«*»w*n,M**(TiU«tfi «•*»W^ **4v^rtiWwwi ARCHIVES ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYKR, RUE D ARCET, *. ARCHIVES liK ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBI.lKliS SOLS I.A UlKKcriDN DE HENRI riE LAGAZK-DUTHIERS MEMBRE DE l'iNSTITLT DE KKANCE (Académie des sciences) PROKESSELK d'aNATOMIE COiMPARÉE ET DE ZOOLOtilE A LA SORBONiVK (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR HES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMEN lALh: UE ROSCOf-F TOME SEPTIEME 1878 PARIS LIBRAIRIE DE C. REINWALD ET C^ 15, RU£ DES SAINTS-PÈRES, 15 f^l.-7^(^) NOTES ET REYUE. I CONTRIBUTIONS A L'HISTOIRE DE LA FORMATION, DE LA FÉCONDATION ET DE LA SEGMENTATION DE L'ŒUF ANIMAL, Par M. Oscar Hertwig. {Morph. Jahrbuch., 4 ter. Band, p. 157, 1878.) Le présent mémoire est consacré à retracer la série des changements suc- cessifs dont rœuf de V Asteracanihion est le siège avant, pendant et après la fécondation, et cette étude une fois faite, prise pour type, à reciiercher jus- qu'à quel point subsistent ou se modifient, dans le reste du rèyne animal, les processus reconnus dans ce cas particulier. Le choix du type est stipulé par ce fait que, nulle part ailleurs, l'auteur n'a obtenu une série aussi complète d'états, et dont chacun fut susceptible d'être observé aussi minutieusement avec ou sans le secours de réactifs. Le sujet a déjà fixé l'attention de van Beneden et Greeff, dont nous suppo- serons les résultats connus, de M. Oscar Hertwig lui-même, dans une com- munication provisoire, de M. Fol, dans une note à l'Académie des sciences. Phénomènes qui ont lieu durant la maturation de Vœuf. — L'œuf de VÂslera- canthion, comme celui des Holothuries et Ecliinides, est entouré dans l'ovaire d'une couche gélatineuse transparente de 7,5 |^. d'épaisseur que l'auteur compare, avec van Beneden, à la zona pellucidie de l'œuf du Mammifère, Cette couche est traversée de fins filaments en direction rayonnante avec granules brillants inclus, qui lui donnent un aspect strié. A sa surface, elle est recouverte d'une espèce de cellules lisses, dont les noyaux se voient bien en coupe optique. Sur Tœuf complètement mûr, cette zone transparente dis- paraît après avoir perdu antérieurement déjà son revêtement superficiel de cellules. Le vitellus n'est plus alors recouvert que d'une délicate membrane homogène, apparemment la couche la plus interne de la zone striée. La vésicule germinative placée au centre et de 50 ;j. de diamètre, offre, outre la tache germinative, un fin réseau protoplasmatique dans son contenu. Avant la maturité, cette vésicule se dirige jusqu'au voisinage de la surface de l'œuf, en demeurant encore recouverte, toutefois, d'une couche plus ou moins épaisse de vitellus. Elle perd, en ce point, son réseau intérieur et l'aspect primitivement lisse de sa surface, son enveloppe se plissant çà et là. La tache germinative de 45 [j- de diamètre, renferme le plus souvent un certain nombre de petites vacuoles et est constituée, ainsi que l'auteur a déjà ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VU. 1878. A / 7 1 S^^ II NOTES ET REVUE. insisté sur ce point, par deux substances dilîérentcs que leur inégal pouvoir réfringent permet déjà de reconnaître à l'état frais, et que les réactifs dé- cèlent mieux encore. L'une de ces substances, que l'acide osmique colore plus fortement, de beaucoup la partie la moins considérable quant au volume, ou bien figure une sorte de croissant appliqué contre la substance plus claire et plus étendue qui forme la seconde partie de la taclie germiuative, ou bien, centralement placée, est enlourée circulairement par cette dernière. L'em- ploi du carmin ammoniacal de Ileale et celui des acides conforment la diffé- rence dans la manière d'être des deux substances. Suivons maintenant les cbangements dont la vésicule germinative est le siège à l'époque de la maturité. Les premiers sont offerts par le protoplasma qui l'entoure. Celui-ci pé- nètre comme un coin dans l'intérieur de la vésicule, et cela par celui des pôles qui. regarde la surface vitelline, et que, pour éviter toute périplirase, nous nommerons le pôle supérieur. Le sommet de ce coin contient un cliamp clair, sans granules, et de ce sommet divergent, en rayonnant, des traînées de protoplasma granuleux qui se répandent de tous côtés dans la paroi supé- rieure de la vésicule germinative (fig. 3], ce qui apparaît surtout nettement quand ou regarde les cboses du pôle supérieur. Après que le coin a pris naissance et qu'il a pénétré plus profondément, c'est-à-dire après un intervalle de quinze à vingt minutes (comptées à partir du moment où l'œuf a été chassé de l'ovaire dans l'eau de mer), le nucléole commence aussi à se modifier. La disposition des nombreuses et petites va- cuoles qu'il contenait, lui donne une homogénéité presque complète, bientôt détruite par l'apparition, en son milieu, d'une unique et grosse vacuole con- tenant en elle un corps solide arrondi, qui en comble la cavité presque en- tièrement (fig. 2). Mais c'est là aussi un aspect de courte durée. Une demi-heure environ après la ponte de l'œuf, la tache germinative change à la fois de situation dans la vésicule et de forme extérieure, et devient ainsi de moins en moins facile à apercevoir distinctement. Sa vacuole centrale et le corps. y contenu se soustraient «oudainement à l'œil de l'observateur • son volume se trouve, par suite, notablement diminué ; sa" surface flétrie présente encore quel- quefois un enfoncement infundibuliforme à l'endroit où se trouvait antérieu- rement la vacuole (fig. i). Au cours de ces changements, on voit paraître dans le coin précédemment indiqué une petite figure étoilée à côté de laquelle s'en place bientôt une se- conde (pi. IV, fig. 4). D'où l'aspect d'une étoile double, dans lequel nous avons appris déjà à reconnaître l'indice d'une division cellulaire. A partir de ce moment, les modifications ultérieures s'accomplissent simultanément dans la vésicule germinative, dans ce qui reste de la tache germinative et dans l'étoile double (pi. IV, fig. S). La vésicule germinative se flétrit et se ratatine davantage et plus promptement, sans doute en laissant diffuser son contenu dans le pbotoplasme ambiant qui, de son côté, fait effort de tous côtés pour pénétrer dans l'intérieur, et plisse en maint endroit la membrane d'enveloppe de la vésicule. En même temps, la tache germinative diminue de plus en plus, ainsi que le prouvent les mesures micrométriquos. Qu[int à l'étoile f V \ NOTES ET REVUE. m double, elle grossit ; les deux champs clairs qui en forment les centres, s'é- tendent et se mettent en relation par un pont intermédiaire étendu de l'une à l'autre. Leurs rayons se dessinent mieux et acquièrent plus d'extension. En même temps, la figure ainsi constituée quitte sa position et remonte en haut vers la surface du vitellus, où elle se (ixe de façon que son grand axe coïncide avec la direction d'un rayon de Fœuf (pi. VI, fig. 7). Une heure environ après la ponte, on a donc le plus souvent l'aspect sui- vant (pi. VIII, fig. 6) : Près de la surface, une étoile double placée comme il vient d'être dit, et, à une certaine distance au-dessous, un petit champ à contours irréguliers, la vésicule flétrie, dont la paroi n'est maintenant plus reconnaissable, mais qui garde encore quelquefois un résidu de la tache ger- minative. Une demi-heure plus tard, ces derniers vestiges de la vésicule et de la tige ont disparu, et le vitellus est devenu homogène avec une étoile double à sa périphérie (pi. VI, fig. 7, et pi. VIII, fig. 7). Ces résultats, obtenus par l'observation directe, doivent être contrôlés et complétés par l'action des réactifs (acide osmique et acétique). Ainsi, quand on tue un œuf et qu'on le traite convenablement à la phase oîi la tache germinative acquiert une. grande vacuole unique (pi. VI, fig. 2), rien n'est plus facile à voir que la façon dont un corps solide remplit la cavité de cette vacuole. Le carmin de Reale le colore bien plus intensément que la substance qui l'entoure circulairement (pi. VIII, fig. S), et il apparaît ainsi comme correspondant à la plus petite des deux parties que nous avions pu déjà distinguer dans la constitution de la tache germinative de l'œuf ovarien, A partir de ce moment, les réactifs font surgir une série d'aspects impos- sibles à observer sur l'œuf frais. Ils se rapportent aux stades déjà plus avan- cés, dans lesquels la vacuole centrale commence à disparaître, la tache ger- minative à devenir indistincte et à diminuer de volume. Voici la série régulière de ces aspects et leur interprétation. Le corps contenu dans la vacuole s'allonge en une pointe et devient pyri- formefpl. VIII, fig. 18, a). Lapoini,es'alIongeant davantage, il devient claviforme et, de cet état, il passe à celui d'un long et mince bâtonnet, renflé de dis- tance en distance (pi, VIII, fig, 43, b), dont la position est abooluraent fixe dans la vésicule germinative. L'une des extrémités de ce bâtonnet, en effet, tra- verse la zone corticale de la tache germinative qui délimite la vacuole et, sortant de la tuche, vient plonger dans 1h corps précédemment décrit, pour y devenir le centre de la figure étoilée observée'sur le vivant (pi. VIII, fig. \ et fig. rA). Mais le reste de la substance du nucléole, la couche craticale délimitant la vacuole, subit elle-même aussi des changements dans sa forme. Sa surface, auparavant régulièrement sphérique, devient irrégulière. Quelquefois, elle se relève jusqu'à une certaine hauteur autour du bâtonnet dont le sommet plonge dans le coin, et lui forme comme un étui à la base. Dans des cas plus rares, la surface de la tache germinative semble toute bosselée et comme désagrégée en un amas de granules distincts et séparés (pi. VIII, fig. 18, a, b). Reprenons maintenant la série des phénomènes. A l'extrémité libre du bâtonnet, celle qui plonge dans le coin et forme le centre d'une image étoi- IV NOTES ET REVUE. lée, on voit paraître quelques granulations qui se disposent en cercle (pi. Vllf, fig. 13). Il faut les considérer comme des parties détachées du bâtonnet et, par conséquent, comme dérivant de la tache germinative. Le bâtonnet, en effet, ne tarde pas à disparaître en tant que tel, c'est-à-dire qu'à ce moment les deux substances du nucléole ont été disjointes, et se sont séparées pour occuper des emplacements distincts. La moins considérable, quant au volume et la moins soluble, a émigré dans le protoplasme et y a pris la forme d'une couronne de granules (pi. Vill, fig. 18, c) ; l'autre substance, au contraire, qui laisse encore souvent reconnaître la cavité d'où la première est issue en bâtonnet (pl.VIll, fig. 19, ?>, c) est demeurée, il est difficile de dire si c'est en totalité ou partiellement, dans la vésicule germinative. Nous disons, en effet, qu'il est possible qu'à ce moment quelques parcelles de cette substance nu- cléolaire, la plus soluble, se soient liquifiées et aient pénétré dans le champ clair du coin. Nous arrivons maintenant au stade auquel, sur le vivant, à la première étoile venait s'en adjoindre une autre. Les réactifs nous fournissent sur cet état les éclaircissements suivants. Grâce à eux, il est facile de démontrer qu'entre les deux étoiles est étendu un corps strié, dont les libres, peu distinctes d'abord, se révèlent bientôt nettement quand le reste de la tache germinative est davantage sur le déclin. Ce corps fusiforme strié n'est autre que celui de direction, ainsi que Bûtschli l'a fait voirie premier. Les figures 3, 4 et 6 de la planche VllI, sont destinées à faire connaître ce stade. L'action de l'acide acétique a déterminé un précipité noirâtre de granules dans le fluide de la vésicule germinative. La membrane de celle-ci s'est plissée sur elle-même, et apparaît plus distinctement que sur le vivant. Elle n'est détruite qu'au point correspondant à celui où reposent l'éininence protoplasmatiqueetle corps fusiforme. La figure 6 offre un état plus avancé. La paroi de la vésicule a disparu entièrement; du nucléole il n'y a plus qu'un petit reste, et de la substance fondamentale de la vésicule on ne trouve plus qu'une masse quelque peu granuleuse et foncée, qui ne s'est pas encore mêlée au protoplasme ambiant. Dans la figure 7 enfin, le corps fusiforme situé près de la périphérie est seul encore discernable, avec fibres plus larges. Sur les exemplaires traités par l'acide acétique, l'auteur n'a pu voir, dans ce corps, de plaque ou plutôt d'an- neau équatorial, mais sur les préparations à l'acide osmique. il en a trouvé un manifeste (pi. VlII, fig. 15). En même temps, la figure 7 montre encore un fait intéressant constaté occasionnellement sur plusieurs pièces. Des œufs ayant été portés dans la glycérine très-étendue pour les éclaircir, leur membrane s'était détachée et soulevée circulairement du vitellus; mais, au point où le corps fusiforme affleure la périphérie, la membrane se trouvait retenue par- tiellement par un faisceau de filaments protoplasmiques qui, issus du sommet du corps fusiforme, allaient, par leur autre extrémité, se fixer en divergeant sur la lace interne de l'enveloppe de l'œuf, et ces filaments que l'enveloppe avait légèrement soulevés avec elle, se voyaient en toute netteté, disséqués en quelque sorte par la petite quantité d'eau que l'endosmose avait fait péné- trer entre eux et tout autour. Après la formation du corps fusiforme de direction, survient une courte NOTES ET REVUE. v pause. Puis, deux heures h deux heures et demie après la ponte, commence l'émission des f^lohules de direction, phénomène que nous devons suivre d'ahord sur le vivant. La double étoile se grossit par accumulation de substance homogène. Puis s'élève sur la surface du vitellus un mamelon de protaplasma recouvrant la moitié périphérique de la figure étoilée (fig. 6). Bientôt ce mamelon devient plus cylindrique pour s'étrangler ensuite à la base. A ce moment naissent, à la surface de l'œuf, aussi bien que sur celle du globule de direction qui vient de se dessiner, des sillons qm, de part et d'autre, convergent vers l'étran- glement qui sépare le globule du vitellus (fig. 8;. Enfin, ce globule se dé- tache tout à fait et s'aplatit en un petit disque reposant à la surface du vitel- lus (fig. 9). Immédiatement au-dessous de lui. est demeurée la seconde moitié de la figure étoilée. qui se convertit elle-même, en un quart d'heure, en une nouvelle étoile double (fig. 11), qui se comporte comme la première, donnant un second globule de direction par l'une de ses extrémités, et de- meurant enfouie par son extrémité centrale dans la couche superficielle du vitellus (fig. 12, 13). En traitant les œufs, aux phases qui viennent de nous occuper, par le- réactifs, on peut ici encore prouver que, dans les phénomènes de gemmation des globules d'excrétion, les mêmes particularités caractéristiques ont lieu que celles qui ont été décrites par l'auteur dans l'œuf de Nephelis (pi. Vllf, fig. 7, H). 11 n'y a de différence qu'en ce que, avant que commence le bourgeon- nement, le corps fusiforme a diminué de longueur pour s'élargir et est devenu dolialoïde. Gomme dans la Nephelis, pendant que le protoplasina s'élève à la surface en mamelon, deux zones d'épaississement ou anneaux sont apparus qui, s'écartant, se portent chacun dans une des parties de la division future. Après la seconde division, par la répétition du même phénomène, la moitié du corps de direction qui est restée dans le vitellus, comme il a été dit, a donc conservé son anneau polaire, et c'est celui-ci qui devient le point de départ de la formation du noyau de l'œuf, de la façon suivante. Un quart d'heure après que le second globule d'excrétion s'est détachée trois heures après la ponte, la portion subsistante de la deuxième étoile double grossit et s'éloigne de la surface du vitellus. Sur le vivant déjà, il est facile de voir naître, dans la substance homogène, un certain nombre de petites va- cuoles (pl. Vlil, fig. 12, pi. VI, fig. 14), autour de l'amas desquelles le proto- plasma ambiant s'ordonne en stries rayonnantes. Les vacuoles grossissent ; l'aspect rayonnant du protoplasma s'accuse mieux dans leur voisinage et s'é- tend plus loin. Le centre de chaque vacuole est formé, ainsi que les réactifs l'apprennent, par un des grains de l'anneau polaire précité. Ces vacuoles ne demeurent distinctes et séparées les unes des autres que peu de temps et, par leur coalescence graduelle, font place après trois heures et demie aune seule grosse vacuole, dont la surface lobée trahit la multiple origine (pi. VI, fig. 15). Elle contient à son centre un certain nombre de petits corps nucléoli- formes. Le noyau de Uœuf, dénomination sous laquelle il convient de dési- gner <à partir de ce moment le corps qui nous occupe, s'est, au fur et à me- sure de sa constitution, rapproché davantage du centre du vitellus, en même temps que l'aspect rayonnant du protoplasma ambiant précédemment décrit, VI NOTES ET REVUE. s'effaçait graduellement. Les grains contenus à rintérieur de ce noyau de l'œuf se fusionnent aussi, à leur tour, en un seul nucléole, dont la présence est constante dans tous les œufs (pi. VIII, fig. 20, a, d, pi. XVI, fig. 10). A ce moment, l'œuf est mûr et susceptible de fécondation. Dans les faits tels qu'ils viennent d'être rapportés, M. Hertwig s'éloigne sous maints rapports des données de van Beneden. 11 n'a pas vu la segmen- tation de la tache germinative en parties isolées, la dispersion et la disso- lution de ces segments dans le suc nucléaire, l'expulsion d'une portion du contenu de la vésicule germinative sous forme d'une gouttelette, tous faits rapportés par van Beneden.  leur tour, van Beneden et Greeff n'ont pas re- connu les deux substances qui forment la tache germinative, ni les transfor- mations qu'elles éprouvent durant la métamorphose de la vésicule germina- tive, ni la formation du coin de pénétration, ni l'apparition des deux étoiles, ni le corps fusiformc de direction, ni le mode d'origine des deux globules de direction, non plus que celui du noyau de l'œuf. Il a rapproché davantage des données deFol,qui a vu l'étoile double, Yam- phiaster comme il la nomme, et distingué à quelque distance un reste de la tache germinative. Mais Fol n'a rien dit de plus précis sur les changements qu'éprouve la tache germinative, et sur le mode d'origine de Vamphiaster. L'auteur doit encore se séparer de lui quand il dit que Vamphiaster se partage et qu'une seule moitié produit les globules de direction. Enfin, Fol est arrivé à un résultat absolument opposé à l'un des plus essentiels de ceux constatés par Hertwig, quand il admet qu'il n'existe aucun lien génétique entre le noyau de l'œuf et la tache germinative. Or, ce lien existe, comme le prouve la série des phénomènes suivie pas à pas. La fécondation. — Immédiatement après l'addition de sperme, le vitellus se rétracte sous son enveloppe. C'est là le premier signe et le plus perceptible de l'accomplissement de la fécondation. Bientôt après apparaît, dans la zona externe du vitellus, à l'opposite du point occupé par le corps fusiforme, un petit champ clair qui échappe aisément à l'observation. Autour de lui, le vi- tellus montre vaguement une structure rayonnante (pi. Vil, fig. 13). Souvent l'auteur a vu, dans le prolongement d'un de ces rayons, le protoplasma étendu en manière d'un mince pont entre le vitellus et sa membrane écartée. Ce pont répond apparemment à l'endroit par lequel le spermotozoïde fécondant a pénétré. Le petit champ clair s'avance lentement vers le centre de l'œuf sans devenir beaucoup plus distinct, et demeure tel jusqu'au moment de ré- mission du deuxième globule d'excrétion. A partir de cet instant, l'image change (pi. VII, fig. 4). L'aspect rayonnant du protoplasma s'accuse davantage autour du petit champ clair et s'étend bientôt à tout l'œuf. Enfin, dans le champ clair paraît une vacuole, en même temps qu'une autre se produit au-dessous du point de sortie des globules de direction. Les deux vacuoles nucléaires grossissent, se rapprochent jusqu'au contact et se fusionnent i)our former le noyau quelque peu ovalaire de la première sphère de segmentation, situé au centre de l'œuf. Les deux pôles de ce noyau deviennent centres de rayons divergents, et on a bientôt la figure de deux soleils, telle qu'elle a été décrite dans l'œuf du Toxopneiistes . Le sillon de segmentation paraît deux heures et demie après le commencement NOTES ET REVUE. vu de la fécondation, et prend son point de départ au-dessous des globules de direction. Dans d'autres cas,les œufs ont été fécondés quatre heures après laponte, par conséquent à une époque à laquelle le noyau de l'œuf s'était déjà formé par coalescence de vacuoles séparées (pi. VII, fig. 5). Dans ces cas encore, on voit le vitellus se rétracter et une petite figure étoilée apparaître en un point do la surface. Mais tandis que, tout à l'heure, celle-ci demeurait longtemps indis- tincte, elle grossit ici rapidement et gagne le centre de l'œuf. Le noyau de l'œuf s'est mis en marche en même temps, et se dirige vers le même endroit par des mouvements amœboïdes. Arrivé là, il pénètre dans l'étoile qui s'y trouve déjà (pi. Vil, lig. 7). Pendant ce temps, dans cette figure étoilée, on voit une toute petita vacuole s'accuser nettement, s'appliquer contre le noyau de l'œuf et se fusionner avec lui (pi. VII, fig. 8). La division en deux a lieu trois heures après la fécondation. Ces phénomènes de la fécondation sont interprétés ici par l'auteur comme ceux décrits par lui, à la date de deux ans, dans le Tovopneiistes lividus. Dans l'accomplissement normal de la fécondation, un seul spermatozoïde pé- nètre dans l'œuf. Son effet immédiat est la rétraction de l'œuf sous son enve- loppe, qui ne demeure rattachée au vitellus qu'en un point par un pont de protoplasma, et ce point est celui par lequel le spermatozoïde est entré. La portion de noyau issue de la cellule mâle qui est contenue dans la tête du spermatozoïde prend la forme d'un petit noyau arrondi qui, exerçant une attraction sur le protoplasma ambiant, s'entoure d'une auréole homogène et d'une couronne de rayons. C'est l'étoile vecluée ou spermatozoïde destinée à se conjuger avec le noyau de l'œuf. Un fait digne d'intérêt, c'est que chez ÏAsleracanlhion, cette étoile vectuée se comporte différemment, suivant le moment auquel survient la fécondation. Si le spermatozoïde pénètre avant la constitution du noyau de l'œuf, celui-ci, aussi bien que le noyau raàle, s'imbibe, avant que la fusion de l'un ou de l'autre ait lieu, du liquide nucléaire épars dans le plasma, et ils deviennent ainsi deux Vacuoles d'égal volume (pi. VII, fig. 3, i, I, 2). Au contraire, le noyau raàle reste à l'état d'un très-petit corpuscule quand, à son arrivée, il trouve déjà constitué le noyau de l'œuf qui a usurpé pour lui tout le suc nucléaire épars dans l'œuf (pi. VII, fig. 5 et 7). Ces deux cas correspondent aux différences qui ont été décrites comme normales dans l'accomplissement de la fécondation chez différents animaux, tandis qu'il n'y a là qu'une question de relation entre le moment oii survient la fécondation et le degré de consti- tution du noyau de l'œuf au même instant. Notons enfin que !e mécanisme par lequel la membrane de l'œuf se dé- tache du vitellus peut expliquer comment normalement un seul spermato- zoïde pénètre, à moins qu'on ne veuille dire que, puisque le premier a la bonté de laisser derrière lui un pont, d'autres pourraient en profiter. A. S. ¥111 NOTES ET REVUE. Il TRAITÉ DE ZOOLOGIE CONFORME A L'ÉTAT PRÉSENT DE LA ZOOLOGIE. La direction des Archivex a reçu le Traité de zoologie, de M. Claus^ qui a été traduit de l'aileinand parmi de nos jeunes professeurs des facultés des scien- ces dont le nom seul appellerait l'attention des lecteurs, si celui de l'auteur lui-même n'était déjà connu de tous les zoologistes. M. G. Moquin-Tandon, professeur à la Faculté des sciences de Besançon, a eu une très-heureuse idée en donnant aux zoologistes français la traduction de l'excellent ouvrage de zoologie générale de M. Claus. Il a ajouté de nom- breuses notes à l'ouvrage en ayant le soin de les signer, et par cela même il a augmenté le nombre des faits déjà si nombreux que renferme le livre. Nous ne saurions trop applaudir les efforts qu'a fait M. Moquin-Tandon pour nous rendre aussi fidèlement l'esprit de l'ouvrage important qu'il a mis à la disposition des zoologistes français. M. Savy, l'éditeur, a lui-même pris à tâche de transporter dans notre langue beaucoup d'excellents ouvrages, et nous nous empressons de citer cette nouvelle. production^ dont l'ulilité est absolument incontestable. Le Trailé de zoologie de M. Claus a surtout le grand avantage de présenter un résumé, un aperçu général de l'ensemble du règne animal en rapport avec les progrès que l'histoire des animaux a faits depuis ces dernières années. Un passage d'un avant-propos mis en tête de l'ouvrage par M. Moquin-Tandon, fera connaître l'ouvrage et l'esprit de son auteur. « Depuis quelques années, dit le traducteur, d'innombrables matériaux se sont accumulés, véritables entassements de richesses, au milieu desquels l'es- prit courrait grand risque de s'égarer, s'il ne prenait pour guide un ouvrage méthodique qui lui permît d'embrasser l'ensemble du règne animal, tout en lui faisant connaître avec les détails nécessaires les types principaux autour desquels se groupent les diverses formes et leurs rapports de parenté. A ce point de vue l'utilité d'un traité de zoologie assez vaste pour réaliser ce pro- gramme, sans [cesser pourtant d'être élémentaire, ne saurait être contestée. L'Angleterre et l'Allemagne, où les sciences naturelles sont plus cultivées que chez nous, offrent de nombreux ouvrages qui répondent parfaitement à ce but. En France, la patrie de deLamarck, de Cuvier, de Geoffroy Saint-Hilaire, nos étudiants ne sont pas aussi favorisés, sous ce rapport, que leurs voisins d'outrc-Rliin et d'outre-Manclie. Nous ne possédons en effet, en ce genre, que deux ouvrages de mérite, datant de 1833 et de 1843 ; c'est ce qui nous a décidé à entreprendre la traduction que nous offrons aujourd'hui au public. Nous avions à choisir entre plusieurs traités également estimables; notre pré- férence s'est portée sur celui du professeur Claus. Outre le même soin dans !a partie purement systématique, il offre en tête de chaque groupe principal, type, classe, ordre, un exposé succinct, mais complet, de l'organisation des ôtres compris dans chacun de ces groupes et un aperçu de leur développe- NOTES ET REVUE. ix ment. Aujourd'hui où, sous l'influence des doctrines transformistes, les ques- tions embryologiques ont acquis une si grande valeur, on comprend les ser- vices que peuvent rendre des résumés de ce genre, où se trouvent réunis tous les faits de quelque importance, et si Ton considère qu'il n'existe en France aucun livre où toutes ces notions soient groupées d'une manière sys- tématique, au point de vue de l'ensemble du règne animal, et qu'il faut re- courir pour leur étude aux nombreux mémoires épars dans les recueils scien- tifiques, on ne sera pas surpris que nous ayons été attiré par le travail du célèbre professeur. » On peut assurer que la traduction de la zoologie du professeur Claus sera très-utile à tous les zoologistes désireux de se tenir au courant des modifica- tions apportées aux classilications des animaux par les auteurs modernes. III SPONGICOLA FISTULARIS. HYDRAIRE HABITANT UNE ÉPONGE, Par FïlANZ ElLHARD SCHULZE. En 1872, deux mémoires d'Eimer, dans lesquels il affirmait avoir rencontré des nématocystes dans les éponges, semblaient devoir donner raison aux zoologistes qui voulaient placer les spongiaires dans le groupe des Cœlen- térés. Eimer avait observé dans deux éponges siliceuses, des genres Esperia et Myxilla, ainsi que dans une éponge cornée, de nombreux canaux de nature chitineuse, dont l'extrémité ouverte s'élevait de quelques millimètres au- dessus de la surface de l'éponge, mais qui à l'intérieur s'amincissaien- gra- duellement et finissaient par passer à une substance molle sarcodique. Ils renfermaient un corps blanchâtre, susceptible de se contracter quand on l'irritait. Il avait cru voir que ces tubes faisaient partie intégrante de l'éponge. Le corps interne pourvu de tentacules et qu'il nommait animal préhenseur (fangs- thier), présentait un ectoderme, une couche musculaire et un entoderme composé de cellules, de granulés et de nématocystes, tout comme le corps des hydraires. On aurait pu par suite le considérer comme un hydraire ; mais Eimer écarta résolument cette idée. Peu de temps après le premier mémoire d'Eimer sur les nématocystes des éponges, Carter publia la découverte, par lui faite, de polypes parasites à l'intérieur d'une Reniera branchue de la baie de Boue, et il supposa qu'Eimer avait été induit en erreur, et que les nématocystes qu'il avait rencontrés n'ap- partenaient pas à l'éponge, mais à l'hydraire parasite. La dernière communication sur ce sujet est de G. Allman, qui rencontra X . NOTES ET REVUE. dans des éponges cornées de nombreux hydraires auxquels il donna le nom de Stephanoscyphus mirabilis. M. Schulze, dans ses études sur les éponges, a cherché à voir si les néma- tocystes faisaient partie intégrante ou non du corps de l'éponge. « Je suis arrivé, dit-il, à ce résultat, que chez aucune des éponges dont j'ai fait jusqu'ici l'histologie, les nématocystes ne font partie intégrante de leur corps, et ne peuvent être considérés comme leur appartenant en propre. A la vérité, j'ai rencontré assez souvent des nématocystes de diverses formes dans telle ou telle partie du corps, mais surtout dans la couche de tissu la plus externe, ou dans les parois des canaux qui parcourent le corps de l'éponge. Dans tous les cas, il était facile de prouver que ces nématocystes étaient des corps étrangers introduits de l'extérieur dans les éponges, mais ne faisant nullement partie de leur organisme. Je ne puis d'autant moins partager les idées d'Eimer, qui regarde les né- matocystes de beaucoup d'épongés comme partie intégrante de leur corps, que j'ai justement eu occasion d'observer les mêmes formes d'épongés que celles dans lesquelles Eimera décrit, sous le nom de fangslhier, ces animaux porteurs de tentacules et riches en nématocystes. Je les ai trouvés dans les quatre éponges adriatiques suivantes : 1" Reniera fibulata, 0. Sm. 2° Siiberiles flavus, Liberk. 3° Esperia Bauriana, 0. S. 4.° Myxilla fascicularis, Lib. Et je les nomme Spongicola fistularis. » Si on abandonne des éponges habitées par la Spongicola fistularis dans de l'eau de mer fraîche, on aperçoit bientôt au sommet des sortes de bosses qui hérissent la surface des éponges, des faisceaux de tentacules délicats tout semblables à ceux d'une campanule. Au plus léger contact, à la plus légère se- cousse, on les voit rentrer et paraître à quelque distance au-dessous de l'ori- fice des canaux dans lesquels ils se retirent. La Spongicola fistularis forme des colonies, consistant en un cœnosarque tubuleux, contenu dans des conduits chitineux (périsarque), qui parcourent les canaux de l'éponge, et en hydranthes qui s'épanouissent à la surface. Le périsarque forme un réseau de tubes anastomosés entre eux, transpa- rents, incolores, ou légèrement colorés en brun dans les parties épaissies. Ces tubes augmentent graduellement de diamètre jusqu'à la surface. On ne parvient à les bien séparer du parenchyme de l'éponge que par la macé- ration. Dans le cœnosarque, comme dans celui des autres polypes hydraires, on trouve les couches concentriques suivantes : l'ectoderme, avec une couche de fibres musculaires tout autour, la lamelle hyaline de soutien et l'ento- derme. L'ectoderme est formé d'une couche continue de cellules polygonales, remplies de petits corpuscules réfringents. Dans cette couche, on rencontre des nématocystes de différentes formes libres ou contenus encore dans leur cellule mère. Entre l'ectoderme et la lamelle de soutien, se trouve une couche de fibres NOTES ET REVUE. xi musculaires longitudinales et terminées en pointe aux deux extrémités. Cette couche, de même que la lamelle de soutien, est souvent si délicate et si mince, qu'il est difficile d'en constater la présence. L'entoderme se compose, comme celui des hydraires, de larges cellules prismatiques, de la surface interne desquelles part un long flagellum. Mais outre ces caractères communs' avec les hydraires, la Spongicola en présente un tout particulier. En effet,: en examinant l'animal à travers le périsarque, on voit quatre côtes longitudinales, symétriques, faisant saillie à l'intérieur du cœnosarque. Elles sont produites par un plissement de la couche entodermique. L'hydranthe, en forme de tube court, est en continuation immédiate avec le cœnosarque, sans modification sensible dans son aspect et sa largeur. Il s'en distingue cependant très nettement par certains points. C'est surtout l'ectoderme qui montre cette différence. Il est bourré de nématocystes, et outre des cnidocils il présente encore de nombreux cils vibratiles produisant un fort courant d'eau. Sous l'ectoderme se trouve un système de fibres musculaires longitudi- nales très longues et pointues aux deux extrémités. La couche cellulaire entodermique, située sous la lamelle hyaline de soutien, ne se différencie pas sensiblement de celle décrite dans le cœnosarque. Elle présente aussi ces quatre bourrelets longitudinaux en continuation di- recte avec ceux du cœnosarque. L'extrémité antérieure du corps de l'hydranthe se sépare du reste de l'animal, par un fort pli circulaire portant les tentacules, se relève ensuite sous forme d'entonnoir et présente une ouverture tentrale dilatée. Les quatre bourrelets longitudinaux du cœnosarque et du corps de l'hy- dranthe se prolongent sur le pli circulaire et sur l'hypostome jusqu'au bord libre de la bouche. Le nombre des tentacules n'est pas régulier,, mais paraît être un mul- tiple de 4, et peut varier de 16 à 40. Ce dernier nombre est le plus fréquent. Les tentacules sont pleins. On y rencontre les couches typiques du corps de l'hydranthe : un ectoderme cellulaire, une couche de fibres musculaires longitudinales, la lamelle hyaline de soutien, qui paraît entourer une couche de fibres musculaires circulaires, et enfin dans l'axe la rangée, de grosses cellules entodermiques. Les cnidocils, que l'on trouve à la surface des tentacules, dépassent en longueur les plus longs cnidocils trouvés jusqu'ici chez les autres cœlentérés. Ainsi, tandis que chez fhydre ils atteignent au plus 0""°,0I, ceux des bras de la Spongicola atteignent 0^^,02. Les macrocnidies sont en petit nombre à la surface des tentacules et en- tourées en général par un groupe de dix à vingt microcnidies. Les macrocnidies, de forme presque sphérique, peuvent émettre un long filament, formant à la base un tube cylindrique à la surface duquel se trou- vent de nombreuses pointes dirigées obliquement et disposées en spirale ; le reste du filament, très transparent, est couvert aussi de petites pointes en spirale. Les microcnidies, plus petites, de forme ovale, émettent un filament xu NOTES ET REVUE. dont la partie basale n'est pas aussi nettement marquée que ohez les macro- ciiidies. Entre les cnidocils, se trouvent de longs flagellums très mobiles, et qu'on ne rencontre pas sur les tentacules des autres liydraires. Ces flagellums très délicats ne peuvent être aperçus que très difficilement. Ils sont peu nombreux à l'extrémité des tentacules, augmentent en nombre vers la base et sont très abondants sur le corps de l'animal. Quant à la reproduction et au développement de la Spongicola, U. Scbuize ne peut encore faire de communications. On peut se demander maintenant, dit-il, si l'animal que j'ai décrit est identique avec les formations observées par Eimer dans plusieurs éponges et qu'il a considérées comme des animaux nourriciers et prébenseurs (nàlir-und fangthiere) de l'éponge et comme en faisant partie intégrante. Je crois pouvoir affirmer cette identité, parce que d'un côté les décla- rations d'Eimer sur la structure de ces formations s'adaptent entièrement bien à ma Spongicola, à l'exception de la continuité, qu'il affirme exister entre elles et le corps de l'éponge, et d'un autre côté Eimer a observé ces formations dans les mômes éponges ou dans des espèces voisines de celles oîi je les ai rencontrées. Pour les animaux trouvés par Carter et AUman, M. Schulze ne peut dé- cider, leurs descriptions étant trop courtes, ou ne concordant pas entière- ment avec la sienne. Quant à la place qu'il faut assigner à la Spongicola, ne connaissant pas son mode de reproduction et de développement, il ne peut affirmer qu'une cbose, c'est qu'elle se trouve dans la classe des hydraires ou des bydromé- dusaires. Cependant, il croit avoir affaire à une forme de scyphistome, c'est- à-dire à un stade de développement asexué d'une méduse acraspédote. Il déduit cela de cette circonstance, qu'abstraction faite du cœnosarque d4ve- loppé, la structure de l'bydrantbe de la Spongicola ressemble beaucoup à celle d'un scypbistome, à' Aurélia axirila par exemple. En effet, cbez les deux formes animales, on trouve les quatre bourrelets longitudinaux symétriques faisant saillie à l'intérieur, et qui du cœnosarque comme de la tige du scy- pbistome s'étendent jusqu'à l'hypostome, au milieu duquel ils s'arrêtent ce- pendant cbez le scypbistome ; l'hypostome aussi dans la Sponpico/a comme dans le scypbistome s'élève presque à angle droit des parois du corps ; l'ana- logie existe aussi dans la structure histologique des parties correspondantes : les macrocnidies et les microcnidies sont distribuées de la môme façon, les cnidocils ont aussi chez le scyphistome une grande longueur, et enfin on re- marque chez le scyphistome comme chez la Spongicola, de longs flagellums répandus sur la surface des bras, surtout à la base et sur les parois du corps. NOTES ET REVUE. xm IV SUR LES SIPHONOPHORES DES PROFONDEURS DE LA MER. Par M. le professeur Th. Studer. {Zeitschr. fur iviss. Zoologie, t. XXXI, 1878, p. 1-24, pi. I-III.) II semblait jusqu'ici que le monde animal des Océans se distribuait en deux groupes distincts bien séparés : d'une part, les animaux de surface avec leur richesse infinie de formes et de types, d'autre part, ceux qui vivent sur le sol même des mers et dont les dernières explorations ont constaté l'existence jusqu'aux profondeurs énormes de 2 000 et 3 000 brasses. Les animaux du premier groupe ne s'enfoncent jamais beaucoup au-delà de 100 brasses au- dessous de la surface. Entre ces deux zones, on pouvait croire qu'il n'existe plus d'êtres animés et que les couches énormes d'eau qui les séparent sont des solitudes absolument dépeuplées. Le travail de M. Studer prouve qu'il n'en est point ainsi et, qu'entre le monde pélagique et le monde des abîmes, existe une faune encore inconnue; mais que les recherches de l'avenir révéleront peut-être aussi variée que les deux autres. Durant le voyage autour du monde de la corvette la Gazelle, il arriva fré- quemment, dans les nombreux sondages qui furent exécutés, que la corde de sonde revînt enveloppée et comme engluée de fragments de Siphonophores et quelquefois même de Siphonophores entiers. Ces animaux ne se trouvèrent jamais dans le lilet pélagique qui était traîné nuit et jour et descendu quel- quefois jusqu'à 200 brasses; en outre, le point d'attache sur la corde répondait toujours à une profondeur constante en rapport avec uue température déter- minée de l'eau. Ces deux faits prouvent sans réplique que ces Siphonophores habitent uniquement les couches profondes. Ces couches constituent une zone placée entre 500 et 2 000 brasses avec une température variant entre 2 et 6 degrés au-dessus de zéro. Les Siphonophores et fragments ainsi ramenés se rapportent à trois espèces, dont deux ont pu être étudiées complètement. M. Studer les a rangées dans le genre Rhizophysa. Les fragments de la troi- sième étaient trop incomplets pour les déterminer avec sûreté. Des deux Rhizophyses, l'une, le R. conifera, a été trouvée dans l'océan Atlantique et l'océan Indien ; la seconde, le E. inermis, dans l'océan Indien seulement. Les fragments incomplets de l'espèce iddéterminée furent péchés en grand nombre dans toutes les mers. Rhizophysa conifera, nov. sp. — La tige, qui peut atteindre une longueur de plus d'un mètre, se renfle à son extrémité supérieure en ui)e grande chambre pyriforme longue de 15 centimètres, dans laquelle est logée la vessie aérienne. Au-dessous de cette chambre, la tige, encore d'un fort diamètre, porte de nombreux bourgeons de polypes placés sur un seul côté ; plus bas, elle va en s'amincissant beaucoup. C'est sur cette dernière partie que sont fixés les polypes, assez écartés les uns des autres. Ces polypes sont munis d'un seul ten- tacule fixé à leur base et sont dépourvus de tout filament secondaire. Ce ten- XIV NOTES ET REVUE. taculo unique et cette absence de filaments urticants distinguent cette Rhi- zophyse des deux autres espèces connues jusqu'ici. Sur un exemplaire bien conservé existait entre les polypes et attaché à la tige un porte-gonophore ayant la forme d'une pomme de pin. D'après la disposition et la structure histologique de la vessie aérienne, M. Studer considère cet organe comme une simple invagination de l'extrémité supérieure de la tige. Les parois de cette dernière au-dessous de l'ectoderme sont constituées par un mésoderme d'une structure toute particulière et qui forme un véritable squelette interne sur lequel viennent s'attacher les fibres musculaires. Glaus a déjà décrit une structure semblable chez YApolemia uvaria. Les polypes ont la forme de tubes allongés d'une longueur de 3 à 4 centimètres avec une bouche élargie en entonnoir. M. Studer décrit la struc- ture histologique de leurs diverses parties avec beaucoup de soin , Le porte- gonophore a lalforme d'an corps épais sur lequel s'élèvent des excroissances lamelleuses creuses, disposées en verticille et se recouvrant les unes les autres comme les écailles d'une pomme de pin. A la base et sur les côtés de chacune de ces écailles naissent de nombreux gonophores sphériques. M. Studer a trouvé très fréquemment un distome parasite qui vit à l'exté- rieur ou à l'intérieur du Rhizophysa conifera. Ce distome est une espèce dif- férente de celui que M. Vogtadéjà décrit comme vivant sur une espèce d'Hip-, popodius. M. Studer le nomme Distomum rhizopliysœ et signale l'existence de divers parasites qu'il a rencontrés dans d'autres circonstances chez des Sipho- nophorcs. Rhizophysa inermis, nov. sp. -r L'unique exemplaire de cette espèce que M. Studer ait péché mesurait dS centimètres de longueur. La chambre 'Supé- rieure, relativement plus grande que dans l'espèce précédente, était fortement renflée à sa base. La vessie aérienne était librement suspendue dans la partie supérieure de sa cavité. Du fond de la vessie partaient un grand nombre de prolongements en culs- de-sac. La tige au-dessous de la chambre avait une épaisseur de 4 millimètres et portait de nombreux bourgeons de polypes. Plus bas elle allait en s'amin- cissantpromptement, pour|devenir bientôt presque filiforme. Cette partie effi- lée portait des polypes en forme de tubes allongés et dépourvus de tentacule. A la base d'un des polypes était fixé une grappe de gonophores groupés en rosette autour d'un pédoncule épais. Chaque gonophore portait à sa base un tentacule court muni de filaments secondaires cylindriques terminés par un bouton urtical renflé en massue et composé d'un amas de nématocystes ana- logues à ceux du Rhizophysa flUformis. Balhyphysa abyssorum, nov. gén. et sp, — Les fragments de la troisième espèce se composaient seulement de tentacules et de filaments préhensiles. M. Studer croit pouvoir les rapporter à une autre espèce de Siphonophore dont les échantillons conservés dans l'alcool sont déposés au musée de Berlin. Ils proviennent de l'océan Atlantique et d'une profondeur de 1880 brasses. L'examen de ces échantillons assez complets a permis d'y reconnaître un genre nouveau. L'extrémité supérieure de la tige est munie de la chambre et de la vessie aérienne; au-dessous elle se prolonge en un long filament mince qui parait NOTES ET REVUE. xv dépourvu (1(3 toute espèce d'appendice. Ce filament peut avoir fiO centimètres de longueur; puis la tige se renfle beaucoup en un cylindre musculeux qui porte de nombreux zoïdes disposés en deux séries alternantes. Au-dessous elle s'amincit promptement et se termine en une pointe effilée. Les polypes ont la forme de tubes simples à parois minces et d'une lon- gueur de oO à SS millimètres. Ils sont fixés à la tige par un pédoncule effilé qui peut atteindre une longueur de 20 centimètres et qui offre des renflements composés d'amas de nématocystes. — Les gonopliores sont disposés en grap- pes peu serrées qui pendent de la tige à l'extrémité d'un long pédoncule. — Les nématocystes sont de deux sortes ; les uns étroits et arqués, les autres ovales et droits. M. Studer a examiné avec soin la structure histologique des diverses parties de ce Siphonophore. L'auteur, en terminant, se demande comment la vessie aérienne de ces Siphonophores peut fonctionner à ces grandes profondeurs où le gaz qu'elle renferme se trouve soumis à des pressions qui peuvent dépasseriSOO atmos- phères. Quelques petits calculs prouvent que son jeu est et doit être e même que chez les Siplionoi)liores qui vivent à la surface. E. M. L'INDICATEUR ZOOLOGIQUE ( ZOOLOGISCHER ANZEIGER), Publié par Victor Carus, professeur à Leipsig. Nous croyons devoir signaler aux zoologistes français l'Indicateur dont le professeur Victor Carus a commencé la publication à la date du 1*^"^ juillet 1878. Cette feuille paraîtra régulièrement tous les mois, et même à de moindres intervalles, quand l'abondance des matières l'exigera. Il est inutile de dire à quel besoin urgent répond ce recueil ; il y aurait plutôt lieu de s'étonner que nul n'ait encore songé à prendre l'initiative d'une entreprise dont le succès est si certain, et qui sera saluée par une commune reconnaissance. L'Indicateur contiendra : i" Le titre des ouvrages édités par leurs auteurs, et relatifs à la zoologie, à l'anatomie, à l'ontogénie, à la paléozoologie; 2° Celui des mémoires publiés dans les journaux périodiques, avec un som- maire du contenu, mais sans analyse critique; 3° De courtes notes, telles que communications provisoires, remarques zoologiques, anatomiques, faunistiques, biologiques, procédés et nouvelles méthodes de recherches, etc., de façon à condenser en un même endroit une foule de renseignements précieux, perdus jusqu'ici dans des recueils locaux ou dans des collections que leur cherté ou leurs tendances éloignent du public zoologique ; XVI NOTES ET REVUE. 4" Des notes sur les Musées et Instituts zoologiques, sur les. collections privées, en même temps que le journal enregistrera les demandes que tel zoologiste pourrait faire de tel ou tel objet utile ù ses études, les offres d'é- change, etc., et qu'il donnera des renseignements sur les procédés de con- servation et les essais auxquels ils auront été soumis ; S» Des notices sur le personnel zoologique des Universités, Musées et autres établissements scientifiques de l'Allemagne et de l'étranger, et sur les chan- gements ou modifications qui y seront apportés; 6" Enfin, l'Indicateur sera à la disposition des opticiens, constructeurs ou marchands, pour toutes annonces concernant les instruments et ustensiles nécessaires aux études zoologiqucs. Comme on le voit, ce programme est complet, et nul n'est mieux à même de l'appliquer que le savant éditeur de la liibliolheca zoologica, dont l'Indica- teur sera en quelque sorte le continuateur dans sa partie bibliographique. Un regret nous sera permis, c'est que, par une entente féconde, l'Indicateur ne puisse paraître simultanément dans les langues principales de l'Europe. Ce serait le meilleur moyen pour l'auteur d'arriver à donner à son œuvre la propagation à laquelle elle a droit, comme ce serait peut-être aussi le seul de voir réaliser le vœu par lequel M. Victor Carus termine le prospectus que je viens de résumer, celui que tous les zoologistes lui facilitent l'accomplis- sement de sa tâche, en envoyant à son adresse, à Leipzig, ou à celle du libraire Ëngelmann, dans la même ville, l'indication de leurs travaux, leurs notes ou les procédés dont ils désireraient la publication, en se conformant, dans la rédaction de leurs envois, à l'esprit du présent programme. J'allais finir en oubliant le plus utile. — L'abonnement au recueil coûte 7 marcs. A. S. Le directeur : H. de Lacaze-Duthiers. Le gérant : G. Reinwald. NOTES ET REVUE. xvir VI SUR LA MORPHOLOGIE DES VIBRIONS (SPIRILLUM), Par P. Geddes et J.-C. Ewart. (Extrait des Proceedings of tlœ Royal Society, n" 188, 1878.) Malgré les reciierches nombreuses et fructueuses qui ont été faites récem- ment dans l'histoire des Bactéries, notre connaissance des formes courbes et spirales (Vibrio et Spirillum de Ebrenberg), si communes et si intéressantes, a fait peu ou point de progrès. Ni l'embryogénie ni la reproduction n'ont été observées; la phase de Zooglœa, si caractéristique de Baclerium et de BaciUus, n'a été mentionnée qu'une seule fois et même chez une forme différente ^ Dans un petit aquarium où de l'eau douce était restée stagnante toute une année, nous avons trouvé en hiver un nombre immense de vibrions mobiles ordinaires. L'été suivant, un nouvel examen de l'eau nous a montré que ces formes avaient à peu près disparu et à leur place nous avons trouvé des pelli- cules de Zooglœa consistant presque uniquement en Spirillum immobiles dans une masse gélatineuse, semblable à celle des Baclerium et des BaciUus. Avec ces vibrions il y avait aussi deux ou trois formes de hiaments, en apparence distinctes, quel(|ues-unes au repos et incolores, d'autres en mouvement et rem- plies de sphères bruu-jaunàtres, très réfringentes. Le Glœa avait à l'œil nu une teinte brunâtre, qui sous le microscope était distinctement due aux vibrions, la matrice étant aussi légèrement colorée. Quand un fragment était monté en préparation, l'eau agissait sur les bords déchirés et donnait très rapidement le mouvement aux organismes immobiles. Ceux-ci après des efforts parvenaient à se dégager, et en quelques secondes nageaient rapidement ça et là. La rapidité et l'étendue de ce changement que nous avons vu mainte et mainte fois étaient d'un intérêt et d'une beauté ex- traordinaires. Quand les vibrions mobiles étaient massés dans un endroit étroit, ils montraient très nettement leur teinte caractéristique, tandis qu'un seul, à moins d'un examen très soigneux, paraissait incolore. Les vibrions au repos ont des formes variées, quelques-uns simplement courbes, d'autres un peu recourbés à l'une ou à l'autre extrémité, et d'autres roulés en tire-bouchon à deux ou trois tours. Nous avons été très étonnés de voir qu'il y avait aussi des formes courtes configurées comme des virgules, dont les têtes ressemblaient exactement comme taille et comme couleur aux sphères brun-jaunâtre des longs filaments mobiles déjà mentionnés. Comme 1 Nous sommes persuadés que les formes décrites par divers auteurs comme Vibrio se rapportent soit : V aux BaciUus qui se brisent en zigzag; 2° aux BaciUus légèrementcourbés, ou 3" au SyiriUuin jeune, et alors que Vibrio ne doit plus être employé comme terme générique. ARCn. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. - T. VU. 187S. B xviu NOTES ET REVUE. toutes les gradations possibles de grandeur et de courbure existaient entre la plus petite virgule et la spirale la plus longue, il était naturel de supposer que nous avions ici la germination des spores dans les Spirillum. Les adultes immobiles peuvent être souvent pris pour spores en germination, mais en mettant exactement au point on reconnaît que ce qui paraissait être une spore est en réalité l'enroulement de la spirale, ou son extrémité vue en rac- courci. Pour cette raison, nous avons étudié et figuré soigneusement ces sources d'erreurs possibles. Il faut maintenant décrire les liy|)lies s|iorifères, à l'étude desquelles nous avons été conduits ainsi. Elles avaient une longueur très considérable, et étaient en mouvement incessant, les plus courtes avan- çant d'une manière bizarre et irrégulière, les plus longues s'enroulaut en anses, en nœuds et en spirales, comme des serpents entrelacés, et formant un mycélium mobile. Après avoir voyagé intacts pendant un temps considérable, ils se cassent en segments de longueur variable, et encore mobiles, qui peu- vent se diviser encore. Nous avons vu souvent un filament qui semait en se mouvant ses propres spores. Celles-ci s'échappaient tantôt par l'extrémité, tantôt à travers les parois, laissant à leur place dans la cellulose des vacuoles claires. Sauf le cas actuel, et celui d'une ou deux autres Bactéries, dans tout le règne végétal les spores ou semences peuvent posséder les moyens de loco- motion active ou passive, mais l'organisme maternel, du moins, est toujours immobile; ici l'inverse a lieu, c'est le parent qui est mobile, et ce sont les spores qui sont dépourvues de mouvement. Le développement des filaments et ses relations avec les spirales mobiles et immobiles étaient le premier problème à résoudre. Dans plusieurs prépara- tions, mais spécialement dans celles qui avaient été maintenues à la tempéra- ture de 25 degrés, nous trouvâmes de longs Spirillum courbés irrégulièrement et aussi de petits filaments, difficiles à distinguer de ces Spirillum. Nous les vîmes changer lentement de forme, tantôt se rétrécissant, tantôt s'enroulant, mais revenant souvent au type vibrion. Leur longueur et leur épaisseur aug- mentaient : ils devenaient immobiles, et leur protoplasme se condensait en sphères claires, rondes, d'abord à peu près incolores, mais bientôt dévelop- pant le brun caractéristique. Les filaments alors recommençaient leurs mou- vements. Les jeunes spores avaient au commencement un arrangement un peu irrégulier; mais il disparaissait quand le filament mûrissait. Le processus de la formation des spores est très remarquable. Des morceaux eu forme de bourgeon, d'haltère et de masses triradiés, se trouvaient dans le mémo filament. Les spores ainsi produites étaient souvent de taille inégale. Une semblable irré- gularité de division a lieu bien souvent en dehors des filaments. Ainsi semées dans la pellicule de Zooglœa, les spores s'entourent de cap- sules et très souvent, sinon toujours, elles se divisent en deux ou trois spo- rules. Les capsules mêmes peuvent se diviser, et des tas irréguliers, petits et grands, sont ainsi produits. Quelquefois aussi une masse de ces capsules est incluse dans une enveloppe définie de cellulose; en ce cas tout provient sans doute du développement d'une seule spore comme une masse de GlcBocapsa. Dans la vieillesse, les capsules perdent leur nuance bleue et sont teintées de brun sale. Les sporules peuvent quitter les capsules. Celles-ci sont trouvées vides en NOTES ET REVUE. xix grand nombre; la position autrefois occupée par la spore est indiquée par une vacuole, comme dans les filaments. Assez souvent les capsules deviennent motiles avant de perdre leurs spores. Leur mouvement est quelquefois direct, sans rotation, (luelquefois en spirale; cekii-là ressemblant à celui d'un monade, celui-ci à celui d'un vibrion. Après èlre sorties des kystes, les sporules sont trouvées à la surface en masses grandes et sombres. Un fluide nutritif, préparé en faisant bouillir un morceau du Zooglœa dans l'eau de l'aquarium, fut inoculé à ces sporules de la surface et mis sur la cbambre cliaude du microscope. Après vingt-quatre lieures, beaucoup des spo- rules poussaient une petite li^plie courbe, un peu teintée au commencement; et plus tard des virgules distinctes et même de jeunes vibrions se dévelop- paient. Nous avons trouvé une spbère relativement grande de la couleur caractéris- tique, et remplie de granulations excessivement fines, tandis que de plus petites sphères plus abondantes étaient pleines de granulations plus grosses faisant une transition aux kystes de sporules ordinaires. Des formes analogues ont été trouvées par Lankester dans le Bacterium rubescens et par Ewart dans un ba- cilliis. Il est probable qu'ils résultent, comme chez le Bacillus, de la division longtemps continuée d'une seule spore ou sporule. Quand elles sont écrasées, une foule de granules beaucoup plus petits que les sporules mêmes sortent. La rencontre de ces formes chez plusieurs genres et la taille et le poids infi- niment petits, sont des faits bien importants pour la germ-theory, spécia- lement depuis que leur développement a été vu dans le Bacillus ci-dessus mentionné. La division des spores à l'intérieur et au dehors de ces filaments est très remarquable et montre bien la nature non spécialisée et protéique de ces Bac- téries, presque tous les modes possibles de division se trouvant à la fois dans le champ du microscope. Il y a des spores qui se divisent transversalement en deux moitiés, d'autres qui bourgeonnent comme Turiila et d'autres encore qui s'allongent un peu comme des baguettes ou comme des vibrions mêmes, et alors se coupent en trois ou quatre morceaux. Selon notre connaissance actuelle, la morphologie du vibrion {Spirillum) peut ainsi être résumée : Le tire-bouchon mobile, bien connu, peut alterner entre les états mobiles et immobiles, et à la lin peut s'allonger en un petit filament qui perd sa courbure définie, et peut se plier et se redresser. Ce fil croît en un filament beaucoup plus large et plus long, sans mouvement, dans lequel paraissent les spores. Celles-ci se divisent rapidement, et acquièrent la couleur brune; le filament reprend sa motilité, sème ses spores, et plus ou moins tard se casse. Les spores s'enkystent, et les kystes, après une pé- riode de repos, deviennent mobiles eux-mêmes. Leurs sporules s'échappent et germent, en donnant des êtres en forme de virgule, et enfin de nouveaux vibrions actifs. La ressemblance de tout cela avec la morphologie du Bacterium lermo et du Bacillus est très complète \ Nous n'avons pas seulement la même alternance 1 EwART, Proc. Roy. Soc, n" 188, 1878. XX NOTES ET REVUE. des phases mobiles et immobiles, mais nous avons un mycélium d'hyphes dont le protoplasme se condense en spores qui se divisent en germes. De plus, il y a des filaments mobiles et des sphères granuleuses. Enfin, toute l'investigation tend à la simplilication de la morphologie des Bactéries, car toutes les formes décrites ici comme phases de Spirillum ap- partiennent, selon la classification ordinairement acceptée^j à six ou sept gen" res entièrement distincts. Et tout tend aussi à l'établissement de la nature fongueuse de ces êtres. P. G. VII SUR LE GENRE BRISINGA, Par le docteur Hubert Ludwig. (Zeislschrifl fur wissenschaftliche Zoologie, t. XXXI, p. 21G-234, pi. XV.) Depuis le mémoire de Sars on n'a plus rien publié sur ce curieux Échino- dernie. Ce savant ne put constater l'existence d'un système vasculaire et admit que la cavité générale du corps servait de réservoir au liquide sanguin et par analogie il décrivit la même disposition chez les autres Astérides. Mais dans ses travaux antérieurs le docteur H. Ludwig a démontré l'existence de véritables vaisseaux sanguins chez ces lichinodermes et en a donné une des- cription détaillée. Ce système vasculaire existe aussi chez Brisinga. Il consiste en un lacis de vaisseaux qui se ramifient et s'anastomosent entre eux et qui sont enveloppés dans des cavités fermées auxquelles l'auteur donne le nom de canal périhaemal. Les glandes génitales reçoivent chacune un de ces canaux enveloppant un lacis vasculaire. Le canal périhaemal se termine en un sinus enveloppant la base de la glande; mais les vaisseaux proprement dits se prolongent sur les tubes ovariens. Les vaisseaux des rayons offrent une disposition identique à celle décrite chez les autres astérides ; ils sont situés au-dessus des cordons nerveux et se composent d'un canal périhaemal dans lequel est logé le lacis vasculaire. Ces vaisseaux radiaires émanent d'un anneau vasculaire qui entoure la bouche et qui est situé au-dessus de l'anneau ner- veux entre deux canaux périhaemals. L'anneau vasculaire est composé d'un lacis de trois à cinq vaisseaux ramihés et anastomosés entre eux. Les vais- seaux des organes génitaux sortent d'un second anneau vasculaire appliqué à la paroi de la face dorsale du disque. Cet anneau est composé comme le pré- cédent d'un canal périhaemal contenant des vaisseaux ramifiés. Ce canal dorsal est en communication avec le cœur qui descend vers le peristome dans un canal périhaemal et se relie avec l'anneau vasculaire buccal. Sars croit que le pore subcentral placé sur le dos du disque est l'orifice 1 C1.A.US, 7Vat^e de Zoolof/ie, 1878, p. Ils. Classification dus .Scliisophytœ. NOTES ET REVUE. xxi d'un appareil d'excrétion et ne peut pas fonctionner comme anus. Le docteur Ludwig démontre au contraire que ce pore est en communication avec l'intes- tin et que les culs-de-sac interradiaires sont simplement des diverticulum de l'extrémité de l'intestin. L'auteur diffère encore de Sars dans l'interprétation des pièces squelettiques du péristome. Ses recherches antérieure"^ lui ont permis d'affirmer que chez toutes les astéries les deux premières vertèhres du hras ont éprouvé une soudure plus ou moins complète accompagnée d'une modification de la forme typique. La même disposition existe chez Brisinga. Les pièces auxquelles Sars donne le nom de plaques pariétales sont simple- ment les premières vertèbres transformées, et, comme chez les autres astéries, ce qu'on désigne comme première vertèbre est en réalité un composé de la réunion de la première et de !a seconde vertèbre. Dans le squelette du disque existent trois vertèbres dans chaque rayon et non pas deux seulement, comme le pense Sars. Ce chiffre trois est prouvé par le nombre des ambulacres. En résumé il n'existe dans le squelette péristomique de toutes les astéries, y com- pris Brisinga, que deux sortes de pièces : les plaques ambulacraires et les plaques adambulacraires. Il est donc complètement inutile d'admettre un troisième type sous le nom de plaques pariétales, celles-ci n'étant qu'une simple trani^formation des précédentes. L'auteur donne une série de figures avec explication détaillée qui démontrent suffisamment cette manière devoir. Le canal pierreux de Brisinga coronata est simple ; on y aperçoit simple- ment un bourrelet longitudinal vers la plaque raadréporique. L'épitbélium interne de ce canal est composé de cellules longues munies d'une cuticule dans laquelle on voit très clairement des canalicules pour laisser passer les cils vibratiles. Chaque cellule serait pourvue d'un cil unique. Gegenbaur considère Brisinga comme un type intermédiaire entre les Asté- ries et les Ophiures ; mais le docteur Ludwig se rattache complètement à l'opi- nion de Sars et démontre que la structure de ses organes en fait une véritable astérie, constituant une famille à part : celle des Brisingidse. E. M. VIII RECHERCHES SUR L'ANATOMIE ET LE DÉVELOPPEMENT DES ÉPONGES. LES MÉTAMORfHOSES DE SyCANDRA RAPHANUS, Par Franz -Eilhard Schulze. [Zeiischrift fur wissenschaftliche Zoologie, t. XXXV, 1878, p. 262-293, pi. XVIII-XXI.) L'auteur a pu suivre la larve de Sijcandra raphanus jusqu'au moment où elle se fixe et étudier les métamorphoses qu'elle éprouve. Il place de grands exemplaires de cette éponge dans de petits aquariums avec des algues vertes. Le lendemain de nombreuses larves écloses viennent nager à la surface de xxa NOTES ET REVUE. Teau. Il enlève une goutte de cette eau à l'aide d'une lamelle mince et re- couvre l'ouverture d'une clunubre humide en renversant dessus cette lamelle mince. Auparavant, quelques petites algues vertes ont été déposées sur le fond de la chambre humide. Ainsi enfermées les larves se conservent longtemps dans d'excellentes conditions biologiques et y suivent régulièrement leur évo- lution. Les larves commencent leur existence libre sous la forme ovoïde connue composée de deux moitiés, dont l'une est formée de petites cellules flagellées, la seconde de grosses cellules granuleuses dépourvues de flagellum. Ces dernières sont toujours au nombre de trente-deux. Ces deux moitiés, en forme de coupe, renferment entre elles une cavité commune remplie d'un liquide clair. Cette cavité commence par s'accroître en refoulant les cellules. Sous cette forme, les larves sont si délicates, qu'elles subissent aisément des déformations qui ont été décrites comme des stades particuliers de développement. Mais ce sont simplement des accidents qui n'ont rien d'essentiel. Le premier changement important consiste dans un raccourcissement de l'axe longitudinal et un allongement du diamètre équatorial. Le raccourcisse- ment est surtout prononcé dans la moitié du corps composée des cellules fla- gellées, qui se déprime lentement; ce mouvement en se continuant fait rentrer la couche de cellules flagellées dans la cavité centrale et on voit alors les larves prendre la forme d'une lentille piano-convexe dont la convexité est for- mée par les grosses cellules granuleuses, qui ont conservé leur disposition en coupe. Le bord de ce corps lenticulaire est constitué par une rangée de quinze à seize grosses cellules, auxquelles l'auteur donne le nom spécial de margi- nales. L'invagination des cellules flagellées se poursuivant, elles ne tardent par à venir s'appliquer contre la paroi interne des grosses cellules et la larve prend la forme d'une véritable gastrula, dont la paroi interne est tapissée par les cellules flagellées. La couche de cellules à granulations se renfle et l'an- neau de cellules marginales se rétrécit peu à peu autour de l'ouverture d'in- vagination. Finalement on a un corps hémisphérique formé de deux feuillets et pourvu d'une ouverture'plus ou moins étroite au milieu de sa face basilaire, composée des quinze à seize cellules marginales. Arrivée à cet état de gastrula typique, la larve ne tarde pas à se fixer. Elle s'attache à un corps quelconque par sa face basilaire. Quelques-unes des cellules de cette face émettent des prolongements de sarcode amiboïde de forme irrégu- lière qui s'attachent au substratum et servent à élargir et consolider la sur- face de fixation. Les grosses cellules granuleuses extérieures deviennent alors si transparentes, qu'on voit très bien le feuillet interne composé de ses cellules cylindriques. Entre les deux feuillets apparaît une fente remplie d'une sub- stance d'apparence gélatineuse. A ce stade les cellules des deux feuillets ont encore conservé leur autonomie et peuvent être isolées avec les réactifs. Les flagellums des cellules du feuillet interne ont très probablement été résorbés, car l'auteur n'a plus réussi à les voir. Les cellules de la face d'attache se rap- prochent de plus en plus et ferment complètement l'ancienne ouverture de la gastrula. C'est alors qu'apparaissent les premiers spicules. Ils so forment dans la couche gélatineuse qui occupe la fente entre les deux feuillets. Pour l'auteur. NOTES ET REVUE. xxiu cette couche intercalaire est un produit de l'ectoderme et doit être comparée à la lamelle de soutien des cœlentérés. Le développement ultérieur conduit à la forme typique nommée Olynthus par Hœckel. La larve s'allonge et à son extrémité libre se forme une ouverture qui, perçant la paroi dans toute son épaisseur, met la cavité interne en communi- cation avec l'eau extérieure. En même temps que cette ouverture apparaît, des spicules calcaires se sont développés autour d'elle, les uns en se déposant en collier longitudinal, les autres au contraire dirigés obliquement. Dès ce moment on peut voir toutes les formes de spicules connues chez cette es- pèce. Les pores aquifères naissent par écartement des éléments cellulaires. Les cellules internes reprennent leur flagellum muni à leur base d'une collier. Les métamorphoses de la larve sont complètes et l'éponge est achevée dans sa structure essentielle. Les développements ultérieurs, la formation des diver- ticules qui constituent le système de. tubes rayonnants caractéristiques de la famille des sycon, ne sont que des modifications accessoires. L'auteur a vu de nombreuses anomalies donnant lieu à des monstruosités très variées, telles que soudure d'individus entre eux, fixation par une des pa- rois latérales, etc. Après avoir ainsi décrit ses observations, l'auteur passe en revue l'opinion de ses prédécesseurs. Au sujet de Tinvagination, les opinions sont extrême- ment divergentes, et M. Schulze se trouve d'accord seulement avec les obser- vations publiées par M. Metschnikoff en 1874. Ce savant avait en effet très bien vu l'invagination des cellules flagellées; mais il prétend avoir observé auparavant une disparition de la cavité centrale de la larve et la fusion des grosses cellules granuleuses en une masse compacte, phénomènes que Schulze n'a pas revu. Aucune observation positive n'avait encore été faite sur la fixation de la larve ; aussi les opinions variaient et étaient encore plus vagues que pour l'invagination. Les uns la faisaient s'attacher par le pôle antérieur, les autres par le pôle postérieur; mais personne n'avait songea l'ouverture de la gastrula. Haeckel, Schmidt, Barrois et Keller admettent dans la métamorphose de la larve que les cellules postérieures sans flagellum deviennent l'entoderme, tandis que les cellules flagellées antérieures donnent naissance à un syncytium en se fusionnant. L'auteur est arrivé à un résultat diamétralement inverse et a pu confirmer la manière de voir de M. Metschnikoff, dont il ne diffère que sur quelques points de détail. Keller seul a vu la zone claire entre l'entoderme et l'ectoderme et l'a considérée aussi comme la matrice des spicules. En résumant ce que l'on sait du développement de Sycandra raphanus, on voit que les ovules naissent dans la couche de tissu formé de substance hyaline qui contient les spicules et où l'on trouve des cellules étoilées que l'on peut comparer aux corpuscules du tissu conjonctif des animaux supérieurs. Avec ces cellules, il s'en trouve d'autres formées d'un protoplasma fortement ré- fringent doué de mouvements amiboïdes ; ce sont elles qui, après être venues se placer près de la couche de cellules flagellées des tubes radiaux, se développent en œufs. La fécondation est encore inconnue. La première segmentation se fait toujours verticalement à la surface du tube radial voisin. Les deux premières cellules de segmentation ressemblent à des moitiés de cônes arrondis et sont orientées d'une façon constante qui permet XXIV NOTES ET REVUE. dès ce moment de reconnaîlre quelle partie donnera naissance aux deux moi- tiés de la larve. [>a seconde segmentation se fait dans une direction verticale à la première et divise l'œuf en quatre segments disposés en croix, entre lesquels se trouve le premier rudiment de la cavité de segmentation sous forme d'une fente étroite. Ces quatre cellules se divisent ensuite chacune dans leur sens longitudinal et donnent ainsi naissance à un anneau composé de liuit cellules. Celles-ci se coupent en deux par une fente transversale parallèle à la face ba- sale et produit ainsi deux anneaux de huit cellules parallèles Tun à l'autre. Les divisions ultérieures donnent bientôt naissance à \in corps creux composé de 4S cellules. Puis, dans les divisions qui suivent, les cellules qui doivent former la partie postérieure de la larve commencent bientôt à prendre leur aspect granuleux, et, d'abord au nombre de huit, finissent par se multiplier au nombre de trente-deux. Ces grosses cellules, à un moment, peuvent s'invaginer dans la cavité de segmentation et donner lieu à l'apparence d'une pseudo-gas- trula qui a pu tromper quelques auteurs. Mais cette invagination n'a aucune signification et aucune durée définitive. Enfin la larve sort sous sa forme ovo'ide dont la moitié la plus étroite est composée de cellules flagellées prismatiques et l'autre moitié de cellules granuleuses fortement bombées. Au centre existe une cavité de segmentation. Le développement ultérieur suit la marche décrite plus haut. De ses observations, le savant observateur conclut que le corps des Éponges, comme celui de tous les autres Métazoaires, se ramène à deux couches dis- tinctes de cellules ou feuillets embryonnaires. Ces feuillets se développent d'abord sous forme de blasiida, pour se transformer ensuite en une (jasinila par invagination, et le feuillet invaginé devient un entoderme épithélial, tandis que le feuillet externe ou ectoderme sert de point de départ à tous les autres éléments du corps d'une Éponge. Chez les Éponges étudiées jusqu'ici par l'auteur, il a pu constater l'existence d'une couche extérieure de cellules épithéliales pavimenteuses analogue à celle que l'on connaît chez les Méduses. Cette couche a été démontrée dans les genres Sycandra, Chondrosia, Chondrilla, Aplysilla, Aplysina, Halysarca, et par Metschnikoff dans le genre Reniera; c'est-à-dire chez des Éponges apparte- nant aux trois grands groupes primaires des Éponges calcaires, cornées et sili- ceuses. Au-dessous de cet épithelium existe la couche de substance hyaline dans laquelle se développent les spicules et les autres parties squelettiques. Certains auteurs veulent coiisidérer cette couche comme un syncytium composé d'une masse de protoplasma dans laquelle les cellules auraient .perdu toute autonomie. Mais le savant histologiste ne partage pas cette manière de voir et considère les noyaux et cellules étoilées avec des prolonge- ments irréguliers, que l'on rencontre en grand nombre dans cette masse hyaline, comme analogues aux corpuscules du tissu conjonctif des animaux d'une organisation plus élevée, et la masse elle-même, comme une substance fonda- mentale dépourvue des qualités et propriétés du protoplasma contractile et pouvant varier plus ou moins dans sa nature, comme cela a lieu dans les tissus conjonctifs analogues. Comment cette substance fondamentale se forme^ t-elle? Est-elle un produit de sécrétion, ou le résultat de la fusion et de la trai)sformatioi> de cellules existant antérieurement? Il est difficile de répon- NOTES ET REVUE. xxv dre à cette question dans l'état actuel de nos connaissances. i\Iais,en tous cas, cette substance doit être rangée dans le groupe des substances conjonctives avec cellules isolées et distinctes et chez les Corticium elle prend l'aspect et la solidité d'un véritable cartilage. Cette couche pourra être considérée comme un mésoderme et l'épithelium pavimenteux extérieur comme un ectoderme, si on admet que le mésoderme peut se développer à un stade secondaire et ne pas faire partie des couches cellulaires qui constituent l'embryon aux premières phases de son développe- ment. Cependant l'auteur pense qu'il est prudent pour le moment de consi- dérer les Éponges comme des animaux à deux feuillets, mais pourvus de trois couches de tissus. E. M. IX SUR LA FORMATION DU BLASTODERME ET DES FEUILLETS CHEZ LES INSECTES, Par le docteur N. Bobrf.tzky. (Zeitschrifl fur loissenschaflliche Zoologie, t. XXXI (187S), p. 195-215, pi. XIV.) Les recherches les plus importantes sur l'embryologie des insectes publiées jusqu'ici, ont été faites par Weismann, Metschnikoff et A. Brandi. Pour Wcis- mann, le blastoderme dérive d'une couche de blastème qui se développe à la surface de Treuf et dans laquelle apparaissent des noyaux. La substance du blastème se groupe en masses distinctes autour de ces derniers et par des divisions ultérieures les cellules du blastoderme se trouvent formées. Metschni- koff fait naître les noyaux à l'intérieur du vitellus par division de la vésicule germinative, après quoi ils se rendent à la surface du vitellus pour y consti- tuer les cellules blastodermiques en s'entourant d'une masse de blastème- D'après A. Brandt, la vésicule germinative se multiplie en un grand nombre d'éléments semblables à elle-même qui, en se groupant à la périphérie de l'œuf et en s'y juxtaposant les unes aux autres, finissent par constituer le blasto- derme. Le protoplasma des cellules blastodermiques dérive de la vésicule ger- minative, leur noyau de la tache germinative. Bobretzky a étudié les œufs de deux lépidoptères, Pieris cratœgi et Por~ Ihesia chrysorrhœa. La méthode employée a été celle des coupes après dur- cissement dans l'acide chromique à 5 pour 100, ensuite dans l'alcool absolu et finalement coloration au carmin. Les œufs de P. cratœgi sont pourvus d'un chorion rayé longitudinalement et qui constitue leur unique enveloppe. Avant qu'aucune trace du blastoderme n'apparaisse, on trouve à l'intérieur du vitellus de petits corpuscules de proto- plasma dont le nombre se multiplie avec le développement de l'œuf. Ces cor- puscules ont une forme irrégulière et sont composés d'une substance presque homogène, à l'intérieur de laquelle on peut, dans les cas favorables, reconnaître la présence d'un nucléus. Le corps protoplasmique envoie souvent des prolon- XXVI NOTES ET REVUE. yBinents irrégiiliers sur son pourtour. Cette structure permet de considérer ces corpuscules comme de vraies cellules douées de mouvements amiboïdes. A mesure que ces cellules se multiplient de plus en plus, beaucoup d'entre elles se rapprochent de la péripbérie du vitellus et arrivent enlin à sa surface. Elles se rassemblent, d'abord uniquement sur la moitié supérieure de l'œuf. Arrivées eu ce point elles rétractent leurs prolongements, prennent une forme sphérique régulière et revêtent ainsi l'aspect connu des jeunes cellules blastodermiqucs. De nouvelles cellules venant s'ajouter aux premières arrivées, le blastoderme s'étend peu à peu sur toute la surface de l'œuf. Celte extension du blasto- derme se fait par une marche graduelle allant du pôle supérieur à l'extrémité inférieure de l'œuf. Parallèlement au développement du blastoderme, on voit aussi les corpuscules apparaître et envahir peu à peu toute la masse du vitel- lus en allant de haut eu bas; parallélisme qui prouve bien que les cellules blastodermiqucs dérivent directement des corpuscules étoiles internes. Ce dé- veloppement progressif du blastoderme allant d'une extrémité à l'autre a été constaté déjà chez d'autres insectes. Les cellules engagées dans le vitellus ne décroissent pas de nombre à me- sure que se forme le blastoderme. Elles continuent à se multiplier lorsque ce dernier est déjà achevé et absorbent tout le vitellus pour le transformer dans les sphères vitellines. Ces sphères dérivent donc des éléments cellulaires restés dans le vitellus qui leur servent de centre de formation et non pas du feuillet séreux, comme Kowalevsky l'avait cru. La bandelette primitive se distingue tout d'abord à la surface de l'œuf par ses cellules cubiques, tandis que les autres parties du blastoderme sont coni- piisées de cellules plates. La séparation de la bandelette se fait peu à peu pa^ un repli qui, en se rapprochant et se refermant, l'enveloppe et constitue ainsi l'enveloppe séreuse. La bandelette se continue sur son bord dans les premiers rudiments de l'amnios encore très peu apparent et appliqué à la face interne de l'enveloppe séreuse. Mais il se développe rapidement et se referme au-des- sus de la bandelette. En même temps les sphères vitellines pénètrent peu à peu entre l'enveloppe séreuse et l'amnios qui, avec la bandelette, se trouve entièrement immergé dans le vitellus. Après le développement complet du blastoderme et lorsque la bandelette primitive commence déjà à se distinguer de l'enveloppe séreuse, il se forme alors une membrane fine sans structure qui revêt toute la surface extérieure du blastoderme et s'applique entièrement sur lui comme une cuticule. Le vitellus se transforme en sphères vitellines de la façon que voici. D'abord on voit dans sa masse des cellules sans prolongements amibo'ides comme au- paravant; elles sont entourées d'une auréole de protoplasma clair qui, en s'ac- croissant peu à peu, arrive promptement à constituer une sphère distincte du vitellus ambiant. Ces sphères apparaissent d'abord à la périphérie et progres- sent de là vers le centre. Leur forme est arrondie 'ou anguleuse par pression. Elles sont complètement séparées les unes des autres. On peut quelquefois distinguer une même couche de protoplasma qui entoure leur noyau et envoie des prolongements (ilil'ormes à la couche périphérique. On trouve aussi des sphères eu voie de division. Ces détails sont souvent obscurcis par la nature de la substance rendue plus ou moins opaque par des granulations. NOTES ET REVUE. xxvii Les observations précédentes concordent avec celles de Brandt pour faire provenir les éléments cellulaires constitutifs du blastoderme de l'intérieur du vitellus ; mais rien ne prouve qu'ils dérivent directement et uniquement de la vésicule germinalive. Les observations les plus réceutes tendent ù démon- trer de plus on plus que cette vésicule est le nucléns de l'œuf considéré comme une cellule. Brandt ne tient pas compte des faits connus et veut con- sidérer la vésicule comme une vraie cellule; mais pour Bobretzky elle est seu- lement le noyau de la cellule ovulaire, noyau duquel dériveront les noyaux des futures cellules embryonnaires. Hubert Ludwig a observé chez les Araciinides un mode de formation du blastoderme analogue à celui décrit plus haut. 11 a vu aussi des éléments naître dans la substance de l'œuf sous la forme d'une masse de protoplasma nucléée et ayant par conséquent la valeur morphologique d'une ceilule; ces éléments sortent du vitellus et viennent se grouper à sa surface pour y con- stituer le blastoderme. Ce mode de segmentation du vitellus peut être consi- déré dans un certain sens comme une segmentation totale; mais en tenant compte des diflerences qui le distinguent des formes typiques de ce genre, Bobretzky propose de lui donner le nom de segmentation intravitelline. Elle se relie d'ailleurs à la segmentation totale par des formes de transition. Bien que l'auteur n'ait pu encore réussir à suivre exatement le destin ulté- rieur des cellules ou sphères vitellines, il n'hésite pas à les considérer comme représentant l'entoderme et l'enveloppe séreuse comme l'ectoderme, La formation du mésoderme a lieu très tard, lorsque la bandelette primitive avec l'amnios s'est déjà séparée de l'enveloppe séreuse. Il apparaît d'abord sous la forme d'une gouttière peu profonde dont les cellules en se multipliant se détachent de la bandelette. Ce mode de formation a la plus grande analogie avec l'apparition de la gouttière primitive des vertébrés. Lorsque le méso- derme est devenu complètement distinct de l'ectoderme, il prend la forme de deux cordons sur lesquels on voit apparaître une segmentation analogue aux vertèbres primitives. Les observations de l'auteur sont limitées jusqu'ici à un trop petit nombre d'espèces pour qu'il soit permis de les généraliser et d'en étendre les con- séquences à toute la classe des insectes. Bobretzky croit cependant que leur accord avec celles de Brandt lui permet de s'associer à cet auteur pour con- tester la réalité du blastèmo formateur décrit par Weismann. E. M. X OBSERVATION SUR LE SYSTÈME NERVEUX DE L'AURELIA AURITA, Par M. Edward Albert Scucefer, Assistant prof, of physiology in University Collège London « IVom the Royal Society ». L'auteur décrit le système nerveux de ï Aurélia aurita comme consistant, outre le lithocyste et certains tractus d'épithélium spécialement modiiié dans xxvui NOTES ET REVUE. leur voisinage, en un entrelacement de fibres nervenses, couvrant toute la surface inférieure de l'ombrelle et placé entre l'épithélium ectodermique et la couche musiulaire. Chaque fiiire nerveuse présente vers le milieu de son éten- due un élargissement nucléé en forme d'une cellule nerveuse bipolaire, laquelle est ainsi interpolée dans le cours de la fibre. Quant à ses fibres ner- veuses, on remarque d'abord qu'elles ont une longueur limitée, dépassant rarement i millimètres ; secondement qu'elles ne se continuent jamais en réalité avec d'autres fibres, quoique fréquemment elles courent côte à côte et parallèlement pendant une certaine distance et que souvent elles forment des entrelacements très imbriqués par leur réunion avec d'autres fibres nom- breuses. Ces fibres se ramifient parfois. Elles ont généralement leurs extrémités délicatement effilées et ces extrémités sont en contact direct avec la substance des fibres musculaires. Mais quelquefois la terminaison du nerf est étalée en une expulsion nucléolée et aplatie, qui est probablement une forme primitive de la plaque terminale motrice. L'auteur traite ensuite de la structure et les rapports du lithocyste. Le lithocyste lui-même est décrit comme ayant une enveloppe ectodermique et un derme entodermique. Les deux couches sont séparés presque partout, par une couche mince de mésoderme jaunâtre. L'enveloppe ectodermique, excepté sur l'extrémité libre où les cellules sont simples ou aplaties, consiste en de longues cellules en forme de colonnes ciliées , dont les extrémités se divisent en fibres délicates qui forment un stratum sur l'épithélium. Une condition semblable de l'ectoderme se trouve dans deux dépressions de la surface, l'une située au-dessus l'autre au-dessous du lithocyste. L'au- teur montre la ressemblance que les cellules allongées de l'épithélium ainsi que la couche subjacente, granuleuse en apparence, fibreuse en réalité, pré- sentent avec la structure nerveuse centrale qui se développe dans l'embryon des vertébrés; en réalité ces parties représentent probablement les premiers commencements phylogénétiques d'un système nerveux centraL Quelques- unes des cellules de l'enveloppe ectodermique du lithocyste sont remplies de pigment, et ces cellules ont chacune, au lieu de cils vibratiles, un filament (sensorial) excessivement long et délié. La couche entodermique du lithocyste est un prolongement du canal nu- tritif de la marge, qui, à la partie terminale du lithocyste, se prolonge en une masse solide dont les cellules contiennent des cristaux calcaires ou otoli- thes. En outre, un petit lithocyste est encore décrit. Dans son intérieur la pro- longation otolithique du canal nourricier pénètre l'enveloppe ectodermique et avance librement sur le médium environnant. NOTES ET REVUE. xxix XI OBSERVATIONS SUR LA STRUCTURE DES CELLULES ET DES NUCLÉUS, Par E. Klein. {Quarterly Journal of Microscopical Science, 1878, p. 315-339, pi. XVI.) Les nombreux travaux publiés dans les dernières années sur la cellule et le nucléus ont démontré que leur structure était beaucoup plus complexe qu'on ne l'a cru pendant longtemps. Ainsi, Heitzmann a décrit à l'intérieur des cel- lules un réseau de minces fibrilles en continuité avec un autre réseau qui existe dans la substance du nucléus. Frommann, Bûtscbli, Hertwig et d'autres observateurs ont signalé des structures semblables dans des cellules de diver- ses provenances. Flemming, en étudiant les nucléus sur la membrane de la vessie de Salamandra maculala,-^ a découvert un réseau de fibres délicates qui en traversent toute la substance et se rattachent à la membrane nucléaire. M. Klein, dans le travail actuel, vient confirmer et compléter ces observa- tions. L'auteur prend l'estomac d'un Triton fraîchement tué, le plonge pendant vingt-quatre heures dans une solution de chromate d'ammoniaque à 5 pour 100, et après l'avoir lavé, le colore au picro-carminate. Ensuite, en raclant la sur- face muqueuse, il en enlève des fragments qu'il dissocie et monte en prépa- ration microscopique avec de la glycérine. Ce qui frappe tout d'abord dans cette préparation, c'est que tous les nucléus apparaissent avec un magnifique réseau de fibrilles traversant uniformément son intérieur. Dans quelques cas, ce réseau ne se continue pas tout à fait jusqu'à la membrane; mais alors il est relié avec elle par des fibrilles particulières. Les fibrilles du réseau varient beaucoup dans leur épaisseur et leur arrangement ; tantôt fines, cylindriques, lisses, très serrées, tantôt grossières, membraneuses, à contours irréguliers plus ou moins sinueuses et laissant entre elles des espaces irréguliers plus lar- ges au centre qu'à la périphérie. Quelques-unes présentent des épaississe- ments irréguliers. Dans quelques nucléus, la substance fondamentale qui sert de gangue au réseau intranucléaire, apparaît légèrement teintée en rouge ; dans d'autres elle est parfaitement incolore. On peut voir, à i'aide d'un excel- lent éclairage, une partie de ce réseau sur les cellules fraîches, non traitées par les réactifs. Lorsque le réseau est très enchevêtré et très dense et que le nucléus est un peu contracté, cet organe prend un aspect granuleux, homo- gène, dans lequel on ne distingue plus aucune trace des fibrilles, M. Klein conteste l'existence d'un nucléole dans beaucoup de cellules o\\ ils ont cependant été signalés par les observateurs antérieurs. Pour lui, ces prétendus nucléoles ne sont que des épaississements des fibrilles, ou bien des coalescences par contraction d'une partie du réseau. Sur tous les nucléus qu'il a examinés, il n'a jamais pu voir trace d'un nucléole existant comme un organe à part et distinct du réseau de librilles. XXX NOTES ET REVUE. La membrane nucléaire se compose d'une couche extérieure plus épaisse et d'une coiiche interne jiliis délicate, plus ou moins incomplète et qui en réalité n'est (ju'une coiuiensation périplii'rique du réseau avec lequel elle est reliée par des filaments plus ou moins lonj^s. Dans les préparations indiquées plus haut, l'auteur a trouvé: fdes cellules épithéliales columnaires composées d'une partie supérieure renflée et d'une partie inférieure plus opaque et terminée par des dentelures plus ou moins marquées. Le nucléus est situé dans cette portion inférieure; 2° des cel- lules plates provenant des parois des canaux des glandes. Ces cellules plates sont pourvues de grands nucléus dans lesquels le réseau est d une netteté admirable ; 3" des cellules plus ou moins polyédriques avec un nucléus excentrique. Elles proviennent aussi des glandes ; 4° des lamelles endothé- liales très larges, avec un nucléus ovale au centre. Dans les cellules épithéliales, on voit, tant dans la partie supérieure que dans la partie inférieure, un grand nombre de fibrilles délicates que l'on peut souvent suivre jusqu'au bord supérieur. Elles ont une disposition longitudinale et sont pourvues de fines ramifications latérales par l'intermédiaire desquelles elles s'anastomosent entre elles et constituent ainsi un réseau plus ou moins serré. La substance fondamentale dans laquelle est plongé ce réseau est de la mucine. Sur une cellule épilhéliale de l'intestin bien conservée, l'auteur a pu constater que les cils traversent le plateau et se continuent avec le réseau in- tra-cellulaire. Dans toutes les cellules mentionnées plus haut, le réseau intra-cellulaire est en continuité avec les fibrilles du réseau intra-nucléaire. Le mésentère du Triton, traité par les mêmes méthodes que l'estomac, a donné aussi à Al. Klein d'excellents résultats. 11 y distingue cinq parties différentes. i° L' endolhèlium de surface. 11 est représenté par une couche hyaline con- tenant de larges nucléus ovales qui tous laissent apparaître un réseau interne de fibrilles semblable à ceux décrits plus haut. On ne voit aucune trace de nucléole. Les cellules endothéliales isolées contiennent aussi un réseau de fibrilles d'une délicatesse extrême. Ce réseau intra-cellulaire est toujours en communication avec le réseau intra-nucléaire. 2" Les fibres musculaires lisses. Le mésentère en contient un très beau plexus, arrangé en faisceaux plats, se croisant les uns les autres. Quelques libres se détachent des faisceaux et se terminent librement sur la substance fondamentale du mésentère. Ces fibres présentent souvent des renflements variqueux. Iilles sont composées d'une gaine portant des renflements annu- laires et d'un faisceau central de fibrilles. Ces dernières sont indépendantes de leur enveloppe, car on les voit quelquefois contractées et sinueuses à l'in- térieur de la cavité. Le nucléus est ovale et légèrement déprimé. Dans sa sub- stance, on voit un réseau de fibrilles très distincts. Ces fibrilles intra-nucléai- res sortent en faisceau aux deux pôles du nucléus et se continuent avec les fibrilles de la fibre musculaire. Sur quelques nucléus, on peut voir à chaque [lôle une petite ouverture circulaire par laquelle sort le faisceau de fibrilles. La gaine est probablement de nature élastique et, après la contraction des lil)rilles, sert sans doute de ressort pour déterminer la détente. Les varicosi- NOTES ET REVUE. xxxi tés observées sur certaines libres sont probablement des portions de fibres à l'état de contraction. 3° Les corpuscules du tissu conneclif. Les cellules nomades ont des formes très variées. Leur nucléus ovale offre un très beau réseau intra-nucléaire. Les corpuscules proprement dits, ou cellules fixes, contiennent un réseau intra- cellulaire dont les fibres se continuent quelquefois avec celles des cellules voi- sines. Le réseau int^ra-nucléaire est semblable à ceux qui ont été décrits plus baut. Quelquefois les fibrilles sont condensées les uues sur les autres de façon à produire l'apparence de faux nucléoles. Le réseau intra-cellulaire est arrangé d'une façon très irrégulière autour du nucléus. Il envoie des prolongements ricbemeut ramifiés et d'épaisseur très inégales. Il est rare que les prolonge- ments d'une même cellule s'anastomosent entre eux. Le corps de la cellule n'est pas nettement délimité, mais son étendue est beaucoup plus étroite que les prolongements fibrillaires, qui le dépassent toujours d'une grande lon- gueur. i° Les nucléus des parois des capillaires et ceux des cellules lymphatiques ont montré la même structure (ibrillaire réticulée. 5° Fibres nerveuses. Elles sont très longues et sans ramifications. Sur leur parcours, on voit des nucléus oblongs et légèrement déprimés. Chacun de ces nucléus est engagé dans une plaque hyaline qui se prolonge un peu au-delà de ses pôles. Tous ces nucléus possèdent un riche réseau de fibrilles. La plaque hyaline, ou corps cellulaire, est elle-même traversée par un réseau de fibrilles qui se relient avec celles du nucléus. L'auteur n'a pu reconnaître aucune connexion entre ce réseau et le cyluidre-axe du nerf. 11 a pu suivre ce dernier d'un côté à l'autre du nucléus et le voir se continuer de deux parts, sans liaison aucune avec les fibrilles de la cellule. E. M. XII RECHERCHES SUR LES FERMENTS DIGESTIFS CHEZ LES INVERTÉBRÉS, Par M. C.-J.-W. Ivrukenberg. (Uittersuch. der physiol. Insl. der Univ.Hddelberg, Bel. II, Ilcft 3.) • L'auteur termine son travail par un résumé dont nous donnons la traduction un peu abrégée : -1. Des ferments digestifs se trouvent même chez des êtres très peu orga- nisés (Myxonycètes et Poriières), mais on n'en a pas constaté la fonction; 2. Chez les animaux inférieurs le ferment iieptique est bien plus réfiandu (lue la thrypsinc. Ce n'est que parmi les Vers et les Arthropodes que celle-ci parait plus constante que l'autre; XXXII NOTES ET REVUE. 3. La preuve expérimentale de la présence des ferments manque chez les Cœlentérés ; 4. La disgestion chez les Ascidies est plus imparfaite que celle de beau- coup d'Echinodermes et se rapproche plutôt de celle des Acalèphes ; 5. Chez beaucoup d'Echinodermes la formation du ferment n'est pas parfai- tement localisée. Il est possible dans ce cas (]ue les matières résorbées puissent subir un changement extra-intestinal par l'action du ferment; 6. Les organes de Biedmann chez V Astropecten forment ja pepsine et la diastase; 7. Le foie des Astérides est parfaitement analogue à celui des Arthropodes et des Mollusques, mais point du tout à l'organe respiratoire ou aux organes de Huvier chez les Holothuries. Je trouve un organe analogue chez le Cucu- maria Planci, et des glandes équivalentes dans l'intestin du Toxopneusles Uvidus et T. brevlspinosus ; 8. Chez les Vers, chez les Arthropodes et chez les Mollusques, la production du ferment digestif est bien plus localisée que chez les Echinodermes et chez Jes Cœlentérés, et la digestion intestinale est plus perfectionnée; 9. Le ferment thryptique des Vers [Aphrodite^ Hermione, Siphonostoma, Ârenicola, Lumbriciens), que j'appelle isothrypsin, se distingue de la thrypsine des Vertébrés, des Arthropodes et des Mollusques ; il est peut-être identique à celui des Astérides j 10. On ne peut pas à présent considérer comme ayant une fonction équi- vante, les follicules hépatiques chez les Aphrodites, les prolongements de la cavité digestive chez les Cœlentérés et les canaux intestine-hépatiques des Eolidéens ; 11 . Chez [' Aphrodite aculeala les sécrétions digestives sont produites par des cellules glandulaires dans les follicules hépatiques et non pas par les villosités de l'œsophage; 12. Il n'existe jamais chez les Invertébrés un renflement du tube digestif qui fonctionne comme l'estomac des Vertébrés ; ce qu'on appelle l'estomac est toujours une dilatation en jabot. P. G. Le directeur : H. be Lagaze-Duthiers. Le gérant : C. Reinwald. xXOTES ET REVUE. XIII CONTKlBUTION A L'ÉTUDE DES CAPRELLES, Par M. Alois Gamroth. {Zeitsch. f. iviss. ZooL, t. XXXI, p. 101-126, pi. VIII-X.) Ces recherches ont été faites sur Caprella équilibra Sp. B. dans le port tie Trieste. Cette Caprelle y vit au milieu des ramitications d'un Bryozoaire (Bu- gula nerilina) qui couvre toutes les parties sous-marines des constructions du port. Elle s'accroche avec ses pattes postérieures aux branches du Bryozoaire et se balance à droite et à gauche avec ses pattes préhensiles étendues. Sa nourriture consiste surtout en larves de Bryozoaires. L'auteur décrit longuement et avec beaucoup de soin les formes extérieures du corps. Il signale comme caractère facile à voir et bien caractéristique de cette espèce la présence de longues soies pennées, insérées en double ran- gée sur les antennes in/érieures et qui font de ces appendices des organes destinés à faire tourbillon dans l'eau. L'organisation interne des Caprelles a été fort peu étudiée jusqu'ici et on n'a guère à citer que les recherches de Frey et Leuckart publiées en 1847, ainsi qu'un court mémoire de Dohrn daté de 1866. On distingue dans le corps des muscles longitudinaux et des muscles transversaux. Les premiers déterminent les mouvements du corps, les seconds ceux des extrémités. Les muscles longitudinaux s'insèrent sur des saillies de l'enveloppe chitineuse, les muscles transversaux à la face dorsale interne du tégument. Les pattes sont munies d'un système musculaire assez compliqué. Tous ces muscles sont striés transversalement. Le système nerveux se compose d'un ganglion cervical et d'une chaîne de ganglions abdominaux reliés avec le premier par deux commissures. Le cer- veau se divise en deux parties, une supérieure et une inférieure. De la seconde, partent les nerfs des antennes, tandis que la première fournit les nerfs de l'or- gane cervical (nackenorgan), des yeux et les deux commissures œsophagiennes. La chaîne ventrale est composée de sept ganglions. Le septième ganglion est plus gros que les précédents. Les organes des sens consistent en une paire d'yeux sessiles, en soies tacti- les placées sur les antennes, poils olfactifs disposés par paires sur les articles du fouet des antennes supérieures et enfin dans l'organe frontal dont la fonc- tion est encore indéterminée. Le tube digestif se divise en trois sections : l'œsophage, l'estomac et l'in- lestin. L'œsophage est composé de deux couches, une interne chitineuse et l'exté- rieure formée de puissants muscles annulaires. L'estomac, qui a la forme d'un sac faiblement recourbé, est muni de bandes chitineases armées de fortes soies et qui offrent une disposition assez compliquée. Deux tubes hépatiques viennent déboucher dans l'estomac. A sa partie dorsale, on voit encore un AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GBN. — T. VII. 1878. C xxxiv NOTES ET REVUE. appendice en cul-de-sac qui est probablement un organe de sécrétion. On a reconnu l'existence de cet appendice cliez les Gammarides. L'intestin court droit sans replis dans l'abdomen. A son point d'attaclie avec le rectum sont fixés deux petits appendices pédoncules que l'on pourrait peut-être considérer comme des reins. Les branchies, au nombre de deux paires insérées sur les troisième et qua- trième segments, ont la forme d'ampoules ovoïdes dont la cavité est divisée en deux par une cloison fibreuse percée d'un trou à son extrémité inférieure. Le sang circule dans cette cavité en arrivant veineux par un côté et sortant arté- riel par l'autre. La circulation a été déjà fort bien décrite par Frey et Leu- ckart. Le cœur forme un long tube muni de cinq paires d'orifices à valvules. La première paire est près de la tête, les trois suivantes au milieu du second, du troisième et du quatrième segment, la dernière enlin dans le cinquième seg- ment. Des deux extrémités du cœur partent deux aortes qui débouchent dans les lacunes du corps. La circulation s'effectue ainsi : le cœur, au moment de la diastole, aspire le sang veineux par ses orifices et le chasse au moment de la contraction par les deux aortes. Les testicules, au nombre de deux, ont la forme d'un tube renflé qui se ré- trécit bientôt en un mince filet, sur le parcours duq.uel existe un second ren- flement et qui va déboucher dans un appendice génital près de l'articulation de l'abdomen. Le premier renflement constitue le testicule proprement dit dans lequel naissent les spermatozoïdes. Le second renflement, qui est tou- jours rempli de spermatozoïdes, constitue une vésicule séminale. Les appen- dices génitaux extérieurs ont la forme de deux petits corps arqués, situés à la face ventrale de l'abdomen. Les organes sexuels femelles se composent de deux longs ovaires, dont l'ex- trémité antérieure est située près du second segment et qni viennent s'ouvrir entre la paire de pattes du cinquième segment. Les parois de ces ovaires pro- duisent les ovules et sécrètent en même temps le vitellus. L'orifice des ovi- ductes a la forme d'une ouverture ronde chitiueuse au-dessus de chacune desquelles se trouve une petite poche composée de lamelles chitineuscs. Ces petits sacs, ouverts extérieurement par une fente, sont destinés à recevoir le sperme pendant la copulation. La fécondation des œufs a lieu au moment où ils traversent ces petits sacs pour passer dans les cavités incubatrices. L'œuf, arrivé dans la cavité incubatrice, est rendu absolument opaque par le vitellus. La segmentation paraît être totale. Lorsqu'elle est achevée, on voit apparaître une couche de cellules claires qui, en s'accroissant, ne tardent pas à envelopper toute la masse vitelline et constitue ainsi le blastoderme. Le vitellus se divise alors en deux parties par une échancrure profonde. Do ces deux parties, la plus grosse donne naissance à la tête et aux segments an- térieurs du thorax, la seconde forme les segments postérieurs et l'abdomen. Plus tard apparaissent les étranglements qui annoncent l'apparition des seg- ments. En même temps que ceux-ci se dessinent, on voit se développer les divers appendices, pattes-màclioires, pattes et branchies. Puis l'embryon devient liljre et éclôt avec sa forme générale, à peu de chose près semblablo à celle de l'animal adulte. E. AL NOTES ET REVUE. xxxv XIV HISTOIRE NATURELLE DES AMPHIBIENS, Par Friedr. K. Knaner. Sous le titre, Naturgeschichte der Liirche (Ampliibiologie), le docteur F.