je me borne, jusqu'à plus ample informé, à désigner ces organes singuliers sous le nom de corps spliériques, qui ne préjuge rien. fis EDMOND l'ERRIER. lui résunif', il résulte des fails que nous venons d'exposer qu'un ])(iinl (le vue analomi({ue rori;'anisalion des bras de la rumatida rosa- cea est beaucoup plus sinqile qu'on ne l'a cru jusqu'ici, puisque, en dehors du canal tenlaculaire, il est impossible d'y trouver tout autre ai)i)areil de circulation. D'autre part, les connexions si simples des tentacnles soit entre eux, soit avec le canal tentaculaire, montrent l)ien qu'il est inutile d'admettre, avec le docteur Carpenter, une sorte de respiration double, analogue à celle dcjù signalée par M. de Quatre fa ges chez les annélides, par exemple. Le canal tentaculaire et les groupes de tentacules qui lui sont an- nexes constituent à la fois un appareil de circulation et de respira- tion. Je ne fais d'ailleurs aucune difficulté d'admettre que c'est sur- tout dans les tentacules que la respiration s'effectue. J'ajouterai que le plus souvent on observe, à la base de la branche d'origine des groupes tentaculaires, une sorte de rétrécissement assez marqué. Y aurait-il là un tissu contractile capable de fermer l'ori- fice de communication avec le canal? Je n'en ai pas observé de traces, pas plus que je n'ai vu de fibres annulaires sur les tentacules. Mais si, quant aux organes, nous ramenons à. un type plus simple l'organisation de la comatule, nous croyons devoir, quant aux tissus, la considérer comme plus complexe que les auteurs qui s'en sont déjfi occupés. Sans avoir été plus heureux que la plupart d'entre eux dans la recherche du système nerveux, nous avons au moins démon- tré que lesarcode, qui est censé envelopper l'axe calcaire, se laisse fa- cilement décomposer en épithéliums, fibres musculaires et éléments conjonctifs. 11 y a donc là da^^ tissus et non pas seulement du sarcode. Un verra, par ce (jui nous reste à dire du développement des ])ras, que l'embryogénie vient confirmer les conclusions auxquelles l'aua- tomie seule nous a déjà conduit. RÉGÉNÉRATION DES BRAS. Hien n'est fréquent connue de trouver des comatules dont les bras sont en voie de régénératiijii. Ces animaux ne se brisent pas spontanément comme le font cer- taines astéries, les luidia, par exemple ; ils ne sont même pas aussi fra- giles que beaucoup d'ophiures de taille bien supérieure. Cependant ANATOMIE DE LA COMATULE. CA) les mouvements des vagues, l'habitude qu'ont les comatules de s'en- clievètrer souvent soit les unes dans les autres, soit dans les ramifica- tions des sargasses, enfin les animaux de toutes sortes qui cherchent leur vie dans ces mêmes sargasses sont autant de causes de mutilation pour ces êtres délicats et charmants. Cette mutilation n'est pas, on le verra, de longue durée. Les parties disparues se régénèrent bientôt; au bout de quelques jours une digi- tation Ijlanche se montre à leur place ; c'est la pinnide qui repousse son extrémité, le brasécourté qui se complète. Voici deux exemples qui donneront une idée de la rapidité avec laquelle s'accomplissent ces phénomènes de rcstaunition. Le 9 août, j'enlevai l'extrémité d'un bras à un antédon de couleur rouge carmin qui se trouvait dans mes cuvettes depuis une huitaine de jours. Près de lui, j'observai un antédon de couleur vermillon qui n'avait à ce moment que trois bras complets ; tous les autres étaient coupés plus ou moins près de leur base et en train de se régénérer. Chacun des bras coupés se montrait surmonté d'un petit prolongement digi- tiforme de couleur blanche. Le ,14 août, j'examinai de nouveau l'antédon carmin et je pus reconnaître qu'un prolongement uigitLI'orme de 1 millimètre de long, semblable à ceux de l'antédon vermUlon, était déjà formé. Le lendemain, 15, j'examinai avec soin chacun des bras en voie de régénération de ce dernier. A la base de chacun des prolongements, une paire de longues pinnules était déjà formée, et au-dessus d'elles on voyait même un assez grand nombre déjeunes pinnules en voie de formation. La figure 10 de la planche V représente une portion de bras ([ui a repoussé en trois semaines. Si l'on songe que ce phénomène s'est accompli en captivité, chez des animaux conservés dans de simples cuvettes à dissection et par conséquent dans des conditions aussi mauvaises que possible, on doit supposer que la régénération des parties perdues s'effectue avec une extrême rapidité chez les comatules vivant en liberté. Huit ou dix semaines environ doivent suffire à la complète régénération d'un bras. Je n'ai malheureusement pu poursuivre mes expériences assez long- temps pour donner rien de très-précis à ce sujet. Il serait également intéressant de savoir si l'antédon, qui reproiluil ses pinnules, ses bras, ses cirrhes, serait également capable de re[)ro- 70 EDMOND PERKIER. (luire des parties (léi)en(lanL de son disque, le lube anal i)ar exemple; je donnerai plus lard des détails sur ce point. L'étude de la régénération des bras est d'ailleurs un excellent moyen de confirmation pour les résultais anatomiques. En effet, un bras qui repousse est absolument dépourvu de pigment rouge ; la matière cal- caire y est, au moins au début, très-peu abondante, et l'on peut suivre pas ;\ pas sa formation. On n'a donc ;\ observer qu';\ travers un tissu sensiblement homogène, translucide, qui permet de ne laisser perdre aucun détail du développement des nouvelles parties. En particulier, rien de ce qui touche à l'appareil vasculaire ne sau- rait échapper anx investigations ; il est évident que toutes les parties de cet appareil devront se développer ici d'antant plus rapidement, que le mouvement circulatoire du sang a pour effet de tendre à creuser sans cesse les nouveaux tissus et de prolonger, par conséquent, an milieu d'eux les vaisseaux déjà existants. Voici maintenant ce que l'on observe. Je supposerai d'abord qn'ôn ait coupé simplement une pinnule ; il n'y aura à étudier que le développement des parties qui constituent cet organe, c'est-à-dire le canal tentaculaire, les tentacules, les fes- tons, les corps sphériques et le squelette. Quand cette étude sera finie, il suffira de peu do mots pour faire connaître, d'une manière complète, le mode de développemeni d'un bras. Toute pinnule qui repousse s(i montre d'abord sous la forme d'un prolongement digitiforme de couleur blanche, extrêmement grêle. Il semblerait, au premier abord, que la puissance régénératrice dût agir sur toute l'étendue de la section, chaque partie de celle-ci reprodui- sant celle qui était placée immédiatement auprès d'elle, lorsque la pinnule était entièri^ Il n'en est rien. C'est dans la région la [jIus voisine du canal tentaculaire que se forme le bourgeon réparateur. Il m'a été impossible de me rendre un compte bien exact de ce qui se passe ;aux premiers moments du nouv(;au bourgeonnement. 11 est probable (lue les liquides de l'éco- nomie, après avoir coulé quelf[ue temps au dehors, se coagulent sur toute la surface de la ])laie, de uiaidère à y former une couche plasma- li(pie homogène qui cicatrise la blessure; mais bientôt le phéuomèue de restauration se localise de manière à amener la formation d'un bourgeon dans le point que nous avons indiqué. ANATOMIE DE LA COMÂTULE. 7J Les bourgeons les plus jeunes que nous ayons observés ' sont constitués par deux cylindres emboîtés l'un dans l'autre, terminés tous les deux en doigt de gant, et dont l'extérieur a des parois d'une épaisseur au moins égale au diamètre du cylindre interne. Le dia- mètre total du bourgeon est beaucoup moindre que le diamètre de la pinnule, de sorte que celle-ci semble porter une sorte de doigt très-grêle sur le milieu de son' bord supérieur ou ventral. Le cylindre interne a exactement ou à très-peu près le calibre de la partie interne du vaisseau tentaculaire et se trouve en continuité immédiate avec lui, de telle .sorte qu'on doit le considérer comme résultant du bourgeonnement du canal lui-même, ou tout au moins de la couche protoplasmique qui a servi à l'obstruer peu après la blessure. Au contraire, le cylindre externe qui enveloppe de toutes parts le cylindre interne n'a rien de commun avec le canal tentaculaire et se continue avec la couche de protoplasma qui recouvre le reste de la blessure, couche qui est elle-même en continuité avec les téguments. Il semble que la puissance régénératrice appartienne surtout au canal tentaculaire; que celui-ci se développe d'abord et qu'il refoule devant lui, do manière à s'en coiffer complètement, la couche de proto- plasma qui lui barre le passage et dont il se forme un revêtement, mince d'abord, mais qui bientôt s'épaissit rapidement. Le cylindre intérieur parait d'ailleurs complètement plein, formé d'une substance homogène granuleuse, que Tonne parvient que très- difficilement à décomposer en éléments cellulaires, très-petits, gra- nuleux, sans membrane d'enveloppe et présentant un noyau en forme de point. De même, le cylindre extérieur paraît parfaitement homogène ; seulement les éléments cellulaires qui le composent sont un peu plus volumineux, et leurs noyaux sont plus gros et aussi plus réfrin- gents *. Plusieurs de ces cellules, évidemment en voie de rejjroduc- tion, m'ont montré à leur intérieur deux et môme trois noyaux. Ces observations sont d'ailleurs très- difficiles à cause de la tendance qu'ont ces jeunes tissus à se désagréger rapidement. Ce n'est qu'un peu plus tard qu'une lumière api)arait dans l'axe du cylindre intérieur, plus large vers le bas de ce cylindre que vers le » PI. V, liy-. IS. 2 PI. IV, liy. 17. n EDMOND PERKIER. haut, où ses deux bords se rapprochent de pkis en plus et finissent par se confondre ; ces deux bords internes se montrent d'ailleurs légèrement festonnés, sans que ces festons semblent correspondre à des cellules isolées. Pendant que ces changements se produisent dans le cylindre inté- rieur, certains éléments du cylindre extérieur subissent une modifi- cation remarquable ; ils se transforment en vésicules rondes remplies de ce liquide ou pour mieux dire de cette matière jaune que nous avons déjc\ rencontrée dans les éléments du tissu conjonctif du bras. Ainsi, soit dans le développement normal de l'embryon, soit dans la régénération des bras, ces corpuscules jaunes {oil cells, Wyville Thomson) apparaissent de très-bonne heure, ce qui semble indiquer que leur rôle dans la vie de l'animal n'est pas sans (juelque importance. Le calcaire et le pigment rouge n'ont pas encore apparu. Peu h peu le cylindre ou plutôt le canal central s'allonge et se redresse légèrement par son extrémité libre, de manière à former une courbe légèrement concave vers le haut; en même temps, on voit se creuser au-dessous de lui une cavité allongée qui, vue de profil, semble être un second canal en forme de massue \ qui serait très-ouvert vers son extrémité périphérique et, au contraire, très-déprimé vers son extrémité la plus rapprochée de la pinnule. C'est exactement ce que le professeur Wyville Thomson a signalé dans le développement des bras des pentacrines ; c'est ce qu'il nomme, avec le docteur Carpenter, le si/stème des vaisseaux cœliaques. Lorsqu'on examine de face le bour- geon, soit par son côté dorsal, soit par son côté ventral, on reconnaît que cette cavité, au lieu d'être cylindrique, est très-élargie latéra- lement; ainsi que le montrent les figures précédemment citées, elle déborde beaucoup do chaque côté le canal tentaculaire naissant, dont elle ne dépasse que fort peu le diamètre, si on la considère de profil et dans sa plus grande épaisseur. Celle-ci diminue d'ailleurs de plus en plus à mesure (fue l'on se rapproche de la partie inlacte de la pin- nule, et se continue avec l'espace extrêmement petit situé dans celle- , ci entre l'enveloppe du squelette calcaire et le canal tentaculaire. Avec Wyville Tbomson, nous ne pouvons voir dans cette cavité tubu- laire «[ue le prolongement de la cavité périviscérale ; elle ne dépend d'aucun appareil circulatoire ])articnlier ; le corps prenant ici la fornie d'un cylindre, la cavité générale |)reud la forme d'un IuIjc [jIiis 1 V\. V, (il;-. 17 rllS. ANATOMIE DE LA COMÀTULE. 73 ou moins aplati ; il n'y a là rien de particulier, et je ne vois en vérité pas la nécessité de créer un nom nouveau pour designer une cavité qui partout ailleurs porte le, nom de cavité générale, que tout le monde comprend, tandis que le terme de canaux cœliaques peut induire en erreur en faisant croire à l'existence d'un système vasculaire spécial qui n'existe pas. D'ailleurs cette cavité n'est pas simplement la cavité primitive du cylindre extérieur qui se serait agrandie au-dessous de la partie nou- velle du canal tentaculaire, c'est une cavité qui s'est creusée à l'inté- rieur môme de la portion des parois de ce cylindre inférieure au canal tentaculaire. De telle façon que le cylindre extérieur présente désor- mais deux cavités : l'une supérieure, exactement remplie par le canal tentaculaire et dont les parois ont une assez faible épaisseur verticale; l'autre inférieure, qui n'est autre que la cavité générale, et dont la paroi inférieure ou dorsale est pleine et égale en épaisseur l'épais- seur de toute la partie du bras placée au-dessus d'elle. Il est ;\ noter que, sur tout le pourtour de cette cavité, le tissu homogène du cylindre extérieur paraît s'être un peu condensé, mais sans constituer cependant un nouveau tissu. L'agrandissement dans le sens vertical de la cavité générale, ;\ me- sure qu'on se rapproche de l'extrémité libre du bras, nous paraît due à l'inflexion que le canal tentaculaire prend d'une manière constante vers le haut pendant la première partie de son développement. Plus tard, qujind la pinnule est arrivée iï son plus haut degré de développement, l'extrémité du canal se redresse ; on la voit dès lors ' appliquée sur la face dorsale des articles calcaires, et il est alors impossible de distinguer au-dessous d'elle autre chose qu'une mince couche de tissu. Nous croyons donc que l'interprétation donnée par le professeur \Yyville Thomson des canaux cœlia(jUPA du docteur Carpenter est la seule exacte; ce sont des prolongements de la cavité générale qui ne sont môme bien apparents que pendant une certaine période de l'accroissement des bras et des pinnules. Pas plus que le professeur Wyville Thomson, nous n'avons vu le troisième canal signalé par le docteur Carpenter, et nous demeurons convaincu que personne ne le reverra. 11 n'y a dans les bras de la comatule qu'un seul canal véritable, 1 PI. III, fig'. 19, e. , ,. ■ 74 EDMOND PERRIER. c'est ](\ caniil Icnlaculaire : il n'est possible de trouver au-dessous de lui, et pendant un certain temps seulement, qu'un prolon,^eInent de la cavité générale. Il semble d'ailleurs résulter de ce qui précède que le canal tenla- eiilaire est bien la partie essentiellement nutritive du bras, puisque c'est lui (jui repousse en premier lieu, et que c'est autour de lui que se forment, quoique d'une manière indépendante, les nouveaux tissus. dépendant les pièces calcaires ne tardent pas î\ apparaître ^ On voit, presque dès le début de la formation, une petite masse calcaire irrégulière naître dans le tissu homogène qui forme la face dorsale «le la jeune pinnule, et se placer juste en face du sommet du canal tentaculaire en voie de formation et de la cavité sous-jacente. Un peu plus bas, une autre petite masse calcaire pourvue de nombreuses ramifications se montre encore, et au-dessous d'elle une sorte de demi- anneau présentant de chaque côté de nombreuses épines irrégulières. Ce sont là les rudiments d'autant d'articles qui se développeront plus tard. Presque en môme temps, les premiers rudiments des pinnules appa- raissent, et leur mode de formation est très-intéressant, parce ({u'il ne [)eut laisser aucun doute ni sur les connexions des trois tentacules avec le canal ventral des bras ni sur les affinités mutuelles des trois tentacules d'un même groupe. J'ai déjcà dit que les parois du jeune canal ienlaculairc étaient for- mées par de très-petites cellules h noyau extrêmement petit. A peine la lumière du canal est-elle apparente, qu'en un p(Mnt de la paroi laté- rale on voit bientôt se former un épaississement qui fait saillie à la l'ois dans la lumière du canal et h l'extérieur de celui-ci. (^et épaissis' sèment ne grandit que vers l'extérieur et forme bientôt, sur le côté du canal primitif, une petite digitation, sensiblement de môme diamè- tre que le canal lui-môme. En grandissant, cette digitation se dirige' vers le haut et se recourbe en même temps un peu en dedans vers la ligne médiane du bras. Chacune de ces digitations ne tarde pas h se montrer entourée d'un foiu'reau d'assez grande épaiss(-urqui se forme aux dépens de la partie du rylindrcî primitif extérieur ausein du([uel elle j)énètre,et qui paraît se moditier dans le voisinage de la petite digitation pour lui former • PI. IV, [iy. 17, 18 (!t i-.i. ANATOMIE DE LA COMATULE. 75 son revêtement épithélial ; désormais la digitalion et le fourreau qui l'enveloppe grandiront ensemble. Les parois mêmes de la digilation formeront les deux couches inférieures du tentacule ; le fourreau donnera exclusivement naissance à l'épithélium et aux papilles. Mais la petite digitation que nous venons de décrire a à peine atteint une longueur triple de son diamètre, qu'on voit son sommet s'élargir vers le bas, puis un sillon se former, partageant en deux parties égales la portion élargie, de sorte que la digitation primitive se trouve ainsi partagée en deux autres \ Ces deux digitations grandissent ensemble, l'extérieure plus que l'intérieure: puis celle-ci se divise à son tour comme avait fait la première; il semble alors que la digita- lion primitive se soit fortement élargie à son sommet, qui se serait divisé en trois lobes -. Ainsi les trois tentacules d'un même groupe ne naissent pas tous ensemble. Le plus grand peut être considéré comme déjà ébauché, quand les deux autres n'ont pas encore apparu ; en tout cas, il est déjà spécialisé quand les deux autres sont encore confondus dans un même bourgeon ; ce n'est qu'un peu plus tard que ces derniers se séparent, et le cul-de-sac qui deviendra le tentacule moyen est un peu plus ancien que celui qui formera plus lard le petit tentacule ou ten- tacule interne du groupe. Ici la taille des tentacules est donc en rapport avec leur âge ; mais cette taille ne se régularise jamais, et chaque groupe contient toujours un grand tentacule, un tentacule moyen et un petit tentacule; de plus, et c'est là une chose singulière, le plus jeune des tentacules est celui qui regarde la base du bras ou de la pinnule, c'est-à-dire la partie la plus âgée de ces organes. J'ai à peine besoin de dire que, pendant que ces phénomènes se pas- sent pour un bourgeon tentaculaire, le canal continue à croître el à donner naissance alternativement à droite et à gauche à de nouveaux bourgeons , qui subiront chacun à leur tour les métamorphoses que nous venons d'indiquer et deviendront autant de groupes ten- laculaires. Il n'est pas difficile de trouver des pinnules en voie de développe- ment, dans lesquelles on peut voir, sur le trajet du canal central, des bourgeons tentaculaires présentant tous les degrés de développement 1 PI. IV, fig-. 19. 2 PI. IV, fiy. 20. 76 EDMOND l'EKHIEH. que nous venons d'indiffuer. Mais il seml)lc qu'à j);u'lir d'un certain moment le travail du développement des groupes tentaculaires tende à s'uniformiser, car bien souvent tous les groupes de nouvelle formai lion, jjourvus de trois lobes, [)araissent à très-peu près du même âge, à |)art peut-être ceux (jui soni les plus rapproches de l'extrémité libre de la pinnule. Ainsi les trois lenlacules d'un même groupe (^nt pour origine un même l)Ourgeon, absolument unique; ils se forment successivement au moyen les uns des autres, par le même procédé, passent par les mêmes phases de développement et constituent à eux trois un tout absolument inséparable. Ils sont donc morphologiquement et anatomiquement identiques ; il n'y a donc pas lieu de les distinguer, comme le professeur Wyville Thomson, en tentacule extensible et tentacules non extensibles. Leurs pro- priétés sont exactement identiques ; il n'y a entre eux que des iliile- rences d'âge et de taille. L'embryogénie, aussi bien que l'anatomie, prouNc encore d'une manière irrécusable qu'il n'y a })as de connexion particulière des petits tentacules avec les festons des bords iles bras {crescentic lenves) ; il y a ici, en conséquence, une inexactitude dans l'interprétation du savant professeur anglais. Nous verrons d'ailleurs tout à l'heure com- ment se foi'uu'nt les festons. Mais je dois encore faire quelques remarques. Le professeur Wyville Thomson n'indique pas, dans son mémoire, les époques relatives aux- ({uelles naissent, suivant lui, k' grand et les petits tentacules, mais il indique les festons des bras comme naissant un peu avant les petits tentacules, qui, dans l'opinion de l'auteur, formerai(înt groupe avec eux. Il résulte, au contraire, de nos observations que kïs trois tentacules se forment d'abord; ce n'est (ju'un peu après que Uis festons devien- nent bien distincts. Un autre point qui nous paraîl mériter un nouvcd examen, c'est le mode de naissance des tenSacnles (pii frangent le disque des très- jeunes larves pentacrinoïdes. A un certain moment, ces lenlacules sont au nombre de vingt-ciufi : cinq aux ])oinls de bifurcation i'iilurs des bras {azf/fjnus tentacles); dix de cliacpu' côté de ceux-ci, (!is[)osés symétritpu'.ment par rapport ;\ eux, et (pie Wyville Thomson considère comme non extensibles; enfin dix aulres j)lus [leliis, disposés sur les lésions du disipu', eulre les dix ANATOMIE DE LA CO.MATULE. 77 tenlacules non extensibles, et (|ue le professeur \\'yville Thomson considère comme étant les premiers d'une séfk' fort remarquable de tentacules non extensibles qui naîtront plus tard sur les bras. Les faits que j'ai exposés tendraient à faire penser que ces petits tentacules doivent être groupés deux par deux avec les grands tentacules que le professeur Thomson signale comme leurs aînés et s'ouvrir par un orifice commun avec ces derniers dans le canal circulaire buccal. Mais il est manifes- tement impossible de grouper ensemble trois par trois suit les vingt- cinq tentacules du disque, soit les vingt qui restent, quand on ne tient pas compte des tentacules impairs placés entre les festons. Si donc les observations du professeur Thomson sur ce point sont parfaitement exactes, il faut admettre que les premiers tentacules qui apparaissent sur le disque se développent suivant une loi différente de celle qui préside à leur formation sur les bras et sur les pinnules. Cela n'est pas impossible ; mais il ne faut pas donc rattacher les tenta- cules grands et petits du disque à la môme série que les grands et les petits tentacules des bras, qui se sont développés autrement et de façon que tout grand tentacule forme un môme tout avec les deux petits qui le précèdent. Malheureusement nous n'avions pas avec nous le mémoire de Wy ville Thomson quand nous étions au bord de la mer et que nous pouvions arrêter notre opinion par l'examen des nombreuses larves pentacrinoïdes qui étaient à notre disposition. Ce n'est qu'en rentrant i\ Paris que le défaut de concordance dont nous venons de pailer nous a frappé ; mais cette lacune est en partie comblée par la description que nous avonsj donnée de la disposition t(}ute spéciale des tentacules sur le disque. 11 nous paraît d'ailleurs i)robabie (juc les tentacules du disque ne naissent pas tous en môme temps; il y a donc lieu, en tous cas, de chercher la loi de leur évolution, qui n'a pas été donnée par l'auteur anglais, et qui est différente de celle que nous avons donnée pour les bras. Uevenons maintenant au développement ultérieur des groupes ten- taculaires. Les trois tentacules grandissent ensemble en se recourbant au-dessus de la face dorsale de la pinnule, et sont accompagnés toujours de la gaîne épaisse de tissu homogène qui formera plus tard leur épithélium et qui tout d'abord semble s'être individualisée au sein même de la paroi supérieure du cyhndre extérieur primitif de la jeune pinnule, puis a 78 EDAlONn PERRÏïïH. conLiniK' de se développer comme une sorte de bourgeon duns l'inié- rieiir et à lu surf;ice de ce cylindre. Pendant tout le temps du développement, le grand tentacule né le premier de chaque groupe est un peu plus élevé et plus extérieur que les autres, qui se sont formés obliquement et un peu en dedans par rapport à lui; il se trouve en conséquence plus près de la surface extérieure du cylindre primitif, et se trouve constamment refoulé par le développement des petits tentacules du côté opposé, placés juste en face de lui et un peu au-dessous; de cette façon sa couche épithé- liale future se trouve ramenée à être sur le môme plan que la surface extérieure du cylindre primitif, qui conserve au contraire une certaine épaisseur au-dessus des petits tentacules. Bientôt, soit à cause de la pression résultant du développement des tentacules, soit par un travail histologique naturel, une fente sinueuse se montre sur la face dorsale du cylindre i)rimitif ; dès lors tous les élé- ments de la pinnule sont distincts ; seulement ses deux bords sont ramenés vers le haut et constituent une sorte de cornet à l'intérieur duquel les divers tentacules sont déjà assez développés pour en occu- per loulela cavité. Latente sinueuse qui s'est formée n'est peut-être que la consécpience de l'accroissement de cette cavité ; elle correspond aux festons des deux côtés des bras qui, à ce moment, s'engrènent réciproquement d'une manière ;\ i)eu près complète, et entre lesquels il est parfois possible de voir des tractus de matière qui les unissent encore et indiquent qu'une sorte de déchirement récenj, s'est opéré. Il semble que la formation des festons soit en quelque sorte passive, la fente sinueuse qui leur donne naissance résultant en quelque sorte de la disposition primitive des groupes tentaculaires^ ; aussi croyons- nous devoir considérer ces festons connue des organes tout à fait secondaires. Ils sont les restes du cylindre primitif lui-même, tandis que l'épithé- lium des lentaciiles s'est formé i)ar une spétiaiisation d'ime partie restreinte d'abord de cecyliu(b'e, (jui s'est ensuite dével<»pi)ée sous sa sccniide forme comme une sorte de bourgeon. Pour le grand tenta- cule ce bourgeon s'est enlièremeut sid)stitué au îissu ])riraitif; aussi chaqu(ï grand tentacule sépare-t-il complètement deux lestons consé- culils; pour les petits tentacules, uiu; porliou du cylindre i)i'imitif a l»ersislé et a formé le lésion ; cel;i tient à ce (\\\{) les pelits tentacules 1 PI. IV, li^^ 17, t. ANATOMIE DE LA COMATULE. 71) se sont développés un'peu au-dessous du grand, et ce dernier fait ex|)li- quer en même temps pourquoi ils émergent du feston qui les recou- vrait d'aboi d en des points assez rapprochés de l'axe de la pinnide, et pourquoi le petit tentacule, né sur un plan encore inférieur au moyen, émerge plus près de l'axe que ce dernier. Ainsi l'embryogénie rend parfaitement compte de toutes les particu- larités que présentent, quant à leur disposition, les organes dont nous venons de nous occuper. Il n'y a plus maintenant qu'à étaler sur un racme plan les deux lames festonnées, comme on rabattrait les deux parties d'un cornet conique, coupé suivant l'axe de ses génératrices ; par cela même, les tentacules s'étalent, se déroulent, et la pinnule est complète; elle a pris sa forme délinilive. Ajoutons cependant que dans certains cas il nous a semblé que les festons se formaient d'une manière indépendante par bourgeonnement sur les bords du cylindre primitif. C'est encore un point douteux. Les papilles qui doivent orner chaque tentacule ne sont pas encore complètes à beaucoup près. Les premières que l'on voit \ ordinaJ- rement au nombre de deux, à peu près aussi bien développées l'une que l'autre, se montrent au sommet du grand tentacule, alors que le tentacule moyen ne présente encore à son sonmiet que deux pelils bourgeons et que le petit tentacule en est complètement dépouivu Les papilles se dévehqjpent donc, sur chaque tentacule, tlu sommet à la base ; de plus, d'un tentacule à l'autre elles se montrent dans l'ordre d'évolution de ces dernieis. Le mécanisme histogénique de leur évolution est difiicile à préciser, attendu que les éléments du tissu sur lequel elles prennent naissance sont eux-mêmes à peine distincts. Ce qui est certain, c'est qu'avant le développement des papilles la couche épithéliale très-épaisse do cha- que tentacule se montre parsemée de corpuscules brillants, circulaires, mais à bords un peu sinueux. Ces corpuscules ressemblent à des noyaux, mais je ne veux pas dire par là qu'il faille leur attriliuer cette signiîi- caiion. Chacun de ces corpuscules devient par la suite un jKHit bour- geon saillant sur le tentacule et dont le sommet offre le même aspect que le corpuscule. Ce dernier représente probablement dès lors ce sommet, lequel serait, dans cette hypothèse, la première partie formée de la papille. Je n'ai pu voir autre chose; mais je ferai remarquer ici qu'une fois » 1^1. IV, fig-. 24, p. RO EDMOND PERRIER. (k' plus remhryôgônie déniontro d'une manière évidcnic la nature pur(!nienL épUholiale des papilles. Le canal central du tentacule ne prend pas la moindre part à leur formation; il est donc inexact de dire que la cavité centrale des papilles communique avec celle des tenta- cules. Nous avons vu au contraire qu'un filament solide, très-réfrin- gent, jaunissant un peu sous l'action de l'acide osmique très-faible, occupe la cavité centrale de ces papilles. Il nous reste à indiquer le mode de développement des corps sphéri({ues. Il est très-difficile de savoir ce qui se passe au début de leur forma- tion, parce qu'il y a toujours au-dessus d'eux une couche de tissu granuleux qui nuit à l'observation. Ici le sublime corrosif est d'un grand secours, parce qu'il colore en brun certaines parties de ces corps et permet ainsi de les apercevoir tout de suite. Us ne se montrent que bien après que les premières parties calcaires ont été déposées, et leur développement n'est pas encore complet que les divers articles de la pinnule sont déjà parfaitement distincts. Or cela ne concorde guère avec l'hypothèse du professeur Wy ville Thom- son, qui veut voir dans ces corps les glandes sécrétant le calcaire. Les premières traces de ces glandes qu'il m'ait été possible de voir consistaient en un groupe de noyaux brillants, assez espacés, colorés en brun par le sublimé '. Il est probable que ces noyaux font déjà partie de cellules complètes; mais à ce moment il m'a été impossible de voir soit ces cellules, soit la capsule dans laquelle elles sont plus tard contenues. Toutefois tout l'organe est parfaitement reconnaissable et com- plètement constitué avant que les tentacules se soient étalés au dehors, un reconnaît alors qu'il se compose d'une capsule contenant un certain nombre de vésicules transparentes, pourvues d'un noyau brillant -. Un peu plus tard, ces vésicules prennent l'aspect bosselé que nou^ avons décrit, et leur contenu se décompose en nombreux sphérules complètement lransj)arents, en même teni^js (jue le noyau diminue graduellement de volume et huit par se réduire à un tout petit point brillant, de couleur brune, placé sur la paroi de la vésicule ■'. D'après ces observations, il semble que la première portion formée ' l'I. l\. li-. i-l, a. . . 2 l'I. IV, fiy. -l-l, h, c. ■* l'I IV, li-. ±2, d. AXATOMIE DE LA COMATULE. 81 est le noyau de chaque vésicule; toutefois, de très-bonne heure, on peut distinguer une délicate membrane autour de ce noyau, mem- brane qui s'écarte de lui graduellement, et qui préexiste, en consé- quence, à la plus grande partie du contenu de la vésicule. Je n'ai bien vu cette membrane que sur des organes dont la capsule était déjà nettement visible. Wyville Thomson décrit tout autrement la formation de ces organes, qui apparaissent d'abord, dit-il, « comme une petite vésicule contenant un fluide transparent, et enveloppée dans le sarcode à la base du ten- tacule impair. Cette vésicule grandit jusqu'à ce qu'elle ait atteint environ huit centièmes de millimètre en diamètre. Son contenu devient granuleux; enfin elle prend l'apparence d'une grande cellule pourvue d'une membrane d'enveloppe spéciale et enfermée dans une capsule formée d'une solide couche de sarcode, et dont on peut extraire la cellule tout entière. » Je ne' conteste pas que telles puissent être les premières phases de l'apparition de ces corps singuliers; mais elles m'ont complètement échappé. Si l'opinion de Wyville Thomson est fondée, c'est dans la cellule qu'il décrit qu'apparaîtraient les noyauxqae j'ai toujours vus d'abord, et qui sont l'origine des vésicules irrégulières qui remplissent la capsule complètement développée et dont le professeur Thomson n'indique pas le mode de développement. Il serait utile de faire de nouvelles observations pour trancher la question. Nous venons de décrire le mode de formation d'une pinnule; si l'on observe le mode de développement de la partie nouvelle d'un bras, les mêmes faits se présentent presque sans aucun chan- gement. C'est autour du canal tentaculaire que commence et finit le déve- loppement ; il n'y a pas de différence entre la petite digitation qui donnera un bras ou celle qui doit donner une pinnule. Les diverticulums du canal tentaculaire qui doivent appartenir à des pinnuies se forment comme dans celles-ci les diverticulums qui don- nent les groupes tentaculaires. Seulement il n'intervient pas de divi- sion consécutive de ces diverticulums, c|ui grandissent et s'enfoncent dans le tissu embryonnaire qui enveloppe le canal tentaculaire et forme autour de lui un cylindre enveloppant ; une bosselure exté- rieure apparaît bientôt sur ce cylindre, coiffant le diverticulum du canal tentaculaire, et grandit dès lors avec lui. C'est le premier rudi- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 1873. , 6 82 EDMOND PERRIER. ment d'une pinnule * ; celle-ci grandit en présentant tous les phé- nomènes que nous avons déjà décrits et sur lesquels nous ne revien- drons pas. C'est, du reste, de la base au sommet que se fait le développement des pinnules, qui présentent toujours dans leur jeune âge une forme arquée, de sorte qu'elles s'imbriquent réciproquement pendant tout le temps qu'elles ne peuvent se mouvoir sur l'axe brachial. Les muscles moteurs des articles calcaires ne se développent qu'assez tard. Ces derniers, bien que développés isolément, comme nous l'avons indiqué, finissent par sembler en continuité par suite du dé- veloppement *. Chaque pinnule est déjà presque complètement développée, que les choses sont encore en cet état. Ce n'est qu'après la formation à peu près complète des pinnules qu'on voit apparaître entre elles, sur le canal tentaculaire, de nou- veaux diverticulums qui se transformeront en groupes tentaculaires absolument identiques à ceux des pinnules. Ce sont là les dernières parties qui apparaissent '\ 11 ne m'a pas été possible de suivre pas à pas la formation des diffé- rents tissus qui constituent les parties molles des bras. Les bandelettes musculaires que j'ai décrites sont beaucoup trop délicates pour qu'on puisse espérer les voir se développer au milieu de tissus aussi peu transparents que ceux qui constituent les bourgeons des parties ré- générées. Malgré tous mes efforts, il ne m'a pas été non plus possible de me rendre compte du procédé suivant lequel prennent naissance les deux gaines singulières qui se superposent pour former le canal ten- taculaire et les corpuscules interposés. On comprendra les difficultés que nous avons rencontrées si l'on se rappelle que pendant toute la durée du développement les festons et les tentacules sont repliés au- dessus de la gouttière tentaculaire ; que, par conséquent, l'observation de cette région est impossible. Par la région dorsale, le développement toujours précoce du calcaire oppose de son côté un obstacle insurmon- table. Enfin sur la face latérale l'épaisseur du tissu, peu transparent dans cette région, crée de nouvelles difficultés. L'observation micro- scopique de ces faits montre du moins que, de très-bonne heure et bien avant que les tentacules s'étalent, les petites cellules granu- leuses qui formaient le cylindre d'enveloppe parfaitement homogène 1 PI. IV, (ig. IG t'I M,t.. s PI. IV, fig. 17 et 23. " 8 PI, IV, fig. 21. ' ANATOMIE DE LA COMATULE. 83 du canal tentaculaire se sont modifiées. Les unes se sont transformées en ces corpuscules jaunes que l'on connaît et qui paraissent ici sphé- riques, sans doute parce qu'on ne peut les voir que de face; les autres, devenues moins granuleuses, se montrent pourvues d'un beau noyau et possèdent déjà les prolongements ramifiés des corpuscules du tissu conjonctif, qui, à cet âge, sont très-serrés et presque tous en contact les uns avec les autres \ C'est seulement plus tard que le pigment rouge apparaît; mais je n'ai pu voir comment arrive à se former le réseau complexe qu'il constitue. CONCLUSION. Je résumerai ici les résultats consignés dans ce mémoire et qui sont nouveaux, ou tout au moins en contradiction avec les opinions des auteurs qui se sont déjà occupés de ce sujet. Ces résultats sont les suivants : I. — Les tissus mous de la comatule ne sont en aucune façon du sarcode ; on peut y distinguer des épithéliums, des fibres musculaires bien distinctes, du tissu conjonctif, etc., tout comme dans les échino- dermes les plus élevés. II. — Le canal tentaculaire est le seul appareil d'irrigation spécial que l'on trouve dans les bras; nous avons donné pour la première fois la structure de ses parois. HT. — Les divers tentacules que l'on observe sur les bras sont tous de même nature; ils sont toujours disposés par groupes de trois, qui communiquent avec le canal tentaculaire par l'intermédiaire d'une tige commune. La structure de ces tentacules est beaucoup plus complexe qu'on ne l'a dit jusqu'ici. Les papilles qu'ils supportent sont de simples dépendances de leur épithélium; les trois soies roides qui les terminent et que nous signalons pour la première fois semblent indiquer que ce sont des organes de tact. IV. — Le système nerveux décrit par Millier n'existe pas; nous ne connaissons jusqu'ici rien qu'on puisse rapporter à ce système. 1 PI. III, fig. 2. 84 EDMOND PERRIER, Y. — Nous avons l'ait coiniailre pour la première fois le mode de développement des bras, des pinnules, des tentacules, et mis en relief le rôle que joue dans ces phénomènes le canal tentaculaire, qui doit être considéré comme étant véritablement le canal nourricier. Nous espérons, par ce travail, avoir apporté notre contingent à la connaissance d'un animal appartenant à ce groupe si curieux et si peu considérable aujourd'hui des crinoïdes. Notre travail présente encore des lacunes que ne nous a pas permis de combler le peu de temps que nous pouvions passer au bord de la mer. Nous en avons nous-même signalé quelques-unes dans le courant de ce travail, et nous espérons qu'il nous sera bientôt possible de les faire disparaître. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE II. FiG. 1. Extrémité d'un bras de comatule adulte, mais dont la partie terminale a été brisée et est en voie de régénération, {s), articles calcaires du squelette; (p), pin- nules; (c), canal tentaculaire; (t), tentacules; {g), corps'sphériques (glandulaires); (/■), feston de la membrane des bras. FiG. 2. Une partie de ce bras très-grossie (grossissement : 280), vue parla face dorsale. Les parties qui sont au niveau du canal tentaculaire sont seules mises au foyer du microscope. (G), canal tentaculaire; (T), tentacules; (G), corps sphé- riques; (F), festons de la membrane des bras; (a, b), les deux gaines du canal tentaculaire, dont l'intérieure a concourt à la formalion des tentacules sans se mo- difier, l'intérieure paraissant subir quelques modifications; (/), corpuscules conjonc- tifs qui se trouvent entre ces deux gaines; {h), gros c(H'puscules jaunes de la mem- brane festonnée [oU cells de Wyville Tbompsou); (5), spicules ; (p), papilles des tentacules, terminées chacune par trois soies; (r), pigment; (0), orifice de communi- cation des groupes de tentacules et du canal tentaculaire. Celte ligure est faite d'après un bras encore vivant. Fn;. A. Diverses formes des spicules de la membrane feslonnée. Grossissement: 280. Fk;. 'i. L'extrémité d'un lenlacule pour montrer son mode de terminaison, les pa- pilles p et leur disposition, et les trois couches dont l'organe entier se compose. ( 'irossisscmiMil: 280. Fu;. 5. Portion d'un Lentaculetrail.ee par le sublimé corrosif et montrant la couche musculaire »n et la couche éi)ithélialc e. Grossisscnienl, : 280. Fui. c. Le coiitciiu d'un corps sphéri(|ue s'échapiianL .le s(ii! inférieur; chacun des sacs (jue furnie ce contenu est rempli de spliérulcs traiisiiareules. ANATOMIE DE LA COMATULE. 85 FiG. 7. Trois des sacs d'un corps sphérique avec leur filament terminal. Grossis- sement: 28. PLANCHE III. FiG. 8. La portion de bras de la figure 2, traitée par les réactifs pour mettre en évi- dence les bandelettes musculaires. Mêmes lettres que dans la figure 2. (h), couche musculaire des tentacules; [m], bandelette musculaire courant le long de la ligne médiane supérieure des bras et au-dessous de laquelle passent les fibres mus- culaires supérieures des tentacules, pour s'insérer sur la gaîne externe du canal tentaculaire; (m'), bandelette musculaire unissant les divers groupes tentaculaires; (/■), filament central brillant des papilles; {l), corpuscules conjonctifs des tégu- ments. Grossissement : 280. FiG, 9. L'extrémité d'un bras de jeune comatule ; (p), pinnules; [g], tentacules dis- posés par groupes; ( il, épithélium de la gouttière ambulacraire; {t), canal tenta- culaire ; (c), cavité générale ; (e), extrémité du canal tentaculaire. FiG. 10. Une portion de ce bras plus grossie. Grossissement : 280. Mêmes lettres que dans la figure précédente, (o), orifices des groupes. tentaculaires; (e), épithélium delà gouttière ambulacraire ; (s), articles calcaires; {g), corps sphériques; [m'), ban- delette musculaire ; (fc), cloison a))parente dans le canal tentaculaire. FiG. 11. Corpuscules conjonctifs unissant la membrane extérieure avec le squelette calcaire. Grossissement : 500 (c), corpuscules ordinaires ; (c'), corpuscules à noyaux entourés de matière jaune; (a), corpuscules jaunes {oil cells). FiG. 12. Epithélium de la région dorsale du bras, rendu apparent par l'acide chromi- que faible. Grossissement : 500. FiG. 13. Corpuscules conjonctifs prolongés en fibres. Grossissement: 500. PLANCHE IV. FiG. 14. Extrémité d'un canal tentaculaire en voie de formation, (p), pinnulc en voie de développement ; {l), formation de la lumière du canal. FiG. 15. Un autre, plus avancé. Grossissement: 280. FiG. 16. Extrémité d'un bras en voie de régénération. Grossissement : 90. (c), canal tentaculaire; [v], cavité générale; {s), squelette calcaire; (p), pinnules. FiG. 17. La même plus grossie. Grossissement : 280. {g), corps sphériques; {t), grou- pes tentaculaires en voie de formation. FiG. 18. Prolongement digitiforme formé sur un bras qui a été brisé et commençant sa réintégration. Grossissement : 280. Lettres de la figure précédente, {x), tissu embryonnaire. FiG. 19 et 20. Canal tentaculaire d'une pinnule montrant les bourgeons unis, bi ou trilobés, qui formeront les groupes tentaculaires. 86 E. BAUDELOT. FiG. 21. Canal tentaculaire d'un bras montrant les groupes tcntaculaires placés entre les pinnules. FiG. 22 . Développement des corps spliériques. (o), corj)s nucléaires qui paraissent précéder leur apparition; (6), formation de la capsule et développement de cellules à leur intérieur ; (c), capsule contenant de véritables cellules; [d], corps splieriquc Il peu près développé. FiG. 23. Série des pièces calcaires en voie de formation qui formeront une pinnu'e ; leur position relative a été conservée. FiG. 24. Groupe tentaculaire montrant en p des papilles en voie de développement. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX M. E. BAUDELOT, Professeur de zoologie à la faculté des sciences de Nancy. Divers naturalistes ont étudié les écailles des poissons osseux : les uns se sont préoccupés de la structure intime de ces organes, les au- tres ont cherché dans la forme extérieure des caractères de genres, de familles, ou môme de groupes plus étendus. Sous ces deux rapports, l'étude étant restée encore très-imparfaite, j'ai cru utile d'entrepren- dre une série de nouvelles recherches. Les résultats que j'ai obtenus feront l'objet de ce mémoire. Mon travail comprend trois parties, La première est consacrée à I'historique de la question, historique que je me suis efforcé de rendre aussi complet que possible. La seconde renferme une étude appro- fondie d'un certain nombre de types d'écaillés, envisagées au point de vue de la structure et du développement. La troisième contient un ensemble de considérations sur la valeur des caractères empruntés AUX ÉGAILLES RELATIVE.MENT A LA CLASSIFICATION. PREMIERE PARTIE. historique. La première observation que nous puissions citer relativement à la structure des écailles appartient à Borellus, 1656'; elle date pour ' Observationum microscopicarum centuria, authore Petro Borello. Hagae Coraitis lo66j p. 23, observatio XXXVII, De sqitamis. ' 88 E. BAUDELOT. ainsi dire des premiers jours de l'invention du microscope. Borellus s'exprime ainsi au sujet des écailles {De squamh) : (( Squama> piscium apparent, si aspiciantur, lineis orbicularibus « multis dislinctœ, et in parte qua cuti adheerent radiis ac punctis (( multis transcurrentibus eas divis;e. » A cette courte observation se trouve jointe une sorte de figure sché- matique qui permet de constater que l'auteur avait acquis déjà une idée assez nette de la configuration extérieure des écailles. Hooke, dans sa Microf/rajj/iie ', donna une figure assez exacte et une très-courte description des écailles de la Sole. En parlant des épines du champ postérieur, il dit que, vues à travers la loupe, elles offrent à peu près l'aspect des tuiles d'un toit de maison; que ce sont des piquants transparents et très-pointus. Quant aux sillons rayon- nants, ce sont, dit-il, d'étroits conduits ou tuyaux, qui, peut-être, servent à nourrir l'écaillé. La science est redevable à Leuwenhoeck de plusieurs observations intéressantes sur la structure et le développement des écailles. Les résultats signalés par l'illustre micrographe sont loin, du reste, d'offrir tous le même degré d'importance. Les premières observations relatives à la peau de l'Anguille, de la Perche, etc.-, méritent à peine d'être prises en considération. L'au- teur, n'ayant qu'une idée extrêmement vague du sujet dont il s'oc- cupe, émet, comme on peut en juger, des vues assez singulières sur la structure de la peau et des écailles. "Selon Leuwenhoeck, la matière visqueuse {phlegma) qui recouvre les écailles de l'Anguille fait partie du corps de l'Anguille elle-même; cette humeur, bien que le plus souvent elle n'apparaisse à l'œil nu ou sous le microscope que comme une humeur cristalline, n'est en réa- lité antre chose (ju'un lacis de vaisseaux entremêlés, mais dont la finesse dépasse tout ce que l'imagination peut concevoir. Ces vaisseaux de la viscosité sont recouverts de particules très-petites et presque rondes. Leuwenhoeck recherche ensuite quels peuvent être les rapports de la matière visqueuse avec les écailles. Admettant donc que la viscosité est fabriquée en partie par les * Mirrograpliia. Loudou, 1607, p. 162. ^ Opéra omnia seu arcana na/wrœ Antomi Leuwenhoeck, t. I, Lugcliiiii Dalavo- rum, 1722, p. 105-110, avec figures.- 1083. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 89 écailles, il cherche à découvrir dans ces organes des vaisseaux faisant suite à ceux de la viscosité ; mais là encore le microscope ne lui montre qu'une substance cristalline, transparente, ce qui ne l'em- pêche pas de croire à l'existence de vaisseaux entrelacés d'une finesse excessive et qui échapperaient à la vue. Relativement à l'accroissement des écailles, Leuwenhoeck admet que le tissu de l'écaille est formé de particules solides qui ne su- bissent aucun changement de forme. De nouvelles particules viennent s'ajouter sur le bord des particules anciennes, ainsi que cela a lieu dans l'accroissement des arbres. Dans une lettre portant la date de 1696 \ Leuwenhoeck s'occupe de nouveau de la structure et du développement des écailles ; il mo- difie ses premières vues. « Ma première opinion, dit-il, était que chaque année les écailles des poissons s'accroissent par l'addition d'un nouveau cercle, ou plutôt d'une nouvelle zone autour de l'écaille préexistante. Mais j'ai abandonné cette manière de voir. En exami- nant certaines écailles, j'ai remarqué que celles des poissons âgés sont très-épaisses, et en réalité plus épaisses qu'elles ne pourraient être si les écailles ne faisaient que s'entourer d'un nouveau cercle chaque année. J'ai découvert que ce que j'avais pris pour une zone circulaire disposée autour de l'écaille primitive n'est autre chose qu'une portion de l'écaille nouvelle, la portion par laquelle celle-ci dépasse en gran- deur l'écaille ancienne. Toutes ces écailles sont intimement unies. » Pour expliquer la formation d'écaillés superposées, Leuwenhoeck admet que l'accroissement des écailles, comme celui des poils, des plumes, des cornes, des arbres, cesse momentanément à la fin de cha- que année pendant une période assez courte : d'autres écailles sont ensuite formées en dessous et viennent s'ajouter aux premières : « Comme les écailles d'un poisson de deux ans surpassent les précé- dentes en accroissement et en dimensions, il en résulte que les écailles d'un poisson de deux ans recouvrent les premières et s'étendent au delà. De môme pour les années suivantes, de telle sorte que les écailles d'un poisson de douze ans se composent de douze écailles ' Anton'ii Leuwenhoeck Continuatio arcanorum naturœ deteclorum, Lugduiii Ba- tavorum, 1722. — Opéra omnia, t. III, epistola 107, p. 191-192. I09fi. — Les vues émises par Leuwenhoeck dans cette lettre se trouvent de uouve'au alfirmées p;ir lui dans une autre lettre dont voici l'indication : Antonii A. Leuwemhoeck Epistolœ physiolugicœ super compluribus nalurœarcanis, Delphis, 1719, epistola XXIV, p. 213. 17] <1. 90 E. BAUDELOT. secondaires superposées et soudées si intimement qu'on ne peut les séparer sans les déchirer en partie. « Si, dans les écailles des poissons, de nouvelles écailles n'étaient pas jointes chaque année aux anciennes, les écailles des plus grands poissons seraient nécessairement très-fragiles, faibles et minces. » On doit ù Réaumur une étude de la matière argentée des écailles, communément désignée sous le nom d'essence d'Orient *. Il recon- nut sous le microscope que cette matière n'est qu'un amas d'une infinité de petits corps d'une iigure très-régulière. « Ce sont, dit-il, autant do lames dont la plupart sont taillées très-carrément; elles forment des rectangles environ quatre fois plus longs que larges. Quelques-unes pourtant ont leurs extrémités arrondies, et quelques autres les ont terminées en pointe. Elles sont toutes extrêmement minces, et à tel point qu'on ne peut apercevoir leur épaisseur ; d'où l'on peut conclure qu'elles sont faites d'une matière qui a beaucoup de solidité. » Réaumur fait cette remarque : que la matière argentée existe pres- que uniquement sur la surface interne de l'écaillé et par hasard seu- lement sur la surface externe. « Cette matière, ajoute-t-il, n'est point appliquée irrégulièrement contre les écailles ; elle y paraît même ar- rangée avec beaucoup d'appareil : elle est recouverte par des mem- branes et elle est contenue dans des vaisseaux ou des espèces de tuyaux dont la direction traverse perpendiculairement la longueur de l'écaillé. » Quant aux usages de la matière argentée, l'opinion de Réaumur est qu'elle contribue directement à la formation de l'écaillé. « Si l'on se rappelle, dit-il, ce que nous avons dit de la matière argentée, des vais- seaux où elle est contenue, de leur position, il semble qu'on ne pourra guère s'empêcher de croire que les écailles du poisson doivent à cette matière leur formation et leur accroissement. La dureté des petites lames et leur transparence font voir que leur nature est tout autre que celle des chairs, qu'elle semble être la même que celle des écailles. Enfin, quand on ne ferait attention qu'à la figure des lames argentées, ne semblerait-il pas qu'elles ont été taillées comme autant 1 Observations sur la matière qui colore les perles fausses et sur quelques autres ma- tières animales d'une autre couleur, à l'occasion de quoi on essaye d'expliquer la for- mation des écailles des poissons, par M. de Réaumur {Histoire de l'Académie royale des sciences, 171C ; Paris, 1718; p. 22'J). ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 91 de petites briques de la manière la plus convenable pour bâtir l'écaillé ? Les vaisseaux dans lesquels elles sont contenues achèvent la preuve ; leurs extrémités ouvertes sont disposées de telle sorte qu'ils fournis- sent des lames pour étendre tout le contour de l'écaillé ; il y en aune infinité dont les extrémités se terminent dans tous les autres endroits : de sorte que si l'on veut dire avec Leuwenhoeck que chaque écaille est composée d'une infinité de couches, dont les plus proches du corps du poisson sont les plus grandes, on trouvera partout les vaisseaux qui fournissent la matière pour les former. » Parlant des lignes concentriques (cannelures, cordons concentri- ques), Réaumur dit qu'elles occupent le bord de chaque couche, qu'elles en marquent la limite et qu'elles indiquent les différents degrés d'accroissement des écailles, tout comme des cannelures analogues indiquent les degrés d'accroissement des coquilles. Quant aux sillons rayonnants (cannelures droites), ils lui paraissent destinés à loger des vaisseaux sanguins. Réaumur donne une bonne description des écailles de la ligne latérale. «Ces écailles, dit-il, por- tent de plus que les autres un petit tuyau sur leur surface extérieure. Ces petits tuyaux, ajustés bout à bout, forment un canal continu, qui sert apparemment à conduire quelque matière, peut-être analogue à cette matière onctueuse qui enduit le corps de divers poissons. » Dans un travail de Roberg 1717*, se trouve reproduite la figure relative à l'Anguille, donnée par Leuwenhoeck. En 1733, parut dans VHàtoire de U Académie royale des sciences un mémoire du médecin Petit sur la Carpe -. La partie de ce mémoire relative aux écailles est, pour ainsi dire, sans importance. L'auteur parle des dimensions des écailles suivant les diverses régions du corps, et il en donne des mesures. Il traite de la manière dont les écailles se recouvrent, de la manière dont elles se trouvent enchâssées dans la îpeau, des sillons de leur face supé- rieure, de la membrane argentée qui recouvre leur face inférieure et du pli membraneux, flottant, qui limite en arrière le bord postérieur, mais tout cela d'une façon extrêmement succincte. Ajoutons cepen- 1 Disseriatio de piscibus, Upsal, 1717. 2 Histoire de la Carpe, par M. Petit, le médecin {Histoire de l'Académie royale des sciences, 1733. Paris, 1735, p. 197, avec 6 planches). 92 E. BAUDELOT. dant que les écailles du canal latéral ont été décrites avec plus de détail et avec une assez grande exactitude. Quelques observations relatives aux écailles se trouvent dans les écrits de SchœfFer, 1761 '. A ces observations se trouvent jointes les figures des écailles de cinq espèces de Percoïdes représentées de grandeur naturelle et amplifiées. Schœfrer signale chez la Perche l'existence des dentelures du bord postérieur de l'écaillo et la direction en arrière de ces dentelures. 11 compare la ligure de l'écaillé à celle d'un Pecten, La description qu'il donne des écailles de la Perche est assez exacte ; il parle des caractères extérieurs et des variations de forme de l'écaillé dans les différentes régions du corps, mais il ne dit rien de la struc- ture intime ni du mode de développement. On trouve dans les Opuscula ^ de Baster (1761) un paragraphe inti- tulé : De squamis piscium. Ce paragraphe, consacré en majeure partie à tout autre chose qu'à l'étude des écailles, non-seulement ne renferme aucune observation nouvelle sur le sujet, mais môme ne contient pres- que rien des observations faites antérieurement. En ce qui concerne le développement des écailles, Baster se contente de reproduire l'opi- nion de Leuwenhoeck. De tout cet écrit de Baster, voici le seul pas- sage qui nous semble mériter une citation : (( Piscis omnis squamosus, glutinis quadam specie magis minusve « tectus est, sub quo membrana, totum piscis corpus ambiens, squa- « masque immédiate subjacentes suo in loco conservans, constituta « est : ita ut piscis, nisi externa accédât vis, amittere has squamas, « aut quotannis commutare nequeat. Quod si casu quodam squamas « aliquot amittat, aliee quidem in amissarum locum succrescunt; si « vero nimia fuerit jactura, mortem sa-pe occumbit piscis. » Au mémoire de Baster se trouve jointe une planche (tab. XV), contenant quarante et une figures d'écaillés, gravées avec assez de soin, mais laissant à désirer sous le rapport de l'exactitude. Ledcrmullcr, dans un ouvrage intitulé Ainmenie.nl microscopique, 1704 ^ donna quelques figures d'écaillés très-amplifiées (tab. XXIX, 1 SciiAF-Pi^ii's Vermisc.hte Schriflni,'2 lîand. .lAcoiii Ciuustiani Sch.-effer Piscium Bavarico-ratisbonensium, 17G1, pcntas, j). Iti, 43, 54, (îa, 78, tab. lY. î JoBi liASTEnI^•l Opuscula subseciva, t. 1, 17o9-176l ; lib. 1II,17';1, p. 127. ■' Amusement mk-roscopique, pnr iMautin Fhoiiicnc Lkuermuleh. Nuremberg, 17(5.'i. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 93 écailles du Goujon et de laTanche ; lab. XXXVIIl, écaille de la Perche ; tab. LIX, écaille de la Merluche ; tab. XCIII, écaille de l'Anguille). Ces figures, exécutées plutôt au point de vue de l'effet optique que dans un but véritablement scientilique , n'offrent aucun intérêt réel; les descriptions qui les accompagnent sont nulles ou sans valeur, et révè- lent chez l'auteur une tournure puérile. Je me borne à citer en passant une observation de Fontana ' sur le gluten des Anguilles; cette observation très-courte n'a, du reste, au- cune importance. Broussonnet, en 1787, publia dans le Journal de physique quelques observations relatives aux écailles'-. Il s'attacha à démontrer l'existence des écailles dans un certain nombre de poissons chez lesquels la pré- sence de ces organes avait été niée ou bien avait été révoquée en doute. Tels sont les genres Cépola, Rémora, Ammodyte, Anguille, Scom- bre, etc. Les descriptions données par Broussonnet sont fortsuccinctes et ne sont point accompagnées de figures; elles ne renferment en outre aucun détail relatif à la structure. Le traité d'histologie de G. -F. Heusinger, publié en 1823% renferme au sujet des écailles quelques pages qui méritent d'être signalées : Heusinger range les écailles dans la classe des tissus cornés {Horn- gewebe). Il les distingue, d'après leur situation relative, en imbri- quées [squatnge imbricatx), en contiguës {squamse contigux) et en isolée^ [squarnx remotx). Quelques genres de poissons seulement, dit-il, pa- raissent manquer complètement d'écaillés {Myxine, Petromijzon, Cyclo- 'pterus,Lophius). Nous devons à Heusinger un premier essai de classification des pois- sons fondée sur le mode de structure des écailles. Il partage les pois- sons pourvus d'écaillés {Schappengebilde) en cinq groupes : 1" Le premier groupe comprend les poissons dont les écailles sont ' Fontana, Sur levenhi delà vipère, Florence, 1781, vol. TI, p. 254, "- Observations sur les écailles de plusieurs espèces de poissons qu'on croit communé- ment d<'pour vues de ces parties, pai- M. Broussonnet {Journal de physique, 1787, t. XXXI, p 12). ^System der Histologie, xouCarl Friedrich Heusixger. ErsterTheil. Histogra- phie, p. 226. Eisenach, 1823, avec 4 planches. La planche 4 contient plusieurs figures relatives aux écailles. iU E. BAUDELOT. petites et encore entièrement cachées dans la peau [Anguilla, Murxna, Blennius, Muncnop/iis, etc.); 2° Le deuxième groupe renferme les poissons ayant des écailles pro- prement dites (Carpe, Brochet, Truite, etc.). L'auteur donne de ces écailles une description succincte, et il admet touchant leur structure l'opinion de Leuwenhoeck, c'est-à-dire que chaque écaille se compose de lamelles ou feuillets superposés, dont le plus petit se trouve situé en dehors au-dessous de l'épiderrae ; 3" Au troisième groupe appartiennent les poissons dont les écailles sont fortement dentelées à leur bord libre, , ceux de la famille des Ghétodons, par exemple ; 4° Le quatrième groupe comprend les poissons pourvus d'écaillés osseuses [Knochenschuppen). Par leur tissu ainsi que parleur forme, ces écailles ressemblent aux écailles proprement dites, mais elles renferment une si grande quantité de calcaire qu'elles offrent l'aspect d'os durs ; généralement elles ne sont pas imbriquées, mais isolées ou simplement contiguos ; leur surface est souvent munie de pointes {Lepisosteus et plusieurs espèces des genres Triglu^ Cottus, Silurus, Gasterosteus, etc.); 5° Dans le cinquième groupe se trouvent compris les poissons dont la peau est revêtue de plaques osseuses [Knochenplatten). Ces plaques offrent moins de ressemblance avec les vraies écailles que les écailles osseuses du groupe précédent ; ce sont des pièces osseuses épaisses qui forment une cuirasse solide autour du poisson (Ostracion, Dindon, Si/rujtKtthus, Hippocatiipus, Accipenser, etc.). Dans les groupes qui précèdent ne sont pas compris les Sélaciens. Heusinger en fait une division à i)art, caractérisée par le mode de conformation des pièces cutanées [Stachelyehilde), dont la structure se rapproche tout à fait de colle des dents. Voici ce qu'il dit à ce sujet : (( Dans quelques poissons les écailles osseuses offrent une courbure encore plus prononcée vers l'extérieur; leur face interne se creuse d'une sorte de cavité destinée à renfermer un germe, ce qui fait res- sembler les écailles aux dents et aux cornes : celle ressemblance devient encore plus marquée dans les piquants qui remplacent les écailles dans certains genres de poissons, par exemple dans la famille des Sélaciens, chez les Diodons et les Tétraodons. » Après une courte description des boucles de la Eaja clavafa, Heusinger ajoute : « Les pi- quants dentiformes que l'on observe dans la peau d'autres Raies et des Squales sont semblablement conformés, offrant seulement des ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 95 différences soit dans la grandeur, soit dans la forme. » Enfin, au sujet des aiguillons de certaines Raies {Trygon), il dit : « Ces piquants ont un mode d'implantation tout à fait semblable à celui des dents, et ils leur ressemblent complètement par leur structure. Le passage des écailles aux dents se trouve de cette manière parfaitement démontré. » En 1824 et 1829 parut un travail du docteur Kuntzmann sur les écailles des poissons '. Ce travail, fort étendu, bien que resté inachevé, est d'une impor- tance relativement considérable par rapport à tous ceux qui l'ont précédé. L'auteur y décrit la forme des écailles, leurs rapports avec la peau, leur disposition à la surface du corps des poissons, leurs formes et leurs dimensions selon les divers points du corps ; enfin il compare les écailles avec les pièces de recouvrement d'autres ani- maux. Relativement à la forme des écailles, Kuntzmann fit une remarque intéressante et qui mérite de fixer l'attention, puisqu'elle contient en germe, pour ainsi dire, l'idée que devait développer quelques années plus tard M. Agassiz dans sa Classification des poissons. Schœffer s'était attaché à faire ressortir les différences qui existent dans les écailles d'un même poisson. Kuntzmann, se plaçant à un point de vue tout à fait opposé, s'exprime ainsi- : « S'il est vrai que l'on ne trouve pas aisément des écailles absolument semblables, cependant l'écaillé de chaque espèce de poisson a quelque chose de caractéristique, et mes recherches m'ont fait acquérir la certitude que les écailles des pois- sons peuvent fournir des caractères susceptibles de conduire i\ une connaissance plus exacte de l'espèce, et que l'on peut reconnaître quelques genres et même quelques espèces d'après la simple inspec- tion des écailles. Il en est des écailles exactement comme des feuilles des végétaux; rarement aussi on trouve deux feuilles exactement semblables, et cependant souvent on reconnaît les plantes rien que 1 Bemerkungen iiber die Schuppen der Fische, von Doctor Kuntzmann {Verhandluti' gen der GeseUschaft naiurforschender Freunde in Berlin, 1824, p. 209, pi. XI, XII, XIII; iàid., 18-29, p. ;!09, pi. XVI). 2 « Wenu iiun, gleich es wahr ist, das mau nicht leichtzwei Schuppen finden wird, die sich in allein voUkommen gleich sind, so hat demnoch die Schuppe eines jeden Fisches etwas characteristiclies, und meiiie Untersuchungen haben mir die Gewiss- heit verschafft, dass die Schuppen der Fische eine Bestimmung mehr zu genauen Kenntniss der Art geben, und dass man manche Gattung, so selbstmanche Art au der blosen Schuppe erkennen kann. » 9G E. BAUDELOT. d'après leurs feuilles. Celles-ci peuvent donc fournir un caractère au moins pour la détermination de chaque plante. » Dans ses observations relatives au tissu des écailles, Kuntzmann constate l'indestructibilité des écailles dans l'eau; même après macé- ration durant une année, il n'y a pas, dit-il, de ramollissement mar- qué ; les écailles brûlent à la ilamme comme une mince plaque de corne et en répandant une odeur semblable. Kuntzmann combat l'opinion de Leuwenhoeck, d'après laquelle les lignes concentriques de la face supérieure de l'écaillé pourraient servir à indiquer l'âge d'un poisson, « Si l'on considère, dit-il, les écailles d'une jeune Carpe et celles d'une Carpe plus âgée, on ne dé- couvre aucune différence manifeste relativement au nombre des lignes concentriques, différence qui devrait nécessairement se pro- duire si l'hypothèse de Leuwenhoeck était fondée. » Au moyen de coupes passant par le centre des écailles, Kuntzmann reconnut que la face inférieure de l'écaillé est entièrement plane et lisse, que l'épaisseur de l'écaillé va en s'accroissant du bord jusqu'au centre, et que l'accroissement en épaisseur a lieu seulement du côté externe. Kuntzmann reconnut au microscope que le tissu de l'écaillé est feuilleté, que les couches ou feuillets ne comprennent point toute la largeur de l'écaillé, mais qu'elles se composent de feuillets plus petits et discontinus. Les feuillets situés le plus en dehors, dans le voisinage du point médian, sont les plus solides, mais ils vont en dimi- nuant de consistance de la face supérieure vers la face inférieure, où ils Unissent par dégénérer en tissus membraneux. La couche inférieure est formée par une membrane résistante, recouverte d'une iine mem- brane. C'est entre ces deux lames que se trouvent situées les petites plaques quadrangulaires que Réaumur dit renfermées dans des vais- seaux. Relativement au mode d'accroissement de l'écaillé, Kuntzmann se rattache à l'opinion de Réaumur : <( D'après mes recherches, dit-il, je présume que ces petites plaques quadrangulaires doivent être consi- dérées comme un précipité, un dépôt du nuicus, et qu'elles contri- buent directement à l'accroissement de Técaille, et que cet accroisse- ment a lieu non-seulement au bord, mais dans toute la largeur de récaille, comme le prétend Réaumur. Ce mode d'accroissement est une conséquence de la structure que présentent les écailles àpartirdeleur première formation, car les écailles d'un jeune poisson et celles d'un poisson plus âgé, de même espèce, ne diffèrent en rien d'essentiel ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 97 que sous le rapport de la grandeur. Ce mode de formation peut encore servir à expliquer la différence des écailles dans les différentes espèces, principiilement la différence des lignes concentriques, qui se montrent tantôt larges, tantôt étroites; tantôt droites, tantôt courbes; tantôt entières, tantôt interrompues, suivant telle ou telle espèce. » Nous devons à Kuntzmann un essai de classification des écailles, classification entreprise dans le but de faciliter la connaissance et la détermination des principales sortes d'écaillés. Kuntzmann divise les écailles en six classes, en faisant remarquer qu'il y a entre ces classes des transitions tellement insensibles, que certaines écailles pourraient être placées aussi bien dans une classe que dans l'autre. Voici ces classes : 1° Les écailles membraneuses {hautigen Schuppen), celles qui ne pré- sentent point de lignes concentriques. A l'état frais, elles ont l'aspect d'une fine membrane ; à l'état sec, elles laissent apparaître des lignes concentriques irrégulières (Gadus Iota); 2° Le?,demi-memhvAneuses{halbhaiiftgen), celles qui dans leur moitié postérieure ressemblent aux écailles membraneuses, mais dont la moitié antérieure est marquée de lignes concentriques incomplètes ou d'autres lignes longitudinales qui croisent celles-ci {C/ujjea ha- rengm); 3° Les écailles simples (einfac/ten), celles qui possèdent des lignes concentriques sur toute la surface, sans que ces lignes forment un dessin particulier par le ftùt du croisement d'autres lignes {Saltno salar) ; 4" Les écailles ornementées (gezeichtieten), celles dont les lignes concentriques forment un dessin régulier en outre du dessin inhérent h la ligne concentrique elle-même [Murxna anguilla) ; 5° Les écailles divisées en plusieurs champs [gefelderten), celles sur lesquelles existent des ornements multiples qui partagent l'écaillé en quatre champs bien nets. Ces divers champs, de forme ordinairement triangulaire, se rencontrent en un point, qui le plus souvent est en même temps le centre des lignes concentriques {Cgprinus carp/'o) ; 6" Les écailles munies de piquants (gestachelte). Elles sont aussi divisées en quatre champs. Le champ postérieur porte des piquants dans une portion plus ou moins étendue de sa surface, ou parfois seulement sur son bord libre. Sous l'influence de la macération, les piquants qui adhèrent à l'écaillé s'en détachent, et l'on reconnaît avec évidence qu'ils ne sont point un prolongement de l'écaillé, mais AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. -= T. IT. 1873. 7 98 E. BAUDELOT. qu'ils prennent leur point d'appui dans la peau qui recouvre l'écaillé. Parfois on ne rencontre point de piquants sur ces écailles, mais seu- lement des saillies minces qui représentent la base des piquants. Les piquants tombent fi certaines époques, expulsés par d'autres qui crois- sent au-dessous des premiers. Ce fait paraît établir l'existence d'une sorte de mue, comme chez les amphibies. Telles sont les écailles de Scorjjc'iie ,' 7° Les écailles épineuses [gedorute), qui sont aussi divisées en plu- sieurs champs. Le champ postérieur est muni d'épines, soit dans une portion plus ou moins étendue de sa surface, soit seulement à son bord postérieur. Ces épines sont des prolongements propres de l'écaillé, elles ne s'en séparent pas par la macération; aussi, à cause de ce point de ressemblance avec les épines des végétaux, les écailles de ce groupe méritent- elles d'être appelées écailles épineuses ^ afin de les distinguer de celles du groupe précédent (Perça iucioperca). Après avoir établi ces sept classes, Kuntzmann passe en revue un certain nombre de types appartenant à chacune d'elles. Il est aisé de s'apercevoir que ce mode de classement conduit à des rapprochements tout à fait artificiels. A propos des différents types cités comme exemples, Kuntzmann donne une courte description de chaque sorte d'écaillo avec une figure correspondante. En 1833, Ehrenberg' décrivit les cristaux de la matière argentine déjà étudiée précédemment par Réaumur. A sa description se trouve jointe une analyse de cette matière faite par Henri Rose. Par la publication des premières livraisons de son grand ouvrage sur les poissons fossiles (1834)^, M. Agassiz rappela très-vivement l'at- tention des zoologistes vers l'étude des écailles. Ayant pris ces organes pour base de sa classification, il dut naturellement accorder un soin tout particulier à l'étude de leurs caractères extérieurs; mais, comme ces caractères ne sont eux-mêmes qu'un refiet de la structure inté- rieure, l'auteur ne négligea point de s'occuper des diverses ques- tions relatives à cette structure. Dans l'exposé de ses recherches, M. Agassiz débute par quelques con- sidérations sur la structure de la peau, sur la position des écailles et sur leur mode d'imbrication. » Annales de Poggendorf^ vol. XXXVIII, Leipzig, 1833, p. 470. 2 liachirches sur les poissons fossiles, 2e livraison. Neucliâlel, 1834, vol. I, p. 2C et suivantes. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 99 « La position des écailles, dit-il, est très-variée; cependant on dis- tingue ordinairement des séries assez régulières pour qu'on puisse en déterminer la position avec précision, surtout pour les écailles im- briquées. Les séries sont disposées obliquement d'avant en arrière, depuis le milieu du dos jusqu'au milieu du ventre ; on pourrait appeler ces séries les séries dorso-ventrales. Il est nécessaire de distinguer encore les demi-séries supérieures et inférieures ; j'appellerai séries médio-dorsales celles qui s'étendent de la ligne latérale au dos, et je distinguerai les séries médio-dorsales antérieures et postérieures, suivant que l'on voudra indiquer celles qui sont dirigées d'avant en arrière ou celles qui sont inclinées d'arrière en avant. 11 en sera de môme des séries inférieures à la ligne latérale, que j'appelle médio-ventrales : celles qui, de la ligne latérale, s'étendent en arrière et en bas seront les médio-ventrales postérieures ; celles qui se dirigent en avant, les médio-ventrales antérieures. )> Passant ensuite à l'examen de la structure et du développement, M. Agassiz s'exprime ainsi : «Les écailles sont contenues dans des cavités muqueuses ou dans de petites pocbes formées par le chorion, auxquelles elles n'adbèreut cependant pas par des vaisseaux. Elles sont formées de lamelles ou de feuillets cornés ou calcaires, superposés les uns aux autres, et qui sont sécrétés à la surface du chorion ; ces feuillets s'attachent su€cessi- veraentàla surface inférieure des précédents, avec lesquels ils se soudent par des couches de mucus durci. Pour se faire une juste idée de ce déve- loppement, il faut l'examiner d'abord dans les genres de poissons 011 les écailles paraissent présenter ces dispositions h l'état le plus simple, par exemple dans les Anguilles, les Blennies, les Cobites et les Leuciscus. Il est facile de s'assurer que les lignes concentriques du bord antérieur et celles du bord postérieur sont continues les unes aux autres. » Pour appuyer sa théorie, qui, du reste, n'est autre, comme on le voit, que celle de Leuwenhoeck, M. Agassiz fait appel à l'expé- rience : « Après avoir fait macérer des écailles pendant quelque temps dans de l'eau, on parvient aisément, dit-il, à les diviser en un grand nombre de lames ou de feuillets plus ou moins épais et de différente gran- deur, mais qui ont tous la forme de l'écaillé : ces feuillets sont super- posés de telle sorte que les plus petits occupent le centre de l'écaillé et forment sa partie extérieure, tandis que les plus grands, débordant 100 E. BAUDELOT. les précédents, sont soudes successivement à leur surface inférieure. Ainsi l'on voit évidemment que les lignes concentriques, qui sont visibles ;\ la surface extérieure des écailles, sont simplement les bords des feuillets qui les composent. » Au sujet des sillons rayonnants, M. Agassiz exprime l'opinion que « ce sont des cannelures au bord de la surface extérieure, qui cor- respondent d'un feuillet à un autre et se multiplient pendant l'accrois- sement de l'écaillc. » Quant aux lobes du contour de l'ccaille, voici ce qu'il en dit : « Lorsque ces lobes sont acérés, en forme de dentelures ou de serra- tures très-aiguës et qu'ils ne se trouvent que sur le dernier feuillet (les précédents disparaissent successivement en s'émoussant), il en résulte des écailles dont le bord est en scie simple ; mais lorsqu'il s'en trouve sur plusieurs feuillets consécutifs, le bord de l'écaillé est hérissé de plusieurs rangées de piquants ; elle est alors très-âpre au toucher. » Ce qui caractérise surtout le travail de M. Agassiz, c'est sa ten- tative d'établir les principales divisions de la classe des poissons en se basant sur la forme des écailles. Je citerai encore ici ses propres pa- roles : « J'ai cru trouver, dit-il ', dans les différences que présentent les écailles, un moyen de traduire d'une manière plus exacte les affi- nités naturelles de tous les poissons. Ce qui ne peut du moins être contesté, c'est que les animaux de cette classe ont dans leurs tégu- ments squammeux un caractère qui leur est propre et qui n'existe ainsi dans aucune autre classe. Voici les ordres et les noms des prin- cipales familles : (( Premier ordre. Les Placoïdes. — Ainsi nommés à cause de l'irrégu- larité que présentent les parties solides do leurs téguments ; ce sont des amas d'émail de dimensions souvent considérables ou réduits quelquefois à de petites pointes, comme les boucles des Raies et les différents chagrins des Pastenagues et des Squales. «Deuxième ordre. Les Ganoides. — Le caractère commun à tous est la forme anguleuse de leurs écailles, qui sont composées de deux sub- stances, savoir : de feuillets cornés ou osseux, déposés les uns sous les autres et recouverts d'une couche épaisse d'émail (Sclérodermes, Gymnodontes , Lophobranches , Goniodoiites , Silures , Esturgeons , Polyptères, Lépisostés, etc.). 1 Poissuns fossilen,'-}'^ livraison. NrnchAlol, l8à/( {Feuilleton additionnel, \).^), ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. loi (( Troisième ordre. Les Cténoïdes. — Les écailles sont formées de lames pectinées à lem' bord postériem-; les peignes de ces nombreuses lames, qui sont superposées les unes aux autres, de manière à ce que les inférieures débordent toujours les supérieures, rendent ces écailles âpres au toucher (Chétodons, Pleuronectes, Percoïdes, Polyacanthes Sciénoïdes, Sparoïdes, Scorpénoïdes, Aulostomes). « Quatrième ordre. Les Cycloïdes. — Les familles qui appartiennent à cet ordre ont des écailles formées par des lames simples et à bords lisses, ce qui n'empêche pas que leur surface extérieure ne soit fré- quemment ornée de différents dessins empreints sur toutes les lames à la fois dans leur partie extérieure et qui n'est pas recouverte (Labroïdes, Muges, Athérines, Scombéroïdes, Gadoïdes, Murénoïdes, Lucioïdes, Salmones, Clupes, Cyprins), En '1839 parut dans les Annales des sciences yiaturelles un travail de M. Mandl sur la structure des écailles ^ Ce travail, assez étendu, comprend trois chapitres. Le premier ren- ferme un exposé historique du sujet. Le second est consacré à l'étude de la structure et de la formation des écailles. Le troisième traite des écailles considérées comme caractères de classification. Je vais essayer de donner une analyse succincte de ces divers cha- pitres. Jusqu'à M. Mandl tous les auteurs étaient restés d'accord pour regarder les tissus de l'écaillé comme le produit d'une sécrétion et comme formés par des couches homogènes superposées, pareilles à celles que l'on remarque dans le test des coquilles bivalves. Cette opinion, émise pour la première fois par Leuwenhoeck et adoptée sans modification par tous les auteurs qui le suivirent, excluait toute idée de tissus susceptibles de recevoir des matières nutritives, de les élaborer et de parcourir plusieiu's degrés de développement, excluait en un mot toute idée d'une vie interne et d'une véritable organi- sation. Dans son travail, M. Mandl s'attache précisément à établir l'exis- tence de cette organisation. Selon M. Mandl, la plupart des écailles sont composées de deux couches superposées : l'une inférieure, composée de lamelles dont la structure rappelle celle des cartilages 1 Recherches sur la structure intime des écailles des poissons, par le docteur Mandl. [Annales des sciences naturelles, 1839, 2^ série, t II). 402 E. BAUDELOT. fibrineiix; raiilre supcrieure, offrant la structure des cartilages à cor- puscules. M. MandI étudie avec détail chacune des particularités distinctives de ces deux couches. \° Couche supérieure. — A l'étude de la couche supérieure se rat- tachent l'étude des canaux longitudinaux, l'étude des lignes cellu- laires et celle des corpuscules. (a) Canaux longitudinaux. — M. Mandl appelle canaux longitudi- naux ou lignes longitudinales les sillons qui se portent en rayonnant du centre de l'écaillé vers la périphérie. D'après lui, ces lignes par- courent tous les degrés de formation depuis celui d'une simple rigole jusqu'à celui d'un canal parfaitement fermé. Ces canaux tendent vers un point commun, le foyer, qui est un centre de nutrition, im lieu où le tissu se trouve dans son développement. M. Mandl pense que ces canaux servent au transport des sucs nutritifs de la peau vers le centre de la nutrition; ils remplissent le rùle de véritables vaisseaux . nourriciers. (b) Lignes cellulaires. — M. Mandl désigne sous ce nom les lignes ou crêtes concentriques parallèles au contour de l'écaillé. Il repousse l'opinion d'après laquelle les lignes concentriques ne seraient que les bords saillants de couches sécrétées et superposées; d'après lui, ces lignes doivent leur origine à des cellules spéciales qui primitivement se forment dans la couche supérieure de l'écaillé; peu à peu ces cellules se remplissent, s'allongent et finissent par représenter des lignes plus ou moins larges, dont le bord inégal peut seul révéler la véritable nature. (c) Corpuscules. — M. Mandl est le premier qui ait signalé dans le tissu des écailles l'existence de corpuscules particuliers. Ces corpus- cules, qu'il prit à. tort pour des cellules de cartilage, ont été décrits par lui de la manière suivante : « Ces corpuscules sont jaunâtres, d'une forme oblongue, plus ou moins elliptiques. Près du bord de l'écaillé ils diminuent de grandeur pour ne former enfin qu'une espèce de granulation, ce qui se remarque aussi quelquefois autour des canaux longitudinaux. Examinés à un grossissement plus fort, on voit qu'ils présentent quelquefois les côtés légèrement renflés, que leurs bouts arrondis sont d'autres fois réunis à de très-petits corpuscules ou irrégulièrement limités ; ils deviennent très-pàles et forment de grandes plaques dans le foyer. Leur longueur ordinaire est d'un centième de millimètre ; mais, ainsi que je l'ai déjà exposé, cette grandeur est très-variable. Ces corpuscules paraissent ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 103 disposés en séries très-réguli6res, leurs directions s'entrecoupent quel- quefois de manière à former des sortes de croix. Les acides les rendent transparents. Ces corpuscules sont renfermés dans un tissu parti- culier qui est situé au-dessus de la couche inférieure de l'écaillé. Ce tissu est un tissu amorphe comme celui où sont déposés les corpuscules des os. Le tissu qui compose la couche supérieure de récaille se rapproche ainsi du tissu des cartilages à corpuscules non ossifiés. » 2° Couche inférieure. — Au-dessous de la couche à corpuscules se trouve la couche inférieure, couche fibreuse, composée de lamelles fibreuses dont les fibres s'entre-croisent sous des angles réguliers, mais qui toutes suivent la même direction dans la même lamelle. Cette dis- position se rapproche tout à fait de celle des cartilages fibrineux. La couche inférieure est plus épaisse au foyer de l'écaillé et plus mince aux bords; c'est elle qui forme le fond des canaux longitudi- naux au voisinage du bord des écailles. M. Mandl s'étend assez longuement sur la structure des piquants des écailles, qu'il assimile à de véritables dents. Ces piquants, dit-il, montrent une organisation pareille à celle des dents; on découvre d'abord un germe entouré d'un sac ; ce germe se développe peu à peu, acquiert des racines, et l'on y distingue des couches diffé- rentes. Les dents offrent leur minimum de développement dans le voisinage du foyer et leur maximum près du bord terminal. Dans les nombreuses séries de dents du Mugil cephalus, on peut étudier en détail le déve- loppement successif des dents. Dans les séries les plus voisines du foyer, il existe des sacs ronds avec un germe rond au dedans ; plus tard le sac s'allonge en pointe, la base des dents apparaît, les racines se développent, le bout pointu des dents se forme, et la dent entière se confond enfin avec le sac. Les dents qui se trguvent le plus près du foyer, ou plutôt ces germes de dents, ne sont que peu distinctes, car elles sont recouvertes de corpuscules et de lignes cellulaires inter- rompues. Quant au mode de formation de l'écaillé, M. Mandl s'attache d'abord à établir une distinction entre la formation de la couche supérieure et celle de la couche inférieure. La couche supérieure, composée des cellules, des corpuscules et de 404 E. BAUDELOT. la matière fondamentale qui les contient, prend son développement par des accroissements qui ont lieu dans la périphérie autour des lignes cellulaires. La couche inférieure s'accroît par la formation de nouvelles la- melles au-dessous des précédentes. Les éléments nécessaires pour la formation de ces lamelles sont apportés par les canaux longitudinaux. Les anciennes lamelles étant les plus petites, cela explique pourquoi l'épaisseur de l'écaillé doit augmenter à mesure que l'on se rap- proche du foyer. Relativement à l'importance des écailles considérées comme élé- ments de classification, voici ce que dit M. Mandl : « Les écailles gardant la môme forme, non-seulement sur le même individu, mais sur tous les individus de la même espèce , elles sont essentiellement différentes chez des individus d'une autre famille : elles constituent des séries de formes différentes, séries qui entre elles sont bien distinctes, mais dont les termes offrent entre eux tous les degrés de transition. Les écailles peuvent donc servir de ca- ractère naturel dans la description et la classification des poissons. « A quel point les écailles peuvent-elles offrir des signes distinctifs entre les espèces, les genres et les familles? L'étude détaillée et suivie d'un grand nombre d'individus peut seule décider cette question. Il se pourrait que la même forme se retrouvât sur des familles différentes, et que les autres caractères dussent concourir à opérer la classifi- cation. Jusqu'à présent nous avons trouvé des formes bien distinctes et caractéristiques pour chaque famille. Si nous n'avons pu pousser nos recherches jusqu'à la distinction des genres et des espèces, c'est faute d'un nombre suffisant d'individus. Nos observations ultérieures nous éclaireront à ce sujet. » Si l'on se rappelle ce que nous avons dit plus haut touchant l'opi- nion de M. Agassiz, on voit que le célèbre auteur des Poissons fossiles se trouvait directement atteint par le fait des recherches de M. Mandl. Aussi, dans une lettre adressée à l'Académie des sciences', attaqua- t-il très-vivement les résultats énoncés par ce micro graphe. Qualifiant ces résultats d'assertions singulièrement légères, il conclut en disant que la description qu'il avait donnée précédemment de la structure ^Remarques sw' la structure des écailles depoissons,ex[va.ïid'unr , • 'vk\ de M. Agassiz adressée ;i rAcadémie des scienc(:s dans sa séance "Si ^ février 1840 {Annales des sciences naturelles, 2"^ série, t. Xlli, 18'i0). ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. lOo des écailles était exacte et que la manière de l'envisager de M. Mandl était fausse en tous points. M. Mandl répondit à la lettre de M. Agassiz par une contre-lettre également adressée à l'Académie'. Pour lui, les écailles sont toujours des corps organisés, un véritable tissu vivant, susceptible de se nour- rir et de s'accroître par intussusception. Répondant à chacune des critiques de M. Agassiz par une affirmation nouvelle en sens contraire, il accusa son adversaire d'avoir sur quelques points ou mal compris ou mal interprété sa pensée. M. Agassiz ne s'en tint pas. du reste à la lettre que j'ai mentionnée il y a quelques instants ; en 1840, il publia dans les Annales des sciences natw^elles un mémoire assez étendu -, dans lequel, reprenant un à un les faits étudiés par M. Mandl, il les soumit à une critique des plus sévères. Après quelques considérations sur la structure de la peau, M. Agas- siz s'occupe successivement : 1° des canaux longitudinaux ; 2° des lignes cellulaires ; 3" des corpuscules; 4° de la couche fibreuse ; o" du foyer ; 6° des dents. M. Agassiz nie d'abord l'existence de véritables canaux longitudi- naux et le rôle de ces prétendus canaux comme servant à la nutri- tion de l'écaillé. Relativement aux lignes cellulaires, M. Agassiz croit pouvoir affir- mer sans crainte que M. IMandl a été induit en erreur par une illusion d'optique, et qu'il a pris pour des cellules les légères échancrures du bord des lames d'accroissement des écailles. Les corpuscules, dit M. Agassiz, ne sont point logés dans l'épaisseur de l'écaille, comme le pense M. Mundl, mais, au contraire, près des faces supérieure et inférieure : car, pour peu que l'on gratte légère- ment l'une de ces faces ou que par une légère macération on en en- lève quelques lamelles, les corpuscules disparaissent aussitôt. En conséquence, il pense que ceux de dessous sont des lamelles non en- core complètement formées, et ceux de dessus des lamelles usées par le frottement des écailles les unes contre les autres. Au sujet de la couche fibreuse, M. Agassiz s'exprime ainsi : a II en 1 Nouvelles Observations sur la structure des écailles des poissons, extrait d'une lettre de M. Makdi. à l'Académie des sciences (séance du 24 février 1840), h. l'occasion des remarques de M. Agassiz (Annales des sciences naturelles, "2« série, t. XIII, 1840). 2 Observations sur la structure et le mode d^tccroissement des écailles des poissons ; réfutation des objections de M. Mandl {Annales des sciences naturelles, 2^ série, t. XIV, 1840), par M. Agassiz. 106 E. BAUDELOT. est de cette couche fibreuse, que M. Mandl décrit comme servant de base à la substance cellulaire des écailles, à peu près comme des cel- lules elles-mêmes, c'est-à-dire que son existence n'est fondée que sur une erreur d'observation. On sait que tout tissu fd)reux (tondons, tissu cellulaire, etc.) donne du gluten lorsqu'on le soumet à l'ébulli- tion : or jamais des écailles bien nettoyées ne produisent cette sub- stance. De plus, à l'exception de quelques écailles, les coupes que j'ai faites ne m'ont jamais présenté deux substances distinctes; j'ai, au contraire, observe constamment la môme composition dans les couches supérieure et inférieure. M. Mandl dit avoir aperçu des fibres en grattant ou en déchirant l'ccaille ; voici ce qui a pu donner lieu à cotte illusion. Les lamelles inférieures des écailles sont toujours les plus jeunes, et l'on conçoit qu'elles aient moins de consistance que les anciennes ; de façon qu'en déchirant ou grattant cette substance cornée qui est encore molle, on obtient toujours quelque chose qui ressemble plus ou moins à des fibres. » Selon M. Agassiz, le foyer n'est autre chose que la portion la plus ancienne de l'écaillé dont les lamelles supérieures se sont usées par l'exfoliation ou le frottement. Quant aux dents décrites par M. Mandl, M. Agassiz s'attache à dé- montrer par quelques explications comment l'existence de vérita- bles dents pourvues de racines et d'un sac dentaire repose sur une simple illusion d'optique. De l'ensemble des faits qui précèdent M. Agassiz conclut que tout ce que que M. Mandl a avancé sur la structure intime des écailles est complètement erroné. Voici, d'après lui, comment il faut comprendre le mode do formation des écailles : L'écaillé du poisson est une sécrétion ciùdermoïdale absolument analogue à celle des ongles. Comme les ongles, les écailles se compo- sent de lamelles très-fines d'une substance cornée , superposées dans Tordre de leur formation. L'organe sécréteur est la poche épidermoï- dalo, dans laquelle elles sont enfoncées par leur bin-d antérieur. Les lamelles nouvellement formées sont plus molles, mais de môme composition que les plus anciennes. La poche grandit à mesure que l'écaillc se développe, de ti^llc sorte que les lames nouvellement dé- posées sont toujours plus grandes que les anciennes. Les lignes concentriques sont le reflet des bords des lamelles superposées; aussi sont-elles plus nombreuses chez; les poissons âgés^ que che? les jeunes. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 107 L'écaillé s'use principalement autour du foyer par le frottement des écailles entre elles et par l'exfoliation. Le foyer et les corpuscules de la face extérieure ne sont que les résultats de cette usure ; on ne les trouve pas dans les écailles non imbri({uées, comme celles de l'An- guille, par exemple. La composition par lamelles s'observe très-faci- lement au moyen de coupes, sur lesquelles on voit des lignes horizon- tales superposées et de légères crénelures à la face extérieure, dont chacune répond à une ligne concentrique. Les prétendues dents ne sont que les dentelures des bords postérieurs des lames. Dans les écailles à bord simplement en scie, chaque échancrure d'une lame nouvelle correspond à l'ancienne, et il en résulte une dentelure, simple. Dans les écailles à plusieurs rangées de dentelures, les échancrures des nouvelles lames ne correspondent point à celles des anciennes ; de là résulte une disposition en quinconce. Les dentelures s'usent du foyer au bord, de même que les lamelles ; c'est ce qui fait que chez de très-jeunes Perches, par exemple, les dentelures occupent encore le foyer même; chez la Perche âgée, au contraire, on voit un large foyer occupé par des restes de lamelles, et les dentelures n'y sont visibles que près du bord de l'écaillé. Dans l'année qui suivit le débat survenu entre MM. Mandl et Agas- siz relativement à la structure des écailles, Peters, qui de son côté s'était occupé de la question, donna dans les Archives deMùller, 1841 *, un résumé critique des observations de ces deux auteurs. Le travail de Peters renferme d'abord quelques considérations gé- nérales sur la structure de la peau des poissons. Sur un poisson d'eau douce, on distingue dans la peau qui recouvre les écailles les couches suivantes : 1° un épidémie composé de cel- lules pavimenteuses que l'on rencontre en grande quantité dans le mucus des poissons ; 2" une couche de cellules pigmentaires ; 3° une couche qui constitue la peau proprement dite et qui est composée de fibres de tissu conjonctif formant des loges pour les globules graisseux; 4° immédiatement sur la face externe des écailles une membrane extrêmement fme, distincte de la peau, et sur laquelle on aperçoit des sillons concentriques et des crêtes longitudinales correspondant aux crêtes concentriques et aux sillons longitudinaux de l'écaillé. Cette membrane est composée de fibres fmes entre-croisées, entre- 1 Bericht iiUr den microscopischen Bau der Fischschuppen, vou doctor Peters, p. ccïx, MuUer' s Archiv, lUi). 108 E. BAUDELOT. croisement d'où résultent les crénelures des crêtes concentriques. Ces fibres se gonflent fortement par l'action de l'acide acétique, ca- ractère qui appartient évidemment aux fibres de tissu conjonctif. La portion supérieure ou externe de l'écaillé présente encore une couche très-mince, inséparable, qui sous l'action de l'acide acétique laisse apercevoir des fibres et qui se laisse difficilement détruire par la combustion. Ces connexions étroites de la peau avec l'écaillé permettent de comprendre comment par le fait de l'accroissement l'aspect de la sur- face peut se modifier sans qu'il y ait exfoliation. La face interne des écailles iOp/u'dium, Lota, Cyprinus, Perça) offre également des adhérences plus ou moins intimes avec la peau. Selon Peters, les écailles ne sont pas renfermées dans l'épiderme, mais dans la peau elle-même ; elles ne peuvent donc être une sécré- tion cornée du premier. Ainsi que Mandl, Peters admet dans toutes les écailles l'existence d'une couche inférieure plus molle, lamelleuse, consistant en un cartilage fibreux; il repousse l'opinion d'Agassiz d'après laquelle le nombre des lamelles concorderait avec le nombre des, stries concen- triques de la face supérieure. De ce que l'écaillé ne donne point de gélatine par la coction, ce n'est pas une raison, dit Peters, pour lui refuser avec Agassiz la nature cartilagineuse, puisque la gelée extraite du cartilage des pois- sons ne fournit pas de gélatine. De plus, ajoute-t-il, le tissu cartila- gineux se dissolvant par l'action de l'eau bouillante, il se trouve démontré par là qu'il n'est pas de nature cornée. Relativement aux corpuscules des écailles, Peters prétend qu'on les trouve en grand nombre à la face inférieure des écailles, mais jamais à la face supérieure, comme le dit Agassiz. Il les considère comme des éléments spéciaux et non comme des lamelles de tissu incomplètement formées ou hors d'usage. Ces corpuscules, dit-il, peuvent être extraits au moyen des acides sans perdre leur forme, et ils sont encore reconnaissables dans les écailles brûlées, d'où l'on peut conclure qu'ils consistent en une substance osseuse. Ils proviennent, selon toute apparence, de cette matière granuleuse en laquelle on les voit se transformer vers le bord de l'écaillé, et c'est d'eux que pro- cèdent ces aspérités qui existent au bord postérieur de l'écaillé de beaucoup de poissons [Perça, etc.). Vers le milieu de l'écaillé on trouve, au-dessous des corpuscules ellipliciucs, d'autres corpuscules de forme ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 100 quadrangulaire : ces derniers dans la portion postérieure de l'écaillé se déposent en série régulière et s'accroissent en épines. Ces épines ne peuvent être assimilées à de véritables dents, ainsi que l'a fait Mandl. Les épines du bord postérieur des écailles ne doivent pas être confondues avec les dentelures que l'on observe dans quelques écailles. Chez le Pelamys sarda on observe deux sortes d'écaillés ; la plupart sont rondes et à bord entier {cycloides), tandis que les écailles qui se trouvent sur les nageoires pectorales possèdent un bord postérieur dentelé {cténoïdes). Cette structure différente des écailles sur un seul et môme poisson peut servir à prouver que ces organes ne sont point propres à servir de base à une systématisation rationnelle. Il existe . visiblement des transitions d'une forme d'écaillé à une autre forme, en ce sens que chez certains poissons le bord postérieur paraît entier, si la dernière rangée des épines ou dents se trouve un peu éloignée du bord, tandis qu'il paraît pectine si ces épines se trouvent exactement sur le bord. Des genres de poissons extrêmement éloignés l'un de l'autre ont aussi souvent des écailles semblablement conformées, tan- dis que les espèces d'un seul et même genre, présentant d'autre part un certain nombre de caractères communs, peuvent offrir sous ce rapport les plus grandes différences. Quant à la couche supérieure ou externe des écailles, Peters re- connaît combien son étude présente de difficultés, surtout lorsqu'il s'agit d'expliquer l'origine et la signification des lignes concentriques et des sillons rayonnants.» Le tissu de cette couche, dit-il, ne laisse apercevoir le plus souvent aucun élément distinct ; parfois cependant on parvient à y reconnaître les mêmes fibres et les mêmes corpuscules que dans la couche inférieure, mais jamais avec le môme degré d'évi- dence et de netteté. Mandl fait remarquer que cette portion de l'écaillé fait effervescence avec les acides et laisse du cartilage. Par cette expérience ainsi que par la combustion, il se trouve démontré que la couche supérieure est de nature osseuse. » Selon Peters, les stries concentriques ne peuvent représenter les bords des lamelles ou feuillets superposés de l'écaillé, puisque la stria- lion n'est pas toujours parallèle au bord libre, mais se montre quel- quefois perpendiculaire à ce bord. Ainsi, chez VAlepocephalus rostratus, les stries ne se trouvent disposées concentriquement que dans le tiers postérieur de l'écaillé ; dans le reste de son étendue elles marchent droit en avant parallèlement les unes aux autres. 110 E. BAUDELOT. Peters repousse avec Agassiz l'opinion de Mandl relative aux sillons rayonnants; ilne croitpoint que ce soient des canaux servantà la nutri- tion de récaille, il les regarde comme des sutures {JSuhtc) qui rendent possible un accroissement plus considérable des écailles dans toute leur épaisseur. Du reste, ajoute-t-il, ces sutures ne se trouvent pas seulement dans la direction delà périphérie vers le centre, comme c'est le cas dans ]a plupart des écailles, mais il existe aussi des sutures dis- posées concentriquement {Ophidium, Rt/pticus^ Osteoglossum, Sudù, Hetct'otis, etc.). Peters nie , d'une manière générale , l'existence de corpuscules osseux dans les écailles ordinaires; il les admet, au contraire, pour les écailles des Polyptères et des Lépisostés. ' En 1842, M. Vogt, dans son ouvrage sur V Embryologie des Salmones\ fit connaître quelques faits relativement au développement des écailles. Voici ce qu'il dit à ce sujet : « Les écailles n'apparaissent que fort tard, longtemps après l'éclosion. Dans une série de jeunes Saumons, parmi lesquels il s'en trouvait de tous les âges, depuis l'éclosion jus- qu'à l'àgc de deux ans, j'ai pu voir que les })lus jeunes ne montraient encore que les rudiments des poches dans lesquelles les écailles se forment, tandis que les suivants, qui avaient trois mois, montraient déjà des écailles entièrement développées. Si l'on compare ces jeunes écailles avec des écailles de Saumon adulte, on sera frappé de la grande dili'érence qui existe entre ces diiféreuts âges. Les lames concentriques, si nombreuses chez l'adulte, sont en très-petit nombre dans la jeune écaille ; mais les lignes qui indiquent les bords des différentes lames sont aussi continues que chez les vieux poissons, et l'on n'a aucun indice qui puisse faire supposer que ces lignes soient composées de cellules isolées ; au contraire, les lignes lamellaires semblent même être plus uniformes et continues chez les jeunes écailles que chez celles qui ont atteint tout leur développement. On reconnaît aussi dans les jeunes écailles la petite lame centrale qui est l'origine de l'écaillé, cL qui paraît souvent beaucoup plus petite que l'espace cir- culaire vide situé au centre des écailles adultes usées. Quant aux lignes rayonnantes qui s'cntre-croisent avec les lignes lamellaires concentriques, elles sont tout aussi difficiles à expliquer sur les jeunes écailles que sur les écailles adultes. » 1 Histoire naturelle des poissons d'eau douce de l'Europe centrale, par L. Agassiz — Embryologie des Salmoncs, par C. Vogt. Neuchûtcl, 1842, p. 147 et 148. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. iH Le mémoire de J. Millier sur les Ganuïdes et Sur la classification natu- relle des poissons^ (1844) mérite d'être cité pour quelques-unes des considérations qu'il renferme sur la valeur taxonomique des carac- tères empruntés aux écailles. D'après Miiller, la différence entre les écailles des Gycloïdes et celles des Cténoïdes est d'une importance assez faible et ne peut servir pour la classification que dans des limites fort étroites'-. Certains types, tels que l'Espadon, possèdent dans le jeune âge des plaques osseuses qui disparaissent plus tard. Notons en passant un mémoire de C. Yogt intitulé : Quelques Ob- servations sur les caractères qui servent à la classification des poissons Ganoïdes^. L'auteur y discute avec intérêt la valeur des caractères des écailles au point de vue de la distinction soit des différentes ordres de Ga- noïdes, soit des Ganoïdes et des poissons osseux. Dans son Manuel d'anato)nie comparée, 1849, rédigé en collabo- ration avec M. de Siebold'^, Stannius s'exprime ainsi au sujet des écailles : « C'est à tort qu'on a considéré les écailles comme des produits épidermiques ou cornés, et qu'on a admis que leur ac- croissement n'a lieu que par des couches juxtaposées. Quoique les nombreuses recherches microscopiques qui ont été faites pour consta- ter leur structure n'aient pas encore produit de résultats définitifs, surtout pour ce qui concerne la présence de vaisseaux sanguins dans leur intérieur, on ne peut cependant pas méconnaître à la surface inférieure de la plupart d'entre elles la présence d'une substance plus molle, de texture fibro-cartilagineuse , et il y en a d'ossifiées dans lesquelles on a démontré d'une manière positive l'existence de corpuscules osseux étoiles... La présence de corpuscules osseux étoi- les a été constatée dans les écailles des Polypterus et des Lepidosteus Je les trouve aussi dans celles du Thon commun. « 11 est plus que douteux qu'il soit convenable de prendre les diffé- 1 Annales des sciences naturelles, 3» série, t. IV, 1845. Mémoire lu à l'Académie des sciences de Berlin, le 12 décembre 1844, et traduit par M. Vogt des Archives d'histoire naturelle de Wiegmanu et Erichson, 1845, p. 91-141. 2 Voir à ce sujet un autre mémoire de Muller dans Wiegmann's Archiv, 1843, 3 Annales des sciences naturelles, 38 série, t. IV, 1845. * Nouveau Manuel d'anatomie comparée, par MM. de Siebold et Stannius. Paris, 1849, t. II, p. 49-53. H2 E. BAUDELOT. rentes formes des écailles exclusivement commme base de la classi- lication. Quelques zoologistes modernes ont attaché une grande im- portance à la manière dont se comporte le bord libre des écailles. On a appelé Cycloïdes les poissons à écailles très-entières, et Cténoïdes ceux chez qui leur bord libre est dentelé ou cilié ; ces modifications ont toutefois été employées trop légèrement comme base de la clas- sification. )) Je citerai encore pour l'année 1849 un mémoire de M. Alessan- drini, dont je regrette de ne pouvoir donner ici que le titre : De intima squamarum textura jnscium, deque scutulis super corio scatentibus Crocodili atqne Arinadili {Novi commentarii Academix Bononensis, 1849, t. IX, p. 371). Dans un mémoire de M. Daresle sur la classification des Plec- tognathes, 1850 \ se trouvent quelques remarques sur les écailles des poissons appartenant à cet ordre. Au sujet des téguments des Diodons et des Tétrodons, M. Dareste s'exprime ainsi (p. 122) : (( Les téguments de ces animaux ne sont point constitués par des écailles, mais par des épines implantées à la peau par leurs racines, dont la partie inférieure est formée par une substance de nature cor- née et dont la partie supérieure ou le piquant est très-analogue à l'ivoire des dents, et remplie, comme lui, de tubes calcigères qui vont en rayonnant dans tous les sens. Ces piquants sont beaucoup plus marqués dans les Diodons que dans les Tétrodons. » Plus loin (p. 123), parlant des téguments du Triodon, il ajoute : « Les téguments du Triodon sont très-différents de ceux de la famille précédente (Diodons et Tétrodons) : ils sont constitués par de véri- tables écailles, tout à fait comparables ù celles des poissons osseux. Ces écailles ne présentent, dans leur constitution, aucune substance comparable à l'émail ou à la matière osseuse, et leur bord externe est garni de petites dentelelures comme celles des Cténoïdes de M. Agassiz.)) Plus loin encore (p. 130), au sujet des écailles des Balistes, il dit : « Les écailles des Balistes sont des plaques rhomboïdales de nature 1 Recherches sur la classification des poissons de l'ordre des Plectognathes, par M. Camille Dareste {Annales des sciences naturelles, 3» série, t. XIV, 1830). ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 113 osseuse, et diffèrent, par conséquent, beaucoup des écailles des autres poissons. )) Enfin, p. 133, il dit en parlant de la cuirasse des Ostracions : a Cette cuirasse résulte de l'union de plaques rhomboïdales placées les unes à côté des autres et qui sont formées de deux couches distinctes : l'une inférieure, de substance cornée; et l'autre supérieure, osseuse, pré- sentant au microscope de nombreux tubes calcigères, et qui rap- pellent beaucoup la matière des dents. » Un autre mémoire de M. Dareste sur un poisson fossile , le Bloc/nus longirostris ^, renferme quelques considérations sur la valeur des écailles employées comme caractère de classification. « Sans méconnaître, dit M. Dareste, la valeur des caractères tirés de la conformation des téguments, nous ne pouvons , dans l'état ac- tuel de la science, leur accorder le rôle de caractères dominateurs et leur subordonner les caractères ostéologiques, dont l'importance est beaucoup plus grande. « Nous savons par les observations de J. MûUcr que le Xipinas est, dans le jeune âge, recouvert d'écaillés osseuses qui tombent de très- bonne heure. a II serait possible aussi que chez le Blochius les écailles fussent caduques comme chez le Xiphias. » En 1851 parut dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres un mémoire du professeur Williamson ayant pour titre : Recherches sur la structure et le développement des écailles et des os des poissons-. Ce mémoire, fort étendu, est l'un des plus importants qui aient été publiés sur les écailles des poissons osseux. L'auteur, faisant usage de coupes, y étudie successivement la structure des écailles d'un assez grand nombre de types, d'une espèce américaine indéterminée d'abord, puis de la Carpe, de la Perche, du Mngil capito, des Ba- 1 Examen de la place que doit occuper- dans la classification le poisson fossile décrit par S. Volta sous le nom de Blochius longirostris {Annales des sciences na- turelles, 3e série, t. XIV, 1850). 2 liivesiicjations inlo the Structure and Development of theScales andBones ofFisches, by W.-C. Williamson {Philosophical Transactions, iturt. II, for 1851, London). Daus les Philosophical Transactions, part. II, foi- 1849, se trouve un autre mémoire de M. Williamson : On the Microscopic Structure cf the Scales and Dennal Teeth of some Ganoti and Placokl Fish. Ce dernier mémoire étant étranger à notre sujet, qui doit rester limité à l'étude des Cycloïdes et des Cténoïdes, je ne m'y arrêterai point. AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 1873. 8 114 E. BAUDELOT. listes, du Megalicldhys, du Dactylopterus voUtans, du Loricaria cata- Itlirdcfa, du Macropoma Mantelli, de VOstracion cornutus. M. Willianison est le premier, croyons-nous, qui ait assigné aux corpuscules de Maudl leur véritable signification, en établissant que ces corpuscules sont de nature calcaire et non, ainsi que l'avait cru M, Mandl, des cellules de cartilage. Mais eu qui donne surtout au mémoire de M. Williamson une haute valeur, ce sont les vues générales qu'il émet relativement au mode de composition des écailles et des autres parties dures des pois- sons. Reconnaissant l'affinité des écailles, des dents, des os chondri- formes, des os membraniformes, etc., il dit que ce ne sont point la des tissus de nature réellement diffférente, mais des tissus qui peuvent passer de l'un à l'autre par des transitions insensibles, et qui offrent, par conséquent, des liens de la plus étroite parenté. Afin de présenter les faits dans l'ordre où ils ont été exposés par M. Williamson, je vais d'abord faire connaître le résultat de ses ob- servations sur les écailles des poissons cycloïdes et cténoïdes (Carpe, Perche, Brochet, Saumon, Mugil capito, etc.). Suivant M. Williamson, une écaille de Cycloïde ou de Cténoïde se compose de trois couches, une inférieure, une moyenne et une supé- rieure. La couche inférieure ou couche interne consiste en lames membra- neuses disposées en zones horizontales parallèles. Ces lames, plus nombreuses au centre de l'écaillé, diminuent en nombre à mesure que l'on se rapproche de la périphérie, oii il finit parue plus en exis- ter qu'une seule. Chaque lame membraneuse est composée de fibrilles qui restent toutes parallèles dans le tissu d'une môme lame. Dans l'épaisseur de ces lames membraneuses se trouvent en grand nombre des corpuscules calcaires lenticulaires isolés, laissant apercevoir une série de couches concentriques et, au centre, une sorte de fissure longitudinale. Ces corpuscules ne se trouvent pas interposés entre les couches membraneuses, mais bien développés dans leur épaisseur, par le fait même de la calcification de leur tissu. Ils commencent par un simple atome calcaire et ils s'accroissent sur place par l'addition successive de couches concentriques à leur surface externe. Pendant cetaccrois- semeut ils conservent leur tendance i)riniitivc à revêtir une forme lenticulaire. La couche ntoijenne n'est, à vrai dire, que la continuation de la cou- ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX, UH che inférieure, légèrement modifiée dans sa structure, c'est-à-dire ayant atteint un plus haut degré de calcification. Cette couche moyenne peut se décomposer en lames horizontales qui correspon- dent, quant à leur direction,' aux lames membraneuses avant leur calcification. Ces lames, ainsi que celles de la couche inférieure, sont en stratification discordante par rapport à la couche supérieure, contre laquelle elles viennent s'appuyer successivement par leur bord. Les lames de la couche moyenne paraissent composées presque ex- clusivement de petits corps lenticulaires, semblables à ceux de la couche inférieure et qui paraissent se souder entré eux à mesure qu'ils s'accroissent en volume. Les corpuscules appartenant à une même lamelle offrent une tendance à s'orienter dans une même direction, comme si la direction des fibres exerçait une influence sur celle des granules calcaires. Ceux de lamelles difierentes croisent ceux des lamelles voisines plus ou moins obliquement. La couche moyenne offre plus d'épaisseur et de solidité vers le centre de l'écaillé, elle s'amincit graduellement en allant vers la périphérie. Les corpus- cules calcaires offrent aussi des variations de volume remarquables, suivant les différentes régions de l'écaillé. D'une manière générale, on peut dire qu'ils diminuent graduellement de volume à mesure que l'on se porte du centre vers la périphérie. Ceux du centre sont sou- vent de grande dimension : par l'adjonction successive de granules voisins, ils perdent leur contour fusiforme et prennent un aspect plus ou moins cuboïde. Vers le bord de l'écaillé, les corpuscules sont représentés par d'innombrables petits atomes calcaires qui se trouvent disséminés dans la substance membraneuse. La couche moyenne est loin d'offrir un égal développement dans tous les types. La Perche en offre un excellent exemple. La troisième couche, couche supérieure, couche superficielle ou couche externe, diffère de la précédente aussi bien par sa structure que par son mode de formation. Elle offre un aspect lamelleux plus ou moins prononcé, les lamelles qui la composent ayant une direction paral- lèle à celle delà surface libre. Ces lamelles paraissent être dépourvues de structure et formées d'un tissu homogène. La couche supérieure varie beaucoup d'épaisseur suivant les types. Les crêtes et les tuber- cules qui ornementent la surface externe des écailles ne sont autre chose qu'un épaississement partiel de la couche supérieure ; tels sont les tubercules des écailles de la Carpe; telles sont encore ces plaques hexagonales que l'on observe dans le champ postérieur de certaines 116 E. BAUDELOT. écailles [Miigil capito, etc.) et que l'on peut considérer comme des tubercules aplatis et régulièrement arrangés. Dans les écailles de la Perche et autres poissons cténoïdes, les dents ne sont également que des modiiications de la troisième couche ou couche superficielle. Ces dents sont les homologues des plaques hexagonales d'autres types, du Mugil capito, par exemple. L'accroissement des dents se fait au bord postérieur de l'écaillé. A chaque nouvel accroissement du bord correspond une nouvelle série de dents. Les sillons des écailles sont des érosions effectuées aux dépens de la couche supérieure, qui manque sur leur parcours. Selon M. Williamson, la couche calcaire supérieure des écailles ne peut s'expliquer qu'en admettant l'existence d'une fine membrane superficielle. Cette membrane s'accroîtrait vers l'intérieur, en même temps que ses fibres profondes se calcifieraient graduellement et se confondraient avec la portion déjà solidifiée de la couche calcaire supérieure. Cette membrane s'étendrait en outre sur les dents et peut-être même sur la surface entière de l'écaillé, de telle sorte que celle-ci se trouverait, en vertu de cette hypothèse, enfermée dans une sorte de capsule membraneuse. D'après M. Williamson, le tissu qui compose la troisième couche de l'écaillé des Cycloïdes et des Cténoïdes offre la plus complète ressem- blance avec la vraie ganoïne, c'est-à-dire avec la substance qui recou- vre les écailles des poissons sauroïdes et lépidoïdes. Il est également difficile, selon lui, de saisir une différence entre ce tissu de la troi- sième couche et le tissu des lames observées dans quelques-uns des os du Brochet et d'autres poissons osseux, dont la substance osseuse, dépourvue de lacunes, n'est autre chose que l'ensemble des lamelles calcifiées d'une membrane périostale sans structure apparente. L'ac- croissement en largeur des écailles cycloïdes et cténoïdes a lieu par l'addition successive de lamelles membraneuses à la face inférieure de celles qui ont été précédemment formées, chaque nouvelle cou- che étant plus large que les précédentes. La calcification qui envahit en totalité la couche moyenne reste limitée aux bords des lamelles plus inférieures, c'est-à-dire d'accroissement plus récent. Après cette étude de l'écaillé des Cycloïdes et des Cténoïdes, M. Wil- liamson passe à l'étude de l'écaillé des Batistes. Dans leur aspect extérieur les écailles des Batistes ont une ressem- ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. H7 blance parfaite avec celles de beaucoup de Ganoïdes. Une coupe ver- ticale permet de constater que leur structure interne se rapproche tout à fait de celle qui prédomine parmi lesCycloïdes et les Cténoïdes, mais en conservant cependant un ou deux traits de ressemblance avec celle des écailles des Ostracions. Comme dans les Cycloïdes, chaque écaille se compose de trois couches de tissus distincts, superposées horizontalement, une infé- rieure, une moyenne et une supérieure. La couche inférieure est formée de lames membraneuses disposées parallèlement comme chez les Cycloïdes et les Cténoïdes, mais avec cette différence cependant que l'on voit s'adjoindre aux fibres horizon- tales des fibres épaisses et nombreuses, qui se portent obliquement de bas en haut et d'une couche à l'autre, ayant pour effet de relier ensemble ces diverses couches. Ces fibres obliques se retrouvent éga- lement chez les Ostracions. La couc/ie tnof/eunc, de nature calcaire, est formée exactement de la même manière que la couche correspondante des écailles de Cycloïdes et de Cténoïdes, à savoir : par le développement de petits granules arrondis et lenticulaires dans le tissu fibreux des lames membraneuses. Cette couche s'amincit vers le bord de l'écaillé, sa charpente solide cesse d'exister pour faire place à une multitude de petits granules isolés qui finissent eux-mêmes par disparaître, de telle sorte que la portion marginale de l'écaillé est constituée uniquement par le tissu des couches supérieure et inférieure. La couche supérieure ou couche externe est très-épaisse, à ce point qu'elle occupe dans quelques espèces un tiers du diamètre vertical de l'écaillé. La portion libre de la surface externe de cette couche est recouverte par de nombreuses papilles qui sont dues à un épaississe- ment partiel très-considérable de la couche supérieure. Cette dernière couche consiste en nombreuses petites lamelles disposées tout à fait de la même manière que les lamelles correspondantes de la couche supé- rieure de la Carpe, ce qui semble indiquer avec évidence que son accroissement s'est effectué par l'addition de nouvelles lamelles à la face supérieure des lamelles déjà préexistantes. Les lamelles qui composent la couche supérieure sont traversées par un réseau serré de canaux anastomosés, qui se portent dans toutes les directions. Ces canaux offrent leur plus grande largeur dans la portion inférieure de la couche supérieure, c'est-à-dire là où celle-ci est contiguë à la couche moyenne; à partir de ce niveau, ils offrent une tendance marquée à 118 E. BÂUDELOT. s'irniflior du contre vers la périphérie de l'écaillé. Ils émettent sur leur trajet de nombreuses branches anastomosées qui , à mesure qu'elles montent, diminuent de volume et finissent par s'ouvrir à la surface externe par des myriades de petits orifices. En résumé, la couche supérieiu'e de l'écaillé des Batistes est l'homo- logue de la couche supérieure des écailles de la Carpe, de la Perche et des autres poissons cycloïdes et cténoïdes; elle en diffère en ce que son tissu, au lieu d'être formé simplement de lamelles, renferme en outre des canaux anastomosés. Les écailles des Batistes semblent former le passage des écailles des Cycloïdes et des Cténoïdes aux écailles des Ostracions. M. Williamson appelle ensuite l'attention sur la slnu'ture remar- quable des écailles du Dacti/lopterus voUtnm. Ces écailles offrent en avant une base épaisse et élargie et se terminent en arrière par une pointe effilée. Dans l'intérieur de l'écaillé existent un certain nombre de larges cavités irrégulières reliées entre elles par des canaux de communication, et d'où partent de nombreux canalicules irrégulière- ment anastomosés, qui se portent dans toutes les directions. A l'exception d'une partie de sa surface inférieure, faiblement modifiée, cette écaille est évidemment composée d'un tissu uniforme qui se rapproche plus complètement que dans tout autre type du tissu ordinaire des os, tel qu'il existe chez les poissons osseux. Dans sa structure essentielle le tissu de cette écaille offre aussi une ressemblance parfaite avec la couche supérieure des Batistes : si donc cette dernière couche est bien réellement de la ganoïne, comme le pensent MM. Agassiz et Owen, alors, dit M. Williamson, presque toute l'écaillé du Dactylopterm serait composée de ce même tissu. Au sujet du Loricaria mlaphrncta, M. Williamson fait remarquer que la substance des écailles possède une véritable texture osseuse offrant une complète analogie avec ce qu'on observe dans l'Esturgeon et le Lepidosteus. M. Williamson termine l'élude des écailles des poissons osseux par un examen Irès-approfondi de la slruclurc des écailles des Ostra- cions. En commençant cet exposé des recherches de M. Williamson, j'ai dit ([ue ce ligne passant par l'extré- mité postérieure de la première nageoire dorsale , 0,90 0,84 N° 6. Écaille prise au-dessous de la ligne latérale, sur une ligne passant par l'e.xtrémité posté- rieure de la seconde nageoire dorsale 0,78 0,68 N° 7. Écaille prise un peu au-dessous de la ligne latérale, vis-à-vis de l'origine des premiers rayons inférieurs de la nageoire caudale.... . 0,60 0,57 N° 8. Écaille prise à la racine de la queue, au-des- sous de la ligne latérale 0,42 - 0,45 N° 9. Écaille prise sur les rayons de la queue vers sa base , 0,42 0,30 Nombre des crclcs conccnlriques contenues dans les divers champs de VccaiUe. Champ postérieur. Champ latéral. NO 1. 52 30 N» 2. 50 27 N« 3. 50 29 N» 4. 48 25 NO 5. 57 25 No 6. 52 23 N» 7. 41 18 NO 8. • 26 12 No 9. 18 7 ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 137 PERCHE N» 2. (Longueur totale de l'extrémité du museau à l'extrémité de la queue, 98 millimètres.' Dimensions de l'écaillé. Diamètre antéro- Diamètre postérieur. transversal. Millim. Millim. N° 1. Écaille prise sur le flanc, au-dessous de la ligne latérale et en regard de la huitième écaille de ce canal , 1,71 1,65 N" 2. Écaille prise sur le flanc, un peu au-dessous du canal latéral, vers la douzième écaille de ce canal 1,86 1,83 N' 3. Écaille prise au même point que la précé- dente , 1,80 1,90 N" 4. Écaille prise sur le flanc, un peu au-dessous de la ligne latérale, à peu près vis-à-vis du milieu de la première nageoire dorsale 1,74 1,80 N° 3. Écaille prise un peu au-dessous du canal laté- ral à peu près vis-à-vis de l'origine de la se- conde nageoire dorsale 1,83 1,71 rs° 6. Écaille prise au-dessous du canal latéral, vis- à-vis du milieu de la seconde nageoire dor- sale 1,80 1,50 N° 7. Écaille prise un peu au-dessous de la ligne latérale, vis-à-\'is de l'extrémité . postérieure de la seconde nageoire dorsale 1,47 1,33 N° 8. Écaille prise au-dessus du canal latéral, à égale distance de celui-ci et de la ligue mé- dio-dorsale, \1s-à-\is du quart antérieur j de la première nageoire dorsale 1,11 1,17 N° 9. Écaille prise au même point que la précédente. 1,02 1,14 N" 10, Écaille prise au-dessous du canal latéral, près de la racine de la queue 0,99 0,84 Nombre des crêtes concentriques contenues dans les divers champs de Vccaille. Champ postérieur. Champ latéral N" 1. 70 38 N» 2. 54 35 No 3. 49 m N» 4. 112 50 N» 3. 123 S3 N" 6. 59 . 34 No 7. 107 50 N» 8. 40 20 N" 9. 17 12'- No 10. 47 20 138 E. BÂUDELOT. Dimensions du foyer de l'écaillé. Diamètre antéro- Diamètre postérieur. transversal. 0,40 0,10 0,H0 0,60 0,75 0,75 o,or. a i 0,10 0,0(î à 0,10 OjfiO 0,45 o,or) ; i 0,12 0,30 0,30- 0,45 0,48 0,20 0,20 N» 1. No 2. N» 3. N° 4. Foyer très-petit, de N" 5. Foyer très-pt'tit, do N» 6. N« 7. Foyer très-petit, de N" 8. N» 9. N" 10. PERCHE N» 3. (Longueur totale de l'extrémité du museau à l'cxtrémitc de la queue, 18 centimètres.) Dimensions de l'ècaiUc. Diamètre antéro- Diamètre postérieur. transversal. Uillim. Ilillim. N» 1. Écaille prise au-dessous du canal latéral, vis- à-vis de la treizième écaille de ce canal, et trois rangs au-dessous 5,05 5,05 N" 2. Écaille prise sur le flanc, environ cinq rangs au-dessous de la ligne latérale et sur une ligne verticale passant par le septième rayon de la première nageoire dorsale 5,05 6,00 N» 3, Écaille prise au-dessous du canal latéral, sur une ligne passant par le premier rayon de la seconde nageoire dorsale 4,05 4,05 N" 4. Ecaille prise au-dessous du canal latéral à la racine de la queue 1,89 1,05 N" 5. Petite écaille rudimenlaire prise sur les rayons de la nageoire caudale 0,00 0,33 Dans toutes les écailles de ce tableau, le foyer est à peu près luil, c'est-à-dire de quelques centièmes de millimètre seulement. Nombre des crêtes concentriques contenues dans les divers champs de fécaille. Champ postérieur. Champ latéral, N» 1. 233 126 N» 2. 227 122 N° 3. 215 110 N» 4. - 110 51 N" 5. 21 10 / ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. ^39 PERCHE N" 4. (Longueur totale de l'extrémité du museau à l'exti-émité de la queue, 25 centimètres. Dimensions de récaille. Diamètre antéro- Diamètre postérieur. transversal. UiUim. Millim. N" ]. Ecaille prise un peu au-dessous de la ligne latérale, vis-à-vis de la dixième écaille du canal latéral 7 ^OS 7^05 N" 2. Écaille prise sur la ligne médiane du ventre, à peu près vers le milieu de la distance de l'anus à l'insertion des ventrales 5,09 5,00 N» 3. Écaille prise au-dessus de la ligne latérale dans la portion antérieure du tronc 5,00 5,00 N" 4. Écaille prise" sur le flanc au niveau d'une ligne horizontale passant à égale distance de la pectorale et de la ventrale et par une ligne verticale correspondant à la douzième écaille du canal latéral 5,03 5,00 N" 5. Écaille prise à 1 centimètre et demi envi- ron en avant de la racine de la queue et au-dessous de la ligne latérale 4,00 3,40 N" G. Écaille prise sur la base ou racine de la queue 2,00 2,00 N" 7. Écaille rudimentaire prise sur la queue, vers le milieu de sa longueur l ,25 0,72 N" 8. Écaille rudimentaire prise sur les rayons de la queue et portant seulement quatre spi- nules 0,«8 0,35 Nombre des crêtes concentriques contenues dans les divers champs de Vccaillc. NO 1. Ctiamp postérieur. âd5 Champ latéral. 190 N'> 2. âS5 120 No 3. 2B1 105 N» 4. ii% 140 N» 5. m 120 No 6. im 53 N» 7. 38 18 N" 8. \i 8 PERCHE N" 5. (Longueur totale de l'extrémité du museau à l'extrémité delà queue, 33 centimètres.) Dimensions de l'écaillé. Diamètre antéro- postérieur. Uillim. N» 1. Écaille prise trois rangs au-dessous de la sixième écaille du canal latéral 8,05 Diamètre transversal. Millim. 