-K. Knauer a publié, à Vienne, en 1878, chez l'éditeur A. Picliler, une his- toire fort étendue et détaillée de l'anatomie, du développement et de i;i clas- sification des Amphibiens. Ue nombreuses ligures intercalées dans le texte facilitent la lecture de cet ouvrage intéressant et utile. La question historique y est traitée longuement et l'énumération des ouvrages ou des travaux, mémoires séparés et relatifs aux divers types, gre- nouille, salamandre, axololt, etc., etc., y est soigneusement faite. L'anatomie et l'embryogénie y sont exposées un peu brièvement peut-être, et dans un ouvrage sur des animaux qui sont à chaque inslant l'objet d'études et recherches physiologiques, oneîjtété heureux de rencontrer plus de ligures et de descriptions destinées à faire une monographie complète où leur histoire se fût présentée tout entière. La distribution géographique et l'histoire des grands amphibiens éteints n'ont pas été omises par l'auteur qui, en donnant des ligures, des types du groupe des Labyrinthodons et des cartes géographiques coloriées, a rendu la lecture de ces parties de son ouvrage plus facile. Beaucoup de dessins accompagnent les descriptions des espèces et mon- trent quelques-unes des particularités de mœurs de ces animaux. Quelques développements de plus n'eussent point nui à ce volume qui n'en sera pas moins d'une grande utilité pour les naturalistes qui auront à s'occuper des amphibiens, car ils y trouveront réunis une foule de faits et de renseigne- ments précieux. XV SUR L'ETAT D'AVANCEMENT DES PUBLICATIONS DE L'EXPÉDITION DU CHALLENGER. A la dernière session de V Association anglaise, tenue à Dublin, M. Wyville Thomson a fait une communication sur la marche suivie dans l'étude des ma- tériaux rapportés par cette célèbre expédition et sur l'état d'avancement des publications auxquelles elle donnera lieu. Après quelques développements sur l'emploi qui sera fait ultérieurement des collections, et sur l'esprit dont il s'est inspiré dans le choix de ses collaborateurs, le savant anglais précise le point où en sont les travaux de ces derniers et donne quelques détails qui XXXVI NOTES ET REVUE. permettent do comprendre la grandeur des résultats obtenus. Voici la traduc- tion de cette dernière partie de sa comm.unication : « On peut prévoir maintenant que le rapport ofliciel du voyage du Challenger formera quinze à seize volumes in-quarto de 500 à 600 pages illustrés par en- viron 1200 planches lithograpliiées et par de nombreuses cartes, gravures sur bois et photographies. Le manuscrit du premier volume est à peu près achevé. 11 contiendra un récit général du voyage, les observations hydrogra- phiques du commandant Tizard et sera accompagné de coupes montrant la distribution verticale de la température des mers. Le second volume se com- posera surtout de tableaux et renfermera un rapport sur les observations ma- gnétiques faites durant le voyage, ainsi qu'un travail détaillé sur la météoro- logie fait par le capitaine Tizard. La plus grande partie de ce volume est déjà imprimée. « Un autre volume contiendra les récherches:sur la nature, la composition et l'origine des dépôts formant le fond de la mer, la composition et le poids spé- cifique de l'eau de mer, ainsi que les proportions des gaz qu'elle renferme et diverses autres questions chimiques et physiques. Le reste de l'œuvre sera rempli par la collection de mémoires de divers auteurs sur les différents groupes d'animaux qui constituent la faune des abîmes de la mer. Un grand nombre de ces monographies sont avancées et j'ai dans mes mains une série de 150 planches, à l'heure qu'il est, sur pierre. (( Une seule section est achevée, et je dois ici témoigner toute l'obligation que j'ai à mon ami Thomas Davidson pour son mémoire sur les Brachiopoda de l'expédition. iM. Davidson ne s'est pas contenté de dessiner lui-même avec le plus grand soin toutes les espèces, mais il a encore ajouté à la description des formes du Challenger des développements sur leurs relations morpholo- giques et géographiques avec toutes les espèces vivantes connues. « L'étude des Foraminifera a été entreprise par M. Henri Brady, et l'ac- croissement rapide du nombre des planches atteste le zèle de son dessinateur, M. Hollick. « Ces planches représentent les formes d'un petit groupe deRhizopodes in- termédiaires entre les Foraminifères et les Radiolaires, auquel nous avons donné le nom de Challenger Ules. Les vingt ou trente espèces de ce groupe sont entièrement nouvelles. tt Un beau mémoire du professeur Haeckel sur les Radiolaires est déjà avancé et sera accompagné d'une centaine de planches. Tous ceux qui connaissent l'œuvre classique de Haeckel sur les Radiolaires, apprécieront notre bonne fortune d'avoir pu nous assurer sa coopération. (( Une autre série de planches préparées sous la direction de M. Moseley, représentent les coraux des abîmes marins, et la série suivante, également de M. Moseley, comprend une collection fort curieuse de formes coralloïdes d'Hydrozoa, dont la structure et les relations ont été étudiées avec le plus grand soin. Les Hydrozoa normaux sont dans les mains du professeur Allman- mais comme toutes les autres sections avaient déjà occupé la plupart des bons dessinateurs anglais, il n'a pu encore faire beaucoup de progrès. Le profes- seur Haeckel décrira les Méduses des profondeurs ; elles sont peu nombreuses, mais d'un lirand intérêt. NOTES ET REVUE. xxxvii « Les Echinodermes sont trèr, abondants dans les régions profondes. J'ai en- trepris la description de la première classe de ce groupe, les Crinoïdes pédon- cules et une vingtaine de planches descriptives sont sur pierre. Les dessins ont été faits par M. William Black, excellent dessinateur d'histoire naturelle. M. Herbert Carpcnter s'est chargé des Comatulides, groupe fort riche en espèces nouvelles. Il les étudie en même temps qu'une belle collection r(!- cueillie parle professeur Semper aux Plii-lipj)ines. (( Le professeur Alexandre Agassiz marche rapidement avec les Écliinides et sa monographie, admirablement illustrée, comme tous ses travaux antérieurs, sera probablement une des premières achevées. M. Lyman étudie lesOphiu- rides.qui sont très nombreux et presque tous nouveaux. J'attends prochaine- ment M. Théel, d'Upsal, qui viendra examiner les Holothurides et les décrira sous la direction du professeur Loven. Les expéditions arctiques suédoises ont déjà fait connaître quelques-unes des formes les plus caractéristiques de ce groupe et elles ont été publiées par d'excellents mémoires de M. Théel. « Une série de belles planches, dessinées sous les yeux de M. Busk, repré- sente les Polyzoaires, groupe qui descend à des profondeurs très grandes et est représenté par de nombreux genres nouveaux et caractéristiques, « Le docteur Mac Intosh étudie lesAnnélides et remplira un volume entier. Plusieurs savants ont entrepris les Crustacés. M. Spense Bâte a pris la plus grosse part, les Macroures; le professeur Georges Brady décrira les Copepodes et les Ostracodes avec de nombreuses planches dont quelques-unes dessinées par lui-môme et d'autres par des dessinateurs. Le professeur Huxley s'est chargé des Anomoures qui, par suite de ses dernières recherches, avaient un intérêt particulier pour lui. M. R. Boog Watson prend les Mollusques infé- rieurs, grosse tâche qui exigera un travail assidu pendant une année ou deux et produira un fort volume. Notre collègue, le docteur Gwin Geffreys, M. Edgar Smith et d'autres conchyliologistes lui prêtent leur concours amical. Le professeur Huxley ferme le groupe des Invertébrés par une monographie des Céphalopodes, qui contiendra un mémoire sur Tanatomie de la Spirule. Les dessins ont été faits de sa propre main, après une soigneuse dissection du spécimen unique que nous avons rapporté. (( Le docteur Giinther a déjà publié de courtes descriptions des poissons des abîmes de la mer et le mémoire définitif est en cours de préparation. Les oi- seaux ont été conliés au docteur Sclater et quelques détails anatomiques con- tenant d'importantes additions à notre connaissance des Cétacés, des Marsu- piaux et des Pingouins, ont été exécutés par les professeurs Turner, Morrisson, Watson et le docteur Cunningham. (( On remarquera sans doute que plusieurs groupes importants d'Invertébrés n'ont pas été mentionnés ; cela tient à ce qu'on n'a pu commencer le travail par manque de dessinateurs ou bien parce que les naturalistes chargés du tra- vail n'ont pas encore fait connaître leur avancement. J'ai bon espoir que tout sera en cours d'exécution l'année prochaine. » [Nature, 12 septembre 1878.) E. M. XXXVIII NOTES ET REVUE. XVI CONTRIBUTION A LA MORPHOLOGIE DES OXYTRICHINES, Par M. Sterki. [Zeitschrift f. wiss. Zool., t. XXXI, 1878, p. 29-58, pi, IV.) Là famille des Oxytrichines est encore très imparfaitement connue. L'au- teur, dont les recherches se sont étendues sur assez peu de localités en Suisse, y a découvert trente espèces nouvelles. Les travaux de Stein ont formulé et précisé d'une façon assez nette la caractéristique de cette famille ; mais en dedans des limites qu'il lui a tracées, il y a encore de nombreuses modifica- tions et améliorations à apporter, d'anciens genres à mieux définir, de nou- veaux à créer. Forme du corps. — Tous les auteurs décrivent les Oxytrichines comme bom- bées sur le dos et plates sur le ventre. Mais il est loin d'en être ainsi. L'au- teur a vu des espèces dont la face ventrale était concave ; chez d'autres, les deux faces ventrales et dorsales étaient également et fortement bombées, enfin, une espèce avait le corps à peu près complètement rond et fusiforme. On rencontre souvent des variétés et des monstruosités appartenant aux types connus. Substance du corps. — On trouve dans cette famille la plus grande variété au sujet de la substance du corps, de sa consistance, de sa couleur, de son aspect, de l'accumulation ou de l'absence de gouttelettes graisseuses, et de sa résistance aux agents extérieurs. Un certain nombre d'espèces, toutes les Urostyles, sont, comme les hétérotriques, pourvues d'une couche extérieure dans laquelle existent des fibrilles contractiles différenciées. Chez les Stylo- nichies au contraire, la différenciation en un endoplasma mou et un exo- plasma solide n'existe pas, ou bien seulement à un très faible degré. Styloni- chia mylilus montre souvent son endoplasma creusé de vacuoles et divisé en cordons et trabécules irréguliers analogues à l'état que l'on connaît chez Trac- helius o^■>um et dans les cellnles végétales. Les cordons et trabécules sont toujours plus forts près de l'insertion des cils vibraliles. La vacuole contractile n'e^t probablement (ju'une vacuole ordinaire diffé- renciée. Elle est complètement dépourvue de paroi propre et se creuse dans le protoplasma ambiant. — D'abord irrégulière et à contours mal définis au début de la diastole, elle s'arrondit ensuite et le protoplasma ambiant se con- dense pour la systole. L'auteur n'a pu reconnaître aucune trace de l'existence d'un pore extérieur. Certains auteurs ont décrit une cuirasse chez diverses Oxytrichines. Mais c'est une erreur; car toutes les parties du corps diffluent avec la même rapidité. Les Stylonichies dans leur marche se replient, se recourbent et modifient fortement la forme de leur corps. Une nouvelle espèce d'Oxytrique peut se NOTES ET REVUE. xxxix contracter do façon à faire varier la longueur de son corps du simple au tri- ple. La consistance du corps ne fournit donc aucun caractère valable de classi- fication. Péristome. — Le péristome affecte deux formes principales : ou bien il est largement ouvert en avant jusqu'à l'extrémité antérieure du corps, ou bien au contraire il est fermé, le bord interne se repliant en arc à gauche et lui for- mant une délimitation nette en avant. 11 existe toujours un œsophage plus ou moins long. Chez Slylonichia mytilus, il est dirigé transversalement à droite. La fente buccale décrite par Stein n'existe pas. Sur le fond du péris- tome est insérée une rangée de cils fins et ondulés qui descendent vers la bouche, et pénétrant dans l'œsophage, viennent jusqu'à l'intérieur du corps, oh ils déterminent la rotation des bols alimentaires. L'auteur appelle ces cils en- doraux. Ce sont eux que Stein a pris pour une fente. Ils sont plus ou moins développés suivant les espèces et souvent très difficiles à voir. Chez les Gas- trotyles, les Urostyles et les Allotriques, il existe encore une rangée de cils fins, placée sur le bord gauche du péristome, le long des cils buccaux. Un type nouveau, dont l'auteur n'a malheureusemeut vu qu'un seul individu, lui a offert un système de ciliation extrêmement curieux. Toute la face ventrale ainsi que le champ du péristome, portaient des cils fins et serrés, semblables à ceux des Holotriques.La face dorsale n'a pas été examinée. Ce type, lorsqu'il aura été bien étudié, est destiné à jeter une grande lumière sur les rapports génétiques entre les Oxytrichines et les autres ciliés. Ciliation. — Les cils sont en général beaucoup moins nombreux et en re- vanche plus forts qu'on ne les trouve indiqués sur ia plupart des dessins des auteurs. Ainsi, par exemple, Stein dessine environ deux cents cils buccaux à la Stylonichia mytHus, tandis qu'il n'y en a jamais plus de cinquante. Oxytricha pellionella ne porte sur son bord antérieur que cinq gros cils. Dans les ran- gées des cils buccaux et marginaux les nombres sont assez constants et ne varient que dans des limites restreintes. Les distinctions qu'on a voulu établir à l'aide des dénominations spéciales telles que cornicules, crochets, cirrhes, soies, etc., n'existent pas dans la nature. On trouve tous les passages depuis le cil le plus fin jusqu'au crochet le plus fort. Ces distinctions ont causé beaucoup d'erreurs dans l'appréciation de la force relative des divers cils. Chez beaucoup d'espèces, les cils anaux sont divisés en fibrilles à leur extré- mité. Cette fibrillation est constante et non le ré.sultat d'un état pathologique. Les cils anaux et marginaux sont fortement aplatis, ce qui leur permet de remplir leur office de rames pendant la natation. Les grands cils frontaux et ventraux des Stylonichies et des Oxytriques sont presque ronds ou polygo- naux. Mais la forme de cils la plus intéressante est celle que l'auteur décrit pour les cils buccaux. Jusqu'ici on les avait considérés comme des cils dans le sens ordinaire du mot. M. Sterki démontre que ce sont de vraies lamelles fixées sur le bord du péristome par une insertion qui comprend toute la largeur de la bande buccale. Ce sont ces lignes d'insertion que Stein avait prises pour des gouttières destinées à recevoir les cils au repos. Ces membranes peuvent se replier comme un éventail; mais elles sont développées quand elles sont en mouvement. Les cils de l'extrémité antérieure ont une forme membraneuse XL NOTES ET REVUE. semblable. L'auteur, après avoir bien constaté cette disposition chez la Stylo- nichia wytilus, l'a reconnue chez toutes les autres Oxytrichines, chez les Euplotes, les Aspidicines, l'Halteria et les Stentors. Cette conformation rend compte de divers faits qu'on ne savait comment expliquer jusqu'ici. Comme ces organes ne sont plus de vrais cils, M. Sterki propose de les désigner par le nom de membranelles . La disposition et l'arrangement des cils constitue le caractère le plus im- portant pour la distinction des genres. A ce point de vue on peut d'abord distinguer deux groupes ou plutôt deux extrêmes entre lesquels viennent se ranger des formes intermédiaires. D'un côté, nous avons les Stylonichies et les Oxytriques, dont les cils frontaux, buccaux, anaux et caudaux sont en nombre limité avec un groupement précis; d'un autre côté, les types comme les Uroleptes et les Urostyles, qui portent deux ou plusieurs rangées de cils ventraux en nombre indéterminé. Entre ces deux extrêmes se placent les Pleurotriques, les Gastrostyles, etc. Les cils anaux peuvent exister ou manquer dans des formes très voisines. Les cils caudaux, au nombre de trois, sont toujours insérés un peu sur le dos. Chez les Urostyles, la rangée gauche des cils marginaux se prolonge en arrière un peu sur le dos et chevauche ainsi sur l'extrémité de la rangée droite. Chez le Slylonethes lardus, la rangée marginale gauche traverse le péristome et vient se prolonger jusque sur l'aire frontale. 11 faut enfin citer les cils dorsaux dont la nature est encore assez obscure. Ce sont des appendices extrêmement fins et le plus souvent très courts. Ils sont complètement immobiles. Les auteurs, jusqu'ici, n'en avaient décrits qu'une rangée latérale bordant tout le pourtour du corps. L'auteur a reconnu qu'ils existent en rangées longitudinales sur toute la surface du dos. Ce sont peut-être simplement dos appendices du tégument. On les trouve avec leur plus grand développement chez les Stichochifita. Les soies sallalrices des Hal- teria sont des formations homologues. Peut-être faudra-t-il les considérer commue des organes de la sensibilité. Division transversale. — Les nouvelles rangées de cils marginaux apparais- sent dès le début en groupes isolés pour chacun des deux nouveaux individus. A droite, l'ancienne rangée marginale se divise en trois sections. Dans les deux lacunes qui naissent ainsi apparaissent les cils nouveaux, d'abord très fins et très serrés, puis s'écartant les uns des autres à mesure que la division avance et que les anciens cils se résorbent. Dans la rangée marginale de droite il ne se forme qu'une lacune. Les deux groupes de nouveaux cils se dévelop- pent l'un dans cette lacune, l'autre, entre les cils buccaux et l'extrémité de l'ancienne rangée marginale. Les cils frontaux, ventraux et anaux apparaissent tout d'abord sous la forme de petites saillies groupées sur six lignes serrées. A mesure que la division s'avance, les rudiments de cils s'accroissent, s'écartent les uns des autres et vent, dans un ordre toujours le même et que l'auteur décrit avec une grande précision, occuper leur place définitive sur les deux nouveaux individus qui se séparent. L'ancien péristome subit aussi des modifications pendant que la division s'opère, Il se rétrécit et s'eiïace en partie. Les cils prébuccaux et la membrane ondulante se reforment à nouveau. I! est probable que les cils bue- NOTES ET REVUE. xu canx eux-mêmes subissent quelque renouvellement, mais ces observations deviennent si difficiles, que l'auteur n'a pu s'en assurer. Tout ce phénomène de division des infusoires ciliés mérile la plus grande attention des observateurs. Ce n'est pas une simple division dans l'acception littérale du mot. La partie antérieure n'éprouve que des changements incom- plets, tandis que l'individu postérieur se développe de toute pièce et se déta- che. Ces phénomènes ressemblent beaucoup plus à un bourgeonnement qu'à la division simple des Rhizopodes. Il est très probable que la complication de ces phénomènes chez les Infusoires ciliés correspond à la dilîérenciation plus élevée de leurs organes et à la localisation plus avancée de leurs fonctions. L'auteur termine son mémoire par un appendice dans lequel il donne de courtes diagnoses des nouveaux genres et des nouvelles espèces observés par lui. Il promet d'en donner, dans un travail ultérieur, des descriptions com- plètes accompagnées de figures. Voici la liste des nouveaux genres : 1. Histrio, type : Tancienne Stylonichia histrio. 2. Àmphisia, type Oxijtricka gibba, de Stein, 0. micans, Engelmann. 3. Gonoslomum, type O.rytricha af finis, Stein, 0. strenua, Engelmann, et deux ou trois nouvelles espèces. 4. Slijlonethes tardiis, espèce et genre nouveaux. 5. Allolricha mollis, espèce et genre nouveaux. 6. Strongylidium crassiim, espèce et genre nouveaux. 7. Trichogasler pilosus, espèce et genre nouveaux, E. M. XXVII LES RÉCIFS DE CORAIL, LEUR STRUCTURE ET LEUR DISTRIBUTION, Par M. Ch. Darwin. (Traduit de l'anglais par M. L. Collerat, professeur agrégé de l'Université.) L'ouvrage de Ch. Darwin est trop connu pour qu'il soit nécessaire d'en donner une analyse. Nous voulons adresser toutes nos félicitations à M. Ger- mer-Baillière, qui a édité ce curieux ouvrage en le faisant traduire en français par M. Collerat, agrégé de l'Université. Le traducteur a, dans une introduction, cherché à donner une idée des polypes constructeurs de ces récifs immenses que les gouvernements sont obligés de surveiller dans leur accroissement pour assurer la sécurité de la navigation des bâtiments de leur pays. L'ouvrage de Darwin, traduit dans notre langue, sera certainement bientôt dans beaucoup de bibliothèques. Il est plein d'intérêt et tous ceux qui s'in- téressent, dans notre pays, aux choses delà mer voudront l'avoir. Il est une observation que nous voudrions faire : le mot coral, en anglais, xi.ti NOTES ET REVUE. veut dire textuellement aiusi que scientifiquement parlant corail, mais il n'a pas tout à fait et exclusivement le même sens qu'en français. Nous ré- servons, en effet, dans notre langue, le mot corail pour désigner la produc- tion marine utilisée dans la bijouterie; et nous ne l'employons pas du tout pour indiquer toutes les productions analogues produites par les polypes marins. Quand nous disons en français simplement les coraux, nous voulons indi- quer autre chose que le corail proprement dit; et ce nom pluriel est à peu près synonyme de les polypiers. Au contraire, en anglais, dans les ouvrages scientiiiques, le mot coral cor- respond très exactement à celui-ci delà science française : le polypier.— Tiixns toutes les descriptions des animaux du groupe produisant ces immenses bancs ou récifs, le savant anglais dira le coral de telle espèce, le français dira le poly- pier de telle espèce, et si nous disions, nous, le corail de telle espèce, il y aurait certainement confusion. C'est pour cela que Darwin a d'ii reef of coral, absolument comme en fran- çais nous eussions dit soit les rècifx de coraux, soit les récifs de polypiers. Sans doute, c'est une distinction de mots, mais qui n'en a pas moins son importance; le titre dans la traduction eût été préférable et mieux compris des lecteurs français, ainsi : les Récifs de coraux. XVIII CONTRAGTILITÈ ET DOUBLE RÉFRACTION, Par Th. Wilh. Engelmann. {Pfluger's Archiv, t. XI, p. 432-464.) La contractilité est-elle liée nécessairement à la présence de particules doublement réfringentes ; autrement, toutes les substances contractiles étu- diées à la lumière polarisée offrent-elles des phénomènes de double réfrac- tion ? Tel est le problème que l'auteur de ce mémoire a cherché à résoudre. Les recherches antérieures avaient donné des résultats contradictoires qui laissaient beaucoup de place au doute, et M. Ranvier, dans son traité d'histo- logie actuellement en cours de publication (p.4SS), nie encore la valeur des résultats obtenus jusqu'ici. Pour répondre à toutes les objections, M. Eiigfil- mann a étendu ses recherches à toutes les substances contractiles, cils vihra- tiles, protoplasma des rhizopodes, libres contractiles des infusoires, et fibres musculaires striées en voie de développement. Fibres musculaires fie rihjdrc. — Kôlliker a découvert entre l'ectodermc et l'entodernie de ITlydro des fibrilles musculaires longitudinales qui ont été depuis lors étudiées de nouveau avec beaucoup de soin par Kleinenberg. Ces fibrilles sont biréfringentes à un haut degré. i\l. Engelmann, dans ses prépa- NOTES ET REVUE. xun rations, a pris grand soin de distinguer les fibrilles de la lamelle intermédiaire, qui, comme toutes les membranes analogues, possède aussi la double réfrin- gence. Une Hydractinie étudiée de la même façon a donné des résultats iden- tiques. Fibres contractiles et proloplasma des Infusoires.— La substance contractile des Infusoires prend les formes les plus variées et cliez ces petits êtres, dont le corps correspond morpliologiquement à une cellule, on peut trouver sur un seul individu tous les types de substance contractile. Ainsi, nous avons les cils et les membranes avec leurs mouvements vibratiles^ les vacuoles à con- tractions rbythmiques et l'ondoplasma avec sa rotation continue, enfui les fi- brilles des parois du corps et des pédoncules rétractiles à contractions longi- tudinales. Aussi les Infusoires ont-ils particulièrement attiré l'attention de l'auteur. Les résultats les plus concluants ont été obtenus sur le Zoolhamniiim arbus- cula. Le pédoncule de ce bel Infusoire est muni d'un cordon de substance contractile dont le diamètre peut s'élever jusqu'à O^jO-i. M. Engelmann a étudié avec beaucoup de soin ce cordon et y a constaté une structure fibril- laire très nette. Les fibrilles, au moment de la contraction, deviennent plus courtes et plus épaisses. Elles s'entre-croisent les unes les autres sous des angles très aigus et ne portent aucune trace de striation transversale. Le cordon ou faisceau général est enveloppé d'une fine membrane dépourvue de structure. A la lumière polarisée, ce cordon se montra anisotrope à un très haut degré et les fibrilles se comportèrent comme des éléments à biréfrin- gence positive avec un axe parallèle à leur direction longitudinale. En étudiant le développement du cordon contractile sur des Zoothamnium qui venaient de fonder une nouvelle colonie, M. Engelmann a constaté qu'il possédait la pro- priété biréfringente dès les premiers moments de son apparition. Cette pro- priété cesse brusquement au niveau du point d'attache du corps avec le pé- doncule; au-dessus on ne reconnaît plus aucune trace d'anisotropie. Il faut donc admettre que les modifications moléculaires déterminantes de la biré- fringence se produisent sur cette limite, réduite à une couche si mince qu'elle n'est pas mesurable. Le pédoncule de quelques autres vorticellines apparte- nant aux genres Vorticella, Carchesium et Zoothamnium s'est montré très clairement anisotrope. M. Engehntinii a étudié aussi le Stentor cœndeus. Chez cet Infusoire il fallait d'abord bien déterminer quels sont les éléments contractiles; car les uns consi- dèrent comme tels les fibrilles minces décrites par Lieberkûhn, les autres au contraire, les bandes longitudinales colorées en bleu. L'auteur discute longue- ment ces deux opinions et s'elTorce de démontrer que les fibrilles de Lieber- kiihn ne sont point des plis de la cuticule comme on l'a prétendu. Par divers procédés de macération il est parvenu à les isoler. En outre, pendant les con- tractions du corps on les voit se raccourcir en devenant plus épaisses. Mais, en plus de ces éléments contractiles différenciés, il faut encore admettre au- dessous de la cuticule une couche de protoplasma jouissant aussi de la con- tractilité et qui préside aux contractions lentes du corps dans lesquelles on voit les fibrilles de Lieberkiihn prendre l'aspect sinueux décrit par tous les au- teurs. Quant aux bandes bleues, elles dépendent de la cuticule, et l'aspect strié XLiv NOTES ET REVUE. transversal qu'elles prennent pendant la contraction du corps, provient de replis dont on peut très bien mesurer la saillie dans la vue de profd. A la lumière polarisée la couche, contractile s'est montrée biréfringente ; mais comme les fibrilles sont engagées dans l'épaisseur de celte couche, il n'a pas été possible d'observer leur anisotropie isolément. Cliez certaines grandes espèces de Vnrticellines, telles que VEpifitiHs gnlea et VOpercularia articulala,oi\ voit au-dessous de la cuticule des fibrilles lon- gitudinales analogues à celles des Stentors. Chez VEpistilis gaUa on peut les suivre jusqu'au bord du péristome, où elles paraissent se réunir en arceaux par de fines ramifications. Un faisceau de fibrilles extrêmement fines court aussi dans le bourrelet du péristome et constitue ainsi un vrai sphincter. Tou- tes ces fibrilles ont présenté des phénomènes d'anisotropie très nets. Chez le Trachrloœrca olor le cou étendu e^, si éminemment contractile est positive- ment biréfringent. L'auteur n'a pu reconnaître d'anisotropie sur les suçoirs àe<. Acinela cyclopum et A. mystacina. Sur des acinétiens dont les suçoirs seraient plus gros on obtiendrait probablement un meilleur résultat. Cils vibratiles et spermulozoaires. — Les cils vibratiles des rotateurs et les grands cils buccaux des Infusoires, partout où ils ont été examinés par Fau- teur, se sont toujours montrés biréfringents. Les cils vibratiles des membranes muqueuses sont plus difficiles à étudier. M. Engelmann, en arrachant des fragments sur les branchies des bivalves, a pu cependant reconnaître l'aniso- tropie de leurs cils vibratiles. La queue des spermatozoaires de divers animaux est également biréfringente. , Protoplasma contraclile de V Actinosphœrium Eichhornii. — L'auteur ayant rencontré quelques individus de cet organisme composé uniquement de pro- toplasma contractile, profita de l'occasion pour vérifier si ce dernier se montrerait anisotrope comme les fibrilles et les cils. Nous avons déjà vu plus haut qu'il avait reconnu une biréfringence marquée sur la couche contractile des Stentors. Les longs pseudopodes de l'Âctinosphairium agissent aussi sur la lumière polarisée comme des fibres à biréfringence positive avec un axe opti- que parallèle à leur direction longitudinale. Première apparition de fanisotropie et de la contractilité pendant le déve- loppement des fibres musculaires striées. — L'auteur a étudié les trabécules musculaires qui se développent dès le second jour d'incubation lors de l'ap- parition de la cavité cardiaque des embryons de poulet. Ces trabécules sont composés de cellules fusiformes courtes, pourvues d'un gros noyau avec nu- cléoles. 11 n'existe encore aucune trace de striation, celle-ci n'apparaissant que du troisième au quatrième-jour d'incubation. Ces trabécules, contractiles dès le second jour, se sont également montrés positivement biréfringents. D'autres observations faites sur les fibres musculaires de divers animaux per- mettent à M. Engelmann d'affirmer que la contractilité et la biréfringence apparaissent simultanément. Conclusions. — De ces recherches l'auteur conclut que « la contractilité, sous quelque forme et en quelque lieu qu'elle apparaisse, est liée à la présence de particules biréfringentes, positives, uniaxillaires, dont l'axe optique con- corde avec la direction du raccourcissement. » Un autre résultat, (|ui d'ailleurs avait déjà été établi par d'autres méthodes, NOTES ET REVUE. xlv c'est que, dans les fibres striées, les couches biréfringentes seules sont contrac- tiles, tandis que les couches isotropes ne le sont nullement. La fonction de ces dernières doit donc consister uniquement à transmettre l'excitation d'un disque contractile à un autre disque contractile, autrement dit la substance isotrope e>l irritable (non contractile) et conductrice de l'irritabilité. Les dis- ques contractiles sont trop éloignés les uns des autres pour que Texcitation puisse passer de l'un à l'autre sans intermédiaire. En outre les couches iso- tropes irritables, elles-mêmes, ont besoin d'être en continuité les unes avec les autres pour bien remplir leur fonction conductrice de l'irritation. Il faut donc admettre que dans les disques biréfringents, en outre de la substance contractile, il existe encore des molécules excitables conductrices de même nature que celles des couches isotropes et qui relient ces dernières entre elles. La fibre musculaire striée serait donc composée d'une subtauce fondamentale irritable et conductrice dans laquelle sont groupés à des dis- tances régulières des couches de particules contractiles biréfringentes. Si l'on imagine une fibre striée de laquelle on aurait enlevé les particules contractiles biréfringentes, il reste un élément organique qui au point de vue physiologique ne diffère en rien d'essentiel d'un nerf. Et par le fait la substance des disques isotropes ressemble à celles des cylindres-axes par de nombi'euses propriétés chimiques et physiques. Toutes deux sont monoré- fringentes, très aqueuses et molles, se contractent sous l'action de l'alcool, de l'éther et d'autres réactifs et enfin se dissolvent facilement dans les alca- lis. La substance fondamentale des muscles pourrait donc être considérée comme un prolongement un peu modifié du cylindre- axe des nerfs moteurs et devrait être distinguée comme substance ne) veuse de Vd substance contractile ou motrice. Dans cette manière de voir le problème de l'irritabilité propre des muscles reparaît, mais sous une forme nouvelle et plus précise. L'ontogénie et la philogénie permettent de comprendre cette complexité d'organisation. Celle-ci s'est développée par des différenciations successives dans le protoplasma indifférent primordial. L'automatie, la contractilité, enfin l'irritabilité et sa conductibilité, sont confondues dans le protoplasma simple. Puisées fonctions s'isolent. Nous voyons, par exemple, l'automatie développée à un très haut degré dans les cils vibratiles, tandis qu'elle s'efface dans les muscles pour y être remplacée par l'irritabilité et la contractilité. Dans la sub- stance musculaire lisse, au contraire, ces fonctions ne sont pas encore locali- sées. Entre les deux extrêmes on peut trouver de nombreux passages chez les fibres musculaires plus ou moins nettement striées des animaux inférieurs. E. iM. NOTES ET REVUE. XIX SUR LE DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DES MOLLUSQUES D'EAU DOUCE, Par le docteur M. Braun. L'auteur a cherché à se rendre compte du sort des embryons des Naïades après la période embryonnaire; il résume lui-même en ces termes les conclu- sions auxquelles il est arrivé : (( La vie des Naïades se compose de trois périodes : la première, ou période embryonnaire, se passe dans la branchie de la mère; ensuite vient une courte période de transition durant un petit nombre d'heures ou de jours et pendant laquelle la larve libre ne prend pas de nourriture. La deuxième période est caractérisée par le parasitisme sur la peau des poissons en avant de toutes leurs nageoires et dure de deux à trois mois, pendant lesquels se forment la plupart des organes de l'animal parfait. Enfin dans la troisième période la vie libre proprement dite se continue directement avec la précédente; les jeunes Naïades vivent sur le fond de notre aquarium, se nourrissent d'algues unicellu- laires, comme je l'ai pu voir d'une manière très évidente sur les espèces que j'ai soumises à mes recherches, et commencent bientôt à former leur coquille. Sur la durée de cette période, nous ne possédons que des conjectures ; je compte placer ce sujet dans le champ de mes recherches. » L. J. XX SUR L'USAGE DES OPERCULES POUR LA DÉTERMINATION DES CHEILOSTOMES, Par M. A. W. Waters, F. G. S. La plupart des auteurs se sont servis de la forme de la bouche pour déter- miner les bryozoaires. M. Waters a pensé que, puisque la forme des opercules était une conséquence de celle de l'ouverture, ces opercules mêmes pour- raient fournir des caractères tout aussi bons. L'examen qu'il a fait d'uu assez grand nombre d'opercules Ta convaincu que ces parties pouvaient donner des caractères d'une plus grande valeur même qu'il ne croyait. En effet, non seulement la forme de l'opercule, mais aussi son mode d'articulation et l'insertion des muscles qui le meuvent, sout d'excellents éléments de diagnose. Chez beaucoup de bryozoaires, les cellules de différents âges sout fort diffé- rentes dans la même espèce et dans la même colonie. NOTES ET REVUE. xlyii Au contraire, les opercules conservent une forme constante. M. Waters pense et nous pensons avec lui que les caractères tirés des oper- cules seront d'un bon usage pour la détermination des espèces; un examen plus approfondi et plus étendu pourra seul décider s'ils seront de secours pour la délimitation des groupes. L. J. XXI SUR LE GLOÏDIUM QUADRIPDUM, UN NOUVEAU GENRE DE PROTISTES , Par le docteur N. Sorokin, Professeur de botanique Ji Kasan. {Morphologisches Jalirbuch. 1878). Parmi les nombreux Protistes qui se sont développés pendant l'année passée dans mon aquarium, il y a un organisme qui mérite une attention spéciale, car il ne peut être rangé dans aucun genre connu. Non seulement sa forme, mais quelques pliénomènes de son développement sont si remarquables, que leur connaissance jette une lumière sur tout le groupe des Protistes. Parmi les Oscillaires, etc., je trouvai de petites particules de protoplasme amœboïdes nus et plus ou moins sphériques, à ectosarque clair et transpa- rent et à endosarque lumineux, avec des granulations rouges ou jaunes de forme et de taille différentes. Cliaque amibe avait une vésicule contractile, située ordinairement dans l'ectosarque, qui répétait ses pulsations toutes les trois ou quatre minutes. La masse changeait très lentement de forme et de place sous l'action de ses pseudopodes courts et larges. Le commencement de la division est bien marqué par l'apparition de deux sillons dans l'ectosarque, l'un opposé à l'autre. Très vite paraissent ensuite deux nouveaux enfoncements perpendiculaires aux premiers et la vacuole pul- satile se place dans le centre. Les enfoncements s'approchent toujours vers le milieu et séparent ainsi la masse en quatre parties qui ne restent unies que par des bandes de protoplasme minces et incolores. Ce reste d'union disparait bientôt et les jeunes individus se séparent définitivement. La vésicule ne reste que très peu de temps dans le centre de la masse qui se divise, et elle paraît de très bonne heure dans l'ectosarque de chacun des jeunes amibes. Je n'ai jamais vu se nourrir ce Protiste ; il paraît absorber les matières nu- tritives en solution. Dans certaines conditions il s'enferme dans un kyste épais dont la forma- tion est très facile à voir. L'organisme devient immobile, la couche superfi- cielle de l'ectosarque commence à s'endurcir et forme une membrane mince et dure, et ce procédé se répète jusqu'à ce qu'il y ait une paroi épaisse com- posée de plusieurs couches. Dans un certain point le revêtement n'est pas corn- XLViii NOTES ET REVUE. plet, les couches intérieures laissent un petit canal en forme d'entonnoir par lequel le protoplasme intérieur est en contact avec la membrane externe. Le prolo|)lasnie rompt cette membrane externe (!t sort par le pore, la vésicule contractile recommence sa fonction, l'organisme se divise en quatre parties qui peuvent s'enkyster de nouveau, et ainsi de suite. Les individus mobiles ne s'unissent pas dans un plasmodtum. J'ai vu quel- quefois le même organisme s'enkyster trois fois avant de se diviser.. La for- mation de la membrane dure deux heures environ et l'organisme peut rester immobile deux ou trois jours. Pendant ce temps la vacuole ne subit aucune altération. A quel genre des Protistes pouvons-nous rapporter cet organisme? L'absence d'un nucléus l'exclut des Amibes véritables ; l'enkystement et la présence, d'une vésicule contractile le distinguent des Monères. Mais son caractère le ]dus important est le mode de multiplication : chez la Vampyrelle on observe la division en quatre spores dans l'intérieur de la capsule, tandis qu'ici c'est l'organisme qui se divise simultanément en quatre parties. Pour ces raisons, il est nécessaire d'en faire un nouveau genre : le Gloidium. P. G. Le directeur : R. de Lacaze-Duthiers. Le gérant : G. Reinwald. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE SUR LE GEME SAGITELLA {n. wagn.) PAR M. ULJANIN. Avec quatre planches. En 1872, parut un article de M. N. Wagner, dans lequel le savant professeur de Saint-Pétersbourg décrivit une nouvelle Annélide pélagique observée par lui à Naples et à Messine \ Cette annélide, pour laquelle il proposa le nom de SAGITELLA, est sous plusieurs rap- ports sûrement une des formes les plus curieuses parmi les Anné- lides connues jusqu'à ce jour et mérite bien d'être étudiée d'une manière plus suivie que ne l'a fait M. Wagner. Aussi pendant mon séjour à Naples^ et à Villefranche (près de Nice) je ne manquais pas de profiter de ce que plusieurs espèces du genre établi par M. Wagner, se trouvaient parfois parmi les animaux pélagiques recueillis à la surface de la mer pour faire une étude sur l'organisation de la Sagitelle. Les observations que je présente au lecteur n'ont pas la prétention d'éclaircir tous les points obscurs de l'organisation de la Sagitelle ; ce ne sont que des notes prises souvent à la hâte, des observations faites pour la plupart au beau milieu d'autres études qui attiraient toute mon attention. En publiant ces notes fragmentaires, j'ai principale- • Nouveau groupe d'Annélides (Travaux de la Société des Naluralisles de Saint- Pélersbourg, voir III, p. 344-347). 2 A Naples, je travaillais dans l'excellent laboratoire de la Stazione zoologica de M. le docteur Ant. Dohrn. AIICH. DE ZOOL. E.KP. ET GÉN. — T. VII. 1878. 1 2 ULJANIN. ment pour but d'attirer sur la Sagitelle, l'attention des naturalistes résidant au bord de la Méditerranée ; j'ai d'autant plus pensé devoir publier mes observations sur Torganisation de cet Annélide que l'ar- ticle de M.Wagner, rédigé en langue russe, est resté, à ce qu'il paraît, complètement inconnu à l'étranger ; du moins n'a-t-il été mentionné dans aucun des Berichts publiés en Allemagne. M. Wagner étant le seul qui ait publié ses observations sur la Sagi- telle et ses observations étant restées inconnues à la grande majorité des naturalistes, je crois de mon devoir de commencer par une courte analyse de ces^observations. M. Wagner distingue deux espèces de son nouveau genre: Sagi- tella Kowalevskii et Sagitella Bobretsku. Gomme appartenant à la première de ces deux espèces M. Wagner décrit deux formes qu'il désigne par les lettres a et b. « Les deux formes sont complètement transparentes et rappellent à première vue une Sagitta en miniature. «La formeaestlongue de 5 millimètres et est composée de vingt-huit segments ; la forme b n'est que de dix-sept segments et est longue de 1 millimètre. Les deux formes sont munies de plaques natatoires, disposées sur les côtés de chaque segment et qui, par leur forme, ressemblent aux cirrhes lamellaires des rames pédeuses de Phyllodoce. Ces plaques atteignent leur maximum de grandeur vers le milieu du corps de l'animal. Les segments antérieurs de la forme a ne portent chacun qu'une paire de ces plaques. Le quatrième segment ainsi que tous ceux qui le suivent en portent deux paires. Le segment pos- térieur des deux formes est muni de deux lamelles longues et de forme elliptique. « La tête de la forme a, vue de son côté dorsal, est assez nettement délimitée du segment limitrophe et est assez fortement bombée dans sa partie postérieure. Son extrémité antérieure est munie d'un petit appendice tentaculiforme recourbé en arrière et situé entre deux lames, natatoires. L'orifice buccal se trouve au sommet d'un petit appendice en forme de trompe et recourbé en bas. En avant des lames natatoires du huitième segment ainsi que de tous ceux qui le suivent, se trouvent des soies en forme d'épines courbes et acérées vers leurs extrémités. Au huitième segment on ne compte de chaque côté du segment qu'une soie faiblement développée, tandis que les segments postérieurs en portent jusqu'il trois paires. SUR LE GENRE SAGITELLA. iî « L'œsophage occupe les trois segments antérieurs ; la partie du canal digestif qui suit l'œsophage s'atténue graduellement vers l'extrémité postérieure de l'animal et s'ouvre par l'orifice anal situé au segment postérieur. Il est digne de remarque que les parois de cette partie du canal alimentaire sont composées de cellules polygo- nales aux contours très-prononcés et de très-fortes dimensions. « Le système nerveux consiste en un ganglion supraœsophagien fortement développé qui donne naissance à deux troncs nerveux aplatis et parcourant les segments du corps dans leurs parties latérales. « Comme appartenant au système nerveux doivent être », selon M. Wagner, « considérés des corpuscules disposés dans les lames natatoires. Ces corpuscules ont la forme de petits cylindres composés de bâtonnets très-fms (Nervenstœbchen ?) « La forme b se distingue principalement de la forme a par la forme de sa tête, qui est arrondie et munie à son extrémité antérieure d'un appendice pyramidal. A la place de l'appendice rostriforme de la forme a se trouve une protubérance large, ornée de longues soies sinuées et au milieu de laquelle se trouve la bouche. Les deux paires de lames natatoires dont est munie la tête de la forme b sont aussi ornées de longues soies. » Outre ces deux formes que M. Wagner considère comme apparte- nant à l'espèce désignée par lui du nom de Sagitella Kowalevskii, il décrit comme il suit une troisième Sagitelle. « Longueur du corps un peu moindre que celle de la Sagitella Kowalevskii, forme b. Nombre des segments: dix-huit. Tête arrondie à son extrémité antérieure et nullement délimitée du corps. Au-devant de la bouche un petit groupe de cils vibratiles.La tête est munie de deux paires de plaques natatoires ; les plaques de la paire postérieure sont allongées, arron- dies à leurs extrémités et disposées perpendiculairement à l'axe lon- gitudinal du corps de l'animal. De pareils appendices, mais un peu de moindre taille, se trouvent aussi sur tous les autres segments du corps. Chaque appendice est orné de soies assez longues et distan- cées l'une de l'autre; les parties basilaires de ces soies peuvent être suivies assez loin dans le parenchyme des appendices. L'extrémité postérieure du corps porte deux petits mamelons qui sont aussi ornés de soies. Les segments sont tous achètes. » M. Wagner considère cet exemplaire observé par lui seulement une fois à Naples comme une larve d'une espèce distincte pour la- quelle il proposa le nom de Sagitella Bobretskii. 4 ULJANIN. Les observations de M. Wagner qui, comme on le voit, laissent beaucoup à désirer, sont, comme je l'ai déjà dit, les seules publiées jusqu'à ce jour sur la Sagitelle. Un être ressemblant à beaucoup d'égards à la Sagitelle, mais sûrement bien distinct d'elle, fut décrit,il y a déjà plus de vingt-cinq ans, par M. Basch, sous le nom de Typhloscolex Mïdleri^. En traitant des affinités zoologiques du genre Sagitelle, j'aurai encore l'occasion déparier duTyphloscolex ; pour le moment je passe à la description des espèces du genre Sagitelle observées par moi et à mes observations sur l'organisation de cet intéressant Annélide. J'ai eu l'occasion d'observer trois espèces bien distinctes. Deux de ces espèces sont sans aucun doute identiques avec les formes a et if de la Sagitella Kowalevskii de M. Wagner, tandis que la troisième espèce est nouvelle. Dans le courant du présent article, je conserverai le nom de Sagitella Kowalevskii pour la forme décrite par M. Wagner sous le nom de Sagitella Kowalevskii, forme a, tandis que, pour la Sa- gitella Kowalevskii forme b, je propose le nom de Sagitella bai'bata ; enfm la troisième espèce observée par moi sera désignée sous le nom de Sagitella prœcox. SAGITELLA KOWALEVSKII. {Sagikila Kowalevskii forme A. N. Wgn.) PL I, fig. 1. Cette espèce est, à ce qu'il paraît, l'une des plus communes dans la Méditerranée. Je l'ai souvent observée à Villefranche et à Naples ; M. Wagner a étudié des exemplaires de cette espèce provenant de Messine; enfin, d'après M. Bobretsky, M. Kovvalevsky aurait récolté des exemplaires de la même espèce dans la mer Rouge. De toutes les espèces du genre, la Sagitelle de Rowalevski est la plus grande de taille ; en pleine maturité sexuelle, elle est longue plus que de 5 millimètres. Le corps est très-allongé, et a la forme d'une que- nouille ; le maximum de sa largeur tombe vers son milieu. Les seg- ments sont assez distincts l'un de l'autre; outre que leur nombre varie avec l'âge de l'animal, même les exemplaires adultes (4™, 3, S", 8 ' Buscii, Beobacldungen Uber Analomie und Enlwickelung einiger wirbeUûsen Sce- thien;\S-6l, p. 115, pi. XI, fig. 1-0. SUR LE GENRE SAGITELLA. 5 de longueur) possèdent un nombre de segments variable entre vingt et un et vingt-huit. Le segment antérieur, qui est aussi le plus grand de tous les segments, est élargi à sa base et rétréci vers son extrémité antérieure qui est munie d'un appendice tentaculiforme. Le côté ven- tral de ce segment antérieur ou buccal est aplati, tandis que son côté dorsal est fortement bombé près de la base du segment où sont situés deux boutons vibratiles. Le segment buccal porte sur ses côtés une paire d'élytres (un élytre de chaque côté) en forme de coussinets allongés, fortement bombés en dehors et excavés du côté intérieur. Les deux segments qui suivent le segment buccal sont aussi munis chacun d'une paire d'élytres en forme de coussinets un peu plus petits que ceux du segment buccal. Tous les autres segments portent chacun deux paires d'élytres en forme de lamelles. Deux de ces élytres sont placés sur les parties latérales du côté dorsal, tandis que les deux autres se trouvent sur les parties correspondantes du côté ventral de chaque segment. L'extrémité postérieure du corps est munie de deux lamelles élargies. Les sept segments antérieurs sont achètes ; le huitième segment est muni de chaque côté d'une faible soie en forme d'épine droite ; tous les autres segments portent de chaque côté trois soies en forme d'épines. L'œsophage occupe les trois segments antérieurs ; la partie du canal alimentaire qui fait suite à l'œsophage est dilatée dans sa partie antérieure et graduellement amincie vers son extrémité postérieure. Vue dans l'animal vivant, cette partie du canal alimentaire semble comblé de grandes cellules diaphanes aux contours fortement pro- noncés. L'orifice anal est placé au dernier segment, entre les deux lamelles caudales. La couleur est jaune tirant un peu sur le rose. La seule diflerence entre la Sagitelle de Kowalevski que je viens de décrire et la Sagitella Koivalevskii forme a, de M. Wagner, consiste en ce que la bouche de la Sagitelle étudiée par le savant de Saint-Péters- bourg est placée au sommet d'un « appendice en forme de trompe », tandis que la bouche de la Sagitelle que je viens de décrire n'est qu'un simple orifice, placé au milieu de la face ventrale du segment buc- cal. J'ai tout lieu de croire que cette différence n'est pas réelle et qu'elle n'est fondée que sur une observation erronée de M. Wagner. Toutes les espèces du genre Sagitella ont au-dessus de l'œsophage un organe glanduleux en forme de rétorte, dont la partie amincie et musculeuse peut être projetée au dehors par l'orifice de la bouche. Lorsque l'animal est place dans des conditions normales, cet organe 6 ULJÂNIN. n'est projeté h l'extérieur que de très-peu et rarement; chaque fois au contraire qu'une Sagitelle se trouve placée dans des conditions anormales, on voit le bout aminci de l'organe en question apparaître par l'orilice de la bouche ; les Sagitelles conservées dans des liqueurs ont presque toujours cet organe projeté. Il me paraît presque certain que les Sagitelles qui ont servi à M. Wagner pour ses observations, étaient des animaux plus ou moins fatigués par un maniement pro- longé sur le porte-objet et que l'extrémité de l'organe glandulaire projeté par l'orifice de la bouche a été pris par M. Wagner pour « l'appendice en forme de trompe », au sommet duquel se trouve, d'après M. Wagner, la bouche. Une étude attentive de la figure b donnée par M. Wagner dans son article (p. 347), ne fait que confir- mer cette supposition. Dans cette figure qui représente l'extrémité antérieure de la Sagitelle de Kowalevski forme a, vue de côté, M. Wagner indique les contours de la partie élargie et glandulaire de l'organe en forme de retorte, ainsi que sa partie amincie et projetée par l'orifice de la bouche. L'erreur de M. Wagner consiste en ce qu'il n'a pas reconnu la connexion de ces deux parties de l'organe en question et qu'il considère la partie glandulaire de l'organe, en forme de retorte comme ganglion supraœsophagien et la partie amincie et musculaire du même organe pour « l'appendice en forme de trompe ». SAGITELLA BARBATA. [Sagitella Kowalevskii forme B. N. Wagn.) PI. I, fig. 2. Cette espèce, sans aucun doute distincte de la Sagitelle de Kowa- levski, est assez commune à Villefranche et à Nàplcs; M. Wagner l'a observée aussi à Messine. Maximum de longueur : ^2 millimètres. Le nombre des segments est variable entre seize et vingt. Le corps, comparé à celui de la Sagitelle de Kowalevski, est court et large, graduellement atténué vers ses deux extrémités. Segment buccal court et large, arrondi à son extrémité antérieure, et muni, comme celui de la Sagitelle de Kowalevski, d'un appendice tentaculiforme. Sa face dorsale et sa face ventrale portent chacune une protubérance charnue en forme de capuchon (pi. 1, fig. 5), ornée sur ses bords de Ion- SUR LE GENRE SAGITELLÂ. 7 gues lamelles sinuées. Le capuchon du côté dorsal [b, fig. 4) recouvre deux boutons vibratiles (t), situés à la base du segment buccal, tandis qu'au-dessous du capuchon ventral {a) se trouve la bouche (e). Le segment buccal est orné de deux élytres en forme de coussinets oblongs et un peu élargis à l'extrémité antérieure (pi. I, fig. 3) ; les deux segments qui suivent le segment buccal sont munis chacun aussi d'une paire d'élytres en forme de coussinets. Tous les autres segments portent chacun deux paires d'élytres lamellaires. Les lamelles caudales sont allongées et de forme elliptique. Les six seg- ments antérieurs sont achètes ; le septième et le huitième segment portent de chaque côté une faible soie en forme d'épine ; à partir du neuvième segment le nombre des soies varie de deux à trois de cha- que côté du segment. La cuticule est transversalement striée, et la couleur jaune tendre. Je n'hésite point à identifier la Sagitelle quejeviens de décrire avec celle désignée par M. Wagner sous le nom de Sagitella Kowalevsku forme b. M. Wagner parle d'une « large protubérance ornée de lon- gues soies », et située sur la face ventrale de la tête (du segment buccal) de sa Sagitelle. Il est clair que cette large protubérance, au milieu de laquelle, selon M. Wagner, est placée la bouche, n'est autre chose que le capuchon charnu ventral dont il a été question plus haut. La différence de la Sagitelle décrite par M. Wagner des exem- plaires observés par moi, consiste en ce que la Sagitella Koivalevshi forme b a ses élytres du segment buccal ornés de longues soies pa- reilles aux soies du capuchon ventral et que le nombre de ces élytres est de quatre, tandis que la Sagitella barbata n'a que deux élytres au segment buccal et que ces élytres sont dépourvus de soies. Je crois cependant pouvoir expliquer cette différence par une erreur dans laquelle est tombé M. Wagner. L'examen attentif de la figure d, inter- calée dans le texte de l'article de M. Wagner (p. 347), explique même la cause de l'erreur commise par le savant de Saint-Péters- bourg. Cette figure représente en supination la partie antérieure de la Sagitella Kowalevskii forme b, évidemment comprimée entre la lame de verre recouvrant l'animal et le porte-objet. Or, je le sais par expérience, il est presque impossible de se faire une idée exacte de la structure du segment buccal de notre espèce en étudiant l'animal de cette manière : les deux capuchons charnus du segment buccal, pressés contre les lames de verre, se relèvent et recouvrent par les longues laipelles de leurs bords la partie antérieure du seg- 8 ULJANIN. ment buccal presque complètement. M. Wagner n'a pu évidemment distinguer que le capuchon ventral, mais non dans sa position natu- relle avec ses lamelles tournées vers l'extrémité postérieure de l'ani- mal, mais totalement renversé et ayant les soies tournées en avant. Ayant sous ses yeux le capuchon ventral renversé, M. Wagner n'a pu, cela se comprend, reconnaître la vraie position de la bouche ; il la décrit comme placée au milieu de la « protubérance », tandis que sa vraie position est au-dessous du capuchon ventral. Le capu- chon dorsal du segment buccal de l'exemplaire dessiné par M. Wa- gner était aussi, à ce qu'il paraît, renversé par suite de la pression exercée sur l'animal par le porte-objet. Je crois du moins reconnaître, dans le dessin publié par M. Wagner, le capuchon dorsal avec les lamelles plantées le long de ce bord. Dans les descriptions de la Sagi- tella Koivalevskii forme b, le capuchon dorsal n'est pas du tout men- tionné, son bord fut pris, à ce qu'il paraît ; pour les contours des élytres de la seconde paire, tandis que les lamelles plantées le long du bord du capuchon dorsal furent par erreur placées sur les élytres. SAGITELLA PRJECOX. PI. I, fig. 3. Je n'ai eu l'occasion de voir que deux exemplaires de cette espèce àNaples, au mois de mars 1877. Longueur, S"", 3. Nombre de segments, treize. Corps très-élargi dans sa partie antérieure et graduellement aminci vers son extrémité postérieure. Segment buccal presque pareil à celui de la Sagitella barbata. Les capuchons charnus sont munis sur les côtés du segment de prolongements en forme de lan- guettes ; à la hauteur des bords des capuchons, on distingue, outre cela, de chaque côté du segment buccal, une petite languette triangu- laire supplémentaire. Elytres du segment buccal au nombre de quatre. Bouche placée au sommet d'un petit renflement coniforme. Le seg- ment qui suit le segment buccal n'est muni que d'une paire d'ély- tres en forme de coussinets et placés presque sur la face ventrale dil-segment. Tous les autres segments portent chacun deux paires d'élytres lamellaires. Tous les segments, à l'exception du segment buccal et de celui qui le suit, sont armés sur chaque cùLé de trois soies en forme d'épines. Lames caudales pareilles î\ celles de la Sa- SUR LE GENRE SAGITELLA. 9 gltella barbota .V oriiice anal est recouvert d'une petite languette trian- gulaire. Cuticule striée transversalement, corps incolore, diaphane. De ces trois espèces du genre Sagitella, je n'ai pu étudier avec quelque soin que l'organisation de deux espèces, notamment des Sa- gitella Koivalevsku et bai-hala. Les méthodes d'observation employées par moi étant les mêmes' que celles usitées communément par la plu- part des zoologistes, je n'ai pas grand'chose à dire là-dessus. Plusieurs points de l'organisation des Sagitelles ne peuvent être étu- diés que sur des animaux vivants. J'obtenais parfois de beaux résul- tats en comprimant plus ou moins fortement pendant quelque temps la Sagitelle vivante sous le microscope. Ce n'est qu'en procédant de cette manière que j'ai pu , par exemple, suivre le trajet des vais- seaux sanguins et des organes segmentaires. Souvent j'ai dû aussi recourir aux coupes faites, dans divers sens, sur des exemplaires dur- cis à l'aide de l'alcool ou de différents acides et imbibés pour la plupart avec de la solution ammoniacale de carmin. Seulement, grâce à l'étude des coupes, je suis parvenu à reconnaître la structure intime de plusieurs organes, de l'intestin, par exemple, et à me faire une idée juste de la position réciproque des divers organes. Pour isoler les éléments histologiques, j'ai employé avec beaucoup de succès de très-faibles dilutions d'acide acétique. En tuant l'animal sur le porte-objet dans une quantité minime d'une dilution pareille il n'est plus difficile d'isoler à l'aide d'aiguilles les éléments du système musculaire par exemple ; ce sont aussi les exemplaires traités de la sorte qui se prêtent le mieux à l'étude du système nerveux ; je ne suis parvenu du moins à isoler la chaîne ganglionnaire que sur des exem- plaires tués dans l'acide acétique. De tous les organes, ceux qui sont restés le moins éclaircis par mes observations sont les organes génitaux ; je n'ai pu que constater dans les animaux adultes les éléments sexuels déjà mûrs. Le mode de développement des Sagitelles m'est aussi resté presque complètement inconnu ; je n'ai eu l'occasion d'observer que quel- ques stades distancés l'un de l'autre qui ne donnent qu'une idée bien vague de ce qui se passe en réalité. TÉGUMENTS ET SYSTEME MUSCULAIRE. La paroi du corps 'des Sagitelles consiste en une couche hypoder- mique, et en une cuticule limitée par l'hypoderme. lO ULJANIN. La cuticule est une membrane fine, transparente, assez résistante, unie chez la Sagitelle de Kowalevski et finement striée chez les deux autres espèces. Je ne suis pas parvenu à constater l'existence de la cuticule sur la partie antérieure du segment buccal (y compris l'appendice tentaculiforme de ce segment) et sur les élytres. Ces par- ties du corps des Sagitelles semblent complètement dépourvues de cuticule. L'hypoderme de la grande partie du corps des Sagitelles consiste en une couche protoplasmatique très-mince, dans laquelle sont dis- séminés en grande quantité des nucléus arrondis, contenant chacun deux ou trois nucléoles fortement réfringents. Les acides produisent de grands changements dans cette couche : une faible dilution d'a- cide acétique n'a qu'à agir pendant quelque temps sur cette couche pour que le protoplasma se contracte et se divise en masses plus ou moins volumineuses, pour la plupart de forme oblongue, contenant chacune un, parfois deux et même trois nucléus et éloignées l'une de l'autre à une certaine distance. Rien n'est plus facile que d'obtenir des préparations comme celle représentée dans la figure 30 de la plan- che IV ; il n'y a qu'à déchirer à l'aide d'aiguilles les téguments d'une Sagitelle tuée dans de l'acide acétique et de poser sur le porte-objet un lambeau de la cuticule, de manière que sa face interne avec l'hy- poderme sous-jacent et souvent aussi avec une partie des muscles sous-cutanés soit tournée du côté de l'observateur. L'acide chro- mique ainsi que l'acide osmique agissent sur l'hypoderme de la même manière que l'acide acétique ; de là l'absence de l'hypoderme sur les coupes faites sur des animaux durcis dans ces acides, absence qu^ resta incompréhensible jusqu'à ce que je parvinsse à voir l'hypoderme dans son état naturel et à observer les modifications qu'il subit sous l'influence des acides. Un hypoderme comme celui qui vient d'être décrit semble re- vêtir tout le corps de l'animal à l'exception des parties non recou- vertes de cuticule, notamment de la partie antérieure du segment buccal et des élytres. Dans la partie antérieure du segment buccal, surtout à sa face ventrale, l'hypoderme consiste en une couche épaisse dans laquelle sont disséminés en grand nombre des nucléeus arrondis. Quelquefois, lorsque j'examinais à de forts grossissements des préparations de cet hypoderme faites sur des animaux tués dans de l'acide acétique, j'ai cru apercevoir les limites des cellules qui compo- sent l'hypoderme ; je ne suis cependant jamais parvenu à isoler ces SUR LE GENRE SAGITELLA. H cellules. Je pense aussi que les cellules ne sont pas plus différenciées daus cet liypoderme épaissi que dans l'hypoderme recouvrant le reste du corps de la Sagitelle et que, à l'état frais, cet hypoderme de la partie antérieure du segment buccal consiste, comme celui décrit plus haut, en une couche de protoplasme renfermant plus ou moins de nucléus. Tandis que le corps de la Sagitelle est recouvert d'une couche hypo- dermique plus ou moins épaisse et dans laquelle les cellules ne sont pas différenciées, hypoderme pareil à celui de la grande majorité des Nématodes et de beaucoup de Chœtopodes, le tissu des élytres pré- sente quelques particularités bien remarquables, et qui méritent bien une attention spéciale. Un élytre pris sur un animal vivant et observé à un faible grossis- sement est représenté pi. IV, flg. 25. L'élytre semble être composé d'une masse peu transparente contenant beaucoup de nucléus et dans laquelle sont réparties en quantité plus ou moins considéra- ble des taches rondes de grande dimension et à demi transparentes. Pour se faire une idée exacte des tissus dont est composé l'élytre, il est indispensable de recourir aux coupes faites sur des élytres durcis dans des acides. Une de ces coupes d'un élytre durci dans de l'acide osmique et teinté avec de la solution ammoniacale de carmin est représentée pi. IV, fig. 28. Comme on le voit, tout le corps de l'élytre est composé de petites cellules bien délimitées, pressées les unes contre les autres, et munies chacune d'un nucléus d'assez grande • dimension. Au milieu de ces cellules, dont le protoplasme absorbe avidement le carmin, prennent place de très-grandes cellu- les dont le contenu reste presque incolore dans les préparations et qui sont munies de nucléus grands et entourés d'une quantité assez minime de protoplasma finement granuleux et formant un réseau plus ou moins serré. Je ne crois pas me tromper en considérant les petites cellules (PR), qui constituent le corps de l'élytre, comme correspondant à la couche hypodermique des autres parties du corps et les grandes cellules (Z) comme glandes cutanées unicellulaires, si communes dans les téguments des Chœtopodes. En outre, dans les élytres, je n'ai pu trouver de ces glandes que dans la partie anté- rieure du segment buccal delà Sagitella barbota. Chez cette espèce se trouvent un assez grand nombre de foUicules pyriformes remplis d'un contenu granuleux et disposés en rosace autour de la base de l'appendice tentaculiforme du segment buccal (pi. I, fig. 5 X). 12 ULJANIN. Les Sagitelles ne portent à la surface de leur corps presque point de cils vibratiles. Je n'en ai pu trouver qu'à la surface des deux bou- tons situés à la base du côté dorsal du segment buccal et sur l'extré- mité antérieure du segment buccal de la Sagitella barbata, à la place où débouchent à l'extérieur les follicules pyriformes dont je viens de parler. Des poils, qu'il faut, comme j'aurais l'occasion de le démon- trer, considérer comme des poils tactiles, sont disposés le long des bords de quelques-uns des élytres lamellaires. Les deux capuchons charnus disposés sur les faces dorsale et ven- trale du segment buccal des Sagiteila barbata et prœcox sont garnis à leurs bords d'une rangée de lamelles longues, un peu sinuées et graduellement amincies vers leur extrémité. Vues à de forts grossis- sements (pi. III, fig. 18), ces lamelles ont leur surface striée en sens longitudinal. En suivant ces stries le long des lamelles, il n'est pas diflicile de se convaincre que ces stries proviennent de ce que chaque lamelle est composée d'un grand nombre de cils collés l'un à l'autre ; sur les bords et à l'extrémité des lamelles, on trouve souvent les bouts des cils détachés de la lamelle ; enfin chez les larves de la Sagitella barbata (pi. II, fig. 14), les cils ne sont pas encore soudés entre eux. Ces lamelles, rangées le long du bord des capuchons charnus du segment buccal, sont, à ce qu'on voit, en tout semblables aux lamel- les des Cténophores, qui, comme on le sait, font aussi leur apparition chez les larves des Cténophores sous la forme d'une rangée de cils libres. Les Sagitella barbata et prœcox se trouvant dans des conditions normales ont leurs deux capuchons en mouvement perpétuel, consis- tant en des soulèvements plus ou moins forts de ces capuchons. Ce jeu des capuchons et des lamelles rangées le long de leurs bords devient beaucoup plus accentué lorsque l'animal commence à se mouvoir. Il est évident que les capuchons avec leurs longues lamelles servent à ces deux espèces d'organes de locomotion. En observant les Sagitelles vivantes, il n'est pas difficile non plus de se convaincre que les élytres lamellaires sont, comme l'a déjà remarqué M. Wagner, de vraies lamelles natatoires. Immédiatement au-dessous de l'hypoderme et intimement liées à celui-ci se trouvent les deux couches musculaires, dont l'extérieure consiste en muscles transversaux ou annulaires, tandis que les mus- cles longitudinaux forment la couche interne. Pour se faire une idée exacte de la structure delà musculature sous-cutanée, il est indispen- sable de recourir non-seulement à l'étude des coupes, mais aussi à ■m SUR LE GENRE SAGITELLA. 13 un examen attentif des préparations de lambeaux de la paroi du corps, préparations faites sur des animaux tués dans de faibles dilutions d'a- cide acétique. Sur de pareilles préparations, dont une est représentée par la figure 30 de la planche IV, il est facile de voir que la couche musculaire externe (muscles annulaires) n'est pas une couche con- tinue et qu'elle consiste en de larges rubans, espacés l'un de l'autre par des interstices presque aussi larges que les rubans eux-mêmes et entourant en forme d'anneaux le corps de la Sagitelle. Les éléments constituant cette couche sont des fibres cylindriques, dont la partie axile est remplie d'une substance finement granulée. De pareils éléments musculaires sont, comme on le sait, très-communs chez les invertébrés, et surtout dans la classe des Annélides ; ce sont les fibres musculaires que M. Ratzel désigne sous le nom de « Hirudi- neen Muskeln » et que Glaparède appelle « fibres type G. Wagner ». La couche interne consiste en muscles longitudinaux. Sur une coupe transversale (pi. II, fig. 10-12), ces muscles se présentent sous forme de petites lamelles disposées plus ou moins parallèlement l'une à l'autre. Contrairement à ce qui se voit chez la grande majo- rité des Annélides chœtopodes, les muscles longitudinaux tapissent sans interruption toute la surface interne de la paroi du corps. Les champs longitudinaux dans lesquels sont divisés communément chez les Annélides chœtopodes les muscles de la couche interne ne man- quent pas cependant complètement chez la Sagitelle. Tandis que sur tous les pourtours de la cavité du corps les muscles longitudinaux ne forment qu'une simple couche, dans quatre points de la section trans- versale du corps de la Sagitelle ces muscles s'épaississent considé- rablement par superposition de plusieurs couches l'une sur l'autre (pi. II, fig. 10-12). (MB.) Les quatre champs résultant d'une pareille combinaison des éléments musculaires parcourent toute la longueur du corps de la Sagitelle; dans les segments antérieurs, ces quatre bandes musculaires sont déjà beaucoup moins développées; dans le segment buccal, elles ne peuvent plus être distinguées des muscles longitudinaux tapissant le reste de la cavité du corps. Les éléments histologiques de cette couche masculaire s'isolent assez facilement, à l'aide d'aiguilles, sur des animaux traités par une faible dilution d'acide acétique. Ces éléments (pi. III, fig. 17) ont la forme de lames très-longues et très-étroites (leurs dimensions sont sujettes à de grandes variations), atténuées aux deux extré- mités, avec un de leurs bords rectiligues, tandis que l'autre bord 14 ULJANIN. est garni de petites excroissances remplies d'une substance finement granulée. Ce sont évidemraenfles fibres désignées, par M.Ralzel, sous le nom de fibres nématoïdes, fibres connues depuis longtemps chez beaucoup de Néraatpdes et observées aussi chez quelques Annélides chœtopodes inférieurs (Polygordius \ Tubifex, Enchytrœus). Avant de clore le chapitre sur les muscles sous-cutanés, j'ai encore un mot à dire sur le mode de groupement des éléments histolo- giques dans les quatre champs de la couche musculaire interne (muscles longitudinaux). Dans ces champs, les fibre» musculaires sont entassées en grande quantité les unes au-dessus des autres, de sorte que seulement celles qui se trouvent au fond de l'épaisse couche du champ musculaire s'attachent à la paroi du corps et, ayant ainsi un point d'appui, peuvent produire une contraction d'une partie du corps en sens longitudinal. Toutes les autres fibres du champ mus- culaire, étant à une certaine distance de la paroi du corps, ne peuvent y trouver de points d'attache. Toutes ces fibres se relient entre elles, ainsi qu'avec les fibres fixées sur la paroi du corps par un réseau serré d'un tissu connectif faisant partie du tissu connectif emplissant toute la cavité du corps de la Sagitelle. Seulement, grâce à ce tissu con- nectif qui relie en une masse compacte toutes les fibres du champ musculaire, les fibres môme les plus éloignées de la paroi du corps peuvent aider à la contraction du corps en sens longitudinal. Une disposition pareille des muscles longitudinaux semble se trouver aussi chez d'autres Annélides chaetopodes ; pour ne citer qu'un exemple, je rappelle au lecteur les dessins publiés par M. Greef, dans sa monographie des Alciopides ^ surtout les figures représentant des sections transversales des Alciopides (pi. II, fig. 2; pi. IV, fig. 42; pi. YI, fig. 65, 66). Système nerveux et organes des sens. M. Wagner décrit le système nerveux des Sagitelles comme con-* sistant « en im ganglion cérébral fortement développé, duquel prennent naissance deux troncs nerveux aplatis et parcourant les segments dans leurs parties latérales. » Je dois commencer par dé- 1 Greef, Untersuchungen iiber die Alciopiden [Aus d. Nova Ada Leop. Carol. XXXIX, 2, hesondors abgedruckt, 1876). * Pour les motifs qui me font ranger le Polygordius parmi les Annélides chœto- podes, je renvoie le lecteur à mon mémoire sur le Polygordius, publié en langue russe, dans le liulletin de la Soc.imp. des natural. de Moscou, 187(5. SUR LE GENRE SAGITELLA.. 15 clarer que celte description est complètement fausse. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, M. Wagner n'a pas vu le ganglion cé- rébral de la Sagitelle : ce qu'il a pris pour le ganglion supraœso- phagien n'est autre chose que la partie élargie cl glandulaire de l'or- gane en forme de retor.le placé au-dessus de l'œsophage, non loin de l'orifice de la bouche. Les deux troncs nerveux aplatis qui, selon M. Wagner, sont placés aux côtés de l'animal, n'existent pas davan- tage en réalité. Les Sagilelles ont une vraie chaîne ganglionnaire qu'on peut même observer à travers les téguments de l'animal frais. Le ganglion cérébral est placé dans le segment buccal au-dessus de l'organe en forme de retorte chez la Sagitella Kowalevsku, immé- diatement sous la paroi amincie du corps (pi. III, fig. 16), chez la Sagitella bm^bata, dans le capuchon dorsal du segment buccal (pi. I, fig. 5). Le ganglion cérébral des deux espèces est plus large que long, fortement déprimé de haut en bas, et à angles anté- rieurs arrondis. Les connectifs œsophagiens qui prennent naissance aux angles postérieurs du ganglion sont longs et grêles. La chaîne ganglionnaire est composée d'une suite de ganglions doubles qui, à l'exception des trois ganglions antérieurs presque soudés entre eux (pi. III, fig. 16), sont distancés l'un de l'autre et réunis par de longues commissures (pi. 111, fig. 19). Toute la chaîne nerveuse est placée loin de la paroi du corps et des muscles sous-cutanés, au milieu du tissu connectif emplissant la cavité du corps. Quant à la structure intime du système nerveux, le ganglion cé- rébral est composé de grandes cellules entre lesquelles se distingue une quantité minime de substance ponctiforme. Les ganglions de la chaîne ventrale et les commissures qui relient ces ganglions entre eux sont composés de fibrilles nerveuses enveloppées de cellules pareilles à celles du ganglion cérébral. En examinant sous le mi- croscope une partie de la chaîne ganglionnaire isolée (pi. III, fig. 19), il est assez difficile de reconnaître sa vraie structure, les cel- lules placées sur la périphérie des commissures étant bien difficiles à voir sur de pareilles préparations. On ne parvient à se convaincre de leur existence que sur des sections transversales (pi. Il, fig. 10), oti l'on voit une rangée de petites cellules entourant les fibrilles qui sont placées dans l'axe de la commissure ; dans les renflements gan- glionnaires, la couche périphérique formée de cellules est de beaucoup plus forte que dans les commissures. -16 ULJANIN. Chez la Sagitella barbata, le ganglion cérébral donne naissance, outre les deux connectifs œsophagiens, à deux nerfs qui entrent dans les deux boutons couverts de cils vibraliles et disposés à la base du côté dorsal du segment buccal (pi. I, fig. 46), Dans l'intérieur des deux boutons, les ramifications de ces nerfs peuvent être suivies presque jusqu'à la paroi de l'organe. Les ganglions de la chaîne ventrale, à l'exception du ganglion pos- térieur, semblent ne pas envoyer de nerfs périphériques. Le ganglion postérieur envoie de sa. partie postérieure deux gros troncs nerveux qui se ramifient dans les lames caudales. Des commissures qui re- lient les ganglions entre eux, prennent naissance des nerfs d'assez fortes dimensions (pi. III, fig. 19). Je n'ai observé ces nerfs que sur des parties isolées de la chaîne ventrale, oîi il n'en restait que de petits tronçons. N'ayant pu arriver à voir ces nerfs sur des animaux frais, je ne puis rien dire sur leur parcours ultérieur. Toute la chaîne ganglionnaire est enveloppée dans une membrane dans laquelle sont semés beaucoup denucléus (pi. III, fig. 20 n). Le tissu connectif constituant cette membrane se trouve en continuité directe avec le tissu connectif emplissant la cavité du corps de la Sagitelle. Les deux troncs nerveux envoyés par le ganglion postérieur de la chaîne ventrale vers les lames caudales une fois entrés dans ces lamelles, se divisent en une grande quantité de fibrilles qu'on peut aisément suivre jusqu'aux bords des lamelles (pi. IV, fig. 23). Les fibrilles, à mesure qu'elles s'approchent du bord de la lamelle, s'éloi- gnent l'une de l'autre, de sorte qu'elles forment un éventail dont l'arc suit le contour extérieur de la lamelle, tandis que son manche se trouve au milieu de la lamelle, dans le point où les fibrilles com- posant le tronc nerveux commencent à s'éloigner l'une de l'autre. Dans la figure 24 de la planche IV, j'ai représenté à un fort grossis- sement les terminaisons des nerfs près du bord de la lamelle caudale. On voit que les fibrilles se sont groupées en petits faisceaux et que les poils du bord de la lamelle sont disposés en groupes placés justement là où aboutissent les nerfs. Ce lien des poils placés sur le bord de la lamelle avec les nerfs, permet, à ce que je crois, d'attribuer à ceux- là le rôle de poils tactiles. Dans ces mêmes lames caudales delà Sagi- telle deKowalcvski, j'ai eu l'occasion d'observer des corpuscules qui, peut-être, doivent aussi être considérés comme organes de sens. Ce SUR LE GENRE SAGITELLÂ. 17 sont des corpuscules allongés, pyriformes, fortement réfringents et placés près du bord de la lamelle, dans les intervalles, entre les faisceaux de fibrilles (pi. IV, fig. 24 d) ; les parties amincies de ces corpuscules sont tournées vers le centre de la lamelle. N'ayant jamais pu réussir à voir la manière dont ces corpuscules se terminent au centre de la lamelle, n'ayant pu, par conséquent, constater l'union de ces corpuscules avec les fibres nerveuses, je ne puis en parler comme d'organes de sens qu'en forme d'hypothèse. D'autres organes de fonction bien douteuse et que je décris dans ce chapitre, consacré aux organes des sens seulement, parce que je ne sais où les classer autre part, se trouvent dans les élytres des Sa- gitelles. Ce sont des corpuscules qui, selon M. Wagner, ont la forme de petits cylindres composés de bâtonnets très-fins et qu'il est porté à considérer comme des bâtonnets nerveux (Nervenstâbchen). Au premier coup d'oeil, ces corpuscules semblent, en effet, de la forme de petits cylindres composés de bâtonnets. En examinant ce- pendant plus attentivement les élytres, on s'aperçoit bientôt que les corpuscules en question sont d'une apparence beaucoup plus com- pliquée. La figure 25 de la planche IV représente un élytre lamellaire de la Sagitella KowalevsMi, vue à un grossissement d'environ 100 dia- mètres. On voit dans le tissu de l'élytre une quantité de filaments, groupés en faisceaux courbés en arcs et approchant de la surface de l'élytre par leurs deux bouts. Les filaments de quelques-uns de ces faisceaux s'éloignent l'un de l'autre en arrivant à la surface de l'é- lytre, où ils se terminent en éventail. Les filaments d'autres faisceaux restent dans tout leur parcours unis entre eux et s'approchent de la surface de l'élytre en faisceau compacte. M. Wagner n'a vu, à ce qu'il parait, que les terminaisons de ces derniers faisceaux. Les filaments des deux sortes de faisceaux sont très-fins et assez fortement réfringents. Les acides ne semblent produire sur eux aucun effet appréciable ; une partie des filaments qui ne semblent pas du tout altérés, se trouvent même souvent dans- des coupes d'élytres durcis, par de l'acide osmique par exemple; après une longue influence des alcalis, les filaments deviennent de plus en plus pâles et de plus en plus difficiles à apercevoir. Les faisceaux se terminant à la surface-de l'élytre en cylindres pré- sentent dans leurs parties finales des particularités qu'on ne trouve pas dans les parties fi.nales des faisceaux se terminant en éventail. Tous ARCH. DE 2001,. EXP. ET GÉN. — T. VII. 4878. 2 18 ULJANIN. les faisceaux, dont les filaments ne s'éloignent pas les uns des autres, se terminent comme s'ils étaient coupés au sortir des tissus de l'élytre. Si Ton examine un élytre frais à un t^rossissement de force moyenne (pi. IV, fig. 25, a;), on aperçoit tout de suite ces ter- minaisons de filaments. Elles sautent d'autant plus aux yeux que le disque produit par la section du faisceau est occupé par une quan- tité de corpuscules sphériques et fortement réfringents. Les corpuscules dont il est question sont de trois sortes . Le bord du disque est occupé par une rangée de corpuscules sphériques de grande dimension et fortement réfringents (pi. IV, fig. 31, a); en dedans de cette rangée du bord du disque se trouvent des corpus- cules en tout pareils aux précédents, mais de beaucoup moindre dimension (pi. IV, fig. 31, c) ; enfin, si l'on regarde le faisceau de profil, on voit, au-dessous de la rangée extérieure de corpuscules sphériques de grande dimension, une rangée de corpuscules de forme elliptique et dont chacun correspond à un corpuscule de la rangée extérieure du disque (pi. IV, fig. 32, a). Tous ces corpus- cules sont de structure homogène et aux contours fortement pro- noncés ; contrairement à ce qui vient d'être dit des filaments, les alcalis semblent ne pas produire de changements dans ces corpus- cules ; les acides, au contraire, les détruisent complètement, du moins jamais je n'ai pu trouver de traces de ces corpuscules dans des coupes faites sur des animaux durcis dans les acides. Je me borne seulement à décrire ces filaments, qu'on serait tenté, si l'on ne connaissait pas les spermatozoïdes des Sagitelles, de consi- dérer comme tels. Dans l'état actuel de nos connaissances, je ne trouve pas possible même de hasarder quelque conjecture sur le rôle que jouent ces organes énigmatiques dans l'économie des Sagitelles. ORGANES DIGESTIFS. Toutes les trois espèces observées par moi ont leur bouche située au milieu du côté ventral du segment buccal. Chez les deux espèces munies des deux capuchons du segment buccal {Sagitella harbata et yrxcox), la bouche se trouve placée au-dessous du capuchon ventral, chez la Sagitelle précoce, au-sommet d'un petit renflement coniforme. Le tube digestif commence par un œsophage court, à parois épaisses, et occupant les deux ou trois segments antérieurs. A l'œsophage fait SUR LE GENRE SAGITELLA. 19 suite la partie principale du tube digestif, l'intestin, qui offre sa plus grande largeur dans sa partie antérieure, s'amincit graduellement vers sa partie postérieure et s'ouvre en dehors par l'orifice anal, situé à la lace dorsale du segment postérieur, entre les deux lames caudales. Les parois de cette partie du canal alimentaire sont minces et bien appa- rentes chez les Sagitella barbata et prxcox, tandis que chez la Sagi- tella Kowalevskil il est impossible de discerner sur l'animal vivant la cavité de l'intestin, ainsi que ses parois. Chez cette espèce, comme l'a déjcà remarqué N. Wagner, l'intestin semble entièrement comblé de grandes cellules polygonales à contenu incolore et diaphane, aux contours fortement prononcés et dans lesquels, sur l'animal frais du moins, on ne parvient pas à découvrir de nucléus. Une copie d'une partie de l'intestin de la Sagitella Kowalevskii, copie faite à la chambre claire, est représentée dans la figure 22 de la planche III. L'œsophage de la Sagitella Kowalevskii est représenté en section transversale dans la figure 11 de la planche IL On voit que l'œsophage est composé de deux couches superposées l'une sur l'autre. De ces deux couches, l'extérieure œm est composée de fibres musculaires intimement entrelacées entre elles, La couche interne ep est de très- fortes dimensions et est formée de cellules très-allongées et très étroites, contenant chacune, outre un nucléus allongé et disposé non loin du sommet de la cellule, une quantité assez minime de proto- plasma finement granulée et amassée autour du nucléus. Cette couche cellulaire forme, comme on le voit sur la section, quatre bourrelets longitudinaux, dans lesquels les cellules atteignent leur maximum de longueur et qui réduisent de beaucoup la cavité de l'œsophage. Il est bien probable que ces cellules, qui tapissent l'in- térieur de l'œsophage, sont de nature glandulaire ; je ne saurais du moins leur attribuer une autre fonction. Déjà, en observant l'animal frais à de faibles grossissements, on aperçoit aisément un organe allongé, situé dans le segment buccal, au-dessus de l'œsophage. En plaçant la Sagitelle dans des conditions anormales, en ajoutant, par exemple, dans l'eau dans laquelle elle se trouve une goutte d'acide acétique, ou de quelque autre réactif, ou voit l'organe en question avancer son bout et sortir au dehors par l'orifice de la bouche (pi. II, fig. 13). Se trouvant dans des condi- tions normales, la Sagitelle ne fait jamais sortir par l'orifice de la bouche le bout de cet organe, ainsi que c'est dessiné dans la figure précédemment citée. Le jeu de l'organe dans l'animal frais consiste 020 ULJANIN. en des mouvements en sens longitudinal, mouvements minimes et se répétant à de courts intervalles. En étudiant des coupes longitudinales et verticales faites sur la partie antérieure du corps de la Sagitelle (je n'ai pu réussir à faire des coupes longitudinales que d'une seule espèce, notamment de la SagiteUa Koivalevskli), on parvient à se faire une idée plus exacte de la conformation de cet organe en forme de retorte, ainsi que de sa position relative aux autres organes. On voit que l'organe en question est placé entre la paroi supérieure de l'œsophage, le ganglion cérébral et les téguments de l'extrémité antérieure du segment buccal ; on voit aussi que cet organe est logé dans un repli sacciforme de la paroi su- périeure de l'œsophage (pi. III, fig. 16); l'organe en forme de retorte fait conséquemraent partie de l'œsophage dans la cavité duquel il est logé. En examinant la section représentée figure 16, on est tout d'abord frappé de ce que seulement la paroi inférieure de l'œsophage se trouve en connexion avec les parois du corps, tandis que la paroi supérieure de l'œsophage semble se terminer brusquement dans l'in- térieur du corps. Une étude plus approfondie de la section à de plus forts grossissements montre bientôt cependant que la paroi supé- rieure de l'œsophage, en s'approchant de la bouche, perd seulement son revêtement épithélial et que cette paroi fortement amincie et consistant seulement en une couche musculaire après un court trajet dans la nïême direction, se replie assez brusquement en arrière pour envelopper l'organe en forme de retorte et s'unir avec la couche hy- podermique épaissie, formant la limite antérieure de l'orifice buccal. Au-dessus du point où la paroi supérieure de l'œsophage perd son revêtement épithélial se trouve, intimement lié à l'œsophage, un renflement en forme de coussinets (c), formé d'une masse à peu près hyaline et dans laquelle se distinguent des nucléus oblongs. Ce renflement sert de base sur laquelle se repose l'organe en forme de retorte et sur lequel glisse cet organe lorsqu'il est rais en mouve- ment. La structure intime de l'organe en forme de retorte est assez diffi- cile à reconnaître. Sa partie élargie et glandulaire est divisée, en sens longitudinal, en plusieurs lobes à contenu granuleux ; sa partie anté- rieure et amincie est évidemment musculeuse. Je n'ai pu découvrir d'orifice à l'extrémité intérieure de l'organe. 11 est difficile de préciser, dans l'état actuel de nos connaissances, les SUR LE GENRE SAGITELLA. 21 fonctions do cel organe, évidemment homologue au renflement œso- phagial de l'Enchythrœus*. Peut-être qu'en déversant sur les animaux servant de nourriture aux Sagitelles, le liquide sécrété par sa partie glandulaire, fonctionne-t-il comme arme offensive. Je sais bien que ce n'est qu'une supposition à l'appui de laquelle je n'ai que trop peu de faits ; je ne l'avance ici qu'avec toutes les réserves possibles. A l'œsophage fait suite l'intestin un peu élargi dans sa partie anté- rieure et allant vers l'extrémité postérieure du corps de la Sagi- telle en s'amincissant graduellement. L'intestin de la Sagilella barbata, comme on le voit sur des coupes transversales (pi. II, fig. l^^), consiste en une couche musculaire extérieure très-mince et en une rangée de cellules épithéliales. Ces cellules sont à contenu diaphane et contiennent chacune un nucléus d'assez fortes dimensions. L'orifice oral en forme de fente longitudi- nale est situé à la face dorsale du dernier segment, entre les deux lamelles caudales. L'intestin de la Sagitella Ko/valevskû présente, comme je l'ai déjà dit plus haut, et comme l'a aussi observé N. Wagner, quelques par- ticularités dignes d'attention. L'épithélium qui revêt sa paroi à l'in- térieur est composé de cellules gigantesques à contenu diaphane et munies chacune d'un nucléus oblong placé, pour la plupart, près de la paroi de la cellule (pi. II, fig. 10). 11 est curieux de retrouver de pareilles cellules de dimensions gigantesques dans l'intestin des larves de quelques Annélicles chétopodes ; dans la figure 2S de la planche IV, j'ai représenté une coupe transversale à travers le corps d'une larve de Folygordius, assez commune dans la baie de Naples^ ; l'intestin de cette larve est, comme on le voit, comblé de ces cellules gigantesques, en tout pareilles aux cellules de l'épithélium de l'in- testin de la Sagitella Koivalevskii. 1 BucHHOLZ, Beilrage zur Anatomie der Gatlimg Enchytrœus) Schriflen d. k. physik.-œconom. Gesellsch. zu Konigsberg, III, 2, 1863, p. 102, Tf. :V, f. 2, boes). 2 Cette larve de Polygordius est semblable à celle décrite et figurée par M. Schnei- der {/Irc/ifu /". Anal. u. Physiologie, 1868), et par M. Agassiz (Annals of tlie Lyceum ofNatural Hisiory of New-York, VIII, 1866). 22 ULJANIN. CAVITE PREVISCERALE. La cavité préviscérale de la Sagitelle n'est point divisée, comme cela se voit chez beaucoup d'autres Chétopodes, par des planchers musculaires en chambres secondaires longitudinales ; la paroi du corps des Sagitelles limite la cavité du corps, divisée par les dissé- piments en un nombre plus ou moins considérable de segments et dans laquelle sont logés tous les organes de la Sagitelle, le système nerveux y compris. Je ne suis pas parvenu à reconnaître la structure des dissépi- ments qu'on distingue déjà sur l'animal vivant. Ayant cependant maintes fois observé le passage des éléments sexuels d'une chambre segmentaire dans l'autre, je crois pouvoir en conclure que, de même que chez la plupart des Annélides chétopodes, les dissé- piments de la Sagitelle sont des lames musculaires perforées. Toute la cavité préviscérale est comblée par un tissu connectif dans lequel sont enfouis tous les organes de la Sagitelle (pi. II, fig. 10-12, bé). Ce tissu est composé chez les Sagitella Kowaleusku ei barbata de cellules étoilées, unies entre elles par leurs prolongements et formant ainsi un réseau plus ou moins serré. Les cellules de ce tissu sont chez la i9a^?ie//a barbata de très-forte dimension; cha- cune contient, outre un nucléus arrondi et souvent très-difficile à reconnaître, un protoplasme granuleux dans lequel sont dispersés une plus ou moins grande quantité de corpuscules sphériques très- réfringents et de dimensions très-variables. Chez la Sagitella Kowa- levskïi, ces cellules sont de dimensions beaucoup plus petites et forment un réseau beaucoup plus serré que chez la Sagitella barbata. Ce tissu connectif, emplissant la cavité préviscérale de la Sagitelle, se retrouve, comme on le sait, chez un grand nombre de Vers infé- rieurs. Chez la grande majorité des Annélides chétopodes, il se trouve réduit à une simple membrane, semée de nucléus, tapissant la cavité préviscérale et connue sous le nom de péritoine ; chez un petit nombre d'entre eux seulement, ce tissu atteint son maximum de développement ; tels sont, d'après les recherches de Claparède : plu- sieurs Annélides chétopodes errants et sédentaires chez lesquels ce tissu remplit une plus ou moins grande partie de la cavité pré- viscérale ; le Polygordius, chez lequel j'ai décrit récemment un tissu SUR LE GENRE SAGITELLA. 23 dans la cavité préviscérale en tout pareil à celui de la Sagitelle ; enfin quelques Oligochètes limicoles, à en juger d'après les dessins publiés par M. Ray Lankester K Il est très-probable que chez la Sagitelle, ainsi que chez les autres Annélides chétopodes, le développement des éléments sexuels s'effectue aux dépens de ce tissu connectif, emplissant plus ou moins la cavité du corps. Mais ce même tissu joue indubitablement dans les Annélides, chez lesquels il atteint un développement considérable encore, un autre rôle : il joue le rôle de corps adipeux, oii s'accu- mulent les surplus des matières nutritives. Pour ne citer qu'un exemple, oii le tissu connectif est évidemment un tissu adipeux, je ne nommerai que le Polygordius, chez lequel les cellules de ce tissu sont remplies de gouttelettes d'apparence huileuse, dans l'animal bien nourri et chez lequel ces gouttelettes disparaissent toujours après que le ver est resté quelque temps privé de nourriture. SYSTÈME VASCULAIRE. Comme dans la grande majorité des Annélides, le système circula- toire se compose de deux troncs longitudinaux, dont l'un est dorsal et l'autre ventral. Le vaisseau dorsal peut être suivi tout le long du corps de la Sagitelle, jusqu'au segment buccal. En entrant dans ce seg- ment, le vaisseau dorsal se divise en deux anses qui se réunissent au- dessous de l'œsophage pour constituer le vaisseau ventral (pi. III, fig. 2-1). Il est aisé de suivre le parcours des vaisseaux sur la Sagitelle vi- vante, surtout si on la soumet à une compression méthodique entre deux lames de verre. L'étude de pareilles préparations ne laisse aucun doute sur l'absence d'un réservoir contractile du vaisseau dorsal, ainsi que sur l'absence d'anses réunissant les deux vaisseaux longitudinaux entre eux. Les parois des vaisseaux semblent être for- mées d'une membrane trcs-fîne et homogène ; leur contenu est un fluide incolore dans lequel on parvient quelquefois à voir de petits corpuscules flottants. On ne réussit que très-rarement îi observer les vaisseaux des Sagi- ' Ray Lankester (E.), A contrUmtiuii to tlie Knoivledge of the lower Annelids {Traiis. of the Linnean Soc. of London, XXVI, p. 3,1869). Tb. 49, fig. 28 et 33 {Chaetogaster dtaphanus]. 24 ULJANIN. telles sur des coupes faites sur des animaux durcis dans des acides. L'étude des quelques coupes transversales sur lesquelles j'ai pu trouver les sections des vaisseaux longitudinaux montre que ces vaisseaux ne sont attachés ni à la paroi du corps, ni à l'intestin par aucun liga- ment et que, de môme que tous les autres organes de la Sagitelle, ils sont enfouis dans le tissu connectif de la cavité préviscérale au moyen duquel ils retiennent leur position dans le corps. ORGANES SEGMENTAIRES. Chez toutes les trois espèces de Sagitelles observées par moi, tous les segments, à l'exception du segment buccal, sont munis d'une paire d'organes segmentaires s'ouvrant à l'extérieur, à l'extrémité postérieure de chaque segment. Chez la Sagitella Koivalemkii, ainsi que chez la Sagitella harhata^ les organes segmentaires de tous les segments, à l'exception du cin- quième, ont la forme de tubes longs, sinués, parcourant le segment dans toute sa longueur, traversant le dissépiment et s'ouvrant dans la chambre du segment antérieur par un orifice oblong,' placé sur le bout intérieur de l'organe (pi. III, fig. 19), La paroi de ces tubes est fme et homogène ; je n'ai pu découvrir dans ces organes de cils vibraliles. Les organes segmentaires du cinquième segment ne ressemblent en rien à ceux que je viens de décrire. Ce sont des tubes beaucoup plus courts et plus larges, un peu sinués et élargis dans leur partie moyenne, ouverts à leurs deux extrémités et garnis à l'intérieur de cils vibratiles longs et produisant un courant vigoureux dirigé vers l'orifice externe de l'organe (pi. IV, fig. 26). Ce sont, évidemment, des organes segmentaires modifiés pour l'évacuation des éléments sexuels à l'extérieur. Chez la Sagitella prœcox, je n'ai pu découvrir qu'une forme d'or- ganes segmentaires, notamment celle représentée par la figure 27 de la planche IV. L'organe segmentaire de cette espèce consiste en un tube très-étroit et se divisant en «trois branches de presque égale lon- gueur, terminées, à ce qu'il paraît, en cul-de-sac. N'ayant aperçu ces orgnncs que sur le dernier des deux exemplaires de la Sagitelle précoce tombés entre mes mains, je n'ai pu, malheureusement, les étudier d'une manière plus suivie. SUR LE GENRE SAGITELLÂ. 2.S ORGANES DE REPRODICTION. DÉVELOPPEMENT. Les Sagitelles sont des animaux hermaphrodites. Chez les exemplaires en pleine maturité sexuelle, tout l'espace libre entre le réseau du tissu connectif de la cavité préviscérale est d'or- dinaire occupé par les œufs et les spermatozoïdes. Les œufs sont de forme oblongue et sont munis chacun d'une vésicule germinative bien distincte. Les spermatozoïdes (pi. I, fig. 8) ont une tête sphéri- que et un filament très-court. Les éléments sexuels sont évacués à l'extérieur paroles organes segmentaires du cinquième segment. Les œufs, après leur sortie du corps delà Sagitelle, semblent ne pas se disperser dans l'eau ambiante, mais être portés quelque temps par l'animal adulte. Cette supposition est faite d'après une observation que j'ai eu la chance de faire lors de mon séjour à Villefranche, au printemps de 1876. Il me tomba une fois sous la main une Sagitella barbata, chez laquelle les élytres lamellaires dorsales du quatrième et du cinquième segment étaient développées à tel point, que les élytres correspondants de chacun de ces deux segments se recouvraient. Ces élytres étaient en outre dis- posés sur les segments, non à plat comme de coutume, mais sur l'un de leurs bords, et il se formait sur le côté dorsal de la Sagitelle une sorte de corbeille remplie d'une dizaine environ d'œufs. Je n'ai eu malheureusement l'occasion d'observer qu'un exemplaire chargé ainsi d'œufs, de sorte que je n'en ai pu que faire une étude très-im- parfaite. Les Sagitelles semblent se développer sans métamorphoses. Durant les mois de février et de mars, j'ai maintes fois eu l'occasion d'ob- server des larves de la Sagitella barbata. Ces larves (pi. II, fig. 14), longues de 0'"™,45 à 0""',92, ressemblent en tout à l'animal adulte. La différence entre ces larves et la Sagitella barbata adulte consiste en ce que tous les élytres de la larve ont encore la forme de coussinets et que les cils rangés sur les bords des capuchoQs du segment buccal ne sont pas encore soudés en lames. Les élytres, comme on le voit sur la figure 15 de la planche II, font leur appa- rition sous la forme de simples renflements de la paroi du corps ; ce n'est que dans les stades ultérieurs que ces renflements se différen- cient en coussinets, pour se transformer encore plus tard en lamelles unies au corps de la Sagitelle, seulement par un lien filiforme. 26 ULJANIN. AFFINITÉS ZOOLOGIQUES DU GENRE SAGITELLÂ. Les données sur l'organisation des Sagitelles, exposées dans les pages précédentes, démontrent suffisamment que le genre établi par M. Wagner doit être classé parmi les Annélides chétopodes. 11 reste à savoir auquel des deux grands embranchements des Chétopodes, aux Oligochètes ou aux Polychètes appartiennent les Sagilelles, et quels sont, parmi les Chétopodes connus, leurs plus proches parents. L'armement des segments, en tout pareil à celui des Oligochètes, l'absence dans la cavité du corps des Sagitelles de planchers muscu- laires divisant cette cavité en chambres longitudinales secondaires, la conformation des organes segmentaires, enfin le mode de dévelop- pement des Sagitelles sans métamorphoses, tout cela forme un en- semble de caractères qui ne permet pas de considérer les Sagitelles comme des Annélides polychètes. Seulement l'appendice tentacu- liforme du segment buccal s'oppose au placement des Sagitelles parmi les Oligochètes. Les élytres qu'on trouve chez les Sagitelles à tous les segments, au nombre d'une ou de deux paires, forment un caractère qui distingue les Sagitelles de tous les Annélides ché- topodes, polychètes et oligochètes. Je ne crois pas que la présence de l'appendice tentaculaire au seg- mentbuccal soit un caractère assez importantpour pouvoir empêcher le classement des Sagitelles parmi les Oligochètes, Je considère aussi le groupe des Sagitelles comme appartenant aux Oligochètes et spé- cialement aux Oligochètes limicoles. La présence des élytres au nombre d'une ou deux paires à tous les segments du corps des Sagitelles est un de leurs caractères les plus saillants. Le nombre toujours pair de ces élytres, leur position aux segments, leur mode de développement enfin, ne laissent point de doute qu'ils ne soient des parapodes transformés en lamelles ou coussinets sessiles. Les Sagitelles sont donc des Oligochètes limicoles chez lesquelles tous les segments sont munis de parapodes ; la grande majorité des segments porte deux paires de parapodes transformés en élytres lamellaires, pareils à ceux des Aphrodites ; un petit nombre de segments, notamment ceux de la partie antérieure du corps (le segment buccal y compris), ne sont munis que d'une paire de parapodes placés sur les côtés des segments et ayant la forme de coussinets. SUR LE GENRE SAGITELLÂ. 27 On chercherait en vain parmi les Oligochètes une place pour le groupe curieux des Sagitelles. Ce groupe, malgré ses affinités évi- dentes avec les Limicoles, reste pour le moment complètement isolé dans le système. Les Sagitelles ne sont pas cependant les seules à porter leurs caractères les plus essentiels. 11 y a déjà plus de vingt- cinq ans que M. Busch décrivit un petit Annélide pélagique sous le nom de Tijphloscolex Mïdleri^, qui, à ce qu'il paraît,a été complètement oublié par les naturalistes et qui est sûrement un être appartenant au môme groupe que les Sagitelles. Je propose de donner à ce groupe le nom de TYPHLOSCOLECIDjE . Les caractères essentiels de ce groupe peuvent être formulés de la manière suivante : « Corps oblong, divisé en un nombre de segments variable ; seg- « ment antérieur ou buccal, muni d'un ou de plusieurs appendices « tentaculiformes et orné de cils ou de lamelles formées de cils « soudés entre eux ; tous les segments du corps (le segment buccal « y compris) portent sur leurs côtés ou une paire d'élytres « en forme de coussinets, ou deux paires d'élytres lamellaires; « S3gment postérieur, ayant à son extrémité postérieure deux la- « melles entre lesquelles est placé l'orifice anal. Une partie ou tous « les segments du corps (à l'exception du segment buccal), armés de « chaque côté d'un petit nombre de soies courtes et en forme d'épines. « Animaux pélagiques. » Les deux genres connus de ce groupe, le Typhloscolex et la Sagi- telle, se distinguent par les caractères suivants : « Typhloscolex, Busch. (1851). — Segment buccal muni de trois ap- « pendices tentaculiformes, portant des élytres en forme de cous- tt sinets au nombre (?)' et orné de beaucoup de longs cils. Tous les « autres segments portent chacun deux paires d'élytres lamellaires « et sont armés chacun de deux paires de soies courtes et en forme « d'épine droite. » — L'unique espèce de ce genre est le Typhlo- « scolex Miilleri, observé par M. Busch à Trieste. (( Sagitella, N. Wagner (IS?'^). — Segment buccal, muni d'un ap- 1 Busch, Beobachtungen iiber Anatomie und Eniwickelung einiger wirbellos en See- thiere, 1851, p. 115, Tf. II, f. 1-6. 28 ULJÂNIN. « pendice tentaculiforme et portant de deux à quatre élytres, en « forme de coussinets et deux boutons vibratiles. Les deux segments « qui font suite au segment buccal sont munis chacun d'une paire (( d'élytres en forme de coussinets. Les élytres de tous les autres (( segments sont lamellaires et au nombre de deux paires. A l'ex- (( ception d'un nombre variable de segments antérieurs, tous les « segments sont armés d'un petit nombre variable de soies courtes <( et en forme d'épines. Animaux hermaphrodites. Les organes seg- « mentaires du cinquième segment transformés en organes pour « l'évacuation des éléments sexuels. Développement sans métamor- « phoses. » Les espèces de ce dernier genre sont les suivantes : « 1 . Sagittella Koivalevskii. — Segment buccal portant sur ses côtés a deux élytres en forme de coussinets. Une paire d'élytres pareils « sur chacun des deux segments qui suivent au segment buccal. Tous <( les autres segments munis de deux paires d'élytres lamellaires. Les « sept segments antérieurs achètes; le huitième segment, armé de « chaque côté d'une soie ; tous les autres segments armés de trois « soies. » — Méditerranée, mer Rouge. « 2c Sagittella barbata. — Segment buccal pourvu de deux capu- « chons charnus (dorsal et ventral) ornés, le long de leurs bords, de (( lamelles longues et sinuées. Deux élytres en forme de coussinets au « segment buccal, ainsi qu'aux deux segments qui le suivent. Tous « les autres segments munis de deux paires d'élytres lamellaires. « Les six segments antérieurs achètes ; le septième et le huitième « segment, armés de chaque côté d'une soie ; tous les autres seg- « ments armés de chaque côté de deux ou de trois soies. » — Médi- terranée. « 3. Sagittella prxcox . — Corps très-élargi dans sa partie anté- « rieure. Segment buccal pareil à celui de la Sagitella barbata. « Quatre élytres en forme de coussinets au segment buccal. A l'ex- « ception du segment qui suit le segment buccal et qui porte de « chaque côté un élytre en forme de coussinet, tous les segments (( munis de deux paires d'élytres lamellaires. Tous les segments, à « l'exception du segment qui suit le segment buccal, et qui est « achète, sont armés de chaque côté de trois soies. » — Naples. Outre ces trois espèces, il en existe encore une observée par SUR LE GENRE SAGITELLA. 29 N. Wagner à Naples et décrite par lui sous le nom de Sayitella Bobrelskil. La description donnée par M. Wagner étant très-impar- faite, il n'est pas possible de se prononcer sur cette espèce douteuse. L'absence complète de soies à tous les segments, la conformation singulière des parapodes répartis sur tous les segments au nombre d'une paire sur chaque segment, l'absence complète d'appendices tentaculiformes au segment buccal, tous ces caractères laissent à présumer que la Sagitella Bobretskii n'est pas une vraie Sagitelle et que probablement elle servira de type pour un troisième genre du groupe des Typbloscolécides. 30i ULJANIN. EXPLICATION DES PLANCHEy. PLANCHE I. FiG. 1. Sagitella Kowalevskii, en s\ii)'ma.tion, FiG. 2, Sagitella harbata, en supination. FiG. 3. Sagitella prœcox, vue de côté. FiG. 4. Extrémité antérieure de la Sagitella barbata, vue de côté. FiG. 5. Segment buccal de la même espèce, vue de côté. Les élytres sont éloignées de la préparation; le segment est un peu comprimé sous la lame de verre. A, ca- puchon ventral ; B, capuchon dorsal; e, orifice de la bouche ; f, œsophage; C, bou- ton vibratile; g, organe en forme deretorte; d, appendice tentaculiforme du seg- ment buccal; k, glandes pyriformes disposées en rosace autour de la base de l'appendice tentaculiforme; i, ganglion cérébral; b, nerf se ramifiant dans le bouton vibratil e; î"', connectifs œsophagiens; i', premier ganglion de la chaîne ventrale; h, vaisseaux sanguins. FiG. 6. Partie antérieure du corps de la Sagitella Kowalevskii, vue de côté. FiG. 7. Coupe transversale de la paroi du corps de la Sagitella Kowalevskii; c, cut- cule; m, muscles annulaires; m^, muscles longitudinaux. FiG. 8. Spermatozoïdes de la Sagitella Kowalevskii. FiG. 9. Amas de protoplasme de la couche hypodermique contenant un nucléus. PLANCHE II. FiG. 10. Coupe transversale du corps de la Sagitella Kowalevskii. d, cavité de l'in- testin; de, épithélium de l'intestin; m, couche musculaire delà paroi de l'intestin; bg, tissu connectif de la cavité préviscérale; vd, vaisseau dorsal; vv, vaissenu ventral; gg, commissures de la chaîne nerveuse ventrale; ml, muscles longitudi- naux ; mb, les quatre champs longitudinaux musculaires. FiG. 11. Coupe transversale de la partie antérieure du corps de la même espèce; oe, cavité de l'œsophage; rfr, couche cellulaire de l'œsophage; oem, couche mus- culaire de l'œsophage; g, ganglion; m, muscles longitudinaux; mb, les quatre champs longitudinaux musculaires. FiG. 12. Coupe transversale à travers le corps de la Sagifella barbata. d, cavité de l'intestin ;rfe, épithélium de l'intestin; m, couche musculaire de l'intestin ; 6(/, tissu connectif de la cavité préviscérale; vd, vaisseau dorsal; vv, vaisseau ventral; g, ganglion ; mb, les quatre champs longitudinaux musculaires. FiG. 13. Extrémité antérieure du corps de la Sagitella Kowalevi^kii ayant le bout an- térieur de l'organe en forine de retortc avancé par l'orifice de la bouche, at, ap- SUR LE GENRE SAGIïELLA. 31 pendice tentaculiforme du segment buccal ; mo, partie musculaire de l'organe en forme de rctorte. FiG. 14. Larve de la Sagitella barbata, vue de côté. FiG. 15. Partie postérieure du corps d'une larve pareille à celle figurée dans la figure précédente à un grossissement plus fort. PLANCHE m. FiG. IC. Coupe longitudinale et verticale de l'extrémité antérieure du corps de la Sagitella Kowalevskii. o,or\iicede la bouche; h, hypoderme fortement épaissi; oe, ca- vité de l'œsophage; ep, épithélium de l'œsophage ; v, cavité de l'intestin ; c, cous sinet sur lequel glisse l'organe en forme de rétorte lorsqu'il est mis en action ; r, organe en forme de retorte ; ge, ganglion cérébral; gi, gii, gw et f/iv, ganglions de la chaîne ventrale. FiG. 17. Fibre musculaire de la couche sous-cutanée longitudinale. FiG. 18. Lamelle du bord de l'un des capuchons charnus du segment buccal de la Sagitella barbata. FiG. 19. Deux segments de la Sagitella Kowalevskii, pour montrer la position des organes segmentaires; a, œufs. FiG. 20. Deux ganglions de la chaîne ventrale isolés (Sagitella Kowalevskii). FiG. 21. Segment buccal de la Sagitella Kowalevskii. el, élytres ; mo, organe en forme de retorte; vd, vaisseau dorsal; vv, arcs réunissant le vaisseau dorsal au vaisseau ventral; vv^, vaisseau ventral. FiG. 22. Deux segments de la Sagitella Kowalevskii, copiés d'après le vivant, pour montrer les cellules diaphanes qui semblent combler l'intestin. PLANCHE IV. FiG. 23. Lamelle caudale de la Sagitella Kowalevskii, pour montrer la distribution des nerfs dans cette lamelle, x, corpuscules pyriformes placés entre les faisceaux de nerfs. FiG. 24. Portion de cette nnême lamelle à un grossissement plus fort, fb, nerfs ; d, corpuscules pyriformes; c, cils placés sur le bord de la lamelle. FiG. 25. Elytre frais de la Sagitella Kowalevskii. z, glandes unicellulaires; k, ter- minaisons des faisceaux par disques; ev, terminaisons des faisceaux en éventail. FiG. 26. Organe segmentaire du cinquième segment de la Sagitella Kowalevskii. FiG. 27. Organe segmentaire de la Sagitella praecox. FiG. 28. Coupe d'un élytre en forme de coussinet du segment buccal de la Sagitella Koivalevskii. 32 ULJANIN. FiG. 29. Coupe transversale du corps d'une larve de Polygordius sp. de Naples. h, hypoderme (ectoderme); m, mésoderme; mj, feuillet externe du mésoderme; Wg, feuillet externe du mésoderme, feuillet dont naissent les planchers muscu- laires. FiG. 30. Lambeau de cuticule de la Sagilella barbata avec l'hypoderme sous-jacent et les muscles sous-cutanés annulaires et longitudinaux, a, muscles annulaires; b, muscles longitudinaux; e, hypoderme. FiG. 31. Terminaison de l'un des faisceaux de filaments de \a. Sagilella Kowalevskii. a, corpuscules de la rangée extérieure; b, corpuscules de moindres dimensions et placés en dedans de la rangée extérieure. FiG. 32. Terminaison du même faisceau vue de profil, a, corpuscules en forme d'ellipsoïde rangés au-dessous des corpuscules sphériques de la rangée extérieure. ANATOMIE COMPARÉE DU SQUELETTE DES STELLÉRIDES PAR LE DOCTEUR VIGUIER. INTRODUCTION. On ne s'est guère servi jusqu'ici dans les différentes classifica- tions du groupe des Stellérides que des caractères fournis par les di- verses productions accessoires qui revêtent la peau de ces animaux, et par ce qu'on peut voir, sans préparation, de leur squelette exté- rieur. L'étude anatomique proprement dite du squelette, tant extérieur qu'intérieur, n'avait pas encore été tentée il y a deux ans, ou du moins rien n'avait été publié sur le sujet, sauf de brèves notes dans des ouvrages plus généraux que j'aurai du reste à mentionner dans l'historique de la question. Il est facile de comprendre pourquoi ce travail n'avait pas encore été entrepris. L'étude complète du squelette entraîne la destruction de l'échantillon, puisque, pour se rendre un compte exact de la forme et de la situation des pièces calcaires qui le 'Constituent, il faut, de toute nécessité, attaquer au moyen de la potasse caustique la peau quelquefois très-dense dans laquelle les ossicules sont plus ou moins enchâssés. Cette attaque doit se faire à froid, car elle serait autrement trop difficile à régler, et le degré de force des solutions alcalines doit varier avec la dureté de la peau. Quand on s'aperçoit que l'action est trop vive, il faut laver la pièce d'abord à l'eau, puisa l'alcool fort pour enlever la potasse et raffermir un peu les tissus. On fait ensuite sé- cher avec précaution, mais sans employer la chaleur. ARCH. DE ZOOr . EXP. ET GÉN. — T. VII- 187K, 3 34 VIGUIER. Il est nécessaire de procéder avec une certaine prudence pour pouvoir dessiner les ossicules aussitôt qu'ils sont dénudés, et avant que la peau soit assez altérée pour qu'ils perdent leurs rapports, ce qui arrive quelquefois brusquement. Un tissu qui avait d'abord paru très-résistant peut en effet se fondre en quelque sorte, avec une grande rapidité, sous l'action de l'alcali. Une ou deux petites la- cunes dans l'ensemble de mes planches sont dues à des accidents de cette nature, portant sur des animaux dont je ne pouvais avoir d'autre échantillon. Si l'on pense maintenant à la difficulté, souvent très-grande, que l'on éprouve à se procurer certaines espèces, et si l'on réfléchit à ce fait incontestable qu'une étude de ce genre ne saurait être con- cluante qu'à la condition de s'adresser à tous, ou du moins à la plupart des types de tout un groupe, on comprendra pourquoi un travail né- cessitant des matériaux si difficiles à réunir n'avait pas encore été entrepris. On n'en sentait pas moins la nécessité de voir si, oui ou non, on pourrait tirer de cette étude des caractères nouveaux et plus précis, pouvant servir à établir anatomiquement la classification du groupe des Stellérides. Aussi mon savant ami et maître M. le professeur Per- rier, qui avait cherché, dès l'année 1869, dans l'étude, avant lui négli- gée, des pédicellaires, de nouveaux éléments de classification, et qui venait d'examiner, dans un important mémoire *, tous les travaux qui avaient paru sur la question, comprenait-il mieux que personne l'importance de recherches entreprises à ce point de vue général, et me proposa-t-il tout d'abord d'en faire le sujet de ma thèse de doc- torat es sciences. Le présent travail a donc été entrepris dans son laboratoire du Muséum dès le mois de mai 4876, et j'allai passer plus d'un mois, en août et septembre, au laboratoire de zoologie expérimentale de M. le professeur de Lacaze-Duthiers, à Roscoff, où je pus étudier les es- pèces qui vivent sur cette côte. J'étais déjà arrivé à des résultats intéressants, lorsque je dus partir brusquement au mois de novembre pour aller passer l'hiver dans l'isthme du Darien, en qualité de médecin d'une commission internationale d'ingénieurs qui cherchaient le point le plus favorable pour un tracé de canal interocéanique. Cette excur- > Révision de la Collection de Slelltlrides du Muséum de Paris [Arch. de zoologie ex- périmenlale, 187&). SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 35 sion, que ne m'avait pas fait entreprendre le seul amour des voyages, mais d'où j'espérais rapporter, visitant un pays relativement nou- veau pour les naturalistes, quelques renseignemenls intéressants, n'a malheureusement pas rendu, vu les conditions difficiles où j'étais placé, tout ce que j'en espérais; et les petites collections que je me suis fait un plaisir, à mon retour, d'offrir aux divers dé- partements du Muséum ne répondaient pas à beaucoup près à la bonne volonté qui les avait fait entreprendre, ni môme aux sacri- fices qu'elles m'avaient coûté. Puis-je espérer qu'on me tienne compte de l'intention ? Quoi qu'il en soit, le présent travail fut interrompu une année entière de novembre 1876 à novembre \811, et pendant ce temps M. Alexandre Agassiz fît paraître un important mémoire K L'auteur nous dit dans sa préface que les planches qu'il donne sont lithographiées depuis plus de douze ans, et que, le temps lui manquant pour finir l'ouvrage suivant le plan initial, il se hâte de les publier, de peur que les tra- vaux des naturalistes européens, qu'il sait maintenant à l'œuvre sur ce sujet, ne leur fassent perdre de leur actualité. J'aurai souvent à revenir sur ce mémoire de M. A. Agassiz, le plus souvent pour confirmer ses vues, mais parfois cependant pour les combattre. Pour le moinent je ferai seulement remarquer que dans ce travail, qui a pour but principal, comme l'indique son nom, la descrij)tion des espèces américaines, il est rarement possible, même après un examen attentif des figures, où le plus souvent on a conservé les par- ties molles et les piquants, de se faire une idée exacte du squelette des animaux représentés ; et si l'on compare mes planches, qui mon- trent toujours le squelette parfaitement dénudé, avec celles de M. Agassiz, on comprendra de suite l'importance de cette observa- tion. En outre, il est à peu près impossible de comparer les dessins d'un type avec ceux d'un autre, au lieu que je m'étais attaché, dès le dé- but de mon travail, à représenter partout les mêmes vues, les mêmes coupes et les mêmes pièces, pour que la comparaison puisse se faire immédiatement. Il ne faut pas oublier toutefois les conditions dans lesquelles a paru le mémoire de M. A. Agassiz, et j'aurais mauvaise » North American Starfishes {Memoirs of thé Muséum of comparative Zoology, Cam- bridge, mars 1877). 36 VIGUIER. grâce à me plaindre qu'il me soit resté quelque chose à glaner 1;\ oîi a passé un des maîtres de la science. C'est certainement avec cet ouvrage que mon travail a le plus d'analogie; plusieurs des espèces représentées par M. Agassiz étaient déjà étudiées et dessinées par moi lors de la publication de son mé- moire ; mais je n'ai pas cru pour cela devoir les supprimer. D'abord on'se|convaincra facilement qu'il est un très-petit nombre de mes des- sins qui fassent double emploi avec les siens, et la disposition exacte des diverses pièces du squelette est toujours plus facile à lire dans les miens ; enfin il était bon de présenter simultanément l'ensemble de mes recherches. J'avais d'abord essayé de représenter, comme on le voit dans le mémoire de Fauteur américain, les systèmes interbrachiaux, qu'il nomme tantôt interhrach'ml arch, tantôt mterÙ7'ac/iial partition ; mais j'avais renoncé bien avant la publication de son travail à ce système de figuration. Il suffit, en effet, de regarder les planches qu'il renferme pour voir combien il est difficile de comparer des dessins de cette sorte. Je ne crois pas non plus que la coupe longitudinale du .bras d'une astérie soit bien utile à considérer. Si l'on en excepte les pre- mières pièces du côté de la bouche, tout le reste n'est qu'une série d'articles se répétant exactement, et diminuant graduellement jus- qu'à l'extrémité du bras. J'ai presque toujours donné une vue latérale des dents et des pre- mières pièces du système ambulacraire ; continuer à représenter cette série jusqu'au bout m'a paru sans intérêt. Je préfère de beaucoup la section transversale d'un bras, que je suis étonné de ne voir dans aucune des planches de M. Agassiz, bien qu'elle ait l'avantage de montrer exactement la forme du bras, ce que ne saurait faire la coupe longitudinale. Beaucoup d'auteurs, M. Gau- dry notamment, ont déjà publié des coupes de ce genre, qu'on ne trouve représentées que par deux petits schémas dans l'ouvrage du savant professeur de Cambridge. J'ai adopté, quant à moi, cette sec- tion transversale, qui, jointe à la section exactement interbrachiale, ou bissectrice de l'angle formé par deux rayons adjacents, me paraît parfaitement suffisante pour donner une idée exacte de la forme de l'animal. Ces coupes, que, pour plus de clarté, j"ai représentées d'une façon schématique, n'en ont pas moins été. comme tous mes des- sins sans exception, esquissées à la chambre claire; et dans les cas où, comme pour la Mithrodia davtgera et la Porania pulvillus, l'état SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 37 du sujet ne me l'a pas permis, j'ai mieux aimé m' abstenir de donner un dessin que d'en composer un, comme cela m'eût été facile, avec les éléments que j'avais en main. La section exactement interbrachiale a pour avantage de mon- trer la forme exacte du sj^stème interbrachial, quand celui-ci existe, et la position de l'odontophore que M. Agassiz mentionne plusieurs fois, mais auquel il n'a évidemment pas attaché une bien grande im- portance. J'aurai à revenir sur ce qu'il en dit; mais pour le moment je constaterai que, tandis qu'il n'a pas jugé utile de donner de figure de ce qu'il nomme ihe basai plate of Ihe interbrachial partition, y aÀ été, dès le début de mes recherches, frappé de la forme spéciale de cette pièce et j'ai pris le soin de la figurer dans trois positions pour les Astéries ambulacraires, dans quatre pour les Astéries adambula- craires. Ces positions exactement correspondantes, étant affectées sur les planches'des mômes signes, sont très-faciles à comparer entre elles et donnent une idée très-juste de cette pièce, à laquelle je suis le premier à attacher une grande importance dans la classification. La vue intérieure, qui montre surtout le système des ligaments, m'a paru inutile dans la plupart des cas, et je ne l'ai employée que pour montrer les deux types de musculature de la bouche dans les deux divisions si distinctes des Astéries ambulacraires et adambula- craires. Quant aux ambulacres dans lesquels j'ai trouvé des rosettes de spicules, à peine mentionnées dans ces derniers temps par M. Teuscher, après que je les avais déjà étudiées moi-même, je me suis borné à figurer deux types bien différents de ces couronnes spicLilaires. Leur variabilité ne permettra guère, je crois, de les uti- liser comme celles des Oursins, dans la classification, d'autant qu'elles n'existent que dans un petit nombre de genres, et je n'ai point voulu compliquer un travail entrepris à ce point de vue spécial. Qu'il me soit permis, en terminant ce rapide exposé, et avant d'es- quisser l'historique de la question, de remercier ici M. le professeur deLacaze-Duthiers du bienveillant accueil que j'ai reçu de lui à son laboratoire de Roscoff, et surtout mon excellent ami Perrier, de la libéralité avec laquelle il a mis à ma disposition tous les doubles dis- ponibles de la belle collection du Muséum, oii il est arrivé, à force de travail, à établir l'ordre, sans lequel toutes ces richesses seraient pour ainsi dire inaccessibles aux travailleurs. 38 VIGUIER. HISTORIQUE. Je ne veux pas donner ici une liste de tous les ouvrages qui se rapportent à la question que je traite. La bibliographie des Stellé- rides a été faite avec beaucoup de soin par M. Perrier, dans le mé- moire que j'ai déjà cité plus haut, et les quelques lacunes qu'on y peut remarquer encore vont être bientôt comblées par un supplé- ment, qui comprendra aussi l'indication de tous les ouvrages nou- veaux parus sur le sujet. Il n'y a, du reste, dans toute cette longue liste, qu'un bien petit nombre de mémoires qui se rapportent au squelette ; et les autres points d'anatomie, l'embryologie, et surtout la description des espèces, forment le sujet du plus grand nombre de ces travaux. Je me bornerai donc, tout en renvoyant au mémoire de M. Per- rier ceux qui désirent étudier la bibliographie complète, à donner à mesure l'indication exacte des ouvrages que j'aurai à citer dans le cours de mon travail. C'est à Aristote que remonte la première notion que nous ayons sur le système tégumentaire des Astéries ; ce n'est, du reste, qu'une simple mention, et, en comparant cette enveloppe à un test, le naturaliste grec n'en donnait pas une idée très-exacte. Pline, qui, sans doute, a observé les Astropecten, si communs dans la Méditerranée, considé- rait la partie supérieure de leur corps comme une peau endurcie, et cette observation ne manque pas de justesse, car, dans ce type, l'en- veloppe cutanée a une importance beaucoup plus grande que les paxilles qui la revêtent. Ce sont là les seules mentions que l'on relève dans les auteurs anciens, et il nous faut arriver jusqu'à Réaumur pour avoir de nouvelles observations. On trouve, en effet, dans YHis- toù'e de l'Académie des sciences de Paris pour 1710, une note de lui intitulée : Observatio de Stellis marinis^ oii, après avoir rappelé les deux auteurs ci-dessus, il ajoute : « La partie inférieure est compo- sée d'une infinité de petites pièces régulières et blanches comme des perles (sans doute les pièces adambulacraires). Ces pièces forment dans chaque rayon un véritable treillage, au milieu duquel sont pla- cées deux rangées de vertèbres (les pièces ambulacraires).» Ce n'est encore là, comme on le voit, qu'une notion bien superficielle ; mais, en 1733, Linck fit paraître |un important ouvrage \ où il donne 1 De Stellis marinis liber singiilaris. Lipsisc, 1733. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 39 de nombreuses figures, dont quelques-unes sont assez reconnais- sablés. Ce travail était surtout entrepris au point de vue de la classi- fication ; malheureusement, Linck attachait une importance beau" coup trop grande au nombre des bras, nombre qu'il considérait comme fixe dans chaque espèce, et sa classification est, par cela même, en grande partie artificielle. On trouve dispersées dans ce mé- moire quelques notions sur les pièces solides ; mais la comparaison du squelette à un treillage ne nous apprend pas grand'chose, et il considère comme des dents les piquants qui arment les pièces buc- cales. Les quelques pièces qu'il figure isolées ne sont que des plaques marginales, des piquants ou des plaques madréporiques. Jamais les téguments ne sont enlevés pour les vues d'ensemble et il ne donne pas de coupes. Dans une note intitulée : Aiiatomia Stellse marinx Holsaticx, et jointe à l'ouvrage de Linck, David Kade fit une étude des pièces com- posant les Astérides et employa à leur égard les dénominations em- pruntées à l'ostéologie des animaux vertébrés ; par exemple, le mot de vertèbres. C'est là que nous trouvons la première mention des ((OS quadrangulaires qui environnent la bouche et forment autour* d'elle un anneau solide». Il distingue aussi le système ambulacraire du reste du squelette et mentionne la plaque madréporique. Linné, dont le Sijstema naturx parut peu après l'ouvrage de Linck, n'apporte pas de notions nouvelles sur le squelette et se borne à la classification. Ellis et Solander^ ne donnent que trois planches, qui se rapportent toutes à VAsterias echinites [Accmthaste?') : face supérieure, face in- férieure, et un bout de bras grossi. On y reconnaît bien l'animal, et l'on y voit même, très-bien indiquée, l'articulation des piquants sur les pièces surélevées; mais ils ne figurent pas de plaques dé- nudées. Comme Linné, Cuvier ne s'est guère occupé, dans son Bègne ani- mal, qui date de 1816, que de la classification des Etoiles de mer, et Lamarck, lui-même % ne s'est occupé que secondairement de l'anatomie de ces animaux. 11 donne cependant des notions nou- velles : (( On ne voit à la bouche des Stellérides, tantôt que cinq co- lonnes granuleuses et angulaires, et tantôt que cinq petites fourches » TheNatural History of Zoophytes. London, 1788. 2 Histoire naturelle des animaux sans vertèbres. Paris, 1816. 40 VIGUIER. osseuses particulières propres à presser circulairement les corps et les matières dont ces animaux se nourrissent'.» Cette dernière ob- servation se rapporte sans doute à la bouche des Ophiures. Nous trouvons encore^ : « La bouche, située constamment au centre de la face inférieure de l'Astérie, communique presque immédiatement avec l'estomac, qui est fort court. Cette bouche est armée de cinq fourches osseuses qui paraissent agir en se resserrant toutes ensemble sur le centre de l'ouverture. Outre ses fonctions directes et essen- tielles, la bouche sert aussi d'anus, le canal intestinal n'étant qu'un cul-de-sac excessivement court, qu'un estomac assez vaste, augmenté latéralement par cinq paires de caecums allongés et pinnés, qui ac- croissent les moyens digestifs, etc.. Pour donner plus de fermeté à chaque rayon et maintenir les organes intérieurs, la nature, par une sécrétion de matière pierreuse, a produit dans la longueur de chaque rayon un assemblage longitudinal de petites pièces pierreuses, jointes les unes aux autres, et qui forment, par leur disposition, une colonne creusée d'un (?ôté en coulisse. On a donné par une fausse analogie le nom de colonne vertébrale à cet assemblage d'osselets pierreux. Ce n'est cependant point un organe de mouvement, c'est-à-dire destiné à fournir des points d'appui aux muscles. Il ne produit jamais de côtes et ne donne point de gaine à une moelle épinière. Ainsi, cet enchaînement de pièces pierreuses, tout k fait analogue à celui de l'axe articulé et pierreux des Encrines, n'a rien de comparable à la colonne vertébrale des animaux à vertèbres. » J'ai cité en entier ce passage de Lamarck, dont l'importance n'échappera pas au lecteur. On remarquera seulement cette notion du tube digestif à une seule ouverture, observée sans doute dans VAsù'opecten, et faussement gé- néralisée à tout le groupe des Stellérides, et cette assertion, aussi nette que peu fondée, que le système ambulacraire n'est point un organe de mouvement, c'est-à-dire destiné à fournir des points d'ap- pui aux muscles. Cette même année 1816, Tiedemann publia en Allemagne un ou- vrage souvent cité depuis lors *. Le type choisi est VAstropecten au- raniiacus, et c'est surtout l'anatomie des organes internes qui fait la valeur de ce travail. Le nom de vertèbres, donné à tort par Kade aux 1 T. III, p. 2. 8 T. 11, p. 549. 3 Analomie der Rohrenhololhurie der Pomeranzenfarbigen Seesternes und Slein- seeigels. Laudshut, 1810. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. il plaques ambiilacraires, est conservé par Tiedemann ; enfin, c'est lui qui a émis l'opinion, que je discuterai plus loin, sur les fonctions de ce qu'il a appelé le canal du sable. En J 825, Délie Chiaje» donna une bonne section partielle d'un bras d'Astropecien aiirantiacus. On y voit la pièce de soutien ambula- craire très-bien figurée ; on y voit aussi les muscles qui s'insèrent dans les fossettes des pièces ambulacraires et qui ferment le sillon, et les muscles antagonistes qui sont insérés aux apophyses supérieures des mêmes pièces. Il ne s'est pas borné à l'étude de VAstropecten, et il fait remarquer que, dans YAsterias echinophora, où les vertèbres sont plus petites, les pores tentaculaires sont disposés alternativement sur deux rangées, pour que les ampoules aient plus de place. Enfin, il décrit sommairement les pédicellaires, mais sans leur imposer de nom. Konrad^ au milieu de quelques notions assez sommaires sur le squelette des Astéries, introduit une idée nouvelle. Après avoir dis- tingué une portion centrale et des appendices plus ou moins déve- loppés, insisté sur la symétrie de la face ventrale, et établi la distinc- tion entre cette face et la face dorsale, il donne une nomenclature des pièces qui composent VAstropecten (cette nomenclature se retrouve à peu près dans Meckel), et termine en disant que ces diverses pièces se réunissent autour de la bouche pour y former tout à l'entour un os circulaire que l'on doit comparer au crâne des animaux supérieurs, formé comme lui par la confluence de plusieurs os. C'est bien, en effet, dans cet anneau osseux qui entoure la bouche, mais qui n'est point, comme le croyait Konrad, composé de pièces soudées, que se trouve ce qu'on pourrait appeler le centre nerveux de V Astérie, du moins autant que les études actuelles permettent de l'affirmer ; mais la comparaison assez étrange de cet anneau osseux à un crâne de ver- tébré me paraît entrer dans le domaine de ces assimilations à ou- trance et de ces vues d'une philosophie nuageuse pour lesquelles on a si souvent négligé les observations exactes. Dans ces dernières années, M. Niles a fait à la Société d'histoire naturelle de Boston une communication assez singulière sur ce qu'il nomme la céphalisation, ou relation de la tête à la partie postérieure du corps \ Pour lui, on doit ranger tous les animaux suivant leur 1 Memorie sulla sioria degli animali sema vertèbre. Napoli, 2* volume. ' De Asteriarum fabricâ, etc., dissert, inaug. Halae. * Proc. ofthe Boston Soc. of Natural lUstory, vol. XI, p, 288. 42 VIGUIER. degré de céphalisation, même ceux qui n'ont pas de tête, comme les Echinodermes. Je ne saurais croire que les idées de Konrad aient séduit M. Niles, et je me bornerai à regretter que les Comptes rendus de la Société de Boston n'aient pas développé davantage sa théorie, qui, ainsi formulée, ne laisse pas d'avoir une apparence assez bizarre. Avec Meckel\ nous rentrons dans l'étude sérieuse des faits. Le type choisi est toujours VAstropecten aurantiacus. Je discuterai enHemps et lieu les idées de ce savant auteur sur la constitution de la bouche et sur la musculature générale. Pour le moment, je mentionnerai seu- lement sa nomenclature des pièces. Il noraraQ pièce principale ou corps la pièce ambulacraire ; pièce tî^ansuerscde intermédiaire, le soutien am- bulacraire ; pièce latérale inférieure, la marginale inférieure ; pièce la- térale supérieure, la marginale supérieure ; et pièce infériewe, la pièce adambulacraire. Pour lui, deux paires ambulacraires correspondent à une paire marginale; ce rapport-là n'est pas constant, comme il le supposait; enfin, il compare les paxilles du dos aux piquants des pla- ques marginales. On trouve dans les Actes de la Société linnéenne de Bordeaux ® une note de M. Desmoulins, oii, à propos d'ossicules fossiles trouvés dans les terrains tertiaires et crayeux, il ajoute : «Possédant très-peu d'Astéries vivantes, je n'ai pu rechercher que sur une seule espèce, YAsterias rubens, de quelle partie du corps provenaient des osselets semblables. J'en ai retrouvé les analogues, mais beaucoup plus petits, vers l'angle que forment deux rayons à leur base. Il est possible que ces pièces osseuses, plus solides et plus fortes que les autres articula- tions des rayons, remplacent en quelque façon les mâchoires, dont la large bouche des Astéries est dépourvue. Quoi qu'il en soit, et toute proportion gardée, les osselets fossiles que nous trouvons doivent avoir appartenu à des espèces énormes. » Si l'on réfléchit au faible volume des dents dans les Asterias, proportionnellement à ce qu'elles sont dans les Goniastéridées, par exemple," on verra que la conclusion n'est point absolument nécessaire. En outre, on remarque que toutes les pièces fossiles figurées par l'auteur sont des plaques marginales, sans doute (VAstropecten. M. Desmoulins aurait-il été trompé par la forme quadrangulaire de la dent des Asterias? De Blainville^ s'exprime ainsi : a La caractéristique de l'ordre des 1 Meckkl, System der Vergleichende Ânatomie, 1828. 2 T. V, 1832. 3 Manuel d'actinologie, Paris, 1834, p. 233. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 43 Stellérides ne peut guère porter que : 1° sur la nature de la peau, qui est toujours plus ou moins flexible, quoique solidifiée par des pièces calcaires très-diversiformes, et qui, à la face buccale, présen- tent une sorte de disposition vertébrale servant en effet à la locomo- tion-; 2° sur l'absence d'anus au canal intestinal, qui n'est plus qu'un estomac plus ou moins lobé à la circonférence ; 3° sur la terminaison constante des ovaires disposés en rayon à la circonférence de la bouche.» Nous savons déjà ce qu'il faut penser de ces idées; plus loin (p. 237), il ajoute : «Le meilleur caractère que nous ayons en- core trouvé pour distinguer les Astéries est la forme du tuber- cule madréporiforme de leur dos ; tubercule qui est certainement en rapport avec la génération, mais dont nous ignorons encore l'usage spécial. » Je traiterai plus loin cette question. Pour les figures qu'il donne, aucune n'est reconnaissable, et il n'y a pas de coupes. Louis Agassiz, dans son Prodrome d'une Monographie des Ra~ d'mires % dit que les Astéries correspondent aux limites que Lamarck avait assignées aux genres de ce nom établi par Linné dans un sens beaucoup plus étendu. Ce qui les distingue, c'est encore, d'après lui, d'avoir un seul orifice du canal intestinal, entouré de suçoirs, mais dépourvu de dents. Les vues de ce* savant sur l'accroissement du corps par l'angle interradial et sur l'homologation des Astéries aux Oursins seront rappelées en traitant de ces questions. En 4835, M. Sars fit d'intéressantes observations sur le développe- ment de Y kUerias sanguinolenta des côtes de Norwége, et, cette même année, MM. Milne-Edwards et Deshayes commencèrent la publica- tion d'une deuxième édition de Lamarck. W. Sharpey ^ donna en 1839 de très-bons renseignements sur le squelette; quelques-unes de ses vues sont toutefois sujettes à la cri- tique : telles sont, par exemple, la constitution de l'anneau buccal, dont je reparlerai en décrivant la bouche des Asteriads (le type choisi par Sharpey &?>XV Asterias ruhens), et la structure des ossicules, dont je traiterai plus loin. Mais sa description du squelette d'un Asterias est très-bonne, et il est le premier à soupçonner le véritable usage du canal hydrophore. Gray, dans son Synopsis of the Gênera andSpecies of the Class Hypo- 1 Mémoires de la Société des sciences naturelles de Neufchâtel, t. I, p. 190. ^ Article Echinodermala. — Todd's Cyclopœdia. 44 VIGUIER. stoma {Asterias Linnreus) \ et Edw. Forbes ^ se sont surtout occupés de la classification des Astéries et n'ont guère ajouté à la connaissance du squelette. Dans ce dernier travail, Forbes soutient l'idée que le canal hydrophore n'est autre chose que le représentant de la tige des Grinoïdes. L'année d'après, J. Millier et Troschel, qui avaient déjà inséré un mémoire dans les Archiv fur Natm^geschichte de 1840 ^ publièrent leur important Si/sfem der Astenden.Ces ouvrages ont encore pourbut presque exclusif la classification des divers groupes de Stellérides ; toutefois d'utiles notions sur les pièces solides se trouvent dispersées çà et là; enfin on leur doit la constatation de ce fait important que, sauf les genres Astropecten, Luidia et Ctenodiscus, toutes les Astéries possèdent deux ouvertures à leur canal alimentaire. R. Owen * donne une description du squelette d'un Asterias et constate que la bouche est sans dents. Quant au canal hydrophore, il a l'air de partager les idées de Coldstream et de Forbes, mais cite toutefois les opinions de Sars et de W. Sharpey. Koren et Danielsen ^ s'occupèrent un peu du squelette, mais leurs quelques remarques ne portent guère que sur la structure, et non sur l'arrangement des pièces. C'est en 1848 que M. Duvern3y fit paraître un grand mémoire Sur l'analogie de composition et quelques points de roi^ganisation des Ec.hino- dermes ^ On trouve peu de notions anatomiques nouvelles dans ce travail, qui renferme surtout l'exposé des vues théoriques de ce sa- vant. Je rappelerai ces vues, déjà émises auparavant par lui "^ en par- lant de la théorie de la polyzoïcité des Echinodermes, théorie dont Duvernoy est en réalité l'auteur. La traduction de Siebold, publiée en 1849, dans la série des Manuels Roret, par MM. Spring et Lacordaire, résume les travaux parus jusqu'à cette date, et contient sur la plaque madréporique des considérations que j'aurai à examiner plus loin. 1 Annals and Magazine of Natiiral ÎHstory, vol. VI, 1841. 2 Brilish Slarfishes, London, 18^11. 3 Vber die Gatlutigen der Asteriden {Arch. fiir Naturg., t. I, p. 138-328 et 3G7-8). '' Lectures on ihe comparative Anatomy and Physiology of Ihe Inverlebrate Ani- mais, Loudoii, 1843. '•^ Observations siir le Bipinnaria asterigera {Annales des sciences nalitrelles, 3* série, ZooL, t. Vil, 1847, p. 347-3a2). 6 Comptes rendus de V Académie des sciences, 1848. '' Comptes rendus, 15 février 1837. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 45 Le mémoire de Forbes sur les Asteriadœ Found Fossïl in Ihe Britisk Strata renferme un assez grand nombre de descriptions de pièces isolées ; la plupart de ces descriptions se rapportent à des plaques marginales ; toutefois on y trouve des renseignements fort utiles, et il s'applique à démontrer que dans un môme genre les plaques peu- vent être lisses, granuleuses, tuberculeuses, spinifères môme, ou en- core creusées d'alvéoles à pédicellaires. Nous aurons souvent l'occa- sion de constater combien cette observation est fondée. Il convient encore de citer la Zoologie générale de M. Milne-Edwards (1851) et les Eléments de paléontologie d'Alcide d'Orbigny, parus en 1852; puis nous arrivons à la thèse de M. Gaudry\ qui a été soutenue cette même année. Dans ce travail, traité avec beaucoup de philosophie, et qui débute par une bibliographie à peu près complète, M. Gaudry étudie à la fois les Astérides, les Ophiurides et les Euryalides. Il termine par une comparaison de ces divers animaux avec un Echinide. Le plan de l'ouvrage était, on le voit, trop vaste pour comporter des détails bien minutieux ; on y rencontre néanmoins des observations fort intéres- santes ; mais pour ce mémoire, comme pour tous les travaux posté- rieurs, on ne peut plus se contenter d'une analyse rapide ; c'est en traitant de chaque point en particulier que j'aurai à rappeler les vues de chacun de mes devanciers. Leurs idées, mises ainsi en présence des connaissances actuelles, seront saisies plus facilement et l'en- semble de cette étude y gagnera en clarté. Exposons d'abord la constitution du squelette en général ; nous étudierons ensuite plus particulièrement : la plaque ocellaire, le système hydrophore, plaque et canal, les pédicellaires, les ambu- lacres, les systèmes interbrachiaux, et enfin la constitution de la bouche et sa musculature. COMPOSITION ET STRUCTURE DES OSSICULES. Le corps des Astéries renferme une multitude de pièces solides de toute taille, depuis les spicules déliés visibles seulement au micros- cope, jusqu'à des plaques d'une très-grande épaisseur. Il n'y a là, toutefois, qu'une différence de volume, et le mode d'agrégation est à 1 Mémoire sur les pièces solides des Stellérides (Ann. des sciences nat,, 3e série, Zool., t. XVI. 46 VIGUIER. peu près le même dans tous les cas. Ces pièces solides sont de nature calcaire. Les analyses de Hatchctl, cité par Sharpey {Todd's Cyclo- pxdia), et de M. Gaudry (mémoire cité) s'accordent à y reconnaître une faible proportion de phosphate de chaux, unie à une grande quantité de carbonate de chaux. La magnésie, signalée par Valentin dans le test des Oursins, n'existerait pas ici d'après M. Gaudry; enfin les pièces colorées en rouge renferment une faible proportion d'oxyde de fer. Il n'y a pas là les éléments d'un tissu osseux proprement dit et l'examen microscopique ne nous montre pas davantage qu'on doive considérer ces pièces comme des os. Mais je ne vois pas pourquoi M. Duvernoy veut en faire des cartilages ; il n'y a en réalité pas plus les éléments d'un cartilage que ceux d'un os. Ce sont des dépôts cal- caires de nature spéciale et auxquels il convient de conserver le nom d'ossicides sous lequel ils sont généralement connus. W. Sharpey dit que ces pièces calcaires sont de structure homogène, sans cellules ou fibres. L'auteur anglais ne s'était certes pas donné la peine de vérifier cette assertion, qui est reconnue depuis longtemps comme entièrement erronée. Le microscope montre en effet que tous les ossicules sont formés de trabécules calcaires réunis en réseaux anastomosés, et formant une masse poreuse à mailles très-serrées dans les pièces dures, plus lâches au contraire dans celles qui ont besoin de moins de résistance. Des coupes dans de grosses pièces font découvrir une assez grande régularité dans les mailles de ces réseaux, souvent fort élégants. On ne trouve pas là, toutefois, l'admirable structure des baguettes des Cidariens, et les piquants des Stellérides sont composés de branchages calcaires disposés verticalement, et reliés entre eux par des trabécules transversaux, comme on le voit sur les figures de M. Gaudry ^ La matière calcaire est donc très-divisée, et l'on s'explique ainsi fort bien pourquoi les Pentaceros, animaux très-massifs que l'on recueille en abondance dans la mer Rouge, sont employés avec succès par les Egyptiens pour l'amélioration de leurs terres. Ils agissent évidemment comme amendement calcaire, dans un sol qui ne possède pas cet élément en quantité suffisante. C'est du reste là le seul usage économique auquel on ait appliqué jusqu'à présent les ani- maux de cette classe. ^Loc. cit., pi, XII, fig. 1-4. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 47 D'après les observations de Desor *, les pièces du squelette com- mencent à paraître en même temps que les ambulacres, et ont d'a- bord l'aspect d'étoiles calcaires qui s'accroissent graduellement et forment en se réunissant un réseau. A un fort grossissement on remarque dans ce réseau une sorte d'articulation, qui est surtout apparente chez les étoiles calcaires de nouvelle formation et qui ne sont composées que de deux ou trois bâtonnets. A côté de ces étoiles, on remarque encore beaucoup de bâtonnets isolés qui sont enveloppés par une membrane. Il semble donc qu'ils se forment aux dépens des noyaux de cellules, et se groupent ensuite en réseau en vertu d'une attraction particulière. Je partage la manière de voir de Desor, d'autant plus qu'on ren- contre dans l'animal adulte toutes ces formations intermédiaires. On trouve des spicules isolés dans la membrane péritonéale, la paroi des ambulacres, etc., et ces spicules présentent les formes diverses, depuis le simple bâtonnet, jusqu'aux plaques aréolées oîi parfois des traces d'articulation sont encore visibles, comme on le constate aisément dans les spicules de la membrane péritonéale deVAnthenea par exemple. Les mailles de ce réseau calcaire sont occupées par de la matière organique vivante qui travaille incessamment à l'accroissement des pièces ou à leur réparation. L'analogie de structure est trop grande, je crois, pour qu'on puisse employer utilement l'examen microscopique des ossicules dans la classification des types. Les spicules, disposés, dans quelques genres, au fond de la gouttière ambulacraire, le long du nerf, sont d'une forme assez remarquable : ce sont des sortes de prismes quadrangulaires allongés et percés de trous assez fins, mais dans les divers types oii j'ai constaté leur pré- sence, leur apparence était à peu près semblable. Cette structure est du reste presque la même que celle des arceaux calcaires qui donnent au canal hydrophore son apparence de trachée, et qui, eux aussi, diffèrent assez peu dans les divers genres. Les spicules qui se trouvent dans la membrane péritonéale sont au contraire de forme quelquefois très-simple : petits bâtonnets, pièces branchues ou enfin plaques à mailles très-larges. Dans un travail entrepris au point de vue spécial de la recherche de nouveaux moyens de classification, il m'a paru » Ueler die Enltvickelunff dcr Asieriden {Muller''s Archiv fUr Analomie, '1S49, p. 79-83). 48 VIGUIER. inutile de figurer ces diverses formations, qui manquent si souvent. Je reparlerai, en traitant des ambulacres, des spicules que l'on y trouve dans les Goniasterid-e et quelques LmcKiADiE, et dont je donne deux exemples, planche XVI. Passons maintenant à l'arrangement des ossicules, à la forme générale du squelette. SYSTÈME AMBULACRAIRE. Dans toute Astérie, qu'elle soit à deux ou à quatre rangées d'ambu- lacres, on distingue très-nettement à la face ventrale un système de pièces juxtaposées dans toute l'étendue du bras ^ Ces pièces, dispo- sées transversalement et de forme allongée, se correspondent tou- jours fort exactement de chaque côté de la ligne médiane, et di- minuent graduellement de volume de l'origine du bras vers son extrémité. Comme c'est entre ces plaques que sortent les pieds am- bulacraires, elles ont été naturellement nommées ;;*/ècesfl;?z^tiler, SQUELETTE DES STELLÉRÎDES. M Revenons maintenant aux séries ambulacraires. Dans toutes les Astéries à deux rangées d'ambulacres, la forme de la pièce ambulacraire est à peu près la même. Les quelques diffé- rences qu'on y remarque sont fort légères, et portent surtout sur l'épaisseur et la longueur, comme on peut s'en assurer en jetant un coup d'oeil sur les nombreuses figures qui représentent l'extrémité orale de la série ambulacraire dans les différents types. (Sur tous ces dessins, d représente la dent,a(/ la série adambulacraire, et a la série ambulacraire.) Cette pièce est allongée, obscurément parallélipipédi- que dans sa partie supérieure. La face ambulacraire présente en haut une surface lisse et plane, à peu près quadrangulaire. La réunion de toutes ces surfaces forme le fond du sillon ambulacraire. Au-dessus est un petit espace rugueux, uni au moyen d'un ligament à la face correspondante de la pièce opposée. C'est là ce qui constitue l'articu- lation du sillon, et lui permet de s'ouvrir ou de se fermer plus ou moins. L\angle que forment ordinairement ensemble les deux pièces d'une même paire est fort variable, bien qu'il soit généralement plus ouvert dans les Astéries à quatre rangées d'ambulacres, comme le montrent les nombreuses coupes transversales de bras que renferment les planches ; mais jamais elles ne sont assez reployées pour que les ambulacres, mis à l'abri, deviennent incapables de servir d'organes de reptation, comme le dit M. Gaudry^ Une petite apophyse qui s'élève au-dessus de la surface articulaire présente trois faces principales : une lisse qui fait partie de la face dorsale de la pièce ambulacraire, et deux qui servent à des insertions musculaires. Le schéma A, page 70, fait voir la disposition de ces deux muscles, Tun transversal (8), l'autre longitudinal (9), s'insérant à l'apophyse (7). Au-dessous de l'articulation et du petit espace libre mentionné plus haut % on trouve une fossette triangulaire, à côtés courbes et à sommet inférieur : c'est là que s'insère le muscle qui erme le sillon, et qui est de beaucoup le plus puissant du système. Au-dessous de cette fossette, la pièce qui était jusque-là en rapport direct avec ses voisines par des facettes à peu près planes, est comme comprimée latéralement; et une arête vive qui part du sommet du triangle et se prolonge jusqu'à l'extrémité inférieure, divise en deux sa face ambulacraire fort rétrécie. Ces [pièces laissent donc entre » Loc. cit., p. 28. 2 Voir par exemple pi. VIII, fig, 6 (en supposant le dessin renversé dans la situa- tion ordinaire de l'animal). S2 VIGUIER. elles, à ce niveau, une série de trous de conjugaison par lesquels passent les ambulacres. Sur le point d'atteindre les pièces adambulacraires correspon- dantes, l'extrémité amincie de la pièce ambulacraire se dilate un peu, puis se rétrécit brusquement en un bord tranchant dirigé trans- versalement au sens du bras, en laissant de chaque coté deux petites fossettes que l'on peut voir sur les différentes coupes, et oii s'insèrent des muscles verticaux qui relient entre elles les pièces correspondantes des deux séries '. La face dorsale ou viscérale est arrondie et lisse et se prolonge supérieurement par la petite apophyse dont il a été parlé plus haut. Cette face est en rapport avec lesvésicules des ambulacres. Quant à la pièce adambulacraire, elle est très-simple, parfois cubique, d'autres fois beaucoup moins épaisse dans le sens longitudinal du bras, et ordinairement échancrée, mais d'une façon très- variable, à son arête inféro-interne, qui porte des piquants plus ou moins dé- veloppés et parfois est creusée d'alvéoles à pédicellaires, tandis que les pièces ambulacraires n'en supportent jamais. Outre les muscles verticaux que j'ai déjà mentionnés et qui la relient aux plaques ambulacraires correspondantes, chaque pièce adambulacraire est unie à ses voisines de série par un muscle longitudinal qui s'insère sur toute la face correspondante. Des trousseaux de fibres d'un blanc nacré les relient en outre au squelette général, comme ils réunissent entre elles les diverses pièces qui composent ce squelette, en laissant seulement des passages pour les pores. Cette membrane, fibreuse et coriace, renferme néanmoins quel- ques éléments musculaires; elle est irritable et se contracte lentement lorsqu'on la pique avec la pointe d'un scalpel, comme l'avait déjà vu Sharpey, et comme je l'ai constaté moi-même sur YAsten'as glacialis à Roscoff. Ces mouvements-là ne sont néanmoins que fort peu importants, et cette membrane n'intervient guère, dans les changements de forme, que par son élasticité. Les mouvements actifs sont dus aux muscles de la gouttière ambulacraire, déjà vus par Meckel, qui toutefois n'a pas remarqué le muscle longitudinal supérieur ^ Cette omission s'explique par ce fait que, dans le type qu'il étu- diait, V Astropecten aurantiacus, ce système de muscles est peu appa- ' Voir pi. VIII, fig. 1, V, et dans toutes les coupes à la place correspondante, - Voir 9, schéma A, p. 70. SQUELETTE DES STELLERIDES. 53 rent. L'apophyse ambulacraire, devenue verticale, s'est un peu déve- loppée en aile, et ne peut plus glisser sur la pièce voisine, à laquelle la relie un muscle très-court qui s'insère sur le bord de l'aile. C'est à ces dispositions et à la liaison intime de leurs plaques marginales, que les Astropeclen et les Luidia doivent d'avoir leurs bras presque rigides, et de se rencontrer presque toujours absolument plats dans les collections. Je ferai remarquer qu'on ne voit pas non plus figurer ces muscles longitudinaux sur les planches et schémas de M. Agassiz, où les muscles transversaux supérieurs sont au contraire bien repré- sentés. Ainsi que nous venons de le voir, les muscles sont, pour chaque article du système ambulacraire, non pas au nombre de huit, comme le croyait Meckel, mais de dix, savoir: 1° quatre muscles verticaux, deux de chaque côté, qui relient les pièces ambulacraires aux pièces adambulacraires correspondantes; 2" quatre muscles longitudinaux. deux de chaque côté : un supérieur entre les apophyses des pièces ambulacraires, l'autre inférieur entre les pièces adambulacraires; 3" enfin, deux muscles transversaux, supérieur et inférieur, qui tous deux relient les deux pièces ambulacraires d'une même paire, l'un au- dessus et l'autre au-dessous de leur articulation. On a dit peu de chose du jeu de ces divers muscles, et il me paraît utile d'examiner ici leur mode d'action. Les muscles verticaux sont petits et ne servent guère qu'à maintenir en rapport les pièces auxquelles ils s'insèrent. Les muscles longitudinaux supérieurs s'insè-rent, comme nous l'avons vu, aux petites apophyses qui surmontent les pièces ambulacraires. Ces apophyses ne sont point exactement verticales ; mais, couchées les unes sur les autres à la manière des tuiles d'un toit, elles peuvent donc sous l'action de ces muscles exécuter des mouvements de glis- sement et la résultante de cette action est le relèvement des bras en une courbe à concavité supérieure, l'animal étant situé dans la posi- tion normale. Dans ce mouvement il est évident que les pièces ambu- lacraires d'une même série sont plus rapprochées à leur extrémité supérieure qu'à leur extrémité inférieure, et que les pièces adambu- lacraires d'une même série s'écartent les unes des autres. Les muscles longitudinaux inférieurs sont donc les antagonistes de ceux du système précédent; mais leur mode d'insertion le plus sou- vent perpendiculaire aux larges surfaces qu'ils relient, en même temps qu'il assure la solidité du système, ne lui permet pas de mouve" 54 VIGUIER. ments fort étendus. Ici, du reste, ces mouvements ne sont pas bien nécessaires ; Fincurvation du bras en bas, c'est-à-dire en une courbe à concavité inférieure, qui est en réalité un des mouvements les plus utiles à l'animal, puisque c'est celui qui lui permet de se fixer sur sa proie, ce mouvement, dis-je, est principalement déterminé par les ambulacres qui, en allant se fixer aux objets extérieurs, y moulent en quelque sorte la forme du bras. La principale fonction des muscles longitudinaux inférieurs est donc de relier entre elles les pièces des séries adambulacraires, et accessoirement d'infléchir le bras en bas, lorsque les deux séries d'un bras se contractent simultanément. Si une de ces séries se contracte seule, il y aura torsion du bras dans le plan horizontal. Le muscle longitudinal supérieur de la même moitié du rayon coopère sans doute un peu à ce mouvement, mais il ne saurait avoir, à cause de son rapprochement de la ligne médiane, qu'une action beaucoup plus faible. Les muscles t?rinsve)'sauxsupch'ieu)'s,remp\\s?>ani, comme nous l'avons vu, l'espèce de gouttière formée par les apophyses ambulacraires, au- dessus de l'articulation, sont insérés fort près du point d'appui, et par conséquent le mouvement d'ouverture du sillon, qu'ils déterminent, ne saurait être très-puissant. Aussi faut-il remarquer que le rétablis- sement dans sa forme normale du bras fermé est dû en grande partie à l'élasticité de la peau. Les muscles transversaux inférieurs s'insèrent dans les fossettes triangulaires dont j'ai parlé plus haut, et leur volume plus considé- rable, et surtout leur distance au point d'articulation des pièces à mouvoir les rendent, de beaucoup , les plus puissants du sys- tème. Il était du reste nécessaire qu'il en fût ainsi, puisqu'ils ont, pour fermer le sillon, à vaincre l'élasticité de la membrane fibreuse du dos. Comme c'est en fermant ce sillon et en entre-croisant ainsi les épines qui bordent les pièces adambulacraires que l'animal met à l'abri ses ambulacres qu'il rétracte en même temps, on voit que ce mouvement est des plus importants, et qu'il était nécessaire qu'il pût s'accomplir avec force et promptitude. L'amplitude des mouvements que peuvent déterminer tous ces muscles dépend de leur longueur, et, par suite, de l'écartement et des dimensions des pièces ambulacraires et adambulacraires. Elle est aussi subordonnée à la rigidité plus ou moins grande du squelette général. Aussi voyons-nous les systèmes ambulacraires très-considé- SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 55 râbles relativement chez les Eghinasterid.-e \ où le squelette est formé de pièces réticulées fort légères et oti il n'existe pas de plaques mar- ginales, et nous voyons ^ que les pièces adambulacraires d'une même série laissent entre elles des espaces relativement fort grands, pour les muscles longitudinaux inférieurs. Ces pièces adambulacraires sont au contraire très-serrées les unes contre les autres, chez les Astro- PECTiNiD.E^, 011 le bras doit à ses rangées de plaques marginales une rigidité presque absolue. Quant aux muscles transversaux, supérieur et inférieur, ils subissent très-peu de variations, et cela-se conçoit aisé- ment, puisque l'ouverture et la fermeture du sillon sont des mouve- ments aussi importants, quel que soit le type qu'on envisage. Les muscles, tels que nous venons de les décrire, existent tout le long du bras parfaitement semblables ; la seule différence qu'on remarque est la puissance plus grande des muscles de la première paire ambulacraire, puissance en rapport avec les dimensions plus considérables des pièces à mouvoir. Quant à la musculature si remar- quable de la bouche, que l'on ne trouve décrite dans aucun auteur, nous verrons plus loin qu'elle forme un système absolument distinct. Si nous examinons maintenant les Astéries à quatre rangées d'am- bulacres, nous allons constater que la différence de forme des pièces n'a rien changé aux dispositions de l'ensemble. Ici les pièces ambulacraires * sont devenues fort étroites; ce sont des sortes de lames, repliées sur elles-mêmes et laissant entre elles non plus une, mais deux séries de trous de conjugaison. Ces pores ambulacraires alternent entre eux non-seulement dans chaque moitié du sillon, mais encore d'un côté à l'autre de la ligne médiane ; et cela dans toute la longueur du bras, sauf près de la bouche, où cet arran- gement devient assez irrégulier^ La forme des pièces est telle, que le bord de chacune de ces ouvertures est comme évasé en entonnoir. Les pièces d'une même paire forment entre elles un angle très- ouvert et la face intérieure des bras est souvent constituée presque en entier par le sillon. Quant à l'apophyse supérieure, elle est fort amin- cie et très-allongée dans le sens transversal ^ 1 Voir pi. VII, fig. 4. î Voir pi. VII. fig. 2. 3 Voir pi. XV, fig. 2 et 8. » Voir pi. V, fig. 2 et 10. •^ Voir pi. V, fig. 10. ^ Voir 7, schéma E, p. 76, ne viGuiER. Les plaques adambulacraires sont devenues, elles aussi, excessive- ment minces ; mais rien n'est changé au plan d'ensemble, et la mus- culature est en somme absolument semblable. Naturellement les muscles sont beaucoup plus petits ; mais leur plus grand nombre compense cette infériorité et l'effet reste le môme. La seule remarque à faire, c'est que les fossettes d'insertion du muscle transversal inférieur, qui sont ici fort petites, sont devenues à peu près verticales, mais en môme temps plus rapprochées de la ligne médiane à cause du dédoublement de la ligne des pores. Il y a là deux conditions qui tendent, l'une à diminuer, l'autre à augmenter la puissance relative du muscle, et dont les effets se contre-balancent à peu près. Les muscles présentent donc la même disposition et le même mode d'action que dans les Astéries à deux rangées d'ambu- lacres, au moins dans toute la longueur du bras, car nous verrons plus loin que des changements assez notables se sont produits dans la musculature de la bouche K Après avoir lu la description que je viens d'en faire, on compren- dra aisément que des pièces tellement semblables dans chacune des deux grandes divisions du groupe des Stellérides ne puissent pas nous fournir des caractères de familles ou de genres. Nous serons donc obligés de chercher ailleurs d'autres moyens de classification. C'est à ce point de vue que je vais examiner les différences que présentent dans les divers types : d'abord, la plaque ocellaire; puis, la plaque madréporique, qu'on a voulu quelquefois employer dans ladiagnose; enfin, les pédicellaires, les ambulacres et le squelette calcaire qu'ils présentent dans quelques genres, et les systèmes in- terbrachiaux. Je terminerai cette élude générale par l'examen approfondi de l'appareil buccal et de sa musculature, dans les deux types si diffé- rents des Astéries ambulacraires et des Astéries adambulacraires, et la comparaison de cette bouche avec celle de différents types d'Echi- nodermes. Nous passerons ensuite à la description des genres. PLAQUE OCELLAIRE. Chez toutes les Astéries, on remarque à l'extrémité du bras une plaque impaire, située dans l'axe même de ce bras, à surface supé- • Voir schéma E, p. 7G. . SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 57 rieure arrondie, et creusée en dessous d'une rainure qui continue le sillon ambulacraire. C'est k l'extrémité de cette plaque, ou dans la rainure inférieure, suivant les différents auteurs, que se trouve l'or- gane de vision auquel se rend le nerf du bras, et qui a été signalé par divers auteurs et décrit avec détails par HseckeP, Mettenheimer^ et S. Jourdain^. Ces divers savants ne sont, du reste, pas très d'accord dans leurs descriptions de cet organe, et la figure que donne M. G.-O. Sars*^ de l'organe sensoriel du Brisinga en diffère grande- ment. Enfin, M. R. Greef % qui a étudié VAsterias rubens, le Solaster papposus et VAs(7'opecten aurantiacm, aurait vu dans ces animaux le nerf du bras quitter le sillon avant d'arriver à son extrémité, sa branche inférieure seule s'étendant jusqu'à l'œil. Il est donc possible qu'il y ait des dispositions diverses dans les différents types. Je n'ai point, au reste, à m'occuper de cette ques- tion dans le présent travail et ne parlerai que de la plaque à laquelle on est convenu de donner le nom d'ocellaire. Cette plaque, désignée sur toutes mes figures par les lettres oc, at- teint un développement considérable dans lafamille des Astropecti- NID.E ^ Généralement, ses dimensions sont beaucoup plus faibles, et quelquefois très-petites'^, comparativement aux dimensions de l'ani- mal. La forme subit aussi des variations fassez grandes : globuleuse, en général, dans les Asterias^, étroite et allongée dans les Sulaste- RiNAc^ élargie dans les Astropectinid.e, etc. Enfin, dans ce genre si curieux des Brisinga, elle présente, d'après l'ouvrage cité de M.Sars (pi. II, fig. 5 et 6), une apparence tout à fait remarquable. Dans quelques cas, les caractères que fournit cette pièce seront donc utiles à consulter, d'autant plus qu'ils sont assez faciles à voir sur l'animal intact. Mais, bien souvent, on constate une ressemblance absolue entre les plaques ocellaires dans des types très-différents, ou, au contraire, des différences assez remarquables dans des espèces très-voisines. Je crois donc qu'on doit toujours subordonner les ca- 1 Zeit. Zool, X. 2 Abhandlung d. Senkenb. Gesellschaft, III {Arch. anat. phys., 1862). * Comptes rendus de l'Ac. des sciences, 1865, p. 104. * Researches on the structure and affinity ofihe genus Brisinga. Christiania, 1875. ^ Ueher den Bau der Echinodermen (S. B, Gesell. Marh,, nov. 1871). 6 Voir pi. XV, lig. 1, 9 et 14. 7 Voir pi. XI, fig. 4. 8 Voir pi. V, fig. 1. 9 Voir pi. VIII, fig. 1 et 8. 58 VIGUIËR. ractères fournis par cette plaque à ceux que donnent les. pièces de l'appareil buccal. On admet généralement aujourd'hui que c'est en arrière de cette plaque terminale que se produisent les pièces nouvelles qui s'ajou- tent incessamment au bras pendant l'accroissement de l'animal ; et cette opinion paraît plus rationnelle que celle admise par M. L. Agas- siz au début de ses travaux sur les Echinodermes, et qui voulait que l'accroissement se produisît par la naissance de nouvelles pièces dans les angles interradiaux. Toutefois, comme je n'ai pas pu jusqu'à pré- sent faire moi-même des observations sur ce sujet, je ne me permet- trai pas de trancher la question d'une façon absolue, et je renverrai aux remarques que je fais à ce propos dans la description de l'An- tlienea. PLAQUE MADRÉPORIQUB ET CANAL HYDROPHORE. Sur le dos de toutes les Astéries, on remarque une plaque calcaire d'une nature spéciale, située toujours excentriquement, sur la ligne de séparation de deux rayons, mais dont la distance au centre du disque varie dans des limites assez étendues. Parfois on en voit plu- sieurs, mais il y en a toujours au moins une ; et les anciens auteurs qui avaient émis une opinion contraire, avaient été induits en erreur par ce fait que parfois, chez les Astropecten, et surtout chez les Lm'dla, elle est cachée par les piquants étalés des pièces du dos. Elle peut porter elle-même, dans certaines espèces, des piquants diversement disposés, qui la dissimulent parfois presque entièrement. C'est sans doute pourquoi elle a quelquefois échappé à des observateurs très- exacts. Cette plaque, que l'on appelle madréporique à cause des plis qui sillonnent sa surface, est caractéristique des Astéries, comme le dit très-bien de Blainville '. On en retrouve l'analogue chez les Ophiures, à la face ventrale, tout près de la bouche, dans l'angle formé par deux mâchoires, et chez les Oursins près du pôle apical. De la partie interne de cette plaque part un canal légèrement flexueux et à apparence de trachée, qui suit le bord oral du système interbrachial, quand celui-ci existe (ce bord est même parfois creusé pour lui d'une sorte de gouttière), et, en tous cas, est maintenu dans • Manuel d'aclinolugie, p. 237. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 39 un repli de la membrane interbrachiale, qui lui forme une sorte de mésentère. Ce canal se rétrécit beaucoup à son extrémité inférieure et débouche dans l'anneau vasculaire circumbuccal, entre les deux dents de la paire correspondante à l'aire interbrachiale où la plaque madréporique est située. Ce rapport est absolument constant, quel que soit le type que l'on examine. Selon Tiedemann, qui fut le premier à en parler \ ce canal, auquel il a donné le nom ào. canal du sable, serait destiné à fournir la sub- stance calcaire nécessaire au squelette des Astéries. Cette explication n'est pas satisfaisante, surtout maintenant que nous avons vu la ma- tière calcaire apparaître dans les noyaux mômes des cellules. Aussi, l'opinion de Tiedemann ne tarda-t-elle pas à être combattue; mais, par une singulière fortune, le nom de canal du sable, dont tout le monde reconnaît la fausseté, est resté jusqu'ici dans la science, grâce à l'incertitude que l'on conservait sur les véritables fonctions de cet organe. Ehrenberg- fit observer que ce canal ne contient pas de la matière calcaire amorphe, mais qu'elle est organisée et percée de trous ayant l'apparence de mailles. Il compara même la structure de cet organe avec le tissu caverneux à mailles irrégulières du pénis. Cette remarque s'apphquerait assez bien à la partie supérieure du ca- nal chez VOjj/tidiaster pyramidatus. Pour de Blainville, la plaque madréporique était certainement en rapport avec la génération. L. Agassiz, Millier et Troschel étaient de cet avis, que M. Gaudry semble aussi partager; du reste, ce dernier auteur croyait encore que l'existence de la plaque n'était point abso- lument constante. Sharpey ^ soupçonna la véritable fonction du canal du sable ; mais Forbes ^ combattit l'opinion que la plaque madrépo- rique fait partie du système aquifère, et ne voulut voir dans le canal du sable que l'analogue de la tige des crinoïdes. Le docteur Cold- stream, cité par Owen^, était du môme avis; mais, comme le fait remarquer Owen, il résulte des observations de M. Sars, et les re- cherches subséquentes n'ont fait que les confirmer, que les Astéries ne sont jamais fixées à aucune époque de leur existence. 1 Loc. cil., p. 54. - Muller's Archiv, 18B4, p. 380. 3 Art. Echinodermata (Todd's Cyclopœdia). '* British Starfishes. s Loc. cit. CO VIGUIER. M. Jourdain* s'appliqua à démontrer que plaque et canal n'étaient bien que la voie par oh entre l'eau extérieure dans le système aqui- fère. Toutefois, M. Milne-Edwards, dans ses savantes Leçons sur la physiologie et Vanatomie comparée^, déclare encore leurs usages in- connus. Mais les travaux de iMM. Greff et Hoffmann ^ n'ont fait que confirmer ceux de M. Jourdain. On trouve, du reste, dans le Manuel cVanatomie comparée de Gegen- baui"*, un schéma qui représente le système aquifère d'une Astérie, et je ne puis que renvoyer à la description qu'il en donne. Je nommerai donc désormais, avec M. Jourdain, le canal du sable du nom plus rationnel de tube ou canal hydrophore. Ce tube a ses parois maintenues écartées par une série d'arceaux calcaires qui lui donnent l'air d'une trachée. Ces arceaux sont percés de mailles très-fmes. Sur la paroi interne du tube s'élève une lame qui règne dans toute sa longueur, et se divise en deux feuillets qui s'écartent et s'enroulent sur eux-mêmes, comme on le voit dans l'ou- vrage de M. Lovén^ C'est ce qui donne au canal hydrophore l'aspect d'un canon de fusil doublet L'extrémité ; inférieure du tube dé- bouche, comme nous l'avons dit, dans l'anneau vasculaire buccal. Quant à l'extrémité supérieure qui aboutit à la plaque madréporique, elle est percée de plusieurs orifices conduisant dans des canaux rayon- nants et ramifiés creusés horizontalement dans la table externe de cette plaque, et correspondant exactement aux cannelures de la sur- face. La voûte de ces canaux est percée de part en part par un grand nombre de canalicules dirigés perpendiculairement à la plaque, et dont les embouchures sont visibles au fond des sillons de celle-ci''. On voit fort bien cette disposition sur la ligure 270 de l'ouvrage de M. Lovén, qui représente la plaque de VAste^-las glacialis. Chez les Asteriadse, la plaque est formée par une grosse pièce creuse, dont la partie supérieure est seule creusée de sillons. Dans l'autre type d'As- téries, c'est généralement une simple lame d'une épaisseur variable, reposant sur les pièces du squelette dorsal, qui lui forment souvent 1 Comptes rendus de l'Âcad. des sciences, 18G7, p. 1003. 2 T. X, 1872, p. 132. ' C.-K. Hoffmann, Zur Anatomle der Asleriden {Niederl. Afch. fiir Zoologie, t. IX). '» Traduction Vogt, 1874, p. 313. 5 Etudes sur les Echinoïdés, pi. LUI, fig. 272. « Voir pi. VI, fig. 9 c/i. "^ S. Jourdain, loc. cil. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 61 une sorte de cadre. Toutefois, dans le Palmipes, nous retrouvons une plaque creuse, comme dans VAsterias. Chez les Heliaster, la plaque est toujours composée d'un assez grand nombre de pièces creuses ' juxtaposées, et qui communiquent toutes directement avec le canal hydrophore. Quel que soit le nombre de ces pièces, le canal est tou- jours simple-. J'ai donc été fort surpris de lire dans les Comptes ren- dus'-^ une note de M. Giard, où il déclare avoir rencontré deux canaux du sable aboutissant à une plaque madréporique unique, mais formée par la soudure de deux plaques., chez Wisterias rubens. Je désirerais bien savoir quels étaient les rapports de ces deux ca- naux ; et je regrette que l'auteur, occupé à tirer de ce fait des dé- ductions philosophiques, n'ait pas cru devoir entrer dans quelques détails à ce sujet. Quant à moi, je n'ai jamais rencontré deux canaux du sable allant à une même plaque, quel que soit le nombre des pièces qui la constituent. En outre, j'ai toujours vu dans le genre Asterias la plaque simple. J'ai pourtant examiné des exemplaires à six bras 6.' As- terias rubens, glaclalis, tenuispinus, borealis, polaris, gracilis, gelatinosa, et même dix échantillons d' Asterias calamaria ayant de neuf à douze bras. Cette dernière espèce possède parfois, ainsi que V Asterias poly- plax, un nombre variable de plaques, plus ou moins irrégulière- ment disposées ; mais ces plaques sont simples; la seule apparence de plaque divisée que cite M. Perrier chez un Asterias calamaria, tient sans doute à quelque accident,' car partout ailleurs j'ai constaté que les plaques sont simples chez les Asterias. Dans les Heliaster, oîi elles sont composées d'un nombre variable de pièces, il n'y a qu'une plaque, quel que soit le nombre des bras, et le canal est unique. Je suis persuadé que dans ces Asterias h plusieurs plaques, comme je l'ai constaté dans VAcanthaster echinites et dans la Linckia diplax, à chaque plaque correspond un canal hydrophore unique et affectant toujours les mêmes rapports. Dans V Ophidiaster pyramidatus, oii le développement de la plaque madréporique est énorme \ le canal hydrophore est encore simple, seulement il se dilate en entonnoir à sa partie supérieure pour venir s'appliquer à toute la surface inférieure de la plaque madréporique. i Voir pi. VI, fig. 4, m. 2 /d., fig. 9,ch. 3 19 novembre 1877. 4 Voir pi, IX, Rg. 1, m. t}2 VIGUIER. Au point où le canal se dilate, il perd son apparence de trachée \ et sa cavité est remplie par des branchages entrelacés qui aiïectent une position verticale, et justiUent assez bien la comparaison d'Ehren- berg. Je ne saurais donc regarder le fait cité par M. Giard que comme tout à fait exceptionnel, et me défendre encore de quelques doutes à son sujet. Ainsi que je l'ai déjà dit plus haut, l'examen microscopique des arceaux du canal hydrophore ne me paraît pas devoir fournir de ca- ractères utiles pour la classification. Les plaques madréporiques peu- vent certainement rendre plus de services ; mais, si le mode de stria- tion de la plaque paraît au premier abord conforme dans une même famille, nous le voyons cependant affecter des dispositions différentes dans un même genre. C'est ainsi que dans VAstropecten subinermis (M. T.) la plaque est ronde et les plis presque droits rayonnent du centre ; dans VAstropecten lndicus[{sY>. n., E. P.) la plaque est circulaire, légèrement déprimée, et les plis, au lieu d'être rayonnants, sont presque parallèles, comme on le voit dans le Ctenodiscus ^; dans un Astropecten sans nom d'espèce, provenant des îles Sandwich, la pla- que est presque granuleuse, et le contour est irrégulier; enfin 3, elle peut être munie de digitations très-marquées. Voilà pour la forme et la striation. Quant aux dimensions, si l'on compare la petite plaque de VOphkliaster ophidianus avec la plaque très-développée de YOphi- diaster pyramidatus^ on verra qu'elles ne fournissent pas de renseigne- ments plus sûrs. L'examen de la plaque madréporique ne peut donc donner aussi que des signes d'une importance très-secondaire. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. Dans sa thèse, intitulée Recherches sur les ■pédicellaires et les ambu- lacres des Astéries et des Oursins (Paris, 1869), M. Perrier a montré l'im- portance que peuvent avoir les premiers de ces organes dans la clas- sification des Astéries, et comment ils différencient eux aussi fort nettement les deux groupes d'Astéries à deux et à quatre rangées » Voir pi. IX, fig. 7, ch. * Voir pi. XV, fig. l!,,m. 3 /d., fig. I, m. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 63 d'ambulacres. Tout ce que je dirai sur ces organes, dans la descrip- tion des genres, sera emprunté à son travail : mais le fait même que les pédicellaires manquent assez fréquemment prouve qu'on doit subordonner les caractères qu'ils fournissent à ceux que donnent des pièces dont la forme est variable avec les divers types tandis que leur présence est absolument constante, comme nous le verrons pour les pièces de la bouche. M. Perrier, qui s'est longuement étendu dans ce travail sur les ambulacres des Oursins, et surtout sur les pièces calcaires qu'ils ren- ferment, a dit peu de chose des ambulacres des Astéries. Ces organes, dont la forme et la musculature même sont assez bien connues depuis longtemps, peuvent!! présenter trois où quatre types différents; mais il ne paraît à première vue y en avoir que deux. Les ambulacres se composent de deux parties : une extérieure, tubuleuse, Vambulacre proprement dit, qui sort par les pores ambn- lacraires ; l'autre intérieure, en forme de poche, le plus souvent pro- fondément divisée en deux parties, et que l'on nomme la vésicule amhulacraire . Ces vésicules, situées sur la face viscérale des pièces ambulacraires, sont en rapport, comme nous l'avons vu, avec le sys- tème hydrophore. Le tube ambulacraire contient deux systèmes de fibres musculaires, les unes annulaires, les autres longitudinales, situées'en dedans de la membrane résistante qui constitue la charpente !de ^l'ambulacre, et se termine ordinairement par une ventouse qui présente des fibres musculaires rayonnées. L'existence de cette ventouse n'est pas constante, et l'on sait depuis longtemps que dans les AsTROPECTiNiD^ les ambulacres sont coniques. Il paraît toutefois que l'extrémité terminale de ce cône peut rentrer en dedans, et constituer alors le fond d'une sorte de ventouse, qui se forme à ce moment, et permet à l'animal de se servir de ses ambula- cres comme les autres astéries. Je n'ai pas été à même de vérifier cette assertion. Quoi qu'il en soit, ces ambulacres pointus paraissent jus- qu'ici spéciaux à la famille des AsTROPECTiNiDiE, et ils suffiraient déjà pour en faire écarter les Archaster et les Chœtaster. Dans toutes les autres Astéries, qu'elles soient à deux ou à quatre rangées d'ambulacres, ces organes sont armés de ventouses ; mais on n'y avait pas signalé jusqu'ici l'existence de spicules cal- caires. 64 VIGUIER. Toutefois, une figure de M. Teuscher ^ montre ces spicules chez rop/iidiaster ophidianus dans une coupe verticale de l'ambulacre ; mais l'auteur n'en parle pas dans son texte. J . Millier ^ dit qu'il n'a trouvé aucune trace de squelette calcaire dans les pieds et en particulier dans leurs extrémités. — Les types étudiés par lui sont VAsteracunthïon i'uOens,YAstropecten,\esSolasler papposus et endeca, YAsteriscus verruculatus, la Luidia Savignii et V Astrogonium cuspidatum. Je ne puis que confirmer l'exactitude de ses résultats, et sans doute avait-il paru suffisamment démontré que les spicules faisaient toujours défaut, puisqu'on ne s'en est plus occupé. Toutefois, si nous examinons un Ophidiaster ou une Linckia, nous verrons sur le bord de la ventouse un cercle de spicules plats et aréo- les disposés sur une seule ligne ^ Le tube ne contient pas de spicules. Voilà un troisième type d'ambulacres. Nous en trouvons un quatrième dans les Pentaceros ou les Culcita par exemple. Ici la ventouse est garnie d'une couronne large et épaisse, composée d'un grand nombre de spicules tabulaires et aréoles, dis- posés toujours à plat *. D'autres spicules plus simples, branchus ou en forme de bâtonnets, sont épars sur cette couronne, et on en voit aussi quelques-uns en dedans et en dehors. Le tube contient des spicules simples, droits ou lé- gèrement branchus, disposés transversalement, et qui deviennent très- rares en approchant delà ventouse. Cesspicules, assez irréguHèrement disposés, limitent cependant sur un côté une avenue assez large, qui va en se rétrécissant un peu de la base du tube à la ventouse, et sur les côtés de laquelle ils sont plus rapprochés que dans le reste du tube. Cette disposition se voit fort bien sur le Pentaceros muricatus par exemple. Nous avons donc ici un quatrième type d'ambulacre. La comparaison de ce dernier type avec les ambulacres des Oursins présenteun grand intérêt. Onne peut malheureusementpastirer,comme dans ces animaux, des caractères de classification, de l'étude de ces corpuscules calcaires. Ainsi, on les voit dans les 0/9/«'(//as^er, mais je n'ai pu les retrouver dans les Scytaster qui leur sont si voisins ; ils existent 1 Beitrœge zur Anatomie der Echinodermen [Jenaisch Zeitschrift, t. X, pi. XVII, fig. 8. 2 Bemerkungen uber die Métamorphose der Seeigel (MUller's Archiv, 1848, p. 119). 3 Voir pi. XVI, fig. « et 10. 4 kl, fig. 9 <'tll. SQUELETTE DES STELLÉHIDES. 65 dans les Linckia, mais non dans les Chœtaster; enfin, dans la seule tribu où leur présence soit constante, celle des GoMAsrEtii!\.E, les cou- ronnes peuvent être ou simples coirime celles de la Linckia dans le Goniodiscus, ou extrêmement compliquées comme dans la Culcita, et cependant la forme des spicules et même leur dimensions chan- gent peu. Enfin tantôt il existe des spicules dans le tuJDe et tantôt ils y font complètement défaut. On ne pourra donc tirer que des caractères fort accessoires de cet examen. Aussi me suis-je borné à donner deux exemples de ces cou- ronnes de spicules : un très-simple, l'autre très-compliqué, à un gros- sissement uniforme de cent vingt diamètres'. Il m'a paru sans intérêt de figurer les spicules du tube, non plus que ceux qui se rencontrent parfois, très-clairsemés, dans la paroi des vésicules ambulacraires. SYSTÈMES INTERBRACHIAUX. Dans les Astéries adambulacraires, la division des bras, quelque ac- centuée qu'elle soit, ne va jamais jusqu'à la bouche ; il existe donc un espace interbrachial ou ai7'c interhrachiale. Cet espace est assez fréquemment divisé par une véritable muraille d'ossicules, disposée verticalement entre les faces dorsale et ventrale, et faisant parfois saillie à leur surface ^. Cette muraille s'avance généralement jusqu'à l'odontophore ; mais souvent elle est loin d'être complète, et parfois limitée à l'angle de réunion des deux faces. Dans un grand nombre de cas, elle se réduit à une simple ligne d'ossicules allant de la face dorsale à l'odon- tophore. Enfin elle peut faire complètement défaut. Je désignerai sous le nom général de systèmes into' brachiaux ces séries variables de pièces, qui sont uniformément affectées de la lettre /sur les nom- breuses sections interbrachiales que renferment mes planches, t.e sont en effet des systèmes spéciaux ; l'arrangement des plaques du dos et du ventre ne subit le plus souvent aucune modification à leur niveau, et on ne saurait guère les considérer, en fait, comme un prolongement de l'enveloppe des bras, au moins dans les Astéries adambulacraires. Je ne saurais donc partager l'opinion de M. Gaudry, 1 Voir pi. XVI, fig. JO et 11. 2 Voir pi. XI, fig. i et 2, et pi. XII, fig. 2. ARCH. DE znni.. r,\p. f.t okn. — t. v:!, I-?"S. 5 ' 66 VIGUIER. qui du reste ne fait guère que les mentionner et paraît les avoir peu vus. M. Al. Agassiz, qui les nomme tantôt mterbrachial arcli, tantôt interbrachial partition, les a figurés chez quelques types dans son der- nier mémoire * ; mais les vues perspectives qu'il donne de ces systè- mes, encore revêtus de leurs parties molles, ne permettent pas de les comparer facilement entre eux. Lorsque le système interbrachial forme une muraille complète, la forme du corps ne saurait varier dans des limites bien étendues ; mais lorsqu'il n'existe qu'une ligne verticale d'ossicules, celle-ci peut se replier sur elle-même de façon à permettre des changements d'épais- seur très-considérables, comme dans les Culcita; nous allons voir que des muscles spéciaux sont alors chargés de rapprocher les deux faces du corps, lorsqu'il a été distendu. Les systèmes interbrachiaux fournissent par leur absence ou leur présence, et dans ce cas par leurs diverses formes, de bons caractères de classification ; on verra cependant qu'il y a quelques réserves à faire ; en outre, le fait de leur absence dans des familles très-différen- tes entre elles ne permet pas de compter absolument sur eux. Dans les Astéries ambulacraires, il n'y a pas à proprement pa rler d'aire interbrachiale ; les brassont divisés jusqu'à la bouche, et les piè- ces qui se trouvent exactement entre deux bras, dans l'intérieur du dis- que, peuvent être considérées comme la continuation des parois des bras^ Gela est surtout apparent chez les Heliaster, où les bras sont soudés sur une grande longueur^; toutefois dans les Pycnopodia, oh le sque- lette est si raréfié, la cloison interbrachiale est constituée principa- lement par la peau, et il n'y a dans cette cloison que quelques ossi- cules qui forment une rangée sur la face ventrale,et viennent s'appuyer sur l'odontophore. Après avoir parlé successivement des diverses parties du squelette qui sont susceptibles de fournir des caractères accessoires, je vais exposer maintenant le plan de la bouche, et décrire les différentes pièces qui entrent dans sa composition et qui fournissent les caractè- res principaux pour la détermination des familles. 1 Norlh American Slarfislies.- 2 Voir pi. V, fig. 3. ■' Voir pi. VI, fig. G, 7 ol 8, SQUELETTE DES STELLÏ^IRIDES. 67 BOUCHE. La bouche des Astéries n'a pas été décrite d'une façon un peu éten- due depuis Meckel \ Le type choisi par lui était VAsfropecten auran- tiacus ; aussi a-t-il compliqué sa description de tout ce qui se rap- porte aux pièces marginales et aux soutiens ambulacraires, qu'il regardait sans doute comme fort importants, et dont je ne veux pas m'occuper ici, puisque ce ne sont pas des pièces qui se retrouvent dans tous les types. En remplaçant les termes dont il se servait par ceux de la nomen- clature actuelle, voici sa description : « Près de la bouche les pièces ambulacraires deviennent plus courtes de l'axe vers les bords latéraux, plus longues de haut en bas, et plus étroites de dehors en dedans. Les apophyses dont elles sont garnies en avant et en arrière sont plus imparfaites. Elles se rapprochent davantage les unes des autres. La pièce la plus interne s'épaissit subitement de dehors en dedans et parvient à surpasser au moins trois fois les pièces précédentes dans le sens de cette dimension.» Et plus loin : « Les quatre pièces de soutien situées le plus en dedans semblent remplacées par une pièce considé- rable, unique, située en avant et un peu sur le côté de la première pièce ambulacraire. En effet, tout à fait au-dessous de la base de deux rayons on trouve entre les vertèbres les plus internes une grosse pièce mobile en forme d'un Y, qui peut être considérée sans contredit comme la réuion des quatre pièces de soutien les plus internes. On pourrait, à la vérité, la regarder comme une analogue des pièces marginales inférieures également les plus internes; mais la première opinion paraît la plus juste, parce que les soutiens ambulacraires man- quent tout à fait, et que cette pièce en forme d'Y n'atteint pas la sur- face et ne porte pas d'épine mobile. Les pièces adambulacraires deviennent très-étroites à partir du cinquième article ; elles changent leur direction, jusque-là transversale en une oblique; de sorte qu'elles forment de dehors en dedans, avec l'axe du rayon, un angle très-obli- que. La dernière s'applique dans toute sa longueur contre la pièce du même nom du rayon voisin ^ » La fin de cette description est bonne, comme on peut s'en assurer > Loc. cit. ^ Traduction Hiester et Sanson, t. II, p. 2C. 68 VIGUIER. en regardant le type de Meckel \ On remarquera seulement que l'ap- parence delà dent chez V Astropecten étant très-semblable à celle d'une pièce adambulacraire ordinaire, Meckel n'a pas l'ait attention qu'elle en représente en réalité deux. Avec d'autres types, un Pentaceros par exemple, il ne fût pas sans doute tombé dans cette erreur. Quant à l'odontophore, qu'on reconnaît dans sa pièce en Y, bien que sa forme soit en réalité assez différente -, si l'on admet qu'il soit formé par la coalescence de quatre soutiens, ce qui ne ferait encore pas son volume, comment expliquerait-on sa présence dans les types nombreux où les soutiens n'existent pas? Faut- il donc admettre qu'un organe important et permanent soit produit par la coalescence de pièces qui ne se rencontrent que fort rarement ? Pour la bouche des Astéries ambulacraires on ne trouve de descrip- tion que dans W. Sharpey ', que j'ai déjà cité plus haut, et qui se fait une idée assez peu exacte de la bouche d'un Asterias. « Les pièces calcaires forment inférieurement un anneau autour de la bouche, et une série de segments transversaux, placés en ligne le long du plan- cher de chaque rayon. Le premier de ces segments est relié avec l'an- neau ; ils décroissent en volume en approchant de l'extrémité du bras, et laissent entre eux des ouvertures pour le passage des pieds. Dans Y Asterias rubens, qui a cinq rayons, l'anneau central est formé de dix grosses pièces et de cinq plus petites. Les premières sont disposées en paires opposées au commencement des rayons ; les dernières cor- respondent aux angles entre les rayons. » Il est évident qu'ici Sharpey a pris pour une seule pièce la réunion des deux dents, et rien dans sa description ne peut faire soupçonner la présence de l'odontophore. M. Gaudry s'est peu étendu sur ce sujet; « chaque moitié de seg- ment (de rayon) estformée de tronçons. Ces tronçons sont sensiblement les mêmes depuis la bouche jusqu'à l'extrémité des bras; seulement, contre la bouche, les deux ou trois premiers se soudent pour former une base résistante ; les tronçons suivants ne diffèrent entre eux que par la dimension, qui décroît progressivement de la bouche aux extrémités \ » > Voir ])1. XV, fig. 2. 2 Voir pi. XV, fig. !i 3 Art. Echinodermaln, loc. cit. '* Loc. cit., p. 17. SQUELIiTTE DES STELLÉIUDES. G9 M. A. Agassiz est beaucoup plus explicite : « Dans les Astéries pentagonales, les plaques qui forment ce qu'on nomme les mâchoires, sont de grosses plaques interambulacraires qui s'étendent au loin vers le centre de la bouche, où elles se ren- contrent presque pour former, avec les papilles, ce qu'on appelle les mâchoires et les dents des Astéries ^ « Dans toutes les Astéries pentagonales, le fait que les pièces mâchoires sont simplement les plaques interambulacraires du dernier segment, modifiées, est très-apparent; de même aussi que les plaques interbrachiales qui forment la base de l'arc interbrachial sont seule- ment une partie modifiée des plaques interambulacraires, formée par la soudure des parties latérales internes des plaques interambula- craires opposées qui font partie du segment des mâchoires ^. « Dans aucun autre genre d'Astéries, nous ne trouvons une aussi grande simplicité de structure de l'anneau buccal, que dans VAstro- pecfen et la Luidia. Ordinairement, les plaques ambulacraires et interambulacraires des bras ne diffèrent pas d'une manière essen- tielle, excepte à l'anneau buccal formé, dans la plupart des Astéries, par une modification du dernier segment, assez considérable pour rendre quelque peu difficile de retracer l'homologie de ces parties. Ce dernier segment est très-simple dans VAstropecten, n'étant que légèrement modifié et différent des autres principalement en lon- gueur. L'homologie que j'ai cherché à établir pour les mâchoires peut donc être vue, là, dans sa forme la plus simple ^. » M. Agassiz admet donc, comme Meckel, que la dent de VAstro- pecten, si semblable à une pièce adambulacraire, n'en est qu'une légèrement modifiée, et il généralise de là à tout le groupe. Nous verrons en réalité que, pas plus dans V Astropecten qu'ailleurs, la dent ne représente une pièce unique, mais toujours deux pièces au moins. Quant à la bouche des Asteriad.e, M. Agassiz n'en dit rien de spécial, mais le fait môme qu'il rapproche le Solasfer papposus du P>/cnopodia, prouve qu'il n'en avait pas fait une étude aussi appro- fondie que du Pentacei^os. Dans l'ouvrage de M. Sars sur le Bris'mga, on trouve une homolo- ' North American Star fishes, [). 110. « Ici., p. 109. ■' !d., p 118. FiG. A. — Bouche du P^ntaceros hirritus, vue en dessus, le dos enlevé. Les parties molle sont été enlevées à deux paires de dents, et l'odontopliore à l'une d'entre elles, pour mieux faire voir leurs rapports. 1 . Les dents formées par les deux premières pièces adambulacraires, et limitant avec : 2. La première pièce ambulacraire, due aussi à la coalescence de deux pièces, lo premier orifice ambulacraire, 3, dans lequel s'engage l'apophyse correspon- dante de l'odontophore, 4. 5. Apophyse en aile où s'insèrent les muscles adducteur et abducteur. 6. Pièce ambulacraire normale. 7. Son apophyse supérieure. 8. Muscle transversal supérieur, ourranl le sillon. 9. Muscle longitudinal supérieur. 10. Muscle de la série 8, mais ayant ici un plus grand développement. 11. Muscle abducteur des dents. 12. Muscle adducteur des dents. 13. Ligaments croisés qui le recouvrent, et qui ont été coupés en 12 pour laisser voir ses insertions. 14. Muscle interdentaire. 15. Muscle dorso-vcntral écarté pour laisser voir 16, le canal hydrophore, accolé îi la face orale du système interbrachial, 17. SQUELETTE DES STELLÉRIDES- 71 galion de la bouche de cet animal avec celle du Solaster endeca D'après les planches de M. Sars, malgré ses deux rangées d'ambu- lacres, le Dràinga a la bouche construite sur le plan de celle des AsTERiADiE; l'homologation, possible^avec le Solaster, comme nous allons le voir, aurait donc été plus directe avec un Asterias. Mais on voit, par sa description, que M. Sars n'a pas reconnu l'existence de deux types nets et distincts dans la bouche des Astéries. En réalité, les bouches de tous ces animaux, non-seulement peu- vent être rapportées à un de ces deux types, mais les différences qu'elles présentent ne portent que sur les dimensions relatives des pièces et non sur leur disposition. Il n'y a donc rien de plus constant, malgré des apparences diverses, que la structure de la bouche dans chacune de ces deux divisions; et nous allons voir que ces deux types se laissent parfaitement homologuer entre eux. FiG. B. — Une paire de dents, vue du centre de la bouche (les chiffres ont la même valeur que ci-dessus). 