9,25 140 E. BAUDELOT. Diamètre aniéro- Diamètre postérieur. transversal. Millim. Millim. N» 2. Écaille prise sur le flanc dans le voisinage de la précédente 9,00 9,00 N" 3. Écaille prise au-dessous de la deuxième écaille du canal latéral 8,00 8,00 N» 4. Écaille prise au-dessous de la quinzième écaille du canal latéral 8,00 t;,05 N" 5. Écaille prise au-dessous de la trentième écaille du canal latéral 7,33 6,25 N» 6. Écaille prise au-dessous de la cinquantième écaille du canal latéral t!,05 5,00 N» 7. Écaille prise à la racine de la queue 4,00 4,00 N» 8. Écaille prise sur la queue = . . . 2,04 1,65 Nombre des crclcs concentriques contenues dans les divers champs de l'écaillé. Champ postérieur. Champ latéral. N» 2. 330 170 No 4. 310 160 N» 7. 171 145 N" 8. 92 43 Comme on le voit par les tableaux qui précèdent, le nombre des crêtes concentriques s'accroît avec la grandeur des écailles. Si, dans un même poisson, par exemple, on prend une grande écaille sur le flanc et une autre écaille beaucoup plus petite dans une autre région du corps, en supposant qu'il n'y ait pas de disposition exceptionnelle dans les dimensions des foyers, la grande écaille possédera constam- ment un nombre de crêtes plus élevé que l'écaillé de moindre dimen- sion. Je dois faire remarquer cependant que, pour que la relation indiquée puisse se manifester avec évidence, il faut qu'il y ait entre les dimensions des deux écailles une diffcrcnce assez notable, sans quoi il pourrait se faire (pie les variations purement accidentelles l'emportassent sur les variations dues à la différence de grandeur. Les tableaux en question nous permettent également de constater que le nombre des crêtes concentriques s'accroît d'une manière très- évidente avec l'âge, ce qui, du reste, est une conséquence directe de l'accroissement des écailles. Ainsi, tandis que chez une jeune Perche d'une longueur de 57 millimèlres le nombre des crêtes concentriques lie s'élève pas au delà de GO, dans une grande Perche de 33 centi- mètres le nombre des crêtes peut s'élever justiu'à 300 et au delà. Enfin un dernier fait que nos tableaux peuvent servir à mettre en évidence, c'est^quc chez la Perche le nombre des crêtes contenues ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 141 dans l'un ou l'autre des champs latéraux reste constamment inférieur au nombre des crêtes du champ antérieur. J'ai voulu m'assurer, en vue du mode d'accroissement des écailles, si l'écartement de deux crêtes voisines était susceptible d'offrir des variations corrélatives soit avec la grandeur des écailles, soit avec l'âge du poisson; j'ai été conduit à ce résultat que, si l'écartement des crêtes est- susceptible d'offrir de légères variations, celles-ci restent complètement indépendantes de la grandeur des écailles. Ainsi, sur une écaille de 1 miUimètre environ, prise sur le flanc d'une jeune Perche de 57 millimètres, l'écartement des crêtes du champ antérieur mesurait d'un centième à quinze millièmes de millimètre ; il s'éle- vait jusqu'à deux centièmes de millimètre pour quelques-unes des crêtes du champ latéral. Sur une autre écaille de 9 millimètres environ, prise sur le flanc d'une Perche de 33 centimètres, l'écartement des crêtes du champ antérieur et des champs latéraux mesurait également d'un centième à deux centièmes de millimètre, et cela pour toutes les crêtes, aussi bien celles de la portion centrale que celles de la portion périphé- rique. Chttïiq) postérieiw. — Le champ postérieur se distingue des autres champs de l'écaillé par des caractères tout particuliers : sa surface ne présente ni sillons ni crêtes concentriques; vers le bord elle est hérissée de petites dents (spinules), pointues, allongées, disposées sur deux rangs alternes : à chacune des spinules de ces deux rangées marginales succèdent d'autres spinules tronquées, lesquelles, en se plgiçant bout à bout, constituent des séries parallèles et plus ou moins convergentes vers le centre d'accroissement. Les spinules tronquées de ces séries convergentes ne sont pas 'également distinctes dans toutes les parties du champ postérieur. Dans le voisinage du bord libre, elles sont nettement séparées les unes des autres et elles possè- dent des contours parfaitement accusés ; mais, à mesure que l'on se porte du bord libre vers le centre d'accroissement, on voit ces spinules se confondre plus ou moins avec le tissu de la couche supérieure de récaille, leurs contours deviennent moins nets et leur présence ne se révèle que par un simple relief de la surface externe de l'écaillé. Ces reliefs, d'abord assez réguliers, finissent bientôt eux-mêmes par offrir des contours moins arrêtés, leurs limites deviennent de plus en plus vagues, et vers le centre d'accroissemenL ils finissent par se perdre Wi E. BAUDELOT. complètement au milieu des saillies mamelonnées qui recouvrent en ce point la surface de l'écaillé. En résumé, les spinules du champ postérieur peuvent être considé- rées comme formant deux sortes de séries : les unes parallèles au bord libre, transversales et disposées concentriquement; les autres centripètes, rayonnantes et plus ou moins convergentes vers le centre d'accroissement. La première spinule marginale de chaque série centripète est seule entière, toutes les suivantes sont tronquées. Comme, dans deux séries centripètes voisines, la première spinule est toujours placée un peu en avant ou un peu en arrière de la pre- mière spinule de la série voisine, il en résulte qu'il y a alternance entre toutes les spinules de deux séries rayonnantes contiguës; il en résulte encore que chacune des séries concentriques ne contient qu'un nombre de spinules égal h la moitié du nombre des séries rayon- nantes, et que les spinules appartenant à deux séries concentriques voisines alternent aussi entre elles. Pour procéder avec ordre dans l'étude du champ postérieur, nous nous occuperons successivement de la forme des spinules, de leur grandeur, puis de leur nombre, considéré dans ses rapports avec la position des écailles et avec l'âge du poisson. (a) Forme des spinules. — La forme des spinules est sujette à pré- senter des différences assez notables ; de là, pour la description, une certaine difficulté. Si d'abord nous portons notre attention sur les spinules entières les plus rapprochées du bord libre, nous constaterons que ces organes rappellent par l'ensemble de leur forme l'aspect d'un cùne très-effilé, plus ou moins dilaté vers sa base. Cette base, couplée très-obliquement, repose sur la couche profonde de l'écaillé, de telle sorte que la spinule se trouve couchée à peu près dans le plan de récaille. Un certain nombre de spinules paraissent coupées en travers à une certaine distance de leur base par une ligne obscure que l'on pourrait prendre pour une ligne de cassure transversale. En exami- nant les choses déplus près, on découvre que cette apparence est due î\ une illusion optique et que la ligne obscure en question n'est pas autre chose que le bord antérieur de la base vu pai' transparence à travers la substance cristalline de la spinule. Si la description qui précède peut suffire pour donner une idée généiale de la forme des spinules entières du bord libre, elle devient insuffisante lorsqu'il s'agit de comparer ces spinules aux spinules Iron- ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. WA quées qui se trouvent à leur suite dans chaque série centripète ; il devient donc nécessaire d'envisager les spinules d'une autre manière. Pour cela, considérons chaque spinule comme une pyramide à quatre pans, dont le sommet serait dirigé vers le bord libre de l'écaillé et la base vers le centre d'accroissement. Des quatre pans de la pyra- mide, l'un, supérieur ou externe, correspond par sa direction à la surface extérieure de l'écaillé; un autre, inférieur ou interne, corres- pond à sa surface interne ; les deux autres pans (pans latéraux de la spinule) se trouvent perpendiculaires au plan de l'écaillé. Les quatre pans ou faces de la pyramide ne sont pas exactement semblables. La face inférieure, arrondie dans la portion postérieure et libre de la spinule, s'aplatit en avant et se dilate parfois de manière à former deux sortes d'ailes latérales ; c'est par cette portion élargie que la face inférieure adhère à la couche profonde de l'écaillé. Les faces latérales sont arrondies dans la portion postérieure qui correspond à la partie libre de la spinule ; en avant, elles sont géné- ralement un peu excavées. La face supérieure, arrondie en arrière, s'aplatit quelquefois en avant et se dilate de manière à offrir l'aspect d'un T dont la branche trans- versale formerait sa limite basilaire. Quant à la base de la pyramide, elle est tournée vers le centre d'ac- croissement; cette base, de dimensions variables, est coupée plus ou moins régulièrement, et parait souvent excavée : elle se trouve pla- cée directement en regard du sommet, c'est-à-dire de la base anté- rieure ou petite base de la spinule tronquée qui vient après. ■* Par suite de la dilatation et des prolongements de la portion basi- laire des spinules, ces organes revêtent jusqu'à un certain point l'aspect de dents pourvues de racines plus ou moins développées. Je passe maintenant à l'étude des spinules tronquées : Les spinules tronquées ressemblent aux spinules que je viens de décrire, sauf cette seule différence, que toute la portion libre de la spinule a disparu. On peut donc les considérer comme des cônes tronqués, ou mieux encore comme des pyramides tronquées, dont la grande base serait tournée vers le centre d'accroissement et la petite base vers le bord libre de l'écaillé. Des quatre faces de cha- cun de ces troncs de pyramide, l'inférieure (interne), élargie, repose sur la couche profonde de l'écaillé ; son contour est souvent irrégu- lier et comme crénelé ; les faces latérales sont d'ordinaire un peu exca- iU E. BAUDELOT. vées, et plus ou moins obliques par rapport au plan de l'écaillé. La face supérieure (externe), plus étroite que l'inférieure, se dilate sou- vent en arrière en manière de T. La petite base du tronc de pjTamide, obliquement coupée, est d'or- dinaire visible dans toute son étendue ; sa coupe, irrégulièrement arrondie, quadrilatère ou Irapézoïde, présente l'aspect inégal d'une surface brisée. Cette petite base regarde vers la grande base de la spinule qui précède du côté du bord libre de l'écaillé. La grande base du tronc de pyramide est moins apparente ; elle est représentée par une surface irrégulière, tantôt convexe, tantôt concave, ou bien encore diversement coupée. {b) Dimensions des spinules. — On peut considérer les dimensions des spinules, soit dans une même écaille, soit dans des écailles différentes. Dans chaque écaille, les spinules, avons-nous dit, forment des séries concentriques et des séries centripètes. Dans chaque série concentrique, le volume des spinules varie peu en général ; cependant les spinules extrêmes du bord libre, c'est-à-dire celles qui confinent au champ latéral, sont d'ordinaire plus petites et ont une forme moins régulière que celles du milieu. Plusieurs de ces spinules se présentent sous l'aspect de petites pointes un peu arquées, qui forment le prolongement de quelques-unes des crêtes qui côtoient le bord du champ latéral. Dans chaque série centripète, les spinules vont en décroissant du bord libre vers le centre de Técaille ; néanmoins cette décroissance estjpeu rapide, et devient moins manifeste encore par suite de la dé- limitation peu tranchée du contoiu' des spinules à mesure qu'elles s'éloignent du bord libre. Lorsque l'on compare entre elles les spinules d'écaillés appartenant à des poissons d'âge très-différent, il est facile de constater que les dimensions des spinules, de même que celles de l'écaillé, s'accroissent avec la taille du poisson. Ainsi, dans une écaille de i millimètre envi- ron, pris(> sur le flanc d'une jeune Perche de 57 millimètres de lon- gueur, les plus grandes spiiuiles mesuraient de neuf à dix centièmes de millimètre. Dans une grande écaille de!) millimètres environ, prise sur le flanc d'une Perche de 33 centimètres, la longueur des spinules était de vingt-quatre centièmes de millimètre. Comme on le voit par cet exemple, si l'accroissement des spinules K(J.\ILLKS l)i:s POISSONS OSSEUX. US esl 1111 l'ait bien réel, d'aulrc part, cet accroissement ne s'effectue pas d'une manière proportionnelle à celui des écailles, (f). Nombre dei< spiiui/e.'^. — Avant d'aborder la question relative au nombre des spinules, je tiens à faire remarquer que mon but n'est point ici de procéder à un relevé exact des spinules du champ posté- rieur, mais simplement de faire connaître approximativement le nom- bre des spinules comprises soit dans l'une des séries concentriques, soit dans l'une des séries centripètes, afin de pouvoir constater quelles sont les variations qui peuvent se produire soit par le fait du changement de situation des écailles à la surface du corps, «oit par suite de l'âge du poisson. Le nombre des spinules des deux premières séries concentriques, nombre égal au nombre total des séries convergentes, nous sera fourni [)ar l'ensemble des spinules entières du bord libre. Variations du nombre des spinules du bord libre suivant les régions du corps. — Le nombre des spinules du bord libre est susceptible de pré- senter des variations très-considérables dans des écailles appartenant à des régions du corps différentes ; il est, au contraire, plus ou moins constant dans les écailles d'une même région. Ce sont les grandes écailles du flanc qui m'ont offert le nombre de spinules le plus élevé et le plus constant. Dans un certain nombre de ces écailles, recueillies sur le même poisson, j'ai trouvé les nombres suivants : 63, 65, 68, 69. Dans les écailles de la région comprise entre la nageoire anale et l'origine de la nageoire caudale, le nombre des spinules du bord libre est un peu moins élevé, comme l'indiquent les chiffres sui- vants : 42,44,45, 46,49, 52. Dans les petites écailles qui recouvrent la région ventrale en avant des nageoires abdominales, j'ai trouvé les chiffres que voici : 28, 31, 33, 35, 50. Dans les écailles qui recouvrent la portion supérieure de l'opercule, le nombre des spinules est assez variable. J'ai rencontré, en effet, dans ces écailles les nombres suivants : 0, 15, 26, 38. Dans les écailles qui tapissent la joue, c'est-à-dire cette région com- prise entre l'œil et le bord antérieur du préopercule, le nombre des spinules s'abaisse considérablement, et présente de grandes variations. Sur l'une de ces écailles j'ai compté 18 spinules, sur une autre 4, sur une autre 3; enfin dans la plupart d'entre elles, les spinules dispa- ARCH. DE ZOOL. KXP. ET GKN', — T. II. 1873. 10 im E. BAUDELOT. \ raissentcomplétemenl, de (elle sorte que ces écailles révèlent entière- ment le caractère des écailles cycloïdes. Ce que je viens de dire des écailles de la joue peut s'appliquer éga- lement aux écailles rudimenlaires qui recouvrent les rayons de la nageoire caudale ; non-seulement le nombre des spinules y est très- réduit, mais les spinules peuvent aussi faire complètement défaut. Variations de.-; sjjinii/cs du liard libri' avec Fat/f. — Le nombre des spinules du bord libre s'accroît d'une facDU très-notable avec l'âge et avec la taille du })oisson. Ainsi, dans une jeune Perche de 57 millimètres de longueur, dont les écailles mesuraient environ 1 mdlimètre, le nombre des spinules (lu bord libre ne (k'p;iss;iit pas 1 pi-opose d'étudier se inoidreni avec lieaucoup pins de niMlelé. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 155 rintci'ieur da ([uadrilatère. Un certain nombre de ces corpuscnles quadrilatères restent isolés ; la plupart s'unissent entre eux, soit par leurs angles, soit par leurs bords, de manière à constituer des amas d'un volume plus ou moins considérable. Tous ces corpuscules du centre de l'écaillé sont loin cependant d'offrir les mêmes dimensions. A côté des corpuscules quadrilatères les plus gros, on rencontre des corpuscules quadrilatères de dimen- sions moyennes et d'autres très-petits, ainsi que le montrent les me- sures suivantes prises sur un certain nombre de ces corpuscules groupés dans un très-petit espace vers le centre d'accroissement d'une grande écaille de 9 millimètres : 4. ,S, 20, 32, 36, 48, 60, 80, UO millièmes de millimètre. Les corpuscules quadrilatères de très- petite dimension se montraient en nombre relativement beaucoup plus faible que les corpuscules quadrilatères de moyenne et de grande dimensions. En faisant varier le foyer de l'objectif, j'ai pu constater que les cor- puscules les plus rapprochés de la face inférieure sont plus petits que ceu.x qui se trouvent situés à une plus grande profondeur dans le tissu de l'écaillé. Parmi les corpuscules (juadrilatères du centre on rencontre aussi quelques corpuscules elliptiques. Ces derniers, en s'unissant deux à deux, tantôt parallèlement à leur grand axe, tantôt perpendiculairement par rapport à ce même axe, c'est-cà-dire en croix l'un par rapport à l'autre, paraissent servir de noyau d'origine aux corpuscules quadri- latères. Entre les corpuscules quadrilatères subsistent des espaces libres où l'on distingue aisément le tissu propre de l'écaillé. Ce tissu est strié et paraît composé de plans superposés de fibres qui s'entre- croisent ;\ angle droit. Telle est la structure de l'écaillé vers le centre d'accroissement. A mesure que l'on se dirige de ce point vers le bord libre, les corpus- cules quadrilatères diminuent de volume et de nombre, et ils se trouvent remplacés sinon en totalité, du moins en majeure partie par des cor- puscules elliptiques d'abord disposés en groupes plus ou moins espa- cés, puis plus rapprochés, et enfhi assez serrés pour former une sorte de trame continue. Par l'effet delà pression réciproque qu'ils exercent les uns sur les autres, ces corpuscules se soudent entre eux et revêlent une im i;. MAI :i)i:L(ri'. roniic [)l(is ou luoinspulygonalo, ce ({ui donne au tissu de l'écaillé l'ap- parence d'un tissu de cellules plus ou moins lin, selon le volume des corpuscules composants. En faisant varier le loyer du microscope, on reconnaît aisément que cette trame de corpuscules est composée de plusieurs plans superposés. Tous les corpuscules d'un même plan ont leur grand axe dirigé dans le même sens ; les corpuscules de deux plans contigus sont orientés de telle façon que leurs grands axes s'entre-croisent le plus souvent à angle droit. Chacun des corpuscules ellipticpies olfre les caractères d'une sub- stance fortement réfringente, sans structure appréciable. Le volume des corpuscules s'accroît avec les dimensions de l'écaillé, par conséquent avec l'Age du poisson. Pour s'en convaincre, il suflil de mesurer la largeur des plus gros corpuscules quadrilatères qui occupent le centre de l'écaillé, sur des écailles provenant de Perches d'âge très-différent ; on obtiendra des résultats analogues à ceux que voici : Dans les écailles d'une petite Perche de o7 millimètres de longueur, écailles dont le diamètre était de I millimètre environ, les plus grands corpuscules du centre de l'écaillé mesuraient de 8 à IG millièmes de millimètre. Sur les écailles d'une autre Perche de !>8 millimètres de longueur, écailles dont le diamètre était en moyenne de 2""", 50, les plus gros corpuscules avaient de 3 à 4 centièmes de millimètre, en diamètre. Enfin sur les écailles d'une grosse Perche de 33 centimètres de lon- gueur, écailles dont le diamètre avait en moyennes à 9 millimètres, les plus gros cor[)uscules quadrilatères atteignaient jusqu'à 9 centièmes de millimètre. 12° Etude (le l'écailk' /Mif la (//ssfc//(iii. Avant de procéder àl'anatomie du tissu de l'écaillé, faisons remar- quer d'altord que la surface externe est formée d'une croûte calcaire, solide, très-résistante et qui se brise sous le scalpel ; la surface interne, au contraire, est composée d'un tissu, médiocrement résistant et qui se laisse entamer très-aisément parla pointe du scalpel. C'est donc de ce dernier côté qu'il faudra opérer la dissection. Lorsque l'on dissèque le tissu de l'écaillé, on reconnaît que ce tissu se décompose en une série de feuillets superposés et d'une minceur extrême ; ces divers feuillets adhèrent entre eux d'une façon plus ou moins marquée, suivant qu'ils appartiennent à telle ou telle portion ftCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 1S7 de l'écuilk'. Ainsi dans ki portion centrale de l'écaillé et dans les cou- ches les plus superticielles (les plus internes) l'adhérence des feuillets entre eux est faible ; dans tout le pourtour de l'écaillé, au contraire, l'adhérence des feuillets devient beaucoup plus considérable, de telle sorte qu'il est à peu près impossible de les séparer sans déchirure. Les feuillets profonds de l'écaillé, c'est-à-dire ceux qui sont les plus voi- sins de la couche calcaire externe, sont aussi plus denses et moins aisément isolablcs que ceux qui se trouvent plus rapprochés de la couche interne. Gomme il n'est guère possible d'obtenir par la dissection des feuillets mesurant toulc la largeur de l'écaillé et d'une minceur suffisante pour être étudiés avantageusement sous le microscope, voici le procédé dont j'ai fait usage. Au moyen du scalpel, je circonscris, sur la face interne de l'écaillé et dans des points correspondants à ses différentes régions, de petits lambeaux soit triangulaires, soit quadrilatères ; puis, à l'aide d'une pointe déliée et de fmes pinces je décompose chacun des lambeaux ainsi délimités en feuillets le plus minces possible, que je porte ensuite sous le microscope pour en étudier les éléments. Au lieu de détacher des lambeaux sur divers points d'une même écaille, on peut aussi découper l'écaillé en un certain nombre de frag- ments, que l'on décompose ensuite en feuillets plus ou moins nom- breux, en agissant sur la tranche de chaque fragment au moyen d'un instrument très-acéré. En procédant comme je viens de l'indiquer, je suis arrivé ;i recon- naître d'une manière sufiisamment nette, non-seulement quel est le mode de composition de l'écaillé dans son épaisseur, mais encore quel est son mode de structure dans les diverses portions de son étendue. Je passe maintenant à l'exposé des résultats que j'ai obtenus. Structure du champ antérieur. — Première observation. — Écaille de 9 millimètres de diamètre environ ; lambeau rectangulaire corres- pondant au foyer de l'écaillé, de 3 millimètres dans le sens transver- sal, de 1 millimètre et demi dans le sens antéro-postérieur. Sur une première lamelle extrêmement mince, détachée de la surface interne de ce lambeau, le tissu se montre transparent et formé 1B8 E. BAUDELOT. de fibres entre-croisées à angle droit. Ce tissu ne renferme pas de cor- puscules ou seulement quelques corpuscules très-petits et très-rares. Sur une seconde lamelle prise immédiatement au-dessous de la pré- cédente et composée elle-même de plusieurs feuillets, les corpuscules apparaissent en assez grand nombre. Ces corpuscules, pour la plupart ellipti(iues et de dimensions peu considérables, se trouvent mélangés avec un certain nombre de corpuscules quadrilatères également d'assez faible dimension. Ces divers corpuscules se montrent en gé- néral largement espacés ; voici les dimensions de quelques-uns de ces corpuscules. Corpuscules ovalaircs. Grand diamètre. petit diamètre Millim. Millim. 0,008 0,004 0,012 0,006 0,016 0,008 0,020 0,012 0,052 0,020 Corpuscules quadrilatères. Dimensions de l'un des côtés. Millim. 0,008 0,012 0,020 0,024 0,028 0,032 0,030 Le tissu de l'écaillé dans lequel se trouvent plongés ces corpus- cules est également formé de plans de libres entre-croisées à angle droit. Sur une troisième lamelle prise immédiatement au-dessous de la précédente et composée également de plusieurs feuillets, les corpus- cules elliptiques diminuent considérablement de nombre et se trou- vent remplacés presque en totalité par les corpuscules quadrilatères. Ces derniers, de très-grande dimension, occupent la plus grande partie du tissu de l'écaillé et s'y montrent disposés comme des blocs de pierre entassés les uns sur les autres .sans auciui ordre apparent. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 159 Les chiffres suivants pourront servir à donner une idée du volume de ces corpuscules quadrilatères. Dimensions de l'un des côtés. Miliim. 0,010 rares, 0,0S2 0,040 0,048 tiès-iiombreux. 0,064 vSur une quatrième lamelle prise immédiatement au-dessous de la précédente et composée comme elle de plusieurs feuillets, les corpus- cules quadrilatères acquièrent encore des dimensions supérieures à celles que je viens d'indiquer; par suite de leur volume et de leur abondance, ils remplissent pour ainsi dire tout le tissu de l'écaillé, qui se montre, comme précédemment, formé de plans de fibres entre-croisées à angle droit. Voici les dimensions de deux de ces corpuscules quadrilatères : Dimensions de l'un des cotés. 0,080 0,100 Les lamelles suivantes, également très-riches en corpuscules qua- drilatères, présentent une consistance de plus en plus marquée et conduisent insensiblement jusqu'à la couche externe, qui forme une croûte calcaire solide, d'un aspect vitreux et sans structure appré- ciable. Deuxième ohiiervation. — Même écaille que dans l'observation pré- cédente. Lambeau trapézoïde, découpé dans le champ antérieur, à 2 millimètres environ en avant du centre d'accroissement ou de la limite du champ postérieur. €e lambeau, de I millimètre d'étendue dans le sens antéro-postérieur, comprend toute la largeur du champ antérieur. Une première lamelle extrêmement mince, détachée de la face interne, renferme quelques rares corpuscules disséminés à de grandes distances les uns des autres. J60 E. BAUDKI.ÔT. Voici les mesures de quelques-uns de ces curpuscules : Corpuscules elliptiques. Grand diaraèl Mlllim. 0,012 0,020 0,03t; e. Petit diamètre. MilliiD. 0,008 0,012 0,018 Coi 'puscu les qaachi lalhi's. Dimeusions de l'un des côtés Millim. 0,008 0,012 Sur une deuxième lamelle exlrômement mince, prise immédiate- ment au-dessous de la précédente, mais composée cependant de plu- sieurs plans de fibres entre-croisées, on distingue un certain nombre de corpuscules ovalaires et quadrilatères. Ces corpuscules sont très-clair- semés et pour la plupart largement espacés. Sur certains points cependant on voit quelques corpuscules groupés par deux, par trois ou davantage. En un point, j'aperçois trois corpuscules elliptiques soudés bout à bout, de manière à former une sorte de tige noueuse ; sur un autre point, deux corpuscules quadrilatères soudés par un de leurs angles ; sur un troisième point, deux corpuscules ovalaires, de volume inégal, soudés par le côté. Voici les dimensions de quelques-uns de ces corpuscules : Corpuscules etlipliques. Grand diamètre. Millim. O.OIG Petit diamètre Millim. 0,008 0,020 0,044 0,008 0,020 Corpuscules quadril a ter es. Dimensions de l'un des côtés. Millim. ■ 0,028 O.OtJO 0,004 Une troisième lamelle, d'une certaine épaisseur et composée de plusieurs feuillets, renferme un nombre considérable de corpuscules ECAILLES l)i:S POISSONS OSSEUX. 161 quadrilatères de grande dimension. Ces corpuscules constituent des groupes étendus qui occupent la majeure partie du tissu de l'écaillé. Les corpuscules que j'ai mesurés m'ont offert les dimensions que voici : Corpuscules quadrilalères. Dimensions de l'un des côlés. Millim. 0,044 0,050 . 0,004 0,0S0 Une quatrième lamelle, assez épaisse et composée de plusieurs plans de fibres entre-croisées à angle droit, m'a offert les carac- tères suivants : sur l'un des coins de la lamelle on aperçoit quel- ques gros corpuscules, comme dans la lamelle précédente. Dans le reste de la lamelle, le tissu de l'écaillé est rempli par une multitude de corpuscules ovalaires, soudés bout à bout et d'assez faible dimen- sion. Ces innombrables corpuscules, en se pressant les uns les au- tres, ont acquis une forme plus ou moins polyédrique, ce qui donne au tissu de l'écaillé l'aspect d'un tissu cellulaire très-serré. On peut distinguer plusieurs plans de corpuscules superposés et constater que dans deux plans contigus les corpuscules sont orientés de telle sorte (jue leurs grands axes se trouvent perpendiculaires l'un à l'autre. Voici les dimensions de quelques-uns de ces corpuscules polyé- driques : . . . Grand diamètre. Petit diamètre Millim. Millim. 0,012 0,0(18 0,024 0,012 0,028 0.012 Une cinquième lamelle, détachée immédiatement au-dessous de la précédente , montre comme celle-ci plusieurs plans de corpus- cules superposés. Ces corpuscules polyédriques, mais plus petits que dans la lamelle précédente, constituent également en se soudant ensemble une sorte de tissu cellulaire à mailles très-serrées. Dans la portion de la lamelle la plus éloignée du centre d'accroissement, les corpuscules ne dépassent guère A millièmes de millimètre. Une sixième et dernière lamelle, assez épaisse, comprend avec elle la couche calcaire externe. Cette lamelle, composée de plusieurs ARCH. DE ZOOL. EXP. ET r,ÉX, — T. II. 1873. 11 i(i2 !•:. j5.\ri)i;L0T. ])lans (le lil)res et do corpuscules superposes, possède un (issu très- deuse. Dans ce tissu, on aperçoit sur un premier plan une trame de corpuscules polyédriques formant un réseau encore plus serré que dans la lamelle précédente. En faisan l varier le foyer de l'objectif, de manière à dislint-iicr les couches plus profondes, on constate que ces couches sont formées d'un amas de m(tl<'M-nl('s calcaires variant de 2 à i millièmes de millimètre. TroiAfhne oùsei-vat/'on. — Même écaille ((ue dans l'observation pré- cédenle. Lambeau trapézoïde de i millimètre de largeur, celle-ci étant prise dans le sens du rayon. Ce hunbeau, taillé immédiatement en avant du précédent, c'est-à-dire plus près du bord antérieur de l'écaillé, est distant de 3 miHimètn>s environ du foyer ou de la limite du champ postérieur. Une i)remière lamelle très-mince est détachée de la face inférieure. Celle lamelle, formée de i)lusieurs plans de fibres entre-croisées, ne présente pas le mémo aspect dans toute son étendue. Dans la portion la plus rapprochée du foyer, les corpuscules sont rares et assez volu- mineux; dans la portion opposée, ils deviennent extrêmement abon- dants et beaucoup plus petits ; étant très-serrés, ils prennent un aspect polyédrique, se soudent entre eux et constituent une sorte de réseau d'apparence cellulaire. Les corpuscules api)arlenanl à des plans diffé- rents s'entre-croisent sous divers angles. Voici quelques mesures qui pourront servir h préciser les faits que je viens (rindi(iuer. Corintsriih's ohsrrvi's dans la mnUic de la hnurllr la phi^ rapprocher du foijcr. Crand diamèlre. Ppiil diaiiif'tre. Millini. MlUiin. (),()-28 i),i\\-l 0,024 0,01'. 0,010 o.oos 0,012 O,00li CorpyscuJex ohanTrs danx la pnrlion de la lawelle la phix èloiqnée du foyer. Millim. iMillim. 0,010 • (»,00ti . — -. . 0,008 O.OOi o.oot; o.oo'i Sur une deuxième lamelle, également mince, prise immédiatement au-dessous de la précédente, les corpuscules présentent la môme dis- ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 163 position générale que dans la première lamelle. Dans la portion de la lamelle tournée du coté du foyer, les corpuscules sont assez clair- semés et de plus grande dimension ; dans la portion opposée, ils sont très-serrés, polyédriques, soudes ensemble et constituent une sorte de trame celluleuse. Aux corpuscules elliptiques se trouvent mêlés quelques corpuscules quadrilatères. Considérés dans leur ensemble, les corpuscules de cette seconde lamelle surpassent un peu en volume les corpuscules de la lamelle précédente. Corpuscules observés dans la porlion de la Jamelle la plus rapprochée du foyer, Corpnscii les inril aires. Grand diamèlre. Millim. Petit diamètre Millim. 0,044 D.OOO 0,020 II.OlO 0,014 0.008 Corpuscules quadri alères. Dimensions de l'un des côtés. Millim. 0,032 0,02C o.ok; Les corpuscules observés dans la porlion de la lamelle la plus éloi- gnée du foyer présentent des dimensions moyennes beaucoup plus faibles. Une troisième lamelle détachée immédiatement au-dessous de la précédente et assez épaisse, présente dans toute son étendue une trame de corpuscules polyédriques, soudés les uns aux autres, en manière de réseau celluleux. Les mailles de ce réseau sont beaucoup plus larges dans la portion de la lamelle tournée vers le centre dViccroissement que du côté opposé, où le tissu de corpuscules est assez serré. D'une manière générale, les corpuscules de cette troi- sième lamelle surpassent encore en volume ceux de la seconde lamelle. Voici quelques dimensions : Corpuscules observés dans la portion de la lamelle la plus rapprochée du foyer. Corpuscules ovalaires. Grand diamètre. Millim. Petit diamètre Millim. 0,060 0,032 0,040 0.02 i Kii E. BAUDELOT. Corpuscules quadrîlalcres. Dimensions de l'uu des côtés. IVIilIiin. 0,05t; (»,04(t Une quatrième lamelle, prise immédiatement au-dessous de la pré cédente et assez épaisse, renferme dans toute son étendue une trame de corpuscules polj'édriques. Ces corpuscules sont plus volumineux dans la portion tournée du côté du centre d'accroissement que du côté opposé. Dans leur ensemble, les corpuscules de cette lamelle offrent des dimensions notablement moindres que celles des corpuscules de la lamelle précédente. Une cinquième lamelle, très-épaisse, comprend la couche calcaire de la surface externe. Cette couche renferme une trame de corpus- cules polyédriques très-serrés et très-petits. Ces corpuscules de 4 cen- tièmes à 8 centièmes de millimètre finissent par dégénérer en un tissu de molécules calcaires d'une extrême finesse. Quatrihne oJiservation. — Môme écaille que dans l'observation pré- cédente. Lambeau trapézoïde de 1 millimètre environ de largeur dans le sens antéro-postérieur, de 3 millimètres dans le sens transversal. Ce lambeau, taillé immédiatement en avant du précédent, c'est-à-dire entre lui et le bord antérieur de l'écaillé, descend jusque vers le milieu des festons qui occupent ce bord. ■ ' ' Une première lamelle, d'une certaine épaisseur, est détachée de la face interne. La difficulté d'obtenir cette lamelle intacte et de l'isoler sans déchirure des couches plus profondes, indique de prime abord que la texture de l'écaillé doit différer en ce point de celle qui existe dans les parties plus rapprochées du centre d'accroissement. ■ En soumettant au microscope la lamelle ainsi obtenue, on peut constater aisémeut qu'elle se compose de plusieurs plans fibreux, entre- mêlés d'une multitude de corpuscules de très-petite dimension. Les éléments du tissu fibreux présentent ici une remarquable disposition. Tandis que dans les portions de l'écaillé moins éloignées du centre, les phms fibreux superposés sont composés de fibres entre-croisées à angle droit, cl qu'ils peuvent s'isoler aisément les uns des autres, ici ECAILLES DES POISSONS OSSEUX. 16n les divers plans de fibres paraissent enchevêtrés les uns aux autres, de telle façon qu'vui plan de libres, d'abord superficiel, semble ensuite i;agner les couches plus profondes de l'écaillé. En même temps, les libres, au lieu de suivre un trajet rectiligne, décrivent des courbes plus uu moins prononcées, en arc, en S, ou bien en forme d'anses presque fermées ; sur certains points, on voit deux ou trois courbes s'adosser par leur convexité et produire des espèces de tourbillons. Dans chaque plan fibreux, représenté par un faisceau plus ou moins large, les libres restent parallèles les unes aux autres ; les fibres appartenant à des faisceaux différents se coupent, au contraire, sous des angles extrêmement variés. Le trajet de tous ces faisceaux ou plans fibreux est extrêmement compliqué et des plus difficiles à démêler. Ainsi, par exemple, les faisceaux de fibres qui rayonnent du centre vers la périphérie, ne des- cendent directement qu'en partie dans les festons correspondants. Une autre partie de ces mêmes faisceaux, après être descendue d'abord dans la direction d'un feston, s'écarte ensuite de sa direction primi- tive pour se porter, par un trajet oblique et en ligne courbe, dans un feston voisin ou dans un feston plus éloigné. D'autres faisceaux se por- tent en manière d'écharpe au-dessus de la base des festons, tantôt transversalement, tantôt en décrivant une courbe plus ou moins parallèle à celle du bord libre des festons. Enfin, on voit des faisceaux de fibres se porter d'un feston, à l'autre, en décrivant une sorte d'ar- cade à courbure inverse de celle du bord de ces festons, par consé- quent parallèle au bord des échancrures qui séparent les festons les uns des autres. Les corpuscules qui se trouvent associés à ces divers plans fibreux, sont extrêmement nombreux, et pour la plupart d'une extrême peti- tesse. Ceux que l'on observe dans la portion delà lamelle la plus rap- prochée du bord de l'écaillé se réduisent à des molécules calcaires dont le volume dépasse à peine 1 millième à 2 millièmes de milli- mètre. Ceux qui occupent la région opposée, c'est-à-dire la plus rap- prochée du centre de l'écaillé, possèdent des dimensions suffisantes pour permettre de constater que leur grand axe se trouve toujours orienté suivant la direction des faisceaux auxquels ils appartiennent. Je n'ai pu obtenir qu'avec peine par la dissection des fragments d'une seconde lamelle prise immédiatement au-dessous de la précé- dente. Ce fait seul suffirait déjà pour admettre un enchevêtrement des plans fibreux. L'examen microscopique m'a permis de constater 106 H. bAUDKLOJ. que les faisceaux libreux présentaient ici un trajet non moins com- pliqué que dans la lamelle précédente. Les corpuscules sont égale- ment très-nombreux et de très-petite dimension. CiiKjuièiiif ohervathni , relative à la slructiu'c des festons de récaille. Au moyen d'une incision transversale passant par la base de l'un des festons, c'est-à-dire par le sommet des deux échancrures qui séparent ce feston des festons voisins, je circonscris sur la face interne de l'écaillo un lambeau qui comprend toute l'étendue d'un feston. En essayant, comme dans les observations qui précèdent, de détacher une lamelle de la surface de ce lambeau, on ne parvient qu'à obtenir des fragments de tissu, dont l'examen fournit peu de résultats; force est donc de recourir à un autre procédé. Yoici celui que j'ai adopté, et auquel je dois d'avoir pu constater des faits du plus haut intérêt. A l'aide de l'extrémité tranchante d'un scalpel, je racle sous la loupe la surface interne du feston, en allant du centre vers la péri- phérie et de manière à enlever les couches de tissu les plus superfi- cielles. Afin de rendre l'observation plus facile, j'ai soin au préa- lable de gratter la face externe de l'écaillé, de manière à en faire disparaître les crêtes et autres inégalités. Cela fait, voici ce que l'observation microscopique nous apprend : Chaque feston se compose de faisceaux fibreux superposés et comme emboîtés les uns dans les autres. Les fibres de ces faisceaux se portent de la base du feston vers son sommet en suivant un trajet coui'be ou rectiligne. Vers le milieu du feston se trouve une grosse niasse libreuse dont les fibres, issues de tous les points de la base du feston, convergent vers la ligne médiane à peu près comme les fdDres d'un nmscle vers son tendon. ¥a\ dehors de cette masse libreuse moyenne existent des faisceaux latéraux dont les fibres, issues égale- ment de la base du feston, descendent en suivant un trajet plus ou moins parallèle à la direction des bords latéraux. Je dois ajouter, du reste, que les faisceaux latéraux et la masse fibreuse moyenne ne constituent point des parties distinctes, mais se confondent de ma- nière à former un tout continu. Si l'on essaye de poursuivre jusqu'à leur terminaison les libres de tous ces faisceaux, on constate que ces libres arrivent toutes suc- cessivement en contact avec la couche la plus externe de l'écaillé. Parvenues en ce point, elles changent brusquement de direction, se coudent à angle presque droit, et, marchant dans un plan parallèle ÉCAILLHS DKS l'OlSSUNS OSSEUX. 467 à celui de hi sm-l'ace externe, elles suivent un trajet correspondant à celui des ci'ètes concentriques de la face externe. Sixièiiu' observatiun. — Lambeau rectangulaire, taillé d'arrière en avant, en allant du centre d'accroissement vers le ])ord antérieur de récaille. Ce lambeau qui comprend toute l'étendue du chanq) anté- rieur, ofl're environ 2 millimètres de largeur, c'est-à-dire la largeur de deux lestons (écaille de 0 millimètres). Une première lamelle détachée de la lace inférieure nuus a permis de constater les faits suivants-: Dans une grande partie de son étendue, celle qui regarde du cùlé du centre d'accroissement, cette lamelle se sépare aisément des cou- ches plus profondes, mais en se rapprochant davantage de l'origine des festons, l'adhérence au tissu sous-jacent devient plus étroite d'abord, pui^^ tellement intime, qu'il est impossible de pousser la sépa- ration plus loin sans déterminer une déchirure de la lamelle. Si l'on soumet au microscope la lamelle ainsi obtenue, on constate que toute la zone correspondant à la portion centrale de l'écaillé est formée d'un feuillet mince parfaitement transparent, d'une épaisseur à peu près uniforme et composé de fibres qui s'entre-croisent à angle droit ; la portion opposée de la lamelle, au contraire, est formée de faisceaux libreux superposés en couches d'inégale épaisseur ; les fibres de ces faisceaux suivent poui' la plupart un trajet courbe, et en se groupant en masse continue, elles affectent une disposition plus ou moins convergente suivant l'axe de chaque feston. On voit aussi les fibres des divers faisceaux s'entre-croiser entre elles sous des angles plus ou UKjins aigus. Quant aux corpuscules contenus dans la lamelle, nous avons i)u constater aisément ce fait, déjà reconnu dans l'étude que nous avons faite de l'écaillé par transparence, à savoir : que les corpuscules vont en diminuant de volume, du centre vers la périphérie. Dans la moi- tié environ de la lamelle, celle qui regarde vers le centre, on distingue des corpuscules quadrilatères et quelques corpuscules ovalaires ; ces divers corpuscules, d'un volume plus ou moins considérable, se trou- vent assez largement espacés et n'occupent qu'une portion limitée du tissu de l'écaillc ; dans l'autre moitié de la lamelle, les corpuscules sont, au contraire, en nombre très-considérable : primitivement ova- laires. mais étant pressés les uns contre les autres, ces corpuscules ont revêtu une forme plus ou moins polyédrique; par le fait de la J6K K. lu U DE LOT. décroissance rapide de leur volume à mesure qu'ils se rapprochent du bord, ils ne lardent pas à dégénérer en molécules d'une extrême finesse. Le passage de la zone centrale (|ui renl'erme des corpuscules qua- drilatères et assez largement espacés, à la zone périphérique où se trouvent des corpuscules ovalaires disposés en trame continue, se fait d'une façon assez brusque. Les corpuscules d'abord assez clair-semés, commencent par former (iuel((ues groupes très-serrés, puis ils se montrent presque subitement en quantité innombrable. Au-dessous de la première lamelle, j'ai pu détacher un certain nombre d'autres lamelles, qui toutes m'ont présenté des faits analo- gues à ceux que j'ai exposés plus haut à savoir : un isolement plus facile de la lamelle dans sa portion centrale que dans sa portion périphérique et une décroissance de volume des corpuscules en allant du centre vers le bord festonné. En cherchant à me rendre compte de la terminaison des lamelles dans leur portion périphérique, je suis parvenu à reconnaître que chacun des feuillets superposés est loin d'offrir une égale étendue, mais que ceux-ci sont d'autant plus étroits qu'ils sont plus rapprochés de la face externe : tous viennent aboutir successivement à la couche externe de l'écaillé, où leurs fibres jusque-là rayonnantes changent subitement de direction pour entrer dans le plan de cette couche externe et suivre un trajet plus ou moins parallèle à celui des crêtes concentriques. Ce qui pourrait servir à démontrer qu'il en est bien ainsi, c'est que, si, après avoir enlevé quelques lamelles, on vient à gratter par sa face interne et de manière à atteindre la couche externe la portion péri- phérique du segment rectangulaire découpé sur la face interne, on voit d'ordinaire la couche externe se briser de manière à ofi'rir un nouveau contour festonné, dont les lobes plus petits ont leurs bords parallèles à ceux des lobes du bord antérieur. Les six observations qui |)récèdcnt sont toutes relatives à la struc- ture du champ antérieur ; les observations qui suivent ont pour but de montrer que sous le rapport de la structure le champ postérieur et les champs latéraux olfrent avec le champ antéxùeur la plus com- l)lète ressemblance. Stuuctl're du champ l'OSTÉRiEUR. — Sojjtihne ofm'niafmi. — Écaille de !) millimètres. Lambeau rectangulaire taillé dans le champ postérieur KCAILLES DES POISSONS OSSEUX. KV.I immédiatement en arrière de la ligne qui forme la limite antérieure de ce champ. Dimension du lambeau d'avant en arrière. 1 millimètre ; dimension transversale, 3 millimètres. Sur une première lamelle très-mince, transparente , composée de fibres entre-croisées, se montrent des corpuscules très-clair-semés, isolés ou bien disposés par petits groupes. Prescpie tous ces corpus- cules sont evalaires et m'ont oflert les dimensions suivantes : Corpuscules ovalaives. Grand diamètre. Millioi. Petit diamètre Millim. OJIi^'l OjOlti (),02il 0,01-2 0,0 J -2 0,008 0,01(1 o,00o Parmi les corpuscules ovalaires se trouve an corpuscule ({uadrila- tère mesurant sur l'un de ses côtés 5 millièmes de millimètre. Sur une deuxième lamelle assez mince et composée de plusieurs plans de fibres entre-croisées, les corpuscules sont très-nombreux, ils forment des groupes étendus, et en se pressant les uns les autres ils se soudent plus ou moins entre eux. Leur volume est notablement su- périeur à celui des corpuscules de la lamelle précédente. En outre, tandis (]ue dans la première lamelle il n'y avait pour ainsi dire que des corpuscules elliptiques sans mélange de corpuscules quadrilatères, dans cette seconde lamelle, au contraire, il n'y a, pour ainsi dire, que des corpuscules quadrilatères et seulement un très-petit nombre de corpuscules elliptiques. ■ . - • Voici les dimensions de quelques-uns de ces corpuscules quadri- latères. Dimensions de rua des côtés, Millim. 0,012 O.Olfi 0,0-24 0,040 0,048 Sur une troisième lamelle assez épaisse et composée de plusieurs plans défibres entre-croisées, le tissu de l'écaillé se montre rempli par une multitude de corpuscules quadrilatères ou polyédriques de très- grande dimension. Ces corpu-^rnles paraissent l'emporter encore en 170 E. BAL'DKLOT. voliiiiie sur ceux do la lamelle prccédenLc. L'uu de ces corpuscules quadrilatères mesure sur l'uu des deux côtés m"a douué 50 millièmes de uiilliuii'tre. Les corpuscules de la portion moyenne de la lamelle sont plus vt)lumiiicux (pie ceux qui occupent ses deux extrémités. Sur une quatrième lamelle assez épaisse, i)rise inmiédiatcment au- dessous de la précédente etconqjosée de pkisieui's plans de libres entre- croisées, les corpuscules conservent à peu près l(>s mêmes caractères et la même disposition que dans la lamelle précédente. Les corpus- cules delà portion moyenne de la lamelle sont également beaucoup l)lus volumineux (pie ceux (pii apparliciment aux deux extrémités latérales. Ces derniers, en se pressant les uns les autres, constituent une sorte de tissu réticulé à mailles polygonales. Sur une cinquième et dernière lamelle comprenant dans son épais- seur la couche calcaire externe, la structure offre une très-grande ressemblance ave(^ celle de la lamelle précédenkï ; seulement les cor- puscules sont beaucoup moins distincts. H((it/hi(i' (thscfrafioa. — Ecaille de i) luillimcdres. Lambeau rec- tangulaire taillé dans le champ postérieur sur la ligne médiane de l'écaillé. Ce lambeau allongé d'avant en arrière, commence au niveau de la ligne transversale qui l'orme en avant la limite du (diamj) posté- rieur, il s'étend en arrière jusqu'à une l'aible dislance du bord libre, sa largeur est de 1 millimètre environ. Une première lamelle très-mince est détachée de la surface interne. En effectuant cette opération, on peut constater (pie la lamelle ne peut être détachée jus(ju'au hord libre , mais que malgré toutes les précautions elle st; déchire à une certaine distance de ce bord. Comme nous le verrons plus loin, ce fait est le résultat de l'union plus intime en ce poiiil du tissu delà lamelle au tissu sous-jacent. Si l'on examine sous le microscoi)e la lamelle en question, on constate (pie dans la portion tournée du c(jté du cenli'c, elle est d'une épaisseur uniforme, très-transparente et com[)os(''e de fibres entre- croisées à angle droit; dans sa portion externe, au contraire, la la- melle perd de son uniformité, et le tissu fil)reux qui la com})ose pré- sente une texture beaucoui) plus compli(pu''e. Les libres jusque-là rayonnantes convergent les unes vers les autres, de manière à se grou- j)er en larges faisceaux; les libres transversales constituent, soit des ECAILLES DES FOlSSUiNS OSSEUX. 171 faisceaux parallèles au bord libre, soit des arcades à convexité tour- née vers le centre et dont les extrémités vont se perdre dans les fais- ceaux de libres convergentes. Tous ces divers faisceaux en s'cntre-croi- sant sous des angles variés constituent un tissu extrêmement difficile à démêler. (juant aux corpuscules répandus dans la lamelle, ils sont fort peu nombreux et très-clair-seraés dans la portion centrale ; leur forme est ovalaire, mais tendant à la forme rectangulaire. Dans la portion péri- phérique, les corpuscules deviennent extrêmement nombreux ; ils forment d'abord de petits groupes isolés; ces groupes devenant en- suite ])lus étendus et se réunissant entre eux, le tissu de la lamelle se montre alors occupé par un véritable réseau de corpuscules. Ces cor- puscules vont en diminuant graduellement de volume du centre vers le bord extérieur de la lamelle oii ils deviennent très-petits, et en même temps assez difficiles à distinguer par suite de l'enchevêtrement des faisceaux fibreux. Sur une deuxième lamelle assez épaisse, les faits constatés relati- vement à l'agencement du tissu fibreux, se présentent à peu près avec les mêmes caractères que dans la première lamelle. Dans la por- tion de la lamelle tournée du côté du centre, les plans fibreux se composent de fibres entre-croisées à peu près à angle droit ; dans la portion périphérique de la lamelle, le tissu est constitué par des fais- ceaux entrelacés sous divers angles et formant soit des arcades, soit des groupes de fibres convergentes ; ces derniers m'ont paru destinés à chacune des spinules du champ postérieur. Les corpuscules vont également en diminuant ûu centre vers la périphérie. Dans la portion centrale de la lamelle, les corpuscules de forme quadrilatère possèdent un volume très-supérieur à celui qu'ils offraient au même point dans la première lamelle. Ces corpuscules sont aussi plus abondants et ils remplissent presque tout le tissu de la lamelle. Dans la portioi;i périphérique, les corpuscules se constituent en amas très-serrés pour former soit une sorte de tissu réticulé, soit un sablé très-fin de molécules calcaires. Sur une troisième lamelle, la disposition du tissu fibreux rappelle celle de la lamelle précédente ; seulement les corpuscules sont plus petits et plus serrés dans la portion centrale de la lamelle. Sur une quati'ième et dernière lamelle très-épaisse, comprenant la 172 I'. BAUDKLOT. couche calcaire externe , la disposition du tissu fibreux apparaît avec netteté. Dans la portion la plus rapprochée du bord libre, on voit les faisceaux tibreux s'entre-croiser, décrire des courbes en arcades et pénétrer dans la base des spinules. Sur cette dernière lamelle on peut également constater que les divers plans fibreux superposés s'étendent à des distances inégales du bord libre, et que ces plans sont d'autant plus étendus qu'ils sont plus voisins de la face interne. On voit, en effet, la portion restante des lamelles arrachées se succéder connue des gradins du bord libre vers le centre de l'écaillé. Structure des champs latéraux. — Neiwmne ttlmrtmlio.i. —Lam- beau rectangulaire de i millimètre de largeur, étendu transversalement du centre d'accroissement vers le bord du champ latéral. Sur une première lamelle assez mince, le tissu, dans la portion tournée du côté du centre d'accroissement, est formé de fibres entre- croisées à angle droit; du côté opposé, c'est-à-dire dans le voisinage du bord périphérique de la lamelle, les fibres des divers plans fibreux superposés s'entre-croisent sous des angles plus ou moins aigus, et elles se recourbent pour prendre une direction longitudinale parallèle au bord du champ latéral, par conséquent parallèle aux crêtes con- centriques. Dans la portion centrale de la lamelle, le tissu est transparent et renferme de rares corpuscules elliptiques, dont les plus grands mesu- rent environ : ilrand diamètre, Petit diamètre. Millim. Milliiii. ■ " ' 0,028 0,0 it; Vers le milieu de la longueur de la lamelle, ces corpuscules dimi- nuent rapidement de volume ; en môme temps ils deviennent beau- coup plus nombreux ; ils forment d'abord de petits groupes ([ui, en s'étendanl de plus en plus, finissent par remplir tout le tissu de la lamelle. Les corpuscules continuent à décroître en volume à mesure qu'ils se rapprochent du bord ; ils se réduisent finalement à un sablé de molécules calcaires d'une extrême finesse. Sur une deuxième lamelle très-épaisse et conq)osée de plusieurs plans fibreux superposés, l'agencement des fibres se présente avec les mômes caractères (pie dans l;i |)rennère lamelle. Les corpuscules KCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 173 offrent des dimensions relativement beaucoup plus considérables. Dans la portion de la lamelle tournée du côté du centre, les corpus- cules, très-nombreux et de forme quadrilatère, se trouvent associés à un certain nombre de corpuscules elliptiques ; quelques-uns de ces corpuscules m'ont offert les dimensions suivantes : Corpuscules dlipliques. Grand diamètre. Petit diamètre. .Millim. Millim. 0,028 0,01t> 0,040 0,028 Corpuscules quadrilalères. Dimensions de l'un des côtés. iMillim. 0,028 0,040 0,032 Un certain nombre de corpuscules elliptiques se montrent dilatés dans leur portion moyenne de manière à offrir une saillie anguleuse aux deux extrémités de leur petit diamètre. Il résulte de là qu'il y a passage, transition insensible pour ainsi dire, des corpuscules ellip- tiques aux corpuscules quadrilatères. Comme dans la première lamelle, les corpuscules vont en diminuant de volume et s'accroissent en nombre du centre vers la périphé- rie. Aux grands corpuscules quadrilatères succèdent de nombreux corpuscules ovalaires qui, en se multipliant et en se pressant les uns les autres, constituent une sorte de tissu réticulé d'autant plus lin qu'il se trouve plus rapproché du bord périphérique de la lamelle. Enfin apparaît le sablé de molécules calcaires, comme dernière expression des plus petits corpuscules. Une troisième lamelle détachée au-dessous de la précédente et de grande épaisseur, présente relativement au tissu fibreux des carac- tères de texture semblables à ceux delà seconde lamelle. Les corpus- cules extrêmement nombreux et soudés ensemble, constituent un tissu réticulé à mailles d'autant plus larges qu'elles correspondent à des corpuscules plus voisins du centre d'accroissement. Une quatrième et dernière lamelle comprenant la couche calcaire 174 E. BAUDELOT. externe, nous a oflert les caractères suivants: le tissu libreux en rap- port avec la couche calcaire est très-dense et rempli de corpuscules calcaires; dans le voisinage du bord externe, on aperçoit les extré- mités des lamelles détachées précédemment ; la portion de ces lam- beaux qui se succèdent de la périphérie vers le centre, indique que les feuillets fibreux superposés sont de grandeur inégale et vont suc- cessivement se mettre en rapport avec la couche externe, où leurs fibres, changeant subitement de direction, se coudent pour prendre celle des crêtes concentriques du champ latéral. Afin qu'il soit possible de se faire une idée exacte des faits conte- nus dans les observations qui précèdent relativement à la texture de l'écaillé, je crois nécessaire d'en présenter ici un court résumé. La texture de l'écaillé peut être considérée comme étant la même dans les divers champs de l'écaillé, c'est-à-dire dans les champs anté- rieur, postérieur et latéraux. Dans chacun de ces segments de l'écaillé, le tissu est composé d'une substance fondamentale fibreuse et de corpuscules calcaires. La substance fibreuse fondamentale se compose de plans ou feuil- lets fibreux superposés et d'autant plus larges qu'ils se trouvent plus voisins de la face interne de l'écaillé ; en d'autres termes, l'écaillé peut être assimilée à un cône très-surbaissé, composé d'une suite de lames empilées, parallèles à la base. Chaque plan fibreux n'offre pas la même texture dans toute son étendue ; dans sa portion centrale, c'est-à-dire celle qui correspond au centre d'accroissement, il est formé de fibres entre-croisées à angle droit; dans sa portion périphérique, il se compose de faisceaux fibreux, entrelacés sous divers angles et décrivant, soit des arcades, soit des courbes de diverses natures. Toutes les fibres du bord péri- phérique semblent se perdre dans la couche extérieure de l'écaillé où elles prennent une direction plus ou moins parallèle à celle des crêtes concentriques. Chacun des feuillets fibreux superposés renferme des corpuscules calcaires. Dans chaque feuillet les corpuscules calcaires vont en dimi- nuant de volume du centre vers la périphérie, où ils dégénèrent en molécules d'une extrême finesse. Ce sont ces molécules du bord de chaque feuillet, soudées ensemble en une lame continue, qui consti- tuent la couche calcaire externe de l'écaillé. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. Mo Les corpuscules sont plus rares el plus petits dans les couches in- ternes de récaille qui sont de formation plus récente ; ils sont surtout très-clair-semés dans la partie de ces couches qui correspond au centre d'accroissement. Leur nombre et leur volume s'accroissent avec l'âge de ces couches. En conséquence de la structure que je viens d'indiquer, une coupe verticale de l'écaillé faite un peu en dehors du centre d'accroisse- ment devra présenter, en allant de la face interne vers la face externe : d'abord une zone renfermant des corpuscules très-peu nombreux et de faibles dimensions , ensuite une zone où les corpuscules de- viennent beaucoup plus grands et très-abondants ; enfin, une der- nière zone où les corpuscules, en restant extrêmement abondants, perdent peu à peu de leur volume pour devenir d'une extrême peti- tesse. Inutile de dire que les zones dont je viens de parler sont pure- ment fictives et que le passage des couches internes aux couches les plus externes se fait d'une manière insensible et parfaitement graduée. 3" Etude de Vêcaille <) l'aide de rénetif^. Les réactifs dont j'ai fait usage sonl, d'une part^ les alcalis, d'autre part, les acides. RÉACTIFS ALCALINS. — PotasKe. — L'action de la potasse varie beau- coup suivant le degré de concentration. Une solution de potasse très-étendue a pour effet de donner au lissu de l'écaillé un peu plus de transparence. Une solution de potasse concentrée m'a donné des résultats extrê- mement curieux. En laissant macérer une écaille de Perche dans une telle solution pendant douze à quinze heures, le tissu de l'écaillé se ramollit légèrement et la couche calcaire externe tend à se fen- diller parallèlement à la direction des crêtes concentriques ; si à ce moment on place l'écaillé sous la loupe dans un peu d'eau et de manière que sa face externe soit tournée vers le haut, il devient pos- sible à l'aide de la pointe du scalpel et à partir du centre de l'écaillé, d'obtenir une série de feuillets membraneux reproduisant dans leur contour la forme de l'écaillé tout entière ; chacun de ces feuillets est d'une minceur extrême, de telle sorte que l'on peut dire que récaille est composée d'une multitude d'écaillés élémentaires, empi- lées les unes sur les autres comme les feuillets d'un livre, et d'autant 176 E. BAUDHLOT. plus larges qu'elles sont plus internes. Les feuillets élémentaires d'uni; même écaille s'isolent les uns des autres avec la plus grande facilité dans leur portion centrale; mais dans leur portion périphérique ils adhèrent entre eux d'une façon beaucoup plus intime, de telle sorte qu'il est souvent assez difficile de les séparer sans déchirure. Cette adhérence plus considérable des feuillets entre eux dans leur portion périphérique provient , ainsi que je l'ai déjà établi précédemment, de la différence de texture du tissu fibreux de l'écaillé vers le centre et au voisinage des bords, où les fibres, au lieu de s'entre-croiser sim- plement à angle droit, se croisent sous divers angles en formant une sorte d'enchevêtrement tout particulier. En examinant au microscope et sous un grossissement de deux cents à trois cents diamètres ces minces feuillets obtenus ainsi par une sorte de clivage, j'ai acquis relativement au mode de structure des corpuscules calcaires des notions que le simple examen, sans l'aide de réactifs, n'avait pu me fournir; j'ai dit, en effet, précédemment que les corpuscules calcaires soit elliptiques, soit rhomboïdaux, se présen- taient sous l'apparence de petits corps très-réfringents, sans structure appréciable. Or, en examinant la portion centrale (c'est-à-dire celle qui correspond au foyer de l'écaillé) de l'un de ces minces feuillets, j'ai aperçu des corpuscules rhomboïdaux et- des corpuscules ellip- tiques, qui tous montraient une série de lignes concentriques d'une netteté parfaite. Ces lignes, très-fines et très-nombreuses, indiquaient évidemment une succession de couches emboîtées les unes dans les autres ^ Lorsqu'on laisse macérer pendant plusieurs jours, ou lorsqu'on lait bouillir des écailles de Perche dans une solution concentrée de potasse, la matière organique de l'écaillé se dissout presque en tota- lité, le tissu de l'écaillé se désagrège et se réduit en une sorte de bouillie grisâtre au milieu de laquelle se trouvent de minces lamelles calcaires extrêmement friables. Si l'on soumet au microscope l'une de ces lamelles, on constate qu'elle est formée par un véritable tissu de corpuscules calcaires sou- dés ensemble. Inutile de dire que ces corpuscules sont de grosseur 1 Je n'ai observé qu'une seule fois cette striation des corpuscules. Ayant essayé depuis de revoir les mêmes lignes concentriques en faisant usage du même pro- (îédéj je n'ai pu y parvenir. A quoi attribuer la difléi-cnce do ces résultats? Je l'ignore. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 177 trcs-différente, suivant le point de l'écaille d'où provient la lamelle soumise à l'examen. (Juant à la matière désagrégée qui accompagne les lamelles, elle est lormée de corpuscules isolés ou réunis par petits groupes, de dé- bris de corpuscules et de molécules calcaires d'une extrême finesse. 11 m'est arrivé à diverses reprises d'apercevoir très-distinctement des lignes concentriques sur quelques gros corpuscules. Quant aux cor- puscules rhomboïdaux, ils m'ont paru composés de molécules calcaires disposées de manière à constituer tout à la fois des couches concen- triques et des séries rayonnant à partir d'un point central. Ammoniaque. — L'action de l'ammoniaque sur les écailles est peu marquée. A la suite d'une macération de trente-six heures environ dans ce liquide, c'est à peine si j'ai observé un léger ramoUissement du tissu fibreux de l'écaille ; néanmoins, j'ai constaté une plus grande iacilité pour diviser l'écaille en minces feuillets, opération qui est à peu près impossible sur une écaille fraîche. Quant aux corpuscules, ils se montrent très-apparents et d'une netteté parfaite. ij'ammoniaque peut servir avantageusement pour nettoyer les écailles et enlever les débris de matière organique qui les recouvrent ; en donnant au tissu un certain degré de transparence, ce liquide m'a permis dans quelques cas de constater avec netteté la structure fibreuse des spinules. RÉACTIFS ACIDES. — L'action des acides est complètement opposée à celle des alcalis ; tandis que ceux-ci ont pour effet d'agir sur la ma- tière organique en laissant intact l'élément calcaire, les acides, au contraire, ont pour résultat de dissoudre l'élément calcaire en lais- sant dans un état d'intégrité plus ou moins complète la substance organique. Ici, comme pour les alcalis, le degré de concentration de la liqueur acide, la durée de la macération, la température, la nature du liquide conduisent à des résultats plus ou moins variés, dont je vais me borner à faire connaître les principaux. Les acides dont j'ai fait usage sont les acides acétique, chlorhy- drique et azotique. Un premier effet de l'action des acides dilués, mais principalement de l'acide chlorhydrique, est de communiquer à l'écaille une couleur d'un bleu verdâtre et nacré ; cette coloration assez intense est surtout ARCH, DE ZOOL. EXI'. ET GÉX. — T. II, 1878, bl 178 E. BAUDELOT. niarqure dans la portion eenlrale de l'écaillé. En cherchant à me rendre compte de cette coloration, j'ai reconnu qu'elle est due à une multitude de petites fissures microscopiques qui se produisent dans le tissu fibreux et à la face inférieure de l'écaillé. Ces fissures, qui se croi- sent à angle droit, correspondent aux deux directions de fibres appar- tenant aux divers plans fibreux qui se superposent dans l'épaisseur de l'écaillé. Un second elfet de l'aclion des acides est la dissolution de rélcment calcaire. Après un temps d'imbibition assez court, les corpuscules cal- caires deviennent très-pàles, leurs contours ne se dessinent plus que par des lignes d'une extrême finesse, et ils Unissent jjar cesser d'être apparents. Mais ici la durée de la macération est de grande impor- tance; ainsi il m'est arrivé, après avoir plongé des écailles très-peu de temps dans l'acide acétique, non-seulement de distinguer encore les gros corpuscules calcaires du centre de l'écaillé, mais môme d'aper- cevoir à l'intérieur de ces corpuscules une série de lignes concen- triques, ("es caractères avaient cessé d'être visibles après une macé- ration plus prolongée. Un autre effet extrêmement curieux de l'action des acides est celui qui se produit directement sous les yeux de l'observateur, lorsque l'on considère sous le microscope une écaille de Perche sur laquelle on vient de verser quelques gouttes d'eau très-faiblement acidulée. En plaçant dans le champ de la vision le bord postérieur de l'écaillé (celui qui est garni despinules), on voit le tissu des spinules pâlir peu à peu et perdre de sa réfringence sur les bords ; à un certain mo- ment de l'expérience, les spinules semblent composées de deux par- ties: l'une extérieure, plus pâle et comme membraneuse; l'autre inté- rieure, plus réfringente, formant au centre de la spinule une sorte de cône cristallin. Par les progrès de la réaction, ce cône diminue peu à peu de volume, semblable à un cristal qui se fondrait lentement dans un liquide, puis il finit par disparaître complètement et d'une façon plus ou moins rapide, suivant le plus ou moins d'acidité du li- quide employé. La réaction terminée, la spinule conserve sa forme, mais son éclat et sa réfringence ont considérablement diminué. Pendant la producliun du phénomène que je viens d'exposer, il n'y a point effervescence, c'est à peine si l'on voit apparaître çà et là (juelques bulles de ga/ ; on est conduit par lu à admettre que si le haut degré de réfringence du tissu de l'écaille est dû à la présence d'un élément calcaire, cet élément ne se trouve représenté qu'en très- ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 17»( faible proportion par du carbonate de chaux, mais qu'il se compose surtout de phosphate basique de chaux devenant soluble en passant à l'état de phosphate acide. Le phénomène dont je viens de signaler les diverses phases relati- vement aux spinules, se reproduit exactement de la même façon lorsque l'on examine dans les mêmes conditions les gros corpuscides calcaires qui occupent le centre de l'écaillé, vers la face inférieure. Quant à l'action des acides sur le tissu fdireux. voici ce que j'ai constaté : L'acide acétique et l'acide chlorhydrique dilués ont pour effet de ramollir le tissu fibreux et de permettre avec plus ou moins de faci- lité la séparation des plans fibreux superposés dans l'épaisseur de l'écaillé. Bien que l'action de ces acides soit en réalité beaucoup moins avantageuse que celle de la potasse pour l'isolement des feuillets fibreux, il ne faudrait pas néanmoins négliger l'emploi de ce moyen dans le cas d'une étude plus complète du tissu fibreux des écailles, L'efiet des acides chlorhydrique et azotique concentrés, lorsqu'on les verse sur une écaille, est d'abord de produire une effervescence assez vive; en même temps le tissu de l'écaillé devient transparent, puis il se ramollit et se dissout plus ou moins complètement, ne lais- sant pour résidu que quelques flocons de matière organique. Pendant cette réaction, l'acide azotique communique au tissu une coloration jaunâtre très-prononcée. 2" VAifiON {Phoxùius lœc/.^, pi. V, fig. 9). Les écailles du Vairon sont très-petites et ne se révèlent guère h l'œil nu que par un aspect légèrement gauffré de la peau. En faisant usage d'une loupe, on reconnaît que ces écailles sont assez faiblement imbriquées, c'est-à-dire que la portion de chaque écaille restée libre est plus considérable que la portion recouverte par les écailles voisines. La forme des écailles est généralement ovalaire, mais le rapport existant entre les deux diamètres de l'ovale représenté par l'écaillé est très-sujet à varier ; et si, d'une part, il existe des écailles qui ont la forme d'ellipse très-allongée, il en est d'autres dont les deux axes sont égaux ou à peu près égaux et qui, par conséquent, se rapprochent plus ou moins de la forme circulaire. 180 fi- BAUDELOT. Le tableau suivant, dans lequel se trouvent inscrites les dimensions d'un certain nombre d'écaillés, avec le rapport de leur grand dia- mètre à leur petit tliamètre, pourra servir à donner une idée de la grandeur et des variations de la forme des écailles. Le Vairon sur lequel ont été prises ces dimensions offrait une lon- gueur de 89 millimètres du bout du museau à l'extrémité delà queue. Gratid diamètre. Petit diamè Millim. Millim. 10 0,96 0,60 20 0,78 0,75 30 0,75 0,54 40 0,66 0,66 50 0,6S 0,54 6» 0,66 0,40 70 0,63 0,57 80 0,60 0,54 90 0,36 0,30 tOo . 0j27 0,24 110 0,18 0,18 La forme des écailles et l'orientation de leur grand diamètre par rapport à l'axe du corps présentent, suivant les ditférentes régions, certaines particularités qu'il importe de signaler. Dans la portion antérieure du tronc, sur le liane, par exemple, les écailles de forme ovalaire ont leur grand diamètre dirigé perpendi- culairement à l'axe du corps, c'esL-à-dire suivant une ligne verticale qui monterait directement de la région ventrale vers la région dor- sale. Au voisinage de la queue, au contraire, les écailles, également ovalaires, présentent leur grand diamètre dirigé parallèlement à l'axe du corps, c'est-à-dire suivant une ligne horizontale allant d'avant en arrière. Cette différence dans l'orientation des écailles n'est qu'appa- rente; elle est due non, comme on pouri-ait le supposer, à un change- ment survenu dans la direction du grand axe des écailles, mais à mie simple modification dans les rapports de grandeur existant entre les parties opposées ou les champs de l'écaillé ; en d'autres termes, tandis (]ue le diamètre vertical des écailles va se raccourcissant, à me- sure que l'on se porte d'avant en arrière, leur diamètre horizontal s'allonge tic plus en })lus; de telle sorte que la forme elliptique ho- rizontale linitpar se substituer à lafoinie elliptique verticale, mais les champs de l'écaillé restent toujours orientés de la même façon par rappoii à l'axe du corps, (le, (|ui, *hi rcsie, pi'ouvc! bien qu'il en est ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. ISi ainsi, c'est qu'entre les deux régions où se manifestent ces deux formes opposées des écailles il existe une sorte de région neutre, où les deux diamètres de l'écaillé arrivant à peu près à s'équilibrer, les écailles l)rennent une forme plus ou moins circulaire. Cette région neutre se trouve située à peu près vers la limite postérieure de la nageoire anale. En outre des écailles à forme ovalaire ou circulaire, il en existe encore un certain nombre d'autres de forme plus ou moins irrégulière. Parmi celles-ci, on en rencontre quelques-unes dont l'aspect rappelle la coupe d'un œuf, et d'autres qui se rapprochent à divers degrés de la forme pentagonale, par suite du redressement des bords des champs latéraux et de la saillie en angle ou en ogive des arcs cor- respondant aux bords des champs antérieur ou postérieur. Crêtes concentriques. — Le nombre des crêtes concentriques est peu considérable. Ce nombre varie, du reste, avec les divers champs de l'écaillé, avec la forme et la grandeur de cette dernière, ainsi qu'avec les dimensions du foyer. Le tableau suivant pourra servir à donner une idée de ces variations *. Grand diamètre. Petit diamètre. Champ antérieur. Champs latéraux. Champ postérieur xN» \. Millim. 0,81 (A.P.) Millim. 0,69 26 13-20 10-11 N» 2. N» 3. 0,78 (A.P.) 0,69 (D.V.) 0,66 0,51 22 22 16 13-17 11 8-9 N» 4. No 5. 0,60 (D.V.) 0,63 (A.P.) 0,42 0,60 16 11 14 8-9 7 3-6 N» 6. N» 7. N° 8. 0,63 (D.V.) 0,60 (D.V.) 0,60 (D.V.) 0,57 0,5 't 0,31 6 22 9 3-4 14 6-7 2-3 S 4 N» 9. 0,27 (A P.) 0,24 7-8 5-6 4 Comme on le voit, c'est toujours dans le champ antérieur ([ue les crêtes concentriques sont le plus nombreuses. Le nombre de ces crêtes est un peu moins élevé dans les champs latéraux. Dans le champ pos- térieur, il est toujours moindre que dans les champs latéraux et dans 1 Les lettres initiales (A.P.) fD.V.), placées à droite des nombres indiquant la mesure du grand diamètre des écailles, ont pour but de faire connaître l'orientation de ce grand diamètre par rapport à l'a.xe du corps. (A.P.) indique que le grand dia- mètre est orienté suivant la direction antéro-postérieure, c'est-à-dire parallèlemeul à l'axe du corps. (D.V.) indique qu'il est orienté suivant la direction dorso-ventralc, c'est-à-dire perpendiculairement à l'axe du corps. 182 E. BAU1)I:L()T. le champ auLoricur. i']n général, le nombre des crêtes du champ pos- térieur n'est guère que moitié environ de celui des crêtes du champ antérieur et, chose remarquable, ce rapport continue à se manifes- ter même dans les cas où, par suite du déi)lacement du foyer en avant, le champ postérieur acquiert des dimensions notablement su- périeures h celles du champ antériciu'. Ainsi, dans Técaille n° 2, dont le diamètre anléro-postérieur est de 78 centièmes de millimètre, le champ postérieur mesure, d'avant en arrière, 48 et le champ anté- rieur 30 centièmes de millimètre seulement. Néanmoins le nombre des crêtes est de 11 seulement dans le premier et de 22 dans le second. Si l'on cherche à se rendre compte de ces différences, on voit qu'elles sont dues à ce que la plupart des crêtes s'affaiblissent et dispai-aissent, à mesure qu'elles pénètrent (hi champ antérieur dans l(;s champs latéraux, puis de ceux-ci dans le champ postérieur. Ce qui, du reste, pourrait servir à confirmer ce fait, c'est la diffé- rence d'écartement des crêtes dans les champs antérieur et postérieur. Tandis, en effet, que, dans le champ antérieur, l'écartement de deux crêtes voisines n'est guère en moyenne que de 1 dixième de millimètre, cet écartement, dans le champ postérieur , atteint jusqu'à S et 6 dixièmes. En outre de ces différences de nombre et d'écartement, les crêtes du champ i)Ostérieur se distinguent encore de celles du champ antérieur et des champs latéraux par un aspect tout particulier qui peut servir à reconnaître immédiatement, sur une écaille isolée du corps, le champ postérieur. Les crêtes du champ postérieur sont beaucoup plus épaisses et beaucoup plus saillantes que celles du champ antérieur et des champs latéraux; tandis que ces dernières conservent l'aspect de fines stries, celles du champ postérieur ont l'apparence de bourrelets faisant une saillie plus ou moins prononcée à la surface de l'écaillé. Entre les grosses crêtes principales du champ postérieur, on constate parfois l'existence de crêtes secondaires très-affaiblies, mais toujours en petit nombre et offrant peu de régularité. 11 send3lerait, d'après cela, qu'il s'est effectué entre les crêtes concentriques du champ pos- térieur une sorte de balancement physiologique, en vertu duquel un certain ii(»nd)re de ces saillies se sont effacées, tandis que les autres ont pris un accroissement beaucoup plus considérable. Les crêtes du champ postérieur m'ont paru offrir une légère incli- naison vers le centre de l'écaillé. Cette |)arlicularité, connue nous le verrons plus tard, n'est pas sans avoir une certaine significalion dans la théorie de l'accroissement des écailles. ÉCAlLLKs DES l'UlS.'îUNS USSELX. ISii En général, le nombre des crêtes s'accroît avec les dimensions de l'écaille ; cependant, on remarque d'assez fréquentes exceptions à cette règle, par suite de variations plus ou moins considérables, qui peuvent se manifester dans l'étendue du foj'er. Le nombre des crêtes étant naturellement en raison inverse de la grandeur du foyer, il peut se faire qu'une écaille plus grande, mais ayant un très-large foyer, offre un nombre de crêtes moins élevé qu'une écaille plus petite, mais à foyer proportionnellement moindre. Ce fait peut servir à expliquer certaines irrégularités dont an a pu être frappé en p;u'couranl le ta- bleau (A). En comparant, par exemple, l'écaille n" G avec l'écaille n" 7, on constate que, bien que ces deux écailles offrent des dimensions à peu près égales, le nombre des crêtes dans la première est beaucoup moins élevé que dans la seconde ; or cette différence provient précisément de l'inégalité des foyers; dans l'écaille n" 6, les deux dimensions du foyer sont de 39 et 30 centièmes de millimètre; dans l'écaille n» 7, ces mêmes dimensions ne sont que de U et 8 centièmes de millimètre. Le tableau suivant, dans lequel se trouvent inscrites les deux di- mensions du foyer des écailles n" 5, n° 6, n" 7, n" 8, n° *J du tableau (A), . permettra d'effectuer la comparaison entre les dimensions de l'écaille, les dimensions du foyer et le nombre des crêtes concentriques. Grand diamètie Pelil diamèlre. du foyer. du foyer. Jlillim. MilUm. N» o. 0,30 - 0,24 i, No (>. 0,3y (U-V.J 0,30 N» 7. 0,09 0,08 N» 8. 0,30 (D.V.) • 0,21 N" 9. 0,11 (A.P.) 0,10 Foi/er. — Le foyer'est représenté par un espace de forme généra- lement circulaire ou un peu elliptique, à contour assez souvent mal délimité, à surface plus ou moins unie et dépourvue de crêtes. t)n y aperçoit d'ordinaire un nombre plus ou moins considérable de lacunes ou érosions de la couche la ])lus extériciure de l'écaille. Ces lacunes, de forme irrégulière, sont de même nature que les sillons rayonnants dont bien souvent elles ne sont que la continuation. Si parfois, en effet, on voit ces sillons se porter jusqu'au centre du foyer en conser- vant leurs caractères, d'ordinaire on les voit, dès qu'ils ont péné- tré dans l'intérieur du foyer, s'interrompre de distance en distance, pour se transformer en lacunes de grandeur et de forme très-variables. iSi J^. BAUJJEU)!'. Les lacunes, ainsi cnnstiluées, tantôt restent isolées, tantôt se confon- dent avec d'autres lacunes voisines, de manière à simuler dans cette partie de l'écaillé l'aspect de petits lacs, auxquels viendraient aboutir un certain nombre do fleuves représentés par les sillons rayonnants. Afin de savoir à quel point les dimensions du foyer peuvent varier avec la grandeur des écailles, j'ai effectué un certain nombre de men- surations dont les résultats se trouvent consignés dans le tableau ci- joint '. [B] Ecaille. Fmjcr. Grand Petit diamètre. diamètre. Millim. Millim. N» 1. 0,99 0,80 N" 2. 0,96 0,70 No 3. 0,75 0,75 N« 4. 0,75 0,72 N" 5. 0,75 0,5f! N" 8. 0,63 0,60 No 7. 0,72 O.CO N° 8. 0,60 0,59 N" 9. 0,60 0,39 N» 10. 0,51 0,14 N» 11. 0,45 0,33 N" 12. 0,45 0,30 N" 13. 0,27 0,24 Comme on le voit par l'ensemble de ce tableau, les dimensions du foyer sont sujettes à présenter d'assez grandes variations, lesquelles ne correspondent pas à celles qui se manifestent dans la grandeur des écailles. Ainsi, les écailles n" 3 et n° -4, dont les dimensions sont égales, possèdent des foyers de grandeur très- différente ; d'autre part, les écailles n» 2 et n" 11, dont les dimensions offrent nne différence très- considérable, ont des foyers égaux. Dans la plupart des écailles, le foyer occupe le centre de figure, le centre du cercle, s'il s'agit d'une écaille circulaire; le point d'inter- section du grand diamètre et du petit diamètre, s'il s'agit d'une écaille elliptique semblable à celles que l'on observe sur les flancs. Cependant, il n'en est pas toujours ainsi : dans un certain nombre ' Cos mesures oiil rh; prises sous un grossissement do 30 diamètres environ, îifin d'éviter d'une p.irl un excès de petitesse do l'image, d'autre part un excès d'am- plitude, le(|uel .1 pour inconvénient de rendre trop apparentes les irrégularités du eunlour du loyer el, par conséquent, de gêner la mensuration. (Irand Petit diamètre. diamètre, Millim. Millim. 0,14 0,12 0,12 0,11 0,36 0,36 0,12 0,12 0,12 0,09 0,30 0,24 0,15 0,11 0,17 0,15 0,30 0,21 0,14 0,12 0,12 0,10 0,12 0,09 0,11 0,10 ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 18d d'éoailk's, colles, par exemple, qui se rapprochent de l'origine de la queue, le foyer cesse de coïncider avec le centre de figure, pour se reporter en avant; ainsi, dans une de ces écailles, dont le grand dia- mètre (diamètre antéro-postérieur) mesurait 78 centièmes de milli- mètre et le petit diamètre (diamètre dorso-ventral) 66 centièmes, la distance du centre du foyer au bord antérieur de l'écaillé n'était que de 30 cen- tièmes, tandis (jne sa distance au bord postérieur était de 48 centièmes de millimètres. J'ai constaté le même fait sur beaucoup d'autres écailles plus ou moins ovalaires, prises au même endroit. Le grand diamètre et le petit diamètre du foyer correspondent d'or- dinaire par leur direction au grand diamètre et au petit diamètre de l'écaillé ; cependant, lorsque les deux diamètres de l'écaillé offrent une très-faible différence, ou bien si l'écaillé perd de sa régularité et si son contour cesse d'être ovalaire, il peut se faire que le grand diamètre de récaille ne coïncide plus avec le grand diamètre du foyer; tel est, par exemple, le cas de l'écaillé n° 6 du tableau B : le grand diamètre de l'écaillé 63 centièmes de millimètre étant antéro-postérieur et son petit diamètre 60 centièmes étant vertical, c'est-à-dire dorso-ventral, le grand diamètre du foyer 30 centièmes de millimètre est dorso- ventral, et son petit diamètre 24 centièmes est antéro-postérieur. La forme de cette écaille est irrégulièrement pentagonale. Sillons rai/onnants. — Les sillons rayonnants de l'écaillé du Vairon sont nombreux ; on en compte généralement de vingt à trente, quel- quefois plus, d'autres fois moins, répartis dans tout le pourtour de l'écaillé. Le nombre de ces sillons, du reste, n'est pas toujours facile à déterminer avec une complète exactitude. Certains sillons, en effet, n'occupent qu'une portion très-minime du rayon de l'écaillé et con- stituent plutôt des lacunes allongées que de véritables sillons. D'au- tres sillons, au contraire, se bifurquent sur leur trajet, de telle sorte qu'on est embarrassé de savoir, dans ce cas, s'il faut tenir compte dans l'évaluation d'un sillon seulement ou bien de deux. Chaque sillon se présente sous l'aspect d'une rigole dont les bords sont irréguliers et comme déchiquetés; sa direction est ordinaire- ment flexueuse, sa largeur est plus considérable dans le voisinage du pourtour de l'écaillé. Les sillons qui correspondent au champ posté- rieur de l'écaillé m'ont paru, en général, offrir plus de régularité que ceux du champ antérieur et surtout que ceux des champs latéraux, bien qu'à vrai dire la limite entre ces divers champs ne soit nullement lS(i !•• BAUDELOT. tranchée. Les sillons du champ postcrieur sont aussi géncralcment plus rapprochés et plus nombreux. Corpuscules. — Les corpuscules des écailles du Vairon sont, en gé- néral, peu apparents et de très-fiiibles dimensions. Leur forme est ovalaire ; leur plus grand diamètre, mesuré sur une écaille de 81 cen- tièmes de millimètre et un peu en dehors du foyer, n'était que de 4 à 8 millièmes de millimètre. Ces corpuscules sont très-peu visibles ou môme tout à fait indistincts dans l'intérieur du foyer'. 3" — BnocuET (/i'.so.r lucins. pi V, tig. 10, 11). Les écailles du Brochet appartiennent au groupe des écailles cy- cloïdes. Elles sont allongées dans le sens antéro-postérieur et présen- tent la forme d'un ovale un peu irrégulier. Le foyer n'occupe pas le centre de figure, mais se trouve reporté en arrière du milieu de récaille, dans la direction du champ postérieur. Il se trouve parfois situé vers le tiers postérieur du diamètre antéro-postérieur. La grandeur des écailles est susceptible d'offrir d'assez nombreuses variations, suivant les différentes régions du corps. I^es plus grandes écailles se trouvent un peu en arrière du crâne, dans la région dorsale ; viennent ensuite celles des flancs. Les éi'ailles diminuent beaucoup de ' Ayant eu l'occasion d'cliulier les écailles tle Jeunes Vairons, J'ai pu (-oiistater les l'ails que voici : Sur uu jeune \'aii'uu inesucaiil 17 niilIimèU-es en longueui", du bout du museau à l'extrémité de la nageoire caudale, les écailles étaient extrêmement minces, de très j-aibles dimensions et elles ne possédaient qu'un nombre ti-ès-pe:i élevé de crêtes concentrique 1 ; les sillons radiés, très-irréguliers, ressemblaient pour la plupart il des lacunes allongées ou à tles érosions de la couche superficielle de l'écaillo. Voici quelques chiffres indiquant les dimensions des érailles et le nombre des crêtes concentriques. Ecailli'. Grand Pelil <;n"lcs diamètre. dianiètre. lomeiilriqucs. MiUim. Milliin. 0,20 0,^20 3 à 4 0,18 0,l(i 4 à 5 0„17 0.17 3 à 4 0,16 0,1 :{ 3 à 4 0,12 0,09 2 Eu comparant ces résultats avec ceux que J'ai exposés précédemment au sujet du Vairon adulte, on est conduit à cette conclusion que chez le "Vairon comme chez la Perche, le nombre des crêtes concentri(|nes s'accroil avec les diuiensioiis de l'éeaille et avec l'âge du poisson. ECAILLES DES PULSSONS OSSEUX. 187 grandeui' en descendant vers la région ventrale; elles se montrent surtout très-rcdniles dans l'espace compris entre l'origine de^ na- geoires pectorales et celle des nageoires ventrales. Les écailles qui recouvrent la peau entre l'œil et le préopercule sont aussi de très- petite dimension ; il en est de même de celles que l'on rencontre sur les rayons de la nageoire caudale. La forme des écailles est également sujette à varier. Nous avons dit que cette forme était celle d'un ovale un peu irrégulier et plus ou moins allongé dans le sens antéro-postérieur. Dans la région moyenne du tronc, l'ovale représenté par les écailles n'offre pas de différences très- considérables dans l'étendue de ses deux diamètres ; mais à me- sure que l'on progresse d'avant en arrière, cet ovale s'allonge de plus en plus dans le sens antéro-postérieur, et sur les rayons de la nageoire caudale, les écailles ont une forme très-eflilée dans le sens de ces rayons. Par contre, les écailles qui, dans la région céphalique, recouvrent l'espace situé en avant du préopercule , sont presque arrondies. Passons maintenant à l'examen des divers champs de l'écaillé. Champ antérieur. — Le champ antérieur est caractérisé par la pré- sence des sillons rayonnants et par les lobes du bord marginal. Les sillons sont généralement au nombre de deux ou de trois ; ils se portent, en rayonnant en ligne droite, du foyer vers le bord antérieur. Ces sillons, suivant leur nombre, interceptent dans le champ antérieur un ou deux segments triangulaires dont le sommet correspond au foyer, et dont la base arrondie représente une por- tion du bord antérieur. Chacun des segments triangulaires précé- dents offre une surface extérieure convexe. Par suite de cette con- vexité, qui est très-prononcée et delà largeur des lobes marginaux, il se produit un fait dont, jusqu'à présent, je n'ai rencontré d'autre exemple ailleurs que chez le Brochet : les segments qui composent le champ antérieur, au lieu de rester simplement contigus l'un à l'autre, se recouvrent par une petite portion de leurs bords latéraux ; cette imbrication se manifeste par la superposition et le croisement à angle presque droit des crêtes concentriques dans la portion d'espace com- mune à deux lobes voisins. Le nombre des sillons rayonnants et des lobes ou festons du bord antérieur varie suivant les différentes régions du corps. 188 li. BAUDKLOT. Dans la portion moyenne du tronc, sur les flancs, les (k^ailles offrent généralement trois ou quatre lobes à leur l)ord antérieur et deux ou trois sillons rayonnants ; mais dans d'autres régions du corps, les sillons et les lobes non-seulement sont susceptibles de diminuer de nombre, mais ils peuvent môme complètement disparaître. J'ai constaté ce fait pour les grandes écailles qui occupent la région dorsale en ar- rière du crâne, ainsi que pour un certain nombre des petites écailles qui recouvrent soit les rayons de la nageoire caudale, soit l'espace compris entre l'œil et le préopercule. Les crêtes concentriques que l'on observe dans le champ antérieur n'ollrent rien de particulier, sinon qu'elles sont, en général, peu régulières, et qu'elles présentent de fréquentes anastomoses et de nombreuses interruptions, dans leur trajet. Champs latéraux. — Les champs latéraux ne présentent pas autre chose à considérer que leurs crêtes concentriques. Ces crêtes, un peu moins nombreuses que dans le champ antérieur, offrent, du reste, les mêmes caractères que celles de ce dernier. Peut-être sont-elles un peu plus régulières et un peu plus serrées. Champ postérieur. — Dans la plupart des écailles, le champ posté- rieur ne présente non plus rien autre chose à considérer que ses crêtes concentriques qui se continuent sans ligne de démarcation avec celles des champs latéraux. Dans les écailles de la ligne latérale cependant et dans un assez grand nombre d'autres écailles disséminées sur toute la surface du corps, on aperçoit, sur le milieu du bord postérieur de l'écaillé et au fond d'une dépression de l'écaillé en forme de gouttière, une pridonde échancrure dirigée d'arrière en avant. Cette échan- crure mesuri' en étendue environ la moitié du rayon du champ l)Ostéricur. Dans le Ik'ochet, de même que dans la Perche, j'ai tenu à m'assurer si le nond)re des crêtes concentriques était susceptible de varier avec l'âge. Sur ce point, je suis arrivé à des résultats parfaitement concor- dants avec ceux que j'ai fait connaître précédemment, relativement à la Perche. Bien que le nombre des crêtes concentriques puisse varier considérablement avec les dimensions des écailles, suivant que celles- ci appartiennent à telle ou telle région du corps, néanmoins on peut établir l'omme un l'ait pai'faitement certain que, pour une même ré- gion du corps (les flancs par exemple), le nombre dos crêtes concen- tri(pics est d'autant plus considérable ([ue le poisson est plus âgé. Les ECAILLES DES POISSONS OSSEUX. ISil différences de nombre sont tellement prononcées, qn'il ne saurait subsister aucun doute à cet égard. Afin de présenter les faits sous une forme plus facile à saisir, j'ai groupé les résultats de mes observations dans les deux tableaux qui suivent. L'un de ces tableaux (A) comprend un ensemble de mesures prises sur les écailles d'un jeune Brochet. On y trouve inscrites, d'une part, les dimensions des écailles; d'autre part, le nombre des crêtes contenues dans les champs postérieur, latéraux et antérieur. Le ta- bleau (B) présente des faits analogues à ceux du tableau (A), mais re- cueillis sur un Brochet plus âgé. W BROCHET (a). (LongiiPiii- totale du bout du museau ;i l'extrémité de la queue, 17 fentimètres.) Dimennons de l^ raille. Diamètre anléro- Diamètre postérieur. transversal. MiUini. Millim. N" 1. Ecaille prise au-dessous du canal latéral à l'union du premier avec le second quart de la distance comprise entre le bord posté- rieur de l'opercule et la racine delà queue. 1 ,74 1,59 X" -2. Ecaille prise an-dessous du canal latéral, vers le huitième antérieur de l'intervalle compris entre le bord postérieur df i'oper- cule et la racine de la queue 1,74 1,32 N" 3. Écaille prise au-dessous du canal latéral, à l'union des trois quarts antérieurs avec le • quart postérieur de l'intervalle compris entre le bord postérieur de l'opercule et la racine de queue 2,io 1,08 N» 4. Écaille prise au-dessous du canal latéral, à la racine de la queue 2,04 1, 17 Nombre dex crêtes contenues dans les divers champs de VccaUIc. Champ antérieur. Champ latéral. Champ postérieur. N» 1. 60 38 N" 2. 62 43 3iJ N» 3. 74 (i.s 34 No 4. 70 40 34 190 E. BAUDELOT. • [Bj BROCHET (b). (Longueur totale (in bout du museau ;i rextrémité de la queue, 38 centimètres.) Dimensions de l'ccaillc. Diamètre anléro- Diamètre postérieur. IransTersal. llilllm. Millim. N" 1. Ecaille prise au-dessous de la ligne latérale, au niveau de le.xtrémité postérieuri; de la nageoire pectorale 5,5 4,3 N» 2. Écaille prise immédiatement au-dessous de la ligne latérale, sur une ligne verticale pas- sant parla base de la nageoire ventrale.. . 5,8 4,5 N" 3. Écaille prise immédiatement au-dessous du canal latéral sur une ligne verticale pas- sant par l'extrémité antérieure de la na- s^eoire dorsale 6,3 5 N" 4. Écaille prise un peu au-dessous du canal laléral, à peu près à égale distance de l'extrémité postérieure des nageoires dor- sale et anale et de l'origine de la nageoire caudale 5,5 4 N° 0, Ecaille prise sur le milieu du ventre, h peu l)rès à égale distance de la base des na- geoires pectorales et ventrales ,.... 5 3 N" 0. Écaille prise sur le milieu de l'opercule "2,0 2,2 N° 7. Petite écaille très -allongée et elliléc en pointe à l'extrémité antérieure, prise sur les rayons de la nageoire caudale 3 1,6 Nombre (1rs stries contenues dans les divers champs de Vécaille. Champ antérieur. Cbemp latéral. Champ postérieur. iX» \. 155 145 110 iN» 2. 150 145 120 N» 3. 180 155 94 N« 4. 172 138 93 N» 5. 155 95 90 No 6. 92 72 72 N» 7. 40 35 40 Supplément au tableau (B) du Brochet. Les plus grandes écailles se rencontrent snr le dos, un peu en ar- rière du crâne, sur une ligne qui passerait à peu près par le bord postérieur de l'opercule. Voici les dimensions de deux de ces écailles : Diamètre antéro- Diamètre postérieur. transversal. Millim. Millim. s t; 8 4,3 ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 191 Jo n'ai pas donné le nombre des crêtes concentriques de ces écailles, à cause de leur extrême irrégularité et de l'impossibilité de les compter exactement. Je dois faire remarquer, du reste, que, dans le tableau (B), le nombre des crêtes concentriques n'a pu être donné qu'approximati- vement, par suite de la difficulté que l'on éprouve à distinguer les crêtes principales des crêtes secondaires, surtout dans le voisinage du foyer. Dans certaines écailles, le foyer acquiert des dimensions extrême- ment considérables ; ainsi sur une écaille prise dans la région ventrale et dont les dimensions étaient les suivantes : Diamètre onléro- Diamètre postérieur. transversal. Millim. MiUim. 5 3 le foyer comprenait environ les deux tiers du diamètre antéro-pos- térieur et les trois cinquièmes du diamètre transversal. Ce foyer était constitué par une multitude de petites crêtes vermiculées, diri- gées en tout sens, et n'offrant plus dans leur enchevêtrement aucune trace du parallélisme propre aux crêtes concentriques. Dans une autre écaille dont les dimensions étaient : iamèlre antéro- Diamètre pnstérieur. transversal. MilIim. Millim. ■j.8 4,o le foyer, constitué de la même manière que dans l'écaillé précédente, occupait environ la moitié du diamètre antéro-postérieur et la moitié du diamètre transversal. Par les deux tableaux qui précèdent on a pu constater : 1" Que le nombre des crêtes concentriques est plus élevé dans le champ antérieur que dans les champs latéraux et plus élevé dans les champs latéraux que dans le champ postérieur ; 2° Que le nombre des crêtes concentriques atteint un chiffre beau- coup plus élevé dans le Brochet dont la taille est plus considérable. Je pourrais ajouter ici que, dans quelques écailles prises sur un Bro- chet de plus grande taille encore (poids de-3 à 4 kilogrammes), j'ai constaté que le nombre des crêtes concentriques contenues dans le champ antérieur dépassait trois cents. En étudiant les écailles du Brochet sous un fort grossissement, j'y 192 K. P.AUDELOT. ai constaté la présence de corpuscules calcaires, tout à fait semblables à ceux que j'ai décrits chez la Perche. Ces corpuscules sont allongés et de l'orme elliptique ; ils diminuent graduellement de volume en allant du centre vers la périphérie. En examinant l'écaiile par sa face interne dans la région du foyer, j'ai aperçu de très-gros corpuscules en forme de quadrilatère allongé. 4° Hareng {Clupea Harençjus, pi. V, fig. 12). Les écailles du Hareng se présentent sous l'aspect de lames transpa- rentes, flexibles, d'une minceur extrême, se détachant avec la plus grande facilité. Elles appartiennent au type cfénoïde; mais le carac- tère cténoïde y est très-peu apparent ; il se révèle par de simples den- telures mousses et peu régulières du bord postérieur ou bord libre de l'écaillé. Je dois faire remarquer que ces dentelures se déchirent très- aisément au moment de l'extraction de l'écaillé. La forme des écailles est celle d'un ovale peu régulier, allongé dans le sens antéro-postérieur, et souvent un peu rétréci à sa partie moyenne. Le foyer se trouve situé un peu en arrière du centre de figure. Les écailles ne se montrent pas divisées en quatre champs, comme à l'ordinaire, mais seulement en deux champs ou zones, limi- tés par une ligne transversale, perpendiculaire au grand axe et pas- sant par le foyer (ligne focale), j'appellerai cliauip antérieur toute la portion d'écaillé située en avant de la ligne focale, et champ posté- rieur tout le segment situé en arrière de cette même ligne. Champ postérieur. — Dans le champ postérieur, l'écaillé offre l'as- pect d'une lame transparente et lisse, complètement dépourvue de dépôt calcaire à sa surface. Avec quelque attention cependant et en ménageant convenablement les reflets de la lumière, soit sous la loupe, soit sous le microscope, on parvient à distinguer dans le champ postérieur certains détails qui ne sont pas sans importance. On aper- çoit, en elfet, un certain nombre de fines stries parallèles au contour de l'écaillé. Ces stries, concentriques les unes aux autres, mais que pourtant il ne faut pas confondre avec ce que nous avons appelé les crêtes concentriques, forment un relief à peine sensible à la surface de l'écaillé. Ces stries parallèles au bord postérieur reproduisent de distance en distance, à partir de ce bord et avec une symétrie [)lus ou moins parfaite, la forme des dentelures marginales. Quelques-unes ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. VXi des stries principales du champ postérieur se continuent dans le champ antérieur en conservant toujours leur parallélisme avec le contour extérieur de l'écaillé. Il me paraît hors de doute, d'après cela, que les stries en question représentent les hgnes d'accroissement successif de récaille, celle-ci résultant, comme chez la Perche, de la superpo- sition d'un nombre plus ou moins considérable de feuillets très-minces et de grandeur inégale. A ces premiers faits que révèle une étude attentive du champ pos- térieur, on peut en ajouter quelques autres. J'ai dit précédemment que le bord libre du champ postérieur était pourvu de dentelures inégales et peu prononcées. De l'angle rentrant formé par deux dentelures voisines on voit partir quelquefois, mais sans qu'il y ait rien de fixe à cet égard, des sillons étroits et irrégu- liers qui s'avancent plus ou moins loin du bord libre dans le champ postérieur. Ces sillons, quand ils existent, sont toujours en petit nombre ; leur trajet est ordinairement flexueux et leur direction plus ou moins convergente vers le foyer. Parfois deux sillons se réunissent en formant une anse dont la convexité est tournée vers le foyer. D'autres fois, on voit plusieurs sil- lons s'anastomoser entre eux, de manière à former quelques grandes mailles irrégulières. Tous les sillons ne partent pas des dentelures du J)ord libre ; on en voit quelquefois naître des lignes de festons formées par les stries parallèles à ce bord. Sur quelques points du champ postérieur, mais surtout dans le voisinage des sillons^ on aperçoit fréquemment de petites lacunes irrégulières, ressemblant à de légères érosions de la couche superfi- cielle de l'écaillé. En faisant usage d'un fort grossissement, j'ai pu, dans certains cas, distinguer, dans le tissu du champ postérieur, un système de fibres très-fines et très-pàles, entre-croisées sous divers angles. Ce sont les libres conjonctives qui composent la trame organique de l'écaillé. Par contre, je n'ai pu constater la présence de corpuscules calcaires ova- laires, analogues à ceux que j'ai décrits chez la Perche. Sur une écaille, j'ai eu une fois l'occasion de constater une particu- larité très-intéressante. Sur l'un des côtés du champ postérieur, récaille, au lieu de présenter un bord arrondi et régulier, offrait plu- sieurs échancrures très-profondes et à contour déchiqueté. Les petits hunbeaux de tissu, limités par ces échancrures, au lieu d'être formés par une lame pleine, représentaient une sorte de réseau à mailles ARCH. DE ZOOL. F.XP. ET G EN. — T. 11. 187:^. 1;{ 19i E. BAUDELOT. aiTiindies el percées à jour. On eût dil nn niorceuii de lulle à mailles inégales. Les mailles du l)ord étaient incomplètes et comme déchi- rées ; les mailles les plus rapprochées du centre de l'écaillé étaient, au contraire, imperforées, et constituaient de simples dépressions arrondies de la surface de l'écaillé. Sur quelques points du réseau, j'ai vu les mailles se superposer et s'entre-croiser, comme si elles appar- tenaient à des feuillets différents de l'écaillé. Cette particularité de structure méritait d'être mentionnée en vue de l'étude que nous au- rons à faire du mode de formation des écailles. Passons maintenant à l'étude du champ antérieur. Chmiip antérieur. — Le champ antérieur de l'écaillé nous présente ù considérer un ensemble de faits du plus haut intérêt. (]e champ est recouvert, dans toute son étendue, par une couche calcaire ornée de crêtes parallèles et parcourue par un certain nombre de sillons. L'union des deux champs, antérieur et postérieur, a lieu au niveau de ce que j'ai appelé la ligne focale. La transition d'un champ à l'autre se fait le plus souvent d'une manière brusque, par l'interruption subite des crêtes parallèles ; quelquefois cependant la cessation de ces crêtes ne se manifeste que progressivement, de telle sorte que la limite des deux champs reste tout à fait indécise. Sillons. — Les sillons du champ antérieur se font remarquer par leur direction très-différente de celle qui se manifeste d'ordinaire dans les autres écailles. Ces sillons, en elfet, au lieu de présenter une direction convergente vers le foyer, ont leur trajet plus ou moins perpendicu- laire au grand axe, c'est-à-dire à l'axe antéro-postérieur de l'écaillé. nuel(|uefois on aperçoit un premier sillon qui traverse l'écaillé de part en part au niveau de la ligne focale. A la suite de ce sillon et en avant de lui, c'est-à-dire en allant du côté de l'extrémité antérieurej se montrent d'autres sillons qui n.iissent plus ou moins symétriquement des bords latéraux et s'avancent vers la ligne médiane, mais oi-dinai- rement sans s'y réunir. Ces sillons présentent une direction d'autant plus oblique (pi'ils sont plus antérieurs; leur oblicpiité a lieu de telle sorte que l'extrémité interne s(^ trouve située en avant de l'extréniilé externe. Tous ces sillons sont sujets, du reste, à ollVir de très-nom- breuses variations dans leiu' nombre connue dans leur direction. J'en ai compté souvent de dix à douze; mais ce nombre est très-loin d'être ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 19K Imijours facile à déterminer, soit parce que le trajet des sillons est peu apparent, soit parce que ceux-ci se montrent bifurques ou inter- rompus de distance en distance, soit enfin parce qu'ils n'existent que partiellement sous forme de lacunes étroites, allongées et plus ou moins irrégulièrement disséminées dans certaines portions du champ antérieur. Le trajet des sillons est tantôt rectiligne, tantôt plus ou moins sinueux. Quelquefois, après s'être montré simple d'abord, un sillon se bifurque tout à coup : d'autres fois, on voit plusieurs sillons s'anastomoser entre eux. Dans un cas j'ai vu ces sillons anastomosés former, dans le voisinage du bord antérieur, des mailles irrégulières qui se reliaient, par quek[ues sillons parallèles aux bords latéraux, à des sillons également anastomosés du champ postérieur. Tous les sillons que je viens de décrire sont très-étroits et se pré- sentent sous l'aspect de rigoles plus ou moins profondes, taillées à pic dans les couches extérieures de l'écaillé. Crêtes parallèles. — De môme que les sillons, les crêtes du champ antérieur méritent d'appeler l'attention par leur direction loul ex- ceptionnelle. Dans les différentes écailles que nous avons étudiées jusqu'à pré- sent, nous avons vu que les crêtes, lorsqu'elles étaient régulièrement disposées, offraient toujours une direction plus ou moins parallèle au contour extérieur de l'écaillé ; il en est tout autrement chez le Hareng : les crêtes, au lieu de rester parallèles à ce contour extérieur, affectent une direction à peu près parallèle à celle des sillons, c'est-à-dire plus ou moins perpendiculaire au grand axe de l'écaillé. Dans le voisinage du foyer les crêtes se portent d'un côté de l'écaillé à l'autre en sui- vant une direction à peu près transversale ; les crêtes qui viennent ensuite offrent une direction de plus en plus oblique à mesure qu'elles se rapprochent du bord antérieur ; cette obliquité est, comme celle des sillons, dirigée de dehors en dedans et d'arrière en avant. Toutes ces crêtes se rejoignent et se confondent sur la ligne médiane. Les crêtes les plus rapprochées du bord antérieur suivent d'ordinaire un trajet plus ou moins parallèle à ce bord. La disposition des crêtes, telle que je viens de la faire connaître, est, si l'on peut s'exprimer ainsi, la disposition typique, c'est-à-dire la plus ordinaire ; mais à côté de ces caractères généraux combien de variations! Sur certaines écailles, par exemple, j'ai vu l'irrégularité des crêtes portée au plus haut degré; au lieu de rester parallèles J!)6 E. BAUDELOT. entre elles, ces collicules affectaient une multitude de directions par- ticulières; on les voyait s'infléchir, se recourber en S, s'enchevêtrer en tout sens, ou bien former, autour de centres distincts et plus ou moins espacés, des espèces de petits tourbillons du plus curieux as- pect. Dans un cas de ce genre j'ai môme vu les collicules les plus rapprochées du pourtour du champ antérieur suivre un trajet plus ou moins parallèle au bord de l'écaillé. (Juoi qu'il en soit de ces variations dans la direction des collicules, je ne saurais trop appeler l'attention sur ce fait : que chez le Hareng les crêtes affectent d'ordinaire une direction plus ou moins perpendi- culaire aux stries d'accroissement, celles-ci restant toujours parallèles aux contours de l'écaillé. Il semble donc permis d'après cela de con- clure en faveur de l'indépendance de ces deux ordres de phénomènes. Les bords de l'écaillé sont d'une minceur extrême dans tout le pourtour du champ antérieur; ces bords se montrent sur certains points comme étant formés d'un tissu conjonctif dont les fibrilles très-pâles suivent un trajet parallèle au contour de l'écaillé. Je ne puis terminer cette étude des écailles du Hareng sans parler des écailles modifiées qui forment la carène ventrale. Ces écailles, d'une conformation toute particulière, ont chacune l'aspect d'une lame triangulaire dont la base très-élargie correspond exactement à la ligne médiane du ventre, et dont le sommet, effilé en manière de longue arête, s'élève à une certaine hauteur le long de la paroi abdominale. En se réunissant deux à deux par leur base sur la ligne médio-ventrale, les écailles en question constituent une suite d'arceaux qui embrassent la crête ventrale. Les écailles de la carène sont transparentes et ne présentent pas de couche calcaire distincte à leur surface; on n'y aperçoilni crêtes, ni sil- lons, mais seulement des stries d'accroissement parallèles à la ligne de contour; ces stries paraissent dues à la présence de faisceaux de tissu conjonctif. Entre les fibres de ces faisceaux on distingue sur certains points de petites lacunes allongées. En examinant le tissu des écailles en question sous un assez fort grossissement, on découvre dans l'épaisseur de la trame conjonctive des corpuscules calcaires de diverses grandeurs. Les plus volumineux de ces corpuscules ont la forme de petits globules arrondis ou ovalaires. Un les trouve principalemeni, accumulés dans la portion basilaire de l'écaillé, au voisinage de la ligne médiane. ÉCAILLES DEii POISSONS OSSEUX. 197 5" Anguille [AngjiiUa vu/garis, pi. VII, fig. l-o). Malgré leur petitesse et leur situation dans l'épaisseur de la peau, les écailles de l'Anguille ont été vues et figurées d'assez bonne heure par les naturalistes. Dès 1764 Ledermuller en donna une figure très- amplifiée et assez exacte. Maintes fois contestée, l'existence de ces écailles fut de nouveau signalée par Broussonnet (1787), par Heusin- ger (1823); actuellement elle ne fait l'objet d'un doute pour aucun naturaliste. Leur étude, néanmoins, n'a jamais été faite d'une manière sérieuse, et, comme je le démontrerai plus loin, de graves erreurs concernant leur structure ont été avancées et reproduites dans divers ouvrages de date récente. Les écailles de l'Anguille se présentent sous l'aspect de petites la- melles extrêmement minces, transparentes et de forme ovalaire. Ces lamelles sont enchâssées dans l'épaisseur du derme et ne sont nulle- ment apparentes h la surface extérieure du corps. Pour les apercevoir il suffit de prendre un laml)cuu de peau, de l'étaler sur une lame de verre et de l'examiner ensuite par transparence soit sous la loupe, soit sous le microscope. On constatera ainsi que l'orientation du grand axe des écailles, par rapport à l'axe longitudinal du corps, est extrêmement variable. Des écailles voisines ont souvent leur grand axe perpendi- culaire l'un par rapport à l'autre. Toutes ces écailles sont très-rappro- chées, contiguësles unes aux autres, se recouvrant même quel((uefois partiellement, mais sans jamais offrir aucune apparence d'une véri- table imbrication. Les dimensions des écailles sont sujettes à présen- ter des variations assez marquées, abstraction faite, bien entendu, de celles qui peuvent dépendre de l'âge du poisson. Sur une Anguille de 60 â 70 centimètres, un certain nombre d'écaillés que j'ai mesurées otfraient de 2 à 3 millimètres de longueur sur i millimètre environ de largeur. Afin de pouvoir étudier convenablement la structure des écailles, il est indispensable d'avoir recours à l'emploi de grossissements assez forts. Sous un grossissement de 30 diamètres environ, une écaille isolée apparaît comme une petite lamelle transparente dont la surface totale se trouve décomposée en une multitude de petits espaces arrondis ou ovalaires, très-nettement circonscrits, contigus les uns aux autres et lOS li. J5AUL)KLUT. disposés on séries plus ou moins parallèles au contour extérieur de récaille. Les espaces en question se dessinant en clair sur le fond plus sombre de l'écaillé ont été pris par ([uelques naturalistes pour des cavités ou des perforations du tissu de l'écaillé'; nous verrons plus loin que ce sont, au contraire, des plaques formant un relief très- marqué à la surface d'une lame fibreuse continue, qui forme le sub- stratum de l'écaillé. Afin d'obtenir une idée nette de la structure de l'écaillé, il faut étudier celle-ci sous des grossissements variant de 100 à -401) diamètres. En plaçant une écaille sous le microscope et en examinant succes- sivement chacune de ses faces, il est facile de constater que dans les écailles de l'Anguille, comme dans celles que nous avons étudiées jusqu'à présent, les deux faces offrent un aspect particulier et tout à fait différent. La face interne est parfaitement unie ; la face externe, au contraire, est recouverte de plaques calcaires arrondies, ressem- blant à autant de petits médaillons, formant une saillie très-api)arente au-dessus du plan membraneux de l'écaillé. Le nombre de ces plaques sur une écaille de 2 millimètres de longueur est d'un millier au moins. Pour procéder avec ordre j'étudierai successivement la face externe, puis la face interne. Les plaques en nK'dailhju de la face externe méritent au plus haut point de fixer notre attention. Nous allons étudier leur forme, leurs dimensions et leur arrangement à la surface de l'écaillé. La forme des pbuiues calcaires est extrêmement variable. Tout ce ([ue l'on peut dire de plus général à cet égard, c'est ({u'elles offrent des contoiu's arrondis. Mais, à part ce caractère conmiun, il n'y en a pas deux peut-être d'une l'orme exactement semblable. Quelques-unes ' CMe erreur ;i ûlé coniinisc; pai' Oweii (Anatomy of Verlebratcs, vol. 1, p. 54li, li^\ a(il), et par (Juekell, {Descript. andilluslr. Catalogue of the Hislological Séries contained in the Muséum of the Collège of Surgeons, I. Il, IS'Ki, pi. VI, li;^'. :t). fhvcii s'exprime ;iinsi qu'il suit : " 'i'Iiey (llie scales) consisl dl'a liiiely reticulale carfila.^c, llie long axis oT Liio meslies, wliicli inay he cclls willi eoiillueiil walls, rumiiiit^' iieaily parallol lo ilie contour of (lie scale. » ]^"eri'eur d'Owen et fie QnekiMI se trouve reproilnilc dans les Leçons sur la phy- siologie et Vanalomie comparée de l'tiommeel des animaux de Milne-Edwakds, I. X, p. l'y. 1879: (' (^liez quelques poissons à érailies cyctoïdes, ces disques tégumenlaires restent dans un él.il pri^sque rudimentaire et n(! coiisistenl. qu'(!n une jx'tite lame crihlée de trous et pi-ol'ondémenl eiieliàssée rlaiis une fossclle du derme, ainsi (pu- cela se voit chez les ,'\nguilles. » EGAILLES DES POISSONS OSSEUX. 199 sont circulaires ; la plupart ont la forme d'une ellipse plus ou moins allongée, tantôt régulière, tantôt irrégulière. L'allongement du grand diamètre de l'ellipse, par rapport au petit diamètre, peut devenir tel que la plaque tinit par ressembler à une sorte de bourrelet ou de crête très-étroite. D'autres plaques sont incurvées sur le côté de manière à présenter l'aspect d'un rein, d'un haricot ou d'un crois- sant; un petit nombre enfin possèdent des contours irréguliers et plus ou moins sinueux. Les mesures suivantes, prises sur un certain nombre de plaques, serviront à préciser davantage les laits que je viens d'énoncer : Grand riiamètre Petit des plaques. diamètre Millim. Millim. 0,024 0,024 0,032 0,024 0,040 0,020 0,048 0,0:20 0,048 0,012 0,028 0,006 0,032 0,004 0,020 0,002 Chaque plaque, vu son épaisseur, peut être considérée comme une sorte de cylindre très-surbaissé, offrant deux bases parallèles, l'une interne, adhérente au plan fibreux de l'écaillé, l'autre externe, regar- dant librement en dehoi's. La hauteiu' du cylindre, c'est-à-dire l'é- paisseur de la plaque, est d'environ 4 à 6 centièmes de millimètre. La base externe est représentée par une surface plane, parfaitement polie, et à contour très-nettement délimité, ce qui fait ressembler chaque plaque à une sorte de petit miroir, encadré d'un liséré de cou- leur sombre. Cette base externe, se laissant traverser aisément par la lumière et se détachant en clair sur le fond membraneux île l'écaillé, a donné lieu à une singulière illusion d'optique : ainsi que je l'ai dit précédemment, elle a été prise par divers natur;ilistes pour des trous percés dans le tissu de l'écaillé. La base interne du cylindre repose sur la membrane fibreuse de l'écaillé avec laquelle elle se confond. Cette base est un peu plus élargie que la base externe, et au lieu d'offrir comme celle-ci un contour dou- cement arrondi, elle présente le plus souvent un contour irrégulier, le long duquel on aperçoit des globules calcaires plus ou moins dis- tint'ts. Parfois aussi la base interne, en s'élargissanl, s'étale sous 200 E. BAUDELOT. forme d'iine mince lamelle à conloiirs dcchiqiietcs sur le plan fibreux sous-jacent. Lorsqu'on examine une plaque de proiil, c'est-à-dire par le côté', on aperçoit plus ou moins distinctement une sorte de strie transver- sal, formé de lignes parallèles aux plans des deux bases. Ces lignes indiquent l'existence de feuillets calcaires superposés dans l'épaisseur de chaque plaque. Cette structure feuilletée peut, du reste, être di- rectement démontrée. La substance calcaire dont se compose chaque plaque est des plus fragiles, ainsi que le prouvent ces lignes de cas- sure multiples que l'on aperçoit si fréquemment sur la base externe des plaques. Dans quelques cas, il m'est arrivé de rencontrer des pla- ques brisées en travers, suivant un plan oblique très-fortement incliné. Sur la tranche de cette cassure on apercevait distinctement les bords des feuillets successifs disposés en retrait les uns des autres comme des gradins ou comme les marches d'un escalier. Parlons maintenant de l'arrangement des plaques à la surface de l'écaillé. Les plaques calcaires ne sont pas contiguës les unes aux autres ; il existe entre elles des intervalles plus ou moins considérables au niveau desquels on aperçoit le tissu membraneux de l'écaillé. La largeur de ces intervalles peut varier de 4 à 36 millièmes de millimètre et même davantage. 11 est bon de faire remarquer, du reste, que chaque plaque ayant d'ordinaire sa face interne ou basilaire un peu plus élargie que sa face externe, l'intervalle entre deux plaques voisines n'est point le même suivant que l'on mesure l'écartemcnt existant entre les bases ou entre les sommets de ces plaques. Les deux bases peuvent se tou- cher et les sommets offrir un écartement très-marqué. Considérées dans leur ensemble, les jjlaques se trouvent groupées I Aliii ili' |Miii\(iir rtmlii'i' (l'une iiiaiiirrc ansHi coiiiplMc qm^ possible la l'orme cl. In slnirlnrc îles iliaques ealeaires, il esl avaiita,i;eu\ d'avoir recours à quelques pro- cédés ipieje vais iiuli(iuer. Pour voii' les pla(|ues de profil, ou peut, se borner à plier une écaille eu deux cl. à exaiuiiu'r les placpies dans le voisiuai^'c delà ]ilicaliii'c ; mais II' meilleur moyeji consiste à isoler les plaijues eu détruisant la membrane de récaille à l'aide d'une solution coin'culi'ée de pidasse, cluinlfée jns(ju'à l'ébulliliou. ] ) lus le péle-méle di'i elles se Ironveid aloi-s, liiules ces petites plaques se uuiutnMd, à robservaleur sons lonles leurs laces. Au lien d'une solidimi biuiillanle de potasse, nu peut aussi l'aii'c usaj4e d'une soluliou froide cl pins ou nniins conceidrée ; ,,ii ai'i'ive pai- ce n:oyen à donner plus de ti-anspai'euce à, la mendii'ane libi'cnse sans la déli'uiic, ce ipii pei'niel de dislin^uer plus nelfemeni les confoui's de la base infei'ne des plaqiU's, ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. - 201 en séries plus ou moins régulières et plus ou moins parallèles au contour de l'écaillé. Dans chaque série, les plaques présentent d'ordi- naire leur grand diamètre dirigé suivant l'axe même de la série. Dans leur trajet à la surface du plan de l'écaillé, toutes les séries ne par- courent pas cette surface en totalité ; un certain nombre d'entre elles disparaissent après un trajet plus ou moins étendu et semblent se perdre au milieu des séries voisines. Pour se convaincre que toutes les séries ne font pas le tour de l'écaillé, il suffit, dn reste, de compter le nombre des séries d'abord dans le sens du grand diamè- tre, puis dans le sens du petit diamètre de l'écaillé : on reconnaîtra alors que ce nombre est beaucoup plus élevé dans le premier cas que dans le second. Une écaille examinée à ce point de vue m'a offert vingt-trois séries pour la moitié de son grand diamètre et treize seu- lement pour la moitié de son petit diamètre. En outre de leur disposition en séries longitudinales, les plaques offrent encore une autre sorte de groupement que je crois devoir signa- ler. Au lieu de se trouver réparties d'une manière uniforme sur toute la surface de l'écaillé, elles forment d'ordinaire plusieurs zones concen- triques, plus ou moins nettement séparées les unes des autres par des intervalles occupés seulement par le tissu membraneux de l'écaillé. Ces zones concentriques, sur des écailles de 2 à 3 millimètres de longueur, sont généralement au nombre de trois à quatre. La zone centrale, lors- qu'elle est bien isolée , produit l'effet d'une petite écaille placée au milieu d'écaillés plus grandes. Peut-être ces différentes zones représentent-elles des zones d'accroissement. Quoi qu'il en soit, les plaques calcaires qui se trouvent situées le long du contour exté- rieur de chaque zone, se distinguent le plus souvent par leur aspect tout à fait rudimentaire ; elles sont plus petites, très-étroites, et même quelquefois réduites à une simple crête. Les plaques de la zone centrale sont généralement de moindre dimension que celles des zones situées plus en dehors. Dans la portion médiane de la zone centrale il existe d'ordinaire un espace vide plus ou moins étendu, occupé par du tissu membraneux semé de globules calcaires isolés ou diversement agrégés. La lame membraneuse qui sert de support aux plac[ues calcaires est formée par du tissu conjonctif dont les fibrilles se montrent dispo- sées plus ou moins parallèlement au contour extérieur de l'écaillé. Pour bien voir ces fibrilles, il faut examiner l'écaillé par sa face interne et sous un fort grossissement. Traitée par une solution de potasse i202 ■ K. IJAUDhLUl. coiicenliéc cl chaiillée, la lanio conjonclivc se dissoiil laissant pour résidu quelques légers flocons de matière organique dans laquelle on aperçoit des molécules calcaires d'une extrême finesse. Li's écailles de l'Anguille se développent tardivement; je n'en ai pas trouvé dans la peau de jeunes Anguilles d'une longueur de 7 cen- liinètres. Par suite de cette apparition tardive, et vu la facilité avec la(juelle on peut se procurer des Anguilles de toute taille, je regarde ce type comme devant être très-avantageux pour l'étude du dévelop- pement des écailles. C'est, du reste, un sujet sur lequel je me propose de revenir dans la suite lorsque j'aurai en main des matériaux suffi- sants, ceux-ci me faisant actuellement complètement défaut. 6" — DONZELLE {Opliidimii harhnluiii, pi. XI, lig. 2-3). L'étude des écailles de VOphidium harhatain offre un véritable inté- rêt au point de vue de la comparaison. Ces écailles, en effet, consti- tuent un type intermédiaire, une forme de ti'ansition entre les écailles ordinaires et les écailles de l'Anguille. Comme chez l'Anguille, elles sont renfermées dans de petites poches du derme et entièrement cachées dans l'épaisseur de la peau. Leur forme est ovalaire, leur dimension (sur le sujet que j'étudie) est de 2 millimètres de longueur environ sur 1 millimètre de largeur. En examinant par transparence un lambeau de peau, il est facile de constater que leur grand axe se trouve orienté de façons très-diverses par rapport à l'axe du corps. (iliaque é<'aille représente une petite lamelle transparente, très- mince, offrant deux faces, l'une interne parfaitemenl unie , l'autre externe, unniii; de sillons et de crêtes concentriques qui la parcou- renl d;uis loule son étendue. Commençons i)ai' l'étude de la lace externe. Les crêtes concenlriqut's offrent une assez grande régularité dans leur disposition générale à la surface de l'écaillé. Leur écartement value de 2 à ;{ ccutiènies de inilliiurlrc. telles sont moins nombreuses dans le sens du \wX\[ diamètre de l'écaillé (jue dans celui (lu grand diamètre. Sur une écaille de 2 millimètres de longueur, j'en ai coin|)té seize environ dans la moitié du petit diamètre, et vingt-ciii<| dans la ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 203 moitié du grand. Toutes ces crêtes se montrent brusquement inter- rompues au niveau des sillons rayonnants. Les serments qui résultent de ces interruptions répétées de chaque crête, tantôt restent alignés dans une même direction, tantôt cessent de se correspondre de ma- nière à offrir sur certains points une disposition alterne. Les si((u7is rayonnants sont très-nombreux et répartis d'une ma- nière assez uniforme sur tout le pourtour de l'écaillé. J'en ai compté une cinquantaine environ le long du contour extérieur. Tous ces sil- lons ne s'étendent pas jusqu'au centre de l'écaillé ; beaucoup s'arrêtent aune faible distance du bord, d'autres vont un peu plus loin, un petit nombre arrivent jusqu'au foyer. Il résulte de là que le nombre des sillons est notablement plus élevé dans le voisinage du bord que vers le centre de l'écaillé; il en résulte encore que la surface totale de l'écaillé se trouve décomposée en bandes de longueur inégale, qui rayonnent du centre vers la périphérie en formant une sorte de dichotomie. Le trajet dessillons du centre vers la périphérie est plus ou moins direct ; le plus souvent il se trouve représenté par une ligne brisée ou par une suite de zigzags plus ou moins réguliers. La largeur des sillons est aussi très-variable; on aperçoit d'ordinaire sur leur par- cours des élargissements successifs qui se répètent de distance en dis- tance avec plus ou moins d'uniformité. Ici se présente un fait sur lequel je tiens à appeler l'attention. Si l'on examine l'écaillé sous un fort grossissement (300 diamètres envi- ron), on peut, en outre des sillons rayonnants, constater l'existence de sillons transverses parallèles au contour de l'écaillé. Ces sillons d'une étroitesse extrême, s'étendent d'un sillon rayonnant au sillon rayon- nant voisin en parcourant l'espace compriscntre deux crêtes concenti'i- ([ues et en restant parallèles à ces crêtes. Leur trajet se manifeste tantôt par une petite rigole à bords très-nets, tantôt par une simple ligne plus claire ou plus sombre que le fond de l'écaillé. Les b(n-(ls de la rigole ou la ligne qui représente celle-ci montrent d'ordinaire de très- fines crénelures qui sont dues à la présence de molécules calcaires. Chaque sillon transverse débouche à chacune de ses extrémités dans le sillon rayonnant voisin, soit au niveau de l'un des élargissements de ce sillon, soit au sommet de l'un des angles formés par les zigzags de son parcours. Les sillons Iransverses que je viens de décrire sont 204 E. BAUDELOT. surtout apparents dans la portion périphérique de l'écaillé, ils le sont beaucoup moins dans le voisinage du foyer au niveau duquel ils peu- vent même disparaître sur quelques points. Par suite de la coexistence des sillons transverses et des sillons rayonnants, l'écaillé se trouve décomposée en une multitude de petites plaques quadrilatères ou hexagonales qui se succèdent en formant des séries plus ou moins régulières du centre vers la périphérie. Chacune de ces plaques supporte un fragment isolé de crête concentrique dont l'arête m'a paru offrir une légère inclinaison vers le centre de l'écaillé. Si l'on observe deux séries de plaques de chaque côté d'un même sillon rayonnant, on constate que les crêtes qui appartiennent à ces plaques tantôt se correspondent exactement, tantôt alternent entre elles des deux côtés du sillon. Lorsqu'il y a alternance, l'extrémité latérale de chaque plaque constitue d'ordinaire une saillie anguleuse qui se place dans un angle rentrant formé par deux plaques voisines. La même correspondance et la même alternance se remarquent éga- lement dans la disposition des sillons transverses. Lorsque l'on soumet une écaille à l'action d'une solution de potasse concentrée et chauffée jusqu'à l'ébuUition, la lame fibreuse qui consti- tue le substralum de l'écaillé se dissout, et toutes les petites plaques limitées par les sillons rayonnants et par les sillons Iransverses se séparent les unes des autres, absolument comme nous l'avons vu pour les plaques en médaillon de l'Anguille. Chaque plaque isolée peut être assimilée à une sorte de prisme triangulaire à faces inégales. Des trois arêtes de ce prisme l'une se trouve représentée par la crête concentrique, une autre par le bord externe de la plaque, la troisième par son bord interne. La plus large des faces dvi prisme constitue la base de la ])laqu(' et adhère an plan fibreux de l'écaillé. Les contours de cette face basilaire montrent d'ordinaire de fines crénelures qui sont dues à la présence de globules calcaires d'une extrême petitesse. Après la dissolution de la lame fibreuse de l'écaillé, un plus ou moins grand nombre de ces globules restent à l'état d'isolement complet. En examinant une plaque avec attention, on voit qu'elle est formée de corpuscules semblables, agrégés et soudés, de manière à former une lame continue. La face interne de j'écaille est formée l)ar du tissu fibreux dont les fibres se montrent plus ou moins paral- lèles au contour extérieur. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 205 7<» Merlan {Gadus Merlangus). Les écailles du Merlan offrent avec celles de l'Ophidium une extrême ressemblance. Ces écailles sont minces, transparentes, petites, de forme ovalaire (grand diamètre antéro - postérieur) et fortement imbriquées. Sur un Merlan mesurant 24 centimètres du bout du museau à l'extrémité de la queue, les grandes écailles du flanc avaient un grand diamètre de 2 millimètres et demi environ. Les crêtes concentriques occupent toute la surface de l'écaillé, moins le foyer, qui se trouve représenté par un petit espace central, ovalaire et à peu près lisse. Ces crêtes se trouvent découpées par les sillons rayonnants en une multitude de petits segments qui, dans leur juxtaposition, conservent un arrangement régulier et une disposition plus ou moins parallèle au contour de l'écaillé. Les sillons rayonnants se trouvent répartis sur tout le pourtour de l'écaillé d'une façon presque régulière. Ces sillons sont très-nombreux, j'en ai compté jusqu'à soixante le long du bord extérieur; ce nombre est beaucoup moindre vers le centre de l'écaillé. Chacun des sillons, considéré dans son aspect, ofl're la plus complète analogie avec ceux de l'Ophidium; son trajet, plus ou moins rectiligne dans l'ensemble, est représenté dans le détail par une série de petits zigzags, inégalement prononcés dans les divers champs de l'écaillé. En outre des sillons rayonnants, on observe encore, de même que chez l'Ophidium, des sillons transverses, parallèles aux crêtes concen- triques. Ces sillons se manifestent sous l'apparence de rigoles très- étroites ou de simples lignes plus ou moins nettement accentuées. Ces sillons transverses se montrent surtout vers les bords de l'écaillé et dans le champ antérieur, ils deviennent très-peu distincts dans une grande partie du champ postérieur. Par suite de l'existence de ces sillons transverses, conjointement avec celle des sillons rayonnants, la surface de l'écaillé du Merlan, de même que celle de l'Ophidium, se trouve décomposée en une multi- tude de petites plaques quadrilatères ou polygonales, plus ou moins nettement séparées, et portant chacune un fragment de crête concen- trique. En traitant l'écaillé par une solution concentrée de potasse, de manière à détruire la couche fibreuse interne, une partie de ces petites plaques se séparent les unes des autres, et s'isolent complé • tement en conservant leurs caractères. Ce fait s'observe surtout pour 206 E. BAUDEI.OT. les phuiues les plus rapprochées du iJourLour de l'écaillé. Au delà de cette première zone, les plaques calcaires m'ont paru contracter entre elles une union plus ou moins complète. En tenant compte des faits que je viens de signaler, on peut donc considérer les écailles du Merlan comme établissant une transition entre les écailles de l'Ophidium et les écailles ordinaires. Comme chez rO])hidium, leur surlace se trouve décomposée en une multitude de plaques élémentaires régulièrement disposées, mais au lieu d'être enfouies dans l'épaisseur de la peau et simplement juxtaposées, ces écailles offrent une véritable imbrication , comme celle des écailles ordinaires. H" - {Z.\?.VE{Cypri)V(S Cnrpio, pi. \, fig. 1-7, et pi. XI, fie;, i). Les écailles de la Carpe se présentent sous l'aspect de lamelles mé- diocrement épaisses et de très-grandes dimensions. Ces dimensions sont susceptibles de varier beaucoup, du reste, suivant les différents points du corps. Les plus grandes écailles se rencontrent dans les régions moyenne et antérieure du corps, au voisinage de la ligne laté- rale. Celles des autres parties diminuent peu à peu de grandeur, à mesure que l'on se porte soit d'avant en arrière dans la direction de la nageoire caudale, soit de haut en bas vers la ligne médio-ventrale. Les écailles perdent aussi un peu de leur ampleur en approchant de la ligne médio-dorsale. Les écailles les plus petites se rencontrent dans l'espace triangulaire compris entre l'origine des nageoires pec- torales et la région sous-hyoïdienne. Les mesures suivantes, prises sur les écailles d'une Carpe dont la longueur totale, à partir du bout du museau jusqu'à l'extrémité delà queue, était (le 'M centimètres, pourront servir à donner une idée exacte des variations de la grandeur de ces organes. Région pl(Mir;U(!. Uégioii ventrale. Ilégion prépcolorali'. — . 5 ^ Lu forme des écailles est aussi sujette à de nombreuses variations. Dianièire antéro- poslérieur. Millim. 18 Diamètre transversal Millim. 18 14 13 i:i 8 12 6 8 8 (> 6 ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 207 Les grandes écailles des flancs se rapprochent i)ar leur aspect gé- néral de celui d'un quadrilatère dont les deux dimensions seraient à peu près égales. Les côtés de ce quadrilatère ne sont point rcctilignes. Ceux qui représentent les bords latéraux offrent d'ordinaire une légère convexité tournée en dehors ; le bord antérieur est repré- senté par une ligne largement ondulée ; le bord postérieur ou bord libre offre une courbure en arc de cercle avec quelques légères inflexions. Les caractères que je viens de tracer n'appartiennent qu'a'ix écailles les plus régulières et que l'on peut considérer comme typiques ; en outre de celles-ci, on en rencontre une multitude d'autres dans les- quelles la forme typique s'altère plus ou moins, ou même disparait tout à fait. Dans le voisinage de la nageoire caudale, par exemple, les écailles prennent une forme plus ou moins régulièrement arrondie. En mon- tant de la ligne latérale vers le dos, elles offrent également une ten- dance à perdre leurs angles et à s'arrondir. En descendant dans la direction du ventre, elles tendent à s'allonger dans le sens autéro- postérieur et à revêtir une forme plus ou moins ovalaire. Au voisinage de la ligne médio-ventrale, j'en ai trouvé quelques-unes dont le dia- mètre antéro-postérieur était double du diamètre transversal. Les écailles qui bordent l'épaule en arrière, celles qui marcjuent la limite postérieure du crâne, ou bien encore celles qui occupent la ligne de base des nageoires impaires, revêtent, par suite de leur mode inégal d'imbrication, des formes variées et plu»; ou moins irrégiilières. Si, de l'étude de la forme nous passons à celle des surfaces et si nous examinons l'une des grandes écailles que nous considérons comme typiques, nous pourrons constater les faits que voici : Le foyer de l'écaillé n'occupe pas le centre de figure, mais se trouve reporté un peu en arrière de celui-ci, de telle sorte que l'écaillé se trouve partagée en quatre champs triangulaires inégaux. Le champ antérieur et les champs latéraux se trouvent renferniés dans la poche de l'écaillé. Le champ postérieur seul se montre à découvert dans l'état ordinaire d'imbrication des écailles. La face interne de l'écaillé est complètement lisse dans toute son étendue. Lorsqu'on arrache une écaille de sa poche cutanée, cette face se montre tapissée d'une couche très-mince de matière argentine dans la purlion qui correspond au champ postérieur. , ; 208 E. BAUDELOT. L;i face externe présente des ornements dont l'aspect varie suivant les points où on les considère. Dans le champ antériem' et dans les champs latéraux, la surface de l'écaillé est recouverte de stries concentriques extrêmement fines et parallèles aux bords de l'écaillé. Ces stries, vues par transparence, forment de distance en distance des zones alternativement plus obscures ou plus claires et dont la forme répète celle du contour extérieur de l'écaillé. En outre des stries concentriques, on aperçoit encore dans le champ antérieur un certain nombre de lignes obscures très-fines (sillons rayonnants) qui se portent en divergeant du foyer vers le bord anté- rieur. Le champ postérieur se distingue des précédents par un certain nombre de particularités. Sa surface présente un aspect rugueux très- prononcé. Cet état rugueux se manifeste au toucher par une sensa- tion qui rappelle celle du chagrin. Comme dans les autres champs de l'écaillé, on aperçoit ici encore un système de lignes concentriques parallèles au contour de l'écaillé ; mais ces lignes ont un caractère très -différent : au lieu de représenter des stries continues et d'une extrême finesse, les lignes en question se montrent sous l'aspect de lio-nes pointillées d'une certaine épaisseur et plus ou moins écartées les unes des autres; ces lignes s'atténuent et disparaissent plus ou moins complètement vers le bord et vers le centre de l'écaillé. En regardant celle-ci de profil, c'est-à-dire à peu près parallèlement à sa surface, on reconnaît que les rugosités du champ postérieur, non- seulement sont disposées de manière à former des lignes concentri- ques parallèles au bord postérieur, mais que ces mêmes rugosités offrent en même temps un arrangement tel qu'il en résulte des séries ravonnant du centre de l'écaillé vers le bord libre du champ posté- rieur. Cette disposition des rugosités rappelle, comme on le voit, celle des spinules qui recouvrent le champ postérieur dans les écailles cténoïdes. Vdv suite des aspérités qui hérissent la surface du champ postérieur, il résulte que la peau adhère d'une façon très-intime t\ cette portion de récaille et (ju'elle se détache toujours avec elle lors de l'extraction de récaille hors de sa poche cutanée. Ue même que le chanqi antérieur, le champ postérieur présente un certain nombre de lignes obscures qui rayonnent du centre vers le bord libre. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 209 Tout ce que je viens de dire des écailles de la Carpe peut se voir à l'œil nu. Pour acquérir une connaissance plus complète des faits, il faut nécessairement avoir recours à des grossissements variés et de plus en plus considérables. L'emploi d'un grossissement de trois à six diamètres permet déjà de saisir quelques faits de plus; il est en outre très-avantageux pour acquérir une bonne idée d'ensemble de la surface entière de l'écaille. En examinant à la loupe les champs latéraux, on distingue avec netteté les stries ou crêtes concentriques. Vues par transparence, ces stries ont l'aspect de lignes parallèles entre elles, ainsi (ju'au bord du champ latéral et assez régulièrement espacées. Au niveau de ces zones concentriques que j'ai signalées comme formant des espaces plus obscurs, les stries se montrent un peu plus rapprochées les unes des autres, d'où résulte une transparence moindre dans ces portions de l'écaille. Dans le champ antérieur, les crêtes se présentent avec les mêmes caractères que dans les champs latéraux. Les sillons rayonnants se voient d'une façon très-nette, on dirait des lignes de cassure de l'écaille. Ces sillons offrent une direction plus ou moins convergente vers le centre d'accroissement où l'on en voit parfois quelques-uns s'anastomoser avec ceux du champ postérieur; cependant ils sont loin de venir tous aboutir en ce point. Quelques-uns s'y terminent en effet, mais le plus grand nombre ne parcourent qu'une portion restreinte du champ antérieur. Les uns commencent au bord antérieur et se terminent presque aussitôt, d'autres vont un peu plus loin ; quelques- uns ne naissent qu'à une certaine distance du bord et s'arrêtent après un trajet d'une étendue variable. Tous ces sillons, abstraction faite de leur convergence, conservent entre eux un parallélisme très-imparfait ; leur trajet n'est pas non plus parfaitement rectiligne. Le nombre des sillons n'est pas facile à déterminer d'une façon très-exacte ; il peut arriver d'abord qu'un sillon se trouvant interrompu sur son trajet et les deux bouts cessant de se correspondre, il y ait incertitude pour décider s'il faut dans ce cas compter un sillon ou bien deux ; il peut se faire ensuite qu'un sillon soit tellement court et limité à une si petite portion du champ de l'écaille, que l'on peut hésiter à en tenir compte au môme titre que d'un sillon complet. AUCH. DF, 7.00r.. EXP. ET GÉN. — T. II. 187:^. - 14 510 K. lUllDKI.OT. Oiioi ([u'il en soil, le nombre des sillons paraît susceptible d'oUrir de Irès-grandes variations d'une écaille à l'autre : ainsi, dans deux écailles de 17 millimètres de diamètre environ, j'en compte de quarante à quarante-cinq. Sur une autre écaille, de dimensions à peu près égales, prise sur le même poisson, mais dans une région difrérente, j'en trouve dix seulement. Il importe de l'aire remarquer, du reste, que le nombre des sillons est toujours moins élevé dans le voisinage du centre d'accroissement que près du bord antérieur, et comme il s'agit ici de portions d'écaillé correspondant à des âges dillerents du poisson, il me paraît établi par ce t'ait que le uond)re des sillons est susceptible de s'accroître avec l'âge. Le champ postérieur présente à considérer des crêtes concentriques et des sillons rayonnants. Les sillons sont de même nature que ceux du champ antérieur; comme ces derniers, ils convergent vers le centre d'accroissement, mais avec plus de régularité ; quelques-uns seulement d'entre eux atteignent jusqu'au centre d'accroissement ; la plupart s'arrêtent à des distances inégales du bord libre du champ postérieur. Par suite de l'existence de ces sillons, le bord libre de l'écaillé se trouve découpé en une suite de festons à \)e.n près égaux et dont le nombre, pour deux des écailles citées précéd(>mment, s'élève à une trentaine en- viron. Les crêtes concentriques du chanq) pustérieur se continuent sur les côtés avec les (arêtes des champs latéraux, mais en offrant entre elles un plus grand écartement et en perdant le caractère de régularité qu'elles possédaient dans les champs latéraux et dans le champ anté- rieur. Dans le voisinage du bord libre, elles se montrent sous l'aspect de petites crêtes discontinues, irrégulièrement espacées et à convexité tournée dans le même sens ((ue celle des festons. l'"u avançant vers le centre, les crêtes s'accentuent davantage; elles se montrent alors sous l'aspect de rides saillantes et épaissies sur certains jjoints de leur tra jet, de manière à former de légères j)roémincnces. Plus loin ces proé- minences s'accroisseul encore, de manière à revêtir peu à peu les caractères de tubercules sinueux et allongés dans le sens transversal. Ces tubercules, alignés d'abord de manière à former des rangées pa- rallèles au bord libre, perdent insensiblement de leur symétrie et Unissent par dégénérer en saillies irrégulières, semées cûnime au ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 211 hasard dans l'intervalle des sillons rayonnants. Plus près du centre d'accroissement, les tubercules s'affaissent graduellement et font place à de simples rugosités d'abord, puis à de fines crêtes concentriques disposées avec plus ou moins de régularité. Après cet examen de l'écaillé fait sous la loupe, passons maintenant à l'examen microscopique, en commençant par un grossissement de trente à quarante diamètres. Ce degré de grossissement est très-conve- nable pour étudier certains détails relatifs aux crêtes concentriques, tels que leur disposition, leur foj'me et leur écartement. Commençons par le champ latéral. Vue par transparence, chaque crête concentrique se montre tantôt sous l'aspect d'une ligne obscru^e Irès-fme, tantôt sous celui d'une ligne claire, bordée de chaque côté d'une ligne obscure. Cette différence d'aspect paraît dépendre de la forme de la crête et de son plus ou moins d'épaisseur. Observées à la lumière directe, les crêtes ressem- blent à de petites bandes grises, offrant un liséré brillant sur un de leurs bords et séparées par des espaces plus foncés : ces bandes, lors- qu'on les considère avec attention sur certains poiuts, font naître la sensation de lames imbriquées dont les plus externes seraient recou- vrantes ])ar rapport aux plus internes. La distance entre les crêtes concentriques n'est pas constante, mais ne varie pas cependant dans des proportions très-considérables. Près du bord de l'écaillé, j'ai trouvé pour l'écartement des crêtes 5 cen- tièmes de millimètre : cet écartement est un peu moindre dans le voisinage du foyer ainsi qu'au niveau des zones obscures parallèles. Aux abords du champ postérieur l'écartement des crêtes atteint 7 centièmes et jusqu'à 10 centièmes de millimètre. Les crêtes concentriques les plus rapprochées du Ixird du champ latéral méritent surtout d'appeler l'attention. Au pi-emior aspect, ces crêtes peuvent sembler parallèles au bord qu'elles côtoient; mais une observation plus attentive conduit à reconnaître qu'il n'en est pas ainsi. Si, en effet, on se donne la peine de sui^sTC quelques-unes de ces crêtes d'avant en arrière, on constatera qu'après avoir marché d'abord à une certaine distance du bord, elles s'en rapprochent de plus en plus pour venir s'y terminer enfin, en formant avec lui un angle d'inteiNection extrêmemeni fViiblc. D'.nilrc pai'l. -A l'on pr,Mi([ 2li K. BAUDELOT. l'extrémité d'une crête à son point de contact avec le bord latéral et si on la suit d'arrière en avant, on verra qu'après avoir côtoyé le bord pendant quelques instants, cette crête marginale se trouve bientôt séparée de lui par une première crête d'abord, puis par deux, puis par trois, et ainsi en augmentant, de telle sortç qu'au moment oii elle pénètre dans le champ antérieur elle se trouve reportée à une distance plus ou moins considérable du bord de celui-ci. La forme des crêtes concentriques est sujette à de nombreuses varia- tions. Dans le voisinage du bord, ces crêtes sont en général régulières et continues, mais à mesure que l'on se porte vers le centre de l'écaillé, un voit se manifester dans leur disposition des irrégularités de plus en plus fréciuentes. Certaines de ces crêtes s'unissent entre elles, d'autres s'interi'unipent en divers points de leur trajet, ou bien se décomposent en petits fragments placés bout à bout ; ces fragments peuvent rester droits, ou bien, au contraire, revêtir un aspect sinueux, de telle sorte que si le parallélisme des lignes subsiste encore dans l'ensemble, il disparaît plus ou moins complètement dans le détail. Entre les crêtes les plus rapprochées du bord, la surface de l'écaillé se montre en géné- ral complètement unie ; mais eu allant vers le foyer on voit apj)a- raître dans l'intervalle des crêtes principales de petits tubercules ou bien des crêtes secondaires. Celles-ci, tantôt simples, tantôt ramifiées, venant à s'unir aux fragments des crêtes principales, il en résulte vers le centre de l'écaillé une sorte de réseau à mailles irrégulières, ou tout autre dessin d'un aspect très-compli([ué. Sur une écaille mesurant en largeur 17 millimètres, le nombre des crêtes du champ latéral comptées à partir du bord jusqu'à une distance très-faible du foyer, s'élevait à 180 environ. Dans le champ antérieur, les crêtes concentriques m'ont offert les mêmes caractères que dans les champs latéraux. Sur une écaille mesu- rant 17 millimètres dans le sens antéro-postérieur (la même que la précédente), j'ai conqité les crêtes dans l'intervalle compris entre le bord antérieur et un point Irès-rapproché du foyer : j'en ai trouvé 205 environ. Les sillous ray(jnnanls a|)|)aruissrn[, soit c(jiinnc de simples lignes noires, ressemblant à des lignes de cassure de l'écaillé, soit comme d'étroites rigoles à fond plus clair que les bords. Un plus ou moins grand nombre de ces sillons se Irouveiit d'ordinaire interronqnis au niveau de ce (|ut' j'ai appcb' les zones obscures j)arallèles, ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 213 Le champ postérieur nous présente à considérer des faits du plus haut intérêt. En passant des champs latéraux dans le champ postérieur, les crêtes concentriques changent de caractère ; elles s'écartent les unes des autres, perdent leur parallélisme, décrivent des sinuosités nombreuses, et se décomposent en fragments de longueur variable ; enfin la plu- part de ces crêtes disparaissent, soit qu'elles s'effacent progressive- ment, soit qu'elles aillent se perdre au milieu des saillies tubercu- leuses qui recouvrent la surface du champ postérieur. Reprenons ces faits avec ordre. Tout près du bord libre, la surface du champ postérieur est presque lisse ; un peu plus loin apparaissent de fmes crêtes ondulées, offrant une courbure plus ou moins parallèle à celle des festons. Ces crêtes, sauf quelques rares exceptions, se trouvent interrompues au niveau dessillons rayonnants. Plus loin encore, en allant vers le foyer, les crêtes deviennent de plus en plus irrégulières; tandis qu'elles s'affaissent et disparaissent complètement sur certains points, elles acquièrent sur d'autres une épaisseur considérable, donnant ainsi naissance soit à des tubercules saillants et à contour déchiqueté, soit à des crêtes allongées, droites ou diversement contournées. Crêtes et tubercules s'affaissent de nouveau dans le voisinage du foyer, pour faire place, soit h des rugosités, sans ordre déterminé, soit à de simples granula- tions, plus rarement à de fmes crêtes régulièrement disposées. Les sillons rayonnants du champ postérieur méritent surtoul d'ap- peler l'attention. En étudiant ces sillons avec soin, j'ai été conduit à faire une découverte des plus intéressantes : lorsque l'on suit un sillon dans toute l'étendue de son trajet, depuis le bord libre jusque près du centre de l'écaillé, on aperçoit de distance en distance sur son parcours de petites taches obscures, de forme allongée, et le plus souvent ovalaire. Ces taches, que de prime abord l'on pourrait prendre pour de petits amas de matière pigmentaire, correspondent à autant de petits canaux qui traversent l'écaillé un peu obliquement pour aller s'ou- vrir sur la face interne. Le nombre de ces canalicules, sur une écaille de 17 millimètres, varie de quatre à six pour les sillons les plus longs ; pour les sillons plus courts que l'on rencontre aux deux extrémités du -211 E. BAUDELOT. champ postérieur, le nombre des canalicules va en diminuant progres- sivement ; on n'en trouve plus que trois, que deux ou même qu'un seul. Enfin sur les sillons extrêmes, c'est-à-dire à la limite des champs latéraux, ils Unissent d'ordinaire par disparaître tout à fait. En faisant la part de toutes ces variations, on peut évaluer à quatre en moyenne le nombre des canalicules pour chaque sillon, et comme le nombre de ces derniers est de trente environ, on peut estimer à cent vingt au moins le nombre des canalicules qui mettent en rapport la face externe de l'écaillé avec la face interne. Comment sont disposés les canalicules? quelle en est la fonction? [elles sont les questions dont je vais m'occuper à présent '. Chaque canalicule traverse l'écaillé un peu obliquement, et de telle sorte que l'orifice situé sur la face interne se trouve un peu plus rap- proché du bord libre que l'orifice situé sur la face externe. Quelque- fois cependant les deux orifices se correspondent en partie, de telle façon que l'on peut apercevoir directement la lumière de l'autre côté, comme à travers un petit trou de l'écaillé; ce fait se manifeste surtout pour les canalicules les ])lus rapprochés du bord libre de l'écaillé. L'orifice externe des canalicules paraît toujours en rapport avec un sillon rayonnant. L'orifice interne, au contraire, ne correspond pas exactement (dans la plupart des cas du moins) au sillon sous-jacent de * Le sujet, que j'aborde étant tout ù lait ui'ul', ju crois devoir donner ici (luolques conseils relativement aux moyens à employer pour étudier aisément les canalicules. Le champ [jostérieur étant toujours plus ou moins complètement recouvert par des lambeaux de la peau qui, lors de l'exlraeiidu de l'écaillé, reste adhérente aux tubercules de la surface, il importe au plus haut point de se débarrasser des débris de cette membrane qui gênent considérablement l'observation et permettent tout au plus de reconnaître la position de quelques canalicules. Un premier moyen consiste à traiter l'écaillé par une sohitiou bouillante de carbo- nate de potasse, ou par une solution Fruide et sutOsaniment étendue de |iolasse, mi bien encore par l'ammoniaque, de nuiiiière à détruire complètement la |>e,ui f|ni masque la surface du champ postérieur. Ce premier procédé me paraît indispcns:ible pour bien étudier la forme el la disiiosilion des orifices des canalicules. Lin second procédé, très-simple et très-avantageux poni' recoiuiaître la position, le nombre et le trajet des canalicules, consiste à grattei' avec uu scalpel la surface externe de l'écaillé, de manière à faii'e disparaître tous les ornemeids qui recouvrent la surface du champ postérieur. On peut obtenir ainsi en quelques instants une jiré- paration d'ensemble d'une extrême lu-tteté. Pour distinguer plus aisément les orilices des canalicules, il peut aussi être avan- tageux de plonger l'écaillé pendant quelque temps dans une solution de bicliromate de potasse, d(! manière îi colorer le tissu de récaille. Les orifices, vus par transpa- rence, se détachant en clair sur le fond jaunâtre de l'écaillé, leur présence se révèle immédialemeni ;i l'obsei-vateur. ECAILLES DES POISSONS OSSEUX. ilêi la faee externe ; il se trouve placé un peu sur le côté pdsc rapport à eelui-ci. Cet orifice interne s'ouvre librement à la surface de l'écaillé, où il se voit avec beaucoup de netteté. Sa forme est ordinairement ovalaire et allongée dans le sens du sillon ; ses dimensions sont en moyenne de 5 à 40 centièmes de millimètre. Le trajet des canalicules dans l'épaisseur de l'écaillé est très-court et à peu près rectiligne. Par suite de l'obliquité de ce trajet, la parai inférieure des canalicules (vue par la face interne) se trouve consti- tuée à son origine par une lamelle de tissu extrêmement mince. Ce tissu est composé de fibres entre-croisées à angle droit, fibres qui se continuent avec celles qui forment la couche lapins interne de l'écaillé. Quant à la fonction des canalicules, je pense qu'ils sont destinés à livrer passage soit à des filets nerveux, soit peut-être seulement à des faisceaux de tissu conjonctif. Si l'on examine une écaille par sa face interne, ou aperçoit distinctement de petits filaments blanchâtres qui pénètrent dans l'intérieur de chacun des canalicules. Que sont ces filaments? Se continuent-ils ensuite dans les sillons rayonnants? C'est là un fait que je n'ai pu encore vérifiera Un grossissement de 150 diamètres et au delà devient nécessaire pour étudier à fond les détails des crêtes concentriques, des sillons rayonnants, des canalicules, et pour pénétrer la structure intime de récaille. On peut, de cette manière, constater les faits qui suivent : Vues par la face externe, les crêtes concentriques des champs laté- raux et du champ antérieur montrent pour la plupart un bord irrégu- lièrement sinueux etcommedenticulé ; les crêtes les plus rapprochées du contour de l'écaillé ofirent en général plus de régularité, leur ligne de faîte est souvent droite et uniforme. Les crêtes qui viennent se terminer près du bord du champ latéral s'aflaissent d'ordinaire peu à peu, et finissent par se perdre dans le tissu membraneux qui borde l'écaillé avant d'atteindre le bord lui-même. Les crêtes tuberculeuses et les tul)ercules du champ postérieur ont une surface très-irrégu- lière, raboteuse, hérissée de saillies et d'aspérités de formes extrême- ment variées. Les sillons rayonnants apparaissent sous l'aspect de rigoles taillées à • Mes premières observations sur les canalicules ayant été faites lorsque l'impres- sion de ce mémoire était déjà commencée, je n'ai pu étudier cette question avec tous les développements qu'elle comporte. Je crois donc devoir faire ici toutes mes réserves pour l'avenir. 216 lî- BAUDELOT. pic dans la couche supérieure de l'écaillé, (les rigoles ont des bords sinueux, irréguliers, se détachant comme des lignes obscures sur le fond plus clair de l'écaillé. Le fond des sillons est en général uni ; on y distingue parfois cependant, soit des stries transversales ou obliques, appartenant au tissu fibreux des couches profondes de l'écaillé, soit de petits corpuscules calcaires isolés. Les crêtes concentriques se montrent d'ordinaire brusquement interrompues sur les deux bords de chaque sillon. La largeur des sillons est extrêmement variable d'un point à un autre. Un sillon du champ antérieur, mesuré sur trois points très-rapprochés de son parcours, m'a donné les dimensions sui- vantes : O-^^jOGi; 0°"",0:28 ; O'»'",040. Je n'ai pu jusqu'à présent consta- ter la présence de canalicules perforants sur le trajet des sillons du champ antérieur. Le tissu de l'écaillc est composé d'une substance fondamentale fibreuse et de corpuscules calcaires. La substance fondamentale est constituée par des plans fibreux superposés et que l'on peut séparer avec plus ou moins de facilité en traitant l'écaillé par divers réactifs. Lorsque l'on examine d'abord l'écaillé par sa face interne, on dis- tingue plusieurs systèmes de stries très-fines, entre-croisées sous divers angles, mais le plus souvent à angle presque droit. Ces stries appar- tiennent aux couches tibreuses les plus profondes de l'écaillé. Les stries d'un même système restent parallèles entre elles. Lorsqu'on examine ensuite l'écaillé par sa face externe, on aperçoit également des stries qui s'entre-croisent. Dans le champ antérieur, ces stries pré- sentent une disposition très-remarquable ; comme dans la Perche, elles décrivent sur certains points des courbes plus ou moins pronon- cées, et dont on peut suivre le trajet dans l'intervalle des sillons rayonnants et des crêtes concentriques. En se groupant diversement autour d'un même point, les fibres constituent tantôt des sortes de faisceaux en éventail, tantôt des es[)èces de tourbillons du plus cu- rieux effet. Tout près des bords, le tissu de l'écaillé, réduit à une lamelle extrê- mement mince, paraît composé d'un mélange de librilles et de gra- nulations. Si, après avoir laissé sécher une écaille, on vient ensuite à l'humec- ter avec un peu d'eau, on apcicoil, jusqu'à ce que l'imbibition soit complète, une multitude de petites lignes noires entre-croisées à angle droit et qui ressemblent à autant de petites fissures formées dans l'épaisseur de la substance Fondamentale. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 217 L'étude des corpuscules calcaires nous a fourni un ensemble de faits analogues presque en tous points à ceux que nous avons pu constater déjà chez la Perche. Les corpuscules offrent des dimensions extrêmement variables, sui- vant la portion de l'écaillé où on les examine. Les plus volumineux d'entre eux occupent la portion centrale de l'écaillé ; à partir de cette région, ils vont en diminuant progressivement jusque vers le bord de récaille, où ils finissent par dégénérer en molécules calcaires d'une extrême finesse. Cette décroissance graduelle s'observe de la même fagon dans chacun des champs de l'écaillé, aussi bien dans le champ postérieur que dans les champs latéraux et dans le champ antérieur. Les gros corpuscules du milieu de l'écaillé ont une forme quadrila- tère et le plus souvent losangique, les corpuscules situés plus loin du centre tendent à prendre une forme allongée et plus ou moins régu- lièrement ovalaire. Les corpuscules les plus rapprochés du bord consti- tuent une sorte de poussière calcaire, dont les molécules, d'une exces- sive finesse, ne présentent plus aucune forme appréciable. La structure intime des corpuscules est assez difficile à déterminer nettement , quand on se borne à les examiner par simple trans- parence à travers le tissu de l'écaillé. Les corpuscules ovalaires ont l'aspect de petits noyaux allongés, homogènes, plus réfringents que le tissu ambiant. Les gros corpuscules quadrilatères de la région centrale présentent des stries entre-croisées, comme s'ils étaient com- posés de petites aiguilles cristallines. Il est difficile d'établir si cet as- pect strié leur appartient en propre, ou bien s'il dépend seulement de la disposition des fibres de la substance fondamentale ; mais comme, en détruisant au moyen de la potasse la substance organique de récaille, on retrouve sur les gros corpuscules les mêmes stries et la même apparence fibreuse, il est permis de croire que cet aspect est bien réellement la conséquence d'un arrangement des molécules cal- caires. Le nombre des corpuscules existant dans une même écaille est incalculable; on peut dire que le tissu en est non-seulement parsemé, mais comblé. Vers le centre de l'écaillé, les corpuscules apparaissent comme de petits blocs anguleux entassés pêle-mêle dans l'épaisseur de la sub- stance fondamentale; à quelque distance du centre, les corpuscules affectent une disposition plus régulière ; on les trouve groupés par zones successives, dans l'étendue desquelles ils présentent un mode ^Ig E. BAUDELOT. d'orientation particulier de leur grand axe. Dans chaque zone, la di- rection du grand axe des corpuscules reste la même et paraît corres- pondre à la direction des fibres de la substance fondamentale. Les zones de (;or|)uscules offrant un mode d'orientation différent, m'ont semblé appartenir à des plans différents de l'écaillé. Dans les parties où ils sont les plus abondants et par le fait de la compression qu'ils exercent les uns sur les autres, les corpuscules se déforment et consti- tuent une sorte de tissu réticulé dont la trame paraît plus ou moins serrée suivant le volume des corpuscules. Tous les faits que je viens de signaler, relativement aux corpuscules, ont été obtenus en étudiant l'écaillé par sa face interne ; mais il est possible également de les constater en examinant l'écaillé par sa face externe; seulement, dans ce cas, l'observation se trouve un peu gênée par les ornements de la surface, tels que les tubercules et les crêtes concentriques. Néanmoins, grâce h l'extrême transparence de la couche extérieure de l'écaillé, on aperçoit très-distinctement les di- vers plans de corpuscules dans l'intervalle des crêtes et des inégalités de la surface. Autour de la base des tubercules du champ postérieur, on voit parfois les corpuscules affecter une disposition plus ou moins rayonnante avant de pénétrer dans l'épaisseur de ces éminences. A l'aide d'un fort grossissement et en déplaçant graduellement le foyer de l'objectif, il est facile de reconnaître que les corpuscules ne se trouvent pas répartis uniformément dans toute l'épaisseur de récaille; les couches les plus profondes, c'est-à-dire les plus rappro- chées de la face interne, n'en renferment qu'une très-petite quantité ou même pas du tout. Le nombre de ces corpuscules va en augmen- tant, à mesui'e (pie l'on pénètre dans l'écaillé de dedans en dehors; ils deviennent très-abondants dans les couches moyennes de l'écaillé, et, vers la face externe, ils se multiplient au point de constituer une une croûte calcaire continue. Pour obtenir une connaissance exacte du mode de répartition des corpuscules, il faudrait employer ici le procédé dont j'ai fait usage pour la Perche, c'est-à-dire tailler de distance en distance , dans l'écaillé, de petits lambeaux, séparer les uns des autres, au moyen de la dissection et des réactifs, les feuillets cpii constituent ces lam- beaux, enfin soumettre successivement à l'examen microscopique chacun di^s feuillets ainsi isolés. Pour terminer l'exposé des faits relatifs aux écailles de la Carpe, il me roslo à dire quelques mots rlc^ modifications que peuvent subir ECAILLES DES POISSONS OSSEUX. 21 r> les écailles chez certaines variétés bien connues de la Carpe ordinaire. Ces variétés sont la Carpe à miroir et la Carpe à cuir. Dans la Carpr à miroir 'Cfjijrinus Rex cyprinorain, Bloch; Cuprinuf! sperularis, Lac; Cuprinm r/iacrofepidotus, Meid.), les écailles présen- tent des changements remarquables. Ces écailles sont peu nombreuses et acquièrent des dimensions énormes. Cependant, dans la forme. leurs caractères essentiels ne sont pas notablement altérés. Dans la Carpe à cuir (Cy/»r2n?/s nudus, Bloch; Ci/prùms coriace us ; Cyprinus n/epirfotus\ les écaillés sont atrophiées et la peau épaissie a pris l'aspect d'un tissu résistant, coriace, ressemblant à du cuir. Entre ces deux variétés extrêmes, on peut observer une multitude de variétés intermédiaires : ainsi à côté de la variété {Cj/prinus nvdus)^ dont les écailles ont complètement avorté, il en existe d'autres chez lesquelles les écailles n'ont disparu que sur certaines parties du corps, les autres parties offrant de grandes écailles comme chez la Carpe à miroir. Mais le plus souvent, quand les écailles ont avorté ainsi en partie, les écailles restantes perdent entièrement leurs caractères nor- maux et subissent des altérations plus ou moins considérables. Tantôt elles se présentent dans un état tout à fait rudimentaire, petites, amincies et comme meml)raneuses, tantôt elles fleviennent extrême- ment grandes, se soudent entre elles et offrent les contours les plus irréguliers. L'un des changements les plus remarquables est celui que j'ai observé une fois sur l'une de ces grandes écailles, qui était com- plètement isolée et enchtàssée de toute part dans la peau. Sa forme . était parfaitement circulaire ; du centre partaient des sillons rayon- nants vers tous les points de la circonférence. Les lignes concentriques étaient relevées de tubercules saillants auxquels la peau était adhé- rente. En un mot, la surface entière de l'écaillé offrait exactement les mêmes caractères que la surface du champ postérieur dans les écailles normales. Ce dernier fait offre un intérêt tout particulier, en ce qu'il nous montre à quel point les caractères extérieurs de l'écaillé peuvent être influencés par les rapports de celle-ci avec la peau. 9° Sole {Pleuronectes solea, pi. Vlll, fig. 10-14). Les écailles de la Sole appartiennent au type cténoïde et possèdent un aspect très-caractéristique. Leur forme est celle d'un quadrilatère 220 K. BAUDELOT. allongé d'avant en arrière (4 millimètres rie longueur sur 2 millimètres de largeur sur l'écaillé qui fait le sujet de cette observation). La surface externe de ces écailles est partagée en quatre champs parfaitement distincts. Le champ antérieur présente la forme d'un triangle isocèle allongé, dont la base tournée en avant offre une série de festons étroits et peu saillants. Sa surface est parcourue d'avant en arrière par de nombreux sillons (16, 20, 22, etc., suivant les écailles). Considérés dans leur ensemble, les sillons affectent une disposition convergente vers le foyer. Leur direction est à peu près rectiligne. Sous le rapport de la longueur, ils diffèrent beaucoup entre eux. Ceux qui occupent la portion moyenne du champ antérieur sont les plus longs, ils s'étendent pour la plupart du bord antérieur jusqu'au foyer. Ceux qui se trouvent sur les côtés du champ antérieur se montrent en général d'autant plus courts (]u'ils sont plus rapprochés du champ latéral. Entre les sillons principaux, on observe aussi fréquemment des sillons rudi- mentaires, c'est-à-dire ne parcourant (pi'une portion très-limitée du champ antérieur ; enfin un même sillon peut se partager en deux branches de longueur égale ou inégale. De ces variations peut résulter une certaine difficulté lorsqu'il s'agit de fixer avec exactitude le nombre des sillons. Chaque sillon se présente sous l'aspect d'une rigole très-peu pro- fonde, à bords irréguliers, à fond uni, laissant apercevoir le tissu fibreux de l'écaillé sous l'apparence de stries transversales. Sur ce fond on voit aussi d'ordinaire des globules ou de fines molécules calcaires disséminés. La largeur des sillons est relativement considérable ; dans la portion périphérique du champ antérieur, elle atteint 2 centièmes de millimètre; elle devient beaucoup moindre dans le voisinage du foyer, où elle n'est plus que de S millièmes de millimètre environ. Dans un certain nombre d'écaillés, on voit les sillons s'arrêter à une distance i)lus ou moins grande du foyer ; dans ce cas, ils peuvent n'oc- cuper que le tiers ou même que la moitié du champ antérieur. Dans l'intervalle des sillons, la surface du champ antérieur est parcourue par des crêtes concentriques. Ces crêtes sont très-serrées et découpées en petits fragments disposés avec plus ou moins de régularité, parfois même d'une manière tout à fait confuse. Lorsque, par suite du peu d'étendue des sillons, le foyer occupe un très-large espace au centre de l'écaillé, les crêtes qui recouvrent cet espace affectent d'ordinaii'c les dispositions h*s plus variées; on les voit se ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 221 repliei' sur elles-mêmes et s'enchevêtrer en tout sens, ou bien prendre une direction longitudinale plus ou moins parallèle à celle des sillons rayonnants, ou bien encore former de gracieuses ondulations, comme les boucles d'une chevelure tombante. Dans la portion du champ antérieur la plus rapprochée du foyer, on aperçoit par transparence dans le tissu de l'écaillé un certain nombre de corpuscules calcaires. Ceux-ci, de forme ovalaire, arrondie ou quadrilatère, sont de dimensions très-variables. Quelques-uns des plus gros corpuscules quadrilatères, mesurés sur le côté, m'ont donné comme largeur 4 à 6 centièmes de millimètre environ. Le champ latéral est dépourvu de sillons rayonnants et recouvert de crêtes concentriques plus ou moins parallèles au bord latéral de récaille. Ces crêtes sont beaucoup plus écartées les unes des autres et plus régulières que celles du champ antérieur. Entre les crêtes concentriques, on aperçoit par transparence des corpuscules calcaires. Ceux-ci, très-abondants et très-serrés, croissent en volume à mesure qu'ils se rapprochent du centre de l'écaillé ; en se soudant entre eux, ils constituent sur la surface externe un revêtement calcaire inter- rompu sur certains points par des lacunes de forme irrégulière. Ces lacunes, situées dans l'intervalle des crêtes concentriques et allongées dans le sens de ces crêtes, possèdent, en général, des contours sinueux, comme dentelés, bordés de globules calcaires arrondis et de volume inégal. Le bord libre du champ latéral mérite surtout de fixer notre atten- tion. Le long de ce bord on aperçoit une zone transparente, dépourvue de revêtement calcaire et très-finement striée dans le sens longitudinal, c'est-à-dire parallèlement au contour de l'écaillé. Cette zone de 2 à 4 centièmes de millimètre de largeur, correspond à la portion la plus récente de l'écaillé et se trouve formée de tissu conjonctif non encore calcifié ; elle se continue en se rétrécissant le long du bord du champ antérieur. En examinant avec attention cette zone membraneuse, ou y découvre de distance en distance des crêtes naissantes et à des degrés de développement plus ou moins avancé, ce qui permet de se rendre compte du mode de formation de ces reliefs de l'écaillé. Dans son premier état, chaque crête consiste en une simple traînée de fines molécules calcaires, disposées plus ou moins parallèlement au bord de récaille ; cette traînée, d'abord très-étroite et plus ou moins étendue en longueur, s'épaissit ])eu à peu vers le milieu, de manière à ^2i> K. BAUDHI.OT. toriiH'i- une sorte d'arête ou de ligue saillante reposant sur une base élargie et à bords irrégulièrement découpés. C'est par l'élargissement successif de la base de ces crêtes primitives et par la fusion entre elles des bases de plusieiu's crrles voisines que se constitue le revêtement calcaire de la couclic externe de l'écaillc. Les lacunes que l'on observe sur divers points de ce revêtement ni' sont autre chose que des espaces non calcifiés correspondant à l'intervalle de deux crêtes voisines dont les bases, en se rapprochant, ne se sont pas rejointes complètement. Comme on le voit, le revêtement calcaire de l'écaillé peut être considéré comme le résultat de l'accroissement successif et de la réunion de centres de calcification primitivement distincts. En arrière, le champ latéral se trouve limité brusquement du côté du champ postérieur par une ligne sinueuse, irrégulière, constituée parle rebord de la couche calcaire superficielli;, (jui s'interromptpour laisser à découvert un espace de grandeur variable, au niveau duquel on aperçoit le plan membraneux profond de l'écaillé. Au delà de cet espace membraneux apparaissent les spinules du champ postérieur. Le long du rebord calcaire signalé se montrent d'ordinaire des globules calcaires plus t»n moins abondants. Le chani/) /xtsfrn'riir mî'v'ûQ d'être étudié avec soin. Ce champ est re- couvert, comme chez la Perche, de spinules disposées en séries alternes. Ces séries constituent des rangées centripètes et concentriques tout à la fois. Si l'on considère les spinules de l'une des rangées centripètes, on constate que la première spinule de chaque série, ;\ partir du bord libre, est Irès-longue; la spinule qui vient ensuite est beaucoup plus courte, moitié au jjIus de la première ; celles qui suivent la seconde se montrent de plus en i)lus courtes à mesure qu'elles se rapprochent davantage du foyer ; enfin, au voisinage de ce point central, les spinules deviennent si peu saillantes et constituent à la surface de l'écaillé des reliefs si peu marqués, qu'elles finissent par disparaître plus ou moins conqjlétement au milieu des inégalités de cette sui'face. Ce n'est (pi'à l'aide d'un fort grossissement (200à.100dia- mètres) (|ue l'on parvient av(H' i)eine à on suivre la trace jusqu'aux abords du foyer. Yoici, du reste, afin de préciser davantage, la longueur des spinules d'une rangée centripète prise vers le milieu du champ postérieur sur une écaille de 4 millimètres. Première spinule marginale, .5 nsid(''rabk'aient suivant les diffé- rentes régions du corps. Yoici les dimensions de quelques-unes de ces écailles prises sur un Muge dont la longueur totale, mesurée du bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue, était de 40 centimètres. C.rarrJ flianièlre. Petit diamètre. Miilim. Millim. 1'^ Ec.'illk' prise d.-uîs l;i régit)!! iiKiycMim' (lo^l'un des flancs en regard de la |ire- niière nag'coirc dorsale aiil.-|)(isl, l;i transv. \'j i" |-]caille prise dans la i-éi^io!! viMih'alc, da!!S TespMce (■oi!!pris e!!li'c r(i!-ii;i!i(.' des nageoires %-|'ldl'ales cl < L'Ile de l;i nageoire anale a!!(.-posl. H Iransv. 8 3" Aniri' l'eaille pi'ise da!!S la i!!r!ne rr.nioi!. a!!L-pos(. 10 transv. 7 4" Ecaille den!i-i!!cnd)i'ancnse pi'ise dans l'espace c(i!!ip!'is ei!L!'e les li;ises des di'!i\ !iageiM!M'< venl!':!les ;iiil.-post. \ 't transv. 4, S ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 229 Grand diamètre. Petit diamètre. Millim. Alillim. 50 Ecaille prise dans la régiou sous-orbi- taire 4 6,5 60 Ecaille prise dans l'espace compris entre les orifices des deux fosses nasales.. 3 2 70 Ecaille prise sur les rayons de la na- geoire caudale anl.-posl. 3 transv. 1 8" Autre écaille prise également sur les rayons de la nageoire caudale, mais plus en arrière ant.-post. 1,2 transv. 0,4 9" Autre écaille prise également sur les rayons de la nageoire caudale, au voi- sinage de la précédente aiit.-posl. 1,a transv. 0,2 ' La forme des écailles est sujette à présenter de très-nombreuses variations dans les diverses régions du corps. Les grandes écailles de la région moyenne des flancs possèdent, avons-nous dit, une forme subquadrilatère ou pentagonale. Cette forme s'altère d'une façon plus ou moins marquée à mesure que l'on se porte soit vers le dos ou vers le ventre, soit vers la tête ou vers la queue. Dans la région ventrale les écailles offrent, en général, un allonge- ment très-prononcé dans le sens antéro-postérieur ; elles prennent aussi souvent une forme plus ou moins ovalaire. Dans la région céphalique, les écailles, de grandeur très-variable , possèdent pour la plupart une ferme irrégulièrement arrondie. Les petites écailles qui recouvrent les rayons de la nageoire caudale présentent un allongement très-considérable d'avant en arrière et une forme plus ou moins elliptique. , * La surface extérieure de l'écaillé peut être partagée en quatre champs, comme chez la Perche, la Carpe, etc. Ces divers champs se distinguent aisément à l'œil nu. Les champs latéraux présentent comme caractère une striation très-fme, parallèle au bord latéral. Le champ antérieur, en outre de cette même striation, offre des sillons rayon- nants en nombre variable. Le champ postérieur se distingue nettement par son aspect finement grenu qui rappelle, jusqu'à un certain point, celui du verre dépoli. Cet aspect est dû à la présence de spinules très- nombreuses à sa surface. Dans la portion du champ postérieur la plus rapprochée du centre d'accroissement, on aperçoit un petit canal al- longé dans le sens antéro-postérieur. Ce canal, qui existe sur toutes les écailles, est de même nature que celui qui se montre sur les écailles du canal latéral des autres poissons. 230 E. BAUDELOT. C liant p (uitérinir. — Les crêtes, concentriques du chunip antérieur sont nom])reuses, très-serrées et plus ou moins parallèles au bord antérieur ; ces crêtes perdent ordinairement de leur régularité dans le voisinage du centre d'accroissement; elles se morcellent et se décomposent en petits fragments sinueux ou en granulations disposées plus ou moins régulièrement à l'a surface de l'écaillé. Tout près du bord antérieur, on voit les mômes crêtes s'affaisser, puis disparaître, laissant à nu le tissu membraneux de l'écaillé très-amincie en cet endroit. Lorsqu'on examine les crêtes concentriques sous un fort grossisse- ment (300 diamètres environ), on reconnaît que leur bord est finement crénelé. Ces crénelures disparaissent sur les crêtes les plus rapprochées du bord antérieur. Les sillons raj/onnanfs présentent des variations extrêmement nom- breuses. Dans les grandes écailles des flancs, leur nombre s'élève ordinaire- ment de quinze à vingt, mais ce nombre peut se trouver considérable- ment réduit dans beaucoup d'écaillés appartenant à d'autres régions, principalement dans celles où ces organes se déforment en devenant rudimentaires. Ainsi j'ai vu les sillons faire complètement défaut dans les écailles de la région sous-orbitaire et dans celles qui se trouvent dans le voisinage des fosses nasales. La longueur des sillons n'est pas moins variable. Une partie seule- ment d'entre eux (ceux du milieu du champ antérieur) arrive jusqu'au foyer; les sillons les plus externes viennent finir successivement sur la limite du champ antérieur et du champ latéral. Quelques sillons n'oc- cupent qu'une portion plus ou moins restreinte du champ antérieur. Considérés dans leur ensemble, tous ces sillons se dirigent en conver- geant faiblement du bord antérieur de l'écaillé vers le foyer. Chaque sillon se montre sous l'aspect d'une j-igole plus ou moins profonde, à bords déchiquetés, et oflranL sa plus grande largeur vers le bord de l'écaillé. Il peut arriver qu'un sillon se trouve interrompu sur certains points de son trajet par le passage de quelques crêtes concentriques. C/iani/) latéral. — Les crêtes eoneentriques des champs latéraux offrent exactement les mêmes caractères que celles du champ anté- rieur, elles sont seulement un peu plus écartées. En approchant de la limite du champ postérieur, «es crêtes perdent de leur uniformité : on les voit s'affaisser sur certains [xùnts de leur trajet, se relever sur ECAILLES DES POISSONS OSSEUX. 231 d'autres, puis se décomposer en petit fragments ou en séries de petits tubercules plus ou moins régulièrement alignes. Ces tubercules se confondent insensiblement avec les inégalités du champ postérieur. Le long du bord du champ latéral se montre une zone étroite for- mée par le tissu membraneux de l'écaillé, réduite en ce point à une lame d'une extrême minceur. Les crêtes concentriques s'arrêtent à une faible distance du bord. En examinant avec attention la disposition de ces crêtes, on reconnaît que le bord n'est pas côtoyé par une seule et même crête qui marcherait parallèlement à lui, mais par une suite de crêtes difîérentes qui émergent successivement d'avant en arrière pour devenir extérieures tour à tour et se terminer après un trajet de lon- gueur variable. A la suite d'une macération prolongée dans de l'eau pure ou ammoniacale, le tissu membraneux qui constitue le bord du champ latéral se détruit, et l'on voit l'extrémité des crêtes adjacentes à ce bord saillir librement sous forme de longues dentelures ordinai- rement effilées en pointes (pi. VI, tig. 6, c, c). Entre les crêtes les plus rapprochées du bord latéral existent le plus souvent des lacunes allongées, parallèles à ces crêtes, à contour irré- gulier et bordé de globules calcaires. Au fond de ces lacunes, qui résultent de l'absence de la couche calcaire extérieure, on aperçoit directement le tissu fibreux qui compose la couche profonde de l'écaillé. Charnp pustérieur. — Le champ postérieur est caractérisé, comme chez la Perche, par l'existence de spinules très-nombreuses et dispo- sées en séries alternes (pi. VI, lig. 2). Ces spinules, considérées sur le bord libre de l'écaillé, ont l'aspect de petits cônes à sommet pointu, à base élargie et coupée obliquement. La hauteur de ces cônes, me- surée sur une écaille de 14 millimètres de diamètre, est de 12 cen- tièmes de millimètre environ. Parmi ces spinules coniques, il en est quelques-unes dont la forme est légèrement arquée. Les spinules qui suivent celles du bord en allant vers le foyer ont l'aspect, non plus de petites épines, mais de cônes ou de pyramides tronqués dont la base à contour sinueux possède généralement une forme triangulaire ^ A mesure que l'on se rapproche davantage du 1 Lorsque l'on cherche à se faire une idée nette de la conformation extérieure des spinules, examinées dans leur situation normale, on éprouve de prime abord un certain embarras : on voit, en effet, des lignes de contour se superposer et se croiser en divers sens, de telle sorte qu"il devient assez difficile parfois do décider si telle 232 E. BAUDELOT. centre de l'écaillc, on voit les caractères des spinules s'altérer graduel- lement; leur surface devient inégale, grenue, puis tuberculeuse; leurs limites cessent d'être distinctes et finissent par se confondre tout à fait. Dans le voisinage du centre d'accroissement, la surface du champ postérieur ne présente plus qu'un amas de saillies tuberculeuses dis- séminées au hasard, ou groupées de manière à former des îlots qui rappellent plus ou moins la forme des spinules. Aux deux extrémités du champ postérieur, c'est-à-dire sur les con- fins des champs latéraux, les spinules présentent en général des modi- fications très-remarquables : au lieu de conserver une forme régulière et plus ou moins conifpie, elles revêtent l'aspect de plaques polygonales à contours le plus souvent irréguliers. Ces plaques sont séparées les unes des autres par des sillons plus ou moins larges, au fond desquels on aperçoit le tissu membraneux de l'écaillé. On voit souvent quel- ques-unes des plaques en question se continuer avec les crêtes voisines du champ latéral, tandis que les sillons qui les séparent font suite aux sillons longitudinaux qui régnent dans l'intervalle de ces mêmes crêtes. Cette transformation graduelle des spinules aux abords du champ latéral me paraît éminemment propre à démontrer : 1" Que les spinules ne sont autre chose que des plaques découpées dans la couche extérieure de l'écaillé, plaques dont la surface se trouve relevée en manière de cône ou d'épine ; 2° Que ces mêmes spinules, ou les plaques qui les représentent, sont de même nature que les crêtes concentriques des champs latéraux et du champ antérieur. Il n'est guère possible de fixer avec exactitude le nombre des spi- nules ; néanmoins, grâce à l'arrangement symétrique de ces appen- dices à la surface de l'écaillé, on peut, à l'aide d'un simple calcul, se faire de leur nombre une idée approximative. J'évalue ce nombre sur une écaille de 8 millimètres à deux mille au moins. Mais je m'empresse d'ajouter qu'ici, de même que chez la Perche, le nombre des spinules est sujet à offrir les plus grandes variations, suivant la grandeur des écailles et leur position à la surface du corps. Les grandes écailles des flancs présentent d'ordinaire le nombre de spinules le plus élevé; dans surface indiquée par ces li;4ni-s appnriicnt ?i Ici plan ou bion à tel autre. Ainsi s'ex- plique sans doute l'erreur de M. MandI, par suite de laquelle ce savant aété conduit à prendre certaines lignes de conloui' des spinules pour les contours d'un sac den- taire. Il est donc indispensable d'étudier les s])iuules à l'état d'isolement, si l'on veut se rendre comple ilii mode d'orienlation des |)lans ou facettes qui composent l'en- senilile de leiii' suiTa( c ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 233 les écailles rudimentaires de certaines parties de la région céphalique et de la région caudale, le nombre des spinules est beaucoup moins considérable ; enfin, sur les plus petites écailles qui s'étendent le long des rayons de la nageoire caudale, j'ai vu les spinules disparaître com- plètement. Le champ postérieur, aussi bien que le champ antérieur, n'offrait plus autre chose que quelques crêtes concentriques plus ou moins parallèles au contour extérieur de l'écaillé. Quant à la structure intime de l'écaillé, elle m'a paru semblable en tout point à celle que j'ai signalée précédemment chez la Perche ; comme chez celle-ci, la substance de l'écaillé se compose de deux sortes d'éléments : d'une trame organique fibreuse et de corpuscules calcaires. La trame organique est composée d'une succession de feuillets très- minces superposés de l'intérieur vers l'extérieur. Chaque feuillet est formé d'un tissu transparent, homogène en apparence, mais suscep- tible néanmoins de se décomposer en fibres ou faisceaux de fibres élémentaires. Les fibres appartenant à un même feuillet restent d'or- dinaire parallèles entre elles; celles de deux feuillets voisins s'entre- croisent sous des angles variés. Vers le centre de l'écaillé, cet entre- croisement a lieu le plus souvent à angle droit. Dans les portions périphériques de l'écaillé, dans le champ antérieur principalement, on voit les fibres décrire sur certains points des courbes ou des espèces de tourbillons d'un effet très-remarquable (pi. VI, fig. \\,t,t). Cette dis- position peut se constater aisément lorsqu'on examine l'écaillé par sa face interne sous un grossissement de 200 à 300 diamètres. Les corpuscules calcaires sont représentés par de petites concrétions répandues en extrême abondance dans l'épaisseur de la substance fondamentale fibreuse. Ces corpuscules se voient très-nettement lors- qu'on examine l'écaillé par sa face interne; mais on peut aussi les apercevoir par la face externe dans l'intervalle des crêtes concentri- ques (pi. VI, fig. 5, a). De même que chez la Perche, les corpuscules vont en diminuant graduellement de volume du centre de l'écaillé vers la périphérie, où ils finissent par dégénérer en granulations mo- léculaires d'une finesse extrême (pi. VI, fig. 7). ■ Considérés au point de vue de la forme, les corpuscules peuvent être rattachés à deux types bien distincts : les premiers ont une forme ova- laire ou elliptique (pi. VI, fig. 7, o, o, h, h) ; les seconds présentent une forme quadrilatère et le plus souvent losangique (pi. VI, fig. 7, e, e). Entre ces deux formes extrêmes, on peut trouver cependant des exem- 234 E. BAUDELOT. pies do toutes les formes intermédiaires. Les deux sortes de corpuscules ne se trouvent pas répartis indifféremment dans toute l'étendue de l'é- caille : les corpuscules quadrilatères occupent presque exclusivement la portion centrale do l'écaillé; ils deviennent de plus en plus rares à mesure que l'on se porte du centre vers la périphérie ; les corpuscules elliptiques, d'abord peu abondants veTs le centre, s'accroissent au contraire en nombre îi mesure que l'on s'éloigne de ce point ; ils finis- sent par se multiplier jusqu'à remplir tout le tissu de l'écaillé. La structure des corpuscules mérite de nous arrêter quelques instants. Les corpuscules ovalaires offrent les dimensions les plus variées; tandis que les plus petits d'entre eux, réduits à l'état de simples mo- lécules près des bords de l'écaillé, sont à peine perceptibles sous de forts grossissements, les plus grands atteignent jusqu'à o et 6 centièmes de millimètre dans les portions de l'écaillé voisines du centre. Lorsqu'on examine avec attention des corpuscules ovalaires d'une certaine dimension, on constate aisément que ces petits corps ne sont pas homogènes, mais qu'ils sont formés de couches superposées et emboîtées les unes dans les autres ; ces couches se traduisent par une suite de lignes concentriques très-nettes et dont le nombre peut s'éle- ver parfois de quinze à vingt. Ce mode de structure des corpuscules peut être reconnu avec facilité en observant directement les corpus- cules par transparence à travers le tissu de l'écaillé, mais il se voit mieux encore sur des corpuscules isolés au moyen de la potasse caus- tique. Sur quelques-uns do ces corpuscules qui avaient été brisés pen- dant la préparation, il m'est arrivé de voir les différentes couches du corpuscule séparées par des espaces clairs et offrant l'aspect d'anneaux de diverses grandeurs inclus les uns dans les autres. Aucun autre type d'écaillés ne m'a montré avec autant de netteté que celles du Muge les couches concentriques des corpuscules ovalaires. Les corpuscules quadrilatères atteignent, en général, des dimensions très-supérieures à celles des corpuscules ovalaires. Les plus grands de ces corpuscules que j'ai mesurés m'ont offert de 7 à 10 centièmes de millimètre. La plupart de ces gros corpuscules possèdent un aspect losangiquc plus ou moins régulier (pi. VI, fig. iO, a) ; toutefois cette forme régu- lière est loin d'être constante, et, parmi les corpuscules losangiques, on en rencontre d'autres qui présentent les caractères de masses irré- gulières, anguleuses, quelquefois sillonnées sur les bords (fig. 10, d,e) , ECAILLES DES POISSONS OSSEUX. 235 d'autres ressemblent à deux corps triangulaires accolés et soudés par un de leurs côtés (fig. 10, b); d'autres enfin paraissent composés de deux corpuscules ovalaires soudés en croix (fig. 10, /). Lorsqu'on étudie ces gros corpuscules sous un grossissement de 200 à 300 diamètres, on parvient à distinguer dans leur intérieur deux ordres de stries, les unes disposées concentriquement autour d'une sorte de noyau central, les autres rayonnant du centre vers la péri- phérie. On arrive, en outre, à reconnaître que tous les plus gros cor- puscules ont eu pourpoint de départ initial un ou plusieurs corpus- cules ovalaires semblables à ceux que l'on rencontre dans la portion périphérique de l'écaillé '. Le mode de répartition des corpuscules dans l'épaisseur de l'écaillé m'a'paru s'effectuer comme chez la Perche. Les corpuscules appartenant aux divers feuillets de l'écaillé parais- sent orientés dans le même sens que les fibres de ces feuillets ; il eu résulte par conséquent que les corpuscules de deux feuillets voisins présentent le plus souvent leurs grands diamètres disposés suivant deux directions perpendiculaires l'une par rapport à l'autre (pi. VI, fig. 7 et 8). Lorsque les corpuscules se trouvent réunis en très-grand nombre dans l'épaisseur d'une même lamelle, ils subissent en général, par suite de la pression ou de la simple juxtaposition, des déformations très- manifestes. Ils revêtent une forme plus ou moins polygonale et ils se soudent entre eux d'une façon plus ou moins intime (pi. VI, fig. 7 et 8). La couche calcaire extérieure de l'écaillé est composée d'un agrégat de molécules d'une petitesse extrême. Ces molécules, soudées entre elles, constituent un revêtement continu d'apparence homogène. 12° Hypostome {Hypostomum, pi. IX). Le genre Hypostome appartient à la famille des Siluroïdes, Les écailles de ce type de poisson diffèrent considérablement de toutes celles que nous avons étudiées jusqu'à présent. Ces écailles sont épaisses, assez grandes, imbriquées et recouvertes de spinules sur toute * Pour bien voir la striation des gros corpuscules, il faut examiner ceux-ci par transparence sur une écaille dont la couche calcaire externe a été enlevée par le grattage, La préparation devra être mouillée avec une solution de potasse concen- trée. 236 E. BAUDELOT. leur portion libre. Celles qui recouvrent le crâne revêtent l'aspect de plaques polygonales irrégulières et simplement juxtaposées comme les pièces d'une mosaïque (lig. d4). L'adhérence des écailles avec la peau est très-intime. Considérée isolément, chaque écaille possède une forme allongée dans la direction dorso-ventrale ; elle se termine à l'une de ses extrémités par une sorte d'apophyse à sommet mousse, disposition qui contribue à maintenir les écailles dans une union très- étroite (fig. 1 et 2). La surface externe do l'écaillé peut être partagée en deux régions ou champs bien distincts : l'une de ces régions (champ antérieur), ca- chée dans l'état d'imbrication, est complètement unie; l'autre région (champ postérieur) qui reste libre est hérissée de petites épines ou spi- nules très-serrées et fortement inclinées en arrière. Chnmp antérieur. — La surface du champ antérieur est unie et com- plètement dépourvue de crêtes concentriques. Dans l'épaisseur du tissu de cette portion de l'écaillé, on aperçoit par transparence, à l'aide d'un faible grossissement, des lacunes et des canaux ramifiés (fig. 2, m,m). Champ postéi'ievr. — Le champ postérieur, avons-nous dit, est re- couvert de spinules. Ces spinules ont la forme de petites épines droites ou légèrement arquées ; elles constituent à la surface de l'écaillé des rangées régulièrement disposées et qui se portent en divergeant fai- blement d'avant en arrière (fig. 1 et 2). Chaque spinule se trouve im- plantée sur l'écaillé d'une façon remarquable : au-dessous de sa base existe une sorte de tête articulaire (fig. 5) qui pénètre dans une petite cupule arrondie, inclinée sur le plan de l'écaillé et offrant sa concavité dirigée en arrière (fig. 2 et 3,e,c). Au fond de chaque cupule on aper- çoit un petit orifice (fig. 12) qui fait communiquer la spinule avec un système de lacunes contenues dans l'épaisseur de l'écaillé. Les spi- nules, ainsi que la lame qui leur sert de support, ont, en effet, une structure toute particulière. Chaque spinule est creusée à l'intérieur d'un large canal (fig. 5, 6 et 9) qui se rétrécit graduellement de la base vers le sommet et s'ar- rête à une faii)le distance de l'extrémité. Les parois de ce canal, qui sont très-épaisses, sont constituées par une substance fondamentale transparente traversée de dedans en dehors par une multitude de très- fins canalicules simples ou ramifiés, identiques en tout point à ceux de la dcntine (fig. 5 et G). Il résulte de cette structure (]ue chaque ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 237 spinule peut être considérée comme une véritable dent articulée à la surface de l'écaillé et pouvant se détacher avec facilité. La lame de l'écaillé sur laquelle s'implantent les spinules est formée par une substance transparente, traversée par des lacunes offrant les caractères de canaux anastomosés. Parmi ces canaux, les uns se portent d'avant en arrière dans l'intervalle des rangées de spinules ; les autres se portent en travers dans une direction perpendiculaire à celle des premiers. Tous ces canaux, pris dans leur ensemble, constituent un vaste réseau dont les mailles enserrent la base des spinules (fig. 2 et 3). Des canaux les plus rapprochés de la base des cupules se détache une branche qui se porte vers le fond de ces organes et sert à mettre la cavité des spinules en rapport avec les canaux intérieurs de l'écaillé. Lorsque l'on examine sous un fort grossissement la lame de l'écaillé, on distingue dans l'épaisseur de sa substance des corpuscules osseux d'une netteté parfaite (fig. 3, k, k). Ces corpuscules possèdent de très- beaux prolongements ramifiés dont les extrémités s'anastomosent avec celles des corpuscules voisins (fig. 4). Comme on le voit par l'ensemble des faits qui précèdent, les écailles de l'Hypostome offrent un intérêt tout particulier. Par leur forme, par leur imbrication, par la disposition de leurs spinules, ces écailles res- semblent à celles des Cténoïdes ; par la composition de leur tissu, formé de substance osseuse et de véritable dentine, elles rappellent complètement les scutelles des Squales. En conséquence, les écailles du type Hypostome paraissent établir un passage, une sorte de tran- sition naturelle entre les écailles des sélaciens et celles des poissons osseux ^ 1 En terminant ce. rapide exposé des faits concernant les écailles de l'Hypostome je crois devoir ajouter que ces écailles mériteraient une étude plus approfondie. Il se- rait nécessaire d'examiner avec soin le contenu des canaux intérieurs, de rechercher si ces canaux communiquent avec l'extérieur et s'ils sont en rapport avec le système vasculaire (ce qui, d'après quelques faits, me semble tout à fait probable). Malheu- reusement, le sujet sur lequel mes recherches ont été commencées à Strasbourg- n'étant plus aujourd'hui en ma possession, c'est en m'aidant de mes dessins el de mes souvenirs que j'ai dii composer la courte description qui précède. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE V (1). Perche, fig. 1 à 8.— Vairon, lig. 9.— Bruciiet, lig. 10 et 11.— Hareng, fig. 12. FiG. 1. Écaillo de la Perche amplifiée ; (z), champ postérieur bordé de spinules (x), champ antérieur avec huit lobes (type normal). Fig. 2. Écaille de Perche rudimen taire, prise dans la région post-orhitaire; (z), champ postérieur dépourvu de spinules. Fig. 3. Autre écaille rudimentaire prise dans la même région. Elle est également sans spinules, mais de forme irrégulière. Fig. ft Écaille rudimentaire prise sur les rayons de la nageoire caudale. Le champ postérieiii' (z) présente seulement quelques spinules. FiG. 5. Autre écaille rudimentaire prise également sur les rayons de la nageoire caudale, et complètement dépourvue de spinules. Les écailles représentées par les figures ], 2, 3, 4, 5, proviennent tontes du même poisson. Fig. 0. Une poilion du champ postérieur frès-amplifiée pour montrer la disposition et la l'orme des spinules; (dd), spinules du premier rang, les plus rapprochées du bord libre; {d',d'), spinules du second rang, un peu plus reculées, et alternant avec les premières; (d",d"), spinules tronquées. FiG. 7. Cne ])ortion de l'écaillé prise ])rès du bord anlérieur et montrant la disposi- tion des laisceaux de tissu fibreu.\; {r,r), sillons rayonnants vus par transparence; (/■,/'), l'aisoeau.\ libreux. Fig. 8. Un feuillet de l'écaillé vu sons un fort grossissement et montrant des cor- puscules calcaii'es [g, g) de différentes dimensions; (/"), tissu fibreu.x' montrant des fibres enlr(!-ei't)isées h angle droit. Fig. 9. Écaille du Vairon; {x), champ antérieur; (z), champ postérieur; (r), sillon rayonnant. Fig. 10. Écaille du Brochet; {x), champ antérieur montrant des lobes imbriqués; (z), champ })ostérieur. Fig. 11. Autre écaille de lîrochet dépdurvue de lobes et de sillons rayonnants. Fig. 12. Ecaille du Hareng; {x), champ antérieur avec des sillons {r,r) et des crêtes parallèles interiioséus; (s), champ postéi'ieur à bord finement dentelé; {f,f)', lignes ondulées correspondant aux couches d'accroissement. (l) L'indication des figures donnée au bas de la planche V est fautive. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 329 FiG. 13. Coupe d'une écaille de Lucioperca Saudra montmnt les feuillets superposés de récaille. Le feuillet inférieur est en partie détaché. PLANCHE VI. Muge, fig. 1 à 11. FiG. 1. Écaille du Muge de grandeur naturelle; (s), champ postérieur; (x), champ antérieur. FiG. 2. Portion du champ postérieur montrant les spinules disposées par rangs alternes; {d, cl), spinules du bord libre. FiG. 3. Spinules plus grossies se montrant sous l'aspect de plaques polygonales. FiG. 4. L'une des spinules de la figure 3, isolée, pour montrer ses facettes multiples. FiG. o. Portion du champ antérieur très-grossie: (c), une crête concentrique mon- trant des dentelures sur son bord libre; {a), corpuscules des écailles vus par transparence. FiG. 6. Portion très-grossie du bord du champ latéral, prise sur une écaille soumise à une longue macération. Ce bord présente de longues dentelures {c,c) résultant de la destruction du tissu de l'écaillé dans l'intervalle des crêtes concentriques. FiG. 7. Portion du champ antérieur destinée à montrer la disposition des corpus- cules des écailles dans les différentes régions de ce champ, en allaut du centre vers la périphérie ; A, côté central ; B, côté périphérique; (a, a, a), rangées transversales de corpuscules ovalaires de plus en plus petits; [b, 6, b), rangées longitudinales de corpuscules ovalaires; (c), corpuscules à l'état de fines molécules; [cl), réseau formé par de gros corpuscules devenus polyédriques par suite de la pression réciproque qu'ils exercent les uns sur les autres; (e, e, e), corpuscules déforme quadrilatère isolés. FiG. 8. Portion de la préparation précédente très-amplifiée; (a), plan superficiel de corpuscules, soudés par pression et montrant à l'intérieur des zones concentriques alternativement plus obscures et plus claires; (b), plan plus profond de corpus- cules à direction perpendiculaire à celle des corpuscules de la couche superfi- cielle. On aperçoit également dans leur intérieur îles trat-es de couches concen- triques. FiG. 9. Corpuscules calcaires isolés; {a, a, a), corpuscules ovalaires de différentes grosseur avec des zones concentriques ù l'intérieur; {p,b,b), corpuscules quadrila- tères de diverses grandeurs. FiG. 10. Masses corpusculaires polyédri((ues prises dans la portion centrale de récaille. (a) Corpuscule quadrilatère montrant deux ordres de stries perpendiculaires l'une à l'autre, et correspondant apparemment à la direction des molécules élémentaires. (6) Deux masses calcaires triangulaires accolées par leur base. (e) Une masse calcaire quadrilatère avec un fragment triangulaire détaché. {d, e) Deux masses corpusculaires composées, avec des sillons à la surface et des échancrures sur le bord. (f) Deux corpuscules ovalaires disposé-s en croix. 240 E. BAUDELOT. FiG. 11. Portion du champ antérieur vue par la face interne et sous un fort grossis- sement; (r, r), sillons rayonnants vus par transparence; {t,t,t), fibres en tourbillon du tissu fibreux de l'écaillc. PLANCHE VU. Pleuronecte, fig. 1 à S. — TiioN', fig. C à 12. — Salmo saurus, (Ig. 13. FiG. 1. Portion du champ antérieur de l'écaillé d'un Pleuronecte (PI. platessa?); (c, c), crêtes concentriques; {r, r], sillon laissant apercevoir les stries transver- sales de la couche profonde de l'écaillé; [g, g), globules calcaires. Fig. ■i. Portion du champ antérieur du même Pleuronecte, montrant des sillons plus étroits dont l'un (à gauche) est interrompu par des ponts de substance calcaire. Fig. "3. Portion du champ antérieur prise au voisinage du champ latéral ; [r, r), sillon irrégulier, élargi de distance en distance dans le sens des crêtes concentriques, et interrompu par des ponts de substance calcaire. On aperçoit sur les bords du sillon des globules calcaires très-apparents. Fig. 4. Portion d'écaillé du même Pleuronecte, prise à la limite du champ antérieur et du champ latéral; (r, r ), sillons interrompus au niveau des crêtes concentri- ques et transformés en une série de lacunes isolées (r', r'), allongées dans le sens des crêtes concentriques (c). Fig. 5. Portion du champ latéral et du champ postérieur du même Pleuronecte; [r, r, r), sillons du champ latéral parallèles aux crêtes concentriques (ce). Ces sillons en s'élargissant et en communiquant entre eux en (r", r', r'), circonscrivent des îlots (/i, h), de substance calcaire, supportant chacun un fragment de crête coucen- centriquc; ({/, g), globules calcaires'"isolés. Fig. 0. Écaille de Thon (grandeur naturelle). Fig. 7. Même écaille un peu grossie ; (d), dentelures du bord libre. Fig. 8. Même écaille très-grossie ; {x), champ antérieur avec de faibles crêtes con- centriques qui se prolongent le long du bord des champs latéraux; (z), champ pos- térieur en partie lisse et bordé de dentelures (d) peu régulières; {l, l, l), lacunes ramifiées occupant toute la portion moyenne de l'écaillé; {m), portion du systènu' lacunaire formant des cellules polygonales. Fig. 9. Aspect extérieur des cellules polygonales (m) vues sous un plus fort grossis- sement. Fig. 10 et 11. Deux petits lambeaux détachés de la face externe de l'écaillé et mon- trant chacun un orifice extérieur (o) du système lacunaire. Fig. 12. Deux coujies transversales de fécaille du Tiion, destinées à montrer les lacunes (;om|irises entre les deux lames de récaiile. Fig. 13. Portion d'une écaille de Salmo saurus montrani des lacunes isolées (/, l), d'aspect labyrinthiforme. {oo), orifice extérieur d'un canal servant à mettre les lacunes en communication avec la peau. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX, 241 PLANCnK TIII. Anguille, fig. 1 à o. — Cvglopterus lumpus, fig. C à 9. — Sole, fig. 10 à 14. FiG. 1. ÉCcaille d'Anguille amplifiée. Les ornements de la surface n'ont été figurés que dans la moitié supérieure (figure demi-schématique). [h, h) Ilôts de substance calcaire en forme de médaillons ovalaires ; (p), couche profonde de l'écaillé apparaissant entre les îlots calcaires, plus écartés vers le centre [y] de l'écaillé. Fig. 2. Portion du centre de l'écaillé de l'Anguille trt'S-grossie; {h, h), plaques cal- caires en médaillon ; (h', h'), plaq^ues vues de profil et montrant leur épaisseur, c'est-à-dire leur hauteur au-dessus du plan fibreux de l'écaillé; (/"); tissu fibreux de l'écaillé. Fig. 3. Portion d'écaillé dont deux des plaques calcaires [h, h) ont été brisées et présentent des lignes de cassure irrégulières. Fig. 4. Portion du centre d'une écaille de l'Anguille, vue sous un grossissement considérable; {h, It), plaques calcaires montrant une face supérieure lisse (i'j, et une base élargie (i) crénelée sur ses bords; (/"), tissu fibreux; (r/), globules cal- caires. Fig. 5. Une des plaques calcaires précédentes, brisée obliquement et montrant des feuillets calcaires {v,v,v) superposés. Fig. g. Cùne écailleux (scutelle composée) du Gyclopterus lumpus (grandeur natu- relle) . Fig. 7. Scutelle simple en forme de bouclier, très-grossie. Fig. 8. Autre scutelle composée du Gyclopterus (grandeur naturelle). Fig. 9. La même vue sous un grossissement assez fort et montrant les sommets des scutelles élémentaires réunies et soudées en plaque continue. Fig. 10. Ecaille de Sole; {x), champ antérieur avec ses sillons rayonnanis (r] {z), champ postérieur couvert de rangées de spinules (d). Fig. 11. Autre écaille du même poisson donl le champ postérieur ne présente plu? f. que cinq spinules. Fig. 12. Autre écaille du même poisson avec trois spinules seulement. Fig. 13. Autre écaille du même poisson, complètement dépourvue de spinales. Fig. 14. Quatre spinules consécutives d'une même rangée, très-grossies et montrant leur mode d'emboîtement. PLANCHE IX. Hypostome, fig. 1 à 14. Fig. 1. Deux écailles d'H\postome, grossies et couvertes de leurs spinules. Fig. 2. Une écaille du même poisson, grossie davantage et dépouillée de ses spi- nules; {c,c), rangées de cupules dans lesquelles sont implantées les spinules* (m, m), canaux ramifiés contenus dans l'épaisseur de l'écaillé, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 1873. ^Q 242 E- BAUDELOT. FiG. 3. b'ne portion de l'écaillé précédente très-amplifiée; (c, c), cupules destinées à recevoir la base d'implantation des spinules; (m, m), caïuiux ramifiés communiqusnt avec le fond des cupules; [k, k), corpuscules osseux du tissu d(> l'écaillé. Fie. 4. Corpuscules osseux avec leurs prolongcmeids ramifiés. FiG. 5. Une spinule très-grossie; [t], tète arliculairc destinée à s'emboîter dans la cupule correspondante; (p), portion libre de la spinule ; (o), canal intérieur de la spinule; (w), canalicules de la denline. FiG. 6. Portion d'une autre spinule trés-grossie, montrant également le canal inté- rieur et les canalicides de la dentine. FiG. 7. Touffe de grosses spinules crochues composant une griffe mobile dans la région operculaire. FiG, 8. Spinule crochue do grandeur naturelle. FiG. 9. Coupe transversale d'une spiuule pour montrer sa cavité intérieure. FiG. 10. Une spinule (p), très-grossie, articulée eu (q), sur une base (?«), élargie en raquette et couverte de sillons (région céphalique). FiG. 11. Une grande spinule et un groupe de petites spinules implantées sur une base ossifiée (région céphalique). Fig. l'i. Base ou support ossifié de la figure 11^ vu par sa face externe et montrant la cupule (c) dans laquelle s'implantait la grande spinule. Au fond de cette cupule on aperçoit un petit orifice allongé, destiné à se mettre en rapport avec le canal intérieur de la spinule. FiG. 13. Même support ossifié que dans la figure 12, mais vu par la face opposée, c'est-îi-dire par sa face interne. FiG. 14. Plaques ossifiées polygonales recouvrant le crâne, vues par leur face interne et grossies. On aperçoit par transparence une multitude de ponctuations arrondies qui marquent les points d'implantation des spinules situées sur la face externe. PLANCHE X. Carpiv, fîg. 1 à 7. — Sole, fig. S. — Trigle, fig. 9 et 10. Fig. 1. Une écaille de Carpe amplifiée et vue par sa face e.xterne; (z), champ pos- térieur, montrant un bord légèrement feslonné, des sillons rayonnants et dans l'intervalle de ces sillons des tubercules disposés en séries concentriques et rayon- nantes tout à la fois; (x), champ antérieur à bord sinueux offrant des sillons rayonnants et des stries concentriciues; il, l], champs latéraux ; (m, m), zones plus sombres, parallèles au contour de récaille. Fig. 2. Portion d'une écaille di' Carp(^ frès-arnpiif'tée, dcsiinée à montrer la disposi- tion des crêtes de la surface externe dr l'écainc; A. |)oi'tion centrale de l'écaillé; B, portion péripliéri(|ue; (a, a, a), crêlos concenlriques, ou crêtes principales plus ou moins parallèles au bord de l'écaillé; (a', a'), crêtes secondaires situées entre les crêtes principales et formani avec celles-ci vers le centre de l'écaillé une sorte de rési'.-iii .'i rn.-iille'^ irréi;ulièr("^. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 243 FiG. 3. Écaille de Carpe à miroir. Cette écaille, de forme circulaire, développée isolé- ment dans un point de la peau, montre sur tout son pourtour des sillons rayonnants et entre ces sillons des tubercules semblables à ceux que l'on observe sur le champ postérieur des écailles ordinaires. FiG. 4. Portion d'nne écaille de Carpe, prise dans le champ postérieur et montrant l'orifice interne d'un canalicule perforant ou ostiole; (r,)-), sillon rayonnant vu par transparence. FiG. 5. Autre aspect d'un canalicule perforant placé sur le trajet d'un sillon rayonnant. FiG. 6. Aulre aspect d'un canalicule perforant, vu par la face interne de l'écaillé et placé obliquement sur le côté d'un sillon rayonnant. On voit un faisceau d'aspect fibreux qui pénètre dans l'orifice (o) du canalicule. FiG. 7. Un lambeau de tissu fibreux de l'écaillé montrant des faisceaux fibreux entre- croisés à angle droit. FiG. 8. Portion d'écaillé prise près du bord du champ latéral de la Sole ; {l), bord du champ latéral; (a, as), crête concentrique; {a', a'), crête concentrique en voie de formation ; (r'i, lacune située entre les bases de deux crêtes concentriques voisines non encore réunies. FiG. 9. Écaille de la ligne latérale d'un Trigle, montrant les canaux ramifiés du canal latéral; (o), orifice antérieur; {o',o^), deux des orifices postérieurs. FiG. 10. Dimensions réelles de l'écaillé précédente. PLANCHE XI. C.\RPE, fig. 1. — Ophidium, 2 et 3. — Pleuronecte, 4 à 7. — .\lose, 8. FiG. 1. Portion du champ postérieur d'une écaille de Carpe, vue sous un faible gros- sissement, pour montrer la disposition des canalicules perforants (o, o), le long des sillons rayonnants (r,?*). FiG. 2. Écaille d'Ophidium barbatum amplifiée; (r), sillon rayonnant; (r'), sillon transverse; [h], plaque calcaire polygonale limitée par ces sillons. FiG. 3. Portion de l'écaillé précédente, vue sous un grossissement plus fort ; [h), plaque calcaire polygonale délimitée par les deux ordres de sillons indiqués; (a, a), crêtes concentriques ; (c, c), corpuscules calcaires. FiG. 4. Écaille de Plcuronectes Flesus. FiG. o. Autre écaille du même poisson avec deux saillies coniques sur le bord du champ postérieur. F;g.'0. Autre écaille du même poisson, dont le champ postérieur est entouré d'un bourrelet calcaire surmonté de trois saillies coniques. FiG. 7. Autre écaille du même poisson dont la surface est recouverte en arrière et sur les côtés d'une couche calcaire très-épaisse, surmontée d'un certain nombre de saillies coniques. 2ii E. BÂUDELOT. FiG. 8. Fragment de squelette d'Alose, destiné à montrer les écailles en chevron (V) do la ligrne ventrale, ainsi que les rapports de ces écailles avec les côtes et avec l'une des pièces de l'épaule. FiG. 9. Schéma d'une coupe verticale d'une écaille destiné à expliquer la disposition des corpuscules calcaires dans l'intérieur du tissu de l'écaillé; (a c), ligne horizon- tale représentant la face inférieure ou interne de l'écaillé; (df), autre ligne hori- zontale représentant l'un des feuillets fibreux de l'écaillé ; (a b], ligne inclinée représentant la face supérieure ou externe de l'écaillé; (eh), autre ligne inclinée parallèle à la face supérieure ; (6 c), ligne verticale passant par le centre de l'écaillé et allant de la face supérieure à la face inférieure; [d c), autre ligne verticale plus rapprochée du bord. ETUDE SUR UN GENRE NOUVEAU DE LOMBRICIENS (GENRE PLUTELLUS, E. P.) PAR EDMOND PERRIER Maître de conférenceg à l'École normale supérieure. Aide-naturaliste au Muséum de Paris. Malgré les exagérations et les erreurs qu'ils contenaient et dont notre savant zoologiste M. de Quatrefages * a fait depuis longtemps justice, les travauxdu docteur Williams (de Swansea) ^ ont eu du moins ce mérite d'appeler l'attention des zoologistes sur une série d'organes excréteurs que l'on retrouve plus ou moins modifiés dans tout le sous-embranchement des vers, et qui sont désignés sous le nom d'organes segmentaires (segmentai organs, W.). Nous avons fait ail- leurs ^ l'histoire des diverses opinions qui ont été émises au sujet de la nature de ces organes et de leurs fonctions ; nous en avons dit ici même * quelques mots ; nous n'y reviendrons pas et nous nous bor- nerons à rappeler les derniers résultats auxquels se sont arrêtés les investigateurs les plus récents. On doit à Claparède ^ d'avoir insisté sur l'homologie des organes segmentaires, des canaux déférents et des poches copulatrices chez 1 Suiles à Buffon, do Roret, Histoire des Annélides. Introduction, t. P^ - Transactions of Royal Society of London, vol. CXLVIII, 1858. Researches on structure and homology of llie reproductive organs of tlie Annélides. 3 Nouvelles Archives du Muséum d'histoire naturelle de Paris, t. VIII, 1872. Re- cherches pour servir à l'histoire des Lombriciens terrestres. '* Archives de zoologie expérimentale et générale, 1. 1^^ , 1872. Notes et Revues, p. lxx. ^ Archives de la Société des sciences physiques et naturelles de Genève (Recherches surlcs Annélides, Turbellariés, aie., du golfe de Naples, et Recherches anatomiquessur les Oligochètes). 246 EDMOND PERRIER. les Naïdiens. Son argumentation en faveur de cette homologie est principalement fondée sur ce que jamais, chez les Naïdiens, on ne trouve d'organes segmentaires là où se développent soit des poches copulatrices, soit des canaux déférents. Ces différents organes parais- sent donc s'équivaloir dans le plan de structure du zoonite, et un fait qui vient à l'appui de cette manière de voir, c'est que tous s'ouvrent dans des points homologues de l'anneau qui les contient, immédia- tement en avant des faisceaux de soies de la rangée inférieure. L'opinion de Claparède peut être actuellement considérée comme ayant passé dans la science. Il est remarquable d'ailleurs que ces mêmes homologies qu'il s'est efforcé d'établir pour les Naïdiens, le savant Genevois les repoussait d'une manière absolue pour les organes évidemment analogues des Lombriciens terrestres. Là, en effet, ses procédés de démonstration font complètement défaut : il existe d'or- dinaire des organes segmentaires superposés aux poches copulatrices et aux canaux déférents dans les mômes anneaux, et, de plus, les ori- fices des poches copulatrices, et souvent aussi ceux des canaux défé- rents, occupent dans le zoonite une position toute différente de celle qu'affectent dans nos Lombrics indigènes les orifices des organes segmentaires. La première de ces raisons, Claparède n'eût pas dû la trouver suffi- sante. 11 admet, en effet, lui-même que, chez certains Naïdiens, les poches copulatrices ne représentent que la partie inférieure des or- ganes segmentaires normaux, ce qui permet la coexistence des uns et des autres. 11 peut alors se présenter trois cas : ou bien la partie res- tante de l'organe segmentaire se joindra à un autre organe segmen- taire, ce qui a lieu dans l'un des Naïdiens examinés par Claparède ; ou bien elle demeurera isolée et aveugle, mais alors il n'y a pas de raison pour qu'elle subsiste ; ou enfin elle s'ouvrira, à roxtérieur, par un ori- fice nouveau placé en un point quelconque de la paroi des corps, et cela pourrait être le cas des Lombriciens. A la vérité, c'est alors l'orifice de chaque i)0chc copulatricc qui aurait dû conserver la position normale, et cela n'a pas lieu chez tous nos Lombrics indigènes. Aussi le docteur Ray Lankester a-t-il cherché à tourner autrement la difficulté \ Il admet que, chez les Lombriciens, le zoonite contient ' Quarlerly Journal of Microscopical Science, janvier 1865 (Ou tlio Aiiatomy of Eaiihwurm). LOMBRICIENS, GENRE PLUTELLUS. 247 normalement deux paires d'organes segmentaires, comme il contient eïi général deux paires de faisceaux de soie. Dès lors, à première vue du moins, les difficultés disparaissent. On peut admettre que chez les Naïdiens la paire supérieure d'organes segmentaires avorte constam- ment et d'une manière normale ; les annexes de l'appareil génital sont alors empruntées au système inférieur d'organes segmentaires, et il ne peut y avoir coïncidence dans le môme anneau de ces derniers et des organes que l'on considère comme résultant de leur transformation. Chez les Lombrics, les choses 3e passeraient autrement : la paire su- périeure d'organes segmentaires serait conservée dans les zoonites génitaux, et là seulement : c'est elle qui fournirait les poches copula- tricesetles canaux déférents. Ainsi se trouverait expliquée la coexis- tence de ces organes avec celle d'organes segmentaires qui appartien- draient dès lors au système inférieur; de plus, le déplacement des orifices dépendant de la génération serait alors tout naturel. C'était là une hypothèse ingénieuse, permettant d'admettre, con- formément à une tendance toute naturelle de l'esprit, que chez les Lombrics, comme chez les Naïs, qui sont des êtres si voisins, des or- ganes analogues quant à la forme et à la fonction se sont formés d'une manière analogue, au moyen d'organes préexistant dans l'éco- nomie et essentiellement de même nature dans les deux groupes. En étudiant les Lombriciens terrestres de la collection du Muséum de Paris, j'ai dû, en conséquence, me préoccuper de chercher s'il n'exis- tait pas quelque disposition organique qui permît d'asseoir sur des bases réelles l'hypothèse imaginée par M. Ray Lankester, mais qu'il n'avait pu établir sur des faits positifs. J'ai exposé dans ces mêmes Archives ( loc. cit. ) et dans mon Mémoire sur les Lombriciens, publié dans les Nouvelles Archives du Muséum, un certain nondjrp de faits qui autorisent à penser que l'on peut prendre en considération l'hypothèse du jeune anatomiste anglais. Les organes segmentaires dans plusieurs des genres que j'ai fait connaître s'ouvrent en avant et un peu au-dessus des faisceaux de soies de la rangée inférieure. Lorsque, ce qui arrive assez souvent \ les deux soies d'une même paire s'écartent, l'orifice de l'organe segmen- taire suit la soie supérieure dans son déplacement. De sorte qu'il semble y avoir une liaison entre ces deux organes. Or, dans d'autres * Genre Titanus, E. l\, et plusieurs geures de Kiuberg. 248 EDMOND PERRIER. genres ', ce n'est plus en avant des soies de la rangée inférieure, mais en avant de celles de la rangée supérieure, que l'on trouve l'orifice en question. Le même fait avait été indiqué auparavant pour deux autres espèces que je ne connaissais pas au moment oi^i je fis mes ob- servations : les Geogenia de Kinberg - et le Lumhricus microchœtus, Rapp ^ Ce sont là bien certainement des présomptions en faveur de l'hy- pothèse de Ray Lankester; ici ce serait le système supérieur d'organes segmentaires qui subsisterait dans tout le corps, et le système infé- rieur fournirait les annexes de l'appareil génital. Chez les Rhinodrilus et chez les Eudrilus, on voit en effet les orifices génitaux prendre, au moins en partie, la place qui conviendrait aux orifices du système inférieur des organes segmentaires. Le môme cas se présente, quoique avec plus de complication, dans le genre Monitigaster, E. P. De plus, l'homologie des canaux déférents et des organes segmentaires semble confirmée par ce fait que, dans le genre Antem, c'est l'organe seg- mentaire des anneaux génitaux qui sert lui-môme de canal déférent; du moins n'ai-je rien trouvé qui pût me faire soupçonner l'existence d'un autre canal. L'homologie est donc évidente dans ce cas; néanmoins, en ce qui concerne les autres genres, nous devons admettre que, si nos recher- ches ont apporté quelques faits nouveaux tendant à augmenter la probabilité de l'homologie en question, elles ne l'ont cependant pas définitivement démontrée. De môme l'existence typique de quatre organes segmentaires par zoonite ne serait démontrée, elle aussi, que si l'on trouvait quelques Lombriciens possédant réellement ces quatre organes non modifiés dans un môme anneau, ce qui jusqu'ici ne s'est pas rencontré. Pour les poches copulatrices, une grosse difficulté résulte, ainsi que nous l'avons dit dans ces Archives et dans notre Mémoire, de ce que, 1 Anteus, E. P., Rhinodrilus, E. P., Eudrilus, E. P., Moniligasler, E. P., et dans un Lomhi'icien indéterminabU' du Birsil. 2 Ofvcrsigt of Koncjl. Vetenakaps Âkademiens Forhandlingar, L XXIII, 186n, Stockholm. 3 Wurtemb. naturwissenschaflHche Jahresbericht,L IV, p. -2, 1848. — Nous admet- trions volontiers le genre Microc/iœ/MA' proposé i)ar Rapp jiour ce ver, évidemment diiïérent des Lombrics proprement dits, si l'auteur avait pu donner quelques détails au moins sur la position des orific-es génitaux à défaut d'autres renseigncïments ana- lomiques. Malheureusement, dans l'état actuel de nos connaissances, un Lombrici(!U terrestre qui n'est pas à l'état de maturité génitale ne saurait d'ordinaire être déter- njiné même génériquement. LOMBRICIENS, GENRE PLUTELLUS. 249 chez les Eudrilus, la poche copulatrice qui supporte l'ovaire s'ouvre presque au môme point que l'organe segmentaire du même anneau, et par conséquent ces deux organes doivent ôtre considérés comme in- dépendants : ici, à la vérité, la poche copulatrice porte l'ovaire ; elle présente donc quelque chose d'anormal qui peut être invoqué pour diminuer la valeur de l'objection. On voit par ce que nous venons de dire quelle place énorme il faut faire encore aux incertitudes dans la morphologie des Lombriciens. L'étude des types connus jusqu'ici est impuissante à nous renseigner ; mais si le nombre 4 est bien réellement le nombre typique des organes segmentaires do chaque anneau, on doit s'attendre à rencon- trer d'autres combinaisons de ces organes que celles dont nous avons eu déjà occasion de parler. Conformément aux prévisions exprimées dans notre Mémoire déjà cité, nous avons pu rencontrer une de ces combinaisons, et c'est elle surtout que nous nous proposons de faire connaître ici. Elle est présentée par un Yer de terre qui doit nécessairement con- stituer un genre nouveau et qui fait, lui aussi, partie de la collection du Muséum depuis 1822. Nous en avons observé deux échantillons qui étaient mêlés dans le même bocal avec cinq ou six véritables Lombrics, provenant de la Pensylvanie, et que nous avions précisé- ment examinés les premiers. Tous ces animaux ayant d'ailleurs entre eux la plus parfaite ressemblance, nous avions pensé n'avoir affaire qu'à des Lombrics, et comme notre but était en premier lieu de faire connaître des types nouveaux de l'ordre des Lombriciens, nous les avions laissés de côté jusqu'au moment de faire la révision purement spécifique. Ce dernier travail nécessitait l'examen rigoureux de tous les échantillons, mais ne pouvait être fait avec fruit qu'après une étude d'ensemble de l'ordre tout entier des Lombriciens terrestres, et nous étions bien sur de retrouver dans ce second dépouillement de la collection tout ce qui aurait pu nous échapper dans le premier. C'est, du reste, la seule addition que nous ayons à faire à notre pre- mier travail, la description des assez nombreuses espèces nouvelles du genre Lombric que nous avons rencontrées n'ayant jamais dû en faire partie. Ces dernières seront décrites dans un autre travail que nous préparons, et où nous nous proposons de faire, ayant à notre dispo- sition les types mêmes de Savigny, une étude critique de nos espèces de Lombrics indigènes. Cette étude est rendue nécessaire par le dernier 250 EDMOND PERRIER. Mémoire publié par d'Udekem \ où sont réunies, peut-être un peu arbitrairement, aux espèces de Hoffmeister un certain nombre d'es- pèces de Savigny et de Dugès. J'arrive maintenant à la description anatomiquc et zoologique du genre nouveau qui fait l'objet de ce travail, et dont les développements qui précèdent sont destinés à faire ressortir l'importance au point de vue morphologique. GENRE PLUTELLUS, EDMOND PERRIER ('). Ce genre ne contenant encore qu'une seule espèce, ses caractères particuliers ressortiront de la description de celle-ci, pour laquelle nous proposons le nom de Plutellus iieteroporus, E. P. PLL'TELLUS HETEROPORUS, E. P. Description fjémhale. — Longueur, 15 centimètres; — largeur 3 millimètres ; — distance de l'extrémité céphalique au bord anté- rieur de la ceinture , 4 centimètres ; longueur de la ceinture , 6 millimètres. Ces dimensions, étant prises sur un individu conservé depuis longues années dans l'alcool, depuis 4822, ne sauraient être considérées que comme approchées. Le corps est un peu renflé, à peu près à la moitié de la distance qui sépare le bord antérieur de la ceinture de l'extrémité céphalique; il s'atténue ensuite assez rapidement en avant pour se terminer en pointe obtuse, comme chez nos Lombrics ; l'extrémité postérieure du corps est à peine aplatie et se termine par une extrémité arrondie sans presque se rétrécir. Le lobe céphalique échancre profondément le segment buccal et s'étend en arrière jusqu'à l'incision qui sépare cet anneau du suivant ; les bords de l'échancrure sont sensiblement parallèles; mais en avant du segment buccal le lobe céphalique s'élargit rapidement et présente la forme d'un triangle très-surbaissé et à sommet obtus. Disposition des soies. — Les soies sont disposées d'un bout à l'autre * Mémoires rie V Académie royale des sciences, arts, belles-lettres, etc., Bruxelles, 1805, t. XXXV. - Etymologie : dimiiuUil' de /^iwJo, divinité iiifoniale el par conséquent souter- raine. LOMBRIC lENS, GENRE PLUTELLUS. 231 du corps sur huit rangées symétriques deux à deux, et dans chacune desquelles les soies sont isolées. Ces huit rangées sont i\ peu près éga- lement espacées : cependant, à la région postérieure du corps, il est possible de constatet* que rintervalle des deux rangées dorsales symé- triques et des deux rangées ventrales est un peu plus grand que celui qui sépare ces deux rangées des rangées moyennes. De plus, celles-ci sont elles-mêmes un peu plus espacées entre elles qu'elles ne le sont l'une de la rangée la plus élevée, l'autre delà rangée la plus inférieure. Il y a donc là quelque chose qui rappelle, quoique de fort loin, la disposition normale chez les Lombrics, dont on chercherait vainement une trace à la partie antérieure du corps. Nous trouvons réalisée dans les Plute/lus cette séparation complète dos huit rangées de soies qui, chez les Titanus, Ë. P., les Alyattes, Kinbi, et les Eurydames, Kinb., n'apparaît qu'à la partie postérieure du corps. Kitiberg a décrit un genre où ce sont aii contraire les soies antérieures qui sont espacées, les postérieures étant géminées ; c'est le genre Hegêsipy/c. Enfin, sous le rapport de la disposition des soies, les Yers qu'il nomme Hypogeon doivent se rapprocher singulièrement de nos Phttelhis. Mais nous n'avons aucun autre renseignement qui nous permette de juger des affinités réelles de ces animaux ; on ne peut, sans s'exposer aux plus graves erreurs, établir aucun jugement sur la simple disposition des soies, surtout lorsqu'il s'agit de Vers provenant de fégions géogra- phiques aussi différentes. En outre, je lie cfois pas que l'on doive admettre le nom même à.' Hypogeon pour les Lombriciens de Kinberg. Ce nom a été appliqué par Sa^igny à des Vers qui ont une rangée de soies dorsale et impaire, et possèdent par conséquent neuf rangées de soies, tandis que les Hyjjogeon de Kinberg n'en ont que huit. Le genre de Savigny paraît avoir été admis, après examen, par d'Udekem ; il n'y a donc pas lieu de croire qu'il ait été fondé sur une erreur d'ob- servation, et l'on ne doit pas, dès lors, modifier sa caractéristique pour y faire entrer des animaux tout différents de ceux que le créa- teur du genre a eus en vue. En conséquence, notre genre fùt-il iden- tique à celui de Kinberg, nous ne pourrions accepter sa dénomination, et d'ailleurs il est maintenant impossible, à moins d'avoir examiné les types mêmes qui ont servi à leur création, de laisser entrer dans la science des genres caractérisés d'une manière aussi vague. Pores dorsaux. — Orifices des organes segrnentarres. — Orifices géni- taux. — Ceinture. — Quoi qu'il en soit, l'examen des téguments de 252 EDMOND PERRIER. nos Pluk'llu^ présente encore de nombreuses particularités intéres- santes. Les pores dorsaux se montrent sur la ligne de séparation de tous les anneaux , à partir de celle qui sépare le sixième du sep- tième (fig. \) K Quant aux autres orifices, leur disposition est si com- pliquée, qu'il nous faut, pour la bien faire comprendre, adopter une nomenclature pour les rangées de soies locomotrices. De chaque côté du corps, nous appellerons première rangée la rangée des soies in- férieures; les autres seront désignées de môme par le rang qu'elles occupent en s'éloignant de la première, de sorte que la rangée dor- sale la plus élevée sera la quatrième rangée. Fig. 1. Croquis d'un Plulellus vu de dos. Les points indiquent la position des soies, les petits cercles celle des orifices dorsaux ou segmentaires; les petits cercles avec un point au milieu sont les orifices génitaux ; les chiffres romains indiquent les anneaux de la ceinture. Fig. 2. Le même vu par la région ventrale. Fig. 3. Le même vu de profil. De plus, nous désignerons sous le nom d'ùirii^/on la ligne de sé- paration entre deux anneaux consécutifs ; la première incision sépare le segment buccal du deuxième anneau, et ainsi de suite, de sorte que chaque incision sera indiquée par le plus petit des deux numéros d'ordre qui désignent les anneaux qu'elle sépare. Gela étant, voici comment sont disi)osés les orifices en avant de la ' Nous considérons h; segment buccal comnie le premier anneau; le lobe cépha- lique qu'il jjorle et (|ui, du moins par ses dimensions, paraît n'en être qu'une- dépendance, est seul laissé en dehors de notre mode de numération. Dans son mémoire sur les Perichœia, M. L. Vaillant ne compte pas ce segment buccal, qu'il nomme à tort le lobe céplialiquc. LOMBRICIENS, GENRE PLUTELLUS. 2a3 ceinture, qui occupe les anneaux 14, 15, 16 et 17, et sur elle. Sur les incisions 2,3, -4 et o, on voit des orifices exactement placés sur le pro- longement de la troisième rangée de soies (fig. 1 et 3). La sixième incision n'en présente plus sur cette ligne, mais on en voit un sur l'alignement de la quatrième rangée de soies; il en est de même sur les incisions 8, 10, 12, 14, 16 et 18 (fig. 1 et 3). Des orifices analogues se retrouvent sur ce même alignement jusqu'à l'extrémité postérieure du corps , mais je n'oserais affirmer que leur succession suive absolument la même loi. Il est difficile d'affirmer la présence d'aussi petites ouver- tures cachées dans les plis de la peau sur des animaux conservés depuis longtemps ; je n'aurais pu résoudre la question qu'en sacrifiant complètement l'individu que j'ai étudié, ce que je n'ai pas voulu faire. Si maintenant on considère la deuxième rangée de soies, on trouve des orifices aux incisions 4, 5, 6, 7, 8 et 9 (fig. 2 et 3). Il n'y en a pas à la dixième ; mais on en trouve aux incisions H , 13, 15 et 17, et proba- blement aux autres incisions impaires jusqu'à l'extrémité du corps, mais en faisant toutefois les mêmes réserves que pour le cas précédent. Ainsi aux incisions 4 et 5, ces orifices coexistent avec ceux de la troi- sième rangée de soies ; à la sixième incision, on les voit avec ceux de la quatrième rangée. Partout ailleurs ils alternent avec ceux de cette rangée. Il y a là pour les orifices latéraux du zoonite une alternance analogue à celle qu'on observe pour les soies chez les Geogenia de Kinberg, les Pontoscolex de Schmarda et nos Urochœta, et il n'est pas sans quelque intérêt pour la morphologie des groupes des Lombriciens de voir ce même phénomène d'alternance se produire pour deux systèmes d'organes très- différents, mais qui cependant paraissent, dans beaucoup de cas, n'être pas sans liaisons l'un avec l'autre. Ajoutons que les orifices des incisions 4, 5, 6, 7 et 8 sont un peu plus grands que les autres, et nous pouvons dire tout de suite que ce sont ceux des poches copulatrices, tandis que tous les autres sont pu- rement et simplement,, à l'exception cependant des pores dorsaux de la ligne médiane, les orifices des organes segmentaires. Il nous reste à parler de deux paires d'orifices que l'on trouve l'une sur le dixième an- neau, l'autre sur le dix-huitième. Ces deux paires d'orifices dépendent de l'appareil génital, et je crois devoir considérer la première comme constituant les orifices externes des oviductes, tandis que la seconde est bien certainement la paire d'orifices mâles. La paire d'orifices femelles, au sujet de laquelle je crois devoir faire quelques réserves, est si- tuée exactement sur le prolongement de la première rangée de soies ; 2ra EDMOND PERRIER. elle occupe le milieu du dixième anneau et par conséquent la place môme où se trouvent les soies d'habitude. Quant à la paire d'orilicos mâles, elle est située aussi au milieu de l'anneau qu'elle occupe, le dix-huitième, et entre la soie de la première rangée et celle de la deuxième, mais plus près de cette dernière. Ces orifices se trouvent donc après la ceinture, comme chez les Digaster, Acant/todrilus, Perichwta et Perionyx. C'est donc un nouveau genre que nous ajoutons à la famille des Lombricieks postclitelliens \ et nous verrons que les analogies ne manquent pas entre les Plutellus et les genres précédemment établis, il est à remarquer qu'ici la cein- ture et les orifices mâles occupent exactement la même position que chez les Perichœta, et je devrais dire que chez tous les autres Postcli- telliens actuellement connus, où on voit la première commencer dans levoisinageduquatorzièmeanneau, et finirtoutauplusau dix-septième pour laisser le dix-huitième aux orifices mâles. C'est d'ailleurs là, nous tenons à bien le préciser, une sorte de loi qui résulte de nos connaissan- ces actuelles, qui tend à faire considérer comme naturelles les familles que nous avons établies, mais dont la valeur est essentiellement rela- tive, et nous ne prétendons nullement que l'avenir la laissera intacte. Dans notre travail général, comme dans celui-ci, nous nous efforçons de grouper le peu de faits que nous connaissons, sans penser pour cela avoir trouvé du premier coup le véritable agencement de l'ordre des Lombriciens terrestres. Nous nous attendons, au contraire, à être obligé de modifier nos idées ultérieurement par suite de nos propres travaux, ou de ceux dont seront certainement l'objet, de la part d'autres zoologistes, des animaux dont l'organisation est si riche en faits nouveaux et imprévus. Remarquons encore que, sous le rapport de la disposition des or- ganes segmenlaires, les Pl/i/i'lh/s réalisent un type exactement inter- médiaire entre les Vers qui ont leurs organes segmentaires en rap- port avec les rangées dorsales de soies et ceux qui les ont en rapport avec les rangées ventrales. Nous avions môme cru un moment qu'ici les deux systèmes d'organes se trouvaient réunis dans le môme anneau ; mais dans la région antérieure du corps l'alternance est si nette qu'elle nous a mis fortement en garde contre notre première impres- sion. Nous laissons donc encore quekiue doute sur ce point, qui n'est 1 Voir les Archives , t. I", Notes et Revues, p. 73, et le Mémoire in extenso aux Archives du Muséum, t. VIII, 1872, LOMBRICIENS, GENRE PLUTELLUS. 2o5 pas sans importance. LesPlutellm sont d'ailleurs les premiers Lombri- ciens postclitelliens dont les organes segmentaires ne s'ouvrent pas tous en avant des soies de la rangée inférieure. Cela nous permet de pré- voir que nous trouverons dans la famille des Postclitelliens des modi- fications analogues, sous ce rapport, à celles que nous avons déjcà signalées chez les Intraclitelliens. Chez les Plutcllus, la ceinture, composée de quatre anneaux, à partir du quatorzième, mais empiétant un peu sur le treizième, ne nous a pré- senté ni bandelettes ventrales, ni aucune particularité caractéristique ; elle paraît s'amincir à la région ventrale sans disparaître cependant com- plètement, comme cela a lieu chez un certain nombre d'autres Lom- briciens. Il nous a semblé que les orifices mâles étaient accompagnés chacun d'une papille en avant et en arrière, mais nos échantillons ne sont pas dans un état de conservation suffisant pour qu'il nous soit possible d'affirmer le fait d'une manière absolue. Arrivons maintenant à la description anatomique. Appareil digestif. — Nous retrouvons ici la composition ordinaire du tube digestif des Lombriciens en général et des Lombriciens post- clitelliens en particulier. Il y a, comme toujours : 1° un pharynx, glandulaire; 2° un œsophage très-court; 3° un gésier ou estomac mus- culaire, qui occupe ici le sixième anneau et se trouve placé très en avant des organes essentiels de la génération; 4" un intestin d'abord rétréci dans la région qu'il occupe conjointement avec les cœurs, les anses vasculaires, les glandes génitales et leurs annexes, puis se dilatant de manière à occuper presque toute la cavité générale. L'état des échantillons nous a empêché de rechercher s'il n'existait pas des glandes spéciales dans la région antérieure. Nous devons cepen- dant appeler l'attention sur certains organes que l'on voit aux dixième onzième et douzième anneaux, et qui ne peuvent être que des annexes glandulaires du tube digestif. Ils présentent la forme d'un rein, sont plus opaques que les parois intestinales et, à la loupe, paraissent striés sur leur surface externe, tandis que sur leur surface interne se voit nettement une arborisation vasculaire, de laquelle naît une branche vasculaire unique, assez volumineuse, qui se rend à l'un des vaisseaux ventraux, probablement le vaisseau sus-nervien. Chacune de ces masses réniformes est creuse et reliée à l'intestin par un pédi- cule court, mais assez volumineux, qui n'est lui-même qu'un diver- ticulum latéral de l'intestin. Les organes qui nous occupent sont donc de simples poches cfecales dont les parois ont été modifiées, de ma- 2S6 EDMOND PERRIER. nièrc à accomplir un acte qu'il y aurait ;i déterminer, mais qui est très-probablement la sécrétion d'un suc spécial. Le pédoncule de chacun d'eux est extrêmement riche en vaisseaux, qui ne sont que la continuation des vaisseaux de l'intestin et qui se continuent eux- mêmes avec d'autres vaisseaux exactement parallèles entre eux, et qui sont la cause immédiate de l'apparence striée que présente la surface externe de l'organe. Ces vaisseaux se réunissent ensuite dans une branche unique pour chaque organe se rendant au tronc ventral. Il y a donc là une distribution de vaisseaux qui rappelle un peu ce que les anatomistes anciens nommaient un « réseau admirable » . Je ne puis donner aucun renseignement sur le rôle phys^^logique de ces organes, mais je dois dire qu'ils ne me semblent pas absolument spé- ciaux aux PhUellm. Dans son Mémoire de 1863 sur les Lombriciens terrestres *, d'Udokem figure des renflements de l'appareil digestif qui pourraient bien n'être qu'un acheminement vers les parties que nous venons de décrire. A la vérité, ces corps sont dans le Lurnbricus agri- cola, Hoffm., placés avant'le gésier, tandis que dans le Plutellus ils se trouvent après ; mais, d'après la figure qu'en donne d'Udekem, leur structure doit être néanmoins à très-peu près la môme dans les deux genres, et il ne faut, du reste, pas oublier que la position re- lative des organes dans le sens longitudinal a beaucoup moins de valeur chez les animaux composés de zoonites distincts que partout ailleurs. Dans le treizième anneau des Vers que j'ai décrits sous le nom de Perichœta rohusta, aspergillum et quadrageneria, j'ai signalé de chaque côté de l'intestin la présence de deux corps glandulaires qui m'avaient semblé se rattacher à lui, mais dont j'avais laissé la nature indéter- minée ; ne sont-cc pas des caecums glandulaires analogues à ceux des Pluêellus? Cela me paraît probable, et je crois qu'on rencontrera quel- que chose de semblable chez un assez grand nombre d'autres Lombri- ciens. Dans le cas actuel, l'analogie de position viendrait s'ajouter à l'analogie physiologique. Appareil circulatoire. — L'appareil circulatoire est constitué sur le plan ordinaire. Il existe un vaisseau dorsal et deux vaisseaux ventraux, comprenant entre .eux la chaîne nerveuse. L'union de ces troncs prin- cipaux se fait ('(Mume d'habitude. Des anses (-(nUractiles, bosselées, flot- tantes et assez grêles se trouvent dans les anneaux 10, 1 1 et 12, préci- 1 Mémoires de l'Ariulémk de Bruxelles, 1. XXXV, ISiiij, loc. cit., pi. I, (ig. 3, LOMBRICIENS, GENRE PLUTELLUS. 2S7 sèment ceux'qui contiennent les eeecums intestinaux dont je viens de parler. Elles naissent du vaisseau dorsal, juste au-dessus du point où chacun des ca?cums correspondants sort de l'intestin, et, comme elles sont flottantes, on les trouve tantôt en avant, tantôt en arrière ; mais cette position apparente n'a rien de caractéristique. Nous n'avons rien à dire de particulier en ce qui touche le système nerveux ; quant aux organes segmentaires, les rapports que l'on a sup- posés entre eux et l'appareil génital nous engagent à ne les décrire qu'après avoir fait connaître ces derniers, afin de faire mieux juger de ce qu'il y a d'admissible dans ces rapports. Appareil génital môle. — Le douzième anneau se montre à peu près rempli par une glande en grappe dont les nombreux lobules sphéri- ques, parfaitement distincts les uns des autres, ne rappellent pas au premier abord l'apparence que l'on connaît aux testicules des Lom- briciens, et qui est celle d'une masse continue opaque et d'un blanc laiteux que de nombreux groupes de psorospermies parsèment de taches d'un blanc de craie. Néanmoins l'examen microscopique m'a permis de reconnaître à n'en pas douter des faisceaux de filaments spermatiques encore atta- chés à la sphère centrale autour de laquelle ils ont pris naissance; j'ai vu aussi de ces sphères entourées des nombreuses sphérules qui sont l'une des phases les plus caractéristiques du développement des spermatozoïdes chez les Lombriciens et aussi chez beaucoup d'autres verset même chez certains mollusques. L'examen du contenu de ces glandes ne peut laisser aucun doute dans mon esprit, bien qu'il ait été fait sur des animaux conservés dans l'alcool depuis plus de qua- rante ans. Ce sont bien là les testicules qui ne sont qu'au nombre de deux, formant une seule paire. Leur apparence n'est pas d'ailleurs absolument exceptionnelle chez les Lombriciens ; elle est exactement la môme que celle que nous avons constatée chez les Digaster de la Nouvelle-Hollande. Ces glandes ont d'ailleurs la même forme et occu- pent la même position que la glande génitale unique que nous avons vue chez V Acanthodrilus obfusus de la Nouvelle-Calédonie ; mais cela ne peut nous éclairer sur la nature de cette dernière glande, que l'examen histologique n'a pu nous permettre de déterminer, et au sujet de laquelle nous gardons encore la plus grande réserve; toute- fois nous ne devons laisser dans l'ombre aucun rapprochement pouvant servir à éclaircir plus tard les points douteux. ARCH. DE 7.00L. FXP. ET GÉX, — T. II. 1873. 17 2SS EDMOND PERRIER. • L;i glande contient comme d'habitude une assez grande quantité de psorospermies parfaitement reconnaissables. 11 nous a été impossible de retrouver aucune trace de pavillon vibra- lile ou de canal déférent. Ceux-ci doivent exister toutefois nécessai- rement et traverser les anneaux 14, J5, IG et 17, puisque c'est dans l'anneau 18 seulement que se trouve la portion terminale de l'ap- pareil excréteur du sperme dont la nature ne peut laisser aucun doute. Cet appareil présente les plus grandes ressemblances avec celui des Periducta. Il se compose d'une glande accessoire et d'un tube musculaire à parois épaisses, d'aspect nacré, recourbé sur lui-même, et de tous points identique à ceux que nous avons représentés chez diverses espèces de Pcrichœta ^ ; c'est à la naissance de cette sorte de pénis que doit aboutir le canal déférent. La glande accessoire, que nous avons quelquefois appelée prostate, est une sorte de languette tortueuse plusieurs fois pelotonnée sur elle-même, plus amincie à l'une de ses extrémités et dont l'extrémité la plus large est en continuité avec le tube pénien ; par sa forme, cette prostate ressemble beaucoup, toutes proportions gardées, à celles de V Acanthodrilm obtusus - ; toutefois elle est peut-être plus pelotonnée dans l'animal, où elle ne dépasse guère les limites du dix-huitième an- neau,de qui elle dépend. Sa structure histologique est exactement celle que nous avons figurée pour l'organe analogue chez le Perichœta Houl- leti^. On retrouve là les mêmes culs-de-sac pyriformes, à l'intérieur des- quels on peut même distinguer encore un certain nombre de noyaux nucléoles. L'identité entre les deux organes résulte ici non de la forme extérieure que nous avons vu d'ailleurs changer dans l'étendue du genre Perichœta, mais de la constitution histologique. On peut donc dire que l'appareil excréteur mâle des Plutellus est, quant à sa partie terminale, exactement copié sur celui des Perichœta. Ces res- semblances anatomiques indiscutables sont un argument de plus en faveur de l'importance (jue nous avons attribuée, dans notre classifi- cation, à la position relative des orifices génitaux et de la ceinture : le caractère extérieur que nous avons employé nous permet de réunir dans mi môme groupe zooiogique des animaux dont l'organisation se révèle à nous comme très-voisine, et que le mode d'arrangement et 1 Voir notre mémoire sur les Lnmbrioiens, loco citMo, pi. III et IV. - Nouvellex arrimes du Mttsdnw; t. VIII^ 1872, j)!. II, fig. 17. s ibid., I. ^■|^. |.i. m. :j<>. LOiMBRIClENS, GENRE PLUtELLUS. 2S9 le nombre des soies conduiraient à placer aux deux extrémités oppo- sées de l'ordre des Lombriciens terrestres. Appareil génital fenielle. — Nous retrouvons ici, comme d'habitude, l'appareil femelle formé ù'omires, d'oviductes et de poches copulatrices. Le dixième anneau contient une grappe glandulaire aussi volumi- neuse que celle du douzième, et présentant exactement la même appa- rence. J'étais d'abord tenté de la prendre pour une première i)aire de testicules, bien que nous n'ayons trouvé dans aucun autre genre post- clitellien ces organes aussi éloignés les uns des autres ; l'examen histo- logique nous a montré que nous avions affaire à une glande de nature différente de la première ; les éléments histologiques ne sont plus les mêmes. Ce sont de grosses granulations réfringentes groupées de ma- nière à constituer des sphères, au centre desquelles nous avons vu souvent une apparence de vésicule jtransparente et des taches germina- tives. Sont-ce bien là des œufs? Nous le croyons ; mais nous devons dire qu'à cet égard notre conviction est loin d'être aussi com- plète qu'en ce qui concerne les testicules. Les œufs que nous avons vus sont bien moins nets que les faisceaux spermatiques ; ils ne sont pas comparables surtout à ceux que nous avons figurés * et qui prove- naient d'Eudrilus et de Muniligaster conservés depuis un temps assez long dans l'alcool. C'est aussi la première fols que nous rencontrons des ovaires ayant la forme de glandes en grappe, et la première fois que ces organes se montrent en avant des testicules, au lieu de se tenir en arrière ; mais, en énonçant provisoirement cette loi qui résultait de l'étude de onze genres distincts et qui était conforme, en outre, à ce que l'on voit chez la plupart des autres Lombriciens aquatiques, nous faisions nos réserves, sachant bien que l'étude de nouveaux maté- riaux pouvait nous réserver de nombreuses surprises. Nous savions en effet combien est vrai pour les Lombriciens ce que Savigny disait des Ascidies : Les Lombriciens aussi a cachent une organisation des plus variées sous une apparence des plus uniformes. » N'oublions pas cependant que notre détermination des ovaires est encore un peu douteuse, mais fort peu, car le même anneau qui les contient, et à la cloison antérieure duquel ils sont adossés, contient en outre un pa- villon anatomiquement et histologiquement identique à tous les pavillons vibratiles qu'on a décrits comme étant des oviductes et qui en sont bien réellement. Ces pavillons sont relativement très-grands, en 1 PI. IV do noire mémoire, déjà cité, des Nouvelh'S Archives du Muséum. mi) EDMOND PERRIER. forme d'entonnoirs ; leur bord supérieur est légèrement froncé, et nous les avons trouvés composés de fort belles cellules encore pour- vues de cils vibratiles reconnaissables, disposées comme celles que nous avons figurées dans notre premier mémoire, et qui proviennent du pavillon vibratile des canaux déférents du Perichœta HouUeti. Ces cellules ressemblent elles-mêmes tout à fait à celles qui forment le pavillon vibratile des organes segmentaires du Lumbricus agricola \ Il y a donc tout lieu de croire que nous avons affaire ici à des ovi- ductes. Ces pavillons s'ouvrent d'ailleurs à l'extérieur par une paire d'orifices que nous avons déjà décrite et qui dépend du dixième an- neau. Ils sont donc, comme chez les Perichœta, tout entiers contenus dans un seul anneau et ne chevauchent pas sur deux, comme d'Ude- kem l'a vu et figuré [loc. cit., pi. II, fig. 2) chez le Lumbricus agricola, Hoffm. Les Dig aster auxquels nous avons déjà eu occasion de com- parer les Plutellus, ont, eux aussi, deux orifices pour [les oviductes ; mais ici ces orifices sont placés sur la ceinture ; les oviductes des Peri- chœta, ceux des Perionyx, s'ouvrent également sur le premier anneau de la ceinture, mais par un orifice unique et médian. Par la position relative de leurs orifices femelles, les Plutellus s'éloignent donc des uns et des autres ; mais ils s'en rapprochent cependant en ce que dans tous ces genres, comme dans les Lombrics et les Eudrilus, les orifices femelles sont situés en avant des organes mâles. Il ne faudrait pas en conclure cependant qu'une loi générale de l'organisation des Lombri- ciens veut que les orifices des oviductes soient toujours en avant des orifices mâles. Les Moniligaster nous avertissent qu'il peut en être tout autrement. On sera peut-être porté à trouver oiseuses et stériles les comparaisons que je fais ici ; telle n'est pas mon opinion : elles me paraissent nous faire prévoir la variété considérable que nous devrons retrouver dans l'ordre des Lombriciens terrestres quand il sera mieux •connu, et seront autant de jalons qui aideront plus tard à constituer les coupes vraiment naturelles dans lesquelles il faudra répartir les espèces et les genres probablement très-nombreux des Lombriciens. Dans tous les cas, elles faciliteront la répartition des espèces que nous avons étudiées dans les groupes qu'il y aura lieu d'établir dans l'ave- nir. Nous désirons avant tout <[ue nos successeurs n'éprouvent pas vis-à-vis de nos travaux l'embarras dans lequel nous nous sommes trouvés vis-à-vis d'un certain nombre de travaux de nos devanciers, 1 Nouveaux Mnicoires de V Académie de Biuxelles, I. XXXV, Hj;-. t). L0.MBR1G1ENS, GENRE PLUTELLUS. 