18. Surface par où la première pièce ambulacraire est en rapport avec la pièce correspondante de l'autre côté du sillon. 10'. Surfacejd'insertion du]|muscle 10. Sur les schémas A-G, qui représentent les pièces du squelette, j'ai figuré aussi les muscles, que je décrirai à mesure, et dont on ne trouve pas la disposition indiquée par les auteurs. Commençons par la bouche, un peu plus compliquée, du type à deux rangées d'ambulacres. Le schéma A représente la bouche d'un Pertaceros tiirritus vue par sa face supérieure, ou interne, le dos de l'arimal étant enlevé. Sur une des paires de dents, les parties molles son', enlevées et l'odontophore conservé pour bien montrer sa posi- tion; sur l'autre paire, outre les parties molles, j'ai enlevé aussi l'odontophore, pour mieux laisser voir la forme des dents. Pour 7^2 VIGUIEU. avoir une idée plus parfaite de la forme de l'odontophore, on peut se reporter à la figure li (pi. XII), qui représente celui du Pentaceros muricatus, espèce très-voisine, dans quatre positions différentes. Le FiG. G. — Dents de deux paires voisines, vues du centre de la bouche (les chiffres ont toujours la même valeur). schéma D représente trois dents voisines, dans leur situation nor- male, vues du côté de la bouche ; enfin, pour mieux montrer leur rapports, les schémas Bet G représentent : le premier, deux dents.de FiG. D. — Trois dents voisines dans leurs rapports normaux (mêmes chiffres que ci-dessus). 19. Premier muscle transversal inférieur, fermant le sillon. 20. Première pièce adambulacraire normale. la même paire; le second, deux dents de deux paires voisines sup- posées vues du centre même de la bouche, c'est-à-dire exactement le face. Sur tous ces schémas, les mêmes numéros désignent les mên:es choses, pour rendre la description plus facile. La composition du bras, telle que nous l'avons vue, ne varie pas jusqu'à la bouche; mais là nous trouvons un cercle formé de dix grosses pièces que l'on appelle" les mâchoires, et qui sont d'une a];pa- SQUELKTTK DES STELLÊHIDHS. TA rencc tout à fait spéciale. Leurs homologies sont toutefois assez faciles à établir. Chacune de ces dix pièces est en efTet percée d'un trou (3), par lequel passe souvent un ambulacre, et, par une macé- ration prolongée dans la potasse, se partage en deux, suivant une ligne qui passe à travers ce trou ambulacraire. On a ainsi deux pièces distinctes : l'une la dent (1) et l'autre qu'on peut appeler le support de la dent (2). Cette dernière, fort large et épaisse en haut, est comme bifurquée inférieurement; la branche du côté oral, qui est la plus épaisse, est fort courte, tandis que l'autre, qui est un peu plus grêle, descend au même niveau que les pièces ambulacraires du bras. La partie supérieure, très-épaisse, comme nous l'avons vu, s'unit à son homologue de l'autre côté du sillon, de la même manière que deux pièces ambulacraires d'une même paire. Seulement, les pièces étant plus hautes, cette articulation est un peu plus élevée que la ligne des articulations homologues du même bras. Il est bien évi- dent aussi que le muscle (10), qui n'est en réalité qu'un muscle de la série (8), doit-être beaucoup plus puissant pour mettre en mouve- ment des pièces d'une dimension aussi considérable. La dent, qui forme la paroi inférieure du trou ambulacraire, se compose de deux parties faciles à distinguer : l'une, la dent propre- ment dite, qui s'avance dans l'intérieur de la bouche comme un coin, et dont la forme est très-facile à voir sur les divers schémas et sur les planches; l'autre, qu'on peut nommer la branche montante, et qui se réunit à la branche orale du support de la dent. Cette branche porte à son côté oral une apophyse en forme d'aile (5) qui se projette plus ou moins loin dans rintérieur de la bouche. A cette apophyse, on peut reconnaître deux faces, l'une ambulacraire, tournée vers son homologue de l'autre côté du sillon ambulacraire du même bras, l'autre interambulacraire ou interbrachiale, tournée vers son homo- logue de la même paire de dents. Sur chacune de ces deux faces s'insère un muscle spécial; mais ces insertions n'ont pas lieu au même niveau. C'est à la partie supérieure et ambulacraire de l'apo- physe que s'insère le muscle que je nommerai abducteur (11), puis- qu'il écarte les dents d'une même paire. C'est au contraire à la moitié inférieure de la face interambulacraire que s'attache le muscle (12) qui rapproche l'une de l'autre les dents d'une même paire, et que, pour cette raison, je nommerai muscle adducteur. La puissance de ces deux muscles abducteur et adducteur est sensiblement la même . Ils forment tout autour de la bouche un anneau complet, interrompu 74 VIGUIER. seulement par les apophyses d'insertion, et, en se contractant simul- tanément, ils ferment l'entrée de cette ouverture. 11 faut remarquer que les pièces (1) et (2) sont intimement unies, et d'une façon abso- lument rigide, de sorte que les mouvements ont lieu comme si elles ne constituaient en réalité qu'une seule pièce. Les mouvements dé- terminés par le muscle (10) se passent presque entièrement autour de l'articulation longitudinale qu'il recouvre, et son antagoniste est le muscle (19). Quant aux mouvements que déterminent les muscles abducteurs (H) et adducteurs (12), ils consistent en des mouve- ments de bascule de la totalité des mâchoires avec l'odontophore comme centre. Vodontop/iore (4) est une pièce impaire, située exac- tement sur la ligne qui sépare deux bras contigus, et qui est divisée en deux moitiés symétriques par un plan vertical passant par cette ligne. Cette pièce est toujours unique, et ne manque jamais; on ne saurait la comparer en rien aux pièces du système interbrachial, qui souvent font entièrement défaut, qui, quand elles existent, ne pré- sentent entre elles qu'une similitude dans la disposition d'ensemble, et varient en réalité de forme et de grosseur, non-seulement dans deux animaux de la môme espèce, mais dans deux aires interbra- chiales d'un même animal. L'odontophore est, lui, absolument sem- blable deïorme et de dimensions dans les cinq angles buccaux, comme les mâchoires elles-mêmes. C'est donc une pièce spéciale, qu'il con- vient de distinguer avec soin. Je reviendrai tout à l'heure sur ses homologies. L'odontophore est généralement armé de deux apophyses plus ou moins saillantes, comme on peut le voir sur les diverses figures. Ces apophyses s'engagent dans les trous ambulacraires (3), et les deux dents d'une même paire peuvent ainsi osciller dans des limites plus ou moins étendues, suivant les dimensions relatives du corps et des apophyses de l'odontophore. Elles sont assujetties à cette pièce par des ligaments qui s'attachent, d'une part sur les apophyses de l'odon- tophore, et d'autre part au pourtour des trous correspondants. Les mouvements sont, comme nous l'avons dit, principalement déter- minés par le muscle abducteur (il) et le muscle adducteur (12), qui s'insèrent aux apophyses aliformes; un ligament croisé (13), qui s'at- tache directement au-dessous des insertions de ce dernier muscle, et qui va se perdre à la face supérieure du côté ventral, et sur les côtés du système interbrachial, assujettit l'odontophore et l'empêche de se déplacer pendant les mouvements des mâchoires. Ce ligament SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 75 a été coupé (12) pour laisser voir la totalité du muscle. 11 existe un autre muscle auxiliaire de celui-ci, et qui s'attache aux deux sur- laces en rapport des dents d'une même paire (14). Ce muscle est recouvert d'un ligament assez résistant. Je le nommerai, à cause de sa situation, muscle interdentaire. Les mouvements d'adduction se- raient donc plus forts que ceux d'abduction, s'il n'existait aussi un muscle auxiliaire du muscle abducteur (11). Ce muscle auxiliaire (19) n'est autre qu'un de ceux de la série des transversaux inférieurs, qui a pris un développement en rapport avec le volume des pièces à mouvoir. Pour terminer l'étude de la musculature, il ne nous reste plus qu'à parler des muscles dorso-vent7'aux (15). Ces muscles, qui n'ont été conservés qu'à une paire de dents, sont aussi au nombre de dix. Ce sont des faisceaux assez grêles et à peu près cylindriques, qui s'in- sèrent inférieurement sur les mâchoires, en avant du trou ambula- craire, et se portent verticalement en haut jusqu'à la face inférieure du dos, où ils n'ont pas de point d'attache bien déterminé, et se per- dent dans les fibres entrelacées de la peau. D'après leurs insertions, ces muscles ne peuvent qu'effectuer le rapprochement des deux faces du corps, lorsque celles-ci ont été distendues d'une façon passive par les corps ingérés, et sans doute ce mouvement a pour but de per- mettre à l'animal de se débarrasser des substances inutiles à l'ali- mentation, comme par exemple le test des mollusques dont il fait le plus ordinairement sa proie. Pendant leur contraction, l'arc inter- brachial se replie sur lui-même; toutefois, lorsque le système inter- brachial forme une muraille complète, ces mouvements ne sauraient avoir qu'une étendue assez limitée. Sur la figure A, les muscles dorso-ventraux ont été un peu écartés pour bien laisser voir les rapports du canal hydrophore, qui suit tou- jours la face orale du système interbrachial, quand celui-ci existe, et occupe en tous cas une position correspondante. Il débouche, comme nous l'avons dit, dans l'anneau buccal en passant sur le côté oral du muscle adducteur (12). L'anneau vasculaire repose dans la gouttière circulaire formée tout autour de la bouche par le bord inférieur des apophyses aliformes et la face supérieure des dents ; c'est aussi au bord de cette gouttière que s'attache la membrane fibreuse qui ferme horizontalement cette large ouverture, et au centre de laquelle se trouve l'orifice d'entrée de l'appareil digestif. Si nous examinons maintenant la bouche d'une Astérie à quatre 1(\ VIGUIKK. rangées d'ambulacres, soit VAsterias glaclalk (schéma E), nous allons trouver des modifications assez importantes dans la forme des pièces. Pour faciliter la comparaison avec le type précédent, la vue E cor- respond à la vue A, et les schémas F et G respectivement aux schémas B'etC. Pour toutes ces figures, les mômes numéros désignent les mêmes pièces. PiG. E. — Bouche de VAsterias glacialis, vue en dessus, le dos enlevé (les numéros ont la même signification que dans les schémas précédents). En regardant la paire où les mâchoires sont dénudées et l'odonto- phore enlevé, on voit tout de suite que la grande différence d'aspect des deux types débouches est due à ce que, àa.ns VAsterias, le sup- port de la dent (2) s'est développé considérablement dans le sens longitudinal du bras, et fait saillie à l'intérieur de la bouche, tandis que la dent elle-même (1), qui, dans le Pentaceros, arrivait presque à fermer l'orifice buccal, est très-réduite, complètement tronquée du côté oral, et plus écartée du centre de la bouche que son support lui-môme. Dans dépareilles conditions, il est évident que les mouve- SQUELKTTE DES STELLERIDES. 77 ments des mâchoires sont devenus beaucoup moins importants; aussi voyons-nous l'odontophore (-4), au lieu d'être, comme dans le type précédent, armé de deux apophyses, autour desquelles peuvent osciller les mâchoires, se composer seulement d'une grosse masse FiG. F. — Une paire de dentSj vue exactement du centre de la bouche (mêmes chiffres que ci-dessus). taillée en coin à sa face inférieure et enfoncée entre les deux dents qui reposent par de larges surfaces sur les deux plans obliques de ce coin. Deux larges fossettes, que l'on voit à la face inférieure de tous les odontophores de ce type^ servent à Tinsertion d'un ligament très- FiG. G. — Dents de deux paires voisines, vues du centre de la bouche (toujours mêmes chiffres). fort qui réunit chacune de ces moitiés à la dent correspondante. 11 faut voir, pour la forme de l'odontophore, la planche V, fig. 3, 12 et 14, et pour la position relative des dents et de l'odontophore, la planche V, fig. 6. Il faut toutefois remarquer que, dans cette der- nière figure, l'odontophore est un peu trop enfoncé entre les dents, qui sont normalement moins [écartées. Ce rapport est plus exactement indiqué sur le schéma F, où les parties molles maintenaient mieux l'union des pièces. 1 Voir pi. V ol VI. 78 VIGUIER. Il esl évident, d'après la forme et la position relative des dents et de rodontophore chez VAsteinas, que celui-ci n'a plus guère pour fonctions que de consolider le cercle formé par les mâchoires. Aussi les apophyses aliformes auxquelles s'insèrent, dans le premier type, les muscles spéciaux les plus puissants de la bouche, ont-elles ici complètement disparu. Il n'en est pourtant pas de même des muscles que nous retrouvons (voyez H et 12) s'insérant toujours sur la pièce (1), mais ici simplement sur les bords presque droits de cette pièce. On peut voir aussi le muscle interdentaire (14) extrêmement réduit; enfin, là comme dans l'autre type, le premier muscle trans- versal inférieur, qui s'insère sur la pièce (2) et qui est masqué sur le schéma G par le muscle (II) s'attachant, lui, à la pièce (1), peut être considéré comme l'auxiliaire de ce muscle (II). Quant au muscle dorso-ventral (15) (schéma A), il est désormais sans usage, et on n'en trouve pas de trace dans VAsterias, où les deux faces de l'animal sont maintenues à une distance à peu près invariable par la muraille interbrachiale*. Nous avons donc, comme dans le Pentaceros, vingt muscles dis- posés en cercle autour de la bouche, ou vingt-cinq en comptant les muscles (10), qui sont indirectement adducteurs des dents; mais ici la forme de la bouche varie peu, et tout cet appareil musculaire n'a plus guère d'autres fonctions que de maintenir en rapport les pièces calcaires qui constituent le cercle oral. Toutefois, il est, comme nous venons de le faire voir, parfaitement homologue, comme le sont ces pièces elles-mêmes. Comment faut-il comprendre maintenant la constitution de celles- ci? Si, comme Meckel et M. Agassiz, on ne voit dans les mâchoires que les pièces modifiées du dernier segment, je ne sais trop comment on pourra expliquer la présence de ce trou (3), par lequel on voit, le plus souvent, passer un ambulacre. Cette explication devient au con- traire des plus aisées, si l'on admet avec nous que chaque mâchoire est constituée par quatre pièces soudées deux à deux : deux ambula- craires et deux adambulacraires, les premières formant le support de la dent, et les dernières la dent elle-même. Elles limitent à elles quatre un pore ambulacraire, comme cela se voit tout le long du bras, et, en réalité, rien n'est changé au plan général. Il faut toutefois convenir qu'en même temps qu'elles !5ubissent 1 Voir ?, pi. V, fig-. 3. SQUELETTE DES STELLÉRTDES. 79 cette sorte de coalescence, ces pièces ont éprouvé de grandes modifi- cations dans leur forme, surtout dans le type à deux rangées d'am- bulacres, oi^i l'on voit se développer les apophyses en ailes; et, à ce propos, il faut remarquer que les pièces adambulacraires, qui, dans toute la longueur du bras, ne donnent attache à aucun muscle trans- versal, supportent ici toute la musculature spéciale de la bouche, qui affecte précisément cette direction transversale. C'est une preuve de plus que cet appareil musculaire est un appareil spécial, sans homo- logue dans le reste du corps. Pour revenir aux mâchoires, »ous concluons donc qu'elles sont formées, dans l'immense majorité des cas, par quatre pièces : deux am- bulacraires et deux adambulacraires, soudées deux à deux. Je ne connais jusqu'à présent que le Ctenodlscm ', oii l'on puisse constater la présence de cinq pièces, deux adambulacraires pour la dent, et trois ambulacraires pour le support, comme le démontre la présence de deux pores ambulacraires. Dans tous les cas, celle des pièces am- bulacraires soudées qui est la plus éloignée de la bouche paraît augmentée de volume, et la fossette triangulaire qu'elle porte pour l'insertion du muscle transversal inférieur est plus grande, quelquefois de beaucoup, que les fossettes semblables des autres pièces ambula- craires du bras ; pour celle des plaques ambulacraires soudées qui est la plus près de la bouche, elle paraît fort réduite, et presque dis- parue ; mais on ne saurait la regarder comme constituant l'apophyse en forme d'aile, puisque celle-ci fait partie de la dent, et appartient, par conséquent, à la série adambulacraire. Dans la dent elle-même, la modification est si considérable, que l'on ne saurait pas déterminer ce qui est formé par l'une ou l'autre des pièces adambulacraires qui entrent dans sa constitution. Qu'est-ce maintenant que l'odontophore? D'après Meckel, ce serait le produit de la fusion des quatre soutiens ambulacraires les plus rapprochés de la bouche. D'après M. Agassiz, ce serait, au contraire, « une partie modifiée des plaques interambulacraires, formée par la soudure des parties latérales internes des plaques interambula- craires opposées, qui font partie du segment des mâchoires. » Quant à moi, je ne saurais prendre parti ni pour l'une ni pour l'autre de ces deux hypothèses. Qu'est-ce que c'est que ces patHies latérales internes des plaques interambulacraires dont parle M. Agas- ' Voir pi. XV, i\g. 19. 80 VIGUIER. siz? J'avoue que je serais fort embarrassé de répondre à celte question, en voyant les plaques adambulacraires fort simples tout le long du bras. Ensuite, on remarque que la position de l'odontophore est tou- jours supérieure à celle des séries adambulacraires. L'hypothèse de Meckel répondrait un peu mieux à la position, et, jusqu'à un certain point, à la fonction; mais il faut observer que l'odontophore a ses rapports principaux avec les pièces adambulacraires, et non avec les pièces ambulacraires, comme cela se voit surtout dans le type As- terias. Je me bornerai donc, sans chercher à expliquer par quelque autre hypothèse la constitution de cette pièce particuhère, à signaler son importance toute spéciale dans la classification. Sa forme varie, en effet, ainsi que celle des dents, dans les différentes familles du groupe, et fournit, avec celle-ci, les caractères principaux pour le classe- ment. Comme j'aurai fort souvent à citer V odontopliore dans le cours de ce travail, je lui ai donné ce nom, qui a le double avantage d'indiquer son rôle et de ne rien préjuger sur sa constitution. En résumé, l'ai-mature buccale des Astéries se compose d'un nom- bre de pièces égal au nombre des bras multiplié par cinq ; mais les pièces interbrachiales auxquelles j'ai donné le nom d'odontophor'es ne contribuent pas à former le contour de la bouche, qui est toujours limitée par un nombre de pièces égal au nombre de bras multiplié par quatre. Ces pièces sont de deux sortes, les unes ambulacraires, les autres adambulacraires, disposées toujours par paires alternantes. Suivant que nous regardons l'un ou l'autre de nos deux types, nous voyons tantôt les paires ambulacraires se projeter au dedans de la bouche, tandis que les adambulacraires demeurent éloignées du centre de cette ouverture; tantôt, au contraire, les adambulacraires s'avancer à leur tour presque au centre de la bouche, tandis que les ambulacraires, raccourcies et verticales, en restent plus éloignées. Pour marquer nettement cette différence de type, il m'a paru utile d'employer des expressions rappelant cette disposition différente. Aussi je propose de nommer bouche à tijpe amôulacraire, ou plus sim- plement bouche ambulacraire , la bouche de VAsterlus, et bouche adam- bulacraire celle du Pentaceros. Les Astéries de chacune de ces deux grandes divisions seront nom- mées, pour plus (le simplicité, Asléries ambulacraires el Astéries adain- bulacrfiires. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 81 Nous avons donc maintenant une grande coupe parfaitement établie dans le groupe des Astéries. Jusqu'à présent je me suis servi des termes, usités jusqu'ici, d'As- téries à deux et à quatre rangées d'ambulacres; c'est qu'en effet, dans la très-grande majorité des cas, il y a concordance entre ces deux caractères. Toutefois, les Astéries ambulacraires n'ont pas toujours quatre rangées d'ambulacres, et, de même, les Astéries adambulacraires peuvent en avoir plus de deux. Il suffit d'examiner les belles planches du mémoire de M. Sars sur le Brisinga, et surtout la planche IV, pour s'assurer que, malgré ses deux rangées d'ambulacres, le Brisinga a la bouche constituée sur le plan de celle de VAsterias, et appartient par conséquent au type am- bulacraire. 11 en est de même du genre Pedicellaster et du genre Labidiaster, que M. Lutken* cite comme renversant l'opinion de M. Perrier, que les pédicellaires croisés caractérisent les Astéries à quatre rangées d'ambulacres. Ici, en effet, on ne trouve que deux rangées de ces organes, tandis qu'on constate l'existence des pédicel- laires croisés. Dans sa Révision des Stellérides^, M. Perrier répond, avec juste raison, qu'il n'a pas propose ces deux caractères comme corrélatifs l'un de l'autre, mais comme le plus ordinairement superposables; et, forcé de choisir entre les deux celui qui doit déterminer la grande division du groupe, il se détermine pour les pédicellaires croisés, plutôt que pour le nombre de rangées de pieds ambulacraires. Si nous considérons que le Brisinga ^ possède des pédicellaires croisés, et que sa bouche appartient au type ambulacraire, tandis que ses ambulacres sont sur deux rangs, nous ne pourrons que nous ranger à l'opinion de M. Perrier. Jusqu'ici, en effet, les pédicellaires croisés appar- tiennent exclusivement aux animaux ayant la bouche à type ambu- lacraire. J'ai le regret de n'avoir pu examiner ni Pedicellaster ni Labidiaster, ces espèces n'existant pas au Muséum ; mais le fait même que M. Lût- ken* déclare \& Labidiaster allié à la fois à Y Acanthaster [iy^Q adambu- lacraire) et au Pycnopodia (type ambulacraire) prouve qu'il n'a pas 1 Videnskaôelige M?ddelelser, 1871, p. ^89. 2 P. 13. 3 Loc. cit., pi. IV. * loc, cit. ARCII. DK ZOOI . V.W. r.T OHN, — T. '.'It, IS'S. 82 VIGUIER. examiné la bouche de ces animaux, et je suis persuadé que des re- cherches dans ce sens amèneront la confirmation de cette proposi- tion : les pédicellaires croisés sont caractéristiques du type ambula- craire. La première division du groupe des Stellérides aurait donc pour caractéristique : Bouche à type ambulacraire ; pédicellaires pédoncules droits ou croisés ; et, si l'on veut, accessoirement, tubes ambulacraires ordinairement quadrisériés. Dans le deuxième type, ou type adambulacraire, les ambulacres sont presque toujours sur deux rangs ; toutefois, dans le Pteraster multipes, découvert par Sars, on constate la présence de quatre séries de ces organes. Je n'ai point vu le Pteraster multipes ; mais ce genre Pteraster a une apparence si spéciale, qu'il est absolument invraisemblable qu'il y ait eu erreur de classification, et comme j'ai constaté que le Pte- raster caribxus appartient bien, en réalité, au type adambulacraire, je n'ai pas le moindre doute sur la place que doit occuper le Pteraster multipes. La caractéristique de la deuxième division du groupe des Stellé- rides sera donc désormais : Bouche à type adambulacraire ; pédicellaires sessiles, en pince ou valvulaires ; et accessoirement, tubes ambulacraires ordinairement bisériés. Ainsi, l'étude de la bouche nous a déjà fourni les moyens de sépa- rer la classe des Stellérides en deux grandes divisions. L'examen plus attentif des modifications que subissent dans leur forme les dents et l'odontophore va nous donner maintenant les moyens de distinguer les familles que comprennent ces divisions ; mais, avant d'entrer dans cette étude de détail, peut-être ne sera-t-il pas inutile de comparer cette bouche des Stellérides, que nous connaissons par- faitement désormais, avec celle des Echinodermes qui s'en rappro- chent le plus. En premier lieu, c'est dans les divers types d'Ophiurides : Astro- phyton, Ophioderma, Ophiocoma, que l'on a l'idée de rechercher ce que sont devenues toutes ces pièces si parfaitement déterminées dans les Astéries. Voyons d'abord, en. deux mots, comment on peut comprendre le squelette des Ophiuri.dcs. M. Duvernoy, qui s'est donné beaucoup de peine pour homologuer le squelette des Aslérics avec celui des Cairsins, a négligé les Ophiures, SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 83 et nous sommes privés des lumières que son esprit éminemment philosophique eût jetées sur la question. Pour M. Gaudry, les disques des Ophiures constitueraient un « sys- tème interne » parfaitement distinct du « sytème intermédiaire », qui existerait seul dans les Astéries, tandis que le premier y serait sans analogue. « Soumise, en général, à la loi d'imitation, la nature ne lui est cependant point invinciblement attachée; les bras des Ophiurides et des Euryalides ayant une longueur disproportionnée à leur largeur, et par là môme étant plus fragiles, ils ont été pourvus de pièces spéciales qui peuvent manquer absolument dans les Asté- ries '. » Il n'admet donc pas la théorie de Meckel, qui considérait les ossi- cules discoïdes comme les analogues des pièces ambulacraires inti- mement soudées entre elles. C'est pourtant cette opinion qui est à présent généralement admise. Je serai très-prudent, quant à moi, dans toutes ces homologations. C'est assurément une tendance fort louable que celle de comparer entre eux les animaux voisins, et de généraliser de plus en plus, pour arriver à la connaissance du plan général de la nature. 11 faut éviter, toutefois, de tomber dans cette manie qu'ont certains auteurs de vouloir retrouver à tout prix des organes similaires dans des animaux de types éloignés entre eux ; et je suis persuadé qu'il est absolument nécessaire d'avoir une connaissance approfondie des moindres détails de l'organisation des divers animaux à comparer pour pouvoir tenter utilement un travail de synthèse. Je ne saurais prétendre, au moins pour le moment, à une connais- sance parfaite de tous les types d'Echinodermes ; aussi ne ferai-je guère que rappeler les opinions de mes prédécesseurs, excepté toute- fois pour la bouche, que j'ai étudiée avec soin, et pour laquelle j'in- diquerai principalement les homologies de position des diverses pièces qui la constituent, homologies sur lesquelles on n'a point, à mon avis, suffisamment insisté. Je laisserai à d'autres le soin de décider si on doit considérer ces pièces comme les mêmes, plus ou moins pro- fondément modifiées dans les divers types, ou comme des parties dif- férentes entre elles, bien qu'occupant une position correspondante. Il est, avons-nous dit, assez généralement admis à présent que les dis- ques des Ophiurides correspondent au système ambulacraire des Asté- * Loc. cit., p. 21. 84 . VIGUIER. ries. Toutefois, M. Lyman, qui a fait, dans ces derniers temps, une étude approfondie des Ophiurides, convient, avec M. Gaudry, que l'iiomo- logie des disques est difUcile à indiquer. 11 fait remarquer avec juste raison que, dans les Ophiures, les système hydro-lymphatique, qui est au-dessus des plaques ambulacraires chez les Astéries, est au con- traire au-dessous des disques, et au-dessus seulement des plaques ventrales, qui seraient, à proprement parler, les plaques ambula- craires. Il serait téméraire à moi de décider là où hésite M. Lyman, qui connaît si bien la question ; en tout cas, je ne saurais admettre avec M. Al. Agassiz que les Brisinga servent de transition d'un type à l'autre, au point de « réduire à un mode de développement, compa- rativement sans importance, la lacune jusque-là existante entre les Astéries et les Ophiures ». Je partage, sur ce point spécial, les idées de M. Sars; le Brisinya est bien nettement une Astérie, et n'a pas plus qu'aucun des autres animaux de ce groupe de ressemblance avec les Ophiures, sauf peut-être pour l'aspect extérieur. Sa bouche est tout à fait une bouche de type ambulacraire, et ne ressemble pas plus à la bouche des Ophiures que celle d'un Asterias. Le squelette d'une Ophiure, en dedans du disque, est formé par : 1° les lignes d'ossicules unis comme des vertèbres, et qui se prolon- gent dans les bras ; 2° les plaques génitales ; 3° les boucliers radiaux ; 4" certaines pièces irrégulières arrangées le long du bord du disque ; 5" enfin, les fortes pièces fourchues qui forment les cinq angles de la bouche et supportent les dents K On admet que ces pièces fourchues sont formées par la division d'un disque sur sa ligne médiane, et la déviation de chacune des deux moitiés jusqu'à ce qu'elle rencontre la moitié correspondante du disque voisin à laquelle elle se soude... Chaque angle de la bouche est supporté par un squelette en forme de V, à la pointe duquel est la plaque mâchoire. Comme on l'a déjà dit, chacune des branches de ce V est formée (en totalité ou en partie) des moitiés d'un ou plusieurs disques, grandement modifiées. On a cru généralement, continue M. Lyman, qu'il n'y avait là qu'un disque modifié ; mais il doit y avoir évidemment deux disques modifiés dans chacune de ces branches, puisque nous trouvons deux pores «tentaculaires, tandis que dans 1 Th. Lyman, Uphiuridœ and Astropbylidœ new and old {BuHelin oflhe Muséum of Comparative /oologij, (Cambridge, vol. III, n" 10, p. 234. SQUELETTE DES STELLEUIDES. 85 aucunes Ophiure ou Euryale nous ne trouvons plus d'un tentacule, de chaque côté, à chacune des articulations. Ces pores sont visibles sur les schémas H, I et J, qui représentent chacun un cinquième de la bouche, vue en dessus (le dos enlevé), le FiG. H. — Mâchoire d'Astrophyton, vue en dessus, 0. Plaque osseuse péristomiale de J, IMiiller. premier d'un Astrophyton, le second d'un Ophioder^na et le troisième d'un Ophiocoma. Si l'on admet que les disques des Ophiurides correspondent aux f' FiG. I. — Mâchoire à'Oiphioderma, vue en dessus, 0. Plaques osseuses péristomiales. systèmes ambulacraires des Astéries, il y a là un point de ressem- blance, puisque nous avons vu les mâchoires des Astéries formées par la soudure des deux premiers segments de ces systèmes. Par l'ébuUition dans la potasse, on sépare de ces grosses pièces en V la pointe la plus interne, qui est, à proprement parler, la mâ- choire. Celle-ci ne porte pas de tentacule et est regardée, par Millier, comme une pièce interambulacraire (ou adambulacraire, ce qui la fait correspondre aux dents des Astéries), qui est soudée avec sa voi- 86 VIGUIEU. sine ; et sur l'angle ainsi formé est fixée la plaque mâchoire qui appartient au système cutané et qui, à son tour, supporte les dents. Cette plaque mâchoire, à laquelle Millier donne place dans toutes ses ligures de squelettes \ et qu'il nomme « torus angularis », est parfaitement démontrée, par M. Lyman, appartenir au système cutané. Je ne m'en occuperai donc point ici, et je ne l'ai pas figurée sur les schémas H, I, J. Elle est, du reste, sans analogue dans les Astéries. Si nous regardons toutes les figures que donne M. Lyman, nous FiG. J. — Mâchoire iVOphiocoma, vue eu dessus. voyons que cette pièce serait la seule (nous ne comptons, bien en- tendu, pas les dents, que Millier nomme « palaî angulares ») à occu- per une situation exactement interbrachiale. 11 nous faudrait donc renoncer à rien trouver ici qui corresponde à l'odontophore. Cepen- dant, sur les figures citées plus haut de Millier, et qui, il faut bien le dire, ne sont pas très-satisfaisantes, on voit, à cet endroit, une plaque ou un ensemble de plaques qu'il nomme simplement « plaques os- seuses péristomiales » , et qu'il déclare « à peine comparables » à l'odontophore des Astéries, parce que, dit-il, ce dernier ne saurait être compté comme une pièce interambulacraire. La raison ne me paraît point concluante. Il est certain que si l'on regarde chez VOphiocoma (J) les trois plaques minces comme des écailles o, qui sont nommées, par Millier, «plaques péristomiales », on aura quelque peine à y reconnaître un odontophore. Il en est à peu près de même dans YOphioderma (I), oîi elles ont cependant un développement plus considérable ; mais, si nous prenons un Astrophyton (H), nous trouvons, au lieu de ces trois écailles, une pièce unique, massive, enfoncée comme un coin entre > Ueber den Hau der Echinodermen {Alhandl. der Kdnigl. Ak. der Wissensch. zu Berlin, 1853, pi. VII, fig. 2-3. SQUELETTE DES STELLÉIUDES. 87 les deux mâchoires, ayant non-seulement la forme de certains odon- tophores, mais exactement leur situation interbrachiale. On ne saurait guère nier l'identité de plan entre VOphiocoma, VOp/tioderma elVAstrop/i/j/on, en regardant la série des schémas que nous donnons ici et qui sont dessinés à la chambre claire à d'assez forts grossissements. On ne peut donc pas se refuser à admettre l'homologie de cette pièce 0 de V Astrophyton avec les systèmes o de VOphiode)'ma et de VOphiocoma. Doit-on considérer cette pièce comme un odontophore ? Si l'on compare le schéma H aux paires de dents dénudées des schémas A et E donnés plus haut (p. 70 et 76), il faudra bien convenir qu'elle a d'un odontophore à peu près la forme, à coup sûr la situation inter- brachiale, qu'elle est absolument seule à occuper, et la fonction de consolidation du cercle oral. On pourrait alors admettre que l'odontophore est normalement formé par la coalescence de trois pièces, distinctes chez l'Ophiure et rOphiocome, plus ou moins intimement réunies chez les Astéries adambulacraires, où l'on distingue à cette pièce un corps et deux apophyses, enfin absolument confondues dans les Astéries ambula- craires, où la pièce paraît simple. On pourrait toutefois objecter à l'identiiication de cette pièce o àun odontophore, qu'elle est plus éloignée du centre de la bouche relati- vement aux mâchoires que chez les Astéries. Il n'en est pas moins vrai que c'est là la seule pièce à laquelle on puisse, dans les Ophiu- rides, comparer l'odontophore ; et je suis surpris que M. Lyman n'en parle pas dans son ouvrage. Peut-être ces minces écailles de l'Ophiure et de l'Ophiocome lui ont-elles échappé ; mais, s'il avait examiné une Euryale, son atten- tion eût été forcément attirée sur ce point. Quant à M. Agassiz, qui voit dans le travail de M. Lyman la preuve que les parties consti- tuantes de la bouche sont strictement homologues dans les Astéries et les Ophiures ^, il n'entre pas dans de plus grands détails et ne nous dit rien de l'odontophore. Faut-il maintenant, malgré toute l'incertitude qui règne dans ces homologations chez les types en apparence les plus voisins, chercher à établir des comparaisons avec des animaux encore plus éloignés ? ' Loc. cit., \}. 110. HS VIGUIKR. J'ai eu beau regarder avec le plus grand soin le cercle buccal des Holothuries, je me garderai de proposer la moindre théorie sur sa constitution. Quant aux Oursins, les difficultés ne sont guère moin- dres ; M. Agassiz avoue n'ètfe pas capable d' homologuer la dent des Oursins avec aucune des parties solides des Ophiures ou des Astéries. Je ne serai pas plus affirmatif que lui, et je me bornerai à présenter de brèves remarques pour prouver que la seule pièce que l'on puisse comparer, coqame position, à la dent des Oursins, est précisément l'odontophore des Astéries. Si nous prenons d'abord un Clypéastre, nous trouvons sur le test, exactement entre les ambulacres, des sortes de petites fourches sur lesquelles repose l'appareil dentaire. 11 semble donc que nous ayons là une pièce exactement interambulacraire : ce n'est toutefois qu'une apparence. En effet, en prenant un Oursin régulier, nous ne trouvons plus ces petites fourches, mais des arceaux développés, sous lesquels passent les nerfs et vaisseaux ambulacraires. Au premier abord il semble que ce soient là deux systèmes bien distincts ; mais si nous supposons que chacun des arceaux d'un Echinus soit séparé par le milieu et que chacune de ses moitiés se réunisse à la moitié semblable de l'arceau voisin, nous aurons reproduit exactement l'apparence du Clypéastre. 11 n'y a donc, pas plus chez l'un que chez l'autre, une pièce unique, exactement interambulacraire, mais deux pièces situées de chaque côté de la ligne interambulacraire, et qui peuvent se réu- nir deux à deux, soit sur cette ligne même (Clypéastre), soit sur la ligne ambulacraire (Oursin). FiG. K. — Mâchoire d'un Clypéastre, vue en dessus. m, mâchoire; e, épiphyse; d, dent. Examinons maintenant les mâchoires elles-mêmes ; bien entendu nous laisserons de côté les rotules des Clypéastres, ainsi que les faux et les compas des Oursins, qui sont situés sur la direction des ambu- lacres, et nous ne nous occuperons que des mâchoires elles-mêmes, qui sont situées entre les lignes ambulacraires. SQUELETTE DES STELLÉRIUES. 89 Dans le Clypéastre (K), si l'on fait abstraction des épiphyses e, fort petites, et sur lesquelles s'articulent les rotules, il ne reste plus que deux pièces volumineuses 7n, qui sont à proprement parler les mâ- choires, et qui s'unissent par une suture exactement située sur la ligne interambulacraire. C'est couchée sur cette suture que nous trouvons la dent d, qui est bien évidemment la seule pièce exacte- * FiG. L. — Mâchoire d'un Oursin régulier^ vue en dessus. e, épiphyse ; d, dent. ment interambulacraire. Il en est de même chez VEchlnus. Si nous regardons une mâchoire dans la position correspondante, nous ne voyons que les deux épiphyses e sur lesquelles s'articulent les faux et qui sont réunies par une suture droite sur la ligne médiane ; et en dedans de cette suture, la dentf/. En la regardant par la face externe, ^là^ FiG. M. — La même, vue par la face externe. (Mêmes lettres que ci-dessus.) nous voyons encore les deux épiphyses e, unies sur la ligne médiane, et au-dessous les deux mâchoires (exognathites de M. Milne-Edwards) soudées à ces épiphyses, et réunies, elles aussi, par une suture située exactement dans la ligne interambulacraire. En dedans de. cette su- ture repose la dent d, qui occupe seule, comme dans le Clypéastre, une position exactement interambulacraire. 11 m'a paru bon d'attirer l'attention sur ces faits ; mais on com- 90 VIGUIER, prendra qu'en présence des différences de toute nature qui séparent la dent des Oursins armés de l'odontophore des Astéries, l'homo- logie de position, si importante cependant, ne me permette pas de conclure à l'identité de ces deux pièces. Je n'ai point à traiter ici des homologations de l'ensemble du sque- lette dans les divers types d'Echinodermes, n'ayant pas de renseigne- ments nouveaux à fournir sur une question qui a déjà servi de matière ou de prétexte à des discussions philosophiques des plus compliquées. On trouve dans le mémoire de M. Agassiz un exposé des théories qui ont cours aujourd'hui dans la science ; j'ai fait plus haut quelques réserves à ce sujet. Je ne puis toutefois me dispenser de présenter quelques remarques sur une question très-controversée, celle de la polyzoïcité des Echinodermes. C'est en réalité Duvernoy qui est le premier auteur de ce qu'on nomme généralement aujour- d'hui la théorie d'Hœckel. a II y a longtemps, dit-il dans la note citée plus haut, que l'on a reconnu dans les Étoiles de mer un sque- lette intérieur, qui, s'il ne sert pas d'une manière complète à protéger les parties principales du système nerveux, comme chez les vertébrés, conserve du moins un des usages principaux de ce dernier, celui d'être l'organe passif de leurs mouvements. Dans l'Astérie qui a cinq rayons, il y a proprement cinq colonnes vertébrales. Ces colonnes, dont le nombre varie, dans les différentes espèces et dans les genres de cette famille, avec celui des rayons, sont plus ou moins libres vers leur extrémité caudale, et soudées par leur extrémité buccale. Les Astéries sont donc les serpents des Echinodermes, mais des serpents à plu- sieurs corps et à une seule bouche. » Il résulte de ces considérations que les Echinodermes pédicellés, qui sont de véritables animaux rayonnes, pourraient être envisagés comme composes d'animaux symétriques, sur- tout dans leurs organes de relation et de génération, dont les corps seraient réunis dans toute leur longueur (les Oursins et les Holothu- ries) ou libres dans une étendue plus ou moins grande de leur partie postérieure (les Astéries) \ On voit que la théorie de la polyzoïcité est ici très-nettement in- diquée ; il est vrai que M. Duvernoy n'indique pas que les animaux composant la colonie doivent être rapportés au groupe des Annelés, comme Ta fait depuis Hœckel. ' Comptes rendus de l'Ac. des sciences, V6 février 1837. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 91 On s'est beaucoup appuyé sur l'embryologie pour soutenir ces vues, et Huxley, s'emparant des recherches de Millier, et en tirant des con- séquences que cet auteur n'avait pas prévues, a proposé de réunir les Echinodermes aux Articulés. Les conclusions sont à coup sûr in- génieuses et originales, mais nullement concluantes, comme le dit très-bien M. Al. Agassiz '. Du reste, Huxley n'avait pas fait de recher- ches par lui-même. MentschnikofF^ a fait remarquer que le fait de la naissance des bourgeons qui produisent les bras de l'Astérie ne prouve rien en faveur de la polyzoïcité, et que c'est un phénomène de même ordre que le bourgeonnement des tentacules des Bryozoaires. Si chaque bras d'une Astérie était un animal distinct, l'appareil digestif se pro- duirait en même temps que le bras lui-même, et s'allongerait dans ce bras à mesure de sa formation, au lieu que les bras sont déjà for- més alors que l'appareil digestif n'est encore qu'un simple sac, qui se prolonge plus tard en caecums radiaux. C'est un fait analogue à la pénétration des prolongements de l'appareil digestif dans les pattes des Pycnogonides, ou dans les appendices dorsaux des ISudibimnches. M. Agassiz revient sur cette question dans son dernier mémoire^. « On pourrait aussi bien comparer, dit-il, le tube chymifère simple d'un Acalèphe avec un individu simple, et faire d'un Zygodactyle une communauté d'individus avec une cavité digestive centrale et unique. Le fait même que l'on peut suivre le passage entre un Zygodactyle et un Siphonophore prouve que l'on ne saurait regarder la multiplicité des tubes ambulacraires comme une preuve de structure composée ; et si nous en arrivons à l'articulation des bras, pouvons-nous la consi- dérer comme quelque chose de plus que l'adaptation du système am- bulacraire au dépôt de plaques calcaires, permettant certains mou- vements limités ? » Je ne veux point m'appesantir plus longtemps sur cette question, qui sort du cadre de mes recherclies personnelles; je ne puis toute- fois quitter ce sujet sans produire deux raisons qui ne me paraissent pas avoir encore été invoquées à l'appui de l'opinion que défend M. Agassiz, et que je partage pour mon compte. 1 The History of Balanoglossus and Tornaria,]}. 423. 2 Studien liber der Entwickelung der Medusen und Hiphonophoren (Siébold und Kol- liker's Zeitsch., 1874). s North American Starfishes. 92 VlGUlliK. La première est que, quelle que soit l'Astérie que l'on prenne, il est impossible de trouver une segmentation régulière du squelette général, correspondant à celle des séries ambulacraires et adambula- craires. Ainsi chez les Ophidiaster^ où le squelette, tant dorsal que ventral, forme des séries d'arcs d'une régularité admirable, il n'y a jamais concordance entre le nombre de ces arcs et celui des paires ambula- craires. Chez les Liddia, au contraire, oij les plaques marginales infé- rieures, ainsi que les trois ou quatre rangées latérales du dos, corres- pondent exactement aux pièces ambulacraires, nous voyons toute régularité cesser d'exister vers le milieu du dos. Dans les autres types, les différences sont encore bien plus frappantes, comme on peut s'en convaincre en jetant un simple coup d'oeil sur mes plan- ches. On pourrait objecter, il est vrai, que la segmentation n'a porté ici que sur le côté ventral, comme on le voit au début du dévelop- pement des Articulés ; mais il ne faut pas oublier que si nous avons affaire ici à des Annelés, c'est certainement à des animaux d'un type élevé, et je ne sache pas qu'il existe un seul Articulé d'un type supé- rieur où la segmentation soit incomplète. La deuxième raison est que les caecums radiaux n'ont pas leurs divisions correspondantes aux segments du corps, comme on le voit toujours chez l'Annelé. Peut-être me sera-t-il donné, par des recherches ultérieures, d'ap- porter de nouvelles preuves, pour ou contre, dans ce débat intéres- sant ; pour le moment, il me semble que la théorie d'Heeckel va au- delà des faits. Je bornerai là cette longue digression, et, reprenant l'exposé de mes recherches personnelles, je vais passer maintenant à la descrip- tion des espèces ; mais auparavant je crois utile de donner un tableau général de la nouvelle classification que je propose, et suivant la- quelle sont répartis les genres, dans le présent travail. Les noms marqués d'un (*) sont les genres qu'il ne m'a pas été possible d'examiner, et dont la place ne saurait être considérée comme fixée d'une manière définitive. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 93 CLASSE DES STELLÉRIDES. PREMIÈRE SOUS-CLASSE. — ASTÉRIES AMBULACRAIRES. BOUCHE DU TYPE AMBULA.CRAIRE. — PÉDICELLAIRES PÉDONCULES DROITS OU CROISÉS. AMBULACRES LE PLUS ORDINAIREMENT QUADRISÉRIÉS. I Odontophore simple, ambulacres quadrisériés, . . F. I. ASTERIAD/E. A. Squelette dorsal réticulé, bras ordinairement au nombre de cinq, dix ou douze au plus, disque petit lorsque les bras sont nombreux Asterias. B. Squelette dorsal presque nul, bras au nombre de cinq. 'Anasterias. G. Squelette dorsal formé de pièces allongées trans- versalement, imbriquées et disposées en séries longitudinales Slichaster. D. Squelette formé de plaques imbriquées aussi lon- gues que larges, peau nue "Calvasterias. E. Squelette dorsal presque nul, bras très-nombreux . Pycnopodia. II . Odontophore résultant de la coalescence de deu.x pièces : A. Ambulacres quadrisériés F. II. HELIASTERID.E. Un seul genre fleliaster. B. Ambulacres bisériés F. III. BRISINGIDiE. a. Des pédicellaires droits et des pédicellaires croisés, bras nombreux * Labidiaster . b , Des pédicellaires croisés seulement : 1 • Dix à douze bras *Brisinga. 2. Cinq bras seulement *PediceUaster. DEUXIÈME SOUS-CLASSE. - ASTÉRIES ADAMBULAGRAIRES. BOUCHE DU TYPE ADAMBULACRAIRE. — PÉDICELLAIRES SESSILES, EN PINCE ou VALVULAIRES. — AMBULACRES PRESQUE TOUJOURS BISÉRIÉSi I. Squelette dorsal formé de pièces réticulées, minces, étroites et imbriquées, et laissant entre elles des mailles au moins aussi grandes que les ossicules con- stitutifs du réseau; pas de soutiens ambulacraires. F. IV. EGHINASTERID.E. A. Dents très-petites, tronquées; odontophore simple, systèmes interbrachiaux réduits à quelques jiièces près de l'angle des deux faces du corps, pas de spicules dans les ambulacres, bras ordi- nairement au nombre de cinq T. l''". ECUliyASTEHLy/tC. a. Ossicules portant des mamelons pour l'insertion d'épines isolées Ecliinaster. b. Ossicules sans mamelons distincts pour l'inser- tion des très-petites épines qui les recouvrent dans toute leur étendue Cribrella. B. Dents petites , arrondies ; odontophore étranglé latéralement ; pas de systèmes interbrachiaux, 9* VIGUIER. pas de spicules dans les ambulacres, bras au nombre de cinq T. S". MlTHItUDlJSAi. Un seul genre Mithrodia. C. Dents petites, mais massives et pointues; odon- tophore ayant des apophyses articulaires bien marquées ; systèmes interbrachiaux puissants, rosettes de spicules dans les ambulacres, grands pédicellairesvalvulairessurleborddesbras.T.3''. yALVASTERlN^. Un seul genre , Valvaster. D. Dents très-grosses, arrondies ; odontophore' ayant des apophyses articulaires et une apophyse dor- sale; systèmes interbrachiaux très-minces, trian- gulaires, à sommet portant'sur l'odontophore ; pas de spicules dans les ambulacres; bras nombreux T. 4^. SULASTERia^. a. Ossicules dorsaux portant des piquants rayon- nants; une seule plaque madréporique. . . Solaster. b. Ossicules dorsaux ne portant chacun qu'une seule épine très-longue; plusieurs plaques madréporiques Acanthaster. II. Squelette formé d'ossicules arrondis ou quadrangulaires, disposés en séries longitudinales, au moins sur la face ventrale; des soutiens ambulacraires, . . F. V. LINGKIAD.'E. A. Dents très-petites; odontophore à apophyses peu marquées; systèmes interbrachiaux en muraille souvent incomplète ; soutiens ambulacraires por- tant sur la première rangée ventrale; face ven- trale des bras aplatie, formée au moins par trois rangées longitudinales de plaques, entre les- quelles on ne voit pas de pores tentaculaires : a. Squelette dorsal n'affectant jamais sur les bras une régularité absolue, au moins chez l'animal adulte, et n'étant pas constitué par des ossicules surélevés ; des spicules dans les ambulacres LincJda. b. Squelette dorsal des bras très-régulier, consti- tué par des ossicules surélevés et réunis en dessous par des pièces connectives; pas de spicules dans les ambulacres Chœtaster. B. Dents moyennes; odontophore à apophyses bien marquées; pas de systèmes interbrachiaux ; sou- tiens ambulacraires portant sur la deuxième rangée ventrale ; face ventrale porifère : a. Dents arrondies ; squelette dorsal très-régulier; bras arrondis ; spicules dans les ambulacres. Ophicliaster. b. Dents pointues; squelette dorsal irrégulier; bras aplatis en dessous; pas de spicules dans les ambulacres Scytasler. III. Dents aiguës ; bouche presque fermée ; pas de soutiens ambulacraires; squelette formé, au moins sur la face SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 95 ventrale, d'ossicules disposés de manière à, constituer • une sorte de pavage ; des plaques marginales géné- ralement bien distinctes F. VI. GONIASTERIDiE. A. Odontophore mince, et sans apophyses bien déve- loppées; pas de systèmes interbrachiaux; pas de spicules dans les ambulacres T. J". PEyiAGONASTERllS^ a. Pores tentaculaires sur la face ventrale. . . . Frumia. A placer peut-être à la suite de ce genre. . . 'Metrodira. b. Pas de pores sur la face ventrale : 1» Plaques marginales indistinctes Ferdina. * 2» Plaques marginales très-distinctes : a. Dents assez minces Penlagonasler. 3. Dents très-fortes, grands pédicellaires valvulaires sur les deux faces du corps. Hippasteria. B. Odontophore massif à apophyses très-développées ; des systèmes interbrachiaux, variables de forme, mais constants ; des rosettes de spicules dans les ambulacres T.2e. GOaiASTERiy^.. a. Plaques du squelette ventral portant chacune un grand pédicellaire valvulaire : 1° Squelette dorsal réticulé ou formé de pièces arrondies ; systèmes interbrachiaux fermant toute l'aire interbrachiale, et faisant saillie sur les deux faces du corps Anlhenea. 2° Squelette dorsal réticulé ; systèmes inter- brachiaux en arcs portant sur les odonto- phores, et non apparents à l'extérieur.. ■. . Goniasfer. b. Plaques squelettiques dorsales étoilées. . . . *Goniodiscus. Place encore indéterminée 'Nectria- c. Squelette dorsal réticulé ou formé d'ossicules allongés, plaques ventrales couvertes de gra- nules, avec parfois de petits pédicellaires : 10 Une paire de plaques marginales à l'extré- mité de chaque bras * Asterodiscus . 20 Corps épais, pentagonal, sans bras ; plaques marginales peu distinctes. Culcita. 30 Cinq bras courts et gros; plaques marginales non apparentes *Choriaster. 40 Corps pentagonal, carènes brachiales pres- que nulles, plaques marginales très-distinctes. *Nidorellia. 50 Bras bien distincts, presque toujours ca- rénés ; plaques marginales dorsales peu apparentes Pentaceros. 60 Derme lisse, recouvrant entièrement les os- sicules squelettiques qui sont très-plats. . . Gymnasteria. IV. Dents grosses et arrondies, bouche largement ouverte; odontophore massif à apophyses peu développées ; des systèmes interbrachiaux variables de forme ; pas de soutiens ambulacraires ; pas de spicules dans les ambulacres ; ossicules du squelette imbriqués, ar- rondis ou disjoints F. VII. ASTERINID.'E. 96 VIGUIER. A. Plaques marginales plus petites que les autres, ou tout au plus égales : a. Ossicules non imbriqués, recouverts de pi- quants *Patiria. h. Ossicules imbriqués : l» Corps plus ou moins convexe, à bras le plus généralement courts et robustes Asterina. 2» Corps très-aplati. Palmipes. c. Ossicules disjoints, peau nue ' Disasterina. B. Corps bordé d'une double rangée de plaques mar- ginales, plus grandes que toutes les plaques dorsales et ventrales : a. Ossicules dorsaux étoiles; plaques ventrales ne laissant pas d'espaces entre elles : ]" Réticulation du dos à peu près régulière et hexagonale 'Asteropsis. 20 Réticulation irrégulière, bras très-marqués. ' Dermasterias. b. Ossicules dorsaux en forme de rectangles à côtés échancrés et à angles arrondis; plaques ventrales ne se touchant pas par tout leur contour : 1" Corps pentagonal Porania. 2" Bras bien marqués *Ganeria. V. Revêtement dermique supporté par des piquants rayon- nants autour d'ossicules saillants du squelette. F.VIII. PTERASTERIDiE. Un seul genre 'Pterasier. à la suite duquel il faudra sans doute en placer plusieurs que je ne puis encore faire figurer ici. VI. Dents saillantes à la surface ventrale, bouche largement ouverte ; pas de systèmes interbrachiaux; des soutiens ambulacraires ; point d'anus; plaque ocellaire très- développée; ambulacres coniques, squelette dorsal formé d'ossicules surélevés, sans disposition com- plètement régulière F. IX. ASTROPECTINID.E A. Dents larges, plaques marginales verticales, très- minces, et il arête saillante; face ventrale im- briquée; bras courts; ossicules du dos ne for- mant pas de séries régulières Ctenodiscus. B. Dents minces, eu lames; face vtmtrale constituée seulement parles plaques marginales infé- rieures; bras allongés : 1» Plaques marginales ventrales seulement, ossi- cules du dos formant trois ou quatre séries régulières sur les côtés des bras Luidia. 2» Plaques marginales dorsales et ventrales, ossi- cules du dos ne formant pas de séries régulières. Astropeclen. VII. Dents triangulaires, pointues, ne faisant pas saillie ?i la surface ventrale et fermant presque complètement la bouche; dos systèmes interbrachiaux ; pas de soutiens SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 97 ambulacraires ; un anus; plaque ocellaire petite; ambulacres munis de ventouses; squelette dorsal forme d'ossicules surélevés ?i disposition très-régu- lière ; des plaques marginales dorsales et ventrales, ces dernières constituant toute la face ventrale. F.X. ARCHASTERID/E. Un seul genre Archnster. PREMIÈRE SOUS-CLASSE. ASTÉRIES AMBULACRAIRES. La' discussion générale des classifications antérieures a été faite avec trop de soin par M. Perrier dans l'ouvrage cité plus haut*, pour que je croie utile d'y revenir ici. Je prendrai donc sa classification comme base, et tout en expliquant les raisons qui la justifient, ou qui m'ont amené à la modifier sur divers points, je ne rappellerai les systèmes antérieurs que lorsque cela me paraîtra nécessaire dans le cours de la discussion. J'emprunterai à son ouvrage les synonymies de genres, en les complétant à l'occasion. Quant à celles d'espèces, il m'a paru inutile de les reproduire ici, puisque mon travail n'a pas pour but de dis- tinguer les espèces entre elles, et que les noms que je donne à mes types sont tous, sans exception, les mêmes que ceux qu'ils portent dans le mémoire de cet auteur. Sa première famille, celle des Asteriad.e, qu'il sentait déjà la né- cessité de séparer de toutes les autres, et qui constituait à elle seule sa première division, doit, suivant moi, èlre démembrée tout d'abord des genres Labidiaster et Pedicellaster, qui peut-être se laisseront ran- ger à la suite des Brlslnga dans une familles des Brisingid.e, ou de- vront au contraire former, le type d'une nouvelle famille, qui sera placée avec les Asteriad.e et les Brisingid.e dans la première sous- classe de la classe des Stellérides. Il me paraît, en effet, que la disposition des ambulacres sur deux rangées au lieu de quatre est un caractère assez important pour sé- parer les Labidiaster et les Pediccllaster de la famille des Astekiai).i: . Je ne saurais dire maintenant s'il faut ou non les réunir au Brisinga, mais certainement celui-ci doit être placé auprès des Asteriad.e. 1 Révision des Stellérides. ARCII. DP. ZOOL. KXP. 1£T GK.N. — T. VK - [&7S. 7 ç)8 VIGUIER. Bien que je n'aie pu examiner des animaux de cette espèce, les figures si précises de M. Sars ne me laissent aucun doute à cet égard, et la comparaison de la bouche du Brkinga avec celle de mon pre- mier type me permet d'indiquer la place de cette famille des Brisin- GiD.E, dont la position était encore incertaine. Les affinités de cette famille, étaient en effet restées fort douteuses. Wyville Thompson \ après avoir parlé des Brisinga, dit : Le Solaster popposus (Porbes), (( apparemment leur plus proche parent » , bien que fort éloigné, etc. . . . Cette idée se retrouve chez M. Al. Agassiz, qui a cru devoir séparer le Solaster papposus, en lui restituant le nom de Crossaster (M. et T.) du Solaster endeca, et qui le déclare très-voisin du Pycnopodia et des Brisinga. Ces deux genres Pycnopodia et Crossaster, comparés avec le Brisinga, prouvent pour lui, d'une façon concluante, que ce dernier, loin d'avoir une structure spéciale, leur est intimement relié par cette structure même. « Nous pouvons facilement, dit-il, transformer un Pycnopodia ou un Crossaster en un Brisinga, en réduisant au minimum les espaces interbrachiaux, ce qui nous donnera une Astérie avec un petit disque, dans lequel les plaques ambulacraires touchant ïactinosiome pren- dront un grand développement ; ainsi les bras nombreux paraîtront tout à fait sans connexion. Cette connexion des bras dans les Astéries ne dépend pas tant du développement plus ou moins grand des sys- tèmes ambulacraires et interambulacraires, que de l'accroissement plus ou moins considérable du réseau calcaire qui forme les espaces interbrachiaux, et bien que ce trait affecte grandement la physiono- mie de l'Astérie, il n'influence que légèrement sa structure internet » On retrouve là cette tendance à réunir les espèces à bras nombreux qui faisait déjà dire à L. Agassiz en 1835 ' : « Les espèces du genre Stellonia, dont le nombre de bras varie de cinq à sept, sont la tran- sition aux véritables Solastéries », et qui faisait réunir par M. Liitken, comme je l'ai déjà dit, le genre Labidiaster à la fois à VAcanlhaster, au Pycnopodia et au Pedicellaster. En réalité, chacune des deux sous-classes que nous reconnaissons dans les Astéries possède des espèces à bras nombreux ; mais il faut bien se garder de les réunir. VAcanthaster ne ressemble pas plus au 1 ïhe Depths oftheScas. Loiulon, 1873, p. 118. "^ Norlh American Star/isJies, p. 102. ' Prodomo d'une monographie des Radiair Vidcnskabelige Mcddelelser, 1871. squeletth; des stellérides. m 7 la bouche des Astéries ambulacraires et surtout sur celle desHELiAS- TERID.E, des nombreux renseignements que l'on trouve dans le texte et dans les planches du iils de l'illustre zoologiste norwégien. Nous allons voir que, grâce à ces connaissances, nous allons nous rendre compte très-facilement de la bizarre apparence des Brisincja. GENRE BRISINGA (SARS). Je n'insisterai pas ici sur les arcs calcaires qui forment le squelette dorsal des bras desBn'singa. M. Sars a fort bien montré que, malgré leur singulier aspect, ils appartenaient à la môme catégorie de pièces que les ossicules isolés que l'on trouve dans la peau du disque, et il n'y a rien là de réellement différent de ce que l'on observe dans les autres Astéries. J'arriverai donc de suite au système ambulacraire. La principale modification consiste dans un très-grand développe- ment des pièces de ce système dans le sens longitudinal du bras. La grande épaisseur qu'elles ont acquise permet aux vésicules ambulacrai- res de s'étaler librement à leur face viscérale, et le dédoublement de la ligne des pores ambulacraires, qui était nécessaire chez les autres animaux de ce type pour permettre le libre jeu des ambulacres, n'a plus de raison d'être chez le Brisinga; aussi trouvons-nous les pores disposés seulement sur deux rangées, au lieu de quatre. Les pièces adambulacraires sont cylindriques, allongées dans le sens de la longueur du bras, pour répondre au développement des pièces ambulacraires, et chacune limite avec deux de ces dernières un pore large et arrondi. Cette disposition, sur laquelle insiste M. Sars, n'a en réalité rien de spécial. Nous voyons ordinairement, en effet, une pièce ambulacraire correspondre par son arête inférieure à la ligne de séparation de deux pièces adambulacraires, et être reliée à toutes les deux par les muscles verticaux dont nous avons parlé. Seulement l'in- clinaison très -variable et quelquefois très-forte des pièces adambula- craires masque souvent cette disposition. Les faces des pièces adam- bulacraires du Brisinga sont très-obliques, et l'espace qui sépare deux pièces voisines dans la même série va en augmentant de la base du bras vers son extrémité. Cette disposition permet évidemment l'en- roulement du bras en dessous et sa déviation dans un plan horizon- tal, dans des limites fort étendues, surtout vers l'extrémité du bras. L'enroulement du bras en dessus doit au contraire être à peu près nul, à cause des surfaces d'articulation presque verticales des pièces H8 VIGUIEK. ambulacraires de deux paires voisines, et de leur faible écartement. L'anneau buccal, qui paraît h M. Sars d'une constitution si particu- lière, mais dans lequel il ne voit néanmoins avec raison que la conti- nuation des séries qui forment le squelette des bras, ressemble abso- lument à ce que nous avons vu dans les Hellaster. Un simple coup d'œilsur les planches de M. Sars suffit pour s'assu- rer que la forme des dents et des premières pièces ambulacraires est parfaitement ici celle que l'on trouve constamment dans notre type ambulacraire. Quant à l'odontophore, il a certainement subi une modification semblable à celle qu'il présente dans VHeliaster, bien qu'on ne voie pas nettement sur la figure de M. Sars les limites des pièces soudées, car sa forme n'est pas celle d'un odontophore simple, et ce ne sont plus seulement les dents, comme dans les Asteriad,e, mais aussi la paire adambulacraire suivante, comme dansT/yeLi^^rcR, qui sont assu- jetties à sa face inférieure. Aussi l'anneau buccal forme-t-il un ensem- ble solide, bien qu'il ne comprenne pas moins de quatre-vingt-dix pièces distinctes pour un animal à dix bras. M. Sars en compte, lui, cent trente ; mais ses vingt pièces pariétales ne sont que la partie sail- lante au dedans de la bouche des premières pièces ambulacraires. Quant ânx vingt plaques .marginales de cet auteur, elles ne font pas en réalité partie de l'anneau buccal. Si l'on considère que ces plaques viennent s'appuyer sur les odontophores, on ne pourra pas s'empêcher de les considérer comme correspondantes aux partitions interbrachiales que nous observons chez les Heliaster. Ces murailles interbrachiales sont, comme nous l'avons vu dans ce dernier type, toujours composées d'une double couche d'ossicules qui relient les faces dorsale et ventrale de l'animal. Chez le Brisinga le squelette n'existe en réalité que sur la face ventrale, les pièces interbrachiales n'ont donc plus besoin d'atteindre le dos, qui ne leur offrirait qu'un appui insignifiant, et leurs relations sont presque exclu- sivement avec les séries adambulacraires. En outre, en raison môme de la séparation extrême des bras, les deux feuillets de cette partition interbrachiale, ou plutôt les deux pièces qui les représentent, se séparent immédiatement, bien que s'appuyant cependant sur l'odon- tophore. Il est évident, comme l'a dit M. Sars, que cette remarquable disposition a pour but d'assujettir plus solidement les bras au centre de l'animal, et c'est là du reste une fonction que nous voyons tou- jours remplie par les systèmes interbrachiaux. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 119 La plaque inadréporique est simple chez le lirkinga, et située comme chez les autres Astéries. La plaque ocellaire présente un remarquable développement, sur lequel je n'ai point à insister ici. (juant à ce que M. Sars a figuré de la musculature de la bouche, nous le voyons correspondre exactement à ce que nous avons décrit dans le type Asterias ; il n'en saurait du reste être différemment, vu la constitution de l'anneau buccal. On voit donc, ainsi que nous l'avions dit, que les Brisingid^e vien- nent se ranger auprès des Asteriad.e, tandis que les Heliasterid^, magré leur apparence si différente de celle des Brisinga, établissent réellement une transition entre les deux types, M. Agassiz, qui, plus heureux que le Muséum de Paris, a pu avoir quelques échantillons de Brislnga, leur a consacré un article dans son dernier ouvrage. Il ne donne pas toutefois sur le squelette d'au- tres renseignements que ceux de M. Sars, mais considère ce type comme établissant d'une manière parfaite l'homologie du squelette des Astéries avec celui des Ophiures. Quant à moi, j'imiterai sur ce point la réserve de M. Lyman, qui a si bien étudié les Ophiures, et dont j'ai rappelé plus haut les objections. GENRES LABIDIASTER (lûtken) et PE ÛICELLASTER (sars). Ces animaux, très-rares, n'ontpas encore été suffisamment examinés pour que l'on ait une idée parfaite de la constitution de leur sque- lette, et je n'ai pu malheureusement établir sûrement leurs relations, puisqu'ils ne sont pas représentés au Muséum de Paris. Toutefois, si l'on considère que les LabidiaUer possèdent des pédicellaires droits et croisés qui n'ont été rencontrés jusqu'ici que dans les animaux, le ;Çr/sm(7a compris, qui font évidemment partie de notre première sous- classe, et des pieds ambulacraircs bisériés, on verra qu'il est très- probable qu'ils doivent prendre place dans la famille des BRisiNGiDiE. Leurs bras nombreux, trente ou plus, d'après M. Liitken, et les carac- tères de leur squelette dorsal, en feraient peut-être des intermédiaires entre YHeliaster et le /irisinga, mais évidemment plus près de ce dernier par la disposition bisériée de leurs tentacules ambulacraircs. Quant aux Pclkellaster, leurs cinq bras et l'absence de pédicellaires droits les différencient évidemment des autres types , mais je ne puis donner sur eux d'autres renseignements. 120 VIGUIER. DEUXIÈME SOUS-CLASSE. ASTÉRIES ADAMBULACRAIRES. Notre deuxième sous-classe, qui correspond exactement à la deuxième division de M. Perrier, renferme dès à présent pour nous sept familles, tandis qu'il n'en reconnaissait que six. Cctle différence tient à ce que nous avons été amené à faire du genre Archnster le type d'une famille distincte, qui a pour le moins autant d'affinités avec les Goniasterid.e qu'avec les Astropectinid.e, dont le genre -4;-- cliaster faisait partie jusqu'ici. Il m'a paru nécessaire, également, d'établir de grandes coupes dans ses familles des Echinasterid.e el des Goniasterid^ ; toutefois, comme les animaux qui appartiennent à chacune de ces deux familles ont plus de rapports entre eux que d'une famille à l'autre, je me suis borné, pour le moment, à distinguer des tribus, qu'on pourra, si l'on veut, regarder comme des familles, ainsi que je l'avais fait moi-môme dans une note à l'Académie des sciences ^ J'ai reconnu ainsi quatre tribus bien distinctes dans les Echinasterid^ ; ce sont : les Ecuinas- TERiisjË, les MiraiioDiisM, les Valvasteiuism, et les Solasteiuxaù. Les .GoNiASTERiD^ se diviscnt en deux tribus : les Pejstaguaasterhwv et les Gui\IASTEliII\,E. La première famille correspond ici aux limites que lui reconnais- sait M. Perrier; mais la seconde compte en plus les genres Fromia, Ferdina, et très-probablement Metrodira, qui faisaient partie de ses LiNCKiADJi:, tandis que j'ai reporté dans les AsTERiNm^ les genres Porania, Asteropsis et Dermasterias, qu'il avait laissés dans les Gonias- TERIDjE. Les LinckiadjE sont démembrées des trois genres cités plus haut, et augmentées du genre Chœfasier, qui faisait partie de ses Astro- PECTiNiDiE. Il faudra sans doute établir des coupes dans cette famille; mais je n'ai pas, pour le moment, assez d'éléments d'appréciation pour faire ce travail d'une façon utile, non plus que pour les Aste- RINID^ . Je n'ai pu étudier les Pterasterid.tz , qui me semblent, toutefois, se ranger entre les Asterinid^ et les AsTRorECTiNiD.E (type Ctenodiscus). 1 Conques rendus, 11 mars 1878. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. ii\ Ce type Ctenodiscus, fort distinct des Luldia et des Astropecten avec lesquels je le laisse, devra peut-être en être séparé davantage, bien qu'il ait avec eux beaucoup de caractères communs. J'ai déjà dit que je reporte les Chœtaster aux Linckiad.e, et que je constitue pour les Archaster une famille des Arcuasterid.e. En résumé, la deuxième sous-classe comprend sept familles : EcHiNASTEiuD.E (quatre tribus) ; Linckiad.e ; GoNiASTERiDiE (deux tribus); ASTERINH).!:; PTERASTERin.E ; ASTROPECTINID.E ; ÀRCHASÏERID.E. Dans tout le cours des descriptions, comme de celles qui ont pré- cédé, les mômes lettres indiquent toujours les mômes objets sur toutes les figures; toutefois, à cause de la forme plus compliquée de l'odontophore, il m'a paru bon d'en donner quatre vues pour chacun. Ces vues, toujours les mêmes et affectées des mêmes signes, repré- sentent la pièce vue : du côté de la bouche, quand le chiffre est seul ; par la face inférieure, quand il a le signe ' ; par la face supérieure, avec le signe ", enfin, en vue latérale, la face inférieure tournée à gauche, et la face orale en haut, avec le signe "'. Les comparaisons deviennent ainsi très-faciles. FAMILLE IV. EGHINASTERID^. Les caractères distinctifs de la famille des Echinasterid.e étaient, pour M. Perrier : 1° squelette formé d'un réseau d'ossicules allongés, laissant entre eux des mailles aussi larges que les ossicules constitu- tifs du réseau, qui portent en outre des épines plus ou moins allon- gées ; 2° bras ordinairement assez allongés, de forme conique ou cy- lindrique ; 3° pédicellaires en pince, quand ils existent ; un seul genre avec des pédicellaires valvulaires. Ce dernier genre a été créé en 1873, par M. Perrier, pour VAslerias striata de Lamarck, que Millier et Troschel avaient placé dans leur genre Asteracanthion. Le nom de Valvosfer, qu'il porte aujourd'hui, est dû à la présence, le long de chaque bord des bras, d'une rangée de grands pédicel- laires valvulaires. Ceci n'existe pas plus dans les Asteriad.e que dans les autres ECHINASTERID.E, aussi ai-je jugé nécessaire de m'assurer de la position de ce genre, et j'ai été amené à en faire le type d'une tribu, dans laquelle il reste pour le moment seul, et qui serait cer- tainement la première à séparer des autres pour en faire une fa- 122 VIGUIER. mille distincte, autant que me permet de l'assurer l'étude incom- plète de l'unique échantillon connu. L'Ai^te?'ias echmites de LAm^rck,\qne Millier et Troschel comptaient, en 1840, comme un Eehinaster, reçut, à cette môme époque, le môme nom de Gray, qui plaçait les autres Echinaste)' de Millier et Troschel dans divers genres, Ol/iilia, Bhopia, etc. Le sens donné ù ce nom d'Fchi- nastern''8L pas été accepté, et M. Paul Gervais l'a remplacé, en 1841, par celui d'Acanthaster. Millier et Troschel proposèrent, en 1844, le nom d' Echinites; mais, comme le fait remarquer M. Perrler, il n'y a aucune raison de préférer ce dernier nom à celui plus ancien donné par M. Gervais, et qui a, du reste, été admis par les auteurs. Ce genre Acanthaster se relie intimement au Solaster^ de Forbes, et formera désormais avec lui une tribu qui prendra le nom de SuLASTEiuiSA':, du type le plus anciennement nommé. Le nom de So~ laster date, en effet, de 1838. La forme et les dimensions des dents et de l'odontophore, la dis- position des systèmes interbrachiauXj enfin la forme môme des ossi- cules du dos, distinguent nettement cette tribu des trois autres. Quant à la Mlthrodia clavigei'a, qui était jadis VOphidiofiter ec/n'nu- laius de Millier et Troschel, et qui possède en effet, comme nous le verrons, un certain nombre de caractères qui la rapprochent des Ojjhi- diaster, ses affinités sont bien avec les EcuiyASTEiiii\j^ comme le pen- sait M. Perrier, mais je crois qu'il faut encore accentuer la distinc- tion qu'il faisait en conservant le genre Mithrodia, et créer pour ce genre une tribu des Mithrodism, ({ui sera la plus voisine des Ecin:sAiirEi\iy.E. Cette dernière tribu ne renferme que deux genres : Er/iinaster et CrlbreUa, qui sont extrêmement voisins. Toutefois, la différence de disposition des piquants dorsaux justifie bien la séparation en deux genres des animaux de cette tribu. L'imbrication générale de leur squelette, et surtout la très-grande simplicité de leur odontophorc, les désignent certainement comme les i)lus voisins des Astéries ambulacraires. (Juelle ([ue soit, toutefois, la simplicité de l'odontophore, il appar- tient certainement au deuxième type ; les apophyses articulaires n'existent point ici, mais nous constatons dans les divers genres tous les étals (le dcvel(q)pement de ces apophyses, et leur absence ne peut faire d'un odontophorc du deuxième type un odontophorc du pre- mier. La position est, du reste, difl'érente, et la face inférieure de la SQUELETTE DES STELLÉHIDES. 123 pièce, qui est toujours horizontale dans la première sous-classe, est constamment, dans la seconde, tournée obliquement du côté de la bouche. En outre, les dents, bien qu'assez fortement tronquées, ne sont pas différentes de ce qu'on les voit dans le deuxième type, non plus que la première pièce ambulacraire. Le plan est exactement le même, seulement les dimensions sont très-faibles ; aussi les dents ne sau- raient-elles avoir des mouvements bien importants, et les apophyses de l'odontophore ne sont plus nécessaires ici. On ne trouve pas de spicules dans les ambulacres des Echinastc- RiDyE , sauf chez le Valuasfe)-. TRIBU r^ ECHINASTERINA^. GENRE FCHIN ASTER ( m. et tr. ). 1834. Stellonia (pars), Nardo, Isis, p. 71f). 1835. Stellonia (pars), Agassi/-, Prodrome d'une Monogr. des Rad. [Soc. Ncufch.), p. 191. 1840. Echinaslcr,Mù\\eT et Troschol, Wirgmnnn^s Archiv. 1840. OtMlia et Rhnpia, Gray, Ann. of Nat. HisL, t. VI, p. 281 . 1875. Echinaster, Perrier, Révision, etc. Le Muséum possède onze espèces d'Echinaste?'. C'est la plus com- mune de toutes, V Echinaster sepositus, que l'on trouve en assez grande abondance à Roscofî, qui a servi à cette étude. La figure 1 (pi. VU) représente de grandeur naturelle un individu bien développé, et la figure 2 un bras du même, vu en dessous. Les bras, gros à la base, sont atténués au sommet de façon à être tout à fait coniques, à peine aplatis en dessous au niveau des sillons ambulacraires. Toute la charpente du dos est formée par de petits ossicules imbriqués, dont chacun porte une seule épine, qui repose sur un petit mamelon hémisphérique au centre duquel on peut voir la iussette où s'insère le ligament qui fixe l'épine. Quelques-unes des pièces peuvent être lisses; mais c'est tout à fait l'exception, et ces pièces lisses ne sont pas disposées différemment des autres. Tous ces ossicules limitent des mailles irrégulières, larges vers le centre du dos et le dessus du bras, et diminuant graduellement de dimensions vers les angles interbrachiaux, vers la face ventrale, et surtout vers l'extré- mité des bras. La figure 7 (pi. VII) représente une partie de ce réseau 124 VIGUIER. grossie quatre fois. L'épaisseur des ossicules est très-faible, et toute la charpente du corps d'une très-grande légèreté. On ne voit pas de plaques marginales ; mais, en approchant des séries adambulacraires, les petits ossicules allongés du dos deviennent plus larges, se resser- rent, et finissent par former de véritables rangées d'écaillés, imbriquées de la pointe du bras vers sa base. Entre les écailles on voit des pores isolés. La faible épaisseur de ces plaques ventrales n'offrirait qu'un appui insuffisant à des soutiens ambulacraires ; aussi ai-je été surpris de les voir mentionner chez VEchinaster par M. Gaudry'.J'ai examiné de nouveau attentivement cette question, et je me suis assuré qu'ils n'existent réellement pas, non plus que dans aucun des genres de la famille des Ecuinasterid.e ; M. Gaudry, qui du reste n'a pas donné de figure à ce sujet, a sans doute été induit en erreur par la forme des pièces ambulacraires. Les écailles de la face ventrale portent de petits mamelons spinifères, comme les pièces du dos: quelques-unes môme en portent deux. Elles recouvrent dans une assez grande étendue les plaques adambu- lacraires. Celles-ci sont étroites, allongées, réguUèrement arrondies en dessous (leur forme se voit bien fig. 7, ad) et assez espacées. Les intervalles qui les séparent sont à peu près égaux à l'épaisseur des plaques. En se rappelant les notions générales que nous avons expo- sées plus haut, on verra que cette disposition est d'accord avec la constitution du réseau dorsal et l'absence de plaques marginales, pour donner aux bras une extrême mobilité. VEchinaster peut en effet contourner ses bras de toutes les façons. Les pièces ambulacraires sont hautes et fortes, et leur sommet atteint presque la face dorsale (fig. 4). Ce sont les séries ambulacrai- res et adambulacraires qui maintiennent ici la forme du bras , la réti- culation légère du squelette général étant incapable de remplir cet office. Le système interbrachial se compose chez VEchinaster de quelques pièces assez volumineuses, qui sont placées près de l'angle de jonction des deux faces do l'animal, mais qui n'arrivent pas jusqu'au sommet de cet angle. Comme cette muraille interbrachiale n'approche pas beaucoup vers le centre du dos et ne vient pas s'appuyer sur l'odon- 1 Lqc. cit., p. 29. SQUELETTE DES STKLLÉRIDES. 125 tophore, l'écartement des deux faces de l'animal peut varier dans d'assez grandes proportions. La bouche est fort petite chez VEchinaster, les rayons sont toujours presque fermés et les dents se touchent au point de fermer aussi pres- que complètement la bouche. Je n'ai pas donné de vue latérale des dents de VEchinaster ; en voyant celle de la Cribrella (fig. 14) on en aura une idée très-exacte. Ainsi qu'on peut le remarquer, ces dents font une très-faible saillie à l'intérieur de la bouche et leur épaisseur est faible. Quant à leur forme, la figure 6 qui les représente vues en dessous et grossies cinq fois, fait voir qu'elles sont très-fortement tronquées du côté de la bouche ; mais il n'y a qu'à se reporter aux planches précédentes pour voir combien cette dent est différente de celles des animaux étudiés jusqu'ici. L'odontophore, que la figure 5 montre grossi huit fois, est presque cordiforme, avec l'angle rentrant très-peu marqué. Vu par la face dorsale, il a à peu près la forme d'un triangle isocèle à angles forte- ment arrondis et dont le côté impair serait du côté de la bouche. Cette face dorsale est lisse, arrondie, et comme formée de deux moi- tiés qui se rencontreraient sur la ligne médiane, sous un angle ren- trant très-obtus. La face ventrale est surélevée, et présente deux fossettes qui rappellent un peu ce qu'on trouve sur l'odontophore des ASTERIAD^. Les dimensions de cette pièce sont extrêmement petites, compa- rées à la taille de l'animal. La plaque ocellaire est arrondie, et ne présente rien de particulier. L'anus, à peu près central, est entouré de petits ossicules arrondis ^ La plaque madréporique, petite et à peu près circulaire, est située environ à moitié distance du centre du dos à l'angle interbrachial. Ce n'est plus ici une grosse pièce creuse, mais une simple lame appuyée sur les ossicules voisins. Les sillons sont irréguliers, larges, peu nom- breux et assez écartés. Il n'y a qu'une plaque madréporique chez les individus à cinq bras qui sont en immense majorité dans le genre Echinaster. Toutefois quelques spécimens à' Echinaster eridanella, espèce de la mer des Indes, peuvent avoir six ou sept bras et présentent alors deux plaques. M. Agassiz a consacré une planche de son mémoire à VEchinaster « PI. VII, fig. !, an. 126 ViGUIliR. sentiis, espèce de la mer des Antilles et de la Floride. Autant qu'on en peut juger par les ligures et la description qui les accompagne, cet animal ne ditîere pas, quant à la constitution de son squelette, de celui que nous venons d'étudier. 11 faut remarquer toutefois que les épines du dos ont l'air plus fortes, et paraissent ne se rencontrer qu'aux nœuds du réseau, au lieu d'être disposées sur chacun des ossi- cules qui forment cette réticulation. Le système interbrachial paraît avoir échappé à M. Agassiz, Il n'y a pas de pédicellaires chez les Eckinaster. GENRE CRIBRELLA agassiz (pars). 1833. Cribrella, Agassiz (pars), Prodrome, etc., Soc. Neufchâtel., t. I, p. 191, nom synonyme de Linckia, Nardo. 1840. Henricia, Gray, Ânn. Nal. Flisl., VI, p. 281. 18 il. Cribella, Forbes, Brilish Slaifishes. 1842, Echinasler^ Mûller et Troschel (pars), System der Àsleridei}, p. 22. 1862. Cribella, Dujarciin et Hupé, Echinodcrmes, p. 343. 1875. Cribrella, Perrier, Révision. Ce genre ne contient encore que deux espèces bien définies; mais il est probable qu'on en distinguera plusieurs autres par la suite, car les animaux de provenances très-diverses : côtes de France, Groenland, îles de la Sonde, que l'on a rapportés jusqu'ici à la Cribrella oculata, ne paraissent pas en réaUté appartenir tous à une même espèce. L'échantillon de Cribrella uculata dont j'ai fait l'étude anatomique provenait de Roscoff, où l'on trouve en grande abondance ces petits animaux d'une belle couleur rose vif, qui, avec les Eckinaster sepositus, de plus grande taille et d'un pourpre foncé, font l'ornement des aqua- riums du laboratoire. Il faut toutefois employer la drague pour s'en procurer, car ils ne séjournent pas sur les points qui découvrent à mer basse. Les figures 8 et 9 (pi. YII) montrent le squelette d'une petite Cribrella grossi deux fois. Les bras sont plus cylindriques que dans VEchinasler., et moins atténués à la pointe. La réticulation qui constitue le squelette dorsal se compose aussi d'ossicules imbriqués de la pointe du bras vers le centre; mais ici les ossicules sont proportionnellement plus épais, plus serrés, et laissent entre eux des mailles beaucoup plus étroites. La figure 15 montre un fragment de réseau dorsal grossi huit fois. SQUELETTE DES STELLÉIUDES. 127 Ainsi qu'on le voit, il n'existe plus là de petits mamelons pour l'in- sertion d'épines mobiles et isolées. Les épines très-petites qui couvrent les Cribrella sont insérées sur toute la surface des ossicules du squelette. En approchant des séries adambulacraircs, les ossicules du dos s'élargissent en écailles comme chez VEchlnaster, mais ici, les séries paraissent encore plus nettement indiquées. La première après la série adambulacraire recouvre un peu celle-ci, et a ses écailles à peu près quadraugulaires à angles arrondis ; la deuxième série a ses écail- les à peu près en forme de trèfle * avec la pointe tournée vers le cen- tre de l'animal. Entre ces deux séries, qui sont contiguës tout le long du bras, vient s'en intercaler une autre, au niveau de la onzième ou douzième paire ambulacraire. Les écailles de cette rangée sont qua- drangulaires, comme celles de la première. En dehors de la série à écailles échancrées en forme de trèfle, les rangées d'écaillés deviennent moins nettes, et passent insensiblement à la réticulation dorsale. Gomme on le voit sur la figure l ! , qui représente une coupe de bras grossie quatre fois, le squelette général de la Cribrella est proportion- nellement beaucoup plus résistant que celui de YEchinaster. [Aussi l'animal a-t-il des bras moins flexibles, et devdns-nous nous attendre à trouver le système ambulacraire beaucoup moins important. C'est en effet ce qui a lieu. Les plaques adambulacraircs, quisontici à peu près quadrangulaires et non régulièrement arrondies en dessous, comme dans YEchinaster , sont plus serrées les unes contre les autres, et les pièces ambulacraires, moins hautes, sont bien loin d'attein- dre la face dorsale. La profondeur du sillon ambulacraire est tout au plus la moitié de l'épaisseur du rayon. On voit que par ces divers caractères la Cribrella se différencie assez nettement de YEchinaster; quant à la bouche elle est absolument la même, et si l'on compare la figure 13 qui montre les dents grossies huit fois, avec la figure 6 qui représente celles de YEchinaster, on sera certainement frappé de la similitude, je dirais presque de l'iden- tité. Il en sera de même pour l'odontophore, que la figure ii2 montre à un grossissement également de huit fois et qui, sauf sa taille relati- vement un peu plus considérable, ne se différencie pas de celui de YEchinaster*. 1 PI. VII, fig. 9. » Comparez les figures 12 et suiv.j pi. VII. 128 VIGUIER. La section interbrachiale' nous montre, comme dans VFchinaster, un support près de l'angle, mais ne l'atteignant pas. Une petite rangée d'ossicules suit en outre ici la face ventrale, mais sans affecter de rap- ports bien nets avec l'odontophore. Pour l'anus, la plaque ocellaire, la plaque madréporique, je n'au- rais qu'à répéter ce que j'ai dit pour le genre précédent. On voit donc que si VEchinastei^ et la Cribrella présentent des diffé- rences assez importantes pour les constituer en genres distincts, ces deux genres sont très-voisins Tun de l'autre, et doivent bien rester dans une même tribu des Echinasterin.e^ tandis que l'étude des autres genres de la famille va nous montrer de profondes diffé- rences. La planche XVIII du mémoire de M. Agassiz se rapporte à la C^'ibrella oculata, qu'il nomme Cribrella sangumolenta . Les figures donnent une idée très-exacte de l'animal vivant; mais la figure 4, qui représente le squelette dénudé de la face ventrale, est moins nette. Pour M. Agassiz, le genre Cribrella est celui qui se rapproche le plus du Solaster {endeca, puisque M. Agassiz nomme C rassasier le Solaster papposus). Toutefois ce savant naturaliste reconnaît que les limites entre les faces ventrale et dorsale ne sont point marquées chez la Cribrella comme dans le Solaster, et que le système interbra- chial est disposé tout différemment. Ce sont déjà là des caractères importants, et la comparaison des dents et de l'odontophore en eût fourni bien d'autres, comme nous le verrons plus loin. Je suis égale- ment persuadé que M. Agassiz s'est un peu exagéré l'importance de la partition interbrachiale, queje n'ai jamais vue s'étendre jusqu'à la bouche, comme il le dit, mais au contraire être limitée dans l'angle» ainsi que cela se voit chez VEchinaster, où le naturaliste américain ne l'a point remarquée. Cette disposition m'a paru constante chez les nombreux animaux des deux types que j'ai eus à ma disposition. On ne trouve pas de pédicellaires chez les Cribrella. TRIBU 2«. MITHRODINyE. Cette tribu ne renferme jusqu'ici que le genre Mithrodia. « Fig. 10. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 12'J GENRE MITHRODIA (gray.) 1810. Milhrodia, Gray, An7i. et Mag. of Nat. Eistonj, t. VI, p. 288. 18-44. Hercsaslcr, Michelin, Revue de Zoologie, p. 173. 187o. Milhrodia, Perrier, Révision, etc. On ne connaît jusqu'ici qu'une espèce de ce genre, la Mithrodla clavigera, qui habite l'océan Pacifique, dans une aire qui paraît assez étendue. Les spécimens de cette curieuse espèce ne sont point nombreux au Muséum, et comme je n'ai pu étudier qu'un échantillon assez fortement endommagé, je ne donne pas ici une série de figures aussi complète que pour les autres types. Toutefois, si l'état du sujet ne permettait pas de le dessiner à la chambre claire, j'ai pu m'assurer parfaitement des détails de son organisation. La figure 16 (pi. YII) montre une portion du réseau dorsal d'un bras de grandeur naturelle. Ce bras, cylindrique comme dànsVOphi- diaster, avait une longueur de 15 centimètres. Le disque est fort petit, comme on peut le voir par la figure 18. La face dorsale de ce disque était en trop mauvais état pour être figurée ; du reste, sa réti- culation irrégulière ne différait pas de celle qu'on voit sur la figure 1 6. Elle est composée de forts bâtonnets calcaires, cylindriques et ar- rondis à leurs extrémités , qui chevauchent les uns sur les autres sans imbrication bien nette, et limitent des mailles fort irrégulières. Parfois, cependant, cette réticulation peut prendre une apparence assez régulièrement hexagonale, que M. Perrier ^ compare à celle du Pentaceros reticulalus. J'ai dessiné, légèrement grossie (S/^), une por- tion de l'individu décrit par M. Perrier, sur la figure 17; si l'on com- pare ce dessin avec la figure 4 (pi. XI), on verra qu'il y a encore assez loin de la régularité de ce réseau à celle du Pentaceros. Il est évident, toutefois, qu'il y a une grande différence entre les figures 16 et 17, et l'on doit sans doute admettre que les individus jeunes présentent une régularité que vient masquer plus tard la production de nou- veaux ossicules. Sur la face ventrale l'imbrication paraît plus nette, surtout dans l'angle des bras ^. Les ossicules qui viennent recouvrir les plaques des séries adambulacraires sont assez fréquemment bifurques. » Révision des Stellérides, p. 915, 2 Fig. 18. ARCII. BE ZOOL. RXP. ET oiî<. — T. VU. 1878. 0 130 VIGUIEK. Les plaques adambulacraircs préscnlenl à peu près la forme qu'on leur voit dans la Cribvella, elles plaques ambulacraires ont à peu près la môme importance relative que dans ce dernier genre. Ainsi que cela se comprend aisément, vu leur développement con- sidérable par rapport au disque, les bras de la Mithrodia sont très- fragiles à la base ; du reste, à cause de la nature solide de leur réticu- lation, ils doivent être peu flexibles, et on les trouve presque toujours à peu près rectilignes cliejc tous les échantillons conservés. Bien qu'il n'existe pas de système interbrachial, les faibles dimen- sions du disque ne permettent point une grande variabilité dans l'écartement de ses deux faces. Jusqu'ici, nous n'avons rien vu qui ressemblât beaucoup aux EcHiNASTERiN.^, mais la constitution de la bouche va nous montrer les relations de ce type. Les dents que la figure ^21 représente grossies trois fois, diffèrent sensiblement, par leur forme arrondie, de la forme tronquée que l'on constate chez VEchinaster et la Cribrella, mais l'odontophore, que la figure 20 montre grossi quatre fois, est certainement le plus voisin des EcHLYASTEBiN.'E . Daus aucun autre type nous ne trouvons cette pièce aussi simple; cependant, ici, outre une augmentation relative assez sensible daïis ses dimensions, cet odontophore a déjà subi une modification importante dans sa forme. Une sorte d'étranglement, un peu plus près de l'extrémité orale de la pièce, semble le premier indice de la formation des apophyses. Remarquons qu'ici encore, vu les faibles dimensions de la bouche et des dents, la présence de ces apo- physes n'est pas bien nécessaire. La face dorsale de la pièce est légè- rement arrondie, déprimée sur la ligne médiane. Vu ainsi de dos, l'odontophore a la forme d'un rectangle à angles arrondis, dont les deux grands côtés seraient légèrement échancrés. La face ventrale (20') présente une crête à peu près régulière sur la ligne médiane, ce qui donne à la face orale (20) une forme irrégu- lièrement pentagonale. La vue latérale (20"') montre bien les dépressions des deux côtés. La plaque madréporique, irrégulièrement circulaire, est un peu plus jgrande que celle des Echinasterin.^, et ses sillons sont plus fins. Si nous laissons de côté l'opinion absolument sans fondement de Gray, qui plaçait la Mithrodia dans les Asteriad.e, et si nous pas- sons rapidement en revue l'ensemble des caractères de ce genre, SQUELETTE DES STELLÉIUDES. i:^l nous verrons que, par son aspect général, la forme et la disposition de ses bras cl l'absence de système inlei'brachial, il se rapproche du genre Op/udiaster. Un autre point de ressemblance est, comme l'a fait remarquer M. Perrier, la faculté que possède chacun des bras de reproduire, lorsqu'il est rompu, un individu entier, faculté qu'on trouve prouvée par de nombreux exemples chez les Ophidlaster, et qui n'a pas été constatée jusqu'ici chez les autres Eciunasterid-îî. L'échantillon d'après lequel a été faite la figure 17, et qui figure encore dans la collection, présente cette forme en comète, due à la régénération d'un animal par un seul bras. Bien que ces caractères ne soient pas sans valeur, ils ne sont point toutefois prépondérants, et M. Lutken, combattant avec raison la proposition de M. von Martens de réunir aux Linckia les Ophidiaster et les 5cy/rts^er, indiquait très-nettement, en 1871, que les Mithrodia devaient former un type ù. part. M. Perrier a insisté, en 1875, sur cette différence entre la Mitltrodia et V Ophidiaster, et a réuni le premier genre aux Echinasterid^, mais sans admettre avec von Mar- tens que ce fût là un véritable Echinaster. Si l'on considère non pas tant les différences, déjà assez sensibles, entre la constitution du squelette général dans les deux types, mais la forme des dents et surtout de l'odontophore qui, chez les Echi- NASTERiN.'E^ présente une forme si particulière, tandis que chez la 717/- throdia il commence à se rapprocher de ce qu'il est dans la généra- lité des cas, on comprendra, je l'espère, pourquoi j'ai cru devoir constituer en tribu distincte un tjq^e qui n'a pas d'alliés bien pro- ches, mais que l'on doit considérer, toutefois, comme plus près des EcHiNASTERiN.E que des Ophidiasler, comme le prouve l'absence des soutiens ambulacraires, si développés dans ce dernier type. On ne trouve pas de pédicellaires chez la Mithrodia. TRIBU 3^ VALVASTERINJE. Cette tribu ne comprend qu'un seul genre, qui n'est représenté au Muséum que par une seule espèce. Un seul exemplaire desséché, pro- venant de l'île de France, a été donné par M. xMathieu en 1812, et demeure jusqu'à présent le seul représentant connu de cette espèce. Lamarck lui donna le nom à.'Asterias striata, M. Perrier signala en 1869 l'existence de grands pédicellaires valvulaires ; mais il crut re- 132 VIGUIEU. connaître aussi la présence de pédicellaires droits et croisés et conti- nua d'appeler cet animal Asteracanthion stfiatus. Un examen plus attentif le convainquit que les pédicellaires droits n'étaient en réalité que des pédicellaires en pince, et les pédicellaires croisés de simples granulations du derme; il examina alors de nouveau les ambulacres, et constata qu'ils n'étaient disposés que sur deux rangées. 11 fallait dès lors retirer cet animal du genre Asterias et créer pour lui un genre distinct, auquel M . Perrier donna, dànssa. Révision des Stellérides, le nom de Valvaster, pour rappeler son caractère le plus saillant. Il plaça ce nouveau genre dans la famille des EcniNASTERiD.E, à cause de la constitution du squelette dorsal. L'examen qu'il avait pu faire de ce type singulier n'avait pu être bien approfondi, car il impor- tait surtout de conserver un échantillon unique jusqu'ici. C'est la même considération qui m'a arrêté ; néanmoins, Taspect du Valvaster est tellement remarquable, que je voulus voir si je ne trouverais point à mon tour de nouveaux caractères distinctifs. Si l'on examine avec soin les ambulacres desséchés qui se trouvent encore à l'extrémité des bras, on voit dans leur ventouse, môme à l'œil nu, un petit cercle blanchâtre qui n'est autre chose qu'une couronne de spicules calcaires, comme il est facile de s'en assurer au microscope. C'est là un caractère qui distingue immédiatement le Valvaster, non-seulement de toutes les Astéries de la première sous- classe, mais aussi de tous les animaux qui composent avec lui la fa- mille des ECHINASTERID.E. L'échantillon ayant ses bras fendus près de la bouche, il m'a été facile de m'assurer de la présence d'un système interbrachial, portant directement sur l'odontophore, et autrement puissant que celui des SOLASTERINJE. J'ai dénudé alors avec précaution une paire de dents, que j'ai re- présentées grossies trois fois ^ ; ces dents, pointues et tuberculeuses diffèrent absolument de celles des Ecuinasterin.e, qui sont tronquées, de celles des M ithrodiîv-e, qui sontarrondies, enfln de celles des Solas- TERiN^E, qui sont également arrondies, mais très-volumineuses. En écartant ces dents, j'ai vu que l'odontophore ^ possède deux petites apophyses bien nettes ; sa face ventrale est un peu renflée, sa face dorsale est lisse et plane. t PI. IX, fig. lo. » PI. IX, flg. Ui. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 133 Le soin de réchantillon ne m'a pas permis d'aller au-delà, et je ne puis donner de renseignements exacts sur le squelette général, qui paraît réticulé comme celui des autres Ecuinasterid.e, non plus que sur les soutiens ambulacraires, qui font aussi trèsfprobablement défaut. Toutefois, outre les différences principales tirées de l'odontophore, des dents, des rosettes spiculaires, nous trouvons encore d'autres caractères distinctifs. Ainsi la forme générale du corps n'est point du tout celle des EcHiNASTERiNyE, où le disque est petit et les bras arrondis. Ici les bras sont larges, présentent une face dorsale dont la section serait une arcade surbaissée, et ont une face ventrale plane et raccor- dée par des angles vifs à la face dorsale. Le disque est large, les lignes interbracbiales sont marquées par une dépression qui correspond au système interbrachial. Enfin les piquants forment sur les bras jusqu'à dix rangées longitudinales pa- rallèles qui indiquent une régularité que l'on ne rencontre pas ordi- ment dans la disposition du squelette des E chinasterin.e.\j,-a plaque madréporique a la forme d'un écu d'armoiries, dont la base serait tournée vers le centre de l'étoile. Elle paraît être la face supérieure d'une pièce creuse, comme chez VAsterias, dont toute la surface est garnie de sillons très-fins, irrégulièrement divergents. L'anus est très-visible. Si l'on joint à tous ces caractères la présence de ces énormes pédi- cellaires valvulaires, qui forment une rangée tout le long du bord supérieur des bras, on verra que nous avons affaire à un type qui reste pour le moment absolument isolé. J'en ai donc fait le type d'une tribu que la réticulation du squelette place seule à la suite de celles que nous avons étudiées jusqu'ici, dans les Echinasterid^, mais qui sera sans doute la première à en séparer, si l'on veut accen- tuer les divisions que j'indique. TRIBU 4=. SOLASTERIN^. Cette tribu, la quatrième de celles que je reconnais dans la famille des EcniNASTERiD^, diffère très-nettement des trois premières : 4° par la forme des ossicules du squelette dorsal, 2° par le nombre des bras, toujours assez considérable, 3° par la forme des systèmes inter- brachiaux, -4° par le grand développement des dents, 5° enfin par la forme de l'odontophore, qui non-seulement possède des apophyses 134 viguii;h. articulaires, mais présente aussi sur sa face dorsale un prolongement plus ou moins développé, sur lequel -vient s'appuyer le système in- terbrachial. Des caractères que je considère comme accessoires, tires de la plaque ocellaire qui est allongée et étroite, et de la plaque ou des plaques madréporiques, différencient aussi cette tribu, que la réticu- lation irrégulière du dos et l'absence de soutiens ambulacraires me font conserver provisoirement parmi les EcuiNASTEmDiE. On ne trouve pas de spicules dans les ambulacrcs. Cette tribu se compose jusqu'ici des genres Solaster eiAcanthaster. Le premier ne présente pas de pédicellaires, tandis que VAcanthas- te?' a des pédicellaires en pince, bien développés. GENRE SOLASTER (forbes). 1833. Solaster, Forbes, Asleriadœ of Irish Sea. Mon. of Wcrn. Soc, t. VIII, p. 121. 1834. Slellonia (pars), Nardo, Isis, p. 715. '183S. Slellonia (pars), Agassiz, Prodrome, etc., Soc. se. de Neufchàld, t. I, p. 191. 18i0. Crossaster, Millier et Trosclie!, Wiegmann's Archiv,()e année, p. 321, 1840. Solasler, Gray [Endcca et Polyaslcr). Ann. of Nat. Historij, t. YI, p. 183. 1842. Solasler, Millier et Troscliel, System der Asleridcn,]^. 26. 