261 qui sont demeurés pour nous sans autre utilité que celle de nous prévenir qu'il y avait encore beaucoup à voir avant d'être en état de faire quelque chose de tant soit peu définitif dans la classification des Lombriciens. Nous arrivons aux poches copulatrices. Il en existe cinq paires situées dans les anneaux 5, 6, 7, 8 et 9, et s'ouvrant au bord antérieur de chacun de ces anneaux. Ce nombre est le plus considérable que nous ayons encore trouvé pour les poches copulatrices. Ces poches sont petites, ce qui est peut-être en rapport avec leur multipHcitc. Elles ont la forme d'un petit ellipsoïde courte- ment pédoncule. Comme chez les Pcrichœta, les Eudrilus, etc., cha- cune d'elles est accompagnée d'une petite glande accessoire qui a ici la forme d'un tube court légèrement renflé en massue, et qui vient s'engager dans les tissus en même temps que la poche copulatrice, mais immédiatement en avant d'elle, de telle façon qu'il y ait entre eux contact immédiat ; la réunion entre les canaux excréteurs de la glande et de la poche copulatrice se fait sans doute dans les tissus, car je n'ai jamais constaté qu'un seul orifice externe pour les deux. L'étude des Perichœta nous a d'ailleurs montré que ce fait de la réu- nion ou de l'isolement des deux orifices n'avait pas grande impor- tance, puisque dans l'étendue de ce genre nous avons vu la ou les glandes accessoires, tantôt s'ouvrir isolément au dehors, tantôt au con- traire déverser leurs produits dans le pédoncule de la poche copu- latrice. L'aspect de ces différents organes ne présente aucune particularité ' qui mérite d'être signalée. Organes segmentaires. — Les organes segmentaires ont ici la forme de tubes repliés plusieurs fois sur eux-mêmes et terminés par un pa- villon vibratile très-étroit et flottant; ils sont tout entiers contenus dans le même anneau et ne traversent pas, comme cela a lieu souvent, la cloison antérieure, pour s'épanouir en pavillon vibratile dans l'an- neau précédent. Ils se renflent en un tube transparent avant de s'enfoncer dans les téguments pour s'ouvrir à l'extérieur. Au point où ils s'enfoncent dans les tissus, la membrane péritonéale, d'aspect nacré, forme une sorte de boutonnière allongée, et les faisceaux muscu- laires s'écartent un peu, de sorte que ce point de pénétration est très- reconnaissable, même après l'enlèvement du tube. J'insiste sur le fait de la facilité à découvrir le point où les organes segmentaires pénètrent dans les tégum.ents, parce qu'il exclut toute chance d'er- 2«2 EJiMOND PEHRIER. reur de ma part dans les observations qui vont suivre et qui r^e pa- raissent avoir une importance capitale pQuv l'appréciation de^ idées morphologiques qui ont été émises au sujet des organes segmentaires et de diverses parties de l'appareil génital. On retrouve dans la disposition interne des organes segnaeiitaires des Plniel/us la confirmation des faits que nous avons avancés relati- vement à la disposition de leurs oiifices. L,es anneaux 3, 4, 5 et 6 con- tiennent chacun une paire d'organes segmentaires qui, après s'être repliés deux ou trois fois sur eux-mêmes, se prolongent vers l'exté- rieur en supposant l'animal ouvert, et s'engagent dans les téguments en des points correspondant à la troisième rangée de soies. Dans ces quatre anneaux consécutifs, les organes segmentaires se cpnï- portent donc de la môme façon. Dans les anneaux 5 et 6, on voit les poches copulatrices qui pénètrent dans les téguments en des points correspondant à la deuxième rangée de soies ; il y aurait donc lieu ici de rapporter ces poches au système segmentaire inférieur. Toutefois, une disposition qui mérite d'être signalée, c'est que morphologique- ment les organes segmentaires s'ouvrent ici en avant de la soie infé- rieure de la double rangée supérieure, ce qui, dans les autres genres, ne s'était pas encore rencontré. Dans le septième anneau, c'est encore lamêrae disposition générale que l'on observe pour les organes segmentaires ; seulement le tube excréteur i^e prolonge davantage vers l'extérieur, atteint le prolonge- ment de la quatrième rangée de soie et s'ouvre alors à l'extérieur ; nous revenons ainsi à la disposition que des recherches antérieures nous avaient conduit à considérer comme normale che^î les. Lombri- ciens : celle où l'orifice se trouve en avant de la soie supérieure de fthaque double rangée. . Pour le huitième anneau, notis avons quelque incertitude relative- ment à la disposition normak' ; en effet, du côté droit de l'animal que nous avons étudié, les choses se passent comme dans l'anneau précé- dent ; mais, du côté gauche, une modification intervient. Au lieu de se trouver du côté interne, la portion plusieurs fois réfléchie de l'or- gane segmentaire se trouve du côté externe, la terminaison excrétrice du tube se dirigeant elle-même non plus vers l'extérieur en suppo- sant, comme nous l'avons dit, l'animal ouvert i)ar le dos et étalé, mais vers la ligne médiane ventrale; on la voit s'engager dans les tissus immédiatement en arrière de la poche copulatrice de l'anneau cor- respondant et s'ouvrir à l'exlérieur derrière elle; on peut, avec un LOMBRICIENS, GENRE PLUTELLUS. 263 peu d'attention, distinguer nettement l'orifice extérieur sur les tégu- ments, derrière celui de la poche copulatrice qui est beaucoup plus gros et que l'on remarque seul, au premier abord, si l'on n'est pas prévenu par la disposition anatomique intérieure. D'ailleurs, de ce même côté gauche, les organes segmentaires alternent, à partir de ce moment, avec la plus grande régularité. L'organe segmentaire du neuvième anneau s'ouvre, comme celui du septième à la hauteur de la quatrième rangée de soies ou rangée supé- rieure. Dans le dixième anneau, c'est la disposition propre au huitième qui se retrouve; seulement il n'y a plus ici de poche copulatrice, et l'al- ternance se continue dans le même ordre, qui est celui que nous avons déjà décrit pour les orifices extérieurs. Dansledix-huitième anneau, qui porte à l'extérieur les orifices mâles à une hauteur intermédiaire entre la première et la deuxième rangée de soies, mais plus rapprochée de la première, l'orifice segmentaire doit se trouver, de ce côté, à la hauteur de la deuxième rangée de soies ; mais nos observations nous laissent ici quelque incertitude, l'animal que nous avons pu étudier étant malheureusement un peu détérioré immédiatement après la ceinture : la constatation précise du fait au- rait eu cependant son importance. Le côté droit de l'animal présente une disposition un peu différente. Ici, dans le huitième anneau, les organes segmentaires se comportent comme dans le septième. De sorte qu'après s'être ouverts dans quatre anneaux consécutifs à la hauteur de la troisième rangée de soies, ils s'ouvrent dans les deux anneaux suivants à la hauteur de la qua- trième ; mais, à partir de là, l'alternance commence. Dans le neuvième anneau, l'organe segmentaire s'ouvre extérieure- ment à la hauteur de la deuxième rangée desoies, etcomme cet anneau contient encore une poche copulatrice, ici, comme au huitième anneau du côté gauche, les deux organes se trouvent encore exactement super- posés. L'alternance commençant à partir de là, on voit que des deux côtés du corps il y a dissymétrie des organes segmentaires, à moins qu'une anomalie nouvelle ne vienne rétablir l'ordre naturel, ce qui reste un point douteux et ce qui dans tous les cas n'a pas lieu avant le vingtième anneau. Je me suis naturellement demandé laquelle des deux dispositions que je viens de décrire était normale ; le type des vers est trop symé- trique pour qu'il soit possible d'admettre, sans preuve positive, que le Plutellus que j'ai étudié no constituait pas une monstruosité. Ce n'est 264 EDMOND PERRIER. pas sans quelque surprise que j'ai cru reconnaître, d'après l'examen d'un petit individu, que c'était la disposition de droite, celle où l'al- ternance est en retard d'un anneau, qui se trouvait ici répétée des deux côtés. Cependant je n'ai pas ouvert ce second échantillon, que je voulais conserver intact dans la collection du Muséum, et je suis plus que personne en garde contre des observations faites dans de sembla- bles conditions ; je fais donc encore ici certaines réserves. Ce qui est constant, bien établi, facile à observer, c'est : 1" la dispo- sition des orifices dans les anneaux 4, o et 6; 2° celle des orifices des poches copulatrices et de ceux de l'appareil génital en général ; 3° enfin, l'alternance de la disposition des organes segmentaires dans deux anneaux consécutifs. Le mode d'alternance reste à déterminer et ne peut l'être que par l'examen d'un nombre plus considérable d'échantillons. Gela ne nuit en rien d'ailleurs à la solidité des conclusions qui dé- coulent naturellement des faits que nous venons d'exposer. Ce sont ces conclusions qu'il nous reste à exposer. Conséquences morphologiques. — Nous avions fait remarquer, dans nos Ri-cUerckes pour servir à V histoire des Lombriciens terrestres i, que si l'hypothèse de l'existence typique de deux paires d'organes segmen- taires par anneau est exacte, on devrait trouver des Lombriciens où le système supérieur qui avorte dans le genre Lumbricus subsisterait seul au contraire, d'autres où il y aurait avortement de l'un dans une partie du corps et du second dans une autre partie, d'autres enfin chez qui les deux [systèmes seraient nettement superposés dans un certain nombre d'anneaux. La première de ces dispositions s'est rencontrée dans un grand nombre de vers intraclitelliens {Anteus, Bhinodrilns, Eudrilm) et dans les Moniligaster, dont la place est douteuse. Les PluteUus réalisant la seconde semblent porter un nouvel appoint à l'actif de la théorie de Ray Lankester, et nous admettons volontiers qu'elle devient un moyen commode de relier entre eux les faits que nos recherches ont fait con- naître relativement aux organes segmentaires. Toutefois on ne saurait, sans être partial, ne pas signaler quelques diflicultés que font naître eux-mêmes les Plutellus. Nous avons vu jus- qu'ici (pic les orifices segmentaires ne semblent pas en rapport avec l'une quel('on([ue des soies des doubles rangées auxquelles ils répon- ' AvcJdves du Muséum, loc. cit., \>. IH8. LOMBRlGIExNS, GENRE PLUTELLUS. i6§ dent; c'est à la soie supérieure de chaque rangée qu'ils paraissent plus particulièrement liés, et la disposition que l'on constate chez les Plu- tellus dans tous les anneaux postérieurs au sixième confirme cette ma- nière de voir. On se rend difficilement compte dès lors que dans le sixième anneau et dans les trois qui précèdent les orifices correspon- dent à la soie inférieure de la rangée supérieure. Ce fait n'est pas aussi insignifiant qu'il le paraît au premier abord, car il ouvre la porte à une interprétation nouvelle des dispositions que nous avons observées dans les organes segmentaires, et cette interpré- tation serait contraire à la théorie de Ray Lankester. Il est exact que la position des orifices segmentaires est liée à celle des soies locomotrices, et l'on peut en trouver une raison conforme aux lois générales de l'économie qui président à l'organisation des animaux annelés. Les téguments des Lombriciens sont revêtus intérieurement d'une couche presque continue de faisceaux musculaires longitudinaux. Ces faisceaux s'écartent pour laisser une place aux follicules sétigères que l'on voit quelquefois faire saillie à l'intérieur du corps ; au lieu de se creuser une issue spéciale, les organes segmentaires pénètrent dans l'intervalle ainsi formé et s'ouvrent au dehors. Il est d'ailleurs indiffé- rent que ce soit dans tel ou tel intervalle qu'ils pénètrent, et l'em- bryogénie donnerait sans doute la raison de la préférence accordée à celui qui correspond à une série déterminée de soies. Il n'est dès lors plus nécessaire de faire intervenir deux séries différentes d'organes segmentaires, et l'on se rend parfaitement compte que, lorsque les huit soies d'un même anneau sont séparées, l'intervalle entre les mus- cles correspondant à l'une quelconque d'entre elles puisse servir d'issue aux organes segmentaires. Nous avions par conséquent raison de dire, en traitant cette question dans nos recherches précédentes, que la démonstration de l'hypothèse de Ray Lankester n'était pas encore faite ; nous ne lui en devons pas moins quelque reconnaissance, car c'est elle qui nous a conduit à ob- server les organes segmentaires de plus près que nous ne l'aurions fait peut-être et qui nous a conduit à signaler un caractère extérieur ab- solument négligé jusqu'ici, qui ne paraît pas sans valeur et qui, dans tous les cas, sera toujours utilisé avec profit dans un groupe aussi ho- mogène en apparence que celui des Lombriciens. La principale utilité de l'hypothèse que nous examinons était d'ail- leurs de ramener à un même type la constitution morphologique des |@§ EDMOND PERKIER. Qrgîines génitaux chez les Lombriciens aquatiques et les Lombriciens terrestres. Ce côté de la question nous paraît encore éclairé par l'étude de l'organisation des Plutellus. En ce qui touche les canaux déférents, nous remarquerons d'abord que l'alternance des organes segraentaires de système différent se pro- duit sur tout le trajet du canal : si donc on admet que ce dernier ré- sulte de la fusion de plusieurs organes segmentaires, on est conduit à adiiK^ttre (|ue des organes segmentaires de système différent ont con- couru à sa formation — ce qui, je pense, sera difficilement admis par tout le monde. Si on admet au contraire qu'une seule paire d'or- ganes segmentaires s'est modifiée, on se trouve dans l'impossibilité absolue de désigner la paire qui ;i subi l;i transformation supposée. Ainsi, dans le premier cas, l'hypothèse des deux systèmes distincts d'organes segmentaires est évidemment fausse; dans le second, elle est tout à fait gratuite. Si, d'autre part, on admet qu'il n'y a dans la zoonile qu'un seul système d'organes segmentaires, toute homologie entre les canaux dé- férants et ces organes disparaît, puisqu'ils coexistent partout. Toute- fQÏg, comme chez les yln^ewsj' organe segmentairejsert bien réellement de canal déférent, il est peut-être bon, à défaut de preuve contraire, d'admettre qu'une paire d'organes segmentaires a donné de moine ici les canaux déférents. Ce qui entraîne forcément la distinction de deux systèmes différents des premiers. Les Plutellm n'ont d'ailleurs qu'une paire de testicules, et il est dès lors assez natiirel que le canal déférent qui le dessert soit une trans- fppmation d'un organe segmentaire unique. La chose serait plus diffi- cile pour les Lombriciens, qui ont plusieurs paires de testicules et un canal déférent terminé par plusieurs i)civillons vibratiles. Les deux paires de canaux déférents des Ariinf/nx/rilKs nous conduisent en effet à considérer le canal déférent à deux pavillons des Liiin/>n'cus, Peri- c/tœta, etc., comme un organe double. On le voit, les conditions dans les([uelles i'iiypothèse est adniissiblc sont singulièrement réduites par la discussion qui précède. Nous ap- prochons beaucoup de la solution définitive, sans cependant la pos- séder encore. En ce qui touche les poches copulatrices nous sommes peut-être un peu plus avancé. Nous avions déjà niontré que les IHiuh'fhis, pourvus d'une p(H'.he co- pulatrice et d'un organe segmentaire s'ouvrant au môme point, ten- LOMBRICIENS, GENRE PLUTELLUS. 267 dent à faire écarter toute liomologie entre ces deux sysstèmes d'or- ganes. Un seul doute subsistait tenant à ce que les poches copulatrices des Eudriius supportent les ovaires, présentent, par rapport aux autres organes, une inversion anormale et ne sont pas, en conséquence, comparables de tous points aux poches copulatrices ordinaires. Il n'en est pas de même chez les Plufellus. Dans le nouveau genre, les poches copulatrices sont indubitablement les mêmes organes que ceux que l'on désigne ainsi chez les LumOricic^. Acantlwdrilus, Peri- chœta, Digaster, etc. Or, ici, nous voyons une paire d'organes segmen- taires s'ouvrir à l'extérieur par un orifice exactement placé comme celui de la poche copulatrice. Les deux organes coexistant, et coexis- tant superposés en un même point du corps, l'hypothèse des deux sortes d'organes segmentaires ne peut plus être invoquée pour faire rentrer les poches copulatrices des Lombriciens terrestres dans le système d'homologie adopté pour les Naïdiens, et nous sommes conduit à admettre définitivement que les poches copulatrices des Lombriciens terrestres sont des organes de nouvelle formation n'ayant aucun rap- port réel avec les organes segmentaires. A la vérité, nous n'avons abordé la question que par le côté anato- mique, et il serait fort possible que études embryogéniques bien faites vinssent considérablement modifier les idées morphologiques que nous nous faisons actuellement, [donner une signification nouvelle aux rapports que nous cherchons àlinterpréter; mais ce guide nous manque actuellement comme il manquait aux sagaces auteurs de VBistoù'c des Coralliain's lorsqu'ils donnèrent les lois qui leur parais saient, et qui devaient nécessairement leur paraître, régir la formation des Polypiers, lois qu'ont profondément modifiées les études embryo- géniques que connaissent aujourd'hui tous les lecteurs de ces archives. C'est sous le bénéfice des réserves que nous impose cet illustre exemple que nous croyons pouvoir énoncer aujourd'hui les conclusions sui- vantes : 1° Onpeid admettre qu'il existe chez les Lombriciens terrestres deux systèmes d'organes segmentaires correspondant aux deux systèmes de soies locomotrices ; 2° On peut admettre que les canaux déférents résultent de la trans- formation d'une ou plusieurs paires d'organes segmentaires d'un système généralement différent de celui qui est le plus déve- loppé ; 3" Les poches copulatrices sont des organes spéciaux propres à l'ap- 268 EDMOND PERRIEK. pareil reproducteui', indépendants du système des organes segmen- taires. Cette dernière conclusion est seule nécessaire — les deux premières veulent dire seulement que Jusqu'ici une hypothèse ingénieuse, et que nous avons trouvée dans la science, n'est pas contraire aux faits. Nous croyons d'ailleurs qu'il n'est pas impossible que chez les Lom- briciens, comme dans d'autres classes, des organes physiologiquement analogues puissent se constituer au moyen d'éléments morphologique- ment différents, et c'est pourquoi nous tenons à redire que nous n'en- tendons pas étendre nos conclusions, (juelquc modestes qu'elles soient, au delà des genres qui ont fait l'objet de nos études. DÉVELOPPEMENT DES CORALLIA.IRES DEUXIÈME MÉMOIRE. ACTINIAIRES A POLYPIERS PAR LE PROFESSEUR Henri de LA.CAZE-DUTHIERS Membre de l'Institut. INTRODUCTION, Il n'y a pas dans la science de travail étendu et suivi sur l'embryo- génie des Polypes à polypiers. Presque tous les auteurs qui ont eu pour but l'étude du mode d'ac- croissement du polypier se sont attachés à prendre, d'un côté, les calyces ou polypiérites paraissant les plus jeunes, de l'autre, ceux qui semblaient les plus complètement développés et, en cherchant les termes intermédiaires entre ces extrêmes, à déduire, par le passage insensible des uns aux autres, les lois soit de la multiplication des parties, soit du mode d'accroissement général. On ne voit pas les zoologistes s'appliquer à reconnaître les premières traces des dépôts du calcaire dans les corps des polypes encore à l'état d'embryons, et à suivre ces premiers nodules inorganiques jus- qu'à l'entière constitution du calyce ou polypiérite avec tous ses élé- ments. En un mot, on a étudié plutôt et plus exclusivement le sque- lette de l'animal ou le polypier en lui-même. Ce fut par hasard, un hascU'd vraiment heureux, que je fus mis sur 270 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. la voie des observations dont je présente aujourd'hui aux naturalistes les résultats qui ont, je crois, quelque importance. Dans une station, où relativement la mer est tranquille, sur la côte inhospitalière, à l'est de nos possessions algériennes, le bâtiment de l'Etat misa ma disposition pour mes éludes sur le Corail fit une re- lâche pendant laquelle, en explorant les falaises, je rencontrai VAs- troïdes cabjcularh en grande quantité au moment de sa reproduc- tion ; et j'eus des embryons en nombre considérable. Malheureusement, la condition, d'abord favorable, qui m'avait si bien servi et permis de constater les premiers faits, était absolument incompatible avec la continuation des observations longues et deman- dant à être suivies dans la tranquillité sans déplacement. Delà dans mon travail des lacunes que je reconnais et que je regrette. D'autres, plus heureux, plus favorisés, pourront, je l'espère, les combler. Peut- être moi-même, mieux instruit par ma première expérience, cherche- rai-je avoir ce qu'il ne m'a pas été possible de reconnaître. J'y ferai mon possible, car l'intérêt qui s'attache à ces questions me paraît considérable. IT Ce travail est la suite de celui que j'ai publié précédemment sur l'embryogénie des Actinies K Je prie donc le lecteur de se reporter à cette première publication. Les lois importantes qui y sont formu- lées sont aisément vérifiables sur nos côtes ; celles relatives aux Co- rallaires à polypiers sont moins faciles à constater, car ces animaux sont autrement difficiles à se procurer que les Actinies. Il est d'ailleurs nécessaire de rappeler quelques-unes des observa- tions préliminaires générales présentées dans le premier mémoire, afin de bien poser les questions qu'il s'agit de résoudre. Ici, il y a plus de complications que dans les cas relatifs aux Co- ralliaires sans polypier, puisqu'il y a un élément solide qui s'ajoute aux parties molles. 11 faut donc déterminer d'abord si le polype pro- ducteur du polypier se développe d'après les mômes lois que le po- lype sans polypier. En second lieu, si le polypier ou charpente osseuse suit lui-même dans la production de ses parties constitutives, comme dans son apparition et son accroissement, des lois semblables à celles 1 Voir H. deILac-Duth., Développement des Coralliaires sans polypiers {Arch.de joologie expérimentale et générale, t. I. p. 289. 1872). DÉVELOPPEMENT DES CORÂLLIAIRES. 171 qui président à la multiplication des parties molles et charnues. Enfin, si les lois admises d'après l'étude des calyces observés seuls datis les musées, c'est-à-dire à un moment donné de l'existence des êtres, sont conformes à ce qui se passe dans la nature. Nous l'avons dit en commençant la série de ces recherches : On a induit trop souvent les lois, qui se trouvent dans la science, non de l'étude de la charpente en voie de formation dans Vernhryon, mais bien de l'observation des pohjpiérites de différentes grandeurs. En un mot, on a cru pouvoir affirmer ce qui avait dv, être d'après ce qui est au moment de l'observation. Suivant les théories ayant cours dans les ouvrages les plus estimés, les grandeurs relatives des éléments répondent à la durée aussi rela- tive de leur développement, ou, ce qui revient au même, à leur âge. Pour apprécier cette opinion, nous devons revenir sur la série des idées par lesquelles sont passés très-naturellement les observateurs pour arriver à formuler des lois que rien ne démontre quand on les soumet au contrôle de la méthode expérimentale, c'est-à-dire en suivant pas à pas le développement embryogénique. Dans un polypiérite, c'est-à-dire dans l'un des calyces du polypier d'un Actiniaire, quelle qu'en soit l'espèce, on voit des lames rayon- nantes qui sont de grandeur variée. Ces lames de première, de deuxième, de troisième grandeur alternent régulièrement dans un certain ordre, et sont homologues ou semblables. A cette vue, la môme pensée Aient naturellement à l'esprit de tous les observateurs, et l'on peut dire que, aux yeux de tous, les lames égales ou de même grandeur sont nées à une même époque, qu'elles ont commencé et continué à croître toutes à la fois, ce qui semble expliquer leur éga- lité ; enfin, que les lames de grandeur différente sont aussi d'âges différents, et que leur étendue est directement proportionnelle à la durée de leur croissance. Si donc on imagine un calyce (fig. 3) dans lequel seraient des lames de trois grandeurs différentes, on peut à bon droit supposer que ce calyce a dû passer par les trois états représentés dans les figures t , 2 et 3, et qu'il a dû y avoir trois périodes de production de lames *. 1 Les schéma (fig. 1, 2, 3) sont faits pour montrer la place du calyce dans le bas du corps du polype ; les mésentéroïdos, l'œsophage, tous les organes mous inté- rieurs sont supprimés, afin de ne laisser que les tentacules et les septa disposés en cycles et se correspondant . 272 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Dans la première période (fig. 1), les lames ont commencé en même temps et pris des proportions semblables. Fig. 1. Schéma d'un Coralliaire à polypier ayant, d'après la loi admise sur la forma- tion, des six premiers tentacules du polype et dos six ])remiers septa des poly- piers, des éléments constitutifs d'un même âge et formant le jn'emier cycle. La notation 1-1.,. 1. pour les tentacules comme pour it^s septa indique le premier ordre. Dans la deuxième, au milieu des six intervalles ou chambres ibr- PiG. 2. Schéma d'nn Coralliaire à polypier ayant deux cycles ; la notation 1 et 2 des tentacules comme des septa du calyce indique l'ordre d'apparition des éléments (l;nis h' piilyiie comme dans le polyjjier. niées par les sepla les premiers venus, ont dû se montrer six nouvelles DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 273 lamelles ou cloisons dont l'apparition dans une seconde période a causé leur grandeur de second ordre. Enfin, en troisième lieu, dans chacun des douze espaces formés naissent douze septa nouveaux et de dernière grandeur, c'est-à-dire les plus petits. FiG. 3. Schéma d'un Coralliaire à polypier ayant trois cycles de premier, deuxième et troisième ordre. Les chiffres 1, 2, 3 placés près des tentacules et des septa indiquent l'âge et l'ordre d'apparition des polypes et du polypier dans la théorie. Cette supposition est tout aussi naturelle que celle qui se présente à l'esprit lorsque, trouvant une petite Actinie, une jeune Bunodes, par exemple, ayant six grands tentacules, six petits (fig. 4), alternant régulièrement, on arrive à conclure, en étudiant cet être, qu'au mo- ment indiqué par la présence de ces nombres la loi des périodes suc- cessives est exacte. Cette loi générale a été le point de départ d'une foule de lois secondaires, et elle a servi évidemment de base à la nomenclature ARCH. ni: zooL. r.xv. et gf:\. — t. ii. 1873. IS 'IIA HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. employée surtout par MM. Jules Ilaiine et Milne-Edwards, qui ont fondé une foule do distinctions sur les caractères déduits de l'âge relatif des parties. Fui. 4. Jeune Bunocles grmmacea grandi six fois, présonlaut bien nettement, l'appa- rence du polype imaginé et représenté fig. i. — Il offre deux cycles de tentacules qui, par leur position et leur différence de grandeur, feraient supposer deux périodes de lormalion, une pour chaque cycle. IIÏ ' Dans le premier mémoire des auteurs français, qui date de 1848, (jn voit des dessins (pi. VII, t. IX, Ann. des se. nat. zoo/., 3^ série) qui mon- trent, àn'en pas douter, la formation successive des éléments eycfe par DEVELOPPEMENT DES CORÂLLIAIRES. 275 cycles ^, et suivant le type 6, c'est-à-dire en commençant par 6 et conti- nuant par les multiples 6x2 de ce nombre 12x2..., etc. Les figures 1^ et23, 2^, de la planche YI, t. IX, sont certainement aussi démonstratives que possible, et si, dans la même planche, on suit le développement de la pensée des auteurs -, on trouve, comme eux, dans l'étude des cloisons des Fongies, les preuves les plus évidentes des lois indiquées. .Mais, qu'on le remarque, les échantillons choisis et dessinés sont sans aucun doute ceux qui ont paru résumer le mieux et présenter le plus évi- demment les cloisons dans la disposition indiquée par les lois ; or il en serait absolument de même pour de jeunes Actinies; car si on les choisissait convenablement, on pourrait présenter des séries d'indi- vidus montrant avec la dernière évidence les lois de productions suc- cessives par six ou par un multiple de six des tentacules. Mais on sent très-bien que ce qu'il faut démontrer ce n'est point cela, puisqu'il n'est pas possible de nier qu'à certaines époques de la vie l'apparence ne soit bien réellement telle que l'indiquent les précé- dentes propositions ; ce qu'il faut prouver, c'est que les nodules cal- caires, depuis les premiers moments de leur apparition jusqu'au mo- ment où les lames de même grandeur sont constituées, ont suivi les lois indiquées. Il faut prouver que les six lames de même grandeur sont nées toutes les six en même temps, qu'elles sont contemporaines et qu'elles conservent toujours l'avance que leur a donnée la date de leur origine avant toutes les autres. 11 faut ensuite voir paraître les nodules destinés à produire les six cloisons de deuxième grandeur, puis ceux d'oîi dérivent les douze de troisième ordre ; et on ne doit pas perdre de vue que, pour que les lois restent indiscutables, il faut montrer que l'avance des premières cloisons apparues ne cesse jamais, et aussi que l'apparition est simultanée pour toutes les cloisons de même grandeur ou du même cycle. On reconnaît sans peine qu'on ne trouve point cela dans les travaux qui servent de base à la classification des auteurs français. Du reste, ils ont fait comme tous les zoologistes qui les avaient précédés ou suivis : ils n'ont pas poursuivi l'observation sur un même individu pris à son origine pour en noter les transformations, afin de conriaitre les lois de son évolution. Rappelons quelques passages des mémoires publiés en 1848 eî 1849, 1 Ils appellent ainsi l'ensemble des cloisons de même grandeur et nous conliniie- rons à désigner ainsi la couronne d'élément de même taille - li va sans dire que cette pensée est en tontes lettres dans le texte. 276 HENRI DE LACAZE-DUTHIEKS. afin de montrer nettement sans équivoque possible la pensée de MM. J. Haimeet Milne- Edwards. Ainsi, pour expliquer l'accroissement du polypier, les savants fran- çais ont présenté une théorie simple et claire consistant à montrer que les nodules calcaires ou éléments histogéniques sont destinés à for- mer toutes les parties du polypier en se déposant régulièrement en lignées et bourgeonnant suivant les trois axes passant par le centre et ses perpendiculaires. Le dépôt des premiers nodules effectué, voici, dans cette théorie, comment s'accomplit l'accroissement et la formation des calyces et de leurs éléments. On saitquepour les auteurs c'est dans \e derme que se fait ce dépôt. Qu'on suppose un nodule formé : le bourgeonnement, suivant le sens de son axe vertical, l'élèvera, tandis que le bourgeonnement, suivant l'axe transversal, pourra l'unir, sur ses deux côtés, aux nodules voi- sins et homologues. Or, comme le derme limite le corps des polypes, il s'ensuit que, dans l'épaisseur de cette partie du corps, les premiers nodules déposés s'uniront par des bourgeons latéraux et s'élèveront par des bourgeons verticaux. La conséquence nécessaire de ce travail sera la formation d'une enceinte continue dans l'épaisseur du derme, c'est la theca ou muraille, c'est-à-dire la lame circulaire continue qui forme la limite de la paroi de la cupule du calyce de chaque poly- piérite. Mais le bourgeonnement histogénique peut encore se faire suivant la direction perpendiculaire à la muraille ; ceci revient à dire, dans la direction du rayon du cercle que représente la projection verticale du calyce. Par un travail semblable en dehors de la muraille, les côtes seront formées ; en dedans, ce seront les lames ou cloisons qui pren- dront naissance. Cette théorie est simple, mais est-elle démontrée par l'expérience ? Pour les auteurs, les cloisons naissent en dedans de la muraille, par le bourgeonnement de ses lignées verticales de nodules, cela ne peut faire de doute, le passage suivant en fournit la preuve. (i Si... la muraille est verticale et tubulaire, les cloisons... s'avance- ront du dehors en dedans, et pourront toutes se rencontrer au milieu de la cavité, conmieles rayons d'une roue ((ui, en partant de la jante, vont s'enfoncer dans le moyeu. » C'est là une assertion qu'il faut soiimcitre au rnntrôle de la méthode expérimentale. DEVELOPPEMENT DES CORÂLLIÂIRES. 277 Citons encore ^ : « Les premières cloisons qui se montrent chez un jeune polypier sont toujours en petit nombre, et sont situées à des distances égales les unes des autres, de façon à diviser la cavité géné- rale en autant de chambres similaires disposées circulairement. (Voir pi. VI 2a, vol. IX, 1848, Ann. des se. nat., 3"= série.) On en compte d'ordinaire six seulement, et, comme la croissance des diverses par- ties du polypier est en général proportionnelle à leur âge, ces cloi- sons primaires sont presque toujours faciles à reconnaître, môme chez les individus adultes, parce qu'elles sont plus épaisses, qu'elles s'élè- vent au-dessus des autres, ou qu'elles s'approchent plus près de l'axe du corps. Le fond de la paroi externe de chacune des chambres, ainsi circonscrites, donne ensuite naissance à un nombre plus ou moins considérable de cloisons nouvelles, et les phénomènes de développe- ment qui ont lieu dans l'une de ces chambres se manifestent de même dans toutes, de sorte qu'à moins de quelque avortement acci- dentel dont l'influence est nulle sur les caractères généraux de l'ani- mal, les espaces compris entre les diverses cloisons de premier ordre sont toujours semblables entre eux, et renferment des parties qui se répètent également dans chacun d'eux. » (PI. IV, flg. l*", 1% i^; pi. VI, fîg. l^ l^ is ^^ is if, et2, etc.) Ainsi, il est étabh, et par l'idée qu'on se fait de V/u'stoyenèse et par les phénomènes de développement ayant lieu dans Vune des chambres qui se manifestent de même dans toutes les autres^ que la théorie de la con- temporanéité des cloisons de même grandeur et seriiblables ne peut faire aucun doute. Peut-être paraîtrai-je insister beaucoup trop sur la démonstration de cette opinion qui, on le verra pour une espèce étudiée avec le plus grand soin, ne mérite aucune créance. Mais M. le professeur Milne-Edwards, dans ses très-savantes Leçons de physiologie et d'anato- mie comparée \\\Gnt de iwé?,enteT encore une fois, en 1872, tous les faits relatifs à la croissance, à la nature, à l'origine du polypier, absolu- ment comme il l'avait fait en 1848, 1849 et 1857 en collaboration de J. Hairae. Cependant, des travaux ont été publiés depuis ces pre- mières recherches, et, pour mon compte, ayant suivi pas à pas la for- mation des polypiers, soit de quelques Alcyonaires, soit de quelques AcTiNiAiRES, je me trouve conduit à revenir sur ces faits, car je ne vois 1 Voir Mil.-Edw. t-t J. Haime, loc. cit., \>. ni. 2 Voir "SIil.-Edw, Leçons d'anaf. et de phn. comp., f. X, [k 9o 278 HENRI DF LACAZK-nUTIIlERS. point que les arguments que j'ai donucs aient été réfutés, et l'on comprendra que je puisse me demander si moi-même je ne suis pas tombé dans l'erreur. Le passage suivant montrera encore la même opinion... (i Dans les premiers temps de la vie, elles ne sont (les cloisons) qu'au nombre de quatre ou de six, disposées radiairement ; mais d'ordinaire, une nou- velle série de ces lames rayonnantes naît entre celles précédemment formées^ de façon à en doubler le nombre, et souvent une troisième, une quatrième, une cinquième et morne une sixième série de cloisons, toujours de plus en plus nombreuses, se développent de la même manière. Toutes les cloisons tendent à gagner la columelle ou à se rencontrer sur l'axe du polypier, et s'élèvent à mesure que celui-ci grandit; mais dans leur partie supérieure, quiest la plus nouvellement formée, leur largeur est proportionnelle à leurs âges respectifs, de sorte que les rayons des différents cycles sont d'autant plus courts qu'ils sont plus jeunes. » On peut certainement al'tîrmer que ces premières données ont été le point de départ tout naturel des nombreuses lois formulées dans le livre considérable de MM. Milne-Edwards et Jules Haime. En effet, lorsque dans une même chambre, c'est-à-dire dans l'espace compris entre deux des six lames primaires, il y a un grand nombre de cloi- sons de grandeur décroissante, comme, par exemple, daus les Fon- gies, on est porté, avec la plus grande apparence de raison, à consi- dérer les cloisons similaires comme ayant apparu dans un certain ordre, et on a formulé des lois qu'on a cru plus tard pouvoir faire servir à l'établissement des caractères propres à la détermination des groupes, des genres et des espèces. IV Plusieurs auteurs, et plus pai'liculièrement des naturalistes alle- mands, se sont attachés à démontrer l'insuffisance de ces lois et la difficulté ou l'impossibilité qui existe souvent quand il s'agit soit de les vérifier théoriquement, soit de les appliquer aux déterminations. Je rappellerai d'abord le travail de MM. Schneider et Rœtteken dont il a été déjà question (vol. 1, -1872, ]). 290, Arcli. de zool. exp. (it. fjcn.). Ces naturalistes ont étudié les loges périgastri([ues, et, en se plaçant à uu point de vue i)articulier, ils sont arrivés à admettre (jueles lames DEVELOPPEMEiNT DES CORALLIAIRES. 279 mésentéroïdes qui limitent les loges paraissent disposées successive- ment, lorsqu'on fait des coupes au-dessus de l'œsophage par paires (6) de premier, (6) de deuxième et (12) de troisième ordre. Ils admettent donc que les loges du corps du polype sont formées et limitées par deux lames et nécessairement, dans leur opinion, les lames deviennent les éléments constitutifs de la loge ^. Sans aucun doute, à lui moment donné de l'existence de quelques polypes cela peut être prouvé ; mais il est aussi certainement des pé- riodes où la démonstration n'est plus possible : par exemple pendant la formation des douze premières loges, quand il n'y a que douze lames dont l'accroissement se succède. Alors il n'est pas admissible qu'on puisse grouper des cloisons en six paires, car on déposséderait six loges de leur parois; loges qui prendront plus tard par le progrès du développement une importance très-grande et seront au nombre de celles qui auront aussi deux cloisons pour limite. Nous avons insisté sur cette difficulté dans le premier mémoire, et nous prions le lecteur de revoir ce qui en a été dit. Mais qu'on le remarque, les auteurs n'ayant pas suivi les transfor- mations successives des embryons et les conditions de formation des lames niésentéroïdes, la difficulté qui s'est présentée à nous ne devait point les préoccuper. Il est un autre point de vue auquel conduit cette première manière d'envisager les limites des loges : je veux parler de la symétrie bilaté- rale, que l'on semble vouloir su])stituer aujourd'hui à la symétrie radiaire, admise si généralement chez les Zoophytes. Dans l'analyse du mémoire de MM. Schneider et Rôtteken, publiée par les Annals and Magaz/n ofNatuml Historij, vol. VII, 1871, p. 433, on trouve quelques figures schématiques destinées à montrer la dispo- sition bilatérale des organes. Les figures 1 et 3 représentent par des demi-cercles noirs unis aux lames les parties, que les auteurs appellent rh-s pfc.idnrds {vanes), disposées et orientées d'une façon qui indique des différences évidentes dans l'origine, et surtout dans la. position des mésentères. Dans mon mémoire sur le développement des Actinies, j'ai parlé de cette tendance à la bilatéralité, surtout pendant la production des loges, en partant du nombre 2 pour arriver au nombre 12. J'ai mon- 1 RemarquouH eu passant que cette niauière de voir n'est pas neuve, elle se trouve en toutes lettres dans l'Histoire des Coralliaires, de MM. Milne-Edwards et Jules Haime. 280 HENRI \)E LÂCAZE-DUTHIERS. tré, sans le moindre doute possible, que c'est à droite et à gauche de la ligne se confondant avec le plus grand diamètre de la bouche que se développent symétriquement les loges. Sans doute quelques Actinies adultes, par exemple les Tealia cras- sicoi-nis, surtout quelques Sagartin qui se retournent à l'envers quand elles vont mourir, montrent deux sillons sur les parois de l'œsophage, qui semblent indiquer une symétrie bilatérale et non radiaire. La couleur, la forme de la gouttière, tout dans ces sillons semble sollici- ter à considérer ces deux i)arties comme étant homologues et appar- tenant à une symétrie spéciale. Cela se voit encore avec la plus frap- pante évidence chez le Cc/iant/ms i/wm/j/anaceus '. Mais il reste toujours un point difficile h résoudre : les deux commis- sures de la bouche sont justement placées sur la ligne qu'on prend pour marquer la séparation entre les deux moitiés latérales. Elles cor- respondent à deux tentacules du premier ordre, lesquels couron- nent les deux loges représentant les deux premières moitiés inégales du globe embryonnaire. Je veux bien qu'on puisse partager en deux moitiés égales et symé- triquement homologues et latérales par un plan vertical un Goral- liaire, mais alors on aura divisé également en deux moitiés deux élé- ments, c'est-à-dire deux des tentacules principaux, qui, il faut bien le reconnaître, sont absolument homologues aux autres. Je suppose qu'on ne veut pas faire des deux tentacules commissuraux des organes particuliers; s'il en était ainsi, au moins faudrait-il en donner des raisons. Quand on suit les divisions successives du globe embryonnaire, on voit (je prie le lecteur de revoir surtout la planche XI du volume I des Air/i/rfs de zoolaf/ir r.i-prriiiientnk' et (jénomle, 1872) que la première trace de multiplication des parties n'est pas dans le plan médian du partage en deux de la symétrie : en un mot, si l'onadmet cette symé- trie bilatérale, la première trace du développement des loges n'est pas en sa faveur, puisque les deux loges formées, et seules existant à ce premier moment, sont placées aux deux bouts du diamètre de la bouche; à ce moment même, la bilatéralité serait non latérale au grand diamètre de la bouche, mais elle lui serait au contraire perpen- diculaire. 1 Voii'.liil. Haimk, Histoire du Cériantije lAnn. des se. nal. zoo!., '•« série, f. I, p. .-^Rl, jil. V!I1). DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 281 Je sais bien qu'en considérant quelques Flahellum, on est tenté, en présence de l'aplatissement des calyces dans le sens de la bouche, d'admettre une disposition bilatérale ; mais encore une fois comment s'en sortir pour les deux tentacules commissuraux? Est-on bien en mesure de démontrer qu'ils sont organiquement autre chose que les tentacules des côtés? Sans doute, dès leur origine, ils ont toujours conservé une prééminence non douteuseS mais pour les séparer légi- timement de ceux-ci, il n'en reste pas moins nécessaire de montrer qu'ils sont des organes difl'érents des autres tentacules entourant le péristome. Il faut d'ailleurs, qu'on le remarque, pour que la bilatéralité soit quelque peu appréciable, si on la base sur le rapprochement par paire des lames, il faut que le nombre des tentacules soit de douze au moins ou supérieur à douze. Aussi, quand il s'agit des Alcyonaires, l'embarras est grand. Chez eux, il y a huit tentacules, huit loges périgastriques et huit replis mésentéroïdes, dont le plus souvent deux voisins sont un peu atro- phiés, sinon réduits à deux grêles filets^ Dans des pubhcations ulté- rieures sur les Alcyonaires, j'aurai l'occasion de revenir sur cette particularité importante. Mais, chez ces polypes, il n'est pas possible de trouver les paires de replis par loges, et partant la bilatéralité est plus obscure ou n'existe pas, si elle n'est basée que sur le groupement par paire des replis. Cependant MM. Schneider et Kôttecken n'en admettent pas moins cette symétrie bilatérale. »( Dans le Veretillum cynomoriuni huit septa sont présents, et ils sont disposés différemment, suivant qu'ils sont placés à droite ou à gauche du corps. Dans l'une des moitiés, les girouettes ou étendards (vanes) ont une direction différente de celle de l'autre moitié. » Relativement aux polypiers (Curais), ayant le nombre 8, tels que les lîugosa, les auteurs établissent un rapprochement avec les Octa- niaires ou Alcyonaires ; ils trouvent qu'ils « présentent non-seu- ' Dcans beaucoup d'espèces ; mais il y a des exceptions : au moment où j'écris ces lignes, j'ai sous les yeux de très-nombreux et charmants échantillons d' Edwarsia Beautempsi (de Quatrefages) et les deux tentacules commissuraux sont au nombre des plus petits. 2 Dans les nombreuses préparations anatomiques que j'avais faites eu Afrique sur les Alcyonaires, j'avais été frappé de ce tait ; plus tard, M. Kolliker l'a aussi signalé dans ses Études sur Us Pennatules, en montrant mes dessins à mon savant collègue de Wiirtzbourg en 1867. Nous sommes tombés complètement d'accord à cet égard. 282 HEiNRI DE LACAZE-DUTHIERS. lement la symétrie bilatérale, mais encore la distinction du dos et du ventre. » Toutefois ils ajoutent : « Nous ne pouvons cependant, quant h présent, définir les surfaces ventrales et dorsales'. » Nous devons faire encore observer que, pour beaucoup de natu- ralistes aujourd'hui, les Rugueux comme les TahuUfi offrent plus de rapports avec les Ilydrozoaires ou Médullaires qu'avec les Alcyonaires et les Actiniaires. On remarquera qu'il semble difficile de distinguer un côté dorsal et un côté ventral, car on ne voit pas quelles seraient les raisons qui pourraient conduire à regarder l'un des tentacules commissuraux, comme répondant au dos [hadi) plutôt qu'au ventre {fjelli/); aussi je comprends sans peine cette phrase : Wc criHUd/, ho/rever, at présent define fhe dorsal and rentrai surfaces -. Disons enfin que, dans les Antipath aires proprement dits, c'est- à-dire ceux qui n'ont que six tentacules, tels que VAntipathes Lan'x, V Antipathes subpinnata,V Antipathes scoparia, etc., on se trouve encore en face de la même difficulté; en effet, si l'on veut admettre la symé- trie bilatérale, on aura deux tentacules h droite et deux à gauche, absolument identiques aux tentacules commissuraux; on n'aura même ici «pic deux replis mésenféroïdes, l'un à droite, l'autre à gauche, entre les deux tentacules latéraux *, et sur les pinnules du polypier on verra se succéder en ligne sur un mém(^ côté tous les polypes dans une position semblable, de sorte que le grand axe de la bouche, de l'un prolongé, passe exactement par les commissures des bouches de tous ceux placés sur la môme piunule. Donc ici la symétrie bilatérale apparente ne s'observerait pas seulement pour un polype, elle serait frappante pour une partie du zoanthodème. Mais, le répé- terai-je encore une fois? si l'on comparait cette disposition bisymé- trique h celle bien réelle des animaux siqx'ricurs, ou rencontrerait sur la ligne de symétrie des organes impiiirs, auxquels on ne pourrait assigner aucun caractère propre à les différencier des autres organes sendjlables, (pii sont latéraux. Du reste, dans un travail plus général, je reprendrai cette question, après avoir de nouveau r(!vu sur la nature (pielques faits observés déjà depuis longtemps. i Voir loc. cit., p. 439. 2 Voir loc. cit., p. 4 39. ■' Vdir II. (le l^\i..-]JiTii., Ann. des se. nat, ci zooL, 'i*^ série. 1863 {Histoire des Aniiitathaires) . DÉVELOPPEMENT DES GORALLIAlRES. m ^ Je dois encore rappeler que les embryons d'Actinies, dont j'ai pu- blié les dessins {Arch. de zool.exp. et gén.,\o\. I, pi. XII, XIII, XIV, XV, 1872), montrent une grande inégalité de la grandeur de leurs parties et du nombre de leurs éléments; cette inégalité, si on le voulait, pourrait servir à la rigueur à caractériser indifféremment les parties postérieures et antérieures. Le tentacule médian, ou plus exactement l'élément du milieu du grand groupe des sept lobes, est quelquefois le premier développé et souvent aussi longtemps le plus grand. Dans les embr^^ons des Actînia me.^ei/ifji'i/aitf/iemio/i, ScKjurfia, etc., l'œsophage est aplati, non cylindrique. 11 se termine dans la cavité générale obliquement par un pan coupé, et les parties supérieures des replis offrent des différences de grandeurs très-marquées, en rap- port également avec leur position. Dans les figures indiquées plus haut, on voit très-nettement l'obli- quité de l'extrémité et l'aplatissement de l'œsophage. Aussi serait-il facile de prendre des points d'orientation d'après ces dispositions. J'ai des dessins d'embryons de très-jeunes Sarjortin, qui ])rcsentent dans là cavité de l'œsophage un double repli, formant un sillon à re- bords saillants, du côté du milieu du plus grand groupe des éléments de la première formation, et dont la bouche, vue normalement, n'est même plus un ovale régulier. Les partisans de la symétrie bilaté- rale n'auraient pas manqué de citer cette disposition, s'ils l'avaient observée. Mais revenons au travail de MM. Schneider et Rôtteken. Ces auteurs indiquent une loi fort simple pour expliquer l'accroissement du nombre des lames des Polypiérites. Voici comment l'analyste anglais de leur travail rapporte leur opinion : (( Comment les lames calcaires des polypiers, construits d'après le type 6, prennent-elles naissance? cela n'a pas encore été recherché ; certainement elles ne tirent point leur origine de la calcification des septa eux-mêmes, mais il est probable qu'elles sont produites dans l'espace intérieur à chaque paire de :. iJ8 pt. 49. 2 Voir Smst'rfe Stndies in Natural History, by Elisabeth C. Agassiz and Alexandkr Agassiz. — Marine Animais of Massachusetts bay. Hadtatks, p. 14. 1865. DÉVELOPPEiMENT DES CORALLIAIRES. 289 Mais en considérant les figures, si habilement et artistiquement dessinées par M"" Elisabeth Agassiz, une chose frappe :c"e!it que les tentacules commissuraux sont les plus petits. Or, si les recherches sur le développement des tentacules des Actinies, que j'ai publiées, sont exactes, ces tentacules commissuraux sont les premiers venus ; ils correspondent aux deux lobes primitifs de la division première du globe embryonnaire; leur taille ne leur ferait guère mériter le nom de chief-tentades dans le cas présent. Nous rappellerons donc ici cette loi qui nous a paru si générale : Il y a d'abord production du no)nbre des parties, ensuite les efforts de la nature, pendant les progrès du développement, ont pour but de régula- riser les grandeurs^ suivant un certain plan. La forme Arachnactis se produit par l'accroissement plus rapide des parties de l'un des groupes, de façon à masquer par la grandeur l'âge et l'origine des tentacules. N'a-t-on pas vu que dans les Actinies, les plus riches en tentacules, il y avait dans le dernier cycle ou la dernière couronne, considérée par tous comme la plus jeune, la dernière produite, six des tentacules premiers nés, soit la moitié des douze premiers, c'est-à-dire des plus anciens? On sent, d'après cela, combien il y aurait d'intérêt à étudier l'embryogénie de ce groupe si particulier d'Actinies, afin d'opposer les résultats que fournirait cette étude à ceux qu'a donnés l'observation des Actinies fixées de nos côtes de France. Vil Résumons ces considérations générales. Deux directions paraissent avoir été suivies par les auteurs des théo- ries relatives à l'accroissement des Polypes et de leurs polypiers. D'un côté, en partant des faits observés et agissant sous la domination de cette idée ancienne, savoir : que la symétrie est radiaire, l'on a admis que les parties se formaient par groupes successifs, suivant un nombre type ou ses multiples, et l'on a formulé des lois qui ont servi de base à la classification des ouvrages classiques, particulièrement de ceux des auteurs français. D'un autre côté, quelques naturalistes, abandonnant la symétrie radiaire et dominés par les idées nouvelles qu'on vient de voir, ont été conduits à modifier leurs opinions sur l'origine des parties, et par conséquent les lois présidant à leur apparition. Si l'on admet dans l'ar- AHCIl. DE ZOOL. EXl'. F.T r;r.\. — T. II. 1S7S. 19 290 HENRI 1)K LÂCAZE-DUTIIIEUS. chiteclure dos Actjniaires la symétrie IjihUérale, les idées relatives à l'origine des parties doivent nécessairement être profondément modi- fiées, et^'on peut comprendre que les lois développées pour la pre- mière fois par MM. Jules Haime et Milne-Edwards aient dû être vive- ment atta(juéos, mais dans l'une comme dans l'autre voie l'on a suivi la même méthode d'observation. Les résultats ont été différents, parce que les tendances étaient différentes. C'est toujours en induisant ce qui devra être ou en déduisant de ce qui a dû être, d'après l'ob- servation de ce qui est, que les auteurs ont présenté les opinions les plus affirmatives, quoique se contredisant quelquefois absolument. La marche suivie dans les présentes recherches est tout autre ; c'est en observant pas à pas la formation du polypier, que des résultats qui méritent, je crois, rattcntion des naturalistes ont été recueillis, et mal- gré les lacunes regrettables que présentent ces recherches, on pourra juger néanmoins de quel côté se trouve la vérité. IX Un ne peut guère s'occuper de l'étude des polypes de la Méditer- ranée sans avoir à rappeler que Cavolini avait fait une fouled'ob- servations curieuses et fort remarquables sur ces animaux. Il avait vu les larves des Astroïdes comme celles des Gorgones, et les avait décrites dans ses Memorie pcr servirc alla storia dei jjol/pi iiiorlni. Mais il avait fait erreur , en croyant qu'un orifice particulier sur le péristome servait à leur sortie. 11 était trop zélé et trop habile observateurpourne point rencontrer les jeunes embryons des polypes; il avait pris pour un orifice quel- ques-unes des ruptures que nous signalerons plus loin, à propos de la naissance des embryons. il va sans dire du reste qu'il ne s'était point occupé de l'accroisse- ment de l'évolution et du dépôt du polypier, au point de vue indiqué dans ce travail. X. — Observation. Des naturalistes dont j'estime profondément la valeur et les tra- vaux ont pu regarder comme inutile la revendication du titre de Zoologie expérimentale, que je réclame avec persistance pour une des branches de la science vouée par quelques savants à l'impuissance. DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 291 D'après ceux-ci, la zoologie ne l'ail aucun progrès, elle enregistre des caractères sans remonter à l'explication, sans chercher l'ori- gine des choses ; elle n'a enfin d'autre but que de dresser des inventaires, de donner des noms, en un mot de former des cata- logues, et, malgré ce rôle effacé, les naturalistes dont je parle n'ont vu dans la ténacité de mes revendications qu'une querelle de mots. L'opinion d'amis et d'hommes d'un talent considérable est pour moi d'un grand poids, mais je n'en persiste pas moins, et cela avec la plus vive énergie, ;\ demander une part dans le domaine de l'expéri- mentation, pour la science à laqucllej'ai consacré ma vie tout entière. Cette réclamation, je la fais et la ferai tous les ans dans mon en- seignement de la Faculté des sciences, en Sorbonne; j'ai entrepris à mes risques et périls la création d'un recueil de Zoologie, qui doit fournir la preuve de la valeur de l'application de la méthode expéri- mentale aux études zoologiques. J'organise en ce moment même enfin des laboratoires, où l'évolution, comme les rapports réels des êtres animés, seront soumis aux critiques expérimentales. J'échouerai peut-être dans mon entreprise, mais du moins j'aurai largement payé de ma personne, j'aurai donné à la jeunesse de mon pays l'exemple du travail, des fatigues, de l'amour sans bornes de la science des animaux, je pourrais ajouter peut-être de l'abnégation la plus complète, puisque je me suis exposé aux sacrifices les plus considérables. Je ne me lasserai que lorsque les forces me manqueront, aussi je le répète encore : sans le contrôle expérimental la connaissance des êtres, des lois qui président à leur organisation, par conséquent la juste appréciation de leurs rapports, est tout artificielle et je dis bien haut : Non, ce n'est point une querelle de mots; non, ce n'est point une question de rivalité d'école ; non, ce n'est point une question qui n'intéresse dans un cercle restreint que la France, car partout où l'enseignement zoologique cherche à prendre une extension méritée, une branche particulière de la science des animaux s'attribue exclusivement toute la valeur, toute l'importance, toute l'utilité des travaux. La polémique est loin de ma pensée. Je n'en ai jamais fait, je ne l'aime pas. Je revendique un droit dénié. Ce n'est pas du reste donner des raisons que de dire : il n'y a là que des discussions de mots; ce qu'il faut, c'est une argumentation précise, une réfutation des faits avancés; or je ne la trouve pas. J'ai montré (Introduction au premier volume de< Arr/iirr-;, 1872) 292 HENRI DE LACÂZE-DUTIUKUS. que l'expérimentation venait en aide au zoologiste, bien souvent et avec le plus grand bonheur, pour lui faire contrôler la vérité des in- ductions, souvent trop rapidement tirées de quelques observations insuffisantes. Quel exemple pourrais-je mieux choisir que celui-ci? Que de théo- ries basées sur la contemplation, pour employer l'expression consacrée dans l'école; que d'inductions tirées de la vue des polypiérites; que de lois régissant la forme et destinées à régler les rapports des êtres! — 'Eh bien, j'ai mis en expérience l'Astroïdes pour vérifier toutes les inductions présentées comme faits acquis, et les résultats obtenus n'ont point confirmé ce qui avait été avancé. — En agissant ainsi, j'ai cru et je crois avoir fait de la Zoologie expérimentale, et j'ajoute que je suis disposé plus que jamais à persister dans cette voie, par mon enseignement, par la direction et l'impulsion imprimées aux travaux faits dans les Laboratoires de Zoologie expérimentale que j'installe, par la publication de mes Archives. Je veux travailler dans la limite de mes forces à prouver que le Zoologiste doit démontrer aujourd'hui expérimentalement ses inductions importantes, et que toutes les grandes questions, si difficiles à résoudre, qui sont aujourd'hui à l'ordre du jour, l'origine des espèces, kles êtres, etc., n'ont de chance d'être résolues que lorsque la science des animaux sera entrée lar- gement dans la voie de l'expérimentation. La tâche est ardue, difficile ; il s'écoulera sans doute du temps avant que le but soit atteint. Le découragement arrivera- t-il avant que les efforts soient couronnés de succès? Qui le sait? Rousseau écri- vait à Voltaire : « J'espère, et l'espérance embellit tout. » Moi aussi j'espère réussir dans mon entreprise et je répète : <( L'espérance embellit tout. » Que mes amis, que mes élèves, ceux-là qui se disent dévoués à la cause que je soutiens, ne m'exagèrent donc ni les diffi- cultés déjà assez grandes, ni les ennuis que je rencontrerai! Ils ne réussiront pas à jeter le trouble dans mon esprit, je suis tenace, et quand je crois être dans une voie vraie, j'abandonne rarement, et ne veux point me laisser aller au découragement. Je leur dirai' encore une fois : « J'espère, et l'espérance embellit tout. » DÉVELOPPEMENT DES CURALLIAIRES. 293 PREMIÈRE PARTIE. DÉVELOPPEMENT DU POLYPE L'ASTROIDES CALYCCLÂRIS DONNÉES PRÉLIMINAIRES. I. — ESPÈCE. h'Asti'oïdes cahjcidaris est un type bien connu et bien distinct. 11 est facile à avoir dans la Méditerranée, oii il n'est pas rare. Je l'ai recueilli sur les côtes de l'Algérie. Dans quelques localités il abonde. Il ne peut exister de doute à l'égard de son espèce qui, dé- crite et figurée par les auteurs, se caractérise d'ailleurs nettement et facilement. Sans passer en revue tout ce qui a pu être indiqué sur le genre et l'espèce, je rappellerai que Bocone l'appelait la Pierre etoilée, qu'il l'avait trouvée sur les côtes de Sicile, où bien longtemps après lui le savant professeur du Muséum M. Milne-Edwards faisait sur la nature même les beaux dessins, publiés dans le Règ>'E animal illmtré de Cuvier (Zoophytes, pi. LXXXIII). La Pierre étoilée n'a pas toujours été ainsi appelée. Son nom a été tantôt Caryophyllia cahjcularis (Lamouroux), tantôt la confon- dant avec les Astrées, on l'a nommée Asfrea calycularis (U"oy et Gaimard), tantôt Cladocora calt/cularis (Ehremberg), ou bien Madrepora calycularis (Cavolini, Délie Chiaje), ou bien encore Astroïdes calycularis (De Blainville) , ou enfin Astroitis calycularis (Dana). La structure intime de son polypier ne pouvait, ne devait permettre de laisser, soit parmi les Cladocora ou les CARYoruvLLiA, soit parmi les Astrées, l'espèce qui nous occupe. MM. Jules Haime et Milne-Edwards ont établi dans les Coualliaiues 294 HJÎxNKl DE LACAZK-DUlHlliltS. zoANTHAiiiES A POLYPIERS de grandes divisions, dans lesquelles ils s'étu- dient à retrouver les types principaux de polypiers simples, de poly- piers composés, tantôt rameux et tantôt plus ou moins massifs. Pour eux, une Turhilnolia, ime Cnr;iophyllia, un FloheUum sont les termes parallèles et correspondants aux Eupsarnmia, aux Bnlanophijl- lia, aux Endopacltija. L'architecture de la Galaxea se retrouve dans celle des Cœiwpsam- 7n/'a, elnm F u/j/iy/ lia est Ydmeuse comme une De)idr(ijj/ii///ifi ; de même le plan d'une Astrea se retrouve dans celui d'un Astroldes. La texture intime du Polypier de l'Astroïdes se rapproche, d'après les auteurs de VHistoire des CornJ/iairvs, de celle du polypier des Dendrophyllies, des Balanophyllies, et par conséquent le sépare des Astrées. Les auteurs l'ont donc placé dans leur grande division des Zoan- TIIAIRES SCLÉRODERMÉS PERFORÉS '. En rappellant les caractères indiqués par MM. Jules Haime et Milnc-Edwards, l'espèce serait nettement fixée si la station ne sufiisait h elle seule pour conduire à l'espèce sans permettre de la confondre avec une autre. ■• IL — ÉPOOUE DE LA REPRODUCTION. Ce fut, disais-je plus haut, un hasard heureux ({ui me fit mettre la main sur un nomi:)re considérable d'embryons d'Astroïdes. Lorsque j'étais chargé d'étudier la reproduction du corail en Algé- rie, j'avais commencé mes études au mois d'octobre, et comme dans le jtort de Bone, fort inhospitalier avant d'avoir des jetées, qu'on faisait alors, on pouvait craindre pour la sûreté du garde-côte mis à ma • Voir Jules Haime et Milne-Edwauds, loc.'cit., l. 111, ji. 131. Voici les carac- lîn'os donnés par les auteurs : « Columelle extrêmement développée et saillante, ayant la forme d'une petite savonnette. Quatre cycles complets, mais le quatrième cycle est presque rudimentaire. Cloisons non débordantes, excessivement minces, très- étroites en liant, peu ou point granulées, à bords concaves, très-finement et régu- lièrement denticulés : les primaires et les secondaires égales; les tertiaires se cour- bent vers les secondaires. Une; conpe montre les cloisons légèrement flexueuses, percées do trous nombreux et irréguliers ; une columelle essentielle formée de petits rubans lamellaires plissés et tordus; des traverses convexes très-écartée^ entre elles, j.argiuu' de.î calicep, 7 ou 8 millimètres; loui' jirofondeur, r. millimèlres. < " Les polyp!':; s'allongent beaucoup et sont d'un jaune orangé. " llahUe la Méditerranée. » DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 295 disposition , l'administration m'avait installé au Fort-Génois, à l'ouest de Bone, où le mouillage était bon et relativement siir. Pendant près d'un mois, je passai mon temps à étudier le corail, et dans les excursions que j'avais eu occasion de faire sur la côte, j'avais observé à fleur d'eau, h un pied tout au plus de profondeur, des bancs de polypes rouge orangé, qui recouvraient les rocbes et dont j'avais trouvé les polypiers roulés et blanchis par la mer sur les grèves, toujours si peu étendues, que l'on voit dans quelques criques. Plus d'une fois, en me baignant, j'avais détaché et admiré des groupes de ces magnifiques animaux. Quelques coups de scalpel donnés dans ces touffes de polypes à cette époque et plus tard, en avril et en mai, ne m'avaient montre rien de particulier relativement au développement. Le 2 de juin, le garde-pêche appareilla de la Galle pour Bone. Le temps devint mauvais, il fallut gagner le mouillage du Fort-Génois, et y rester à tanguer sur sa bouée durant quelques jours. La mer tombant un peu, je descendis à terre pour prendre un bain, et, par habitude, les matelots de l'Algérienne, en me conduisant à terre, faisaient passer l'embarcation près des roches , afin de me per- mettre d'observer. L'un d'eux détacha d'un coup d'aviron un paquet de ce que déjà ils connaissaient tous sous le nom de Pohjpier, et comme quelques individus du Zoanthodème furent déchirés, je vis dans l'eau flotter de petits corps d'un rouge-orange très-vif. J'observai les polypes, et j'acquis la conviction qu'ils étaient en pleine reproduction. Ce fut là le point de départ de mes recherches. La Galle est aussi une station de l'Astroïdes, mais dans d'autres con- ditions qu'au Fort-Génois. Ce n'est que l'année qui suivit celle où je m'occupais du corail que je m'en aperçus. Là aussi j'ai pu reconnaître que, de la fin du mois de mai au mois de juillet, c'est la saison où l'Astroïdes se multiplie par voie de reproduc- tion sexuée. — Deux années de suite, à la môme époque, dans les mêmes localités, j'ai eu des embryons, et aussitôt après le mois de juillet, je n'en ai plus ou à peine eu. On peut donc conclure assez légitimement que c'est entre avril et août que s'accomplit le travail reproducteur, et que le summum de son activité se trouve surtout au milieu de cette période. Je crois même que, dans les mois de juillet et de mai, la chance de rencontrer des embryons devient très-faible et même nulle vers la fin du premier et le <:omm.encement du second. 296 HENK[ DE LACAZE-DUTHIERS. IIÏ. — RÉCOLTE DES EMBRYONS. Pour bien se rendre compte des observations qui vont suivre, il faut connaître d'abord les conditions biologiques qui plaisent à l'Astroïdes. Gomme beaucoup de polypes, h polypiers ou sans polypiers, comme le Corail, les Gorgones, etc., c'est un peu au-dessous des rochers qu'il aime à se développer. 11 ne recherche point une exposition directe aux rayons du soleil. Au Fort-Génois, à Bone, sur le banc de récits qu'on voit à mi-chemin de Bone au Fort-Génois, à la Galle (île Maudite), à Alger, dans le port, c'est à très-peu de profondeur que l'on voit sur le côté déclive des rochers des bandes d'un bel orangé; unies à des amas de produc- tions diverses, à des Corallines, à des Mclobésies, à des Eponges, à des Vermets, à des Bryozoaires, etc., etc.; en un mot, à cet ensemble d'êtres divers qui se développent dans la zone du niveau moyen de l'eau, luttent entre eux dans ce milieu aéré, et y produisent ces avan- cements, sortes de trottoirs dont, M. de Quatrefages a donné la descrip- tion dans ses charmants Souvenirs d'un naturaliste et son Voyage en S ici le. A Alger, j'ai trouvé des groupes d'Astroïdes dans les parties de la jetée du port qui est à l'est de l'Amirauté, non loin des marches d'esca- liers où l'on allait débarquer dans la partie des quais du nord réservée à l'administration à l'époque dont je parle. Je suis convaincu que, de- puis le temps où j'ai visité l'Algérie, comme à Bone et à Alger, les jetées ont été continuées et se sont avancées, les conditions biologi- ques favorables doivent s'ôtre multiphées, et à peu de profondeur, sous les abris des rayons trop directs du soleil, on doit aujourd'hui rencontrer l'Astroïdes dans des stations où je ne l'ai jamais vu. Lors de mon voyage, en face du point où la route du Fort-Génois à Bone descend dans un tout petit vallon où quelques maisons et un peu de culture se voyaient à mi-chemin des deux localités, les récifs à Heur d'eau étaient d'une richesse extrême. A chaque mouvement de la lame, pour peu qu'il y eût, non pas beaucoup de mer, mais une légère houle, une bande rouge-orangée découvrait et indiquait de la terre la présence du zoophyte. Il faut remarquer qu'à Bone et au Fort-Génois, les falaises qui plon- gent dans la mer sont formées de terrains anciens. L'on y voit des gneiss et des micaschistes. Il se trouve surtout au Fort-Génois des couches DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 297 entières de grenat cristallisé en dodécaèdres souvent très-beaux et régu- liers. Cette nature du fond de la mer est sans aucun doute très-fiivo- rable au développement du polype, car à la Galle, qui est relative- ment si rapprochée de Bone, je n'ai rencontré que fort tardivement l'Astroïdes. Je ne l'ai point vu sur les rochers voisins de la Messida, à l'est, sur ceux de Boulif, à l'ouest ; sur ceux de la Galle elle-même ; au nord, soit dans le port, soit à la pointe du Phare, ou de la baie de Saint-Martin. Le terrain de la Galle est donné par la carte géologique de l'ex- ploration scientifique comme appartenant à un grès datant de l'époque crétacée. Les blocs de cette roche rappellent ce que nous avons dans les environs de Paris, particulièrement dans les bois, à Boulif, où ils sont détachés des assises puissantes qui forment les côtes. A la Galle même, les rochers du bord de la mer offrent un caractère tout particulier; on croirait qu'ils sont dus à l'agglutination des grains de sable, et les couches qu'ils forment sont creusées de tubes verticaux presque cylindriques, souvent assez étendus, qui rappellent des tuyaux de cheminées. Ce n'est pas sans quelques peines que l'on explore les récifs qu'ils forment, car, pour marcher sur eux, on ne doit poser le pied que sur les espaces pleins, souvent fort étroits, que laissent ces cheminées rapprochées et presque contiguës ; le corps d'un homme pourrait quelquefois s'engager dans ceux de ces tubes dont le diamètre est le plus grand ; c'est, je crois, ce que les Anglais appellent des Pot-Holes. Au sud-ouest de la Galle, lorsqu'on sort du port, après avoir doublé la pointe de la butte du Moulin, qui fait face au phare de la presqu'île, on voit une petite île non loin de la plage sablonneuse qui limite la baie de Boulif, à l'est, et que surmontent les dunes et les sables, au milieu desquels quelques jardins ont été formés à force de soins et de persévérance. Cette île a été nommée lie Maudite. Est-ce parce que les bâtiments allant se perdre à la côte viennent se briser sur elle en manquant la passe qui est si dangereuse, sinon impraticable, quand la barre, une barre terrible, se forme par les vents de nord-ouest? Ou bien est-ce parce que le fond de la mer qui la sépare de la terre est à chaque instant bouleversé, creusé par les courants, et que dans la belle saison il est rare que quelques imprudents n'y perdent la vie en se hasardant sur une plage sablonneuse qui invite au bain, tant elle semble unie, mais qui, en réalité, est creusée de gouffres funestes à ceux qui ne 298 HENRI DE LAGAZE-UUTHIEUS. savent pas nager? Peut-être les deux causes l'ont-elle fait nommer Maudite. Pour moi, je n'ai eu qu'à me louer de mes excursions sur ce rocher, dont le nom était si peu engageant. Il est creusé de pot-holes grands, assez longs et dans de très-bonnes conditions, puisque, plongeant obliquement dans l'eau, ils permettent d'observer d'explorer du regard leurs cavités admirablement éclairées par un merveilleux reflet de lumière; l'eau, d'une limpidité absolue, ayant sa surface, à l'abri de tout mouvement de l'air, est sans rides et aussi tranquille (ju'une lame de glace. Dans les pot-holes obliques, l'Astroïdes ne reçoit presque pas de lumière directe ; il n'est éclairé que par en bas, c'est-à-dire par la lu- mière qui a traversé l'eau; aussi se dessine-t-il admirablement par sa teinte orangée sur le fond bleu de la mer, ces deux couleurs complé- mentaires se faisant réciproquement valoir. Par les temps calmes, on peut, en se penchant sur les orifices, observer aussi bien que dans des aquariums, si môme ce n'est mieux. Mais, soit que cette condition d'observation, si favorable au natura- liste, le soit moins au polype, soit que dans les grandes tempêtes, lorsque la mer devient furieuse sur ces côtes, la lame, en pénétrant avec violence dans ces cheminées, dér'acine les zoanthodèmes à mesure qu'ils prennent quelque étendue, on ne trouvait pas, du moins quand j'ai fait l'observation, de gros amas de polypiers, comme au Fort- Génois. Dans ces cheminées, la puissance d'ascension de l'eau est très-grande. Du côté du nord-ouest, l'île s'élève en effet très-obliquement en for- mant un plan incliné qui regarde, non le ciel, mais le fond, de sorte que ses bords s'avancent au-dessus d'une sorte de grotte sous-marine où s'ouvrent les pot-holes, ce qui permet à la lame de s'engouffrer en dessous et de s'élancer en jet avec fracas en dessus, et l'on comprend aisément qu'alors ces sortes de cheminées sont rudement ramonées par la mer. Quelle que soit la valeur des suppositions qui viennent d'être faites, toujours est-il que les zoanthodèmesde l'Astroïdes dont j'ai constaté la présence exclusivement dans ce lieu près de la Galle n'offrent qu'une petite taille. De tons ces faits, il résulte que l'Astroïdes ne vit point à de grandes profondeurs. J'ajoute ([u'il ne m'a jamais été rapporté par les pêcheurs de corail, qui cependant m'ont fuurni beaucoup des pierres de fonds coivJli-ène. DKVlîLUPPExVlJiNT DES CUUALLIAIKES. 2!)U Ces conditions biologiques particulières expliqueruienl la facilité avec laquelle j'ai pu élever des Astroïdes dans mes aquariums, et aussi les récoltes nombreuses d'embryons que j'ai faites à l'île Maudite, soit dans les pot-holes, soit en me mettant à l'eau et nageant autour de l'île. Il suffisait, dans le mois de juin, par une de ces journées de tranquillité et de calme parfaits, d'aller à l'île pour rapporter des em- bryons. Leur teinte orangée les décelait sur ce fond admirablement bleu et pur de la mer. Plus d'une fois, et par fanlaisie, il m'est arrivé, dans ces moments, de nager d'ime main et, tenant un bocal de l'autre, de pécher des larves libres qui, je dois le remarquer, se fixaient ordi- nairement très-vite dans mes vases. Mais, disons-le, ce moyen purement fantaisiste n'est rappelé ici que pour donner une idée plus précise des conditions biologiques que nous rapportons. Ce qui est le plus simple, c'est de déraciner des amas de zoantho- dèmes au mois de juin ; et de placer les animaux dans des baquets, la chose est facile; car un coup de ciseau à froid, une pression un peu puissante suffisent pour cela. S'ils renferment des embryons, sûre- ment ils les rendront bientôt par la bouche. On va encore bien plus vite en éventrant à la fois un grand nomljre de polypes à grands coups de couteau, en rasant les bords des calyces du polypier et replongeant le tout dans l'eau, l'on n'a qu'à attendre alors, car les embryons se dégagent peu à peu et viennent à la surface de l'eau, oîi il suffit de promener un vase en écrémant, pour ainsi dire, les baquets, pour avoir les embryons par centaines. * Pendant mon séjour ;\ la Calle, j'ai prié plus d'une fois les matelots de V Algérienne qui allaient à Bone et au Fort-Génois de me faire une récolte d'embryons, ainsi que je viens de le dire, et lorsque le garde- pêche avait occasion de toucher au Fort-Génois, l'année d'après, celle oîi j'avais fait la première observation, il m'a été rapporté des quan- tités considérables déjeunes larves qui ont toujours vécu fort long- temps dans mes aquariums. L'observation et la récolte des embryons est donc facile, puisqu'il m'a été possible de la confier à des matelots qui, il faut cependant le dire, m'avaient aidé dans les expériences relatives à ma mission, et cela toujours fort intelligemment, comme savent le faire les marins, quand ils le veulent. 300 HENRI DE LACAZE-DUTIIIEKS. IV. — MODE D'OliSERYATION. Pour suivre le développement des polypes en parlant de l'œuf et de l'embryon, quelques soins particuliers sont utiles : De l'eau fréquemment renouvelée est nécessaire, et de l'eau pure bien aérée doit être soigneusement fournie aux larves que l'on veul élever. Sans cela elles périssent. On comprend celte nécessité d'aprc"^ ce qui vient d'être dit de la station ; car les bancs se trouvent toujours dans une zone où l'eau se brisant sur les récifs s'aère forcémenl. A''oici comment je m'y prenais: deux ou trois fois par jour je ver- sais de haut dans mes vases de l'eau pure prise à la mer hors du port de la Galle ; elle s'aérait indu])itablement en produisant beaucoup de mousse ; alors je pochais, avec une pipette, un ;Yun, mes embryons, en prenant le moins d'eau possible dans le vase où ils étaient, et je les apportais dans le bocal contenant l'eau que je venais d'aérer. On com- prend que de pareils soins ne manquent pas de prendre beaucoup de temps. Heureusement j'étais parfaitement secondé par l'un des marins de l'Algérienne, Pierre Lanceplaine, qui, avec un dévouement sans bornes, a toujours appliqué tous ses soins à faire réussir mes essais, dès que je lui avais montré ce que je désirais. Depuis mes campagnes d'histoire naturelle en Afrique, il est resté auprès de moi, m'aidant toujours avec le même attachement et la même intelligence ; les attentions, les soins qu'il apporte à aider mes études ont frappé tous ceux qui l'ont vu à la grève, cherchant avec moi, et M. le professeur Grube, de Breslau, en rendant compte des excursions dans lesquelles je m'étais fait un plaisir de le guider siu- les plages de Roscoff et de Saint-Pol-de-Léon (c'était en 1869), n'a pu s'empêcher, dans sa relation, de louer les qualités de Pierre. J'ai pu conserver, avec ces soins, et observer jour ])ar jour, pendant près de deux mois, des larves de l'Astroïdes. Pour en voir la symétrie et l'architecture, j'avais dû forcer ces petits êtres à se fixer sur des plaques do verres à observation microscopique ; ce qui me permettait de les porter directement sous l'objectif de mon inslrument. 11 m'est arrivé même, en tracassant les larves encore mobiles, d'em- pêcher qu'elles ne pussent faire adhérer leurs polypiers aux parois des DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. :m vases, et j'ai fait artificiellement ainsi de petits polypes ayant leur polypier entièrement environné par les tissus mous, comme le sont des Fongies, comme l'étaient les Turbinolies, comme le sont encore des Hétéropsammies. V. — SENS PRÉCIS DES TERMES EMPLOYÉS. Dans l'étude des Actinies, n'ayant qu'un polype à décrire, il n'était guère besoin de chercher par des mots nouveaux à embrouiller la nomenclature. Aussi me suis-je abstenu de préciser les termes, bien que déjà depuis longtemps l'insuffisance de quelques expressions, me parût évidente. Le lecteur n'a certainement pas manqué de remarquer, dans les considérations générales de l'introduction, que les mots septa, cloisons, replis, chambres , loges s'appliquaient tantôt aux parties molles de l'animal, tantôt aux parties solides du polypier. Il me semble d'autant plus défectueux de désigner par le même nom des parties différentes, que leur position est absolument inverse. Ainsi les chambres périfiques du corps des polypes sont loin de cor- respondre aux chambres du polypier. C'est tout l'opposé qui existe, car à la chambre ou loge périgastrique correspond toujours une cloison ou septa du polypier. Je propose donc de nommer différemment les parties molles et les parties dures sans introduire pour ainsi dire de mots nouveaux. Le mot cal)/ce servira exclusivement à désigner la cavité du polypier ou partie dure. 11 est entendu que toujours le calyce est au-dessous de la cavité générale du corps. Les cloisons, lames ou septa sont les éléments saillants, radiés, qui partagent \e calyce en chambres et qui, partant de la muraille ou theca, limite du polypiérite, rayonnent vers le centre. Les ouvrages de MM. Jules Haime et Milne-Edwards ont consacré ces expressions, il y aurait inconvénient à les changer; elles ne sont pas nouvelles; je désire simplement établir ici qu'elles ne seront employées que pour désigner les parties du polypier ou parties dures. On n'a guère pu décrire un polype et sa cavité centrale, sans parler des replis radiés dont le bord libre est bordé par un cordon, qui rappelle par ses circonvolutions la disposition des intestins. Lt^ nom de septa, de lames leur a été quelquefois donné à tort; 302 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. nommons-\e'^ j't'jjlis, plis rjiésentéroïdes, et pour plus do brièveté, tout simplement les vtésentéro'idcs. Quant aux cordons, que l'on a qualifiés souvent de pelotonnés, ils peuvent être dits cordons entérotdes, et ainsi que pour les replis, afin d'abréger, je dirai simplement les entéroïdes. Car ils ont bien réellement l'apparence d'intestins, décrivant des cir- convolutions au bord de la lame d'un mésentère. J'appliquerai exclusivement le nom de loçp'S aux espaces inter- mésentéroïdiens du pourtour de la cavité générale du polype, cavité générale que je considère comme étant Vestomac, le tube partant de la bouche étant Vœso/j/tage. Les raésentéro'ides sont toujours intcr-tentaculaires, tandis que les cloisons ou sepia sont toujours sous-tcnlaculaires. Les chambres du calyce sont elles sous-mésentéro'idiennes, et ne correspondent pas aux loges ou espaces sous-tentacidaires. Les loges sont ou péri-œsophagiennes ou pjéri-gastriques, suivant les rapports qu'elles affectent avec les deux parties du corps. Au moment où j'écris ce travail au laboratoire de Zoologie expéri- mentale de Roscofl' (1873), j'ai sous les yeux des polypes à polypiers vivants, et je peux observer combien est grande la nécessité d'appor- ter de la précision dans le sens des expressions. En regardant les tentacules bien épanouis en dessus, on voit nette- ment, au fond des cavités que couronnent les tentacules, se détacher en blanc les lames ou cloisons, les septa du polypier; et, en regar- dant de côté, on distingueles loges sous-tentaculaires qui se montrent très-distinctement limitées par les mésentéroïdes, descendant de chaque côté de la ligne de séparation des deux tentacules voisins de celui dont on observe la loge. La description est confuse si l'on ne précise la valeur des expressions. Ainsi fixé, le sens des mots employés ne permettra plus d'équi- voque, et il donnera quelque facilité aux descriptions. VL — SEXES. / La position des glandes génitales ne diffère pas dans l'Astroïdes de celle qu'on a vu exister chez les Actinies. L'observation en est peut- être ici moins difficile, en raison sans doute de la présence du poly- pier et aussi du moins grand nombre de mésentéi'oïdes. Lorsqu'on coupe, par uu coup de ciseaux rapide, le tube formé DEVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 303 par le corps de l'animal, allongé souvent de plusieurs centimètres au-dessus de son calyce, on voit se retirer les mésentéroïdes dans le fond des chambres', où l'on peut les compter et les observer entre les septa. Les contractions des mésentéroïdes sont vives, comme dans toutes les espèces d'Actiniaires, mais ici il semble que l'adhérence des bases des replis aux parois de la muraille et les septa qui les séparent entre eux ne leur permettent pas de faire une sorte de peloton comme dans les Actinies, oii l'on a tant de difficulté à voir la position des choses, à cause de la contraclibilité excessive des tissus. Si l'on parvient à tuer les polypes en leur conservant eu partie le volume qu'ils acquièrent pendant leur épanouissement, ce qui, il faut le reconnaître, est fort difficile^ on remarque- en fendant verticalement les corps des animaux, au-dessous d'un très-court œsophage, les cordons entéroïdcs, longs et pelotonnés, présentant deux parties distinctes, l'une qui fait suite immédiatement à l'insertion sur le limbe inférieur de l'œsophage, et qui, colorée assez vivement en rouge orangé, descend jusqu'au niveau de l'ouverture du calyce; et l'autre d'un jaune-citron légèrement verdâtre; celle-ci a une longueur relativement plus grande que le bord des mésentéroïdes, et alors le pelotonnement commence et les circonvolutions deviennent très-nombreuses. Entre ces deux parties, la teinte passe insensiblement de l'orangé au jaune verdâtre. C'est dans la partie moyenne du mésentéroïde, dans celle qui porte le cordon jaune très-contourné, que se trouve le tissu, où se forment les ovaires et les testicules; aussi, c'est presque toujours dans la profondeur des chambres du calyce qu'on trouve les glandes géni- tales, quand on a coupé, soit verticalement, soit horizontalement, le corps des polypes. L'observation directe et par transparence des animaux n'est pas possible ; c'est pourquoi je ne puis dire si les glandes remontent hors du calyce lorsque l'épanouissement est complet. Cela est possible et probable, mais dans l'état ordinaire de moyenne dilatation du corps, 1 Voir Arch.de zool. cxp. et géi., t. II, pi. Xll, fig'.2. 1S73. — Un calyce vu d'êii haut. L'animal qui le couronnait a été enlevé. — [cl], colnmelle ; (m), mésentéroïde ; (c/i), chambre ; [t], testicule. - Voir Arch. de zool. ejp, et gèn., t. II, pi. XII, fig. 1. 1873. — Un polype par- tagé par une coupe verticale, (œ), œsophage; [m], mésentéroïde; [e], entéroïde ; '^c), partie inférieure ; (c'), partie sous-œsophagienne; (c/), colnmelle. 304 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. on peut croire que les organes de la reproduction sont protégés par les lames et la muraille du polypiérite'. La texture des plis, que ce soit dans le mésentéroïde ou dans l'enté- roïde, ne diffère pas essentiellement de ce qui s'observe chez les Actinies. — Le premier est formé d'une partie médiane, recouverte des deux côtés par un tissu cellulaire, avec cils vibratiles. En étudiant l'histologie de l'embryon, nous reviendrons sur la disposition et la distribution des éléments des replis, car elle est intéressante. Remar- quons toutefois que l'entéroïde est, comme dans tous les animaux du groupe, bourré de nématocystes très-volumineux. C'est certainement l'une des parties du corps qui en renferme le plus-. C'est dans un point limité du mésentéroïde que se développent les cellules productrices des œufs et des capsules spermatiques ; la petite masse qu'elles forment est oblongue, piriforme, ;\ grosse extrémité, tournée vers le fond du calyce. Cette différence dans le volume dépend de l'état du développement des germes et de la semence. Ces éléments les plus avancés sont en bas^ et s'échappent les premiers; de sorte que, lorsque la partie supérieure a fourni les crufs et les spermato- zoïdes, la production pour une saison est épuisée. Les testicules et les ovaires se distinguent facilement les uns des autres à la simple vue. Les premiers sont plus vivement colorés en orangé, un peu rouge-brique, que les seconds ; ils sont, quand les produits de la sécrétion les tuméfient, comme bouillonnes; car des plis et des sillons, perpendiculaires à leur plus long diamètre, traversent leur surface \ Les seconds, recouverts par une couche de tissu jaunâtre, plus épaisse que chez les premiers, se font remarquer plutôt par la tuméfaction du mésentéroïde que par la coloration. Aussi ne me 1 Voir Arch. de sool. exp. et gén., t. Il, \A. Xll, fig. 2. 1873. — {l), tesLicule. L'ovaire occupe la même place. — Voir aussi les figures 3, 4, 5. Les mêmes lettres désignent les mêmes choses, dans ces mésentéroïdes séparés des animaux. 2 Voir idem, pi. XV, fig. 31. Portion d'un entéroïde d'un emijryon déjà bourré de nématocystes. -Voir idem, pi. XII. 187-2. — Fig. 3. (ov), l'ovaire, Fig. .'., idm. — L'on voit i)ieu distinctement, au volume très-dilVéreul des umiI's (o). que leur développement n'est pas le même. '' Voir idem, pi. Xli, fig. ii. DÉVELOPPEMEMT DES CORALLIAIRES. 30S trompé -je jamais à la simple vue, quand je voulais distinguer les sexes ^ Il était nécessaire de constater d'abord ce fait, en reconnaissant la nature des éléments à l'aide du microscope, afm ensuite de juger vite des rapports des sexes. Ces rapports m'ont paru assez constamment les mêmes, c'est-à-dire que le plus souvent on ne rencontre dans un même polype qu'une seule espèce de glande. — On peut donc considérer les sexes comme étant séparés dans la. majorité des cas, pour les polypes du moins, mais réunis pour les Zoanthodèmes. J'ai constaté ce fait bon nombre de fois en coupant les animaux au ras du calyce, et en cher- chant sous la loupe à distinguer par la forme extérieure les testicules et les ovaires. Toutefois il n'est point douteux que de loin en loin on ne rencontre quelques individus présentant en môme temps les deux sexes et étant par conséquent hermaphrodites. Quant à la texture intime, la plus grande analogie existe entre ce qui est ici et ce qui se voit chez les Actinies. Dans le stroma de l'ovaire, composé de cellules à granulations fines, plus colorées que dans le reste du mésentéroïde, on trouve des œufs avec la tache et la vésicule germinatives, au milieu d'un vitellus jaune-orange sombre ; celles-ci ne peuvent être bien observées que sur les œufs peu avancés, mais alors on les voit très-bien; de même que l'enveloppe vilelline, qui se dessine nettement par un contour blanc transparent-, et se différencie des granulations rougeàtres de l'ovaire. On voit cela facilement, en prenant un mésentéroïde, en le sou- mettant à une légère compression et en l'observant à un faible grossissement*. La disposition des œufs en série est ainsi facile à reconnaître. Quant aux testicules, ils se composent de capsules développées dans le stroma, plus vivement colorées que dans l'ovaire, et remplies de corpuscules ou cellules productrices des spermatozoïdes. 1 Voir Arch. de sool. exp. et. (ién.,[vo\. Il, pi. XII, fig. 2, par exemple. Ce polype est mâle. — Comparez, fig. 3 et 4, mésentéroïdes femelles, et fig. o, mésentéroïde mâle. 2 Voiv idem, pi. XII, fig. 3 et 4 [ov, ov]. 3 Voir idem, fig. 3, ARCiT. DE ^nor., KXP. ET GÉ^■. — T. TT. 1S7:^, 20 3()(> HENRI DE LAGAZE-DUTHIERS. VII. — PONTE. La ponte des œufs se fait comme je l'ai indiqué déjà depuis long- temps pour le Corail, les Gorgones, les Alcyons et les Actinies. C'est par érosion du tissu de la couche extérieure du mésentéroïde que la sortie des éléments femelles, comme aussi celle des capsules mâles, s'accomplit. On rencontre quelquefois des ovaires ' donl la partie la plus bombée, la plus saillante, au-dessus d'un œuf gros et bien mûr, est déchirée et érodée, et laisse voir dans le fond ù nu l'œuf d'un rouge vif. J'ai choisi, parmi mes dessins, celui où trois œufs seulement existaient encore dans l'ovaire et où le plus volumineux était au moment de sortir, La lame externe du mésentéroïde d'un côté de l'ovaire est coupée comme avec un emporte-pièce. La ponte se fait donc par déchirure, et non par la sortie des germes au travers d'un canal ayant un orifice constant. J'ai observé ce fait sur un grand nombre d'individus, aussi ne laisse-t-il dans mon esprit aucun doute. Cette observation m'a toujours paru plus facile dans ces animaux, par cette raison que la reproduc- tion sexuée ne dure qu'un laps de temps peu considérable, un à deux mois au plus. Chez les Actinies, pour celles du moins que j'ai étudiées, la ponte, au contraire, se fait successivement et pendant une longue période. Tout dernièrement encore, j'ai observé h Morgate, au 15 avril, des Aciimamesembryanthemum ; h Roscoff, ûcsSagarliada plusieurs espèces et des Bunodes avec des embryons de différentes tailles , peut-être en moins grand nombre qu'aux mois de juin, de juillet et d'août, mais du moins assez nombreux et variés de grandeur pour ne pas permettre de croire que la reproduction soit limitée à une époque de l'année, comme chez VAst/vïdes ca///c>i/aris. 11 faut attacher de Finq^orlance à cette observation, je l'ai déjà remarqué ailleurs ; car la question du fractionnement se rattache directement à elle, ainsi que je l'ai montré pour le Corail et les Actinies, et comme nous allons encore le voir. 1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., 1873, t. VU, \>\. XII, fig. 4, (o), l'œuf vu par une Borlo d'orifice foi'mô par érosion. DÊVELOPPEiMENT DES COKALLTAIRES. 307 i VIII. — FÉCONDATION, FRACTIONNEMENT ET NAISSANCE. La fécondalion doit, sans aucun doute, s'accomplir dans l'ovaire, et les conditions qui viennent d'être indiquées à propos de la sortie de l'œuf montrent la possibilité et la facilité de l'accomplissement de cet important phénomène dans le point même où se produit le germe. Si au milieu d'un zoanthodème d'individus, presque tous femelles, épanouis et faisant pénétrer dans leur cavité les liquides ambiants, un polype mâle émet sa semence, et si celle-ci pénètre dans la cavité générale du corps des femelles, les spermatozoïdes ne peuvent man- quer d'arriver au contact de l'œuf, si, comme on l'a vu, lorsque celui-ci est mûr, les parois de l'ovaire sont érodées et laissent un orifice béant destiné à la sortie ultérieure du germe. Cette opinion qui, cela va sans dire, n'a pas été vérifiée de visu, en suivant le spermatozoïde jusque sur l'œuf, n'en est pas moins très- vraisemblable, car le fractionnement n'est pas facile à observer ici, pas plus que dans les Actinies, et Vœuï, au moment où il sort de l'ovaire, ne présentant déjà plus le caractère de l'œuf, il est revêtu de cils vibra tiles, il est déjà très-gros et mobile, et sa forme change par suite de sa contractibilité. En un mot, ce n'est plus un germe, ni un germe fractionné, c'est un embryon qu'on a sous les yeux au moment où il sort de l'ovaire. Les réflexions déjà faites à propos de la même question, relative- ment aux Actinies et au Corail, doivent être répétées ici. II m'en coûte beaucoup de conclure à la non-existence du fractionnement, et cela par la seule raison que je ne l'ai point vu. En effet, toutes les fois qu'il existe une fécondation par spermatozoïdes, on est légitimement conduit à penser que le fractionnement, ce phénomène si général qui la suit, doit s'accomplir ; mais probablement il reste inaperçu, et se passe sous le voile de la couche périovarienne des mésen- téroïdes. Sans doute, on pourra objecter qu'en soumettant h l'observation microscopique un grand nombre de mésentéroïdes pendant la période de la fécondation, on arriverait à vérifier si l'assertion avancée ici est exacte. J'avouerai franchement avoir, sinon reculé devant la longueur de ce travail, du moins devant la difficulté d'aller durant un temps assez long sur les lieux où croît l'Astroïdes, pour cher- :m HENRI DE LAGAZE-DUTHIERS. cher a rencontrer des polypes au moment même de la féconda- tion. On sait que, pour bien vérifier les faits relatifs au fractionnement, il faut surtout assister à la ponte et à la spermatisation, ou bien encore faire des fécondations artificielles, ou enfin être assez heureux et favorisé pour mettre la main sur un individu se trouvant au moment même de la fécondation. En résumé, malgré le nombre des observations presque toujours négatives, je ne puis rien dire sur la période du fractionnement, et je persiste à croire que la fécondation est ovarienne et que le fraction- nement et les premiers phénomènes de l'évolution qui lui font suite s'accomplissent dans l'ovaire, d'oii il ne tombe plus un œuf, mais bien un embryon. La naissance des larves est très-facile à voir : Il suffit, au mois de juillet, de placer dans des aquariums des touffes d'Astroïdes pour les voir, au premier renouvellement de l'eau, s'épa- nouir largement. Alors on ne tarde pas à apercevoir dans les tenta- cules, sous le péristome et môme au travers des parois du coi'ps, devenues transparentes par le gonfiement, les larves, que leur teinte rouge orangé vif décèle comme des taches d'abord, mais que leurs mouvements font bien vite reconnaître comme des êtres distincts. Le déplacement de ces animaux, qui sans doute ressentent les condi- tions nouvelles, hâte la naissance, on ne peut plus dire la ponte, les larves les plus agiles s'allongent et semblent accroître leur activité. On en voit se heurter contre les plis mésentéroïdes dans les loges périœso- phagiennes sous-tentaculaires, aller, venir, s'élever, et finalement pénétrer souvent dans le tube du tentacule, arriver jusqu'à l'extrémité, où il semble qu'elles s'engagent si avant, qu'elles ne puissent plus revenir sur leurs pas. Bien des fois j'ai vu le bout du tentacule se rompre et laisser sortir l'embryon. Cela arrivait surtout lorsque, les po- lypes étant très-épanouis, on les tracassait vivement en passant un corps dur sur eux. Alors les contractions brusques ne manquaient ja- mais de faire sortir quelques-uns des embryons par les bras qui se rom- paient spontanément et qui ne se déchiraient point par les manœuvres. Ce moyen un peu brutal m'a toujours fort bien servi pour obtenir rapidement des embryons en grand nombre et plus naturellement qu'en éventrant les animaux. Disons que lorsqu'on abandonne à lui- même un zoanthodèmc bien vivant, sans blessures, en renouvelant et tenant l'eau fraîche, on observe la naissance naturelle. DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 309 Le polype qui va rejeter ses embryons, tout en étant très-dilaté, contracte un peu ses bras en les rejetant en dessous, de façon à rendre le péristome un peu proéminent. Bientôt la bouche paraît au sommet d'un mamelon qui s'élève insensiblement ; elle s'entr'ouvre alors en rap- prochant ses bords de la base des tentacules, et une larve apparaît au milieu d'elle ; quelquefois une contraction des parois du corps produit un courant qui lance l'embryon au dehors : mais bien souvent aussi l'embryon s'échappe par ses propres mouvements ciliaires, et on le voit s'élever en décrivant des tours de spire jusqu'à la surface du liquide. En résumé, les polypes à polypier appartenant au grand groupe des Actiniaires ne font pas exception aux lois générales que nous avons fait connaître dans les travaux antérieurs. La fécondation doit s'accomplir dans leur ovaire, d'où s'échappent non point des œufs, mais des embryons. Ceux-ci commencent leur évolution dans la cavité digestive et générale du corps de la mère, où ils séjournent environ trois semaines à un mois au plus, si même le temps de cette sorte de gestation est aussi long. Déjà dans cette cavité générale, l'embryon a des allures semblables à celles qu'il affectera quand il aura cessé d'être abrité dans le corps du polype mère. Il s'allonge, s'agite et monte toujours, et c'est cette tendance à s'élever qui le fait naître quand sa mère ouvrira largement son œsophage et sa bouche; c'est elle qui fait qu'il s'engage dans les tubes des tentacules, dont souvent il ne peut plus s'échapper que par une rupture. ORGANOGÉNIE. Première période. — Œuf à la sortie de Vovaire, formation de la houche. — L'œuf, au sortir de l'ovaire, est absolument ovoïde, ses deux extrémités sont semblables, et sans les mouvements, on ne saurait distinguer l'une de l'autre ; mais, sachant que chez les Actinies et les Alcyonaires les jeunes avancent le pôle opposé à la bouche en avant, il est facile, d'après ces premières observations, de prévoir où se creusera cet orifice. Disons tout de suite que la matière colorante qui remplit et forme la masse du corps de l'embryon est si abondante, que l'observation par transparence est peu favorisée. 310 HENKl DE LACAZE-DUTHIERS. Lors de ces observations, j'étais dans des conditions d'outillage his- tologique peu propice aux coupes minces des petits corps; seules elles eussent pu me permettre de résoudre certaines questions difficiles et fort importantes. Aussi est-ce à regret que je dois dire ici que des lacunes nombreuses mériteraient d'être comblées. Très-peu de temps après sa chute de l'ovaire, l'embryon offre une extrémité déjà un peu moins arrondie que l'autre '. Elle a été placée en haut dans quelques dessins ; mais une flèche indique le sens de la progression, qui serait, dans ces figures, de haut en bas. Les deux petites flèches placées près des granulations qui s'échappent par la bouche ^, montrent le sens des mouvements que déterminent les cils vibra tiles en agitant le liquide. La bouche et la cavité générale m'ont paru suivre, dans leur pro- duction, la même évolution que chez les Actinies; mais il a été bien difficile de voir, avec la même netteté que chez elles, la formation des deux premiers plis qui sont les commencements de la formation des mésentéroïdes. La larve, peu'de temps après sa sortie du corps de la mère, prend une activité qui augmente toutes les fois qu'on change et donne l'eau fraîche. D'abord elle s'allonge, et bientôt elle se tord en un pas de vis fort allongé ^, dont l'extrémité la plus'aiguë reste en bas, en arrière, suivant que son mouvement] est horizontal ou vertical, et porte la bouche, qu'on aperçoit comme un point plus coloré. Rien n'est animé comme un vase'" rempli de ces jeunes Astroïdes, qui s'élèvent en nageant ou descendent en se laissant tomber au fond la bouche en bas. Souvent, arrivés trop nombreux sur un point des parois du v;i.se, ils se placent tous côte à côte et restent quelques instants ainsi en repos et parallèles. Cet état de liberté dure encore assez longtemps. J'ai conservé des larves près de deux mois ainsi (buis mes aquariums. C'est le plus long- temps qu(i j'aie observé; mais j'ai obtenu de jeunes polypes acli- noïdes après quarante jours. De trente à quarante c'était le temps normal. Je ne pense pas que dans la nature l'état de liberté dure aussi long- 1 Voir Arch. de zoul. exp. et gèn., t. 11, pi. XllI, fiy. (J. 2 Voir idem, (o). 3 Voir idcw, pi. XIII, fiK- 7. '* V'tii- idem, fit;- (i. DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 311 temps. J'ai péché à l'île Maudite des embryons en pleine eau et nés par conséquent naturellement. Ils avaient une tendance à s'accoler à tous les corps étrangers. J'en ai vu de près d'un centimètre de long, effilés comme des vers et qui semblaient ramper sur les parois des pot-holes de l'île. Sans aucun doute, la mère les retient jusqu'à l'é- poque où le moment est venu pour eux de prendre la forme actiniaire, et sans contredit encore la condition biologique anormale où je les tenais dans mes vases devait les faire résister au travail de transforma- tion qui quelquefois s'accomplissait brusquement en quelques heures. C'est ainsi que, le 17 de juillet, par conséquent près de quarante jours après le 5 de juin, jour de la naissance, au Fort-Génois, des embryons, j'ai vu à la Galle, après trois jours de siroco, les larves ralentir leur mouvement et, dans l'espace de trois ou quatre heures, abandonner leur forme allongée de vers et devenir de petits disques ^ Je n'ai jamais observé un changement aussi rapide et aussi évidem- ment dominé par une circonstance physique extérieure que cette influence du siroco, vraiment fort curieuse. Le peu de saillie que font à la surface extérieure du globe embryon- naire les sillons et les côtes correspondant aux plis mésentéroïdes el aux loges, doit être signalé. On a vu que c'était tout le contraire dans les Actinies. Ainsi j'ai donné les dessins- de deux embryons qui, déjà bien avan- cés, montrent un étranglement autour et au-dessous de la bouche, marquant la limite du futur péristome et dont les parois paraissaient entièrement lisses. Cependant, en les comprimant légèrement, on voyait dans leur intérieur les mésentéroïdes fort minces, à l'état de replis transparents, mais encore sans entéroïdes. Cette première période, observée avec tant de détails chez les Acti- nies, présente ici des phénomènes analogues, seulement plus difficiles à constater. Aussi est-il presque impossible de la limiter. On pourrait quel- quefois rencontrer des embryons plus avancés que ne le feraient supposer la forme allongée vermiculaire et les mouvements rapides, comme aussi l'absence à~ l'extérieur de tous sillons traduisant le partage du globe embryonnaire, et qui néanmoins auraient dépassé la période par leur organisation intérieure. 1 Comme les trois dont les dessins oiU été reproduits à la planche XIV, Arch. de zool. exp.et gén., t. II, fig. 15, 16 et 17. 2 Voir 1872, ûg. 9 et 10, pi. XIII. 312 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Encore une observation relative aux formes des embryons à cette époque : Les monstres doubles ne sont pas rares chez l'Astroïdes, j'en ai donné deux dessins. Sur l'un', c'est la partie buccale qui est double, la cavité générale est restée simple. Sur l'autre ^ c'est l'inverse, la partie répondant au pied est bifurquée et il n'y a qu'une bouche. Du reste, jamais ces embryons, dans mes aquariums du moins, ne sont arrivés à prendre la forme actinoïde. Il Deuxième période. — ■ Apparidon des douze premiers lobes. — Il n'est pas utile de suivre l'évolution des parties aussi minutieusement que nous l'avons fait pour les embryons des Actinies. Ce n'est point né- cessaire. Ce qu'il importe de prouver, c'est que, dans leur appa- rition, les lobes embryonnaires suivent une loi identique à celle qui a été démontrée pour les Actinies, et la chose est facile. Que l'on considère les figures'' et l'on sera frajtpé d'une chose : six éléments ou lobes constituent bien évidenuuent deux groupes. L'un (a), l'autre («'), dont les éléments sont dans le premier bien plus petits que dans le second. Quand on a étudié soigneusement, en multipliant beaucoup les observations, l'évolution des Actinies, on est frappé de la ressemblance de l'embryon dont il est ici question avec ceux de quelques-uns de ces animaux. La seule différence à remarquer est celle-ci : l'étape du nombre C reste quelque temps appréciable, ce qui chez les Actinia rnesemhripiïithemum n'avait pas lieu. Or cette différence est sans impor- tance, car parmi les Actinies on en rencontre chez qui la marche est tantôt plus, tantôt moins rapide, relativement au partage des lobes latéraux du grand groupe ; partage, on le sait, qui porte le nombre des lobes à huit. C'est surtout cette inégalité des lobes qui est frappante dans l'endiryon indiqué. Si bien qu'en le regardant du côté de la partie la plus développée '" le gros lolte médian occupe, ù lui seul, presque tout le plan antérieur de la ligure. 1 Voir Arch. de zool. exp.et gdn., fiy. 17, ])!. XIII, vol, 11, ' Voir idem, 11 y. 18. 3 \o\videm, 11^. 11 cL 12 cL; l;i planche XIII, elles i'epiv,seiileiU rembryoïi vu ilu côlé (le la bouche et de prolil. '■» \o\videm, ni. XIII, Tik- 12. DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 313 Si, dans une Actiniamesembryantheynum, on rencontrait un embryon semblable, on le considérait comme étant au moment du passage au nombre 8, par l'apparition du pli de troisième formation sur les lobes latéraux (/», b'). Mais une ligure sur laquelle j'appelle toute l'attention du lecteur, c'est celle ^ qui montre avec la dernière évidence le nombre 8, et rappelle par cela même le mode de [multiplication des parties, dé- montré dans le premier mémoire sur les Actinies, Quoique le dessin ne soit point vu ^normalement à la surface du péristome, néanmoins on reconnaît très-bien, dans cet échantillon fort intéressant, la bouche et le péristome, semblables à ceux des figures 9 et 10, et la partie tronquée {p) qui sera le pied par lequel se fixera l'embryon ; de plus, autour de la bouche, les parois du corps, étalées en disque , montrent des sillons au nombre de huit , qui laissent sur le milieu du premier plan un lobe très-volumineux (a'), l'homologue, sans nul doute, de la môme partie {a') dans la figure i2. Seulement ici, ce groupe des trois grands lobes, dans la figure 12, s'est partagé en cinq, ce qui a porté le nombre de six à huit. Il ne paraît donc pas possible de ne pas admettre ici, comme dans les Actinies ou Polypes sans polypiers, que le nombre 6 n'existe pas normalement comme première formation, pas plus que le nombre 12, qui devrait lui succéder par la naissance intercalaire simultanée de six tentacules nouveaux. Si l'on voulait tirer un argument de la forme et do la disposition de l'embryon à six lobes, dont il vient d'être question plus haut (voir fig. 1 1 à fig. 14), contre les observations dont il est ici question, on serait bien obligé de reconnaître en tous cas que les lobes des deux groupes sont singulièrement différents de volume. Si maintenant, partant de ces exemples, on considère le péristome d'un embryon qui prend tout à fait la forme actinoïde, on voit que le nombre 12 est atteint avec une irrégularité de grandeur dus lobes telle, que la possibilité de constituer deux moitiés inégales, formant deux groupes, l'un de cinq, l'autre de sept lobes ^, existe encore. Il ne m'a pas été possible de publier tous les dessins que j'ai faits des embryons d'Actinie; cela n'eût pas été du reste absolument utile. Mais j'ai des figures de jeunes Actinia niesemljryantlieinuni > Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. II, pi. XIII, fig. U. 2 Voir idem, vol. II, pi. XIV, fig. 19, 20, 21. 314 HENRI DE LÂCAZE-DUTIIIERS. que j'aurais de la peine à distinguer de quelques dessins d'Astroïdes, si la couleur n'était là pour les faire reconnaître. La ressemblance est absolue entre un'jeune Astroïdes à douze lobes, un peu contracté et prenant la forme actinienne, et une jeune Actinie, également un peu contractée et à douze divisions. Elle est telle que, par mégarde, j'avais môle des croquis d' Astroïdes, faits rapidement au crayon et sans être accompagnés de notes ni de couleur, avec des dessins d'embryons d'Actinies; au premier abord, je n'ai pu les distinguer les uns des autres ; il m'a fallu recourir à la nature du papier sur le- quel j'avais dessiné, m'élant rappelé qu'en Afrique je n'avais pas le même papier que celui sur lequel j'avais travaillé sur les côtes de Bretagne. Il est presque superflu de faire remarquer (on pourra s'en assurer rapidement et facilement en parcourant les figures accompagnant ce mémoire '), que la bouche est ovale et que chacune de ses com- missures répond au lobe médian des groupes 5 et 7; que, par consé- quent, l'homologie relative à cette disposition est encore entière, avec ce qui se voit dans les Actinies. ïlt Changement de forme des embryons. — Les choses se passent, lors de la transformation des jeunes Astroïdes qui vont prendre la forme d'une Actinie, comme pour le Corail et les Gorgones. La larve vermiforme, qui tourne sur elle-même en suivant une route hélicoïdale et portant sa grosse extrémité du pôle opposé à la bouche en avant, finit par appliquer contre les corps envi- ronnants son pôle qui deviendra l'homologue du disque pédieux dans les Actinies 2. Alors le diamètre transversal de la partie basilaire s'accroît, et l'adhérence devient plus grande , plus intime avec le corps sur lequel la larve s'est fixée. — Des étranglements se produisent de loin en loin dans la hauteur, et bientôt la bouche, placée au sommet d'un mamelon central, tend à s'enfoncer au centre du disque que forme l'embryon*, 1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. Il, 1873; suiioiil la iilanchc XIV. 2 Voir idem, pi. XIII, fig. 15. — (o), la bouclic; (p), le disque pédieux d'une larve dessinée au moment, où elle se fixait sur une |»la((ue de verre. 3 Voir idem, i\s, 16. DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 315 Les lobes sont déjà développés dans les embryons qui prennent ainsi la forme d'un petit disque, mais ils ne se traduisent pas, masqués qu'ils sont encore par les rides et les plis circulaires. Les figures 9, 10, 13, 13 et 16 de la planche XIII représentent le même embryon, vu à des états différents et dessiné au moment de ses transformations. Dans la figure 13, il est vu légèrement comprimé sous le poids d'une plaque mince recouvrante, et cela ne l'avait point arrêté dans son développement ultérieur. Il présentait bien nettement les lobes et les mésentéroïdes, le disque pédieux, et cependant quand il reprenait ses mouvements, relativement rapides (fig. 9 et 10), il ne laissait plus reconnaître les stries, résultant du plissement de la paroi du corps et correspondant à la base des mésentéroïdes. Il faut remarquer que la transformation s'accomplit souvent très- vite, et entre deux observations, le temps nécessaire à jeter quelques traits de dessin suffit pour qu'on retrouve une larve, naguère allongée et vive, envoie de changement très-marqué. Il faut dire cependant que, quelquefois, sous l'influence des conditions anormales oii l'on maintient les larves, on voit la transfor- mation de la forme s'accomplir sans que l'embryon se fixe. Tels sont les exemples représentés dans la planche XIII, les figures 11, 12 et 14, qui, bien que lisses, montrent les stries décelant les lobes; et dans la planche XIV, les figures 19, 20, 21 et 22. IV Tboisièjie période. — Apparition des entéroïdes et des tentacules. — C'est d'une façon tout artificielle que nous admettons et indiquons une période particulière, pour la production des entéroïdes. — Car ces organes commencent à paraître assez tôt. Seulement ils ne se sont montrés bien nettement que sur des jeunes n'ayant pas encore la forme actinoïde, mais possédant les douze lobes primitifs. Rappelons encore une fois que l'observation par transparence, la seule qui ait pu être employée, est fort insuffisante, en raison même de l'épaisseur de la couche de matière granuleuse colo- rante. Une observation qu'il est nécessaire de faire aussi, car elle est inté- ressante à plus d'un égard, c'est la brièveté du tube central, qui de la bouche descend dans la cavité du corps. Ce tube est tellement court, 310 HENRI DE LAGAZE-DUTHIERS. ce qu'on ne voit pas chez les Actinies, que les mésentéroïdes semblent naître en dessous et au pourtour d'un bourrelet, développé sous la fente buccale et qui paraît à lui seul représenter l'œsophage. Du reste, rien autre chose de particulier à signaler, si ce n'est que les deux premiers entéroïdes se développent sur les deux plis mésentéroïdes, qui séparent les deux groupes de cinq et de sept lobes. C'est ici un nouveau trait d'une ressemblance parfaite avec les Actinies. Cette particularité continue à se manifester quelque temps par deux taches plus obscures que les parties environnantes, chez les jeunes polypes fixés et commençant à déposer leur polypier *. L'embryon dessiné fig. 24, grossi vingt-deux à vingt-cinq fois environ, montre très-bien ces deux taches plus foncées. Il a été suivi et observé d'une manière continue avec grand soin et, un jour, vingt-quatre heures après que le dessin en avait été fait, après quelque durée du siroco, je trouvais avec la dernière netteté que les plis mésentéroïdes correspondant aux deux divisions primordiales, c'est-à-dire à celles qui partagent les lobes en deux groupes portant les deux plus gros paquets, étaient bien à la limite des groupes o et 7 et que les deux autres plus petits paquets se trouvaient correspondre fort exactement aux mésentéroïdes ou plis formés en deuxième lieu, c'est-à-dire lors du partage de la partie la plus grande. Il me paraît impossible de ne pas trouver la plus grande similitude entre les figures 28 et 29 et l'une des figures de mon premier travail, sur le développement des Sat/artia {Arc/i. de zool. exp. et gén., t. I, pi. XV, fig. 11). L'on voit dans celle-ci le grand développement des paquets correspondre aux deux replis les plus anciens, qui partagent l'embryon en deux groupes de lobes, et le développement moins avancé des deux autres paquets, qui occupent absrylument la même position, au milieu des lobes latéraux du groupe de sept, avec cette difierence cependant que dans la Sugnrtia le nombre 7 est en voie de formation au moment où la figure a été prise. Mais, sur une foule de dessins qui sont restés dans mes cartons, j'ai trouvé une si grande ressemblance, que le doute ne me paraît pas possible, quant à la complète similitude du mode de développement des deux types. 1 Voir Arch, de zool, exp. et gén., vol. IJ, pi. Xi V, fi^;'. i'i et 24. DÉVELOPPEMENT DES GORALLIATRES. 317 Ainsi, pour les plis comme pour les premiers entéroïdes, nous ad- mettons que les lois de production des cléments sont semblables, dans les Polypes actiniaires a polypiers, à celles que Von a vues régir la multipli- cation de ces mêmes parties dans les Polypes actiniaires sans polypiers. Quant aux tentacules, il y a, on le sait, pour l'apparition et l'accrois- sement, des différences suivant les espèces d'Actinies, différences qui, au fond, n'ont pas une grande importance. Les tentacules ne sont que les prolongements des loges intermésentéroïdiennes, seulement leur production suit des lois moins fixes que celles qui président à la formation des loges. Toujours le nombre se produit d'abord, et le plus habituellement, en suivant l'ordre de formation des lobes ou loges périgastriques ; celles-ci sont, on le sait, les parties fondamentales. La production du nombre suit une loi ; la régularisation des grandeurs des parties, conduisant à une certaine symétrie, en suit une autre, et il arrive un moment où un jeune Astroïdesà 12 tentacules est identiquement semblable à une jeune Bunodes ou Actinie dont les 12 tentacules ont des grandeurs alternativement différentes. Que l'on compare au dessin suivant la figure 27 de la planche XIV FiG. 5. — Jouno Bunodes ayant deux cycles de tentacules, dont la position et la grandeur semblent indiquer deux périodes distinctes de formation. du présent volume et certainement, à part la saillie centrale du pé- ristome et de la bouche, le port, la disposition des tentacules, tout est .118 HKNRI DE LAGAZR-DUTHIERS. absolument identique des deux côtés.— Que l'on revienne aux dessins antérieurement publiés ', et l'on ne pourra manquer de trouver les analogies de forme et de disposition les plus frappantes non-seule- ment entre les jeunes individus, ayant 12 tentacules alternativement grands et petits, mais encore entre les jeunes animaux en forme de petits melons, avec ou sans les commencements des tentacules-. On voit dans les deux cas la calotte opposée au pôle buccal revêtir des caractères spéciaux, devenir moins saillante, s'enfoncer môme et former le disque pédieux. V. ■• QuATUikME PÉRIODE. — Pfissfif/e (Iti noiiibrc 12 au nombre 24 et de celui-ci au nombre 48. — Il existe ici une lacune des plus regrettables; je me vois obligé de la laisser subsister, sans pouvoir, en ce moment, songer à la faire disparaître. On se rappelle sans doute le fait si important et la loi si inatten- due qu'a présenté l'accroissement du nombre des parties, après le chiffre ]2. On a vu que, contrairement à ce qui était admis par tous les auteurs, les tentacules du troisième cycle naissaient, non point un dans chaque intervalle laissé alternativement par les grands et les petits tentacules des deux premières couronnes, mais bien par paires qui s'insinuaient entre les grands et petits, dans six intervalles seule- ment; que ces six paires portaient bien le nombre 12 à 24, mais que le travail de régularisation des grandeurs faisait supplanter les G tentacules de la deuxième couronne ou du deuxième cycle par 6 éléments des dernières paires formées ; et qu'enfln lorsque la ré- gularisation était accomplie et que les jeunes Actinies à 24 tentacules présentaient trois cycles de trois grandeurs progressives, paraissant indiquer trois âges et trois époques de formation différentes pour les organes appendiculaires, il se trouvait que, par suite de la substi- tution de quelques-uns des éléments plus jeunes à quelques-uns des éléments les plus anciens, le deuxième cycle était composé de ten- tacules de la dernière formation, alors que le troisième, qui semblait 1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., 1872, t. I, pi. Xlfl, fig. 30. 2 Voir idem, pi. XV, fig. 2â. — .leune Sagarlia qui est absolument ressemblante au jeune Astroïdes représenté vol. II, pi. XIV, fig. 18, et fig. 13 de cette planche. A part les deux tentacules commissuraux qui sont plus saillants que les autres, n'est-elle pas identique à la figure 20 de la planche XIV, t. II ? DÉVELOPPEMENT DES CORALLIAIRES. 319 formé en dernier lieu, avait la moitié de ses éléments nés dans les premières périodes de l'évolution. On a vu* que ce remarquable travail de substitution se continuait ainsi, quand du nombre 48 les tentacules s'élevaient au nombre 96. Il suffit, je pense, de rappeler ces lois curieuses, et de les rapprocher des discussions qui se sont élevées, relativement au mode d'accroisse- ment des septa du Polypier, pour juger combien il est fâcheux de n'avoir pu conduire les jeunes Astroïdes au delà de l'époque oii le Polype"^ a plus de 12 tentacules, afin de voir si réellement chez lui la substitution existe. Car on n'oublie pas que parler des tentacules, de leur position, de leur grandeur relative, etc., c'est pour ainsi dire parler des septa du calyce, auxquels ils correspondent. J'ai pu longtemps conserver vivants de jeunes Astroïdes, formant un banc circulaire autour du col d'un bocal , mais l'impossibiHté où j'étais d'observer normalement le péristome de ces Polypes m'au- rait contraint, pour arriver à faire cette observation, à détacher quel- ques individus. C'eût été les perdre. Je voulais conserver des témoins de la possibilité de faire un banc de coraux dans un petit vase^, et je respectais peut-être outre mesure mes jeunes élèves. La naissance n'ayant lieu qu'en juin, il m'eût fallu, pour répéter mon observation, me trouver une fois de plus en Algérie à cette époque. Je ne l'ai pu immédiatement après ces premières ob- servations. Je signale la lacune, elle vaudrait la peine d'être comblée; car s'il y avait substitution des tentacules, c'est-à-dire des loges qui leur sont liées, il faudrait que le travail de production des septa sous-tenlacu- laires fût aussi soumis à la substitution, ou bien qu'il ne s'accomplît qu'après la régularisation des grandeurs des tentacules; ce qui ne manque pas d'être encore assez embarrassant pour expliquer le passage dans le cycle du dernier ordre d'une série de 6 tentacules de première formation, et par conséquent des septa sous-jacents qui leur correspondent. 1 Et jt? prie le lecteur de revoir les lois formulées dans le premier travail [Déve" loppemenl des Aciiniaires sans polypiers, t. L 1872). 2 Voir Arch. de zool. exp. et gén., t. II, pi. XIV, fig. 22. 1873. 3 Voir idem, t. II, pi. XIII, fig. C. 1873.— Ce vase présente à la fois sur les côtés des calyces de jeunes Astroïdes dépourvus de polypes; et d'autres encore couverts par l'animal ; que l'on suppose tout le tour occupé ainsi par une couronne de poly- piérites et l'on aura l'idée du vase auquel je fais allusion et que je possède. 320 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. DEUXIÈME PARTIE. DÉVELOPPEMENT DU POLYPIER. I Deux questions se présentent ici; nous l'avons indiqué avec insis- tance dans l'introduction : il s'agit d'abord de décider dans quelle partie du corps du Polype s'effectue le dépôt calcaire, et dans quelle couche élémentaire des organes prennent naissance le calyce et ses éléments constitutifs. En second lieu, il faut reconnaître suivant quelles lois s'accroissent et se multiplient ces différentes pièces primitives du polypiérite. Nous allons successivement chercher à résoudre ces questions inté- ressantes. II Avant d'aller plus loin, rappelons quelques-uns des points de l'archi- tecture du Polypier de l'Astroïdes : cela est nécessaire ici, bien que cela soit parfaitement connu. On a vu que MM. Jules llaime et Milne-Edwards rangeaient ce Po- lypier dans le groupe qu'ils ont nommé groupe des perforés. En effet, en examinant à la loupe les murailles des Polypiérites, on les voit toutes déchiquetées et comme scarieuses. Mais, chose importante et sur laquelle, au point de vue de la classification, il est utile de faire une remarque, les septa ou lames sont de bonne heure compactes et ne paraissent pas être déchiquetées, ce dont on verra la cause dans l'étude embryogénique de l'origine du ces parties. Les murailles des calyces placés sur les bords ou limites des Zoanthodèmes sont le plus souvent entourées d'une couche mince, continue, qui ne ressemble pas au tissu du reste du Polypier et qui, désignée par les auteurs sous le nom d'épithèque, a été rapportée par eux à l'endurcissement de l'épiderme, tout comme ils attribuent la formation de la muraille à l'endurcissement du derme. J'ai trouvé à l'île Maudite (près la Galle) des pierres couvertes de calices d'oozoïtes, n'ayant pas encore bourgeonné ou ayant deux , trois, quatre, cinq blastozoïtes autour d'eux, de sorte qu'il est facile DÉVELOPPEMENT DES CORÂLLIAIRES. 321 de suivre, et la formuLion du Zoanthodème, et l'étendue du dévelop- pement de chacune des parties. Sur ces échantillons, on voit parfai- tement l'origine de cette épithèque, qu'il m'est impossible de ne pas considérer comme étant un produit purement accidentel, et indépen- dant de tout travail constant, normal et histologiquement distinct. En voici les raisons : dans la zone des eaux oii vivent les Astroïdes, il se forme à côté d'eux sur les rochers des concrétions de nature di- verse, tantôt végétale, tantôt animale; il naît des Mélobésies ou des Eponges, les unes et les autres encroûtantes; il se développe des Bryozoaires d'espèces variées, qui entourent les jeunes calyces en voie de formation, ainsi que les anciens, déjà bien formés. Dans le port de Mahon abonde le Cladocora cespitosa, Polypier appartenant à un autre groupe, à celui des imperforés (Milne-Edwards et Jules Haime),donton voit aussi les calices pressés de tous côtés par des productions semblables (Bryozoaires, Mélobésies, Eponges). Sur cette espèce aussi apparaît l'enveloppe épithécale, et cela autour de certains calyces, tandis que d'autres en sont dépourvus. Partout où l'ennemi s'approche , il semble que, pour résister à l'envahisseur et le tenir à distance, une sécrétion se produit, qui forme la couche mince, unie, compacte, ordinairement grisâtre, appelée épithèque. Donc sur un Zoanthodème, ce n'est et ne peut être qu'aux limites de la colonie que se produira l'épithèque, si l'explication de la formation donnée ici est exacte. Or c'est en effet là seulement qu'on la rencontre. Dans les Gladocores, où les polypiérites ont les bords de leurs calices distincts, on voit aussi les êtres envahissants déter- miner la production d'un tube extérieur à la muraille, et quelquefois la lutte est si pressante, que la circonférence du calyce est rétré- cie et réduite à un petit orifice, par où le polype peut tout juste s'épanouir encore. De même dans l'Astroïdes, on trouve tous les passages entre une pel- licule mince, lisse, entourant la muraille sans lui adhérer, paraissant être une partie du polypier et un tube extérieur, celui-ci formé de couches évidemment étrangères; mais on ne trouve ces passages que sur les calyces placés à la limite extérieure de la colonie, tandis que les murailles entre les individus du centre ne laissent pas voir trace de cuticule épithécale. Cependant il arrive quelquefois que les lut- teurs envahissent la surface du polypier, et alors, comme les Polypes résistent longtemps, on trouve entre eux des traces de la formation épithécale; ce qui prouve bien que si la formation de l'épithèque Aur.it. DE znor,. exp. et gé\.— t. ii. IST:^. "li 322 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. était normale et constante dans ces exemples, on la trouverait toujours et partout égale ; ce qui n'arrive pas. J'ai sur la même pierre des petits groupes de cinq à six calyces, au milieu desquels on reconnaît sans doute possible le calyce de l'oozoïte et ceux des blastozoïtes, les uns avec ce qu'on a appelé Vépitheque^ les autres avec leur muraille parfaitement nue, chagrinée, scarieuse, et dans un état de parfaite conservation. Ces faits suffisent pour justifier l'opinion présentée ici. Dans les calyces bien développés, mais non encore de la plus grande taille, des septa se montrent, tantôt de quatre, tantôt de trois ordres de grandeur, et leur nombre total est un multiple de 6. 11 ne faut point chercher dans les calyces les plus grands, pour trouver la disposition type du nombre 6. C'est surtout sur ceux qui occupent le centre de petits groupes que l'on voit bien six grands septa, six de seconde grandeur alternant avec ceux-ci, douze de troi- sième ordre et souvent vingt-quatre carènes très-petites et naissantes; ce qui fait bien quatre cycles. Les .6+6 ^.epta de première et de deuxième grandeur ne sont pas longtemps distincts, on ne les reconnaît pas dans les grands calyces, où l'on voit 12 grandes cloisons de premier ordre, 12 de deuxième ordre, enfin 24 fort petites, à peine saillantes. Ce n'est donc, dans cet état, que d'une façon purement convention- nelle que l'on peut admettre quatre cycles. Car en observant un calice présentant ces conditions, on serait tenté d'admettre trois cycles, deux aj^ant 12, un ayant 24 septa. Au milieu s'élève un bouton central, uni par son pourtour, ou mieux ses découpures périphériques, avec les extrémités internes des grandes lames, (juand les plus grands septa forment deux cycles dis- tincts de 6 + 6. Ce sont celles du cycle de premier ordre, qui sont unies avec la columelle de la façon la plus accusée vers le sommet de celle-ci, tandis que les autres n'arrivent seulement qu'à la base. Telles sont les différentes parties tlu Polypier de l'Astroïdes, Il nous faut en voir l'origine et arriver jiis({u'au moment où il sera entièrement constitué. Nous rappr(X'herons ensuite des laits qui vont suivre les théories d'accroissement, ], XV, (ig. 3/i A. - \()ii' idcui, lii;'. :î(>. ■' S'oir idem, \>\. W, (i^^ 37. — (ce), coiiclu.' externe ;i némalocysles el, à corpuscules DÉVELOPPEMENT DES COR ALLIA IRES. 32b avec une lame mince, qui s'avance dans le milieu du méscntéroïde. Ce fait a beaucoup de valeur et il mérite d'être remarqué, car il prouve la relation intime des entéroïdes, si riches en nématocystcs, et de la couche externe qui seule en renferme. Cette continuité montre encore un autre fait important. On a vu, dans le premier travail \ que la multiplication des lobes de l'embryon se produisait par la formation do plis qui, do l'extérieur, s'avançaient vers l'intérieur ; il est donc naturel de retrouver la couche externe au milieu de ce méscntéroïde, puisque ce pli paraît à l'ori- gine se former sur la paroi du globe embryonnaire-, par le plissement en dedans de la paroi du corps. Il suffit d'avoir enlevé une portion du corps d'un embryon et de l'avoir comprimée pour reconnaître la couche interne qui, ainsi que cela se montre encore très-bien dans les bras si transparents des Alcyonnaires, semble avoir plus de relations avec leurs fonctions végétatives qu'avec celles de la vie animale, la couche externe étant réellement celle qui se contracte, se meut et qui met l'être en rapport avec le monde extérieur. En comprimant un embryon tout entier, avant qu'il ait encore ses tentacules, mais alors que déjà on peut voir les premières traces des nodules calcaires, il est aisé, en se laissant guider par la coloration seule, de reconnaître la couche interne recouvrant la couche externe, même quand celle-ci se prolonge dans le milieu du méscntéroïde. Ces observations préliminaires étaient nécessaires, pour pouvoir fixer le point où, à l'origine, les premières traces du Polypier se montrent. IV Apparition des premiers nodules calcaires. — MJNî. .T. Ilaime et Milne- Edwards ont nommé sclérites, on le sait, les nodules calc;iircs, déposés dans les tissus, qui par leur union et leur bourgeonnement produi- sent ou étendent le polypier. jaunes-verdàtres se continuant dans l'épaisscup d'une lame inesontéroïde (c'e')^ enfin (ci), couche orangée et interne à granulations d'apparence graisseuse. 1 Voir H. de Lac.-Duth., Arch. de zool. exp. et gén., 187% t. I, pi. XI, la s'rie des figures en partant de l'œuf jusqu'à l'entière formation des polypes. 2 A^oir Arch. de zool. exp. et gén., t. Il, pi. XV, fig. 33. 1873.— [m), mésentéroïdc formé d'une lame médiane (ej) de la couche externe et de deux lames de la couche interne Un); cette figure est intéressante à plus d'un égard, car elle montre très- bien les loges et l'origine (<) des tentacules, qui paraissiMit d'abord comme iéiiiiimh' aux réservoirs où s'accumule le sperme qui doit èlre éjaculé. Un n'a pas toujours assez nettement délini ces dillerents termes, de sorte que le nom de vésicule séminale est appliqué indifféremment à des organes très-différents, qui n'ont que ceci de commun : c'est que les uns et les autres contiennent des fdaments spermatiques qu'ils n'ont pas sécrété. D'après notre définition les vésicules séminales sont exclusivement des dépendances de l'appareil génital mâle, et ne contiennent que du sperme à éjaculer; \es poches copulatrices sont, au contraire, des dépendances de l'appareil génital femelle et contiennent du sperme éjaculé. Ce nom est depuis longtemps dans la science et doit être conservé, bien qu'il éveille l'idée fausse que la poche copulatrice reçoit nécessairement le pénis pendant l'accouplement. Gela est loin d'avoir toujours lieu; mais le pénis, quand il existe, pénètre au moins dans un vcu/in, qui peut faire corps avec la poche copulatrice ou en être séparé suivant les cas. Du point de jonction de l'oviducte avec le faux vitelloducte naît la )iiat/'ice. C'est un simple tube, très-sinueux, dans lequel se ras- semblent les œufs fécondés, et qui aboutit, après plusieurs cir- convolutions, à l'orifice médian du proglottis. C'est également au point de jonction de l'oviducte, du faux vitello- ducte et de la matrice, qu'aboutissent les canaux excréteurs de la glande accessoire qui paraît n'être, à vrai dire, qu'une accumulation de glandes unicellulaires, ayant chacune son canal excréteur séparé. Tel est, en résumé, la constitution que Landois et Sommer attribuent aux proglottis du Bothriocephalns lattis; nous n'insistons pas sur les détails de la structure histologique des diverses parties de l'anneau, ni sur la distribution des branches vasculaires; il n'y a h\ rien de bien important et surtout rien d'utile pour notre sujet. Nous n'avons pu étudier que des fragments de Dulhicrsia conservés depuis longtemps, soit dans de la glycérine, soit dans de l'alcool; nous ne nous attendions pas, on conséquence, à retrouver tontes les parties si délicates, décrites ])ar les auteurs allemands, et, en c'ifet, nos efforts ont été infructueux sur l)ien des points; mais l'imbibilion par le carmin nous a permis de bien mettre en évi- dence les parties essentielles des organes génitaux, au moins chez la petite espèce que nous décrii'i»ns un \)Q\\ ])1u> loin sous le nom DESCRIPTION D'UN GENRE NOUVEAU DE CESTOIDES. ;i:i7 de Dut/u'ersia elegans, E. P., et qui se prête parfaitement aux observations par transparence. Les anneaux présentent extérieure- ment la même apparence de tripartition longitudinale que chez les Bothryocéphales; les orifices génitaux sont disposés exactement de la même façon. Dans quelques cas, cependant, l'orifice pénial et celui du vagin m'ont paru un peu plus écartés ; de plus la bourse du pénis est un peu moins apparente. On peut constater sur des coupes transversales que la disposition des deux paires de vaisseaux latéraux est exactement la même que celle des Bothryocéphales et des Solénophores. Les testicules sont bien nettement apparents. Si dans la grande espèce du Varan à deux bandes {Dutkiersia t'Xjjansa,'E.'9.)on fait une coupe transversale des anneaux, puis qu'on l'imbibe de carmin on distinguera sans peine deux sortes de tissu; à savoir : un tissu central qui est le véritable parenchyme du corps [MittelscbicJit^ Landois et Sommer), et un tissu périphérique {Rindemchicht, L. et S.). Le tissu central se colore facilement en rose, surtout sur ses bords. C'est lui qui contient les testicules, formant dans le plan médian transversal du proglottis une simple couche, formée d'amas sphériques, ayant de 8 à 10 centièmes de millimètre de diamètre, et remplis de granulations nucléaires, se colorant fortement parle carmin. Entre le parenchyme et les téguments, on voit sur tout le pourtour de la coupe d'autres amas granuleux, plus fortement colorés, plus serrés et plus petits que les précédents, de forme moins régulière et parfois constituant plus ou moins nettement une couche simple. Leur diamètre varie de i à 6 cen- tièmes de millimètre; ils sont assez souvent ovoïdes; ce sont les divers acini du faux vitellogène. Ainsi nous retrouvons ici, et exactement dans la position qu'on leur connaît, chez les Bothryocéphales et les Solénophores, les deux glandes les plus développées des appareils génitaux mâle et femelle. Dans la Dut/u'ersia elegans, les testicules se voient très-nettement par transparence ; ils sont également sphériques et mesurent environ 35 millièmes de millimètre. Quant aux vitellogènes, ils forment de très-petits amas extrêmement nombreux et paraissent beaucoup plus diffus dans cette petite espèce qnc dans sa congén?re. En revanche, c'est chez elle qu'il est le plus facile d'étudier les ov lires ou prétendus germigènes. Ils forment, à la partie inférieure do l'anneau, deux masses très-irrégulièrement triangulaires dont les bases se regardent et dont les sommets sont tournés vers l'extérieur, et plus rapprochés de l'extré- mité supérieure kkuii-:k. Cliaqnc amiciui présonle, outre les orifices génitaux, une rosette oi)aquL' indiquant la position delà matrice. Lescolex représente assez exactement un secteur circulaire dont la corde aurait 8 millimètres de longueur et le rayon 5 millimètres environ. Les rayons qui le limi- tent sont légèrement concaves et s'unissent directement avec le ruban colonial K Au point où se fait la jonction, on voit, en apparence sur la colonie, un petit orifice en boutonnière longitudinale entouré d'un petit bourrelet ; il est facile de s'assurer que cet orifice communique directement avec la cavité de la Bothrydie, comme l'indique la soie qui a été passée au travers dans la figure 2 de la planche XVII. Le Scolex parait plus translucide que le reste de la colonie. L'animal se trouve iixé dans l'intestin du Varan au moyen de ses bothrydies, comme l'indique la figure 4 de la planche XVI. La figure S de la même planche représente un Scolex de cestoïdo trouvé avec le premier dans les intestins du même Varan et ressem- blant à un Scolex de Solénophore dans lequel les deux bothrydies se- raient remplacées par une seule sensiblement cylindrique. Je n'ai pu retrouver cette tète dans la collection du Muséum ; je ne puis dire, par conséquent, si elle appartient à une Duthiersia monstrueuse oii dont une longue adhérence aurait modifié le Scolex ; c'est une opinion que motiveraient l'identité des proglottis des divers échantillons et leur présence simultanée dans l'intestin du même animal : je ne sache pas que des formes de passage aient été trouvées et d'ailleurs la diffé- rence entre cette tète et la tète normale est bien grande, et je penche à croire qu'elle appartient à un autre animal, qui serait, lui aussi, nou- veau. L'existence que j'ai déjà signalée de deux formes de proglottis dans l'intestin du même Varan vient encore à l'appui de cette inter- prétation. Néanmoins je laisserai la chose douteuse jusqu'à plus ample informé. Station : riulcstiii du Varmi à deux /jandcs,dQ^ Moluques. / 3 ' . . 2. DITIUEIISIA ELEGANS. E. P. Longueur des colonies, 22 centimètres environ ; leur plus grande largeur, 2 millimètres environ ; longueur des anneaux dans celles région, environ 2 millimètres et demi à 3 millimètres; les plus grands anneaux ne dépassent pas cette longueur. 1 PI. XVI, liu-. 1.' DESCRIPION D'UN GENRE NOUVEAU DE CESTOIDES. Ml On voit par ces dimensions que les colonies de cette espèce sont beaucoup plus grêles en même temps que plus courtes que celles de l'espèce précédente avec laquelle elle contraste très-nettement. Dans la Duthiersia elegans les proglottis sont fort peu épais, translucides, et il est très-facile d'observer par transparence tous les détails de leur structure. Au contraire, ceux de la Duthiersia expansa sont épais et tout à fait opaques. De plus, les proportions longitudinale et transver- sale ne sont plus du tout les mêmes dans les deux espèces. Ici la lon- gueur des proglottis est relativement beaucoup plus grande, de telle façon que déjà, à moins de G centimètres du scolex, les anneaux pa- raissent carrés et ne tardent pas à prendre la forme de rectangles allongés dans le sens du ruban. Ici aussi la forme un peu trapézoïdale que nous avons indiquée dans l'espèce précédente pour les proglottis est beaucoup moins marquée, et chacun d'eux empiète beaucoup moins sur le suivant. A 1 centimètre en arrière du scolex, la largeur du ruban dépasse déjà 1 millimètre ; immédiatement en arrière, on peut l'évaluer à un demi-millimètre environ. On voit que les dimensions varient dans des limites assez restreintes d'un bout à l'autre de la colonie. Les stries qui doivent limiter les futurs proglottis sont déjà nette- ment distinctes à 2 millimètres en arrière du proglottis, et l'on voit dans la région qui en est dépourvue l'appareil vasculairo se diriger vers la cloison qui sépare en deux les bothrydies. A 1 centimètre et demi en arrière du scolex, la longueur des proglottis, larges del milli- mètre et demi, est déjà exactement d'un tiers de millimètre. La plus grande largeur du scolex ^ est de 4 millimètres, sa hau- teur dans la région de la cloison étant de 1 millimètre et demi. Le plus grand diamètre est distant de 1 millimètre à peu près du sommet de la cloison ; d'où il suit que dans cette espèce l'éventail formé par les bothrj'dies est beaucoup plus saillant que dans la précédente ; de plus, le secteur circulaire dont il a la forme générale est lui-même beaucoup plus ouvert, les deux rayons qui le limitent faisant entre eux un angle au moins égal à 120 degrés ; de plus, ces rayons sont ici légèrement convexes. L'orifice inférieur o des bothrydies n'est pas situé sur le ruban lui- même comme chez la Duthiersia expansa. Il se trouve à la base des bothrydies, qui est ici comme tronquée, et un petit espace [)lein le » PI. XVI, liff. «. 362 EDMOND l'HUKlKH. sépare du nihan colonial. L'examen eoniparalii' des ligures l el G de la planche XVIT fera d'ailleurs ressortir plus neltement ces difte- rences. J'ajouterai que la surface des bothrydies est traversée dans cette espèce par des lignes transversales plus transparentes, quelquefois bifurquées, un peu sinueuses et qui paraissent n'avoir d'ailleurs aucun rapport avec l'appareil vasculaire. Station : l'intestin du Varan du Nil. L'individu qui a rendu les échan- tillons de Duf/iiersia que nous venons de décrire était originaire du Sénégal. EXPLICATION DE LA PLANCHE XVI. FiG. 1. Duthiersia expansa E. P. Scolex et partie antérieure de la colonie un peu grossie, (r), cloison séparant les deux bothcydies; (o), orifice inférieur de ces dernières. FiG. 2. La même. Les bothrydies sont vues de côté; l'une d'elles est ouverte pour laisser voir la soie s qui la traverse et vient sortir par l'orifice o. FiG. 3, a et b. La même. Les bothrydies sont coupées perpendiculairement à l'axe du ruban colonial, de manière h bien montrer lem" cavité 6; (o), orifice inférieur des bothrydies. FiG. 4. On fragment («) de l'intestin du Varan à deux bandes montrant trois Du- thiersia expansa [v) fixées par leurs bothrydies sur la muqueuse. FiG. 5. Scolex de nature douteuse trouvé avec les Dufhîersia et (pii appartient peut- être à MU cestoïde tout différent. FiG. ti. Dnlhiersia clegans. E. P. Un scolex et les premiers anneaux de la colonie; (c), cloison qui sépare les deux bothrydies; (o), leur orifice inférieur; (5), soie qui, ayant traversé la cavité de la bolhrydie, sort par son orifice inférieur. . OBSERVATIONS. SDR LE DIDINIUM NASUTUM • ( STEIN ) {70BXICELLÀ NASUTA, O.-F. JliJLLER) PAR E.-G. BALBIANI. Dans les recherches relatives h l'organisation des animaux, il n'est pas rare que certaines questions restées longtemps dans la science comme des sujets de controverse se trouvent tout à coup éclairées, sinon définitivement résolues, par la rencontre fortuite d'une espèce où l'observation des faits en litige se présente avec un plus grand ca- ractère d'évidence que chez ses congénères du même groupe zoolo- gique. L'animal dont je me propose de faire ici l'histoire me paraît jouer à l'égard des Infusoires le rôle d'un de ces types privilégiés. Si son étude ne nous ramène pas aux vues de M. Ehrenberg, qui consi- dérait ces êtres comme des orgcmismes complets, c'est-à-dire doués d'une structure non moins compliquée que celle des animaux les plus élevés dans la série, elle nous prouve qu'ils ne présentent pas non plus l'excessive simplicité que beaucoup d'auteurs actuels leur attribuent. Elle tranche surtout l'une des questions les plus débattues de l'organisation des Infusoires, en montrant que certaines espèces possèdent une cavité digestive complètement distincte de ce que l'on a nommé le ])arenchijme du corps chez ces animaux. Mais n'antici- pons pas sur les conclusions de notre travail et faisons d'abord con- naître au lecteur l'animalcule sur lequel ont porté nos observations. L'Infusoire dont il s'agit n'est pas nouveau dans la science. 11 y est même fort anciennement connu, puisqu'on le trouve déjà décrit et figuré d'une manière parfaitement reconnaissable dans les Animalcula 364 K.-G. BALBIANl. /iifii.sofi'i (roihoii-Frédéric Millier. C'est l'espèce à laquelle le célèbre naluralisle danois a donne le nom de Vorficella nasuta et dont il pré- sente la diagnose dans les termes suiAants : VorticeUn cf//indracm, cra- Ic/'/'s )/i.erl/'(j niKcrone prominenteK MuWqv la qualifiait déjà de aiiùnui- ctilum ùitcr inirabiUora, bien qu'il ne l'eût cjue fort imparfaitement observée. Gomment se serait-il exprimé s'il avait connu toutes les par- ticularités intéressantes de structure que révèle l'étude attentive de notre animalcule? Après Millier, le premier auteur qui en fasse mention est M. Ebren- berg, mais il n'en parle que pour le rapporter, bien qu'avec doute, à sa Vortici'lld convallnria'K Par cette identification des deux espèces, M. Ebrenberg nous donne la meilleure preuve qu'il ne connaissait pas (le visK l'animal décrit par son prédécesseur, car autrement il n'eût pas manqué de reconnaître qu'il avait affaire à une forme parfaite- ment indépendante et qui ne présente guère d'affinité avec un Vorti- l'ellien quelconque. Au contraire, lorsqu'on compare la figure que Mûller donne de sa Vorticdia nasuta avec celle où M. Ebrenberg a représenté, dans son gi'and ouvrage', ce qu'il nomme la forme kéroha- laniemœ [Kerobakmenform) * de la VorticuUa concallaria, on s'explique aisément par la ressemblance qu'elles présentent entre elles comment le savant micrographe de Berlin a pu effectivement croire qu'elles se rapp'ortent à une seule et même espèce. Dujardin, qui ne connaissait également la Vorticella nasuta de Mûller que par l'ouvrage de celui-ci, est toml)é à son égard dans une erreur analogue. Gomme M. Ebrenberg, il la maintient i)armi les Vorticelliens, mais en la rapportant à une autre espèce, V EpistijUs pliratills, dont il la considère comme un individu détaché de son pé- doncule ^ Ge n'est que trois (juarls de siècle environ après O.-F. Mûller que la Vorticella nasuta fut retrouvée de nouveau dans les eaux douces de plusieurs localités de l'Allemagne par M. Stein, pro- ' O.-F. îMui.i.KR, Animahula infHSorut fluvial'ûia et marina, p. 2(îS, pi. XXXVIlj fig. 20-24. llavniii-, 17Sfi. 2 EHREN-i!F,Kr,, Die Infusionslliicre als vollkommene Organismen, p. 274. 183G. 3 Loc. cit., pi. XXVI, fiy. 3, b. *■ On «ail, ([uc, sons le nom tli' Ki'rohalann {Kerofjalanus), Uory-Saiiil-Vinocnl avail rlahli un y-cni'c iioiip lonios les formes (irrivéos des Vorlicelles, c'est-à-dire pour les individus de ce f^roupe d'infusoices qui, ai)i'ès s'être délacliés de leui' pédoneide, Hagcnt librement dans les ean.\ (Mi |U'ésentanl une l'orme soincnl assez dillérenle de cclh^ qu'ils offrent à l'état fixe. ^ UujARDi.N, Histoire naturelle des Infusoircs. 18il, p. o'^i. SUR LE DIDINIUM NASUTUM. HCu fesseiir à l'Université de Prague. En 1859, M. Stein donna dans le Lotos, journal pour les sciences naturelles qui se publie dans cette ville, une bonne diagnose de cette espèce, et en fit, sous le nom de Didinium nos»/»»?, le type d'une division générique nouvelle', qu'il réunit plus tard aux deux genres Urocentnnn et Mesodiniian, pour en composer la septième famille de ses Infusoires péritriches, celle des Cyclodiniens ^. Depuis M. Stein, M, Engelmann est le seul observateur qui, à ma connaissance, ait étudié de nouveau le Didinium, qu'il trouva en abondance aux environs de Leipzig, en 1860 \ J'aurai l'occasion de revenir plus loin sur les observations, d'ailleurs peu étendues, de M. Engelmann. Tels sont les seuls renseignements historiques que j'ai pu recueillir au sujet de notre animalcule. Cette pénurie de documents est loin de répondre à l'ancienneté de l'espèce, connue depuis déjà près d'un siècle dans la science. Elle suffit à prouver que le Didinium n'est pas un Infusoire répandu, et, en effet, nous avons vu qu'il n'a en- core été signalé jusqu'ici que par un très-petit nombre d'observa- teurs. Aux noms de M. Ehrenberg et de Dujardin qui, ainsi que nous 'avons dit plus haut, ne paraissent l'avoir jamais rencontré, nous pouvons ajouter ceux de Claparède, Lachmann, M. Lieberkiihn, qui, dans leurs longues et persévérantes études sur ces animalcules, ne semblent pas non plus avoir eu l'occasion de l'observer. Le Didinium n'a été encore trouvé jusqu'ici qu'aux environs de Copenhague par O.-F. Millier; de Tharand et de Niemegk, en Alle- magne, et de Prague, en Bohème, par M. Stein. M. Engelmann l'a rencontré aussi, comme nous l'avons dit plus haut, auprès de Leipzig. Enfin, moi-môme, depuis 1856, ne l'ai observé que de loin en loin dans diverses localités aux environs de Paris, mais chaque fois en grande abondance. Au mois de juillet 1859, je l'ai trouvé surtout en prodigieuse quantité dans les mares, couvertes de Lemna, qui s'étaient formées au fond du lit, presque entièrement desséché pendant les fortes chaleurs de cette année-là, de la petite rivière de LanqDaul, dans l'île d'Ouessant, près des côtes de Bretagne. 1 Stein, Characteristik neuer Infusorien-Gattungen [Lotos, Zeitschrift fUr Nattir- Wissenschaften, IX Jahry., Jaiiuar 1839, p. 5). 2 Stein, Der Organismiis der Infiisionsthiere, 1807, 2 Ablli., p. 1(18. ■^ Tli.-W. Engelmann, Zur Nalurgeschklite der Infiisionsthiere {/.eitschr. f. iviss. ZouL, 18G-2, t. XI, p. 375). :\m K.-Cr. BALBIAM. Je vais passer actuellemenl à la descriptioii de cette espèce, que je m'eflorc^erai de présenter d'une manière aussi complète que possible, eu passant successivement en revue les dillérents appareils composant l'organisme de cette classe d'animaux. I. — FORME GÉNÉRALE DU CORPS. ORGANES LOCOMOTEURS. Je ne puis mieux dépeindre la l'orme générale du Didlnium qu'en la comparant à celle d'un petit baril arrondi à l'une de ses extrémités et terminé à l'extrémité opposée par une surface à peu près plane, du milieu de laquelle s'élèverait une saillie conique assez prononcée (lig. 1). Cette saillie présente à son sommet une perforation qui n'est autre que la bouche de l'animal {b). Celle-ci, à peine visible dans les conditions ordinaires, est susceptible, connne nous le verrons, de s'ouvrir d'une manière démesurée pour la déglutition des aliments. L'anus étant placé au milieu de la partie postérieure convexe tlu corps (a), c'est- à-dire exactement à l'opposé de la bouche, il s'ensuit que, considéré extérieurement, noire animalcule présente une forme radiaire parfai- tement symétrique, condition assez rarement réalisée, comme on sait, chez les Infusoires, qui sont le plus habituellement des animaux bilatéraux ou môme tout à fait irréguliers, Dujardin, s'il eût connu celte espèce, lui aurait tout naturellement assigné une place dans sa sous-classe des Infusoires symétriques, division d'ailleurs assez mal justiliée, puisque, comme Claparèdc et Lachmann l'ont très-bien fait remarquer, la forme rayounée est toujours plus apparente que réelle chez les Infusoires, attendu que l'on trouve constamment, (i soit dans la position de la bouche, de l'œsophage et de l'anus, soit dans la dis- position de l'appareil circulatoire, des arguments parlant contre la symétrie supposée'. » La justesse de cette observation est rendue parfaitement évidente par le JJidinini/t, où l'on voit l'irrégularité apparaître dès que l'on tient compte de la position de l'organe circulatoire, qui est rejeté sur le côté de la ligne médiane, à la partie postérieure du corps (lig. I, c,t). Enfin, il est un autre appareil qui, chez les Infusoires, échappe aussi toujours à la loi de symétrie : c'est l'organe de la rc^produclion, counnc nous le verrons plus lard en décrivant celui du Didiiiiuiit. 1 Claparède cl L.vCHMANN, Elwles sur les Infusoires et les Hhisopodes, 1858-1839, t. b !'• C". SUR LE DIDINIUM NATUSUM. liCû La longueur totale du corps, chez notre espèce, y compris le pro- longement antérieur en forme de bec, est de Û""",1G à 0'"'",18, et sa largeur de 0"'"",I4 à 0""°,16. Bien que plus gros et plus massif, on peut comparer le Bidiniion, pour la taille, à un Infusoire bien connu et des plus répandus, le Paramecuun aurelia, ce qui n'empêche pas celui-ci, comme nous le verrons, de devenir souvent la proie du premier. Les organes de la locomotion sont représentés par deux rangées de cils vibratiles égaux, assez forts, disposés transversalement autour du corps sous forme de deux ceintures ou couronnes ciliées. L'une d'elles entoure le bord de la surface déprimée qui porte le cône buccal (fig. 1, c), l'autre (c), est placée un peu en arrière du milieu du corps. Sur tout le reste de sa périphérie l'animal est entièrement dégarni de cils, mais sa double ceinture vibratoire lui suffit amplement pour exécuter dans l'eau les évolutions les plus rapides et les plus variées. Non-seulement il nage aussi facilement et aussi volontiers en avant et à reculons, mais la progression dans les deux sens est toujours accom- pagnée d'un mouvement de rotation rapide de l'animal autour de son axe longitudinal, comme cela s'observe aussi chez d'autres Infusoires à corps cyUndrique. Les deux rangées de cils agissent toujours de concert pendant la locomotion, et c'est la direction que l'animal leur donne qui détermine le sens dans lequel il veut se mouvoir. Dans la progression en avant, tous les cils sont dirigés vers la partie antérieure du corps (fig. 2) ; ils se renversent au contraire en arrière lorsqu'il nage à reculons (fig. 3). L'Infusoire sillonne ainsi rapidement et pa" saccades tout le champ visuel; de temps en temps il s'arrête brusque- ment, tout en continuant à tourner rapidement sur place autour de son axe, mouvement pendant laquel les deux ceintures ciliées battent l'eau en sens contraire, l'antérieure étant renversée en avant, tandis que la postérieure est dirigée en arrière (fig. 4). Il en résulte que les effets de ces petits appareils locomoteurs se neutralisent à la manière de deux hélices agissant en sens opposé, et que l'animal demeure en place tout en tournant rapidement sur lui-même, tantôt horizontale- ment, tantôt verticalement sur son appendice conique, comme sur un pivot. Nul exemple n'est plus propre à montrer que le mouvement ciliaire chez les Infusoires n'est pas un mouvement involontaire comme celui des cils des cellules vibratiles avec lequel il a souvent été comparé, mais qu'il est parfaitement soumis à la volonté de l'animal, tout 368 E.-G. BALBIANI. comme le mouvement des organes locomoteurs des animaux plus élevés en organisation. Cette extrême mobilité du Didiniam le rend, on le conçoit, très- diflicile à suivre et à observer à l'état vivant. Pour y parvenir, il faut recourir à l'un des moyens usités dans l'étude de cette classe d'ani- maux, c'est-à-dire en le fixant soit à l'aide d'une compression plus ou moins forte, soit par l'évaporation du liquide environnant, ou enfin en faisant agir sur lui diverses substances propres à paralyser ses mouvements. Mais l'inconvénient commun de tous ces moyens, lorsqu'ils ne tuent pas l'animal, est de le déformer plus on moins et d'empêcher ainsi l'accomplissement normal des phénomènes qui se passent à l'intérieur du corps, tels que le jeu de la vésicule contrac- tile, la progression des particules alimentaires ou le mouvement cir- culatoire des globules du parenchyme. Je me suis parfois servi avec avantage, comme moyen contentif chez les Infusoires, d'eau de chaux pure ou plus ou moins affaiblie. Ce liquide se borne, en effet, le plus souvent, à exercer son action sur les cils vibratiles, qu'il dissout en respectant la cuticule ou enveloppe générale du corps, et sans péné- trer par conséquent dans la substance propre de l'animal, ce qui aurait pour résultat immédiat la mort de celui-ci. Je décrirai plus loin plusieurs phénomènes intéressants que l'on peut étudier à l'aide de ce procédé et qui continuent à s'accomplir avec toute leur régu- larité physiologique. 11. — SYSTÈME TÉGUMENTAIRE. PARENCHYME. Le tégument extérieur du corps, chez le Didiitium, est formé, comme chez tous les Infusoires, par la membrane sans structure à laquelle M. Ferdinand Cohn a jadis donné le nom de cuticule^ Sur le vivant, cette cuticule s'applique étroitement à la surface du paren- chyme, mais laisse néanmoins distinguer sans peine un double contour lors(ju'on soumet l'animal à une compression modérée. Sous l'action de l'aiùde acétique, de l'iode, tous deux en solution très-faible, et gé- néralement de tous les réactifs qui déterminent la contraction du pa- renchyme, celui-ci se retire de la lace interne de la cuticule, qui ■reste alors comme une vésicule isolée et transparente, analogue à une membrane de cellule entourant à distance le contenu rétracté (fig. 5, ' (JuHN, Ueber die Cuticula der Infusoricn (/.atsclir. f. iviss /ooL, Iî^j'i, I. V, SUR LE DIDINIUM NASUTUM. 369 ci(). On reconnaît alors facilement que l'enveloppe externe se rélléchit à travers l'ouverture buccale sous la forme d'un tube qui s'enfonce dans l'intérieur du parenchyme. Ce tube n'est autre que la paroi interne du pharynx. Nous nous en occuperons bientôt en décrivant l'appareil digestif. Souvent aussi, dans les mêmes circonstances, on remarque que la cuticule est soulevée partout, sauf dans un point circonscrit de la région postérieure du corps correspondant à l'ou- verture anale, oîi elle continue à rester adhérente au parenchyme (fig. 5, a). Nous verrons plus loin que cette adhérence peut aussi être invoquée comme l'indice d'un prolongement du tégument extérieur à travers l'ouverture précédente pour constituer la fm d'un canal intestinal. Examinée soit à l'état frais, soit après avoir été soumise à l'action de divers réactifs, la cuticule se présente comme une membrane par- faitement hyaline et homogène, où l'on n'aperçoit ni les fines stries entre-croisees interceptant de petits champs rhomboïdaux, ni l'appa- rence simplement chagrinée qu'elle présente chez beaucoup d'infu- soires, et qui est produite soit par l'implantation des cils vibratiles, soit par l'empreinte des extrémités des organes en forme de bâton- nets logés dans l'épaisseur de la paroi du corps chez plusieurs espèces {Paramecium, etc.). Ces corpuscules bacillaires manquent totalement chez le Didiniuni, et s'ils ont réellement la signification, qui leur est attribuée par Allman et plusieurs autres observateurs, de représenter des organes urticants ou trichocystes ', ils sont remplacés dans cet usage, chez notre espèce, par d'autres éléments dépendant de l'ap- pareil digestif et qui jouent, comme nous le verrons plus loin, un rôle important dans la préhension des aliments. Au-dessous de la cuticule nous trouvons la substance propre du corps ou le parenchi/inc, suivant l'expression généralement en honneur au- jourd'hui et qui a presque universellement détrôné celle de sarcode, proposée autrefois par Dujardin pour désigner la substance glutineuse qui compose presque entièrement le corps dos Infusoires. Cependant ce mot de parenchyme qu'emploient indistinctement les partisans de la théorie de l'unicellularité de ces animaux, comme ceux qui admettent leur complexité histologique, a peut-être plus d'inconvé- nients encore, et c'est avec juste raison que M. Ferdinand Cohn a fait 1 M. Stein les considère, avec plus de raison pcnl-être, comme des organes du tact [Tastkorperclien). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. 11. 1873. 24 370 E.-G. BALBIÂNI. la critique de cette expression appliquée aux Infusoires K En effet, ce mot qui, dans la terminologie anatomique des végétaux et des animaux supérieurs, désigne un tissu composé de cellules, trans- porté aux Infusoires, implique une contradiction de la part de ceux qui les assimilent à des cellules simples, ou préjuge, employé par les partisans de la doctrine opposée, un fait qui est encore loin d'être hors de toute contestation. Aussi, plusieurs des meilleures auto- rités dans les questions qui touchent à l'organisation de ces. animal- cules, et parmi eux M. Oscar Schmidt, préfèrent le mot de sarcode, tout décrié qu'il est, pour désigner la substance propre de ces êtres. M. Schmidt ne s'arrête même pas li\, et, sous le nom de sarcode figuré {f/ff. H!i:i). SUR LE DIDIXIUM NASUTUM. 371 sence de cette fortune du sarcode figuré, on peut se demander s'il n'est pas juste et logique de restituer à son prototype, le sarcode tout court, les droits dont il a été dépossédé dans la science, provisoire- ment du moins et tant qu'on n'aura pas démontré la structure cel- lulaire des Infusoires et de beaucoup d'autres organismes inférieurs. Revenons maintenant à notre animalcule pour en poursuivre l'étude anatomique. Le sarcode ou, pour parler avec l'école moderne, le parenchyme du Didinium ne laisse pas bien reconnaître les deux parties que M. Cohn le premier, a distinguées d'une manière si évidente chez d'autres Infu- soires, savoir : une couche externe ou corticale {Rùidenschicht), que M. Cohn compare, pour la consistance, à une gelée élastique, et une . masse centrale, qui a reçu des dénominations diverses : parenchyme intérieur {Innenparenclujiit de MM. Cohn et Stein), chyme (Clapa- rède et Lachmann), etc. Chez le Didinium, cette substance centrale paraît former à elle seule toute la masse du corps, ou si la couche corticale y est également représentée, elle est, dans tous les cas, d'une minceur extrême, car les globules en rotation dans le parenchyme paraissent se mouvoir presque au contact de la face interne du tégu- ment extérieur. Notons aussi l'absence des bandes superficielles parallèles, ou fibres musculaires sarcodiques, dont il a été question un peu plus haut et qui, nulle part, n'atteignent un développement plus prononcé que chez les Infusoires auxquels M. Stein a donné le nom de niétaboliques (Stentors, Spirostomes, etc.). Toutefois, il ne faudrait pas en inférer que le Didinium est dépourvu de toute contractilité. S'il ne subit pas ces changements de forme brusques et instantanés qui constituent un caractère si remarquable des espèces précédentes, il n'en exécute pas moins des contractions énergiques qui se mani- festent principalement pendant l'ingestion et l'égestion des aliments comme nous aurons l'occasion de le décrire plus loin. Le siège de ces contractions ne peut évidemment être autre que la couche superfi- cielle du parenchyme, couche qui, dans notre espèce, présente une apparence complètement homogène ou ne renferme que ces gra- nulations protéiques fines qu'on y observe chez tous les Infusoires. -^^ Le phénomène physiologique, à notre avis, le plus intéressant que présente le parenchyme interne du Didinium, est le mouvement incessant qui entraîne toute sa masse, la substance fondamentale homogène aussi bien que les corpuscules qu'elle tient en suspension, dans une rotation continue à l'intérieur du corps. Ce sont particu- :n2 K.-G. BALBIANI. librement les gros granules colorés en briin qui, emportés par le conranl, en marquent le mieux le sens et la direction. C'est là un phé- nomène tout à fait comparable à l'observation classique de la circu- lation des granules de chlorophylle chez le Parameciuin bursaria, seu- lement le circuit que ceux-ci parcourent à l'intérieur du corps n'est pas le même que chez le Didinùun. Voici quel est, d'après la description de M. Stein, dont je puis garantir l'exactitude, le chemin que suivent ces corpuscules chez le Ptiramecium hursaria : ceux-ci montent d'abord le long du bord gauche convexe du corps, puis, arrivés à l'extrémité antérieure, passent du côté droit et redescendent le long du bord correspon- dant pour se diriger de nouveau à gauche et recommencer leur mouvement ascensionnel '. Chez le DuUaiuin, le courant n'est pas ascendant sur un des côtés du corps et descendant sur le côté op- posé , comme dans l'espèce précédente : il monte au contraire sous la forme d'une seule nappe liquide continue sur toute la paroi interne du corps (fig. 1) ^ puis, après avoir atteint la partie anté- rieure, s'iniléchit de tous les points de la périphérie vers la ligne médiane, le long de laquelle il redescend jusqu'à l'extrémité posté- rieure, où il s'incurve de nouveau en dehors pour recommencer son mouvement ascensionnel le long de la paroi du corps, comme il vient d'être dit. Il résulte de cette description que le circuit se com- pose réellement de deux courants inverses et pour ainsi dire em- boîtés l'un dans l'autre, le courant montant enveloppant le courant descendant. Quant à la raison physiologique de ce mode de circulation orî s'en rend parfaitement compte lorsqu'on étudie la disposition de l'appareil digestif du Didiniuin. Nous verrons en ciOfet plus loin qu'il existe indubitablement, chez cet InfusoLi'e , un canal alimentaire dirigé suivant l'axe longitudinal du corps. Or, u*est-il pas très-pré- sumable dès lors que le courant descendant qui> comme nous venons de le voir, suit la direction de cet axe^ a pour but de balaj^er inces- samment la surface externe du tube digestif et d'en enlever les liquides nutritifs à mesure qu'ils passent par ^endosmose à travers- les parois de ce tube et de les entraîner dans l'intérieur du parenchyme ? Si cette explication est fondée, il faudrait voir dans 1 Stein, Die Infusiunsthiere ouf ihre EnlwkkplungsQe.'ichichte lititersucht, 18o4, p. 241. - Dans celte ligure, la ilirecliou des petites ileciies iucUqioe le sefis du courant. SUR LE DIDIXIUM NÂSUTUM. 373 la masse circulante du Didinium l'analogue, anatomiquement et phy- ^iologiquement, du liquide cavitaire d'un grand nombre d'autres invertébrés, et la rotation dont elle est le siège serait entièrement assimilable à la circulation de ce dernier liquide chez les Coralliaires ou les Bryozoaires par exemple. Nous reviendrons plus loin sur cette comparaison. Mais si, chez ces derniers animaux, les agents moteurs de ce mou- vement circulatoire sont bien connus, puisque nous savons qu'ils sont t^onstituès par les cils vibratiles tapissant la face interne de la cavité générale, chez les Infusoires, au contraire, où la présence de sem- blables cils n'a jamais été constatée, nous ignorons encore complè- tement le mécanisme de ce mouvement. M. Stein veut en trouver l'explication chez le Parmaechun bur- mria dans le courant alimentaire {NahriiruisAtrohin) provoqué par l'agitation des cils vibratiles placés à l'entour de la bouche, courant qui, en se transmettant au parenchyme renfermé à l'intérieur du corps, entraînerait celui-ci dans une rotation régulière continue '. Pour M. Kolliker, au contraire, qui est, comme on sait, avec MM. de Siebold et Stein, un des principaux représentants de la théorie de l'unicellularité des Infusoires, la circulation intérieure de ces animalcules serait un pur phénomène de vitalité cellulaire entiè- rement assimilable à la rotation du plasma dans la cellule d'une Characée, par exemple. Cette opinion , à laquelle s'étaient aussi arrêtés jadis les premiers observateurs du phénomène que nous dé- crivons, acquit surtout du crédit lorsque M. Cohn eut signalé l'iden- tité de composition chimique des globules circulants du Parainecùan bursaria avec les grains de chlorophylle des cellules végétales -. Mentionnons encore ici, pour mémoire, l'opinion de M. Carter qui attribue le mouvement circulaire du parenchyme à des cellules vibra- tiles tapissant la cavité digestive, cellules dont nous venons de dire que l'observation n'avait encore pu montrer aucune trace, mais que l'auteur anglais admet simplement par analogie avec celles qui existent dans le canal digestif des Turbellariés, oii, comme on sait, ils déterminent par leurs mouvements des courants dans la masse alimentaire contenue '. 1 Stein, Der Organismus der Infusionsthiere, lSo9, I Abtli., p. 57. 2 GoHN, Zur Anatomie und Entwicklungsgeschichte voit Loxodos bursaria {Zeitschr . f. iviss.ZooL, 1851, t. III, p. 260). '^ Carter, Notes on the freshwater Infvsorki of the Island of Bomha;]{Ann. of nat- Hist., 185G, 2^ SL-rie, t. XVIIL p. 113;. 374 E -^T. BALBIANI. Aux explications proposées par M^\. Stein et Carter, ainsi qu'à toutes celles qui placent dans la cavité digestivc la cause du phénomène que nous étudions, on peut objecter qu'elles ne sauraient s'appliquer indistinctement à tous les Infusoires, notamment à l'espèce qui fait l'objet de ces observations. Contre les courants alimentaires de M. Stein s'élève cette circonstance, que notre animal ne se nourrit que d'une manière intermittente, et que, hors des moments oii il prend ses aliments, la bouche, entièrement close, ne laisse rien péné- trer du dehors, tandis que, au contraire, la rotation du parenchyme se fait d'une manière parfaitement continue et régulière. En outre, ainsi que nous le verrons plus loin, tout démontre que chez le Di- diniiun la cavité digestive est entièrement séparée de la cavité géné- rale et sans communication ouverte avec celle-ci. Pour la même raison, l'action attribuée à de prétendus cils vibratiles, en supposant qu'il en existe dans la cavité digestive, ne saurait expliquer la rota- tion du liquide placé dans la cavité générale. Concluons donc que, dans l'état actuel de nos connaissances, la cause de cette singulière circulation des Infusoires nous échappe aussi complètement que celle de la rotation du liquide intracellulaire des végétaux, avec laquelle on l'a souvent comparée, sans que l'on puisse dire toutefois qu'il s'agisse là de phénomènes du même ordre et reconnaissant une cause identique. IlL — APPAREIL CIRCULATOIRE. Une circulation d'un autre genre que celle que nous venons d'examiner est le mouvement du liquide clair et limpide renfermé dans l'organe connu sous le nom de vri^iculc contractile. On sait d'ail- leurs ce qu'il faut entendre par ce mot de circHtation appliqué aux Infusoires, à savoir: un sinq:)le va-et-vient de ce liquide, qui tantùt'est chassé par la contraction de la vésicule dans l'intérieur du paren- chyme, tantôt reflue de celui-ci vers le réservoir central au moment de sa dilatation. Chez un petit nombre d'espèces on voit bien appa- raître, pendant la systole, à l'entour de la vésicule, un système de canaux clairs, semblables à des vaisseaux disposés radiairement au- Inui' d'une espèce de cu'ur ou orgunc d'impulsion central, mais il n'y a encore rien là qui rapi)elle lui appareil circulatoire jiroprement dit. On comprend d'ailleurs (|ue dans cette étude monographique je ne puisse ni'arrèter à examiner successivement, à propos d'une seule espèce, toutes les questions encore pendantes se rattachant à l'histoire SUR LE DIDINIUM NASUTUM. 37S de cette circulation chez les Infusoires, d'autant que le Didinium ne constitue pas un objet favorable à cette étude, à raison du peu de transparence de son parenchyme, obscurci encore par les nom- breux granules et globules qui en farcissent toute la masse. Je m'ar- rêterai seulement quelque peu sur le singulier mode de contraction de l'organe central de la circulation, qui rappelle un phénomène ana- logue découvert pour la première fois par M. de Siebold ' chez le Trachelius lamella et quelques autres espèces, puis décrit aussi depuis, bien que d'une manière assez contradictoire, par plusieurs autres observateurs, tels que Claparède et Lachmanu-, ^VSl. Stein ^, Wrzes- niowsky *, Greef "% etc. Voici en quoi consiste ce phénomène : lorsque la vésicule contrac- tile, dont j'ai déjà indiqué 'plus haut la situation à la 'partie posté- rieure du corps, tout auprès de l'anus (fig. 1 et suiv. u.c.), lorsque cette vésicule, disons-nous, est arrivée à la fin de sa diastole, elle se présente comme une grande cavité simple régulièrement sphérique. Dès que la systole commence, on voit apparaître sur son pourtour cinq ou six vésicules plus petites, limpides et transparentes, sem- blables à une rangée circulaire de petites perles. Ces vésicules périphériques s'agrandissent dans les mêmes proportions que la vésicule centrale diminue de volume, puis elles s'ouvrent succes- sivement les unes dans les autres par l'éclatement des cloisons sar- codiques qui les séparaient primitivement (fig. 6,7, 11, u.c.), et finissent par ne plus constituer qu'une seule grande vésicule simple, laquelle prend la place de la vésicule principale disparue. Il en résulte qu'à chacune des révolutions de l'organe central de la circulation, une vésicule nouvelle se reforme à la place même oii l'ancienne a disparu, par la coalescence des petites ampoules nées à la périphérie de cette dernière pendant qu'elle se contractait. Ce jeu de l'appareil circulatoire du Didinium rappelle beaucoup la disposition que M. Stein a signalée chez plusieurs Infusoires et dé- crite sous le nom de rosettenfonnige Kanahysfetn. Toutefois, il convient de faire remarquer que pour le bien mettre en évidence, il est né- 1 Siebold, Lehrhuchder vcrgleichenden Anatomie. 18'*S, p. ^2[. - Claparède et Lachmann, loc. cit., p. 5:2. 3 Stein, Der Organismus der Infasionslliiere, I Abtli., 1839, p. 88. * Wrzesmowsky, Ein Beitrag ziu' Anatomie der Infusurien (Schultze's Archiv, 1809, t. V, p. 25). 3 R. Greef, Unlersuclmngen Uber den Bau iind die Naiurgeschichte der VvrliceUen Archiv fiir Naturgeschichte, 1871, t. XXXVII, p. 185). :}7fi E.-G. BÂLBIANL ccssairc de soumettre l'animal à une compression plus ou moins forte, de sorte qu'il est permis de se demander si l'on a bien sous les yeux un phénomène parfaitement normal. On sait, en effet, par les recherches de M. Lieberkiihn et d'autres observateurs, combien l'image de la circulation est sujette à varier chez les Infusoires, suivant le degré de compression auquel le corps est soumis. J'ajouterai que M. Wrzcsniowsky décrit d'une manière fort analogue à celle qui a été présentée plus haut, les phénomènes que montre pendant sa contrac- tion l'organe circulatoire central de VEnchehjodon farctus, ûuTra- chelophyUum apiculatwn et de divers autres Infusoires ^ Quant au canal qui, suivant M. Stein, mettrait la vésicule contrac- tile en rapport avec l'ouverture anale, chez quelques espèces, et qui servirait à évacuer au dehors tout ou partie du liquide pendant la contraction de cette vésicule, je n'ai rien vu do semblable chez le Didinium. Cependant, si j'en juge par analogie avec ce que j'ai pu observer chez d'autres espèces, où j'ai distinctement aperçu et repré- senté autrefois- l'orifice, signalé d'abord par M. 0. Schmidt, par le- quel la vésicule contractile communique avec le dehors, je suis tout disposé à admettre une communication du môme genre chez le Didi- nnim. On sail que c'est sur la présence do ces orifices, dont l'existence no peut être mise en doute chez un grand nombre d'Infusoires, que se fondent avec raison ceux qui veulent voir dans l'appareil circula- toire de ces animaux un système jl'irrigation aqueuse plutôt que quelque chose de plus ou moins analogue au cœur et aux vaisseaux des animaux supérieurs. IV. — ArrAREIL DIGESTIF. Parmi tous les faits quo le Didiniinn présente à notre observation, les plus intéressants sans contredit sont ceux qui concernent l'histoire anatomicpie et physiologicpie de l'appareil digestif. J'ai déjà parlé de la situation relative des ouvertures l)uccale et anale, placées aux deux extrémités du corps. Hors dos moments où l'animal mange, la bouche est complètement close ou n'apparaît au ' W'ilZKSNIOWSKY, ?ÛC. Cl7., p. 32. 2 liAiiîiAM, Etudes sur la reproduction des Protozoaires, pi. III, ficf. I-IO, v [Joiir- tial (tria pin/siol. de l'homme et des animau.r, publiô par BriowN-SÉnuAiiu, I.SCO, I. III, |i. 71;. — liecherches sur les phénonicurs sexuels des Infusoires (m(''itR' recueil, ]S(il, I. IV, \K /i87), pi. VU, fi^-. MO : pi. IX, (1^. 18, v). SUR LE DIDINIUM NASUTUM. 377 plus que comme une très-petite ouverture, à peine visible, au sommet du prolongement conique qui termine antérieurement le corps ((ig. 1, h). Par une compression ménagée, on peut la faire s'entr'ou- vrir plus ou moins, mais c'est surtout quand l'animal s'apprête à engloutir la proie qu'il vient de saisir que l'on peut se former une idée de l'extrême dilatabilité dont l'orifice buccal est susceptible. L'appendice en forme de bec ou de nez qui a valu à notre animal le nom spécifique qui lui a été donné par O.-F. Millier, est un organe de déglutition comparable à ce que l'on a nommé le pharynx ou Vœ- sujihage chez d'autres Infusoires (fig. 1, ph). Il contraste par son aspect clair et sa transparence avec la teinte brunâtre et l'opacité du reste du corps, car les globules du parenchyme, qui sont la principale cause de cette coloration foncée et de cette opacité, n'y pénètrent jamais. On aperçoit d'une manière très-évidente dans le pharynx une striation longitudinale, plus marquée vers l'axe de l'organe que sur les côtés, et qui rappelle une apparence analogue que l'on observe dans l'œsophage de plusieurs Infusoires, notamment les Nassula et les Chilodon. Mais tandis que chez ces derniers elle est produite par de simples épaississements ou indurations de la cuticule interne de ce canal, constituant ce que M. Ehrenberg a désigné sous le nom d'«yj- pareil dentaire chez ces espèces, les stries pharyngiennes du Didinium sont au contraire formées par de véritables baguettes solides, d'une ténuité extrême, indépendantes de la paroi et disposées en un fais- ceau longitudinal. C'est ce dont on peut facilement s'assurer en sou- mettant l'animal à une compression graduée. Au début, on voit d'abord les baguettes perdre leur disposition irrégulière, s'écarter les unes des autres, soit isolément, soit en formant des faisceaux secon- daires plus ou moins gros, qui s'entre-croisent ou s'entrelacent diver- sement. Puis, la pression augmentant, une partie s'échappe par l'ouverture buccale et vient flotter dans le liquide environnant, tandis qu'une autre partie s'enfonce plus ou moins profondément dans le pa- renchyme du corps. Un fait analogue se produit aussi parfois lorsqu'on fait agir sur l'animal une solution d'iode, d'alcool ou d'acide acétique : un plus ou moins grand nombre de ces baguettes s'échappent alors, semblables ;\ de petites flèches, par l'ouverture buccale, tandis que d'autres ne deviennent libres que par leur extrémité antérieure et demeurent plus ou moins engagées dans le tube pharyngien par le reste de leur étendue. Après avoir isolé de la sorte ces cléments, on reconnaît que ce sont 378 E.-G. BÂLBIÂNI. des corpuscules fusiformes flexibles, de longueur variable et d'une apparence presque cristalline, rappelant celle des rhaphides végétales. Quant à leur signification, il faut, pour la reconnaître, observer le DkUninm au moment où il donne la chasse aux animalcules en com- pagnie desquels il se trouve, dans le but de s'en nourrir. L'on con- state alors que ces organes, bien qu'ils ne soient pas logés dans des cellules à l'intérieur du corps, remplissent un usage complètement analogue à celui des filaments urticants des Polypes et des Méduses, c'est-à-dire sont des armes propres à attaquer et à tuer la proie vivante dont le Didinium l'ait exclusivement sa nourriture. C'est ce que nous montrerons tout à l'heure en parlant du mode de préhen- sion des aliments. Les corpuscules bacillaires dont il vient d'être question ne sont pas les seuls organes logés dans l'intérieur du pharynx de ce singulier Infusoire. Cet appendice en renferme encore un autre qui est aussi une dépendance de l'appareil digestif et intervient, comme les précé- dents, dans la préhension de la nourriture. Mais comme il n'est visible qu'au moment où l'animal en fait usage et où il apparaît à l'extérieur, je ne le décrirai également qu'en parlant ci-après du mode d'alimen- tation du Didinium. Nous venons de dire que celui-ci ne se nourrissait que d'une proie vivante; c'est en effet un des Infusoircs carnassiers les plus voraces de nos eaux douces stagnantes. Non-seulement il attaque et dévore des animaux presque aussi gros que lui-même, mais il s'en prend souvent à des individus de sa propre espèce. J'ai remarqué que ce sont toujours des Tnfusoires, jamais des Rotateurs, si abondants que soient ceux-ci dans les eaux où vit le Didinitiut, que celui-ci recherche pour son alimentation. Il paraît même avoir une prédilection niar- quée pour certaines espèces : c'est ainsi que le grand et inoflensif Parfiiiii'cium aiindia est presque toujours choisi de préférence parmi les animalcules qui peuplent un même licpiide. Le /^ hnrsuriii devient aussi assez souvent sa proie. Le mode de préhension des aliments présente chez le Didiuiuvi des circonstances intéressantes ({ui n'ont encore été signalées chez aucun Infusoire. J'avais souvent été surpris, dans mes premières observations, de voii' les animalcules près desquels il ]);issait sans les toucher s'arrêter tout à coup connue brus(|uement paralysés, })uis notre carnassier s'en api)rocher et s'en saisir facilement. Une observation plus atten- SUR LE DIDINIUM NÂSUTUM. 379 tive des manœuvres du Didiniumme donna bientôt le mot de l'énigme. Lorsque, tout en tournoyant rapidement dans les eaux, celui-ci se trouve à proximité d'un animalcule, une Paramécie, par exemple, dont il veut faire sa proie, il commence par décocher contre elle une partie des corpuscules bacillaires qui forment son armature pharyn- gienne. Aussitôt la Paramécie cesse de nager et ne bat plus que fai- blement l'eau de ses cils vibratilcs ; tout autour d'elle on voit épars les traits qui ont servi à la frapper (flg. 6, f.n.). Son ennemi alors s'approche et fait rapidement saillir hors de sa bouche un organe en forme de langue, relativement long et semblable à une baguette cy- lindrique transparente, qu'il fixe par son extrémité libre élargie sur un point du corps de la Paramécie (fig. 6, /). Celle-ci est alors gra- duellement attirée, par le retrait de cette langue, vers l'ouverture buccale du Didiniurn, laquelle s'ouvre largement en prenant la forme d'un vaste entonnoir dans lequel s'engloutit la proie. A mesure que celle-ci pénètre dans l'intérieur du corps, on voit se former en avant d'elle un espace triangulaire clair, comme si le pa- renchyme s'écartait de lui-même pour lui livrer passage (fig. 7, i). Cet espace n'est évidemment autre chose que lai traduction d'un canal, dont les parois, d'abord en contact l'une avec l'autre,- s'écartent suc- cessivement sous l'influence de la pression exercée par la masse ali- mentaire, puis s'appliquent étroitement à la surface de celle-ci. La minceur de ces parois, le peu de différence de leur pouvoir réfrin- gent avec celui du parenchyme adjacent sont probablement les rai- sons qui empêchent de les apercevoir sous la forme d'une ligne plus ou moins déliée délimitant la masse alimentaire de la substance du corps et qui font que cette masse paraît directement plongée dans le parenchyme, au lieu de se montrer à l'intérieur d'une poche jouant le rôle d'une cavité digestive proprement dite. L'animal saisi et avalé pénètre tantôt tout droit, l'une de ses extré- mités en avant, dans le canal alimentaire (fig. 8, P. A. ), et comme sa longueur n'est pas inférieure parfois cà celle de ce canal lui-môme, il en résulte qu'à la fin de l'ingestion il remplit à lui seul toute la cavité digestive depuis la bouche jusqu'à l'anus. D'autres fois, il se reploie sur lui-même au moment de franchir l'ouverture buccale et pénètre dans cet état dans le canal digestif, oîi il se place en travers, mesurant presque toute la largeur du corps du Didinium (fig. 10, P. A.). Avant (le passer outre et de suivre la masse alimentaire dans les modifications ultérieures qu'elle subit à l'intérieur de l'appareil di- 380 li-^- BALBIANI. gestif, il convient do nous aiTcter un instant sur une question impor- tante (le la constitution de cet appareil chez les Infusoires, savoir, celle de l'existence ou de l'absence d'une paroi propre séparant la cavité digcstive de la substance générale du corps. Après ce que j'ai dit plus haut des phénomènes qui accompagnent la progression de la masse alimentaire à l'intérieur du corps, je crois qu'il est difficile de ne pas se prononcer en faveur de la présence d'une paroi limitant la cavité digestive. J'ai en effet signalé plus haut l'espace clair qui se dessine au milieu du parenchyme sur le trajet parcouru par les aliments, espace qu'il n'est guère possible de saisir autrement, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, que comme un canal préformé s'ouvrant successivement au-devant de ceux-ci. Je sais parfaitement que l'on pourrait donner une interprétation tout autre à cette observation en la comparant avec un phénomène bien connu de tous ceux qui ont examiné avec un peu d'attention les Infu- soires : je veux parler du sillon transparent qui apparaît sur le trajet du ])ol alimentaire, chez certaines espèces, au moment où il pénètre de l'œsophage dans l'intérieur du parenchyme. Mais ici, c'est ^toujours en arrière du bol que le sillon clair se forme, par suite de la lenteur que le parenchyme, à raison de sa viscosité, met ;\ revenir sur lui-même après le passage des aliments. Chez le Didinium, au contraire, l'espace transparent précède, comme nous venons de le dire, la masse alimen- taire au lieu de la suivre, et d'ailleurs la lenteur avec laquelle celle-ci progresse, ainsi que la fluidité du parenchyme chez cette espèce, ne laisseraient aucune trace, si peu durable qu'elle fût, de son passage, en supposant qu'elle eût lieu à travers la substance même du corps. J'ajouterai, comme complément de preuve, qu'il arrive quelquefois de voir, pendant la déglutition, le tube digestif s'ouvrir spontanément dans une plus ou moins grande partie de sa longueur, et parfois même jusqu'à l'ouverture anale. Le môme effet est quelquefois produit lorsqu'on tue brusquement l'animal au moyen d'une faible solution d'iode, au moment où la bouche vient de s'ouvrir pour avaler la proie (fig. 11). A l'ajjpui de ces dernières observations, je citerai cette remarque, de Claparède et Lachmann, <( qu'il n'est pas rare, chez certains Infusoires, de voir un canal cylindrique s'ouvrir dans toute sa longueur au moment qui précède l'expulsion des matières excré- mentitielles'. » Ou sait d'ailleurs ([uc ces deux habiles observateurs ' {>L.\PARÈDE ol, Laciim\nn, Eludes sw ks Infusuifcs et les Rhizopodcs, I^'-' i)., p. Hl. SUR LE DIDINIUM NASUTUM. 381 inclinaient lieaucoiip à admettre, chez quelques espèces au moins, l'existence d'une cavité digestive distincte de la substance générale du corps et munie de parois propres, manière de voir qui est dé- tendue aussi par MM. Lieberkiihn, Leydig, Carter, etc. Pour toutes les raisons précédemment exposées nous croyons pou- voir conclure qu'il existe chez le Didiniam un canal alimentaire pré- formé et indépendant, s'étendant sans interruption depuis la bouche jusqu'à l'anus. Quant à la paroi de ce canal, on ne doit probablement pas la saisir comme une membrane particulière, puisqu'aucune ligne de contour n'est visible entre sa lumière et le parenchyme extérieur, mais admettre qu'il y a continuité de substance entre ce parenchyme et la paroi du tube digestif. En d'autres termes, je considère celle-ci comme simplement formée par une couche plus dense du parenchyme général, ainsi que quelques observateurs l'admettent également pour la paroi de la vésicule contractile. Telle est certainement aussi l'idée que Leydig s'est formée de l'intestin des Infusoires, lorsqu'il en parle comme d'une lacune en forme de c aivaI {kcmalartigc Ll'icke) et limitée par un contour qui ne se dilférencie pas comme une ligne particu- lière du parenchyme adjacent'. Ajoutons enfin que, dans ses recher- ches récentes sur la structure des Vorticelles, M. Ilichard Greeff a constaté que la portion canaliculée de l'appareil digestif de ces Infu- soires, que l'on supposait généralement s'arrêter à la partie décrite sous le nom de pharynx ou d'œsophage, pour s'ouvrir ensuite libre- ment dans la cavité du corps, que cette partie, disons-nous, s'éten- dait encore pendant un long trajet dans l'intérieur du corps sous la forme d'un tube arqué muni de parois propres, tube que M. Greeff considère comme le premier vestige d'un intestin chez les Infusoires-. Gril suffit de concevoir un léger perfectionnement à cette disposi' tion, consistant à prolonger le tube intestinal jusqu'à l'ouverture anale, pour réaliser la forme de l'appareil digestif présentée par le Didiniujii. Dans l'intérieur de la cavité alimentaire, la masse alibile formée par la Paramécie subit visiblement l'action des liquides digestifs. Elle se' transforme en une pulpe grisâtre, que la cuticule restée intacte em- pêche de se désagréger. Cette masse se rapproche graduellement de l'extrémité postérieure du corps où se trouve située l'ouverture anale^ 1 Leydig, Lehrbuch der Histologie, 1837, p. 3£9 ut 'AVà. - R. Greeff, Untprsuchungen iiber den Bau und die Nalurgeschkhte der Vorlicellefi (Tuoschel's Archiv, 187], t. XXXVII, p. 183), 382 K--G. BALBIANI. puis, à un moment donné, est expulsée en un seul bloc. D'après mes observations, il ne s'écoule parfois pas plus d'une bcure entre le mo- ment de l'ingestion des aliments et celui de l'expulsion du résidu ex- crémentitiel. Lorsque ce résidu présente un volume considérable, qu'il est constitué, par exemple, comme dans le cas supposé plus liant, par le corps d'une Paramécie, son expulsion par l'anus paraît nécessiter des efforts assez énergiques de la part de l'animal. C'est ce que l'on peut ■ du moins inférer de ce fait que, pendant tout le temps que dure son passag-e à travers l'ouverturcanale, le corps babituellement lisse et bien tendu ûu DàlùuiDii présente un aspect plissé et cbiffonné, produit sans doute par des contractions énergiques destinées à exercer une pres- sion expulsive sur la masse excrémentitielle (fig. 12). Cette déforma- tion persiste encore quelque temps après le rejet de cette masse, puis peu à peu l'extrémité postérieure du corps reprend sa forme réguliè- rement arrondie. Le fait le plus général qui ressort de tout ce qui précède, c'est de nous faire envisager les Infusoires comme des êtres beaucoup moins simples dans leur organisation qu'on ne le suppose presque universel- lement aujourd'hui. En effet, la plupart des naturalistes de notre époque sont encore partisans de la théorie de M. de Siebold,qui assi- mile CCS animaux à des éléments cellulaires simples, théorie dont M. le professeur Stein, par ses travaux importants et nombreux, peut être considéré comme le principal représentant actuel*. Et pourtant, à mesure que l'on a scruté avec plus de soin l'organisation de ces êtres, on a découvert des faits de plus en plus contradictoires avec cette simplicité prétendue. C'est ainsi, pour nous en tenir ici au seul appareil digestif, (pi'après avoir longtemps considéré la présence 1 Rien n'est plus propre h nous monLror à quelle exatj;ératioii en sens contraire lea naturalistes se sont laissé enli-aîncr lians leur réaction contre les idées de M. Eliren- berg, que la difficulté qu'ils épromcnl à se débarrasser des termes surannés de nudeus vl de nucldule qu'ils [lersisIcuL encore à appliquer aux organes reproducteurs des Infusoires, l)iei\ qui> par nos liavaux, remontant déjà h une quinzaine d'années, ''^. nous ayons montré (pie le piTinlcr n'i'lail aufi'c chose (jne l'ciNaire et le second le testicule de ces animaux, interpirtalion sur laquelle tout le monde est d'accord au- iourd'hui. M. Rtein lui-même, considéré ?i juste lilrc connue une des princi])ale3 autorités actuelles sur la conformation anafomiquc des Infusoires, qui admet leur génération sexuelle, et accepte, au moins dans leurs consé(piences les plus générales, nos déterminations, M. Sleiu, disons-nous, par une étrang(! contradiction, continue encore à se servir des ex[)ressions de nucléus et de nucléole pour désigner les organes reproducteurs de ces animaux. SUR LE DIDINIUM NASUTUM. 383 d'une ouverture pour l'ingestion et l'égestion des aliments comme l'apanage d'un petit nombre d'espèces, l'existence d'une bouche et d'un anus est regardée aujourd'hui comme un caractère général de tous les lufusoires '. Puis, Meyeu est venu nous montrer que la por- tion antérieure du canal alimentaire ou l'œsophage existe également chez un grand nombre d'Infusoires, sous la forme d'un tube cylin- drique suspendu dans la cavité du corps et souvent cilié intérieure- ment, comme la cuticule générale dont ce tube n'est qu'un prolonge- ment à l'intérieur du corps*. Plus récemment enfin, MM. Stcin'' et Kôlliker'" se sont assurés que dans certains genres {Plnfjiotoma, Ojjln'ijoseolex, Entodiniam) il existe un prolongement semblable du tégument extérieur à travers l'ouverture anale pour former un court intestin rectum. Mais personne jusqu'ici ne s'est encore avisé de dé- montrer que ces deux portions extrêmes de l'appareil digestif fussent mises en communication par un canal intermédiaire remplissant pro- prement le rôle d'un intestin, et M. Stein a même très-catégorique- ment conclu contre l'existence de ce dernier chez tous les Infusoires^ Or c'est là une affirmation à laquelle les faits donnent un démenti formel, comme nous venons de le voir. Une autre conséquence qui résulte de ce mode de constitution de l'appareil digestif, c'est de donner à la substance générale du corps, ou plutôt à la cavité limitée parla couche externe plus dense de cette sub- stance, la signification d'une véritable cavité périgastrique ou viscérale, analogue à celle de beaucoup d'autres animaux inférieurs. Il est vrai que cette couche externe, ou ce que l'on a nommé la pnrenchijme cor- tical ,xi ^)'^àYini pas chez le Didinùnn, mm plus que chez un grand nom- bre d'autres Infusoires, comme une partie différenciée optiquement du reste, mais il est bien difficile de ne pas lui accorder une existence générale dans l'organisation de ces êtres. C'est ainsi que M. Greeff assure avoir parfaitement constaté chez les Vorticelles, où elle n'avait pas encore été reconnue avant lui, la présence de cette couche externe, qu'il considère comme la paroi du corps, tandis que la cavité 1 II ne s'agit ici, bien entendu, que des Infusoires ciliés, c'est-à-dire coux qui composent la division des Entérodèles de M. Elirenberg'. 2 .Mi:yen , Einige Bemerkungen iiber den Vcrdauungs-Apparal, der Infusorien (MiiLLERS Archiv, 1839, p. 74). 2 Stfjn, De*- Organismus der Infusionsfhiere, 1839, I""*^ partie, p. 83. ^ K()LLiKER, Icônes histiologicœ, ISiU, I'^ partie, ji- lu. 3 « Niemals spannt sich bci den Infusorien zwischen Mund und After ein conti- nuirlicher Darmkanal ans. » [Loc, cil.,\i, 73.) 381 E.-G. B4LBIAN1. limitée par cette couche représente pour lui une cavité gastro-vascu- laire. Nous avons vu, en effet, que M. Greeff a constaté que l'intestin s'y ouvre librement à sa partie postérieure avant d'avoir rejoint l'anus, dont il n'est séparé que par un faible intervalle. C'est dans cette cavité que se trouve la substance lluide en circulation ou le parenchyme interne de MM. Cohn etStein. Chez le Didinium au con- traire, qui présente un intestin parfaitement clos et débouchant au dehors par ses deux extrémités, cette substance interne devient non pas l'équivalent du chyme, comme le voulait Lachmann, mais du liquide cavilaire oupérigastrique d'un grand nombre d'animaux infé- rieurs. 11 n'est pas jusqu'au mouvement circulatoire que présente ce liquide dans un certain nombre d'espèces (Bryozoaires) dont on ne retrouve l'analogue chez quelques Infusoires, tels que le Dkliniwn notamment. Ainsi, tant au point de vue anatomique qu'au point de vue physiologique, il y a analogie complète entre le parenchyme interne et le liquide de la cavité générale des autres animaux. Si nous nous demandons maintenant si l'on est en droit de géné- raliser cette disposition et d'en faire un caractère commun de toute la classe, je répondrai que telle n'est pas ma manière de voir. 11 me pa- raît indubitable que chez un grand nombre d'Infusoires la cavité digestive et la cavité générale sont réellement confondues en une seule ; en un mot, (ju'il y a une véritable cavité gaslro-vasculaire, comme M. Greelf l'admet chez les Yorticelles. C'est là, par exemple, le cas chez le Paramccinm biD'saria, où l'on peut s'assurer de la ma- nière la plus positive que les corpuscules étrangers introduits par la bouche, tels que les petites navicules dont l'animal aime à se nourrir, prennent part au mouvement de rotation de la masse interne et cir- culent pêle-mêle avec les globules de chlorophylle renfermés dans cette masse. C'est ce que M. Stein avait déjà parfaitement reconnu depuis longtemps *. Ce mode d'organisation est môme probablement celui (|ui doit être considéré comme la règle chez les Infusoires, tan- dis que la disposition dont le type nous est offert par le Dài/nium ne constitue qu'une exception assez rare dans la classe "^ Si, pour résumer les diverses modifications que présente l'appareil 1 Stfan, Die Infusionslhiere auf ihre Ent'Mickelungsgeschichle unlersuchl, ISy'i, p. -iil. - PcuL-ûlre l'aul-il ranger aussi parmi jlc;s espèces munies d'un appareil digosLlI' indépendant de la substance du corps le Trachelius ovurn et le Loxodes rostricm, sni- vantles reclierclies di- Claparc'de cl de Liebcrkiilm; mais c'est là un point (|ui demande de nouvelles observations. SUR LE DIDIXIUM NASUTUM. 385 digestif chez les Infusoires, nous jetons un coup d'oeil général sur sa disposition dans l'ensemble de la classe, nous voyons qu'en par- tant des Opalines qui, dénuées d'un orifice pour l'ingestion et l'éges- tion, et, à plus forte raison, d'une cavité alimentaire, ne se nou- rissent que par simple imbibition à travers la substance du corps et nous offrent ainsi le degré d'infériorité le plus marqué auquel les fonctions digestives puissent descendre dans cette classe d'animaux , nous voyons, disons-nous, en nous élevant graduellement vers les types les plus parfaits, l'appareil digestif dans une voie de perfection- nement continu, dû à l'adjonction successive de parties nouvelles. Ce sont d'abord deux ouvertures jouant, l'une le rôle d'une bouche, l'autre d'un anus ; puis, chacune de ces ouvertures se continue avec un tube s'ouvrant librement dans la cavité du corps et représentant un œsophage et un rectum rudimentaires. En dernier lieu, enfin, ap- paraît une partie intermédiaire qui met en communication les deux portions vestibulaire et terminale de l'appareil digestif et remplit les fonctions d'un intestin proprement dit {Didinium), Comme prélude à cette dernière disposition, nous trouvons les Vorticelles, où, d'après les observations précitées de M. 11. Greeff, cet intestin reste incom- plet et se termine avant d'atteindre l'extérieur, en sorte que les ali- ments sont obligés de parcourir un certain trajet dans la cavité du corps avant de sortir par l'ouverture anale. Sans doute, même sous sa forme la plus parfaite, l'appareil diges- tif, chez les Infusoires, est loin de réaliser la description séduisante et compliquée qu'en avait jadis tracée M. Ehrenberg, et nous ne voyons notamment là rien qui rappelle les fameux estomacs multiples dont il avait si libéralement doté ses Polygastriques. Mais si, sans nous ramener aux vues du célèbre micrographe berlinois, les faits consignés dans ce travail peuvent faire prendre de la perfection organique de . ces animalcules une plus haute idée que celle qui prévaut générale- ment aujourd'hui dans la science et qu'ont déjà contribué à ébranler nos recherches sur leur appareil reproducteur et ses modifications aux époques de propagation sexuelle, nous aurons pleinement atteint notre but. V. — \PPAREIL GÉNITAL. REPRODUCTION. Comme tous les Infusoires ciliés, le Didinium se propage tantôt par division spontanée ou fîssiparite, tantôt avec le concours des sexes. Le premier mode de reproduction est, comme cela est l'ordinaire ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — T. II. 1873. 25 38fi K.-G. BALBIANI. dans cette classe (ranimaux, de beaucoiii) le pins répandu, taiidii» que la luulliplicatiou par sexes ne survient que de loin en loin et dans des conditions qu'il est encore difficile d'apprécier dans l'état actuel de nos connaissances. Le premier indice que l'animal va se partager pour donner nais- sance à deux individus nouveaux est l'apparition de deux nouvelles rangées de cils, l'une (fig, 19, d) en arrière de la rangée frontale (f), l'autre (<■/') vers le milieu de l'espace qui sépare l'ancienne rangée postérieure (<•') de l'extrémitc anale du corps. Les cils de nouvelle l'ormation, d'abord petits et grêles, deviennent l'apidemcnt aussi longs et forts que les cils anciens, de sorte que l'animal (lig. 19) paraît alors entouré d'une (juadruple ceinture vihratile qui le fait quelque peu ressembler à la larve d'une Annélide ou de certaines Holothuries. La figure 24, pi. XXXVII, des Animalcida inf'asoria de Muller nous montre précisément un semblable individu au début de la lissiparité et muni de ses quatre rangées de cils vibratiles. Bientôt un léger étranglement circulaire se manifeste an milieu du corps, entre la deuxième rangée (nouvelle) et la troisième rangée (ancienne) de cils vibratiles. Cet étranglement s'avance de plus en plus vers l'axe du corps, qu'il tend ainsi ;\ diviser en deux moitiés sphéroïdales, semblables à celles qui résulteraient d'un lien serrant de plus en plus fortement l'animal vers son milieu (fig. 20). Les deux moitiés finissent ainsi par ne plus tenir ensemble que par un pédicule étroit, qui représente le prolongement pharyngien de l'individu postérieur (fig. 20 et 21, ph') et met par conséquent le pôle oral de celui-ci en communication avec le pôle anal de l'individu anté- rieur. Enfin, ce pédicule lui-môme venant ;\ se rompre, les deux animaux se séparent et vont vivre chacun d'une vie indépendante, mais non sans avoir au préalable récupéré par une formation spé- ciale les organes qui leur nuuKjuent et qui, selon la loi ordinaire- de ce mode de reproduction, sont restés l'apanage de l'une ou de l'autre moitié de l'animal primitif. Je ne m'arrêterai pas sur ces phénomènes de la fissiparité, ([ue j'ai décrits avec détail dans un Iravail antérieur '. Je rapi)ellcrai seulement ce fait intéressant que lie tous les organes de l'ancien individu, l'appareil de la reproduction est le seul (|ui se divise par moitié entre les deux animaux nouveaux 1 Ualdiani, Eludes sur la reproduction des Vrolozouires {Journal de physiologie de Ukown-Skouahi), ISiïO, l III, p. 71). SUR LE DIDINIUM NASUTUM. 387 et que, par un curieux artifice, que j'ai également fait connaître, cette division porte exactement sur chacune de ses parties constituantes, quels que soient leur nombre et leur complication. Mes observations sur la reproduction du Didinium avec le concours des sexes ne sont pas très-étendues, car elles ne concernent guère que le mode d'accouplement, lequel a lieu, comme chez la plupart des Infusoires, par la réunion bouche à bouche des deux individus conjoints, dont les axes se placent dans le prolongement l'un de l'autre, à raison de la situation terminale de l'ouverture buccale. Je n'ai rencontré d'ailleurs, dans un laps de plusieurs années, qu'un fort petit nombre de couples semblables, ce qui ne m'a malheureu- sement pas permis d'étudier les modifications si remarquables que subit l'appareil de la reproduction, pendant l'état d'accouplement, dans cette classe d'animaux. Quant à cet appareil lui-même, il est hors de doute aujourd'hui qu'il est représenté par les organes géné- ralement connus dans la science, depuis M. de Siebold, sous les noms de nucléus et de nucléole^ et que le premier remplit les fondions d'une glande génitale femelle ou ovaire, et le second celles d'une glande génitale mâle ou testicule ^ 1 Le présent travail étant le premier relatif aux Infusoires dont je me sois occupé depuis la publication de la deuxième partie de VOrganisrnus der Infusionslhiere de M. le professeur Stein (1867), on me pardonnera de saisir ici l'occasion, à propos de ce qui est dit ci-dessus de la signification du nucléus et du nucléole, de relever une allégation que l'on trouve à la page 41 de cet ouvrage, et qui n'est rien de moins qu'une accusation formelle portée contre ma bonne foi. M. Stein me reproche d'avoir sciemment dénaturé son opinion sur le rôle de ces corps, en lui faisant dire que le premier, indépendamment de ses fonctions d'organe producteur de germes, pouvait aussi, à l'occasion, donner naissance à des spermatozoïdes qui fécondent ces germes et en font de véritables embryons. « Wenn Balbiani, conclut M. Stein, so bekannte geschichtliche Thatsachen irrig darstellen konnte, so wird er es sich nur selbst zuzuschreiben haben, wenn mau auch gegen manche seiner anderweitigen Angaben Zweifel hegt und ilini nifhl unbodingten Glauben schenkt. » Je ne puis mieux faire, pour répondre à l'accusation renfermée dans le passage que je viens de transcrire, que de mettre sous les yeux du lecteur le passage même de l'ouvrage de M. Stein qui résume sa manière de voir sur le rôle fonctionnel du nucléus etdu nucléole. Après avoir dit que le premier devait être considéré comme l'or gane où se produisent les germes {Sprosslinge) des Infusoires, il ajoute : « Wenn sich die innern Sprosslinge in Folge eines vorausgegangeneu Befruchtungsactes entwi- ckeln, so nenneu wir sie Emliryonen. Die Befruchtung wird durch geschlangelte fadeniormige Spermatozoen vermittelt, welche ebenfalls ans dem Nucléus ihreii Urs- prung nehmen. » {Der Organismus der Infusionsthiere, 1859, l""e partie, p. 91.) Il est vrai que, parlant plus loin de la reproduction du Paramecium aurelia, M. Stein in- dique le nucléole comme l'organe dans lequel se forment les fdaments spermatiques conformément à l'origine que j'avais antérieurement attribuée à ces mêmes (Ha- 388 E.-G. BALBIANI. L'ovaire, dans noire espèce, ne fait défaut chez aucun individu, tandis que je n'ai pas réussi à constater la présence de l'organe maie qui l'accompagne d'une manière si constante chez les Infusoires, ce qui fait de l'hermaphrodisme l'état sexuel ordinaire de ces animaux. 11 se peut que le testicule manquât réellement chez tous les sujets examinés, dont la plupart ne l'ont été, ainsi que je l'ai déjà dit, qu'en dehors des époques de la reproduction, mais il n'est pas impossihle non plus qu'il m'eût échappé simplement par suite de la difficulté de le distinguer au milieu des innombrables granules et globules qui farcissent tout le corps de l'animal. On sait en effet que, chez les Infusoires, l'organe mâle se présente généralement sous la forme d'un ou de i)lusieurs corpuscules arrondis ou lenticulaires, fort minimes, placés dans le voisinage de l'ovaire, et quelquefois môme logés dans une anfractuosité de sa surface ', corpuscules dont il n'est pas tou- jours facile de déceler l'existence à raison de leur exiguïté et de leur aspect homogène qui les font se confondre facilement avec les glo- bules de toute sorte renfermés dans le parenchyme. Enfin, chez plusieurs Infusoires, le testicule n'existe réellement pas hors des époques sexuelles et ne se montre que pendant la durée môme de l'accouplement. L'ovaire, autrement dit le nucléus, a généralement la forme d'un long cordon cylindrique recourbé en fer à cheval (lig. 15, 16, 19, ov) ou diversement replié sur lui-môme (fig. 14), forme qu'on y retrouve aussi chez un grand nombre d'autres Infusoires, tels que les Vorti- celles, plusieurs Bursaires, etc. Cette forme peut présenter d'ailleurs des variations individuelles assez nombreuses ; c'est ainsi qu'on trouve chez quelques exemplaires l'ovaire bifurqué à l'une de ses extrémités ; d'autres fois il émet latéralement des ramifications plus ou moins nombreuses (lig. 13), etc. Relativement à sa structure histologique que je n'ai pu étudier, je le répète, que chez des individus pris en dehors des époques de re- production, la glande femelle offre des caractères analogues à ceux qu'on y observe chez la plupart des autres Infusoires. On y distingue, comme d'habitude, une envclui)pc et un contenu. L'enveloppe est mcnts chez le Parainecium hursaria. Mais toutes ccscoutradictioiis de l'auleiii' alle- mand prouvent au moins une (3hose : c'est la contusion qui régnait encore dans sou esprit sur les conditions de la sexualité chez les Infusoires, à l'époque où parut la première partie de son Organismus. 1 Baluiant, Recherches sur les organes générateurs et la reproduction des Infu- soires [Comptes retidus '.h' CAcad, des sciences, 1858, t. XLVII, p. ;^83}. SUR LE DIDINIUM NASUTUM. 389 formée par une membrane anhiste et homogène, d'une extrême té- nuité, qui, sous l'action de l'acide acétique dilué (fig. 43, iA, 16), se soulève sous la forme d'une vésicule transparente sur toute la péri- phérie de l'organe, entourant à distance le contenu. Celui-ci est tantôt composé de granulations moléculaires très-flnes (fig. 13, 19, 20), tantôt de granules et de globules plus ou moins gros, étroitement pressés les uns contre les autres (fig. 14). .l'ai montré ailleurs que ce contenu représente une masse vitelline indivise, et que son fraction- nement en portions distinctes ou œufs rudimentaires ne s'effectue, chez beaucoup d'Infusoires, que pendant l'accouplement même '. Toutefois, je n'ai pas réussi, chez le Didinium, à apercevoir au sein de cette masse vitelline commune les petites vésicules claires, placées de distance en distance, qu'elle présente parfois si nettement chez d'autres espèces et qui représentent des vésicules germinatives ou même déjeunes ovules en voie de s'individualiser. Au premier abord on pouvait être tenté de prendre pour des éléments ovulaires des taches arrondies transparentes, inégales, visibles souvent en grand nombre dans la substance granuleuse de l'ovaire, chez quelques in- dividus ; mais par une observation plus attentive, il était facile de se convaincre que ces taches ne correspondaient pas à des germes d'ovules, mais à de simples vacuoles creusées dans la substance vitel- line et remplies d'un liquide transparent (fig. 16). Leur formation était vraisemblablement liée à une altération pathologique de la glande femelle, altération qui, dans certains cas, pouvait aller jusqu'à amener la disparition totale de la substance granuleuse vitelline et son remplacement par un liquide clair plus ou moins abondant. L'ovaire se présentait alors sous la forme d'une poche à parois affaissées et plissées, véritable kyste hydropique (fig. lo) dans lequel on n'aurait que difficilement reconnu la glande femelle, si l'on n'avait pas eu sous les yeux tous les états intermédiaires entre l'organe parfaitement sain et le même arrivé au dernier terme de son altération. Une autre modification de la glande sexuelle, dont la nature me paraît plus douteuse, consistait en ce que le contenu, au lieu d'être distribué uniformément dans toute l'étendue de l'organe, était ras- semblé par places, sous forme de masses arrondies, d'un volume très- inégal, que maintenait réunies la membrane d'enveloppe. Les masses 1 Balbiani, Recherches .sur les phénomènes sexuels des hifusotres (Journal de physio- logie de lÎROW.N-SÉQUARD, 18G1, t. IV, p. â04;. 3'JU EAi. BALBIANI. les plus petites (lig. 15, x) ofl'raient un [aspect réfringent et [homo- gène, tandis que les plus volumineuses étaient pâles et granuleuses et renfermaient à leur intérieur un nombre variable de vacuoles claires, remplies de liquide {//). En outre, lorsqu'on les soumettait à l'action de l'acide acétique, on voyait une enveloppe membraneuse, distincte de la paroi ovarique commune, se soulever à la surface des premières, tandis que rien de semblable ne s'observait chez les der- nières. Enfin, chez quelques exemplaires, ces masses, au lieu d'être renfermées dans une poche commune formée par la paroi de l'ovaire, étaient entièrement libres dans le parenchyme de l'animal, sans doute après destruction de la poche qui les contenait (fig. 17). Antérieurement à nous, M. Engclmann avait aussi déjà observé cette divisicm du nucléus en fragments arrondis plus ou moins nombreux chez quelques exemplaires du Didinium nasutum rencon- trés dans le mois d'octobre aux environs de Leipzig. M. Engelmann n'hésita pas à interpréter ces fragments comme des rudiments de jeunes individus formés aux dépens de la substance nucléaire, mais quoiqu'il les appelle des enibri/ons {Embryonnlkiigeln), il ne paraît pas les considérer comme le résultat d'une reproduction sexuelle '. On peut opposer de très-sérieuses objections à cette manière de voir. D'abord M. Engelmann, qui donne de ces corps une description très- analogue à celle que nous en avons présentée nous-môme plus haul, n'a pas observé d'une manière directe la formation de ces germes ou de ces embryons aux dépens du nucléus, et il ne dit pas non plus s'il a constaté chez eux des mouvements spontanés indiquant leur vita- lité. On peut donc en conclure certainement qu'il ne les a pas vus abandonner le corps du parent pour mener au dehors une existence indépendante. J'ajouterai que j'ai rencontré ces corps non-seulement chez des animaux ne présentant aucune trace de division lissipare, mais aussi chez d'autres dans un état plus ou moins avancé de cette division. Or^ il est un fait que toutes les recherches modernes sur la reproduction des Infusoires ont mis hors de doute: c'est que les dif- férents modes de propagation s'excluent mutuellement chez ces ani" maux, et que jamais, par exemple, on ne voit la gemmiparité ou l'oviparité accompagner la multiplication par scission et récipro- quement. 1 Engelmann, Zur Nalurgeschichte der Infmionsthiere {Zeilschr. /'. wtss. ZooL, t.. XI, p. 375). . . . SUR LE DIDINIUM NÂSUTUxM. 391 Pour toutes ces raisons, nous pensons que les corps sphériques aperçus par M. Engelmann dans l'intérieur ou à la place du nucléus du Didinium, non plus que ceux constatés par nous-mème chez cette espèce, n'ont rien de commun avec un développement de jeunes individus et doivent vraisemblablement aussi être attribués à une alté- ration pathologique de l'organe reproducteur. Une ancienne observation que O.-F. Miiller rapporte dans ses Ani- malcida infusoria peut laisser plus de doute dans l'esprit. Le célèbre naturaliste danois dit, en effet, avoir observé un individu de sa Vorti- cella nasuta ' qui, outre les signes d'une propagation par division, présentait dans son intérieur des corps mobiles que Miiller appelle des fœtus vivants, et dont la mère accoucha sous les yeux de son des- sinateur. Millier en conclut que : Vorticella nasuta et partitione et fœtubus vivis simul propagatur ; prolesque quant partitione minatuv, Ja)n antequani a maire secessit, fœtu vivo yravida est ^. » Mais si l'on considère qu'au temps de Miiller on ignorait presque absolument tout ce qui se rapporte à l'histoire du parasitisme chez les Infusoires, il paraîtra tout simple que l'illustre observateur ait pris pour des embryons des animalcules qui s'étaient introduits dans le corps d'autres espèces pour y chercher leur nourriture et un abri pour s'y multiplier. Nous connaissons aujourd'hui un grand nombre d'exemples de ce parasitisme interne chez les Infusoires, et divers ob- servateurs ont commis la méprise de les faire entrer dans le cycle d'évolution do ces animaux. N'a-t-on pas vu récomment un des hommes les plus versés dans la connaissance des Infusoires, M. le professeur Stein, consacrer beaucoup de temps et de peine à soute- nir une théorie sur l'évolution de ces êtres, qui était tout entière fondée sur un rapprochement d'espèces différentes par le fait du parasitisme " ? Quoi qu'il en soit de l'observation qui vient d'être rap- pelée, le fait suivant, résultant de mes remarques personnelles, mc- • Nous savons que c'est le nom qu'il donnait à l'espèce dont il s'agit ici. 2 0. F. MuLLER, Animalcula Infusoria, 178G, p. 269. 3 On devine que nous voulous parler ici de la prétendue relation i,fénétique que }iL Stein supposait exister entre les Vorticelliens, d'une part, et les Acinètes, d'autre part, lesquels appartiennent à une division entièrement différente de la classe des Infusoires, savoir celle des Infusoires suceurs. On sait aussi que cette théorie, qui. par la manière séduisante dont elle avait été présentée par son auteur, était déjà presque passée dans la science, a fini par succomber sous les coups qui lui ont été jiortés de divers côtés, notamment par Claparède et M. Cienkowsky. Ajoutons du reste que M. Stein, ayant reconnu lui-même la cause qui entachait d'erreur ses pre- mières observations, a retiré depuis plusieurs années ses anciennes idées à ce sujet. 392 K.-G. BALBIANI. rite d'ôtre rapporté à cause de l'analogie qu'il présente avec celui observé par Miillor. Chez l'un des individus h nucléus fragmenté dont il a été question ci-dessus, on apercevait un corps qui tournait avec vivacité dans une cavité spéciale placée à côté des fragments nu- cléaires. Au bout de quelque temps, ce corps s'échappa subitement à travers la paroi de l'individu qui le renfermait et se mit à nager acti- vement dans l'eau environnante. Tué à l'aide d'une solution d'acide acétique, avant qu'il disparût du champ visuel, je constatai alors que ce corps avait la forme d'un ovoïde allongé sur un de ses côtés en une pointe mousse et claire, qu'entourait à sa base une ceinture de longs cils vibratiles. Dans la partie arrondie, on voyait plusieurs vacuoles transparentes, produites peut-être par l'action du réactif (fig. 48). Il était impossible de méconnaître une certaine ressemblance entre ce corps et l'animal dont il provenait, en sorte qu'on pouvait réellement se demander si l'on n'avait pas affaire à un jeune individu ayant pour origine un des fragments nucléaires auprès desquels il se trouvait placé dans l'intérieur de l'animal. Toutefois, n'ayant pas constaté directement cette origine, je préfère laisser aux observateurs à venir le soin de se prononcer sur la question de savoir si le Didinium se pro- page réellement à l'aide de germes ou d'embryons vivants prenant naissance dans le nucléus, comme le suppose M. Engelmann, ou s'il ne s'agit pas plutôt là encore d'un de ces cas de parasitisme que l'on a si souvent confondu avec une phase d'évolution des Infusoires. Comme appendice ;\ l'histoire de la reproduction du Didinium, il me reste à parler du phénomène de l'enkystement, qui est, à vrai dire, plutôt un moyen de conservation de l'individu, ayant pour but de le soustraire aux influences nuisibles tenant à des changements dans le liquide ambiant, principalement à son évaporation. Les kystes du Didinium sont régulièrement sphériqucs, larges do Qmm 10 en moyenne. Ils sont pourvus d'une coque assez épaisse, brune, à surface extérieure lisse (fig. 22, /.•). Dans l'intérieur de la coque, le corps contracté en boule de l'animal ne laisse plus apercevoir sa double ceinture de cils vibratiles, ni aucun des autres détails de sa conformation extérieure, mais on reconnaît i)arfaitement encore à l'intérieur, surtout en éclaircissant le kyste à l'aide d'une légère com- pression, l'ovaire {"c), dont l'aspect et la forme sont restés les mômes qu'à l'état de vie active. Les globules renfermés dans le pa- renchyme sont toujours aussi nombreux, mais ne i)résentent plus le SUR LE DIDINIUM NÂSUTUM. 393 mouvement circulatoire qui les animait chez l'animal libre, et la vési- cule contractile a également suspendu ses battements rhythmiques dans l'intérieur du kyste. EXPLICATION DES FIGURES. Dans toutes les figures, les lettres suivantes servent à désigner des parties ana- logues : b, bouche; a, anus ; pft, pharynx; p/i', pharynx de nouvelle formation pen- dant la multiplication par scission; cm, tégument extérieur ou cuticule; p, masse interne du corps ou parenchyme ; c,c', ceintures de cils vibratiles; d^ô: , rangées nou- velles de cils produites au début de la fissiparité; t;.c., vésicule contractile; u'.c'., même organe de nouvelle formation pendant la reproduction par scission ; /".m., fila- ments urticants ; i, organe linguiforme ; ov, ovaire (nucléus); ou', fragment de cet organe qui reste dans la moitié postérieure du corps, chez l'animal en voie de divi- sion, et devient l'ovaire de l'individu postérieur; x,y, masses arrondies, de signifi- cation problématique, renfermées dans l'ovaire chez quelques individus; k, enveloppe du kyste formé par le Didinium ; P. A., Paramecium aurelia saisi et avalé par le Didinium. FiG. 1. Didinium nasutum grossi deux cents fois environ. On aperçoit dans l'intérieur du pharynx les stries longitudinales formées par les filaments urticants. Les petites flèches indiquent le sens dans lequel circulent les globules renfermés dans la cavité du corps. FiG. 2, 3, 4. Montrant la direction des deux rangées de cils vibratiles dans la pro- gression en avant et en arriére, et pendant la rotation sur place. FiG. 5. Individu un peu aplati par la compression et traité par l'acide acétique. La cuticule s'est séparée du parenchyme sur toute la périphérie du corps, sauf à la région anale. Les filaments urticants du pharynx ont pris une disposition irrégulière et sortent en partie par l'ouverture buccale. FiG. 6. Didinium s'cmparant d'un Paramecium aurelia. On aperçoit autour de celui-ci les filaments urticants décochés par le Didinium, et la Paramécie, déjà saisie h. l'aide de l'organe linguiforme [l), de ce dernier est graduellement attirée vers l'ouverture buccale. FiG. 7. Individu au moment où il avale une Paramécie qu'il vient de saisir. L'intes- tin ((') commence à s'ouvrir à sa partie antérieure; v.c, vésicule contractile au moment de la systole. FiG. 8. Autre individu pendant la déglutition, montrant la bouche et le pharynx lar- gement dilatés et l'intestin ouvert jusqu'à sa terminaison à l'anns. FiG. 9. Bouche et pharynx vers la fin de la déglutition. 3!»4 E.-G. BALBIÂNI. FiG. 10. Aiiinialculo montrant dans son iutérieui' la proie qu'il vient d'insérer. FiG. II. Autri' animalcnle] tu('' 'par une solntion d'iode. Sous l'action du réactif, le canal intestinal s'est largement ouvert depuis la bouche jusqu'à l'anus. FiG. l'2. Individu rejetant par l'ouvorturo anale la masse excrémentilielle résultant de la digestion d'une Paramésie. FiG. 13, 14, 15,'lt>. Formes et apparences diverses de la glande génitale iemelle (nucléus). FiG. 17. Masses arrondies libres dans le parenchyme, occupant la place du nucléus chez quelques exemplaires. FiG. 18. Germe ou parasite sorti de l'intérieur d'un Didinium, et tué par l'acide acétique. FiG. 19, 20, 'II. Phases diverses de la multiplication par scission. FiG. 22. Le Didinium nasnlum à l'état d'enkystement. HISTOIRE DU BALANOGLOSSUS ET DE LA TORNARIA D'ALEXANDRE AGAS3IZ AxNALYSE El EXTRAIT PAR EDMOND PERRIER. Les iTcherches embryogéniques si brillamment inaugurées par J. Millier et poursuivies par de nombreux zoologistes ont donné une importance nouvelle à l'opinion de Ûken, qui confondait en un môme groupe les Vers et les Echinodermes. C'est surtout Huxley qui a contribué à répandre cette manière de voir par son analyse bien connue * des mémoires de Millier ^ et les comparaisons qu'il lit alors entre les larves d'Annélides que venaient de faire connaître les tra- vaux de Lovén, Sars, Milne-Edwards, Buscliet Millier lui-rnèmo. La ressemblance frappante que certaines larves de Némertes présen- tent avec les larves d'Astéries ou d'Holothuries, celle des larves de Comatules avec les larves d'Annélides, entin les analogies incontes- tables qui ont été signalées récemment entre l'organisation des Géphy- riens et celle des Holothuries sont autant de faits que beaucoup de naturalistes ont invoqués à l'appui de l'opinion que Huxley a tenté de réhabiliter. Au premier abord, un fait signalé en 1870 par Metschnikolf sem- blait venir encore à l'appui de cette dernière. Parmi les larves nom- breuses étudiées par J. Millier s'en trouvait une qu'il décrivit en 184S et nomma Tomaria. Les Tonmria ' ont tout à fait l'apparence de jeunes larves d'Astéries, de jeunes Brachiolaires, à ce point que M. Alexandre Agassiz, dans son travail sur l'Embryogénie des Etoiles 1 Annals and Magazine of Natural History^ 2e série, t. VIII. 1831. 2 Ahltandlungen der Berliner Akademies. 1846 à 1831. 3 Voir ces Archives, pi. XVIII, fig. 1. 396 EDMOND PERRIER. de mer, a désigné sous le nom de Tornaria stage l'une des formes que traversent les Brachiolaires avant d'arriver à leur complet développe- ment. Cette ressemblance avait frappé J. Millier et il n'avait pas hé- sité h affirmer que les Tornaria étaient des larves d'Astéries. Tous les naturalistes et M. Alexandre Agassiz lui-môme, dans son mémoire de 1866 sur la Tornaria, avaient adopté cette manière de voir. Ce n'est qu'en 1869 que M. Metschnikoff, ayant eu l'occasion de suivre le développement d'une espèce de Tornaria, émit l'idée * que ces êtres étaient non pas des larves d'Echinodermes, mais des larves d'Annélides, idée qu'il développa l'année suivante dans un mémoire spéciale Déjà en 1866, M. Metschnikoff avait observé à Naples une jeune Annélide qu'il avait considérée comme la larve du Balano/jlossus clavigcrus, remarquable ver, décrit par Dellc Chiaje et se rapprochant des Némertes. Certaines particularités du développement des Tor- naria lui firent penser en 1870 que les Anuélides auxquelles ces larves devaient se rattacher étaient des êtres voisins des Balanor/Iossus, si môme ce n'étaient pas de véritables Bahinog/ossus. Ainsi, en 1870, on entrevoyait déjà qu'une larve qui jusque-là avait élé considérée par les naturalistes les plus distingués comme une larve d'Echinoderme, pouvait bien être la larve d'une Annélide. Mais cette méprise même semblait la confirmation la plus éclatante des idées de Huxley sur les rapports des Echinodermes et des Vers. Ce qui va suivre montrera combien sont trompeuses ces affinités éta- blies sur la seule considération de la forme ou de la structure anato- mique des larves, lorsqu'on ne s'appuie pas en môme temps sur l'étude attentive et soigneuse du mode de développement des divers organes de la larve et des transformations qu'ils subissent jusqu'au dévelop- pement complet de l'animal chargé de porter les organes génitaux proprement dits. M. Alexandre Agassiz a pu combler toutes les lacunes laissées par Metschnikoff dans l'histoire de la Tornaria et du Balanoglossiis, dé- montrer définitivement la justesse des prévisions du naturaliste russe, relier entre eux par une série de formes intermédiaires les Tornaria les plus développées nageant librement à l'aide de leurs cils vibra- tiles, et les plus jeunes Bala)ioglns:^i(s fouissant le sable au moyen de leur singulière trompe. Il ne peut donc plus rester aucun doute : » Gliltinger Nachrichten. 1809, u" 15. 2 Zeitschrifl fur wissenschaftiche Zoologie. 1870. DU BÂLANOGLOSSUS ET DE LA TORNARIÂ. 397 la Toimaria, malgré sa forme de larve cI'Echinoderme, est bien la larve d'un Ver, le Balanoglossus. Mais M. Alexandre Agassiz ne se range pas pour cela à l'opinion de Huxley relativement aux affinités des Vers et des Echinodermes, et voici textuellement ce qu'il dit à ce sujet : « La Tornaria présente cette anomalie remarquable d'un être aij'ant toute l'apparence d'une larve d'Echinoderme, qui du moins a été considérée jusque dans ces derniers temps comme telle par tous les auteurs qui ont écrit sur ce sujet et qui, dans la suite de son dévelop- pement, devient un Ver. Il semble, au premier abord, que cela soit un argument décisif en faveur de l'opinion de Huxley; mais j'espère montrer, par la description du développement de la Tornaria, qu'il n'y a là rien qui vienne à l'appui de cette opinion et que la distance qui sépare le mode de développement des Turbellariés et des autres Vers du mode de développement des Echinodermes, demeure tout aussi grande, en dépit de l'analogie très-frappante que l'on constate entre le mode de développement de quelques Echinodermes (spécia- lement des Holothuries et des Comatules) avec celui des Némertiens, comme l'ont montré Millier ^ et Metschnikoff^ L'histoire de la Torna- ria tend au contraire à montrer une affinité bien plus grande qu'on ne le suppose généralement entre les Némertiens et les Annéhdes pro- prement dites, le développement et l'anatomie du Balanoglossus mon-- trant qu'il est intimement allié aux Clyrnenidx, aux Terebellidie et aux Annélides voisines, comme cela a déjà été indiqué par Metschni- koff et par Kowalevsky. Maintenant que nous connaissons complè- tement son développement, sa larve présente, avec les larves d'An- nélides, des points de ressemblance bien connus (larve de Lovén) qui sont parfaitement nets, mais qui étaient si complètement cachés par la prédominance du caractère pseudo-échinodermique, qu'ils avaient jusqu'ici complètement échappé. » H y a donc entre le développement des Echinodermes et celui de^i Annélides des ressemblances frappantes, mais non pas identité de plan, c'est ce qui ressort très-nettement de ce qui va suivre. Avant de faire connaître le mode de développement de la Tornaria nous rappellerons d'abord, en peu de mots, les traits principaux de l'organisation des Balanoglossus dont Kowalevsky a donné une ana- 1 Veber eine eigenthuinlkhe Wunniarve {Milliers Archiv. 1830). 2 Sludien iiher die Eniwickelung der Echinodermen und Nemertinen {Mém. de VAcad. de Saint-Pélersbourg, [S{j'.\,Xl\j no 8). 3!l,s EDMOND PERRIER. lomie (lélaillée ', et dont M. Alexandre Agassiz décrit une espèce nouvelle qu'il nomme B. Kowalevskii. La forme générale de l'animal est celle d'un ver' dont le corps, brusquement tronqué à l'extrémité postérieure où se trouve l'anus, irait en s'amincissant vers cette extrémité et aurait, en avant, l'ap- parance d'un ruban aplati bordé de chaque côté par un bourrelet saillant. A l'extrémité antérieure se trouve une sorte de collier évasé sur lequel ne se prolongent pas les bourrelets latéraux et qui rappelle les colliers analogues d'un grand nombre d'Annélides sédentaires. Mais le trait le plus caractéristique, c'est un prolongement ovoïde très-volumineux {p'), en forme de trompe, relié au reste du corps par une région étranglée et qui a valu à l'animal .son nom de Bala- n()iiloxAHi<. ([iâXaviv, gland, etYAôisaa, langue). Au point de réunion de cette trompe avec le collier se trouve, dans une échancrure de celui-ci, un orilice qui caractérise la région ventrale du corps et n'est autre que la bouche. 11 ne peut y avoir de doute sur la constitution de l'appareil digestif des Balanoglossin^ ; il ne peut guère y en avoir non plus sur les affinités qui unissent ces animaux aux Némertiens. La constitution de leur appareil digestif rend donc vraisemblable que, chez ces derniers aussi, l'appareil digestif est un tube ouvert à ses deux extrémités, la bouche étant, comme chez les Balanoglossus, située ;\ la face inférieure de la région céphalique et l'anus à l'extré- mité postérieure du corps, ainsi que M. Marion l'a tout récemment encore figuré pour une Borlasic hermaphrodite qu'il nomme Borlasia Kefersteini, et que nous l'avons constaté nous-mème sur une Borlasie également hermaphrodite habitant les sargasses de Roscoff, mais que nous n'avons pas déterminée étant alors occupé d'autres travaux. La trompe, dont une partie au moins a été considérée comme étant l'appareil digestif, serait alors, bien réellement, un organe tout à fait indépendant de l'appareil digestif proprement dit : c'est au- jourd'hui l'opinion (pii est universellement adoptée en Allemagne, et nus I, XVIII, fit;, y. DU BALANOGLOSSUS ET DE LA TORNARIA. 399 la longueur de la trompe. Lorsque la trompe se retire à l'intérieur, ce filament cesse nécessairement bientôt d'être tendu et dès lors son action ne peut être que tout à fait nulle. On ne peut donc voir qu'un simple ligament dans cette partie qui a d'abord été considérée comme la terminaison de l'intestin, constitué lui- môme par la partie de la trompe situéeen arrière des stylets, terminaison qui avait valu aux Némertiens le nom de Turbellariés MiocŒ;LÉs([j.£tcoj, je diminue ; y.srAov, intestin). Quoi qu'il en soit, lorsque la trompe d'un Némertien est développée au dehors, elle rappelle considérablement le singulier appareil cépha- lique des Balanog/ossus, ce qui complète la ressemblance entre ces animaux. La trompe non rétractile des Balanoglossus est creuse conmie celle des Némertiens, mais tandis que chez ces derniers on n'a con- staté avec certitude qu'un orilice antérieur à cet organe, il y a, dans la trompe d'un Balanoglossus, un orifice antérieur et un orifice posté- rieur situé en avant de la bouche, de sorte que l'eau ou le sable pénétrant par l'orifice antérieur dans la cavité de la trompe peut sortir par l'orifice postérieur. L'organe tout entier est soutenu par un squelette chitineux dont les homologies sont encore douteuses, mais qu'on pourrait peut-être comparer — au point de vue morphologique seulement, bien entendu — à l'ensemble des stylets qui se trouvent dans la trompe des autres Némertiens et dont un seul occupe une position centrale dans l'organe, les autres étant tout d'abord situés dans l'épaisseur même des parois. Ce dernier fait semble indiquer que la position du stylet principal dépend d'un phénomène d'adapta- tion et n'est pas une disposition typique. C'est là une interprétation que M. Alexandre Agassiz ne paraît pas très-éloigné d'adopter et qu'il serait intéressant de confirmer par une étude attentive du mode d'ap- parition des stylets dans les larves de Némertes, étude qui ne parait pas devoir être impossible. La trompe des Balanoglossus est, chez eux, l'organe principal du mouvement. C'est elle qui leur permet de fouir le sable au sein duquel se meuvent ces animaux ; tandis que les autres parties du corps ne sont guère capables que de mouvements de flexion ou d'enroulement, au contraire la trompe est excessivement mobile, très-musculaire et capable de prendre les formes et les calibres les plus différents. Il est intéressant de rapprocher ce fait bien constaté par Kowa- levsky et Alexandre Agassiz de l'opinion émise autrefois par KôUiker *, i Schroeiz. SaturforrJier ges.. 1S44. 400 EDMOND PERRIER. que la trompe des Némertiens est un organe de locomotion. Cela n'est pas impossible d'après ce que nous savons aujourd'hui des Bala- noglossus, il n'est surtout pas impossible que l'on rencontre des types où cela soit bien nettement évident ; mais, ;\ l'heure qu'il est, il est bien certain d'autre part que les principaux moyens de locomotion des Némertiens ordinaires sont leurs cils vibratiles et les mouvements dont leur corps est susceptible ; de plus, au moins chez les Némer- tiens pourvus de stylets, la trompe est bien certainement aussi un organe d'attaque et de défense, ainsi que tous les observateurs ont pu s'en convaincre facilement par eux-mêmes. Il ne saurait être douteux que chez les Balanoglossus cet organe s'est adapté à la locomotion d'une manière beaucoup plus spéciale que cela n'a lieu chez les autres Némertiens. Un autre trait fort remarquable de l'organisation des Balanoglossus est celui qui leur a valu d'être placés par Kowalevsky dans un ordre spécial, peut-être même ime classe intermédiaire entre les Annélides proprement dites et les Némertiens, et constituant le groupe des Ente- ROPNEUSTES.Chez ces animaux, en effet, des replis spéciaux de l'intestin, divisés en plusieurs compartiments par des cloisons membraneuses peu nombreuses chez le B. Kowalevskii, mais très-multipliées chez le B. minutm de Kowalevsky, constituent aux dépens des parois de ce dernier deux séries de branchiessituées l'une à droite, l'autre à gauche et contenant un nombre de poches branchiales d'autant plus considé- rable que l'animal est plus rapproché de sa taille définitive. Chacune de ces poches communique à l'extérieur par un canal cilié qui s'ouvre près delà ligne médiane et paraît d'ailleurs différemment disposé sui- vant les espèces. Cet appareil branchial est soutenu par un système de pièces solides de forme également variable. Il en résulte une ressem- blance grossière avec la disposition de l'appareil respiratoire de cer- tains poissons, appareil dont le caractère fondamental est de com- prendre, entre ses diverses parties, des fentes {fi')des hrancliiales) qui font communiquer avec l'extérieur la cavité de l'irsophagi", fait qui se retrouve, comme on vient de le voir, chez le Balanoglossus. On a aussi rappelé à ce sujet que chez les Tuniciers l'appareil respiratoire était également constitué aux dépens d'une partie de l'appareil diges- tif, fait qui est plus apparent que réel, et que cet appareil était lui- môme presque identique à celui qui est propre au plus inférieur des vertébrés connus, VA^iiplu'oxus. D'où cette conclusion, renforcée par la prétendue existence d'une corde dorsale dans les embryons de DU B4LAN0GL0SSUS ET DE LA TORNARIA. 401 certaines Ascidies, que les Tuniciers formaient comme une sorte de tronc commun autour duquel rayonnaient à la fois les Vers, le^ Mol- lusques et les Vertébrés, Le Balanoglossus servait, dans ce système, à rattacher les Vertébrés aux Vers, ceux-ci aux Tuniciers, que l'on rattachait en outre directement aux Vertébrés par VAmphioxus^ l'en- semble de ces animaux formant ainsi un système à liaisons multiples. Nous rappelons ces opinions, que l'on trouvera indiquées en parti- culier dans le Traité d'anatomie comparée de Gegenbaur, pour signaler ce qu'elles ont de par trop ingénieux. Il est évident qu'il s'agit ici de simples ressemblances et non d'affinités réelles. L'organisation des ani- maux nous montre à chaque instant, dans les types les plus divers, des résultats analogues obtenus au moyen de procédés tout à fait sem- blables, sans qu'il soit possible de conclure à une affinité quelconque entre les groupes où l'on observe ces procédés. A-t-on jamais songé à unir les Poissons aux Térébelles par l'intermédiaire des Lopho- branches ? Les ressemblances que nous venons de rappeler sont exac- tement de même nature. Pour les autres particularités de l'organisation des Balanoglossus, nous renvoyons aux mémoires déjà cités de Délie Chiaje, Kowalevsky et Alexandre Agassiz. iMais il était nécessaire de bien préciser celles dont nous venons de parler afin de montrer tout l'intérêt qui s'attache, à diftérents points de vue, à l'étude de l'animal qui nous occupe, sur- tout si l'on se rappelle qu'après avoir servi à l'état adulte à unir en- semble, comme nous l'avons expliqué, trois embranchements diffé- rents, sa larve a encore fourni un argument nouveau à l'appui de la fusion imaginée par Huxley, sur l'examen de simples figures malheu- reusement, entre les Echinodermes et les Vers. On va voir que là encore des ressemblances extérieures ont été la cause d'erreurs de doctrines qui ne sont regrettables qu'à demi, puisqu'elles ont valu à la science des recherches anatomiques et em- bryologiques d'une importance incontestable. Dans sa forme la plus élevée, celle qui précède immédiatement les premières phases de sa transformation en Balanoglossus, la Tornaria présente l'aspect représenté dans les figures 1 et 2 de la planche XVIIL Ce que l'on remarque tout d'abord dans ces figures, c'est l'extrême ressemblance des bandes sinueuses de cils vibra tiles v' avec celle des bandes analogues des Bipinnaria ou larves d'Astéries. Les bandes for- ment, dans les deux cas, deux courbes fermées, l'une dorsale très- sinueuse, l'autre ventrale, qui l'est beaucoup moins chez la Bipinnaria ÀRCH. DS ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 1873. 26 .402 EDMOND PERRIER. et qui est régulièrement ovale chez la Tornaria. Entre ces deux bandes le corps présente une excavation. La bouche est située en avant de la bande ciliée ventrale, mais la position de l'anus est un peu différente dans les deux cas, celui de la Tornaria étant situé tout à fait à l'extré- mité postérieure du corps, tandis qu'il est situé nettement sur la face ventrale et dans l'espace circonscrit par la bandelette vibratile dor- sale chez les Bipinnaria. Mais ce qui frappe le plus chez la Tornaria et ce qui la distingue immédiatement de toutes les larves d'Astéries connues arrivées à leur état parfait de développement, c'est l'exis- tence d'au moins une couronne de grands cils vibratiles dont le plan est perpendiculaire à l'axe du corps '. L'existence de couronnes sem- blables est constante chez les larves d'Annélides. Toutefois ce n'eût pas été là une raison suffisante pour faire placer la Tornaria parmi ces larves, puisqu'on connaît des larves d'Echinodermes qui présen- tent des caractères analogues, les larves de Comatules, par exemple. Le mode d'apparition de cette ceinture est cependant différent de celui des ceintures analogues des Echinodermes. Celles-ci, en effet, se montrent dès les premiers âges et se réduisent, se transforment ou disparaissent plus tard. Au contraire, la Tornaria n'a pas de couronne vibratile pendant son jeune âge ; cette couronne n'apparaît que très- tard et correspond en quelque sorte à l'état parfait de la larve et non plus à son état embryonnaire. Ce fait tend déjà à rapprocher les Tornaria des larves d'Annélides. Les Tornaria se distinguent encore par l'existence, sur le sommet antérieur de leur corps, de deux taches oculiformes de couleur noire '-. L'animal nage ces taches oculiformes dirigées vers le haut ; il tourne alors autour de son axe longitudinal légèrement incliné et qui pos- sède lui-môme soit un mouvement de translation, soit un mouvement de rotation autour de l'un de ses sommets, analogue à celui d'une toupie. Le tube digestif pont se décomposer en un œsophage assez al- longé, un estomac de forme ovoïde se prolongeant en un intestin proprement dit qui se termine à l'anus. A sa partie postérieure , l'estomac présente deux paires de diverticulum aplatis {Ihe lappets) ^, en forme de lames, ordinairement creux, quelquefois pleins, et dont le rùle est complètement inconnu. La deuxième paire de ces diver- 1 PI. XVIII, fig. i, 2, etc., V. * PI. XVIII, fis. 1, e. ■^ PI. XVIII, lig. 1 ('12, w,u'. DU BALÂNOGLOSSUS ET DE LA TORNARIA. 403 ticulum a été considérée par MetschnikofF comme mie dépendance de l'intestin dans la Tornaria méditerranéenne qu'il a étudiée ; il la considère comme de nature différente de la première, à laquelle il donne le nom de plaques latérales et la désigne sous le nom de Wurst- furmiye KiJrper. M. Alexandre Agassiz n'a pu voir ce que devenaient ces appendices ; ils n'ont aucun rapport avec l'appareil aquitere, mais on peut les comparer aux branches indépendantes de ce dernier, qui ont été observées chez les Bnichiolaria. L'appareil aquifère * ressemble beaucoup au premier abord à celui des larves d'Echinodermes. Il est formé d'une large cavité ^ se pro- longeant latéralement et inférieurement par deux cônes symétriques, en forme d'éperon, w' . Vers la région dorsale, cette cavité commu- nique avec un canal inséré sur l'un de ses côtés et qui s'ouvre à l'ex- térieur par un pore dorsal r/, tout à fait asymétrique. Jusqu'ici il n'y a rien qui distingue cet appareil de l'appareil analogue des Echino- dcrmes. Au point de jonction du canal excréteur avec l'appareil aqui- fère se trouve un cœur « consistant en une vésicule indépendante, située dans une sorte de dépression de la partie postérieure de l'ap- pareil aquifère.» Ce cœur ^ apparaît de très-bonne heure ; dans les formes les plus avancées, il est entouré par une membrane opaque qui ne participe pas à ses pulsations. On doit sa découverte à Fritz Millier'^, et c'est un des faits qui ont commencé à ébranler les idées que l'on s'était faites jusque-là de la nature des Tornaria. Il n'existe en effet rien de pareil chez les autres larves d'Echinodermes. Une autre particularité du système aquifère, c'est qu'il est soutenu par une bande musculaire [mb des figures de la planche XVI H) qui part de son extrémité antérieure et se termine dans le voisinage des taches oculiformes. Cette bande manque totalement aux larves d'Echi- nodermes. Le développement de l'appareil aquifère des Tornaria semble du reste indiquer qu'il n'a aucun rapport morphologique avec l'appareil de ce nom des Echinodermes. Ce dernier se développe toujours sur l'appareil digestif, dont il n'est d'abord qu'une dépendance. Mets- chnikoflf croit avoir vu quelque chose d'analogue pour la Tornaria; mais tous les efforts de M. Alexandre Agassiz pour s'assurer du fait l'ont 1 PI. XVIII, fig. 3. 2 PL XVIII. Voir dans les diverses figures ti la lettre w. 3 PI. XVIII, fig. iyh. '' Keferslein liericltt. iS(J7. 401 EDMOND PERRIER. conduit à une conclusion contraire : il pense que l'appareil aquifèrc se développe d'une façon indépendante et sans dépendre jamais du tube digestif. D'oii l'on doit conclure que même ne fussent-ils pas distincts par les particularités anatomiques que nous avons déjà signalées, on ne pourrait voir aucune homologie entre l'appareil aquifèrc des Tor- naria et celui des larves d'Ecliinodermes, Ce que nous venons de dire montre déjà qu'entre ces larves la res- semblance est beaucoup plus apparente que réelle, en se plaçant sim- plement aux points de vue anatomique et morphologique. Mais si nous poursuivons l'étude du développement, si nous cherchons à voir comment la Tornaria se transforme en Balanoglossus, nous allons voir les différences s'accentuer encore, toute ressemblance avec le mode de développement des Echinodermes disparaître et l'analogie avec le développement des Annclides se marquer toujours davantage. Qu'arrive-t-il en effet lorsqu'une étoile de mer ou un oursin se dé- veloppe? L'animal futur apparaît toujours comme un bourgeon sur l'appareil aquifère; c'est un être nouveau qui se forme dans le pre- mier et ne semble pas avoir plus de rapport avec lui que les embryons de Salpes agrégées par exemple n'en ont avec leur mère. Cet être nou- veau grandit empruntant parfois certaines parties à celui sur lequel il bourgeonne, parfois ne lui demandant que la nourriture et l'absorbant peu àpeujusqii'à complète disparition. Ainsi l'Echinoderme n'est pas, à proprement parler, le même individu que sa larve ; il ne la continue pas. C'est un être nouveau, au même titre que les divers individus (blastozoïtes) qui naissent par bourgeonnement sur la larve trans- formée (oozoïte) d'un coralliaire. Seulement le Pluteus, le Brachio- laire, en engendrant l'Echinoderme, ne continuent pas à vivre indé- pendants : ils se fondent peu à peu dans l'être qu'ils ont produit et qui s'incorpore au moins en i)artie leur proi)re substance, un peu comme un jeune poisson s'incorpore le Yitellus (ju'il porte suspendu à son abdomen. Il y a là une forme particulière de ce qu'on a nommé la (jénération alternante ; il n'y a pas de véritable métamorphose. Le développement de la Comatule, qui est de tous les modes de déve- loppement d'Echinodermes connus celui "qui ressemble le plus à une métamorphose, ne s'écarte pas moins de ce dernier ordre de phéno- mènes par un certain nombre de points capitaux. Au contraire, lorsqu'une larve d'Aunélide se développe, tous ses or- ganes se trau,sfornient par des modiiications graduelles et successives, demanièi'o à fournir les organes homologues de l'adulte, en sorte que DU BALANOGLOSSUS ET DE LA TORNARIA. 405 ce dernier est la continuation parfaite de sa larve dont il n'est que le degré supérieur de développement. Quelques parties nouvelles appa- raissent, quelques organes de la larve s'atrophient, mais en somme c'est par de simples différences d'accroissement dans les diverses ré- gions du corps ou des organes que l'Annélide adulte procède ^de sa larve. Les deux modes de développement sont, comme on voit, tout à fait distincts ; ils n'ont rien de commun ; ils sont séparés par toute la distance qui sépare la génération alternante ou digénèse de la ifiétamorphose. Eh bien, quelque grande que soit la différence de forme entre un Balanoglossus adulte et une Tornaria, c'est par une simple métamor- phose que le premier dérive de la seconde : il vient donc se ranger tout à côté des Annélides, et c'est ainsi que les faits qui semblaient leur être le plus favorables tournent contre les zoologistes qui ne veulent voir dans les Echinodermes qu'une forme dérivée des Vers et non un type particulier, allié aux autres Rayonnes. Les premiers signes de transformation qui apparaissent dans la Tor- naria consistent dans la formation des branchies œsophagiennes. Celles-ci apparaissent d'abord comme de simples replis en forme de crosse de la paroi de l'œsophage'. La branchie antérieure apparaît la première et leur nombre ne tarde pas à s'élever à quatre paires se dé- veloppant d'avant en arrière. Peu à peu les deux bords supérieur et inférieur de chaque repli se rejoignent et il en résulte la formation de petits entonnoirs qui s'ouvrent dans l'œsophage -. A partir de ce mo- ment, le développement marche avec une extrême rapidité et en très-peu d'heures la Tornaria prend toute l'apparence d'un Balano- glossus. (( Toute la transformation consiste simplement en une contraction latérale de certaines parties, en une élongation de certaines autres; mais cela est suffisant, joint à la disparition de la couronne vibra- tile pour modifier complètement l'aspect de la larve. Le premier indice de ce changement consiste dans l'opacité de la larve : elle perd sa transparence et un peu de son activité ; l'estomac est tout entier ramené en arrière vers l'intestin ; l'œsophage s'allonge beau- coup et la bandelette vibratile buccale se trouve alors au-dessus 1 PI. XVIII, fig. 2 et 1, g'. 2 PI. XYIII, fig, ii et 6, g. 400 EDMOND PEKHIJ^U. du point d'e jonction de l'estomac avec l'œsophage. L'œsophage s'al- longe tellement, que le système aquifère ne se trouve plus sur l'esto- mac, mais immédiatement au-dessus de l'orifice buccal. L'intestin est déprimé en forme de poche triangulaire et l'estomac forme un petit nombre de plis pour s'accommoder à l'espace oii il est maintenant cir- conscrit : ces plis sont les premières traces des circonvolutions qui se verront chez l'adulte. Pendant que la partie postérieure de la Tornaria s'allonge ainsi, la partie antérieure se développe également et prend un peu la forme d'une trompe elliptique. En avant do la bande vibra- tile circulaire, on voit nettement les quatre paires de branchies dt chaque côté de l'œsophage. Celui-ci est maintenant divisé en deux portions, l'une en continuité avec l'ouverture buccale, l'autre portant les branchies. Les cellules pigmentaires qui accompagnent les bandes vibraliles longitudinales disparaissent bientôt, ainsi quej ces bandes elles-mêmes. Les taches oculiformes sont encore très-apparentes ; la bande musculaire attachée à la partie antérieure du système aquifère a disparu, mais de puissantes bandes musculaires longitudinales appa- raissent sur la trompe. Les parois du système aquifère se contractent et cet appareil occupe dans la trompe du jeune Ba/anoglossus un es- pace beaucoup moins considérable que dans la partie antérieure de la Tornaria. Le cœ^ur cesse de pouvoir être distingué à travers les parois opaques de l'appareil aquifère contracté. Le pore dorsal se voit nette- ment près de la base de la trompe. (( Un peu plus tard toute trace des bandes longitudinales de cils vibra- tiles disparaît ; de petits cils, non disposés en l)andes, couvrent unifor- mément les parois du corps et de la trompe. Le jeune Balanoglossus peut alors être partagé en trois régions bien distinctes : la trompe, le collier et une courte portion abdominale de forme triangulaire. L'allon- gement de toutes les parties de la Tomaria en arrière do la trompe est bien marqué, et la bande vibratile anale est devenue considérable. La trompe grandit de plus en plus, le corps paraissant au contraire se ré- trécir, tandis que le collier devient plus distinct du segment situé en avant de la bande vibratile anale. La partie de l'œsophage de laquelle les branchies se sont déveloi)pées s'allonge davantage, pendant les der- nières périodes du développement, que les autres parties du jeune Balanoglossus. La bouche est déjà, comme chez l'adulte, une large ouverture circulaire située à la base môme de la trompe et condui- sant dans une cavité qui né devient strictement un œsophage qu'au p('mt où les branchies ont commencé à se développer. Les parois DU BALÂNOGLOSSUS ET DE LA TORNARIA. 407 du petit Ver deviennent de plus en plus opaques à mesure qu'il avance en âge ; près du collier, elles sécrètent déjà une petite quan- tité de ce mucus qui est si rapidement et si abondamment exsudé par le Balauotj (ossKs adidiQ... Dans la bande anale vibratile, les cils ont perdu beaucoup de leur activité. Le petit Ver cesse de nager libre- ment, comme il le faisait au début de son existence de Balanoglossus, mais il rampe vivement à l'aide de sa trompe qui agit comme une sorte de propulseur, rejetant brusquement par son orifice postérieur l'eau dont elle s'est remplie par son orifice antérieur. » Pendant ce temps , les yeux perdent graduellement leur proé- minence, deviennent indistincts et sont plus tard résorbés dans les parois de la trompe... «L'animal, vu de dessus, présente alors deux vaisseaux très-distincts, l'un dorsal, l'autre ventral. Ces vaisseaux semblent n'avoir entre eux aucune connexion, ils sont terminés en pointe à leurs deux extrémi- tés. Un vaisseau circulaire se forme autour de l'œsophage aux dépens des deux branches postérieures de l'appareil aquifère. Ce vaisseau est en rapport avec le cœur et s'ouvre extérieurement par le pore dorsal. » A partir de ce moment l'animal est bien près d'avoir acquis sa forme définitive. La figure 9 de la planche XVIII représente l'em- bryon le plus âgé que M. Alexandre Agassiz ait observé. La figure 10 de la même planche est celle du plus jeune Balanoylossus qu'il ait rencontré. La distance est, comme on peut s'en assurer, très-faible. Il ne peut rester aucun doute sur la légitimité des conclusions de l'auteur. Il résulte d'une manière évidente de ces recherches que, malgré les ressemblances frappantes que présentent entre elles les larves d'Echi- nodermes et celles de certains Vers, lorsqu'on vient à étudier de près et comparativement soit l'anatomie de ces larves, soit leur mode de développement, on constate des différences profondes qui s'opposent a ttnite tentative de réunion de ces deux groupes d'animaux. Les res- semblances ne sont qu'apparentes, la distance qui sépare les Echino- dermes des Vers demeure toujours la même. 408 EDxMOND PERRIER. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Dans toutes les fig-uros, les lettres employées ont la même signification : a, anus; h, branche de l'appareil aquifère conduisant au pore dorsal; c, collier; d, pore dorsal; d', vaisseau dorsal central; d", espace aplati end' et les bran- chies; d'", vaisseau ventral central; ud', plis ventraux entre d'" et s; diT, espace aplati entre à' et les organes génitaux ou canal alimentaire; e, taches oculi- formes; f.f'.f'\ plis des parois du corps enfermant une accumulation de glandes à mucosité; g, branchies; g', ouvertures des branchies conduisant à l'extérieur; g", squelette supportant les plis branchiaux ; g"', plis branchiaux ; g\i, ouverture des branchies dans l'œsophage; h, cœur; i, intestin; l, parties latérales aplaties des côtés du corps, désignées sous le nom de lappets du Balanoglossus KoivalewsJcyi ; il), replis hépatiques ; m, bouche; mb, bande musculaire allant des taches oculi- formes à la partie antérieure de l'appareil aquifère ; o, œsophage; p, squelette de la base de la trompe dans la Tornaria et le jeune Balanoglossus; p', trompe; p", ouver- ure antérieure de la trompe du Balanoglossus; p'", ouverture postérieure de la rompe du Balanoglossus; q, organes génitaux; s, estomac ou canal alimentaire; u, lame supérieure de l'extrémité postérieure de l'estomac de la Tornaria ; m', lame inférieure de l'extrémité postérieure de l'estomac de la Tornaria; v, bande circulaire anale de cils vibratiles; v', bandes longitudinales de cils vibratiles; w, appareil aqui- fère; iv', appendices latéraux de l'appareil aquifère. FiG. 1. rorwana, vue du côté ventral (grandeur naturelle, 2 millimètres). FiG. 2. Tornaria, vue_du côté dorsal. FiG. 3. Appareil aquifère isolé. FiG. 'i. Tornaria, vue du côté dorsal montrant les premières traces de son change- ment en Balanoglossus. La partie postérieure de la Tornaria est très-allongée : les bandes longitudinales de cils vibratiles sont réduites à des lignes peu distinctes de cellules pigmentairos. FiG. 5. Un individu ]ilus avancé. FiG. 6. Jeune Balanoglossus à peu près dans le même état que le précédent vu do profd. FiG. 7. CEsophage montrant la formation des replis branchiaux. FiG. 8. Balanoglossus [jIus avancé que celui de la figure a et \ii de do?. Fig. 9. Balanoglossus \c plus ii'gù qui ait été obtenu direclenient d'un Tornaria. Le corps s'est beaucoup allongé ; le coHier, la trompe, et la partie postérieure du cor[)s sont nettement séparés. La handi' anale do cils vibi'aliles se meut à peine. Fig. 10. Le plus jeune échaulillon de Balanoglossus trouvé dans le sable. Les or- ganes génitaux et le foie ne sont pas encore formés (profil). Fig, 11. Le même, prossi seulement deux fois. MEMOIRE SDR LA TÉRATOGÉNIE EXPÉRIMENTALE PAR M. CAMILLE D A R E S T E Je résume dans ce mémoire les résultats de recherches poursuivies depuis vingt ans sur la tératogénie expérimentale, substituée par moi à la tératogénie hypothétique, dont on était obligé de se contenter lors- que l'on n'étudiait les monstres qu'après la naissance ou l'éclosion. Ces recherches, dont j'ai publié déjà un grand nombre de résultats par- tiels, sont aujourd'hui assez avancées pour me permettre d'en publier l'ensemble, en attendant l'époque où je pourrai les faire connaître dans tous leurs détails. Cherchant à être aussi court que possible, je me borne aujourd'hui à publier sous la forme de propositions chacun des faits nouveaux que j'ai obtenus, et chacune des additions que j'ai faites aux travaux de mes prédécesseurs. Je dois donc laisser complètement de côté l'historique de la science ; mais je manquerais à la justice, si je ne rappelais, au début de ces pages, les noms illustres des deux Geoffroy Saint-Hilaire, qui ont créé la science des monstres, et dont les travaux m'ont toujours servi de guide. CHAPITRE I. ' DES CONDITIONS PHYSIQUES DE LA PRODUCTION ARTIFICIELLE DES ANOMALIES. 1. On produit des anomalies et des monstruosités dans les appareils d'incubation artificielle : J° par la position verticale des œufs ; 2" par la diminution de la porosité de la coquille à l'aide d'enduits plus ou no CAMILLE DAIŒSTE. moins imperméables à l'air; 3» par réchauffement inégal de l'œuf ; i" par l'emploi d'une température un peu supérieure ou un peu infé- rieure à celle de l'incubation normale. 