1875. Solasler, Perrier, Révision, etc., p. 9i. 1877. Solaster et Crossaster, A. Agassiz, Norlh .imerican Slarfishes, p. 98 et 112. Ce genre n'est représenté que par deux espèces au Muséum : le Solaster pappoms et le Solaster endeca. Toutes deux habitent principalement les mers du Nord ; on trouve toutefois assez fré- quemment la première sur les côtes de la Manche, mais elle est as- sez rare à Roscoff, où je n'ai pu en recueillir à l'aide de la drague qu'un échantillon très-jeune. Celui d'après lequel ont été faits mes dessins venait de Saint-Malo. Cet animal peut habiter à de grandes profondeurs, et y garder même sa coloration ordinaire. M. Wyville Thompson ^ en a dragué à six cent quarante brasses de profondeur, qui possédaient leur couleur rouge orangé vif. > The Deplhs of the Sea, Loudon, 1873, p. 118. SQUEI.ETTE DES STELLÉRIDES. 135 Forbes, qui a crcc lo genre, lui donnait pour caractéristique : (( corps cLoilc, h rayons nombreux, couvert d'épines fasciculées ; sil- lons bordés de trois rangs d'épines; ambulacres bisériés. » Cette des- cription est un peu vague, aussi est-il resté une certaine incertitude jusqu'à ce jour, et voyons-nous M. A. Agassiz placer les deux espèces de ce genre dans deux genres différents., Lo Sulaster papposus, auquel il restitue le nom C?'ossostei\ ne lui paraît avoir en commun avec le Solaster endeca que le grand nombre de bras, et il le compare mPijc- nopodia et au Brisùiya, dont il le croit très-voisin. Il est vrai que M. Sars, de son côté, a comparé, dans le mémoire cité plus haut, ce même Brhinga avec le Solaster endeca dont il le trouve tout à fait rapproché. Très-embarrassé pour concilier l'opinion de ces deux savants natu- rahstes, j'ai repris l'étude de ces deux espèces, et je suis arrivé à con- clure que ce sont bien les deux espèces d'un même genre, totalement distinct des Pi/owpodia et Brisinga, autant du moins qu'un Pentaceros l'est d'un Asterias. Ce n'est pas un des moindres services qu'aura ren- dus l'étude comparative des nouveaux caractères de classification, que de nous permettre de décider cette question. Commençons par décrire le Solaster papposus. Les figures 1 et 2 ^ représentent, grossies deux fois, les faces supé- rieure et inférieure d'un échantillon à dix bras. Le squelette du dos est formé comme on le voit par des pièces fort petites, imbriquées, qui forment des mailles irrégulières dont la forme paraît dériver de l'hexagone. Aux points de rencontre des légers trabécules formés par ces petites pièces imbriquées, on en voit de plus grosses, surélevées, retrécies en sabliers au milieu, et dont le dessus est, chez le vivant, couverts de piquants très-fins. En réalité, c'est absolument là la forme que l'on a nommée paxille,el dont on a voulu faire la caracté- ristique des ASTROPECTINID.E. Pour être absolument logique, il eût donc fallu réunir les Solaster à cette famille. Il est vrai que, chez eux, les paxilles sont loin de constituer exclusivement le squelette. On ne les rencontre qu'aux nœuds des mailles du réseau, et au centre de ces mailles, où on les voit rarement isolées, le plus souvent accompa- gnées de deux petites plaques, ou même d'un plus grand nombre qui les relient alors à l'ensemble du réseau ^ 1 p:. VIII. 2 PI. VIII, fl^. 1. 136 VIGUIER. Les mailles de la réticulation sont larges sur le disque elle milieu de la face dorsale des bras, elles diminuent beaucoup en approchant des bords et de la pointe. Celle-ci est, conime nous l'avons déjà dit, occu- pée par une plaque ocellaire allongée. Quant aux bords des bras, ils sont garnis d'un rang de paxilles d'une forme particulière. La base de ces pièces est allongée dans le sens de la longueur des bras, et les pièces d'une même rangée sont régulièrement imbriquées de la pointe du bras vers le centre. La partie supérieure de ces paxilles est au contraire aplatie dans le sens transversal, formant ainsi un angle droit avec la portion basilaire. Dans les angles interbrachiaux, cette ligne d'ossicules fait partie delà face inférieure, et les sommets aplatis des paxilles se disposent suivant des lignes rayonnantes en éventail'. La face ventrale, extrêmement réduite, ne paraît guère que dans les aires interbrachiales. Elle se compose là de légers trabécules calcaires composés, comme ceux du dos, d'une série de pièces imbriquées; mais ici les pièces sont plus allongées et les trabécules, au lieu de s'anastomoser en réseau, sont presque rectilignes et divergent en éventail de l'angle interbrachial ^. Le long du bras, on ne voit guère qu'à sa base quelques pièces analogues s'interposer entre la rangée des paxilles aplaties et la série adambulacraire, et, dans la plus grande partie de son étendue, ces deux séries sont directement en rapport. Les pièces adambulacraires sont larges, arrondies en dessous ; mais assez peu épaisses dans le sens longitudinal du bras, et séparées par des intervalles presque aussi considérables que leur épaisseur. Les pièces ambulacraires, volumineuses, atteignent presque la face dorsale, et l'angle qu'elles forment est toujours assez ouvert s, de sorte que la face ventrale du bras est principalement constituée "par les séries ambulacraires et adambulacraires. La première pièce ambulacraire est très-forte, et l'apophyse ali- forme très-dévelo])pée^. Les deux dents d'une même paire sont lé- gèrement écartées l'une de l'autre, au milieu. Elles ont toujours leurs faces supérieures réunies formant une surface convexe à peu près circulaire, ou, si l'on veut, une calotte sphcrique, marquée d'un sillon parallèle à son bord, à peu près à égale distance de ce bord et 1 PI. VIII, fig. 2. 2 Fig. 2. 3 Fib'. 4. * Fi g. 6. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 137 du centre. Le bord est comme gaufré; quant à la partie en dedans du sillon, elle présente deux mamelons légers sur chaque dent. Il n'est point inutile de faire remarquer, au sujet de ce qu'on peut nommer l'ornementation de la dent, que les saillies ou dépressions que peut présenter sa surface sont en général assez constantes, étant liées à la disposition des piquants buccaux. Il peut toutefois y avoir des variations assez importantes, et il ne faudrait pas compter sur ces caractères d'une manière absolue. L'odontophore, que la figure 5 montre grossi trois fois, est, comme on le voit, très-volumineux et diffère complètement, par sa forme, do ceux des Echinasterin.is et des Mithiiodin.e ; l'apophyse dorsale le distingue de celui des Valvastebly.-e. Les apophyses articulaires net- tement dessinées donnent à la pièce une forme en T ; quant aux sur- faces articulaires, elles ne sont pas très-nettement limitées et se con- fondent un peu avec la face ventrale. La face dorsale présente sur la ligne médiane un prolongement tout à fait spécial, déprimé à son milieu et dont les bords forment comme une espèce de bourrelet K C'est là que vient s'appuyer comme on peut le voir sur la figure 3, le système interbrachial. Celui-ci est composé d"écaillcs calcaires fort minces, disposées en un triangle renversé dont un côté s'insère sur le dos de l'animal et dont le sommet est formé par l'odontophore o. L'anus an (fîg. 1) est entouré de trabécules calcaires plus rappro- chés et laissant entre eux de très-petites mailles. La plaque madréporique m repose sur une espèce de cadre assez massit; et d'où rayonnent dans divers sens les lignes d'ossicules. Cette plaque, toujours simple dans le Solasier, quel que soit le nombre des bras, est assez épaisse, convexe, et rayée de sillons assez fins qui convergent vers le centre. D'après les dispositions générales de ce squelette, il est évident que le Solaster papposiis est un animal extrêmement flexible. L'écartement de ses pièces adambulacraires, la grande dimension des pièces ambu- lacraires, l'extrême légèreté du squelette dorsal, et enfin la flexibi- lité des systèmes interbrachiaux, lui rendent possibles des mouve- ments très-étendus. Tout ceci peut se répéter à peu de chose près du Solaster endeca ; la seule différence est que les plaques adambulacraires d'une même J Voir fit 138 VIGUIHH. série sont un peu moins écartées les unes des autres que chez le Solaster papposus. Toutefois l'aspect général diffère un peu : cela est dû principale- ment à ce que les mailles du réseau dorsal sont beaucoup plus fmes, surtout sur les bras, où les trabôcules qui les forment affectent une disposition rayonnante assez régulière. Si j'admets parfaitement que ce soit là un caractère d'espèce, je ne saurais y voir un caractère de genre ou môme de famille. La ligne des grandes paxilles marginales que nous avons vues chez le Solaster pnpposns se retrouve chez le Snlasler endeca; elles sont beaucoup plus courtes, il est vrai, mais affectent les mêmes dispositions que dans la première espèce : c'est- à-dire qu'elles sont en rapport le long du bras avec les séries adam- bulacraires, et rayonnantes en éventail dans les angles interbrachiaux. Il est à remarquer toutefois qu'ici cette ligne de paxilles est plus sur la face ventrale que chez le Solaster papposus. Quant au squelette ventral proprement dit, qui ne se voit aussi que dans les aires in- terbrachiales, il présente exactement la même disposition que dans le type déjà étudié; seulement, ici, ces aires interbrachiales sont un peu plus larges, et les séries adambulacraires de deux rayons voisins ne s'adossent guère que tout près de la bouche. Les systèmes interbrachiaux sont exactement les mômes dans les deux espèces. Les dents du Solaster endeca, plus volumineuses encore que celles du Solaster papposus, sont arrondies comme elles, et l'odon- tophore, que la figure 7 représente grossi trois fois, est exactement du même type que celui de la figure 5 ; il suffit de regarder les posi- tions correspondantes des deux pièces pour s'en assurer aussitôt. La seule différence est que l'odontophore du Solaster endeca est plus robuste, ses surfaces articulaires plus nettement limitées; enfin, la fossette de la face dorsale plus large, en rapport avec le développe- ment un peu plus considérable du système interbrachial. On voit que ces deux espèces sont très-voisines et ne sauraient ôtre séparées. Quant à les comparer aux Pycnopodla et Brlsinga, il semble qu'un simple coup d'œil sur leur bouche eût dû prévenir une assimi- lation aussi risquée. Le squelette du Solaster papposus donnant une bonne idée de la constitution générale de celui de l'autre espèce, il m'a semblé inutile de représenter le Solaster endeca. On peut du reste renvoyer, pour des figures de cet animal, à la planche XVII du mémoire de M. Agas- siz. C'est une des planches de cet ouvrage où le squelette des deux SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 139 faces du corps est le plus facile à voir. La planche XII, consacrée au Solaster papposus, est moins satisfaisante. On n'y voit cependant pas d'erreur, sauf que sur la iigure 3, les systèmes interbrachiaux de- vraient être apparents. Mais je ne puis comprendre, d'après les plan- ches de M. Agassiz, ni même d'après ses descriptions, pourquoi il veut séparer ces deux espèces. Il nous dit, en effet ^ : « L'arrangement et la structure générale des plaques ambulacraires et adambulacraires sont identiques dans le Solaster endeca et ànns \e Crossaster Le plancher actinal (la face ventrale), entre les bras, est composé de petites plaques un peu allon- gées, arrangées en lignes divergentes plus ou moins régulièrement, tout à fait semblables h ce qu'on voit dans le Crossaster les parti- tions interbrachiales ne sauraient pas plus dans ce genre que dans le Crossaster, être destinées à supporter la face dorsale... » Je dois faire remarquer ici que la principale fonction des systèmes interbrachiaux n'est point celle; que leur attribue le savant naturaliste américain, mais, au contraire, d'empêcher l'écartement trop considérable des deux faces de l'animal. < « La. différence fondamentale entre les genres Crossaster et Solaster, dit encore M. Agassiz, est dans la structure de la face dorsale. » Après ces diverses citations, on sera sans doute étonné de lire^ : «D'après l'examen des parties solides, il est évident que le Solaster papposus et le Solaster endeca ne doivent pas être renfermés dans le môme genre, n'ayant en réalité rien de commun sauf le grand nombre de bras. » On me pardonnera ces nombreuses citations. A mon début dans la carrière scientifique, et en opposition avec les idées d'un savant en possession d'une réputation aussi légitime que celle de M. Alexandre Agassiz, je ne pouvais moins faire que de citer, à l'appui de mes recherches, le texte môme de l'illustre professeur dont je combats les conclusions. Quant à M. Gaudry, qui n'a parlé du Solaster qu'à propos des paxilles du dos, il a soutenu l'idée que les piquants qui les revêtent font corps avec la pièce. Ainsi que M. Agassiz, je suis persuadé que ces piquants sont simplement implantés sur les paxilles, et je les ai toujours vus s'en séparer naturellement, par une macération dans la potasse caustique. Tous les Solaster ont des bras nombreux et en nombre variable ; 1 Loc. cil., p. 112. 2 Loc. cit., p. 98. 140 VIGUIER. toutefois, le Solaster furcîferdes mers Scandinaves pourrait n'en avoir que cinq. Les figures que donne M. Wyville Thompson^ ne permet- tent du reste de reconnaître que cette seule différence entre le Solas- ter fujxifer et le Solaster papposus. GENRE ACANTHASTER (p. gervais). 1835. SlcUonia (pars) Agassiz, Prodrome, etc., p. 25. 1840. Echinastcr, Gray, Ann. Nal. Hist., t. VI, p. 241. 1841. Acanlhasler, Paul Gervais, Dict. des sciences naturelles, Supplément, t. I, p. 474. 1842. Echinasler (pars) xMûller et Troschel, System dor Asteriden, p. 2.^. 1844. Echinitcs, Mùller et Troschel, IFiegmann's Archiv, p. ISO. 18G2. Acanlhaster, Dujardin et Hupé, Echinodermes, suites ù Buiïon, p. 350. 18G6. Echinasler sous yeure Heliasler, von Martens, Os(a';ia lischc' Echino- dcrmcn, Archiv fur Nalurgcs., 3'^'^ année, •l''° partie, p. GO 1873. Acanlhaster, Perrier, Révision des Stellérides, p. 95. M. Perrier avait reconnu en 1873 deux espèces à'Acanthaster exis- tantes au Muséum; V Acanthaster echinites elYAcant/iaster EllisH. C'est de la première que je vais parler. L'échantillon dont j'ai pu faire l'étude était très-détérioré; néan- moins, tout le centre et plusieurs bras étaient encore entiers ; mais il a fallu beaucoup de soins, à cause de l'extrême fragilité de Pani- mal desséché, pour en faire des préparations qui pussent être dessi- nées à la chambre claire. Cet échantillon mesurait 93 millimètres de diamètre, avait qua- torze bras, comme on peut s'en assurer en regardant la bouche -, et cinq plaques madréporiques, comme le montre la figure 8. Ces deux dessins sont faits à un grossissement de 3/2 ainsi que la section interbrachiale (10) et la vue latérale de la dent (13). On peut distinguer dans le squelette dorsal deux parties très-dif- férentes d'aspect : la première surle disque et la base du bras, l'autre dans toute la longueur du bras. Ce réseau dorsal est composé comme chez le Solaster par des lignes d'ossicules imbriqués qui limitent des mailles de formes et de dimen- sions variables. Ici, toutefois, les ossicules sont plus gros, les mailles « The Deplhs of the Sea, p. HO et 45G. 2 {>\. \[\\, (i;;- 9. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 141 un peu moins irrégulières; enfin, aux points de croisement des lignes d'ossicules, la pièce surélevée qui correspond à celle du Solastern'est pas rétrécie en paxille, mais creusée au sommet d'une fossette assez profonde. Dans cette fossette s'insère un ligament très-résistant qui fixe une épine de dimensions variables et quelquefois très-fortes. La pièce basilaire, qui fait réellement partie du squelette, paraît d'abord ne faire qu'un avec l'épine et constituer un seul piquant régulière- ment aminci de la base à la pointe ; mais on y découvre facilement une articulation placée à une hauteur assez variable. Sur le centre du disque ^ on voit une de ces grosses pièces armées, de laquelle rayonnent les lignes d'ossicules ; c'est à côté d'elle que s'ouvre l'anus. Les autres pièces situées tout autour, au centre du disque, sont de dimensions variables mais assez fortes. Sur le bord du disque, en dehors du cercle formé par les plaques madréporiques, ainsi que sur la base des bras, la réticulation devient plus légère et les pièces spinifères beaucoup plus petites ; puis il se fait un brusque changement, et sur tout le reste des bras les mailles deviennent plus grandes, les pièces connectives plus fortes ; enfin, les pièces spini- fères atteignent leur maximum de développement. On ne voit pas, comme dans le Solaster, de pièces isolées ou groupées au centre des mailles ; en outre celles-ci, bien qu'irrégulières, affectent le plus généralement une forme quadrangulaire. La face ventrale, bien que très-différente de celle du Solaster, est en réalité construite sur le même plan. On distingue très-bien sur le bord ^ une rangée marginale de plaques imbriquées qui correspon- dent, comme position, à la rangée de paxilles imbriquées à leur base et aplaties à leur sommet du Solaster papposus. En dedans de cette série marginale, toute Taire interbrachiale est occupée par des plaques imbriquées de l'angle interbrachial vers la bouche. Chacune de ces plaques porte, ainsi que les plaques margi- nales, un petit mamelon hémisphérique sur lequel s'insère un piquant, et au centre duquel on voit la fossette pour l'insertion du ligament qui fixe ce piquant. Dans la plus grande longueur du bras, il n'y a qu'une série de plaques ventrales interposées entre la rangée margi- nale et la série adambulacraire ; vers la base du bras, on en voit deux. Enfin, jamais les séries adambulacraires de deux rayons voi- 1 Fig. 8. » Fig. 9. U2 VIGUIEK. sins no s'accolent l'une à l'autre comme chez le So/asfc)'; les pre- mières pièces après la dent en sont séparées par une plaque ven- trale impaire, qui vient recouvrir l'extrémité externe des dents. Celles-ci, très-volumineuses comme chez le Solaster, ne sont pas arrondies comme dans ce type, mais allongées, et portent chacune cinq petits mamelons dont quatre sont irrégulièrement espacés sur le bord de la dent, et un au milieu *. Ces mamelons servent à l'inser- tion des papilles buccales. La première pièce ambulacraire est très-grosse, comme chez le Solaster, et présente aussi une apophyse en aile très-développôe ^ Les autres pièces ambulacraires sont hautes et fortes, et atteignent la face dorsale du rayons Quant aux pièces adambulacraires, acL disposées tout le long du bras, elles sont à peu près quadrangulaires, un peu moins éloignées de leurs voisines de série que chez le Solaster, et chacune d'elles présente sur le bord, du côté du sillon, un petit alvéole où se loge un pédicellaire en pince ^. Au contraire de ce que nous voyons dans le Solaster, le sillon est chez V Acanthaster presque toujours fermé, ce qui s'explique par le plus grand développement de la face ventrale. Le système interbrachiaP, composé de pièces très-minces, est en réalité, de môme que chez le Solaster, un triangle à sommet infé- rieur ; mais ici, par une raréfaction encore plus grande de la substance calcaire, on trouve trois petites rangées qui vont s'appuyer isolément sur la face inférieure du réseau dorsal, puis se réunissent en une seule qui vient se terminer aussi sur une apophyse dorsale de l'odon- tophore, o. Celui-ci, que la figure 12 représente grossi trois fois, est exacte- ment du même type que ceux du Solaster ; ses formes sont seulement un peu plus grêles; il est proportionnellement plus allongé, ainsi du reste que les dents auxquelles il sert de point d'appui. Enfin, l'apo-, physe dorsale, si remarquable chez les Solasteiun.e, est ici plus dé- veloppée que dans les Solaster et se dévie un peu dans la direction de la bouche. Les plaques madréporiques sont, de même que les bras, en nombre très-variable dans les divers échantillons. t Pig. 9. 2 Fig. 13. 3 Fig. 11. * Pig. 9. s Fig. ]0,i. SQUELETTE DES STELLÉUIDES. U.^ Le nombre des bras varie de onze à vingt, celui des plaques madré- poriques de cinq à seize, sans avoir aucune relation avec le premier. Sur notre sujet on comptait quatorze bras et cinq plaques madrépo- riques ^ disposées en cercle autour du centre de l'animal, à peu près à moitié distance de ce centre au sommet des angles interbra- chiaux qui leur correspondaient. Sur ces cinq plaques, quatre étaient à peu près circulaires, une ovale, à grand diamètre tourné dans le sens d'un rayon. Toutes étaient épaisses, très-convexes, couvertes de sillons très-flns, et ressemblaient beaucoup à la plaque d'un Solaster. Chacune d'elles correspondait exactement à une cloison interbra- chiale. Une était isolée, séparée des autres par un intervalle inter- brachial, puis en venaient deux dans les deux angles voisins ; de nou- veau deux espaces interbrachiaux sans plaque; enfin, encore une paire séparée par un intervalle interbrachial. Cinq espaces interbra- chiaux à côté les uns des autres en étaient donc complètement dé- pourvus. A chacune de ces plaques correspondait un canal hydro- phore qui affectait exactement les rapports ordinaires. On a essayé de distinguer des espèces dans le genre Acanthaster, en se basant sur le nombre des bras et des plaques. Pour M. Liitken, il y aurait eu dans la httérature du sujet des indications de trois espèces au moins de ce genre. V Acanthaster echinites (Ellis) des Indes Orien- tales (Batavia^ Ternate, Sumatra, Amboine, les Philippines), V Acan- thaster Ellisii (Gray) de l'Amérique occidentale (l'Amérique méridio- nale, la basse Californie) et V Acanthaster solaris (Gray) du détroit de. Magellan. 11 avouait toutefois que la comparaison plus exacte de ces espèces était encore à faire (en 1871). M. Perrier, qui s'est occupé de la question en 4875, dans sa. Révision des Stellérides, reste à ce sujet dans un doute que je ne puis qu'approuver. La détermination des espèces n'entre pas dans le cadre de ce travail et je n'ai pas à m'en occuper ici ; je crois néanmoins devoir insister aussi pour prémunir les classificateurs contre des divisions qui ne s'appuiraient que sur des caractères aussi variables que le nombre des bras et des plaques. y Acanthaster Ellisii, que M. Perrier distingue de {'Acanthaster echinites, n'en différerait que par ses piquants nus et des pédicellaires plus courts. L'examen attentif des Solaster et des Acanthaster nous montre com- bien on peut établir de relations intimes par l'étude complète du » rig. 8, m. \U VIGUIER. squelette, entre deux animaux qui ne paraissaient d'abord avoir de commun que le nombre des bras et la réticulation irrcgulière de leur dos. Il nous fait voir en outre comment une pièce cylindrique cou- verte de Unes épines, une paxillc en un mot, est strictement homo- logue à une pièce spinifère portant une seule grosse épine, et nous montre une fois de plus qu'il ne faut point attacher une importance exagérée, dans la classification, à cette forme spéciale. En se rappelant la disposition des systèmes interbrachiaux dans les Solaster et les Acantliaster, et la forme typique de leur odonto- phore ; en les comparant ensuite à ce que nous avons vu dans les autres Eciunasterid.e, je ne doute pas qu'on ne tombe d'accord avec moi sur la nécessité de séparer ces deux genres, et d'en faire une tribu qui prendra le nom de Solasteeinje. FAMILLE V. LINCKIAD^. Les divers auteurs qui se sont occupés des Astéries ont été très- di visés d'opinion sur l'étendue de cette famille, sur la délimitation des différents genres qui entrent dans sa constitution, et sur les noms mêmes à donner à ces divers genres. M. Perrier a discuté les opi- nions de ses devanciers, dans son mémoire paru en 4875; mais, comme je modifie encore assez profondément cette famille, je dois rappeler d'abord comment elle a été comprise avant moi. Les L1NCKIAD.E correspondent en partie aux Linckia de Nardo, aux Opliidiaster et Linckia d'Agassiz, aux Ophidiaster et Scytaster de Millier etTroschel; enfin aux C/«oe/as^er des mêmes savants. Ces derniers auteurs ne distinguaient leurs deux genres Ophidiaster et Scytaster que d'après la disposition des pores, réunis en groupes chez le pre- mier, isolés au contraire chez le second, auxquels ils donnaient d'abord le nom de Linckia-. Toutefois leur Scytaster variolatus et leur Scytaster zodiacalis ont les pores réunis en groupes ; et beaucoup d' Ophidiaster, ayant dans leur jeunesse des pores isolés, devraient alors être rangés parmi les Scytaster. C'est ainsi que nous voyons Duchas- saing et Michelin appeler Scytaster Stella V Ophidiaster ornithopus de Valenciennes, qui est une véritable Linckia, la Linckia Guildingii de Gray. On voit combien la distinction entre ces genres était arbitraire ; aussi ne faut-il pas s'étonner que Gray ait divisé à nouveau ce groupe SQUELETTE DES STELLÉRIDES. U5 d'Astéries. Seulement, suivant sa coutume, il a été un peu loin et ne trouve pas moins de neuf genres différents dans les deux genres pri- mitifs de Millier et Troschel. Ce sont les : Dactylosastei\ Linckla, Ta- maria, Cistma, Na)'doa, Ophldlaster^ Narcissla, Gomophia et Fromia. Quelques-uns de ces genres étaient déjà connus; d'autres n'ont pas paru suffisamment établis, et les idées de l'auteur anglais n'ont pas été adoptées généralement; elles ont môme provoqué une réaction singulière, et nous voyons von Martens proposer de reunir de nou- veau dans un seul genre les Ophidiaster et les Scytaster de Millier et Troschel. M. Liitken s'éleva avec raison contre cette proposition, et fit remar- quer qu'il suffit de regarder un Ophidiaster ophidianus, un Ophidias- ter miliaris et un Scytaster variolatus, pour constater qu'on a devant soi trois types distincts. En jetant les yeux sur les figures que je donne ^ on verra combien était fondée l'opinion du savant danois. Il proposa de réserver le nom iV Ophidiaster pour le type auquel appartient Y Ophidiaster ophidianus, d'appeler Linckia tous les animaux du type de V Ophidiaster miliaris; enfin, de laisser le nom de Scytaster à toutes les espèces voisines du Scytaster variolatus. A ces trois groupes principaux s'ajoutent les Leiaster de Peters et les Lepidaster de Verrill, qui peut-être ne doi- vent faire qu'un seul genre, et les Mithrodia ou Heresaster, qui ren- trent dans les Echinasterid^. Il faut remarquer toutefois que, pour faire ces distinctions, M. Liitken ne se servait que d'un caractère assez variable, la disposition différente des piquants du sillon ambu- lacraire. M. Perrier, qui a partagé les idées de M. Liitken, s'est appuyé en partie sur la disposition du squelette pour confirmer les distinctions établies par ce savant. Suivant lui, dans Y Ophidiaster type, la face ventrale est presque nulle, les aires porifères s'avancent presque sans discontinuer jusqu'à la deuxième rangée de papilles ambulacraires, dont elles ne sont séparées que par une mince bande granuleuse cor- respondant à une rangée longitudinale unique, continue jusqu'à l'extrémité des bras, de petites plaques squelettiques. On doit consi- dérer comme Linckia tout animal chez qui il existe une face ventrale assez large, dépourvue de pores et formée à la base des bras d'au moins quatre rangées de plaques contiguës, dont les extérieures plus » PI. IX, fig. 1, 2, S et 9; pi. X, Cig. 1 et 2. AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉ.\. — T. VII. 1878, 10 U6 VIGUIER. grandes peuvent figurer des plaques marginales, comme chez les Linckia muUifora et GuikUncju. Le genre Scytaster ne laissait pas de l'embarrasser un peu plus, d'autant que l'armature des plaques adam- bulacraires se rapproche beaucoup, pour quelques espèces du moins, de ce que l'on voit chez plusieurs Linckia. 11 a reconnu toutefois que chez le Scytaster, pas plus que chez VOpIncUaster,'û n'existe à propre- ment parler de face ventrale, ou du moins que celle-ci présente des pores, isolés ou réunis en groupes, de sorte que la série des plaques adambulacraires n'est séparée de la première rangée de pores que par nue ou tout au plus deux rangées de plaques ^ L'étude approfondie du squelette, dans ces divers types, n'a fait que confirmer les opinions de M. Perrier et justifier sur ce point sa clas- sification, à laquelle je me range complètement. Il est un autre type encore où l'anatomie du squelette vient prouver la justesse de ses vues : c'est le Scytaster milleporellus . Pour lui, la forme aplatie de cet animal, sa double rangée de grandes plaques marginales, ses ossicules squelettiques arrondis, ses pores tentaculaires isolés, étaient des ca- ractères qui l'éloignaient des véritables Linckiad^ pour le rapprocher des Pentagonaster. Il lui conservait donc le nom de Fromla, proposé par Gray, et se demandait s'il n'y aurait pas avantage à transporter ce genre dans les GoNiASTERiDiE. Mes recherches m'ont prouvé, en effet, que la Fromia doit être sé- parée des LiNCKiAD^ et reportée à côté des Pentagonaster, dans la tribu des Pentagonasterin^ que l'absence de soutiens ambulacraires et la présence de plaques marginales, ordinairement bien distinctes, diffé- rencient des LiNCKiAD^, tandis que l'absence de systèmes interbra- chiaux et de spicules dans les ambulacres la sépare des Goniasterin.e, qui composent avec elle notre VP famille. Le genre Ferd'ma suit le genre Fromia. Quant au genre Metrodlra, je le reporte à la suite des deux précédents, bien qu'il ne m'ait pas été possible de m'assurer de sa place exacte. M. Perrier a constaté que les Dactylosaster et Tamaria de Gray ne sont que des Ophidiasler ; les Gomophia, Narcissia et Nardoa, des Scytaster. Il n'a pu obtenir au British Muséum aucun renseigne- ment sur lès Cistina, qui se rapprochent sans doute des Ophidiaster. En résumé, IcsLinckiad^ se composaient, pour M, Perrier, des genres Ophidiaster, Agassiz (pars), Linckia, Nardo (pars), Scytaster, Millier et Troschel (pars), Ferdina, Gray; auxquels devaient s'ajouter les Leias- ' Révision des Stelldrides, p. 119. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 147 ter^ Peters, et Lepidnster, Verrill, qui n'existaient pas au Jardin des Plantes. 11 y conservait toutefois encore les genres Fromia et Metro- dira, de Gray, qui formaient pour lui la transition entre les Linckiad^ et les GoNiASTERiDj;. Notre famille des Linckiad.e est composée des mêmes genres que la sienne, sauf les derniers que nous en retranchons défmitivement ainsi que le genre Ferdina, et les Clixtaster de Mûller et Troschel, que nous y transportons des Astropectinid.î:. Les Chxlasler n'avaient guère de titres à faire partie des Astropec- tinid.ï:, et si l'on compare les figures que je donne', on verra de suite la grande ressemblance que présentent entre elles les faces ventrales d'un ChaUnster et d'une Linckia. On lira plus loin les détails de l'or- ganisation ; mais je dois dire, dès maintenant, que ce n'est que faute de mieux que je place les Chxtaster dans les Linckiad^ ; ce sera, si on veut, une place provisoire. Quand nous aurons étudié complètement le squelette d'un Opkidiaster, d'un Scytaster et d'une Linckia, nous verrons combien ce dernier type est distinct des deux premiers, et combien il est difficile d'établir de bonnes divisions dans cette famille des LiNCKIAD.E. Peut-être qu'une étude complète des animaux qui la constituent amènera de nouveaux groupements ; mais, comme il ne m'a pas été permis pour le moment de faire ce travail, je conserverai provisoire- ment cette famille, pour ne pas compliquer sans nécessité absolue la littérature scientifique. Elle comprendra, dans le sens que nous lui donnons, les quatre genres : Linckia, Nardo ; — Chxtaster, MuUer et Troschel ; — Opki- diaster, A§nssiz; — Sci/taster, Liitken. — Il faudra sans doute y joindre les Leiasfer de Peters, et les Lepidaster de Verrill; mais je n'ai aucun renseignement à donner sur ces animaux, qui ne sont pas représentés au Muséum de Paris. Genre LINCKIA ( Nardo ) emend. 1834. LincJàa, Nardo, Isis. 1864. Linckia, Lutken, Videnskabelige Meddelelser,T[). 164(16 sens du nom est modifié). 1875. Linckia, Perrier, Révision des Stellérides, p. 135 (dans le même sens que Liitken). » PI. X, fig. 2 pt 9. iiS VIGUIER. J'ai pu étudier deux espèces de L'inclda sur les neuf qui sont repré- sentées au Jardin des Plantes. Je commencerai par la description de la Linckia miliaris, espèce que l'on trouve dans une aire très-étendue: Zanzibar, Seychelles, Batavia, Moluques, Philippines, Nouvelle-Calé- donie, Australie orientale, et à laquelle se rapporte le plus grand nombre des dessins que je publie. Je parlerai ensuite de la Linckia diplax^ qui, elle aussi, se trouve dans des points fort éloignés : Bour- bon, Madagascar, Nouvelle-Calédonie, Californie. Les figures 1 et 2 * sont de grandeur naturelle, et représentent les deux faces d'une petite Linckia miliaris. Le squelette du dos est composé en entier de petites plaques irré- gulièrement quadrangulaires, épaisses, légèrement convexes en des- sus. Les dimensions de ces plaques varient peu du centre du disque à l'extrémité des bras. Sur les deux côtés de chaque bras, on peut suivre deux lignes de ces plaques disposées assez régulièrement en forme de séries marginales, dont la supérieure, s'avance un peu dans les angles interbrachiaux, en empiétant sur la face dorsale du disque^. Toutes les autres pièces du squelette dorsal sont disposées sans ordre apparent, et laissent entre elles, de loin en loin, des aires porifères irrégulières de formes et de dimensions. On peut remarquer que ces aires porifères n'occupent presque jamais la ligne médiane, où les plaques sont très-serrées les unes contre les autres, ainsi qu'à l'extré- mité du bras. Sur le disque, on voit toujours une petite ouverture presque centrale, qui est l'anus ^ Sur la face ventrale, la disposition est tout autre et beaucoup plus régulière. Sur presque toute l'étendue du bras, on voit trois lignes de plaques quadrangulaires formant trois séries longitudinales et recti- lignes, parallèles à la série adambulacraire. Les plaques correspon- dantes de ces trois séries sont disposées sur des lignes exactement perpendiculaires à la direction du sillon*. Il n'y a pas d'aire porifère sur toute cette face ventrale. Vers l'extrémité du bras, on voit suc- cessivement disparaître ces rangées parallèles, mais la série margi- nale ne vient en contact des pièces adambulacraires que vers la plaque occllaire. Vers la base du bras, on voit au contraire une quatrième 1 Pi. X. 2 Fig. 1. ^ KiK- 1, ati. * Fig. ii. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 149 série, parallèle aux premières, se placer à leur côté externe ; d'autres encore s'y ajoutent dans l'angle interbrachial. Au point de rencontre des séries ventrales de deux bras voisins, l'arrangement devient un peu irrégulier, sauf pour la série la plus in- terne, ainsi qu'on peut le voir sur la figure 2. Le nombre des plaques dans ces séries est sans rapport avec^le nombre des plaques adambu- lacraires, contrairement à ce qu'on avait supposé. On voit au con- traire, sur toute la longueur du bras, deux séries transversales de plaques ventrales aboutir à une seule plaque de la série marginale in- férieure ; cette disposition paraît constante, et nous la retrouverons chez le Ch^taster. Les sillons ambulacraires sont presque toujours entièrement fermés sur les Linckia de nos collections, comme du reste chez tous les animaux de leur famille ; les plaques adambula- craires sont petites, enfoncées dans le sillon, très-serrées les unes contre les autres. Les pièces ambulacraires sont courtes et reliées, par de petits soutiens ambulacraires, non pas à la deuxième série de plaques ventrales, comme dans les genres Ophidiaster et Scytaster, mais à la première ^ Les systèmes interbrachiaux sont formés, dans cette espèce, par de petits ossicules plats, dressés verticalement, et qui divisent l'aire interbrachiale en formant une muraille incomplète qui n'atteint pas le sommet de l'angle arrondi formé par les deux faces-. Cette dis- position, qui paraît constante dans cette espèce,, ne l'est pas dans tout le genre Linckia, comme nous le verrons tout à l'heure. La bouche est remarquable par la petitesse des dents, qui sont lé- gèrement tronquées, et rappellent presque, à première vue, celles des EcuixASTERiN.h ; maisTodoutophore, que la figure 5 montre grossi cinq fois, diffère complètement de celui que nous avons vu dans cette tribu. Ses apophyses sont très-courtes, mais les surfaces articu- laires qu'elles portent sont parfaitement marquées (5'). La face ven- trale est légèrement carénée, la face dorsale presque plane, l'épaisseur de la pièce est très-faible et son volume très-réduit, ce qui se com- prend, du reste, vu la petitesse des dents, qui doit rendre leurs mou- vements à peu près nuls. , La plaque ocellaire^ est petite, arrondie, et ne présente rien de particulier. ^ Fig. 4, s. 2 Fig. 3. * Fig, \,oc. ■ ' ibO VIGUIER. La plaque madréporique m, petite, à peu près circulaire, et mar- qué de sillons irréguliers peu nombreux, est située très-excentri- queinent, sur le bord interne de la série marginale. La description qu'on vient de lire s'applique à un échantillon jeune de Linckia miliaris; cet échantillon présente même la forme trapue que Gray avait distinguée sous le nom de Linckia crassa; il est néces- saire d'ajouter quelques remarques sur la disposition des aires pori- fères chez les individus plus développés. Ces aires sont alors généra- lement de beaucoup plus grandes que les plaques voisines, de forme ovalaire, et nettement circonscrites. On observe toujours, comme sur notre sujet, sur la ligne mé- diane du bras, une plage continue, plus ou moins large, formée par des plaques très-serrées les unes contre les autres, et souvent plus petites que les plaques des régions voisines; cette plage, irrégulière- ment limitée sur les côtés, ne présente jamais d'aires porifères. Les aires situées immédiatement en dedans de la série marginale sont, en général, plus petites que les autres, et forment une ligne assez ré- gulière, à peu près parallèle à cette série. Cette disposition est assez difficile à retrouver dans les séries suivantes, dont on peut distinguer trois, de plus en plus irrégulières en approchant de la ligne médiane. Quand les aires porifères deviennent plus petites et envahissent à peu près complètement la plage médiane, il devient très-difficile de distinguer cette espèce de la Linckia yiicobarica, autrement que par la différence de disposition des piquants ambulacraires et de la gra- nulation ventrale. La Linckia miliat'is possède presque constamment cinq bras ; tou- tefois, un des échantillons du Muséum n'en présente que quatre. Chez la Linckia diplax, le nombre des bras est plus variable, bien qu'ordinairement aussi de cinq. Sur quarante-deux échantillons exis- tants au Muséum, deux avaient quatre bras, treize en avaient six, deux en possédaient sept, et tout le reste en comptait cinq. C'est d'un échantillon à six bras que j'ai fait l'étude. Je n'en ai, du reste, figuré ici que l'odontophore, les différences qu'il présente avec le type décrit plus haut étant très-faciles à comprendre par une simple description. Les bras sont plus grêles et plus allongés dans la Linckia diplax ; les aires porifères, extrêmement irrégulières, ne sont pas plus grandes que les ossicules qui forment le squelette dorsal, et sont disposées sans aucun ordre sur tout le milieu de la face dorsale du bras. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 151 qu'elles envahissent complètement. Au lieu de deux séries marginales distinctes, comme chez la Linckia miliaris, on en compte ici trois ou quatre très -distinctes, parallèles, et laissant entre elles des séries régulières d'aires porifères. La face ventrale est formée par quatre rangées contiguës de pla- ques quadrangulaires, disposées comme nous l'avons vu chez la Z tnckia m iliaris . Les systèmes interbrachiaux sont variables dans cette espèce. Dans un des angles de notre' échantillon on voyait à peu près la même disposition que sur la figure 3 (pi. X) ; dans deux autres, on voyait à peine quelques petites plaques isolées ; enfin, dans les trois autres, il n'existait pas de système interbrachial. Il ne faut donc pas attacher à ce caractère une trop grande importance dans le genre Linckia. La bouche de la Linckia diplax ressemble absolument à celle de la. Linckia miliaris; ie n'en ai figuré que l'odontophore^ grossi cinq fois, et dont on remarque la grande ressemblance, on pourrait presque dire l'identité, avec celui de la figure 5. Le caractère le plus important àeVà Linckia rf^/^/aa? est certainement la présence de deux plaques madréporiques, aussi bien sur les indi- vidus qui n'ont que quatre ou cinq bras, que sur ceux qui en possè- dent six ou sept. Il existe même un individu à quatre bras qui pré- sente trois plaques, dont une est composée de trois fragments bien distincts. Les deux plaques, à chacune desquelles correspond un canal hy- drophore qui affecte les rapports ordinaires, sont presque toujours situées dans deux angles voisins. Dans les formes en comète, si fré- quentes chez cette espèce, on les trouve généralement de chaque côté du grand bras. II semble que la faculté de rédintégration soit en général plus déve- loppée chez les animaux qui possèdent plusieurs plaques madrépo- riques. L'explication rationnelle de ce fait est encore à trouver ; quoi qu'il en soit, cette rédintégration est rarement bien régulière, et les espèces à plusieurs plaques ont en général un nombre de bras très- variable. M. Agassiz a figuré dans son mémoire la Linckia Guildingii de Gray, quipossède, comme la Linckia diplax, nn nombre variable de bras et deux plaques madréporiques. L'échantillon de M. Agassiz avait six ' Fig. 7. 132 VIGUIER. bras. La figure qui représente la face ventrale dénudée est très-bonne; pour celles de la face dorsale, elles laissent à désirer et il est impos- sible d'y découvrir les plaques madréporiques. Une de celles-ci est bien figurée, à un assez fort grossissement. D'après le texte de M. Agassiz il existerait dans cette espèce un système interbrachiai rudimentaire. Nous avons vu que la disposition de ce système est va- riable chez les Linckia. Le reste de la description n'offre rien de par- ticulier. Toutes les Linckia présentent une couronne de spicules à la ven- touse de leurs ambulacres. Cette couronne |est représentée (fig. 8, pi. XV!) à un grossissement de vingt fois. La figure 10 montre un fragment de cette même couronne à un grossissement de 120 diamè- tres ; b est le côté externe, c le côté central de la couronne. On voit que celle-ci est composée d'une seule ligne de spicules plats et aréoles. Il n'existe pas de spicules dans le tube de l'ambulacre ni dans les vésicules ambulacraires. On ne trouve pas de pédicellaires chez les Linckia. GENRE CHjETASTER (mULLER ET TROSCHEL). 1840. Chœlasler, Mûller et Troschel, Ueber die Galtiingen der Asteriden, Wiegmann 's Ârchiv fur Naturgcschichte, 6® année, l"^"" vol., p. 321. 1840. Nepanthia, Gray, Annals and Magazine of Natural Uistory, t. VI, p. 287. 187o. Chœtasler, Perrier, kévision des Stellérides, p. 329. Sauf un seul échantillon de Chxtaster nodosus^ de la Guadeloupe, dont M. Perrier a donné la description dans son ouvrage en créant cette espèce, tous les Chœtaster du Muséum sont des Chxtastei' lon- gipes, et proviennent de la Méditerranée. Les figures 8-13 de la plan- che X sont consacrées à ce type. Les figures 8 et 9^ qui sont de grandeur naturelle, permettent de se faire une idée exacte des deux faces de l'animal. La face dorsale est entièrement composée d'ossicules surélevés, en forme de prismes hexagonaux à angles arrondis, qui seraient dressés sur une de leurs bases. Gesossicules sont disposés en séries longitu- dinales, et chacun d'eux est relié aux deux ossicules contigus, qui appartiennent à chacune des séries placées de chaque côté de la sienne, par quatre petites pièces calcaires très-fines disposées en croix SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 133 à sa face inférieure, et qui viennent presque se rencontrer au centre de cette face. Il n'y a pas de petites pièces de ce genre entre deux ossicules voisins d'une même série longitudinale , Les deux figures que M. Gaudry a données à ce sujet dans son travail sont inexactes ; du reste, dans sa coupe transversale du bras, il n'a pas figuré les sou- tiens ambulacraires. Comme la planche X est très-chargée, et que cette disposition des pièces connectives est très-facile à comprendre, il m'a paru inutile d'en donner une figure ; on les voit en coupe dans les sections ^ Les lignes- de ces paxilles dorsales, puisqu'on peut en réalité leur donner ce nom, se poursuivent très-régulièrement dans toute la lon- gueur du bras ; et les piquants qui les recouvrent ne sont point assez serrés pour masquer cette disposition. La ligne médiane est un peu distincte des autres, et atteint seule la plaque ocellaire. Sur le disque, les paxilles deviennent plus petites, irrégulières, se pressent sans ordre apparent, et les piquants qu'elles portent les cachent absolu- ment sur le sujet intact. De chaque côté ,du bras se voit une double rangée de plaques mar- ginales ; les rangées supérieures limitentjraire occupée par les paxilles ; elles sont composées de petites plaques minces, serrées les unes contre les autres, quadrangulaires,et à peu près verticales tout le long du bras. Vers l'extrémité du bras au contraire, ces plaques margi- nales s'allongent transversalement en empiétant sur la face dorsale, et finissent par venir rejoindre la rangée médiane de paxilles, avec laquelle elles atteignent seules la plaque ocellaire ^ Les séries marginales ventrales sont au contraire composées tout le long du bras de plaques fort petites, et toujours à peu près régu- lièrement quadrangulaires. Le rapport du nombre des plaques dans les deux séries marginales d'un même côté n'est point absolument constant. En dedans des plaques marginales inférieures, la face ventrale est formée de séries rectilignes de très-petites plaques quadrangulaires, étroitement serrées les unes contre les autres. Le nombre des séries longitudinales, de trois ou quatre à la base du bras, diminue progres- sivement vers son extrémité. Les plaques des séries voisines sont, comme chez les Linckia, disposées sur des lignes perpendiculaires à 1 PI. X, fig. 10 et 11. 2 Fig. 8. iU VIGUIER. la direction du sillon ambulacraire, et, comme chez les Linckia éga- lement, on voit deux de ces rangées transversales correspondre à chaque plaque marginale, dans presque toute la longueur du bras. Vers l'angle interbrachial, l'arrangement des plaques ventrales est moins régulier, et des pièces plus grosses, et allongées dans le sens de la bissectrice de l'angle, occupent la direction de cette lignée Les systèmes interbrachiaux sont composés de très-petites pièces minces, disposées de champ, de façon à former une sorte de muraille qui ferme l'angle formé par les deux faces ^ et s'avance à moitié dis- tance du bord du disque à la bouche. Les pièces adambulacraires sont très-petites, serrées les unes contre les autres, et leur nombre paraît presque partout correspondre à celui des plaques des séries ventrales. Néanmoins, ce rapport n'est pas absolument constant. Les pièces ambulacraires sont plus courtes proportionnellement que chez les Linckia, et reliées par des soutiens très-grêles à la pre- mière, et parfois, mais très-rarement, à la deuxième série de plaques ventrales ^ La coupe de bras, grossie trois fois, que représente la figure M , a porté sur un bras déformé ; ordinairement le dessus du bras est régu- lièrement arrondi. La bouche d'un Chxtaster se reconnaîtrait difficilement de celle d'une Linckia^ du moins à première vue. Dans les deux genres les dents sont un peu tronquées et très-petites, et la bouche réduite à une ouverture fort étroite. L'odontophore, grossi cinq fois sur la figure 12, présente de grandes ressemblances avec un odontophore de Linckia ; les apophyses et les surfaces articulaires sont disposées à peu près exactement de même dans les deux genres. La seule différence sensible est que, chez le Chxtaster, la pièce n'est pas comprimée latéralement à son extrémité externe, comme on le voit chez les Linckia. Il n'existe pas de pédicellaires dans ce genre, et l'on n'y rencontre pas, comme dans le précédent, des couronnes de spicules dans les ven- touses des ambulacres. La plaque ocellaire [oc, fîg. 8) est assez grosse, comparativement > Fig. 0. 2 Fig. 10, i. ^ Fig. 11, s. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 155 aux dimensions de l'animal ; mais ne présente cependant pas le grand développement que nous lui verrons dans les Astropectinid.e. La plaque madréporique m est petite, ordinairement cachée sous les piquants des paxilles du disque, et située très-près du centre ; elle est marquée de sillons fins et rayonnants. Le genre Chœtastera fait jusqu'ici partie des AsTROPECTiNiDiE parla seule raison qu'il avait le dos constitué par des paxilles. Indépendamment de sa forme, si différente de ce qu'on voit chez les AsTROPEGTiNiD^, la préseuce de ventouses bien développées à l'extré- mité de ses ambulacres devait déjà le faire différencier de cette famille ; l'existence de systèmes interbrachiaux qui n'existent jamais dans les Astropectinidjc, l'extrême réduction des dents qui sont trian- gulaires, légèrement tronquées et presque planes en dessus, au lieu d'être hautes, convexes, grandes et écartées, enfin la forme de son odontophore, juslifient sa séparation de la famille dont il a fait partie jusqu'à présent et son rapprochement des Linckia. Un autre caractère qui le rapproche de ce dernier type est la con- stitution de la face ventrale, qui est remarquablement semblable dans les deux genres, et diffère au contraire totalement de ce que l'on voit chez V Astropecten ou la Luidia. Il ne faut pas toutefois considérer le Chxtaster commQ étroitement allié aux Linckia ; la constitution si particulière de son dos le sépare de tous les types que j'ai pu étudier jusqu'ici ; enfin les plaques mar- ginales sont assez différentes de ce qu'on les voit chez les Linckia. Les autres différences sont moins importantes ; la disposition des sys- tèmes interbrachiaux, qui du reste ne diffère pas beaucoup, ne si- gnifie pas grand' chose dans une famille oii ces systèmes sont aussi variables; quant à l'absence de spicules dans les ambulacres, nous verrons le Scytaster la présenter aussi, malgré ses affinités avec XOphidiaster qui en possède. On ne doit donc pas non plus y attacher une trop grande importance. GENRE OPHIDIASTER (agassiz) emend. d834. Ophldiasler, Agassiz, Prodrome d'une Mon. des Rad.^ Mém. Soc. se. Neufchàtel. 1834. Linckia (pars) Nardo, Isis. 1840. Daclijlosasler, Tamaria, Cistina, Ophidiasler, Gray, Ann. of Nat. Hist., t. VI, p. 283. — J86o, Synopsis of the Asleriadœ of British Muséum, p. 13. 156 VIGUIER. 1842. Ophidiasler (pars), MùUer et Troschel, Sijstem der Asleridcn, p. 28. iS6o. Linckia (pars), von Martens, Oslasiatische Echinodermen, Archiv fur Naturge.^. Juhr XXXI, Bd. ], p. 351. 186-4. Ophidiasler Lûtkeii, Vidcnskabelige Meddeldser,^. 163, et 1871, Vid. HJcdd.,i>. 265. 1875. Ophidiasler, Perrier, Révision des Stellérides, ^i. i20. Il existe environ une douzaine d'espèces à'Ophïdïaster au muséum de Paris. J'ai pu examiner Y Ophidiaster ophidianus, de la Méditer- ranée, et V Ophidiaster pyramidatus . C'est à ce dernier que se rappor- tent la description et les dessins que je publie. L'individu que j'ai étudié provenait d'Acapulco, et avait été donné par le Muséum de Zoologie comparative de Cambridge (Massachusetts). Il mesurait 198 millimètres de l'extrémité d'un bras à l'extrémité du bras alterne. Comme la disposition du squelette est remarquablement uniforme tout le long du bras, il m'a paru inutile d'en dessiner un en entier. Les figures \ qui sont légèrement grossies, suffiront, avec la descrip- tion, pour donner une bonne idée de la constitution de cet animal. Les bras sont irrégulièrement arrondis en dessus, un peu aplatis en dessous^ et s'atténuent très-peu de la base au sommet, qui est gros et arrondi. Sept rangées principales de plaques imbriquées sont dis- posées dans toute la longueur du bras, se recouvrant de la pointe du bras vers la base. Leur forme se voit très-bien sur la figure 1. Ces séries ne se touchent pas latéralement, mais sont reliées les unes aux autres, par des pièces connectives étroites, mais assez épaisses, situées en dessous d'elles, et qui réunissent les plaques correspondantes de deux séries voisines, à l'endroit où ces plaques sont les plus larges*. Le squelette dorsal est donc composé d'une série d'arcs, composés chacun de sept grandes plaques et de six pièces connectives. Les pla- ques recouvrent, ainsi que je l'ai dit, celle de l'arc voisin du côté du disque, mais les pièces connectives, à cause de leur étroitesse, n'ont de rapports qu'avec les plaques de l'arc qu'elles constituent, et il en résulte qu'on trouve, tout le long du bras, six rangées d'ouvertures, limitées chacune par six pièces, soit deux pièces connectives et quatre plaques. La série médiane d'un bras se termine au niveau du disque par une » PI. IX, fig. 1 et 2. * Fig. 1 et 4. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 157 plaque élargie, très-irrégulièrement quadrangulaire. Ces cinq plaques forment le sommet d'un pentagone régulier, et sont reliées les unes aux autres par des plaques en V, sur lesquelles elles s'appuient deux à deux. A l'intérieur de ce pentagone, l'arrangement des plaques est moins régulier, et vers le centre se voit une grosse pièce irrégulière à côté de laquelle on trouve l'anus. La série médiane du bras, qui est un peu plus forte que les autres, ne se continue pas longtemps sim- ple. On la voit déjà, sur la figure 1, commencer à se décomposer très-près du disque, sur le bras supérieur et surtout sur le bras gau- che. Cette disposition ne fait que s'accentuer plus loin, et sur presque toute la longueur du bras cette série médiane, au lieu d'être simple, se compose d'un grand nombre de pièces irrégulièrement pressées les unes contre les autres. Les pièces connectives partent régulièrement de ce système compliqué pour se porter aux deux séries voisines. Celles-ci restent plus longtemps simples ; néanmoins vers le milieu du bras elles commencent à subir la même modification que la série médiane, et leurs pièces se multiplient tellement, qu'elles finissent par envahir les deux lignes médianes d'aires porifères, qui disparaissent environ 2 centimètres avant la pointe du bras. Les trois séries médianes de plaques sont alors réunies, et forment un pavage solide dans lequel une section transversale rencontre parfois plus de dix pièces. Quant aux deux séries latéro-dorsales de chaque côté, elles restent toujours simples, elles rangées d'aires porifères qu'elles limi- tent se poursuivent jusqu'à l'extrémité du bras. La face ventrale se compose, vers le milieu du bras, de trois séries de plaques. La plus externe de ces rangées part de la série la plus latérale de la face dorsale \ et peut être considérée comme formée de pièces connectives. Chacune des pièces qui composent cette série recouvre intérieurement une plaque plus volumineuse et élargie à son extrémité interne. Nous avons donc là une deuxième série dont le nom- bre de plaques est encore rigoureusementé gai à celui du système dorsal. Mais entre cette deuxième série et la ligne des pièces adambulacraires, nous voyons une rangée de petites plaques arrondies, très-serrées les unes contre les autres. Deux de ces petites plaques correspondent à chaque pièce de la deuxième série. Il n'y a pas de rapport régulier entre leur nombre et celui des pièces adambulacraires ^ > Pig. 4. 2 Fig. 2. 458 VIGUIER. Les plaques de cette série sont presque toutes creusées d'un, par- fois de deux alvéoles à pédicellaires, et forment une ligne ininter- rompue de la dent à l'extrémité du bras. Les autres séries de la face ventrale sont moins constantes. En approchant de la bouche, l'externe se décompose de façon à pouvoir former l'aire interbrachiale, et nous pouvons compter dans l'angle formé par deux bras jusqu'à six pièces, disposées sur une seule ligne correspondante àchacune des pièces des sérieslatéro-dorsales. Sur la section \ très-près de la base du bras, il y en a deux ; mais déjà sur la figure 2 on observe la disposition décrite plus haut. En approchant de la pointe du bras, les pièces do cette série, désormais unique, se raccourcissent d'abord, puis finissent par disparaître; et les pièces des rangées latéro-dorsales viennent reposer sur la série des pièces élar- gies, à peu près au niveau du tiers externe du bras. Cette série de pièces élargies qui existe sur presque toute la lon- gueur du bras finit elle-même par disparaître, un peu avant son extrémité, et les pièces des rangées latéro-dorsales les plus externes reposent alors directement sur la série des petites pièces à pédicel- laires, qui est, elle, absolument constante, comme nous l'avons déjà vu. Les aires porifères de la face ventrale, d'abord très-allongées transversalement, se raccourcissent donc graduellement et finissent par disparaître avant l'extrémité du bras. Les pièces adambulacraires sont petites et assez serrées les unes contre les autres. Les pièces ambulacraires sont remarquablement courtes, surtout vers l'extrémité du bras, et étayces par une série de soutiens ambulacraires - qui se portent de leur extrémité à la rangée des pièces élargies, en sautant la rangée des pièces à pédicellaires. far la disposition compacte de leur squelette, et surtout par la brièveté de leurs pièces ambulacraires et l'existence de soutiens al- longés, on voit que les bras de V OphkUaster pyramidatus doivent être fort rigides; aussi les rencontre-t-on presque toujours à peu près droits dans les collections. La section interbrachiale ^montre qu'il n'existe pas de système in- terbrachial dans ce type, et du reste la rigidité du corps étant pres- que absolue, on n'en comprendrait pas la nécessité. » Fig. 4. 2 Fig. /i, s. 5 Fig. 3. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 159 Bien que la hauteur des pièces ambulacraires augmente en appro- chant de la bouche, la première pièce de cette série est petite, com- parativement aux dimensions de l'animal ; néanmoins, l'apophyse en aile est assez bien développée '. Les dents sont courtes et arrondies, et marquées en dessus de sillons correspondants à l'insertion des pa- pilles. L'odontophore, que la figure 5 représente grossi quatre fois, pré- sente une forme assez particulière. Les apophyses sont très-dévelop- pées, et situées tout à fait en ligne droite avec la face orale de la pièce. La face dorsale est très- convexe et marquée d'une petite fos- sette % les faces latérales sont très-échancrées, enfin la face ventrale se prolonge en un éperon assez aigu. La plaque ocellaire est arrondie, petite comparativement au vo- lume de l'animal, et ne présente rien de particulier. La plaque raadréporique' offre un développement remarquable, mais variable, et qui peut atteindre le double de ce qu'on le voit sur la figure. Elle est légèrement concave, parfois unie et entière, comme on le voit sur notre dessin, parfois comme morcelée, à bords plus ou moins déchiquetés et à surface irrégulière. Les vermiculations qui couvrent cette surface sont très-fines et la plaque présente une appa- rence granuleuse. A ce grand développement de la plaque correspond une forme toute particulière du canal hydrophore. La figure? montre ce canal grossi deux fois, et l'indication au trait des pièces sur lesquelles s'ap- puie la lame qui constitue la plaque madréporique. Ainsi qu'on peut le voir, ce canal présente en bas son volume et son apparence ordinaire, mais, en haut, il s'élargit considérablement pour venir s'appliquer à toute la surface inférieure delà plaque. Bien que l'on puisse voir jusqu'en haut la dépression longitudinale que l'on observe toujours sur le côté oral du canal hydrophore, celui-ci perd son apparence de trachée au point où commence la dilatation, et, au lieu des arceaux Cr^'caires, on ne voit plus que des branchages irrégulièrement entre-croisés et affectant la position verticale. J'ai déjà signalé cette remarquable disposition en parlant du canal hy- drophore en général. » Pig. 6. 2 Fig. 3". 3 Pig. 1, m. 160 VIGUIER. J'ai décrit en détail VOphicUaster pyramidatus, parce que c'est la première espèce que j'ai étudiée, et que les différences que présente VOphidiaster ophidianus ne m'ont point paru suffisantes pour néces- siter une seconde série de dessins. Toutefois ces différences méritent d'ôtre signalées ; et du reste, après la description ci-dessus, on peut très-facilement s'en faire une idée exacte. Dans cette espèce, les sept séries longitudinales de plaques dor- sales sont parfaitement régulières et simples, et on peut les suivre jusqu'à la plaque ocellaire qui a près de deux fois le volume qu'elle offre dans V Ophidiaster pyjmmidatus. Il y a donc, sur toute l'étendue du bras six rangées d'aires porifères dorsales, parfaitement régu- lières. Les aires porifères ventrales se poursuivent aussi sur toute la lon- gueur du bras, la disposition décrite au milieu du bras de V Ophi- diaster pyramidatus se retrouvant ici dans toute son étendue. L'aspect de V Ophidiaster ophidianus est donc beaucoup plus régulier que celui de l'autre espèce. Il faut encore signaler les pièces ambulacraires, qui sont encore plus courtes ici que dans VOphidiaster pnjramidatus et atteignent à peine le tiers de la distance qui sépare les deux faces du corps. Quant à la plaque madréporique, elle est également granuleuse, mais de dimensions normales, et ne rappelle en rien l'énorme développement que nous avons examiné plus baut. Le plus grand nombre des Ophidiaster possède cinq bras ; on en rencontre néanmoins qui n'en ont que quatre, et d'autres qui en ont six ou sept, d'après M. le docteur Liitken. Dans ces derniers cas, ils offrent aussi deux plaques madréporiques. Tous les animaux de ce genre possèdent à un très-haut point la faculté de reproduire les parties brisées, et l'on trouve si souvent un bras rompu reproduisant un animal entier, que quelques savants se sont demandé si ce ne serait point là le développement normal chez ce type. Les Ophidiaster habitent surtout les mers chaudes, et leur limite au nord parait être la Méditerranée. On rencontre chez les animaux de ce genre une couronne de spi- cules dans la ventouse des ambulacres; on peut s'en faire une idée en regardant celle delà LinckiamiliarisK II n y a pas despicules dans 1 l'I. XVI, fig. 8ct 10. SQUELETTE DES STELLÉRiDES. 161 le tube, mais les vésicules en présentent de petits, irrégulièrement dispersés. Les pédicellaires des Oijliidiaster n'avaient pas été signalés par M. Perrier, lorsqu'il fit paraître son important mémoire sur ces orga. nés si singuliers; mais dans son ouvrage intitulé : Révision des Stelléri- des du Muséum, il a donné les descriptions détaillées des pédicellaires que Ton rencontre chez les diverses espèces d^Ophidiasfer. Comme ce dernier travail ne renfermait pas de planches, j'ai figuré, sur sa de- mande ', un des types les plus caractérisés : le pédicellaire de VOphi- diaster Germani. L'espace dont je disposais ne m'a permis que d'en donner trois vues, qui, je l'espère, suffiront à bien faire comprendre sa constitution. Elles sont faites toutes les trois à un grossissement uniforme de vingt diamètres. La première (fig. 12) représente un pédicellaire complète- ment ouvert, vu en dessus et entouré des granulations du derme; la seconde (flg. 13], un autre pédicellaire avec les mâchoires fermées, et •vu également en dessus ; enfin la figure i-4 montre un pédicellaire à demi ouvert, en vue latérale. Tous ces dessins sont esquissés à la chambre claire. La pièce basilaire b, qui a sur cette espèce environ 1 millimètre de longueur, est beaucoup moins large, et présente une épaisseur à peu près égale à sa largeur. Elle est creusée de deux cavités, qui la rédui- sent à une simple coque, et qui sont séparées par une cloison verticale et transversale, au milieu de la pièce. On a ainsi l'apparence remar- quable que M. Perrier ajustement comparée à une salière. L'ouver- ture de ces cavités présente une forme singulière : étroite vers la cloison médiane, elle va en s'élargissant vers l'extrémité de la pièce; cette extrémité se relève, comme on le voit sur la figure 14, et se ter- mine par de longues dents grêles, réfléchies vers l'intérieur de la ca- vité. Il est à remarquer, comme on le verra bien sur les figures 12 et 13, que les dents d'un bout de la pièce basilaire correspondent aux intervalles des dents de l'autre bout ; nous allons en voir la rai- son tout à l'heure. De chaque côté de la cloison c, la cavité des pièces n'atteint pas immédiatement toute sa profondeur, et l'on trouve un petit épaulement à un niveau un peu inférieur à celui du sommet de la cloison c. C'est sur ce petit épaulement que repose l'extrémité ba- silaire de la valve n correspondante. De petits muscles, s'insérant 1 PI. XVI, fig. 12, n et 14. ARCH. DE ZOO'. EXP. ET GÉN. — T. VU. 187 M i62 VIGUIER. d'une part au.v côtés de la cloison c, de l'autre à la portion rétrccie des valves y, relèvent les valves et ferment le pédicellaire; tandis que d'autres fibres musculaires ou peut-être simplement élastiques, et qui s'insèrent d'une part au fond des cavités, de l'autre à la base des val- ves, à l'opposé des premiers muscles, ouvrent les pédicellaires dont les valves viennent alors se cacher dans les cavités. Le grossissement auquel j'ai été obligé de restreindre mes figures ne m'a pas permis de représenter ces muscles, dont la position et la fonction sont du reste faciles à comprendre. Les valves, assez convexes, et élargies à leur partie supérieure, se terminent l'une par cinq dents, l'autre par quatre ; et ces dents s'en- tre-croisent exactement, comme on le voit sur la figure 13, lorsque le pédicellaire est fermé. Quand les valves se rabattent, leurs dents s'en- tre-croisent exactement avec celles de la pièce basilaire; c'est pour cela que les dents situées à un bout delà pièce basilaire sont exacte- ment disposées comme celles de la valve du côté opposé. Les valves, comme la pièce basilaire, sont fort compactes; les petits trous dont elles sont percées sont tellement fins que, sur nos figures, ils apparaîtraient à peine comme un simple pointillé. Les valves sont très-caduques, et chez les sujets desséchés elles manquent le plus souvent. Pour les modifications que subissent ces pédicellaires dans les diverses espèces du genre Ophidiaster^ je renverrai au mémoire de M. Perrier. GENRE SCYTASTER (lutken). 18i0. Nardoa, Gomophia, Narcissia, Gray, An7i.and Mag. of Nat. Hislory, p. 286. Î842. Scytasler (pars) et Ophidiaster (pars), MûUer et Troscliel, System der Asleriden. 1864. Scytaster, Lutken, Vidensk. Meddelelser. 1873. Scytasler, Perrier, Révision des Slelléndes, p. Î56. M. Perrier reconnaît sept espèces de ce genre, au Muséum de Paris; c'est le Scytaster Novx Caledonise, dont le nom indique la pro- venance, qui m'a servi de sujet. Les figures^ qui représentent une partie des deux faces de l'animal, de grandeur naturelle, me dispensent d'en donner les dimensions. • PI. IX, (ig. 8 et 9. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 163 La difFércnce d'aspect entre cet animal et un Ophidiaster est tout à fait remarquable ; et cependant la constitution du squeletle pré- sente de nombreux points de rapprochement. Les bras, irrégulièrement arrondis, et qui s'atténuent en pointe vers leur extrémité, ont leur face dorsale formée de grosses plaques légèrement convexes, irrégulièrement circulaires ou elliptiques, et dont la disposition en séries n'est guère visible que vers la base du bras. Ces plaques, qui diminuent peu à peu de volume en approchant de la pointe du bras, et qui se pressent alors les unes contre les autres de manière à former une sorte de pavage irrégulier, sont moins serrées sur le disque et la base des bras, et laissent entre elles des espaces libres qui constituent de véritables aires porifères. Du reste, des plaques plus petites viennent presque partout s'interposer entre elles, et augmenter encore l'irrégularité de l'ensemble. Ainsi qu'on le voit sur la coupe de bras grossie deux fois^ des pièces situées en dessous, et analogues aux pièces connectives des Ophidiaster, mais ne présentant naturellement pas la même régularité, relient entre elles les grosses plaques dorsales. Dans les angles interbrachiaux on voit très-nettement, surtout dans celui qui se trouve à gauche sur la fi- gure 8, des séries de petites plaques assez régulièrement disposées. Sur la face ventrale l'arrangement des plaques est beaucoup plus régulier. Immédiatement en rapport avec les plaques adarabula- craires, se trouve une série de petites pièces qui rappellent tout à fait ce que nous avons vu chez Y Ophidiaster-. Les pièces de cette série, d'un volume à peu près constant le long du bras, deviennent cependant plus grosses en approchant de la bouche ; du reste, pas plus que chez V Ophidiaster, leur nombre n'est en rapport constant avec celui des pièces adambulacraires, comme le croyait M. Perrier. Il est facile de s'en convaincre en les comptant sur les figures, qui, étant dessinées à la chambre claire, reproduisent exactement la disposition de ces plaques. Ainsi qu'on le voit, celles qui occupent le sommet de l'angle interbrachial et qui arrivent au contact des dents présentent un développement relativement très- considérable. En dehors de cette série, on en trouve une autre de grosses pièces arrondies, légèrement convexes et imbriquées. Par- fois une de ces plaques correspond à deux de la première série ; » Fig. 11. 2 Corap. fig. 2 et 9. i64 VIGUIER. mais ce rapport, indiqué par M. Perrier, était, sur notre échan- tillon, tout à fait exceptionnel, et l'on ne saurait tracer de relation constante entre le nombre de plaques des deux séries. Enfin, sur le bord du bras, se voit une troisième rangée dont les plaques sont de môme forme et en même nombre que celles de la deuxième série. Les plaques de ces trois rangées voisines laissent entre elles, tout le long du bras, des aires porifères très-limitées. Dans l'angle interbracbial, ces aires porifères disparaissent tout à fait; cela est dû à la présence de plaques qui viennent s'interposer entre la première et la seconde série, comme on le voit sur la figure 9. Les pièces adambulacraires sont plus grandes que chez YOphi- diaster, et les plaques ambulacraires sont aussi proportionnellement plus hautes. Gomme dans le genre précédent, une série de soutiens ambula- craires se porte des pièces ambulacraires à la première série de grossses plaques ventrales, en sautant la série des petites plaques'. J'ai rencontré assez souvent, dans ce type, le soutien formé de deux pièces au lieu d'une, et quelquefois il y en avait jusqu'à trois, solide- ment unies, et paraissant, au premier abord, n'en constituer qu'une seule. Cette disposition a été déjà citée plus haut. La bouche d'unScytaster est facile à reconnaître de celle d'un Ophi- dlaster. Les dents sont, en etfet, longues et pointues au lieu d'être arrondies, et vont presque jusqu'à se rencontrer au centre de la bouche -. Leur face inférieure est marquée , ainsi que les pièces adambulacraires, de deux sillons parallèles à leur bord, et correspon- dant aux piquants ambulacraires et buccaux. La première pièce ambulacraire est naturellement un peu plus Ibrte^que chez VOphidiaster, et en rapport avec le volume de la dent^ L'apophyse en aile est bien développée. Le figure 10, grossie deux fois, fait voir que, pas plus ici que dans VOphidiaster, il n'existe de système interbrachial. L'odontophore, bien que du même type que dans le genre précé- dent, [présente ;cependant des différences assez remarquables. ES En examinant les figures 12, qui le représentent grossi quatre fois, on voit que les apophyses, bien développées aussi, ne sont plus » Fig. 11, s. 2 Fig. 9. 3 Fig. 13. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 165 exactement en ligne droite avec la face orale de la pièce; la face dorsale, marquée également ici d'une petite fossette, est presque plane, et l'éperon de la face ventrale a disparu, tandis que cette môme face ventrale présente une saiUie assez considérable vers son extrémité orale. A voir les faces ventrales et surtout dorsales dans les figures 5 et 15, on est frappé des ressemblances, et, par une vue latérale (5'" et 12"'), on constate tout de suite les différences de cette pièce caractéristique, dans les deux genres Ophidiasfe)^ et Scytaster. La plaque oceliaire* est petite comme chez les Ophidiaster; quanta la plaque madréporique m, elle est finement striée de sillons rayon- nant du centre, assez petite, encastrée dans les gros ossicules du dos, et parfois assez difficile à découvrir. Elle est à peu près circu- laire, et située à moitié distance environ entre le centre et le bord du disque. Il n'existe pas de pédicellaires chez les animaux de ce genre, et je n'ai pas trouvé chez eux de rosettes de spicules dans les ven- touses des ambulacres. Toutefois, comme les ambulacres étaient en fort mauvais état sur les échantillons que j'ai eus entre les mains, je ne puis pas donner l'absence de spicules comme un fait absolu- ment certain, mais seulement extrêmement probable, car il est d'or- dinaire très-facile de constater la présence de rosettes, même chez des sujets fort détériorés. Maintenant que j'ai décrit en détail les types principaux qui consti- tuent la famille des Linckiad.e, peut-être ne sera-t-il pas inutile de rappeler ce que je disais au commencement : c'est qu'une coupe devra sans doute être établie dans cette famille. Dans la première division prendraient place les Ophidiaster et les Scytaster, qui tous ont : des aires porifères sur la face ventrale, jamais de systèmes interbrachiaux, des dents assez développées, les apo- physes de l'odontophore très-marquées, enfin les soutiens ambula- craires constamment appuyés sur la deuxième rangée ventrale à partir de la série adambulacraire. Dans la seconde division se rangeraient les Linckia et Chsetaster, avec les caractères communs : face ventrale formée de séries de plaques très-serrées, et sans aires porifères; des systèmes interbra- chiaux, à la vérité non constants ; des dents très-réduites, les apo- physes de l'odontophore très-courtes; enfin les soutiens ambula- » Fig. 8, oc. 166 VIGUIER. craires h peu près constamment appuyés sur la première rangée ventrale. J'ai donné plus haut les raisons pour lesquelles je croyais inop- portun de faire maintenant de cette famille deux familles distinctes, et je n'y reviendrai pas ici. FAMILLE VL GONIASTERIDtE. J'ai indiqué plus haut les modifications que j'ai introduites dans la famille h laquelle Perrier donnait ce nom, et pourquoi il me parais- sait utile de répartir en deux tribus les genres que j'y laissais. J'achè- verai d'expliquer les motifs qui m'ont déterminé, en traitant de la répartition des genres dans chacune de ces deux tribus : les Penta- GONASTERIN/E et leS GONIASTERIN^. TRIBU 1". PENTAGONASTERIN^. Dans les généralités sur la famille des Linckiad.e, j'ai expliqué pourquoi il me paraissait nécessaire de séparer de cette famille les Fromia, que la présence d'une double rangée de plaques marginales bien distinctes, la forme de leur odontophore et l'absence de soutiens ambulacraires, en différencient nettement. Les genres Metrodira etFe7'dma, de Gray, doivent suivre la fortune des Fromia. A ces divers genres viennent s'ajouter les Pentagonaster, de Linck, qui, étant les plus anciennement dénommés, donneront leur nom à la tribu, ci VHippasteria, de Gray, qui était autrefois l'^s/ro^onmm phrygianum de Millier et Troschel. On a beaucoup varié d'opinion sur la position et les relations du genre Pentagonaster. Dans la classification de M. Perrier, il faisait avec les Goniodiscus (M. et T. emend.), Gymnastei-ia (Gray), As^teropsis (M. et T.) ou Petri- cia (Gray), Porania (Gray) et Dermastei'ias (E. Perrier), la première section de la famille des Goniasterid^. Sauf les Goniodiscus, sur la position desquels je demeure incertain, cette section doit disparaître. Les Gymnasteria sont reportés à côté des Penlaceros; quant aux Asteropsis, Porania e,iDermasterias, ils doi- vent rentrer dans la famille des Asterinid^î, comme nous le verrons plus loin. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. d67 Les Pentagonaster^ par la forme un peu plus grêle de leurs dents, l'absence d'apophyses développées à leur odontophore, l'absence de systèmes interbrachiaux et de spicules dans leurs ambulacres, s'éloi- gnent des GoNiASTERiu.E vraies et se rapprochent tout à fait àQ% Fromia. La forme générale du corps est, à vrai dire, assez différente, si l'on considère les deux types que je représente ; mais si, au lieu du Pen- tagonaster asfrologoi'um, on regarde les Pentagonaster dilatatus et pul- chellus, on verra les bras très-nettement accentués. Enfin, dans le Pentagonaster longimanus, les bras, grêles et allongés, ne sont plus formés que par les plaques marginales et les systèmes ambulacraires. Il ne faut donc pas attacher grande importance à la forme générale du corps, et considérer surtout les caractères fournis par la structure môme du squelette. Peut-être faudra-t-il ajouter à cette tribu les genres Goniodiscus et Nectria, que je laisse provisoirement dans les Goniasterinje. Je n'ai pu examiner suffisamment \&^ Nectria; et quant aux Gonio- discus, le Goniodiscus pleyadetla, le seul sur lequel j'aie pu constater les caractères des Goniasterinje, ne serait peut-être, d'après M. Per- rier, qu'un jeune Pentaceros. La tribu des Pentagonasterin^e comprend donc les genres : Fi'o- mia, Gray ; — Metrodira, Gray; — Ferdina, Gray; — Pentagonaster, Linck; — Hippasteria, Gray. GENRE FROMIA (gray). •I 840. Fromia, Gray, Ann. and Magazine of Naluml Histonj, t. VI, p. 286. 1842. Scijlasler, Millier el Troschel, Syatan der Aslcriden, p. .35. • 1845. Scylaslcr, Michelin, Faune de l'île Maurice, Mag. de Zooloqie, p. 22. 1862. Scytaster, Dujardin et Hiipé, Suites à Uiijfon, Echinodermex, p. 367. 18t)3. Fromia, GruY, Synopsis, [>. 14. 1866. Linckia,\onMdTtens,Ostannlische Echinodermen, Tvoschel 's Archiv fur Nuturgeschichte, 32^ an., vol. I, p. 69. 1869. Linc'kia, von Martens, Cl. v. d. Dechen hReise, Seesterne und Seeigel, p. 130. 1869. Scylasler, Perrier, Pédicellaires, p. 62. 1875. Fromia, Perrier, Révision des Slellérides, p. 172. Des quatre espèces de Fromia représentées au Jardin des plantes, je n'ai pu étudier que la plus commune, la Fromia milleporel/a, jolie pe- tite espèce qui habite la mer Rouge, l'île Bourbon et l'océan Indien. Avec la Fromia îndica, elle a constitué assez longtemps tout le 168 ■ VIGUIER. genre ; ce n'est que récemment que l'on en a distingué définitivement la Fromia monilis, et que M. Perrier a décrit une espèce nouvelle, la Fromia Balamrc. Les figures 15-20' se rapportent à la Fromia milleporella. Les figures 15 et 16, grossies deux fois, montrent comment est constitué le squelette des deux faces de l'animal. La face dorsale est formée de plaques polygonales à côtés recti- lignes. La surface de ces plaques est très-légèrement convexe. Quant à leur forme, bien qu'elle soit très-variable, on peut toutefois recon- naître qu'elle dérive en général de l'hexagone. Quelques plaques offrent môme cette forme hexagonale très-bien définie, comme cela se voit, par exemple, sur la ligne médiane des bras, où l'on peut suivre une ligne, assez irrégulière, il est vrai, de ces plaques. Il est impossible de décrire la disposition des autres plaques de la face dorsale, qui n'af- fectent aucune régularité dans leur arrangement. Elles deviennent plus petites sur les côtés des bras et vers leurs extrémités, et plus larges au contraire vers la ligne médiane et sur le disque ; toutefois on observe de très-petites plaques, mêlées aux grandes, jusqu'au milieu du disque. Vers le centre à peu près, se voit une grande plaque hexagonale qui limite avec deux autres l'anus an, qui se trouve comme toujours situé un peu à gauche de la ligne qui irait de la plaque madréporique à la pointe du bras opposé, en supposant la plaque madréporique en ar- rière. Entre toutes les plaques de la face dorsale se voient, à leur point de rencontre, des pores isolés qui lui donnent l'apparence singulière que l'on voit sur la figure 45, et qui a valu son nom à l'animal. Cette face dorsale est presque plane, légèrement convexe. De chaque côté des bras apparaissent deux séries de plaques mar- ginales bien définies , mais irrégulières. Les plaques marginales dorsales, à peu près droites, comme on le voit sur la figure 18, n'em- piètent pas beaucoup sur la face dorsale, sauf dans les angles interbra- chiaux oîi elles sont un peu plus développées. Les séries marginales ventrales, disposées aussi presque verticalement, sont au contraire très-peu apparentes dans les angles interbrachiaux, et viennent s'ap- puyer sur les séries adambulâcraircs dans une certaine longueur à l'extrémité dos bras '-. 1 PI. X. 8 P!. X, fig. 16. SQUELETTE DES STELLÈRIDES. 1G9 Plus près de la bouche, la face ventrale est formée de séries longi- tudinales, dont le nombre de plaques varie à chaque rangée. Celles de ces séries qui sont en rapport avec les séries adambulacraires se ter- minent, du côté de la bouche, à une plaque impaire en rapport avec les dents, et exactement interbrachiale ; en arrière de celle-ci, les deux plaques des rangées de deux bras voisins se réunissent sur la ligne interbrachiale. Nous retrouvons exactement cette disposition chez le Pentagonaster'^. Deux autres séries longitudinales s'interposent entre cette première rangée ventrale et la série marginale inférieure, vers la base du bras, mais disparaissent successivement, à peu près au premier et au deuxième tiers de sa partie libre. Tout à fait au sommet de l'angle interbrachial, deux ou trois petites pièces viennent encore se placer entre la troisième série ventrale et la série marginale inférieure. Comme sur la face dorsale, on trouve un pore aux points de jonc- tion des plaques ventrales, sauf toutefois sur la ligne interbrachiale, qui en est dépourvue. Les pièces adambulacraires sont quadrangulaires, assez épaisses et serrées les unes contre les autres. Le rayon est presque complètement fermé ^. Les pièces ambulacraires sont courtes, et ne sont pas, comme chez IcsLinckiad^, étayées par des soutiens ambulacraires. La section interbrachiale (fîg. 17) montre, outre l'épaisseur considérable du squelette, qu'il n'existe pas ici de système interbrachial ; toutefois, dans un des angles de notre échantillon, il existait deux ou trois piè- ces excessivement petites dans le repli de la membrane périto- néale. Les dents, triangulaires, pointues, diffèrent tout à fait de ce qu'on voit chez IcsLinckiad^, et leur volume est relativement considé- rable. A ces deux points de vue elles se rapprochent de celles de Scy- taster, bien qu'elles soient encore proportionnellement plus fortes ; mais la forme de l'odontophore différencie complètement les Fromm des Scytaster. Cet odontophore, grossi huit fois sur la figure 19, n'a pas d'apophyses développées comme celui du Scytaster; en outre, les surfaces articulaires sont elliptiques et non circulaires, et leur grand axe est situé dans une direction oblique à la ligne médiane de la pièce, les axes des deux surfaces articulaires d'une même pièce for- mant entre eux un angle ouvert du côté de la bouche ^ Cette remar- 1 PI. X, fig. 16 et 22. 2 Fig. 18. 3 Fig. 19'. 170 VIGUIER. quablc disposition se trouve exagérée encore chez le Pe7itagonasterK La pièce est trcs-plate. La plaque oceilaire ^ est arrondie et assez volumineuse. La plaque madréporique est ovale et assez petite ; elle repose sur cinq plaques dorsales, et présente des sillons rayonnants, sinueux et peu serrés. Le nombre des bras est de cinq dans cette espèce. Dans la Fromia indica on en voit six. Pas de pédicellaires. GENRE METRO DIRA (gray). 1840, Melrod ir a, GrsLY, Ann.and Mag. of Nalural Hislonj, t. VI, p. 282. 1842. Scytasler, Millier et Troschel, System der Asleriden, p. 12. 1862. Scytaster, Diijardin et Hupé, Suites à Buffon, Echinodermes, p. 368. 1866. Metrodira, Gray, Synopsis, p. 12. 1869. Scytasler, Perrier, Pédicellaires, p. 62. 187S. Meirodira, Perrier, Révision des Stellérides, p. 180. Le seul échantillon de ce genre que possède le Muséum, une Me- trodira subulata, n'a qu'un bras intact ; le centre est troué et les deux faces de l'animal ont été vernies, aussi est-il peu propre à Fétude. Les bras, grêles et allongés, sont aplatis en dessous, et ont dû être légèrement convexes en dessus comme ceux de la Fromia. Les plaques dorsales forment trois rangées irrégulières sur les bras ; le mauvais état du sujet ne permet pas de s'assurer de leur disposition sur le disque. Sur la face ventrale il existe une seule rangée de plaques quadrangulaires allongées, qui paraissent alterner régulièrement avec celles de la série marginale inférieure. Entre cette rangée ventrale et la série marginale viennent s'intercaler six petites plaques dans les angles interbrachiaux. Les séries marginales inférieures sont formées de petites plaques trapézoïdes, qui alternent leurs côtés larges et étroits. Les séries marginales supérieures sont au contraire formées de plaques rectangulaires. Elles paraissent arriver seules, avec la ran- gée médiane dorsale, jusqu'à la plaque oceilaire, qui est assez volumi- neuse. La plaque madréporique est petite et un peu saillante ; quant aux dents, il est impossible de les voir sans une préparation qui achève- » Fiff. 25'. - Fig. 15, oc. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 171 rait de détruire le sujet. Il m'est donc impossible de me prononcer avec certitude sur la place de ce type, que je laisserai entre les genres Fromia et Ferdina. Il faut lire, dans le mémoire de M. Perrier*, la description des types de Gray, qu'il a pu examiner au British Muséum, et qui^' diffèrent sen- siblement de celui-ci. GENRE FERDINA (gray). 1840. Ferdina, Gray, Annals and Magazine of Naiural History, t. VI. i87o. Ferdina, Perrier, Révision des SlcUéridcs, p. 183. J'ai pu faire l'examen de la Ferdina flnvescens de l'île Maurice ; mais j'ai jugé inutile d'en donner ici une série de figures, la plan- che X étant déjà composée quand j'ai eu le sujet à ma disposition. L'aspect général rappelle un peu celui d'un Sajtaster variolatm, dont les bras seraient très-courts. Les'plaques adambulacraires sont petites, rectangulaires ; après elles YÎent une rangée irrégulière, et parfois interrompue, de petites plaques également rectangulaires. On trouve ensuite deux rangées irrégu- lières de plaques plus grandes, de formes et de dimensions varia- bles. La rangée externe atteint à peine le milieu du bras. Cette face ventrale ressemble beaucoup, comme on le voit, à celle de la Fromia; mais on n'y voit pas de pores, ce qui rapprocherait ce type des Pen- tagonaster. Les plaques marginales sont indistinctes, et la face dor- sale est composée de plaques convexes, arrondies, irrégulières, entre lesquelles on trouve dos pores complètement isolés. Ce dernier carac- tère appartient aussi aux Fromia^ tandis que. pour le reste. Va Ferdina se rapproche des Scytaster ; mais si l'on fait une coupe du bras, on ne trouve pas les soutiens ambulacraires si développés dans ce dernier genre, et la forme de l'odontophore, presque identique à celui de la Fromia, achève de nous fixer la place des Feirlina. Les dents sont les mêmes que dans ce type. On ne trouve pas, bien entendu, de systèmes interbrachiaux, non plus que de spicules dans les ambulacres. La plaque madréporique est presque rectangulaire, mais disposée du reste à peu près comme chez la Fromia. Les animaux de ce genre sont petits; l'échantillon examiné mesurait 6 centimètres de dia- mètre. 1 Loc, cit., p. 82. 172 VIGUIER. GENRE PEjN TAGONAS TE R {LiiiCK). 1733. Penlaonnaslor, Lmck, De stellis marinis, p. 20. J836. Goniastcr (pars), L. Agassiz, Prodrome, etc., Mém. Soc. se. Neufchd- tcl, t. I. 18-40. Goniastcr (pars), MûUer et Troschel, Wieijmann's Archiv, 6° année, 1" vol., p. 322. 1842. Astrogonium, Stellasler et Goniodiscus (pars), Mùller et Troschel, System dcr Asleriden, p. 52-62. ISiO. StelUister, Hosea (pars), Calliasler, Âstrogonhim, Penlagonaster,Tosia, Gray, Annals and Mag. of Nat. Hlslory, t. VI. 1847. Les mêmes, ç\us Calliderma, Gray, Proceed. of Zool. Society. 1866. Les mêmes, plus Dong'ona, Gray, Synopsù. 1866. Goniasler (pars), von Martens, Ostasiatische Echinoderincn, Archiv fur Naturgesch., 32" année, vol. L 1871. Goniastcr (pars), Lùtken, Videnskabelige Meddelelser. 1875. Pcntagonaster, Perrier, Révision des Slcllérides, p. 190. La discussion très-approfondie des diverses espèces qui doivent rentrer dans ce genre a été faite par M. Perrier avec beaucoup de dé- tails. Pour avoir le droit de modifier à nouveau, ou de confirmer dé- finitivement les résultats auxquels il est arrivé, il m'eût fallu étudier chacun des types assez divers qui, pour lui, doivent se ranger sous un même nom. Malheureusement ces animaux sont encore rares dans la collection du Muséum, et je ne pourrai donner ici que l'étude d'une seule espèce, le Pentagonaste)^ asù^ologorum, qui représente bien cer- tainement le type du genre, et qui portait ce même nom dans la clas- sification de Gray. Il n'y a pas de doute que ce Pentagonaster n'appartienne à un type différent de celui que nous verrons dans les Goniasterin.-e ; la forme tout à fait différente de l'odontophore, l'absence des systèmes inter- brachiaux et des spicules dans les ambulacres, que j'ai toujours ren- contrés chez les Goniasterinje, rapproche évidemment ce Pentago- naster des genres que nous venons d'étudier. En est-il de même des CalUaster, Astrogonium, Calliderma, Dori- gona et Stellaster, de Gray? Je ne saurais le dire à présent ; aussi laisse- rai-je intact le genre Pentagonaster do M. Perrier, en faisant toutefois observer que tous les animaux chez lesquels on trouverait des odon- tophores à apophyses bien développées, des systèmes interbrachiaux, et des couronnes de spicules aux ambulacres, devraient immédiate- SQUELETTE DES STKLLÉRIDES. IT.'} ment passer dans la tribu des GoNiAsiERiNyE, de môme qu'il se pour- rait qu'on dût transporter dans les Pentagonasterin^e les Nectria et les Goniodisciis. Les rapports de tous ces types sont en effet très-diffi- ciles à déterminer, en dehors des caractères que j'ai signalés. Pour M. Perrier le nom de Penkigonnster doit s'appliquer à « un genre caractérisé : par un squelette entièrement formé d'ossicules circulaires, polygonaux ou légèrement sinués sur les bords ; par un corps plus ou moins aplati, limité par une double rangée de plaques marginales en général rectangulaires ». Les espèces dont les ossicules dorsaux sont étoiles doivent prendre le nom de Goniodisciis. Ici une difficulté se présente. Nous allons voir que les ossicules dorsaux du Pentagonaster astrologorum sont véritablement étoiles, seulement les saillies ne se poursuivent pas jusqu'au sommet de la pièce. L'aspect est différent, c'est vrai ; mais s'agit-il là d'une différence qui puisse caractériser absolument un genre? J'en doute pour ma part. En résumé, j'ai constaté la nécessité de séparer les Pentagonaste- RiN^ des GoNiASTERiN.E ; quant aux limites de ces deux tribus, elles sont encore en partie à établir. Dans l'impossibilité où j'étais d'en faire l'étude, j'ai dû laisser dans le genre Pentagonaster tous les élé- ments dont M. Perrier l'a composé, c'est-à-dire les Calliaster, les Tosi'a, \esGonlaste7' (pars), les Astrogonium, les Callidevma, \e%Dorigona et en- fin les Stellastei\ de Gray, ceux-ci faisant passage aux Goniodisciis. Si réellement les Goniodisciis sont des Goniasterin.e, comme je n'ai pu m'en assurer tout à fait, que sont les Stellaster ? Doivent-ils, eux aussi, faire partie de cette dernière tribu? Ces questions ne pourront être résolues que par l'examen complet des caractères anatomiques, mal- heureusement impossible aujourd'hui ; mais on peut dès maintenant affirmer qu'on ne doit pas réunir tous ces animaux en un seul genre, comme le voulaient von Martens et, dans une mesure un peu moin- dre, M. le docteur Lutken. Presque tous les Pentagoyiaster astrologorum du Muséum viennent de la Nouvelle-Hollande, où ils ont été recueillis en 1829 par Quoy et Gaimard. Les figures' qui représentent les deux faces de l'animal ont été faites à un grossissement de 3/2. La face dorsale est composée de plaques plus ou moins convexes, à bords irrégulièrement étoiles. Ce n'est du reste que le bas de la pièce qui se prolonge en étoile, • PI. X, fig. 21 et 22. 174 'VIGUIER. comme on peut le voir sur les coupes ^ La face intérieure de ces plaques dorsales est plane. Chacun des petits prolongements en étoile qui garnissent leur base s'appuie bout à bout contre son ho- mologue de la pièce voisine, auquel il est simplement juxtaposé sans aucune espèce d'imbrication. Le nombre do ces prolongements est ordinairement de six par plaque, mais varie, suivant la taille et l'ir- régularité des pièces, de trois à huit et même plus. De petites aires porifères se trouvent ainsi limitées, ordinairement entre trois plaques voisines, parfois quatre. Les dimensions des ossicules varient beau- coup. Sur le milieu du bras on suit une ligne à peu près régulière de plaques hexagonales, de dimensions moyennes et uniformes, ayant deux de leurs côtés perpendiculaires à la direction du bras. Dans les angles interbrachiaux, qui sont fort peu marqués, l'Astérie étant pres- que pentagonale, on voit, exactement au milieu, partir de la série marginale supérieure une plaque allongée dans le sens de la ligne interbrachiaie ; en dedans se trouve une plaque plus grosse, que sui- vent aussitôt deux plaques d'une dimension encore plus considérable, disposées en paire ; une cinquième grosse plaque, formant avec ces trois dernières un losange, occupe, comme les deux premières, une situation exactement interbrachiale. Cette plaque, avec ses quatre homologues des autres bras, forme un pentagone régulier, à l'inté- rieur duquel on en voit un autre composé de pièces plus petites alternant avec les grosses et entourant une plaque dorso-centrale. La plaque madréporique - est située dans l'intérieur d'un des losanges de grosses pièces, mais ne s'appuie que sur la plus interne, et surtout sur les deux latérales. Ces pièces sont échancrécs en forme de rein, pour livrer passage au canal hydrophore. En supposant la plaque madré- porique en arrière, c'est sur le côté gauche de la plaque dorso-cen- trale, entre elle et les deux qui forment le côté gauche inférieur du pentagone interne, que s'ouvre l'anus an. Les pièces dorsales les plus petites se trouvent le long des plaques marginales et au sommet des bras. Les plaques marginales forment deux rangées, dont la supérieure compte six pièces du sommet d'un bras au sommet du bras voisin, tandis que l'inférieure en compte quatorze. De chaque côté de la ligne interbrachiale, on voit deux plaques, à peu près de mêmevo- » Id., fig.23et 24, 2 Fig. 21, m. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 175 lume dans chacune des deux séries ventrale et dorsale, et ces quatre plaques se correspondent exactement ; elles sont rectangulaires et présentent une convexité plus marquée chez les dorsales que chez les ventrales. L'extrémité des séries marginales ventrales se compose de cinq plaques décroissant rapidement de volume vers l'extrémité du bras, et dont la dernière est fort petite, comme on peut le voir sur la figure 21, à l'extrémité du bras gauche. A ces cinq plaques ventrales correspond une seule grosse plaque dorsale, qui est de beaucoup la plus grande de tout le squelette, et peut atteindre, chez le Pentago- naster pidchellus par exemple, un développement énorme. Les deux plaques qui forment l'extrémité des séries marginales dorsales d'un même bras s'accolent d'abord l'une à l'autre sur la ligne médiane, puis s'écartent un peu pour laisser place à la plaque ocellaire oc qui est presque circulaire et aplatie. L'extrémité du bras est toujours un peu relevée, ce qui permet à la dernière plaque marginale dorsale de correspondre aux cinq dernières ventrales, bien qu'elle soit en réalité moins longue que l'ensemble de ces cinq plaques. La face ventrale est composée d'ossicules aplatis, de forme irrégu- lièrement quadrangulaire, très-serrés les uns contre les autres dans toute leur étendue, et formant une sorte de carrelage. - Leur surface est à peu près plane. Tout à fait au sommet de l'angle interbrachial et au contact des dents, se voit une plaque impaire de laquelle par- tent deux séries de plaques, qui longent les séries adambulacraires et dont les deux premières se rejoignent sur la ligne interbrachiale, en arrière de la plaque impaire. Les autres séries, dont les dimensions vont en diminuant, sont moins régulières. Aucune du reste n'atteint l'extrémité du bras, et les quatre dernières plaques marginales ventrales sont en rapport direct avec les séries adambulacraires. Cette disposition se retrouve tout le long des bras si développés du Pentagonaster longimanus, où les plaques ventrales proprement dites n'existent que sur le disque. Chez cet animal, du reste, il en est de même des ossicules dorsaux, et ce sont les plaques margino-dorsales qui, s'unissant tout le long de la ligne médiane, comme la dernière paire de Pentagonaster astro- logoi'um, complètent le squelette des bras. Les pièces adambulacraires sont à peu près quadrangulaires, peu épaisses et étroitement serrées les unes contre les autres. Leur bord interne est marqué d'un double sillon parallèle à ce bord, et qui se continue sur les dents. 476 VIGUIEK. Les pièces ambulacraires sont faibles et courtes, mais, à cause du peu d'épaisseur de l'animal, leur extrémité supérieure atteint presque la face dorsale. Il n'existe pas de soutiens ambulacraires, non plus que de systèmes interbrachiaux. L'aire interbrachiale est seulement divisée par un repli vertical de la membrane péritonéale. Les dents sont triangulaires et pointues comme nous les avons vues dans les Fromia, et comme nous les trouverons du reste dans toutes les GoNiASTERiN.-E. Seulement, ici, il semble qu'elles soient beaucoup plus limitées de fonction, à cause de la forme de l'odontophore ; aussi les trouvons-nous plus allongées et beaucoup moins massives. L'odontophore est exactement du même type que celui de la Fromia; très-plat, avec des apophyses peu développées, de larges facettes ar- ticulaires elliptiques^ dont les grands axes forment un angle ouvert du côté de la bouche, il diffère absolument du type si remarquable que nous verrons dans les Gox/asterly.î:. La plaque madréporique est assez grande, triangulaire à sommets très-arrondis, avec la base tournée vers le centre du disque. Elle est légèrement concave, et marquée de sillons sinueux et rayonnants. On ne trouve pas de pédicellaires chez notre sujet, non plus que chez aucun de ceux de la môme provenance ; il existe au contraire de très-petits pédicellaires valvulaires chez deux individus, provenant de la collection Michelin, et que M. Perrier, qui en a donné la description détaillée, hésite à séparer comme espèce distincte. On trouve du reste de ces petits organes chez le Pentagonasterpulchellus, et ils ont été décrits par M. Perrier en 1869 dans son mémoire sur les pédicel- laires. GENRE HIPPASTERIA (gray). 1733. Penlaceros (pars), Liiick, De slellis marinù. 1840. Hippasteria, Gray, Ânnals and Magazine of Natural liislory, p. 278. 184-1. Astrogonium (pars), Miiller et Troschel. 1865. Goniasler (pars), von Martens. 1871. GoniasUr (pars), Lûtken. 1875. lîippaiteria, Perrier, Révision des Stellérides, p. 270. Ce qui distingue, pour M. Perrier, le genre Bippasfe?na du genre Pentago7iaster, c'est le développement extraordinaire des pédicellaires valvulaires sur les deux faces de l'animal. Quand on rencontre des 1 PI. .X, fig. 25'. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 177 pédicellaires chez les Pentagonaster, ils sont toujours fort réduits, et je comprends que la comparaison des faces ventrales chez YHippaste- ina et VAnthenea ait conduit à rapprocher ces deux types. Toutefois, un examen plus approfondi nous montre entre eux de grandes diffé- rences. La disposition des ossicules est peu apparente à la surface, et je ne puis pas donner de renseignements exacts sur le squelette extérieur ; mais j'ai enlevé une paire de dents à l'un des échantillons, et j'ai pu ainsi constater qu'il n'existe pas de systèmes interbrachiaux. Les dents sont fortes; mais l'odontophore, bien qu'il commence à avoir des apophyses un peu mieux marquées, rappelle tout à fait la forme si caractéristique que nous avons vue dans le Pentagonaster. On ne trouve pas de spicules dans les ambulacres. Tous ces caractères dis- tinguent nettement ce genre des deux genres Goniaster et Anthenea, auxquels l'aspect particulier de sa face ventrale avait porté à le réu- nir, et qui, eux, sont des Goniasterin.e, comme nous le verrons plus loin. L'espace dont je disposais ne m'a pas permis de donner des figures pour cette Astérie. \j Hippasteria plana, seule espèce connue, habite les mers du Nord. TRIBU 1\ GONlASTERINyE. Pour M. Perrier, la famille des Goniasterid/e, aux formes très-dis- parates, correspondait aux genres Pentagonaster et Pentaceros de Linck, Goniaster et Cidcita d'Agassiz, Astrogonium, Goniodiscus , Stel- laster, Asteropsis, Oreaster et Culcita de Millier et Troschel. Gray réu- nissait tous ces types, ainsi que ceux qui constituent les familles des EcHiNASTERiD^ et LiNCKiAD.E de M. Perrier, en une grande famille à laquelle il donnait le nom de Pentacerotid^. La distinction que Millier et Troschel établissaient entre leurs Astro- gonium et leurs Goniodiscus est tout à fait insuffisante ; ils ne les diffé- renciaient en effet que par la disposition des granules, qui entourent seulement les plaques marginales des premiers et recouvrent unifor- mément celles des seconds. On trouve toutes les transitions entre ces deux états. Aussi M. Liitken, et plus tard M. von Martens, ont-ils pro- posé de réunir dans un genre Goniaster les Ast7'ogonium, Goniodiscus et Stellaster de Millier et Troschel. M. Perrier n'adopte pas cette manière ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VII. 1878. 12 i^S VIGUIER. de voir, bien qu'il reconnaisse le genre Goniodiscus (M. et T.) complè- tement artificiel. Il réunit aux véritables Astrofjonimn^ c'est-à'dire aux Penlagonaster, les Goniodiscus shigularis et mamillatus (M; et T.), qui n'en diffèrent que par les granulations de leurs plaques. De ceux-ci, non plus que des SteUaster, nous ne reparlerons pas maintenant, puis- que nous les avons mis dans notre tribu des Pentagonasterin.e. Les espèces qui ont leurs ossicules squelettiques diversement échancrés pour laisser place aux pores tentaculaires, et dont l'anus est entouré de quatre plaques, forment le genre Goniodiscus de M. Perrier- Sur les six espèces qu'il reconnaît dans ce genre, le Muséum n'en possède que trois. Une seule, le Goniodiscus pleyadella, dont un échan- tillon détérioré m'a permis de constater les caractères, se rattache sûrement pour moi aux Goniasterin^e ; mais, comme M. Perrier met en doute si ce n'est point là un jeune Pentaceros, je reste indécis sur la position définitive du genre. Le Goniodiscus pentcigonulus de Millier et Troschel, auquel M. Perrier restitue avec raison le nom (ÏAnthenea que lui avait donné Gray, est parfaitement distinct par la réticulation de son dos, les pédicellaires de sa face ventrale, et le développement singulier de ses systèmes in- terbrachiaux. Enfin le Goniodiscus ocelliferus (Millier et Troschel), qui doit garder le nom de Nectria (Gray), reste aussi parfaitement distinct; mais l'état dans lequel se trouvent les deux échantillons du Muséum ne m'a pas permis de déterminer sûrement la place de ce genre. Au type Anthenea il faut réunir VAsterias obtusangula de Lamarck, que Millier et Troschel avaient compté comme Oreasle?', et dont la face ventrale ressemble tout à fait à celle de VAnt/tenea. C'est à ce type que M. Perrier applique le nom de Goniaster. Ces deux genres paraissent faire une section très-naturelle de la tribu des GoNIASTElUNyE. Dans une troisième section, nous trouvons les genres Asterodiscus (Gray), Culcita (Agassiz), et Oreaster (M. et T.), auquel Perrier restitue avec justice le nom de Pentaceros, qu'il tenait de Linck. Le genre Ran- dasia (Gray) n'est constitué que par de jeunes Culcita. A côté des Culcita viennent encore se ranger les ^idorellia (Gray) et Choriaster (Liitken). Des Pentaceros, genre qu'il faudra peut-être diviser, comme nous le verrons plus loin, on doit rapprocher les Gym- nasferia de Gray, qui faisaient partie du genre Asteropsis de Millier et Troschel. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. i7â Ces A^feropsis n'avaient comme caractère commun que l'immersion de leurs ossicules squelettiques dans une peau nue, épaisse, sans pi- quants ni granules. M. Perrier, qui distinguait avec raison lo.'&Gijmnasleria, qu'il croyait alliés aux Pentagonaste}', était fort indécis sur la place que devaient occuper les autres Asteropsls ; il ne pensait pas qu'on dût, avec Gray, les rapprocher des AsTKRmmyE, et les laissait dans la famille des Go- NiASTERiD^.. On verra plus loin pourquoi je les sépare de cette famille, dont leurs dents grosses et arrondies suffisent du reste immédiatement à les distinguer. En résumé, notre tribu des Goniasterin^ se divise en trois sections, dont la deuxième devra peut-être disparaître, soit pour se joindre à la troisième, soit pour se réunir à la tribu des Pentagonasterix.i: . Les caractères constants de la tribu des Goniasterin^e sont : des dents très-fortes et pointues ; des odontophores à apophyses bien dé- veloppées; des systèmes interbrachiaux, de diverses formes, mais con- stants ; enfin des couronnes de spicules dans la rosette des ambulacres. Les trois sections de cette tribu sont: A, genres -.Anthenea, Gray; — Goniaste}', Agassiz (dans le sens que M. Perrier a donné à ce nom). — B, genres : Goniodlscus, MûUer et Troschel ; — Nectria, Gray. — C, genres : Asterodiscus ^ Gray; — Culcùa, Agassiz ; -^ Chorlaster, Liit- ken ; — Nidorellia, Gray ; — Pentaceros, Linck; — Gymnasferia, Gray. GENRE ANTHENEA (gray.) 1840. Anlhenea, Gray, Annals and Mag. of Nat. Hist., p. 279. 1835. Goniaster (pars), Agassiz, Prodrome d'une Monogr. des Radiaires^ Mém. Soc. se. Neufehâlel. 4842. Goniodiscus (pars), Mûller et Troschel, System der Aster iden. 186o. Goniasler (pars), von Martens, Oslasialische Echinodermen, Archîv fur Naturgeschichle, 31^ année. •187S. Anlhenea, Perrier, Révision des SteUérides,^^. 271. C'est Y Anlhenea articulata, espèce des îles Seychelles, qui a fourni les dessins que je donne sur les planches XI et XIL Malheureusement l'échantillon était un peu endommagé; il ne m'a pas été possible d'en figurer la plaque madréporique. Les figures 1 et 2 (planche XI) sont de grandeur naturelle et mon- trent la disposition du squelette sur les deux faces de l'animal. La face dorsale est tout entière composée d'une réticulation admi- 480 VIGUŒR. rablcment régulière, mais assez peu apparente sans une préparation minutieuse, car les ossicules sont noyés dans une peau très-dense. Les ossicules principaux du dos sont très-convexes, à peu près hé- misphériques, et présentent six petits prolongements en étoile. Des pièces connectives lisses, cylindriques, à bouts arrondis, s'appuient sur les deux prolongements de deux pièces voisines, auxquels elles sont assujetties. Chaque ossicule principal est donc relié aux six ossi- cules voisins, et l'ensemble de la réticulation forme des mailles trian- gulaires. Les dimensions des ossicules et des mailles qu'ils forment décroissent graduellement vers l'extrémité du bras. La rangée médiane est formée par des pièces d'une forme spéciale. Elles sont en effet allongées transversalement, mais leur partie mé- diane seule est renflée comme les ossicules des séries latérales et pré- sente deux petites saillies semblables à celles de ces ossicules. Les par- ties latérales, au contraire, sont un peu aplaties et servent de support à deux pièces connectives. Il en résulte que les mailles de chaque côté de la ligne médiane ont une forme pentagonale, avec la base tournée vers cette lignée Cette disposition, qui; existe tout le long du bras, disparaît vers le centre, où les ossicules reprennent la forme ordinaire. L'extrémité du bras offre, dans l'angle formé par les séries margi- nales dorsales, quelques grosses pièces quadrangulaires légèrement convexes, et disposées transversalement en général. La présence de ces pièces ne laisse pas d'être embarrassante pour la théorie qui veut que l'accroissement de l'animal se fasse par l'adjonction de pièces nouvelles en arrière de la plaque ocellaire. Que deviennent en effet ces plaques pendant cet accroissement? Elles sont évidemment trop volumineuses pour qu'on y puisse voir de futurs ossicules dorsaux; et quant à les considérer comme des plaques marginales en voie de formation, leur situation singulière, et le fait qu'elles sont déjà plus volumineuses que les plaques marginales situées immédiatement en arrière de la plaque ocellaire, rendent cette opinion aussi peu pro- bable que la première. 11 y a certainement là un problème intéressant à résoudre, mais je ne puis maintenant proposer une solution. La série médiane et les deux séries latérales voisines arrivent seules à ces grosses pièces qui comblent l'extrémité du bras. De chaque côté, une autre série vient également presque jusqu'à ce ni- veau ; plus en dehors on en voit une autre qui s'arrête à peu près à ' PI. XI, fig. 1. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 181 moitié distance , enfin une dernière composée seulement de deux ou trois pièces. Il n'y a pas de transition entre les plaques marginales et la réticulation dorsale qui s'arrête brusquement à leur niveau. Vers le centre de l'animal, la réticulation perd de sa régularité ; et quelquefois alors on voit deux ossicules dorsaux juxtaposés, sans interposition de pièces connectives; il y a alors imbrication entre les petits prolongements dont sont munis ces ossicules. Au centre, un peu à gauche, se voit l'anus an entouré de plaques irrégulières. La ligne interbrachiale est remarquable par la saillie que fait une double ligne d'ossicules assez irréguliers et dont quelques-uns sont très-volumineux. Ils appartiennent au système interbrachial, comme on peut le voir sur la figure 2 (pi. XIl), et nous en parlerons plus loin. Ils ne portent jamais d'alvéoles à pédicellaires, comme on en voit à quelques-uns des ossicules voisins. A leur niveau la réticulation de- vient assez irrégulière, et n'affecte pas de rapports directs avec eux. Une double rangée de plaques marginales entoure l'animal. Ces plaques se correspondent exactement dans les deux rangées, sauf tout à fait à l'extrémité du bras. A partir du sommet des angles interbra- chiaux, ou plutôt à partir de la ligne interbrachiale, car ici le corps est à peu près pentagonal, on comptait sur notre sujet dix paires de plaques se correspondant exactement. A partir de là, on ne comptait plus que trois plaques dorsales jusqu'à la plaque ocellaire, tandis qu'il y en avait quatre ventrales. Le nombre de plaques marginales, du sommet d'un bras au sommet d'un bras voisin, était donc de vingt- six pour la série dorsale et de vingt-huit pour la série ventrale. L'extrémité du bras, étant légèrement relevée, permettait la concor- dance, bien que les plaques fussent toujours de dimensions corres- pondantes dans les deux séries. Toutes les plaques marginales sont rectangulaires à extrémités ar- rondies. Elles sont un peu plus allongées dans les séries dorsales, et toujours disposées transversalement. Les plaques des séries ventrales sont percées d'un grand nombre d'alvéoles, où sont logés des pédi- cellaires de grande taille, qui sont plus nombreux sur les plaques avoisinant l'extrémité des bras. Les plaques des séries dorsales por- tent aussi quelques alvéoles à pédicellaires, vers leur bord externe, mais ces alvéoles sont beaucoup plus petits et en bien moins grand nombi-e '. 1 PI. XII, fig. 1 et 2. 482 VIGUIER. La face ventrale est composée de pièces en forme de parallélipi- pcdcs obliques, se recouvrant les uns les autres des séries margi- nales vers le sillon ambulacraire, et dont l'extrémité supérieure est amincie en pointe. La base inférieure, en forme de losange irrégulier, a un do ses côtés parallèle au sillon ambulacraire, et porte un alvéole à pédicellaire dans la direction de la grande diagonale du losange, et occupant toute l'étendue de la pièce. Ces singuliers ossicules, qui donnent à l'animal sa physionomie caractéristique, sont peu serrés les uns contre les autres et disposés en séries parallèles aux séries adambulacraires. On en compte jusqu'à six, dans lesquelles les dimen- sions des plaques et leur nombre diminuent progressivement. La onzième plaque marginale ventrale et celles au delà sont directement en rapport avec les séries adambulacraires. Outre l'arrangement des ossicules ventraux en séries longitudi- nales, on leur voit aussi nettement former des séries transversales obliques et divergeant du sillon, comme les barbes d'une plume. Vers la ligne interbrachiale, l'arrangement devient très-irrégulier surtout au sommet de l'angle interbrachial, et l'on voit de grosses pièces', qui appartiennent au système interbrachial, se faire jour à la surface en écartant les ossicules ventraux. Les pièces adambulacraires sont quadrangulaires, épaisses et assez serrées les unes contre les autres. Chacune d'elles porte à peu près à son milieu, et plus près du bord situé du côté de la bouche, un petit alvéole à pédicellaire, non plus allongé comme les autres, mais circulaire ; il loge en effet un pédicellaire en pince, au lieu que tous les autres sont des pédicellaires valvulaires. Les pièces ambulacraires sont très-robustes, et occupent toute l'épaisseur du corps. Sur le sujet desséché elles repoussent môme la face dorsale qui, concave partout ailleurs, forme cinq saillies longi- tudinales au niveau des cinq sillons ^. La première pièce ambulacraire est très-forte, et porte une apo- physe en aile fort développée; cette disposition est en harmonie avec le volume de la dent, cP, qui est tout à fait remarquable, ainsi du reste que chez toutes les GoniasterinjE. Ces dents, longues et pointues. » PI. XI, fig. 2, i. * PI. XI, fig. !l,etpl. XII, fig. 1. 3 PI. XII, fig. 2. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. -183 sont marquées d'une série de saillies où s'insèrent les piquants buc- caux. L'odontophore * est, comme dans toute cette tribu, une pièce épaisse, munie de deux apophyses saillantes. La face dorsale se com- pose de deux plans inclinés. Les principales différences que l'on con- state dans la forme de cette pièce chez les différents genres de la tribu, tiennent au point où se trouve l'arête de ces deux plans : très-près de la face orale chez VAnthenea, àpeu près au milieu chez les Pentaceros, très-près au contraire de l'autre extrémité chez les Culcita. Les autres différences consistent principalement dans l'écar- tement relatif des apophyses, qui forment entre elles, chez VAn- tkenea, un angle à peu près droit (fîg. 3) et non très-ouvert comme chez le Pentaceros (fîg. 6). Les systèmes interbrachiaux atteignent chez VAnthenea le plus grand développement qu'on leur trouve dans les Astéries. Non-seu- lement, en effet, ils ferment à peu près complètement l'aire interbra- chiale, mais les pièces hautes et puissantes qui les constituent vien- nent faire saillie sur les deux faces de l'animal, ainsi que nous l'avons vu plus haut ^. Il y a surtout une pièce, bi, particulièrement remarquable, et qu'on peut nommer basilaire interbrachiale. Cette pièce, qui fait saillie à la face dorsale, dont elle constitue en réalité un des ossicules, est longue et arquée, et vient buter contre les autres pièces du système interbrachial. Quand on regarde la face dorsale en dessous, ces cinq pièces for- ment autour du centre une étoile régulière à cinq branches; celle qui correspond à la plaque madréporique est creusée en gouttière pour loger le canal hydrophore. La plaque ocellaire oc est petite, comme dans toute cette tribu, et ne présente rien de particulier. La plaque madréporique, que l'état du sujet ne m'a pas permis de dessiner, est, dans cette espèce, située à peu près au tiers de la dis- tance du centre au bord du disque ; elle est elliptique, et creusée de sillons qui vont en divergeant et se divisant à partir du centre. Cette espèce avait été bien décrite, au moins pour ce qu'on en peut voir sans préparation, par M. Perrier, d'abord sous le nom de Gonin- ' PI. XI, fig. 3. * PI. XII, flg. i, et pi. XI, fig. 1 et 2. 184 VIGUIER. discus ai'ticulatus on Astrogonium artkulatum, dans ses Recherches sur les pédicellalres , puis sous son nom actuel dans sa Révision des Stellé- rides. Les saillies remarquables des systèmes interbrachiaux avaient attiré son attention, et ce fut là ce qui le détermina à me proposer l'étude du squelette encore imparfaitement connu des Stellérides. Les autres espèces à'Anthenea ont les bras généralement un peu plus accusés ; toutes sont remarquables par leurs systèmes interbra- chiaux. On en trouvera la description dans les deux mémoires que je viens de citer. Le genre Anthenea se différencie très-nettement des Hippasteriapav la forme et la disposition des ossicules de la région dorsale, qui sont, non plus arrondis ou polygonaux et contigus comme des pavés, mais disposés en réseau circonscrivant des aires porifères assez étendues, et par la saillie des systèmes interbrachiaux. La face ventrale, au contraire, par la disposition des ossicules et des pédicellalres, pré- sente d'assez grandes ressemblances dans les deux genres. Les rosettes des ambulacres sont composées de plusieurs rangs de gros spicules. GENRE GONIASTER (s. n., e. perrier). 1842. Oreaster (pàTs), Mûller et Troschel, System der Asteriden. 1840 et 1860. Penlaceros (pars), Gray, Sijnopsis. 1875. Goniasler, Perrier, Révision des Stellérides, p. 268. M. Perrier a appliqué ce nom de Goniaster à VAsterias obfusangula de Lamarck, dont il n'existe au Muséum qu'un seul exemplaire en mauvais état, provenant de l'expédition de Pérou et Lesueur. Le Goniaster obtusangidus, dont on avait fait un Pentaceros, en est, en effet, très-différent ; le corps n'est pas surélevé et les bras carénés comme nous le verrons dans ce genre, mais au contraire plat, toute l'épaissseur de l'animal étant formée par les plaques marginales, comme chez V Anthenea, dont il se rapproche évidemment. Les ossicules dorsaux sont petits et irréguliers, disposés en réseau; du reste le mauvais état de l'échantillon du Muséum ne permet pas de s'assurer de leur disposition exacte. Quant à la face ventrale, elle est formée d'ossicules à surface circulaire et plate, très-distincts les uns dçs autres, comme chez V Anthenea, et non pressés et irréguliers comme SQUELETTE DES STELLÉIIIDES- 185 chez la plupart des Pentaceros. Un grand pédicellaire valvulaire, qui traverse diamétralement la surface de ces ossicules, augmente encore la ressemblance avec lesAnthenea;on trouve en outre, comme dans ce genre, un nombre variable de pédicellaires valvulaires sur chacune des plaques marginales ventrales. La forme générale de l'animal se rapproche de celle de VAnthenea pentagonula ; la plaque madréporique est assez grande, irrégulière, et marquée de sillons rayonnants. Le mauvais état de l'échantillon m'a permis de m'assurer delapré- sence de systèmes interbrachiaux du type de ceux du Pentaceros muricatus; ils ne ferment point toute l'aire interbrachiale comme chez VAnthenea, et ne sont pas apparents à la surface du corps. Les ambulacres contiennent des couronnes de spicules. Cet animal, voisin de VAnthenea, diffère donc absolument de VHip- pasteria. GENRE GONIODISCUS (MiJLLER ET TROSCHEL). 3 842. Goniodiscus (pars), Mûller et Troschel, System der Asteriden. 1863. Hosea (pars), Gray, Synopsis. 1866. Goniaster (pars), von Martens, Ostasiatische Echinodermen, Archiv fur Naliirg., 32* année, 1'^'' vol. 1875. Goniodiscus, Perrier, Révision des Slellérides. Ce genre correspond pour M. Perrier à une partie du genre Gonio- discus de Millier et Troschel ; toutes les espèces qui le composent en- traient dans le genre Hosea de Gray. Les Goniodiscus ont, comme les Pentagonaster, les bras et le disque bordés d'ane double série de grandes plaques marginales, très-diffé- rentes des autres pièces du squelette. « C'est par la forme des pièces dorsales, dit M. Perrier, que se distinguent nos Goniodiscus. Tandis que le squelette du disque dorsal est formé, chez les Pentagonastei^ et les Hippasteria, par des plaques arrondies ou polygonales toutes conti- guës, chez les Anthenea par un réseau d'ossicules calcaires, ici ce sont des plaques polygonales à côtés échancrés qui forment le sque- lette; chaque plaque ne touche ses voisines que parles parties sail- lantes qui séparent les échancrures. Il y a donc entre les plaques des espaces vides qui sont occupés par des pores tentaculaires. » En se reportant à l'étude que nous avons faite plus haut du Penta- gonaster astrologorum, on verra que là aussi les plaques sont polygo- 186 VIGUIER. nales à côtés échancrés, et ne se touchent que par les parties sail- lantes. Pourtant il s'agit bien là d'un véritable Pe^itagonaster, et cette disposition, qui existe sans doute dans tout le genre, perd presque toute sa valeur comme caractéristique. Que les saillies, en effet, oc- cupent toute la hauteur de la pièce ou seulement sa base, l'aspect sera différent sans doute, mais les pièces sont morphologiquement identiques. Une autre différence, c'est que, chez les Gomodiscus, l'anus est com- pris entre quatre plaques dorsales situées en croix autour de lui, au lieu d'être limité par trois plaques comme nous l'avons vu chez le Pentagonaster; mais chez les Ferdina, qui sont bien à.Q?> Pentagonas- TEmN.B, on trouve aussi l'anus limité par quatre plaques. Le Goniodiscus cuspidatus que possède le Muséum, a été décrit en détail par Millier et Troschel, que Dujardin et Hupé se sont bornés à traduire ; je crois inutile de reprendre cette description. Le Goniodiscus Sebœ, dont le Muséum ne possède également qu'un seul exemplaire de provenance inconnue, ayant donné lieu à quel- ques doutes, a été décrit de nouveau par M. Perrier; il m'a paru utile de compléter cette dernière description. L'animal a cinq rayons très-marqués, et pointus à leur extrémité. On compte vingt-quatre plaques marginales dans chacune des séries ventrale et dorsale, du sommet d'un bras au sommet du bras voisin. Les six dernières plaques marginales ventrales sont directement en rapport avec les séries adambulacraires. La dernière marginale dor- sale est fort petite, et les trois suivantes, bien que sensiblement plus grandes qu'elle, sont de beaucoup plus petites que toutes les autres. Les dents sont beaucoup plus fortes que chez les Pentagonaster, ce sont de vraies dents de Pentaceros. Les plaques du dos sont étroi- tement juxtaposées comme chez la Fromia; mais elles sont moins convexes. On distingue très-nettement une série médiane du bras, et deux séries à peu près exactement symétriques de chaque côté de la ligne interbrachiale. Dans l'intervalle laissé libre par l'échancrure des plaques on trouve un alvéole de pédicellaire. La plaque madrépori- que est grande, elliptique, et plus près du centre que du bord du dis- que. Les plaques ventrales sont disposées à peu [près comme chez notre type de Pentagonaster-; elles portent, ainsi que quelques pla- ques marginales, trois ou quatre petits pédicellaires irrégulièrement disposes. On trouve en outre un pédicellaire à l'angle de chacune des plaques adambulacraires. SQUELKTTE DES STELLÉRIDES. 187 Le Goniodiscus pleyadella a été décrit ien détail par Millier et Tros- chcl ; mais M. Perrier no le rapporte qu'avec doute au genre Gonwdis- cus. La forme carénée des bras, les cinq gros tubercules situés sur le disque et formant un pentagone dont les sommets correspondent aux lignes médianes des bras, rappellent grandement les Pentaceros, dont il pourrait bien n'être qu'un jeune ; du reste, la forme et la disposition des plaques dorsales rappellent plutôt ce que nous verrons chez les Pentaceros muricntus et turrltus que ce que l'on trouve dans les autres Goniodiscus. Il n'existe au Muséum que deux échantillons de cette es- pèce. Ils ont été rapportés par Pérou et Lesueur en 1803. L'un est intact. L'autre a un bras brisé près de la base, ce qui m'a permis de constater l'existence d'un système interbrachial de la forme de ceux des Pentaceros cités plus haut et des Culcita. En outre, les am- bulacres présentent des rosettes de spicules calcaires disposés sur un seul rang. Il n'y a donc pas de doute pour moi que cette espèce n'ap- partienne à la tribu des Goniasterin.'^. En est-il de môme des autres Goniodiscus. C'est ce que l'état des deux échantillons desséchés du Muséum ne m'a pas permis de décider. GENRE NECTRIA (grây). 4840. Nectria, Gray, Annals and Magazine of Nalural History, p. 287. 184.2. Goniodiscus (pars), Mûller et Troschel, System der Aslcriden, p. 60. 1862. Neclria, Dujardiu et Hupé, Suites à Buffon, Echinodermes, p. 406. •1869. Nectria, Terrier, Pédicellaires, p. 91. 1875. Nectria, Perrier, Révision des Slellérides, p. 183. Les Nectria, que Miiller et Troschel mettaient parmi leurs Goniodis- cus, me paraissent, à plus de titres encore que ces derniers, devoir ap- partenir à la tribu des Goniastebin.]-;, bien qu'il m'ait été impossible de m'en assurer complètement. Les dents sont, il est vrai, un peu grêles, et ressemblent plutôt à celles d'un Pentagonaster qu'h celles d'un Pentaceros ; mais le dos nous présente une disposition que l'on ne re- trouve que chez les Goniasterin.e. Chaque ossicule dorsal est en effet par lui-même isolé de ses voisins, auxquels il n'est relié que par six petites pièces connectives qui sont fixées à sa base par des ligaments. Nous avons vu, il est vrai, quelque chose d'analogue chez le Chaetaster; mais, dans ce type, il n'y avait que quatre pièces connectives, et les ossicules d'une même série longitudinale n'étaient point directement J88 VIGUIER. reliés entre eux. Chez les Nectria, au contraire, les pièces connectives forment une étoile à six branches, et limitent des aires porifères assez étendues. La forme des grands ossicules dorsaux est extrêmement remarquable. Ils sont en effet cylindriques ou en forme de cône ren- versé, avec la face supérieure nettement coupée et à peu près plane. L'apparence toute spéciale qu'ils donnent à l'animal justifie tout à fait sa séparation comme genre. La face ventrale est composée de plaques petites, polygonales, légèrement convexes, et qui paraissent un peu imbriquées. Les plaques marginales dorsales et ventrales sont en même nombre. Celles qui sont vers l'extrémité des bras sont souvent très-petites. Toutes sont rectangulaires. La plaque madréporique, petite et convexe, est située à un niveau moins élevé que le sommet des ossicules voisins. Il n'existe pas de pédicellaires. Les deux échantillons du Muséum, que M. Perrier a cru devoir diffé- rencier spécifiquement, et dont on trouvera la description détaillée dans son ouvrage, ont été tous deux rapportés des mers australes, par Pérou etLesueur. L'un est desséché, l'autre dans l'alcool ; leur état de conservation est très-défectueux. Sur le spécimen qui est dans l'alcool, je crois avoir constaté l'exis- tence de systèmes interbrachiaux ; mais le soin qu'il fallait prendre du sujet ne m'a point permis d'élucider cette question d'une manière définitive ; en outre, il ne restait pas d'ambulacres, et je ne puis par conséquent savoir s'il y a des rosettes de spicules. Aussi la position de ce genre, bien que très-probablement celle que je lui donne ici, n'est- elle pas définitivement fixée. Il n'existe pas de pédicellaires. GENRE ASTERODISCUS (gray). 1847. Aslerodiscus, Gray, Proceedings of Ihe Zoological Society, p. 78. 187S. Aslerodiscus, Perrier, Révision des Slellérides, p. 256. Il n'y a qu'une seule espèce, VAsto^odiscus elegans, qui n'est repré- sentée au Muséum que par un seul échantillon dans l'alcool, sans indication de provenance. Le type du British Muséum provient de la Chine. L'échantillon que j'ai pu examiner, et seulement d'une manière SQUELETTE DES STELLÈRIDES. 189 fort insuffisante, ressemble tout à fait h une Culcita, sauf les deux grandes plaques marginales terminales qui rappellent un peu celles du Pentagonasterpulchellus, et entre lesquelles on aperçoit la plaque ocellaire. L'ornementation du derme et son épaisseur cachent tout le reste du squelette. La plaque madréporique est assez petite, presque circulaire, convexe, et marquée de sillons très-fins. Ce genre est sans doute allié de très-près au suivant. GENRE CULCITA (agassiz). 1834. Les Oreillers àQW^aXnsïWQ, Manuel d'Aclinologie. 4835. Culcita, L. Agassiz. Prodrome d'une monogr. de Radiaires, Soc. se. de Neufchâtel. 1875. Culcita, Perrier, Révision des Slellérides, p. 257. L'espèce dont je publie la description détaillée est la Culcita Schmideliana, qui habite la côte orientale d'Afrique, Madagascar, Bourbon, etc. L'animal qui m'a servi de sujet était très-déformé, ce qui donnait à la réticulation dorsale un aspect fort irrégulier qu'elle est loin d'a- voir sur d'autres échantillons. J'ai préféré toutefois en faire la reproduction exacte à la chambre claire, au lieu d'en donner un dessin rectifié qui aurait toujours été plus ou moins théorique. Je me suis du reste toujours conformé à cette règle. Les figures 5 et 6 (pi. Xll) représentent les deux faces de l'animal, de grandeur naturelle. La face dorsale a son squelette composé, comme chez VAnthenea, de gros ossicules arrondis, réunis en réseau par des pièces connec- tives en forme de bâtonnets. Il est extrêmement difficile de mettre à nu, sans les déranger de leur position, toutes ces pièces, entièrement noyées dans une peau très-dense. Les ossicules principaux sont ici beaucoup plus volumineux que chez YAnfhenea, et le nombre des pièces connectives n'a rien de fixe et peut aller jusqu'à huit pour un seul ossicule. L'anus an est grand, et limité par un nombre variable de pièces irrégulières. G est autour de lui, vers le milieu du disque, que se trouvent les ossicules les plus grands, après toutefois ceux qui supportent la plaque madréporique m. Celle-ci est grande, à peu près circulaire, marquée de sillons rayon- 190 VIGUIER. nants et sinueux, et repose sur cinq pièces qui sont les plus volumi- neuses de tout le squelette dorsal. Elle est à peu près à moitié dis- tance du centre de l'animal au bord de la série marginale. Les plaques marginales sont fort irrégulières chez cet animal ; la rangée supérieure a ses pièces à peu près verticales, tandis que les plaques marginales inférieures sont en grande partie recouvertes par les pièces ventrales. Leur nombre paraît correspondre dans les deux séries vers le milieu des côtés, mais vers le sommet des angles cette concordance cesse. On comptait sur notre sujet, d'un sommet à l'autre, seize plaques dorsales et vingt-deux plaques ventrales. Les plaques dorsales ont leur extrémité supérieure visiblement inclinée vers le sommet de l'angle correspondant, de chaque côté de la ligne interbrachiale *. La plaque ocellaire oc est très-petite, comme dans toute cette famille. La face ventrale est composée d'ossicules épais, à surface normale- ment hexagonale, sauf sur le bord des sillons, où elle est pentagonale, et vers la marge du disque, où elle devient irrégulière. Ces ossicules, ainsi qu'on peut le voir sur les coupes ^, rappellent ce que nous avons observé chez r.4?2^Aewea, et peuvent être comparés à des prismes obliques légèrement inclinés vers les séries adambulacraires. Leur surface est à peu près plane et lisse chez cette espèce, tandis que chez d'autres elle est creusée de petits alvéoles à pédicellaires. Ils sont arrangés en séries régulières, parallèles au bord des sillons, mais deviennent sans ordre apparent vers le bord du disque, où ils sont beaucoup moins épais et recouvrent les plaques marginales infé- rieures. L'ensemble forme un véritable carrelage. Les pièces adambulacraires sont rectangulaires, à grands côtés dis- posés verticalement, assez épaisses, et très-serrées les unes contre les autres. Les pièces ambulacraires sont hautes et fortes et, sur l'animal desséché, elles arrivent au contact de la face interne du dos. La première pièce ambulacraire est ici très-dé veloppée, et son apophyse en aile fort saillante. Les dents, fortes et pointues, sont cependant moins volumineuses, proportionnellement , que chez les animaux de la même tribu ; elles sont situées à un niveau notablement différent de celui des 1 PI. XII, fig. 3. « PI. XIII, fiç. 1 et 2. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 191 pièces ventrales, dont la plus avancée dans l'angle interbrachial dé- borde au-dessous d'elles *. L'odontophore ^ présente la môme forme typique que chez toutes les GoNiASTERiN^'. On peut remarquer ici l'angle très-ouvert que font entre elles les apophyses ; on observe en outre que la portion la plus épaisse de la pièce se trouve à son extrémité excentrique, et qu'elle s'amincit à peu près régulièrement dans la direction de la bouche. Les systèmes interbrachiaux présentent ici une disposition que nous n'avons pas encore rencontrée, et qui paraît la plus fréquente dans cette famille, comme aussi chez les Asterinid^. Une ligne d'ossicules^ se porte de l'odontophore à la face interne du dos de Fanimal, en décrivant une courbe à concavité tournée du côté de la bouche. L'arc ainsi formé n'est point rigide, mais peut au contraire se reployer tout à fait, comme on le trouve sur l'animal desséché, ou, au contraire, s'étendre presque en une ligne droite, pen- dant l'état de gonflement de l'animal par les substances ingérées. On remarquera, sur notre figure, la longueur que peut atteindre cette ligne d'ossicules dans son état d'extension complète, et l'on comprendra ainsi comment Gray a pu écrire, sans nul doute avec raison, que cet animal, que nous trouvons si aplati dans nos collec- tions, est ordinairement presque globuleux à l'état vivant. Comme on doit s'y attendre, les muscles dorso-ventraux, dont j'ai décrit la disposition dans les généralités sur la bouche des Astéries adambula- craires, sont ici fort développés, comme, du reste, chez tous les animaux qui présentent cette forme du système interbrachial. L'élasticité de la peau ne pourrait suffire, en effet, à rétablir la forme d'un animal aussi considérablement distendu, s'il ne venait à son secours une action musculaire directe, et puissante par le mode même d'insertion des muscles. Les ambulacres de cette Culcite sont très-puissants, et leurs rosettes spiculaires sont larges, épaisses, et composées d'un grand nombre de spicules tabulaires et aréoles, auxquels viennent s'en ajouter d'au- tres de forme plus simple. Cette disposition, que nous trouvons chez toutes les espèces du genre, est la plus compliquée que l'on rencon- tre chez les Astéries; aussi l'ai-je choisi comme type, et l'on peut 1 PI. XIII, fig. 2. s PI. XII, fig. 7. 3 PI. XIII, fig. 2, t. 192 VIGUIER. voir, sur la planche XVI, une de ces rosettes entière sur la figure 9. La figure 1 1 représente un fragment de cette même rosette à un gros- sissement de cent vingt diamètres : 0 est le iDord, et c le côté central. On trouve une ligne de très-petits pédicellaires en pince, de chaque côté du sillon, et de nombreux pédicellaires sur le dos; ces derniers présentent une forme intermédiaire entre le type valvulaire et la forme en pince. La Culcita Schmideliana a été décrite en 1781 par Schmidel, qui avait été surtout frappé de la disposition des aires porifères. Ces aires, si remarquables chez le plus grand nombre des Culcites, ne se voient pas chez la Culcita coriacea, où le disque est uniformément granuleux. Les six espèces de Culcite actuellement représentées au Muséum habitent toutes les mers chaudes. Les Randasia de Gray ne sont que déjeunes Culcites. GENRE CHORIASTER (lûtken). -1869. Choriaster, Lûtken, 4"= catalogue du Musée Godefroy (Hambourg), p. 35, et iSTl, Vidpnskabelige Uleddelelser, p. 243. 1875. Choriaster, Perrier, Révision des Stellérides, p. 256. Une espèce seulement de ce genre, le Cfioinaste?' gy-anulatus^ a été décrite par M. le docteur Liitken ; elle vient des Fidji, et n'est pas re- présentée au Muséum de Paris. La forme de son corps en fait un intermédiaire entre les Culcita et les Pentaceros. Le caractère saillant de la physionomie est l'aspect absolument lisse de l'animal, qui est recouvert, tant en dessus qu'en dessous, d'une peau coriace. La des- cription de M. Liitken ne nous apprend rien sur la constitution du squelette, qui doit être, en effet, comme chez les Culcites, à peu près impossible à voir sans préparation. On ne rencontre pas de pédicellaires. GENRE NI DORE LU A (gray). 1840. Pcntareros, sous -genre Nidorellia, Gray, Annals and Magazine of Natural History, p. 277. 1840. Paulia, Gray, même ouvrage, p. 278. 1842. Goniodiscus (pars), Mûllcr et Troschel, System der Asteriden,i). 57. 1875. NidurcUia, Perrier, Révision des Stellérides, p. 1^\. Les Nidorellia sont des animaux qui habitent la côte occidentale des deux Amériques, SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 193 La forme de leur corps les différencie des Pentaceros, auxquels on a d'abord voulu les réunir, et les fait ressembler aux Culcila, ou plu- tôt aux Anthenea, car le corps est moins épais que chez les Culcitu, et la forme moins exactement pentagonale. Les côtés sont légèrement concaves, comme chez V Anthenea articulata. Le squelette dorsal est peu apparent à travers la peau ; mais il est probable d'après la disposition des aires porifères, fort étendues, qu'il présente une constitution analogue à celle que nous avons vue chez V Anthenea et la Cidcita. La face ventrale paraît aussi, autant qu'on en peut juger, à peu près semblable à celle de la Culcite; mais les plaques marginales dif- fèrent de ce que nous avons vu chez les deux types de cette famille que nous avons décrits plus haut. En effet, au lieu de diminuer en approchant de l'extrémité du bras, les marginales dorsales augmen- tent de volume, et les terminales sont très-grosses, bombées, et dans le sillon qui les sépare on aperçoit la plaque ocellaire, très-petite com- parativement. Il y a là une disposition qui rappelle ce que l'on voit chez le Pentagonaster pulchellus, ou encore chez \'Aste7'odiscus ele- gans, où ces plaques marginales terminales sont seules apparentes. Ce seul caractère suffit à faire distinguer à première vue une Nido- rellid. Je n'insisterai pas ici sur la disposition remarquable des piquants ; ceci rentre dans la description des espèces, et on le trouvera tout au long dans le mémoire de M. Perrier. La plaque madréporique, chez l'échantillon de Nidorellia annala dont j'ai pu faire un examen superficiel, était grande, irrégulière, finement et irrégulièrement striée. , GENRE PENTACEROS (linck). 1733. Penlaccros Linck, De slellis marinis. 1833. Gordastcr (pars), Agassiz, Prodrome, Soc. se. de Neufchâlel. 1840. Pentaceros, Gray, Ann. and Mag. of Natural History, p. 276. 184.2, Oreaster, Mûller et Troschel, System der Asteriden, p. 44. 1862. OieaHcr, Dujardin et Hupé, Suites à Buffon, Echinodermes, p. 379. 1864 et 1871. Oreaster, Lûtken, Videnskabcligc Mcddelelser. 1866. Oreaster, von Marions, Ostasiatische Echinodernun. 1867 et 1871. Oreaster, Verrill, Transactions of Connecticut Academy. 1869. Oreaster, Perrier, Pédicellaires. AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. YII. 1878. 13 i94 VIGUIER. 18G0 et '1877. Pcntaceros, Al. Agassiz, Bullclins et Memoirs of the Muséum of Comparalii-e Zoology.— Cambridge (Massachusetts). 1875. Pcntaceros, Perrier, Révision des Stellérides, p. 230. Sur les treize espèces de Pentaceros que l'on trouve décrites dans le mémoire de M. Perrier, neuf seulement figurent au Muséum de Paris. On distingue dans ce genre deux types bien différents, qu'il y au- rait peut-être avantage à séparer en deux genres distincts. Je n'en ferai rien toutefois, voulant me borner dans le présent travail à l'ar- rangement en famille des genres déjà reconnus. Il faudrait du reste étudier chacune des espèces de Pentaceros, pour pouvoir se décider sur leur place. Si l'on considère d'une part un Pentaceros reticulatus, de l'autre un Pentaceros muricatus, on est frappé des différences qu'ils présentent, et j'ai cru nécessaire de donner une description détaillée de chacune de ces deux espèces. Si l'on en faisait les types de deux genres distincts, on devrait rap- porter au premier, autant que permet d'en juger l'examen extérieur, les Pentaceros mamillatus, régulas et dorsatus, tandis que le's Penta- ceros turritus et hlulcus se placeraient dans le second, le Pentaceros alveolatus étant peut-être intermédiaire. Dans tous les Pentaceros les bras sont nettement accentués, ainsi que l'exprime le nom que leur a donné Linck, sauf toutefois dans le Pentaceros granidosus de Gray. Cette espèce, qui habite l'Australie, a plutôt la forme d'un Gonidioscus ; comme elle n'est point représentée, au muséum de Paris, je n'ai pu m'assurer si c'est bien là un véritable Pentaceros. Passons à la description de nos deux types : Le Pentaceros reticulatus, espèce des Antilles et de l'Atlantique sud, est très-anciennement connue, et se trouve signalée par Ron- delet dans son livre de Piscibus marinis (loo4) sous le nom de Stella relkulata seu cancellata. Aldrovandi, Mathœus, Gessner, Johnston, Margrav, Rochefort, Olearius, Sloane et Browne en ont parlé après lui presque toujours sous le même nom. Enfin, depuis que Linck lui a imposé son nom actuel, la synonymie de cette espèce a encore beaucoup varié. Je ne puis que renvoyer sur ce sujet au mémoire de M. Perrier. Les figures 4 et 5 de la planche XI montrent, de grandeurnata - relie, le squelette des deux faces de l'animal. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 195 La face dorsale se compose d'un disque à peu près plan et suré- levé, auquel viennent se rattacher les surfaces inclinées des bras qui sont fortement carénés. Les figures 3 et 4 (pi. XII) permettent de juger de l'épaisseur de l'animal. Au milieu du disque central se trouve un ossicule volumineux et allongé, légèrement échancré sur la gauche en forme de rein. C'est sur ce côté que se trouve l'anus an. Le bord de ce disque est limité par une série d'ossicules, de la même forme que ceux que nous avons vus chez VAnthenea. Cinq d'entre eux, plus volumineux que les au- tres, marquent le commencement des séries médianes des bras. D'au- tres, un peu moins volumineux, sont disposés entre eux, par paires correspondantes aux lignes interbrachiales. C'est sur deux de ces piè- ces, modifiées dans leur volume qui devient plus considérable, et dans leur forme, que s'appuie la plaque madréporique m. Cette plaque est assez petite comparativement au volume de l'animal, de forme trian- gulaire à angles arrondis, avec la base tournée vers le centre de l'animal; elle est marquée de sillons fins, divergents et sinueux. Au- dessous d'elle, les pièces qui la supportent sont échancrées pour lais- ser passage au canal hydrophore. A l'intérieur de ce disque central, la réticulation est assez irrégu- lière et souvent incomplète . il n'en est plus de même sur les bras, où nous retrouvons une réticulation à mailles triangulaires, dans le genre de celle de VAnllienea^ mais qui ne présente pas toutefois la même régularité. Une ligne médiane de gros ossicules marque l'arête du bras, et de chaque côté de celle-ci on en voit deux autres, formées par des ossicules plus petits et qui convergent toutes les quatre vers l'extrémité du bras. Chacun des ossicules est généralement relié à l'ossicule voisin, de la même série longitudinale, par une seule pièce connective ; mais les trabécules calcaires qui relient les pièces dans le sens latéral sont presque toujours composés de deux ou trois pièces, du moins vers le milieu du bras. Il en résulte que les mailles de la réticulation sont plus grandes et moins régulières que chez VAnthenea, bien que les ossicules médians ne présentent pas ici une forme différente de celle des autres. Le réseau devient beaucoup plus serré dans les espaces interbra- chiaux, mais se continue régulièrement de chaque côté de la ligne interbrachiale, sans être interrompu à son niveau par la saillie de pièces internes. On voit également les mailles du réseau devenir plus ^96 VIGUIER. petites en approchant de l'extrémité du bras, qui est occupée par une accumulation de gros ossicules juxtaposés, auxquels on pourrait appliquer les réflexions que nous faisions au sujet de leurs homo- logues de IM n^/zenea. Les plaques margino-dorsales sont ici allongées et presque cylin- droïdes, légèrement renflées au milieu de leur longueur. Chacune présente trois surfaces planes. L'une horizontale, en rapport avec la plaque marginale inférieure correspondante, les deux autres verti- cales en rapport avec ses voisines de la même série. Leur volume varie peu, sauf vers l'extrémité du bras, où elles deviennent très-pe- tites et aboutissent à une plaque ocellaire de très-faibles dimen- sions ^ Les plaques marginales ventrales présentent une forme peu diffé- rente, sauf vers le sommet de l'angle interbrachial, qui est très-ar- rondi, et où elles s'élargissent beaucoup. Les plaques marginales dorsales et ventrales se correspondent à peu près exactement, dans presque toute la longueur du bras. La face ventrale est composée de gros ossicules assez nettement imbriqués -. Les plus gros de ces ossicules sont disposés en ligne le long de la série adambulacraire ; le bord tourné vers cette série est légèrement échancré ; du reste le contour de la pièce est arrondi et sa surface assez fortement convexe. Chacun de ces gros ossicules est le point de départ d'une série de pièces dont le volume diminue beaucoup en approchant de la série marginale correspondante, et qui sont dispo- sées en lignes perpendiculaires au sillon, sauf vers la base du bras, où elles forment des arcs h concavité tournée vers la pointe du bras. Environ \ centimètre et demi avant cette pointe il n'existe plus de plaques ventrales proprement dites, et les plaques marginales infé- rieures viennent border les séries adambulacraires. Vers le milieu du triangle interbrachial, l'espace à peu près losan- gique entre les séries adambulacraires et les deux séries ventrales qui partent du sommet de l'angle interbrachial est rempli de pièces irré- gulières, mais non contiguës, pas plus du reste que ne le sont les plaques ventrales voisines de la série marginale inférieure. L'aspect de notre sujet différait donc grandement de celui qu'a « Pl.XI,fig. 4, oc. 2 PI. XI, fig. 5, et pi. XII, fig. 3, SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 197 figuré sous le même nom M. Alexandre Agassiz dans son dernier mé- moire'. La forme générale est du reste assez différente, et Ton pour- rait se demander s'il s'agit bien là de la même espèce; mais la réti- culation du dos, très-visible bien que non dénudée sur sa figure I , et la forme du système interbrachial, autant du moins qu'on en peut juger par sa figure 7, nous montrent que c'est au moins là une espèce du même type, et la différence des faces ventrales est tout à fait sin- gulière. 11 faut toutefois remarquer que la figure de M. Agassiz rap- pelle plus que la nôtre l'aspect général ordinaire dans cette famille. Les pièces adambulacraires sont presque cubiques, un peu plus hautes que larges cependant, et fort serrées les unes contre les autres. Les pièces ambulacraires sont hautes et fortes, mais n'atteignent généralement pas tout à fait le squelette dorsal. La première esttrès- développée. Les dents atteignent ici leur maximum de développe- ment; fortes et pointues, elles s'avancent presque jusqu'au centre de la bouche 2, L'odontophore, très-volumineux ^ présente la forme typique déjà vue ; ses apophyses sont extrêmement développées, et la portion la plus épaisse se trouve à peu près vers le milieu de la pièce, comme du reste dans le Pentaceros muricatus. Le système interbrachial se compose d'une véritable muraille d'os- sicules divisant complètement l'aire interbrachiale, et composée de pièces assez petites. La face dorsale présente de petits pédicellaires, épars parmi les gra- nulations du derme ; la face ventrale en offre aussi un grand nombre de valvulaires, qui présentent à peu près la taille des granulations et ne laissent pas d'empreinte sur le squelette. On ne trouve pas de pé- dicellaires en pince sur les pièces adambulacraires, dont la surface est unie. Ce sont là des caractères accessoires qui contribuent encore à dif- férencier le type que nous venons de décrire d'avec le Pentaceros mu- ricatus. Cette dernière espèce, qui habite la côte orientale d'Afrique, dif- fère au premier coup d'œil du Pentaceros reticulatus. Ici, en effet, les piquants ne sont pas simplement implantés sur les pièces squelet- tiques, et caducs; mais ce sont les ossicules dorsaux eux-mêmes qui 1 Norlh American Starfishes, pi. XVI, fig. 4. 2 PL XI, {\g. 5, d. 3 Fig. 6. 198 VIGUIER. prennent un énorme développement et donnent à l'animal sa physio- nomie particulière. La figure 8 (pi. XII) a été faite de manière ù, bien mettre en évi- dence les dimensions des piquants dorsaux. La figure 10 représente le centre du disque, qu'on n'aperçoit que de profil sur la figure 8. Enfin la figure 9 montre la face inférieure d'un bras. Toutes les trois sont de grandeur naturelle. Les bras, fortement carénés, portent sur la ligne médiane une série de pièces en forme d'hexagones allongés dans le sens transversal, et légèrement convexes. Les pièces 1, 7, U, 14 et 16 en partant de l'ex- trémité du bras sont surélevées en forme de gros piquants arrondis à leur sommet, et de près de 1 centimètre de haut. Toutes les pièces de cette série médiane sont à. peu près exactement contiguës. Après le cinquième piquant" viennent deux ossicules à peu près cubiques, puis un dernier très-allongé dans le sens longitudinal et qui aboutit à une des cinq grandes pièces apiciales du disque. De chaque côté de cette série médiane, on en voit une autre com- posée aussi de plaques hexagonales vers l'extrémité du bras, où elles sont exactement contiguës à la série médiane. A peu près vers le milieu du bras, elles s'écartent de cette série qu'elles ne touchent plus que par un prolongement qui part de leur côté interne, limitant ainsi des aires quadrangulaires. Leur bord externe est devenu droit à ce niveau. Enfin, à partir du cinquième piquant, elles perdent tout rapport avec la série médiane, et se terminent par une grosse pierre allongée qui aboutit aussi au piquant apicial, en limitant une aire porifère très- allongée. Nous avons ainsi tout le long du bras trois séries longitudinales d'ossicules, dont les deux latérales sont toujours composées de pièces à peu près planes. Vers le milieu du bras quelques pièces irrégulières viennent encore s'interposer entre les séries externes et les plaques marginales supérieures ; enfin l'espace interbrachial est occupé par des pièces irrégulières dont la forme paraît dériver de l'hexagone, et dont on voit toujours une paire située de part et d'autre de la ligne interbrachiale, immédiatement en dehors du disque. C'est sur une de ces paires que se trouve la plaque madréporique m (fig. 10), qui présente à peu près la même forme et les mêmes caractères que chez le Pentaceros i^etlculatus. Ici également, les deux pièces de support sont échancrées en forme de rein à leurs faces contiguës, pour livrer passage au canal hydrophore. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 199 Les cinq grosses pièces apiciales dont nous avons parlé forment un pentagone à peu près régulier sur le centre de la face dorsale. On voit très-bien sur les figures 8 et 10 (pi. XII) leur forme assez difficile à décrire. De la base de chacun de ces piquants partent six pièces, dont trois, que nous avons déjà vues, sont le commencement des séries longitu- dinales des bras ; deux se portent aux piquants apiciaux voisins ; enfin la sixième se porte vers le centre du pentagone. C'est là, un peu à gauche delà hgne médiane, ensupposant la plaque madréporique en arrière, que se trouve l'anus ^ entouré, comme chez l'autre type de Pentaceros, de plaques très-petites. Les côtés du pentagone sont formés par de grosses pièces arquées, allant d'un piquant à l'autre ; parfois il y en a deux bout à bout. Du milieu des côtés de ce pentagone, en face de la paire de plaques dé- crite plus haut, une pièce irrégulièrement branchue se porte aussi vers le centre. Les aires porifères sont donc fort irrégulières sur le disque, ainsi que sur les espaces interbrachiaux. Les plaques marginales dorsales diffèrent aussi très-notablement de ce que nous avons vu dans l'autre Pentaceros. Ici, en effet, au lieu d'être allongées dans le sens du bras, on les voit, dans l'angle formé par deux bras, très-allongées dans le sens de la ligne interbrachiale, tandis que leur largeur atteint tout au plus le tiers de leur lon- gueur. Du reste, elles ne sont point contiguës dans l'angle des bras, et affectent une disposition rayonnante. En s'écartant de la ligne interbrachiale les plaques marginales se raccourcissent assez vite, en même temps qu'elles s'élargissent un peu et se pressent les unes contre les autres. Elles n'ont jamais de rapports bien intimes avec les séries latéro-dorsales, auxquelles les relient seules de petites pièces, irrégulières de forme et de dispo- sition, et qui manquent assez souvent. Elles décroissent assez régu- lièrement de volume jusqu'à la plaque ocellaire, qui est ici encore très-réduite, oc, La cinquième ou sixième plaque marginale avant la plaque ocellaire, est surélevée en un gros piquant arrondi, sem- blable à ceux de la série médiane des bras; au-dessus d'elle vient une plaque ordinaire, puis une autre plaque transformée en piquant d'un volume encore plus considérable. Il y a donc, à l'extrémité de chaque bras, quatre piquants margi- ' Fig. 10, an. 200 VIGUIER. naiix, deux de chaque côté, et à des hauteurs à peu près correspon- dantes. Le reste des plaques marginales a la surface lisse, légèrement convexe. Les plaques des séries margino-ventrales ont leur plus grandes di- mensions vers le milieu du bras ; de là elles décroissent régulière- ment, d'une part vers la ligne interbrachiale, de l'autre vers l'extré- mité du bras. Elles correspondent du reste exactement aux plaques margino-dorsales, sauf tout à fait au bout du bras, où trois plaques ventrales répondent à deux dorsales. Le relèvement de la pointe du bras, qui permet cette concordance, laisse voir cette disposition sur notre figure 8. Ces plaques margino-ventrales ont leur surface libre i\ peu près circulaire, très-légèrement convexe, et quelquefois mar- quée de très-petits alvéoles à pédicellaires. Ainsi qu'on le voit sur notre ligure 9, c'est le très-petit nombre qui en possède; toutefois il est, sur la gauche du dessin, une plaque qui en porte une dizaine à elle seule ; c'est donc à tort que M. Perrier a dit qu'il n'existait ja- mais, chez cette espèce, de pédicellaires valvulaires sur les plaques marginales. Le bord interne des plaques marginales \entrales est recouvert par les ossicules ventraux : ceux-ci, très-variables de forme et de dimen- sion, étroitement pressés les uns contre les autres, forment une sorte de mosaïque, où il est impossible de reconnaître des rangées régulières, sauf tout à fait au contact de la série adambulacraire; encore cette rangée, composée de pièces assez grosses, et distincte sur toute la longueur du bras, devient-elle, près de la bouche, assez difficile à suivre par la position et l'irrégularité des ossicules qui la constituent. Toutes les pièces de ces rangées portent chacune au moins un, le plus souvent plusieurs alvéoles, où se logent de très- petits pédicellaires valvulaires. Dans l'angle interbrachial, où les plaques ventrales sont fort pe- tites et s'avancent jusque sur les dents, chacune de ces plaques porte aussi au moins un alvéole à pédicellaire, comme l'avait très- bien vu M. Perrier ; le long des bras elles en sont presque toujours dépourvues. Toutes ces plaques ventrales ont leur surface très-légèrement con- vexes, ce qui donne à la face inférieure de l'animal une apparence pavimenleuse; leur épaisseur est assez faible. Les plaques adambulacraires sont presque cubiques, un peu moins pressées les unes contre les autres que chez le Pentaceros reticuïatus. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 201 Chacune d'elles porte, le long du sillon, à l'angle tourné du côté de la bouche, un petit alvéole très-fm où se loge un pédicellaire en pince. Ces petits alvéoles disparaissent vers l'extrémité du bras. Il n'y a rien de particulier à dire des pièces ambulacraires , qui ressem- blent à celles de VaulTePentaceros, bien qu'un peu moins fortes. Ainsi qu'on peut le voir \ elles ne présentent rien d'extraordinaire dans leur disposition. La coupe de bras qu'a donnée M. Gaudry de cette espèce, qu'ilnommeOreaster Linckii, A s^ns doute porté sur un échan- tillon très-déformé, car elle est absolument méconnaissable; et l'on serait bien embarrassé pour distinguer sur cette figure une plaque marginale d'une pièce dorsale, ventrale, ou même ambulacraire, autrement que par la situation. La bouche du Pentaceros turritus, qui est tout à fait semblable au Pentaceros muricaius, nous ayant servi de type pour notre description générale et notre schéma A (p. 70), on n'aura qu'à se reporter là pour en avoir une description détaillée. La figure H (pi. XII) repré- sente l'odontophore, dont on remarquera la grande similitude avec celui du Pentaceros reticulatus. Le système interbrachiaP rappelle tout à fait ce que nous avons vu chez la Culcite, et diffère complètement de la muraille d'ossicules de l'autre type de Pentaceros. En se reportant au schéma Â, on verra la disposition des muscles dorso-ventraux. En rappelant les différences qui séparent les deux types que nous venons d'étudier, nous sommes d'abord frappés de la différence de constitution du squelette dorsal. On a dit que, chez les Pentaceros du premier type, les ossicules principaux se développaient les pre- miers, et qu'ils présentaient alors une apparence semblable à celle du second type; c'est plus tard que les pièces connectives, en se dé- veloppant à leur tour, viendraient altérer cette disposition, qui per- siste toute la vie dans le second type. Quant à la formation de ces énormes ossicules surélevés, on l'a expliquée par la confluence, la soudure intime d'un piquant avec la pièce dorsale qui lui sert de support. Quoi qu'il en soit de ces théories, dont rien jusqu'à présent ne démontre la justesse, la différence entre nos deux types n'en reste pas moins très-accentuée ; la disposition des systèmes inter- brachiaux, la constitution des faces ventrales, sont d'autres carac- 1 PI. XIII, fig. 3. 3 PI. XIII, fig. 4 /. 202 VIGUIER. tères également importants qui contribuent aussi à les différencier. Il faut attacher moins d'importance à l'absence des pédicellaires en pince dans le sillon du Pentaceros reticulatus , car on en rencontre dans le Pentaceros mamillaius, qui appartient bien évidemment au même type. Le Pentaceros obtusatus mériterait qu'on en fît une étude particu- lière, car, ainsi que l'a déjà remarqué M. Perrier, il ne se laisse ra- mener exactement à aucun des deux types que nous venons d'étudier. Les ossicules dorsaux ont des formes très-irréguliôres, et des dimen- sions très-différentes, sans que l'on trouve une disposition aréolée, ou une rangée médiane bien distincte. Les plaques margino-dorsales sont très-petites, irrégulièrement circulaires, et ne se distinguent des autres ossicules dorsaux que par la régularité de la ligne qu'elles forment. Sur la face ventrale, qui présente du reste les caractères du Pentaceros rnuricatus, on voit une rangée de petites pièces sépa- rer chacune des plaques marginales inférieures de sa voisine de série. Toutes ces particularités, jointes à l'aplatissement des bras et du disque, rendent au moins fort douteux que ce soit là un véritable Pentaceros ;']& me bornerai toutefois à ces réflexions, n'ayant pu faire l'étude complète d'un de ces animaux. GENRE GYMNASTE RIA (gray). 1840. Gymnasteria, Gray, Annals and Magazine of Nalural Hislory,t. VI, p. 278. 18-42. Asleropsis (pars), MuUer et Troschel, System der Asteriden, p. 62. 1866. Gyrnnasterias, von Martens, Oslasiaiische Echinodermen, Archiv fur Naturges, an. xxxiii, p. lé. 1860. Asteropsis, Perrier, Pédicellaires, p. 03. 1800. Gymnasteria, Verrlll, Addit. observations on Echînod. fauna ofCah'for- nia. — Transactions nf Conneclicut Academy, t. I, 2*^ part., p. 574 et 503. 1875. Gymnasteria, Perrier, Révision des Stellérides da Muséum, p. 283. Les Gymnasteria sont les seuls animaux de l'ancien genre Aste- ropsis, de Millier et Troschel, que nous conservions dans la famille des GoNiASTERiDJî. I^ous allous voir, par l'étude de la Gymnasteria carini- fera, qu'ils se rapprochent beaucoup des Pentaceros, tandis que les Porania, que nous étudierons plus loin, en diffèrent absolument. La Gymnasteria carini fera habite des localités fort éloignées les unes SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 203 des autres : la mer Rouge, l'île de France, les Fidji, les Sandwich, Panama, etc., et présente, toutefois, une remarquable uniformité. Tout le squelette est composé de plaques minces, noyées dans une peau assez épaisse, qui les masque à peu près complètement sur les sujets conservés dans l'alcool. Sur les sujets desséchés, au contraire, l'arrangement des plaques se voit assez distinctement. Les bras sont très-marqués, comme on le voit sur la figure o, pi. XllI, et fortement carénés, comme le montre la figure 8. La ligne médiane du bras est occupée par une rangée d'ossicules, irrégulièrement circulaires vers la pointe du bras, et qui s'allongent un peu en pointe vers sa base. Ces ossicules sont assez régulièrement imbriqués, et portent, de deux en deux, un petit tubercule perforé pour l'insertion d'un piquant; mais tout ceci est sujet à des variations assez grandes. De chacune des pièces de la série médiane partent des lignes d'os- sicules h peu près perpendiculaires à la direction du bras. Ces ossicules sont elliptiques et légèrement déprimés à leur centre. Ils forment, sur les côtés de la ligne médiane, trois séries parallèles qui arrivent jusqu'à l'extrémité du bras, où toutes les séries se confon- dent en une accumulation de pièces sans disposition ni imbrication régulière. La série latérale la plus interne est reliée à la série mé- diane par de petites pièces connectives très-courtes *. Notre sujet étant assez déformé, la disposition des séries dorsales présente sur notre dessin une assez grande irrégularité ; leur imbri- cation dans le sens latéral se voit bien sur la figure 8. Dans les an- gles interbrachiaux, qui sont tfès-arrondis, on voit des séries supplé- mentaires d'ossicules imbriqués, à surface libre à peu près circulaire, venir combler l'espace laissé libre entre les séries dorsales. Au centre du dos se voit un pentagone dont les sommets sont formés par les premières pièces des séries médianes des bras, et dans l'intérieur duquel l'arrangement des ossicules ne présente plus assez de régularité pour se prêter à une description 2. C'est sur le bord de ce pentagone central que se trouve la plaque madréporique ?n, qui est petite, ovalaire, assez épaisse, et marquée de sillons divergents extrêmement fins. Au milieu du pentagone, un peu h gauche du centre, se voit l'anus, «w. Les plaques marginales dorsales sont assez régulièrement imbri- 1 PI. XIII, iig. 5 et S. 2 Fig. 5. 204 VIGUIER. quces, mais en sens inverse des ossicules de la série médiane du bras. On trouve, en effet, au sommet de l'angle interbrachial, une plaque impaire qui recouvre latéralement ses deux voisines. A partir de là, l'imbrication continue dans ce sens, chaque plaque recouvrant celle qui lui est voisine du côté de la pointe du bras; mais cet arrangement devient irrégulier en approchant de l'extrémité. A ce niveau, les plaques marginales deviennent très-petites, ne se différencient plus des autres pièces dorsales, et se terminent à une plaque ocellaire de fort petites dimensions. Les plaques marginales inférieures, qui sont toujours débordées par les supérieures, sont assez irrégulièrement circulaires, à contour sinueux. Elles sont assez exactement juxtaposées, sans imbrication bien apparente, et en même nombre que les plaques margino-dor- sales. Tout à fait vers l'extrémité du bras, elles viennent au contact des séries adambulacraires, mais dans presque toute la longueur du bras il s'interpose entre elles une ligne de petites plaques irrégulièrement circulaires à imbrication très-variable. Près de la base du bras et dans les angles interbrachiaux, il vient s'en intercaler d'autres encore, d'un diamètre un peu plus grand, de façon que tout le triangle com- pris entre les deux séries adambulacraires et la série marginale est à peu près exactement rempli par des pièces imbriquées de la base vers le sommet du triangle '. Les pièces adambulacraires sont petites, quadrangulaires, peu ser- rées les unes contre les autres. Les pièces ambulacraires sont assez hautes, mais n'atteignent point cependant le squelette dorsal ^ La première ^ porte une apophyse en aile trcs-développée, et la dent qu'elle supporte est forte et pointue comme chez toutes les Goniaste- RL\.^\ L'odontophore* présente, ici encore, la forme typique de la tribu, et ses apophyses sont bien développées. Le système interbrachial est composé de deux lignes d'ossicules, et forme en conséquence un arc plus résistant que chez le Pentaceros muricatus ou la Culcita; toutefois la disposition est bien évidemment la môme. Si l'on joint à ces caractères, tirés de la constitution de la bouche, 1 Fig. G. 2 Fig. 8. 3 Fig. 10. * Fig. 9. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 205 la présence de spicules dans les ambulacres, on verra que ce type doit bien se ranger dans les Goniasterin.e. Toutefois, outre les autres par- ticularités que nous a présentées l'étude de son squelette, il faut dire que la disposition des spicules dans les ambulacres est assez singu- lière, et qu'ils semblent plutôt garnir l'extrémité du tube que former une couronne plate à la ventouse. En outre, les pédicellaires présen- tent une disposition tout à fait remarquable, étant ici composés de trois pièces, comme chez les Astéries ambulacraires. Il faut en lire la description détaillée dans le mémoire de M. Perrier sur les pédicel- laires. Les Gymnasteria présentent donc des particularités assez singu- lières; mais leur place doit bien être ici, et nous allons voir, en étu- diant les Pomnla, quelles différences séparent ces deux genres autre- fois réunis sous un même nom. FAMILLE VII. ASTERINIDiE. Cette famille correspondait exactement, pour M. Perrier, au genre Astenscus de Mûller et Troscbel, qui réunissait les espèces des genres Palmipes et Astenna. L'extrême minceur des Palmipes les a fait con- server par M. Perrier en genre distinct, et nous verrons qu'il y a dans ce genre deux types assez difierents. Les Asterina forment un genre en apparence très-homogène, au- quel il faudrait joindre les Nepcmtkia, que l'imbrication de leurs pièces dorsales rapproche intimement des Asterina, tandis que, par leurs formes grêles, ils rappellent les Chxtaster, auxquels Gray les avait réunis sous un même nom. Les Patiria, avec toute l'ornementation dermique des Asionna, n'ont pas leurs ossicules dorsaux imbriqués, non plus que les Disasterina, chez lesquelles le squelette dorsal n'est composé que de lames cal- caires minces et arrondies, complètement disjointes. Cette disposition se retrouve, ainsi que l'imbrication de la face ventrale, chez les genres Asteropsis et Dermastei'ias Aq M. Perrier. Il les conservait néanmoins parmi les Goniasterid.e, parce que les ossicules arrondis du squelette dorsal sont réunis entre eux par des trabécules allongés, rayonnants, souvent au nombre de six et formant ainsi un réseau hexagonal, comme chez les Anthenea ou le premier type de Pentaceros. 200 VIGUIER. Ce n'est point là un caractère suffisant pour déterminer la position des genres. Chez les Disastevbia et les Paliria on voit déjà des ossi- cules très-petits s'intercaler entre les gros ; ainsi ce serait le fait seul de leur arrangement qui servirait de caractère do famille ; mais si nous envisageons les Po)'ania, dont l'apparence est si voisine de celle des Asteropsis et des Dermasterias qu'il est à peu près impossible de les séparer, et que M. Perrier avait continué à les placer à côté les uns des autres, il est très-facile de voir que l'on a affaire à des Aste- RINID.E. Les ossicules sont disjoints sur le dos, et entremêlés de pièces plus petites; mais, au lieu d'une disposition en réseau, on peut dis- tinguer, même là, une imbrication, peu marquée il est vrai, mais qui devient très-apparente à la pointe des bras. Ces trois genres: Asteropsis, Dermasterias, etPorania, qui semblent si étroitement alliés, et diffèrent si grandement au contraire des Gymnasteria qu'on leur réunissait naguère encore, doivent bien prendre place ici, comme nous le montrera l'examen attentif du sque- lette des Porania. Il est vrai que l'on trouve chez eux des plaques marginales distinctes ; mais cette particularité doit-elle les faire dis- tinguer absolument? Nous le croyons d'autant moins que les Ganerla de Gray, que M. Perrier range dans safamilledes Asterinid.e, et en con- naissance de cause, puisqu'il avait pu voir ces animaux au British Muséum, présentent eux aussi des plaques marginales bien dévelop- pées et ressemblent beaucoup aux Porania par leur squelette dorsal, d'après la description qu'il en a donnée. 11 faut donc, d'après nous, ajouter aux Asterinid.e de M. Perrier les trois genres Asteropsis, Dermasterias et Poi^onia, qui faisaient partie de ses GoNiASTERiDiE, et qui présentent les caractères généraux des Asterinid.e; savoir: dents grosses, arrondies du côté de la bouche, très-convexes, un peu écartées ; odontophore massif, sans apophyses nettement développées ; pas de spicules dans les ambulacres. Ce sont autant de caractères qui distinguent nettement les deux familles. Notre famille des Asterinid^ comprend donc les genres : Patiria, Gray ; Asterina, Nardo ; Palmipes, Linck ; Disasterina, Perrier ; Aste- ropsis, Millier et Troschel ; Dermasterias, Perrier ; Porania, Gray ; Ga- nerla, Gray. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 207 GENRE PATI RI A (gray). 1840. Paliria, Gray, Annals and Mag. of Nat. Hislory, t. Vf, p. 290. 18i7. Paiirin, Gray, Proceeding of Ihe Zoological Soc. of London, p. 82. 1875. Paliria, Perrier, Révision des Slellcridcs, p. 323. Les limites du genre Patina, tel qu'il est admis par M. Perrier, diffè- rent beaucoup de ce qu'elles étaient pour Gray. 11 ne donne ce nom qu'aux animaux qui ont leurs ossicules arrondis, convexes, entiers, et simplement juxtaposés ; tandis que le revêtement de piquants est identique à celui des Asterina. Tous les autres Patiria de Gray ren- trent dans le genre Asterina. Les vrais Patiria ont des bras larges, courts et demi-cylindriques. Le Muséum de Paris ne renferme aucun de ces animaux ; je ne puis que renvoyer à la description qu'en a faite M. Perrier, qui a pu examiner les échantillons du British Muséum. GENRE ASTERINA (nardo). 1834. Asterina, Nardo, Oken's Isis, p. 716. 1835. Asterina, Agassiz, Prodrome., Mém. Soc. se. de Neufchâtel, t. L 1840. Asterina, Gray, Ann. and Mag. of Nat. Hislory, p. 2S6, t. VL •J842. Asleriscus (pars), Mûll«r et Troschel, System der Asteriden, p. 39. 1862. Asleriscus, Dujardin et Hiipé, Suites à Baffon, Echinodermcs , p. 374. 1865. Asterina, Gray, Synopsis, p. 16. 1875. Asterina, Perrier, Révision des Slellcridcs, p. 294. M. Perrier a exposé dans son ouvrage pourquoi l'on doit reprendre le nom d'Asto'àm, de Nardo, et rejeter cq\\\\ à' Asteriscus ^{\x\ , du reste, était appliqué indifféremment par Millier et Troschel aux Aste- rina et aux Palmipes. Deux espèces du genre Nepanthia, de Sray (on sait que les autres Nepanthia sont des Chxtaster), devraient, paraît-il, rentrer dans le genre Asterina, dont elles ne se différencient que par leurs bras grêles et allongés. Ces espèces, que M. Perrier a examinées au British Muséum, n'existent pas à Paris ; mais les Asterina cephea, stelllfera et surtout setacea, présentent déjà cette disposition assez fortement marquée. Je prendrai comme type V Asterina gibbosa, qui se rencontre en abondance à Roscoff, sur tous les rochers qui découvrent à mer 208 VIGUIER. basse; je dirai ensuite quelques mois de VAsierina calcm', jolie espèce australienne. Les figures 8 et 9 (pi. XIV) représentent, grossies trois fois, les deux faces de VAsterina gibbosa. Ainsi qu'on le voit sur ces deux figures, les bras sont courts et obtus, les angles interbrachiaux très-arrondis. Les coupes', qui ne sont grossies que deux fois, montrent la grande épaisseur du corps, qui a valu à l'animal son nom spécifique. La face dorsale est composée d'écaillés, très-petites vers la marge du corps et augmentant de volume en se rapprochant du centre. Elles sont étroitement imbriquées du dehors en dedans. Les plus petites ont un contour arrondi, mais, à mesure qu'elles s'élargissent, leur bord libre s'échancre de plus en plus, en même temps qu'on voit les écailles, d'abord planes, se plier sur elles-mêmes comme les tuiles d'un toit. La position à peu près verticale qu'affectent les parties latérales du corps chez l'yl s^mnrt ^ièôosa, à cause de la grande épaisseur de l'animal, empêche de reconnaître la disposition en série des écailles dorsales ; mais si nous examinons une Aslerina calcar, dont le corps est beaucoup moins épais, nous trouvons une très-grande régularité. Chaque écaille appartient à deux rangées, l'une parallèle à la ligne médiane d'un bras, l'autre perpendiculaire à cette même direction ; et comme ces rangées ne sont point des lignes droites, mais des courbes, les parallèles à un bras, qui sont en réalité légèrement di- vergentes, sont les perpendiculaires du bras voisin. C'est là le même arrangement que nous verrons sur les deux faces du Palmipes , et qui est très-évident sur la face ventrale de VAsterùia gibbosa^; mais sur la face dorsale, dans la position où est figuré notre sujet, la direction presque verticale des écailles fait qu'on les voit très en raccourci, et que leur disposition sérialaire se trouve masquée. Sur tout le bord des espaces interbrachiaux, où les écailles sont ar- rondies et étroitement serrées, on ne trouve pas d'aires porifères. Il n'en est plus de même sur le milieu des bras et sur le centre de l'étoile. Ici, en effet, les écailles sont beaucoup moins pressées les unes con- tre les autres, et leur position, presque normale à la surface du corps, permet l'apparition d'aires porifères, encore très-petites et peu nom- 1 PI. XIV,fig 10 et 11. 2 Fig. 9. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 209 breuses vers la pointe du bras, mais qui augmentent rapidement de nombre et de volume en approchant du centre. A peu près aux deux tiers de la distance du bord au centre, les espaces interbrachiaux eux- mêmes deviennent porifères; les écailles, de plus en plus lâches et grandes, se terminent par une plus petite, impaire, exactement sur la ligne interbrachiale. Ces cinq écailles interbrachiales alternent régulièrement avec cinq écailles apiciales plus grandes, et constituent ainsi, au centre de l'étoile, un cercle où l'on ne trouve plus rien de régulier, non plus que sur le premier tiers des bras en dehors des écailles apiciales. Immédiatement en dehors de chacune des écailles interbrachiales, on trouve une paire de grandes écailles, disposées de part et d'autre de la ligne interbrachiale, et qui se portent sur les apiciales voisines. En dehors, se trouve encore une autre paire d'é- cailles plus petites, mais bien distinctes. C'est entre ces deux paires et récaille interbrachiale correspondante que se trouve encadrée la plaque madréporique m ^ Cette plaque, de forme irrégulièrement pen- tagonale, avec la base tournée vers le centre de l'étoile, est m,arquée de sillons irréguliers et sinueux, qui ne paraissent point tous conver- ger vers le centre. Toutes les grosses écailles dont nous venons de parler, et qui for- ment le cercle central et le sommet des espaces interbrachiaux, sont visibles, même sur le vivant, par le plus grand développement des piquants qu'elles supportent. L'intérieur du cercle est occupé par des pièces arrondies, irrégulièrement disposées, et au milieu desquelles se voit l'anus an, toujours un peu à gauche de la ligne médiane, si l'on suppose la plaque madréporique en arrière. Le premier tiers des bras est également rempli par des pièces irré- gulières et sans ordre apparent, au milieu desquelles s'en interposent de très-petites. On voit encore de ces très-petites pièces arrondies s'intercaler entre les écailles les plus écartées, mais il est impossible d'y retrouver un ordre détini. Le bord des bras est occupé par une double rangée de plaques marginales fort petites, mais très-distinctes, surtout si l'on regarde VAste7Hna calcar; on les voit du reste très-bien sur nos figures. Malgré leur petitesse, ces plaques se distinguent très-bien des écailles voisines, qui sont plus petites qu'elles; en outre, leur arran- gement en deux lignes parallèles, situées tout à fait sur la tranche » Fig. 8. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GKN. — T. VII. 1S78. 14 210 VIGUIER. du corps, est tellement différent de ce que l'on voit, tant sur la face dorsale que sur la face ventrale, qu'il est impossible de les méconnaître. Les plaques marginales dorsales sont nettement imbriquées, et se recouvrent du sommet des bras vers le milieu de l'angle inlerbra- cliial. Les plaques ventrales sont moins imbriquées, presque juxta- posées. Les quatre plaques, deux dorsales, deux ventrales, qui se rencontrent exactement sur la ligne interbrachiale, sont disposées en croix, c'est-à-dire que les dorsales s'écartent l'une de l'autre par leur partie supérieure, et les ventrales par leur partie inférieure; cette inclinaison, qui se poursuit jusqu'au bout du bras, masque presque absolument, au premier abord, l'imbrication réelle des plaques. Dans les séries dorsales et ventrales, les plaques sont toujours exac- tement en même nombre, et aboutissent à une plaque ocellaire, oc, petite, arrondie et moins allongée que chez le Pahnipes. La face ventrale est plane et formée d'écaillés dont la disposition a été déjà décrite plus haut, et qu'il est très-facile de voir sur la figure 9. Ces écailles sont tridentées, et la portion médiane, qui correspond à la dent du milieu, est plus épaisse que le reste de l'écaillé. Les rangées qui bordent les séries adambulacraires ont leurs écailles d'une forme un peu différente ; les deux dents du côté du sillon ne sont plus séparées, et forment un bord à peu près rectiligne. Pas plus que chez les Pahnipes, on ne voit une grande impaire terminer ces deux séries en arrière des dents'. La première impaire marque le sommet de l'angle formé par les secondes rangées. Les pièces adambulacraires sont à peu près cubiques, légèrement échancrées sur le bord, et assez serrées les unes contre les autres; aussi tous les mouvements de l'animal sont-ils des mouvements de relèvement du bras, ceux dans le sens latéral sont assez limités, le reploiement de bras en dessous paraît à peu près nul. Les pièces ambulacraires sont assez courtes, comme on le voit sur la figure 1 1 , et ne présentent rien de particulier. 11 n'y a pas de sou- tiens ambulacraires. Le système interbrachiaP est composé d'une seule grosse pièce, dont une ou deux plus petites fortifient les attaches d'une part à la face dorsale, de l'autre à l'odontophore. Celui-ci, grossi cinq fois sur ' La figure 2, pi. XIV, est inexacte en ce point, par la faute de l'artiste. 2 PI. XIV, liy. 10, i. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 2H la figure 12, est trcs-massif. Sa face veiilralc, en dehors des apophyses, est lisse el composée de deux plans légèrement inclinés entre eux, sans présenter de petit bourrelet au bord externe; ce caractère est con- stant dans toute la famille des Asterinid^. Les apophyses ne sont jamais bien détachées dans celte famille, et la face dorsale se rac- corde à angle plus ou moins aigu avec la face orale. Dans VAstei^ina gibbosa, les surfaces articulaires sont peu marquées. Les dents n'ont, du reste, dans tous ces types, que des mouvements très-limités. Elles sont grosses, arrondies, un peu écartées dans la même paire, et la bouche est toujours assez largement ouverte ^ \JAsterma calcar diffère de V Asierina gibbosa par son épaisseur bien moindre, et par ses huit bras plus pointus, qui lui donnent la forme d'une molette d'éperon; d'où son nom spécifique. J'ai parlé plus haut de la disposition des écailles marginales et dorsales : je n'y reviendrai pas ; pour le centre, il est exactement constitué de môme que ce que nous avons vu ; sauf, bien entendu, qu'il y a seize pièces au cercle, au lieu de dix. La face ventrale est un peu différente par la forme de ses écailles, qui rappellent ce que l'on voit chez YAcanthastet--. Chaque écaille ne porte qu'un piquant, et se renfle en un petit tubercule, où l'on voit la dépression pour le ligament de l'épine. Les pièces adam- bulacraires sont moins épaisses que chez VAstenna gibbosa. Les dents sont semblables. Quant à l'odontophore, grossi trois fois sur la figure 13 (pi. XIV), on voit qu'il diffère peu de celui de notre Asterina, sauf par les surfaces articulaires, qui sont mieux limitées. Les systèmes interbrachiaux ne présentent pas de différences. On ne trouve pas de spicules dans les ambulacres des Asterina. De petits pédicellaires se rencontrent seulement sur le dos de V Asterina gibbosa; mais ils sont sans connexion avec les pièces du squelette. La face ventrale n'en présente pas, non plus que les pièces adam- bulacraires. On n'en a pas signalé jusqu'ici chez VAste7-ina calcar. Dans son dernier mémoire, M. Alexandre Agassiz a donné une courte description de X Asterina minuta, de Gray, sous le nom iïAsterina foliicm, de Liitken. Tous les caractères indiqués par M. Agassiz concordent parfaitement avec ce que nous avons vu plus haut ; malheureusement ses figui-es ne sauraient servir à l'étude du squelette. 1 Fig. 9. 2 PI. VIII, fig. 9. 2i2 VIGUIER. GENRE PALMIPES (linck). 1733. Palmipes, Linck, De stcUis marinis, p. 29. 'J835. Palmipes, Agassiz, Prodrome, Mémoires Soc. se. de Nevfchâtel,t. I. 1839. Palmipes, Forbes, On the Asteriadœ of Ihe Irish Scu, Mem. of Wcrne- rian Society, t. VIII, p. 114. 1840. Palmipes, Gray, Ann. of Nat. History,^^. 288. 1842. Asleriscus (pars), Mûller et Troschel, System der Asleriden, p. 39. 1862. Palmipes, Dujardin et Hupé, Suites à Buffon, Echinodermes, p. 372. 1875. Palmipes, l^errier, Révision des Slellérides, p. 290. Il n'existe au muséum de Paris que trois espèces de Palmipes. L'une, le Palmipes j'osaceus, n'est représentée que par un seul échan- tillon de grande taille, et à quinze bras; il ne m'a pas été possible d'en faire l'examen. Je donnerai plus loin quelques détails sur le Palmipes inflalus, dont une jolie série, provenant du détroit de Gook, a été rapportée, en 1875, par M. Filhol; mais c'est le Palmipes mem- branaceus, assez commun sur nos côtes, qu'il m'a été possible d'exa- miner le plus en détail, et dont je vais donner ici la description. Cette belle et singulière Astérie se rencontre fréquemment à Roscoff; mais il faut user de la drague, car on ne la trouve jamais sur les points qui découvrent à mer basse. Les dessins que je publie ici, ainsi que ceux de VAsterina glbbosa, ont été faits à Pioscoff, en 1876. Le Palmipes membranaceus présente rarement six bras, le plus ordi- nairement on n'en trouve que cinq, ou plutôt cinq angles, car la forme de cette Astérie est tout à fait pentagonale. 11 jouit de grandes facultés de rédintégration, et il est bien rare de trouver un indvidu parfaitement régulier. Le squelette se compose d'écaillés minces, imbriquées, et ennombre immense. Elles diffèrent de forme à la face ventrale, oîi elles sont assez semblables entre elles, et à la face dorsale, oii elles présentent deux types bien distincts: l'un sur le centre du dos et les bras pro- prement dits, l'autre dans les intervalles de ces bras. Les figures 1 et 2 (pi. XIV) donnent une bonne idée du squelette général. Elles sont grossies deux fois, ainsi que les coupes (fig. 3 et 4). La face supérieure de l'animal est constituée, dans l'intervalle des bras, par des écailles très-minces, imbriquées de la marge du corps vers le disque central, et disposées en séries divergentes, de chaque SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 213 côté de la ligne inlerbrachiale. En approchant du sommet des bras, ces séries s'incurvent en arcs à concavité tournée vers la plaque ocellaire. Les écailles sont en outre rangées, dans ces séries, de façon à former des lignes longitudinales'parallèles à l'axe du bras. La figure 1 donnera, du reste, une meilleure idée de cette disposition assez com- pliquée, que ne pourrait le faire une longue description. Toutes ces écailles ont une forme similaire. Elles sont de forme ovale, avec la portion centrale un peu plus épaisse, ce qui la fait paraître mate, tandis que le bord, très-mince, est absolument transparent. L'extré- mité tournée vers le bord de l'animal se prolonge, dans toutes ces écailles, en une pointe grêle et allongée, qui fait un angle assez ou- vert avec le plan de l'écailie, et s'enfonce à l'intérieur du corps de l'animal. Chacun de ces petits prolongements, que l'on voit bien sur les figures 3 et 4, porte sur un des prolongements semblables des écailles de la face inférieure du corps, et l'ensemble de ces petits arceaux brisés, qui se trouvent en nombre immense, maintient l'écartement des deux faces. En approchant du sommet des angles interbrachiaux, les écailles s'élargissent; mais, au lieu que la portion épaisse et mate du cen- tre de récaille se développe proportionnellement à la marge transparente, on voit se développer sur les côtés de nouveaux points d'épaississement, d'abord isolés, puis qui finissent par se réunir avec le point central, en donnant à l'écaillé une apparence trifoliée, bien que la marge transparente soit toujours arrondie. Ces écailles trifoliées forment sur notre sujet deux rangées, l'une de cinq, l'autre de trois écailles. En dehors d'elles, on compte trois ou quatre rangs d'écailles où les points d'épaississement latéraux ne sont pas encore réunis à la portion centrale. Enfin, tout à fait au sommet de l'angle, et exactement sur la ligne interbrachiale, on voit trois écailles, de plus en plus grandes en ap- prochant du centre du disque. Leur marge transparente est encore simple, mais, par le développement de nouveaux points d'épaississe- ment en nombre toujours pair, elles présentent, l'une cinq, l'autre sept, et la plus interne neuf digitations disposées en éventail. A l'intérieur du pentagone dont les sommets sont marqués par les grandes écailles interbrachiales, il est fort difficile de découvrir une disposition régulière; les écailles, qui présentent des points d'épais- sissement irréguliers, sont aussi très-diverses de forme, assez forte- ment échancrées, et, tout à fait vers le centre, transformées en lames 2U VIGUIER. étroites, qui aboutissent à une sorte de cercle formé d'un nombre variable de pièces, et au milieu duquel se trouve l'anus, entouré de très-petites plaques irrégulières. Toutes ces écailles, rétrécies et échïincrées, limitent ainsi, vers le centre du disque, un certain nombre d'aires porifères disposées sans ordre bien marqué autour de l'anus. Un peu en dedans d'une des grandes écailles interbrachiales, sur la zone porifère, se voit la plaque madréporique; elle est petite, ova- laire, et marquée de sillons divergents, relativement assez gros. La portion striée de la plaque est la face supérieure d'une pièce creuse, réduite à une simple coque fort mince, et que des prolongements dé- licats relient en dessous aux écailles voisines. La paroi interne de cette coque est perforée au niveau de Tembouchure du canal hydro- phore. Cette disposition de la plaque madréporique en coque creuse est le seul exemple que je connaisse chez les Astéries de la seconde sous-classe ; il est probable qu'elle est due au peu de résistance des écailles squelettiques, qui n'auraient pu fournir un point d'appui suffisant au madréporite. Du disque central surélevé, dont nons venons de voir la constitu- tion, partent cinq lignes saillantes qui correspondent aux sillons de la face ventrale. Ici les écailles n'ont plus de forme bien régulière. On en voit cependant une , exactement sur la ligne médiane du bras, qui présente cinq digitations, mais arrivant à peu près sur une même ligne droite au lieu d'être disposées en éventail. Ces cinq écailles apiciales alternent régulièrement avec les cinq grandes écailles interbrachiales entre lesquelles elles sont placées. De chaque côté se trouve une aire porifère. En arrière de l'écaillé apiciale, on en voit encore une médiane, puis l'arrangement devient plus irrégiilier. Les écailles, de formes di- verses, présentent un nombre variable de points d'épaississement irré- gulièrement placés, et sont généralement disposées en rangées croisant obliquement la direction du bras, et reliant entre elles les séries in- tcrbrachiales. Une double ligne d'aires porifères irrégulières suit la direction du bras jusqu'à la plaque ocellaire. Celle-ci est assez petite, allongée et étroite. Dans toutes ces écailles ce sont les portions épaisses seules qui sont spinifères. On comprend donc pourquoi l'arrangement des épines, si régulier dans les espaces interbrachiaux, devient confus sur les bras et le disque, au point qu'il soit impossible d'en décrire la disposition. Ce sont ces mêmes parties qui, chez le vivant, sont teintes d'une SQUELETTE DES STELLÉRIDES, 215 brillante couleur pourpre, tandis que le?, pabnures, si l'on peut ainsi dire, sont d'une teinte blanche-jaunâtre, ainsi que la face ventrale. Celle-ci est absolument plate et d'une description beaucoup plus facile. Toutes les écailles sont en effet de même forme, les dimen- sions varient seules. Chaque écaille fait partie de deux rangées, l'une à peu près parallèle au sillon, l'autre transversale ; mais comme les lignes longitudinales convergent vers le sommet du bras, et les trans- versales vers le milieu des côtés de l'animal, il en résulte que toutes ces lignes sont des courbes qui s'entre-croisent comme les lignes guillochées sur la boite d'une montre \ La régularité est à peu près absolue ; on voit toutefois quelques-unes de ces lignes se bifur- quer; mais c'est là un accident, et cela ne. rentre pas dans le plan général. Toutes les écailles de la face ventrale sont munies des petits pro- longements internes dont j'ai parlé plus haut; elles sont fort minces et entièrement transparentes, sauf leur bord libre, qui est un peu épaissi et spinifère. Tout à fait sur le bord tranchant du corps, on distingue deux rangs de très-petites plaques, qui ne sont autre chose que des plaques marginales très-réduites. Elles sont difficiles à distinguer des autres sur la face ventrale, où elles correspondent exactement aux rangées des écailles ventrales; mais sur la face dorsale, elles sont beaucoup plus aisées à apercevoir, car elles correspondent aux interstices des séries d'écaillés, et leur ornementation est légèrement différente, mais ce n'est guère que vers le bout des bras qu'elles sont faciles à distin- guer, comme on le voit sur notre dessina Les pièces adambulacraires sont presque cubiques et très-serrées les unes contre les autres; on comprend, du reste, que les mouve- ments soient ici fort peu étendus. Les pièces ambulacraires sont assez courtes, et n'atteignent pas le squelette dorsal, comme on le voit sur la figure 4. On voit aussi, sur cette figure, que les plaques dorsales irrégulières qui correspondent aux sillons ne portent pas de prolon- gements internes, qui seraient en effet inutiles ici. Quant aux grandes plaques interbrachiales, elles portent dans ce type, comme on le voit sur la figure 3, de véritables lames d'une ex- trême minceur, mais qui ne font pas corps avec elles ; ces lames, 1 PI. XIV, liy. 2. 2 Fiu-. 1. # 21G VIGUIER. avec d'auti'/es qui s'appuient sur la face ventrale et sur l'odontophore, constitue;it une cloison interbrachiale incomplète, qui ne s'étend, du restp', que dans la portion renflée du corps de l'animal. Les dents sont grosses, convexes, un peu écartées l'une de l'autre, et arrondies du côté de la bouche, qui est toujours assez largement ouverte. Les sillons ambulacraires ne se ferment jamais non plus bien complètement. L'odontophore offre une forme tout à fait singulière; je l'ai représenté grossi cinq fois sur la figure 5. Les apophyses, assez marquées, sont mal détachées du corps de la pièce, comme échancrées à leur extrémité, et ne présentent pas de surfaces articulaires bien limi- tées. Le corps de la pièce est très-mince, et prolongé à sa face dorsale en une longue apophyse comprimée dans le sens latéral, et qui s'avance obliquement dans la direction de la bouche. C'est là un type assez étrange, sans relation bien directe avec aucune autre forme, mais que l'on peut toutefois considérer comme une altération du type que nous rencontrons dans les Asterinn. Si nous prenons le Palmipes inflatus^ nous trouvons en effet un type d'odontophore qui se rapproche tout à fait de celui des Asterina^. Le système interbrachial de ce Palmipes rappelle également tout à fait celui de VAsterina^, et cependant les dents ^ et tout le reste du squelette, autant qu'on en peut juger sans préparation, ressemblent à ce que nous avons vu dans le Palmipes membranaceus. Il y a toute- fois quelques différences à noter. Le corps n'est pas absolument pen- tagonal, mais a ses côtés légèrement échancrés de façon à figurer des bras courts et obtus ; l'épaisseur du corps est plus considérable, mais l'animal doit son nom plutôt à son attitude ordinaire qu'à sa forme; le centre du disque touche en effet assez rarement le sol, et l'animal ne se sert pour lamper que des extrémités de ses bras. Des différences plus importantes se trouvent dans la disposition des aires porifères qui forment, de chaque côté des rayons, non plus une seule ligne comme chez le Palmipes membranaceus, mais quatre, dont les deux internes atteignent seules la plaque ocellaire, tandis que les deux autres s'arrêtent respectivement au premier et au deuxième tiers du bras. Le disque est également couvert d'aires po- rifères qui paraissent présenter la même disposition que chez notre ' Voy. lig. 7. 2 Fig. 10. 3 Fig. oxiX ici horizontales ; les paires adam- * Videnskabelige Meddelelser, 1871. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN.— T. VII. 1878, 16 242 VIGUIER. bulacraircs sont toujours absolument tronquées, et Vodontophore est une pièce massive qui ne leur permet pas do mouvements étendus, et ne présente jamais d'apophyses. Dans l'autre, ce sont les paires adamhulacraires qui s'avancent à l'in- térieur de la bouche, tandis que les paires nm/jidacraircs, plus éloi- gnées du centre, et réduites, afïcctent une position verticale. C'est le type adambulacraire qui caractérise notre seconde sous- classe. Vodontophore est presque toujours muni d'apophyses plus ou moins saillantes, permettant les mouvements des paires adamhula- craires qui ne sont jamais complètement tronquées. J'ai laissé le nom de dents, quelle que soit leur forme, aux patres adamhulacraires qui entrent dans la constitution de la bouche. Il esta remarquer que cette division en deux sous-classes est supcr- posable à celle, moins précise cependant, que fournit la considéra- tion des pédicellaires, lesquels manquent souvent, alors que les pièces de la bouche sont nécessairement constantes. Jusqu'il présent, dans notre première sous-classe, les pédicellaires, droits ou croisés, sont constants ; mais ils manquent souvent dans les Astéries adambulacraires. Dans cette seconde sous-classe, les pédicellaires des genres Ophi- diaster et Pentagonaster semblent indiquer qu'il s'agit d'organes en Voie de disparition. On trouve tous les passages entre les pédicel- laires si développés de VOphidlaster Germani ou de V Hlppasteria et des formes absolument rudimentaires, comme celles de VOphidiaster pyramklatus ou du Pentagonaster pulchellus, dans lesquels les mâ- choires sont absolument incapables de rien saisir. Il existe, pour la bouche, une musculature spéciale sans analogue le long des bras, et qui n'avait pas été décrite jusqu'ici. Cette muscu- lature est facile à homologuer dans les deux types. Les pièces de la bouche, dents et odontophores, présentent des for- mes qui varient avec chaque genre, on peut même dire chaque espèce; mais qui se rapportent évidemment à une série de types distincts, dont chacun peut caractériser une famille. . Les soutiens amhulacraires sont un très-bon caractère de classifica- tion. Les systèmes inler brachiaux sont plus variables, mais fournis- sent néanmoins de bons renseignements. Les rosettes de spicules des ambulacres sont des signes plus variables, et qui manquent souvent; enfin la plaque ocellaire et la plaque madréporique ne four- nissent que des caractères beaucoup moins sûrs, mais qu'il ne faut SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 243 pas négliger toutefois, car ils sont généralement faciles à constater sur l'animal intact. Par l'emploi raisonné de ces divers caractères, on arrive à former le tableau de classification qui se trouve page 93. On ne peut considérer comme définitivement fixés que les genres que j'ai examinés en détail ; ceux marqués d'un astérique devront peut-être changer de place par des études subséquentes. Les moyens de classification que j'ai indiqués n'avaient jamais été employés jusqu'ici, sauf les pédicellaires, et le squelette extérieur pour ce qu'on en pouvait voir sans préparation. Les spicules des ambulacres, les systèmes interbrachiaux, les sou- tiens ambulacraires, la constitution de la bouche, n'étaient qu'im- parfaitement connus, et n'avaient jamais été employés dans la carac- téristique des familles et des genres. J'ai démontré que Vodontophore des Astéries ne peut être homologué qu'aux pièces que Miiller nommait plaques osseuses péristomiales chez l'Euryale, et à leurs homologues chez l'Ophiure et l'Ophiocome. J'ai fait également observer que la seule pièce qui occupe, chez les Oursins, une position exactement correspondante à celle de Vodon- tophore des Astéries, est la plume dentawe des Oursins armés. Enfin, relativement à la relation des Échinodermes avec les Anne- lés, j'ai présenté deux objections : la segmentation irrégulière du corps, et le défaut de concordance entre les segments de l'appareil ambulacraire et les divisions des caecums radiaux. Relativement à mes planches, je ferai observer que la plupart des types que je donne n'avaient jamais été figurés ; que je suis le pre- mier à donner une série régulière de coupes interbrachiales et trans- versales des bras ; enfin que, sauf trois vues imparfaites de l'odon- tophore d'un Brisinga, dans le mémoire de M. Sars, jamais cette pièce n'a été figurée isolée; tandis que j'en donne une série de vues chez trente-quatre espèces, appartenant à vingt-sept genres. Les couronnes spiculaires des ambulacres n'avaient jamais été figurées. Il reste sans doute de grandes lacunes dans ce travail, mais ce sont de celles qui ne pourront être comblées qu'à mesure qu'il sera permis de faire l'étude de types maintenant trop rares dans nos collections. Je ne me dissimule pas que cette étude pourra entraîner des modi- fications dans le classement que je propose, et j'ai môme indiqué plu- sieurs des changements les plus probables ; mais je pense, néanmoins, 2.a VIGUIER. que les grands points de repère sont établis, et que c'est en pratiqnant la méthode que j'ai suivie, que l'on arrivera à classer rationnellement tous les animaux de la classe des Stcllérides. Au moment où je reçois les dernières épreuves de ce travail, je lis un mémoire de M. Hubert Ludwig {Beitrdge zur Anatomle der Ophiu- ren. — Zeitschrift fur Wissenschaftl. Zool. — 11 novembre 1.878). Ce mémoire, trop considérable pour que j'en puisse donner ici môme une simple analyse, ne se rattache du reste à l'objet de mes re- cherches que par un point : la comparaison du type Ophiure au type Astérie. M. Ludwig arrive à des conclusions très-différentes de celles de M. Lyman ; mais je n'ai point à revenir ici sur ce que j'ai dit au cours du présent travail. Je ne puis toutefois m'empêcher de citer ses ho- mologations de la bouche dans les deux types. Dans les schémas, absolument théoriques, qui composent sa plan- che XXV, et qui supposent les animaux vus dans la même position que sur nos dessins des pages 70, 76, 83 et 86, on remarque qu'il con- sidère la dent de l'Astérie comme formée par une seule pièce adambu- lacraire ; tandis que le support de la dent serait formé par la confluence des deux premières pièces ambulacraires. Pour les pièces buccales de l'Ophiure, chacune des branches du V serait formée par la confluence des deux premières pièces adambula- craires et de la deuxième ambulacraire, celle-ci portant seule les deux premiers pores tentacalaires. L'ensemble des plaques péristomiales, que j'ai toujours vu com- posé de trois petites plaques chez VOphioderma et VOphiocoma, ne serait formé que de deux petites plaques symétriques ; chacune d'elles appartenant au rayon adjacent, dont elle serait la première pièce am- bulacraire. Il semble étrange que M. Ludwig, qui admet que les disques sont les homologues des pièces ambulacraires, voie, dans ces minces écailles allongées, les premières pièces d'une série dont elles diffèrent si forte- ment. Je ne pense pas, du reste, qu'il eût proposé une semblable ho- mologation, s'il eût regardé la bouche d'un Astropliyton. Quoi qu'il en soit, cet auteur n'a seulement pas aperçu l'odonto- phore des Astéries ; et, dans l'angle compris entre deux séries ad- SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 2-45 ambulacraires voisines, il indique seulement, dans chacun des deux types (Astérie et Ophiure), le contour d'une grande plaque, qu'il nomme première plaque interarnbidacraire intermédiaire, et qui n'est évidemment qu'une plaque ventrale. Il est à peine besoin de dire que mes opinions sur le sujet ne sau- raient varier. Je crois, du reste, que la comparaison de dessins, exé- cutés d'après nature, à la chambre claire, sera toujours plus utile que celle de figures géométriques, parfois incomplètes, comme c'est ici le cas, et toujours forcément artificielles. EXPLICATION DES PLANCHES. Toutes les figures que je publie ont été exécutées par moi, sur croquis relevés à. la chambre claire. On peuf'donc compter , absolument sur leur exactitude. Quant à l'aspect artistique des planches, mes dessins originaux me permettaient d'espérer beaucoup mieux; malheureusement, plus je faisais retoucher les pierres, plus les tirages étaient défectueux; et j'ai dû m'en tenir là, de crainte d'arriver à des résul- tats encore pires. Les indications que portent les noms des animaux représentés, ne veulent point dire que les espèces aient été créées par les auteurs cités, ce qui ne serait pas tou- jours vrai; mais seulement que ces auteurs sont les premiers qui aient donné à l'animal à la fois le nom de genre et le nom d'espèce que je lui conserve. J'ai agi ainsi pour éviter toute confusion. Sur toutes les planches : a signifie pièce ambulacraire; ad, pièce adambulacraire ; 0, odontophore; d, dent; m, plaque madréporique ; oc, plaque ocellaire ; an, anus ; 2, système iuterbrachial; s, soutien ambulacraire; m. 5, plaque marginale supé- rieure; m. i, plaque marginale inférieure; c. h, canal hydrophore. Pour les odontophores des deux premières planches : a, face latérale; c, face orale de la pièce renversée; b, face inférieure. PLANCHE V. FiG. 1. Jeune Asterias glacialis, vue en dessus. Grossissement, 2 diamètres. 