2. Les deux premiers procédés ne déterminent pas toujours la pro- duction d'anomalies. Les seconds, au contraire, déterminent toujours des anomalies. 3. Les causes qui déterminent la production artificielle des mons- truosités sont de deux sortes : les unes sont déterminantes, les autres perturbatrices. J'appelle causes déterminantes celles qui produisent des anomalies déterminées, c'est-à-dire des anomalies qui sont toujours les mômes, pour un certain mode d'application de la cause. J'appelle causes perturbatrices celles qui déterminent seulement une modification quelconque dans le développement de l'embryon, sans que la nature de cette modification soit dans une relation constante avec la nature de la cause. 4. On produit des anomalies constantes par l'emploi de réchauffe- ment inégal de l'œuf. Jl faut pour cela que l'œuf soit en contact avec la source de chaleur par un point seulement de sa surface, et que le point d'échauffement de l'œuf soit dans le voisinage du point culminant, celui où se déve- loppe l'embryon, sans cependant coïncider avec lui. Dans ces conditions onol)tient une déformation constante du blasto- derme, puis une déformation constante de l'aire vasculaire. Dans le développement normal, l'embryon occupe le centre d'un blastoderme circulaire, puis d'une aire vasculaire également circulaire. Dans le développement rendu anormal par le défaut de coïncidence entre le point d'échauffement et le point culminant de l'œuf, le blas- toderme d'abord, et plus tard l'aire vasculaire, prennent la forme d'une ellipse dont l'embryon occupe un des foyers. Cette déformation du blastoderme et de l'aire vasculaire dépendent manifestement de l'échauffcment inégal des deux parties du blasto- derme, et de l'aire vasculaire. On peut en effet donner à l'embryon telle position que l'on veut dans le blastoderme et l'aire vasculaire, en plaçant l'œuf, par rapport à la surface de chauffe, de manière que la partie du blastoderme et de l'aire vasculaire dont on veut augmtniler la surface soit interposée entre le point d'échauffement et le point culminant del'cDuf. Il est ])ossible ainsi de donner un plus grand développement au blastoderme et à l'aire TÉHATOdÉNIE EXPÉRIMENTALE. 411 vasculaire, tantôt au-dessus de la tête et tantôt au-dessous de l'extré- mité caudale de rembryon, tantôt à sa droite, et tantôt à sa gauche Tous ces faits dépendent de l'orientation primitive dcFembryon dans l'œuf, dont la connaissance est due à M. de Baer. Dans un œuf placé horizontalement, le diamètre vertébral de l'embryon est perpendicu- laire au grand diamètre de l'œuf. De plus, quand cet œuf est placé de telle sorte que son gros bout soit tourné du côté de l'observateur, la tête de l'embryon fait face au côté gauche de l'observateur. En partant de ce fait, qui existe dans le plus grand nombre des cas, il est possible de placer l'œuf de telle sorte que l'on obtienne une anomalie prévue d'avance. o. Ce n'est pas le seul cas dans lequel on voie intervenir des causes déterminantes. Je crois qu'il y a certaines anomalies qu'il est possible de produire à volonté, V inversion des viscères et le nanisme par exemple. Mais ici j'ai besoin de nouvelles expériences pour (féterminer avec plus de précision les conditions physiques qui déterminent les anomalies. Cette lacune de mon travail dépend des conditions misérables, je peux le dire, dans lesquelles je l'ai effectué, et de l'insuffisance des appareils d'incubation dont je me suis servi. Je ne doute pas que, dans des conditions plus favorables, je ne puisse arrivera des résultats plus concluants. 6. En dehors de ces faits, très-peu nombreux, toutes les anomalies que j'ai produites résultent de l'action de causes perturbatrices. En effet, d'une part, les anomalies étaient les mômes dans toutes les conditions nouvelles où je plaçais mes œufs. D'autre part, des modifications identiques dans les conditions phy- siques de l'incubation déterminent les anomalies les plus diverses. 7. Ce fait, si étrange au premier abord, ne comporte qu'une seule explication : c'est que les germes contenus dans Fœuf de la poule ne sont pas identiques entre eux, pas plus que les individus adultes eux- mêmes. C'est d'ailleurs ce qui résulte des belles expériences de M. Alphonse de Candolle sur la germination des graines à diverses températures. 8. Dans toutes cesexpériences, quels quesoient le nombre et la variété des anomalies produites artificiellement, je n'ai jamais obtenu que des anomalies simples, et je n'ai observé de monstruosités doubles que dans des cas tellement rares, qu'il était impossible de rattacher leur apparition aux causes que je faisais agir sur l'œuf. L'origine des monstres doubles se rattache donc à un état par- 412 CAMILLE DARESTE. ticulier du germe, état antérieur à son développement par l'incubation. Je reviendrai sur ces faits dans la dernière partie de mon travail. S'il était nécessaire de combattre encore la doctrine de la mons- truosité originelle; ces expériences fourniraient un argument d'une grande valeur. Lorsque des œufs, quelle que soit leur provenance, et je l'ai presque toujours ignorée, sont soumis simultanément à la même cause modificatrice, et lorsque tous ces œufs présentent des anomalies, il est impossible d'admettre que ces anomalies soient originelles. CHAPITRE II. ■ DE QUELQUES NOTIONS GÉNÉRALES QUI EMBRASSENT LA TÉRATOLOGIE TOUT ENTIERE (1). 9. Toutes les anomalies produites dans mes expériences, sauf une ou deux, reproduisent les types tératologiques décrits par Is. Geoffroy Saint-Hilaire. Fait d'autant plus remarquable, que cet illustre natura- liste n'a signalé chez les oiseaux qu'un nombre très-restreint de types de monstruosités. iO. L'explication de ce fait est très-simple. Chez l'homme et les mammifères, l'embryon monstrueux peut arriver jusqu'à la naissance sans périr. Chez les oiseaux, l'embryon monstrueux périt presque tou- jours, d'une manière fatale, longtemps avant l'éclosion. C'est ainsi que la plupart des embryons monstrueux chez les oiseaux ont échappé aux observateurs. Je reviendrai plus loin sur les causes de cette mort prématurée. 11. L'apparition chez les oiseaux des types tératologiques observés chez les mammifères s'explique très-facilement. Si nous ne pouvons plus admettre avec Et. GeofFroy-Saint-Hilaire l'idée de l'unité de composition organique pour tous les animaux vertébrés, nous devons cependant admettre, pour les animaux de cet embranchement, l'unité de type. El ce type n'est pas un type virtuel comme le voulait Gœthe, il est manifestement réalisé dans l'embryon, aux premières périodes de son développement, comme nous le savons (1) Ces notions se raitacheiit également aux monstruosités simples et aux monstruo- silés doubles. TÉRÂTOGÉNIE EXPÉRIMENTALE. /d3 depuis les mémorables découvertes de Baer. Tous ces animaux ont à l'origine une forme commune et traversent, au début de leur vie, un certain nombre de formes semblables, avant de s'engager dans les voies différentes qui les conduiront à l'organisation définitive du poisson, du batracien, du reptile, de l'oiseau, du mammifère. Si donc les premières phases de l'évolution sont les mêmes chez tous les animaux vertébrés, elles pourront, chez tous, se modifier de la même manière, et produire, par conséquent, les mêmes types tératologiques. 12. L'unité du type chez tous les animaux vertébrés explique donc la répétition possible, chez tous les animaux de ces embranchements, des mêmes tj^es monstrueux. Par contre, ces types ne pourront se manifester dans les animaux des autres embranchements. Ici je suis contraint de me séparer des notions tératologiques d'Et. et d'Is. Geoffroy-Saint-Hilaire. Ces deux naturalistes, qui admet- taient l'unité de type et même l'unité de composition organique pour tout le règne animal, admettaient par cela même que certains types tératologiques pourraient être réalisés dans des embranchements diffé- rents. Cette doctrine est absolument inadmissible, par suite de la diffé- rence essentielle du développement dans les embranchements différents. 13. S'il y a des types tératologiques communs à tout l'embranche- ment des vertébrés, il y a des types tératologiques spéciaux à cer- taines classes, à certains ordres, probablement aussi à certaines espèces, types qui se manifestent lorsque l'embryon, qui n'avait au début d'autres caractères que ceux de l'animal vertébré, revêt ^les carac- tères particuliers d'un groupe subordonné, classe, ordre ou espèce. Nos connaissances sur l'embryogénie et la tératologie sont encore trop restreintes pour que nous puissions dès à présent établir ces faits d'une manière complète. C'est pourquoi je ne citerai que deux exem- ples à l'appui de ma thèse. Les anomalies de l'amnios déterminent un grand nombre de monstruosités simples. Le renversement de l'em- bryon sur le vitellus est une condition de la formation de certaines monstruosités doubles. On peut en conclure que ces types tératolo- giques n'existeront ni chez les batraciens ni chez les poissons, donc l'embryon n'a pas d'amnios et ne se renverse pas sur le vitellus. Par un motif analogue, les diverses formes d'éventration sont impossibles chez les batraciens chez lesquels la vésicule ombilicale ne se sépare jamais de l'intestin. Mais je ne puis donner ici qu'une simple indication. Cette partie de la tératologie appartient entièrement à la science de l'avenir. MA GAiMILLE DAKESTE. CHAPITRE 111. DE QUELQUES CONDITIONS GÉNÉRALES DE LA PRODUCTION DES MONSTRUOSITÉS. H. L'embryon, à son début, est constitué par un blastème formé d'éléments particuliers qui, si l'on excepte les cellules épitbéliales du feuillet séreux, sont partout semblables à eux-mêmes, et ne ressem- blent en aucune façon aux éléments hislolugiques définitifs. Ce blas- tème éprouve une suite de transformations pendant lesquelles s'ébau- cbent peu à peu la forme générale de l'animal et la forme particulière de chaque organe. Plus tard, et très-probablement par suite de la for- mation du sang et de l'établissement delà circulation, on voit apparaître dans le blastème primitif les organes définitifs, caractérisés par des éléments histologiques spéciaux ; et ces organes revêtent assez exacte- ment, des leur apparition, la forme et la structure qu'ils doivent tou- jours conserver. Cette première période de la vie embryonnaire, si intéressante au point de vue de la morphologie et de l'organogénie normale, est également intéressante, pour la môme raison, au point de vue de l'organogénie tératologique. En effet, tous les organes définitifs se produisent dans des blastèmes préparés d'avance, les organes mons- trueux comme les organes normaux. C'est donc dans cette première période de la vie embryonnaire qu'il faut chercher la cause des monstruosités graves, de celles qui modifient profondément l'orga- nisme. En d'autres termes, les organes monstrueux apparaissent d'emblé,e, avec tous leurs caractères tératologiques, dans des blastèmes déjà modifiés par la monstruosité. 15. Les deux faits les plus généraux de la tératogénie sont, comme l'avaient indiqué les Geoffroy Saint-Hilaire, l'arrêt de développement et l'union des parties similaires. Toutefois ces deux illustres naturalistes n'ont pu se rendre un compte exact du mode d'action de ces deux causes, parce qu'ils ignoraient la distinction que l'on doit faire entre les deux périodes de la vie endjryonnaire. IG. Un entend par (wrèi do déoclojjpcment la permanence d'un état embryonnaire qui, dans l'évolution normale, n'est que transitoire. -■} TÉRATOGÉNIE EXPÉRIMENTALE. 4iri L'arrêt de développement peut se faire de trois manières diffé- rentes : 1° absence de formation d'un organe ; 2° permanence, pour un organe, de conditions embryonnaires; 3° permanence d'un organe qui n'est que transitoire pendant la vie embryonnaire. Le premier et le troisième cas ne présentent aucune difficulté. Comme exemple du premier cas, je citerai l'acéphalie, caractérisée par le défaut de développement de la tète. Comme exemple du troi- sième, je citerai la permanence du canal artériel. Le second cas, au contraire, exige certaines explications. En effet, la permanence de certaines conditions embryonnaires se produit dans cette première période de la vie, pendant laquelle les organes n'existent qu'à l'état d'ébauches dans des blastèmes homo- gènes. Les organes tératologiques qui se produisent plus tard, ne correspondent jamais à un état particulier de l'organe normal, bien qu'ils soient produits par un arrêt de développement. J'en citerai deux exemples. La fissure spinale est évidemment la permanence de la gouttière primitive. Dans l'état normal, la gouttière primitive se transforme eu canal vertébral avant l'apparition des os : d'où il résulte que les lames vertébrales sont soudées entre elles dès le moment de leur apparition, et ne présentent jamais d'ouverture. Si, comme dans la tissure spinale, les parois de la gouttière primitive restent écartées, les lames vertébrales se constituent dans cette situation nouvelle, et restent toujours écartées l'une de l'autre. Il en est de même dans le bec-de-lièvre. Les blastèmes de la région maxillaire et de la région intermaxillaire sont d'abord séparés, puis s'unissent à une certaine époque. Dans l'état normal, lorsque se pro- duisent les organes défmitifs, les os, les lèvres, ces organes appa- raissent d'emblée, avec leurs caractères d'union et de continuité. Si l'union des blastèmes n'a pas lieu, les os et les lèvres se constituent séparément, et l'on a le bec-de-lièvre. Ces deux exemples montrent de la manière la plus évidente com- ment on doit comprendre la seconde forme de l'arrêt de dévelop- pement. 17. L'arrêt de développement explique la plupart des faits de la monstruosité simple , qu'il détermine de deux façons différentes. D'abord il agit directement sur certains organes qu'il maintient dans des conditions embryonnaires. Ensuite, il peut entraîner des modifications profondes dans la for- 446 CAMILLE DARESTE. mation des autres organes, soit en produisant des déviations, soit en déterminant l'union des parties similaires, etc. Par exemple, l'arrêt de développement général ou partiel de l'amnios est la cause qui détermine la plupart des monstruosités simples. 18. Deux organes semblables, placés au contact l'un de l'autre, ont une grande tendance à s'imir. Cela est vrai pour les organes sem- blables des deux sujets qui composent un monstre double. La loi de l'union des parties similaires régit en réalité toute la monstruosité double. C'est à Et. Geoffroy Saint-Hilaire qu'on doit la connaissance de cette loi remarquable ; mais il croyait à tort qu'une semblable union pouvait se produire entre des organes déjà formés. L'observation directe m'a appris que les organes ne se soudent point entre eux, lorsqu'ils ont atteint le terme de leur croissance, et qu'ils peuvent, tout au plus, contracter, dans certains cas très-res- treints, une union superficielle. (Telle est l'union des tètes dans les céphalopages,) L'union ou la fusion profonde de deux organes n'est possible que lorsqu'ils sont encore à l'état de blastèmes. Ces organes si curieux des monstres doubles qui appartiennent par moitié à chacun des sujets composants ne se soudent donc point; ils nais- sent soudés, si l'on peut parler ainsi, dans des blastèmes préparés d'avance. La constatation de ce fait rend d'autant plus remarquable l'union des parties similaires ; car on se demande comment des blastèmes en apparence parfaitement homogènes ne s'unissent entre eux que s'ils doivent donner naissance à des organes semblables, tandis qu'ils res- tent complètement séparés dans le cas contraire. Mais ce n'est pas plus étrange que de voir des organes tout à fait différents naître au sein d'une gangue complètement homogène. TÉRATOGÉNIE EXPÉRIMENTALE. 417 CHAPITRE IV. DU MODE DE FORMATION DES PRINCIPAUX TYPES DE LA MONSTRUOSITÉ ' SIMPLE. 19. Les monstruosités simples apparaissent dans l'embryon aux différentes époques de son évolution. Il est très-remarquable que cet ordre d'apparition des monstruosités simples reproduit dans ses principaux traits la série des types téra- tologiques des monstruosités simples, telle qu'elle a été établie par Is. Geoffroy dans son célèbre ouvrage, lorsqu'on la prend en sens inverse (1). C'est une preuve frappante delà justesse des considérations qui ont guidé cet illustre naturaliste. Je me borne à indiquer cette coïncidence remarquable. On en trou- vera la démonstration dans la suite de ce travail. 20. Les monstres unitaires forment, pour Is. Geoffroy Saint- Hilaire, les sous-ordres des monstres parasites, omphalosites et autosites. Je laisse décote les monstres parasites, sur lesquels je n'ai encore pu recueillir aucun document. Les monstres omphalosites forment les trois familles des anidiens, des acéphaliens et des paracéphaliens. Il faut ajouter à la famille des anidiens deux types ignorés d'Isidore Geoffroy, l'hétéroïde décrit par Pietet, et dont j'ai pu étudier un exemple ; et un type particulier dans lequel l'embryon est réduit à la tète, type que Rudolphi et J. Millier ont décrit, et que j'ai plusieurs fois observé dans mes expériences. Ce type pourrait être désigné sous le nom de céphalide. La théorie de la formation des monstres omphalosites est l'un des résultats les plus importants de mes recherches. Et. et Is. Geoffroy avaient signalé comme très-général le fait que ces monstres sont presque toujours privés de cœur, et cet autre fait, qu'ils sont toujours accompagnés d'un frère jumeau bien con- formé. On ne les avait d'ailleurs observés que chez l'homme et quelques mammifères. J'ai rencontré souvent de pareils monstres en voie de formation 1 11 n'y a d'exception que pour les monstres syméliens dont l'origiue est aussi pré- coce que celle des cyclocéphaliens et oiocéphaliens. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉX. — T. II. 1873. 27 U8 CAMILLE DARESTE. chez les oiseaux, et j'ai constaté qu'ils se produisent tantôt isolément, et tantôt conjointement avec un embryon jumeau bien conformé. Je citerai pour le premier cas deux types très-remarquables. Dans le premier type, que j'ai fréquemment observé, l'embryon semble réduit à une aire vasculaire souvent fort développée, et dans laquelle on observe un réseau de vaisseaux capillaires rempli de sang rouge. Ce type est évidemment le résultat d'un arrêt de développe- ment qui a frappé le disque embryonnaire avant la formation de la gouttière primitive, de telle sorte que l'embryon et l'aire vasculaire ne sont point séparés, et forment un organisme unique. C'est très- probablement le type des anides en voie de formation. Dans le second type, celui que je désigne sous le nom de céphalide, on observe une tète rudimentaire naissant sur une aire vasculaire très-petite, et portant souvent un cœur à sa partie inférieure. Il y a eu là, comme dans le premier cas, défaut de formation de la gout- tière primitive. Le corps est donc resté rudimentaire, tandis que la tête a commencé à se développer. J'ai lieu de croire que ces faits sont assez fréquents, et que la mort précoce de l'embryon dans l'œuf est très-souvent la suite de pareilles anomalies ; mais je ne le sais pas d'une manière certaine. Dans le plus grand nombre des cas, l'embryon ompbalosite naît sur le même vitellus qu'un frère jumeau bien conformé, tantôt sur une cicatricule distincte, et tantôt sur la même cicatricule. Cette coexistence d'un frère jumeau bien conformé est la condition nécessaire de la permanence de la vie et de la continuation du déve- loppement chez le monstre ompbalosite. En effet, ce monstre, privé de cœur ou n'ayant qu'un cœur mal conformé, ne peut devenir le siège de phénomènes circulatoires qu'autant qu'il trouve dans le cœur d'un embryon jumeau le moteur nécessaire au mouvement du sang. Les anastomoses qui s'établissent entre les appareils circu- latoires font qu'il n'existe qu'une seule circulation pour les deux embryons. C'est l'existence de cette circulation unique qui permet le déve- loppement des éléments histologiques définitifs, chez un embryon frappé d'arrêt de développement aux premières périodes de la vie. 21. Voici comment je comprends l'action de ces arrêts de dévelop- pements frappant l'embryon pendant les premiers moments de la vie. 1" Type des anides. — Arrêt de développement du disque embryon- naire avant la formation de la gouttière primitive ; TÉRATOaÉNIE EXPÉRIMENTALE. 419 2" Type des céphalides. — Production d'une tête mdimentaire sur un disque embryonnaire complètement arrêté dans la première période de son existence ; 3" Ti/pe deA hétéroules. — Production d'une tête rudimentaire sur disque embryonnaire qui continue à s'accroître^ malgré l'absence de la gouttière primitive ; 4° Type des mylacéphales . — Formation d'un membre postérieur ou des deux membres postérieurs sur un disque embryonnaire privé de la gouttière primitive ; 5» Type des peracéphales. ^- Formation de la gouttière primitive dans la région postérieure seulement ; formation des membres posté- rieurs ; reploiement des lames viscérales ; 6° Type des acéphales. — Formation complète de la gouttière pri- mitive ; production des membres antérieurs et des membres posté- rieurs ; reploiement des lames viscérales; 7° Types aes paracéphaliens. — Mêmes faits que pour le type précé- dent, avec la formation d'une tête plus ou moins rudimentaire. Il faut ajouter ici que dans les peracépbales, les acéphales et les paracéphaliens, on peut rencontrer le reploiement des lames viscé- rales et la production des membres, tandis que la gouttière primi- tive manque complètement. 22. Deux conséquences très-remarquables découlent de ces faits : 1" l'absence très-fréquente, dans des organismes provenant d'ani- maux vertébrés, du caractère typique de l'animal vertébré, la gout- tière primitive ; 2° le défaut de solidarité des parties de l'organisme qui peuvent se développer isolément, et d'une manière complète, si le sang d'un embryon bien conformé leur apporte les matériaux nécessaires à la constitution des éléments histologiques définitifs. 23. Avant mes recherches, les monstres omphalosites n'ont pas été rencontrés chez les oiseaux. Il est très-digne de remarque qu'un de ces types au moins s'y produit très-fréquemment, celui des myla- céphales qui semble réduit à un ou à deux membres postérieurs. Cela résulte du mode particulier de développement des oiseaux qui ne se séparent point de leur vitellus, tandis que les mammifères se sépa- rent de la vésicule ombilicale. C'est pourquoi chez les mammifères les mylacéphales sont toujours distincts de leur frère jumeau ; tandis que chez les oiseaux ils sont entraînés par le retrait du vitellus, et ne se séparent point de leur frère jumeau. Il semble qu'alors on ait un monstre double. Aussi Is. Geoffroy Saint-Hilaire les a-t-il ratta- 4âO CAiMILLE DA RESTE. chés à ce type de monstruosité double qu'il désignait sous le nom de pygomélie. Mais il a fait remarquer que la pygomélie, caractérisée par la multiplication des membres postérieurs, est de deux sortes. Tantôt les membres accessoires sont unis au squelette de l'individu complet ; c'est alors une véritable monstruosité double. Tantôt ces membres sont simplement implantés dans la graisse abdominale ; c'est un mylacéphale entraîné par la rentrée du vitellus dans la cavité abdominale du frère jumeau. 24. Toutes ces notions sur les monstres omphalosites trouvent leur application dans l'histoire des monstres doubles parasitaires; car, ainsi qu'Is. Geoffroy Saint-Hilaire en a déjà fait la remarque, on retrouve dans le sujet parasite presque tous les types monstrueux des omphalosites. 25. Les monstres simples autositaires sont caractérisés, au point de vue tératogénique, parce que le point de départ de leur formation est en dehors d'eux, dans les arrêts de développement de l'amnios et de l'aire vasculaire. 26. Les arrêts de développement de l'amnios peuvent être partiels et porter seulement sur le capuchon céphalique ou sur le capuchon caudal. Dans d'autres cas, ils atteignent l'amnios tout entier. 27. L'arrêt de développement du capuchon céphalique détermine la compression de la tête et, par suite, un arrêt de développement de cette région, caractérisé par les différents degrés de la cyclopie. L'ex- plication de la cyclopie tient à la juxtaposition primitive des blastèmes oculaires, qui s'écartent peu à peu par l'interposition de la vésicule encéphalique antérieure. Si cette vésicule est frappée d'arrêt de déve- loppement, les blastèmes oculaires restent juxtaposés, et les yeux, en se développant, sont plus ou moins complètement soudés. Du reste, cette explication est admise depuis longtemps. Les monstres cyclopes appartiennent aux deux familles des otocéphaliens et des cyclocépha- liens. Je n'ai point vu d'une manière certaine de monstres otocépha- liens en voie de formation; mais je ne puis pas ne pas indiquer un fait très-remarquable de leur organisation, c'est la persistance de la première fente branchiale, d'où résulte l'ouverture unique des oreilles. 28. L'arrêt de développement de la tête s'accompagne fréquemment de la dualité du cœur. Cette anomalie m'a longtemps paru inexplicable, par suite de l'im- perfection de nos connaissances sur la formation du cœur, que l'on a considéré pendant longtemps comme entièrement simple à son origine. TÉRATOGÉNIE EXPÉRIMENTALE. A±i J'ai constaté que le cœur résulte de la fusion de deux blastèmes car- diaques primitivement séparés, et qui se forment isolément sur les bords antérieurs du feuillet vasculaire. Le développement de ces deux bords du feuillet vasculaire amène, dans l'évolution normale, ces blastèmes en contact , et c'est alors que se forme le cœur unique définitif. Mais si la partie antérieure de l'aire vasculaire est frappée d'arrêt de développement, ces blastèmes restent isolés et produisent deux cœurs distincts. L'arrêt de développement du feuillet vasculaire est-il déterminé par l'arrêt de développement du capuchon céphalique? ou bien n'y a-t-il entre ces deux faits qu'un rapport de coïncidence? Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils sont fréquemment associés. 29. L'arrêt de développement du capuchon céphalique, tout en pro- duisant un arrêt de développement de la tête, peut encore changer sa position. Dans certains cas, la tête s'engage entre les deux lames que j'ai découvertes et qui terminent en avant le feuillet vasculaire, et elle vient s'enfoncer dans le vitellus, en refoulant devant elle les membranes qui l'en séparent. Dans d'autres cas, plus étranges encore, elle vient faire hernie par l'ouverture ombilicale. Je n'ai pu déterminer encore comment s'opère cet étrange renversement de la tête. Ces faits s'accompagnent très-fréquemment de la duphcité du cœur. Ces deux sortes de monstruosités ne répondent à aucun des types signalés par Is. Geoffroy Saint-Hilaire ou par les tératologistes qui l'ont suivi. Ce sont les seuls faits de cette nature que j'ai rencontrés dans mes exp'ériences. 30. L'arrêt de développement du capuchon caudal détermine la formation des monstres syméliens, dont l'origine était restée jusqu'à ce jour inexplicable. En effet, lorsque cette partie de l'amnios reste appliquée sur la région postérieure du corps, les bourgeons blasté- matiques qui formeront les membres postérieurs sont nécessairement renversés et viennent s'appliquer l'un contre l'autre par leurs bords externes. Dans ce blastème unique, résultant de la fusion des deux blastèmes primitivement séparés, on voit apparaître le membre pos- térieur unique des monstres syméliens, si curieux par le renversement du pied. 31. L'anencéphalie est le résultat d'un arrêt de développement de l'aire vasculaire, arrêt de développement tout autre que celui qui produit la duplicité du cœur. Ici l'arrêt de développement frappe les les de Wolf, qui, en nombre plus ou moins considérable, persistent 422 CAMILLE DÂUESTE. dans leur premier état, et le réseau de vaisseaux capillaires ne se forme que d'une manière très-incomplète. Les globules produits dans les iles de Wolf ne peuvent pénétrer dans le sang qu'en très-faible quan- tité, et ce liquide reste incolore. Le sang, ainsi modifié, détermine alors Fhydropisie des vésicules cérébrales, l'hydropisie de l'amnios, et même l'œdème général de l'embryon, qui devient alors complètement diaphane. Le liquide, qui distend les vésicules cérébrales, produit alors l'hydrorachis, en s'op posant à la formation de la substance nerveuse, et la fissure spinale, en maintenant écartées les parois de la gouttière vertébrale ; ce sont les deux éléments de l'ancncéphalie. Il y a donc là un fait très-remarquable, l'intervention d'une cause pathologique au milieu de phénomènes purement organogéniques. Mais cette cause pathologique n'intervient dans la monstruosité que pour produire un arrêt de développement, pour empêcher la sub- stance nerveuse de se former, et non pour la détruire, comme beau- coup de physiologistes l'ont cru depuis Haller et Morgagni. 32. On a signalé, dans certains cas d'anencéphalie, l'ouverture de la paroi inférieure du crâne ou de la colonne vertébrale. Ces faits, assez rares du reste, s'expliquent par une déchirure des tissus embryon- naires, qui se produit au fond de la gouttière vertébrale et de son prolongement dans le crâne. Si la déchirure n'est pas bien considé- rable, le développement peut se continuer pendant un certain temps. Lerebonllet a signalé des cas analogues chez les poissons, mais il les a pris pour des monstres doubles. 33. L'arrêt de développement qui frappe la totalité de l'amnios détermine la production des exencéjj/ta/ies, des célnsoniies et des ectromélies, ainsi que d'un certain nombre d'hémitéries, telles que la courbure anormale du rachis, les déviations des membres ou pieds bots, etc. Ces monstruosités et ces anomalies vont rarement seules et sont presque toujours associées les unes aux autres en plus ou moins grand nombre. Is. Geoffroy Saint-Hilairc a signalé le fait, sans en connaître la cause. Elles sont manifestement les effets divers d'une cause unique. 34. L'éventration et l'arrêt de développement de l'amnios sont un seul et même fait, puisqu'il n'y a d'éventration, soit abdominale, soit thoraco-abdominale, qu'à condition de l'absence plus ou moins com- plète des parois abdominales ou Ihoraco-abdominales. Ici l'embryogé- nie, à défaut de l'observation directe, suffirait pour bien établir lesfaits. TERATOGENIE EXPERIMENTALE. 423 35. L'exencéphalie, comme conséquence d'un arrêt de dévelop- pement de l'amnios, était beaucoup plus difficile à comprendre. L'observation directe m'a appris que, par suite de la compression exercée par l'amnios sur les vésicules cérébrales, celles-ci s'aplatissent de haut en bas, en s'élargissant latéralement, de manière à produire un rebord saillant qui dépasse des deux côtés les parois de la tête, et qu'un sillon profond sépare du reste de la tète. L'ossification des parois crâniennes ne dépasse jamais le fond du sillon. Je n'ai rien observé relativement à la pseudencéphalie ; mais quand je vois que tous les types des monstres exencéphaliens se répètent dans les monstres pseudencéphaliens, j'ai lieu de croire que la cause qui les produit est la même. Mais j'ignore encore pourquoi la substance nerveuse s'y trouve remplacée par un tissu vasculaire. 36. L'explication de l'ectromélie ne présente aucune difficulté, du moment que l'on admet que la pression exercée par l'amnios est une cause d'arrêt de développement pour les membres. J'en dirai de même des déviations des membres, plus ou moins comparables aux pieds bots, ainsi que des courbures rachidiennes. Tous ces faits sont des faits d'observation. 37. Dans les cas d'éventration, le coeur et les viscères présentent souvent des brides membraneuses qui les font adhérer au vitellus ou aux parois de l'ombilic. Des brides analogues se voient également entre les hernies encéphaliques et l'amnios. Je n'ai pu que constater le fait, sans savoir quel rôle ces brides peuvent jouer dans l'histoire des monstruosités. On sait qu'Et. Geoffroy Saint-Hilaire leur attribuait une grande importance. . CHAPITRE V. DES CONDITIONS DE LA VJE ET DE LA MORT DES MONSTRES SIMPLES. 38. La mort des monstres omphalosites, lorsqu'ils sont isolés, résulte manifestement de l'absence de la circulation. 39. Les monstres unitaires autosites produits chez les oiseaux périssent presque tous de bonne heure et antérieurement à l'éclosion. Les causes de la mort sont l'anémie et l'asphyxie. 40. L'anémie des embryons se produit de deux manières. Tantôt 424 CAMILLE DARESTE. l'appareil circulatoire esfcomplet; mais les globules sont en nombre moindre que dans l'état normal. Cet étal se produit lorsque la poro- sité de la coquille est diminuée, et aussi lorsque l'incubation se fait à des températures relativement basses. Cette anémie ne paraît pas être assez puissante pour déterminer la mort. Tantôt l'anémie résulte de l'arrêt de développement de l'aire vascu- laire et de l'impossibilité pour les globules de quitter les iles de Wolf pour pénétrer dans le sang. Le sang, souvent incolore, détermine alors des hydropisies presque toujours mortelles. Nous avons vu que c'est là la cause de la formation de l'ancneéphalie. Je n'ai jamais vu des anenccphalcs vivre longtemps dans l'œuf; toutefois on m'a remis plusieurs poulets arrivés au terme de l'éclo- sion, et présentant des anenccphalies bien évidentes. Je suppose que cela résulte de l'arrivée dans le sang des globules de la seconde géné- ration, les globules elliptiques, dont l'origine est encore inconnue, mais qui ne proviennent pas des iles de Wolf, comme les globules circulaires. 'ii . L'asphyxie de l'embryon se produit d'une manière mécanique, toutes les fois que l'amnios est frappé d'arrêt de développement. En effet, la permanence de l'ombilic amniotique, et celle du pédi- cule amniotique, forment une barrière complètement infranchis- sable pour l'allantoïde. Elle ne peut alors s'étendre que sur une partie de la surface interne de l'œuf; et par conséquent, elle devient insuffisante pour alimenter la respiration de l'embryon, lorsqu'il arrive à un certain degré d'accroissement. CHAPITRE VI. DES QUELQUES AUTRES ANOMALIES DE L'ORGANISATION. 42.'' L'inversion des viscères, ou l'hotérotaxie, était entièrement inexplicable avant mes recherches. On sait que, dans l'état normal, certains organes échappent à la loi de symétrie, et que, dans l'inversion, cette dérogation à la loi de symé- trie se produit en sens inverse de la manière dont elle se produit dans l'état normal. TÉRATOGÉNIE EXPÉRIMENTALE. 425 Cette dérogation à la loi de symétrie n'est point primitive et ne commence à se manifester qu'à une certaine époque de la vie em- bryonnaire. Tous les organes qui se présentent dans leur état définitif ont commencé par une disposition parfaitement symétrique. Le cœur est le premier organe dans lequel se manifeste cette dispa- rition de la symétrie primitive. Elle y apparaît à ce moment de la vie embryonnaire où cet organe, placé d'abord sur la ligne médiane, vient faire saillie, sous la forme d'une anse contractile, au côté droit de l'em- bryon, encore couché à plat sur le vitellus. Dans l'inversion, la formation de l'anse cardiaque se produit au contraire à la gauche de l'embryon. Or cette formation de l'anse cardiaque, tantôt à la droite et tantôt à la gauche de l'embryon, entraine après elle toutes les modifications de la symétrie primitive qui caractérisent, dans le premier cas, l'état normal, et dans le second, l'état inverse. Ces modifications de la symétrie primitive s'expliquent par la disparition d'organes préexis- tants, comme dans le système vasculaire, et par le développement inégal des différentes parties de l'organe, comme dans l'allantoïde et l'appareil digestif. La position de l'anse cardiaque à la droite ou à la gauche de l'em- bryon est une conséquence de la formation du cœur par la fusion de deux blastèmes primitivement séparés. Celui de ces blastèmes qui acquiert le plus grand développement détermine la formation d'une anse cardiaque unique qui occupe le côté de la ligne médiane primi- tivement occupé par le blastème le plus développé. Si le blastème droit se développe plus que le gauche, on a l'état normal; si le blas- tème gauche se développe plus que le droit, on a l'état inverse. Quant au blastème dont le développement est le moindre, dispa- raît-il peu à peu en s'atrophiant; ou bien doit-il se souder avec l'autre blastème, pour former les cavités du cœur pulmonaire ? Dans le pre - mier cas, on aurait primitivement deux cœurs qui, développés isolé- ment, donneraient le cœur de l'état normal et le cœur de l'état inverse. Dans le second blastème, le plus développé donnerait le cœur aortique, et le moins développé donnerait le cœur pulmonaire. C'est, je le pense, le dernier cas qui a lieu. VS. Le nanisme est caractérisé par la prédominance des phéno- mènes de développement c'est-à dire de formation des organes, sur les phénomènes d'accroissement , c'est - à - dire d'augmentation de volume de ces mêmes organes. De plus, le développement est beaucoup plus rapide que dans l'état normal. 426 CAMILLE DARESTE. CHAPITRE VII. DES MONSTRES DOUBLES. •44. Jo n'ai jamais, dans mes expériences, provoqué la formation des monstres doubles : ce (|ui prouve que la cause qui les produit agit sur le germe antérieurement à l'incubation. Mais j'ai pu observer plusieurs monstres doubles en voie de formation. Les faits qu'ils m'ont présen- tés m'ont donné la clef de presque tous les autres. 45. Les monstres doubles chez les oiseaux ne résultent jamais de la soudure de deux vitellus primitivement séparés, comme on l'a cru pendant longtemps. 4G. Un vitellus peut présenter deux cicatricules, et sur chacune de ces cicatricules peut naître un embryon. Mais ces embryons, pos- sédant chacun leur amnios, ne peuvent se souder à aucune période de la vie embryonnaire. La pénétration du vitellus, dans la cavité abdominale, un peu avant l'éclosion, pourra peut-être établir une union superficielle par les ombilics ; c'est le cas, très-rare d'ailleurs, des monstres omp/ialopages, et aussi d'un certain nombre de pi/gomèles, ainsi que je l'ai indiqué plus haut. 47. Le plus ordinairement, la cicatricule est simple. Or une cica- tricule simple peut présenter deux embryons enveloppés dans le même amnios. Ces deux embryons peuvent se développer également ou inégale- ment; rester isolés jusqu'avant l'éclosion, ou se souder l'un à l'autre. Deux embryons également développés, et isolés l'un de l'autre, peuvent rester isolés jusqu'à l'éclosion ; mais à ce moment ils ne peuvent se séparer, et formeront un monstre omfj/ia/opaf/e. Deux embryons inégalement développés et isolés jusqu'à l'éclosion donneront naissance h nu /ji/fjoniNc ; l'embryon le moins développé étant attiré dans l'abdomen de son frère jumeau, comme je l'ai dit plus haut, à propos des ouiphn/osites. Ces faits se produisent de la môme façon que lorsque les deux embryons se développent sur deux cicatricules distinctes. Deux embryons également développés et deux embryons inégale- ment développés peuvent se souder entre eux d'après la loi de l'union TEHATOGENIE EXPERIMENTALE. 427 des parties similaires. On a dans le premier cas un monstre double autositaire, dans le second cas un monstre double parasitaire. 48. La soudure des deux sujets composants est presque toujours très-précoce, et date des premiers moments de l'incubation. Dans certains cas, elle est plus tardive, comme dans les monstres à double poitrine, dont la soudure commence par les tètes ou par les lames ventrales, et est par conséquent postérieure à leur formation. Enfin il y a des types où elle est beaucoup plus tardive encore ; c'est le cas des métopages et des céphalupages. 49. La loi de l'union des parties similaires régit dans tous les cas la formation des monstres doubles. Les organes apparaissent tout formés dans des blastèmes préparés à l'avance. 50. La formation des différents types de la monstruosité double ne présente, dans le plus grand nombre des cas, aucune difficulté théo- rique : sauf pour les monstres à double poitrine ; et aussi pour les monstres à double bassin {isc/u'opages), au sujet desquels je ne possède encore que des renseignements insuffisants. 51. L'union des deux sujets composants, dans les monstres doubles à union antérieure et à double poitrine, résulte de l'union des lames ventrales des deux embryons, lames qui sont primitivement couchées aplat sur le vitellus et qui dans l'état normal se reploient à un certain moment, pour clore en avant la cavité abdominale. 52. L'existence de deux cœurs dans les monstres à double poitrine tient à deux causes différentes. Lorsque les têtes sont distinctes, comme dans les sternopagcs, cha- cun des cœurs appartient à chacun des sujets composants. C'est dans ce cas, ainsi que Serres l'a fait remarquer, mais dans ce cas seulement, que la loi d'union des parties similaires entraîne nécessairement l'in- version d'un des sujets composants et son retournement sur le vitellus en sens contraire du retournement normal. Les faits de l'in- version s'expliquent ici comme dans les monstres simples. Lorsqu'il existe une fusion des tètes, la formation des cœurs est beau- coup plus complexe, et était entièrement inexplicable avant mes études. J'ai vu en effet que chacun de ces deux cœurs appartient par moitié à chacun des sujets composants. C'est une conséquence de la séparation primitive des blastèmes cardiaques dans l'embryon. En effet, chaque blastème cardiaque de l'un des sujets va s'unir avec le biastème correspondant de l'autre sujet. C'est ce que l'on ol)serve chez les janiceps, iniopes, synotes et déradelphes. 428 CAMILLE DAUESTE. r)3.La formation de la plupart des types de la monstruosité double s'explique très-facilement à l'aide des notions précédentes. L'histoire de la monstruosité double, comme Is. Geoffroy Saint- Hilaire l'a indiqué, n'est qu'un corollaire de l'histoire de la monstruosité simple. CONCLUSION GÉNÉRALE. 54. Mes recherches ont été bornées à la tératogénie des oiseaux. Elles ont cependant une portée plus grande. Par suite de l'identité des types tératologiques chez tous les vertébrés, elles donnent en réalité la tératogénie à peu près complète de tous les animaux de cet embranchement. .^5. Il est possible de modifier le développement d'un animal en modifiant les conditions physiques qui concourent à son dévelop- pement. RECHERCHES SDR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT DES . ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX M. E. BAUDELOT, Professeur de zoologie à la faculté des sciences de Nancy. DEUXIÈME PARTIE. DEUXIÈME SECTION. RÉSUMÉ SYNTHÉTIQUE DES OBSERVATIONS CONTENUES DANS LA PREMIÈRE SECTION. Dans la première partie de ce chapitre, consacré à l'exposé de mes propres recherches \ j'ai présenté une suite d'observations recueillies sur un certain nombre de types d'écaillés. Ces observations très- détailiées ont été élaborées avec un soin scrupuleux de manière à rendre la tâche aussi facile que possible à ceux qui, se proposant de pousser plus loin l'investigation, voudraient d'abord s'y préparer par l'étude détaillée de quelques types particuhers. Pour d'autres lecteurs ces observations, par le fait môme de leur étendue, risqueraient fort de ne point porter tous leurs fruits, si les vérités qu'elles renferment n'étaient rassemblées pour être présentées sous une forme générale et plus concise. C'est ce travail de synthèse que je vais entreprendre dans cette seconde section. Je traiterai successivement : 1° Des rapports des écailles avec les téguments; ' Voir la première section, p. 130 de ce tome. 430 E. BAUDKLOT, 2° De la forme des écailles et de leur mode d'orientation ; 3" Des dimensions des écailles; 4° Des crêtes de l'écaillé; o° Des spinules ; 6° Des sillons des écailles ; 1° Des canalicules perforants des écailles ; 8^ Des lacunes intérieures des écailles ; 9" Du foyer ou centre d'accroissement ; 10° Du tissu des écailles ; 11° De la formation et de l'accroissement des écailles. « 1» DES RAPPORTS DES ÉCAILLES AVEC LES TÉGUMENTS. Les écailles des poissons cténoïdes et cycloïdes sont renfermées dans de petites poches du derme et plus ou moins visibles à l'extérieur, où elles semanifestent d'ordinaire par un étatd'imbrication très-prononcé. Dans quelques espèces cependant (Anguille, Ophidium, Lota, etc.) les écailles se trouvent enfoncées profondément dans l'épaisseur de la peau et cessent d'être apparentes au dehors. Dans ce cas, qui presque toujours coïncide avec un faible développement des écailles, celles-ci ne présentent pas d'imbrication et se montrent, en général, simple- ment juxtaposées. Lorsque les écailles sont pourvues de spinules, comme chez les cténoïdes, la pointe de ces appendices peut faire saillie à travers l'épiderme, et apparaître librement à l'extérieur. L'adhérence des écailles avec la peau est sujette à présenter de très-grandes variations. Tantôt cette adhérence est si faible, que les écailles se détachent au moindre frottement (Hareng, Ablette, etc.) ; tantôt elle est assez intime pour exiger une assez forte traction lors de l'arrachement de l'écaillé (Carpe, Perche, etc.); dans quelques cas elle est portée h tel point, que l'écaillé semble se confondre avec la peau et qu'il devient à peu près impossible de l'en séparer, si ce n'est par la dissection ou au moyen d'une cuisson prolongée (Dactylopterus volitans, écailles de la ligne latérale des Trigles). Quel que soit du reste le peu d'adhérence des écailles et la facilité avec laquelle elles puissent se détacher, ce serait une erreur de croire que jamais elles soient entièrement libres dans l'intérieur de la cavité qui les renferme. Toujours il s'établit entre l'écaillé et les parois de la poche dermique, des rapports plus ou moins étroits au moyen de fibrilles ÉCAILLES DKS POISSONS OSSEUX. 4.'i1 de tissu conjonctif; celles-ci, qui bien souvent sont d'une finesse extrême, naissent soit des bords de l'écaillé, soit de sa face interne. Dans les écailles imbriquées, les deux portions de l'écaillé, celle qui est recouverte et celle qui reste visible à l'extérieur, n'offrent pas d'ordinaire le môme degré d'adhérence avec la peau. La portion libre, présentant presque toujours à sa surface soit des épines, soit des rugosités, contracte d'ordinaire avec l'enveloppe cutanée une union plus étroite. C'est pourquoi, lors de l'extraction des écailles, le champ postérieur emporte avec lui des débris de la peau dont il est sou- vent assez difficile de le débarrasser. Les rapports des écailles avec les téguments peuvent offrir cer- taines variations sur diverses régions du corps. Dans les parties où les écailles sont bien développées et par conséquent fortement pressées les unes contre les autres, on constate, en général, une imbrication très- prononcée ; dans d'autres parties, au contraire, où les écailles sont rudimentai'.es et très-réduites soit dans leur nombre, soit dans leurs dimensions, rinibrication peut s'affaiblir considérablement et môme disparaître tout à fait. Les écailles se montrent alors simplement con- tiguës ou isolées, ou bien restent entièrement cachées dans l'épaisseur de la peau. Ces faits se manifestent fréquemment sur divers points de la région céphalique (crâne, opercule, joues, lèvres, etc.). Dans certaines variétés de la Carpe, dites Carpe à miroir, Carpe à cuir, chez lesquelles, comme on le sait, les écailles peuvent disparaître sur des portions du corps plus ou moins étendues, ces organes affec- tent avec les téguments les rapports les plus variés; sur certains points on rencontre de très-larges écailles fortement imbriquées, sur d'autres points des écailles très-grandes encore, mais à peine recouvrantes, ou bien tout à fait isolées. Il existe aussi de très-petites écailles complète- ment enchâssées dans l'épaisseur de la peau. Comme on le voit par l'ensemble des faits qui précèdent l'imbrica- tion peut être considérée jusqu'à un certain point comme un phéno- mène d'ordre mécanique intimement lié au plus ou moins de dévelop- pement des écailles et à leur degré d'écartement. 2° DE LA FORME DES ÉCAILLES ET DE LEUR MODE d'oRIENTATION. La forme des écailles est extrêmement variable. Ces variations se manifestent non-seulement d'une espèce à une autre espèce, mais encore dans le même individu suivant les différentes régions du corps. 432 E. BAUDELOT. Dans chaque poisson, les grandes écailles qui recouvrent la région moyenne des flancs, peuvent en général être considérées comme typiques, c'est-à-dire comme réunissant au plus haut degré et avec le le plus de constance tous les caractères propres à l'espèce. Les écailles que Ton rencontre dans les régions du dos et du ventre, sur la tête et sur les nageoires subissent en général des déformations plus ou moins marquées et perdent une partie de leurs caractères. Des écailles ovalaires sur un point, peuvent passer à la forme circulaire sur un autre point, des écailles polygonales peuvent revêtir tour à tour la forme arrondie, la forme elliptique, ou même des formes tout à fait irrégulières. Si l'écaillé présente des lobes sur ses bords, ceux-ci- peu- vent varier considérablement dans leur nombre et même disparaître tout à fait. Il en est de même des spinules, des crêtes concentriques et des sillons. Rien donc, en définitive, de plus variables que les caractèresextérieurs des écailles, et de même que dans un arbre on ne saurait trouver deux feuilles exactement semblables, de même dans un poisson il n'y a peut-être pas deux écailles parfaitement identiques. Mais si dans les écailles comme dons les feuilles chacune des particularités extérieures est susceptible de changements considérables, toutes ces particularités ne varient pas en même temps et il subsiste d'ordinaire quelques traits généraux de ressemblance qui ne permettent guère de confondre les écailles d'une espèce avec celles d'une autre espèce. Dans beaucoup de poissons on trouve des écailles de plusieurs sortes. L'existence simultanée d'écaillcs cténoïdeset d'écaillés cycloïdes sur (les points du corps différents, a été constatée par moi dans les Ti'igla lineafn^ Sa/'fjns liondclctù', Perça fluviatalis, sur divers pleuro- nectes [PL so/a, PL flesut^, etc.), chez plusieurs scorpions. Le même fait a été observe chez le Pr/ani;/>i mrda par Péters, et sur VA/jron par L. Vaillant. Le Thon possède aussi deux sortes d'écaillés distinctes. Les écailles de la carène ventrale de l'Alose et du Hareng, les écailles de la ligne latérale d'un grand nombre de poissons (Trigle), présentent aussi une conformation particulière. L'altération des caractères des écailles est surtout marquée là où ces organes tendent à devenir rudimentaires, sur la tête et sur les nageoires par exemple. La forme des écailles paraît dépendre juscju'à un certain point du rapport qu'elles afièctent dans leur mode de juxtaposition. On peut établir comme règle que lorsque les écailles sont isolées ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 433 dans la peau et non soumises à des pressions réciproques, elles ten- dent à revêtir la forme arrondie ou ovalaire (Lotte, Anguille, Ophi- dium, écailles de la région précordiale de divers poissons). Dans la Carpe à miroir, chez laquelle les écailles avortent souvent sur une grande partie du corps, on rencontre fréquemment des écailles isolées, enchâssées de toute part dans le derme et dont la forme est devenue parfiiitement circulaire. Lorsque, au contraire, les écailles sont grandes et fortement pressées les unes contre les autres, qu'elles soient imbri- quées ou simplement juxtaposées, elles prennent le plus souvent une forme polygonale, tantôt très-régulière (Ostracion) , tantôt irrégu- lière (Muge, Carpe, Chevaine, etc.). L'orientation du grand axe des écailles par rapport à l'axe du corps est en général assez constante dans les poissons chez lesquels les écailles offrent une imbrication régulière et très-prononcée. Il peut arriver cependant que par suite du changement de forme graduel des écailles et de la prédominance successive de l'un de leurs diamètres sur l'autre, les écailles appartenant à des régions différentes présentent leur grand diamètre tantôt perpendiculaire, tantôt parallèle à l'axe du corps. Ainsi dans le Vairon, dont les écailles sont ovalaires, les écailles de la région moyenne des flancs ont leur grand diamètre dirigé de haut en bas (dorso-ventral) ; les écailles de la région caudale, au contraire, ont leur grand diamètre antéro-postéricur. Néanmoins il n'y a pas eu changement réel dans la position des écailles; les divers champs de celles-ci ont conservé par rapport à l'axe du corps leur môme situation respective; le champ antérieur regarde toujours en avant et le champ postérieur en arrière. Ce qui s'est produit, ce n'est autre chose qu'un raccourcissement du diamètre vertical et un allon- gement du diamètre antéro-postérieur de l'écaillé ; il existe, en effet, entre les points extrêmes où se montrent les deux sortes d'écaillés, une région intermédiaire, région neutre si l'on veut, où, les diamètres de l'écaillé venant à s'équilibrer, on rencontre des écailles parfaitement circulaires. Dans les poissons chez lesquels les écailles sont isolées et complètement enchâssées dans la peau (Anguille, Ophidium barba- tum, etc.), le grand axe des écailles ne présente oi'dinairement rien de fixe dans sa direction. Il semblerait donc que la pression réci- proque exercée par les écailles les unes à l'égard des autres contribue jusqu'à un certain point à leur imprimer un môme mode d'orienta- tion. ARCn. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 1873. 28 434 E. BAUDELOT. 3° DES DIMENSIONS DES ÉCAILLES. La grandeur des écailles est extrêmement variable. Si d'abord on compare entre elles les écailles d'un môme poisson, on reconnaîtra que sur certains points du corps les écailles oflrent toujours une grandeur relative considérable, que sur d'autres points elles se montrent généralement très-petites. On peut comparer sous ce rapport les écailles des lianes avec celles qui recouvrent les rayons de la nageoire caudale. A partir de la région moyenne des flancs et h mesure que l'on se porte soit vers la queue, soit vers le ventre, on voit d'ordinaire les écailles diminuer peu à peu de grandeur. Géné- ralement aussi leurs dimensions se trouvent plus ou moins réduites sur divers points de la tète, dans la région de l'opercule et du préoper- cule, dans la région sous-orbitaire. Les tableaux que j'ai donnés rela- tivement au Brochet, à la Perche et au Muge permettront de se faire une idée exacte des difierences de grandeur que peuvent offrir les écailles dans ces ditférentes régions. Ces mômes tableaux pourront servir également à montrer dans quelles proportions la grandeur des écailles est suceptible de varier avec l'âge et avec la taille des poissons. L'accroissement, comme on peut le voir, est continu, mais inégal pour les écailles appartenant à des régions du corps différentes. Si l'on compare entre eux les poissons d'une môme famille au point de vue de la grandeur des écailles, on trouvera sous ce rapport les plus grandes variations. Ainsi, dans le groupe desCyprinides, la Carpe possède de très-grandes écailles, le Vairon en a de très-petites. Certaines variétés d'une môme espèce de poisson peuvent même offrir des différences extrêmement considérables dans la grandeur relative de leurs écailles. Ainsi dans la variété de la Carpe dite Carpe à miroir les écailles ont acquis des dimensions énormes, très-supé- rieures à celles des écailles de la Carpe ordinaire. Dans une autre variété du même poisson, la Carpe à cuir, les écailles sont devenues tout à fait rudimentaires, ou môme ont complètement disparu. 4" DES CRÊTES DE L'ÉCAILLE. Chez les poissons appartenant au groupe des Cycloïdes et des Cténoïtlcs, lu surface des écailles présente d'une façon à peu près constante des saillies linéaires, ordinairement parallèles au contour ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 43S extérieur de l'ccaille. Je les désigne par ces mots : crêtes de l'écaillé (pLV, fig. 1,2, 10, II). Bien que l'existence des crêtes soit pour ainsi dire constante, il se trouve néanmoins quelques types de poissons chez lesquels ces reliefs de l'écaillé peuvent disparaître d'une façon plus ou moins complète. Je citerai comme exemple le Dactylopterus volitans et le Thon (pi. VII, fîg. 6, 7, 8). Dans ce dernier poisson on rencontre des écailles presque aussi abondamment pourvues de crêtes qu'à l'ordinaire , d'autres écailles n'en présentent qu'un très-petit nombre sur les bords, d'autres en offrent à peine quelques traces ou bien en sont complètement dépourvues. Dans l'Anguille, l'écaillé ne présente pas de crêtes à sa surface ; celles-ci se trouvent remplacées par des reliefs d'un aspect tout particulier, mais de même nature que les crêtes cependant (pL VIII, fîg. 1,2,3,4). La disposition des crêtes à la surface de l'écaillé mérite de fixer l'attention. Dans certains types d'écaillés, celles des Salmones, par exemple, les crêtes s'étendent parallèlement au contour de l'écaillé d'une façon parfaitement régulière ; elles forment ainsi une suite de reliefs non interrompus qui méritent réellement le nom de crêtes concentriques. Il en est de même dans la Lotte. Dans d'autres types d'écaillés, celles du Brochet (pi. V, fig. 10, 11), de divers Cyprins (pi. X, fîg. 2), de quel- ques Pleuronectes, etc., les crêtes concentriques montrent encore beaucoup de régularité dans la portion périphérique de l'écaillé ; mais, à mesure qu'elles se rapprochent du foyer, elles perdent en général de leur uniformité : elles s'interrompent sur certain;? points, se contour- nent en divers sens, s'entrecoupent* de crêtes secondaires et finissent souvent par représenter un véritable labyrinthe. Il y a, du reste, sous ce rapport, les plus grandes différences entre les écailles jd'un même poisson. Dans un très-grand nombre d'écaillés, les caractères des crêtes concentriques s'altèrent plus ou moins dans l'étendue du champ pos- térieur : tantôt ces crêtes disparaissent complètement (Hareng, pi. V, fig. 12 ; Alose, etc.), tantôt elles deviennent plus rares, elles s'écartent davantage les unes des autres, perdent de leur régularité, s'épaissis- sent sur certains points ou bien se recouvrent de saillies tuberculeuses (Carpe, pi. X, fig. 1, 6, et autres Cyprins). Dans quelques poissons, les crêtes aiTecLent un mode d'orientation tout particulier. Au lieu de suivre un trajet parallèle à la ligne de 430 E. BAUDELOT. contour de l'écaillé, elles prennent une direction plus ou moins perpendiculaire h. cette même ligne, tout en restant cependant paral- lèles entre elles. Tel serait le cas de l'Alépocéphalus, d'après Peters ^ Tel est aussi le cas du Hareng (pl.V, fig. 42) et de l'Alose, chez lesquels on voit les crêtes du champ postérieur couper sous un angle très- ouvert les bords latéraux de l'écailIe. Du reste, en y regardant de plus près, il est facile de s'assurer que, dans un très-grand nombre d'écaillés où les crêtes se montrent très-régulièrement disposées, le parallélisme de ces crêtes avec le bord de l'écaillé n'est souvent qu'apparent; ainsi dans le Muge (pi. VI, fig. G), dans la Perche, la Gremille, etc., on voit se succéder, le long du bord des champs latéraux, une suite de crêtes différentes qui, après avoir côtoyé ce bord pendant quelques instants, vont se terminer un peu plus loin. Or, si, à partir du point où elle affleure sur le bord latéral, on suit chacune de ces mêmes crêtes d'ar- rière en avant, on reconnaîtra qu'une fois parvenue dans la circon- scription du champ antérieur, elle se trouve séparée du bord de ce champ par un nombre plus ou moins considérable d'autres crêtes. En d'autres termes, une crête d'abord intérieure et plus ou moins distante du bord dans le champ antérieur devient marginale en passant dans les champs latéraux. Ce n'est, à vrai dire, que la reproduction sous une forme moins accentuée de la disposition qui se manifeste chez le Hareng ; d'où l'on peut conclure que la disposition particulière des crêtes observées dans ce type n'est pas un fait isolé, mais' l'expression d'un fait plus ou moins général. En comptant les crêtes concentriques dans chacun des champs de l'écaillé, on constate que le nombre de ces reliefs n'est pas le même pour chacun d'eux. ï\ est ordinairement beaucoup plus élevé dans le champ antérieur que dans les champs latéraux, et dans les champs latéraux que dans le champ postérieur (Perche, Brochet, Vairon, etc.), ce qui, soit dit en passant, est une nouvelle preuve que toutes les crêtes ne font pas le tour de l'écaillé. Le nombre des crêtes est susccplil)le d'offrir les plus grandes varia- lions dans les écailles d'un même poisson (voir à cet effet les tableaux que j'ai donnés relativement à la Perche et au Brochet) : il paraît être en proportion de l'étendue de l'écaillé. Ainsi, dans les grandes écailles qui recouvrent les flancs , le nombre des crêtes est relativement très- élevé ; dans les écailles très-petites et rudimentaires qui appartien- ' Voir l'iiislorique de noire aicinoiie, ji. lO'J. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. i37 nent à d'autres régions du corps (nageoire caudale, région opercu- laire), il se montre, au contraire, extrêmement réduit. Généralement les variations sont assez faibles pour les écailles d'une môme région. Pour des poissons de môme espèce, mais d'âge différent, le nombre des crêtes s'accroît proportionnellement avec l'âge, et aussi par consé- quent avec les dimensions des écailles. Ce fait est des plus faciles à vérifier en comparant entre elles les écailles d'une même région sur des poissons de taille très-différente. Des observations recueillies avec soin sur des Brochets, des Perches, des Vairons, m'ont permis de constater des différences de nombre allant du simple au double, au triple, au quadruple et même au delà. Les nouvelles crêtes se forment successivement à une très-faible distance du bord de l'écaillé par la calcification partielle de la couche externe. Cette calcification se manifeste d'abord par une simple traînée de molécules calcaires dans la zone membraneuse qui borde l'écaillé. Cette traînée de molécules représente un centre calcigène autour duquel s'accumule la substance calcaire. De l'épaississement de la traînée calcaire primitive résulte une arête peu saillante d'abord, mais qui, en s'exhaussant davantage, constitue bientôt une crête. Celle-ci, en s'élargissant peu à peu à sa base par l'adjonction de molé- cules calcaires, finit par se relier aux crêtes voisines et par former un revêtement calcaire continu à la surface de l'écaillé. Le mode de formation des crêtes que je viens d'indiquer peut se constater aisément sur les écailles de la Sole, dans l'étendue de la zone membraneuse qui constitue le bord de chacun des champs laté- raux ; mais il est non moins visible dans les écailles de beaucoup d'autres types de poissons. Lorsque l'on examine les crêtes de l'écaillé sous un fort grossisse- ment, on reconnaît que leur bord libre est tantôt uni, tantôt cj'énelé, de manière à représenter de fines dentelures plus ou moins régulières. J'ai rencontré de ces dentelures dans les écailles du Muge (pi. VI, fig. 5), de la Perche, de la Lotte, et de beaucoup d'autres poissons ; mais il est à remarquer que ces aspérités ne se montrent pas uniformément sur toutes les crêtes d'une même écaille ; quelques-unes de ces crêtes, principalement celles qui se trouvent dans le voisinage des bords, peuvent en être complètement dépourvues. Dans beaucoup d'écaillés (Lotte, Muge, etc.), les crêtes concentriques m'ont paru offrir une inclinaison marquée dans la direction du centre de l'écaillé. Cette inclinaison se manifeste par une différence plus ou 438 E. BAUDELOT. moins prononcée dans le degré d'obliquité des deux plans correspon- dant aux deux faces opposées de la crête concentrique. On peut aussi la constater sur des coupes transversales, c'est-à-dire perpendicu- laires à la surface de l'écaillé. L'écarlement des crêtes est peu considérable ; -il mesure le plus sou- vent de 5 à 10 centièmes de millimètre. Cet écartement ne paraît pas varier avec l'âge, ce qui prouve évidemment que l'écaillé ne s'accroît pas par tous les points de sa surface. La distance qui sépare les crêtes les unes des autres peut rester la même dans les divers champs de l'écaillé, mais ce fait est loin d'être constant. Ainsi dans la Sole les crêtes se montrent beaucoup plus ser- rées dans le champ antérieur que dans les champs latéraux; dans la plupart des écailles cycloïdes on voit aussi les crêtes du champ posté- rieur offrir un écartement notablement supérieur à celui des crêtes des champs latéraux et du champ antérieur (Vairon, Cyprins, etc.). Enfin, dans un même champ de l'écaillé il n'est pas rare de voir des zones successives dans l'étendue desquelles les crêtes présentent des degrés différents d'écartement (Carpe, pi. X, fîg. 2). Si l'on embrasse dans leur ensemble les faits que je viens d'exposer relativement aux crêtes de l'écaillé ; si l'on considère : 1° Que les crêtes n'affectent que très-rarement un arrangement par- iait sous forme de lignes concentriques : 2° Que ces crêtes peuvent se montrer perpendiculaires au contour de récaille ; 3° Qu'elles peuvent affecter les dispositions les plus irrégulières, se replier sur elles-mêmes, s'enchevêtrer en tous sens, ou former comme une sorte de réseau à mailles irrégulières ; 4° Qu'elles sont une dépendance de la couche superficielle de récaille ; 5° Qu'elles naissent sur le bord de l'écaillé par points de calcifica- tion isolés ; 6° Qu'elles offrent souvent une inclinaison marquée vers le centre de récaille, , On est amené à conclure que les crêtes ne représentent nullement les bords des couches ou feuillets superposés de l'écaillé, ainsi que l'ont admis, certains naturalistes. Ces crêtes, qu'elles soient concen- triques ou non , ne sont pour moi autre chose que des reliefs correspondant à des lignes do calcification de la couche extérieure de récaille. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. m 5° DES SPINULES, J'ai donné le nom de spinules (sphiu/a) aux petites épines qui revêtent la surface du champ postérieur des écailles cténoïdes (pi. V, fig.1,6). Ces appendices de Técaille sont susceptibles d'offrir de très-grandes différences suivant les types de poissons, et l'on peut observer dans leur structure une série de transitions depuis l'état de simples dente- lures jusqu'à celui de dent véritable. Sous leur forme la plus simple, les spinules se trouvent représentées par des dentelures ou des découpures du bord postérieur de l'écaillé. Les spinules, dans ce cas, ne doivent pas être considérées comme des organes particuliers, mais comme des lobes plus ou moins saillants du bord libre de l'écaillé. Telles sont, par exemple, les spinules du Thon (pi. VII, fig. 7, 8) et du Hareng (pi. V, fig. 12). Chez le Hareng, les cré- nelures du bord se trouvent reproduites de distance en distance à partir de ce bord, mais seulement sous forme de lignes ondulées ou de rides à peine saillantes (pi. V, fig. 12, f, f). A un degré plus élevé, les spinules se montrent comme des dente- lures plus ou moins saillantes des crêtes concentriques appartenant au champ postérieur (certains Sargus). Nous avons vu précédemment que les crêtes concentriques ordinaires offrent très-fréquemment des dentelures microscopiques sur leur bord libre. Ces dentelures et les crêtes qui les supportent deviennent seulement ici plu» marquées. Il y a donc en réalité, comme on le voit, passage insensible des crêtes denticulées aux spinules. A un degré plus élevé encore, les spinules se trouvent représentées par une multitude de petites épines coniques, pointues ou tronquées, qui recouvrent toute la surface du champ postérieur. Mais dans ce cas lui-même il peut] se présenter des différences notables : ainsi chez le Muge (pi. VI, fig. 2, 3), les spinules possèdent le caractère de plaques dont la face externe, relevée en cône, fait souvent une saillie à peine marquée au-dessus du niveau de l'écaillé; dans la Perche, la Grémille, l'Apron, au contraire, les spinules sont très-allongées, et ressemblent à de véritables épines plus ou moins effilées à l'extré- mité (pi. V, fig. 1,6). Dans un quatrième degré, les spinules sont longues, arrondies, effi- lées en pointes comme dans le cas précédent ; mais, au lieu d'être UO E. BAUDELOT. pleines, elles sont creusées à l'intérieur d'une cavité conique plus ou moins spacieuse. Telles sont, par exemple, les spinules de la Sole (pi. YIII, fig. iO^ 14) et de divers Pleuronectes. Dans un cinquième et dernier degré, les spinules ressemblent encore pour la forme aux spinules précédentes, mais elles possèdent un canal intérieur^étendu de la base au sommet, et, au lieu d'être composées d'un tissu homogène semblable à celui de l'écaillé, elles sont for- mées de véritable dentine, dont les canalicules s'étendent du canal central jusqu'au voisinage de la surface. Je citerai comme exemple de cette structure les spinules de l'Hypostome (pi. IX, flg. 5, 6). L'étude des spinules comporte un certain nombre de questions que nous allons examiner. Nous traiterons donc successivement : 1° De la disposition des spinules à la surface de l'écaillé; 2° De leur forme et de leurs dimensions ; 3" De leur nombre et de leur accroissement; 4° De leur structure. Les spinules sont disposées d'une façon régulière à la surface de récaille. Elles se montrent groupées par séries de manière à former tout à la fois des rangées concentriques parallèles au bord du champ postérieur et des rangées centripètes qui se dirigent d'une façon plus ou moins convergente vers le centre d'accroissement. Les spinules appartenant à deux rangées centripètes voisines alternent toujours entre elles (pi. V, flg. 6). Aux deux extrémités du champ postérieur, c'est-iVdire dans le voisinage des champs latéraux, les spinules offrent d'ordinaire moins de régularité dans leur disposition. Il est facile de s'assurer de l'exactitude de ces faits sur la Perche, la Gi'émille, le Muge, etc. Les spinules les plus rai>prochées du bord de l'écaillé restent d'ordinaire bien dislinctosles unes des autres; mais, ;\ mesure que l'on se porte de ce bord vers le centre d'accroissement, les spinules se montrent moins bien isolées, leurs limites sont moins nettes; en même temps leur surface se couvre de rugosités, de crêtes, de tuber- cules, de telle sorte que dans le voisinage du foyer leurs contours deviennent très-dilliciles à saisir à travers l'épaisseur du revêtement calcaire extérieur de l'écaillé. Les caractères extérieurs des spiuules ne restent pas les mêmes dans toute l'étendue du champ postérieur. Les spinules qui composent les ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. m deux premières rangées voisines du bord libre sont généralement plus longues et plus effilées que celles qui viennent ensuite. Ces spinules ont la forme de prolongements coniques, droits ou légèrement arqués, à sommet aigu, à base élargie et diversement conformée, parfois dilatée en manière de plaque à contour déchiqueté (Muge), d'autres fois terminée par une sorte de tcte ou de bourrelet articulaire (Sole). Dans quelques espèces de poissons (Upeneeus surmuletus, Umbrina vulgaris, etc.), un certain nombre de spinules du bord postérieur m'ont présenté une bifurcation et même une trifurcation à leur extrémité libre. Les divisions sont toujours très-courtes et le plus souvent inégales. Les spinules qui suivent celles des deux premières rangées sont beau- coup moins longues que ces dernières. Dans la Perche (pi. V, fig. 6), la Grémille, elles offrent l'aspect de cônes ou de pyramides tronquées ; on dirait des spinules dont la pointe a été brisée. Chez la Sole, elles présentent l'aspect de cônes à sommet mousse (pi, VIII, fig. \A). Aux deux extrémités du champ postérieur, c'est-à-dire au voisinage des champs latéraux, les caractères des spinules subissent fréquemment des altérations plus ou moins marquées : elles se rapetissent, se défor- ment, et quelquefois se réduisent, comme chez le Muge, à des plaques irrégulières, séparées par de larges espaces membraneux. Si l'on compare entre elles les spinules d'une même écaille au point de vue de la dimension, on constate que, parmi les spinules du bord libre, celles qui occupent la portion moyenne de ce bord sont ordinairement les plus grandes. Quant aux autres spinules, à partir du bord libre jusqu'au foyer, elles perdent graduellement de leur volume, mais d'une façon très-peu sensible. Des mesures prises avec soin sur des poissons de différents âges et de la môme espèce (Perche) m'ont permis de reconnaître que les dimensions des spinules s'accroissent d'une façon notable avec l'âge. Le nombre des spinules est susceptible de présenter de très-nom- breuses variations, suivant les différentes régions du corps et suivant l'àge. Si l'on compare entre elles les écailles d'un même poisson, on reconnaît que pour une même région et pour des points très-rappro- chcs le nombre des spinules des écailles varie peu en général, tandis que pour des régions du corps plus ou moins distantes les écarts dans le nombre peuvent devenir très -considérables. Cette règle toutefois 442 E. BAUDELOT. ne saurait être considérée comme d'une valeur absolue, puisqu'il peut arriver dans quelques cas de rencontrer à côté d'écaillés riche- ment pourvues de spinules d'autres écailles complètement dépourvues de ces organes (Limande). C'est ordinairement dans les grandes écailles de la région moyenne des flancs que le nombre des spinules se montre le plus élevé. Dans les écailles de la région ventrale, le nombre des spinules s'abaisse ordinai- rement d'une façon notable, quelquefois môme jusqu'à disparition complète de ces organes, ainsi que je l'ai constaté chez le Trigia lineata, le Sillago domina, etc. Dans les écailles plus ou moins réduites que l'on rencontre dans les régions operculaires et sous-orbitaires, dans les écailles rudimentaires qui recouvrent les rayons de la nageoire caudale et des autres nageoires, non-seulement le nombre des spinules diminue toujours d'une façon considérable, mais il arrive fréquemment que les spinules font complètement défaut (pl.V, fig. 2, .3, o, et pi. VIII, fig. I3), de telle sorte que l'on peut avancer, comme un fait à peu près certain, qu'il n'existe peut-être pas un seul poisson cténoïde chez lequel on ne puisse rencontrer sur certains points du corps quelques écailles cycloïdes. Chez divers Pleuronectes, j'ai remarqué que les écailles apparte- nant au côté inférieur du poisson (face incolore) étaient plus sujettes à perdre leurs spinules que celles du côté opposé ; j'ai même constaté l'absence complète des spinules du côté inférieur dans le Pleuronectes hirtus, d'oii, en tenant compte des autres faits précédemment énoncés, il semble légitime de conclure que tout ce qui tend à imprimer aux écailles un cachet rudimen taire tend en même temps à diminuer le nombre de leurs spinules et à les faire passer de la forme cténoïde à la forme cycloïde. L'accroissement du nombre des spinules avec l'âge est un fait très- facile à vérifier. 11 suffit pour cela d'examiner des poissons de la même espèce à des âges différents et assez distants pour que les variations purement accidentelles ne puissent masquer les variations dues à l'accroissement. La Perche est un des types qui me paraissent se prêter le mieux à ce genre d'observation. Sur ce poisson l'accroissement du nombre des spinules peut être constaté soit en comptant les spinules d'une rangée concentrique (celles du bord libre par exemple), soit en comptant les si)iiuiles de l'une des rangées centri[)èics. Cet accrois- sement de nombre, que j'ai vu s'élever du simple au double, au triple, au quadruple sur des Perches dont la taille était comprise entre ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 443 6 centimètres et 33 centimètres, ne paraît pas cependant exactement proportionnel à l'accroissement de la taille (celle-ci étant calculée d'après la longueur du poisson) ; il lui reste un peu inférieur K J'ai suivi également sur déjeunes Gobius le développement des spi- nules ; voici ce que j'ai constaté : sur les plus jeunes écailles il n'existe d'abord qu'une seule spinule, qui se trouve attenante au côté posté- rieur d'une première crête concentrique qui forme une sorte d'an- neau. De chaque côté et un peu en arrière de cette première spinule, en naissent ensuite deux autres situées aux deux extrémités d'une seconde crête concentrique qui représente une courbe ouverte en arrière. Puis apparaissent une nouvelle crête et deux auti-es spinules offrant des rapports semblables, et ainsi de suite, de telle sorte que le nombre des spinules est successivement d'une, trois, cinq, sept, etc. D'après ces faits, je présume que tout à l'ait à son début l'écaillé doit être complètement privée de spinule, c'est-à-dire parfaitement cycloïde. De l'augmentation du nombre des spinules nous sommes conduits tout naturellement à nous occuper du mode général de dévelop- pement de ces organes. Cette question, simple au premier abord, soulève, comme on va le voir, plus d'une difficulté. De l'accroissement successif du nombre des spinules il est naturel de conclure que de nouvelles spinules viennent s'ajouter sans cesse aux spinules déjà existantes, en se formant en arrière de celles-ci sur le bord du champ postérieur. Parmi les fails qui militent en faveur de cette hypothèse, je citerai les suivants : Dans la Perche, la Grémille, etc., les spinules qui occupent le bord libre de l'écaillé sont seules intactes ; toutes les autres spinules sont tronquées et comme brisées, ce qui semble indiquer que les pre- mières, mieux conservées, sont de date plus récente. Les spinules et les crêtes concentriques sont des productions homologues ; or, comme il nous est démontré que celles-ci naissent successivement sur le bord de l'écaillé, il est rationnel d'admettre qu'il doit en être de même pour les spinules. 1 Pour arriver à des résultats comparatifs de quoique valeur touchant l'accrois- sement du nombre des spinules, il est indispensable de faire porter l'examen sur les écailles d'une même région, le nombre des spinules étant, comme nous l'avons vu, susceptible de présenter de grandes variations dans des parties du corps différentes. Jerecommanderai également de choisir de préférence les grandes écailles do la région moyenne des flancs, ces écailles offrant toujours une plus grande uniformité dans la nombre de leurs spinules. iU E. BAUDELOT. L'accroissement de l'écaillé se fait par les bords et non par le centre, ce qui rend inadmissible l'hypothèse qui ferait naître les spinules dans la région du foyer. D'aulre part, aux faits précédents on peut opposer ceux que voici : Si les spinules naissent sur le bord libre, on devrait, en examinant des poissons cténoïdes à divers Ages et à diverses époques de l'année, rencontrer fréquemment sur le bord du champ postérieur de jeunes spinules en voie de formation ; or c'est là un fait très-rare. En second lieu, si les spinules tronquées ne sont autres que des spinules dont la pointe a été brisée, il est surprenant que toutes ces spinules si nombreuses puissent avoir leur pointe brisée à la fois, et il semble que l'on devrait au moins quelquefois rencontrer parmi elles des spinules restées intactes ; or cela ne m'est jamais arrivé sur le très- grand nombre d'écaillés de Perches que j'ai examinées; jamais en dehors des deux premières rangées du bord libre je n'ai rencontré une seule spinule encore pourvue de sa pointe. 't- Il reste donc là, comme on le voit, un point un peu obscur à élu- cider et pour lequel de nouvelles observations, étendues à de nouveaux types, seraient nécessaires. Confiant dans les résultats qu'elles pour- ront apporter, je n'en ai pas moins la conviction que les nouvelles spinules se forment toujours par voie de génération successive sur le bord postérieur de l'écaillé K Considéré au point de vue histologique, le tissu des spinules nedifîère en rien de celui de l'écaillé elle-même ; il se compose par conséquent de substance conjonctive calcifiée. Dans beaucoup de spinules, le tissu paraît formelle couches disposées concentriquement et comme emboî- tées les unes dans les autres. Le tissu de ces couches paraît souvent lui-même finement strié dans le sens longitudinal, et la dissection établit, en effet, qu'il peut se résoudre en faisceaux de substance fibreuse. Sur des spinules provenant d'écaillés soumises à une macé- ration prolongée, on aperçoit fréquemment dans la portion inférieure ou basilairc de la spinule de petits méats longitudinaux qui donnent 1 Depuis que ces lignes ont été écrites,^ j'ai eu l'occasion d'observer plusieurs Cténoïdes dont les écailles m'ont présenté (fd et là de très-petites spinules sur le bord du champ postérieur. Néanmoins ces observations laissent toujours quelque chose à désirer, car ce n'est pas chez quelques Cténoïdes, mais chez tous, que l'on devrait ainsi rencontrer de jeunes spinules en arriére du ciiamp postérieur. Elles n'expliquent pas non plus le mode (W forniation des spiiudes Ironipiées. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 445 au tissu un aspect aréolaire. Vers le sommet de la spinule, le tissu se montre plus compacte, plus homogène ; il prend un aspect vitreux et devient très -cassant. Lorsque l'on cherche à se rendre compte de la nature des spinules, on est amené à reconnaître que ces appendices de l'écaillé ne sont pas des productions d'une nature particulière, mais des parties déjà préexistantes simplement modifiées dans leur conformation extérieure. D'après mes observations, les spinules sont des productions de môme ordre que les crêtes concentriques du champ antérieur et des champs latéraux : ce sont, si l'on veut, des crêtes devenues très-saillantes et découpées en travers, de manière à constituer des séries de prolonge- ments spiniformes pourvus chacun d'une base distincte. A l'appui de l'opinion que je viens d'émettre, on peut alléguer les faits suivants : Dans beaucoup d'écaillés (Perche, Muge, etc.), le bord des crêtes concentriques présente une suite de dentelures microscopiques très- nettes. Dans quelques écailles cténoïdes les spinules sont tellement petites qu'elles ne représentent pour ainsi dire que de fortes dentelures des crêtes du champ postérieur, devenues elles-mêmes très-saillantes. Dans un grand nombre d'écaillés cycloïdes (Carpe, pi. X, fig. i; Chevaine, etc.), le champ postérieur offre des séries de tubercules dis- posés avec une régularité presque égale à celle des spinules et qui ont avec ces organes la plus grande analogie. Or ces tubercules se mon- trent avec la dernière évidence comme des épaississements partiels des crêtes concentriques. Lorsque dans un même poisson les écailles, en se modifiant, pas- sent de l'état cténoïde à l'état cycloïde, il arrive fréquemment de voir les spinules remplacées par de simples crêtes, substitution qui est une preuve manifeste de l'homologie de ces deux sortes de produc- tions. Parmi les Pleuronectes, les uns sont cténoïdes (Sole, Limande, etc.), d'autres sont cycloïdes (Barbue, Carrelet). Dans les écailles des Pleuro- nectes cycloïdes, le champ postérieur, au lieu de rangées de spinules, offre le plus souvent des îlots distincts de matière calcaire suppor- tant chacun un fragment de crête concentrique (pi. VIT, fig. 3). Que ces îlots vinssent à se rétrécir et à se régulariser, il en résulterait évidemment des spinules. UG E. BAUDELOT. Les écailles du Muge révèlent d'une façon plus nctle encoro peut- être le mode de formation des spinules. Lorsque l'on considère les crctcs concentriques des champs latéraux dans le voisinage du champ postérieur, on aperçoit entre ces crôtcs et parallèlement à elles de très-larges sillons au niveau desquels disparait la couche superficielle de l'écaillé. Les crctes en question, avec leur base élargie, ressemblent ainsi à des chaînes de montagnes parallèles séparées par des lacs étroits ; un peu plus loin, les mêmes crêtes présentent des interruptions de distance en distance ; il en résulte des îlots surmontés chacun d'une crête saillante ; plus loin encore, les découpures transversales deve- nant plus fréquentes, la surface de l'écaillé présente des séries de petites plaques irrégulières et inégales d'abord, puis de plus en plus régulières et semblables entre elles, puis enfin groupées avec unifor- mité et symétrie comme les compartiments d'une mosaïque ; chaque plaque supportant un rudiment de crête transformé en saillie conique est devenue une spinule. Tout ce que j'ai dit jusqu'à présent s'applique aux spinules des poissons cténoïdes ordinaires, tels que les Percoïdes, les Pleuro- nectes, etc. Dans certains Cténoïdes, tels que les Hypostomes, du groupe des Siluroïdes, les spinules se distinguent par un ensemble de caractères particuliers que voici (pi. LX, fig. 1, 2, 3, 5, G) : Les spinules forment à la surface de l'écaillé des rangées diver- gentes, peu nombreuses et assez écartées. Toutes les spinules d'une môme écaille se ressemblent en ce sens qu'elles se terminent toutes par une extrémité effilée en pointe ; il n'y a pas de spinules tronquées par conséquent. Les spinules ne sont pas en continuité de tissu avec la lame de récaille, mais s'unissent avec celle-ci au moyen d'une sorte d'articu- lation. A cet effet, la surface de l'écaillé présente au niveau du point d'implantation de chaque spinule une petite cupule saillante, percée d'un trou vers le fond ; dans cette cupule s'engage une tête articulaire qui se détache en saillie au-dessous de la base de la spinule. Chaque spinule est creusée de la base au sommet d'un large canal qui se rétrécit graduellement de bas eu haut. Les parois de ce canal sont formées d'un tissu semblable en tout point à celui de la dentine, c'est-à-dire d'une matière fondamentale transparente, homogène, traversée par des canalicules très-nombreux qui se portent en rayon- ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. U1 nanl de l'intérieur vers l'extérieur. Cette structure des spinules de l'Hypostome diffère complètement, comme on le voit, de celle des poissons cténoïdes ordinaires; elle me paraît identique avec celle des scutelles des Sélaciens. 6» DES SILLONS DES ÉCAILLES. On désigne sous le nom de sillons des espèces de rigoles ou de gout- tières généralement très-étroites, creusées aux dépens de la couche extérieure de l'écaillé. L'existence des sillons à la surface des écailles n'est pas un fait constant. Il y a des écailles qui en sont complètement dépourvues (Saumon, Truite, Lotte, etc.); mais ces exemples sont relativement peu nombreux, et presque toujours l'écaillé présente à sa surface un cer- tain nombre de sillons. Ces sillons peuvent se trouver limités h un seul champ de l'écaillé, au champ antérieur (Perche, pi. V, fig. I); ils peuvent occuper à la fois le champ antérieur et le champ posté- rieur (Carpe, pi. X, fig. i; Chevaine, etc.); enfiu ils peuvent se mani- fester sur toute la surface de l'écaillé, c'est-à-dire dans les champs antérieur, postérieur et latéraux (Vairon, pi. V, flg. 9 ; Loche, Merlan, Ophidium, pi. XI, fig. 2). Considérés au point de vue de la direction et d'une manière géné- rale, les sillons peuvent être distingués en deux catégories princi- pales : 1" ceux qui s'étendent en rayonnant du foyer vers la périphérie ; on leur a donné le nom de sillons rayonnants ou sillons radies (Carpe, pi. X, fig.; 1 Perche, etc.); 2" ceux qui affectent une direction paral- lèle au contour de l'écaillé, par conséquent perpendiculaire à celle des sillons rayonnants; je les ai désignés sous le nom de sillons trans- verses ou de sillons concentriques (Merlan, Ophidium, pi. XI, fig. 2, 3, /■'). Les deux ordres de sillons peuvent exister simultanément dans une môme écaille, mais ils peuvent aussi se montrer d'une manière indé- pendante. Dans le plus grand nombre des écailles, les sillons rayonnants exis- tent seuls : ceux-ci peuvent alors n'occuper que le champ antérieur (Perche, Brochet, pl.V, fig. 1 et 10), ce qui est le cas le plus fréquent; ou bien ils occupent en même temps le champ antérieur et le champ postérieur (Carpe, pi. X, fig. 1; Chevaine) ; ou bien enfin ils se mon- trent dans tous les champs de l'écaillé (Loche, Vairon, pi. V, fig. 9.) Lorsque les sillons transverses coexistent dans une même écaille us E. BAUDELOT. avec les sillons rayonnants, deux cas peuvent se présenter : ou bien les deux ordres de sillons appartiennent à deux champs différents de l'écaillé (divers Pleuronectes), et alors presque toujours les sillons rayonnants se montrent dans le champ antérieur ou postérieur et les sillons transverses dans les champs latéraux ; ou bien les sillons trans- verses et les sillons rayonnants appartiennent aux mêmes champs de l'écaillé, et alors la surface de celle-ci se trouve partagée en une multitude de petites plaques ou compartiments qui forment des séries parfois très-régulières rayonnant du centre vers la périphérie (Ophi- dium, pi. XI, flg. 2, 3 ; Merlan, Anguille, pi. VIII, fig. 1). En distinguant, comme je viens de le faire, les sillons en deux caté- gories (sillons rayonnants et sillons transverses), je n'ai eu égard qu'à la disposition générale et la plus ordinaire des sillons ; mais dans l'immense variété des écailles on rencontre des cas nombreux dans lesquels les sillons perdent de leur symétrie habituelle pour affecter des dispositions plus ou moins irrégulières. Parfois, en effet, tout en conservant jusqu'à un certain point leur disposition rayonnante, les sillons s'anastomosent entre eux, ou bien forment à la surface de l'écaillé des espèces de plexus à mailles irrégulières (Labroïdes, Mor- myres, etc.). Fréquemment aussi on voit les sillons du champ anté- rieur ti'anastomoser avec ceux du champ postérieur dans la région du foyer (Cyprins, Labres). |Dans le Hareng (pi. V, fig. 12, r) et l'Alose on aperçoit, dans la moitié antérieure de l'écaillé, des sillons'qui, partant des bords latéraux, s'étendent en travers du champ antérieur en gar- dant entre eux un parallélisme plus ou moins marqué. Considérés au point de vue de la forme, les sillons peuvent offrir les aspects les plus variés. Tantôt ils se manifestent avec les caractères d'une simple ligne, ressemblent à une fissure ou à une ligne de cassure de la couche extérieure de l'écaillé (Hareng, pi. Y, fig. 12, r; Alose, sillons transverses de l'Ophidium, pi. XI, fig. 3, )-', et du Merlan) ; tan- tôt ils simulent une espèce de ravin à fond étroit et à bords taillés à pic; d'autres fois ils prennent l'apparence d'une large rigole très- peu profonde et à fond plat (pi. VII, fig. J); souvent aussi les sillons perdent de leur régularité, ils se rétrécissent sur certains points et ils s'élargissent sur d'autres, do manière à constituer des espèces de petits lacs {/acules] à contours sinueux et irréguliers; quelquefois enfin un même sillon peut se trouver interrompu de distance en dis- tance et converti en une suite de lacules alignés suivant une même direction (pi. Vil, lig. 2, 3, 4). ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 449 Les bords des sillons sont ordinairement irréguliers et comme déchi- quetés ; fréquemment aussi ils présentent des espèces de lobes arron- dis, dus à la présence de globules calcaires plus ou moins volumineux (pi. VIT, fig. 1, 2, 3, i, o). Le fond des sillons est tantôt uni, laissant apercevoir de fines stries transversales dépendant de la couche pro- fonde de l'écaillé ; tantôt inégal, semé de globules calcaires, ou bien recouvert d'une croûte calcaire mince avec des crêtes ou des rugosités. Les sillons rayonnants , lorsqu'ils existent, sont loin de s'étendre tous depuis le bord jusqu'au foyer (pi. V, fig. 9, et pi. XI, fig. 2). Un certain nombre peuvent franchir tout cet intervalle, mais les autres ne parcourent d'ordinaire qu'une portion plus ou moins limitée du rayon. Quelques-uns commencent sur le bord et s'arrêtent presque aussitôt ; d'autres vont un peu plus loin ; d'autres plus loin encore, mais pourtant sans atteindre jusqu'au foyer. On voit aussi des sillons ne commencer qu'à une certaine distance du bord, tantôt pour se porter jusqu'au centre de l'écaillé, tantôt pour finir après un court trajet. Enfin il existe des sillons dont le parcours se trouve tellement réduit, qu'ils ne comprennent plus qu'une portion très-minime de la longueur du rayon. Les sillons qui occupent la portion moyenne du champ antérieur sont ordinairement plus longs que ceux qui se trouvent sur les côtés, c'est-à-dire sur la limite des champs latéraux (pi. VIII, fig. 10). 11 en est de même des sillons du champ postérieur. Lorsque les sillons rayonnants sont larges, réguliers et très-rappro- chés, la surface de l'écaillé paraît découpée en une suite de bandes ou de languettes triangulaires, à sommet tourné vers le foyer ( champ antérieur de la Sole, pi. VIII, fig. 10). Les sillons concentriques ou transverses se trouvent situés dans l'in- tervalle des crêtes concentriques et leur sont plus ou moins parallèles. Ces sillons n'occupent d'ordinaire qu'une portion assez limitée de l'écaillé ; ils se montrent plus fréquemment dans le voisinage de la périphérie que dans les zones plus rapprochées du foyer. Les sillons concentriques peuvent être très-étroits (Merlan, Ophidium, pi. XI, fig. 3, }■') ou très-larges (champ latéral de divers Pleuronectes, pi. VII, fig. 5, r). Lorsque des sillons concentriques très-larges coexistent avec des sillons rayonnants également très-larges, la surface de l'écaillé se trouve décomposée en îlots calcaires séparés par des espaces mem- braneux de largeur variable comme les sillons cux-mêaie.s. Ccb îlots ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 1873. -29 .4jiO E. BAUDELOT. peuvent être irréguliers (champ postérieur de divers Pleuroncctes, pi. VII, fig. 5, écailles du Gadus molva ^) ou bien, au contraire, être régulièrement arrondis et en forme de petits médaillons (écailles de l'Anguille, pi. YIII, fig. 1 , 2, 3, 4). Le nombre des sillons rayonnants est susceptible de présenter de très-grandes variations dans les écailles d'un même poisson ; ces varia- tions se font surtout remarquer lorsque l'on compare entre elles des écailles appartenant à des régions du corps très-différentes , des écailles rudimentaires à des écailles largement développées. Dans les écailles tout à fait rudimentaires les sillons peuvent même disparaître complètement (pi. V, lig. 5). Entre les écailles d*une môme région les différences sont d'ordinaire beaucoup moins prononcées. Le nombre des sillons d'une même écaille est également susceptible de varier avec l'âge. S'il s'agitdes sillons transverses, le fait ne saurait être mis en doute, puisque ces sillons, placés entre les crêtes concentriques, se forment en môme temps qu'elles (Merlan, Ophidium). Quant aux sillons rayonnants, leur multiplicationpendant l'accrois- sement de l'écaillé me paraît devoir être admise sinon d'une manière générale, du moins dans un très-grand nombre de cas. A l'appui de ce fait j'apporterai les considérations que voici : dans beaucoup d'écaillés, la portion centrale est complètement dépourvue de sillons; ceux-ci ne commencent qu'à une distance souvent considérable du foyer ; dans la plupart des écailles, une partie seulement des sillons naissent du foyer ; les autres ne commencent que plus loin, à des distances plus ou moins considérables dé ce point central (pi. V, fig. 9, et pi. XI, fig. 2). Si donc l'on admet que l'écaillé s'accroît par addition de zones suc- cessives à partir du foyer, les sillons se trouvant plus nombreux dans les zones extérieures, c'est-à-dire de formation plus récente, il faut i Les écaillea du Gadus molva présentent certaines particularités qui méritent d'être signalées. Par leur forme générale ainsi que par les reliefs de leur surface, elles représentent pour ainsi dire un terme de transition entre les écailles des Gades et celles de r.\nguille. Les crûtes concentriques, séparées par des espaces membra- neux, offrent sur les bords de leur base une série d'échancrures plus ou moins pro- fondes, qui donnent à ces bords l'apparence d'un feston irrégulier. Sur divers points^ les découpures de ce feston deviennent tellement profondes, que la crête se trouve par- tagée en une suite d'ilôts distincts. Parmi ces îlots, les uns ont une forme irrégulière, d'autres ont un contour plus ou moins arrondi et rappc^llent complètement l'aspect des plaques en médaillon de l'Anguille. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. i.'M en conclure que le nombre des sillons a dû s'accroître avec l'âge. Si le nombre des sillons est susceptible d'augmenter avec l'âge, il peut aussi subir des réductions. Le fait me paraît certain pour les sillons transverses. Dans les écailles où ces sillons existent (Merlan, Ophidium, etc.), on les trouve d'ordi- naire beaucoup plus prononcés vers la périphérie que vers le centre, où ils finissent même par disparaître tout à fait. Quant à la réduction des sillons rayonnants, je n'ai pour l'établir qu'un seul fait cité par Peters d'après une observation de Mandl, à savoir : que les sillons disparaîtraient chez de vieux individus du genre Abramis. Ce fait me paraît d'autant plus acceptable, que dans un grand nombre d'écaillés les sillons rayonnants offrent une tendance mani- feste à s'obturer dans le voisinage du foyer. Jusqu'à présent les sillons des écailles n'ont pu être expliqués d'une manière satisfaisante. Mandl les regardait comme des canaux servant à la nutrition ; Peters, comme des lignes de suture {Ncihte) qui ren- dent possible l'accroissement des écailles. Williamson se borne à dire que ce sont des érosions effectuées aux dépens de la couche supérieure ; Vogt, que les lignes rayonnantes sont aussi difficiles à expliquer sur les jeunes écailles que sur les écailles adultes. Pour M. Blanchard, les sillons représenteraient des canaux ayant certains rapports avec la fonction respiratoire ; enfin le docteur Salbey dit que ce sont des échancrures de la couche supérieure pouvant contribuer à l'agran- dissement de l'écaillé en surface. Toutes ces interprétations me paraissent devoir être abandonnées. Les sillons des écailles, ainsi qu'il résulte de l'ensemble de mes obser- vations, doivent être considérés comme des lignes ou zones iVacalcie, c'est-à-dire comme des lignes au niveau desquelles la calcification de la couche extérieure de l'écaillé ne s'est pas effectuée. Cette couche extérieure, en effet, se constitue au moyen de centres de calcifica- tion d'abord isolés et qui se réunissent ensuite à mesure qu'ils pren- nent plus d'extension. Lorsque l'union des centres de calcification a lieu du foyer vers la périphérie, c'est-à-dire suivant les rayons de l'écaillé, sans s'effectuer en môme temps dans le sens transversal, c'est-à-dire parallèlement au contour extérieur, il en résulte des sillons rayonnants; lorsque, au contraire, l'union des centres calcigènes se manifeste parallèlement au contour de l'écaillé, sans avoir lieu en même temps dans la direction du rayon, il en résulte des sillons transverses ou concentriques. i-iâ K. BAUDELOT. Lorsque l'union des centres calcigcnes cesse de s'effectuer à la t'ois et dans le sens du rayon et parallèlement au contour de l'écaillé, il y a existence simultanée de sillons rayonnants et de sillons concentriques. Lorsque enfin l'union des centres calcigènes se produit sans ordre ni symétrie, la surface de l'écaillé présente des sillons disposés d'une façon plus ou moins irrégulière. Inutile d'ajouter que, lorsque l'union des centres de calcification s'efiectue complètement dans toutes les directions, il n'y a plus trace de sillons à la surface de l'écaillé. On peut juger avec quelle simplicité la théorie que je viens d'émettre permet d'expliquer toutes les variations que l'observation constate dans la forme et dans la disposition des sillons des écailles. T DES CANALICULES PERFORANTS. Je désigne sous le nom de canal/culcs perforants des canaux très- étroits qui traversent récaille de part en part*. Ces canaux, dont aucun anatomiste n'a fait mention jusqu'à présent, ont été découverts par moi chez la Carpe, et depuis lors j'ai pu en constater l'existence dans un assez grand nombre d'autres poissons. Je ne doute donc pas que des recherches plus étendues ne conduisent à en démontrer la pré- sence dans un nombre considérable d'espèces. Les canalicules perforants appartiennent constamment au champ postérieur : jusqu'à présent du moins je ne suis pas parvenu à en découvrir dans les autres champs de l'écaillé. Je les ai observés aussi bien dans les éc;ailles cténoïdes que dans les écailles cycloïdes. Ces canalicules ne se montrent pas toujours avec une égale netteté ; tandis que, dans certains types d'écaillés, on les aperçoit avec la plus grande facilité et pour ainsi dire au premier coup d'œil, dans d'autres types, au contraire, on ne parvient à les découvrir qu'avec la plus grande attention, tant ils sont peu apparents. Dans les écailles de la Carpe les canalicules perforants se montrent toujours en rapport avec les sillons rayonnants du champ postérieur (pi. XI, fig. 1, o). On en compte de trois à cinq par sillon sur des écailles de grandes dimensions; mais ce nombre doit varier avec l'âge, si l'on tient compte du mode d'accroissement des écailles. Ces cana- > Il ne !aul pas courondl'e ces canalicules avec le large canal qui traverse les écailles de la ligue latérale chez- la plupart des poissons, ni avec celui que l'on ren- contre sur les écailles de diverses parties du cori)a chez le nrociiot ou sur toutes les écailles chez le Muge. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 453 licules traversent l'écaillé de part en part et un peu obliquement. Leur orifice extérieur (ostiole externe) s'abouche avec un sillon rayonnant, leur orifice interne (ostiole interne) s'ouvre librement sur la face interne de l'écaillé (pi. X, fig. 4, 5, 6, o). L'ostiole interne est ordinai- rement plus rapproché du bord postérieur que l'ostiole externe ; d'autre part, si l'on mène une ligne par le milieu de l'écaillé d'avant en arrière (axe antéro-postérieur), on remarque que l'ostiole interne se trouve situé plus loin de cet axe que l'ostiole externe ; en d'autres termes, l'axe antéro-postérieur joue en quelque sorte le rôle de ligne neutre ou de ligne de partage relativement à l'orientation des canalicules. Dans le Mugil cephalus on distingue entre les spinules du champ postérieur de nombreux canalicules perforants '. Ces canalicules traver- sent l'écaillé un peu obliquement. Leur orifice interne (ostiole interne) est ovalaire ou en forme d'ogive ; sa largeur varie de 3 à 5 centièmes de millimètre ; leur orifice externe (ostiole externe) est en général moins apparent que l'orifice interne. Dans le voisinage du foyer, les canalicules perforants présentent certaines particularités remarqua- bles. Ces canalicules traversent l'écaillé plus obliquement et possèdent un diamètre un peu plus considérable. Arrivés sur la face extérieure de l'écaillé, ils débouchent dans des sillons ou rigoles qui se portent, en suivant un trajet peu régulier, vers le large canal qui chez le Muge occupe le milieu de chaque écaille. Les rigoles en question s'anasto- mosent entre elles et s'élargissent graduellement aux approches du canal médian, où elles finissent par se déverser, soit sous forme de gouttière, soit par un orifice canaliculé. Le grand canal du milieu de récaille peut donc être considéré par rapport aux canalicules les plus voisins comme une sorte de collecteur. Dans aucun type d'écaillés je n'ai trouvé de canalicules perforants aussi développés et aussi apparents que dans celles de V Holocentrum longipenne. Les écailles de ce poisson sont remarquables à plus d'un titre : elles sont très-épaisses, elles appartiennent au type cténoïde ; mais elles diffèrent des écailles cténoïdes ordinaires en ce que, au lieu d'offrir des séries de spinules entières ou tronquées, elles ne possèdent qu'une seule rangée de grosses pointes le long de leur bord postérieur. Le reste du champ postérieur, privé de tout relief particulier, ne pré- sente autre chose que des dépressions ou sillons très-larges qui nais- • Les écailles sur lesquelles mes observations ont été faites avaient séjourné plu- sieurs semaines dans de l'eau ammoniacale, de sorte que leur surface était d'une netteté parfaite. ' 4S4 E. BAUDELOT. sent de l'angle rentrant formé par deux spinules voisines et se portent en convergeant dans la direction du loyer. Ces sillons, qui ressemblent à de larges et profondes gouttières, tapissées par une couche de pig- ment ^noirâtre, se montrent fréquemment interrompus sur divers points de leur trajet; d'autres fois, ils se trouvent réduits à de simples dépressions d'une très-faible étendue; ils peuvent môme disparaître plus^ou moins complètement. Dans tous ces cas, qu'il s'agisse de sil- lons incomplets ou seulement de rudiments de sillons, les canalicules perforants ont toujours avec ces dépressions des connexions très- étroites ; c'est de là qu'on les voit partir pour se porter de la face externe de l'écaillé vers sa face interne. Les écailles de l'Holocentrum étant très-épaisses, ainsi que je l'ai dit plus haut, et le trajet des canalicules de la face externe vers la face interne ayant lieu non pas directement, mais plus ou moins oblique- mcnl, il en résulte que les canalicules perforants ont ici une longueur remarquable. Leur trajet est en outre un peu flexueux. De môme que chez la Carpe, les orifices des canalicules ne se correspondent pas sur les deux faces de l'écaillé ; ces conduits sont orientés de telle façon que leur orifice interne se trouve plus rapproché du bord postérieur de l'écaillé que leur orifice externe. L'orifice interne se trouve aussi placé en dehors de l'orifice externe, l'axe médian et antéro -posté- rieur de récaille étant considéré comme ligne moyenne de partage entre les canalicules. Chaque canaliculc se présente sous l'aspect d'un petit tube à contours très-nettement délimités et possédant une couleur foncée due au pigment noirâtre qui tapisse ses parois. Le cahbre des canalicules est assez étroit (2 à 3 centièmes de millimètre environ) ; il est du reste rarement uniforme. Beaucoup de ces conduits présentent sur divers points des dilatations tantôt peu marquées, tantôt prolongées en doigts de gant ; d'autres se montrent aplatis dans une certaine étendue et paraissent tordus sur eux-mêmes. Des deux orifices, l'interne est très- apparent et s'ouvre directement à la surface de l'écaillé sous forme d'un pertuis arrondi ou ovalaire ; l'orifice externe s'abouche avec le fond des sillons de lasurfa<îe externe et se trouve ordinairement mas - (jué par une couche de pigment noirâtre. Autour de chaque canalicule, le tissu de l'écaillé présente des lignes ondulées de couleur claire, qui paraissent dues à une modification particulière de sa texture. Dans un certain nombre d'écaillés de l'Holocentrum (celles de la ECAILLES DES POISSONS OSSEUX. 435 ligne latérale principalement), j'ai vu les canalicules offrir quelques particularités extrêmement remarquables. Plusieurs de ces conduits se trouvent mis en rapport avec des canaux intérieurs, simples ou ramifiés, étendus horizontalement dans l'épaisseur de l'écaillé. Ces canaux, que l'on peut regarder comme des prolongements des expan- sions latérales des canalicules, peuvent se manifester h des degrés de complication très-différents; tantôt ils constituent un simple cœcum, tantôt ils forment une anastomose entre deux canalicules voisins, tan- tôt ils représentent un tube ramifié ou un lacis de canaux anastomosés entre eux. Ces canaux intérieurs se montrent d'ordinaire dans le voi- sinage du foyer ou sur les parties latérales du champ postérieur. Leurs parois sont couvertes d'un pigment brunâtre comme celles des cana- licules. Les écailles du Salinosaurus présentent aussi des canalicules perfo- rants dont les caractères méritent de fixer l'attention. J'ai dit précé- demment que chez l'Holocentrum le tissu qui environne les canalicules se distingue par la présence de lignes ondulées de couleur claire; dans le Salmosaurus, ce même tissu ambiant, considéré sous un gros- sissement de deux cents à trois cents diamètres, produit la sensation de lacunes, partagées par des cloisons minces et transparentes en cavités secondaires, groupées quelquefois comme les chambres d'une coquille de foraminifère (pi. VII, fig. 13). En outre des types précédents dans lesquels j'ai constaté l'existence des canalicules perforants, j'ai observé ces mêmes canalicules dans divers Sparoïdes {Cantharits bmma, Pagrus vulgaris, Smaris alcedo, Sai'fjus noct. , Sparus , Oblata melanura) , sur quelques Labroïdes [Labrvs, lulis pavo) et dans les espèces suivantes : Characinm nilo- ticm, Alestcs Hasselquisti, etc. Dans la plupart de ces espèces, les canalicules sont rares, très- étroits et peu apparents, de sorte que, pour les distinguer aisément, il est nécessaire d'avoir étudié d'abord ces conduits dans des écailles 011 leurs caractères sont très-prononcés et faciles à observer. L'écaillé s'accroissant par son pourtour, il en résulte qu'il y a une époque à laquelle les canalicules les plus rapprochés du bord n'existent pas encore ; il y a donc lieu pour nous de rechercher quel est le mode de formation des canalicules. Jo n'ai pu juscju'à présent étudier cette question avecles détails qu'elle comporte; cependant, d'après quelques faits recueillis sur la Carpe et sur plusieurs autres espèces, je crois pouvoir établir les propositions suivantes : 456 E. BAUDELOT. Lorsqu'il existe des sillons rayonnants, les canalicules se forment sur leur trajet et à leur extrémité libre, par conséquent sur le bord postérieur de l'écaillé. A l'extrémité du sillon apparaît d'abord une échancrure ; plus tard, par suite de l'accroissement du tissu ambiant, cette échancrure s'enfonce de plus en plus, puis finit par se fermer du côté postérieur, d'où résulte une ouverture qui ressemble à un petit trou percé à travers la lame de l'écaillé, très-mince en cet endroit. A mesure que l'écaillé s'accroît par l'addition de couches nouvelles à sa face interne, chaque trou se convertit peu à peu en un canal étroit, dont la longueur varie par conséquent avec l'épaisseur de l'écaillé et avec la distance des canalicules au bord du champ postérieur. Quant à la nature des canalicules perforants et à leur usage, sans pouvoir encore rien affirmer de précis à cet égard, je tiens à présenter quelques remarques destinées à servir de point de départ à des obser- vations ultérieures. Ainsi que j'ai pu m'en assurer à diverses reprises, les canalicules livrent passage à un cordon filamenteux. De quelle nature est ce cordon? Est-ce un filet nerveux ou bien un simple tractus de sub- stance conjonctive? C'est là un point qu'il faudra d'abord établir. J'incline à croire cependant qu'il s'agit ici d'un filet nerveux. S'il en était ainsi, il y aurait lieu d'établir un rapprochement assez curieux entre les canalicules perforants et les conduits qui traversent les écailles du canal latéral. Ces derniers conduits, en effet, reçoivent des filets nerveux par les ouverture» de leur face profonde, et les recherches les plus récentes ont démontré dans leur intérieur des organes nerveux particuliers. Dans le IMugc, dont toutes les écailles portent des conduits sem- blables à ceux de la ligne latérale, un certain nombre de canalicules perforants s'abouchent avec le grand conduit médian de chaque écaille. Dans le Brochet, chez lequel beaucoup d'écaillés sont pourvues d'une gouttière semblable à celle des écailles de la ligne latérale, cette gout- tière, échancrée en arrière, peut être considérée comme l'analogue des échancrurcs qui représentent le premier état des canalicules per- forants au moment de leur formation. Dans un poisson sparoïde, aligne latérale disjointe et chevauchante, en suivant la série des écailles de l'une des portions de cette ligne, j'ai trouvé, au point où celle-ci s'interrompait, une écaille qui présen- ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 457 tait à son foyer un conduit qui s'étendait obliquement de la face interne à la face externe. Ce conduit, beaucoup plus étroit que le canal médian des autres écailles de la ligne latérale, était en môme temps beaucoup plus large que les canalicules perforants des parties voisines : c'était pour ainsi dire une forme de transition entre ces deux ordres de canaux. Quoi qu'il en soit de ces premières vues jetées en passant, si des observations ultérieures venaient les confirmer, il en résulterait entre les écailles du canal latéral et les autres écailles une ressemblance manifeste. On s'expliquerait aussi pourquoi dans certains types toutes les écailles du corps ou un grand nombre d'entre elles peuvent revêtir les caractères des écailles de la ligne latérale \ 8° DES LACUNES INTÉRIEURES DE l'ÉCAILLE. Certaines écailles possèdent dans leur intérieur des lacunes plus ou moins développées. Déjà, en parlant des canalicules perforants, nous avons vu chez l'Holocentrum longipenne un certain nombre de ces conduits présen- ter des diverticulums latéraux, qui s'étendent horizontalement dans l'épaisseur de l'écaillé. Ces diverticulums, simples ou ramifiés, souvent même anastomosés, constituent, en réalité, un système de lacunes à disposition canaliculée. Dans les écailles de l'Hypostome, j'ai signalé aussi l'existence de lacunes intérieures très-développées. Ces lacunes, assez semblables h celles de l'Holocentrum, constituent dans l'épaisseur de l'écaillé un vaste système de canaux anastomosés entre eux, et dont la cavité communique avec celles des spinules (pi. IX, fig. 2, 3). Dans le Salmosaurus, j'ai aperçu sur le trajet des canalicules perforants et dans l'épaisseur de l'écaillé des espèces de lacunes à contours lobules, dont la cavité semble partagée en plusieurs cham- bres par des cloisons incomplètes. Dans le Dactylopterus volitans, les écailles sont creusées dans leur portion centrale de grandes lacunes irrégulières et qui communiquent entre elles. » Depuis quo ces considérations sur la nature et les usages des canalicules per- forants ont été écrites, de nouvelles observations faites sur les écailles de la Carpo m'ont appris que les canalicules livrent passage à des vaisseaux. Conjointement avec ceux-ci, on voit pénétrer des faisceaux incolores d'aspect fibreux, qui me paraissent constitués par un mélange de tissu conjonctif et de fibres nerveuses. 458 E. BAUDELOT. Dans le Thon, les écailles présentent un ensemble de lacunes très- remarquables (pi. VII, fig. 8, 12). Ces lacunes, qui occupent toute la portion moyenne de l'écaillé, représentent une sorte de tissu spon- gieux, limité de chaque côté, c'est-à-dire sur les deux faces externe et interne, par une lame mince de tissu compacte. Les lacunes périphériques de ce système offrent les caractères de petits caecums simples ou rameux. Les lacunes centrales représentent des aréoles à parois incomplètes. Ces aréoles, de forme polyédrique, revêtent sur certains points une régularité comparable à celle du tissu cellulaire végétal (pi. VII, fig. 9). Il serait intéressant de rechercher quel est le mode de développe- ment des lacunes dans chacun des types où leur existence a été consta- tée. Cette recherche, non sans difficulté du reste, se trouve intime- ment liée à l'étude du développement des écailles. Ainsi, et pour prendre un exemple, au sujet du Thon on peut se demander si le tissu aréolaire qui forme la couche moyenne des écailles existe ou non dans le jeune âge, et, dans le cas d'affirmative, comment pendant l'accroissement de l'écaillé en épaisseur ce tissu prend de l'extension. Y a-t-il résorption du tissu primitif et des lames extérieures du tissu compacte? ou bien y a-t-il simplement accroissement par intussus- ception ? Ce sont là autant de questions importantes à résoudre. Mômes questions et d'un intérêt non moindre relativement aux lacunes du Dactylopterus volitans, de l'Hypostome, de l'Ilolocentrum, Tout ce que je puis affirmer dès à présent, c'est que la présence de lacunes dans le tissu de certaines écailles établit entre la structure de ces productions et celle du tissu osseux des poissons une analogie manifeste. Les lacunes des écailles du Thon et du Dactyloplère, par exemple, ressemblent de la façon la plus complète aux lacunes que l'on observe dans le tissu conjonctif ossifié des rayons des nageoires de divers poissons (Epinoche, etc.). Les lacunes en forme de canaux ramifiés des écailles de l'Holocen- trum se retrouvent avec des caractères exactement semblables dans les pièces de l'opercule et du subopercule du même poisson; de même que dans les écailles, ces lacunes des pièces operculaires commu- niquent avec l'extérieur par des conduits analogues aux canalicules perforants. Ces quelques remarques suffiront pour montrer à quel point l'his- toirti des écailles et celle du tissu osseux se trouvent associées. ÉGAILLES DES POISSONS OSSEUX. 459 9» DU FOYER OU CENTRE d'aCCROISSEMENT. On désigne sous le nom de foyer ou centre d' accroissement cette partie plus ou moins centrale de l'écaillé autour de laquelle s'elJ'ectue l'accroissement. Dans le sens rigoureux du mot, le foyer ne devrait représenter qu'un point, celui qui correspond au lieu d'origine de l'écaille ; mais, dans l'emploi qu'ils font de ce terme, les anatomistes lui ont donné un sens plus étendu. Ils appellent foyer cette région de l'écaille dont la formation remonte aux premiers temps de la vie du poisson et qui est caractérisée par l'absence ou par l'irrégularité des crêtes concentriques. Nous verrons plus loin combien le foyer ainsi défini répond à quelque chose de vague et de mal déterminé. Pour l'instant il s'agit d'en préciser les caractères. Dans certains types d'écaillés, le foyer se trouve représenté par une surface unie ou très-faiblement chagrinée ; dans d'autres types, la sur- face focale est marquée de reliefs calcaires plus ou moins saillants ; tantôt ce sont des granulations, des tubercules de diverses grosseurs, alignés en série ou bien semés sans ordre apparent ; tantôt ce sont des crêtes analogues aux crêtes concentriques, mais découpées, morcelées, contournées en tous sens et enchevêtrées de manière à former un lacis inextricable ou une sorte de réseau à mailles irrégulières. Le foyer est ordinairement dépourvu de sillons ; quelquefois cependant les sillons rayonnants se prolongent jusqu'au centre môme du foyer, tantôt en conservant leurs caractères, tantôt en s'interrompant de dis- tance en distance pour constituer de petites lacunes superficielles disposées sans ordre régulier. Lorsque les sillons atteignent le centre du foyer, on les voit souvent s'anastomoser avec ceux du .champ opposé. La circonscription du foyer tel que je viens de le définir est loin d'être toujours nettement délimitée. Très-souvent la transition du foyer aux parties environnantes a lieu pour ainsi dire d'une manière insensible. Le dessin, d'abord très-irrégulier, se régularise peu à peu ; le morcellement des crêtes diminue ; celles-ci deviennent moins sinueuses et prennent une direction parallèle au contour de l'écaille ; enfin suc- cède une région oii n'existent plus que des crêtes concentriques par- faitement régulières. On comprend sans peine combien ces diverses circonstances 400 K. BAUDELOT. peuvent devenir un sujet d'embarras lorsqu'il s'agit d'établir avec quelque précision les dimensions du foyer '. Ces dimensions sont susceptibles de présenter des variations très- considérables dans les écailles d'un même poisson d'abord, dans les écailles de poissons de types différents ensuite. Au sujet de la Perche, du Vairon et du Brochet, j'ai fait voir combien les dimensions du foyer peuvent varier dans les écailles d'un même poisson. A côté de certaines écailles dont le foyer est presque nul, on peut en rencontrer d'autres dont le foyer atteint la moitié et jusqu'aux deux tiers du diamètre total de l'écaillé. Ce fait seul est suffisant pour démontrer que la grandeur du foyer n'est pas propor- tionnelle à celle de l'écaillé. Considéré dans des écailles de types différents, le foyer présente des variations non moins considérables. Telles écailles possèdent nor- malement un foyer très-large, celles de divers Labres et Crénilabres par exemple , celles du Centronotus gunncllus, celles du Gadus molva, etc. ; telles autres présentent, au contraire, un foyer très- étroit. La position du foyer par rapport au centre de l'écaillé est très- variable d'un type à un autre type. Dans quelques écailles, le foyer occupe à peu près le centre de figure , par exemple chez la Lotte, le Vairon, l'Anguille, l'Ophidium (pi. XI, fig. 2), etc.; ce fait se présente 'surtout lorsque les écailles sont petites, arrondies et cachées dans l'épaisseur de la peau. Dans l'immense majorité des cas, le foyer se trouve reporté h une distance plus ou moins grande en arrière du centre de figure : ainsi chez la Perche (pi. V, fig. ■!), la Sole (pi. VIII, fig. 10), la Barbue, la Carpe, etc. Il peut môme arriver que le foyer soit tellement reculé qu'il touche pour ainsi dire le bord postérieur : tel est le cas de plusieurs espèces de Gobies. 11 est beaucoup plus rare de voir le foyer reporté en avant du centre de figure ; cette disposi- tion se rencontre dans les écailles de la Tanche {Cjjprinus linca). Déjà, au sujet de la Perche, j'ai discuté la question de savoir si lo foyer est susceptible de s'accroître avec l'âge. L'écaillé s'accroissant par son pourtour, il est clair, lorsque je parle de l'accroissement du 1 Dans quelques lypos d'écaillcs où les crêtes peuvent manquer (Thon), ou bien encore dans celles où les crêtes affectent une direction plus ou moins perpendicu- laire au contour extérieur (Hareng, Alose), il n'y a pas do foyer proprement dit, hormis le foyer géométriiiue que nous avons dit correspondre au centre d'aficrois- sèment. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 461 foyer, qu'il ne s'agit point d'un accroissement véritable par intussus- ception, mais d'un simple remaniement de la région focale ayant pour effet de modifier la configuration des reliefs calcaires ou de les faire disparaître, de transformer, par exemple, une surface primitive- ment recouverte de crêtes concentriques régulières en une surface grenue, tuberculeuse ou pourvue de crêtes vermiculées. On sait qu'Agassiz considérait le foyer comme le résultat de l'usure de la portion centrale de l'écaillé ^; Peters réfula victorieusement cette interprétation, en faisant observer que, les écailles étant renfer- mées dans des poches du derme, le frottement et l'usure invoqués ne pouvaient avoir lieu. Du reste, l'explication d'Agassiz ne serait applicable tout au plus qu'aux foyers dont la surface est lisse et non à ceux dont les crêtes parfaitement intactes se distinguent par leur dessin seulement de celles du reste de l'écaillé. L'hypothèse d'une action mécanique étant écartée, restent deux hypothèses pour expliquer l'existence du foyer : celle d'un remanie- ment de la surface de l'écaillé par apposition de nouvelles couches et celle d'un changement dans le mode de distribution des reliefs pendant deux époques successives de la vie. La seconde hypothèse paraît au premier abord la plus vraisem- blable; il n'est pas rare, en effet, de rencontrer à la surface d'écaillés, d'un dessin très-régulier d'ailleurs, des zones plus ou moins larges dont les crêtes affectent une irrégularité non moins grande que celle des crêtes du foyer ; ces zones, formées pendant une courte période de l'accroissement, alternant avec des zones pourvues de crêtes concentriques normales, on peut en conclure que la;cause qui produit la régularité ou l'irrégularité dans la disposition des crêtes est en elle-même très-instable, et il est présumable que dans le premier âge cette cause encore mal réglée agit d'une manière un peu différente de celle dont elle agira plus tard. Ainsi s'expliqueraient et la différence de dessin dans la région focale et les variations dans la grandeur de cette partie. Cette hypothèse, très-vraisemblable, a cependant contre elle un fait que je ne puis passer sous silence. Dans certaines écailles, telles que celles de la Perche, où l'on rencontre quelquefois un foyer très- large, les jeunes écailles m'ont toujours présenté sur leur pourtour une bordure de crêtes concentriques régulières; si l'on n'admet pas un remaniement de la surface de l'écaillé pour l'agrandissement du I C'était aussi l'opiniou dn'^Vogt. 4(i2 E. BAUDELOT. foyer, comment expliquer la disparition de ces crêtes régulières? Comme on le voit, la question reste encore en suspense 40" DU TISSU DES ÉCAILLES. Les écailles se composent de deux substances, l'une organique, dési- gnée sous le nom de substance fondamentale, l'autre inorganique. La substance fondamentale appartient au groupe des tissus conjonc- tifs (derme); la matière inorganicjuc consiste en petites concrétions calcaires de phosphate et de carbonate de chaux. Nous traiterons successivement de la substance fondamentale et des concrétions ou corpuscules calcaires. La substance fondamentale est transparente et homogène en appa- rence; l'observation démontre cependant que cette substance est décomposable en feuillets d'abord, puisque chacun de ces feuillets est lui-même décomposable en fibrilles élémentaires. Par la simple dissection, et mieux encore à l'aide de certains réac- tifs (soude, potasse), il est facile de séparer les uns des autres les feuil- lets qui composent l'écaillé. On reconnaît alors que ces feuillets sont très-minces, qu'ils sont superposés comme les feuillets d'un livre (pi. V, fig. 13), et d'autant plus étroits qu'ils sont plus rapprochés de la face externe. En se plaçant à un point de vue schématique, on pour- 1 La question pourrait, je crois, être résolue de la manière suivante : il faudrait examiner de jeunes poissons appartenant à des types dont les écailles offrent norma- lement un très-large foyer, celles de certains Labres, par exemple. Si le foyer ne subit pas de modifications, il doit exister un moment déjà assez avancé dans la vie du poisson oîi les écailles, n'ayant pas dépassé en grandeur les dimensions du foyer, n'ont pas encore de crêtes concentriques sur leur pourtour et n'offrent qu'une surface unie ou avec des saillies irrégulières. Les recherches que j'ai entreprises à ce point de vue chez la Perche n'ont pu me conduire ùdes résultats concluants, parce que les écailles îi large foyer que l'on peut rencontrer chez ce poisson ne s'y montrent pour ainsi dire que d'une façon accidentelle et parmi une multitude d'autres écailles pour- vues d'un très-petit foyer. De là l'impossibilité d'asseoir sur cet exemple un raison- nement suffisamment rigoureux. Depuis l'époque oîi cette note a été écrite, me trouvant à Roscolf au laboratoire de zoologie expérimentale de M. le professeur de Lacaze-Duthiers, j'ai eu l'occasion d'observer do jinmes Labres de 4 à 6 centimètres de longueur. Les écailles de ces jeunes sujets m'ont toutes présenté au pourtour du foyi-r une bordure plus ou moins large de crêtes concentriques régulièrement disposées. Le raisonnement institué plus haut pour la Perche subsiste donc ici dans foute sa force et (conduit à admettre un remaniement avec l'âge dans la conliguration des reliefs qui occupaient primitif» vement le centre do l'écaillé. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 163 rait dire que chaque écaille représente un cône très-surbaissé, composé de lames très-minces parallèles à la base et^empilées les unes sur les autres de la base au sommet. Il résulte de cette structure que chaque feuillet vient nécessairement affleurer sur la face externe par son pourtour. Lorsque l'on cherche à se rendre compte du rapport de ces feuillets les uns avec les autres, on reconnaît qu'ils se séparent avec la plus grande facilité dans leur portion moyenne, mais qu'au voisinage de leur bord il n'en est plus de même ; que là, au contraire, ils présen- tent une adhérence très-intime, et qu'il devient impossible de les isoler sans produire des déchirures dont les lambeaux appartiennent à plusieurs feuillets consécutifs. Chaque feuillet, ayant été isolé avec précaution, se montre sous l'aspect d'une lamelle extrêmement mince, transparente comme du verre et flexible à la manière des membranes. Homogène en apparence, ce feuillet ne l'est point cependant : à l'aide d'un grossissement suffi- samment fort, ou distingue aisément dans son épaisseur une striation très-fine, striation d'autant plus visible que la lamelle a été soumise à quelque traction ; sur les bords de la lamelle, là où existent des déchirures, le tissu se montre ordinairement décomposé en fibrilles ou en faisceaux de texture fibreuse. Les stries appartenant à deux feuillets voisins ne sont pas dirigées dans le même sens, mais sont tou- jours entre- croisées sous des angles plus ou moins ouverts. Dans la portion des feuillets correspondant au foyer, l'entre-croisement des stries a lieu ordinairement à angle droit (pi. X, flg. t); mais sur le bord des feuillets il en est tout autrement : là les faisceaux fibreux s'entre-croisent sous les angles les plus variés (pi. V, fîg. 7), for- mant quelquefois des gerbes ou des espèces de tourbillons au milieu desquels la direction des stries devient très-difficile à suivre ' (pi. VI, fig. H). La matière inorganique des écailles consiste en corpuscules 1 Les difiërents auteurs qui se sont occupés de la structure des écailles ont reconnu l'existence des nombreux feuillets qui composent le tissu de l'écaillé ; mais ils ne paraissent pas avoir soupçonné la complication de texture de ce tissu. Il y aurait, je crois, des recherches fort intéressantes à poursuivre dans cette direction, en partant de ce point de vue que l'écaillé n'est autre chose qu'une portion du derme calciliée. Ceux qui ont examiné le derme des poissons savent en eflet qu'il se compose de fais- ceaux conjonctifs transparents, ordinairement entre-croisés à angle droit, et dont l'aspect aussi bien que la texture rappelle l'aspect et la texture de la substance fon- damentale des écailles. Une étude approfondie du derme me paraît donc être le 464 Ë. BAUDELOT. calcaires (phosphate et carbonate de chaux) disséminés dans l'épais- seur des feuillets de la substance fondamentale. Le mode de distribution des corpuscules dans le tissu de l'écaillé a été exposé d'une façon très-peu concordante par les divers anato- mistes qui se sont occupés de cette question. M. Mandl (le premier qui signala l'existence des corpuscules et en donna une description, mais en prenant ces concrétions pour des corpuscules de cartilage) admit que les corpuscules se trouvent renfermes dans un tissu particulier, situé au-dessus de la couche infé- rieure de l'écaillé. Contrairement à cette opinion, M. Agassiz pré- tendit que les corpuscules sont logés non point dans l'épaisseur de l'écaillé, mais près des faces supérieure et inférieure '. Selon Pcters, les corpuscules se trouveraient en grand nombre à la face inférieure des écailles, mais jamais à la face supérieure, comme le dit Agassiz, M. Williamson le premier, ayant fait usage de coupes transversales, c'est-à-dire menées de la face interne de l'écaillé à la face externe, paraît avoir reconnu l'existence des corpuscules [dans toute l'épais- seur de l'écaillé. Mes propres recherches concordent parfaitement avec celles de M. Williamson; mais, en substituant au procédé très - incertain des coupes transversales l'analyse immédiate de l'écaillé, feuillet par feuillet, je suis arrivé pour quelques poissons osseux à des résultats beaucoup plus précis, que je vais maintenant énoncer : Lorscjue l'on examine la série des feuillets de l'écaillé en allant de dedans en dehors, on constate : i" Que dans les feuillets les plus internes de l'écaillé les corpuscules sont rares ou bien manquent complètement ; 2" Que dans les feuillets qui suivent les corpuscules deviennent rapidement très-abondants et que leur nombre s'accroît de plus en plus à mesure que l'on se porte de dedans en dehors ; 3" Que près de la face externe les corpuscules sont tellement nml- tipliés, qu'ils forment une sorte de trame serrée dans l'épaisseur de la substance fondamentale ; A" Que le revêtement calcaire extérieur de l'écaillé n'est autre prélude iialurcl et je dirai ])resque nécessaire d'une élude api)rofondic du tissu des écailles. ' « Pour peu que l'on gratte légèrement l'une de ces faces, dit M. Agassiz, ou que ))ar luii' légère macération on en enlève quelques lamelles, les corpuscules dispa- raissent aussit(>t. » Cette assertion est comj)létoment erronée. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 46S chose qu'une agglomération de corpuscules soudés entre eux*. En d'autres termes , la calcification des feuillets de l'écaillé est d'autant plus avancée, que l'on se rapproche davantage de la face externe, ce qui, du reste, s'explique aisément, puisque, l'écaillé s'ac- croissant par sa face interne, c'est de ce côté que se trouve le tissu de nouvelle formation. Chaque feuillet de l'écaillé étant considéré isolément, l'observa- tion démontre que la calcification est plus prononcée vers la périphé- rie que dans la région moyenne correspondant au foyer. Dans cette dernière région, les corpuscules sont d'ordinaire plus ou moins isolés et séparés par des espaces complètement privés de dépôt calcaire (pi. V, flg. 8). Vers la périphérie des feuillets, au contraire, les corpus, cules se montrent en très-grande abondance et comblent pour ainsi dire tout le tissu de la substance fondamentale. Je dois faire remar- quer cependant que ce mode de répartition des corpuscules s'applique principalement aux feuillets les plus internes de l'écaillé, car pour les feuillets les plus externes dans lesquels la calcification est très-avancée les corpuscules paraissent souvent occuper en masse toute l'étendue de la lamelle. Les corpuscules sont loin de présenter le même volume dans tous les points d'une même lamelle. Dans ki purtion de l'écailIe qui avoi- sine le foyer, les corpuscules sont d'un volume relativement considé- rable; mais, à mesure que l'on se porte du foyer vers la périphérie, ce volume diminue peu à peu, cà tel point, que les corpuscules finissent par dégénérer en molécules d'une finesse extrême et à peine visibles sous les plus forts grossissements (pi. VI, fig. 7). Le volume des corpuscules n'est pas non plus le môme dans les divers feuillets qui se succèdent de dedans en dehors : dans les feuillets les plus internes et de date plus récente, par conséquent, les corpuscules, lorsqu'ils existent, se montrent généralement avec des dimensions moindres que dans les feuillets subséquents \ 1 Selon M. Williamsou le revêtement calcaire extérieur de Técaille devrait sa for- mation à une membrane particulière recouvrant la surface externe. C'est là une p.ure hypothèse, attendu que l'existence de la membrane en question n'a jamais été démontrée. - Le schéma, pi. XI, fig. 9, peut servir à donner une idée approximative du mode de répartition des corpuscules dans l'épaisseur des couches successives de l'écaillé. Les lignes telles que f, d, parallèles à la base ac (feuillet inférieur ou interne), repré- sentent les feuillets superposés de l'écaillé. Dans chacun de ces feuillets horizontaux en allant de c vers a, ou voit les corpuscules décroître graduellement de volume, ARCH. UE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 187:'., 30 AGQ E. BAUDELOT. Enfin le volume des corpuscules paraît aussi varier avec l'âge de récaille. Dans une écaille de jeune poisson, les corpuscules les plus gros, comparés aux plus gros corpuscules d'une écaille de poisson plus âgé et de la môme espèce, ollrent des dimensions beaucoup moindres. Quant i\ la forme des corpuscules, elle peut varier suivant diverses circonstances. Lorsque les corpuscules sont isolés, leur forme est celle d'un ovale plus ou moins allongé ou bien d'un losange à angles mousses. Lorsqu'ils sont réunis en masse et pressés les uns contre les autres, ils. prennent d'ordinaire un aspect polyédrique et consti- tuent une sorte de trame d'apparence cellulaire (pi. VI, fig. 7, d). Dans quelques espèces de poissons (divers Pleuronectes), les corpus- cules possèdent une forme plus ou moins sphérique. Parmi les plus gros corpuscules de la région centrale de l'écaillé on voit prédominer d'ordinaire la forme rhomboédrique (pi. VI, fig. 10, a). Ces gros corpuscules, en s'aggloraérant en groupes disetincts, consti- tuent le plus souvent des masses irrégulières, à contours anguleux (pi. V, lig. 8, g). Les corpuscules appartenant à des zones plus excentriques offrent généralement une forme ovalairc ou polyédrique. Les corpuscules du bord de l'écaillé enfin sont d'une ténuité telle, qu'ils n'apparaissent plus que comme de simples molécules sans forme appréciable (pi. VI, fig. 7, c). Les corpuscules étant de forme elliptique, il est facile de constater que leur grand axe est loin d'offrir une direction uniforme dans toute l'étendue de l'écaillé. La direction de ce grand axe est telle, qu'elle coïncide généralement avec la direction des fibres de la lamelle à laquelle appartient le corpuscule. Comme, d'autre part, nous avons vu que les fibres des feuillets successifs de l'écaillé s'entre-croisent sous des angles plus ou moins ouverts et le plus souvent à angle droit, la môme chose a lieu pour les corpuscules qui appartiennent à ces divers feuillets (pi. VI, fig. 7, a, b, et fig. 8). Dans chaque coupe verticale de l'écaillé, parallèle à cb, on voit, les corpusdules croître d'abord en volume, puis ensuiteldécroître. Ces changements de volume peuvent s'ex- pliquer de la manière suivante : dans les couches inférieures ou internes (de forma- tion récente) les corpuscules sont encore peu développés; dans les couches suivantes ils atteignent, à cause de leur plus d'ancienneté, déplus grandes dimensions. Mais, d'autre part, comme, ^ mesure que l'on s'élève davantage, ils appartiennent à des points de plus en plus rapprochés du bord de leur feuillet respectif, il s'ensuit, en vertu de la loi de décroissance du contre ù la périiihérie indiquée plus haut, que le volume doit de nouveau diminuer. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 467 Tout corpuscule, du reste, n'appartient pas nécessairement et exclu- sivement à un seul et même feuillet; s'il parait en ôtre ainsi au début de la formation du corpuscule, au moment même de son apparition, il en est autrement lorsque les corpuscules ont acquis un développe- ment considérable, ainsi qu'on l'observe dans ceux de la région cen- trale de l'écaillé. Ces grosses masses d'aspect plus ou moins cubique, qui souvent paraissent composées de deux ou plusieurs corpuscules agrégés et soudés en croix, correspondent et appartiennent évidem- ment à plusieurs feuillets consécutifs de l'écaillé. Considérés au point de vue de leur structure intime, les corpuscules représentent des produits de nature cristalline. Chaque corpuscule est composé de couches successives, emboîtées les unes dans les autres ; ces couches se manifestent par une série de lignes ou de raies, concentriques, alternativement ^plus obscures et plus claires, qui se succèdent du centre à la périphérie (pi. VI, fîg. 9, a). Le nombre de ces couches ou des lignes qui les représentent varie avec la grosseur du corpuscule; j'en ai compté quelquefois plus de vingt (Muge, Labres). Je m'empresse d'ajouter néanmoins que le mode de structure que je viens d'indiquer n'est pas apparent au même degré dans tous les types d'écaillés. 11 y a tel type (et c'est le cas le plus fréquent) dont les corpuscules se présentent sous l'aspect d'une substance vitreuse, parfaitement homogène, sans trace de lignes concentriques. Cette différence tient évidemment à une union plus intime des éléments cristallins du corpuscule. Lorsqu'on examine les gros corpuscules du centre de l'écaillé chez divers poissons (Carpe, Muge, etc.\ on peut distinguer, en outre des lignes concentriques indiquées précédemment, un ensemble de stries rayonnantes dirigées du centre vers la périphérie. Ces stries, de même cjue les lignes concentriques, correspondent à des plans de plus faible cohésion, et l'on peut en déduire que chaque corpuscule est sus- ceptible de se décomposer en une infinité de molécules cristallines disposées symétriquement autour d'un noyau primitif. De ce qui précède nous pouvons conclure que les corpuscules ne sont autre chose que de simples dépôts cristallins effectués dans le tissu de l'écaillé et plus ou moins modifiés par ce tissu. Ce sont, pour nous servir d'un terme auj(jurd"hui usité, des calcosphérdes, de même 1 Cette présomption se trouve i oufirmée par l'expérience. En traitant les écailles par une solution bonillante de potasse concentrée, les gros corpuscules se désagrè- gent plus ou moins complétemeul et se résolvent en molécules élémentaires. '4G8 E. BAUDELOT. iiaLui-e que ces produits artificiels, étudiés par Raincy d'abord \ puis tout récemment par M. Harting^, dont les expériences ont jeté un si grand jour sur les phénomènes généraux de la calcification des tissus. Dans les pages qui précèdent, j'ai fait connaître la structure des écailles, telle qu'elle se manifeste dans l'immense majorité des pois- sons cycloïdes et cténoïdes. Ce mode de structure, cependant, n'est pas sans offrir quelques exceptions. Dans quelques espèces, la consti- tution do l'écaillé par couches ou feuillets superposés fait place à une organisation assez différente, quant à l'aspect du moins. Au lieu d'un tissu compacte, susceptible de se prêter à une sorte de clivage régulier, l'écaillé présente une trame d'apparence spongieuse, compo- sée de faisceaux ou de trabécules entre-croisés sous divers angles. Telles sont les écailles du Thon et du Dactyloptère, dans lesquelles nous avons signalé à l'intérieui- un vaste système de lacunes ù parois incomplètes. Ces écailles mériteraient assurément ime étude toute spéciale, tant au point de vue de la structure que sous celui du déve- loppement. Cependant je crois pouvoir avancer dès à présent que la différence qui existe entre elles et les écailles ordinaires est loin d'être aussi considérable qu'on pourrait le penser au premier abord. Consi- déré au point de vue des éléments, le tissu est le même dans l'un et l'autre cas, la substance fondamentale est toujours du tissu conjonc- tif imprégné de molécules calcaires ; l'agencement seul est différent : mais ici encore la nature sait ménager des transitions qui révèlent la parenté des deux états. Dans le Thon, par exemple, on trouve tous les passages entre les écailles de structure ordinaire et les écailles à tissu lacuneux. Restent maintenant certaines écailles dans lesquelles le tissu pré- sente un ensemble de caractères particuliers qui conduisent peu à peu à d'autres tissus. On y découvre au milieu d'une substance fon- damentale calcifiée des cellules osseuses ramifiées d'une netteté par- faite, un vaste système intérieur de canaux anastomosés, des spi- nules composées de véritable dentine, L'Hypostome enfou rnitle type. ' « On tho mode of formation of thc Shclls of Animais, of Bone, and of several otlier structures, by a process of molecular coalescencc, demonsti'able in certain arti- ficially formed producls. n 1858. FuRT)iER, « iixperiments and Observations,» dr.ns Quart. Journ. of Micvûsc. Science, II. s., vol. J (18i;i), |i. i,'?. Voir, ù ce sujet, the HUcroxcupe and Us Imelations, by William iJ. Carpenler^ fonrtb édition, l.undon, 1808, p. 77'<-77(>, li.u'. 'tl^. ^Journal de zoologie, t. l. ; ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. i69 Mais déjà ce type s'éloigne considérablement des types cténoïde et cycloïde normaux, et de nouvelles études seraient nécessaires pour permettre d'apprécier la valeur de ces différents caractères. dl" DE LA FORMATION ET DE l'aCCROISSEMENT DES ÉCAILLES. Les écailles n'apparaissent qu'à une époque postérieure à celle de réclusion, quelquefois même assez éloignée de celle-ci. De jeunes Anguilles, d'une longueur de 7 à 8 centimètres, en sont encore dépourvues. Cette apparition tardive n'a rien de surprenant si l'on réfléchit que la formation de l'écaillé par voie de calcification est un phénomène de même nature que celui de l'ossification, lequel peut s'accomplir, comme on le sait, à des âges fort différents. Voici, je crois, comment il faut envisager le développement de l'écaillé. L'écaillé débute par un point de calcification du derme ; ce point s'étend peu à peu, et ainsi se trouve constituée une petite lamelle solide qui représente l'écaillé primitive. Cette première lamelle, une fois formée, tantôt reste étroitement unie avec le tissu ambiant, tan- tôt acquiert une certaine mobilité, de manière à se trouver contenue comme dans une espèce de poche ; mais cette mobilité n'est jamais complète et l'écaillé conserve toujours des rapports intimes avec le derme par sa face interne et par ses bords ; la face externe seule se montre souvent en partie libre d'adhérences. La jeune écaille se trouvant constituée, de nouvelles couches de dimensions de plus en plus grandes viennent s'ajouter successivement à sa face interne et accroissent son épaisseur en môme temps que sa largeur ; ainsi s'expliquent ces deux faits d'observation : que l'écaillé offre une épaisseur plus considérable au centre que sur les bords, qu'elle présente un tissu flexible, non encore calcifié, sur sa face interne et une bordure membraneuse, de faible consistance sur tout son pourtour. De la face interne et des bords partent ces tractus plus ou moins délicats de tissu conjonctif par lesquels l'écaillé adhère à la poche qui la renferme. Du côté externe, au contraire, et par le fait de la calcification toujours croissante des premiers feuillets, la ligne de démarcation entre l'écaillé et la poche dermique devient de plus en plus tranchée. Relativement aux progrès ultérieurs de la calcification, on peut établir ce qui suit : la calcification marche de l'extérieur vers l'inté- rieur et des bords de l'écaillé vers son centre. Dans chaque feuillet 470 K. BAUDELOT. la calrification est plus complète sur les bords que dans la portion centrale. Ce sont les bords calcifiés de tous les feuillets qui, en se confondant entre eux, constituent la croûte calcaire extérieure de l'écaillc. Quant aux crêtes concentriques et aux spinules, nous avons vu qu'elles apparaissent successivement sur les bords de l'écaillé à mesure que celle-ci s'accroît. L'induction, jointe à l'observation, conduit à admettre que toutes les écailles cténoïdes sont cycloïdes au début de leur formation. Ajoutons enfin que l'accroissement n'a pas lieu au même degré pour toutes les écailles d'un môme poisson, résultat établi sur la dif- férence considérable qui se manifeste dans la grandeur des écailles des différents points du corps. Je viens de montrer que les écailles se forment par additions succes- sives de nouvelles couches sur leur face interne. Bien que ce mode de formation soit à peu près général parmi les écailles cycloïdes et cté- noïdes, il existe cependant quelques types d'écaillés dont le dévelop- pement soulève quelques difficultés. Telles sont celles du Thon, du Dactyloptère et de quelques autres types encore. Ces écailles, comme nous l'avons vu, présentent à l'intérieur une sorte de tissu spongieux, creusé de lacunes de dimensions plus ou moins considé- rables. Ce tissu et ces lacunes s'expliquent difficilement en admettant une simple apposition de couches nouvelles sans remaniement du tissu ancien. En effet, l'écaillé étant limitée sur ses deux faces par une mince lame de tissu compacte, il en résulte, si l'on compare une écaille développée à une écaille très-jeune, qu'à un moment donné l'épaisseur totale de la petite écaille égalait à peine en étendue l'espace représenté par le tissu spongieux intérieur de la grande écaille. On est ainsi conduit ;\ admettre une résorption graduelle du tissu compacte extérieur, et par conséquent un certain degré de vitalité du tissu de l'écaillé. Par là encore se trouve établie la liaison du tissu des écailles au tissu osseux avec lacunes intérieures, tel qu'on l'observe dans les rayons natatoires ou les pièces operculaires de divers poissons (Epi- noche, etc.). DERNIÈRES CONSIDÉRATIONS. Pour compléter le travail de synthèse que je viens d'accomplir dans la sc('ond(> partie de ce chapitre, il iiic reste ;\ rappeler en ([uelques mots les résultais les plus génériiux établis par mes recherches. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 471 Le résultat que je considère comme le plus important est d'avoir ramené sous le concept d'une loi générale toutes les formes, si variées qu'elles puissent être, des écailles cténoïdes et cycloïdes ; d'avoir montré que toutes ces formes peuvent s'expliquer par de simples changements dans le mode de calcification de la couche superficielle de l'écaillé et par le plus ou moins de développement de telle ou telle portion de cette couche ; que, par exemple, les écailles, si diffé- rentes d'aspect, du Saumon, de la Carpe, du Vairon, de la Lotte, du Merlan, de l'Ophidium, de l'Anguille, de la Sole, de la Perche, etc., peuvent toutes être dérivées sans difficulté d'une forme typique idéale, au moyen de combinaisons très-simples effectuées dans le groupe- ment des points de calcification, dans la distribution des lignes cVacaicie (sillons), dans le mode de découpure et le plus ou moins de saillie des crêtes de l'écaillé. Nous avons vu enfin que le tissu des écailles (tissu conjonctif cal- cifié, tissu osseux, tissu de dentine) appartient aux différentes variétés de la substance conjonctive. * Par cet ensemble de résultats généraux l'unité se trouve donc intro- duite dans un groupe de faits caractérisés seulement jusqu'alors par une extrême diversité. Cette unité apparaît plus admirable encore quand on vient à recon- naître que la loi d'où dérivent toutes les formes des écailles n'est autre que celle qui préside à la calcification ou à l'ossification des tissus dans les différents systèmes organiques et dans tous les groupes du règne animal. Crêtes et spinules des écailles, plaques en scutelles du Merlan et de l'Ophidium, plaques en médaillon de l'Anguille, arti- cles des rayons natatoires des poissons osseux, plaques en mosaïque du squelette des Sélaciens, plaques polygonales ou en réseaux des Echinodermes, etc., etc., toutes ces productions, avec leur infinie variété d'aspects, s'expliquent en dernière analyse par ces deux grands faits généraux : formation plus ou moins distincte de centres calci- gènes, diversité de rapports établis entre ces centres. 472 E. BAUDELOT. TROISIÈME PARTIE. DES ÉCAILLES CONSIDÉRÉES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LA CLASSIFICATION. Dans le chapitre qui précède, nous avons étudié longuement les caractères des écailles; il s'agit pour nous maintenant de rechercher dans quelle mesure ces caractères peuvent servir à la classification. Pour cela faire, nous allons prendre ces caractères un à un et rechercher quel est leur degré de fixité. ■1° Rapports des écailles avec les téguments. — Les rapports des écailles avec les téguments, c'est-à-dire leur plus ou moins d'adhé- rence avec la peau, leur plus ou moins de saillie à l'extérieur, bien que ne possédant, en général, qu'une valeur caractéristique très- faible, ne doivent pas être cependant complètement négligés. La forte ou la faible adhérence des écailles est un caractère qui offre quelquefois un degré de constance assez marqué dans une famille déterminée. Ainsi, dans les poissons du groupe des Percoïdes, les écailles sont en général très-adhérentes ; dans ceux de la famille des Chipes, elles se détachent d'ordinaire avec la plus grande facilité. Ce qui prouve néanmoins que ce caractère est d'ordre très-secondaire, c'est que dans la plupart des familles on rencontre indifféremment des espèces à écailles fortement adhérentes et d'autres espèces à écailles qui le sont très peu. Dans la famille des Cyprinides, par exemple, la Carpe possède des écailles très-solidement enchâssées dans la peau ; l'Ablette, au contraire, a des écailles qui se détachent au moindre contact. Les mêmes différences dans le degré de fixité des écailles se manifestent entre les écailles du Thon et celles du Maquereau, de la famille des Scombéroïdes. Le plus ou moins de saillie des écailles à l'extérieur déi)end ordinai- rement de leurs dimensions; comme on peut le prévoir, il s'agit ici d'un caractère de minime importance. S'il y a des types tels que celui des Murénides dont les écailles sont toujours cachées dans l'épaisseur de la peau, il en est d'autres, celui des Gades, par exemple, dont cer- taines espèces (Lotte, Molellc) ont les écailles complètement enfoncées ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 473 dans la peau et dont d'autres espèces (Gadus pollachius, Gadus mor- rhua, etc.) les ont très-apparentes et plus ou moins fortement imbri- quées. 2° Forme des écailles. — La forme des écailles est un caractère telle- ment instable qu'il faut renoncer à fonder sur lui aucune division de quelque importance. Nous avons vu à quel point les écailles sont sujettes avarier dans les diverses régions d'un même individu. Néan- moins, si, faisant abstraction de ces variations régionnelles , on s'en tient aux caractères généraux et typiques, on reconnaît que la forme des écailles peut, dans une certaine mesure, servir à la distinction des espèces. Dans les Muges, les Ostracions, les écailles sont polygo- nales; elles sont circulaires dans la Lotte, ovalaires dans les Sal- mones, TOphidium. Ajoutons toutefois que, si ces caractères emprun- tés à la forme sont susceptibles d'offrir quelque valeur, ce n'est guère que par leur liaison avec d'autres caractères dont ils peuvent servir à rehausser la valeur propre. 3° Dimensions des écailles. — Les dimensions des écailles n'ont qu'une valeur taxonomique à peu près insignifiante, ces dimensions étant susceptibles de varier non-seulement avec l'âge, mais encore suivant les différentes régions du corps. Si, au lieu de considérer la grandeur absolue des écailles, on se borne à considérer leur grandeur relative, on constate que dans une même famille les écailles peuvent présenter des différences de grandeur également considérables ; ainsi, parmi les Cyprinides, le Goujon, la Carpe ont des écailles relativement grandes par rapport au Barbeau et au Yairon. On ne saurait donc attendre de ce caractère autre chose que des distinctions d'espèces. 4° Présence ou absence des écailles. — La présence ou l'absence des écailles n'a elle-même qu'une importance très-faible relativement à la classitication. S'il fallait en fournir une preuve, il me suffirait de citer l'exemple de la Carpe dite Carpe à cuir, variété de la Carpe ordi- naire chez laquelle les écailles ont complètement avorté. Il n'est, en outre, guère de familles qui, parmi une multitude d'espèces pourvues d'écaillés, n'en possèdent quelques-unes chez lesquelles ces organes font complètement défaut (familles des Siluroïdes, des Murénides, des Pleuronectes, etc.). Mais, si la présence ou l'absence des écailles ne peut fournir des caractères de classification de quelque étendue, ce caractère n'est pas à négliger dans la distinction des espèces. Ainsi la 47-i E. BAUDELOT. question a élé maintes fois agitée de savoir si le Congre et l'Anguille ne seraient pas deux états différents d'une même espèce; à défaut d'autres caractères (et il y en a), la question se trouverait tranchée par ce seul l'ail que l'Anguille possède des écailles et que le Congre n'en a pas. 5° Crêtes des écailles. — Les caractères tirés des crêtes des écailles sont de faible valeur et ne sauraient être d'un grand secours pour la classification. Il peut se faire cependant que telle disposition particu- lière des crêtes se reproduise avec une certaine fixité parmi les divers représentants d'une môme famille. Ainsi, dans la famille des Glupes, les écailles du Hareng, de l'Alose, etc., présentent des crêtes qui cou- pent plus ou moins perpendiculairement les bords latéraux du champ antérieur. L'arrangement des crêtes peut aussi quelquefois servir à la distinction des espèces. Ainsi, dans l'UpencCus surmuletus, on dis- tingue des crêtes de deux sortes : les unes, appartenant au champ antérieur, offrent un écartement considérable : les autres, dépendant des champs latéroux et postérieur, sont au contraire très-serrées. Dans le Lançon, le champ postérieur supporte des crêtes formant une sorte de treillis quadrillé ; dans l'Holocentrum, les crêtes du champ postérieur sont très-épaisses et se portent, en rayonnant, du foyer vers le bord libre. Dans le Gadus molva, les crêtes sont découpées en fes- tons plus ou moins irréguliers, etc. 6" Sjjtiu'Jes. — Les spinules des écailles ont été considérées comme pouvant être de très-grande importance au point de vue de la classiii- cation. On sait, en effet, que c'est en se fondant sur la présence ou l'absence de spinules qu'Agassiz avait établi ses deux grandes divi- sions des poissons osseux, les Cténoïdes et les Cycloïdes. La valeur de ce caractère cependant ne tarda pas à être contestée. Divers natura- listes, parmi lesquels je citerai J. Millier, Peters, Stannius, etc., mon- trèrent, en s'appuyant sur un certain nombre d'exemples, que l'opi- nion d'Agassiz était trop absolue. Déjà Peters avait signalé deux sortes d'écaillés dans le Pelamys sarda. En 1871 je constatai chez la Perche et chez la Sole, qui sont des poissons cténoïdes par excellence, l'exis- tence d'écaillés cycloïdes sur certains points du corps. D'autres faits recueillis depuis m'ont démojitré de plus en plus que le caractère cténoïde , loin d'être un caractère d'une grande iixité, est, au contraire, dans beaucoup de cas, un caractère assez instable. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. ATâ Voici quelques-uns de ces faits : Dans le Trigla lineafa, qui est un poisson cténoïde, on peut voiries écailles passer par tous les degrés de la forme cténoïde à la forme cycloïde. Les écailles sont cténoïdes dans la région dorsale ; mais, à mesure que l'on descend vers la région ventrale, les spinules dimi- nuent peu à peu de nombre, puis finissent par disparaître complète- ment ; les écailles sont alors devenues parfaitement cycloïdes. Le caractère cycloïde appartient également aux écailles qui recouvrent les rayons de la nageoire caudale ^ Le Sillago domina, qui possède de très-belles écailles cténoïdes, pré- sente aussi dans la région ventrale des écailles parfaitement cycloïdes. Le passage de la première forme à la seconde a lieu également par degrés insensibles. Même ordre de faits dans quelques espèces du genre Sargus, dans certains Scorpènes. On trouve dans certaines régions du corps des écailles cténoïdes, dans d'autres des écailles cycloïdes. Le passage de la forme cténoïde à la forme cycloïde s'effectue aussi par degrés. Dans le Gobius limbatus les écailles cténoïdes deviennent cycloïdes sur le dos et sur le ventre. Dans le Labrax lupus, qui représente un très-beau type de cténoïde, les écailles deviennent cycloïdes au niveau de l'espace compris entre l'œil et le préopercule. Mais, de tous les poissons dans lesquels on peut rencontrer un mélange du caractère cycloïde et du caractère cténoïde, il n'y en a pas, je crois, de plus intéressants que certains Pleuronectes. Chez la Limande, le Flet, par exemple, on trouve dans la portion moyenne du tronc des écailles cycloïdes associées en certaine quan- tité aux écailles cténoïdes. Les écailles cycloïdes sont plus abondantes sur la face inférieure que sur la face supérieure ou colorée. Dans le Pleuronectes punctatus {Pleuronectes In'rtus, Rhombus punc- tatus, Rliombas Jdrtus) la différenciation est portée plus loin encore. Ce poisson est cténoïde d'une façon très-accentuée sur sa face supérieure, et parfaitement cycloïde sur sa face inférieure ou décolorée. Je pourrais, en multipliant ces exemples, établir, comme un fait incontestable, qu'il existe très-peu de poissons cténoïdes chez lesquels on ne puisse découvrir en certains points du corps des écailles cycloïdes. 1 M. L. VaiUaut a bij,nialc des faits de même nàtûro chez l'Api-oii. AU] E. BAUDELOT. Ces premiers résultats disent assez haut déjà ce qu'il faut penser d'un caractère qui peut ne se manifester que sur une partie du corps d'un même individu, qui peut apparaître sur une face et disparaître sur l'autre. Mais, dira-t-on, il est possible que le caractère cténoïde s'atténue et même disparaisse sur certains points du corps \ sans que pour cela ce caractère cesse de conserver sa valeur comme marque distinctive de tel ou tel groupe naturel, et l'on ])ourrait citer comme exemples telle et telle famille où, sauf un très-petit nombre d'exceptions, le caractère cténoïde persiste avec une constance remarquable. Cette objection n'est pas sans quelque valeur, et il faut en tenir compte. Si, en effet, on compare entre elles les diiférentes familles, on reconnaîtra qu'il en est dont la presque totalité des espèces possèdent le caractère cténoïde (Pcrcoïdes) ; d'autres, au contraire, dans les- quelles les écailles présentent constamment le caractère cycloïde (Cyprinoïdes , Salmones). Néanmoins, en se bornant à l'examen de ces quelques familles, on serait exposé à attribuer au caractère cté- noïde ou cycloïde une valeur exai^érée. Car à côté de ces familles il y en a d'autres dans lesquelles le caractère cténoïde paraît des plus instables. La plus remarquable de toutes à cet égard est peut-être celle des Pleuronectes ; on y trouve, en effet, réunis presque indiffé- remment des types à écailles cténoïdes (Sole, Limande, Flet, Pleuro- nectes liirtus) et des types à écailles cycloïdes (Carrelet, Barbue). De ce qui précède on peut donc conclure que le caractère cténoïde est un caractère qui mérite d'être pris en considération, mais dont la valeur et l'importance sont susceptibles de varier d'un groupe à l'autre. Ici encore je dois joindre une réflexion : l'étude des familles semble démontrer que le caractère cténoïde offre plus de tendance à passer au type cycloïde que le type cycloïde n'offre de tendance à passer au type cténoïde. Ainsi, dans le vaste groupe des Cyprinoïdes, il n'y a pas un seul exemple de cténoïde. De même dans les Salmones. Dans presque tous les groupes de cténoïdes, au contraire, on rencontre des espèces offrant le caractère cycloïde. Cette inégalité dans le degré de fixité des deux caractères cténoïde et cycloïde me paraît pouvoir s'expliquer assez simplement de la manière suivante: L'état cycloïde ' Nous avons vu, on effet, que lo passativ ilo l'étal cténoïdp h l'cHaL cycloïde peut ûtie considéir comme une simple marque de dégradation de l'écaillc. ÉCAILLES DES POISSONS OSSEUX. 477 pouvant être considéré comme représentant un état de développe- ment inférieur à l'état cténoïde, tout poisson cténoïde, pour devenir cycloïde, n'a qu'à subir dans ses écailles un léger arrêt de développe- ment ; tout poisson cvcloïde, au contraire, pour devenir cténoïde, doit présenter dans ses écailles un excès de développement étranger au reste du groupe dont il fait partie. Or, en morphologie, les arrêts de développement constituent un mode de variation beaucoup plus fréquent que les excès de développement. Nous venons de voir dans- quelle mesure la présence ou l'absence de spinules peut servir à la classification ; voyons maintenant si les autres caractères tirés des spinules sont susceptibles de fournir des éléments taxonomiques de quelque importance. Lors de l'étude que nous avons ftiite des spinules, nous avons vu : P Que dans la plupart des Cténoïdes le champ postérieur présente deux sortes de spinules : sur le bord libre une rangée de spinules pointues ; en arrière de cette première rangée, des séries de spinules tronquées (Percoïdes, etc.); 2' Que dans quelques espèces de Scorpènes , de Muges, de Serrans toutes les spinules conservent les mêmes caractères, c'est-à-dire sont terminées en pointe ; 3° Que dans les Pleuronectes cténoïdes les spinules situées en arrière de la première rangée, sans offrir une pointe aussi aiguë que celles de la première rangée, ne montrent pas une troncature abrupte comme chez les Percoïdes ; que, de plus, les spinules sont excavées h leur base et ouvertes en arrière ; ■i" Que dans quelques espèces (divers Scorpènes, Thcrapon servm^ Hnlocmtnim longipenné) il n'existe qu'un seul rang de spinules sur le bord libre, les séries de spinules tronquées se trouvant remplacées par de grosses crêtes en forme de bourrelets, rayonnant en éventail à partir du foyer; 5° Que dans les Gobies il n'existe qu'un seul rang de spinules sur le bord libre, sans trace de spinules tronquées ni de bourrelets rayon- nants ; 6" Que dans quelques espèces (^/9e;ipc (le Corlicatœ des spicules (h; ce genre insolubles dans les acides, et par conséquent siliceux, (ju'il est inipossil^le de i':ip|)ort''r à aucune espèce d'Ascidie composée. HISTOIRE NATURELLE DES SYNASCIDIES. 493 Lœwig et Kœlliker dans la couche corticale de la tunique des Clave- lines, etc. Je ne connais de la côte de Granville qu'une seule espèce d'Ascidie composée , laquelle m'a été obligeamment communiquée par M. Lemirre, qui en avait recueilli plusieurs cormus rejetés sur la plage. Cette espèce, fort intéressante, doit être rapportée sans aucune hési- tation à l'^/cyonmm pulmonaria ou pubnonis instar lobafum d'EUis, qui est VAlcyonium ficus de Linné, VAplidiam ficus de Savigny. La cou- leur vert-olive foncé, l'odeur spéciale du cormus et son aspect ficoïde quand on l'ouvre sont des caractères très-nets et faciles à sai- sir. Le nom de Figue de tner a été donné à cette Ascidie par les pêcheurs de la côte du Kent, oii Ellis l'a trouvée en grande quantité. 11 est digne de remarquer que Forbes et Savigny n'ont pas connu de visu cette Ascidie, dont ils parlent seulement d'après le savant auteur de l'Histoire des Zooplujtes. M. Edwards ne signale pas non plus cette espèce dans son Mémoire sur les Ascidies composées des côtes de la Manche. Cela tient sans doute à ce que VA/ilidium feus vit dans les grands fonds et n'est qu'accidentellement rejeté au rivage. D'après Ph. van Beneden, il serait extraordinairement commun dans la mer du Nord, attaché au fond des eaux à de grandes profondeurs, à côté des Alcyons *. 11 ne paraît pas toutefois que le savant professeur de Louvain ait fait de cette Ascidie une étude bien complète ; car le moindre examen anatomique suffit pour démontrer que YAplidiuvi feus appartient en réalité au genre Poli/clinum, ce qu'on aurait déjà pu soupçonner d'après son habitat et sa forme extérieure. Le cormus du Pobjclinum feus est presque constamment formé par une grosse masse plus ou moins arrondie, à la base de laquelle on en trouve deux ou trois autres plus petites. La paroi basilaire de ces masses et parfois môme une portion plus considérable de la couche corticale est couverte de grains de sable agglutinés et aussi d'une grande quantité de spicules d'Épongés du genre Tethija. Le fait semble déjà avoir été observé par Esper, si j'en juge par une planche de son grand ouvrage, Die Pfïan- zenthiere. Malheureusement je n'ai pu consulter le texte, qui est in- complet dans l'exemplaire de la bibliothèque de la Sorbonne et dans celui du Muséum, Il est possible aussi et môme probable que la pré- sence de ces spicules aura amené quelque confusion dans les idées 1 Voir Geuvais et P.-J. van Bbneden, Zoologie médicale, t. II, p. 74. 1859, AU A. GIARD. d'Esper et lui aura fait rciinir, sous le nom d'Alcyo/rium ficus, des productions de nature très-difl'érente. Chose singulière, en effet : de même que les Synascidies qui four- nissent aux Éponges calcaires les corpuscules étoiles ressemblent à ces Éponges par leur forme extérieure, de même les Éponges siliceuses, dont le PolycUnum ficus emprunte les spicules, imitent aussi, d'après leur aspect général, ce Po//jclinum. M. Lemirrc m'apprend qu'il a souvent rencontré à Granville une Tetliyc qu'il croit être la Tetkija craiiium et qui présente avec la Figue de mer vnic très-grande res- semblance. Il a aussi rencontré dans la même localité une Algue appelée vulgairement Couille d'une, dont la forme et la couleur rap- pellent aussi l'Ascidie qui nous occupe. C'est une Chlorophycée du genre Spomjodium, probablement le Sponf/odiuni buna, 50 SYNASCIDIES IMITANT DES ASCIDIES SIMPLES. J'ai déjà cité plusieurs exemples de Synascidies imitant des Ascidies simples au milieu desquelles elle végètent. Les draguages m'ont fourni un nouvel exemple fort remarquable de mimétisme de ce genre. L'engin ramène souvent une petite Ascidie simple d'un bel orangé du groupe des Cynthia, et peut-être identique à la Cynthia aggregata de Rathke [Zool. Dan., pi. CXXX, fig. 2). Cette Ascidie est fréquem- ment grégaire, et sur les pierres, où on la trouve au milieu des jeunes de l'année, on rencontre fréquemment un Amarœcium formant de petits groupes d'une teinte identique à celle de l'Ascidie simple et que je n'ai pu rencontrer jusqu'à présent qu'à l'état d'hivernage. C'est peut-être cet Amarœcium que Forbes avait sous les yeux quand il. dit : « Sur beaucoup d'entre les fibres radicales de la Cynthia aggregata il y a de petits corps durs, globuleux, imperforés, orangés, de dimensions variables et couverts de granules. Ne serait-ce pas un état intermédiaire de cette Ascidie? » L'imperforation de ces petits corps nous interdit la supposition que ce soient des embryons sortis d'un œuf. Mais, comme nous connaissons maintenant des Cynthies bourgeonnantes, nous devons mettre une certaine réserve à affirmer l'identité de ces petits corps avec notre Amarœcium, bien que cette identité soit fort probable. Ouoi qu'il en soit, nous espérons pouvoir observer un jour cette Synascidieà l'état de complet épanouissement, et nous proposons de lui donner le nom {V Arnarœciiim simulans, qui rappelle la curieuse particularité dont elle jouit. HISTOIRE NATURELLE DES SYNASCIDIES. 495 lY. — SUR UNE GRÉGARINE PARASITE d'uN AMARŒCIUM. Parmi les nombreux parasites qui tourmentent les Ascidies compo- sées, il en est qui paraissent affecter certaines espèces à l'exclusion de toutes les autres, et dont l'étude complète présenterait un grand intérêt. Telle est une belle Grégarine {Monocystis) habitant le tube digestif d'une espèce à' Amarœcium voisine de VAmarœclum al/jicans, Edw., mais qui me paraît nouvelle , et pour laquelle je propose le nom d'Amarœciion punctwn. Cet Amaronque rappelle assez par sa forme extérieure le Morchellium argus; mais le tronc des cormus est généralement bifurqué, et chaque individu présente seulement un point rouge au lieu de quatre. Au microscope, on reconnaît que ce point rouge occupe l'extrémité supérieure de l'endostyle; la languette anale offre trois divisions ', et l'estomac est simplement cannelé, UAmarœcmm punctum se trouve à Roscoff, tout à fait au bas de l'eau, vers Per-Hoch, à la face inférieure des rochers. 11 est rare, mais on l'obtient plus facilement dans les drag^uages. Chez cette espèce, le ganglion nerveux n'est pas environné de pigment, et la fossette vibratile est très grande et très-facile à étudier. Dans presque tous les cormus de cet Amarœcium que j'ai examinés, la plupart des individus avaient l'estomac rempU de Grégarines à tous lès états de développement. (Voir pi. XIX, fig. 4, 5, 6, etc.) Dans les intestins, on observait au milieu des masses excrémenti- tielles de nombreux kystes, mais très-rarement, et seulement d'une façon accidentelle, des Grégarines aux autres phases de leur évolu- tion. En plaçant un animalcule sur le porte-objet du microscope, on peut facilement observer ces curieux parasites. Il est même facile de provoquer artificiellement l'enkystement des Grégarines et de suivre pas h. pas cet intéressant processus. Il suffit pour cela de laisser la pré- paration se dessécher peu à peu. On voit alors les Grégarines pour- vues de noyau, c'est-à-dire celles qui sont le plus développées, s'unir deux à deux par une de leurs extrémités, en général par l'extrémité la plus large. Bientôt le grand axe de chaque individu diminue, et la 1 IJ Amarœcium albicans (Milne-Edwards) possède aussi ce caractère, mais cette espèce ne présente pas le point rouge au sommet de l'endostyle et les cormus sont colorés seulement par la présence des amas d'œufs.— ,Voir Milne-Edwards, loc. cit., p. 288. 496 A. GIARD. base commune s'élargit progressivement; en môme temps, l'ensemble ainsi formé commence à tourner lentement dans un sens déterminé et constant, presque toujours de gauche adroite; l'extrémité amincie est alors déjetée en sens inverse du mouvement. Puis chaque individu prend la forme d'une mamelle dont le mamelon diminue de plus en plus et finit par disparaître. Le mouvement cesse enfin après avoir duré quelquefois près d'une heure, et l'ensemble des Grégarines a la forme d'une sphère, divisée par un plan diamétral en deux hémi- sphères exactement égaux. En ce moment (voir pi. XIX, fig. 12), on voit encore les noyaux des deux Grégarines ; mais ces noyaux sont plus obscurs et à contours moins nets que précédemment. Ils s'obscur- cissent ainsi de plus en plus, jusqu'à ce qu'ils disparaissent complè- tement. La partie périphérique tégumentaire s'épaissit graduelle- ment. La partie du tégument qui forme le plan diamétral s'amincit au contraire, et n'est plus représentée que par une ligne très-mince, et il est impossible de retrouver le double contour primitivement formé par l'union des deux téguments (voir pi. XIX, fig. 13). Enfin cette ligne mince s'évanouit à son tour, et l'on a sous les yeux un kyste achevé, c'est-à-dire une sphère à paroi très-épaisse renfermant une masse plasmatique granuleuse homogène. Jamais je n'ai vu, soit naturellement, soit en cherchant à le provo- quer, l'enkystement se produire entre deux Grégarines jeunes, c'est- à-dire non encore pourvues d'un noyau bien apparent. Les kystes, une fois constitués, sont évidemment rejetés par l'intestin et subissent au dehors les diverses transformations qui donnent naissance aux Psoro- spermies. Je n'en ai jamais vu présenter dans l'estomac ou dans l'in- testin la moindre modification. Il est probable que les Grégarines se multiplient, dans le premier de ces organes, par voie de scissiparité ou l'une des modifications de ce mode de génération, 11 est moins aisé de comprendre comment les parasites passent de l'un à l'autre des blastozoïtes d'un même cormus, lesquels sont presque toujours afiectés simultanément. On ne s'explicjue pas non plus comment les Psorospermies nées des kystes rejetés au dehors sont introduites uniquement dans cette espèce iWXmarœcinin spéciale aux grandes profondeurs. HISTOIRE NATURELLE DES SYNASCIDIES. 497 V. — SUR QUELQUES ASCIDIES COMPOSÉES DES GRANDES PROFONDEURS. Les Ascidies composées spéciales à la zone qui ne découvre jamais sont à Roscoff au nombre de trois : 1» Une petite espèce de Clavelina très-abondante sur les tiges des Laminaires ramenées par l'engin et probablement identique à la Cla- velina producta, Milne-Edwards ; cette dernière a été trouvée aux basses eaux sous les rochers de l'île Tatihou. ■^o Un Perophora qui paraît habiter surtout les Flustres et les Eschares des grandes profondeurs. Il forme de petites colonies dont les stolons sont exactement appliqués à la surface du Bryozoaire. Les individus se distinguent de ceux du Perophora Listeri par leur taille sou- vent un peu plus grande, leur teinte verdàtre et non diaphane-cristal- line, leur aspect légèrement rugueux, et surtout par la délicatesse de tous leurs tissus et spécialement de la branchie. La moindre pression, même celle du verre mince, suffit pour amener une désagrégation complète. Comme, de plus, la tunique est souvent salie et peu trans- parente, il est très-difficile d'étudier cette espèce, pour laquelle je propose le nom de Perophora frcujilk ; 3" Un Amarœcnim que j'ai désigné plus haut sous le nom d'Ama- rœcium simulans et dont le petit cormus à l'état d'hivernage imite une Ascidie simple du groupe des Cynthia. Certaines espèces que l'on rencontre surtout dans la zone des Lami- naires, aux basses eaux des grandes marées, sont obtenues en plus grande abondance par les draguages. Tels sont : 1° Le Leptoclinum Lacazii. Cette espèce se trouve à l'extrême limite des basses eaux, sous les pierres ou sur les racines des Laminaria digi- taux, derrière l'île Verte et aussi à Roch-zu, où M. Lemirre en a re- cueilli de fort beaux exemplaires; elle est assez abondante sur les tiges des Laminaires ramenées par l'engin ; 2° Le Polijdinmii sahaloswn, qui, déjà commun sur les Cystoseira de la troisième zone, forme dans la zone profonde des cormus sou- vent beaucoup plus volumineux et fixés sur des objets de nature très-différente ; 3° L' Amarœcium punctum dont nous avons parlé ci-dessus (voir p. 493); 4° \j' Astellium perspicuum. Cette jolie espèce, dont nous avons parlé plus haut (voir p. 486), habite surtout les prairies de Zostères situées dans la troisième zone, et découvertes seulement aux basses eaux des ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. II. 1873. 32 498 A. GIARD. marées de l'équinoxc. Une de ces prairies s'étend à Roscoff au delà du rocher de Rolea, jusque vers les roches du Loup. En écartant l'herbe marine en cette localité, on trouve de véritables forêts d'une superbe éponge calcaire, VAscamIra pinus de Hœckel. dont on n'avait recueilli jusqu'à présent que quelques cormus isolés. Au milieu de ces élégants Spongiaires, on voit sur certaines tiges de Zostères, mais toujours assez rarement, VAstellium perspicuwn, qui forme parfois des cormus très-volumineux. Cette Ascidie, comme toutes celles du groupe des Diplosomidse, renferme de nombreux commensaux du groupe des Crustacés. L'un d'eux, d'une taille volumineuse, présente une dégradation remar- quable, du moins chez le sexe femelle, le seul qui me soit connu. C'est un Copépode appartenant à la section de ceux qui n'ont pas d'ovisacs extérieurs, et chez lesquels la cavité générale du corps sert de cavité d'incubation pour les œufs quand ceux-ci s'échappent de l'ovaire. M. Hessc a décrit et figuré \ sous le nom d'Ophioséide cardiocéphale, un Grustacé parasite d'un Botrylle qui présente avec notre espèce une très-grande analogie, mais qui en diffère toutefois par de nom- breux caractères. Nous nous proposons de donner une histoire dé- taillée de l'espèce nouvelle, que nous appellerons Ophioseides apoda. Elle se distingue immédiatement par l'absence de toute segmentation. Les longs poils qui entourent la partie céphalique existent aussi chez VOpIdoséide cardiocéphale; mais il n'y a nulle. trace des pattes thora- ciques bizarres signalées par M, Hesse chez cette dernière espèce et comparées par lui aux ventouses des Trématodes du genre Oplticotyle. 11 est d'ailleurs fort difficile de tirer parti des observations du labo- rieux naturaliste de Brest, dont la nomenclature et les dessins fan- taisistes nous ont souvent causé des peines inutiles dans nos recherches sur les Crustacés. Que dire de la singulière armature buccale figurée chez V Ophioséide cardiocéphale et de ces antennes plates creuses ovales ayant la for-me de celles des Solipèdes? La r:iie médiane d'un rouge pourpre est sans doute le tube digestif, que nous avons parfaitement observé chez notre espèce, et qui doit sa coloration à de noml)reiisos glandules hépatiques. Nous avons aussi reconnu (voir pi. XIX, iig. 3) la disposition des ovaires et la structure de l'embryon de VOphioseides apoda. Cette espèce représente 1 Voir Hessk, Observations sur des Cnistaccs rares ou nouveaux des côtes de France, 3e avtieU-, Annales des se. nal., ISt'i, i». 3'J3, pi. XII;, Iig. 33-4-2. HISTOIRE NATURELLE DES SYXASGIDIES. 499 cliezlesCopépodesIe type physiologique réalisé par certains Bopyriens chez les Isopodes, par les Rhizocéphales chez les Cirrhopodes.La cou- leur des œufs, qui sont d'un vert-émeraude brillant, suffirait pour distinguer cette espèce de sa congénère, puisque, d'après M. Hesse, le corps de YOphioséide cardiocéphale entièrement rempli d'œufs est d'un beau jaune orangé, qui quelquefois est de couleur souci. VI. — ESPÈCES DE STNASCIDIES DES DEtX PREMIÈRES ZONES QUI SE RETROUVENT DANS LES DRAGUAGES. Un certain nombre d'Ascidies composées que nous avons indiquées comme spéciales aux premières zones se retrouvent plus ou moins abondamment dans des eaux plus profondes. 11 faut reconnaître, d'ailleurs, que cette division de la plage en zones n'a qu'une valeur relative et convient seulement aux points où la mer se retire très- loin, c'est-à-dire où le plan incliné formant le rivage est à pente très- douce. Dans les endroits escarpés, comme les rochers de Santec, du côté nord de l'île de Batz, de Ti-Saoson, etc., on observe ce qu'on pourrait appeler des faunes condensées, c'est-à-dire que sur la petite étendue de plage laissée par lu mer aux plus basses eaux, on trouve à la fois les espèces de la première zone {Botryllm violaceus, par exem- ple) et les espèces des Cystoseira et des Laminaires [Didemnwn saryas- sicola, etc). C'est surtout par l'existence de semblables faunes sur les rochers sous-marins que s'explique la présence, dans les objets ramenés par la drague, d'espèces telles que Morchellium argus, Botryllus sniarag- dus, etc., qui appartiennent aux premières zones, et d'autres qui ont un habitat plus étendu, comme le Fragarium elegans, ÏAinarœcium démuni, le Leptoclinuni asperum, maculosum et fulgidurn, etc. Certaines espèces sont représentées à ces grandes profondeurs exclusivement par l'une de leurs variétés. C'est ainsi que presque tous les connus de Bo- tryllus Schlosseri recueillis par la drague appartiennent à la variété Adonis. VAstelliuni spongiforme des eaux profondes affecte surtout la forme que nous avons nommée Astellium nigricans. J'hésite à considérer comme une simple variété de cette dernière espèce un Astellium que j'ai plusieurs fois rencontré dans les dragua- ges, et qui ne diffère de VAstelliuni spongiforme que par la taille des animalcules, qui sont de moitié plus petits. J'ajouterai toutefois que la plupart des Aplidium zosfericola recueillis dans les mômes conditions m'ont aussi présenté la môoie particularité de nanisme des personnes. oOO A. GIARD. Le Pevophorn Listeri n'est pas rare dans la zone profonde, où il se rencontre surtout sur les Bryozoaires, sur lesquels ses stolons sont intimement appliqués : c'est la forme reticulata que l'on trouve par- fois, mais rarement, sous les pierres dans les premières zones. VII. — SUR CERTAINES FORMES INTÉRESSANTES DU BOTRYLLl'S CALENDULA. J'ai rencontre plusieurs fois cette année la très-rare espèce de Bo- trylle que j'ai nommée Botnjllus calendula. Elle habite le plus souvent les renflements radicaux des grandes Laminaires. Tandis que sur un certain nombre de cormus les personnes forment des cœnobiums à personnes antimériques et plus ou moins réguliers, comme ceux des Botrylles proprement dits, sur d'autres, au contraire, la disposition des animalcules est absolument celle des BotnjlUykles; ces animalcules ne diffèrent d'ailleurs en rien de ceux de la forme botryllicnne ; enfin un certain nombre de cormus présentent, au point de vue des cœnobiums, ce que le professeur Hœckel appelle X^polymorphose, c'est- à-dire que sur certains cœnobiums les personnes sont disposées en anti- mères, sur les autres en lignes réticulées. Ces cormus appartiennent ainsi en partie au genre Botryllus, en partie au genre Botrylloïdes. Ce fait nous prouve d'abord qu'il est bien plus sage de conserver le genre Botryllm avec toute l'extension que lui donnait Savigny. Le deuxième caractère du genre Botrylloïdes, tiré de la position des animalcules, qui seraient droits dans ce genre et couchés dans le genre Botryllus, n'a pas non plus une valeur absolue, car nous avons décrit une espèce de Botrylloïde dont les individus sont fortement couchés et à laquelle, en raison de ce fait, nous avons donné le nom de Botvyl- lo'ides prostratum. Les genres Botryllus Q,i Botrylloïdes yïq peuvent de- meurer que dans un système artificiel des Synascidies. Nous pouvons encore tirer de cette observation un autre enseignement pour la mor- phologie générale des animaux composés. N'avons-nous pas, en effet, ici la démonstration du peu d'importance de la disposition antimérique? Déjà dans un travail antérieur nous nous sommes refuse à élever l'antimère et le métamèrc au rang d'individualités d'ordres détermi- nés, et nous avons considéré ces deux mots comme de simples quali- ficatifs. Nous avons vu avec satisfaction que le professeur Hœckel s'est aperçu lui-même des difficultés que soulevait sa première théorie de l'individualité. Dans sa Moitof/rajj/u'c des Cakisponyiaïrcs *, il s'efforce de > Voir Il/F.r.KivL, it-C. CîY.5 t. 1, |t. 10:!, HISTOIRE NATURELLE DES SYNÂSCIDIES. oOl faire disparaître ces difficultés ; mais la solution qu'il en propose, et que nous discuterons un jour plus en détail, nous paraît moins com- plète et moins simple que celle que nous avons donnée nous-même dans nos Recherches sur les Synascidies^. YIII, — SUR LA SYNONYMIE DE QUELQUES ASCIDIES COMPOSÉES. La synonymie des Ascidies composées est presque inextricable. Cela tient d'une part à l'insuffisance de la plupart des descriptions données par les naturalistes qui ont étudié ces animaux, d'autre part à la difficulté qu'on éprouve à séparer les espèces et à les caractériser nettement d'après des échantillons conservés dans l'alcool ou dans la liqueur d'Owen. Enfin il faut reconnaître aussi que les recherches bi- bliographiques deviennent chaque jour plus pénibles, surtout quand il s'agit de groupes d'animaux qui ne sont pas collectionnés et étudiés par un grand nombre de zoologistes, mais sur lesquels on possède néanmoins une foule de documents disséminés dans une multitude de journaux périodiques, parfois difficiles à se procurer et souvent écrits en langues étrangères. De là résulte que la plupart des auteurs trouvent plus simple de se dispenser de ce genre de recherches et, accablant de leurs dédains ceux qui travaillent dans une carrière si ingrate, ressuscitent sans ver- gogne des découvertes datant d'un demi-siècle, et parviennent à en imposer par ce procédé fort commode à leurs trop nombreux imita- teurs. C'est ainsi que la science s'encombre et s'embarrasse d'un fatras inutile, les efforts individuels demeurant isolés, et chacun voulant de son côté poser la première pierre au lieu de continuer l'édifice com- mencé par ses devanciers. Nulle part les funestes conséquences de la mauvaise tendance que je signale ne se font sentir aussi vivement que dans les mémoires rela- tifs à l'étude systématique des Tuniciers, Aussi, malgré de grands efforts, malgré de longues et ennuyeuses recherclies, je suis loin d'avoir jeté une lumière suffisante sur les questions relatives à la synonymie des Ascidies composées, et pour quelques genres seulement je suis arrivé à des résultats i\ peu près satisfaisants. Souvent, il faut le dire, j'ai été réduit à la discussion de textes très-concis et très-vagues, alors que l'examen d'un échantillon étiqueté par l'auteur eût tranché à l'instant toute difficulté. Et ce ne sont pas seulement les types de Forbes, 1 Voir GiARD, hc. cit., p. 9i. 502 A. GIARD. d'Aider, de Thompson, etc., que je n'ai pu me procurer, comme on le conçoit aisément. La collection du Muséum, où se trouvent, entre autres, les Ascidies recueillies et étudiées par Savigny, n'a pas pour divers motifs été mise à ma disposition. Je dois donc témoigner d'au- tant plus de reconnaissance aux personnes qui ont bien voulu répondre à mon appel et me communiquer les résultats de leurs recherches. M. Lemirre m'a procuré de nombreuses Synascidies de Noirmoutiers et de Granville ; M. E. Deyrolle, plusieurs espèces recueillies à Goncar- neau; M. Ch. Barrois , mon élève, quelques types intéressants de Wimereux et Boulogne. Ces matériaux m'ont été d'une précieuse utilité. Je demande donc de nouveau l'assistance et la critique des zoologistes qui s'intéressent à ces études difficiles, afin de parfaire autant que possible l'œuvre que je me suis imposée. 1" GENRES CIRCINALIUM, SIDNYUM, POLYCLINUM. Le genre si intéressant que j'ai fait connaître sous le nom de Circi- nalium est l'un des groupes dont la synonymie présente le plus de dif- ficultés. Le Circinnlium concreMens et toutes ses variétés abondent à RoscofT. La variété que j'ai appelée Circinalium fœderntum est l'Ascidie com- posée la plus commune des côtes du Boulonnais. Tout me porte à supposer que cette espèce existe sur les côtes d'Angleterre, mais qu'elle y a été confondue avec le Sidnyum turbinatum de Savigny. Or cette dernière forme me paraît plutôt présenter des affinités avec un type bien différent des Aplidium, celui des Polyclinum. « La masse commune, lit-on dans le Britàh MoUusca, présente l'ap- parence d'un certain nombre de tètes de Madrépore ou de Cladocora, chacune formée d'un simple cône tronqué et étoile au sommet, s'éle- vant d'une base commune incrustante ; tous ces cônes sont étroite- ment groupés les uns contre les aulres; chacun d'eux est composé d'un faisceau d'individus variant en nombre de cinq à six jusqu'à dix ou douze et formant un bourrelet arrondi avec une dépression cen- trale. Toute la masse est translucide, gélatineuse, d'une belle couleur d'ambre ou d'orange. » Celle description tirée des caractères extérieurs est entièrement de Forbcs. Elle s'api)lique admirablement au Circinnlium concresccns, ^'îi- nt\.c-f(cdemti.on. Il faut remarquer toutefois que la base commune d'oij s'élèvent les cônes n'est pas une membrane continue, mais plutôt un HISTOIRE NATURELLE DÉS SYNASCIDIES. 503 réticulum de stolons ovariens concrescents reliant entre eux les diffé- rents cœnobiums fédérés. Les détails anatomiques qui suivent sont empruntés presque litté- ralement par ForbesàSavigny et ne conviennent plus au Circinalium: « Les individus partagent les caractères des Synoïcum et des Apli- dium ; ils ressemblent aux premiers par la structure de leur estomac, aux seconds par leur sac branchial. Chaque animalcule a un orifice branchial à huit dents et un anus simple tubuleux appliqué contre le thorax. L'ovaire est pédicule et très-nettement visible à l'extrémité de l'animal. » On voit cependant que Forbes indique la présence de huit dents à l'ouverture branchiale, tandis que Savigny dit explicitement que le Sidnyum turbinatum a l'orifice branchial divisé en six dents. Mais c'est encore là un caractère extérieur et il me paraît résulter de cette dis- cussion que le naturaliste anglais n'a pas disséqué l'Ascidie qui nous occupe. Il a eu sous les yeux le Circinalium fœderatwn et en a très- fidèlement rendu les détails extérieurs ; puis, l'ayant identifié un peu trop légèrement avec le Sidnyum turbinatum, il s'est fié, pour l'énu- mération des particularités de l'organisation, à la scrupuleuse exac- titude du consciencieux zoologiste de l'expédition d'Egypte. « Cette espèce, ajoute Forbes, se trouve abondamment à la surface inférieure des rochers qui surplombent et découvrent seulement pen- dant les grandes marées sur la côte nord de l'île de Man. » C'est en effet très-exactement dans ces conditions que se trouve le Circinalium fœderatum . N'ayant pu consulter l'ouvrage de Fleming, j'ignore si l'on doit rapporter au Sidnyum ou au Circinalium l'Ascidie qu'il range dans le premier de ces genres et qu'il a trouvée à l'île d'Islay. Les spécimens recueillis par M. Thompson dans la baie de Strangford, par le docteur Drummond dans la baie de Belfast, ont sans doute été vus par Forbes et doivent appartenir au Circinalium. Savigny attribue d'ailleurs au Sidnyum turbinatum un caractère exté- rieur auquel Forbes ne fait pas allusion et qu'on ne trouve pas en effet chez le Circinalium concrescens. a On pourrait ajouter, dit Savignv, que les orifices semblent figurer, par leur arrangement, des ellipses étroites dirigées du centre vers la circonférence comme les lames de certains Madrépores'. )> * Voir Savigny, Mémoire-^, t. II, p. 238, 50i A. GIARD. Cette particularité ne peut s'appliquer aux cœnobiums simples du Circinalium; elle convient, au contraire, on ne peut mieux, aux cœno- biums composés du Polyclinuni aurantium de Milne-Edwards, dont il est dit : (( A l'aide d'une forte loupe on distingue à la surface une multi- tude de petits trous rangés par séries linéaires, de façon à représenter un nombre considérable d'ellipses groupées autour d'un trou central assez grand pour être facilement aperçu sans le secours d'une len- tille ^ » Les caractères anatomiques du Sidnyum sont aussi ceux des Poly- clinmn : l'intestin tourné en spirale, l'ovaire grêle et pédicule, l'orifice branchial à su dents sont des détails qu'on retrouve dans ce dernier genre. Savigny dit aussi que le thorax est cylindrique, compacte pas plus long que Vabdomen, qui est assez court. Or, d'après Milne-Edwards, chez le Polyclinum aurantium le thorax est moins allongé que dans la plu- part des Polyclines et séparé de l'abdomen par un rétrécissement de peu d'étendue. Ce dernier caractère le rapproche donc des ApAidium^ avec lesquels le Sidnyum a été également confondu. Quant fi l'estomac dn Sidnyum, Milne-Edwards l'a rapproché bien à tortde ce\mih\ M orchellium Arg us {loc . cif . , \^ .291) , et ce rapprochement nous a quelque temps induit en erreur. Mais Savigny ne signale nul- lement la présence d'alvéoles semblables ;\ celles que l'on remarque chez cet Aplidien. « L'estomac est, dit-il, en tout semblable à celui du Synoïcum ; il est garni de beaucoup de petites glandes arrondies qui semblent vésiculeuses.» La description de l'estomac du Synoïcuyn et la figure qui l'accompagne (/oc. f?V.,pl.XV, fig. 1,6) indiquent claire- ment que le caractère qui a surtout frappé Savigny est l'absence de plis analogues fi ceux de l'estomac des AjiUdium. Les glandes hépa- tiques existent comme chez toutes les autres Synascidies; peut-être sont-elles un peu plus volumineuses, l'animal étant de taille plus con- sidérable ; mais il n'y a nulle trace de loges alvéolaires dans la paroi stomacale. Rien donc ne différencie à cet égard le Sidnyum des Poly- clinum. Le Sidnyum a été communicpu'; à Savigny par le docteur Leach, qui l'avait trouvé sur les côtes d'Angleterre, vraisemblablement dans la 1 Voir Milne-Edwards, Mémoire mr les Ascidies composées des côtes de la Manche, p. 2!i;î et pi. 111, fig. 4, h a et 4 b. HISTOIRE NATURELLE DES SYNASCIDIES. 50S partie méridionale de cette contrée. Le Polydinum aurantinm a été trouvé par Milne-Edwards aux environs de la Hougue. Cette quasi-simi- litude d'habitat vient encore corroborer notre supposition de l'extrême affinité sinon de l'identité du Sidnyum turhinatum Savigny et du Polydinum awantiion Milne-Edwards. Cette confusion explique aussi pourquoi les zoologistes anglais n'ont pas rencontré le Polydinum aurantium *. Le genre Ciixinalium paraît cependant n'être pas demeuré complè- tement inconnu aux malacologistes. Dans l'édition illustrée du Rpf/ne animal de Guvier, Milne-Edwards figure, sans la décrire, une Ascidie composée qu'il appelle Parascidia fava (pi. CXXX, f. 3, 3 a, 3 b). L'ex- plication des planches porte que cette espèce nouvelle se trouve à Nice et doit constituer le type d'un sous-genre particulier, le nombre de ses lobesbuccaux ou tentacules étant de huit, tandis que chez toutes les autres Ascidies composées on n'en compte que six. Cette figure est tirée d'un travail inédit du professeur Edwards faisant suite au Mé- moire du môme auteur sur les Ascidies composées des côtes de la Manche. Bien que le nombre des dents de l'orifice buccal ne puisse servir à caractériser le sous-genre Cirdnalium, puisque j'ai montré que le type six n'existe pas non plus chez le Fragarium elegans, je suis porté néan- moins à considérer comme répondant au Parascidia la coupe que j'ai établie sous le nom de Cirdnalium, ne connaissant pas les dessins de Milne-Edwards, lesquels, je le répète, ne ^ont pas accompagnés d'une description. La figure 3 a représentant plusieurs cœnobiums fédérés et la figure 3 b montrant des points oculiformes comme on en trouve fréquemment chez le Cirdnalium concrcsccns me laissent peu de doute à cet égard. Mais je n'oserais pour le moment identifier le Parascidia fïcwa Milne-Edwards avec mon Circinaliu7n concrescens. Si l'on en juge par la figure 3 b précitée, chez le Parascidia flavn les dents de l'orifice buc- cal sont bien plus émoussées, la languette anale plus courte, l'ovaire moins allongé. D'ailleurs, cette figure est fort négHgemment dessinée; 1 D'après Forbes, M. Aider a trouvé à Cullercoats une espèce qui semble être une variété pâle jaune-terne du Polydinum aurantium. J'ai recueilli abondamment à Wi- mereux un Polydinum qui répond bien à cette description, mais je crois qu'il constitue une espèce distincte voisine du Polydinum sabulostim et du Polydinum /icus; je l'appelle Polydinum luleum.Peiii-ètT& est-ce l'Ascidie que J. Aider a nommée plus tard Polydinum succineum. 50G A. GIARD. les caractères de la branchic et dé l'estomac ne sont pas indiqués ; enfin la disposition de l'intestin est fautive, car, l'animal étant vu du côté droit, l'estomac devrait se trouver au premier plan si, comme il paraît vraisemblable, cette Ascidie suit la loi commune à tous les Aplidiens et vérifiée pour le Cirrinalium. N'est-ce pas aussi du Circinaliimi qu'il faut rapprocher le genre Ma- croclinum décrit par Verril en termes d'un vague désespérant et sans aucune illustration * ? (i Mncroclinum, nov. gen. Formé de masses charnues, épaisses. Les animaux isolés sont allongés, droits. Postabdomen beaucoup plus long que l'abdomen et le thorax réunis, portant les ovaires le long de chaque côté. MacrocUnum crater trouvé à Newfundland. » Le seul caractère significatif est l'extrême longueur des ovaires, qui se voit aussi quelquefois, mais rarement, chez certains Amarœcium. Je crois pouvoir résumer par le tableau suivant toute cette discussion : I. TRIBU DES APLIDIENS, GIARD. G. Circinalium, Giard. Sidnyum, Forhcs, non Savigny ; Parascidia, Milne-Edwards (sans description); MacrocUnum, Vorril. (?) Espèro : Circinalium concrescens, Giard = Sidnyum turbinatum, Forbcs, non Sa- vigny = Parascidia flava, Milne-Edwards (?) =:Parascidia Forbesii, Aider 2. II. TRIBU DES POLYCLINIENS, GIARD. G. Sidnyum, Savigny. Espèce : Sidnyum turbinatum, Savigny, non Forbes = Polyclinum auranlium, Milne-Edwards. G. Polyclinum, Savigny, Giard, non Listor. Espèce : Polyclinum luteum, nov. sp. = Polyclinum aurcmtium, var. Forbes, non Milne-Edwards = Polyclinum succineum Aider. (?) 2» GENRES DIDKMNUM ET EUCŒUUM. J'ai traduit plus haut la description donnée par E. Haîckel d'une Ascidie qu'il appelle Didemnmn minimum. Tout me porte à supposer que cette Ascidie n'est autre que celle que j'ai nommée Eucœlium parasiticion, espèce remarquable par l'abondance de ses spicules cal- 1 Voir Verril, SilUmnn American Journal, îi^ série, vol. I, p. 288. * J'ignore donc snr qnels caractères est basée la séparation de cette espèce et dn Paraicidia riemingii, Aider {Sydnium turbinatum de Fleming). Ce dernier sci"iit assez commun sur la côte orientale d'Angleterre. Voy. J. Alder, Annals and Mag., XI, p. 153-173, 1863. HISTOIRE NATURELLE DES SYNASCIDIES. 507 caires, la petitesse des individus ou animalcules et l'étendue des dis- tances qui sépare ces derniers les uns des autres. Le Didemnum minimum aurait un très-vaste habitat. « Je trouve cette espèce, dit Hseckel, ainsi que son très-proche pa- rent le Didemnum candidum (dont les personnes sont notablement plus grosses et plus rapprochées), sous forme d'une croûte d'un blanc de neige, coriace, à contours irréguliers, de I à 3 millimètres d'épaisseur, sur les Fucus, les pierres, les coquilles, etc., de contrées diverses (Méditerranée, Atlantique, océan Indien et océan Pacifique). h'Eucœlium parasiticum paraît aussi fort répandu ; car, sur les côtes de France, je le connais en plusieurs points assez éloignés, Noirmou- tiers, Roscoff et Wimereux. Comme le professeur Hceckel ne donne aucun détail anatomique sur les individus de son Didemnum minimum, il m'est impossible de pousser plus loin l'identification de ces deux espèces. Au moins pouvons-nous affirmer que le Didemnum minimum appartient bien au groupe des Didemniens, et c'est déjà un résultat d'une certaine importance en présence des confusions dont nous au- rons à parler tout à l'heure. Ne quittons pas ce groupe des Didemniens sans indiquer encore quelques erreurs de synonymie. Forbes, par une faute de transcrip- tion, appelle Ze/7#oc//«M/»fl;«'ewm le Ze/;^oc/mHm(iMri posées, caractérisé de la manière suivante : Masses communes minces, molles, incrustantes, formées d'une substance gélatineuse sans corpuscules calcaires. Les animaux ont des orifices cloacaux communs et deux ouvertures: l'ouverture branchiale avec six papilles, l'ouverture anale saillante. L'abdomen est séparé du thorax par un court pédoncule. Espèces : Lissoclinum aureum, Lissoclinum tenerum, Lissoclinum albi- dum, Lissoclinum luteolum. Le professeur Verril donne des détails intéressants sur l'embryo- génie du Lissoclinum tenerum. Nous nous proposons de revenir sur cette 1 Loc. cit., p. 133 et passiin. » Voir Gegenbauer, Archives de Heichert et Diibois-Reymond, 1862, p. 149. * Voir Verril, Silliman American Journal, 3« série, vol. I, 1871, p, 444. 512 A. GÏÂRD. question dans un prochain travail et nous nous bornons pour le moment à affirmer que ce genre Lissoclinwn appartient encore à notre tribu des D/plosomidx, comme le prouvent suffisamment d'ailleurs les caractères anatomiques que nous avons énumérés ci-dessus. IX. — OPINIONS ANCIENNES SUR l'eMBRYOGÉNIE DES ASCIDIES. L'étude du développement des Ascidies a pris dans ces dernières années une importance si considérable, qu'on lit avec intérêt tout ce qui a trait à l'histoire de cette étude. Aussi n'est-ce pas sans surprise que, parcourant pour des recherches d'une tout autre nature un mémoire de Gavolini écrit en 1787, nous avons rencontré dans ce travail une description sommaire et des figures très-reconnaissables d'une Ascidie du genre Bofr/jllus, de l'œuf de cette Ascidie à plusieurs degrés de développement et enfin de l'embryon tout formé au mo- ment de l'éclosion. Bien que les Botrylles soient parmi les Ascidies composées celles qui ont attiré d'abord l'attention des zoologistes, comme le prouvent les recherches de Schlosser et d'Ellis (1756) et celles bien plus complètes de GcCrtner et Pallas (1774), Gavolini n'avait que des idées fort étranges sur ces productions marines qu'il consi- dérait comme des galles de nature végétale renfermant les œufs de quelque Grustacé : « Il est, dit-il, un cas dans lequel les œufs des Grustacés produisent de vraies galles sur une plante marine. Il s'agit d'une espèce de Grus- tacé à queue longue, aussi longue que celle de VOniscus squillifonnis, dont j'ai parlé plus haut ^ Ge Grustacé dépose ses œufs sur VUlua lactuca, plante qui croît en grande abondance sur les rochers voisins du rivage. En observant cette plante pour d'autres recherches pen- dant le mois d'août, je vis que sa substance était épaissie outre me- sure en quelques endroits, surtout vers la base, et sur cette partie ainsi épaissie j'observai comme un petit disque [piastrella) de cou- leur noirâtre, orné d'une espèce d'étoile en relief. Il était très-facile d'enlever ce petit disque avec ses rayons de la surface de la feuille, et alors, en examinant les rayons de l'étoile, je reconnus que dans leur épaisseur se trouvaient de petites cavités renfermant un œuf. En opérant sur plusieurs de ces corps, en extrayant les œufs et les exa- * Gavolini dûsiyiio sous le nom à'Oniscus squiUiformis un Ci'uslucé isopode du genre Liriope. HISTOIRE NATURELLE DES SYNASCIDIES. :MA minant sous le microscope, je vis à leur intérieur un embryon dont le développement rappelait à peu près celui des œufs duCrustacé à l'état observé et dessiné dans la planche. Enfin l'animalcule que je réussis à extraire des œufs les plus avancés en développement avait une longue queue avec une bouche allongée et un corps un peu plus large. Je le reconnus pour être de la race de VOniseus nommé ci- des- sus. El qu'on n'aille pas croire que j'ai confondu les œufs qui se trouvaient dans la galle de cette plante avec les semences de la plante même, car j'ai trouvé ces dernières sur la plante devenue plus âgée pendant l'automne, alors qu'elle perd sa vive couleur verte. En ce moment, en l'observant au microscope, on voit entre le réseau de sa substance se former les semences que j'ai pu extraire avec des pointes d'aiguille. J'ai remarqué qu'elles ne faisaient pas partie intégrante de la feuille et n'étaient pas en continuité avec son tissu. EUçs «ont de forme presque ronde, avec un noyau opaque de couleur doi*"ée, et une aigrette de poils destinée probablement à faciliter leur fixation sur les rochers oii elles doivent végéter '. » Ces observations de Cavolini sont des plus curieuses au point de vue de la botanique et de la zoologie. Notre observateur a parfaite- ment étudié les zoospores de ïUlca lactuca et le développement d'un BotrijUus ; mais il a rapproché d'une façon bizarre l'embryon de ce dernier de celui d'un Crustacé qu'il appelle Oniscus squillifonnis. Les recherches de Steenstrup, de Schmidt et Lilljeborg ont montré que YOmscus sqidlliformis de Cavolini est un Isopode dégradé parle para- sitisme et appartenant, selon toute apparence, au genre Liviope de Rathke. Dans un travail, que nous publierons prochainement, sur les. Cirrhipèdes rhizocéphales et les Isopodes parasites, nous indiquerons en détail les fraisons qui ont pu conduire Cavolini à rapprocher des êtres aussi différents qu'un Liriope et un Botrylhis. C'est d'ailleurs un grand sujet d'étonnement que de voir combien, jusque dans ces dernières années, les larves d'Ascidies ont été mal connues des naturalistes les plus éminents. Après les recherches de Dalyell et de Milne-Edwards, l'illustre R, Owen écrit encore en 18i3 : « Les Mollusques ascidiens représentent d'une manière plus faible 1 Voir Cavolini, Memoria sulla generasione dei Pisci e dut Granchi, Napoli, 1787. Une traduction allemande de ce très-remarquable mémoire a paru en 1792, sous le titre de : Philipps Cavolini Abhand^ung iiber die Erzcugung der Fisclie und der Krebse. Cette traduction est de E.-A.-W. Zimmermann. Voir, pour le passage que nous avons traduit, le mémoire original, p. 195 et pL II, fi}i. 20 a, i, c, m, n. ARcn, DK zoni,. K\p. v.r oèx. — r. ti. 187H. '-^'^ S14 A. CAWW). et plus transitoire l'état polypoïde lorsqu'ils cessent d'être des ku'VP^t riltV'ex corcariformes pour prendre les caractères propres aux Mol- lusques '. » Forbes {Brithh Mollumi, l.So-'}) trouve que le têtard des Ascidies présente une frappante aunJoçp'i' avec /es Zoophytes hydroïdea. Plus récemment encore, un naturaliste, qui s'est aussi spécialement occupé des Ascidiens, a repris (^etlo idée de Forlies en lui donnant une plus grand extension, m;iis sans rapi)uyer, bien entendu, sur des rai- sons très-sérieuses "'. La présence des nématocystes dans les segments des Ajippïuh'ra- laria ' signalée dans un travail récent de M. Hermann Foll n'est pas un argument à invoquer en faveur de ce rapprochement, car on sait que ces organes singuliers ont été rencontrés chez des groupes très- divers du règne animal (Éponges, Nudibranches, etc.), bien qu'ils caractérisent plus spécialement les Zoophyte^ proprement dits. EXI^LICATION UK LA 1>LANCHE XIX. rARASri'ES, COMMENSAUX ET ANIMAUX IMITATEURS DEH; SYNASCIDIES. l'''iG. l. Planaria Schlosseri, Hp.nov. ', Tiibo digestif; c, cœi'um; p, iaolio piKinon- taire; g, point ganglionnaire. FiG. 2. Embryon i Nauplius) de ïOi^hioseides apoda, sp nov. /, cellules U'gumcn- taires; o, point oculiforme ; p, première paire de pattes (simple); q eir, deuxième et troisième paires de pattes (bifurquées); s, appendices; r, globules vitellins ; c, grosses cellules ventrales. • FiG. 3. Ophioseis des apoda, sp. nov. a, première paire d'appendices; », deuxième paire d'appendices; e, troisième paire (ra])pendices ; g, tube digestif; ov, ovaire; 0, œufs; a, anus l^iG. 5, G, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13. MoïiocysHs Amarœcn, sp. nov. a, Diverses périodes de son développement. FiG. 14. OEuf fractionné de la Myxospongiaire de Roscof. FiG. 15. OEuf à un degré plus avancé de segmentation. FiG. 16. Planogaxtrtila de la Myxospongia. en, Cellules flagellées cyliudriques de l'exodermc; en, cellules polygonales de l'endoderme; o, point où se forme peut-être une ouverture ; je n'ai pas observe cette ouverture, mais seulement un amincisse- ment de l'exodermc. 1 Voir R. OwEN, Considérations sur le plan organique et le mode de développement des animaux, traduit dans les Annales des se. nat., 3^ série, t. II, 1844, p. 103. î Voir Mac-Donald, On the Morphologicnl Relations hips [of the Mollmcoida and Cœlenterala and oftkeir leading mernhers inter se .{Trans. Hoij. Soc. Edinb., vol XXIU, part, m, p. 51q-321'. :» Voir 11. Foi.T,. n< cherches sur les Appcndiculaires du Golfe de Xuplcs. SUR QUELQUES POINTS DE L'HISTOIRE DU GENRE GREGAIilNA, PAR A.-C.-.T. SCHNEIDER, LicfiiciH ("'S sficiipes nnturt'lles. L'hi'^toire des Grégarines est déjà riche de nombreux et importants travaux isolés ; mais on manque encore d'une monographie de ce petit groupe si intéressant d'organismes où seraient contrôlés et coor- donnés tous les faits publiés et où l'application de ces faits serait faite à la classification. Sur ce terrain surtout de la Zoologie descriptive, presque tout est à faire : effrayés sans doute du polymorphisme extrême de ces petits êtres, presque tous les auteurs n'ont décrit que des individus, nullement les espèces. D'autre part, on a le plus souvent omis de figurer et d'étudier les Psorospermies, et pourtant comment constituer des genres, établir la valeur relative des caractères de di- vers ordres, dès qu'on laisse de côté des éléments importants, de la considération desquels on ne saurait absolument pas se passer? Maximes consacrées partout ailleurs sans doute, et pourtant encore à appUquer d'une manière générale dans l'ordre des Grégarines. De- puis une année nous travaillons à la tâche que nous venons d'indi- quer et notre ambition serait sinon de la remplir, du moins d'en préparer utilement l'accomplissement. Mais le temps, auxiliaire indis- pensable d'une telle étude, ne nous a pas encore permis d'amasser tous les matériaux d'une semblable revue d'ensemble ; et nous ne croyons pas, d'autre part, devoir différer plus longtemps la publication de quelq^ues faits particuliers qui nous paraissent dignes d'un réel intérêt. Ces faits nous ont été offerts par l'espèce la plus commune et la plus abondante de toutes, la Grégarine du Perce-oreille {Forfimla mirioulnriÀ), cette même espèce, une des premières connues, qui a r;iG A.-C.-.I. SCHNEIDEK. été décrite et figurée par L. Dufour * sous le nom de Greganna ovata. On la trouve souvent à plus de cent, de cent cinquante individus pressés les uns contre les autres et tous agglomérés à la partie anté- rieure du ventricule. C'est là, en effet, qu'elle se tient de préférence, au voisinage iumiédiat du sphincter si curieux qui sépare la première portion du tube digestif de la seconde, sans doute parce (fu'en ce point le chyme est plus abondant et que cette excellente position permet à nos parasites d'y puiser à leur aise, même avant leur hôte, qui ne jouit plus que du superflu de ses repas. Encore que notre objet ne soit pas de faire la monographie de cette espèce, nous ne croyons pas inutile pourtant de la décrire sommaire- ment, de façon à permettre à tout le monde de la reconnaître avec certitude. Elle s'observe aisément depuis la taille de 4 centièmes de mil- limètre, jusqu'à celle de lo dixièmes de millimètre et môme près de 2 millimètres de longueur. Comme pour toutes les espèces du genre Gregarina proprement dit (Stein)-, les individus s'observent tantôt isolés, tantôt et plus sou- vent imis deux à deux en opposition, c'est-à-dire l'un derrière l'autre, union assez lâche pourtant pour qu'une légère pression sépare les deux individus contractants. Ce que représentent de tels couples, s'ils sont le produit d'une synusie' ou le résultat d'une conjugation, est une question que nous réservons pour le moment. La forme ' de l'individu antérieur, qu'on peut appeler l^primite, en tout semblable d'ailleurs à celle des individus qu'on trouve libres, est largement ovalaire, le diamètre transverse variant entre le tiers et la moitié de l'antéro-postérieur. Le corps est divisé à l'extérieur par une constriction circulaire en deux segments de longueur et largeur très -inégales: l'antérieur ou protomérite'^ est en forme de dôme régulièrement arrondi; le posté- 1 Voyez L. Diifonr, Ann. se. nnl. (Ir^ série), i. XIII, 1828. Ilammcrschmidt [Isis d'Oken, 1838) a cru devoir changer lo nom de ovata en celui de conoïdea, en trans- |)ortant le premier à une espèce de VAmai'a cuprea, ce qui ne saurait être admis, , * Slein, MiiUer's Arcinv, 1848, p. 18-2. s Symisie. Elle consiste en une scissiparitr incomplète, dans laquelle les deux fractions de la division, au lieu de se séparer, demeurent unies en une individualité plus complexe llaickel, Moryh. géiiéiate, vol. Il, p. 38. ^ Voir Arck. de zuul. exp. el gén., t. II, pi. XXIll, lit,^ I, ^ Les auteurs allemands appellent volontiers tête le segment antérieur, et com- parent raiilre au tronv j)i'oprt'menl dit. Suivaid^ cette idée, les Monocystis scraipul LE GEiNRK GKEGAKLNA. 517 rieur ou deatoiaérite, en manière de large cylindre à base inférieure légèrement convexe. Quant à l'individu postérieur des couples ou satellite, sa l'orme n'est modifiée qu'en ce qui touche son protomérite, celui-ci étant propor- tionnellement beaucoup plus large que chez le primite, et de plus tabulaire ou même déprimé-concave, pour s'adapter à la base de l'in- dividu qui précède et dont il est ainsi en quelque sorte complémen- taire. Quant à la structure : La paroi propre ou (?/>»/c_y^e^ est à double contour, sans appendices ni stries d'ornement. La couche protoplasmique ou mrcocyte est bien nette, d'une nota- ble épaisseur, surtout à la partie antérieure du protomérite. Une lame de môme nature, transversalement étendue et reliée h son pourtour au sarcocyte périphérique, forme le septum situé dans le plan de la constriction circulaire signalée à l'extérieur. Le contenu {entocijte), assez grossièrement granuleux, est gris noi- râtre à la lumière transmise. Les granules en sont irréguliers, angu- leux et le volume variable. Leidy^* a déjà indiqué que ces granules prenaient une coloration rouge sous l'inlluence de la teinture d'iod(i les acéphales de l'ordre; mais ces comparaisons, si ingénieuses soient-elles, doivent être bannies. Nous appuyant sur ce fait qu'il n'y a jamais que deux segments essen- tiels, nous appelons deulomérite le postérieur on nucléifère, et prolomerile celui qui vient immédiatement en avant. Quant au segment supplémentaire, très-réel, qu'on peut observer encore par-dessus le protomérite, outre qu'il manque à beaucoup do Polycystidées, il est de plus caduc pour toutes ci-lIes qui le possèdent {Aclinoce- phalus); nous l'appelons ëpimé7-ile. Ce segment supplémentaire n'a pas été signalé par les précédents observateurs, et pourtant il contient une masse granuleuse tout à l'ait identique à celle du reste du corps, et qui, dans la mutilation spontanée des ActinocephaUis, se trouve ainsi rejetée et éliminée en même temps que l'épiméritc dont elle dépend. 1 Les périphrases eu usage en anatomie cellulaire nous ont paru dilficilement conciliables avec la clarté et la concision que réclame le langage descriptif. Nous avons donc cru devoir appeler : Epicyfe, ce qui répond à la paroi des auteurs, au tégument externe, etc ; Sarcocijti', ce qui répond à l'utricule azoté, primordial, à la couche sarcodique ou (irotoplasmique des auteurs, à ce que Kœlliker nomme cytoplasme. Il représente cette portion du corps cellulaire qui a persisté sous une forme non ou peu modifiée chimiquemeut parlant ; En'ucy/e, ce qui correspond au contenu cellulaire, à cet ensemble de matières diverses qui, sous l'intliience des processus nutritifs, se forment au sein du corps cellulaire primitif, en partie à son aide et ;i ses dépens, et qu'elles réduisent par là graduellement. 2 Leidy (docteur T.), Journal Acad. Phiiadelphia, i<^ série, t. 111. p. IVî. 518 A.-C.-.I. SCHNEIDER. faiblement alcoolique ; mais, de plus, si on fait agir ensuite l'acide sulfurique, la coloration passe au ^ iolct très-net. Le nucléus plongé dans la masse de l'entocyte du deutomérite est parfaitement sphérique, de 6 centièmes de millimètre de diamètre. II n'y a qu'un nucléole également sphérique, central, assez pâle, de 2 centièmes de millimètre de diamètre. Si, comme l'a indiqué M. Ed. van Beneden ' et comme je l'ai vu moi-même, certaines Grégarines montrent à l'observateur l'apparition et la disparition spontanées de nucléoles à l'intérieur du nucléus, rien de tel ne se produit jamais avec l'espèce que nous décrivons, non plus qu'avec aucune de celles du genre Gref/arina qu'il nous a été donné d'étudier. Toujours ici le nucléole est solitaire, permanent, d'un volume relativement consi- dérable, d une forme définie ; et comme corollaire de ces faits, outre qu'il serait peut-être désirable qu'on lut mieux fixé sur la nature réelle de ce qu'il faut appeler rnœ/éo/c, la valeur purement empi- rique attachée aux caractères que cette partie fournit à la spécifi- cation peut être, on le voit, très-inégale, nulle en certains cas, et ailleurs très-réelle. En outre des individus que nous venons de décrire et qui sont tous à deux segments, on en trouve d'autres-, plus rares, non encore signa- lés, d'une taille de 5 à 8 centièmes de millimètre au plus, qui pré- sentent bien manifestement un petit renflement sphérique en avant de leur protomérite. Le môme fait s'observe aussi pour la Gregarina cuneata de la larve du Tenebrio mulifor sans qu'il y ait doute que ce petit bouton appartienne bien à ces individus et ne puisse en aucune façon être considéré comme un corps étranger. 11 représente là d'une manière presque anormale une partie très-développée dans les Acti- nocephalus et dans laquelle il faut voir un véritable segment supplé- mentaire (épimérite). Cette partie se détache dès que la Grégarine atteint une certaine taille et tous les jeunes individus n'en sont d'ail- leurs pas pourvus. Si j'en fais mention ici, c'est qu'il serait facile de rapporter de tels exemplaires au genre Stylovhynchus de Stein et que ce fait aussi nous montre combien est grand le polymor]jhisnio dans ces petits parasites. La Gn'f/a/'iua orafa, placée sous le i)orle-objet, demeure le plus sou- vent immobile ou ne montre au plus (jue le mouvement lent, comme 1 i:(l. N.iii licncilcn, Ihdl. Acad. belg., ->■■ srric, I. X.W'UI. p, 'i',\, 18(i'J. ° Voii- Arch. de sool exp. et gén., I. II. pi. XXIll. fig. 2. LE GEiNKK GRbiGAHlXA. o\\\ autùmalique et involontaire, de la translation totale, mouvement que Dujardini déclarait inexplicable et qu'il ne semble pas en effet que personne ait expliqué jusqu'ici. Nous n'avons jamais vu de mouve- ments contractiles dans cette espèce, non plus que l'aspect finement strié, corrélatif de la contraction chez plusieurs espèces, et nous n'avons pas, par conséquent, à nous arrêter ici sur la discussion qui se rattache à cette question de la striation. Il nous faut arriver aux faits qui font l'objet spécial de cette note, et, comme ils ont trait aux kystes, il ne sera peut-être pas inutile de dire d'abord comment on se procure ceux-ci facilement. Stein-, ({ui est presque le seul naturaliste qui se soit préoccupé des relations que les Grégarines peuvent avoir avec les milieux dans les- quels vivent leurs hôtes, a démontré que les kystes étaient destinés à être éliminés de l'organisme oîi ils s'étaient formés; et ce n'est pas sans une douce satisfaction, une véritable joie, comme il dit lui- même, qu'il les a suivis du ventricule dans l'intestin, de celui-ci au rectum et qu'il les a enfin retrouvés dans les fèces. De là une méthode nouvelle pour se procurer ces kystes; inutile de sacrifier un insecte dans le but incertain de trouver un ou deux kystes dans son tube di- gestif; mieux \aut le laisser vivre et recueillir les kystes au fur et à mesure de leur expulsion, l'our le cas qui nous occupe, voici com- ment on peut mettre utilement ce procédé en pratique. Dans un vase suffisamment grand on met une trentaine de Forficules avec quelques fruits, quelques grains de raisin si on le peut, et on répand quelques gouttes d'eau dans les parties déclives du vase, pas assez pour incommo- der les insectes, assez seulement pour entretenir l'humidité, qui est d'un si grand secours. Tous les jours on change les Forficules de vase, en conservant dans celui qu'elles quittent toutes les fèces qu'elles ont produites et qui sont demeurées à l'état d'une extrême mollesse sous la double infiuence de Thumidilé ambiante et du régime un peu laxatif des insectes. Ces résidus étant mis avec de l'eau dans des verres de montre, rien ne sera plus facile, avec un peu d'habitude, que de dis- tinguer à l'œil nu, une foule de petits grains, parfaitement spheriques, d'un beau blanc rnat, la plupart engagés encore dans les fèces avec lesquelles ils furent rendus. Ce sont les kystes cherchés qu'on péchera un à un, minutieusement, avec l'extrémité en fer de lance d'une • IJujaiiliii, Helminthes 'siiUl'.s h Liiillun^, IS'ilj, [i. r,M - Sd'iii. Ivcv citalo. 540 A.-tJ.-.l. SCUNKIDEH. aiguille à cataracte ou tout autre instrument approprié. Par ce moyen, et en opérant sur le nombi'e indiqué de Forficules, on peut recueillir chaque jour, sans peine aucune, une soixantaine de kystes et plus, parfaitement intacts, et les mômes insectes, mis ainsi en coupe réglée, en fourniront longtemps au delà de tous besoins. Nulle espèce ne se prête mieux, à la vérité, à l'élevage en captivité que le Forflcule, et cette circonstance en tait par excellence un pourvoyeur de kystes. Les kystes ainsi recueillis se présentent sous deux variétés prin- cipales : les uns, que nous appellerons ki/stes de la petite sorte ', ont un diamètre de 18 à 20 centièmes de millimètre ; leur paroi à simple contour est immédiatement appliquée sur la masse granuleuse et recouverte d'une zone incolore, transparente, à fines stries concen- triques d'accroissement très-serrées. Les mitres^ kt/stes de In r/rosse sorte, environ de volume double, ont une paroi marquée par deux lignes concentriques assez distantes et recouverte d'une très-large zone transparente, parfaitement homo- gène, sans nulle strie d'accroissement. Nous nous sommes assuré expérimentalement que les petits kystes dérivent d'un enkystement solitaire ; et encore que nous n'ayons jamais été jusqu'ici témoin du phénomène de la copulation pour la Gregarma ovata, il nous semble difficile de ne pas considérer les kystes de la grosse sorte comme déri- vant de ce processus de reproduction. Quoi qu'il en soit à cet égard, les kystes ayant été placés dans de l'eau fraîche, il sera facile de vérifier les observations suivantes, laites sur un kyste de la grosse sorte, et qui, à de légères différences près, s'appliquent aussi à ceux de la petite. Nous laisserons de côté tout ce (jui concerne le mécanisme intime de la sporulation, fort dif- ficile à suivre ici, à raison de la teinte foncée du contenu des kystes et du manque absolu de transparence, d'autres espèces, d'ailleurs, fournissant sous ce rapport des objets d'étude bien plus précieux. 11 ne s'agit ici que des changemenis extérieurs qui surviennent dans les enveloppes du kyste et de la formation d'un a])i)areil de dissémi- nation des spores des plus curieux. Si on jette les yeux sur la figure 32 du beau mémoire de Stein, laquelle a trait à un kyste de la Gregarma runeata, on sera de suite convaincu ([ue cet éminent observateur a entrevu cel appareil, mais ^ \o\v Arcli. de zool. exp. et gén., I. Il, i>l. XXIII, W'^. ."i. 2 \mvibid, I. Il, pl. XXIII, tii;. (i. Lt: GENKE GHHGARliNA. 321 ibrl iiicoiiipléteiiieut, et qu'il n'en a pas soupçonné la réelle perfec- tion et l'autonomie. Et c'est vraiment dommage, car cette joie si i^rande que Stein accusait lorsqu'il confirma expérimentalement son soupçon que les kystes devaient être livrés au monde extérieur, eût été doublée à la manière si inattendue dont elles le sont dans le cas qui nous occupe. Stein a cru à la formation d'étroites fissures, tra- versant dans toute son épaisseur la zone transpai'ente du kyste, et dans lesquelles s'engageraient les spores, qu'il a d'ailleurs bien exactement représentées unies en chapelets, infiniment trop courts pourtant et trop volumineuses relativement. En réalité, le phénomène est tout autre ; et si Stein ne l'a pas vu, c'est d'une part qu'il avait affaire à des kystes bien plus difficiles à manier que ceux de la Gregarina ovata; et c'est que d'autre part aussi il ne les plaçait pas dans l'eau, qui est le meilleur milieu pour l'observation de révolution des kystes. Les kystes de la grosse sorte, vraisemblablement kystes de copula- tion, montrent un contenu divisé en deux masses égales quand on les recueille dès leur mise en liberté. Bientôt après, le contenu est devenu unique et parfaitement homogène, en même temps qu'il se contracte légèrement, laissant un espace annulaire incolore entre sa propre masse et la paroi primitive. Une membrane de seconde formation se produit alors, immédiatement appliquée sur le contenu contracté et par conséquent peu distincte et difficile encore à constater. Dans ki phase suivante, la zone périphérique de la masse granuleuse ^ s'é- claircit un peu et on distingue comme une élégante mosaïque de petits corps étroitement pressés les uns contre les autres. On pourrait croire que cet aspect résulte d'une formation déjà avancée des spores, mais il n'en est rien; car, si on détermine Ua rupture du kvste, on n'en fait encore sortir que des granules et pas une spore. L'aspect de mosaïque disparaît; la zone précitée devient presque entièrement transparente, et des lignes claires en partent pour s'enfoncer dans l'intérieur du kyste, vers son centre, donnant ainsi à l'ensemble un aspect étoile-. Toujours, dès ce moment, la formation des spores est presque entièrement terminée; on les fait sortir eu grand nombre par rupture des parois du kyste, et si quelques-unes ont encore leur intérieur finement granuleux, le plus grand nombre ont déjà leur 1 \uif Arch. de sool. exp. et gén., l. IL pi. Wlll^ lig-. 7. î Voir?6jrf, t. II. pi. XXIII, (ig. 8. ' . :.±i .\.-C.-.l. SCllNElDJiH. l)lasiii;i paifaileinent transpareiU, homogène, indice d'une maturité complète. Dans la phase suivante de nouveaux et importants chan- gements se sont opérés ' : sur le fonds général actuellement mi-obscur du conlenu, une ligne noirâtre, encore vaguenient dessinée etconcen- Iriijue à la circonférence extérieure, établit la distinction d'une y.one périphéri(iue et d"une zone centrale; et de la ligne de partage s'élè- vent des cùnes noirâtres ((ui arrivent JusipTà la paroi extérieure de la masse granuleuse. Un peu pins tard encore -, on reconnaît qu'une membran(> continue de troisième formation s'est produite suivant la ligne noirâtre dont il vient d'être question et les cônes, qu'elle déli- mite maintenant avec ime extremis netteté. Les espaces de la zone périphéri(]ue, intermédiaires aux cônes, ne conliennent plus aucun granule, mais seulement un li(iui(le incolore, transparent, et le con- tenu du kyste actuel est redevenu plus foncé, offrant une coloration rougcâtre ou jaunâtre à l'extrémité de ses cônes de prolongement, laquelle coloration est due à la formation d'une matière grasse liquide qui se dégagera par la suite et souvent en grande quantité. Au cours de ces changements, le volume du kyste a diminué d'une assez notable fraction; l'enveloppe primitive, à dou])le contour, est ou dissoute entièrement ou diflicilement reconnaissable, et la paroi de seconde formation, sous l'intluence de la rétraction continue du con- tenu, s'est plissée, ridée en tous sens, prenant ainsi un aspect pseudo- réticulé des plus curieux et des plus jolis; on dirait que le kyste ([u'ellc lenléi'uie est b^gé dans une délicate toile d'araignée. En gé- néral, cette membrane se dissout et disparaît dès ce moment; mais elle peut aussi persister jusqu'au moment de l'émission des spores, ainsi (|ue nous l'avons représenté''. Si nous revenons maintenant au kyste, tel ({u"il subsiste^ après ces transformations, nous verrons (jue de l'extrémité de ces cônes de prolongement saillira un large et court mamelon (pii se i)rolongera lui-même en un tube étroit, de calibre trcs-régulier, encore fermé à son extrémité supérieure, nette- ment arronilii'. Nous donnerons le nom dv. s/nirod/nir au canal consli- liic du pri'micr mamelon ou article Ixisilain- et du tube qui en part ou article Icnninal. Les sporoductes, en effet, paraissent d'autant plus nettement articulés, (pie la différence de calibre des deux i)arties (jui les b)rmenl est considérable; (pic le diaundre de l'article terminal est ' Voii' Ardi. (le zoul. c.cp. et gén., I. II. pi. Wlll. IIl;. !i. "■ \n\y ibid, I. II. |il. XXltl. lif;-. UK ■' Vmr ,/jtd, I. II. pl. Wlll. lii;. li. . ■• . -. • LE GENKE OKEliAHlNA. oi3 uniforme, comme nous l'avons dit, ou seulement un peu plus grand à la base; que souvent cet article, au lieu d'être dans le prolongement immédiat du premier, est latéralement inséré; qu'enfin l'article basi- laire se différencie de son côté, en so relevant le plus souvent en une sorte de gibhosité qui encadre incomplètement la base de l'article terminal '. Nous avons cherché si la disposition relative, le nombre des sporo- ductes étaient soumis à quelque loi; dans quelques cas, il en est vrai- ment ainsi, et nous figurons un kyste, par exemple, dont les six sporoductes forment trois axes qui se coupent deux à doux médiane- ment à angle droit; mais (juand le nombre des sporoductes devient plus considérable, nous n'avons plus rien trouvé de fixe ; or le grand nombre de ces tubes est le fait général et souvent on en compte jus- ({u'à vingt-trois et même davantage. En même temps que l'appareil d'émission se constitue, la zone transparente, homogène, extérieure au kyste, se ramollit considéra- blement et ne forme plus qu'une gelée sans résistance. Généralement les sporoductes demeurent tout entiers contenus dans l'épaisseur de cette zone, arrivant au plus à quelque distance de sa limite exté- rieure. Les spores qui sont expulsées à travers les sporoductes s'échap|)eut de ceux-ci sous forme de files moniliformes souvent d'une excessive longueur et toujours d'une admirable régularité. On voit ces élégants chapelets ilotter dans le liquide ambiant et se conserver jusqu'à deux et trois jours sans s'égrener, si on a la précaution de ne pas agiter trop violemment. En même temps s'échappent encore des gouttelettes d'une graisse d'un beau jaune d'or, qu'on voit suinter lentement à travers les parois de l'article basilaire, même après que l'émission i-st terminée. Dans les kystes des autres genres, nous n'avons jamais constaté la mise en liberté d'une matière grasse analogue. L'émission des spores se fait généralement par tous les sporoductes à la fois; mais il peut arriver aussi qu'elle n'ait lieu que par un ou deux seulement, et c'est ce que nous avons figuré pour un kyste de la Gregarina cimeaki (Stein) ^ On n'y observe que deux sporoductes ouverts, tous les autres offrant encore leur extrémité nettement arrondie. L'examen des spores émises permet même d'affirmer que ' Voir Arch. dezool. exp. et gén., t. Il, pj. XXIII. 11;;. 11 ol 1-2. -' Voir i/jul, I. II. pi. XXIII, lip. 13. 0-24 A.-C.-.I. SCHNEIDEU. dans le cas eu question un des sporoducles a servi à la sortie des spores qu'on trouve irrégulièrement accumulées à son voisinage et que c'est uniquement par l'autre qu'a été expulsé cet immense cha- pelet, dont la longueur est vingt lois environ celle du kyste lui-même, (Juant à la cause de l'émission de ces spores, il m'est actuellement impossible de rien préciser. Simultanément à l'émission, il y a con- traction du volume du kyste, mais cette relation nécessaire n'est guère faite pour nous éclairer sur la cause intime de ce curieux plié nomène. Une particularité inq^ortante à prendre en considération, c'est que la sporulation dans toutes les espèces du genre Gregarinn que je con- nais ne s'acconqilit jamais qu'aux dépens de la plus petite partie du contenu du kyste et qu'après la complète émission des spores, il reste un résidu considérable, aux dépens duquel aucun travail formateur ne s'est effectué. Ce résidu a conservé tous les caractères de l'ento- cyte primitif de la Grégarine, et ses granules, avec mêmes formes et même grosseur moyenne, donnent encore sous l'influence de l'iode et de l'acide sulfuri(|ue la réaction caractéristique que nous avons in(ii(}uée. Ces faits se rattachent certainement au processus de la spo- rulation,qui ne saurait s'accomplir ici par fractionnement total, ainsi que cela a lieu pour d'autres Grégarines, et qui vraisemblablement a lieu par gemmation, à la façon des globules polaires chez l'homme et des cellules du blastoderme chez les insectes, considérations sur les([uelles je reviendrai spécialement dans un autre travail. Mais le point (|ue je veux mettre en lumière, c'est que ce résidu demeure dans tous les cas enfermé dans le kyste, encore que celui-ci commu- nique maintenant librement avec l'eau ambiante par l'extrémité ou- verte des sporoductes, et qu'ainsi le phénomène de l'émission offre aux explications qu'on serait tenté de produire, cette difficulté qu'il n'y a d'exptdsées que les spores seules, sans un seul granule de l'entocyte, bien que ceux-ci aient un volume moindre. 11 semble même que très-généralement le ressort (pii préside à l'émission des spores cesse d'agir avant la complète évacuation de celles-ci. Toujours un certain nombre de sporoductes, gardant un témoignage irrécusable de leur rôle, montrent, après l'émission, une fde de spores en partie conte- nue dans leur canal et dont l'extrémité supérieure seule est dégagée. Dans certains cas, on trouve aussi les sporoductes tout bossues par les spores transversalement ou obliquement placées à leur intérieur et ])araissant s'êtrt' à elles-mêmes coniplélenn'nl obstrué le passage. LE GENRE GREGAKINA. 525 Si après l'émission on comprime le kyste entre deux lames de verre, on en fait sortir le résidu granuleux qu'il renfermait et on peut voir alors la paroi du kyste très-finement plissée et prenant avec l'iode une coloration jaune très-nette. Les sporoductes paraissent aussi fine- ment striés longitudinalement. Tous les faits dont nous venons de rendre compte sont, nous le répétons, d'une constatation admirablement facile ; l'appareil d'é- mission est si net, qu'on le distingue à la simple loupe. (Juant à la durée totale de l'expérience, depuis le kyste à double contenu jus- qu'au phénomène de l'émission des spores, elle est en moyenne de six jours. Une température élevée l'active et ne permet pas de sui- vre aussi bien les différentes phases; il est indifï'érent de se placer à la lumière ou à l'obscurité. Les spores * émises sont de simples Lépocytodes ; elles ont la forme de petits cylindres allongés et se montrent, suivant la projection que le microscope en fait voir, soit rectangulaires, à angles très-légère- ment tronqués, soit circulaires. L'axe longitudinal mesure 9 ;a et le diamètre 4 \).. La paroi est mince, surtout suivant la surface latérale, un peu plus épaisse suivant les bases. S'il y a une ligne de déhiscence à cette paroi, nous n'avons pas été assez heureux pour la voir. Le contenu, parfaitement homogène, assez fortement réfringent, paraît teinté en verdàtre à la lumière transmise. Tandis que les spores des autres genres paraissent offrir aux réactifs la plus grande résistance et sont tout à fait imperméables, celles-ci, et d'une manière générale celles de toutes les espèces du genre Gregarina que nous connaissons, laissent colorer leur contenu en jaune par l'iode après quelques in- stants d'action. Si on fait l'expérience comme nous l'avons conseillé, c'est-ci-dire soit dans un verre de montre, soit dans une lame de verre à une conca- vité, en même temps qu'on observera les spores encore réunies en chapelets ou éparses, on observera aussi neuf fois sur dix de très-jolies petites Amibes, sans noyau (Protamœbes d'Hseckel), avec une ou deux vacuoles. Elles pullulent souvent à tous les états de grandeur, couvrant toute la surface du verre de montre. On serait bien tenté de les rat- tacher aux spores, surtout lorsque leur multiplication coïncide avec 1 Les spores des Grégarines ont été appelées navicelles jusqu'à Frantzius (1840^, pseudo-nav. celles insqu'k Lieberkukn ^1854) et psorospertnies depuis cet observateur, qui assimila complètement ces corps avec ceux découverts par J. Mullef ^ur 1p!= poissous d'eau douce. aâf; .\.-r;.-.i. schnfidI'Ii. une (lispaiilion de celles-ci. Nous ne croyons pas cependant que cette liaison puisse être admise en présence du fait que ces Amibes appa- raissent souvent avant l'émission des spores, et que si l'on prend un peu de la matière jaunâtre provenant du tube digestif, dont il est im- possible de débarrasser toujours complètement les kystes, cette matière seule suffit à l'obtention des Amibes. Elles prennent donc naissance, suivant notre opinion, dans cette matière jaunâtre ou même aux dépens de la zone transparente des kystes et si elles abon- dent quand les spores disparaissent, c'est que la dissolution de ces dernières met en liberté des matériaux azotés qui favorisent leur gé- nération. Si donc je signale ici leur production, c'est purement pour mettre en garde les observateurs contre une erreur séduisante dans laipiolle je suis tombé et que j'ai dû rejeter devant le résidtat des expériences. 11 est évident aussi que je n'entends en aucune manière critiquer par là l'opinion des savants qui admettent que les spores dans le tube digestif donnent des Amibes ; c'est une question tout à fait étrangère au fait que je signale ici, et dont je n'ai pas à m'occuper présentement. Durant trois mois, j'ai eu constamment sous la main des kj'stes de la Gregarina ovata en état d'émission, et trois fois il m'est arrivé de rencontrer un l'ait digne encore de fixer l'attention. Ce sont les kysles de la petite sorte qui me l'ont présenté, sans que d'ailleurs il soit possible de le considérer comme habituel et caracté- ristique pour eux, puisque l'immense majorité d'entre eux n'offrent, spécialement en ce qui touche les sporoductes et les spores, aucune déviation par rapport à ce que nous avons déjà décrit. Dans les cas spéciaux auxquels je fais allusion, le nombre des spo- roductes était très-petit, six pour l'exemple figuré; mais, en revanche, ces sporoductes étaient courts et d'un calibre énorme, quatre fois plus considérable que celui des sporoductes habituels. C'est qu'en effet ils étaient destinés à laisser sortir des spores d'un diamètre quatre fois plus considérable aussi et la proportionnalité était rigoureusement gardée. La figure i que nous donnons de ce kyste et de ses spores est prise au même grossissement que celles qui se rapportent aux kystes les plus fréquents, et la difféi'cnce est énorme, on le voit. Pourtant, dans notre opinion, ces kystes appartiennent à la même espèce que celle qui a produit les autres, la Grcyarina ovata. Cette espèce, en ' Voir Ârch. de zooJ. exp. et gétu, I. 11, pi. XXIII. flg'. VU. LH GENRE GREGAR[N.\. oTi eti'et, s'est toujours montrée à nous comme seule, à l'exclusion do toute autre, dans le tube digestif du Perce oreille, et jamais, quelque soin que nous ayons apporté aux études, nous n'avons pu découvrir la fausse sœur à laquelle ils pourraient liien appartenir. Leur rareté môme d'ailleurs plaide contre une différence de pro- venance, puisque nous ne tuons pas les insectes qui sont destinés à nous fournir des kystes, et que si quelqu'un d'entre eux était infesté d'une espèce différente de parasite, les kystes de cette espèce s'ob- tiendraient aussi plus nombreux, et qu'on n'en trouverait pas seule- ment quatre sur plusieurs centaines, etencore à de grands intervalles. On a bien, il est vrai, des exemples de polymorphisme dans les spores, mais non de cette importance ; et nous sentons bien que le fait de la variation simultanée des spores et des sporoductes se concilierait bien mieux à priori àSQÇ, \\x\q différence spécifique de provenance qu'avec une interprétation par polymorphisme. Si nous ne nous rangeons pas à la première opinion, c'est qu'il nous a été impossible de la vérifier à posteriori &i qno, par exclusion la seconde s'impose. Nous admet- tons donc d'après cela que dans l'espèce de la Gregarina nvata, à côté des différences déjà signalées dans les kystes, suivant qu'ils dérivent d'un enkystement solitaire ou d'une copulation, il y en a une autre beaucoup plus remarquable relative au volume des spores qui en proviendront et quaux kystes à )/iicrospores, les plus fréquents, se mêlent des kystes à ntocrospores, les plus rares. Nous savons bien que plus d'un naturaliste hésitera à partager notre opinion; mais nous avons dit comment nous opérions, combien les faits sont faciles à re- voir dès qu'on veut leur consacrer le temps nécessaire, et nous espé- rons que les savants qui s'intéressent aux petits êtres qui nous occu- pent, ne dédaigneront pas de soumettre au contrôle de nouvelles recherches les faits que nous leur signalons, et c'est avec empresse- ment que nous renoncerons à notre opinion si quelque fait positif vient à s'élever contre elle. Nous avons dû prendre pour type dans la description de l'appa- reil de dissémination des spores l'espèce la plus favorable aux études, tant à raison du nombre illimité des kystes qu'elle peut fournir qu'à cause du volume relativement considérable de ceux-ci et de la grande netteté de tous les faits; mais les mêmes particu- larités générales peuvent aussi s'observer sur la Gregarina cuneata et surtout sur la Grégarine du Harpalas serripes, espèce très-commune partout durant l'été. . 5^28 A.-C.J. SCHNEIDER. Les kystes de la Gregarina cuneata ne s'obtiennent que difficile- ment en état convenable. Il est rare, en effet, de les trouver dans le tube digestif de la larve du Tenehrio molitor, et dès qu'on est réduit à les aller chercher dans les fèces, au milieu du son qui sert de nourri- ture aux larves, il faut dépenser beaucoup de temps pour n'en obtenir encore qu'un petit nombre, déjà à demi desséchés et qui se décom- poseront le plus souvent dès qu'on les mettra dans l'eau. Ces kystes sont d'autre part beaucoup plus petits que ceux de la Gr(^- f/arinaovata, et ne peuvent guère se découvrir qu'à la loupe, ce qui augmente encore les difficultés. Jls se présentent d'ailleurs sous deux formes générales suivant qu'ils dérivent d'un enkystement solitaire ou d'une copulation. Les kystes de la petite sorte montrent encore une paroi propre à simple contour et une zone transparente peu épaisse, à fines stries concen- triques d'accroissement; ils mesurent J4 centièmes de millimètres de diamètre, abstraction faite de la zone. Les kystes de la grosse sorte sont ovalaires et non sphériques comme les précédents, avec une paroi propre à double contour, et sont d'ailleurs dépourvus de toute zone transparente, ou n'en ont qu'une très-faible. Leur diamètre est de 20 centièmes de millimètre. Nous avons obtenu assez souvent la sporulation et l'appareil de dissémination sur les kystes de la petite sorte, et nous en figurons un exemple'. Les sporoductes, peu nombreux, sont encore constitués par deux articles, et leur longueur est relativement assez considérable. Les spores, qui sont toujours de simples Lépocytodes, et qui ont été déjà figurées par Stein, sont légèrement ovalaires, de A \j. pour le grand diamètre et de 2 [x,5 pour le petit. La Grégarine du Harpalm serripes se prête plus facilement que la précédente aux expériences, Il y a encore des kystes de deux sortes, répétant exactement ce que nous avons décrit pour ceux de la Gre- (jarina ovata, dont ils ont à peu près le volume. L'appareil de dissé- mination y est toujours construit sur le même type et les spores sont de petits cylindres courts et ventrus. Pour les deux espèces de Grégarines que nous venons d'indiquer, il ne nous a pas été possible de savoir s'il existe aussi des kystes à mi- (^rospores et des kystes à macrospores, parce que cette question, pour être résolue, exige qu'on opère sur un nombre assez considérable de 1 Voii' ArrI). (h :ool. exp. et gén.. I. JI. \>\. \XIII. Ilfr. i:;, LE GENRE GREGARIXA. ?529 kystes ; mais nous sommes convaincu que, quand cette condition pourra être remplie, le fait se vérifiera également. Quoi qu'il en soit de ce point particulier, l'existence d'un appareil de dissémination des spores paraît constante pour toutes les espèces du genre Gregmnna. Cet appareil y est construit suivant des données qui semblent invariables ; il n'a aucun rapport direct avec la zone transpa- rente qui entoure les kystes, ainsi que le supposait Stein, mais émane de la paroi la dernière formée du sporocyste et constitue un appa- reil parfaitement autonome. Les spores (simples lépocytodes) sont expulsées constamment sous forme de longs chapelets, dans lesquels la substance unissante des spores paraît échapper à l'observation directe. De plus, une particularité constante encore est l'abondance du ré- sidu que le sporocyste renferme toujours après l'émission, et qui ne rend pas ces sporocystes moins foncés que n'étaient les kystes primitifs. Ce résidu est formé par des granules de tous points identiques à ceux de l'entocyte de la Grégarine. Enfin, pour une espèce au moins, à côté des difïerences de volume et d'aspect que présentent les kystes sui- vant le mode de production dont ils dérivent, il y a celle plus impor- tante du volume des spores, corrélative d'une différence analogue dans le calibre des sporoductes. Tel est le résumé des faits contenus dans cette note, et sur la signification desquels nous ne pouvons encore émettre que des doutes. La coexistence d'un appareil de dissémination avec des spores de la nature la plus simple, des lépocytodes, est certainement remarquable en regard de cet autre fait que cet appareil manque dans les genres dont les spores ont une organisation plus élevée. Et ce rapport est tel, ([u'on se demande s'il n'y a pas quelque corrélation entre ces faits et comme une compensation établie, et si ces petits organes notamment, d'un rôle si énigmatique encore, placés dans les spores bivalves tantôt un près de chaque extrémité, tantôt groupés au nombre de deux près (le la même, et que nous appellerions volontiers des organes polaires, pour ne rien préjuger sur leur nature, n'ont pas un rôle simple- ment relatif ;\ l'écartement des valves et à l'expulsion au dehors du contenu. Le fait que les spores du genre Gregarina n'ont ni nucléus ni orga- nes polaires a déjà été établi par Stein, et son exactitude est facile à contrôler; aussi nous semblerait-il difficile d'accorder aux organes polaires, dans les spores de Grégarines au moins, un rôle de la nature AKGH. DE Znoi.. E\P. KT r,K\. — T. IT. 1S7:'.. 34 530 A.-C.-.). SCllNKIDKIl. (le celui ({ue M. Ball)iani attribue à des parties l)ien semblables, siuuu homologues, dans les psorospermies des poissons ^ Cet appareil de dissémination des spores, mis en regard des antres processus connus pour la pro[)ag;îti(»n des germes, parait seul de son espèce. 11 ne nous semble pas qu'oiL en puisse trouver nulle part l'équivalent dans le règne animal, où la fonction même qu'il dessert est inconnue; car ce sont toujours les jeunes organismes qui se char- gent eux-mêmes du soin de reculer les limites de l'aire d'extension de l'espèce chez les animaux, et une l'onction de la dissémination des germes est, prise en soi, éminemment végétale. 11 n'est donc pas im- possible que les partisans du règne des Protistes ne tirent quelque ar- gument de ces faits pour légitimer le règne de nouvel avènement, qui n'est pourtant au fond qu'une restauration d'une idée française '-. Seu- 1 M. Balbiaiii fait des psorospermies des Alignes parasites, et les organes polaires sont pour cet éminent observateur des vésicules à paroi assez épaisse, que remplit entièrement un filament roulé en spirale. Ces filaments, dont la longueur peut atteindre six fois celle de la coque, peuvent se dérouler en traversant une petite ouverture cont celle-ci est percée à son somniel, et ils rempliraient probablement un rôle analogue à celui des anthérozoïdes des autres Cryptogames (Balbiani, Comptes rendus et Mémoires de la Société de biologie, 18(i3, p. 111, et Académie des sciences, 1863). Quand on compare ces psorospermies à certaines formes des spores de Grégarines (Gregarina terel>ellœ, Kœlliker; Gregarina sipnnculi, Ray-Lankester), il est impossible de trouver entre ces productions une seule différence morphologique de quelque importance; et, d'autre pari, des observateurs (J. Muller, Lieberkulin) ont tiouvé ces psorospermies dans des kystes dont une partie du contenu avait en- core l'aspect granuleux caractéristir|ue de rcntocyle des Grégarines, la sporulation n'ayant été que partielle ainsi que c'est le cas pour les, espèces qui viennent de nous occuper. Aussi, comme Dujardin, Leydig et Lieberkiihn, suis-je absolument convaincu de l'identité des deux ordres de i)roduction, bien qu'on n'ait pas encore trouvé pour les psorospermies la phase correspondante ,à celle de Grégarine ; mais on a déjà deux anneaux de la chaîne, la spore et le kyste. - Admis déjà par Buffoii, c'est le règne psychodiaire de Bory de Saint- Vincent, plantaninial do Requin, ihaoliqne de ,lean Reynaud, etc. (Voir Isid. Geoffroy Snint- Hilaire, Hisl. des rég. org., t. 11, p. 3(5 ) Nous ne pouvons développer ici les raisons qui nous font repousser complètement le règne intermédiaire, une tell» question exigeant forcément la discussion de tons les caractères invoqués pour et contre le point en litige. Mais, cette note étant consacrée à l'un des faits de l'histoire des Gré- garines qui pourrait paraître le mieux justifier l'établisst'ment du règne des Protistes, nous tenons à déclarer que, par Censemble de leurs caractères, nous considérons les Grégarines comme de véritables animaux appartenant à l'embranchement des Proto- zoaires. Si certain sage de l'antiquité prouvait le mouvement en marchant, il est telles Grégarines, que nous ferons connaître prochainement, qui no soulTrent pas plus que cela la contestation sur la réalité de leur nature animale. Pour moi, après avoir vu leurs contorsions sans fin, soudaines, rajndes, énergiques, provotiuaiil tle véritables torrents dans la masse de l'entocyle, tandis que le septum membraiieiix, lour à tour poussé et chassé d'un segment dans l'autre, s(! f)lisse, se r.'Mvorse et se retourne LE GENRE GREGARINÂ. * ^,31 lement cei appareil ne nous i)araît pas davantage trouver son homo- logue dans aucun groupe du prétendu règne des Protistes, et comme caractéristique, sa valeur est même iDornée à une seule division des Grégarines. Dans le règne végétal, ce n'est guère qu'avec la formation des boyaux poUiniques qu'on pourrait trouver quelque ressemblance ; mais c'est une analogie tellement lointaine et si restreinte, qu'il n'y a pas lieu d'insister à son égard. Quant à la coexistence dans une même espèce de Grégarines de mi- crospores et de macrospores, nous ne connaissons ni les conditions qui déterminent la variation des spores ni les conséquences que cette variation peut avoir quant au développement. D'une manière géné- rale la sporogonie comporte un très-grand degré de variations dans le produit, à l'inverse de l'uniformité que lui imprime l'oogenèse. Lie- berkiihn a figuré des spores de Monocystis du Loml)ric, dilférentes non par le volume, mais par la structure: et l'importance de toutes ces différences ne doit pas être exagérée en présence du fait général que nous indiquons. Au point de vue particulier des applications qu'on peut faire des faits ici consignés à la classiflcation, il est impossible de ne pas remar- quer que cet appareil de dissémination dans le genre Gregarina se trouve corrélatif de deux autres particularités déjà importantes, savoir: que ce genre est le seul connu qui ait pour spores de simples lépocytodes et le seul aussi dans lequel deux individus simples s'unis^ sent en opposition' en une individualité plus complexe. Cette tripli-- cité de caractères donne ainsi à ce genre le plus grand degré de consistance et en fait la coupe la plus naturelle de l'ordre entier des Grégarines. Si donc on partage encore celles-ci, comme on le fait aujourd'hui, en Mo)ioci/s(i(h'es et Po/fjcystidées, il paraît convenable de subdiviser immédiatement ces dernières en C i/toi^poréei^ et O//0- r/o.s^îoreV.s, celles-ci ne renfermant que le genre Gregarina de Stein, et les autres tout le reste des Polycystidées. Peut-être même, si dans la classification on a moins en vue la répartition des êtres en des coupes numériquement équivalentes que l'expression des distances réelles qui les séparent les uns des autres, faudrait-il faire des comme \\r\ doigt de gant avec lequel on jouerait, le doute n'est plus possible; l'évi- dence parle plus haut que toute théorie. 1 Un autre genre, le genre Monocystis, présente souvent un mode d'union analogue ii celui-ci, mais en apposition, les individus associés étant réunis par des points cor- respondants de leur corps. Stein avait établi le genre Zygocystis pour de telles formes. 532 • A.-C.-.I. SCHNEIDER. Cytosporées et des Cytodosporées les deux divisions primaires du groupe. Quant à la hiérarchie à établir entre elles, si les dernières ont une spore plus parfaite , les secondes ont un appareil compen- sateur; et si on considère comme un progrès dans l'oriianisation du groupe le mode d'association des organismes dont elles offrent un exemple, il faut faire des Cytodosporées le terme le plus élevé de l'ordre. Et, de fait, pour les animaux supérieurs, la perfection rela- tive de l'œuf ne serait qu'un indice bien trompeur de celle des êtres qui doivent en provenir. Stein ne supposait aux Grégarines que des relations très-restreintes avec le milieu extérieur, et pensait que soit les spores, soit les kystes mômes, pouvaient être puisés directement par les insectes avec leur nom-riture. Je n'ai pas besoin de dire que je n'ai jamais trouvé dans le tube digestif d'un Forficule un kyste qui revendiquât une telle pro- venance et fût en voie d'émission des spores. 11 ne viendra à l'esprit de personne de supposer que le rôle dévolu aux sporoductes dût s'ac- complir à l'intérieur du tube digestif, surtout quand la formation de l'appareil d'émission exige une semaine* et une tranquillité parfaite. Il nous paraît manifeste que les spores sont invariablement destinées à être livrées en nature au monde extérieur, et ce fait ne nous paraît pas des plus favorables à l'hypothèse généralement admise suivant laquelle la spore, sans autres vicissitudes, ferait alors retour à un insecte de la môme espèce que celui où vivait la Grégarine dont elle dérive. Nous remarquerons encore que la sporulation, pour tous les genres de Grégarines, ne s'accomplit que dans un milieu humide; qu'elle réussit même au mieux au sein de l'eau et que cette considération expUque jusqu'à un certain point comment les insectes et les larves aquatiques, les espèces nécrophages, coprophages ou lucifuges, les larves souterraines de Mélolontides, etc., renferment si abondam- ment des Grégarines, les conditions de leur habitation étant de beau- coup les plus favorables à la sporulation et partant à la multiplication de nos petits parasites. ' yiein, en parlant des kystes de la (liM^f^arina riineala de la larve du Tenebrio molitor, dit que la sporulation est soiiveni complète déjà quand les kystes arrivent au dehors. Nous pouvons affirmer n'avoir jamais observé ec fait, tout à fait contraire à la loi .générale, non-seulement pour le genre Gregarina, mais encore pour le genre Actinocephalus et plusieurs genres nouveaux que nous pid)lierons prochainement. LE GENRE GREGAKINA. 533 EXPLICATION DE LA PLANCHE XX. FiG. 1. Un couple de la Gregarina ovata; le primite est dessiné en totalité et seu- lement le protomérite du satellite. FiG. 2. Un individu à trois segments. FiG. 3. Nucléus et nucléole. FiG. 4. Forme des granules de l'entocyte. FiG. 3. Un kyste de la petite sorte.- FiG. 6. Un kyste de la grosse sorte. FiG. 7. Rétraction du contenu; aspect de mosaïque de la zone périphérique. FiG. 8. Aspect étoile. FiG. 9. Phase suivante; apparition des cônes de prolongement. FiG. 10. Dissolution de l'enveloppe de première formation; plissement de celle de seconde. Complète formation de la paroi définitive du sporocyste. FiG. 11. Un kyste après l'émission des spores. FiG. 12. Un kyste après l'émission des spores. On voit la membrane réticulée qui a persisté. FiG. 13. Kyste à macrospores. FiG. 14. Spores plus grossies pour montrer la forme et les dimensions relatives des spores : ûT, inacrospores de la Gregarina ovata; b, microspores de la même; c, spores de la Gregarina cuneata (Stein). FiG. 15. Kyste de la petite sorte de la Gregarina rAineata après rémission, avec les dimensions exactement prises à la chambre claire du cordon de spores expulsé. RECHERCHES FAITES DANS LE LABORATOIRE D'ANATOMIE NORMALE DE L'UNIVKRSITK UK ROME (Avec six pianclii's) PU HUÉES PAR LE DOCTEUR FRANCESCO TODARO. Uirecleur et professeur de l'École et du laboratoire d'anatomie '. ANALYSE ET TllADDCTION PAR J\I. VIAULT, IiiLerue des bùpitnux de Paris^ licencié es sciences naturelles. Dans une inlroduclion de ({lU'Iqnos lignes, M. le professeur F. To- (l;u'0 montre de quelle utilité sont pour le médecin les études non- seulement d'anatomie normale, mais encore d'histologie. Il rappelle ensuite cpie « la scuola d'anatomia di Roma fu una délie più cclebri Ira le altre scuole italiane, poicliè venne illustrata succes- sivamente da' più grandi anatomici. Ira i quali, oltre di Areteo c Galcno egii allri anatomici, che vissero a'tempi dell' impero romano, basta ricordare i nomi di Eustachio, Colombo, Malpighi, Lancisi e Fiajani. » Ce premier fascicule renferme des mémoires dont les titres indi- quent suftisamment la tendance et la nature des recherches entre- prises dans le laboratoire romain : 1° Lrs orfianes du (joù.t et la iinaïuciisi' hKcco-hruneliidJt' (Ich Sii/ack'ns, par le [)rofesseur directeur F. Tudauo; 1 liicerclie fatle nel laboratorio' di analoinia normale délia H. universita di Roma neW unno 187:2, |tublicatedal dottore Fuancesco "I'odaho, prol'. ord. e direltore dellu scuola e iabui'ulorio di a.iialoniia (con sei tavolc], Hdih.'i, 1873. ORGANES DU GOUT DES SÉLÂCIEiNS. h:\a 2° Siu' la structure de la tac/te (jermmatwe (macula germinativa) de l'œuf de la poule, avant et quelqui-s liPurcK irprès /'iirubnfion, par F. Du- kante; 3" Sur lu terminaison des nerfs dans la cornée, par F. Durante; A" La terminaison des nerfs dans les glandes sébacées, par le docteur C.OLASANTJ ; 3° Sur une amnnalie du //olt/tjone artériel cérébral, par le docleur A. Incoronato. Nous donnerons une analyse avec planche à l'appui du niénioire intéressant du directeur de ce lal)oratoire. LES ORGANES DU GOUT ET LA MUQUEUSE BUCGO-BRANGHIALE DES SÉLACIENS Par le docteui' Fraacesco Todaiio. Les phénomènes cérébraux do la gustation ont été depuis long- temps analysés , quoique leur localisation soit encore à peu près inconnue. On a fait de nombreuses expériences sur les caractères différentiels des saveurs, leur intensité, leur qualité; on a déterminé le siège d'élection pour l'appréciation de la saveur douce ou de la saveur amere; on a pu voir enfin quelle part revient dans cette fonction à chacun des nerfs de la langue. Mais les phénomènes péri- phériques, ceux qui se passent du côté de la papille gustative elle- même, c'est-à-dire l'ébranlement de la terminaison nerveuse par le corps sapide, la nature des impressions susceptibles d'influencer telle forme de terminaison nerveuse plutôt que telle autre, sont restés complètement inconnus jusqu'à ces derniers temps. La plupart des traités les plus récents et les plus accrédités de physiologie et d'his- tologie restent muets à cet égard, et les quelques notions qu'on possédait sur ce sujet, considérées comme trop hypothétiques, res- taient confinées dans les mémoires spéciaux, attendant une confirma- tion que sont en voie de donner de plus récents travaux, et en particu- lier celui du professeur Todaro, dont nous allons exposer en détail les ])rincipaux résultats. Alais auparavant nous allons passer rapidement eu r(nue les auteurs (jui se sunl occupés de celte question, et ce coup 336 F. TODAKU. d'œil rétrospectif nous aidera à mieux comprendre toute l'importance des résultats entrevus déjà depuis quelques années et à la plupart desquels le mémoire du naturaliste italien donne une confirmation complète. Eu 18oU, Schirmer * écrivait (|ue la terminaison des nerfs du ;j;oùt pouvait être recherchée au milieu des cellules épithéliales de la lan- gue et des autres régions gustatives , de la même manière que Eckhard, Ecker et M. Schultze l'avaient trouvée dans l'organe de l'odorat. Meissner -, adoptant ce conseil, rapportait la même année qu"il lui avait semblé voir sur les papilles fungiformes de la langue de la gre- nouille une disposition des fibres nerveuses rappelant celle de ces mêmes libres dans l'organe de l'olfaction. L'année suivante, BillrothHrouvait aussi dans l'épithélium des pa- pilles fongiformes de la langue de la grenouille une nouvelle espèce de cellules épithéliales plus petites et portant à leur partie inférieure un prolongement assez long terminé par un petit renflement. Il en fit les cellules terminales des fibres nerveuses, ou cellules ganglion- naires terminales, bien ({u'il n'eût pas vu leur union avec les fibres nerveuses. Ses conclusions furent repoussées par Fixen''et plus tard par Hoyer"', qui faisaient terminer les nerfs dans le tissu conjonctif soit par une extrémité effilée, soit par un renflement en massue. Mais en 1861 E.-AxelKey'^ retrouva les éléments spéciaux décrits par Billr(jth et les nonnna cellules f/ustafives ou à hntonnet. Ces cel- lules, d'après lui, portent deux prolongements: un périphérique, qui, né du pôle supérieur du corps de la cellule, arrive jusqu'à la surface libre de l'épithélium; l'autre central, qui, jjartant du pôle inférieur de la cellule, descend dans le tissu conjonctif, où il se continue avec une fibrille nerveuse variqueuse. Ces résultats précis et bien observés furent contestés par Hartmann "'; ' Schirmer, Nonnullœ de gustu disquisidones. Dissertation Greif'swakt, 1850. 2 Meissner, Bcricht fur ISoii, p. 594. 3 BiLLROTii, Deutsche KUnilc, ii" 21, 2;{ mai 1857. * FixEN, De linguœ raninœ textura disquisitiones microscopica'. Doi'pat, 1S57. 5 HoYER, Milcruskop. Unlersuch. Uher die Zunge des Frosches {Reichert und Dubois' Archiv, 1859, p. 481). 8 PL-A. Key, L'eber die Endigungsweise der Geschmacksnerveii in der Zunge des Frosches {Reichert und Dubois' Archiv, 1801, p. 329). ' K. Hartmann, i/fberdi'e Endigunsgiveise der Neruen in den PapiUœ fuiigifurmes der Froschzunge [Reichert und Dubois Archiv, 18G3, p. o;i4). OHfJAMiS DU GOUT DES SELACIENS. o37 mais Th.-W. Engelinanii', qui s'occupa le dernier de l'organe du goût chez la grenouille, y découvrit encore une nouvelle forme de cellules, qu'il appela cellules en fourchetti- (Gabelzellen), et 'en faveur des- quelles il dépouilla les bâtonnets d'Axel Key de la fonction gustative. Ces bâtonnets ne sont pour lui que des cellules cylindriques ordi- naires, tandis que les cellules en fourchette sont en rapport avec les dernières fibrilles nerveuses. Parallèlement à ces résultats, souvent contradictoires, fournis par la langue des grenouilles, on .s'avançait aussi au même but par l'étude des organes caliciformes de la peau des poissons, découverts en 1851 par F. Leydig-. Dix ans plus tard, F.-E. Schulze ^ faisait connaître la structure de ces organes, où il distinguait deux éléments : les cellules de soutien et les cellules nerveuses terminales avec un prolongement péri- phérique gagnant la surface libre et un prolongement central allant se réunir avec des fibres nerveuses. Ayant découvert ces organes dans la muqueuse bucco-branchiale des mêmes poissons, il en fit des organes gustatifs, tandis que Leydig les avait décrits comme organes de tact. En 1867, presque en même temps, S(4i\valbe^ etLovèn' découvri- rent ces organes caliciformes. qu'ils nommèrent: le premier, mlice>i du (joiH (Schmeckbecher); le second, houtoiu (justatifs (Smakbulber), dans les papilles caliciformes et fongiformes des mammifères. Ces corps se trouvent contenus dans une lacune en forme de bouteille à long col, s'ouvrant à la surface et creusée dansl'épithélium. Schwalbe considéra d'abord toutes les cellules de ces organes comme gustatives et en relation avec les fibres nerveuses; tandis que Lovèn en distingua deux espèces : cellules de soutien ou de recouvrement et cellules à bâtonnet ou nerveuses; Schwalbe accepta plus tard cette distinction. 1 Th.-\V. Engelmann, Ueher die Endigungen des Geschmacksnerven in der Zunge des Frosches {Zeilschrift f. iviss. Zoologie, Bd. XVIII, Ileft 1). - F. Leydig, Ueber die tiaut einiger Siisswasserfische (Zeilschrift f. iriss. Zool. , Bd. III, 1851). 3 F.-E. ScHULZE, Ueber die becherformigen Organe der Fische [Zeilschr. f. iviss. Zool. , Bd. XII, Ilcft -2, 18H2.) * Schwalbe, Das Epilhel der PapiUœ vallatœ (Archiv f. mikrosk. Anal.., VA. III, Heft 4, p. 134). Zur Kenntniss der PapiUœ fungiformes der Saugethiere [Med. Cenlralblatt, ii» i2S). Ueber die Geschmacksorgane der Saugethiere u. des Mensch [Arch. f. mtkr. Anat., Bd. IV, Heft -2). '■> Lovèn, Bidrag tU Kannedomen on Tungans Skakpapiller '.\ledicinsk ArcJùef). Beitrdge zur Kenntn. u. Bau der Geschmackswar-chen der Saugethiere [Arch. f. mikr. Anal., Bd. IV, 1). 538 F. TODARO. Verson ' retrouva ces formations dans la moitié de la face posté- rieure de l'épiglotto. D'après Letzorich ^ dont les recherches n'ont pas encore été confirmées, les organes du goût qu'on trouve dans les papilles fungiformos du chat, du veau, de la belette, seraient formés par une vésicule aplatie pourvue de deux prolongements, l'un péri- phérique, l'autre central. En 1870, von ^Yiss •' a trouvé les organes caliciformes du goût dans la i)apille foliacée du lapin et y a décrit les cellules de soutien et les bâtonnets. Krause * les décrivait à la même époque dans les papilles de l'homme sous le nom de /■cn/lct/icnt é/ji//té/ial, où il distinguait des cellules fusiformes, des bâtonnets et des cellules en fourchette. A la même époque, F. -E. Schulze'' retrouvait ces renllements dans la cavité ))ucco-branchiale des têtards de grenouille. Enfm, en 1872, A.-K.-V. Ajtai " et J.-G. Ditlevsen' ont trouvé les bulbes ou renflements gustatifs dans la papille foliacée de beaucoup d'autres mammifères, avec les cellules en fourchette et les bâtonnets. Nous ne faisons ([ue donner de tous ces faits un aperçu très-som- maire; on trouvera dans le Sfj'ic/ic/s Haudbuch un article de W. En- gelmann qui expose en détail la structure de ces organes chez les mannnifères et les batraciens. Nous verrons |)lus tard l'usage de ces corpuscules et le rapprochement qu'on peut faire entre les organes caliciformes de la ligne latérale chez les poissons et ceux de la mu- queuse bucco - branchiale. Nous devons exjioser maintenant les recherches de Todaro, (pii nous fourniront de nouvelles données pour la solution de ce problème physiologique. Le long mémoire de Todaro contient de Irès-nondjreux et très- minutieux détails sur certaines particularités de structure d'une im- portance secondaire et n'ayant qu'un rapport assez éloigné avec la partie vraiment originale de son travail. Nous ne les reproduirons 1 Vkkson, Beilr. s. Kenntn.des Keldkopfs und der Traihca. ' Lktzerich, IJeber die. Endapparate der Gesdimackanurven [Med. Cenlral(jlatt,n'''^i]. 3 IIans von Wiss, Die bvcherfunnigeii Organe der /.iinoe [Arch. /'. iniurus/c. Anal., Uil. VI, 1870, p. ni). '• Kkalsk, Die Ni'rvendiguny in der Zunge des Mensch (Cotlinger gelehrie Xach- rirhlcii. ]S70. p.. 4-23). ■' l'\-I-]. ScHULZE, Die Geschmackaorgane der Froschlarven {Arch. /'. inikrosk. Anal , lîd. VI, 1870, p. /.07). 6 .V.-K.-V. A.iTAi, Ein Beilr. z. Kennln. der Geschmncksorgane. Arch. f. uiikroskLip. Anal., VIII, p. •'.;)5). " l'".-l'i. Dni.KvsKX, Undertiogeise uver SniagslUgeiie pua Tangen Uos l'alledrijeitc vg Mtniic.^kel Kji'ibenharn, 1872. ORGANES DU GOUT DES SÉLACIENS. md qu'en les abrégeant considérablement. L'histologie doit, en effet, se garder de devenir trop descriptive et d'inventorier avec trop de com- plaisance les moindres particularités de chaque cellule, et ne pas se perdre dans la stérile nomenclature de quelques granulations de plus ou de moins. Elle est aujourd'hui l'auxiliaire la plus indispensable de la zoologie, mais à la condition d'avoir surtout pour but d'éclaircir la physiologie et la morphologie des éléments. <( Les nombreuses papilles qu'on observe, dit Todaro, sur la mu- queuse de la cavité bucco-branchiale des Raies, des Squales et des Chimères ont été décrites par F. Leydig ' dans les Raies et les Squales comme des dents rudimentaires, semblables aux vraies dents qui ser-_ vent à mordre, et dont elles ne différeraient, d'après lui, ([ue par l'absence de revêtement calcaire. Dans une courte communication préliminaire 6'/«r les ory ânes du (jont des Raies^, j'ai fait connaître que tout autre était la signification de ces papilles, dans lesquelles j'ai trouvé un grand nombre de formations épilhéliales particulières que j'ai décrites comme organes du goût, et que, par suite, ces papilles sont véritablement gustatives. J'ai fait par la suite d'autres recherches, et, ayant retrouvé les mêmes forma- tions, non-seulement dans les papilles de la muqueuse bucco-bran- chiale des Raies, mais encore dans celles de cette même muqueuse chez les Chimères et les Squales, je puis affirmer aujourd'hui avec certitude que c'est là un fait général à tous les animaux de l'ordre des Sélaciens, et je puis en donner en même temps une relation plus exacte et plus détaillée. I. — RAIES. Conformation extérieure de la muqueuse bucco-hranchinle : plis et papilles. — De tous les Sélaciens, les Raies ont les papilles de la cavité bucco-branchiale les plus nombreuses et les plus développées. Ces papilles sont de deux ordres : Les papilles de premier ordre, de grandeur variable, mais toujours visibles à l'œil nu, peuvent être cylindriques, coniques, pyramidales, ' Leydig, Beitrdge zur mikroskopischen Anal, uml Eniivicklungsgeschichle der lîochen und Haie. Leipzig, iRoâ, p. 52. ^ ToDAKo, Die Geschmachsorgane der Rochen Centralblatl f. d. m. Wissensch., 1872, II'' 13, p. 2-27. :ii(! ['. TODAHO. olivaires, foliacées on miliaircs, et ces dernières, vues au microscope, sont tantôt coni({ues. tantôt hémisphériques ou l'ongiformes. Toutes ces papilles sont gnstatives, et leur nomhre, excepté pour la papille olivaire, est toujours en raison inverse de leur volume. Les papilles miliaires, à peine visibles à l'œil nu et répandues en nombre considérable sur la muqueuse, portent à leur sommet, dans le point central, une fossette en coupe (coupe ou cupule conjonctive), profonde de 62 millièmes de millimètre, qui reçoit l'extrémité large et recourbée d'un de ces corpuscules du goût que j'appellerai clo- ches giistaf/vcs. Autour de la fossette cenirale s'élèvent, à une cer- taine distance, six très-petites proéminences ou papilles de second prdre qui servent de base au pied étroit et allongé de six autres petits corpuscules gustatifs disposés en couronne autour de la cloche du goût, et auxf[u('ls je conserverai le nom, vu leur forme, de calices (justafifs. Sur toutes les autres papilles de premier ordre s'élèvent, en nombre considérable, de petites papilles de second ordre plus ou moins régu- lièrement disposées ; quelques-unes, un peu plus grandes que les autres, offrent la plus grande analogie avec les papilles miliaires et ont, comme ces dernière-, au centre du sommet, la coupe conjonctive destinée à recevoir l'extrémité inférieure d'une cloche gustative. Celle-ci est entourée des calices gustatifs, qui s'implantent un peu en dehors du rebord de la coupe conjonctive. Les autres papilles secon- daires, beaucoup plus petites, eu forme de pointe à sommet mousse, supportent pour la pluiwrt chacune un calice. Les papilles de second ordre, à quelques exceptions près, sont visibles seulement au microscope et occupent toujours la surface des l)apilles de premier ordre. L'épilhéliumne s'élève pas au-dessus de la surface de ces papilles, ou s'élève si peu, qu'elles restent pour ainsi dire ensevelies dans son épaisseur. Dans les cas oii il les recouvre, comme chez le .Myliobatisnottola, leur relief se trouve augmenté. La muqueuse peut former aussi divers replis qui sup})ortent des l)apilles et des corpuscules gustatifs, et dont l'un, très-développé chez les Raies, constitue un véritable voile du palais. Les genres Trigon et Myliobalis le |)rés(;nlent aussi très-développé, tandis qu'il est peu appréciable chez les Torpilles, les Rhinobates, les Scies et les Squales. Son bord libre, dans les Raies, poi'te un grand nombre de papilles pourvues de cloches et de calices et fornianl une longue crête gusta- tive {G('sr//iiHii-//s/i-/sfi'/t). ORGANES DU GOUT DES SELACIENS. rî/il Structure de la rnuqueuse hucco-hranchiale. — Indépendamment de i'épithélium et de la membrane propre ou fondamentale (derme) qui la constituent, elle contient une couche de tissu conjonctif mu- queux ou gélatineux inégalement réparti : mince presque jusqu'à faire défaut dans certains points, très-épais au contraire dans d'autres, surtout au niveau des plis et des papilles, dans l'intérieur desquelles il envoie un prolongement qui en forme le cordon axile. Le tissu de la membrane propre est constitué par du tissu conjonc- tif fibrillaire, en faisceaux larges, parallèles les uns aux autres et disposés suivant le sens de la surface de la muqueuse. Ces faisceaux, pris par Leydig pour de longues fibres élastiques', s'entre-croisent perpendiculairement avec d'autres faisceaux plus étroits, de manière à former un réseau. On voit çà et là, sur leur surface, des corpuscules de tissu conjonctif ramifiés et quelquefois chargés de pigment. L'épithélium présente dans toute son étendue trois couches. La couche superficielle et la couche profonde sont formées par une seule rangée de cellules placées les unes contre les autres, tandis que la couche moyenne est constituée par une quantité considérable de cellules entassées les unes sur les autres et de forme et de nature diverses. Les cellules de la couche profonde ou de support sont cylindriques, avec un gros noyau ellipsoïde vertical, une membrane mince et un protoplasma finement granuleux. Leur extrémité supérieure dentée s'engrène avec les cellules inférieures de la couche moyenne; l'extré- mité inférieure, dentée aussi, s'emboîte dans les dents que présente la surface de la membrane élastique. Les cellules de la couche supérieure ou de recouvrement sont polyédriques, avec un protoplasma granuleux et un gros noyau ellip- soïde, transversal, situé vers l'extrémité inférieure et pourvu d'un petit noyau entouré de très-fines granulations. La face libre de ces cellules est pourvue d'un épaississement considérable, transparent, womvaQ plateau, et traversé par des stries perpendiculaires ou pores - canaux. Les cellules de la couche moyenne sont de deux espèces : cellules épithéliales ordinaires et cellules muqueuses. Les premières pré- sentent trois formes, rondes, ovales ou fusiformes, diversement répar- ties. Les cellules muqueuses, plongées au milieu des précédentes, • Leydig. loc. cit. S4â F. TODARO. s'odVcnL sous les doux aspects do vésicules closes ou de cellules ou- vertes en forme de bouteille ou de vase étrusque ; ce sont les cellules caliciformes de Leydig', qui les a le premier décrites. Les premières contiennent un liquide transparent qui a tous les caractères physiques et chimiques du mucus. Leur paroi, mince, s'amincit encore considé- rablement à leur extrémité supérieure, tandis qu'on voit il l'extrémité inférieure un noyau nucléole aplati, entouré d'une petite masse de protoplasma granuleux, très-allongé et tapissant toute la partie infé- rieure de la cellule. Dans les cellules caliciformes, la paroi présente à sa partie supérieure une ouverture de grandeur variable par laquelle on voit souvent sortir le contenu do la cellule. A l'autre extrémité est un nucléus aplati en- touré d'une petite quantité de protoplasuia granuleux, qui, en s'allon- geant, d'un coté, se recourbe sur la paroi de la cellule, et, de l'autre, émet de la partie sous-jacente au noyau un prolongement conique plus ou moins prononcé (pi. XXIV, lig.7). C'est à tort que précédem- ment, moi pour les cellules caliciformes des tubes sensitifs des Pla- giostornes, et M. Schiiltze pour les cellules caliciformes de l'organe olfactif de ces mornes animaux, nous avions considéré ces cellules comme dépourvues de noyau et do protoplasma. Les cellules muqueuses closes occupent presque toute la couche moyenne de l'épithélium; les cellules caliciformes no se voient que sur la partie la plus externe do la couche moyenne, immédiatement au-dessous des cellules de recouvrement, entre lesquelles pénètre l'extrémité supérieure, qui vient s'ouvrir ainsi librement à la surface de répithélium. Diverses opinions ont été émises sur la nature des cellules calici- formes. A. l^ipsky - en l'ait des accidents de préparation; pour L. Lel- zerich '', elles sont l'origine ouverte des vaisseaux absorbants; F.-E. Schulze '' en fait des glandes simples sécrétant le mucus; Fries^' 1 Lkvdjg, Ueijer die llaiil einiger Siissjvasserfische [Zeitsclirifl /'. tv. Zoologie, 13d. UI, ]). a). * A. Lii'SivY, Bciïr. surKenntn. desfeineren liauoi des Dannkan ils {Wiener Silzungs- berichte. Bd. LV, 183). 3 L. Letzericii, Ueber die Hesorplion verdanerter Ncihrstoffe im Duntidarm {Arch. fur patlwl. Anat. und l'hysiuL, Bd. XXXIX, HeCt 3, p. 453). ■'• F.-E. ScHULZK^ EpHlicl und DHizenzellen [Arch. f. niikroshup. Anat., lîd. III, lleft 2, p. 143). ^ K. Pries, Ueher Feltresorplion und die Enlslehung dcr Becherzellen [Arvh. fur palliol. Anat. und l'IujsioL, Bd. XI., IlefI 3'., p. 5] 9). ORGANES DU GOUT DES SÉLACIENS. r;i3 et beaucoup (raiitrcs enfin soutiennent que ce sont des cellules qui se développent dans la profondeur de l'épithélium, arrivent à la surface, s'ouvrent, se vident et disparaissent. Les faits semblent donner raison à cette opinion. La forme en calice est donc une forme transitoire due à la rupture de la paroi dans le point où sa minceur est la plus grande, et sous l'effort de la pression exercée par l'auguientation de volume du contenu. L'épithélium de la muqueuse bucco-branchiale des Raies est sup- porté par une membrane homogène, anhiste, transparente comme le cristal et très-résistante, qui prend le nom de rncmbmne élasfique{/jase- ment membrane de Bowmann). Elle a une épaisseur de 3 millièmes de millimètre et se trouve située, dans toute l'étendue de la uuiqueuse, entre Tépithélium et la membrane propre, avec laquelle elle semble se continuer. Sa face supérieure est dentée, sa face inférieure lisse. Strndure dvA itapilles. — Dans les papilles, la muqueuse subit des modifications sensibles. Le tissu conjonctif muqueux se prolonge dans le centre des papilles, où il forme le cordon axile, qu'on ne rencontre jamais dans les papilles miliaires. Le tissu gélatineux qui est au- dessous de la membrane propre est traversé en tous sens, mais surtout perpendiculairement, par de longs faisceaux fibrillaires qui vont de la couche fasciculée de la membrane propre dans le tissu muqueux sous- jacent. Il est constitué par un réticulum fin dans lequel se trouve une substance fondamentale peu abondante contenant de la mucineetdes corpuscules conjonctifs allongés ou ramifiés, dont les prolongements se continuent nettement avec les fibrilles du réticulum. Le tissu conjonctif muqueux du cordon axile ne présente qu'exceptionnelle- ment des faisceaux fibrillaires; mais la substance fondamentale est, au contraire, abondante et poreuse, ce qui fait ressembler ce tissu à la substance grise du cervelet de l'homme, de laquelle il ne diffère que par la présence d'un autre réseau formé de fibrilles c_ytogènes très- fines, droites et brillantes. Le tissu muqueux du cordon axile est entouré par du tissu conjonc- tif ordinaire, qui n'est autre chose que la continuation de la membrane propre de la muqueuse et présente comme elle deux couches, l'une fasciculée et l'autre nucléaire. Cette dernière peut être considérée comme une expansion considérable du névrilème des nerfs qui arri- vent dans cette couche, et ressemblerait à la gaine nerveuse des papilles gustatives de la grenouille, qu'Axel Key regarde aussi comme une expansion du névrilème. nu F. TODAHO. La membrane élastique qui revêt le corps des papilles présente au- tant d'ouvertures qu'il y a de corpuscules gustatifs sur chaque papille de premier ordre. Nous avons vu qu'au sommet de chaque papille acuminée secondaire s'implante le pédoncule d'un calice. A ce niveau, la membrane élastique présente un orifice qui entoure le pédoncule du calice et, en même temps qu'il le lixe solidement, permet la commu- nication des dernières fibrilles nerveuses avec les éléments nerveux du calice. Les orifices plus grands que présente l'élastique répondent à chacune des fossettes ou cupules conjonctives qui reçoivent l'extré- mité concave des cloches gustatives. Au niveau de ces cupules, l'élas- tique s'arrête et ne descend pas en tapisser le fond. Par rapport aux calices et aux cloches, ces orifices ont un double but : d'une part, les cellules gustatives peuvent communiquer librement avec les dernières fdH'illes nerveuses; de l'autre, l'élastique joue là le rôle d'un ligament qui fixe presque inébranlablement les cloches et les empêche de se détacher, malgré les frottements répétés et énergiques auxquels leur position trop superficielle, et sans autre protection que l'épithélium, les expose, de la part des corps durs, pendant la mastication et la déglutition (pi. XXIV, fig. 1,2). 11 n'en est pas ainsi chez les mammi- fères, oii les corps gustatifs qui occupent les côtés des papilles sont protégés par le relief que fait la muqueuse autour des papilles cali- oiformes et dans les papilles foliacées. î^'épithélium des papilles est moins épais que celui du reste de la muqueuse, et, dans sa couche moyenne, formée surtout de cellules arrondies, on ne rencontre que quelques cellules mu- queuses disséminées çà et là. On en rencontre un plus grand nom- bre dans l'épithélium des papilles cylin(iri([uos de la Pastenaguc commune. Au fond des sillons ipii séparent entre elles les papilles coniques du voile du palais, et à la surface des papilles cylindriques chez ce même animal, existent des groupes particuliers de grandes cellules. Chacun de ces groupes est contenu dans une lacune en forme de bouteille, occupant la partie profonde de l'épithélium, et s'ouvrant à la surface par un étroit et long canal. Ces lacunes, avec les cellules qu'elles ren- ferm(!nt, ont tout à fait l'aspect de glandes sécrétantes (pi. XXIV, lig. 1,^/). La paroi du long conduit excréteur de chacune de ces glandes est exclusivement constituée par des cellules à plateau qui se continuent directement avec les cellules de recouvrement de réi)ithé- liiiiii. Les cclliilfs (les (^ouclies nKtyeiuic et iiirérieurc de l'épilliélinm ORGANES DU GOUT DES SÉLACIENS. S43 forment la paroi latérale du corps de la glande, tandis que le fond est formé par la membrane élastique. Chacune de ces glandes contient de cinq à huit ou dix grandes cel- lules glandulaires se présentant sous trois formes : ovale, ronde ou en massue. Ce sont des cellules dépourvues de membrane d'enveloppe. Dans ces derniers temps, Kœlliker* a décrit, dans l'épiderme des Lamproies, quelques formations spéciales dont il a fait des glandes simples sous le nom de cellules muqueuses. Etudiant ces mêmes élé- ments au point de vue de leur forme, de leur position et surtout de leurs connexions, M. Schultze'- en fit des appareils nerveux termi- naux, probablement de nature musculaire, et leur donna le nom de formations en massue ou, plus simplement, massues. Mais H. Millier*, observant après lui sur \q Petromyzon Planeri, et F.-E. Schulze* sur le Petromyzon et diverses espèces de Physostomes, ne confir- mèrent pas ses vues. Or les cellules glandulaires décrites plus haut présentent tous les caractères de ces massues de l'épiderme des Lam- proies et des Physostomes, avec cette différence que, dans les Raies, la position qu'elles occupent dans une cavité alvéolaire pourvue d'un conduit excréteur met hors de doute leur nature glandulaire. Vaisseaux et nerfs. — La muqueuse bucco-branchiale des Raies est très-riche en nerfs et en vaisseaux sanguins et lymphatiques, qui pénètrent ensuite dans les papilles. Les gros faisceaux nerveux et les troncs artériels qui montent dans les papilles cheminent dans le tissu conjonctif fibrillaire fascicule, avec les veines et les lymphatiques qui reviennent des papilles. Par conséquent, à l'exception des papilles miliaires, oii manque le cordon axile, dans toutes les autres espèces de papilles vaisseaux et nerfs entourent la périphérie de ce cordon. Les vaisseaux vont former un réseau capillaire dans les papilles de second ordre. Les nerfs qui vont dans chaque papille gustative sont en nombre considérable. Sur une coupe transversale d'une grosse papille cylin- drique, on en peut compter quarante, tant gros que petits, tant fais- ceaux que rameaux nerveux, coupés transversalement. On peut éta- 1 Kœlliker, Verhandlungen der physikalisch-medic. Gesellsrhafl in Wursburg , BlI. VII, p. 193, uiid Bd. VIII. En ou[rL',\Vursbnr ger 7iaturwissenschii fil. Zeitschrift, Bd. I,p. 1, 1860. * M. ScHULTZE, Miiller's Archiv, 1801, p. -IM. ■■* H. MuLLER, Wursburger naturioissenschafll. Zeitschrift, Bd. V, p. 43, 1864. * F.-E. ScHULZE, Epithel und Driisenzellen {Arch. fur mikroskop. Anal., Bd. III, p. 138. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉ\. — T. II. 18'/3. 35 nm F. TODAUO. blir que chacun de ces rameaux contient en moyenne vingt-cinq fibres nerveuses, ce qui ferait en tout, pour chaque papille cylindrique, environ mille fibres nerveuses. Les autres papilles sont aussi riches, excepte les papilles miliaires, qui sont les plus pauvres, ce qui est en rapport du reste avec le petit nombre des organes gustatifs qui s'y trouvent. Dans ces dernières papilles, les faisceaux nerveux ne mon- tent jamais dans la papille par le centre, mais toujours par les côtés. Dans les autres papilles ils montent parallèlement au cordon axile jusqu'au sommet de celui-ci, oii ils se divisent en plusieurs rameaux qui pénètrent dans la couche conjonctive du sommet de la papille. Tout le long de leur trajet, les gros troncs nerveux envoient des rameaux nombreux qui passent, comme ceux du sommet, dans la cou- che conjonctive nucléaire, où ils cheminent, non plus parallèles au Cordon axile, mais en tous sens, en échangeant entre eux des fibres nerveuses, jusqu'à ce qu'ils arrivent à la membrane élastique. Les fibres nerveuses qui vont aux papilles sont toutes des fibres à moelle. Les nerfs qui marchent dans la couche conjonctive fibrillaire fasciculée ont un névrilème pauvre en noyaux; mais, au contraire, dans ceux qui pénètrent dans la couche conjonctive externe, le névrilème s'épaissit et les noyaux se multiplient tellement qu'ils for- ment cette nouvelle couche. On voit à un fort grossissement que chacune des fibres nerveuses qui pénètrent dans les papilles de second ordre perd immédiatement sa gaine médullaire, devient pâle et variqueuse, et ne tarde pas à se diviser en deux, trois, quatre, etc., fibrilles nerveuses qui prennent l'aspect variqueux caractéristique, et montent vers le sommet de la papille pour pénétrer dans l'organe gustalif, où elles vont se continuer avec l'extrémité du prolongement central des bâtonnets et des cônes qui sont les éléments essentiels des organes gustatifs. Pour s'assurer que les fibrilles nerveuses pénètrent dans les corpuscules gustatifs pour se mettre en rapport avec les élé- ments spéciaux de ces corpuscules, il faut pratiquer des dissociations sous le microscope à dissection (pi. XXIV, fig. 9). Corpuscuh'S du goût. — Les corpuscules du goût sont répandus dans la cavité bucco -branchiale de ces animaux au milieu de l'épi- thélium modifié qui revêt la surface de toutes les papilles de premier ordre précédemment décrites. Ils présentent deux formes très-carac- téristiques; les uns ont ia forme d'un calice avec le pédoncule im- planté sur la membrane propre de la muqueuse, tandis que l'extré- mité oiiverle arrive au niveau de lasurl'ace externe de répilhélinni. Les ORGANES DU GOUT DES SÉLACIENS. 547 autres présentent la forme d'une cloche de verre retournée, de façon que la base se trouve au niveau de la surface libre de l'épithélium, et que le fond recourbé descend dans la fossette ou coupe conjonctive que présentent, au milieu de leur sommet, les papilles miliaires et quelques papilles de second ordre qui s'élèvent au-dessus des autres. Dans chaque papille miliaire, une cloche du goût qui occupe le centre du sommet, comme une tour sur une colline, est entourée par une couronne de calices gustatifs placés circnlairement sur les parties déclives de la papille. Chez le Trygon pastinaca, dans chaque papille miliaire il y a six calices autour d'une cloche. L'espace qui sépare les calices entre eux et d'avec la cloche est rempli par de l'épithé- lium modifié. Cependant, sur une coupe verticale d'une papille mi- liaire, on ne voit la cloche gustative flanquée que de deux calices; mais, pion regarde par en haut une papille miliaire, on voit au centre l'extrémité libre de la cloche entourée par un anneau circulaire formé de cellules épithéliales allongées, et à la circonférence l'extré- mité libre des six calices disposés circnlairement, extrémité entourée aussi d'un anneau formé de cellules épithéliales allongées. Dans les papilles cylindriques et dans les papilles coniques et folia- cées, les cloches et les calices du goût n'ont plus cette disposition régulière. Dans chacune de ces papilles, la membrane fondamentale forme de petites proéminences ou papilles de second ordre, alternant avec un nombre égal de dépressions. L'épithélium qui revêt ces par- ties ne suit pas les replis de la muqueuse, si ce n'est dans quelques cas exceptionnels déjà indiqués. De sorte que, dans quelques-unes de ces papilles de second ordre, sont des cloches gustatives supportées par la coupe conjonctive et entourées par les calices; tandis que, sur le sommet d'autres papilles de forme plus ou moins acuminée et de hauteur variable, s'implante au contraire un calice du goût. Ces cali- ces, en outre, se trouvent à des distances plus ou moins régulières au milieu de l'épithélium qui revêt les dépressions de la muqueuse sur laquelle ils s'implantent (pi. XXIV, fig. 1), Dans les papilles pyramidales, aussi bien que dans la papille olivaire de la Pastenague commune, et sur les différents replis de la muqueuse décrits plus haut, les choses procèdent plus régulièrement. Les clo- ches et les calices du goût sont disposés avec un tel ordre, que chaque papille de seconde grandeur qu'on y remarque peut être considérée comme une papille miliaire pourvue à son sommet d'une cloche entourée d'un nombre variable de calices. Ceux-ci sont donc toujours us F. TODARO. plus nombreux que les cloches, dans une proportion moyenne de 6:1. Ce rapport est surtout constant dans les papilles miliaires; il semble plus grand dans les papilles cylindriques et coniques. Les cloches du goût ont une longueur moyenne de 135 millièmes de millimètre et une largeur de 99 millièmes de millimètre. Les calices du goût, plus petits, ont une hauteur moyenne de 123 millièmes de millimètre et une largeur de 73 millièmes de millimètre dans leur partie la plus renflée. Ces dimensions ne varient que dans de faibles limites ; ainsi on peut trouver des calices plus grands que des clo- ches, et des cloches aussi petites que des calices. Calices et cloches sont en général plus grands dans les papilles miliaires que dans les papilles cylindriques, et dans ces dernières les calices et les clo- ches de la base des papilles sont plus grands que ceux du sommet. La forme peut juissi subir de légères modifications et on peut trouver des calices qui ne sont pas parfaitement caliciformes, surtout dans les papilles cylindriques et coniques, où le calice présente souvent une forme rétrécie dans tontes ses parties, en sorte qu'il n'y a que peu ou pas de différence entre le corps du calice et le pied. D'autres fois, c'est l'extrémité externe qui, très-élargie, produit l'apparence d'un chapeau ou d'un parasol. Toutes ces variétés de calices corres- pondent aux différences de forme et de hauteur des papilles de second ordre qui les supportent; la structure d'ailleurs reste toujours la même. La forme des cloches est plus constante. Dans les papilles mi- liaires, les cloches et les calices sont disposés verticalement par rap- port au corps de la papille; dans les autres, et notamment les papilles cylindriques et coniques, ils sont placés dans le sens horizontal. Structure des cloches et des calices du goât. — Deux espèces de cel- lules constituent les cloches et les calices ; les unes sont des cellules de soutien, les autres des cellules gustatives. Les premières sont une modification de l'épithélium voisin ; elles occupent la périphérie et sont disposées aussi en trois couches. Les unes occupent la base, les autres occupent les parois latérales, les autres enfin forment une espèce de couvercle qui recouvre la cavité de l'organe du goût, dans laquelle sont contenues les cellules de la deuxième espèce ou gusta- tives (pi. XXIV, fig. 4* et fig. h%a). Dans les calices, les cellules de la base ou de support forment le pied (pi. XXIV, fig. 4% t). Klles sont une continuation des cellules de la couche profonde de l'épithélium, dont elles conservent les caractères histologiques ; c'est-à-dire qu'elles ont une paroi mince, un proto- ORGANES DU GOUT DES SELACIENS. b49 plasma linemenl granuleux et un nucléus ovale contenant une grosse granulation. Elles sont cependant beaucoup plus longues, et leur extrémité inférieure dentée s'implante sur le rebord de la petite cavité que présente, au niveau du pied du calice, la membrane élasti- que. Leur extrémité supérieure anguleuse s'emboîte avec les cellules pariétales les plus inférieures. Les cellules pariétales des calices ne diffèrent des cellules de la couche moyenne de l'épithélium qui les entourent, que par de plus grandes dimensions et leur forme ovalaire. Les cellules de recouvrement, au contraire, présentent une modifica- tion capitale : dans l'épithélium, elles ont la forme polyédrique et leur face libre est épaissie ou pourvue d'un plateau traversé par des pores- canaux; dans les calices, ces mêmes cellules deviennent cylindriques, hautes de 24 millièmes de millimètre, et possèdent un protoplasma finement granuleux, avec un noyau ellipsoïde qui occupe la partie inférieure de la cellule et mesure 84 dix-millièmes de millimètre de hauteur et 72 dix-millièmes de millimètre de largeur. Celui-ci renferme deux ou trois nucléoles entourés de substance transparente parsemée de quelques fines granulations (pi. XXXIV, fig. 7, a, b). Au milieu de la surface libre épaissie et transparente, ces cellules présentent un large trou au moyen duquel le protoplasma communique avec l'exté- rieur, et par où il peut sortir dans certaines conditions spéciales. Cela a lieu, par exemple, lorsque les cellules ont été tenues longtemps dans la glycérine; une portion du protoplasma gonflé par ce liquide sort par cet orifice et s'arrête à la surface libre sous form,e d'un champi- gnon (pi. XXIV, fig. 6, c); malgré cela, le noyau reste toujours à sa place, ('es cellules ressemblent aux cellules en coupe {Kelchzelli'u) que Th.-Wilh. Engelman * a décrites dans les organes du goût de la grenouille, et qui sécrètent, sans doute, un liquide important pour la gustation. Celles de ces cellules en coupe qui sont à la périphérie du calice s'unissent par leur extrémité inférieure avec les cellules pariétales supérieures, tandis que toutes celles qui occupent le centre sont par leur extrémité inférieure en contact avec les cônes et les bâtonnets situés à la partie supérieure de la cavité du calice gustatif. Entre les interstices des cellules en coupe passent les cônes et les bâtonnets qui montent jusqu'au niveau de la surface libre du calice. Dans les cloches du goût, les cellules de recouvrement sont par- faitement semblables à celles des calices, aussi bien par leur forme en • Th.Wii-h. Engelmann, ZeiYsr/ir, f. wiss'.nsch. Zoologh', Bd. XVIII, Uv'it. I. p. IM . 550 F. TOI) A KO. coupe que par leurs autres caractères histologiques; elles sont seule- ment un peu plus petites. Les cellules de support ont aussi les mêmes caractères histologiques que dans les calices, mais sont plus courtes, et aussi que celles qui forment la couche profonde de l'cpithélium. Elles descendent tapisser la fossette ou coupe conjonctive au niveau de laquelle manque la membrane élastique, et, se mettant en contact avec le tissu conjonctif nucléaire qui forme la paroi de cette fossette, ferment ainsi à l'extrémité inférieure le fond de la cloche gustative. La couche formée par ces cellules cesse au niveau du bord de la coupe conjonctive, qui est entouré par le large orifice que présente en ce point la membrane élastique pour livrer passage à la cloche. Dans les interstices laissés entre ces cellules passent les dernières fibrilles nerveuses variqueuses qui pénètrent dans l'intérieur de la cloche, où elles s'unissent immédiatement aux prolongements des bâtonnets. Après avoir enlevé la cloche avec tout son fond formé par ces cellules, si on regarde par en haut l'intérieur de la coupe conjonctive, on aper- çoit les gros noyaux conjonctifs qui en tapissent la paroi. — Les cellules pariétales des cloches diffèrent beaucoup de celles des calices, car elles sont plates et quadrangulaircs, avec leurs deux extrémités, inférieure et supérieure, anguleuses et dentelées. Elles contiennent un protoplasma finement granuleux entourant un noyau ovale vésiculeux, dans lequel sont de très-petites granulations. Les cellules gustatives, ou de la deuxième espèce, offrent un corps des pôles duqviel partent en général deux prolongements. Dans les calices, ces cellules sont de deux formes : cellules à bâtonnet et cel- lules à cône. Dans les cloches, il n'y a que des cellules à bâtonnet. Les cellules à cône, qui ne se rencontrent que dans les calices, où, avec les cellules à bâtonnet, elles sont entourées par les cellules de soutien, sont peu nombreuses : deux, trois, quatre dans chaque calice, tandis (jue les cellules à bâtonnet sont très-abondantes (pi. XXIV, fig. -4'', a, b). Les cellules à cône ont un corps presque rond ou un peu ovale, dont le plus grand diamètre égale 84 dix-millièmes de mil- limètre et le plus petit GO dix-millièmes de millimètre. Elles présentent un très-gros noyau vésiculeux, pourvu d'un très-petit nucléole brillant eulouré d'un peu de substance granuleuses. Le prolongement central des cellules à cône est long, homogène, réfringent, comnie les fibres nerveuses. 11 porte à son extrémité inférieure un très-fin filament vari- queux, comme les dernières fibrilles nerveuses varicp^euscs (pi. XXIV, fig. U, //). Le i)roh)ngemen( j)érii)hérique a la forme d'un cône et est ORGANES DU GOUT DES SÉLACIENS. bol beaucoup plus court que le prolongement central. II présente uiic large base se continuant avec le corps de la cellule et un sommet tourne vers la surface libre du calice; mais, avant de s'y terminer, il se réduit aux dimensions d'un mince bâtonnet et devient plus brillant que dans le reste de son étendue. Les corps des cellules à cône occupent tous le même niveau dans les calices et se trouvent placés immédiatement sous les cellules de recouvrement. Le cône passe au milieu de ces dernières pour atteindre, par son extrémité libre, le niveau de la surface extérieure. Les prolongements central et périphé- rique des cellules à cône présentent la même longueur que ceux des cellules à bâtonnet, dont le corps est placé sur le même plan que les cellules à cône. Les cellules à bâtonnet se trouvent aussi dans les calices, comme dans les cloches, en nombre discret. Dans les calices, elles sont mê- lées aux cônes, tandis qu'elles existent seules dans les cloches, oii on peut en compter plusieurs centaines dans une seule cloche. Elles ont un corps ellipsoïde allongé dont le diamètre maximum égale 108 à 96 dix- millièmes de millimètre et le diamètre minimum égale 48 à 60 dix- millièmes de millimètre. Au centre est un gros noyau vésiculeux ellipsoïde contenant; quelques grosses granulations et un ou deux petits nucléoles brillants. Le prolongement périphérique de toutes ces cellules a la forme d'un bâtonnet et passe, comme nous l'avons vu pour les cônes, au milieu des cellules de recouvrement pour arriver au niveau de la surface libre (pi. XXIV, fig. A^, a; fig.S'* et fig. 9). Ce bâtonnet est en général homogène ; j'ai vu cependant que quelquefois il présentait un gonflement à son extrémité externe et, plus souvent encore, cette même extrémité ramoUie et effilée; particularités dues, sans doute, à des accidents de préparation. Dans les cloches et les caUces, la longueur du bâtonnet dépend de la position qu'occupe le corps de la cellule à laquelle il appartient (pi. XXIV, fig. 4'', S** et 9). Le prolongement central a, par suite, une longueur qui est en raison inverse de celle du bâtonnet ; il est homogène et réfringent et va, dans quelques cas, se terminer en bas par un petit renflement en mas- sue, dans lequel on voit parfois un petit espace clair, ellipsoïde, d(jn- nant l'idée d'un noyau. L'extrémité de ce petit renflement, terminée en pointe acuminée, se continue avec un long et très-fin filament variqueux, semblable aux dernières fibrilles nerveuses variqueuses. Quelquefois le prolongement central des cellules à bâtonnet porte comme un uu deux crochets destines sans doute à le fixer plus soli- 5b2 F. TODARO. dément (pi. XXIV, fig. 9, d); d'autres fois, ce prolongement se divise en deux ou trois rameaux. On voit souvent, dans les cellules à bâton- net qui occupent le fond de la cloche, que cette division a lieu dès l'origine et, au lieu d'un seul prolongement, on voit partir de l'ex- trémité inférieure du corps cellulaire deux ou trois filaments qui se dirigent en bas (pi. XXIV, lig. 9, ('). Dans ces cas, la ténuité de ces filaments empêche souvent d'avoir le prolongement entier, car il se brise. 11 devient alors impossible de voir le filament variqueux qui était en rapport avec une de ces ramifications. Ces bâtonnets à pro- longement central ramifié se rencontrent surtout dans les calices. Dans les cloches, à l'exception des bâtonnets du fond, tous les autres ont un prolongement homogène et simple. Ceci exj)lique pourquoi, dans les cloches, la dissociation permet d'obtenir plus facilement des bâtonnets pourvus d'un long filament variqueux. Ce même procédé a permis d'obtenir dans les cloches des cellules â bâtonnet dont le prolongement central se continuait avec un très-fin filament variqueux de la môme longueur que toute la cellule, qui atteignait dans ce cas \^T^ millièmes de millimètre de longueur, c'est-à-dire exactement la hauteur do la cloche gustative (pi. XXIV, fig. 9. a). Le long prolongement variqueux devait donc se trouver hors de la cloche au milieu du tissu conjonctif sous-jacent et en continuation avec une fibrille variqueuse. Pour compléter l'étude des cellules à bâtonnet, j'ai recherché si l'extrémité libre du bâtonnet portait les filaments capillaires que M. Schultze a décrits le premier dans les cellules olfactives du bro- chet, de la grenouille et de l'homme lui-môme et qui ont été signalés ensuite dans les cellules gustatives des organes caliciformes des pois- sons par F.-E. Schuize *; mais aucun procédé ne m'a permis de les découvrir dans les cellules gustatives des organes du goût des Raies et des Squales. Enfin, outre les cellules gustatives et les cellules de soutien, les cloches et les calices présentent à leur extrémité libre un anneau cir- culaire et externe formé de cellules allongées. 11. — SQUALES. Confoiiiialidii extérieure de la nuiqueuxe : jdis et papilles. — Chez les Squales, les organes du goût se trouvent sur les papilles placées ' F.-E. SciiuLZEj toc. cit. ORGANES DU GOUT DES SÉLACIENS. oo3 en série derrière l'arcade dentaire des deux mâchoires. Dans tout le reste de la cavité bucco-branchiale des Squales que j'ai pu examiner (Squathia angélus Bp., Spinax acanthias Bp., Mitstelus plef/etus Bp. et Scyllium canicula Bp.), on voit çà et là, sur la surface de la mu- queuse , des éminences formées par des corps durs et acuminés qui ne sont pas des papilles, comme on le croirait à première vue, mais appartiennent aux écailles placoïdes situées dans l'épaisseur de la muqueuse et analogues à celles de la peau. F. Leydig ' les a décrites comme des dents, et avec raison, car elles en ont non-seulement la dureté et la forme, mais aussi la structure. Derrière l'arcade dentaire de la mâchoire inférieure est une série de larges papilles aplaties qui, contiguës entre elles chez l'Ange de mer, ressemblent à un rebord gingival interne ; tandis qu'il en existe en dehors de l'arcade dentaire une deuxième rangée, qui constitue le vrai rebord gingival. Les papilles de second ordre, qui portent les organes gustatifs, ne se trouvent que sur les papilles plates de la ran- gée interne. Derrière l'arcade dentaire de la mâchoire supérieure on rencontre aussi une longue rangée de papilles qui est séparée par deux sillons profonds, l'un antérieur et l'autre postérieur, de l'arcade dentaire et du reste de la muqueuse palatine. Sur toutes ces papilles s'élèvent de nombreuses papilles secondaires qui portent les organes du goût, et ont une forme en général cylindrique avec une hauteur moyenne de 168 millièmes de millimètre. Leur extrémité supérieure porte la coupe conjonctive qui renferme la cloche du goût. Sur le bord de la coupe conjonctive s'implantent les calices, qui sont contigus à la cloche, ne formant pour ainsi dire qu'un seul corps avec elle. Les calices et le corps de la papille secondaire sont entourés d'épithélium. Structure de la muqueuse. — Cet épithélium est très-épais et forme trois couches, comme chez les Raies. La couche superficielle ou de recouvrement est formée d'une seule rangée de cellules polyédriques pourvues d'un plateau sur leur face libre et plus grandes que les cellules analogues des Raies. Leur gros noyau vésiculeux est aussi plus granuleux. La couche profonde ou de support est formée par une rangée de cellules cylindriques. La couche moyenne est formée par un amas de cellules pressées les unes contre les autres et se présentant sous deux formes : cellules épithéliales dentées et cel- 1 F. Leydio, loc. cit. su F. TODARO Iules muqueuses. Ces dernières ressemblent à celles de la muqueuse des Raies par leurs caractères et leur situation, et s'ofl'rent aussi sous les deux états de cellules muqueuses closes ou vésiculeuses et de cellules caliciformes venant s'ouvrir à la surface libre de la muqueuse. Les cellules dentées diffèrent des cellules analogues des Raies. Ce sont des globules protoplasmiques pouvus d'un noyau vcsiculeux avec un nucléole et quelques granulations. Le contour de la masse protoplasmique est denté ; on n'observe jamais aucune trace de mem- brane d'enveloppe. Au-dessous de l'épithélium de la nmqueuse qui revêt les papilles, se trouve la membrane élastique, qui s'arrête sur les papilles de second ordre, autour du rebord de la fossette ou coupe conjonctive, rebord sur lequel s'implantent les calices qui entourent et protègent la cloche. Sur le reste de la muqueuse bucco-branchiale, la mem- brane élastique manque chez ces animaux, ou s'amincit du moins, tellement qu'il est difficile de la démontrer. L'épithélium n'en conserve pas moins tous ses caractères. Au-dessous de l'épithélium, dans toute la muqueuse bucco-bran- chiale, est une couche d'écaillés placoïdes, plus ou moins grandes, qui soulèvent la muqueuse en manière de papilles miliaires. Elles ont la forme de pyramides dont la base serait fixée à la membrane propre de la muqueuse, et ne font défaut qu'au niveau de la rangée de papilles que nous avons signalée derrière les arcades dentaires. Leurs caractères morphologiques et histologiqucs sont ceux des vraies dents. Molles chez les jeunes animaux, elles s'incrustent de sels calcaires et deviennent dures chez les animaux adultes. Elles sont formées par une substance fondamentale homogène et transpa- rente, revêtue extérieurement d'une couche de petits prismes hexa- gonaux analogues à ceux de l'émail chez les animaux supérieurs. Au centre est une cavité remplie d'une pulpe molle, cavité d'où partent, en petit nombre, des canalicules qui vont se ramifier dans la sub- stance fondamentale. A la partie inférieure, un canal court fait communicpier la cavité avec l'extérieur. Je n'ai pu voir si des nerfs le traversaient pour pénétrer dans la cavité ; mais j'ai trouvé dans la pulpe une grande quantité de petites cellules avec noyau vésicu- leux, (pii pourraient représenter les cellules nerveuses terminales. Les écailles placoïdes des Squales et des Raies sont donc très-pro- bahlciuenl des organes tactiles destinés à la percei)lion des corps durs. UKGAiNES DU GOUT DES SÉLACIENS. 555 Le tissu de la membrane de la propre muqueuse est constitué par de larges faisceaux de-tissu conjonctil'librillaire, à la surface desquels sont quelques cellules ramifiées très-rares. Ces faisceaux sont de trois ordres : longitudinaux, transversaux et verticaux. Ils sont composés de fibrilles de tissu conjonctif, unies ensemble par une substance unissante qui en fait un tout d'apparence homogène. Les faisceaux verticaux arrivés en haut , vers la surface externe de la meml)rane fondamentale, se trouvent naturellement réduits en librilles qui, par leur entre-croisement, constituent une seconde couche, la couche iibrillaire ou externe , recouvrant la couche interne ou fasciculée et supportant directement les écailles placoï- des, qui lui adhèrent intimement, comme les os aux tendons. Organes du goût. — Dans les Squales, les organes du goût présentent aussi les deux formes caractéristiques de cloches et de calices. Les cloches ont leur base arrivant au niveau de la surface libre de l'épi- thélium, tandis que leur fond repose sur la coupe conjonctive que présentent toutes les papilles de second ordre des rangées papillaires situées derrière les arcades dentaires. Leur hauteur égale 72 à 06 mil- lièmes de millimètre et chacune d'elles est immédiatement entourée par les calices. Ceux-ci, hauts de 63 millièmes de millimètre, s'insè- rent par leur pédoncule au rebord de la fossette ou coupe conjonctive dans laquelle repose une cloche, et leur autre extrémité arrive au niveau de la suface libre de l'épithélium. Les calices sont si près de la cloche qu'ils entourent, qu'ils forment un seul corps avec elle et qu'il est souvent difficile de savoir où commence la cloche et où finit la limite du calice voisin. Souvent cependant, dans sa partie supérieure ou externe, la cloche est séparée des calices qui l'en- tourent par une couronne de cellules muqueuses caliciformes i)lacées entre Textrémilé libre de la cloche et les extrémités libres des calices. La structure des cloches et des caUces du goût, dans les Squales, est différente de celle de ces mêmes organes dans les Raies. Les cellules gustatives sont plus rares, les cellules de recouvrement sont formées de cellules polyédriques pourvues d'un plateau et se conti- nuant avec celles qui forment la couche externe de l'épithélium. Dans les calices, on voit très-souvent, dans le corps même du calice, des cellules muqueuses caliciformes. Dans les cloches, les cellules de soutien présentent trois formes : cellules de la base ou de support à nucléus ellipsoïde avec contenu granuleux, plongé dans un proto- plasma tinement granuleux lui aussi, et présentant une mince mem- 556 F. TOUAHO. brane (l'enveloppe. Ces cellules sont quelqnelois dentées sur le bord supérieur et inférieur, et souvent elles émettent de chacun de ces bords un ou deux proloiigements. Le prolongement qui part du bord supérieur est long et va en haut communiquer avec une autre cel- lule de soutien en formant en quelque sorte un pont entre ces deux cellules. Au milieu de ces cellules il en descend d'autres, eii quantité, plus ou moins anguleuses, et qui sont la continuation des cellules à plateau ou de recouvrement. Au milieu de ces cellules sont deux éléments importants: ries cellules gustatives à bâtonnet, dont le prolongement central se conti- nue avec le filament variqueux, et dont le bâtonnet est plus grand que dans les cellules à bâtonnet des Raies ; 2" on trouve, au milieu des cloches, divers groupes de longues cellules cylindriques qui pré- sentent une paroi, un contenu finement granuleux et un gros noyau vésiculeux contenant de grosses granulations, qui est placé dans la partie inférieure de la cellule. Ces cellules cylindriques, hautes de 27 millièmes de millimètre et larges de 3 millièmes de millimètre, portent à leur extrémité inférieure un prolongement homogène qui ne tarde pas à s'unir au fin prolongement d'une ou de deux autres cellules de la môme espèce, pour former] ensemble un long prolongement qui va s'implanter en bas sur la paroi de la coupe conjonctive. A leur extrémité supérieure elles présentent une large ouverture qui s'ouvre sur la surface libre de l'épithélium. Ces cel- lules semblent suppléera l'absence des cellules en coupe des Raies; elles forment en général des groupes de deux ou trois cellules sus- pendues à un prolongement commun (pi. XXIV, fig. 8 et 10). » III. — CHIMÈRES. Leur langue rudimcntaire et la muqueuse de la voûte palatine présentent de nombreuses papilles. Sur celles de la langue, Todaro a vu les organes du goût sans pouvoir les étudier, vu l'absence d'animaux frais. Fonctions des organes caliciformes, des cloches et des calices. — En 1868, Leydig, dans un mémoire sur les organes caliciformes de la muqueuse buccale et de la peau de la tête chez les Sauriens et les Ophidiens, prétendit que les cellules contenues dans ces organes n'ont aucun rapport avec les fibres nerveuses, (pii se terminent, au contraire, eu un amas ganulionnaire terminal (?) situé au-dessous ORGANES DU GOUT DES SÉLACIENS. 537 du calice, et qu'il appelle massue terminale (Endkolben). Le calice ne serait, pour lui, qu'un organe glandulaire situé au-dessus du corpus- cule, qu'il regarde comme tactile. Mais il abandonna bientôt cette hypothèse, et, loin de revenir à l'opinion généralement reçue que c'est là un organe gustatif, il en fit l'organe d'un sixième sens, dans lequel il faisait rentrer les organes caliciformes de la ligne latérale des Poissons osseux et les tubes sensitifs des Plagiostomes. Ces conclusions n'ont pas été acceptées, et F.-E. Schulze montra que les organes de la ligne latérale sont bien réellement des organes de tact destinés à recueillir certaines sensations tactiles particulières, et notamment les mouvements de l'eau. Or les organes que nous venons d'étudier et de décrire comme des organes du goût ont-ils vraiment cette fonction, ou sont-ils des organes du toucher? Si nous nous fondons seulement sur les formes particulières des éléments spéciaux des sens , nous voyons que la forme en bâtonnet de ces éléments correspond à un des sens spé- ciaux (odorat, ouïe, vue. goût), [et la forme en cône au sens plus général du toucher. Or, il y a des organes des sens simples, c'est- à-dire ne renfermant qu'un de ces éléments : par exemple, la pitui- taire ne renferme que des bâtonnets ; la ligne latérale des Poissons et les tubes sensitifs des Plagiostomes ne renferment que des cônes. Nous avons, dans le premier cas, l'organe simple de l'odorat ; dans le second, l'organe simple du toucher. Mais il y a des organes mixtes, dans lesquels se rencontrent les deux éléments : l'organe de la vue, par exemple. M. Schultze a avancé, on le sait, que les cônes servent à la perception des couleurs et les bâtonnets à accommoder l'in- tensité de la sensation lumineuse. On pourrait dire, d'après Todaro, que les cônes perçoivent l'impression tactile des différents éléments de la lumière, tandis que les bâtonnets remplissent le rôle prin- cipal delà fonction visuelle, qui est dérégler l'intensité de la lumière. Or, dans la cavité bucco-branchiale des Sélaciens, les organes du goût se présentent sous les deux formes caractéristiques : les clo- ches, qui ne renferment que des bâtonnets, et qui sont des organes du goût simples, ne donnant que la sensation gustative; et les calices, où sont mêlés les bâtonnets et les cônes, et qu'on peut consi- dérer comme des organes mixtes, avertissant par leurs cônes du contact des corps sapides, et donnant par leurs bâtonnets la sensa- tion gustative. On voit de quelle importance sont ces conclusions pour la physiologie générale. 358" F. TODARO. EXPLICATION DE LA PLANCHE XXIV. FiG. 1. Coupe transversale d'une papille cylindrique du Trijgon paslinaca; vue d'une moitié : 1» couche cpithéliale; 2" membrane élastique; 3» couche conjonctive nucléaire; 4» couche fasciculée; 5» tissu muqueux qui forme le cordon axile. — a, troncs nerveux coupés transveisalement; b, calices gustatil's; c, cloclies gustatives; d, glande avec ses cellules glandulaires et son coiuluit excréteur. Préparé dans le liquide de Millier et coloré au picro-carminate d'ammoniaque. Grossissement, 160. FiG. 2. Une des glandes qui se trouvent au milieu de l'épiLhélium des papilles cylindriques du Trygon paslinaca, avec ses cellules glandulaires et son conduit excréteur. Liquide de Mûller. Grossissement, 4O0. Ftg. 3 (demi-schématique). Papille secondaire appartenant à une papille cylin- drique du Trygon pastinaca, et portant sur son sommet mousse un calice gustatif. On voit pénétrer dans son inférieur quatre fibres nerveuses médullaires, qui, après avoir perdu leur gaîne médullaire, se divisent en fibrilles variqueuses et vont rejoin- dre le prolongement central des cellules à bâtonnet et des cellules à cône. Acide osmique au quatre-centième. Grossissement, 520. Fig. 43. Surface externe du calice vue de fa e. — a, cellules de recouvrement ou en coupe; b, cellules pariétales: c, cellules de support. Liquide de Millier et picro- carminate. Grossissement, 400. Fig. 4''. Surface interne du calice vue de face. — a, cellules à bâtonnet; b, cellules à cône; c, cellules de support laissées en place. Grossissement, 400. Fig. 5». Surface externe d'une cloche du goût vue de face. — a, cellules de recou- vrement; b, cellules de la couche moyenne; c, cellules de support. Grossissement, 400. Fig. 5''. Surface interne d'une cloche vue de face.— a, cellules de recouvrement; b, cellules à bâtonnet; c, cellules de support. Grossissement, 400. Fig. 6, Cellules en coupe d'un calice isolées dans le liquide de Millier et mises dans la glycérine. Grossissement, 430. Fig. 7. Deux cellules caliciformes de la muqueuse bucco-branchiale de la Raie bouclée. lodsérum. Grossissement, 320. Fig. 8 (demi-schématique). Représente la structure de la cloche du goût du Squa- tina ange'.us, où on remarque surtout trois cellules à bâtonnet et deux groupes de cellules cylindriques avec l'ouverture en calice à l'extrémité externe; en outre les cellules de recouvrement pourvues de plateau, les cellules de la couche moyenne et les cellules de support. Liquide de Mûller. Grossissement, 600. Fig. 9. Cellules gustaiives isolées préparées dans le fujuide de Millier. — a, b, C, d, e, f, cellules à bâtonnet; g, cellules à cône. Grossissement, 750. Fig. 10. Une cellule cylindrique détachée d'un des groupes cités plus haut. Liquide de Millier. Grossissement, 750. OBSERVATIONS SUR LE PROSTOMUM LINEARE (ŒRSTED) SYN. : GYR.iTOR lirRYiAPlIRODITUSi (EhrenbeBg) DEROSTOMV^I yOTOPS? CDrcÈs) PAR p. IIALLEZ, Préparateur au laboratoire de zoologie de la Faculté des sciences de Lille. En poursuivant les recherches que m'avait conseillé de faire mon savant et excellent maître M. le professeur Giard sur Tembryogénie si peu étudiée, mais aussi si difficile des Turbellariés, J'ai eu occasion d'examiner un grand nombre de Prostomum Uneare et d'observer quel- ques détails anatomiques qui, à ma connaissance du moins, n'ont pas encore été signalés. Comme, d'un autre côté, les mémoires qui ont été publiés sur ce sujet sont tous écrits en allemand et ne concordent d'ailleurs pas sur plusieurs points importants, j'examinerai avec soin chacun des organes de ce petit animal, reprenant les travaux qui ont déjà été faits, et je chercherai à en faire une étude aussi complète que possible. Aperçu historique. — Le genre Prostomum fut établi en 1828 par Dugès, qui désignait sous ce nom de véritables Némertiens. Le natu- raliste de Montpellier a dû certainement voir le Prostomum Uneare, si commun dans les eaux douces ; mais ses descriptions, principalement basées sur les formes extérieures, sont trop incomplètes et ses figures trop insuffisantes pour qu'il soit possible aujourd'hui de retrouver avec certitude la plupart des "espèces qu'il a créées. Toutefois la description qu'il donne de son Derostomwn mUops se rapporte assez bien à l'animal dont nous nous occupons. L'insuffisance des descriptions de Dugès força Ehrenberg, en 1835, à créer un nom nouveau, celui de Gyrator hermaphroditus, nom qui fut changé par OErsted (1844) en celui de Prostomum Uneare. ' Oscar Schmidt, en 1848, donne de ce Rhabdocœle une tigure dans laquelle les principaux organes sont indiqués : les vaisseaux aquifères, S6Ô P. HALLEZ. Tovaire, le testicule ; mais il ne voit pas la connexion de cet organe avec la vésicule séminale, qu'il nomme bwsa spermatica ; il rapporte en même temps celle-ci à l'appareil femelle et la fait comuniquer avec la vessie à venin, dont il a vu le contenu rejeté par le stimulus^ qu'il considère pour cette [raison comme un simple organe de défense. Le receptaculwn seminis est également représenté, mais l'auteur reste incertain sur sa véritable signification. Dans les différents chapitres de ses BeHrlige zur Naturg. der Tur- hellarien, publiés en 1851, Max Schultze nous donne des détails inté- ressants sur l'histologie du Prostoinnm lineare, détails sur lesquels j'aurai occasion de revenir plus loin. En 1838, Oscar Schmidt décrit une nouvelle espèce des environs de Gracovie, le Prosfounn» fiiriosio», qui se distingue du Prostomum lineare par la forme générale du corps, qui est plus long, plus svelte ; par ses canaux excréteurs (Wassergefiisse), qui ne sont pas transpa- rents, mais plus ou moins cachés par l'intestin, et ordinairement entourés par une masse irrégulière de granulations réfractant forte- ment la lumière ; et par l'absence du receptaculum seminis, qui saute aux yeux dans le Prostomum lineare. Dans cette espèce, Oscar Schmidt reconnaît que la vésicule séminale ne s'ouvre pas dans la poche à venin, mais bien dans l'aiguillon môme, à côté de celle-ci ; de plus, il constate l'existence d'un conduit venant s'ouvrir à la partie supé- rieure de la vésicule. Cette disposition anatomique lui fait considérer la bursa spermatica comme une vésicule séminale et le rallie à l'opi- nion d'Ehrenberg, d'OErsted et de M. Schultze, qui voyaient dans l'aiguillon un organe copulateur. Jusque-là tous les naturalistes avaient cru, d'après les descriptions d'Ehrenberg, d'Oscar Schmidt, de M. Schultze, que le Prostomum lineare était un parlait hermaphrodite, quand, en 18G3, Metschnikoff annonça que cet animal montrait, comme il le dit lui-môme, à un moindre degré, la môme apparition d'hermaphrodisme naissant que Claparède avait observée chez le Convoluta; que tous les individus présentaient toujours un arrôt de développement soit du sexe mâle, soit du sexe femelle, et que, par conséquent, les auteurs qui avaient figuré avant lui les organes génitaux de cet animal avaient fait leurs dessins d'après des observations relevées sur plusieurs exemplaires, mâles et femelles. Je puis affirmer de mon côté que le Prostomum linéaire des envi- rons de Lille est complètement hermaphrodite, car j'ai vu tous mes SUR LE PROSTOMUM LINEÂRE. 561 exemplaires ayant un testicule et une vésicule séminale bourrés de spermatozoïdes, pourvus en même temps [d'une capsule ovigère complètement formée. Je crois donc que l'espèce observée par le savant russe est une forme nouvelle, qui nous montre une fois de plus combien peu im- portant est le caractère de la monœcie et de la diœcie ', puisque les espèces les plus voisines peuvent présenter l'un ou l'autre de ces caractères , suivant les conditions de milieu dans lesquelles elles sont obligées de vivre. Forme générale. — Le Prostomum Uneare est long d'environ 2 mil- limètres, et sa largeur, dans la partie moyenne du corps, n'est guère plus d'un sixième de la longueur. Examiné à la loupe, dans la lumière réfléchie, il est d'un très-joli blanc bleuâtre, transparent, avec la partie centrale, correspondant aux principaux organes, opaque et blanc jaunâtre ; enfin les contours éclairés apparaissent comme des filets d'un blanc d'argent, brillant, du plus bel effet. Le corps est cylindrique, légèrement obtus à ses deux extrémités. Les points oculiformes sont situés assez loin de l'extrémité antérieure, vers le premier quart environ de la longueur totale. La portion qui se trouve en avant de ces points est plus grêle que tout le reste du corps, et elle est constamment portée en tous sens par l'animal, qui s'en sert à la manière d'un tentacule pour se guider dans sa marche et reconnaître la présence des animaux dont il veut faire sa proie. C'est là bien évidemment que le tact est plus spécialement localisé, et c'est par conséquent à cette portion de l'enveloppe générale du corps qu'il convient d'appliquer le nom de Tastorgan donné par Ulianin 2, non à cette partie, mais à l'organe qu'elle revêt, la trompe, et qui est, ainsi que je le montrerai plus loin, un organe de préhension. 1 Dans uu travail très-intéressant publié récemment dans les Annales des sciences naturelles (1873), M. A.-F. Marion, de Marseille, a insisté sur le pou d'importance des caractères tirés de la monœcie et de la diœcie. Il a cité de nombreux exemples d'hermaphrodites dans des classes d'êtres unisexués. (Voir Marion, Recherches sur les animaux inférieurs du golfe de Marseille, Description d'une Borlasie hermaphro- dite, p. 6 et suiv.) J'ai moi-même observé un cas intéressant d'hermaphrodisme chez un Merlan. Enfin je rappellerai encore les recherches de M. le professeur Giard sur les Synascidies, d'où il résulte que chez ces animaux les glandes génitales mâles et femelles fonctionnent tantôt simultanément, tantôt successivement, la glande mâle d'abordjla glande femelle beaucoup plus tard. 2 Die Tarbi'llarien der Buchf von Sebastopol {Berichte des Vereins der Freunde der ^'aturwissenschaft zu Moskau, 1870; Archiv fiir Naturg., 1871, p. 457). ARCII. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — T. II. 1873, 36 S62 !'• HALLEZ. La partie dorsale et postérieure correspondant au receptaculum se- ininis et à l'orifice génital femelle est légèrement bombée, tandis que l'extrémité caudale, qui se termine par l'ouverture donnant pas- sage à l'aiguillon et aux produits de l'organe mâle, se recourbe en dessous, vers la face ventrale, en s'amincissant graduellement. L'ou- verture buccale est placée, comme toujours, à la face ventrale, vers le milieu du corps, mais plutôt en avant qu'en arrière. Telle est la forme générale du Prostomuin linearc lorsqu'il nage tranquillement au milieu des conferves ; mais cette forme est très- variable par suite de l'extrême contractilité dont jouit tout son corps, contractilité qui est telle qu'il peut parfois s'allonger au point de devenir filiforme, ou bien se pelotonner et prendre l'apparence sphé- rique, lorsqu'il va, par exemple, se heurter inconsidérément contre un obstacle ou lorsqu'on l'irrite avec la pointe d'une aiguille. Téguments. — Les téguments du Prnstomum Uneare ont été étudiés avec soin par Max Scbultze; aussi n'aurai-je que peu de chose ;\ ajouter aux observations de cet habile investigateur. Lia couche la plus extérieure est un épithélium ciliairc qui revêt entièrement la surface du corps, et qui est formée, d'après le savant professeur de Greifswald^, par une substance fondamentale finement grenue {feinkomige Grundsubstanz), renfermant un grand nombre de cavités remplies d'eau claire [wasserklave Raume), qui rappel- lent entièrement les vacuoles observées pour la première fois par Dujardin dans le parenchyme des Infusoires et de l'Hydre. Yoilà ce que l'on voit en soumettant l'animal à une pression modérée sous un couvre-objet. Au bout d'un temps un peu plus long, dit toujours M. Scbultze, l'eau fait apparaître sur la peau d'un animal exposé ;\ une pression suffisamment forte des cavités claires qui peu à peu, par inibibilion à la circonférence, s'élèvent à la superficie, pendant que la substance fondamentale est refoulée sur elle-même et que les cils sont repoussés sur les côtés ; elles deviennent de plus en plus pâles, et crèvent enfin pour disparaître entièrement tout d'un coup. M. Schultze a bien observé la seconde partie de ce phénomène, mais la première lui a échappé. Eneflet, si l'on soumet un Prostomum linearc à une pression pas trop exagérée, et si on l'examine de suite à un grossissement de «luatrc cents diamètres environ, on peut faci- > l.oc. cil., ]!, K cl 9. ■ ■ SUR LE PROSTOMUM LINEARE. S63 lement se convaincre que la couche cpithéliale est homogène, gra- nuleuse, mais ne contient aucune vésicule aqueuse, aucune vacuole. 11 faut un certain temps, et surtout il faut que la pression atteigne un certain degré d'intensité pour voir apparaître ces espaces clairs, qui ne sont autre chose que des gouttelettes provenant des liquides de l'intérieur du corps, gouttelettes qui, se trouvant comprimées, tendent à s'échapper latéralement, filtrent à travers la couche musculaire résistante et serrée (ce qui explique leur limpidité), pénétrent dans la couche épithéliale, dont elles soulèvent peu à peu la surface, la disjoignent bientôt, la crèvent enfin, et se mxêlent alors au liquide ambiant, après s'être quelquefois grossies par leur fusion avec d'au- tres gouttelettes voisines. Ces ivasserklare Baume n'ont donc, en définitive, aucune impor- tance, puisqu'ils ne sont que le résultat d'un état pathologique dû aux conditions de l'observation. Cette remarque n'infirme d'ailleurs nullement l'opinion de M. Schultze, qui considère l'épithélium des Turbellariés comme formé de cellules plus ou moins complètement liquéfiées. Je partage, pour ma part, d'autant plus volontiers cette idée, que j'ai eu l'occasion devoir de jeunes embryons àe Proslomum lineare chez lesquels la nature cellulaire de cette couche n'était pas douteuse. L'épithélium est partout couvert de grands cils vibra- tiles, qui sont fins, serrés et tous d'égale longueur. J'ai observé un grand nombre d'individus dont la surface épithé- liale était constellée d'une infinité de petits pores en forme d'enton- noir. Je ne sais pas encore d'une manière certaine quelle est la signification de '^ ces pores; toutefois j'ai pu constater que leur absence chez certains individus n'était qu'apparente, et tenait unique- ment à ce que ces pores étaient contractés au moment de l'obser- vation. En effet, sur plusieurs exemplaires que je conservais isolés dans des petits tubes pour étudier la formation et les premiers déve- loppements de l'œuf, j'ai pu rn'assurer que les pores étaient tantôt visibles et tantôt ne l'étaient pas. Je suppose qu'ils sont les orifices des petits amas glanduliformes de granulations réfringentes qui se trouvent en dessous de l'épithélium, et que j'avais d'abord considé- rés comme correspondant au pigment des espèces colorées, mais qui pourraient bien être les homologues des glandes à glaires {Spinn- dri'isen) observées [par A. Schneider* chez le Mesostomwa Ehreabergii -•■.'- r 1 Untersitchitngen uher Platliebninlhcn, G'iesaon, IH13. ' ' 564 P. HALLEZ. et le Mesostomum tetragonian. Toutefois ces glandes devraient ici remplir une autre fonction, car je n'ai jamais remarqué que le Pro- stomum lïneaj'e tendît des fils à la façon de ces Mésostomiens. Au-dessous de Fépithélium ciliaire et des amas granuleux en forme de glandes dont il vient d"ètre question, se trouve une double en- veloppe musculaire, citée par M. Schultze, et composée d'une cou- che externe de fibres longitudinales et d'une interne de fibres annu- laires. L'acide nitrique convenablement étendu met ces fibres en parfaite évidence ; c'est le réactif qui donne les meilleurs résultats, chez ces animaux, non-seulement pour étudier la disposition des muscles, mais encore pour bien voir la plupart des organes et sur- tout pour se rendre compte de leur structure. Système nerveux. — Le système nerveux central (pi. XX, flg. 3 et 4) atteint une longueur d'environ 214 [j.; il peut être considéré comme formé par deux ganglions qui se seraient soudés sur la ligne médiane : il présente, en effet, sur cette ligne une légère échancrure en avant et en arrière. A part de légères irrégularités, il peut être représenté schématiquement par un carré des quatre angles duquel partent quatre rameaux nerveux, dont deux se dirigent en avant et deux vont en arrière. Les deux nerfs antérieurs passent contre les points oculiformes, puis continuent leur route en avant; j'ai pu les suivre jusques un peu au delà de la base de la trompe. Quant aux nerfs pos- térieurs, ils descendent de chaque côté du corps, et on peut les suivre jusque vers la hauteur du pharynx. J'ai vu avec la plus grande netteté (pi. XX, fig. 4) les cellules propres granuleuses, déjà figurées par M. Schultze ', et considérées par lui comme recouvrant seulement la masse nerveuse, mais ne la constituant pas. J"ai observé, de plus, que plusieurs de ces lépocj'- todes (a) présentaient un ou deux prolongements, et avaient ainsi tout à fait l'apparence des cellules unipolaires ou bipolaires. J'avoue que jamais je ne suis parvenu, même avec les grossissements les plus considérables (objectif 9 d'Hartnack et immersion) à retrouver les éléments cellulaires fusiformes de la masse nerveuse, éléments que M. Schultze a dessinés avec une grande netteté, mais, je pense, un peu ti'op schématiquement. J'ai fait usage, ])our étudier le système nerveux, de plusieurs réac- ' Deitriige, \>\. I, (ig-, 27. SUR LE PROSTOMUM LINEARE. b65 tifs; mais celui qui m'a donné les meilleurs résultats est encore l'acide azotique. L'acide osmique ne m'a été d'aucun secours. Organes des sens. — 11 existe, en arrière de la trompe, et sous l'épi- thélium, deux taches oculiformes. Elles sont placées contre les filets nerveux antérieurs, sans qu'il soit possible de dire si elles sont en rapport avec eux. En les écrasant, on reconnaît qu'elles sont unique- ment formées de grains pigmentaires noirs, réfringents, agglomérés, mais nun réunis dans une membrane d'enveloppe. Ces points ocu- liformes sont dépourvus de corps lenticulaires réfractant la lumière ; aussi l'animal paraît-il aveugle. Les vésicules à otolithes font également défaut, de sorte que le Prosto- mum lineare n'a, pour se mettre en rapport avec le monde qui l'entoure, que le sens du tact. Cette faculté atteint d'ailleurs chez lui un haut degré de perfection, ainsi que cela arrive généralement chez les êtres privés du sens de la vue. La sensibilité tactile est, comme je Tai déjà dit, principalement localisée dans la partie antérieure du corps, par- tie qui est innervée par les deux gros rameaux nerveux antérieurs, et elle est assez développée pour que l'animal puisse reconnaître à une petite distance, et sans qu'il y ait eu contact immédiat^, la pré- sence du Cyclope dont il veut faire sa proie. Trompe. — Cet organe, dont la fonction fut si longtemps une énigme pour les naturalistes, est généralement considéré aujour- d'hui connue une première ébauche de la trompe des Némertiens. Schématiquement on peut la regarder comme un cône creux, légè- rement tronqué à son sommet. Elle a la forme d'un tourillon qui s'amincit graduellement en avant et se renfle au contraire en arrière, où il se termine par une surface convexe un peu en avant des points oculiformes. Elle est recouverte extérieurement par un épithélium sans structure apparente, mince dans la seconde moitié, très-déve- loppé au contraire dans la moitié antérieure, oii il forme un très-grand nombre de papilles qui deviennent plus fines et plus serrées à mesure qu'elles se rapprochent de l'extrémité libre. Sous cet épithléium se trouve une couche musculaire à fibres longitudinales externes et à fibres annulaires internes. Cette couche, à l'inverse de la précédente, présente un développement très-considérable à la partie postérieure et s'atténue un peu dans la région papillaire. Enfin, au-dessous de l'enveloppe musculaire, il paraît y avoir une couche cellulaire de nature épithéliale. 5GG P. HALLEZ. La trompe esl renfermée dans une gaine formée par un repli de l'épithélium tégumcntaire modifié. J'ai observé chez plusieurs individus, en arrière du ganglion nerveux, deux grosses cellules glandulaires à noyau dont les conduits excréteurs passent sous le centre nerveux en se dirigeant en avant ; je suppose qu'ils vont aboutir à la base de la trompe; mais, comme je n'ai pu voir leur point d'insertion, je ne les ai pas indiqués dans mon dessin. Le système musculaire de la trompe est extrêmement intéressant à étudier, et c'est encore en recourant au merveilleux acide azotique que j'ai pu le mettre en parfaite évidence (voir pi. XX, fig. 7). Une première catégorie de muscles sont ceux que j'ai représentés en m' : ils sont au nombre de quatre, courts, horizontaux ou obli- ques, suivant la position de la trompe par rapport aux téguments, et semblent servir surtout à maintenir en place l'organe sur lequel ils s'insèrent. Mais les plus importants sont les muscles rétracteurs, que j'ai désignés par la lettre m ; ils traversent la cavité générale, vont s'insérer à la partie postérieure et ventrale du corps, et, tout en don- nant à la trompe une grande force de résistance, ils tendent en se contractant (et c'est ici leur rôle principal), à rapprocher l'extré- mité caudale de l'extrémité céphalique. Il existe encore d'autres muscles longitudinaux, qui, bien que ne s'insérant pas sur la trompe, doivent néanmoins être indiqués ici, car ils concourent également à l'acte de la préhension. Je ne les ai point représentés dans mon des- sin, afin de ne pas trop le surcharger. Ils s'insèrent, d'une part, aux téguments, dans les points que j'ai marqués d'un p, et, d'autre part, vers la région moyenne du corps. En se contractant, ces muscles entraînent les i)oints du tégument où ils s'insèrent, et produisent une double et souvent même une tri|)le invagination de la jjortion céphalique, (pii peut ainsi rentrer en elle-même à peu près à la ma- nière des différentes pièces de la lunette astronomique. Ce méca- nisme a évidemment pour résultat de découvrir la trompe. On a donc dit à tort que cet organe pouvait être lancé au dehors ; il reste immobile; mais les téguments, se rejetant en arrière, le laissent à nu : le résultat est le même, mais le mécanisme est différent. Connais- sant cette disposition anatomifpie, il est facile de conq^rendre comment se fait la préhension; en effet, en même temps que les muscles du Ta^torgan se contractent pour découvrir la trompe, les muscles rétracleurs de celle-ci se contractent aussi et rapprochent brusque- ment l'extrémité caudale, armée d'un aiguillon meurtrier, de la SUR LE PROSTOMUM LINEARE. o«7 trompe, dont les papilles en brosse s'accrochent aux 'petits Enlo- mostracés. C'est, en efTet, ce que j'ai pu observer; ayant placé sur le porte-objet de mon microscope quelques Prostomum avec des Gyclopes, j'ai vu que, lorsqu'ils viennent à se rencontrer, le Prostomum accro- chait lestement les papilles de sa trompe à sa victime, se courbait en arc en môme temps et la perçait à plusieurs reprises de son stylet. Le venin que le Prostomum /me«re inocule ainsi est extrêmement actif, car le Cyclope tombe immédiatement comme foudroyé. Alors notre Rhabdocœle applique son pharynx musculeux contre la face ventrale, au niveau des pattes antérieures, c'est-à-dire au point le moins résis- tant de la carapace, et dévore à son aise sa victime, dont il ne laisse que le squelette chitineux. Appareil digestif. — La bouche communique avec un pharynx musculeux qui, comme la trompe, est renfermé dans une gaine for- mée par un repli de l'épithélium tégumentaire. Ce pharynx est à peu près sphérique et présente deux ouvertures opposées fermées chacune par un'sphincter. Sa structure histologique est à peu près la même que celle de la trompe, sauf les papilles ; mais la couche musculaire est beaucoup plus épaisse et extrêmement puissante. Ce pharynx fonctionne tuut à fait à la manière d'une pompe aspirante et foulante. Le sphincter œs(jphagien étant fermé et le sphincter buccal ouvert, le pharynx se dilate ; il en résulte une aspiration qui fait affluer dans son intérieur les éléments solides et liquides du corps de l'anima^ dont le Prostomum se nourrit ; puis le sphincter buccal se ferme, celui du côté opposé se dilate, en même temps le pharynx se contracte, et les matières nutritives sont foulées dans l'œsophage. Tel est le jeu de cet organe. Il existe autour de l'œsophage, tuut à fait à la base du pharynx, un certain nombre de petites cellules glandulaires à noyau (pi. XX, . tig. 5, (jl) semblables à celles qui ont déjà été observées, particulière- ment par M. Schultze, chez plusieurs Rhabdocœles, mais qui, à ma connaissance, n'ont pas encore été signalées dans \e ^Qnve Prostomum. Ces glandes ne sont pas toujours bien visibles; niais, en les traitant par l'acide nitrique ou par l'acide acétique, on œagule leur contenu, et, rendues ainsi opaques, elles sont faciles à observer. C'est en les soumettant à ces réactifs que j'ai pu ni'assurer que leurs éléments sont pourvus d'un noyau et d'un nucléole. - L'œsophage est court et se continue avec le sac intestinal, qui m'a 568 P. IIALLEZ. paru avoir une paroi propre, contrairement à ce qui a été observé par quelques naturalistes , et particulièrement par Ulianin \ chez plusieurs Rhabdocœles. Cette question de l'existence un de la non-existence d'une vérilable cavité digestive et d'une cavité générale du corps est trop importante et trop controversée pour que j'ose rien aflirmer sur ce sujet avant d'avoir étudié, avec plus de soin que je n'ai pu le faire jusqu'à pré- sent, l'embryogénie de ces animaux. Toutefois j'incline fortement h penser qu'au moins pour l'espèce dont il est ici question, laquelle du reste semble s'écarter un peu des autres Rhabdocœles pour se dif- férencier dans le sens des Némertiens, j'incline, dis-je, fortement à penser qu'il existe un intestin à paroi propre et une cavité générale comprise entre les téguments d'une part et les parois de l'intestin de l'autre, ainsi que l'admet Knappert pour les Planariés *. L'intestin renferme dans son intérieur un grand nombre de cel- lules flottantes, à contenu limpide comme de l'eau et présentant à leur intérieur un et quelquefois plusieurs petits noyaux réfringents. Ces cellules sécrétantes ont déjà été observées dans la plupart des Turbellariés. On les voit ici à divers degrés de développement ; le plus souvent elles sont sphériques; mais (pielquefois aussi, pressées les unes contre les autres, elles deviennent polyédriques. Il est pro- bable qu'elles résultent d'une desquamation de l'épithélium intestinal, et qu'elles doivent, en se liquétiant, donner naissance au suc néces- saire pour la digestion. L'intestin, dans les jeunes embryons, remplit presque toute la ca- vité du corps ; mais, au fur et à mesure que les organes de la repro- duction se développent, il est rejeté vers la partie dorsale et légère- ment à droite, l'animal étant supposé dans sa position normale, c'est-à-dire la tète en avant et la Ixtuche en bas. Appareil vu-cnhtli»'n>. — La présence d'un organe spécial propre à mettre en moincnieiil le liquide nourricier (pii baigne toute la cavité générale du cor[)s n"a pas encore été signalée chez les Rhabdocœles. 11 existe poiu'lani chez le Prostomum lincare une vésicule, ou plutôt nu luhe pidsalih'. (pii, je crois, ne peut i)as avoir d'autre fonction. C'est uu tube Iraiispareiit, rciillé en son niilien, |)i'ésenlant à peu près 1 Loc. cit. 2 Knapi'eut, B. liijdrar/en lui de cutwikkdings gcschiedenis dcr zoelwaler Plana- rien. UlrccUl, 18Go. SUR LE PROSTOMUM LINEARE. 569 la forme de deux cônes réunis par leur base, et qui mesure 5 centièmes de millimètre en longueur sur i et demi en largeur. Il est placé contre le testicule, un peu en avant du pharynx, et dans une direc- tion transversale, autant que j'ai pu en juger; car, lorsqu'on examine ces animaux sous un couvre-objet et à un fort grossissement, il est sou- vent bien difticile de se rendre compte de la position exacte d'un organe, par suite des contractions multipliées dont leur corps est le siège. Cet organe n'est pas un des plus faciles à observer, et, malgré tous les soins que j'ai apportés à son étude, je ne suis arrivé à le bien voir que sur une dizaine d'individus. En effet, il est aussi transpa- rent que le liquide qu'il met en nKjuvement, et si, par suite d'une malechance qui n'arrive que trop souvent, il vient à être couvert par un autre organe, il devient tout à fait invisible. Toutefois, dans une dizaine de préparations heureuses, j'ai pu m'assurcr qu'il était complètement indépendant de l'appareil excréteur et que par consé- quent on devait le considérer comme la première ébauche de l'ap- pareil circulatoire des Némertes. J'ai cherché en vain s'il connnuni- quait avec une série de canaux ; je n'ai rien trouvé qui ressemblât à un système vasculaire. Si l'organe est difficile à vuir, ses mouvements sont encore plus difficiles à observer, à cause de leur rareté; mais, lorsqu'ils se pro- duisent, ils sont extrêmement nets. Ce sont ces contractions qui m'ont fait découvrir le cœur. Elles consistent en mouvements péri- staltiques, se propageant alternativement de gauche à druite et de droite à gauche. On voit d'abord le tube se resserrer à l'une de ses extrémités, comme si sa paroi était formée de fibres circulaires; cette contraction s'étend de proche en proche aux fibres voisines, et le mouvement gagne l'autre extrémité, pour recommencer en sens inverse, et ainsi de suite. Appareil excréteur. — Les canaux excréteurs, que les Allemands désignent sous le nom de WassergefdsssijsfeNi, sont très-apparents et ont été vus par tous les naturalistes qui ont examiné ce Frostomurn, et particulièrement par 0. Schmidt, qui l'a figuré d'une manière générale en 1848. ils sont transparents, ce qui, d'après ce savant, est un caractère spécifique qui distingue'le Prostomum lineare An P rostomum fnriosum, chez lequel ils sont entourés d'une masse irrégulière de granula- tions réfractant fortement la lumière. Ils se composent, de chaque u70 P. HALLEZ. côté, (le deux larges troncs, égaux en diamètre, plus ou moins tor- tillés, ne s'écarlant que peu l'un de l'autre, et souvent même paral- lèles. En suivant ces canaux vers l'extrémité postérieure de l'animal, on voit que l'un d'eux s'amincit graduellement, et ne tarde pas à disparaître complètement en donnant naissance à un grand nombre de ramifications de plus en plus déliées, tandis que l'autre conserve toujours le même calibre jusqu'à l'extrémité caudale, où il fait un coude, se dirige en avant et en dedans, et va se terminer un peu plus loin en un cul-de-sac légèrement renllé. En avant, dans la région céphalique (pi. XX, fig. 2, p), les deux troncs principaux se réunissent en un canal court et d'un diamètre égal à celui des troncs dont il est le prolongement, canal qui s'ouvre au deiiors par une ouverture latérale. 11 est à remarquer qu'une seule de ces branches principales donne naissance à des rameaux qui se subdivisent à leur tour en ramilles de plus en plus grêles et qui se distribuent dans tout le corps de l'animal ; cette branche (pi. XX, fig. 2, c, e) est celle qui se termine en se bifurquant plusieurs fois. L'autre, au contraire (pi. XX, fig. 2, c), n'émet qu'un très-petit nombre de rameaux peu impoî'tants, de sorte que l'on doit plutôt la considérer comme un cœcuni où s'accunudent les produits sécrétés, et voir dans le tronc ramifié la partie de l'organe plus spécialement char- gée d'aller puiser dans l'organisme les éléments devenus inutiles et même nuisibles à l'économie. Les canaux excréteurs ont une paroi pi'oijre, mince, transparente et sans structure appréciable. Ces parois soûl privées de la })ropriétc de se contracter ; du moins je n'ai jamais pu observer la moindre contraction dans aucune de leurs parties, et il n'existe sur leur surface interne aucun cil vibratile, de sorte que l'expulsion du liquide qu'elles renferment ne peut se faire (pie par les contractions générales du corj)s, contractions (pii sont d'ailleurs extrêmement vives, frécpienles et étendues. Les deux ouvertures latérales (pi. XX, fig. 2, o, o) par lesquelles les produits d'excrétion sont rejetés au dehors sont assez difficiles à ajiei'cevoir, car elles ne sont pas toujours béantes, mais peuvent se resseri'er ou se dilater selon les besoins de l'animal. Quant au prciduit contenu dans cet a])pareil, c'est \\v. liquide claii- et transpart^nl. dans lequel je n'ai jamais trouvé de concrétions, et ayant tout à fait rapi)arence de l'eau; ce (jui justifie jusipi'à nu certain point le nom allemand de \V(tfsi'/'f/t'f(hs. SUR LE PROSTOMUM LINEARE. 57| Appareil à venin. — Quoique très-développé et occupant un volume considérable dans le corps de Tanimal, cet appareil n'est encore qu'imparfaitement connu. 11 se compose d'une glande en grappe volumineuse et d'un réser- voir à paroi épaisse communiquant avec un organe très-compliqué, l'aiguillon. Tour à tour considéré comme une vésicule séminale, parce qu'on avait cru y voir aboutir le canal déférent du testicule, ou comme la glande à venin elle-même {Giftdrïisen), le réservoir est connu depuis longtemps ; mais sa véritable nature ne paraît avoir été bien déterminée que par 0. Schmidt, qui le désigne sous le nom de réservoir à venin {Giftbchlilter), sans rien dire toulef(jis de la glande, qui, à ma connaissance, n'a pas encore été observée. Cette glande (pi. XXI, tig. 1 et 2, (jl) est considérable et remplit une bonne' partie de la cavité générale ; elle s'étend jusque dans la région du pharynx. Elle est formée par un très-grand nombre de cel- lules toutes pourvues d'un noyau et d'un nucléole très-apparents. Ces acini, d'une forme variable, suivant qu'ils sont plus ou moins gorgés du liquide granuleux qu'ils sécrètent, sont terminés par une partie rétrécie, par un petit canal. Tous ces canalicules s'abou- chent les uns dans les autres, et viennent finalement s'ouvrir dans le réservoir par un seul conduit (pi. XXI, lig. 1 et 2, c, ex). Nous avons donc en définitive une glande en grappe, véritable schéma des glandes conglomérées des animaux supérieurs. C'est surtout en trai- tant la préparation par un acide (acide azotique ou acétique) que l'on arrive à mettre les divers acini en parfaite évidence ; on voit alors le contenu granuleux se coaguler, diminuer de volume et devenir opaque, les parois de la cellule apparaissant alors avec une grande netteté, et en même temps le noyau, restant transparent, se dessine admirablement avec son nucléole ; on croirait alors avoir sous les yeux un de ces dessins schématiques si chers aux Allemands. La vésicule (pi. XXI, fig. 1 et 2, y, v) est grande, à paroi muscu- laire très-épaisse. J'ai représenté (pi. XXI, fig. 8) la disposition des fibres qui la composent : on voit qu'elles forment deux couches, et qu'elles ont, par rapport au réservoir, une direction oblique, ce qui doit singulièrement faciliter l'expulsion du venin. Nous retrouverons cette disposition identiquement la même dans la vésicule séminale. Par sa partie supérieure, le réservoir à venin communique avec le canal excréteur de la glande par une ouverture qui est ordinairement fermée, ce qui explique comment elle a pu échapper jusqu'ici à l'ob- S72 P. H\LLEZ. servatioii ; inréiieurement elle se rétrécit en forme de canal et va s'insérer sur tout le pourtour de laièlcdu stylet. L'acide nitrique met en évidence les fibres musculaires de la paroi et, de plus, fait voir mi certain nombre de ligaments partant de cette paroi et allant s'atta- cher aux téguments ; ces ligaments ont pour but de maintenir l'or- gane en place dans la cavité générale. Le venin est mi li([uide uniquement formé de Unes granulations réfringentes qui sont représentées dans mes ligures à un grossisse- ment de (juatre cents diamètres environ. 'L'organe en aiçjuillon (Stachelapparat) présente une complication bien remarquable. La meilleure figure que j'en ai] pu trouver a été donnée par Oscar Schmidt*; elle se rapporte au Prosûomum furiosum. Cet appareil se compose de deux pièces chitineuses dont les pro- priétés chimiques ont été indiquées avec soin par Max Schultze'^ L'une de ces pièces, le stylet, est mobile et peut glisser à l'intérieur de la seconde, qui comprend une gaine et une tige. Li} stijk't est de beaucoup la partie la plus essentielle : il peut être considéré comme la continuation du canal excréteur de la glande, canal devenu chitineux et terminé par une pointe acérée propre à percer la carapace des Entomostracés dont l'animal se nourrit. A la partie supérieure, il se termine par un large entonnoir en forme de spatule, très-élégant (pi. XXI, fig. 6 et 7), et sur les bords duquel s'insère le conduit de la vésicule. Au-dessous de la spatule, qui pré- sente à sa base et de chaque côté une petite apophyse et des rugo- sités pour l'insertion des muscles, le stylet proprement dit prend naissance ; il se compose de deux pièces : l'une (pi. XXI, fig. 7, c) est creuse, s'amincit progressivement jusqu'à son extrémité terminée en pointe, et sert au passage du venin ; l'autre (pi. XXI, tlg. 7, t) est une tige pleine, légèrement arquée, et qui sert simplement à consolider la première, à laquelle elle se soude un peu en avant de la pointe. Par cette disposition la gaine dans la([uelle glisse le slylet ne peut jamais être obst ruée, (juelle que soit la position de celui-ci dans son intérieur. La seconde pièce (pi. XXT, lig. 4 et 2, />, (j) se compose de deux parties : la (jalne (pi. XXI, lig. 1 et 2, /;), qui est un cylindre creux dans le(| uel le stylet est constamment engagé ; son orifice o est situé exacte meni à rextrémité caudale de l'animal (pi. XX, fig. 2, or, Ô). 1 DU', Hliab docœkn SIrudclwunner aux den Umgebungen vun Krakan, 1858. pi. III, []'^. 1-2. 2 liuitrdrjc, ftr., p. .'51. SUR LE PROSTOMUM LLNEARE. r>73 A sa partie supérieure, la gaine est soudée à un long levier qui se coude très-légèrement deux fois à sa base, à peu près à la manière de nos anciennes baïonnettes; elle présente en ce point des rugosités pour rinsertion des muscles du stylet, et se termine par une longue tige (pi. XXI, fig. 1 et 2. g) creuse, mais close de toutes parts. La tête de cette tige est couverte de rugosités auxquelles s'insèrent de longs muscles rayonnants (pi. XXII, fig. 1) qui vont se fixer aux téguments. Il est clair que la contraction de lun ou de plusieurs de ces muscles fera changer la direction de la gaîne, et par suite du stylet ; et comme ces faisceaux fibreux sont très-nombreux et rayon- nent dans tous les sens, on voit avec quelle facilité Faninial pourra changer la direction des coups qu'il veut porter. Le stylet est mis en mouvement par un muscle puissant (pi. XXII, fig. 1), qui, lorsqu'il est au repos, le maintient dressé, avec la pointe simplement engagée dans la gaîne, mais qui, lorsqu'il se contracte, entraîne l'aiguillon avec une très-grande force et le fait sortir du corps de l'animal. On observe alors (pi. XXI, fig. 2, c, c?)de nombreux plis transversaux que l'on a rapportés à tort au muscle contracté : ces plis, comme nous le verrons tout à l'heure, sont produits par le canal déférent ; les fibres musculaires, qu'elles soient contractées ou qu'elles ne le soient pas, sont toujours lisses. ORGANES DE LA REPRODUCTION. I. Organes mâles. — Tous les organes du Prostomum linenre sont impairs. Le testicule (pi. XXI, fig. 3) est volumineux ; il est placé à la face ventrale, légèrement à gauche, et s'étend en arrière du cer- veau jusque vers la spatule du stylet environ. Il a la forme d'un sac présentant seulement quelques replis à sa surface, et il est formé par une membrane d'enveloppe cellulaire ; enfin il communique avec la vésicule séminale par un canal ejférent (pi. XXI, fig. 3, 1 et 2, ce). La vésicule séminale (pi. XXI, fig. 1 et 2, i', s) est très-allongée, à paroi musculaire ; ses fibres présentent la môme disposition que celles de la vésicule à venin, mais forment une couche moins épaisse que dans celle-ci ; elle est maintenue en place dans la cavité du corps par de longues fibres fixées aux téguments. Elle s'amincit graduelle- ment à sa partie inférieure, où elle se termine par un long canal déférent, cd. Ce canal mérite de fixer un moment notre attention à cause de ses 574 P. H ALLEZ. connexions avec l'appareil en aiguillon, connexions qui n'ont pas encore été bien observées. En efîct, ce n'est pas dans la spatule du stylet qu'il vient s'ouvrir, mais bien dans l'ouverture supérieure de la gaîne. Arrivé à la base de la spatule, le canal déférent s'élargit, il se fixe au slylet, qu'il enveloppe, et va s'insérer sur le pourtour de l'ori- fice supérieur de la gaîne, de sorte que celle-ci peut être considérée comme son prolongement, et que raiguillon est logé dans un four- reau formé en partie par le canal déférent, en partie par la gaîne chitineuse. Quand le stylet s'abaisse, le canal déférent (pi. XXI, fig. 2, cd) se plisse transversalement, et ce sont ces plis que l'on a pris pour les stries des muscles contractés. On voit par cette disposition que le venin et les spermatozoïdes ne suivent pas la môme route et ne peuvent pas se mêler. L'appareil stylifère doit-il être considéré comme un organe copulateur on comme un organe de défense indépendant des organes génitaux? 'La question n'est pas facile à résoudre. Ehrenberg, CErsted, M. Schultze le considèrent comme un organe copulateur (Begattungsorgan), et Oscar Schmidt, après l'avoir indiqué comme un organe de défense (Vertheidigungsorgan), fut amené, en étudiant le Prostomum furiosum, h le regarder comme servant tout à la fois à la défense et au coït. Cette double fonction n'est pas douteuse, bien que les deux pièces, le stylet et la gaîne, ne servent pas également, comme nous le ver- rons plus loin, à l'un et à l'autre de ces actes ; mais la fonction ne nous donne le plus ordinairement que des indications trompeuses sur la véritable nature des organes : les organes analogues ne sont pas toujours homologues, et réciproquement. Cette vérité paraît recevoir ici une nouvelle confirmation : en effet, l'embryogénie m'a appris que l'apparition de l'appareil stylifère précédait de beaucoup la formation des organes génitaux. Cet appareil se forme de très-bonne heure dans l'embryon, et, fait remarquable, il apparaît d'emblée avec les dimen- sions qu'il conservera chez l'adulte, de sorte que l'on est frappé, en examinant un embryon de ces animaux, des proportions démesurées qu'atteint le stylet, puisqu'il s'étend presque jusqu'au centre nerveux. Ce fait s'explique d'ailleurs si l'on se rappelle la nature chitineuse de cet organe, nature qui ne lui permettrait de s'accroître qu'à la condi- tion de subir des mues successives. L'appareil stylifère fonctionne dès la sortie de l'embryon de sa coque, et à ce moment il n'est pas encore possible d'apercevoir la moindre trace d'organes génitaux. Je crois donc qu'il faut considérer cet appareil, non comme un organe SUR LE PROSTOMUM LINEARE. 578 uniquement copulateur, mais comme une formation indépendante avec laquelle les organes mâles ne se mettent en relation que plus tard, et qui s'est différenciée d'une manière bien remarquable, de façon à pouvoir servir et dans l'attaque et dans l'accouplement. Spermatozoïdes. — Ils se forment dans des cellules mères (pi. XXI, fig. 4) qui, le plus ordinairement, remplissent toute la cavité du testicule. Ces cellules renferment plusieurs spermatozo'ides, qui, après la rupture de la paroi, se meuvent librement dans la cavité du tes- ticule, où on les voit très-distinctement , partipulièrement dans les points dépourvus de cellules mères (pi. XXI, fig. 3, a). Ces spermato- zo'ides (pi. XXI, fig. 5) ont une tête petite terminée par un long filament; je les ai figurés à un grossissement de quatre cents diamètres. Je les ai toujours trouvés très-agiles dans le testicule. Dans la vésicule séminale, les zoospermes s'accumulent et forment un feutrage épais ; le plus ordinairement ils sont immobiles ; mais, si Ton provoque une éjaculation ^ on les voit aussitôt reprendre leur activité; ils tour- billonnent au milieu de la vésicule, puis sont expulsés par le canal déférent, et l'on peut encore les voir s'agiter un instant dans le liquide ambiant ; les mouvements des spermatozoïdes , après leur sortie du corps de l'animal, n'ont qu'une durée très-courte, car l'eau, et surtout l'eau acidulée, les tue très-rapidement. Los zoospermes m'ont toujours paru avoir la même forme dans la vésicule séminale que dans le testicule, c'est-à-dire que dans l'une comme dans l'autre ils sont formés par une tète et un long filament. La figure 3 (pi. XXI) a été dessinée à la chambre claire et représente des spermatozoïdes éjaculés et ayant, par conséquent, séjourné dans la vésicule sperma- tique ; d'un autre côté, nous les retrouverons encore dans les organes femelles avec cette même forme. Mes observations sont donc en contradiction avec celles de M. Schultze, qui, dans son remarquable ouvrage {Beitrâge zur Naturg . fier Tarhellarien). figure les zoospermes du Prostomum lineare (pi. I, fig. 40, a et h) comme formés dans le testicule (Hoden) par une tète très-grosse, très-allongée et terminée 1 II est très-facile de provoquer artificiellement une éjaculation. Il suffit de tuer l'animal soit avec un acide (nitrique ou acétique) .issez dilué pour que la mort ue soit pas trop rapide, s;)it en le comprimant uu peu trop fortement sous le couvre-objet; dans ces conditions, il est rare qu'il n'y ait pas éjaculation : le Prosterne lance d'abord sou venin ù plusieurs reprises sous forme de jets, puis il éjacule et meurt. Je montrerai plus loin que, dans l'éjaculation normale, physiologique, le stylet n'in- tervient nullement, et qu'il n'y a pas expulsion de venin. S76 P. HALLEZ. par un long lilamenl, tandis que dans la vésicule séminale (Samen- blasc) ils prendraient la forme d'un simple filament n'ayant plus aucun renflement ni à l'une ni à l'autre de ses extrémités, et attei- gnant une longueur double de celle des spermatozoïdes du testicule. II. Organes femelles. — Ce sont certainement ceux dont l'élude présente le plus de difficultés et qui ont donné lieu aux interpréta- tions les plus diverses. Ils se composent d'un ovaire, d'un vitellogène, d'un cleutoplas)Hf gène et d\\n receptaculuin senmu's ou poche côpidatrice. L'ovaire (Keimstok) est une poche transparente s'ouvrant par un court conduit dans la cavité générale du corps et renferme en moyenne une vingtaine d'œufs. 11 est très-difficile de se rendre un compte exact de la structure de cet organe. Toutefois je dois dire que jamais, dans cette espèce au moins, je n'ai pu voir le protoplasme granuleux à noyaux libres observé par M. Ed. van Beneden chez un très-grand nondjre d'espèces, et entre autres chez le Prostomum caledonicuin, protoplasme qui, en se fendillant autour des noyaux qu'il tient en suspension, contribuerait à la formation des ovules. Aussi jeunes que fussent ceux-ci, je les ai trouvés toujours composés des parties essentielles de l'œuf : vitellus, vésicule de Purkinge, tache de Wagner. Ces observations sont très-délicates, j'en conviens, et exigent des grossissements considérables ; mais on peut, au moyen des réactifs, les faciliter beaucoup. Si l'on traite un ovaire par l'acide azotique (pi. XXII, fig. 4), on ne tarde pas à voir de la manière la plus nette la substance granuleuse devenir opaque et éprouver une sorte de retrait qui fait que chaque ovule se trouve alors manifeste- ment distinct de ses voisins, et cela jusque dans l'extrémité la plus reculée du cul-de-sac. Cette expérience n'est pas opposée à la théorie du fendillement, car l'on peut dire que dans ce cas chaque noyau a servi de centre d'attraction au protoplasme, qui, par suite du retrait occasionné par la coagulation, a dû nécessairement se fractionner. Mais si, au lieu d'employer un acide, on emploie la potasse, on voit immédiatement la matière proloplasmique, les noyaux et les nucléo- les entrer en dissolution et disparaître complètement; il ne reste plus alors qu'un fin réseau (pi. XXII, fig. S) transparent représentant les limites exactes des œufs (pii ont disparu. Ce réticule persiste assez longtemps si la solution que l'on a employée n'était pas trop concentrée ; mais il finit lui-même par se dissoudre et dispai-aîti-e. Je crois que l'on ne peut inl('r|)réler ce fait aulreincnt qu'eu adnicllant SUR LE PROSTOMUM LINEARE. 577 l'existence d'une membrane vitelline aux œufs, membrane beaucoup moins attaquable que le contenu et résistant plus longtemps que lui à l'action de la potasse. Cette observation viendrait donc corroborer l'opinion de M. le professeur de Lacaze-Duthiers et de M. le profes- seur Giard, qui ont toujours trouvé, le premier chez les Goralliaires et les Mollusques, le second chez les Tuniciers, les œufs, aussi jeunes qu'on puisse les observer, constitués par leurs éléments essentiels : vitellus, vésicule de Purkinge, tache de Wagner, sans jamais rencon- trer de protoplasme à noyaux libres. Les œufs sont d'autant plus gros qu'on les observe plus éloignés du cul-de-sac ovarien. Leur membrane vitelline, que l'on ne peut mettre en évidence qu'en usant d'artifice, renferme un vitellus gra- nuleux, une vésicule de Purkinge grande, transparente et un cor- puscule de Wagner très-clair, à l'intérieur duquel on remarque sou- vent une ou plusieurs taches. Arrivé à maturité, l'œuf mesure en moyenne 5 centièmes de millimètre, la vésicule germinative 1 et demi et la tache germinative un demi-centième de millimètre. Poly- gonaux par pression réciproque dans le cul-de-sac, ils deviennent oblongs dans la partie moyenne et enfin sphériques quand ils sont isolés. Le vùellogène (pi. XXII, fig. 3, v) (Dotterstok), ou, comme l'appelle plus exactement M. Ed. van Beneden, le deutoplasmigène est placé sous l'intestin, circonstance qui rend son étude plus difficile, par suite de l'opacité de ce dernier organe. A un premier examen, il pa- raît formé par un simple tube s'étendant depuis le cerveau jusqu'au receptaculum semhiis , et c'est ainsi que le décrit Metschnikofï" (ein langes bandfôrmiges Gebilde). Mais, si l'on comprime l'animal, on ne tarde pas à voir que ce n'est là qu'une apparence, et qu'en réalité il est formé par un réticulum dont la forme peut varier dans les divers individus, mais qui le plus ordinairement présente la disposition que j'ai représentée figure 3, pi. XXII. Je n'ai jamais trouvé qu'un seul conduit excréteur (pi. XXII, fig. 3, c), s'ouvrant connue l'ovaire dans la cavité générale. L'acide osmique rend de grands services dans l'étude de cet organe. En effet, le deutoplasmigène renferme un grand nombre de globules graisseux qui, sous l'action de ce réactif, se colorent en noir et rendent ainsi plus apparent l'organe qui les renferme. L'acide nitrique m'a montré les cellules qui forment les parois du vitellogène (pi. XXII, fig, 8); elles sont polyédriques pour- vues d'un noyau et mesurent à peu près 2 centièuies de milliniMi-e. ARCH. DF. ZOOL. E\P. ET GKN. — T II. 1 ST'H, 37 378 1'. IIALLHZ. Elles sont idcnfiquos à celles qui mit été observées par Ed. van Be- neden dans le Prostomum caledonicutn (I). Les Dotterzellen, ou éléments produits par le deutoplasmii'ène, sont des cellules dont l'étude est des plus intéressantes. D'abord petites, transparentes et pourvues d'un noyau, elles grandissent peu. à peu en se chargeant d'un liquide linement granuleux tenant en suspen- sion quelques globules rélVingents. C'est à ce moment de leur exis- tence que les Dotterzcllen viennent englober l'œuf niùr dans la partie que van Beneden désigne sous le nom iVoutt/pe el qu'il compare à une cartouchière, mais qui, dans notre espèce, me paraît faire complète- ment défaut. Elles sont alors douées d'une vitalité bien remarquable ; en effet, on les voit distinctement, à travers la coque encore trans- parente de la capsule récemment formée, animées de mouvements péristal tiques, pour employer l'expression de de Siebold, qui le pre- mier les a signales chez les Planaires d'eau douce, où ils sont en- core beaucoup plus manifestes que chez les Bhabdocœles, mais que je ne puis mieux comparer qu'aux mouvements de certaines amibes. Ces contractions amœboïdes ne tardent pas à disparaître chez le Prostomum lineare, mais dans les Planaires d'eau douce je les ai souvent observées pendant deux et ti'ois jours après la ponte. x\lors les Dotterzdlen entrent en dégénérescence graisseuse, elles se désa- grègent peu à peu et successivement à mesure que le jeune embryon se développe et qu'il a besoin de nourriture. On rencontre souvent dans le deutoplasmigène des cellules qui ne renferment plus que des globules graisseux; dans c|uelques-unes, on voit encore à côté de ces globules des restes de la substance gra- nuleuse ; ce sont évidemment des Dotterzellen qui n'ont pas con- couru à la formation de capsules ovigères, et qui sont entrées en dégénérescence graisseuse dans l'intérieur même du viiellogène. Le n-ccj^tacnùiiti soiiiiiis {\)\. XXII, fig. 3, r. s), ou poc/iecopii/atrice, est un organe volumineux, Irès-apparcnt, situé à la partie posté- rieure et dorsale du corps. Khrenberg le considérait comme un se- cond ovaire; (). Schmidt montra le premier qu'il renferme des spcr- matozi/ides, el M. Schuilze le considéra comme un n-ceptaculum .sf'i/iii'iis, mnn sous lecpiel le désigne également Melschnikolf. 11 est assez diflicile de se rendre un conq>le exact de la structure de cet organe, ainsi (pie de la façini dont les spermatozoïdes y pénè- trent et en sortent ])oui' aller féconder r(euf. Il est [ilacé contre l'o- (\) l.cr. vil., pi. V, lii;-. .';. . '■ SUR J.E PROSTOMUM LINEARE. S79 rifice génital lemellc el parait forme par une substance granuleuse renfermant dans son intérieur des vacuoles en nombre variable non- seulement suivant les individus, mais aussi dans un môme exem- plaire examiné à plusieurs jours d'intervalle. Ces vacuoles renferment presque toujours un amas plus ou moins considérable de spermato- zoïdes, qui, comme je l'ai dit plus haut, sont semblables à ceux du testicule et de la vésicule séminale. Afin d'étudier avec plus de facilité cette poche copulatriceet devoir ce que devenaient les spermatozoïdes contenus dans son intérieur, la manière dont ceux-ci en sortaient, et afin d'assister, s'il était possible, à la fécondation et à la formation d'une capsule ovigère, j'ai isolé plusieurs individus dans des petits tubes de verre et les ai examinés une, et quelquefois deux fois par jour. Ces expériences furent faites vers la fin de décembre et dans la première quinzaine de janvier. Voici ce que j'observai. Je commençai d'abord par examiner avec soin le receptaculum seminis de chacun des exemplaires mis en expérience. Je notai le nombre de masses spermatiques qu'il renfermait et leur position relative; ce nombre variait de quatre à sept et même huit. J'ai pu (le cette manière m'assurer : 1" Que les Prostomes, à cette époque de l'année, pondent une cap- sule ovigère tous les trois à cinq jours; 2° Que la provision de sperme dans la poche copulatrice s'épui- sait, lentement, il est vrai, mais d'une manière sensible, à nu'sure que les pontes se multipliaient; 3'' Que les vacuoles semblaient s'agrandir, se rapprocher de la sur- face du receptaculum, et venaient y faire hernie; qu'en môme temps les spermatozoïdes qui formaient d'abord des masses compactes, im- mobiles, se dissociaient pou à peu et s'agitaient avec une extrême agilité dans l'intérieur de la vacuole dilatée. Enfin, pour compléter ces observations, je pris deux Prostomes soumis depuis quelque temps déjà au régime cellulaire, et les réunis sur le porte-objet du microscope. Dès qu'ils se rencontrèrent, je les vis se livrer à des accouplements réitérés, dont je dirai un mot plus loin, et je pus ensuite constater que leur poche copulatrice renfer- mait un nouvel amas de spermatozoïdes vivants. Il est donc bien établi que le receptaculum seminis est réellement une ])Oche copulatrice. Il résulte encore de mes observations que cet organe pai'ail èti'c formé par une matière granuleuse homogène. S80 P. HALLEZ. renforinant un nombre variable de vacuoles dans lesquelles s'accu- mulent, à chaque accouplement, les zoospermes. Ceux-ci, très-agiles après réjaculation, ne tardent pas à s'agglomérer en une masse com- pacte et immobile, leur activité devient latente, si je puis ainsi m'ex- primer, mais elle reparaît plus tard avec Une intensité plus grande que jamais, quand la vacuole agrandie l'ait hernie à la surface du réceptaculum. Il est probable qu'alors la mince paroi qui retient encore les zoospei'mes cap lits ne tarde pas à se rompre et à per- mettre h la fécondation d'avoir lieu. Malheureusement je n'ai pas encore pu voir où et comment s'opé- rait la fécondation. Enfin comment les spermatozoïdes' pénètrent-ils dans les vacuoles du réceptaculum pendant l'accouplement, et comment celles-ci se déplacent-elles? Ce sont là des questions que je pose sans les ré- soudre. Il est probable que l'étude onlogénique seule nous permettra de nous faire vme idée exacte de cet organe, en nous faisant assister à son mode de formation. Capsule ovigère. — J'ai déjà dit que la rencontre de l'œuf et des Dùtterzellen devait se faire dans la cavité générale. En effet, je n'ai jamais pu voir ni ootype, ni utérus, et d'un autre côté, la capsule ovigère m'a toujours jjarn libre : on la voit se déplacer dans l'intérieur du corps sous riniluence des contractions de l'animal, et dans quel- ques cas, assez rares il est vrai, oii j'ai pu constater la présence de deux et môme de trois capsules, celles-ci étaient manifestement flot- tantes et pouvaient remonter bien au-dessus du bulbe pharyngien. Enfin, en suivant avec soin les terminaisons de l'oviducte et du deu- toplasmiducte, il m'a toujours semblé qu'elles étaient confuses et n'aboutissaient à aucun organe spécial. Cependant je n'ose rien affirmer à ce sujet, mes observations étant incomplètes, puisque je n'ai pu réussir à assister à la formation d'une capsule. X Il y a ici de nouvelles recherches à faire. Oscar Schmidt et M. Schultze admettent l'existence d'un utérus (Eiersack) chez l'animal dont nous nous occupons, et Metschnikoff a vu, dans l'espèce qu'il a observée en Russie un utérus pyriforme (birnformiger Utérus) se terminant par une gaine débouchant au dehors. Quoi (ju'il en soit, la capsule ovigère se forme très-rapidement, car il m'est sonvciil ai'i'ivé d'examinei' des l'i'oslomcs dont les oi'ganes SUR LE l'KOsTOMUM LlxNEAKi:. o8l génitaux ne prcseiilaicut rien ûo rc>marqua])le, et de trouver à leur intérieur, en les reprenant quelques heures après, une capsule com- plètement formée. Celle-ci, aussi jeune que j'aie pu l'observer, est constituée par une membrane transparente, de forme ovoïde, se pro- longeant intérieurement en une sorte de pédicelle terminé par une partie plus évasée : c'est par ce petit disque que l'on trouve toujours les capsules adhérant aux conferves. Cette membrane transparente ne tarde pas à jaunir, et se fonce peu à peu, devient orangée, puis d'un rouge brun ; elle est de nature chitineuse. Dans le corps de l'animal, cette coque dure est entom'ée par une zone pellucide, que l'on pren- drait volontiers pour un utérus à l'intérieur duquel se trouverait une capsule. Mais si c'est là un utérus, il faut admettre qu'il est caduc, et qu'il reste fixé à la capsule, car cette zone pellucide accompagne celle-ci partout où la poussent les contractions du corps. On le voit, il reste encore ici plus d'une question obscure. Peut- être arriverai-je à les résoudre en poursuivant mes recherches sur les premiers développements de l'embryon. Les capsules ovigères du Prostomtnn lineare ne renferment le plus ordinairement qu'un seul embryon, cependant j'en ai observé quel- ques-unes qui en contenaient deux. La capsule ne séjourne pas plus de trois à cinq jours dans le corps de l'animal. La ponte s'opère sans doute par le môme orilîcc qui sert à la copulation, lequel est grand, placé à la partie postérieure et dor- sale, au-dessus du receptaculum seminis. Habitat, mœurs, etc. — C'est au milieu des conferves, dans les mares, dans les eaux stagnantes que l'on XvoxwhXq Prostomum lineare, de même que les autres Rhabdocœles. Je l'ai souvent rencontré dans les fossés des fortilications de Lille, où il n'est pas rare. L'étendue de sa dispersion géographique paraît être considérable puisqu'il a été signalé sur différents points de l'Allemagne, et que l'espèce observée en Russie lui est assez affine pour qu'il soit permis de la considérer comme en dérivant directement. Quant aux mœurs de cet animal, je les ai déjà en partie indiquées. Nous avons vu comment il se jetait sur sa victime, comment il la dévorait. Un animal aussi formidablement armé que l'est celui-ci doit porter la terreur dans les lieux qu'il habite : et, en elfet, sitôt qu'un cyclope a reconnu la présence d'un Prostomc dans son voi- sinage, il prend bien vite la fuite. Cet instinct, cette disposition innée 382 1'. llALLIiZ. à l'uii' un ennemi avec lequel il n"a pas eneore le plus souvent eu affaire, ne peut èlre que le résultai de l'hérédité, le patrimuine du pauvre enlonios tracé. C'est au mois d'avril dernier que je rapportai un certain nombre de Prostomum linearc. Je les mis dans un petit aquarium où ils n'ont cessé de se multiplier. A toutes les époques de l'année ces animaux m'ont paru hermaphrodites; à toutes les saisons ils m'ont présenté des capsules ovigères d'un rouge brun, et par conséquent il n'y a pas lieu de distinguer dans cette espèce les tleux sortes d'œufs, qui ont été signalées par Pallas, Oscar Schmidt, Leuckartet Schneider chez divers Rhabdocœles, api)arlenant à la famille'des Mésostomiens ; les œufs clairs (hellen Eier) ou œufs d'été (Sommereier), et les œufs opaques à coque dure (dunkelen hartschaaligen) ou œufs d'hiver (Wintereier), C'est dans les derniers jours de décembre et la première quinzaine de janvier qu{> j'ai isolé quelques animaux pour les soumettre à des observations suivies dont j'ai donné les principaux résultats plus haut. J'ai lecueilli tous les œufs qui ont été pondus pendant ce laps de temjjs, et j'ai constaté que l'embryon se développait rapidement, mais qu'il restait longtemps renfermé dans sa coque; c'est dans le courant do février et de mars qu'eurent lieu les éclosions, et les petits que j'obtins sont agames ; je me propose de suivre le dévelop- pement de leurs organes génitaux, et de voir ; si l'un des deux sexes peut entrer en fonction avant que l'autre se soit développé. Enfin, pour terminer l'histoire de n(jtre petit animal, je n'ai plus qu'à dire quelques ukjIs sur la manière dont se fait l'accouplement. J'ai déjà dit comment je suis parvenu à observer cet acte sur le porle- oljjet du microscope. Les deux Prostomes s'étaut rencontrés, il se pro- duisil iuunédialcmeut chez eux un rétlexe qui euî pour résultat de produire une invagination de la partie (hi corps correspondant à l'ouverture génitale femelle, laquelle se fnuiva ainsi portée comme un fond d'une coupe. Ce phénomène a évideuunent pour but de mul- tiplier les surfaces en contact. La fécondai it)n est ci'oisée, et les ani- maux, pendant l'acciHiplement, se lieuneni eu sens inverse, l'un étant couché sur son côté droit. el l'autre sur son côté gauche, si on les suppose vus de i)rofil ; leur unioiî est telleiiienl intime que l'on croirait voir un seul animal terminé à chacune de ses extrémités par une tète. Un fait assez intéressant que j'ai pu constater c'est que le slyleL ne joue a!u:uu rôle tians raccouplcmenl, Eandis que la gaine est animée d'un mouvement de va-el-vienL continuel d'arrière en SUR LE PROSTOMUM LIXEARE. 583 avant. Ces mouvements sont produits par la contraction des muscles rayonnants qui se trouvent à la partie supérieure de cette pièce chi- tineuse. On voit donc que, si morpholo -^^i »f v ' •' L y •■ r ■ ' ' Annales du musée civique d'histoire na- turelle de Gênes, N. et R., XI. Antedon rosaceus. (Voyez Verrier.) Arachnactis. (Voyez A. Agassiz.) Balanoglossus. 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(Voyez Développement des poissons osseux.) Vaisseau dorsal des insectes. (Voyez Da- reste. ) Viault. (Analyse et traduction du mé- moire de F. Todaro sur l'organe du goût chez les Sélaciens), (>. 534. A, ^'\ "S^^ J é ■•^If RÉSORPTION ces OS A-no'jI Wi Aixh, de ZooL Expl^et Gèiil^ Vol, 11, PI. II /■:./',;■,■„■,■. /,-r /lii/>l/i ('/i,ir,/,i,i aiiir. />,, ORGANISATION DES COMATULES L 1 b j- ix 1 rie R e î n v/ a 1 d le „4 P,u, le Arcli. de Zool. Exp et Gén Vol. II _ PI -III /.\ /■/■rricr ,/,■/ /m/' t'/i.C/Kir.lo'i ,t,/.-r. /'. ORGANISATION DES COMATULES, Arcli.de Zool Expl^'el Gén"^ Vol.Il_Pl.IY.- ///,/' l'/i (/t,inlo„,ii,ir. /'„ /;, l',;-,-,.-,- ,U/. ORGANISATION DES COMATULES. L, 1 b V a 1 r 1 e Rein vv al <1 , Arch. de Zool, Expl^et Gén le / /-/ / Vol. II, Pl.V, rt^i:. 3. j: M U-i A. /-\ :?5^'2CÎv^i^^ ,/ ÊmMm 72. .>"'"x \ /////' t'/r- Ci/intt)/t ,ij/ti-. /'rt ÉCAILLES DE LA PERCHE Fi. Arcli.de ZooLExp"*.^ et Gén Vol II. PI Yl ! i 1 5>) 1 # ; AIL LE du Muge : braine ?v«iiv.'fil.l . t'î.Ti.- J^ ._^i ^-f*-' p^ j. Ii:OTi 6.rS9l'i,i/li cl- :^;.lrao Sci'ir-u /> ^*SS''^->- yu ^-^ .. ^=^ C^ 5' j'^Jjj _ . ^^ïïtè. es v- ^/ ■■/■•■/.r^ w^ J:CAIL-.ÏÏS rL.lAi.a'-i::ie,/^,î.^5.^d:iC7cicp^er:3 j^rapn-j 67c^'.«_ ae L: Sol? fÛJ/.JÏ/.^ /4 v\. .^ w~' ^=^- / y' ''' w^^ ■^. —^ -_\ n />^«^;-,:^vh,.^ W^^: \ / iyp Arch. de Zool. Exp^'^ et Gen^.^ Vol. II. PL.I. o r i %^ 'Mi Xackwi Jrnp ^uou&t JL Tàrus . Carpe i. 2. 3. 4, 5. 6. 7. _ Sole 8. Tndle 9 . 10. ô Libraine Reinwald.Pans . ArcK.de Zool. Exp^^'et Gen^' Vol. II. PL. XI. Imp _ffi\^^ ^^4 m- c/, i fû^v^ // y<- /.y/ a./ •/.,/ /mp.^ca, Or(>anisaiion de L'ASTROIDES CALYCDI.ARl S o l.iliraiTie Reinwald Pai'is. ./.•■/.',■.// A'/ Arch . de Zool , K\p ei Gen , Jf Ji IJ). ad nai.cM. /ntjo^exqfiuf, Jeu ^■irnai/ IM . EMBRYOGENIE DE E'ASTROIDES b r « iTi e R. eiii w a I d , Par ; Ai-ch.clc Zool.Kxp'.'^el, Geii'^ 2Û Vol.ll.PL.XIV. ._4^ ^ j/'- r »i?^ ^^dW' 'S ^fTyrti^ ':K 9c) a ,i\« j ■\ /// '^ i V. ^à^ ^\ 7 //,/,■ /.Da.i7iat.U. /ni-p.Acaïui.J'arts. EMBRYOGENIE DE E'ASTROIDES LiViraiTie aemwald.Pari Arch.dcZool. f':xp'^et Gen^ 3/ c/ Vol, 11. PL. XV. 32 Cl^ 9^â'fpé "' fmp.Jiccauei ^farts . JiMBRYOGENlK DE L'ASTROIDES T iVir.iiric Rciri'A'ald Pans ^gyA /■ }^Mù^ h sV ;^i^^^fcUl2^ if. ^rï^ \^ -i ..'(r:~i.,:u ÎW/t rv' p) *v >, u:/;i A(,:r l./.i.rji:. ,/,/ TORNARIA ET BALANOGLO S SUS le^t ni-,-,!® Ârch.de Zool. Exp _ et Gèn Vol.lI.Pl.XlX, '■5v' • . ■ . • 1 S/ AA 72. n. Ib ^. \K i -ï --" J.Utur.i ,1,/ lUlt ,/.■/ A.-V'. a, i;ii.inU,. PARASITES DES ASCIDIES Librairie R. e iiiwalâ.. Arch.de ZooI.Expl^et Gèn^ Vol.lLPl.XX. m " ^ i» » -^ 3' '-^o S' ^ //«/- i'h.cfuirJon atnc Par r. /ftt/iC'Z . ad naf. dcl . ANATOMIE DU PROSTOMUM LINEARE Librairie Re:,nwald kf» Arcli . de Z 0 oL Expl® e t Gèir ! 'ji Vol. IL PI XXI, '<^!^' l'.mtllvi^a,/ ihtr ,M^ Jm/'^ Cil l7l.ir,/on nirn- /'.irLi^ ANATOMIE DU PROSTOMUM LINEARE ;ii. ae z.ooi, i:.xpvei u-en Vol. ILPl, XXII ay ^é>èfiM m •^- vv^-^ y>fii^ r.Jf.ilh't .ntnff( .ici. Imp. cit. (-'/uinion ttînc l'a ANATOMIE DU PROSTOMUM LINEARE. . U r a 1 1- 1 e Rem v/ a 1 d Arch. de Zool. exp^.*^ et aen Vol. II. PI. XXIIL 1 ,}.h 10 13 A.ScKneidcrad uat del. Imp Becquei- A.Karmanski lilh. Kystes et Spores des Greqannes Arcli. de Zool. exp^.^ et qen^.^ Vol. II. PI. XXIV. ; e \'^' . -b ,lii'a /Hi .1^ r^ C x^ /^. •.S^l^^^*'^^-,. ^oft, ^il^ ^^w ^'>;^ -1. >^« •TS^ 4: i.Tûdaro adnat del. 1 5? Imp -jEiscqaei A . K armaTi s ki litK . Orqanes du qout des Raies et des Squales .^^"ï' ^ Return tnis booK on or before tne last date stamped below Cat. no. 1174 >;k7v' «k» y fr^sa-^ ■:9-l? m %. W 'W- 'Ti^*^? ^^^