2. La même, vue en dessous. Gross., 2, 3. Section interbrachiale. Gross., 2. 4. Section du bras. Gross., 2. 10. Bouche d'un sujet plus grand, vue en dessous. Gross., 2. o. Odontophore du même. Gross., 4. 246 VlGUiER. FiG. C. Dents assemblées sur l'odonlopliore. Gross,,4. 7. Première pièce ambulacraire, vue en dessous. Gross., 4. 8. Dent, vue en dessous. Gross., 4. 9. La même, vue du côté du sillon et renversée. Gross., 4. 11. Portion de la bouche du Pycnopodia helianlhoïdes . Gross., 3. 12. Odontophore du même. Gross., 3. 13. Portion de la bouche du Stichaster aurantiacus . Gross., 5. 14. Odontophore du même. Gross., 5. PLANCHE VI. PiG. 1. Stichaster aurantiacus, VU. en dessus. Grossissement, 3/2. 2. Le même, vu en dessous. Gross., 3/2. 3. Section d'un'^bras. Gross., '3/2. 4. Heliaster microbrachia,vu. en dessus. Grandeur naturelle. 5. Le même, vu en dessous. Grandeur naturelle. 6. Section transversale près de la bouche. Gross., 2. 7. Section transversale à la portion élargie des bras. Gross., 2. 8. Section transversale à la portion libre. Gross., 2. 9. Rapports du canal hydrophor«. Gross., 3. 10. Portion de la bouche. Gross., 10. 11. Odontophore. Gross., S. 12. Odontophore de V Heliaster helianthus . Gross., 4. Pour les odontophores des dix dernières planches : le chiffre seul, face orale de la pièce renversée ; ;le chiffre ('), face ventrale; le chiffre f"), face dorsale; le chiffre ('") face latérale, la face ventrale étant à gauche et la face orale en haut. Tour les comparaisons d'un type à l'autre : le chiffre seul, dans le deuxième, cor- respond exactement à la position c dans le premier ; le chiffre (') à la position b, ren- versée le haut de la figure en bas; enfin, pour le chiffre ('"), le haut de la figure, correspond au côté gauche de la position a. C'est la nécessité de bien montrer les formes de ces pièces qui nous a conduit à adopter des positions différentes. PLANCHE VIL FiG. 1. Echina ster sepositus, Yu en dessus. Grandeur naturelle. 2. Le même, vu en dessous. Grandeur naturelle. 3. Section interbrachiale d'un sujet plus petit. Grossissement, 2. 4. Section d'un^bras du même. Gross., 2. b. Odontophore du]premier sujet. Gross,, 8. C. Face supérieure des dents. Gross., 5. 7. Fragment du réseau de la' face dorsale. Gross., 4. 8. CribreUa oculata, vue en dessus. Gross., 2. 9. La même, vue en dessous. Gross., 2. 10. Section intcrbrachialc. Gross., 4. 11. Section du bras. Gross., 4. 12. Odontopliore. Gross., s. 13. Face supérieure des dents. Gross., 8. 14. Face latérale du bout du sillon. i Gross., 4- 15. Fragment du réseau dorsal. Gross., 8. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 247 FiG. 16. Portion du bras de la Mithrodia clavigera, dessus. Grandeur naturelle. 17. Portion du bras d'un petit individu eu comète. Gross., 3/2. 18. Face inférieure du premier sujet. Grandeur naturelle. 19. Section du bras. Grandeur naturelle. 20. Odontophore. Gross., 4. 21. Face supérieure des dents. Gross., 3. PLANCHE VIII. FiG. i. Solaster papposus,\n en dessus. Grossissement, 2. 2. Le même, vu en dessous. Gross., 2. 3. Section interbrachiale. Gross., 2, 4. Section du bras. Gross., 2. 5. Odontophore. Gross., 3. 6. Face latérale d'un bout du sillon. Gross., 2. 7. Odontophore du Solaster endeca. Gross., 3. 8. Acanthaster echiniles, vu en dessus. Gross., 3/2. 9. Le même, vu en dessous. Gross., 3'2. 10. Section interbrachiale. Gross,, 3/2. 11. Section du bras. Gross., 2. 12. Odontophore. Gross., 3. 13. Face latérale d'un bout du sillon. Gross., 3/2. PLANCHE IX. FiG. 1. Ophidias 1er pyramidatus, Yu en dessus. Grandeur naturelle. 2. Le même, vu en dessous. Grandeur naturelle, 3. Section interbrachiale. Grandeur naturelle. 4. Section du bras. Grandeur naturelle. 5. Odontophore. Gross., 4. 6. Face latérale 'd'un bout du sillon. Grandeur naturelle. 7. Canal hydrophore. Gross,, 2. 8. Scylaster Novœ-Caledoniœ, vu on dessus. Grandeur naturelle. 9. Le même, vu en dessous. Grandeur naturelle. 10. Section interbrachiale. Gross,, 2. 11. Section du bras. Gross., 2. 12. Odontophore. Gross., 4. 13. Face latérale d'un bout du sillon. Gross., 2. 14. Odontophore du Valvaster striatus . Gross., 3. 15. Face supérieure des dents du même. Gross., 3. PLANCHE X. FiG. 1. Linckîamiliaris, dessus. Grandeur naturelle, 2. La même, dessous. Grandeur naturelle, 3. Section interbrachiale, Gross., 2. 4. Section du bras. Gross,, 2, 5. Odontophore. Gross., 5. 6. Bout du sillon, Gross., 3. 7. Odontophore delà. Li7ickia diplax. Gross., 5 8. Chœlaster longipes, dessus. Grandeur naturelle. 248 VIGUIER. FiG. 9. Le même, dessous. Grandeur naturelle. 10. Section interbracluale. Gross.^ a. 11. Section du bras. Gross., 3. 12. Odontophore. Gross., 5. 13. Boutdu sillon. Gross., 5. 14. Frotnia tnilleporella, dessus, Gross., 2. 15. La même, dessous. Gross., 2. 16. Section interbracliiale. Gross., 3. 17. Section du bras. Gross., 3. 18. Odontophore. Gross. 8. 19. Bout du sillon. Gross., 3. 20. Pentagonaster astrologorum, dessus. Grandeur naturelle 21. Le même, dessous. Grandeur naturelle. 22. Section interbrachiale. Grandeur naturelle. 23. Section d'un angle. Grandeur naturelle. 24. Odontophore. Gross. 4. 25. Bout du sillon. Grandeur naturelle. PLANCHE XI. FiG. 1. i4Mf/ieneaaWiCW/a/«, dessus. Grandeur naturelle. 2. La même, dessous. Grandeur naturelle. 3. Odontophore. Gross., 3/2. 4. Pentaceros reticulatus, dessus. Grandeur naturelle. 5. Le même, dessous. Grandeur naturelle. 6. Odontophore. Gross. 3/2. PLANCHE xn. FiG. 1. Section d'm\ a.ng\e à' Anthenoa arlicidata. Grcândeur naturelle. 2. Section interbrachiale de la même (6f, pièce basilaire interbrachiale), Grandeur naturelle. 3. Section d'un bras de Pentaceros reffcMto^MS. Grandeur naturelle. 4. Section interbrachiale du même. Grandeur naturelle. 5. Culcita Schmideliana, dessus. Grandeur naturelle. 6. La même, dessous. Grandeur naturelle. 7. Odontophore. Gross., 3. 8. Pentaceros muricatus, vu en dessus. Grandeur naturelle, 9. Le même, dessous. Grandeur naturelle. 10. Le même. Centre du dos vu en dessus. Grandeur naturelle. 11. Odontophore. Gross., 2, PLANCHE Xin. * FiG. 1. Section d'un angle de C ulcil a Schmideliana Gra.ndeuv. naturelle. 2. Section interbrachiale (l'animal gonflé). Grandeur naturelle. 3. Section d'un bras de Pentaceros muricntus . Grandeur naturelle. 4. Section interbrachialc du même. Grandeur naturelle. 5. Gymnasleria carinifera, dessus. Grandeur naturelle. 6. La même, dessous. Grandeur naturelle. SQUELETTE DES STELLÉRIDES. 249 FiG, 7. Section interbrachiale.Gross., 2. 8. Section d'un bras. Gross.j2. 9. Odontopliore. Gross., 4. 10. Bout du sillon. Gross., 2. 11. Porania pulvillus, dessus. Grandeur naturelle. 12. Le même, dessous. Grandeur naturelle, 13. Section d'un bras. Gross., 3/2. 14. Odontophore. Gross., 2. 15. Boutdusillon. Gross., 3/2. PLANCHE XIV. FiG. 1. Patojpes memiranacews, dessus. Grossissement, 2, 2. Le même, dessous. Gross., 2. 3. Section interbrachiale. Gross., 2. 4. Section d'un angle. Gross., ^,2. .5. Odontophore Gross., 5. C. Dents du. Palmipes inflatus. Gross., 2. 7. Odontophore du même. Gross., 3. 8. Aslerina gibbosa dess\ïè. Gross., 3. 9. La même, dessous. Gross., 3. 10. Section interbrachiale. Gross., 2. 11. Section d'un bras. Gross., 2. 12. Odontophore. Gross., 5. 13. Odontopliore à'Aslerina calcar. Gross., 3. PLANCHE XV. FiG. 1. Astropecten aurantiacus, dessus. Grandeur naturelle. 2. Le même, dessous. Grandeur naturelle. 3. Section interbrachiale. Grandeur naturelle. 4. Section du bras. Grandeur naturelle. 5. Odontophore. Gross., 2. 6. Bout du sillon. Grandeur naturelle, 7. Luidiaclathrata, dessus. Grandeur naturelle. 8. La même, dessous. Grandeur naturelle. 9. Bout d'un bras. Gross., 2. 10. Section interbrachiale. Gross., 3/2. 11. Section d'un bras. Gross., 3/2. 12. Odontophore. Gross., 4. 13. Bout du sillon. Gross., 3/2. ■14. Ctenodiscus corniculatus, dessus. Gross., 2. 15. Le même, dessous. Gross., 2. 16. Section interbrachiale. Gross., 2. 17. Section d'un bras. Gross., 2. 18. Odontophore. Gross., 3. 19. Bout du sillon. Gross., 2. 250 VIGUIER. PLANCHE XVI. FiG. 1. Archaster lypicus, dessus. Grossissement, 3/2. 2. Le môme, dessous. Gross., 3/2. 3. Bout du sillon. Gross., 2. 4. Odontophore. Gross., 5. 5. Odontophore de V Archaster angulatus. Gross., 3. 6. Section interbracliialc de V Archaster typicus. Gross. 2. 7. Section d"un bras du même. Gross,, 2. 8. Couronne spiculaire de l'ambulacre d'une Linckia miliaris. Gross., 20. 9. Couronne spiculaire de l'ambulacre d'une Culcita Schmideliana-. Gross., 5. 10. Fragment de la couronne de la Linckia. Gross. 120. 11. Fragment de la couronne de la Culcita. Gross., 120. (b, bord de la couronne. — c, côté central). 12. Pédicellaire en salière de YOphidiaster Germani, vu en dessus, entouré des granulations du derme; les valves sont ouvertes. Gross., 20. 13. Le même. Les valves sont fermées. Gross., 20. 14. Le même. Vue latérale. Gross., 20. (b, pièce basilaire. — c, cloison. — v, valves). ERRATA. Page 49, ligne 11, au lieu de VI, VII et XI, lisez IX, X et XV. — 52, note 1, — VIII, — XII. — 55, ligne 31, — intérieure, — inférieure. — 74, — 30, — dessous, — dessus. — 101, note 2,-1, — V. CONTRIBUTIONS A L'HISTOIEE DE L'INFLUENCE LES MILIEUX PHYSIQUES SUR LES ÊTRES VIVANTS PAR EMILE YUNG, Préparateur d'anatomie comparée à l'Université de Genève. I Influence des différentes couleurs du spectre sur LE développement DES ANIMAUX. Grâce à des travaux déjà nombreux dont les végétaux ont surtout été l'objet, nous savons aujourd'hui que les diverses ondulations de la lumière solaire ont une action particulière sur le processus de la nutrition en général. Les unes activent, les autres retardent ce pro- cessus et l'expérience a démontré ce que nous aurions en partie pu concevoir à priori pour les animaux en nous basant sur les données de la pbj'siquc, c'est-à-dire que les régions du spectre qui jouissent d'une action intense sur les substances chimiques sont aussi celles qui président le plus efficacement à l'élaboration des principes nutri- tifs, activent et facilitent les phénomènes d'assimilation et de désas- similation qui constituent la nutrition. Le présent travail est con- sacré à l'étude de cette influence sur le développement des animaux. Nous devons rappeler qu'il y a fort longtemps déjà que les physio- logistes ont cherché à établir l'action spéciale des diverses couleurs du spectre sur la végétation. Après que le rôle fondamental que joue la lumière solaire sur ce qu'on appelait alors la «respiration végétale», c'est-à-dire l'assimilation du carbone, eut été mis hors de doute, Daubeny^ en 1836 étudia l'influence des couleurs sur cette fonction; il fut bientôt suivi dans cette voie par Robert Hunt, Gloëz et Gratiolet, Draper, Guillemain, Julius Sachs, etc. Le résultat général de ces recherches fut qu'aucun rayon colorié n'a une action ' Daubeny,, Ou (he Action of Light, etc. Philos. Trans., 183G, I, 149. 252 EMILE YUNG. aussi grande sur l'élimmation de l'oxygène que la lumière blanche ; que les rayons jaunes et leurs voisins, c'est-à-dire les plus lumineux du spectre sont ceux qui favorisent le plus la décomposition de l'acide carbonique, mais que les rayons très-réfringents, comme le bleu et le violet, sont à peu près sans effet sur cette fonction ^ Plusieurs auteurs ont également recherché l'action des couleurs sur l'hélio- tropisme ^ mais ils n'ont pas dirigé leur études sur l'influence qu'elles exerçaient sur le développement. Robert Hunt ^ et le général Pleasonton '* ont assuré que les verres violets favorisaient dans une large mesure le développement des végétaux, mais nous verrons plus loin que leurs résultats ont été com- plètement controuvés par les recherches plus récentes de M. Paul Bert ^. Pour ce qui concerne les animaux il n'existe pas, à notre connais- sance, dans la littérature, d'études complètes et répétées, faites dans la direction que nous venons d'indiquer. Il nous faut mentionner cependant les observations de M. Béclard, qui remontent à 1858, celles de MM. Mac Donnel, Higginbottom, Pleasonton et Schnetzler. M. Béclard est le seul parmi ces auteurs qui ait expérimenté toutes les couleurs du spectre. Les animaux étaient exposés sous des verres coloriés, mais l'auteur n'indique pas si ces verres étaient par- faitement monochromatiques. Nous rapporterons ici, à cause de leur importance, ses principales conclusions : I. « La nutrition et le développement des animaux qui n'ont ni poumons ni branchies, et qui respirent par la peau, paraissent éprouver, sous l'influence des divers rayons colorés du spectre, des modifications très-remarquables . Des œufs de Mouche ( Musca carnaria)^ pris dans un même groupe et placés en même temps sous des cloches diversement colorées, donnent tous naissance à des vers. Mais si, au bout de quatre ou cinq jours, on compare les vers éclos sous les cloches, on remarque que leur développement est très- différent. Les vers les plus développés correspondent au rayon violet et au rayon bleu. Les vers éclos dans le rayon vert sont les 1 Voir le résumé de ces travaux dans Julius Sachs. Physiologie végétale. Trad. française par Marc Micheli. Genève, ISCS, et Sac/t.9. Wirlmngen farhigen Licht auf Pflanzen. Bot. Zeitung, 18Gi. • 2 Voir DuciiAUTRE, Tendance des végélanx... Revue scienlif),que, 5 décembre 1868. 3 Voir son travail dans Bot. Zeitung., 1864, p. 355. 4 Voir Comptes rendus de L'Académie des scietices, t. LXXIII, 1871, p. 1236. s Paul BiîUT, lufluence des diverses couleurs sur la végétation. Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. LXXIII, 1871, p. 1444. HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 2.^3 moins développés. Voici comment on peut grouper les divers rayons colorés eu égard au développement décroissant des vers : Violet, Bleu, Rouge, Jaune, Blanc, Vert. « Entre les vers développés dans le rayon violet et ceux développés dans le rayon vert, il y a une différence de plus du triple quant à la grosseur et à la longueur. IL « Une longue série d'expériences sur les oiseaux nous a montré que la quantité d'acide carbonique formée par la respiration, en un temps donné, n'est pas sensiblement modifiée par les diverses cloches colorées sous lesquelles on les place. Il en est de même pour les petits mammifères, tels que les souris. III. « Lorsqu'on examine l'influence des divers rayons colorés sur les grenouilles, qui ont la peau nue et dont la respiration cutanée est énergique, on peut constater des faits remarquables. Nos expé- riences n'ont encore porté en ce sens que sur le rayon vert et sur le rouge. Dans le rayon vert, un même poids de grenouilles produit dans un même temps une quantité d'acide carbonique plus considé- rable que dans le rayon rouge. La différence peut être de plus de moitié : elle est également d'un tiers ou d'un quart en sus. » M. Béclard fait remarquer que cette différence entre les oiseaux et les mammifères d'un côté et les grenouilles de l'autre tient à ce que, chez les premiers, la peau est couverte de plumes ou de poils, tandis qu'elle est nue chez les seconds. IV. « La peau de l'animal (très-probablement la couleur de la peau) paraît avoir une influence déterminante sur les résultats pré- cédents. Exemple : Placez sous une cloche verte un certain nombre de grenouilles ; placez en même temps sous une cloche rouge un certain nombre de grenouilles pesant le même poids que les pré- cédentes : doser au bout de vingt-quatre ou quarante-huit heures la quantité d'acide carbonique produite. L'excès sera en faveur des grenouilles placées sous le rayon vert. Ensuite, enlevez aux gre- nouilles leur peau et replacez-les dans les mêmes conditions. Le résultat changera : la quantité d'acide carbonique produite par les grenouilles dépouillées sera plus considérable dans le rayon rouge que dans le vert. * V. « L'influence des rayons colorés du spectre sur les proportions d'acide carbonique exhalé, en un temps donné, par un animal vivant se continue pendant quelque temps sur l'animal mort (respiration musculaire). 2o4 EMILE YUNG. yi. « Dans l'obscuriLc (à température et à poids égaux), les gre- nouilles perdent par évapoialion une quantité d'eau moitié moindre ou d'un tiers moindre qu'à l'a lumière blanche (lumière diffuse ordi- naire). Dans le rayon violet la quantité d'eau perdue par l'animal en un temps donné est sensiblement la même qu'à la lumière blanche*. » Nous avons rapporté tout au long ces résultats, parce qu'ils ne s'accordent pas entièrement avec ceux que nous ont donnés nos propres expériences, et pour appeler de nouveau l'attention des physiologistes sur leur importance. Les auteurs anglais que nous avons cités plus haut ^ n'ont fait qu'étudier l'influence de la lumière et de l'obscurité sur le dé- veloppement des œufs de grenouille, nous verrons plus loin que leurs résultats sur ce point se rapprochent beaucoup de celui auquel nous sommes arrivé. Dans un mémoire présenté à l'Académie des sciences en 1871 par M.Poëy^ ce savant fait part des expériences du général Pleasonton sur l'influence qu'exerce la lumière violette sur le développement des petits cochons. Voici en quoi consiste son expérience : (( Le 3 novembre 1869, le général plaça trois petites truies et un verrat dans un compartiment dont le toit était couvert de verres violets, et trois autres truies et un verrat dans un autre compartiment de verres blancs. 'Les huit cochons étaient âgés d'environ deux mois, le poids total des quatre, premiers était de 16,7 livres et demie, celui des quatres autres de 203 livres. Ils furent tous soignés par la môme personne avec la même nourriture, en qualité et quantité semblables et aux mômes heures. Le 4 mai 1870, en pesant les six truies, on obtint les résultats suivants : Sous les verres Sous les verres violets. blancs. 3 novembre 1869 122 livres. 144 livres. 4 mars 1870 S20 — 530 — Augmentalion 398 livres. 386 livres. * J. BiicLARD, Note relative à l'influence de la lumière sur les animaux. Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. VI, 1858. 2 Mac Donnell, Ex[joso de quelques expériences... etc. Journal de physiologie de IBrown-Sequard, t. Il, p. 625.— J. Hicginuotton, Influence des agents physiques sur le développement, etc. Journal de physiologie de Brown-Sequard, t. ILVI, 1863. ^ Voir A. PoEY, Influence de la lumitre violette sur la croissance de la vigne, des codions et des taureaux. Comptes rendus de l'Académie des sciences, t, LXXIII, 1871, p. 123C. HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. i»a5 « Les animaux placés sous le verre violet pesaient 12 livres de plus que ceux qui avaient été placés sous le verre blanc, et en tenant compte des 22 livres que les premiers avaient en moins en com- mençant, on trouve une différence d'accroissement de 34 livres. La comparaison des deux verrats fournit ti peu près le même résultat. » D'autres expériences du même auteur faites sur la vigne et sur un taureau confirmèrent ces résultats. Enfin M. Schnetzler*, dans des expériences entreprises avec des œufs de Rana temporaria placés dans l'obscurité et exposés aux lu- mières verte et blanche, est arrivé à des résultats fort intéressants que nous discuterons plus loin en les comparant aux nôtres. Nous avons repris et étendu à tous les rayons du spectre, des recherches sur ce sujet et nous nous sommes jusqu'ici limité à la simple observation de l'influence de la lumière sur la durée du dé- veloppement. Les résultats auxquels nous sommes arrivé en opérant sur des œufs de Grenouilles [Rana temporai^ia et R. esculentrt), de Truites {Sahno trutta) et de Lymnées des étangs [Lymnea sHignalis) sont assez rapprochés les uns des autres pour être significatifs. Les auteurs qui nous ont précédé se sont surtout servis de verres coloriés. Daubeny en 1839 et J. Sachs en 1854 ont eu l'idée de plonger le vase qui contenait la plante en expérience dans un liquide coloré qui, l'entourant alors de toutes parts, ne laissait pénétrer jusqu'à elle que la lumière colorée, mais ces auteurs ne semblent pas avoir prêté une grande attention à la teinte de la couleur ou, en d'autres termes^ à son intensité, ils ne disent pas non plus avoir essayé leurs couleurs au spectroscope. Nous avons suivi leur méthode et, après différents essais ayant pour but de nous assurer de la pureté plus ou moins grande de la couleur, nous nous sommes arrêté aux matières colorantes suivantes : Pour le rouge, nous avons choisi une solution alcoolique de fuch- sine cerise, parfaitement raonochromatique ; Pour le jaune, une solution concentrée de chromate de potasse, la solution laisse passer un peu de rouge et du vert, nous n'avons pas réussi à trouver un jaune monochromatique ; Pour le vert, une solution concentrée d'azotate de nickel, parfai- tement monochromatique ; 1 Voir J,-B. Schnehrler, Influence de la lumière sur le développement des larves de grenouilles. Arch. des sciences physiques et naturelles, t. LXI, 1874, p. 247. 236 KMILE YUNG. Pour le hlou, une solution alroolique de la couleur d'aniline dite hh'u de Lyon, laissant passer un peu de violet ; Pour le violet, une solution alcoolique de la couleur d'aniline dite violet de Parme, laissant passer quelques rayons bleus. L'intensité des teintes a été rapportée aux rayons suivants du cercle chromatique de M. Chevreul, que nous indiquons afin de faci- liter la révision de ces expériences aux physiologistes : Pour le rouge, gamme chromatique de Chevreul, pi. XXI, ligne 9 ; pour le jaune, pi. XX, ligne 8 ; pour le vert, pi. XXIII, ligne 9 ; pour le bleu, pi. XXV, ligne 3; pour le violet, pi. VII, bleu violet \. La comparaison de cette intensité de couleur a été faite de l'inté- rieur du vase et nous avons prié quelques personnes de la vérifier. C'est donc une moyenne de plusieurs observations que nous donnons ici. Les mêmes couleurs ont servi dans toutes les expériences, sauf pour la première, dont le détail sera donné plus bas. La quantité de liquide et la surface d'aération ont également été les mêmes que pour les œufs de grenouille et de truite. Quant à ceux de lymnées, la masse des œufs étant beaucoup moins considérable, le volume d'eau dans lequel elle fut placée fut aussi diminué. Pour chaque série d'expériences, les conditions d'éclairage, de température, d'ali- mentation ont été constamment identiques. Rana temporaria . Expériences de 1876. — Le 8 avril, des œufs fraî- chement pondus et dont le vitellus n'offre encore aucune trace de déformation sont placés dans des vases de verre blanc, plongés eux- mêmes dans des vases d'un diamètre un peu supérieur. Dans l'es- pace compris entre les deux vases on introduisit une solution colorée analogue à celles qui sont mentionnées plus haut, sauf pour la cou- leur rouge, où nous nous sommes servi, à la place de fuchsine, de vin rouge du midi de la France, vin fortement coloré et d'une couleur bien franche '. Chaque bocal, renfermant environ 3 litres d'eau, reçut une cen- taine d'œufs et fut exposé à une bonne lumière (un volet empêcha, pendant toute la durée de l'expérience, le soleil de frapper directe- ment sur les vases). Le ] 2 avril, les œufs sont bien embryonnés, et le 14 plusieurs jeunes 1 Ce vin n'a pas été examiné au spectroscope et nous n'avons pas noté sa prove- nance exacte. HISTOIRE DE LINFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 2o7 en sont sortis dans chacun des vases, les branchies externes sont bien développées et nous notons qu'elles sont plus fortes et plus étendues chez les têtards des vases rouge et vert que chez ceux des autres vases. Le 22 avril, tous les têtards sont bien, sauf dans le vase vert où la mortalité a été très forte (enlevé jusqu'à ce jour vingt-huit morts). Chez tous, les branchies sont complètement résorbées. Les têtards du vase violet sont sensiblement plus gros que ceux des autres vases. Le 8 mai, un mois après le commencement de l'expérience, nous notons les mensurations suivantes : Trois têtards sont pris au hasard dans chacun des vases et placés isolément dans un verre de montre avec une très-petite quantité d'eau ; après s'être violemment agités, ils demeurent parfaitement immobiles au bout d'un moment, et on peut alors, au moyen d'un compas, prendre la mesure de leur lon- gueur depuis la partie antérieure du museau jusqu'à l'extrémité de la queue, et de leur largeur à la hauteur des branchies. Dimensions des têtards de grenouilles âgés d'un mois dans les différents milieux colorés. Totaux. . Moyenne. VASE nOUGE. VASE JAUNE. Longueur. Largeur. Longueur. Largeur. mm. 22.50 20.75 21.50 64.75 21.58 mm. 5.00 4.50 5.00 14.50 4.83 mm. 25.75 26.00 26.00 77.75 25.91 mm. 5.50 5.50 5.75 16.75 5.58 VASE VERT. Longueur. Largeur. mm. 18.50 19.50 18.50 56.50 18.83 mm. 4,00 4.50 4.00 12.50 4.16 VASE BLEU. VASE VIOLET. VASE BLANC. Totaux. . Moyenne. Longueur. Largeur. Longueur. Larguer. " Longueur. Largeur. mm. 27.50 26.00 27.00 80.50 26.83 mm. 6.00 o.oO 5.75 17.25 5.75 mm. 29.00 30.00 30.00 89.00 29.66 mm. 6.50 7.00 7.00 20.50 6.83 mm. 26.50 25.00 25.75 77.25 25.75 mm. 5.75 5.00 5.00 15.75 5.23 Dans ce tableau s'accentuent déjà des différences qui se retrou- veront dans les tableaux suivants et que nous aurons à mettre en re- lief plus tard. Pour lé moment, nous devons noter que la mortahté avait continué à produire ses effets sur le vase vert et sur tous les ARGH. DE ;500L. EXP. ET GÉN, —T. VII. 1878. 17 238 EMILE YUKG. autres vases, particulièrement sur le rouge, où elle s'est toujours mon- trée le plus considérable après le vase vert. Depuis le 4 mai, les têtards, ayant été jusqu'alors exclusivement nourris de substances végétales, reçoivent de la viande de bœuf et, sous ce nouveau régime, ils ont fait des progrès de croissance vrai- ment surprenants et sur lesquels nous appellerons l'attention dans un autre travail qui aura plus particulièrement en vue les effets du mode d'alimentation sur le développement. Nous pouvons dire dès maintenant que dans tous les vases les tê- tards ont montré une préférence très-remarquable pour les sub- stances animales, et pour la chair de grenouilles en particulier. Si on leur donnait en même temps des morceaux de viande de bœuf et de grenouille, ils se groupaient d'abord sur ceux de grenouille. Nous n'avons plus surpris un seul têtard mangeant des algues, à partir du jour oîi on leur avait donné de la viande. La croissance continue très fort dans tous les vases, nous prenons fréquemment des mensurations qu'il serait superflu de rapporter ici, l'accroissement étant toujours activé dans le même sens. A partir du 18 mai, quelques têtards du vase violet prirent les pattes postérieures et le même fait se présenta dans plusieurs autres vases, sauf pour le rouge et le vert ; il' faut dire à ce propos que l'ordre d'apparition des membres dans les différents vases n'a pas été le môme que celui des dimensions, c'est ainsi que quatre têtards avaient leurs pattes dans le vase exposé à la lumière blanche, alors qu'aucun ne les montrait à la lumière bleue, où cependant la moyenne de la taille était plus considérable. Nous consignons seulement ici les dimensions au 8 juin, alors que les têtards étaient âgés de deux mois. Dimensions des têtards de grenouille âgés de deux mois dans les différents milieux colorés. Vase ROUGE. Vase JAUNE. Vase vert. Longueur. Largeur. Longueur. Largeur. Longueur. Largeur. 27.50 G. 50 31.50 7.50 Tous les têtards sont 25.75 5.75 32.00 7.50 morts, le dernier le 25.50 5.75 32.00 7.50 29 mai. Totaux... 78.75 18.00 95.50 22.50 Moyennes. 26.25 6.00 31.83 7.50 HISTOIRE DE LINFLÙENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 259 Vase bleu. Vase violet. Vase blanc. Lon.^'ueur. Largeur. Longueur. Largeur. Longueur. Largeur. 33.00 7.50 41.00 10.00 31.50 7.50 33.00 8.00 43.00 10.50 32.00 7.50 34.50 8.50 40.00 10.00 30.50 7.00 Totaux ... 100.50 2i..00 124.00 30.50 94.00 22.00 Moyennes. 33.50 8.00 41.30 10.16 31.00 7.33 La principale remarque à faire sur ce tableau, c'est qu'il indique un retard dans le développement des têtards du vase bleu, ils se rapprochent par leurs dimensions de ceux des vases jaune et blanc et n'ont pas suivi ceux du vase violet dans leur très j^rand dévelop- pement. Le 12 juin, tous les têtards du vase rouge sont morts. L'un d'eux avait réussi à sortir ses membres postérieurs, mais tous les autres étaient morts avant cette métamorphose. Les mensurations prises à partir de cette époque indiquent toutes une augmentation proportionnelle aux chiffres du tableau, sauf pour les têtards du vase bleu, chez lesquels il continue à se montrer un ralentissement de croissance. Le 20 juin, trois têtards du vase violet ont leurs pattes antérieures, ils sont bientôt suivis de plusieurs autres, et le 26 il y a quatre gre- nouilles complètes dans ce vase. Ce n'est que dix-huit jours plus tard, le 8 juillet, que nous obte- nons des métamorphoses dans le vase bleu, et trois têtards seulement arrivèrent à l'état parfait. Dans le vase jaune, il y eut une grenouille développée le 30 juillet, une seconde le 2 août et quelques-unes encore les jours suivants. Le vase recevant la lumière blanche nous donna une grenouille parfaite dès le 27 juillet, trois jours plus tôt que la première gre- nouille, qui apparut dans le vase jaune; mais la seconde grenouille du vase blanc se fît attendre jusqu'au 6 août, alors qu'il y en avait déjà six dans la lumière jaune. Il faut remarquer que ces deux vases se tiennent de près pour l'époque de l'éclosion, de même qu'ils ont toujours été très-rapprochés pendant le développement quant aux dimensions de la taille. A mesure qu'un têtard arrivait à l'état de grenouille, l'expérience était considérée comme terminée, la grenouille retirée et mise dans l'alcool. Les résultats de cette série d'observations nous paraissent extrê- 260 EMILE YUNG. menicnl nets, et si dans les mômes conditions physiques tous les tê- tards d'mi même vase n'ont pas montré exactement la môme taille pen- dant la duréede leur développement, s'ils nesontpastous écloslemême jour et ne se sont pas transformés en grenouilles exactement à la même époque^ cela tient à des différences individuelles dont les cau- ses nous sont en partie cachées. C'est un fait que chacun peut con- stater que, dans une même ponte de grenouille dont les œufs sont disposés en paquets de plusieurs couches, ce sont toujours les œufs de la couche supérieure qui éclosent les premiers. Nous voyons donc ici dès le commencement du développement des conditions pour ainsi dire mécaniques qui étahlissent des différences. Puis, une fois que les jeunes têtards sont éclos, nous pouvons con- stater, en les comparant les uns aux autres, que leurs branchies ex- ternes ne sont pas égales chez tous, leur surface variant, il s'ensuit nécessairement des différences dans l'hématose, différences qui in- fluent sur la nutrition ; nous voyons les uns manger beaucoup, les autres peu, et une fois que les branchies sont résorbées et que la for- mation du poumon commence, nous voyons que certains têtards viennent beaucoup plus souvent que d'autres lâcher leur bulle d'air à la surface ; enfin, dès l'origine, peu après la sortie de l'œuf, les têtards présentent, comme nous aurons à le montrer plus loin, sans sortir de notre sujet, une résistance à l'inanition qui varie considéra- blement d'un individu à l'autre. Ces faits, sans nous en donner l'ex- plication, nous aident à comprendre comment il se fait que parmi un nombre donné d'œufs de grenouille, placés immédiatement après leur fécondation dans les mêmes conditions et surveillés pendant toute la durée de leur développement, il y ait des différences assez considérables dans le temps de ce développement. Quoi qu'il en soit de ces différences individuelles, il ressort denotre première série d'expériences le fait, qui sera confirmé plus loin, que les différentes couleurs simples qui composent la lumière blanche agissent d'une manière différente sur le développement des têtards de grenouille, et pour ne tirer de cette série que les notions brutes qu'elle nous fournit, nous y voyons que la lumière violette active le développement d'une manière très accusée; qu'après elle, c'est la lu- mière bleue qui se montre le plus favorable, que cette dernière est bientôt suivie des lumières jaune et blanche sans qu'il soit possible de mentionner une action plus avantageuse de l'une ou de l'autre de ces couleurs, la jaune ayant favorisé un peu l'accroissement de la HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 261 taille et la blanche ayant donné plus tôt une grenouille à l'état par- fait; qu'enfin les lumières rouge et verte, et surtout la dernière, se sont montrées défavorables à l'accroissement et n'ont pas permis le développement complet des têtards. En sorte que si nous voulons ré- sumer ces observations en disposant les couleurs du spectre selon une série décroissante, la première étant la plus favorable au déve- loppement, nous aurons : violet, bleu, jaune et blanc très-rapprochées l'une de l'autre, rouge, vert, et nous appelons dès maintenant l'at- tention des physiologistes sur cette progression ; car, comme nous allons le rapporter, les expériences subséquentes n'ont fait que la confirmer. Elle s'éloigne de l'échelle donnée en 4838 par M. Bé- clard. Avant de terminer ce qui concerne les expériences de 1876, nous trouvons dans nos notes que les petites grenouilles écloses dans les différents vases n'ont pas présenté la même teinte : celles des vases jaune et blanc nous ont paru plus claires (moins pigmentées) que celles exposées à la lumière blanche ; toutefois cette remarque ne s'est pas conlirmée plus tard, et là encore, pour ce qui touche à la pigmen- tation, il y a de grandes différences individuelles. Enfin, et sans attacher une très-grande importance à ces chiffres, dont les relations ne sont pas restées les mêmes dans les expériences suivantes, nous devons dire que sur 100 œufs placés dans chacun des vases 19 ont donné des têtards à quatre pattes et 8 des grenouilles par- faites dans le vase violet ; 10 ont donné des têtards à quatre pattes et 3 des grenouilles parfaites dans le vase bleu; 21 ont donné des têtards àquatre pattes et 18 des grenouilles parfaites dans le vase jaune ; 20 ont donné des têtards àquatre pattes et 13 des grenouilles parfaites dans le vase blanc. Ici donc ce sont les vases jaune et blanc, c'est-à-dire les vases les plus lumineux, qui ont donné le plus grand nombre de grenouilles parfaites. Rana esculenta. Expériences de 1877. — Les œufs qui ont servi à cette série d'observations sont pondus au laboratoire dans une grande caisse de zinc, et quelques heures après leur fécondation ils sont placés dans les bocaux colorés. Cette année, le rouge d'aniline a remplacé le vin rouge^ et un bocal a servi pour étudier le dévelop- 1 Celui-ci s'altère facilement et, par oc l'ait, il est peu pi-opice ù des expériences d'aussi lougue durée. 262 EMILE YUNG. pement des œufs dans Tobscurité. F. William Edwards, dans son livre sur l'influence des agents physiques surla vie,anié que le déve- loppement puisse se faire en l'absence de la lumière. MM. Higgin- bottom et Mac Donnell sont arrives à des résultats tout à fait diffé- rents et les nôtres, comme nous allons le voir, concordent en partie avec les leurs. Chaque vase renferme 4 litres d'eau et reçoit environ 60 œufs. Chaque œuf jouit par conséquent d'une quantité d'eau plus considérable que dans l'expérience de 1876; par contre, les cir- constances ne permettent pas de leur fournir un éclairage aussi grand que l'année dernière. Les bocaux sont placés devant une fenê- tre élevée et les œufs ne reçoivent jamais les rayons directs du soleil. L'expérience commence le dimanche 25 mars. Sept jours plus tard, il y a des éclosions dans tous les vases. Les têtards se nourrissent en partie de la masse gélatineuse qui entoure l'œuf, en partie de sub- stances végétales, ils sont agiles et paraissent bien portants dans tous les vases. Le 40 avril, la substance gélatineuse est enlevée et les têtards ré- duits au régime exclusivement végétal jusqu'au 25, c'est-à-dire jus- qu'à l'âge d'un mois. Leurs dimensions ont été prises à plusieurs re- prises et, à partir du 10 avril, les mensurations sont à l'avantage du vase violet, ce que du reste on peut déjà facilement constater à l'œil nu. Nous transcrivons ici les mesures prises sur trois têtards de chaque bocal à la date du 25 avril. Dimensions des têtards de Rana esculenta âgés d'un mois dans les différents milieux colorés. Vase rouge. Vase jaune. Vase vert. Longueur, Largeur, Longueur. Largeur. Longueur, Largeur. 19,00 4.50 22.00 5.00 16.00 4.00 19.50 4.50 23.00 5.50 15.00 3.50 19.00 4.50 23.50 5.50 14.50 3.50 Totaux 57.50 13.50 68.50 16.00 45.50 11.00 Moyennes. 19.16 4.50 ?2.83 5.33 15.16 3.66 HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 263 Vase BLEU. Vase violet. Vase blanc. Vase obscur. Long. I.arg. Long. Larg. Long. Larg. Long. Larg. 24.00 5.50 29.00 7.00 23.00 5.50 19.00 4.50 25.50 G. 00 2G.50 6.50 23.50 5.50 21.00 5.00 24.00 5.50 27.00 C.50 23.00 5.50 19.00 4.50 Totaux 73.50 17.00 82.50 20.00 09.50 16.50 59.00 14.00 Moyennes. 24.50 5.66 87.50 6.66 23.10 5.50 19.66 4.66 Si on compare ce tableau à celui qui lui correspond de l'année 1876, il en ressort immédiatement ce fait que la différence des moyennes est toujours au profit des mêmes couleurs. Le vase violet est dès ce moment avantagé et la croissance des têtards soumis à son influence fortement accélérée, tandis qu'elle est considérablement retardée dans le vase vert. Comme nous l'avons déjà vu, les têtards de ce dernier vase sont sujets à une mortalité beaucoup plus grande que dans le vase rouge, qui cependant, à ce point de vue, vient immédiatement après lui. On remarquera également que les moyennes des chiffres de toutes les colonnes sont plus faibles que ceux de 1876. On pourrait attribuer cette différence à ce fait que cette année ce sont des œufs d'une autre espèce de grenouille qui nous ont servi, mais il est plus proba- ble que c'est le mode de nutrition qui en est la véritable cause. Les têtards mesurés l'année dernière à l'âge d'un mois avaient été soumis au régime animal quatre jours avant la prise des mensurations, tandis que cette année les mêmes mesures se sont portées sur des têtards exclusivement nourris d'algues, puisque ce n'est qu'à partir de ce jour, 25 avril, qu'ils reçoivent de la viande. Quant au nouveau vase placé dans l'obscurité d'une armoire, il n'y a pas une grande différence entre les dimensions de ses têtards et ceux placés dans la lumière rouge ; le fait important à noter dès maintenant est un retard de croissance avec ceux exposés à la lu- mière blanche, fait qui se trouve en opposition avec les expériences de Higginbottom publiées en 1863. Les têtards du vase violet ne sont pas aussi agiles que ceux expo- sés à la lumière blanche ou à la lumière jaune. Un choc porté sur la table les dérange à peine, tandis que tout est mis en mouvement et frétille dans les deux autres vases. Les têtards des vases rouge et vert sont également très-peu actifs, mais tandis que ceux exposés à la lu- mière violette sont continuellement à dévorer leur viande, il est rare de surprendre les premiers en train de manger. Nous avons souvent 264 EMILE YUNG. examiné l'eau des différents vases, espérant trouver la cause de cet état maladif dans le développement de certains organismes sous l'in- fluence des lumières rouge et verte, mais nous n'avons jamais rien vu qui puisse confirmer cette supposition ^ Du reste, l'eau des vases était changée tous les deux jours, et quelquefois to'us les jours, les parois du vase souvent épongées, en sorte que l'influence des orga- nismes microscopiques, si elle a existé, a dû être très minime. Le 20 mai, le dernier des têtards du vase vert est mort et il n'y a plus que six vivants dans le vase violet. Le 23 mai, nous prenons les mesures suivantes : Dimensions des têtards de Rana esgulenta âgés de deux mois dans les différents milieux colorés. Vase rouge. Vase jaune. Longueur. 29.50 28.00 26.75 , 84.25 Totaux. Moyennes. 28.08 Largeur. 7.50 7.00 6.50 21.00 7.00 Longueur. 32.50 33.00 32.50 98.00 32.66 Largeur. 7.50 7.50 7.50 22.50 7.50 Vase vert. Longueur. Largeur. Morts. Le dernier, le 20 mai. Vase bleu. Long. Larg. 33.00 7.50 36.00 8.50 34.00 8.00 Vase violet. Vase blanc. Totaux 103.00 Moyennes. 34.33 24.00 8.00 Long. 44.50 42.50 43.00 130.00 43.33 Larg. 11.00 10.50 10.50 32.00 10.66 Long. 31.50 33.00 32.00 96.50 32.16 Larg, 7.50 8.00 7.50 23.00 7.66 Vase obscl-r. Long. Lnrg. 32.00 7.50 30.50 7.00 29.00 7.00 91.50 30.30 21.50 7.16 On voit que ce tableau est entièrement comparable à celui de l'an- née dernière et que la différence en moins que nous avions notée il y a un mois non seulement n'existe plus, mais qu'an contraire l'en- semble des moyennes est plus fort que dans le mois correspondant de l'année dernière. L'accroissement a donc été rapide sous l'in- fluence du régime animal et, quant à la cause de cette augmentation de taille, on peut la trouver en partie du moins dans le fait suivant : ' L'expérience suivante nous l'avait suggérée. Si ou place dans des vases colo- rés des substances organiques et qu'on les laisse se iiutréfier sous les différents rayons, il semble que la putréfaction et le développement des champignons sont plus rapides dans les vases vert, rouge et jaune que dans les autres. Cette expérience n'ayant été faite qu'une fois, demande confirmation. HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 265 En 1876, un plus grand nombre de têtards se trouvaient dans un plus petit volume d'eau; or, l'expérience montre que lajquantité d'eau re- lative dont jouit chaque têtard a une innucnce marquée sur le déve- loppement. Plaçons, par exemple, dix têtards d'un côté et vingt de l'autre dans deux volumes d'eau respectivement égaux, et nous pourrons bientôt constater combien les premiers, qui sont les moins nombreux, seront avantagés. L'idéal qu'il faudrait atteindre dans cette sorte de recher- ches serait d'égaliser constamment le nombre des têtards dans chaque vase. Nous verrons plus loin combien cette condition est difficile à remplir et comment dans le cas particulier elle n'a pas pu beaucoup altérer les résultats. ■ Les têtards dans le vase obscur ont aussi souffert d'une assez grande mortalité, toutefois un bon nombre (dix-huit) vivent encore et paraissent bien portants, ils viennent très-rarement respirer cà la sur- face et pourraient, comme Higginbottom l'a montré, être maintenus privés d'eau beaucoup plus longtemps que ceux exposés à la lumière. Jl y a entre eux des différences de taille assez notables. Les vases blanc et jaune continuent à être très rapprochés et, chose singulière, la différence entre leurs deux moyennes est presque mathématiquement la même qu'en 1876 ; elle est toujours au désa- vantage de la lumière blanche. Il en est de même pour les vases bleu et violet chez lesquels la différence est dans le même sens que l'année dernière et à peu près de la même valeur. Tous les têtards du vase rouge sont morts les uns après les autres, le dernier le 20 juin, il n'avait pas les pattes antérieures. L'apparition des pattes postérieures et antérieures a beaucoup varié d'un vase à l'autre. C'est dans le vase bleu que nous surprîmes le premier têtard muni de ses membres postérieurs, puis ce fut le tour du vase blanc, et en troisième lieu seulement le vase violet. Le premier têtard qui les prit, le lit le trente-sixième jour du dé- veloppement ; deux jours plus tard ce fut le têtard exposé à la lumière blanche, et cinq jours plus tard dans la lumière violette. Nous ne notons ici que les premiers chez lesquels apparurent ces appendices; ils furent rapidement suivis de plusieurs autres, et aujourd'hui, à la fin du deuxième mois, tous les têtards en sont pourvus, sauf dans le vase rouge, où deux têtards sur six ne les ont pas encore, quoique leur taille soit assez considérable. Des différences de même nature se manifestèrent pour l'apparition 266 EMILE YUNG. des pattes antérieures, c'est encore dans le vase bleu qu'un tôtard en i'ut le premier pourvu. Toutefois, c'est le vase violet qui, comme l'année dernière, fournit la première petite grenouille à l'état parfait, le 19 juin, à l'âge de deux mois et vingt-cinq jours \ et les jours sui- vants il y eut plusieurs métamorphoses dans le môme vase, tandis que dans le vase bleu les jeunes grenouilles n'apparurent que douze jours plus tard, se succédant assez rapidement. Dans le vase jaune la première métamorphose se fit attendre jusqu'au M juillet et la dernière jusqu'au 23. Dans le vase blanc il y eut transformation du 16 juillet jusqu'au 7 août. Enfin, dans le vase obscur les têtards se transformèrent aussi, mais avec un assez grand retard, et nous eûmes le plaisir d'obtenir quatre petites grenouilles qui s'étaient complètement développées dans l'obscurité les 30 juillet, 6, 10 et 12 août. Tous les autres têtards étaient morts. Cette année, les résultats finaux ont donc été les suivants : Sur environ 60 œufs de grenouille qui furent introduits dans chaque vase : M ont donné des têtards à quatre pattes et 5 des gre- nouilles parfaites dans le vase violet : 14 ont donné des têtards à quatre pattes et 6 des grenouilles parfaites dans le vase bleu ; 7 ont donné des têtards à quatre pattes et 7 des grenouilles parfaites dans le vase jaune ; 18 ont donné des têtards à quatre pattes et 12 des gre- nouilles parfaites dans le vase blanc ; 9 ont donné des têtards à quatre pattes et 4 des grenouilles parfaites dans le vase obscur ; 00 ont donné des têtards à quatre pattes et 00 des grenouilles parfaites dans le vase rouge; 00 ont donné des têtards à quatre pattes et 00 des gre- nouilles parfaites dans le vase vert. Les vases jaune et blanc sont encore favorisés pour le nombre des grenouilles qu'ils ont fourmes, mais dans les autres vases les nombres ne sont pas d'accord avec ceux de l'année dernière. C'est ainsi que le vase violet a été un peu moins fertile que le vase bleu, ce qui est l'inverse des résultats indiqués plus haut. Le point essentiel, c'est-à-dire la différence d'action des difî'érentes lumières ressort encore une fois d'une manière évidente de cette série d'observations ; car s'il s'est glissé quelques divergences dans le » L'année dernière, il en était apparu quatre à Tâge de deux mois et dix-huit jours. HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 267 détail, le résultat général auquel la première série nous avait conduit est pleinement confirmé. Rana escidenta. Expériences de 1878. — Les expériences de 1878, entreprises absolument dans les mômes conditions que celles de 1877, nous ont donné à peu près les mômes résultats. Nous allons en donner encore ici quelques détails, espérant que peut-être certains faits en apparence d'un ordre secondaire pourront servir dans la suite, lorsque d'autres expérimentateurs reprendront et développeront ces recherches, à expliquer les divergences secondaires des résultats. Les petites causes produisent les grands effets et c'est dans ces ques- tions de développement qu'il importe surtout de bien tout noter. Le 6 mars, deux gros paquets d'oeufs sont déposés dans la cuve de zinc oii s'ébattent quelques fortes grenouilles recueillies récem- ment. Le 9 mars, alors que ceux de la couche supérieure commencent à s'embryonner, ils sont déposés dans les vases qui ont servi aux obser- vations de l'année dernière, ils sont exposés à la même lumière et soumis à l'action des mômes rayons colorés. Le nombre des œufs mis en expérience est plus considérable, et cela surtout dans l'espoir d'obtenir le développement complet de quelques-uns dans les vases rouge et vert. Malheureusement cet espoir n'a pas été réalisé, car le 20 mars la masse des œufs, dont plusieurs ont commencé à se dé- velopper, est retirée de ces deux vases ; elle est dans les deux en pleine putréfaction et, contrairement à ce qui s'est passé les années précédentes, aucun embryon n'a éclos. Un peu plus tard, nous replaçâmes dans ces deux bocaux une trentaine d'œufs d'axolotls récemment pondus dans un aquarium du laboratoire, et malgré tous les soins et les précautions qu'on en prit ils ne se développèrent pas; tandis que quelques œufs de la même ponte demeurés exposés à la lumière blanche s'embryonnèrent et éclorent parfaitement. Nous regrettons beaucoup ce résultat néga- tif répété dans les trois séries d'expériences, mais nous devons faire remarquer en même temps qu'aucun observateur autre que M. Béclard n'a été plus heureux que nous. Nous rapporterons ici, à ce propos, l'observasion suivante faite par M. Schnetzler en 1874, sur des larves de la Rana temporaria provenant d'œufs recueillis dans un étang à la fin du mois de mars. Ce savant plaça une partie de ces œufs dans un bocal de verre blanc contenant 2000 centimètres cubes d'eau et une bonne provision 2()8 EMILE YUNG. de plantes aquatiques [Elodea canadensis) ; une autre partie fut placée dans un vase de couleur verte renfermant i 100 centimètres cubes d'eau et la même plante que le vase précédent. Les deux vases furent exposés dans les mêmes conditions ;\ la môme lumière. A la fin du mois de mai, les larves du vase blanc avaient 4- centimètres de longueur et les pattes de derrière étaient dévelop- pées chez la plupart d'entre elles. Les larves du vase vert sortirent quelques jours plus tard de l'œuf que celles du vase exposé à la lu- mière blanche, elles restèrent petites et à la fin de mai, elles avaient à peine une longueur de 2 centimètres et pas trace de pattes posté- rieures. « Le 10 juin, les larves du vase blanc montrent leurs pattes de devant ; quelques-unes d'entre elles sont presque complètement trans- formées en grenouilles. Celles du vase vert, toujours bien noires et très-vives, n'ont pas traces de pattes. Elles respirent encore presque exclusivement par leurs branchies intérieures. « Le 23 juillet, toutes les larves du vase blanc ont achevé leurs mé- tamorphoses, celles du vase vert n'ont pas encore la moindre trace de pattes.' Les douze larves du premier vase avaient chacune 266 centi- mètres cubes d'eau à leur disposition. Les sept larves du second vase avaient chacune au commencement 157 centimètres cubes. Pour les mettre dans les meilleures conditions on enleva quatre larves du vase n" 2 et on les plaça dans le premier vase. « Chacune des trois larves restantes avait donc à sa disposition 366 centimètres cubes d'eau. Cette eau fut souvent renouvelée, ainsi que les plantes qui servaient de nourriture aux larves. Deux de ces larves furent dévorées parla troisième qui restait seule en posses- sion de 1100 centimètres cubes d'eau. Malgré ces conditions favo- rables, elle ne présentait à la fin de juillet que 3 centimètres et demi de longueur, elle n'avait pas traces de pattes et respirait principalement par ses branchies intérieures. « Une seule des trois larves importées du vase vert dans le vase blanc s'est complètement transformée à la suite de ce changement. Dans son expérience M. Schnetzler n'a donc pas pu obtenir le dé- veloppement complet de la grenouille dans la lumière verte. D'un autre côté, c'est un fait d'observation générale que la mor- talité augmente chez les animaux vivant dans un aquarium, lorsque les parois de celui-ci se couvrent de matière verte confervoïde. Il semble donc résulter de ces diverses expériences dont les têtards HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 269 de la grenouille ont été l'objet que la couleur verte paralyse leur développement, et il résulte en outre de nos propres expériences que la lumière rouge a également une action délétère sur la vie de ces petits êtres. Revenons à nos observations de cette année. Nous n'avons plus à suivre le développement que dans cinq vases, le violet, le bleu, le jaune, le blanc et celui tenu dans l'obscurité. Le régime auquel fu- rent soumises les larves est à peu près le même que l'année dernière. Elles reçurent toutes le même jour de la viande, après avoir été soumises pendant un mois au régime végétal. La viande de bœuf a surtout servi ; sauf pour les têtards exposés à la lumière blanche, qui furent employés à dégarnir des squelettes de chauves-souris. Nous n'avons pas mesuré les dimensions des têtards cette année d'une manière aussi régulière que les années précédentes, aussi ne pouvons-nous donner ici des tableaux comparables h ceux exposés plus haut. Nous transcrirons seulement ici les mesures prises le 1" avril alors que les têtards étaient âgés de vingt-cinq jours. Dimensions des télards de Rana esculenta à l'âge de vingt-cinq jours dans les différents milieux colorés. Vase violet. Vase bleu. Vase jaune. Vase blanc] Vase obscur. Long. Larg. Long. Larg. Long. Larg. Long. Larg. Long. Lavg, 26.00 7.00 19.00 4.25 16.00 3.50 21.50 4.50 16.00 3.50 28.00 7.50 18.50 4.00 18.00 4.00 20.00 4.50 16.50 3.50 28.00 7.50 22.50 5.00 20.00 5.00 18.00 4.00 15.00 3.50 Totaux. 82.00 22.00 60.00 13. 2? 54.00 12.50 59.50 13.00 47.50 10.50 Moyen. 27.33 7.33 20.00 4.41 18.00 4.16 19.83 4.33 15.83 3.50 Le seul fait remarquable qui résulte de ce tableau concerne le vase bleu. On voit en effet que la moyenne de ce vase s'est considé- rablement rapprochée de celle des vases blanc et jaune. Déjà, pen- dant la série de 1877, la différence entre le premier de ces vases et les deux derniers était moindre qu'en 1876. Aujourd'hui ces vases tendent à s'égaliser. Nous devrons donc placer un point d'interro- gation à côté de cette couleur dans son ordre d'influence sur le développement. Elle réclame de nouvelles recherches. Nous verrons du reste plus loin que, dans ses expériences sur la production de l'ozone dans les différents rayons colorés, M. Schnetzler a obtenu à ce point de vue à peu près les mêmes résultats dans la lumière filtrée à travers un verre bleu et celle qui passait dans un verre vert. i>70 EMILE YUNG. (Juant aux aulros couleurs, elles donnent les mêmes résultats que dans les deux premières séries. Les têtards placés dans l'obscurité sont très vifs, mais notablement plus petits que dans les autres vases. L'absence de la lumière atténue, au moins dans les premières phases, la croissance. Quoique le nombre des œufs, dans chaque vase, soit plus grand cette année que les années précédentes, la mortalité n'y est pas plus intense ; ce n'est que plus tard et surtout pendant la période d'appa- rition des membres qu'elle s'est fortement manifestée. Pour ce qui concerne l'ordre d'apparition des pattes, nous avons pu encore constater que ce ne sont pas toujours les têtards de plus grande taille qui les prennent en premier. Le vase blanc nous en a fourni quelques jours seulement après le vase violet et avant le vase bleu, oîi la taille moyenne était cependant beaucoup plus consi- dérable. Le 12 mai, trois têtards du vase violet ont pris leur pattes anté- rieures et dix jours plus tard, le 22, ils sont complètement trans- formés. . Le 30 juin, un têtird du vase bleu était devenu grenouille. Le 6 juillet, un têtard se transforma également dans le vase blanc et il fut bientôt suivi de plusieurs autres dans ce vase et dans le jaune. Dans l'obscurité, plusieurs têtards se transformèrent en grenouilles à intervalles irréguliers à partir du H juillet, c'est-à-dire cinq jours après la première métamorphose dans le vase blanc. A la fin de juin une absence prolongée nous empêcha de suivre nous-même la fin de ces observations. Il résulte des notes que l'on prit à notre place qu'un bon nombre de têtards (nous ne pouvons en donner le chiffre exact) se transformèrent en grenouilles dans tous les vases, quoique la mortalité ait été assez forte aux époques de grandes métamorphoses. Il ne nous est pas possible, en terminant cette série, d'indiquer la proportion exacte des têtards transformés dans chaque bocal par rapport au nombre des œufs introduits. Cette proportion a été plus grande dans les vases blanc, jaune et violet que dans les autres. Il faut dire aussi que si, dès l'origine, iSO œufs furent introduits dans les vases : ils ne donnèrent pas lieu à 150 éclosions. Il y a toujours une certaine proportion d'œufs qui ne se développent pas, proba- blement par défaut de fécondation. HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 271 Résumé des trois séries d'observations. — Il résulte des expériences de 1876, 1877 et 1878, dont nous venons de rendre compte, que les œufs de grenouille exposés, toutes les autres conditions restant autant que possible les mêmes, à des rayons lumineux de couleur différente, subissent par ce fait une accélération ou un retard dans leur croissance; Que deux de ces rayons, le rouge et le vert, sont défavorables au développement ; Que le rayon violet active considérablement le développement; Qu'après lui, -c'est le rayon bleu qui semble le plus favorable, quoiqu'il- soit prudent, avant de se prononcer d'une manière positive, de reprendre quelques expériences sur ce rayon ; Qu'après le rayon bleu viennent, dans un ordre décroissant, les rayons jaune et blanc sans qu'il y ait de grandes différences entre eux; Qu'enfin l'obscurité n'empêche pas le développement, quoique, con- trairement à ce que professe Higginbottom dans son mémoire, il subisse un certain retard par rapport à celui qui se fait en pleine lumière blanche. Truite Salmo trutta. Expériences de 1877. — Le 16 novembre, à deux heures après midi, on pratique la fécondation d'oeufs de truite vivant dans un vivier situé en plein courant du Rhône. Ces œufs sont immédiatement transportés au laboratoire. Une partie est placée dans des appareils Carbonnier dont l'eau est constamment renouvelée. La lumière blanche qu'ils reçoivent n'est pas très in- tense et jamais les rayons directs du soleil n'y atteignent. Une autre partie est disposée dans les vases colorés qui ont servi au prin- temps et en été de cette année aux expériences sur les têtards de grenouille. Chaque vase reçoit environ 200 œufs dans 4 litres d'eau. Le premier jour, l'eau des vases fut changée deux fois par jour, mais ce système de changement d'eau n'étant pas suffisant, les vases furent échelonnés sous un même courant, de telle manière que l'eau fraîche circulait d'abord dans le premier vase, puis dans le second, le troi- sième, etc. Le 17 novembre, une centaine d'œufs furent retirés des appareils Carbonnier et placés dans deux vases reposant eux-mêmes dans une armoire obscure. Ces deux vases ne pouvant être exposés à un courant d'eau continu, leur eau fut renouvelée deux fois par jour. 272 EMILE YUNG. Les œufs gâtés furent retirés à mesure qu'ils montraient des traces d'opacité. Le 20 novembre, tous les œufs des vases rouge et vert sont gâtés; il en est de même le 22 novembre pour le vase bleu. L'altération des œufs devient de plus en plus considérable et le 22 novembre il n'en reste plus un seul de bon dans les différents vases. L'expérience se trouve par conséquent terminée. Nous no- tons seulement que les embryons morts 'ce jour dans le vase violet sont sensiblement plus longs que ceux des vases jaune et obscur. Le 5 décembre, nous choisissons dans les appareils Garbonnier un certain nombre d'œufs bien embryonnés, et en introduisons de nou- veau vingt-cinq dans chacun des vases susmentionnés. Les jours sui- vants il y a des morts dans tous les vases, mais en plus grand nombre dans les vases vert, rouge et bleu que dans les autres. A mesure qu'un œuf paraît mort, il est enlevé. Le 18 décembre, c'est-à-dire trente-deux jours après la féconda- tion, nous obtenons plusieurs éclosions dans le vase violet. Deux jours plus tard, le 20 décembre, il y a plusieurs éclosions dans le vase jaune. Le lendemain, le même fait se présente dans le vase bleu et dans les appareils Garbonnier exposés à la lumière blanche. Enfin, le 22 décembre, éclosions dans les vases vert et obscur. Les œufs embryonnés exposés à la lumière violette à l'âge de vingt jours furent avantagés par cette couleur dans le môme sens que les œufs de grenouille. Ce vase fournit des éclosions deux jours avant le vase jaune, trois jours avant les vases bleu et blanc et quatre jours avec les vases vert et obscur. Les petites truites renfermées dans ces vases continuent quelque temps à s'y développer. Leur délicatesse empêche de les mesurer. Sur vingt-cinq œufs introduits le 5 décembre, il en reste le 24 du même mois : Trois dans le vase violet, deux dans le vase bleu, un dans le vase vert, neuf dans le vase jaune et sept dans le vase obscur. Les petites truites vécurent encore environ un mois dans ces vases et reçurent toutes le même jour de la viande hachée. Malheureuse- ment, le développement de champignons s'attachant à leurs branchies et à différents points de la surface de leur corps, les firent périr en grand nombre, en sorte qu'à la fin de la cinquième semaine il n'y en avait plus une seule envie. Ce sont les jeunes truites du vase violet qui, ayant continué à se montrer les plus fortes et les plus robustes, IHSTOIRE DE LIXFLUENGE DES MILIEUX PHYSIQUES. 273 sont aussi celles qui ont résisté le plus longtemps à l'action véné- neuse des champignons. Les œufs de truite, beaucoup plus délicats que ceux de grenouille, se prêtent moins bien qu'eux à ces recherches. Toutefois, si l'expé- rience à laquelle ils ont servi est moins régulière et moins précise que les précédentes il n'en ressort pas moins une grande analogie avec elles. Nous n'avons pas réussi à suivre le développement complet depuis l'œuf, mais il faut remarquer que c'est dans les couleurs rouge et verte, que nous avons déjà notées comme exerçant une action délé- tère sur les têtards de grenouille, que les œufs se gâtèrent en pre- mier lieu. Il est vrai qu'ils furent bientôt suivis par le vase bleu et tous les autres jusqu'au violet ; mais dans la reprise de l'expérience, à partir du vingtième jour après la fécondation, l'action de la lumière colorée fut manifeste et coniirmative des résultats généraux des pré- cédentes. Sur 3000 ù, 4000 œufs placés dans les appareils Garbonnier et tous traités de la même manière, il n'existe plus aujourd'hui, 30 oc- tobre 1878, qu'une seule petite truite mesurant environ 6 centimè- tres. Toutes les autres, écloses cependant en grand nombre, sont mortes sous l'action des champignons. Lymnea stagnalis. Expériences de 1778. — Plusieurs grosses lym- nées tenues dans un aquarium du laboratoire à la fin du mois de mars donnent des pontes répétées. Afintle ne pas désagréger les sacs ovigères, nous les plaçons entiers dans de petits vases à expérience renfermant environ un tiers de litre d'eau et plongeant dans d'autres vases plus grands. Dans l'intervalle compris entre ces vases on in- troduit les mêmes liquides colorés qui ont servi aux expériences pré- cédentes. Nous sommes obligé de présenter ici les résultats isolé- ment. Vase 7'ouge. Il reçoit un sac ovigère pondu dans la nuit le 19 avril, les œufs se fractionnent et leur développement se fait normalement. L'eau est changée dans le vase tous les cinq ou six jours. Les éclo- sions commencent le 26 mai et le lendemain il y a bon nombre de jeunes qui rampent à la surface de l'eau et contre les parois des vases. Vase jaune. Un long sac ovigère y séjourne du 14 avril au 9 mai. A cette dernière date commencent les éclosions, qui se continuent les jours suivants. ARCH. DE ZOOI.. EXP. ET GÉN. — T. YII. 187S.' 18 274 EMILE YUNG. Vase vert. Place un sac ovigore le iC avril. Le fracLionncment se fait bien et le développement se continue jusqu'à la formation du cœur, mais il s'arrête bientôt dans toute la masse des œufs et ces derniers entrent facilement en décomposition. Vase bleu. Un sac ovigère de^moyenne taille y est placé le 21 avril, les œufs se développent parfaitement et nous obtenons des écl osions à partir du 10 mai. Vase violet. Une ponte toute fraîche y est placée le 1-2 avril. Le 29 il V a plusieurs éclosions. Les œufs, peu avant ce moment, paraissent beaucoup plus gros que ceux des autres vases à la môme époque, et les larves qui en sortent sont relativement énormes. Vase blanc. L'expérience a été faite trois fiDis à la lumière blanche, la durée moyenne du développement a été de vingt-sept jours. Les œufs y ont été placés dans les mois d'avril, mai et juin. La durée a été plus courte en juin qu'en avril. Question de température qu'avait déjà notée LerebouUet ^ Vase obscur. Le 22 avril, un sac ovigère est placé dans l'obscurité, plusieurs œufs se développent, mais les éclosions ne commencent qu'à partir du 25 mai, c'est-à-dire six jours plus tard que dans le vase blanc. On voit donc que la durée du développement des jeunes ly muées depuis l'œuf jusqu'à l'éclosion a été : Sous l'action de la lumière violette, de 17 jours; sous l'action de la lumière bleue, de 19 jours; sous l'action de la lumière jaune, de 23 jours; sous l'action de la lumière blanche, de 27 jours; sous l'ac- tion de la lumière rouge, de 36 jours ; sous l'action de l'obscurité, de 33 jours. Ces résultats s'accordent parfaitement, quant à l'ordre décroissant des couleurs avec ceux de la première série d'expériences sur le déve- loppement des œufs de grenouille. Ils ont encore été une fois par- tiellement confirmés cette année 1878. Nous disons partiellement, parce que nous n'avons opéré qu'avec les vases violet, bleu et jaune, et qu'ils ont conservé le rang que leur avait attribué la première série. Après ces détails d'expériences, qu'il nous soit permis d'entrer dans quelques considérations relatives aux résultats qu'elles nous ont donnés. 1 Voir Lereboullet, Embryologie du Lymnée des étangs (Ann. des se. nat., 4« série, t. XVIII, p. 87, 18C2). HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 275 Si nous nous rappelons les conclusions auxquelles sont arrivés les expcrimcntatears qui ont étudié l'influence des lumières colorées sur les végétaux, nous voyons qu'elles ne concordent pas toujours avec les nôtres. Mais il faut rappeler que jusqu'ici on a surtout étu- dié l'influence des lumières colorées sur la production d'oxygène par les feuilles et non sur le développement de la plante. Nous ne trouvons même pas indiqué dans les auteurs s'il existe un rapport constant entre l'assimilation, c'est-à-dire entre la quantité d'acide carbonique décomposé dans un temps donné et la croissance du végétal. Nous rapporterons seulement ici, comme les plus récentes et les plus positives, les conclusions de M. Paul Bert sur ce sujet. Le cé- lèbre physiologiste a opéré sur vingt-cinq espèces de plantes, aussi bien cryptogames que phanérogames et de familles très-diverses. Les unes furent plantées sous un verre blanc ordinaire, les autres sous un verre blanc dépoli, un verre noirci, un rouge, un jaune, un bleu. Sauf le rouge, M. Bert reconnaît que ses verres n'étaient pas exactement monochromatiques. Il est résulté de ses observations : « 1° Que la couleur verte est presque aussi funeste pour les végé- taux que l'obscurité. Résultat analogue à celui de M. Cailletet. 11 ne serait pas exact cependant de dire que la lumière verte n'a aucune influence sur les végétaux. J'ai constaté, en effet, que des plantes fortement héliotropes se tournent et s'inclinent du côté du vert plutôt que du côté du rouge, et vont à celui-ci pour fuir l'obscurité; « !2° Que la couleur rouge leur est encore fort nuisible, bien qu'à un moindre degré. Elle les fait s'allonger d'une manière singulière; « 3° Que la couleur jaune, beaucoup moins dangereuse, l'est en- core plus que la couleur bleue ; « 4° Qu'en définitive, toutes les couleurs prises isolément sont mau- vaises pour tes plantes, que leur réunion, suivant les proportions qui constituent la lumière blanche, est nécessaire pour la santé des vé- gétaux, et qu'enfin les jardiniers devront renoncer à l'emploi des verres ou abris colorés pour serres et châssis. « Dans un travail précédent M. Bert avait déjà montré que, sous l'action des rayons verts, la sensitive meurt et perd très-rapidement sa sensibilité et que, dans le jaune et le rôuge, les sensitives se sont beaucoup plus rapidement développées que dans le violet et le bleu. Quelque singuliers qu'ils (puissent paraître au premier abord, ces 276 EMILE YUNG. résultats pouvaient jusqu'à un certain point ôtre prévus par avance. On savait en effet, à la suite des nombreuses expériences de Daubeny, Gardner, Draper, Guillemin, Cloërz et Gratiolet, Julius Sachs, Cail- letet, etc., que ce sont les rayons les plus lumineux du spectre qui agissent le plus sur la production d'oxygène par les feuilles. Nous rapporterons seulement l'expérience très-simple de M. Draper, telle qu'elle estcitéepar M. Jamain^ L'expérimentateur américain prit sept tubes de verre renfermant de l'eau chargée d'acide carbonique et une feuille de graminée, puis il fît tomber sur chacun d'eux l'une des sept couleurs du spectre. Au bout de quelque temps, il se dégagea de l'oxygène dans les tubes recevant les rayons jaune et rouge, il n'y avait rien dans les autres. Les rayons rouge et jaune sont donc les seuls qui donnent aux plantes la propriété de renouveler l'oxygène de l'air. Cette expérience élémentaire a été reprise sous bien des formes diverses et avec toute la rigueur scientifique, elle a constamment donné les mêmes résultats^, c'est-à-dire que l'intensité de la lumière joue un rôle prépondérant dans le phénomène de l'assimilation. Or, cette intensité est beaucoup moindre dans les rayons bleu et violet que dans le rouge et le jaune, et l'on peut avoir dans ce fait l'expli- cation de l'influence défavorable des deux premiers rayons par rap- port aux derniers. Il est probable qu'à égalité d'intensité de la lu- mière, les rayons violets activeraient l'assimilation en vertu de leurs propriétés chimiques, et que les chiffres inférieurs obtenus jusqu'ici quant à la quantité d'oxygène produite dans un temps donné provien- nent de ce défaut d'intensité *. Quanta l'influence nuisible de la couleur verte, elle est aisée à com- prendre : « Si l'on examine une feuille au spectroscope, dit M. Bert, on voit que la lumière qui la traverse est surtout riche en rayons verts et rouges, ce qui signifie que ces rayons n'ont point été utilisés par la plante; il n'est donc pas étonnant que les végétaux ne puissent vivre, si on ne leur donne comme lumière que celle dont ils ne tirent point parti. » ' Jamain, la Photochimie {Revue scientifique, 18G6-67).' ^ Voir JuL. Saihs., loc. cit., p. 2^. Influence de la lumière colorée sur l'élimination de l'oxygène. * II ne faut pas oublier, en effet, que Robert Hunt, de 1840 à 1847^ et Pleasonton, dans le travail cité plus haut, étaient arrivés à des résultats très favorables îi la lu- mière violette. HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 277 Sans nous étendre davantage sur les résultats obtenus en expéri- mentant sur les végétaux, nous ferons remarquer que nos expériences prouvent de la manière la plus précise que la quatrième conclusion de M. Bert ne doit pas s'appliquer aux animaux et que chez ceux-ci le mode de nutrition étant bien différent, que chez les végétaux» l'intensité de la lumière en particulier perd beaucoup de son impor- tance. Il est très-évident, en efTet, que certaines couleurs sont plus avan- tageuses que la lumière blanche au développement des animaux. Or, il est remarquable que ce soit précisément la lumière violette, région essentiellement chimique du spectre visible, qui ait donné les résul- tats les plus avantageux au développement. Sans qu'on ait mesuré d'une manière systématique l'influence directe qu'elle exerce sur la respiration, il est probable qu'elle doit accélérer cette fonction et ac- tiver les combustions dans l'organisme *. De là à conclure à une usure* plus rapide des tissus, il n'y a qu'un pas. Une expérience qui est en quelque sorte la contre -épreuve de celles exposées plus haut, nous éclaire sur ce point. Si l'on prend un certain nombre de têtards à peu près de même taille et élevés jusque-là dans des conditions identiques, et qu'on vienne à les soumettre à l'inanition, sous l'influence des difl'érentes couleurs, on verra qu'ils meurent beaucoup plus vite dans la lumière violette que dans les autres, et que la progression des couleurs, dans ce cas, est précisément l'inverse de celle que nous avons présentée plus haut. Voici du reste l'expérience : Le 10 avril 1877, plusieurs têtards sont retirés d'un vase exposé à la lumière blanche. Quatre de ces têtards sont placés dans de petits vases renfermant un tiers de litre d'eau et plongeant dans différentes couleurs. Chaque têtard a environ 20 millimètres de long sur 5 de large. Le 19 avril, deux têtards sont morts dans le vase violet et les deux autres meurent dans la nuit du 19 au 20. Le bleus ne meurent que le 23-24; le dernier meurt le 26. Les verts meurent les 24, 25, 27. * Voir J. MoLESCHOTT, De l'influence de la lumière sur la quantité d'ac. CO''- élimi- née du corps animal {WillelshÔfehr s Wiener mediciniscke Wochenschrift, 18od, p. 681; et Béclard, loc. cil. Ce dernier auteur est arrivé à des résultats négatifs sur ce point. 278 ÉxMlLE yUNG. Les jaunes le 26, l'un d'eux vivait encore le 28 et mourut la nuit suivante. Les rouges ont peu vécu, le premier est mort le 20, le dernier le 21. Enfin, c'est dans le vase blanc qu'ils ont supporté le plus longtemps le manque de nourriture. Cette expérience montre que les couleurs sont en général défavo- rables à la vie sans nourriture, et elle indique en même temps que, sous ce rapport, c'est la lumière violette qui occupe le premier.rang. Comment se fait-il alors que cette même lumière nous ait donné de si beaux résultats pour la croissance? Il faut admettre qu'elle active l'assimilation des aliments dans une proportion encore plus grande que la désassimilation et que dans la lumière violette la fraction de la substance gagnée sur la substance perdue est plus considérable que dans les autres lumières. Prenons un même nombre de têtards en développement depuis l'œuf dans les vases colorés, plaçons-les tous dans des vases exposés à la lumière blanche, privons-les de toute espèce de nourriture, et nous verrons que les têtards qui se sont développés dans la lumière violette résistent beaucoup plus longtemps à l'inanition que ceux qui se sont développés dans les autres lumières. Sous ce rapport, l'expérience a montré que l'ordre des couleurs était le suivant : violet, bleu, jaune, blanc, rouge e^ivert. Les têtards, dans la lumière violette, avaient accumulé une quantité de maté- riaux nutritifs telle, qu'elle leur a permis de résister davantage que les autres au manque de nourriture, tandis que ceux soumis à l'action de la lumière verte et que nous avons toujours vus si chétifs succom- baient très-rapidement. Tels sont les résultats bruts de nus expériences. Quant au méca- nisme de l'action des différentes couleurs, nous ne pouvons avoir des- sus que des idées très-générales. La connaissance des réactions chi- miques qui se passent dans l'intimité des' tissus vivants n'est pas encore assez avancée pour servir de base à de sérieuses conjectures. Nous ne connaissons pas si les couleurs du spectre influent d'une ma- nière sensible sur le degré de solubilité des gaz dans l'eau, et une foule de considérations se rattachant à celle-ci sont encore pour nous lettre close. 11 y a en outre un élément dont nous n'avons pas suffisamment tenu compte dans nos expériences, celui de la chaleur Toutefois, et afin de prévenir les critiques qui pourraient nous être HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 279 adressées sur ce point, nous ferons remarquer que les expériences faites jusqu'ici dans cette direction ont montré que la chaleur favorise le développement. Or, c'est la région rouge du spectre qui est la plus chaude, et si cet élément avait eu une influence prépondérante, notre vase rouge aurait dû activer le développement. Nous avons vu qu'il n'en a pas été ainsi. En terminant nous rappellerons le fait signalé par M. Schnetzler, que l'air renfermé dans un vase bleu ou vert influence moins rapide- ment le papier ozonoscopique que celui renfermé dans un vase blanc. Quelques expériences, peu nombreuses du reste, entreprises sur ce point nous ont donné des résultats tellement différents, que nous ne saurions rien dire de précis à cet égard. Il serait important de repren- dre des recherches méthodiques sur la quantité d'ozone produite dans les différents rayons du spectre et nous y appelons l'attention des physiciens. Et maintenant qu'il nous soit permis de passer sous silence les ap- plications pratiques que l'on potfrrait être tenté de tirer de ces recher- ches. Il serait prématuré d'appliquer en tous points ces résultats aux animaux supérieurs, et malgré les expériences du général Pleasonton sur ses cochons et son taureau, il est nécessaire que de nouvelles étu- des nous éclairent sur ce point. Pour ne nous en tenir qu'à ce qui découle directement de nos pro- pres expériences, il nous semble que les embryogénistes étudiant le développement d'animaux voisins de ceux que nous avons pris comme objet d'étude pourraient avantageusement se servir de la lumière vio- lette pour abréger leurs observations. Des recherches analogues à celles qui font l'objet de ce travail se continuent dans le laboratoire d'anatomie comparée de l'Université de Genève. 280 EMILE YUNG. RÉSUME Des expériences faites sw Vinfluence des dijférenles couleurs du spectre sur le développement des animaux. Grâce à des travaux déjà nombreux dont les végétaux ont surtout été l'objet, nous savons aujourd'hui que les divers rayons colorés de la lumière solaire ont une action particulière sur le processus de la nutrition en général de ces êtres organisés. Quant à l'action de ces différents rayons lumineux sur le déve- loppement des animaux, ces recherches sont peu nombreuses et la littérature scientifique est assez pauvre sur cette question. Pour ne citer que les principales, nous rappellerons les recherches de MM. Higginbottom ^ Mac DonnelP, Béclard^ Schnetzler'' et Plea- sonton^ Parmi ces auteurs, M. Béclard est le seul qui ait expérimenté tous les rayons du spectre. Il plaça des œufs de Mouche {Musca carnaria) sous des verres diversement colorés et remarqua que ces œufs se dé- veloppaient d'une manière très inégale. Les vers les plus développés correspondaient au rayon violet et au rayon bleu. Les vers ëclos dans le rayon vert étaient les moins développés. Voici comment, d'après M. Béclard, on peut grouper les divers rayons colorés eu égard au développement des larves : violet, bleu, rouge, jaune, blanc, vert. Nous avons poursuivi depuis trois ans dans le laboratoire d'ana- • IliGGiNBOTTOM, lufluence des agents phys. sur le développement, elc. (Journal de physiologie de Brown-Si'quard, t. II, p. 625). 2 Mac Donnell, Exposé de quelques expériences. . ., elc. [Journal de physiologie de Brown-Sequard, t. II, p. 025). =i J. Béglaud, Note relative à riiifluence de la lumière sur les animaux [C. /?., t. JLVI, 1858). '• Schnetzler, Influence de la lumière sur les larves de grenouille (Arch. des se. pliys. et nal., t. LI, 1874, p. 247). S' Pleasonton, voir Poey, Influence de la lumière violette, etc. {C. B., t. LXXIII, 1871, p. 1236). HISTOIRE DE L'INFLUENCE DES MILIEUX PHYSIQUES. 281 tomie comparée de l'Université de Genève des recherches dans cette direction. Trois séries d'observations ont porté sur les œufs (de la Rana temporaina et R. esculenta. Une série sur les œufs de Truite [Salmo trutta) et une série sur les œufs du lymnée des étangs [Lymnea stagnalis). Les œufs, aussitôt après leur fécondation, furent placés dans des vases plongeant eux-mêmes dans des solutions colorées. Toutes les autres conditions étant identiques, les œul's étaient éclairés par des rayons violets, bleus, verts, jaunes, rouges et blancs. Un vase spécial fut tenu dans l'obscurité d'une armoire. Les résultats des cinq séries d'expériences s'étant toujours portés dans le même sens pour les trois types d'animaux que nous avions choisis, ils nous paraissent significatifs. Sans entrer dans les détails qui ont trouvé place précédemment, nous présentons ici les conclusions générales de notre étude : 1° Les différentes lumières colorées composant la lumière solaire agissent d'une manière très-différente sur le développement des œufs de Batraciens, de Poissons, de Mollusques ; 2" La lumière. violette active d'une manière très-remarquable ce développement. Elle est bientôt suivie sous ce rapport parla lumière bleue, puis par la jaune et la blanche; 3° Les lumières rouge et verte paraissent nuisibles, en ce sens que nous n'avons jamais pu obtenir le développement complet des œufs cités plus haut dans ces couleurs ; 4° L'obscurité n'empêche pas le développement; mais, contraire- ment aux résultats de MM. Higginbottom et Mac Donnell, nous avons constaté qu'elle le retarde; 5° On peut disposer les différentes couleurs du spectre eu égard à leur influence sur le développement dans la série décroissante sui- vante : violet, bleu, jaune et blanc^, obscur^ rouge et vert'^. 6° Des têtards de grenouille de même taille et soumis jusqu'alors aux mêmes conditions physiques, privés de toute nourriture, meurent sensiblement plus vite d'inanition dans les rayons violet et bleu que 1 Les résultats obtenus avec ces deux lumières sont très rapprochés. * Ces deu.x couleurs semblent nuisibles au développement. 282 EMILE YUNG. dans les autres. Ils consomment plus rapidement leur économie ali- mentaire ; 7° La mortalité paraît plus grande dans les lumières colorées que dans la lumière blanche. Toutefois les chiffres n'ayant pas toujours concordé sur ce point, il serait prématuré de se prononcer d'une ma- nière positive. REGTÏERGTTES SUR LES ENTOZOAIRES LES INSECTES ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS LE DOCTEUR OSMAN GALEB, Professeur à l'Ecole de médecine du Caire. INTRODUCTION. Ce travail est l'exposé de recherches sur l'organisation, le dévelop- pement et la propagation des Oxyures parasites des insectes. Les études sur les Entozoaires des insectes sont peu nombreuses. C'est en Allemagne seulement que nous trouvons quelques natura- listes ayant fait de ces êtres l'objet de leurs observations ; observa- tions fort incomplètes, car, en les vérifiant, j'ai pu reconnaître que bien des espèces avaient échappé à l'investigation, qu'un grand nom- bre de détails sur les dispositions anatomiques et la structure des or- ganes étaient inexacts. J'ai pu constater également qu'on avait omis de parler du développement des organes et même de l'évolution de ces Entozoaires. Je me suis attaché à donner à mes travaux un caractère de généra- lité ; j'ai recherché dans des familles naturelles d'Orthoptères et de Coléoptères les parasites que chaque espèce nourrissait, et je suis ainsi arrivé à reconnaître qu'à deux familles naturelles d'insectes, les Blat- tides et les Hydrophilides, correspondait un groupe naturel d'Ento- zoaires. Non content d'examiner les types indigènes, j'ai disséqué des types appartenant aux différentes régions du globe, et j'ai reconnu qu'ils abritaient tous des Helminthes congénères des Oxyures vivant dans les espèces européennes. 284 OSMAN GALEB. Trois espèces seulement de ces Entozoaires étaient connues et avaient été l'objet de recherches anatomiques. J'ai repris leur étude, j'ai reconnu plus de quarante espèces nouvelles, vivant chez les in- sectes qu'il m'a été donné de disséquer : elles ont servi de base à de nouvelles investigations. Les résultats de mes travaux, que j'expose dans cette thèse, s'ap- puient donc sur l'examen d'un grand nombre d'espèces, ce qui me permet d'exposer des vues générales sur un groupe entier de Néma- todes. Mais j'ai eu soin de comparer les Oxyures des insectes à ceux des Vertébrés et à tous les Nématodes en général, afin de faire ressor- tir les rapports et les dissemblances que présente leur organisation. Si l'idée première de mon travail m'appartient, il est juste d'ex- primer toute ma vive gratitude à mes excellents maîtres et amis de Montpellier, MM. Duval-Jouve, Sabatier et Eug. Guinard, qui m'ont aidé et encouragé dans la voie des sciences naturelles. Je dois à cet égard une mention spéciale à M. le professeur Rouget, qui m'a admis, pendant cinq ans, au nombre de ses élèves ; c'est dans son labo- ratoire en réalité que j'ai fait mes premiers essais. Mais si à Mont- pellier j'ai ébauché mon travail, il est juste de reconnaître que c'est seulement à Paris qu'il a acquis son véritable caractère. Au Muséum ', j'ai trouvé en M. J. Kiinckel d'Herculais, aide-naturaliste, un conseil- ler et un ami très-dévoué. Non seulement il m'a aidé à me procurer tous les insectes nécessaires à mes recherches, mais il a gracieusement mis à ma disposition toute la collection des Blattides conservées dans l'alcool. Ce naturaliste a également consacré un temps précieux pour revoir, d'un bout à l'autre, le texte de mon travail et corriger les tournures de langage que ma qualité d'étranger ne me permettait pas de relever. En dehors des services personnels que M. Kiinckel d'Herculais m'a rendus, il m'en a fait un plus grand encore : c'est celui de m'avoir mis en rapport avec M. Perrier, dont les conseils m'ont été d'une im- portance capitale ; c'est en effet sur les indications de ce savant pro- fesseur que je dois d'avoir approfondi plusieurs points de ma thèse. A l'égard de M. Perrier comme à celui àe M. Kiinckel d'Herculais, la reconnaissance et les remerciements seraient très-peu de chose si je voulais m'acquitter des services réellement grands qu'ils m'ont rendus et dont je garderai le plus durable souvenir. ' Laboratoire de zoologie (animaux artioulés) de AL le professeur E. Blanchard, membre de l'Institut. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 28S HISTORIQUE. On peut dire que de tout temps les naturalistes ont connu des re- présentants du genre actuel Oxyuris. Mais ce n'est qu'après de nom- breuses recherches qu'on s'est entendu sur la place à assigner à ces animaux dans la classification zoologique, qu'on a su reconnaître aux diverses espèces dont se compose ce genre des caractères invariables permettant de les rapprocher les unes des autres. En un mot, le genre Oxyuris, comme un autre genre quelconque d'animaux, a une his- toire que nous allons exposer brièvement. Le premier auteur qui ait fait mention des Oxyuridés est Hippo- crate^ 11 avait eu fréquemment l'occasion d'observer, dans les ex- créments de ses malades, VOxyuris vermkularis, et il l'appelait àsxaptç. 11 faut franchir la longue période de vingt siècles pour arriver à l'époque de la renaissance des sciences ; alors les découvertes se mul- tiplient. En 1636, Morgagni* trouve dans le csecum d'un cadavre qu'il dissèque un ver ejui lui est inconnu; il signale ses caractères sans lui donner aucune dénomination. Rœderer^ étant appelé plus tard à déterminer ce même helminthe qu'un de ses élèves venait de re- trouver, il lui semble que la partie antérieure ou céphalique de ce ver est épaisse et courte, tandis que la partie postérieure ou caudale est très courte et fine comme un cheveu. Voulant rappeler par son nom la forme générale du corps de cet animal, Rœderer l'appela Tri- churis (queue en forme de cheveu). Ce genre correspond à notre genre Trichocephalus actuel : il renfermait non seulement tous les Tricho- céphales, mais aussi tous les Oxyures. Le genre Trichuvis de Rœderer fut adopté par tous les zoologistes qui suivirent. Goeze l'adopta également, mais un examen plus attentif des prétendus Trichuris lui montra que cet auteur avait commis une erreur, en prenant la tête de ces Nématodes pour leur appendice caudal. Ce n'était donc point la queue mais la tête qui était fine comme un cheveu. Goeze \ en se fondant sur cette observation, sub- ' HippocRATE, Œuvres, par Foës. Genève, 1G57, sect. vu. Aplior., lib. m, 26, p. 1248. * MoRGAGNi, Epist. anat., XIV, § 41, cité par Rudolphi. Bibl., ii" 51. 5 Rœderer et Wagler, Traclus de morbo mucoso, préface de H. /Vug. V/rlsberg', § 5. Note trad., Paris, 185b. * Cité par Da vaine, Traité des Entozoaires. Paris, 1877, p. 207. 286 OSMAN GALEB. slitiia au nom de Tric/niris celui de TrichocepJialus, qui est depuis lors demeuré dans la science. Gmelin accepta telle quelle la correc- tion apportée par Goeze. C'est Rudolphi* qui le premier sut dédou- bler le genre Trichocephalus. En étudiant le Trichocephalus equi de Goeze et de Gmelin, il reconnut que ce ver n'avait point les caractères du genre auquel jusqu'alors on l'avait attribué. Cette observation fut pour lui le point de départ de toute une série d'études : il révisa le genre Trichocéphale tout entier et acquit la certitude qu'il se compo- sait de deux groupes bien distincts d'animaux qu'on avait réunis à tort en un genre commun, et qu'il sépara l'un de l'autre; l'un de ces groupes resta le genre primitif Trichocephalus, l'autre devint le genre Oxyuris dont VO. curvula était le type. Pour Rudolphi, le genre Oxyuris ne comprenait alors que trois espèces : VO. curvula (ancien Trichocephalus equi), VO. alata et VO. ambigua. Quelques années plus tard, Bremser^ reprenant à son tour l'étude desEntozoaires, classa avec raison V Ascaris vermicularis de Linné et de Rudolpbi et V Ascaris obvelata de Rudolpbi dans le nouveau genre Oxijuris créé par ce dernier. Dujardin, d'accord avec Bremser, maintint l'A. vermicularis et l'A. obvelata parmi les Oxyuris, mais sépara sans motif suffisant VO. ambigua, du gros intestin du lièvre et du lapin, pour en faire un genre nouveau, le genre Passelurus^. Une autre erreur de Dujardin consis- tait à ranger parmi les Oxyuris, sous le nom d'O. orna/a, un Néma- tode que Schneider * a distrait de ce groupe pour le rattacher à son genre Nematoxys. Dujardin avait réuni dans la section des « Ascari- diens » les Oxyures et les Ascarides et quelques autres genres. Mais si on considère la différence fondamentale qu'il y a entre la muscula- ture des Oxyures et celle des Ascarides, on se convainc facilement que ce rapprochement était purement de convention (Schneider). Jusqu'alors on n'avait rencontré d'Oxyures que dans le canal di- gestif des Vertébrés supérieurs. Selon Leuckart®, Hammerschmidt serait le premier qui aurait découvert les Oxyures des insectes. L'exa- > Rudolphi, Entoz. hist. , t. II, i, p. 100, pi. 1, fig. 3 à 6. — Synopsis, p. 18 et 229. * Bremser, Traité zoologique et physiologique sur les vers intestinaux de l'homme trad. par Grundler. Paris, 1824, p. 124 et suiv. 3 Dujardin, Hisl.nat. des Helminthes ou vers intestinaux. Paris, 1845, p. 232. * Schneider, Monographie der Nematoden. Berlin, 1866, p. 112. s Leuckart, Isis, 1836, p. 764. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 287 men que nous avons fait de la communication de Hammerschmidt nous permet de rapporter avec certitude les animaux observés au genre F'ilaire ; en effet, dit-il, ces animaux ou Oxyures exlraordinairement longs se rencontreraient très-fréquemment dans les larves, tandis qu'ils seraient rares chez les insectes parfaits; l'auteur viennois inclinerait môme à leur assigner le système graisseux comme lieu de résidence. La longueur comme l'habitat démontrent bien que les Nématodes ren- contrés à cette époque par Hammerschmidt sont de vraies Pilaires. La découverte des Oxyures des insectes est, croyons-nous, plus ancienne et doit être attribuée avec justice à Ant. Dugès. « J'ai trouvé, dit-il, dans l'estomac de la chenille encore jeune du grand Paon de nuit, une multitude de vers longs d'une ligne environ, menus, grisâtres et transparents, munis d'une bouche à bords renflés, ter- minés par une pointe effllée; en un mot, semblables en tout aux vi- brions du vinaigre \ » Cet auteur les rattache d'abord au genre Pi- laire ; mais un peu plus loin, dans la même page, il est entraîné malgré lui et presque involontaiFcment à rattacher ces êtres au genre Oxyure. En effet, voici comment il s'exprime à propos d'un helminthe qu'il a trouvé dans l'intestin d'un Monoceros femelle {Oryctes nasi- cornls ?) et dont il a donné le dessin : « J'ai trouvé dans cet insecte sept ou huit vers demi-transparents, remplis de globules en chapelet, longs d'environ un quart de ligne, assez gros et terminés d'une part en pointe aiguë, de l'autre par une bouche un peu renflée, enfin fort semblables aux vibrions de la colle de farine et aux petits oxyures ou ascarides. » On voit par ces deux citations que, pour le professeur de Montpellier, les Nématodes trouvés dans l'intestin de lalarvedu grand paon de nuit et dans Y Oryctes nasicornis ressemblent soit aux vibrions du vinaigre, soit aux vibrions de la colle de farine; or, ces vibrions sont des anguillules et il compare les seconds à des Ascarides ou à des Oxyures. D'autre part, après avoir examiné la figure que l'auteur donne de l'helminthe du Monoceros, je suis resté convaincu qu'il s'agissait réellement d'un Oxyure. Chacun demeurera donc persuadé avec moi que la priorité de la découverte des Oxyures des insectes appartient à Dugès. Pour être juste, il est équitable de faire remar- quer que Butschli ^ qui attribue la découverte des Nématodes de l'in- 1 Aut. Dugès, Recherches sur l'organisation de quelques espèces d'oxyures et de vi- brions [Ann. sciences nat., t. IX, 1826, p. 226 et suiv.). * Butschli, Untersuchungen ixber die beiden Nëmatoden der Periplaneta {Dlalta orientalis L.) [Zeilschr. far Wiss. ZooL, Bd. XXI. Leipzig, 1871, p. 232). 288 OSMAN GALEB. testin des insectes à Hammersclimidt, suppose que les animaux trou- vés par Dugès sont très probablement des Oxyures ; mais l'auteur allemand n'est pas remonté aux sources pour justifier son hypothèse. Parmi les animaux que Léon Dufour a décrits dans un travail paru sous le titre de-: Becherches sur quelques Entozoaires et larves parasites des Insectes Orthoptères et IJi/ménoptèt^es \ nous n'avons trouve qu'une seule espèce qui mérite réellement d'être considérée comme un Oxyure; c'est celui qui vit dans l'intestin du Gryllo-Talpa vulgaris. Hammerschmidt^ décrit et figure un peu plus tard un grand nom- bre d'espèces d'helminthes habitant le tube intestinal de diverses larves d'insectes. Il trouva ainsi chez le Blatta orientalis un entozoaire auquel il donna le nom d'Oxyuris D'esingi. Plus tard, \V en décou- vrit chez le même insecte un second appartenant encore au genre Oxyuris, et l'appela 0. blattx. Dujardin, en 1845 ^ découvrit chez plusieurs insectes et mollus- ques des helminthes jeunes sans organes génitaux qui lui ont paru devoir se ranger parmi les Oxyures (?), mais qu'il n'a pu caractériser faute d'individus adultes. Nous avons montré plus haut que Rudolphi avait distrait à tort du genre Oxyuris son Ascaris verviicularis et son A. obvelata, mais que Bremser, puis Dujardin, reconnaissant la parenté de ces deux vers avec ceux du genre Oxyuris, les en avaient rapprochés. Diesing% dans son Systema Helminthum, paru en 1850, c'est-à-dire vingt-sept ans après l'ouvrage de Bremser et cinq après celui de Dujardin, n'adopta point la correction proposée par ces auteurs. 11 crut en outre devoir ranger VOxyuris Diesingi et l'O. Blattx d'Hammerschmidt parmi les Anguillula et les confondre en une seule espèce sous le nom d'A. ma- crura. Tl convient pourtant d'ajouter que, cette fois, dans sa Révision des Nématodes, Diesing accepta la correction faite par Bremser et Dujardin ^ > Léon Dufour, Recherches sur quelques entozoaires el larves parasites des in- sectes orthoptères et hyménoptères [Ann. sciences nat. Zoolog., 2" série, t. VII., 1837, p. 8). 2 Hammersghmidt, lidminlhologische Beitrage. Isis, 1838, p. 351 et suiv. ^ Hammersghmidt, Beschreibung einiger Oxyuris Arten {Naluriuiss. Abhandl., Bd. I, 1847, p. 284). '<■ Dujardin, Histoire naturelle des Helminthes ou vers intestinaux. Paris, 1845, p. 145. s Diesing, Systemum Helminthum, Viiidobonœ, 1850-51, t. II, p. 134. " Diesing, Sechszen Gatlungen von BinnenwUrmern und ilire Arten [Kais. Acalc. der Wiss. Wien, 1855). , ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 289 En 1853, parut un travail important de Leidy ^ dans lequel on trouve décrits et figurés un grand nombre de Nématodes habitant le tube digestif des Insectes, et parmi eux, les deux parasites de la Blatte orientale. Leidy a pris chacune de ces deux espèces comme base d'un genre nouveau. C'est ainsi que VOxyuris Diesingi devient, sous le nom do Slreptostomum gracile, le type du genre Streptostomum, et que YO. hlattx prend le nom de Thelastomum appendiculatum. Dans son genre Streptostomum, Leidy range quatre espèces d'Helminthes, parasites de l'intestin des insectes et des myriapodes : dans le genre Thelastomum, il fait entrer trois Nématodes décrits par Hammer- schmidt et classés par lui parmi les Oxyuridés. — Nous verrons par la suite de ce travail que ces deux genres nouveaux créés par Leidy ne doivent pas être conservés. C'est l'opinion de Biitschli et la mienne. Un peu plus tard, en 1856, Gyôry'^ découvrit chez Y Hydrophilus piceus une nouvelle espèce d'Helminthe, à laquelle il donna le nom diOxyuris spirotheca. Enfln, en 1866, parut la remarquable Monographie des Nématodes, de Schneider. Pour cet auteur, le genre Oxyuris ne comprend que dix espèces 3, dont les noms suivent. Nous indiquerons en les énumé- rant leur habitat et leur lieu d'élection 1. 0. vermicularis, B. Homme. Rectum. 2. 0. minuta, Sch. Mycetes sericulus. Ateles paniscus. Caecum. 3. 0. ambigua, R. Lièvre. Lapin. Gros intestin et caecum. 4. 0. spirotheca, Gyôry. Hydrophilus piceus. Intestin. 5. 0. longicollis. Sch. Testudo grseca. Gros intestin. 6. 0. megatyphlon. R. Iguana tuberculata. Cœcum. 7. 0. curvula. R. Cheval. Caecum. 8. 0. obesa. Dies. Hydrochœrus capybara. Caecum. 9. 0. flagelium.Uempv. et Ehrenb. Hyrax syriacus. 10. 0. corollalus. Galeopithecus philippinensis. Intestin. Cette énumération ne comprend donc qu'un seul Oxyure parasite des insectes, l'O. spirotheca, de l'Hydrophile. H faut encore ajouter à cette liste l'O. Diesingi et YO. Blattx, tous deux parasites de la Blatte orientale; 0. Biitschli'', dans un travail paru en 1871, ayant montré 1 Leidy, A flora and fauna within Living animais. Washington, Smithsonian Contributions, voL III. 1853, p. 46 et 47. 2 Gyory, Sitzungbprichl der K.K. Acad. Wien, Bd. XXI, 1856, p. 327. 3 Schneider, Monographie der Nematoden, Berlin, 1866, p. 116 et suiv. * 0. BuTSCHLi, Vntersuchungen iiber die beiden Nematoden der Periplaneta [Blatla) orientalis L. [Zeitsch. fur Wiss. ZooL, Leipsig, bd. XXI, 1871, p. 252). arcii.de zûol. exp. et gén. — T. vn. 1878. 19 290 OSMAN GALEB. en effet que ces vers étaient bien des Oxyures, et que la place assignée par Hammerschmidt à ces Helminthes était la plus naturelle. Dans ce même travail, Biitschli émet encore l'opinion que les vers qui composent les genres Sti'eptostomum et Thelastortmiu de Leidy, doivent être classés parmi les Oxyures. En tout, il y aurait donc jusqu'à présent huit espèces d'Oxyures connues, vivant en parasites chez les Insectes, YO. sptrotheca de Gyôry, les trois Thelastomiim et les quatre Streptostomimi de Leidy. A ce nombre, il faudrait joindre les quelques Oxyurides décrits chez les Insectes par Hammerschmidt, Léon Dufour, Dugès et d'autres obser- vateurs, si toutefois, comme le fait remarquer Biitschli, des recher- ches nouvelles venaient démontrer que ces Helminthes sont bien réel- lement des Oxyures. On verra, par la suite de mon mémoire, combien est répandu le genre Oxyure chez les Insectes. DESCRIPTION DES ESPÈCES. Caractères généraux. Avant de passer en revue les espèces de Nématodes parasites que nous avons observées dans les Blattides et les Hydrophilides , il convient d'indiquer" les caractères qui leur sont communs, et qui per- mettent de les ranger, sans la moindre incertitude, dans un seul et même genre (genre Oxyuris). Le corps de ces vers est généralement cylindrique, mais atténué aux deux extrémités. A l'extrémité antérieure, ou région céphalique, on aperçoit l'ou- verture buccale, entourée de petits lobes ou lèvres au nombre de trois chez la plupart des espèces hébergées par les Blattides et de six chez celles qui sont parasites des Hydrophilides. L'extrémité postérieure se termine, comme chez les Oxyures des vertébrés, par un appendice caudal ; chez ceux-ci le corps et la queue se fondent insensiblement, tandis que chez ceux des Insectes le corps et la queue se délimitent brusquement. La longueur relative de cet appendice est très-variable selon les espèces ; chez les jeunes Oxyures elle est proportionnellement plus grande que chez les adultes. Le corps est enveloppé entièrement d'une cuticule tout à fait trans- parente, plus épaisse vers les deux extrémités du corps que dans la ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 291 partie moyenne ; elle est sillonnée dans toute sa longueur de stries transversales qui semblent diviser le corps en un très-grand nombre d'anneaux ; ces sillons circulaires sont d'ailleurs superficiels et n'in- téressent que la cuticule ; ils sont beaucoup plus rapprochés les uns des autres aux extrémités du corps. La cuticule offre, chez la femelle, desépaississementssoit en forme d'ailes, soit en forme de bourrelets élégamment disposés autour de la moitié antérieure du corps. On remarque aussi à la surface de la cuticule, chez certaines espè- ces, des poils plus ou moins longs et abondants, et dont la présence, qui n'est pas très-constante, paraît dépendre de circonstances parti- culières. Au-dessus de cette cuticule ou épiderme, se trouve une couche hypodermique granuleuse et pourvue de noyaux qui se voient surtout pendant le jeune âge de l'Helminthe ; sa nature cellulaire est alors franchement caractérisée. Au dedans des deux couches que nous venons de signaler, et qui constituent le système tégumentaire, il existe une troisième couche, formée par des bandes longitudinales de cellules musculaires, fusi- formes. Ces bandes alternent avec d'autres bandes composées d'une substance granuleuse à noyaux; c'est le tissu des bandes longitudi- nales. Les bandes musculaires sont disposées en quatre colonnes qui con- tiennent chacune deux rangées de cellules. Les Nématodes qui ont le système musculaire construit sur un tel plan ont reçu de Schneider le nom de Méromyaires ; le genre Oxyure, d'après cet auteur, étant Méromyaire, nos Helminthes l'étant également, il est naturel d'après cela de les ranger parmi les Oxyures. Comme tous les tissus que l'on vient de nommer sont transparents, ils laissent apercevoir facilement les organes internes qui occupent la cavité générale du corps ou cœlum. On voit d'abord l'appareil digestif qui occupe le centre du cœlum, et consiste essentiellement en un tube presque toujours droit partant de l'ouverture buccale pour aller s'ouvrir au dehors par l'anus. Celui- ci est situé au voisinage de l'appendice caudal, sur la face ventrale. Une bonne part de la cavité générale est occupé par les organes géni- taux formés chez le mâle d'un tube unique, toujours droit, plus court que le corps et venant déboucher avec l'intestin dans une sorte de cloaque. Chez la femelle les organes génitaux sont généralement re- présentés par deux tubes qui décrivent plusieurs circonvolutions 292 OSMAN GALEB. autour de l'intestin et sont formés d'un ou deux ovaires, communi- quant par des oviductes avec un utérus, lequel débouche à l'extérieur par un conduit appelé vagin et dont l'orifice externe est la vulve. Cette vulve est une fente transversale qui occupe une position très variable, suivant les espèces. Elle peut être tout à fait rapprochée de la bouche, ou située au contraire dans le voisinage de l'anus. L'orifice du cloaque, chez le mâle, est entouré de trois paires de tubercules ou papilles, disposées symétriquement de chaque côté de la ligne médiane et entourant le spicule pénial: celui-ci, unique dans tous les Oxyuridés, fait, à l'état de repos, légèrement saillie hors de l'orifice externe du fourreau. On remarque aussi à la face ventrale du corps, l'ouverture d'un appareil excréteur. Dans les femelles, on observe par conséquent, sur la face ventrale, trois ouvertures qui sont, d'avant en arrière : 1" ou- verture de l'appareil excréteur ; 2" orifice vulvaire ; 3° ouverture anale. Cette disposition est celle que l'on rencontre le plus fréquem- ment, mais chez certaines espèces, la vulve est en avant, l'ouverture anale en arrière et l'appareil excréteur vient s'ouvrir vers le milieu. Chez les mâles au contraire on ne trouve sur la face ventrale que deux orifices : le rectum et le testicule débouchant dans un cloaque. Les Oxyures que nous allons décrire habitent la région de l'in- testin terminal des Blattides et des Hydrophilides. Les mâles paraissent plus rares que les femelles ; ils sont d'ailleurs beaucoup plus petits, et par suite plus difficiles à découvrir, mais nous donnerons plus loin une autre raison pour expliquer leur rareté apparente. § 1- OXYURES DES BLATÏIDES.. Oxyuris blattx. Hammersch. (pi. XVII, fig. 1,2, 3, etc.). Ç Longueur : 3 millimèU'es. Bouche trilobée (à trois lèvres) comme chez les Ascaris; œsophage pourvu de côtes ou dents circulaires qui lui donnent l'aspect d'une trachée d'insecte ; intestin renflé à sa partie antérieure, et possédant en ce point une poche latérale, qui carac- térise l'espèce-; tube digestif droit, quand l'animal est jeune, mais formant une circonvolution chez la femelle complètement adulte. Ovaire double; orifice vulvaire situé dans la moitié postérieure du corps. Cuticule pourvue d'ailes latérales, élargies en avant et en ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 293 arrière et occupant toute la longueur du corps; la femelle adulte est quelquefois couverte de longs poils. Appendice caudal assez long; mais de longueur variable. OËuf aplati sur un de ses côtés; formé de deux pièces simulant une boîte à savonnette ; il est pondu avant la seg- mentation. (f Longueur : 2 millimètres. Bouche et œsophage comme chez les femelles ; intestin ne formant pas de circonvolution et dépourvu, quoique Biitschli affirme le contraire, de poche latérale. Appendice caudal très-court. Cette espèce est parasite de la Blatte orientale {Periplaneta orien- talis). On en trouve jusqu'à vingt individus dans le même insecte, mais les mâles sont beaucoup plus rares que les femelles. 0. Diesingi. Hammersch. (pi. XIX, fig. 1, 2, 3, etc.). Q Longueur : 2 à 3 millimètres. Bouche munie de trois lèvres. Œso- phage très renflé à la partie postérieure; l'étranglement qui le relie au bulbe dentaire étant beaucoup plus étroit sépare celui de VO. blatUe ; cet œsopha.ge est pourvu de six baguettes pharyngiennes, comme celui de beaucoup d'Oxyures des Vertébrés ; intestin droit, renflé à son origine. Ovaire double; orifice vulvaire situé dans la moitié an- térieure du corps. Cuticule, quelquefois garnie de poils, pourvue d'ailes à peine visibles. Appendice caudal de longueur variable, comme dans l'espèce précédente. Œuf régulièrement ovoïde et non aplati sur un côté comme celui de VO. blattse; chorion formé de deux pièces simulant une boîte à savonnette. (f Longueur : 0"" 8. Appareil digestif comme chez la femelle. Appendice caudal très long, à insertion dorsale. L'O. Diesingi vit, comme l'espèce précédente, dans l'intestin de la Blatte orientale. On les y trouve quelquefois réunis. L'O. Diesingi est plus commun que VO. blattse ; le mâle du premier se rencontre rela- tivement plus fréquemment que celui du second. O.'blatticola. 0. Galeb (pi. XX, fig. 2 9, fig. 2 c^, etc). ç Longueur : 2 à 2,5 millimètres. Bouche munie de trois lèvres \ œsophage faiblement renflé en arrière, sans côtes circulaires ni ba- guettes pharyngiennes ; intestin droit, renflé à son origine. Ovaire unique. Orifice vulvaire situé entre les trois quarts antérieurs et le quart postérieur, c'est-à-dire dans la moitié postérieure du corps ; utérus et vagin paraissant velouté extérieurement par suite de la présence d'une grande quantité de glandes monocellulaires. Cuticule toujours glabre et dépourvue d'expansions latérales. Appendice 294 OSMAN GALEB. caudal très petit, réduit à un simple aiguillon. Œuf se rapprochant comme forme de celui de VO. blaltœ; chorion formé de deux pièces à peu près égales ; l'œuf est pondu après que le vitellus a été divisé en quatre, et rarement en un plus grand nombre de parties. ç^ Longueur : 1 ;\ 2,5 millimètres. Appareil digestif comme chez la femelle. Queue 1res courte. Cette espèce est parasite de plusieurs Blattides ; nous l'avons trouvée dans l'intestin de deux Blattes qui habitent les bois, et se trouvent sous les feuilles : VEctobla laponica et VEctobla livula, mais on la rencontre bien plus fréquemment dans le Blatta germanica, qui vit dans les maisons et les bois. On n'en trouve guère plus de trois indi- vidus dans le même insecte ; le nombre des mâles égale souvent celui des femelles, il peut même quelquefois lui être supérieur. 0. Kllnckeli. 0. Galeb (pi. XXIII, fig. 1 9, fig. 2 cf, etc.). 9 Longueur : 5 à 6 millimètres. Bouche munie de trois lèvres ; œsophage faiblement renflé à sa partie postérieure ; on n'y re- marque ni dents ni baguettes pharyngiennes, mais la cuticule in- terne est fortement épaissie ; intestin droit, peu renflé à son origine et dépourvu de poche latérale. Ovaire double. Orifice vulvaire très rapproché de la bouche. Cuticule glabre, munie, dans la région an- térieure du corps, d'expansions ou ailes latérales, qui ne se voient que lorsque l'animal est dans une position favorable. Appendice cau- dal réduit à un aiguillon conique, rappelant celui de VO. blatticola. Œuf régulièrement ovoïde, portant sur un de ses côtés une crête saillante finement striée, à coque formée d'une seule pièce. A l'époque de la maturité, le liquide périvitellin se colore en jaune verdâtre. Les œufs, ainsi colorés et accumulés dans le corps de la femelle, lui donne un aspect à la fois élégant et caractéristique. La segmentation com- mence après la ponte. cf Longueur 0,8 à 1 millimètre au plus. Appareil digestif, comme celui de la femelle. Oueue assez longue, mais peu effilée. Cet Oxyure, que nous dédions à M. Kiinckel d'Herculais, en raison de l'intérêt tout spécial qu'il n'a cessé de nous témoigner, vit dans l'intestin du Blatta americana. Il se rencontre assez fréquemment, mais jamais en nombre, dans le même insecte ; nous n'avons jamais trouvé plus de cinq ou six individus à la fois : le mâle est très rare. 0. œgyptiaca. 0. Galeb (pi. XXV, fig. 1 Ô fig. 2 c?). ç Longueur : 2,5 â 3 millimètres. Bouche trilobée; œsophage à peu près cylindrique, et très long si on le compare à celui des au- ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 29o très espèces (environ égal au tiers 'du corps) ; intestin droit très renflé à son origine. Ovaire unique ; vulve s'ouvrant tout près de l'anus entre les quatre cinquièmes antérieur et le cinquième posté- rieur du corps. Cuticule dépourvue d'expansions. Appendice caudal très petit, mais formé brusquement. Œuf proportionnellement plus gros que celui des autres Oxyures ; à coque formée de deux pièces, simulant une boîte à savonnette ; vitellus toujours segmenté en deux portions avant la ponte. cf Longueur : 1 millimètre. Appendice caudal semblable à celui de • la femelle, mais rejeté sur le côté. Cette espèce, remarquable par sa forme courte et ramassée, habite le Pobjphaga œgyptiaca. On en trouve jusqu'à vingt à la fois, et le mâle est assez commun. Dans la même Blatte, j'ai rencontré aussi un Oxyure appartenant évidemment à une espèce différente ; il a, en effet, un appendice caudal excessivement long, comme l'O. Diesingi, et la partie anté- rieure du corps présente une forme toute particulière, qui est repré- sentée pi. XXVI. Comme je n'ai pu avoir que trois spécimens dété- riorés, je n'ai pu compléter l'énumération des caractères distinctifs; je n'en ferai pas la description ; je n'ai eu, du reste, à ma disposition que quatre Polyphaga conservés dans l'alcool. 0. panesthhv. 0. Galeb (pi. XXVI, fig. 5 9. fig. Id). 9 Longueur : 2 millimètres. Bouche trilobée ; œsophage long, comme celui de VO. œgyptiaca, présentant quelquefois sur son trajet un renflement qui a la forme du bulbe dentaire ; intestin droit. Ovaire double ; orifice vulvaire placé entre les deux tiers antérieurs et le tiers postérieur du corps. Cuticule offrant, de chaque côté, une ex- pansion rudimentaire correspondant au premier anneau. Appendice caudal, assez long et effilé, ressemblant d'ailleurs à celui des Oxyuris Diesf'ngiet hlattx. CEuf semblable à celui de VO. blattx. ^ cf. Longueur : 1 millimètre. Ressemble beaucoup au mâle d'O. Die- singi. Cette espèce est parasite d'une Blattide du genre Panesthia, prove- nant de la Nouvelle-Guinée. Cet Orthoptère, remarquable par sa grande taille, vit en société dans les cavités des troncs d'arbres, où il se nourrit de détritus de bois. On trouve jusqu'à quarante parasites dans le même insecte. 0. heterogamiœ. 0. Galeb (pi. XXVI, fig. 9). Nous n'avons vu de cette espèce que des individus femelles qui 296 OSMAN GÂLEB. avaient 2 à 2,5 millimètres de longueur, et dont l'extrémité candaule affectait une forme toute particulière provenant d'une Blatte égyp- tienne : Y Heterogamia xgyptlaca. Les Oxyures parasites des Blahera ressemblent tous plus ou moins à ceux de la Blatte orientale. Mais nous n'en donnerons pas la des- cription, n'ayant pu les étudier que très incomplètement, vu l'insuf- fisance des matériaux. J'ai eu gracieusement à ma disposition toute la collection des Blat- tides du muséum de Paris ; mais les échantillons conservés dans l'al- cool, quelquefois depuis un grand nombre d'années, ne pouvaient m'ofïrir que des exemplaires d'Oxyures en trop petit nombre ou dans un mauvais état de conservation : aussi ne me suis-je pas hasardé à tenter de les décrire. Mais de mes nombreuses autopsies, il résulte deux faits généraux qui ont une grande importance et que j'expose- rai en quelques lignes. Dans la famille naturelle des Blattides, quels que soient les genres, quelles que soient les espèces, l'intestin termi- nal renferme toujours un ou plusieurs Nématodes qui se distinguent spécifiquement, mais n'appartiennent pas moins à la grande famille naturelle des Oxyuridés. D'autre part, l'aire de distribution géogra- phique des Orthoptères de la famille des Blattides étant immense, il s'ensuit que leurs Oxyures hantent toutes les régions du globe. § 2. OXYURES DES HYDROPHILIDES. Sous, genre helicothrix (Osman Galeb). 0. spirolheca. Gyory (pi. XXV, fig. 8). 9 Longueur : 3 à 4 millimètres. Bouche munie de six lèvres : œsophage pourvu de six baguettes pharyngiennes. Ovaire double ; ouverture vulvaire située vers le milieu du corps. Cuticule ornée d'une série de bourrelets transparents, occupant le voisinage de la tête ; la cuticule est [quelquefois garnie de poils. Appendice caudal très long, comme dans les Oxyuris Diesingi, blattœ, pmiesthùe, etc. L'œuf a la forme d'un ellipsoïde arrondi très régulier, les deux pôles étant semblables ; sa surface est recouverte d'un filament spi- rale, qui se déroule au contact de l'eau ; il contient avant la ponte un embryon tout formé. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMIiNT DES OXYURIDÉS. 297 cf Longueur : 1 millimètre. Appendice caudal court, formé de deux parties : Fune, large et carrée, constitue une sorte de support ; l'autre, terminale, de forme conique, est le véritable appendice caudal. L'O. spirotkeca vit dans V Hydrophilus piceus. Un seul Hydrophile peut en contenir plus de cinquante individus. O. hydrophili. 0. Galeb (pi. XX, fig. 10). 9 Longueur : 4 millimètres. Cette espèce, apparentée à la précé- dente,se distingue nettement par l'absence des bourrelets caractéris- tiques au voisinage de la tête. L'œuf ressemble absolument à celui de l'espèce précédente et est également pourvu d'un filament spirale. d Longueur : \ millimètre à 1™™,5. Diffère de \'0. spirotkeca cf, en ce qu'il n'a pas, comme lui, l'appendice caudal formé de deux parties. UO. hydrophili y'\i, comme YO.spirotheca , dans V Hydrophilus pi- ceus ; c'est ce qui nous a déterminé à lui donner ce nom. On le trouve quelquefois réuni à l'espèce précédente, dans l'intestin du même insecte. Le mâle est aussi rare que celui de VO. spirotkeca. 0. hydroi. 0. Galeb (pi. XXV, fig. i). 9 Longueur : 4 à 5 millimètres. Forme courte, ramassée. Bouche à six lèvres ; œsophage dépourvu de baguettes pharyngiennes. Tube digestif simple. Ovaire double ; orifice vulvaire très rapproché de l'anus ; lèvre antérieure de cet orifice est très proéminente ; la pré- sence de cette saillie peut suffire à caractériser l'espèce. Cuticule formant, à l'anneau antérieur, deux épaississements saillants, comme on en voit chez beaucoup d'Oxyures. Appendice caudal très court, conique, semblable à celui des 0. blatticola et Kïmckeli. L'œuf ressemble, à s'y méprendre, à celui des 0. spirotkeca et hydrophili; comme lui, il est pourvu d'un filament enroulé en hé- lice qui lui forme une seconde enveloppe. Au moment de la ponte, il contient un embryon tout formé, comme dans les deux espèces précédentes (pi. XXV, fig. 5 et 6). cf Longueur : 1"'°,5. Il porte un appendice caudal excessivement court. La disposition des papilles péniales et périanales permet de le rapprocher beaucoup de VO. blatticola. L'O. hydroi habite l'intestin de VHydrous 'ca^^aboides. On en ren- contre généralement un ou deux individus, rarement trois. Le mâle est aussi commun que la femelle. O.hydrobii. 0. Galeb. Nous ne connaissons cette espèce que par quel- ques jeunes individus; mais nous croyons la caractériser suffisam- 21)8 OSMAN GALEB. ment, en disant qu'elle vit dans l'intestin do VHydroblus fuscipes, Hydrophilide qu'on trouve très communément en Europe. Ayant eu l'occasion d'examiner des Hydropliilides exotiques dessé- chés ou conservés dans l'alcool, nous avons pu constater que tous renfermaient des œufs ou des débris d'Oxyures ; mais ces débris n'étaient pas suffisants pour nous permettre de décrire les espèces. Nous nous contenterons donc de citer les Hydrophilides où nous avons observé des traces de Nématodes parasites. Ces espèces sont •: Le Phyllhydrns rotundatus Say, provenant de l'Amérique boréale (New-York). Un Hydrous du Gabon. Une espèce à.' Hydrophilus de Cayenne. De même que nous avons fait remarquer que la famille naturelle des Blattides donnait asile à un grand nombre de représentants du groupe naturel des Oxyurides, de même nous ferons observer que la famille naturelle des Hydrophilides nourrit un groupe naturel d'Oxyures; mais ici l'on peut préciser davantage. Les conditions biologiques étant telles que la majeure partie de l'existence de ces Coléoptères se passe dans l'eau, les Nématodes ont été forcés de se plier h une adaptation remarquable pour assurer leur multiplication leurs œufs, quelle que soit l'espèce examinée, portent un filament spirale destiné à se détendre au contact de l'eau et à s'accrocher aux plantes submergées (voir le chapitre des Mœurs). Ainsi à la famille naturelle des Hydrophilides correspond un groupe particulier d'Oxyures, un véritable sous-genre, que nous désignons sous le nom de Helicothrix, de 6ptÇ, poil ou filamenl, et de eXt^, r/.o3, roulé en spirale. Gomme pour les Blattides l'aire de la distribution géogra- phique des Hydrophilides est immense; les Oxyures qu'ils abritent sont donc réparties sur toute la surface du globe. Parmi les espèces d'Oxyures décrites plus haut, il était surtout facile de se procurer en très grand nombre celles qui habitent l'in- testin des Blattides ou des Hydrophilides communs en Europe. Ce sont donc celles-là qui ont servi de base principale à nos recherches anatomiques et embryologiques. Mais il ne faudrait pas croire que les autres, provenant d'insectes exotiques conservés dans l'alcool, ne nous ont été d'aucun secours. L'action prolongée de l'alcool produit des effets très variés, dont nous avons pu quelquefois tirer un parti avantageux. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 299 MOEURS. Les progrès de la zoologie et de l'embryologie, nous ont révélé, dans l'histoire des Ncmatodes parasites , des faits 'aussi curieux qu'inattendus, et l'on peut dire aujourd'hui que peu d'animaux pré- sentent, au point de vue du développement et des mœurs, un sujet d'étude aussi intéressant. Les anciens naturalistes connaissaient, il est vrai, quelques espèces de ces vers parasites ; mais de leurs mœurs, de leurs transformations et de leur origine, ils n'avaient aucune notion exacte. Se trouvant en présence de deux animaux que nous savons être la larve et le repré- sentant adulte d'une seule et même espèce, constatant que ces deux animaux n'ont pas entre eux la moindre analogie d'aspect, et de plus qu'ils vivent en parasites dans des animaux ou des milieux tout diffé- rents, ils étaient tout naturellemeni conduits à en faire deux espèces distinctes, qu'ils rangeaient même dans des ordres absolument sé- parés. Il est vrai qu'à une époque où les migrations des vers parasites n'avaient pas encore été observées, il aurait pu être difficile d'expli- quer comment les parasites font leur première apparition dans le corps de l'animal qui doit les nourrir. Mais la doctrine des généra- tions spontanées, admise alors sans conteste, pour certains groupes d'animaux, était pour les anciens naturalistes un moyen commode de se tirer d'embarras. L'étude du développement est venue faire justice de ces hypothèses et jeter un jour ^^nouveau sur l'histoire des Nématodes, On a sur- pris leurs métamorphoses, on a assisté à leurs migrations, et l'on sait maintenant qu'aux diverses époques de son existence un ver parasite peut présenter des aspects très-divers et vivre aux dépens d'animaux tout à fait différents. Des observations de ce genre, souvent répétées, ont permis de re- connaître, à certains Nématodes parasites, trois habitats différents, indispensables à l'animal pour qu'il puisse accomplir les trois phases correspondantes de son évolution. C'est ainsi que la Filaire, connue sous le nom de ver de Médine, séjourne dans l'eau pendant la pé- riode embryonnaire, puis immigre chez les Cyclopes, où se passe la deuxième phase de son existence j l'homme venant à se désaltérer aux mares peuplées de Cyclopides, avale ainsi la jeune filaire qui doit 300 OSMAN GALEB. acquérir dans le tissu cellulaire sa troisième forme. Elle est alors adulte, et, pour ainsi dire, farcie de jeunes embryons. D'autres Nématodes n'ont besoin que de deux milieux pour exécu- ter leur cycle évolutif, et parmi ceux-là, les uns sont toujours para- sites, tandis que les autres, libres dans leur premier âge, deviennent parasites dans la seconde phase de leur vie. Le premier cas nous est offert par le Splroptera obtusa et le Filaria ryti pleur ites^ qui vivent d'abord à l'état de larves enkystées dans le tissu graisseux des insectes (charançons et blattes) ^ et acquièrent ensuite dans le tube digestif des rats leur forme adulte et sexuée. Le second mode de développe- ment se rencontre, par exemple, chez le Dochmius trichocephalus, dont les embryons vivent en liberté dans la terre humide, où une mue les transforme en petits Rhabditis qui immigrent dans l'intestin du chien ; c'est là qu'ils doivent vivre défmitivement et, après avoir subi plusieurs mues et changements de forme, acquérir l'état sexué. Dans les Oxyures, nous trouvons un exemple analogue, mais dans ce groupe de Nématodes il y a de nombreuses transitions entre les différents modes de développements. Les uns, en effet, pondent des œufs qui n'ont pas subi la moindre segmentation : la formation de l'embryon, c'est-à-dire la première phase de l'existence, a lieu en liberté, mais sans que celui-ci quitte l'œuf, comme nous l'avons vu pour le Dochmius trichocephalus. Chez d'autres espèces, au contraire, les choses se simplifient davan- tage ; en effet, les œufs sont pondus après avoir subi un développe- ment partiel ou même complet. Ingérés aussitôt par l'insecte qui doit les nourrir, les jeunes éclosent et se développent 'dans son in- testin. Un seul habitat suffit donc à l'évolution complète du parasite, qui n'a fait que passer, étant à l'état embryonnaire, d'un insecte dans un autre de la même espèce. Il peut même se rencontrer que l'éclo- sion et la suite du développement aient lieu dans le corps même de l'insecte où l'œuf a été pondu. (Voir le chapitre Propagation.) Mais que l'embryon ait subi un commencement de développement ou qu'il soit même complètement développé, la propagation ne peut s'effectuer que par l'ingestion directe de l'œuf contenant cet embryon, dans l'intestin de l'insecte, où il doit, soit achever son évolution, soit éclore immédiatement. Comme leurs congénères qui vivent chez les Vertébrés, les Oxyures ' Osman Galeb Com)^t. rend. Acad. des Se. ,']m\\Qi 1878. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 301 des Insectes élisent domicile dans la région postérieure de l'intestin (gros intestin). Pour les découvrir, il faut d'abord mettre à nu, en disséquant une Blatte ou une Hydrophile, la partie de l'intestin postérieure à l'inser- tion des tubes de Malpighi, puis ouvrir délicatement cette portion de l'organe. Si l'on veut se procurer, par exemple, les parasites de V Hy- dropliilns piceus, il faut les chercher dans cette partie du gros intes- tin qui est contournée en forme d'S et qu'on ne voit pas tout d'abord parce qu'elle est cachée par les circonvolutions multiples de l'intestin grêle. En dilacérant avec précaution ce fragment du tube digestif, on aperçoit bientôt, au milieu des substances alimentaires qui le rem- plissent, des vers très petits, de couleur blanchâtre, pourvus généra- ralement d'un appendice caudal très délié : ces vers sont des Oxyures. En examinant ces petits Nématodes^au microscope, à la lumière transmise, on voit très facilement, par suite de la grande transpa- rence de l'enveloppe tégumentaire, les organes internes, appareil digestif, appareil gastro-vasculaire et organes génitaux. Mais il n'est pas besoin de recourir à cet examen pour distinguer les deux sexes : les mâles sont en effet beaucoup plus petits que les femelles. Il en résulte qu'ils sont moins faciles à découvrir, au milieu des substances qui remplissent l'intestin de l'insecte. Nous avions même cru, au commencement de nos recherches, qu'ils étaient moins nombreux que les femelles. Mais, indépendamment de l'exiguïté de leur taille, nous avons observé, en étudiant le développement, un fait qui permet d'expliquer leur rareté. Ce fait consiste en ce que les mâles atteignent la maturité sexuelle bien plus vite que les femelles, s'accouplent avec celles-ci à un moment où elles sont à peine adultes, et, leur rôle terminé, ne tardent pas à périr. Plusieurs fois, en effet, dans le courant de mes observations, il m'est arrivé de voir dans un insecte le nombre des mâles égaler et même surpasser celui des femelles. J'ai même disséqué plus de vingt individus de YHydrous caraboides qui ne renfermaient qu'un très petit nombre de femelles, et encore celles-ci étaient toutes relative- ment fort jeunes, tandis que les mâles adultes étaient fort nombreux. Cette observation démontre évidemment que les mâles arrivent à maturité bien plus rapidement que les femelles, dont le développe- ment est plus lent et plus tardif. Il est d'ailleurs prouvé aujour- d'hui, pour YO. vermkularis , dont on n'a longtemps connu que la 302 OSiMAN GALEB. femelle, que le nombre des mâles n'est pas inférieur à celui des fe- melles (Davaine)^ . Les Oxyures ne sont pas les seuls parasites de l'intestin chez les Blattides et les Hydrophilides, et il n'est pas sans intérêt, croyons- nous, de faire ici une petite digression pour signaler quelques autres espèces animales et végétales que l'on peut rencontrer dans la région où vivent ces Nématodes. Cette portion de l'intestin pourrait être considérée à juste titre comme un^petit monde, un vrai microcosme, tant les êtres qui l'ha- bitent sont variés et nombreux. En compagnie des Némathelminthes, on y trouve de beaux Infu- soires (pi. XX, fig. 43, et pi. XXV, fig. 7) visibles à l'œil nu ; ils ap- partiennent probablement au groupe desBursaires, et se meuventavec une grande vivacité; on y rencontre également des Vibrioniens, des Grégarines, etc., etc. Mais un faitqui mérite d'être signalé, c'est qu'il existe un rapport étroit entre le nombre des Nématodes existant en un insecte et celui des Infusoires ; plus les Oxyures sont nombreux, plus le nombre de ces animalcules est considérable, et lorsque l'intestin ne contient pas d'Helminthes, Flnfusoire fait, lui aussi, complète- ment défaut. Nous présumons que chaque espèce de Nématode a pour commensal un Infusoire d'espèce particulière. Dans l'intestin des Insectes que nous avons étudiés, le règne végétal est représenté par des algues parasites, dont les nombreux filaments entrecroisés forment quelquefois chez les Hydrophilides une trame compacte, au milieu de laquelle se développent les Oxyures et les autres parasites animaux que nous venons d'énumércr. L'algue qui vit chez les Blattides est VHigrocrocis{Leptothrix) intestinaUs Ch. Rob.; dans l'intestin des Hydrophilides on trouve le Leptothrix msectontm Ch.Rob.2. Les Oxyures parasites des Insectes ne se nourrissent point exclusi- vement aux dépens des sucs sécrétés par l'intestin. Nous décrirons plus loin une expérience qui démontre complètement que ces Néma- todes se nourrissent surtout des substances alimentaires avalées par leur hôte et déjà en partie élaborées et digérées. Mais sijl'on ouvre avec précaution le segment intestinal dans lequel ils se tiennent toujours, 1 Davaine, Traité des entozoires et des maladies vermineuses, I^aris, 187S, 2^ édi- tion, Synopsis, p.xcvi. 2 Ou. Robin, Histoire naturelle des végétaux parasites, Paris, 1853, p. 354 et sui- vantes. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 303 on peut voir leur attilude nalurelle, et constater qu'ils ont la tête di- rigée en avant, c'est-à-dire dans la meilleure position pour saisir au passage les substances nutritives qui arrivent de Tinlestin grêle. Les Oxyures se tiennent attachées à la muqueuse intestinale au moyen des petites lèvres qui entourent leur bouche; et pour les voir ainsi fixés, il suffît de plonger le fragment d'intestin qui les renferme dans une capsule contenant de l'alcool. Surpris et tués instantanément par ce liquide, ils restent lixés à la muqueuse, dont ils n'ont pas eu le temps de se détacher. h'Hijdrophilus piceus se prête le mieux à l'observation. J'ai reconnu qu'un insecte nourrissait généralement une seule es- pèce de parasite, mais j'ai remarqué qu'on trouvait quelquefois deux espèces d'Oxyures vivant côte à côte (Oxyures des Periplanela orientalis, Polypliaga xgijptiaca, des Panesth/a de la Nouvelle-Guinée et de certains Blabera). 11 s'établit alors entre les habitants d'un même intestin une lutte pour l'existence des plus curieuses : l'une des espèces prospère au dé- triment de l'autre, en s'emparant de toute la nourriture. Ainsi VO. Die- sin^i, soit par sa conformation, soit par sa prodigieuse fécondité, anni- hile l'O. ljlatt%;\'O.DiesmyiVQm^oviQ en nombre, etl'O.Wrt^^a? devient de plus en plus rare. C'est cependant ce dernier Oxyure, dont l'in- testin possède la plus grande longueur et la plus gralnde surface ab- sorbante, qui semblerait avoir à sa disposition les plus puissants moyens de lutte ; il n'en est rien. Je ne saurais mieux comparer ce fait qu'à celui qu'on observe lorsque deux plantes rivales se disputent le même coin de terre, que deux bourgeons à fruit se partagent la sève d'un même rameau. De même qu'une des deux plantes cède for- cément le sol et disparaît, de même un des deux Nématodes aban- donne la lutte et disparait. TÉGUMENTS. Caractères extérieurs de Venveloppe tégumentaire. L'enveloppe cutanée des Oxyures que nourrissent les Insectes con- serve une structure identique dans toutes les espèces du groupe. Cette enveloppe présente, sur toute la longueur du corps, de nom- breuses annulations, dont Biitschli a minutieusement décrit les di- mensions pour les Oxyures de la Blatte orientale. Mais je crois su- perflu de le suivre dans cette voie . 304 OSMAN GÂLEB. Je dirai simplement que la peau, chez les Helminthes que j'ai étu- diés, est marquée extérieurement, dans toute sa longueur, d'annula- lations multiples, qui n'atteignent d'ailleurs que le tégument. Les anneaux sont extrêmement courts vers l'extrémité antérieure ; mais, à partir du point qui coïncide avec le milieu de l'œsophage, on les voit s'allonger graduellement, et atteindre un maximum de longueur qu'ils conservent sur un certain trajet. Vers rextrémité anale, à l'ap- proche de la queue, ils diminuent de nouveau, mais sans devenir pour cela aussi courts que dans le voisinage de la tête. Leur diamè- tre, il est à peine besoin de le dire, éprouve les mêmes variations que celui du corps, sauf quelques épaississements très peu fixes et bons tout au plus à signaler dans la description des espèces. Mais je dois parler ici de la forme attribuée aux anneaux par Schneider, qui les décrit chez VO. spirotheca comme constitués par deux segments semi-circulaires, occupant, l'un la région dorsale, l'autre la face ventrale, leurs bords se croisant sur les flancs et che- vauchant l'un sur l'autre. Biitschli, de son côté, n'a pas observé cette disposition*; mais ce dernier auteur étudiait les Oxyures de la Blatte orientale, tandis que Schneider, avons-nous dit, avait en vue, dans sa monographie des Nématodes, VOxyuris spirotheca. Ayant étudié à la fois, et comparativement, les Oxyures des Blattides et ceux des Hy- drophilides, il nous est facile de trancher la question. Chez les pre- miers les anneaux sont continus, chez les autres on observe la dis- position décrite par Schneider. Enfin, j'ai reconnu chez les Oxyures des Hydrophilides une particu- larité bizarre : c'est la présence de tubercules latéraux (pi. XXV, fig. 3) groupés deux à deux et servant de point de départ à des sillons qui déterminent, dans chaque anneau, des annulations secondaires. C'est surtout chez VO. hydroi qu'on voit cette disposition avec netteté. L'appendice le plus important de l'enveloppe tégumentaire est la queue, située à l'extrémité postérieure du corps, mais un peu au- dessus de son axe, c'est-à-dire rapprochée de la face dorsale. Elle a tantôt la forme d'un stylet aigu, tantôt celle d'une petite pointe co- nique. Sa longueur, variant d'une espèce à l'autre, et suivant le sexe, dans des limites assez étendues, permet de distinguer certaines espèces au premier coup d'œil. Mais, indépendamment de quelques différences légères et peu im- ' 0. UuTSCiiLT, loc, cit., p. 259. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 305 portantes dans Tcpaisseur des différents points de la peau, j'ai à signaler la présence, chez beaucoup d'Oxyures, d'expansions ou ailes membraneuses placées de chaque côté du corps et modifiant la forme générale de l'animal, qui ressemble alors à un ver plutôt aplati que rond. VOxyuris vermicularis, qui en possède d'i\ peu près semblables, peut donner une idée de leur conformation. J'ai pu observer ces ex- pansions chez les Oxijuris blattx et Diesingi, où Biitschli les avait déjà décrites, puis chez VOxyuris Kûnckeli (pi. XXIII, fig. 3, ml) et d'autres espèces que je n'ai pu décrire, faute d'en avoir des échantil- lons assez complets. C'est Biitschli qui a indiqué pour la première fois l'existence de ces ailes chez les parasites de la Blatte orientale, mais la figure qu'il en donne pour VOxyuris blattx est de tout point inexacte, comme d'ailleurs sa description ^ Il dit en effet que ces expansions commen- cent à paraître dans la moitié antérieure 'du corps, au niveau du bulbe dentaire, et atteignent leur plus grande largeur à la fm du pre- mier tiers. Or, il suffit de jeter un coup d'œil sur la figure 4 de la planche XVII pour voir qu'elles commencent dès l'extrémité antérieure de l'animal, où elles ont même leur plus grande largeur. Au niveau du bulbe dentaire, elles décroissent dans une plus grande partie de leur longueur; mais, à l'approche de l'appendice caudal, elles s'élargis- sent brusquement, et leur contour, en remontant vers le corps, forme de chaque côté une pointe dirigée en arrière. La description de Bùtschli se rapporte assez exactement aux ex- pansions membraneuses de VOxyuris Diesingi, où elles se terminent comme dans la figure 2 de la planche XVII, représentant un 0. blattx avant sa dernière mue. Celles de VO. Kïmckeline dépassent pas le ni- veau du bulbe dentaire (pi. XXIII, fig. 3). VO. blatticola, si remarquable entre tous par les nombreuses parti- cularités de son organisation, est dépourvu d'expansions à l'état adulte, mais il en possède à l'état d'embryon inclus dans l'œuf (pi. XXI, fig. 8). Nous devons ajouter que les embryons d'O. Diesingl et d'O, blattx présentent le même caractère. Enfin, chez les 0. spirotheca et hydrophili, on remarque des appen- dices singuliers, occupant le voisinage de la tète, et donnant à ces animaux un aspect tout particulier ; chez VO. spit^otheca (pi. XXV, fig. 8 et 9), c'est une série de bourrelets circulaires de longueur et d'épais- 1 0. BuTSCHLi, loc. cit., p. 258. ARCH. DE ZOOL EXP. ET «EN. — T. VU. 187S. 20 300 OSiMAN GALEB. seur différentes, séparés par des sillons très nets. Chez \'0. /lydrop/uli, il n'y a qu'un bourrelet, correspondant au premier anneau (pi. XXV, fig. 10). Ces bourrelets sont d'une transparence parfaite et ressem- blent à des anneaux de cristal entourant l'extrémité antérieure du corps. Quand le ver est écrasé, ils simulent des membranes ou ailes latérales. Bien que les divers appendices que nous venons de décrire soient ré- duits chez d'autres espèces à un simple élargissement du premier anneau, leur présence se manifeste constamment, au moins sous une forme rudimentaire. Disons, pour terminer, que nous n'avons jamais pu en découvrir dans les Oxyures mâles, malgré tout le soin que nous avons mis à cette recherche. Biitschli affirme qu'ils existent dans les deux sexes, mais, d'après mes observations, ils seraient seulement l'apanage de la femelle. Enfin on trouve souvent, sur la peau des Oxyures, des productions beaucoup moins importantes et dont on rencontre d'ailleurs les ana- logues sur les téguments d'une foule d'animaux. Je veux parler des poils que j'ai observés chez VOxyuris blattx, VO. Diesingi, VO. Jiy- drophUi, VO. spirotheca et VO. hydroi. On les trouve indistinctement sur les mâles et les femelles; ils font assez souvent défaut et la cuti- cule reste alors complètement nue. La figure 1 de la planche XVII et la figure 2 de la planche XIX peuvent donner une idée de ces poils chez VO. blattx et VO. Diesingi; c'est le premier qui se prête le mieux à leur étude. Leur longueur est très variable et peut dépasser de beaucoup la dimension relative que leur donne notre figure ; leur- implantation se fait au niveau des sillons qui séparent les anneaux. Parfois ces poils sont assez longs pour s'enchevêtrer avec les algues qui pullulent dans l'intestin des Blattides et des Hydrophilides. J'ai pris souvent, dans les caves, des Periplaneta orientalis qui se nourris- saient de terre imprégnée d'humus et de débris végétaux desséchés ; les parasites que j'ai extraits de ces Blattes présentaient ce revête- ment de poils plus abondant et d'une manière plus constante. Quant aux.papilles qui entourent le spicule pénial, je crois préfé- rable de les décrire en même temps que les organes génitaux du mâle, bien qu'elles dépendent de l'enveloppe tégumentaire. ORGANISATION ET DÉVELOPPEiMENT DES OXYURIDÉS. .W? Structure et développemenl. de l'enveloppe tégumentaire. Il est indispensable d'étudier séparément les deux couches dont la peau est formée, c'est-à-dire la cuticule, qui est la plus extérieure, et la couche vaginale, recouverte par la première. La cuticule est une enveloppe transparente, offrant l'aspect d'un tissu à peu près anhiste : la substance en paraît plus condensée dans le voisinage du contour externe que vers la partie en contact avec la couche vaginale. Au point de vue de sa structure, Schneider^ la regarde comme formée d'une série de couches stratifiées : cette observation se rapporte à V Ascaris megalocephala. Biitschli ^, à son tour, signale trois couches stratifiées, dans le tissu de la cuticule, et son observation se rapporte aux deux parasites de la Blatte orientale. Pour ma part, j'ai pu observer quelquefois ces stratifications, mais il est très difficile de les voir dans d'aussi petits animaux. Il vaut mieux, pour se convaincre de l'existence chez les Helminthes d'une cuticule stratifiée, prendre des espèces deforte taille, pouvant donner prise à des coupes transversales. C'est ainsi que je les ai facilement reconnues sur les Filaria hsematica et papillosa, et je suis porté à croire qu'elles sont tout à fait pareilles dans nos petits Nématodes, où leur étude est bien plus difficile. Chez les adultes, la couche vaginale, pi. XVII, fig.10, est formée d'une masse homogène contenant un très grand nombre de granulations et de noyaux de cellules visibles surtout vers le milieu des anneaux. Elle n'a pas chez l'adulte une structure franchement cellulaire, mais sur un jeune Oxyure appelé à subir des mues on distingue facilement des cellules dans son épaisseur. Ce fait permet de supposer que cette couche a pour mission de former la cuticule. Les cellules sont arrangées circulairement et en série dans toute la longueur du corps ; cela contribue à faire penser que l'apparence annulaire de la cuticule est due à cette disposition. Les téguments dérivent directement de la région externe du blasto- derme. Au début, l'embryon est dépourvu de cuticule : la couche cellulaire externe est donc nue ; mais bientôt, à mesure qu'il s'allonge, on voit une masse transparente, émise probablement par les cellules de cette couche, envahir légèrement le pourtour du jeune animal, et 1 Schneider, loc. cil. * 0. BuTscHLi, loc. cit., p. 237. 308 OSMAN GALEB. en se solidifiant, consliUier la première cuticule. Mais cette première cuticule est appelée à tomber après l'éclosion, et si l'embryon n'éclôt pas à temps, elle continue ù, s'accroître par l'addition de nouvelles couches. On observe surtout cette augmentation d'épaisseur chez les embryons morts faute d'avoir été ingérés assez tôt par l'insecte chez lequel doit se faire l'évolution. La couche cellulaire elle-même for- mera la couche vaginale. Le premier élément de l'appendice caudal est une cellule donnant naissance par prolifération à une autre cellule qui lui fait suite dans le sens de Taxe du corps ; puis on en voit apparaître une troisième, et ainsi de suite un plus grand nombre, suivant la longueur que doit atteindre l'appendice. Le contenu granuleux de ces diverses cellules se condense alors vers leur centre et l'on voit ainsi apparaître autour de chacune d'elles une zone transparente. Ces zones claires des diverses cellules qui forment alors la queue, se fusionnent les unes avec les autres et, en se solidifiant, constituent la cuticule, pendant que les masses granuleuses, en se confondant suivant l'axe du corps, donnent naissance au tissu intérieur de l'appendice caudal. SYSTÈME MUSCULAIRE. Il est à peu près impossible d'étudier le système musculaire sur un Nématoïde vivant; pour observer sa disposition et sa structure, l'on est obligé de recourir à l'emploi des réactifs. L'alcool, par sa pro- priété durcissante, donne aux tissus une plus grande solidité et les rend par là moins sensibles aux pressions du couvre-objet ; mais la préparation alcoolique communique aux appareils une certaine opa- cité qu'il est nécessaire de faire disparaître ; à cet effet, on plonge les pièces ainsi traitées dans la glycérine. On peut aussi substituer à l'alcool une solution faible d'acide chromique. Par la conformation de leur système musculaire, les Oxyurides des Insectes rentrent dans le groupe des Méromyaires de Schneider : on trouve en effet, chez ces Helminthes, quatre colonnes musculaires longitudinales, de la longueur du corps, appliquées immédiatement contre la partie interne des téguments. Biitschlii a d'ailleurs re- connu cette disposition dans les deux Oxyures de la Blatte orien- tale. Deux de ces colonnes sont dorsales; les autres occupent la ré- gion ventrale. Les colonnes dorsales sont séparées les unes des autres » (). BUTSCHLI, lOC. cil., p. 2tiO. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYUKIDÊS. 309 par un espace dans lequel on trouve le tissu indiqué par la figure 1 de la planche XXI ; cet espace est appelé par les auteurs champ dorsal. L'intervalle des deux colonnes ventrales offre un espace analogue, appelé champ abdominal, et renfermant le même tissu que le pré- cédent. Enfin, sur chaque côté du corps, entre la colonne dorsale et la colonne ventrale correspondante, il existe un intervalle, occupé aussi par le môme tissu, et appelé aire latérale. Cette disposition se voit très clairement chez ïOxyurls hlatticola, pi. XX, fig. 3, et les 0. Kihickeli, œgyptiaca, panesthiœ, blattx et Diesingi. Une faudrait pas croire qu'on la rencontre universellement. Après un examen attentif, j'ai reconnu que beaucoup d'autres espèces (trouvées dans des Blabera et des Blattes exotiques non déterminées) ont, sous les téguments, une série de colonnes musculaires qui se joignent et forment une couche oii il est difficile de retrouver la forme typique que nous venons de décrire ; ces espèces semblent rentrer sous ce rapport dans le groupe des Polymyaires, et établissent, dans tous les cas, une transition entre les Méromyaires et les Po- lymyaires. Cela démontre clairement que la division imaginée par Schneider, commode sans doute pour la classification des Néma- todes, est purement artificielle. Chez l'Oxyure d'une Blatte exotique conservée depuis très long- temps dans l'alcool, la rétraction des tissus, produite par ce liquide, nous a permis d'observer la terminaison des muscles en colonnes, du côté de l'appendice caudal. Les extrémités effilées des dernières cellules musculaires pénètrent dans l'appendice, et viennent se ter- miner à quelque distance de sa base, autour de la masse granuleuse qui le remplit. Indépendamment de ces colonnes musculaires, nous trouvons chez les Oxyures un tissu fibrillaire, méritant bien la dénomination de tissu spongieux et dont les fibrilles irrégulières plongent en tous sens dans la cavité générale ; elles suspendent l'intestin et les organes gé- nitaux au milieu de cette cavité en même temps qu'elles enlacent les colonnes musculaires. Ce tissu est considéré par les uns comme un tissu conjonctif ; d'autres voient en lui un système nerveux très dé- veloppé et disséminé dans tout le corps ; d'autres enfin, comme But- schli, le regardent comme une dépendance du système musculaire ou même comme un système musculaire complémentaire. Sur une coupe transversale on constate admirablement les rap- ports qui existent entre les colonnes musculaires et les fibres du tissu 310 OSMAN GALEB. spongieux ; en effet, on voit que ces fibres vont d'une cellule muscu- laire à l'autre et d'une colonne musculaire à l'autre ; on voit égale- ment des fibres de ce tissu attachées d'une part aux colonnes mus- culaires, de l'autre au tube digestif et aux organes génitaux ; elles forment un revêtement délicat et difficile à apercevoir dans toutes les régions des appareils que nous venons de citer. Etudions maintenant la structure des muscles en colonne. Chaque colonne est composée de deux rangées de cellules muscu- laires en forme de losange très allongé et en partie juxtaposées '(pi. XXV, fig. 4). Tantôt ces deux rangées de cellules sont en con- tact intime, comme dans beaucoup de Vers et dans la majorité des Oxyures; tantôt, au contraire, on voit entre elles une ligne de sépara- tion ou « bande submédiane », comme Bûtschli * l'a montré pour VO. Diesingi, comme je l'ai vu moi-même dans les 0. blatticola et xgyp- tiaca. Chacune de ces cellules est constituée par une masse fine- ment granuleuse, contenant vers la région médiane un noyau très visible. Quand l'animal a été traité par l'alcool ou l'acide chromique, on voit les granulations rangées les unes derrière les autres et donnant à chaque cellule un aspect fibrillaire (pi. XXV, fig. 4). Biitschli a cru que cet arrangement était naturel, mais je ne l'ai jamais observé dans toute sa netteté en dehors de l'action des réactifs, d'accord en cela avec Eberth ^, qui a reconnu la même particularité pour les muscles de VHeterachis vesicularis. Quant au tissu spongieux, on peut dire qu'il est formé de cellules à forme irrégulière, ayant des prolongements qui plongent en tous sens dans la cavité générale ; leurs points de rencontre, en s'anasto- mosant, forment une sorte de trame ou filet à mailles irrégulières, qui soutient les organes viscéraux et relie entre eux les divers fais- ceaux musculaires. Chaque cellule munie d'un contenu granuleux et d'un noyau ressemble par ces prolongements aux cellules nerveuses des centres ganglionnaires (pi. XX, fig. 3); et c'est probablement cette ressemblance qui les a fait considérer comme des éléments ner- veux. Quant à leurs prolongements , Biitschli les décrit comme formés d'une couche extérieure sombre enveloppant un contenu transparent. ' 0. BuTSGHLi, loc. cit., p. 270. 2 Eberth, Zur Organisation vjn Heterachis vesicularis (Wurzburger naturwiss. Zeilschr., lid. I, p. 45). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 311 Ce tissu spongieux est-il de nature musculaire ? Biitschli ' paraît incliner vers cette hypothèse. « Suivant cet auteur, sa disposition est étrange pour un tissu musculaire »; cependant la ressemblance de structure qu'offrent les prolongements avec certaines fibres muscu- laires le porte à croire qu'il a affaire à des muscles. Peut-être, dit-il aussi, ces fibres servent-elles à transmettre les mouvements du système des muscles longitudinaux. Je ne puis rien décider à cet égard, mais je dois dire que si ces fibres ont pour fonction de guider l'impulsion des muscles en colonne et de la transmettre aux organes viscéraux, elles pourraient agir d'une façon très efficace, étant donnée la complication de cette trame, dont les organes sont enveloppés. Mais il serait téméraire d'affirmer qu'elles n'ont pas d'autres propriétés. En tout cas, elles ont beaucoup de ressemblance avec les fibres musculaires qui entrent dans la struc- ture de l'intestin et des tubes génitaux. A notre grand regret, nous ne pouvons donner que fort peu de renseignements sur le développement du système musculaire. Les difficultés que présente l'étude des muscles sur l'animal adulte deviennent presque insurmontables lorsqu'il s'agit d'un embryon, et les essais que nous avons tentés pour faire cette étude n'ont pas donné de résultats précis. Chez l'embryon venant d'éclore, nous avons vu, en divers points du second feuillet blastodermique , certaines cellules s'allonger et devenir fusiformes ; les cellules intermédiaires perdent alors leur individualité ; du fusionnement de leur contenu résulte une masse granuleuse, où persistent les noyaux. Les cellules fusiformes devien- dront probablement les colonnes musculaires, et les masses granu- leuses qui les séparent formeront sans doute le tissu des bandes lon- gitudinales. C'est donc le second feuillet du blastoderme, dérivé par division du feuillet unique primitif, qui donnerait naissance au tissu des mus- cles en colonnes et à celui des bandes longitudinales dont nous allons faire l'étude. Bandes longitudinales. Nous venons de voir que chez les Nématodes, qu'ils soient Méro- 7nyaires comme nos Oxyures, ou qu'ils soient Poli/mt/aires, les muscles * 0. BuTSCHLi, loc. cit., p. 262 et 263. :{I2 OSiMAN GALEB. ne loi'menl jamais une couche continue sous les téguments. Nous avons même défini ce qu'on entend par « champ dorsal » , « champ abdominal » et « aires latérales » ; il nous reste à étudier la nature du tissu qui remplit ces intervalles (pi. XXF, fig. 1). Comme on Fa vu précédemment, on lui reconnaît dans les diffé- rentes bandes longitudinales une structure identique. Il se compose d'une substance homogène , contenant de très gros noyaux et de fines granulations. Les noyaux nettement visibles renferment soit un, soit deux nucléoles. Biitschli signale en outre dans l'épaisseur du même tissu, et surtout sur la ligne subabdominale, Texistcnce de cellules volumineuses correspondant au milieu de chaque anneau. Nous avons aussi observé les mêmes cellules. A l'extrémité postérieure du corps, les bandes longitudinales se réunissent les unes aux autres, et forment ainsi une seule masse, qui remplit la cavité de l'appendice caudal. Les noyaux de ce tissu deviennent moins distincts à mesure qu'on approche de cet appen- dice, dans l'intérieur duquel on ne trouve plus que la masse gra- nuleuse, dont nous avons décrit le mode de formation dans le cha- pitre précédent. On observe aussi, dans le tissu des bandes longitudinales, un grand nombre de fibrilles que Biitschli a découvertes chez les Oxyures de la Blatte orientale. Elles soutiennent dans l'intérieur de ce tissu l'appa- reil que nous allons étudier sous le nom d'appareil gastro-vasculaire. Très probablement ces fibrilles appartiennent au tissu spongieux. Appareil gastro-vasculaire . L'appareil gastro-vasculaire (pi. XVII, fig. 2, et pi. XX, fig. 3) étant emprisonné dans la masse du tissu des bandes longitudinales que nous venons d'étudier, nous croyons pouvoir, sans inconvénient, placer ici sa description. Cet appareil a été signalé pour la première fois par Leidy ^ dans les parasites de la Blatte orientale. Après lui, Biitschli a repris son étude chez les mêmes Oxyures. Enfin Schneider - l'a décrit dans un grand nombre de Nématodes. Beaucoup d'Helminthes en sont pour- 'ÏLeiuy, loc. cit., p. AO. -Schneider, Uber die Muskcln und Nervcn der Ncmatoden {Mulkr''s Archiv, 1869, p. 224). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 313 vus, mais il est des espèces qui semblent en être complètement privés au dire des auteurs. Il se compose de quatre tubes aveugles logés dans l'épaisseur des aires latérales. Ces vaisseaux, d'une grande longueur, viennent con- vergervers un point du champ abdominal, parrapportauquel deux sont antérieurs et deux sont postérieurs, et en ce point ils débouchent dans un réservoir commun ou saccule (pi. XX, fig. 3). Ce saccule est placé un peu en arrière du bulbe dentaire, et s'ouvre à l'extérieur par un orilice qui a reçu le nom de porus. Dans les espèces étudiées par nous, espèces qui sont toutes pourvues d'un appareil gastro-vasculaire, nous n'avons jamais observé sur les vaisseaux qui le constituent de ramifications secondaires. Mais on en a décrit chez d'autres Néma- todes, et cette particularité les rapproche jusqu'à un certain point des Trématodes et des Cestodes. Enfin, chez VO. blatticola nous avons souvent remarqué, près du porus, une sorte d'organe glandulaire paraissant communiquer par un canal avec le saccule. Mais, bien que nous l'ayons souvent observé et dessiné, nous ne saurions affirmer si sa présence est constante. D'après Biitschli, l'appareil gastro-vasculaire serait formé d'un tissu fibreux extrêmement tin, mais j'avoue pour ma part que je n'ai pu parvenir à lui trouver une structure propre. Les vaisseaux m'ont semblé anhistes, et le parcours de chacun d'eux m'a paru indiqué seulement par une transparence parfaite. Au point de vue de ses fonctions, l'appareil gastro-vasculaire semble jouer le rôle d'un appareil d'excrétion, et correspondre à ce qu'on a décrit chez un grand nombre de Vers supérieurs sous le nom d'« organes ou corps segmentaires ». Plusieurs fois d'ailleurs, nous avons vu sa cavité remplie d'un liquide chargé de granulations, ce qui ferait croire à une fonction excrétante. Cavité splanchnique . Les couches que nous venons de décrire, c'est-à-dire les téguments et la couche des colonnes musculaires et des bandes longitudinales, circonscrivent dans toute la longueur du corps de nos Helminthes une cavité qui n'a aucune membrane limitante : c'est la cavité géné- rale, ou la cavité splanchnique. La partie centrale ou axe est tra- versée par le tube digestif; la partie comprise entre le tube digestif et les téguments est occupée par les organes génitaux ; la cavité ren- :ni OSMAN GALEB. l'orme également dans toute son étendue le réseau du tissu spongieux qui remplit tous les espaces interorganiques en môme temps qu'il soutient dans ses mailles les viscères. Sous l'impression d'un examen superficiel, on serait tenté d'y voir en outre de grosses vésicules ellip- soïdales ou pyriformes qui, vues au microscope, paraissent lanlôt transparentes, tantôt d'une coloration jaunâtre et rappellent très bien par leur aspect les vésicules graisseuses; mais en réalité ces corps ne sont pas situés dans le cœlum, ils, sont contenus dans les anses des trompes et de la matrice et sont apparents surtout dans les parties dilatées de ces organes. Ne seraient-cc pas ces corps que certains auteurs ont décrits sous différents noms comme appartenant à la cavité générale ? Appareil digestif. L'appareil digestif des Oxyures consiste essentiellement en un long tube, commençant à l'extrémité céphalique de l'animal par un orifice, qui est la bouche, et venant se terminer p"ar l'anus à la face inférieure du corps, non loin de l'appendice caudal. Ce tube n'a pas dans toute son étendue un calibre uniforme, et divers rétrécissements qu'on y remarque peuvent servir à délimiter dans cet appareil trois régions principales, que j'appellerai, d'après leurs attributions distinctes dans l'accomplissement des fonctions digestives : œsophage, bulbe dentaire et intestin. Mais, avant d'aborder l'étude détaillée de ces subdivisions, nous devons décrire l'extrémité buccale de l'appareil digestif. Bouche. — Vu de face, le pourtour de la bouche présente généra- lement trois petites lèvres cuticulaires, peu développées, il est vrai, mais indiquées cependant d'une façon très nette. Biitsehli ^ les a signalées dans son travail sur les Oxyures de la Blatte orientale, mais il en reconnaît six dans VOxyuris blattx ; or, chez cet Helminthe, comme d'ailleurs dans toutes les espèces provenant des Blattides qu'il m'a été donné d'examiner, je n'en ai jamais rencontré plus de trois. C'est seulement chez les Oxyures des Hydrophihdes que j'en ai ob- servé six et quelquefois un plus grand nombre. CEsoPHAGE. — L'œsophage est un conduit tubulaire dont le calibre est il peu près le même dans toute sa longueur. Mais, par suite de • 0. BUTSCIILI, loc. cit., p. 265. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 315 l'épaisseur variable de la paroi aux différents points, le diamètre de ce tube ne présente pas la môme uniformité. On y remarque en effet deux renflements, l'un très faible, à son extrémité buccale, l'autre volumineux, à son extrémité postérieure. Cette dilatation terminale, appelée ordinairement « bulbe antérieur », est séparée, par un étranglement profond, du bulbe dentaire proprement dit. La forme que nous venons de décrire est celle qui se rencontre le plus communément, mais il s'en faut de beaucoup qu'elle soit géné- rale. C'est ainsi que, dans plusieurs espèces, et surtout celles qui habitent le Pnlyphaga œgyptiaca et quelques Blattides exotiques, l'œsophage conserve dans toute sa longueur la môme dimension qu'à son origine. La plupart du temps, cet organe ne présente aucun renflement danssarégionmédiane, mais chez une espèce exotique [0. panesthiœ), habitant une Blatte de la Nouvelle-Guinée, quelques individus ont présenté dans cette partie une dilatation pyriforme très apparente et des plus caractéristiques (pi. XXV, fig. 6, œ). Si maintenant on étudie l'œsophage dans les différentes espèces au point de vue des variations que présente sa dimension longitu- dinale, on voit que cette dimension peut changer dans des limites étendues ; chez les Oxyurides qui vivent dans les Blattides d'Europe, l'œsophage, par rapport à la longueur totale du tube digestif, ne mesure en effet qu'une longueur restreinte, tandis que chez plusieurs espèces exotiques il offre des dimensions relativement considérables, souvent même démesurées (pi. XXVI, fig. 1 et 5). L'étude histologique de l'œsophage conduit à reconnaître qu'il est formé de deux cuticules, l'une externe, l'autre interne, séparées par le tissu propre de l'organe. La cuticule externe constituant un simple revêtement, et sa struc- ture n'offrant aucune particularité digne de remarque, je ne m'y arrête pas. Mais je dois entrer dans quelques développements au sujet de la cuticule interne. Sa conformation anatomique peut être étudiée, bien qu'elle ne soit pas séparée des autres éléments de l'œso- phage ; mais on peut facilement l'isoler pour voir toutes les saillies qu'elle présente. A cet effet, on laisse macérer pendant deux jours dans une .'Solution d'acide acétique très étendu l'helminthe dont on veut faire l'étude ; en le pressant alors sur le porte-objet, la cuticule interne de l'œsophage, intimement liée à la cuticule cutanée du pourtour de la bouche, se sépare des autres tissus, qui se détachent et demeu- 316 OSMAN GALEB. rent en arrière. Comparée à la première, on lui trouve une épais- seur beaucoup plus considérable. A la partie antérieure de l'œso- phage, elle porte des saillies circulaires, donnant à cette région une certaine ressemblance avec le chapiteau d'une colonne, dont la suite du tube serait le fût (pi. XXIII, lig. 4.). Dans les Oxyurls Diesingt, sph'othcca, hydrophili, on remarque sur sa face interne les six baguettes pharyngiennes (pi. XXIV, fig. 4, hp) décrites pour la première fois par Leuckart* chez VOxyurh vennicu- laris. C'est seulement chez les espèces précitées que j'ai pu les obser- ver, les autres en étant dépourvues. Ces baguettes, résultant d'un épaississement partiel, dans le sens longitudinal, de la cuticule, sont, dis-je, au nombre de six, et n'existent que chez l'animal adulte ; on n'en rencontre pas dans les jeunes Oxyures, puisqu'elles ne commen- cent à se montrer que postérieurement à l'apparition des organes génitaux. Nous avons dit que, dans un grand nombre d'espèces, les baguettes pharyngiennes n'existaient pas ; mais il faut ajouter que, chez ces espèces, on observe toujours un épaississement régulier et très notable de la cuticule interne. N'oublions pas non plus de signaler ici, chez VOxyuris blattœ, une particularité tout à fait singulière et caractéristique. C'est l'existence, sur la face interne de la cuticule œsophagienne, de dents circulaires, très fines, mais nettement visibles, donnant, par leur succession^ aux trois quarts antérieurs de cette tunique interne, l'aspect élégant d'une trachée d'insecte. Le tissu placé entre les deux cuticules a été, de ma part, l'objet d'une étude approfondie, dont je vais indiquer le résultat. On y voit d'abord des fibres transversales, ou tractus^ allant s'insé- rer sur les deux cuticules, externe et interne. Elles sont formées d'une substance homogène, et les fines granulations qu'elles contien- • nent leur communiquent une opacité qui les rend plus apparentes (pi. XXIII, fig. 3, œ). Le second élément qui entre dans la composition du tissu propre de l'œsophage est difficile à étudier. Mais si l'on vient, par une pres- sion, ;\ rompre l'organe, on aperçoit une.masse finement granuleuse et pourvue de petits noyaux nucléoles. L'apparence produite par une rupture de ce genre a été prise pour un collier nerveux par Butschli -, » Leuckart, Die menschlichen Parasiten, t. II, p. 204. * 0. Butschli, loc, cit., ji. 276. ORGANISATION IiT DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. .-^l? qui en a donné une figure. Dans le courant de mes recherches sur les Oxyurides, j'étais ti^ès étonné de ne jamais rencontrer le collier ner- veux décrit par Bûtschli, lorsqu'un jour, en pressant sur le couvre- objet d'une préparation, je déterminai involontairement la rupture de la cuticule interne. Je découvris ainsi, sans m'y attendre, ce qui avait donné lieu à l'erreur de Biitschli, et j'eus de celte manière l'oc- casion, tout en réfutant l'assertion de cet auteur relative au système nerveux, de reconnaître la présence, dans l'épaisseur de l'œsophage, d'un tissu cellulaire à caractères indécis. Enfin on reconnaît, dans le tissu que nous venons de décrire, la présence d'une multitude de vacuoles, les unes linéaires et séparant les tractus indiqués plus haut, les autres paraissant sphériques et offrant pour cette raison l'aspect de véritables noyaux. Biitschli' s'est d'ailleurs laissé prendre à cette apparence et les a considérées comme tels, mais il n'en est rien, et j'ai pu me convaincre de leur nature lacunaire. De sorte qu'en résumé le tissu propre de l'œsophage se compose de fibres ou tractus^, et d'une masse granuleuse à fins noyaux, con- tenant dans son épaisseur un grand nombre de lacunes ou vacuoles. Pour compléter les notions que je viens de donner sur l'œsophage, je dois ajouter que j'ai observé quelquefois (pi. XX, fig. 3, et pi. XXVI, fig. 6, z), sur les côtés et le long de cet organe, deux masses composées d'une multitude de petites cellules enfouies dans un amas granuleux. Biilschli a décrit ces bandelettes cellulaires chez VOxyuris Diesingl, en les mettant en rapport avec son anneau nerveux, sur lequel je me suis déjà prononcé. Eberth ^ a d'ailleurs décrit dans VHeterachis vesicu- laris un amas vésiculaire entourant l'œsophage, très analogue à ce que j'ai vu et représenté dans mes figures. C'est principalement chez les Oxyuris blatticoïa et panesthiœ que ces amas cellulaires sont parfois bien développés. Bulbe dentaire. Nous avons dit qu'à l'œsophage succédait le bulbe dentaire ; mais, comme la structure du premier vient d'être décrite, nous dirons dès maintenant, pour n'avoir pas à y revenir, que le bulbe est constitué par les mêmes éléments : nous y trouvons la cuticule externe, la cuticule interne et un tissu cellulaire interposé. Le bulbe se compose de deux parties : l'une étroite, pareille à un • 0. BuTSCHLi, loc. cit., p. 265. * Eberth, loc. cit., p. 47. 318 OSMAN GALEB. cgI, l'anlre rcnfloe, taisant suite à la première et constituant le corps même du bulbe dentaire. Au niveau de la jonction avec l'cpsophage, la cuticule externe présente un épaississement très notable. Enfin, la cavité du bulbe dentaire correspondant à sa partie renflée ressemble plus ou moins à l'espace circonscrit par deux cônes accolés par leurs bases. La cuticule interne acquiert, dans cet organe, une importance con- sidérable : c'est d'elle en effet que dépendent une série de pièces chi- tineuses logées dans la cavité du bulbe proprement dit, et servant à broyer les substances alimentaires. Leuckart* a donné du bulbe den- taire de rO. vermiculaire une figure qui, quoique très incomplète, donne déjà une première idée de la disposition des plaques tritu- rantes. Biitschli *, au contraire, donne de l'appareil dentaire des Oxyures de la Blatte orientale un dessin qui n'a aucun rapport avec la réalité. Ces pièces ont une disposition et un jeu assez compliqués, dont il est difficile de se rendre compte d'une manière satisfaisante, quand on n'a pas vu fonctionner l'appareil. Nous essayerons pourtant d'en donner une idée aussi exacte que possible (voy. pi. XX, fig. 5, et pi. XXIV, fig.4y è). Si l'on examine de profil un Oxyure placé sur le porte-objet de manière que la queue soit dirigée vers l'observateur, on trouve que la cavité dentaire figure un losange dont une diagonale coïncide avec l'axe du tube digestif. La moitié antérieure de ce losange est presque entièrement occupée par une plaque chitineuse faisant office de dent : cette pièce est fixe et sa forme se rapproche de celle d'un triangle curviligne. Dans le plan immédiatemment inférieur à celui de la dent fixe, on observe deux autres plaques à peu près triangulaires, mais beaucoup plus petites, occupant chacune un des angles latéraux du losange. C'est au sommet de ces angles qu'on voit leur point d'attache et c'est autour de ce point qu'elles pivotent dans leur mouvement de va-et-vient d'arrière en avant et d'avant en arrière. Par suite de ce mouvement, pendant lequel elles chevauchent quelque peu l'une sur l'autre, leur face supérieure exerce un frottement sur la face infé- rieure de la dent fixe, et c'est grâce à ce frottement que les substances alimentaires sont broyées et triturées. La trituration est d'ailleurs 1 Leuckart, loc. cit., p. 372. 2 0. BuTsciiLi, loc. cit., pi. XXI, fig. 4. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 319 rendue plus efficace par suite de la présence d'une armature de eûtes chitineuses très saHlantes, sur les surfaces en contact. Ces lignes sail- lantes, qui font paraître les plaques dentaires fortement striées, n'ont pas, sur les dents mobiles, la môme direction que sur la dent fixe ; car, s'il en était autrement, les lignes supérieures et inférieures s'enchevêtreraient les unes dans les autres et le mouvement que nous avons décrit deviendrait impossible. C'est pendant leur déplacement d'avant en arrière que les dents mobiles réagissent sur la dent fixe, en broyant les aliments logés dans l'intervalle ; les prolongements cbitineux qui font saillie dans l'aire postérieure du losange bulbaire s'éloignent alors l'un de l'autre et livrent passage aux aliments divisés ; puis les dents mobiles, pivo- tant en sens inverse, se dirigent en avant pour recommencer à broyer dans leur mouvement rétrograde. Pour observer ce mécanisme, il faut examiner l'animal aussitôt extrait de son hôte, et je recommande, comme possédant une grande vitalité, favorable à cette étude, VOxyuris blatticola, ou les jeunes for- mes des autres Oxyures. Il existe évidemment des muscles qui déterminent le mouvement des plaques mobiles autour de leur point d'attache ; mais, jusqu'à présent, à cause sans doute de leur exiguïté, il m'a été impossible de les découvrir. Leuckart a reconnu leur présence chez l'Oxyure ver- miculaire. Le bulbe se termine postérieurement par un prolongement qui paraît enchâssé dans son orifice et présente extérieurement une sorte d'étranglement, autour duquel vient s'attacher l'intestin, qui commu- nique avec le bulbe par son intermédiaire. Chez les Oxyures de l'Hydrophile, chez celui de la Blatte améri- caine, comme d'ailleurs chez toutes les autres espèces d'Oxyures, nous avons observé un appareil très remarquable (pi. XX, fig. 3, x, et pi. XXIV, fig. 7, x), formé de quatre tigelles, de nature chitineuse, dirigées en arrière et articulées sur le prolongement du bulbe den- taire. La base de chacune de ces tigelles est fortement élargie; leur sommet, beaucoup plus mince, et par suite plus transparent, est lé- gèrement recourbé en dedans. A certains moments, on voit les ex- trémités de ces appendices rapprochées les unes des autres autour de l'axe du tube digestif. D'autres fois elles s'écartent, et alors les ti- gelles divergent autour de l'orifice intestinal supérieur. Ces appa- rences, qui varient suivant le moment de l'observation, montrent 320 OSMAN GALEB. évidemment que ce curieux appareil remplit roffice d'une valvule, en s'ouvrant d'abord peur laisser passer les aliments triturés et se refer- mant ensuite pour empêcher leur reflux. Pour ne pas interrompre la description de l'appareil dentaire, nous n'avons signalé qu'en passant les côtes saillantes dont les plaques triturantes sont pourvues à leur face interne ; mais il nous paraît nécessaire d'ajouter qu'elles peuvent accidentellement se détacher de la dent qu'elles garnissent ; il suffit môme quelquefois de presser avec force le couvre-objet pour les enlever ; elles tombent alors dans la partie postérieure du bulbe, où elles simulent de petites aiguilles. Il nous reste à étudier maintenant la troisième portion du tube digestif, celle qui va du bulbe dentaire au rectum et que nous dési- gnons sous le nom d'intestin proprement dit. Intestin. — L'intestin, à sa partie antérieure, immédiatement après le bulbe dentaire, est généralement dilaté. Bien que le bulbe den- taire et l'intestin soient reliés l'un à l'autre, il ne faudrait pas croire que leurs tissus soient en continuité intime : ils ne sont que légèrement soudés, et ce qui le montre, c'est qu'une légère pression suffît pour les séparer ; on obtient ainsi une section d'une régularité parfaite : l'intestin semble, pour ainsi dire, attaché au bulbe par le prolonge- ment chitineux à côtés concaves qui sort de ce dernier, et se dirige en arrière, en s'élargissant, comme nous l'avons écrit plus haut. L'intestin, comme dans la plupart des Nématodes, est ordinaire- ment simple ; mais dans VOxyurls blattœ il porte un appendice ou poche latérale, qui part du point de jonction avec le bulbe, et se dirige en arrière, en devenant de plus en plus renflée. Cette poche a déjà été signalée par Leidy et Bûtschli chez le même helminthe, et nous- môme l'avons rencontrée chez un Oxyure vivant dans une Blatte exo- tique d'espèce indéterminée. La figure 1 de la planche XVII indique sa dimension relative la plus habituelle; mais il peut arriver, surtout chez les espèces dont l'hôte vit dans les caves et avale de la terre im- prégnée d'humus, ou des substances végétales desséchées (Blatte orientale), que cette poche acquière un développement excessif, au point d'égaler en longueur l'intestin lui-même, et d'atteindre, comme je l'ai observé, le voisinage del'anus. C'est évidemment la pauvreté en principes nutritifs des aliments de la Blatte qui nécessite, pour son parasite, l'existence de cette poche supplémentaire. Il est bon de faire remarquer que cet appendice ne se rencontre que dans les femelles, et seulement lorsque leur développement est complet. Pour ce qui est ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 321 de lastrucLure intime, il ne diffère en rien de l'intestin proprement dit. 11 paraît jouer à la "fois le rôle d'un jabot et d'un organe supplémen- taire pour la digestion et l'absorption des aliments. Un appendice semblable a été observé chez certains Ascaris ^ Dans le même Oxyure, c'est-à-dire dans VO. blattœ, nous trouvons une anse intesti- nale (pi. XVll, fig. 1, r), ce qui, comparativement aux autres Oxyures, augmente considérablement la surface d'absorption digestive. Au point de vue histologique, l'intestin est formé de trois couches comme l'œsophage, deux cuticules, l'une externe, l'autre interne, toutes deux munies de pores ; entre elles se trouve une troisième couche : c'est la couche cellulaire ou « couche granuleuse » des au- teurs, sur laquelle nous insisterons d'une façon toute spéciale. Elle est composée de cellules polygonales, qui se colorent facile- ment par le carmin. Leur contenu doit être fort riche en principes amyloïdes, sil'on en juge par la coloration bleue que lui communique la teinture d'iode. Ces cellules sont constituées par une membrane d'enveloppe et un contenu transparent, abondamment pourvu dans sa partie centrale de fines granulations, entourant un noyau très visiblement nucléole (pi. XX, fig. 4-). Pendant la digestion toute la couche cellulaire de l'intestin devient trouble ; il est alors difficile de voir les noyaux. Ce tissu peut être détruit par la macération, ce qui permet d'isoler la cuticule interne. Dans son travail sur l'Anguillule terrestre, M. le professeur Ferez ^ décrit le tissu intermédiaire de l'intestin comme formé d'une sub- stance homogène, tenant en suspension des granulations très abon- dantes ; et M. Marion ^, qui a étudié des Nématodes marins, déclare avoir observé dans cette couche tantôt les caractères décrits par M. Perez, tantôt ceux d'un tissu cellulaire. M. Perez m'a affirmé depuis avoir reconnu la nature cellulaire de cette couche, qu'il avait d'abord regardée comme simplement granuleuse ; je l'ai reconnue moi-même pour l'Anguillule terrestre et pour les Nématodes que j'ai étudiés ; je pense que ce tissu n'a pas une autre composition chez les Vers marins observés par M. Marion, pas plus que chez les autres Nématodes. L'erreur des auteurs à cet égard vient tout sim- plement de ce qu'ils ont employé l'eau comme véhicule ; or, chacun ' Davaine, loc. cit., Synopsis, p. XCVI. 2 PereZj Recherches sur L'Anguiliule terrestre , p. 49 et 30. 3 Marion, Recherches zoologiques et anatomiqites sur des Nématodes non parasites marins, p. 56. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. ~'- T. VU. 187S. :2l :m OSMAN GÀLEB. sait que ce liquide distend les cellules et disperse leur contenu. L'eau salée ne présente pas cet inconvénient au même degré, et permet d'observer les cellules de la prétendue « couche granuleuse » : ces cellules sont polygonales et très nettes. M. Marion les a d'ailleurs figurées chez certains Nématodes marins, et nous les représentons chez nos Oxyures. La portion terminale de l'intestin, c'est-à-dire le rectum (pi. XX, fîg. 4 et fig. 5 r), séparée de l'intestin proprement dit, par un étrangle- ment, a la forme d'un entonnoir dont le col va déboucher au dehors par l'ouverture anale. Ici, nous devons signaler plusieurs grosses glandes unicellulaires, disposées autour du point de jonction de l'intestin proprement dit et du rectum. Ce sont des glandes rectales dont les fonctions nous sont inconnues. Gomme structure, le rectum ne diffère de l'intestin que par la présence de sillons longitudinaux sur la cuticule interne, et par l'épaississement très notable de cette dernière. Chez le mâle, le testicule et le rectum viennent s'ouvrir dans une poche commune qui remplit ainsi les fonctions d'une sorte de cloaque. Les contractions continuelles qui diminuent le diamètre de l'intestin pendant la digestion, démontrent clairement qu'il est soumis à l'action de muscles puissants. On observe en effet, sous l'influence de ces contractions, un mouvement péristaltique et antipéristaltique, qui fait refluer alternativement le contenu intestinal d'arrière en avant et d'avant en arrière. Les muscles sont surtout annulaires ; en les obser- vant de profil on voit leurs flbres enlacer l'intestin. Ces fibres sont surtout reconnaissables dans le tiers postérieur du tube intestinal. A mesure qu'on se dirige vers la partie terminale de l'appareil diges- tif, elles deviennent plus nombreuses et finissent par former vers l'ex- trémité, une enveloppe externe assez serrée qu'on peut séparer de la cuticule sans que celle-ci se détache elle-même de la couche sous- jacente ; bien qu'elle soit possible, cette séparation ne s'effectue pas sans difficulté et c'est même un effet du hasard si, en pressant l'Hel- minthe, pour extraire ses organes viscéraux, on arrive à détacher du rectum la couche musculaire. Quant aux muscles longitudinaux, bien que je n'aie pu les obser- ver, les raccourcissements qu'on remarque parfois dans la longueur de l'intestin, permettent de supposer qu'ils existent. , Pour terminer ce qui est relatif aux muscles de l'intestin, je dois dire que chez VO. blatlœ, contrairement ;\ l'assertion de Biitschli, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 323 il existe des libres musculaires sur la poche latérale de l'intestin ; les contractions sont on ne peut plus faciles à apercevoir, car elles déter- minent un mouvement de va-et-vient des aliments entre la poche et la cavité intestinale. Sur une coupe transversale la cavité du tube digestif paraît tri- chètre, c'est-à-dire présente trois prolongements rayonnant autour de l'axe central. Développement de l'appareil digestif. — Chez les Nématodes on con- naît maintenant deux modes de développement pour l'appareil diges- tif. Chez les uns, en effet, on voit se produire une invagination du feuillet blastodermique et cette partie du feuillet devenue interne donne naissance au tube digestif. Dans l'autre mode de développe- ment, on voit se former, aux extrémités polaires de l'animal, deux bourgeons qui partent à la rencontre l'un de l'autre et unissent par se rejoindre en donnant chacun naissance à une portion de l'appareil digestif. C'est dans ce dernier cas que rentre le développement des Oxyures dont nous poursuivons l'étude. Pendant la formation du blastoderme on voit apparaître aux deux pôles deux bourgeons d'inégale gran- deur. Le bourgeon antérieur, beaucoup plus grand que l'autre, est aussi plus important, puisqu'il doit fournir à lui seul l'œsophage, le bulbe dentaire et la première partie de l'intestin. Le bourgeon posté- rieur engendre le tiers postérieur de l'intestin et le rectum. Il est extrêmement difficile, quand l'embryon est encore inclus dans la coque de l'œuf, d'observer le point de jonction des deux bourgeons ; mais cela devient très facile après l'éclosion (pi. XXI, fig. 7 et 9, 6r, pi. XXIII, fig. 8, br). Ce point reste d'ailleurs longtemps distinct et c'est par là que l'appareil digestif subit son accroissement longitu- dinal. Ce n'est qu'après le développement complet de l'animal qu'on le voit disparaître. L'apparition des cuticules interne et externe de l'intestin, n'a lieu que vers l'époque de l'éclosion ; mais, avant cette époque, on voit très distinctement une fine cuticule interne limitant la lumière de l'œsophage. On voit également, avant l'éclosion, que le bulbe dentaire avec son appareil masticateur, est formé, ainsi que la bouche et l'anus, bien que ces deux dernières ouvertures soient recouvertes par la cuticule primitive, de l'enveloppe tégumentaire qui est appelée à tomber immédiatement après l'éclosion. Il résulte de ce fait que l'œuf contient alors un animal obligé dès 326 OSMAN GALEB. pas recevoir d'appellation qui semble préjuger leur fonction ; je les désignerai simplement sous le nom de glandes intestinales. Elles jouent évidemment un rôle important dans l'acte de la digestion ; mais l'expé- rience n'ayant pas permis de préciser la nature de leurs sécrétions, il ne paraît pas raisonnable de dire, à priori, qu'elles représentent plutôt des cellules hépatiques que des cellules pancréatiques ou simple- ment gastriques. On est toujours tenté de rechercher les mêmes appa- reils ou des appareils similaires dans les animaux invertébrés et ver- tébrés. Il est évident que les phénomènes chimiques qui déterminent la transformation des aliments en substances assimilables sont des phénomènes généraux, mais il paraît juste de penser que ces phéno- mènes s'accomplissent par des moyens infiniment variés. Du reste, chacun sait que chez les animaux invertébrés les fonctions ne sont pas localisées au même degré que chez les vertébrés. La nutrition s'effectue, chez les Oxyures, d'une façon tout à fait lacunaire ; ils n'ont pas d'appareil circulatoire proprement dit, celui qu'on a regardé comme tel, étant considéré maintenant et avec raison comme un appareil d'excrétion. Les sucs nutritifs doivent transsuder lentement à travers les parois de l'intestin, après avoir été élaborés par l'action du suc sécrété par la couche cellulaire intestinale. Arrivés ainsi dans la cavité du corps, ils baignent les tissus et nourrissent leurs éléments ; c'est probablement « l'appareil gastrovasculaire » qui a pour mission d'éliminer les résidus de cette nutrition et les produits des combustions qui s'accomplissent dans le corps de l'animal. ORGANES GÉNITAUX FEMELLES. L'appareil génital des Oxyures femelles (pi. XXIV, fig. 1) est géné- ralement constitué de la manière suivante : Deux tubes ovariens ou ovaires, terminés en cfecum, se continuent chacun par un conduit appelé trom'pe. Les deux trompes, appelées aussi oviductes, viennent déboucher à leur tour dans un utérus qui communique lui-même avec l'extérieur par l'intermédiaire d'un canal appelé vagin. L'orifice de celui-ci à la surface de l'enveloppe tégumen taire est la vulve. Réduit à ses parties essentielles, et abstraction faite des différences de calibre de ses diverses régions, l'appareil génital femelle peut être considéré comme formé de deux tubes aveugles, venant déboucher au dehors par un conduit commun. Il en est de môme chez la plupart des ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 3'27 Nématodes; mais cet appareil peut encore se simplifier, et se réduire à un tube unique :'c'est ce qu'on remarque chez V Oxyuris blatlicnla et VO. œgyptiaca ; ces deux vers n'ont qu'un seul ovaire et par suite une seule trompe. Disposition des organes génitaux femelles. — Que l'appareil de la reproduction soit double ou unique, sa disposition dans la cavité gé- nérale est toujours des plus complexes. On peut cependant suivre ses contours assez facilement dans VO. blatticola ; mais, dans les espèces à double ovaire, il est difficile, môme impossible de détermi- ner sa forme, surtout si l'on a affaire à une femelle chargée d'oeufs. Cette difficulté résulte do ce que les trompes et les ovaires forment des circonvolutions nombreuses qui entourent l'appareil digestif. Dans la description, nous prendrons pour point de départ l'orifice vulvaire, après avoir défini sa position dans les différentes espèces. Chez VO. KiinckeliVà vulve est située à la région antérieure à la hau- teur du bulbe dentaire ; chez VO. Diesingi elle est placée toujours dans la moitié antérieure du corps, mais bien en arrière du bulbe den- taire ; chez les 0. spirotheca et hydrophili, elle se trouve vers le milieu du corps ; chez les 0. blattœ, panesthiae, hydroi, blatticola et xgyptiaca dans la moitié postérieure en tendant toujours à se rapprocher de la région caudale. On voit par cette énumération que la vulve s'ouvre tantôt dans la moitié antérieure du corps, tantôt dans la moitié pos- térieure. Pour faciliter les descriptions, on peut donc diviser à cet égard les Oxyures des insectes en deux groupes, l'un comprenant les 0. Diesingi et Kïinckeli et probablement d'autres espèces inconnues, l'autre renfermant les 0. blattœ, blatticola, pla7iesthix, œgyptiaca, spirotheca, hydroi, etc. Cette division n'est pas sans importance, car le changement de position de la vulve entraîne forcément le chan- gement de forme et de direction des organes qui viennent y déboucher. Ainsi, chez VO. Kilnckeli (pi. XXIII, fig. \,k), le vagin, quittant la vulve, se porte directement en arrière. L'utérus suit la même direc- tion et vient se terminer vers l'union du tiers postérieur avec les deux tiers antérieurs du corps de l'animal; dans le fond de l'utérus débou- chent les deux trompes, dirigées l'une en avant et l'autre en arrière, et les ovaires qui leur font suite prennent une direction inverse, et leurs cœcums se trouvent placés chacun dans une des moitiés du corps. Chez VO. Diesingi, le vagin se porte encore en arrière, ainsi que l'utérus, qui vient se terminer dans le voisinage du rectum. Les deux 328 OSMAN GALEB. trompes qui, à ce niveau, débouchent dans l'utérus, se replient sur elles-mêmes, remontent vers la région antérieure du corps, se con- tournent irrégulièrement autour de l'intestin, puis se continuent cha- cune par un ovaire. C'est dans les deux tiers postérieurs du corps que se trouve logée la plus grande partie des trompes et des ovaires. A part ces divCx^gences dans la situation des ovaires et des trompes on voit que, chez ÏO. Kûnckeli et VO. Diesingi, la disposition générale des organes génitaux est la môme : la vulve est située dans la moitié antérieure du corps ; le vagin et l'utérus se portent d'avant en arrière. Ces caractères sont ceux de notre premier groupe. Chez les autres Oxyures, c'est-à-dire chez ceux dont la vulve occupe la moitié postérieure du corps, il y a moins de différence entre les di- verses espèces, au point de vue de la disposition des organes génitaux. A partir de la vulve, le vagin et l'utérus se dirigent en avant ; les deux trompes qui font suite à l'utérus entourent le tuhe digestif de nom- breux replis et occupent, dans une femelle arrivée au terme de son développement, les deux tiers postérieurs de la cavité du corps ; ces trompent se dirigent ensuite en sens inverse l'une de l'autre, la première continuant la direction de l'utérus, et l'autre se portant en arrière. Des deux ovaires, celui qui fait suite à la trompe dirigée en avant occupe la moitié postérieure du corps, au voisinage du rectum, l'au- tre est situé dans la région antérieure. La direction des organes géni- taux femelles chez ceux de nos vers qui ont l'ouverture vulvaire au milieu du corps est analogue à celle de ce groupe. Parmi les espèces qui composent notre second groupe, nous avons nommé VO. hlatticola. Cette dernière offrant la particularité remar- quable de n'avoir qu'un seul ovaire, nous croyons à propos de décrire séparément la disposition de son appareil génital. Chez cet Helminthe (pi. XX, fig. \,k), le vagin se dirige d'arrière en avant, ensuivant la face ventrale de l'animal. L'utérus et la trompe, qui s'en différencient, se dirigent aussi vers l'extrémité céphalique. Au niveau du bulbe dentaire, la trompe change de direction en même temps qu'elle gagne la face dorsale, et marche alors d'avant en arrière. Parvenue au voisinage de l'anus, elle rebrousse chemin une seconde fois, et descendant au côté ventral du corps, reprend sa direction primitive d'arrière en avant. Après un court trajet dans ce sens, elle se termine au niveau même du point oii elle s'est différen- ciée de l'utérus. En cet endroit commence l'ovaire qui se porto en avant, puis se replie au niveau du bulbe dentaire, en gagnant la ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 329 région dorsale ; l'ovaire se termine en cul-dc-sac, àpeu près au milieu de la distance qui s'épare le bulbe dentaire de lanus. Chez VO. xgyp- tiaca (pi. XXVI, fig. 1, k), le tube génital suit à peu près une direction analogue. L'appareil génital, en le supposant déroulé, serait environ chez VO. blatticola sept ou huit fois plus long que le corps de l'animal. Nous avons dit que les trompes et les ovaires étaient enroulés autour de l'appareil digestif. Nous ajouterons que chez les Oxyures à double ovaire, l'un des deux caecums ovariens est généralement situé dans la moitié antérieure du corps au niveau du bulbe dentaire, le second se montre dans la moitié postérieure au voisinage de l'anus. Seul, parmi les Oxyures, trouvés jusqu'à présent chez les insectes, VO. Diesingi nous semble faire exception. Chez cet Helminthe, les deux culs-de-sac ovariens se trouvent en effet dans la région anté- rieure de la cavité générale où les ovaires entourent la naissance de l'intestin de nombreuses circonvolutions. Dans les jeunes femelles la disposition de l'appareil génital est beaucoup plus simple. Avant d'avoir acquis tout son développement cet appareil ressemble à ce que M. Perrier a décrit > dans une espèce à'Hedruris, VH. armata qu'il a découverte. Ce n'est que plus tard que l'ovaire, en s'allongeant, se contourne en divers sens et fmit par former ces circonvolutions embrouillées qu'on observe chez l'adulte. Description et histologie des organes génitaux femelles. — Dans cette description nous suivrons l'ordre que nous avons indiqué précédem- ment, et nous décrirons d'abord la vulve, et en dernier lieu l'ovaire. Vue de face, la vulve se présente sous la forme d'une fente ou boutonnière transversale, à peu près aussi large que le champ abdo- minal (pi. XX, fig. 5, k). En l'examinant de profil, on constate que ses lèvres forment une saillie plus ou moins considérable suivant les espèces. Tantôt ces deux lèvres sont également proéminentes, et c'est ce qui a lieu chez beaucoup d'Oxyures, tantôt, et VO. hydroi nous en fournit un exemple, l'une est plus développée que l'autre ; chez ce Nématode, on voit en effet la lèvre antérieure se prolonger en une sorte d'éperon et recouvrir la lèvre postérieure qui est beau- coup moins élevée (voy. pi. XXV, fig. 1, k). C'est surtout chez VO. Kilnckeli que nous avons le mieux étudié la structure de la région vulvaire ; ce qui va suivre se rapporte donc plus ^spécialement à cet animal. Les lèvres que l'on voit sont de 1 Ed. Perrier, loc. cit., pi. II, fig. 24. 328 OSMAN GALEB. trompes qui, à ce niveau, débouchent dans l'utérus, se replient sur elles-mêmes, remontent vers la région antérieure du corps, se con- tournent irrégulièrement autour de l'intestin, puis se continuent cha- cune par un ovaire. C'est dans les deux tiers postérieurs du corps que se trouve logée la plus grande partie des trompes et des ovaires. A part ces dive^'gences dans la situation des ovaires et des trompes on voit que, chez YO. Kûnckeli et VO. Dieslngi, la disposition générale des organes génitaux est la môme : la vulve est située dans la moitié antérieure du corps ; le vagin et l'utérus se portent d'avant en arrière. Ces caractères sont ceux de notre premier groupe. Chez les autres Oxyures, c'est-à-dire chez ceux dont la vulve occupe la moitié postérieure du corps, il va moins de différence entre les di- verses espèces, au point de vue de la disposition des organes génitaux. A partir de la vulve, le vagin et l'utérus se dirigent en avant ; les deux trompes qui font suite à l'utérus entourent le tutie digestif de nom- breux replis et occupent, dans une femelle arrivée au terme de son développement, les deux tiers postérieurs de la cavité du corps ; ces trompent se dirigent ensuite en sens inverse l'une de l'autre, lapremière continuant la direction de l'utérus, et l'autre se portant en arrière. Des deux ovaires, celui qui fait suite à la trompe dirigée en avant occupe la moitié postérieure du corps, au voisinage du rectum, l'au- tre est situé dans la région antérieure. La direction des organes géni- taux femelles chez ceux de nos vers qui ont l'ouverture vulvaire au milieu du corps est analogue à celle de ce groupe. Parmi les espèces qui composent notre second groupe, nous avons nommé VO. blatticola. Cette dernière offrant la particularité remar- quable de n'avoir qu'un seul ovaire, nous croyons à propos de décrire séparément la disposition de son appareil génital. Chez cet Helminthe (pi. XX, fig. 1 ,k), le vagin se dirige d'arrière en avant, ensuivant la face ventrale de l'animal. L'utérus et la trompe, qui s'en différencient, se dirigent aussi vers l'extrémité céphalique. Au niveau du bulbe dentaire, la trompe change de direction en même temps qu'elle gagne la face dorsale, et marche alors d'avant en arrière. Parvenue au voisinage de l'anus, elle rebrousse chemin une seconde fois, et descendant au côté ventral du corps, reprend sa direction primitive d'arrière en avant. Après un court trajet dans ce sens, elle se termine au niveau même du point oii elle s'est différen- ciée de l'utérus. En cet endroit commence l'ovaire qui se porte en avant, puis se replie au niveau du bulbe dentaire, en gagnant la ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 320 région dorsale; l'ovaire se termine en cul-de-sac, à peu près au milieu de la distance qui s'épare le bulbe dentaire de 1 anus. Chez VO. xgyp- tiaca (pi. XXVI, fig. 1, /.:), le tube génital suit à peu près une direction analogue. L'appareil génilal, en le supposant déroulé, serait environ chez VO. blatticola sept ou huit fois plus long que le corps de l'animal. Nous avons dit que les trompes et les ovaires étaient enroulés autour de l'appareil digestif. Nous ajouterons que chez les Oxyures à double ovaire, l'un des deux csecums ovariens est généralement situé dans la moitié antérieure du corps au niveau du bulbe dentaire, le second se montre dans la moitié postérieure au voisinage de l'anus. Seul, parmi les Oxyures, trouvés jusqu'à présent chez les insectes, rO. Diesingi nous semble faire exception. Chez cet Helminthe, les deux culs-de-sac ovariens se trouvent en effet dans la région anté- rieure de la cavité générale oii les ovaires entourent la naissance de l'intestin de nombreuses circonvolutions. Dans les jeunes femelles la disposition de l'appareil génital est beaucoup plus simple. Avant d'avoir acquis tout son développement cet appareil ressemble à ce que M. Perrier a décrit ' dans une espèce ôiHedrwns, VH. armata qu'il a découverte. Ce n'est que plus tard que l'ovaire, en s'allongeant, se contourne en divers sens et finit par former ces circonvolutions embrouillées qu'on observe chez l'adulte. Description et histologie des organes génitaux femelles. — Dans cette description nous suivrons l'ordre que nous avons indiqué précédem- ment, et nous décrirons d'abord la vulve, et en dernier lieu l'ovaire. Vue de face, la vulve se présente sous la forme d'une fente ou boutonnière transversale, à peu près aussi large que le champ abdo- minal (pi. XX, fig. 5, A"). En l'examinant de profil, on constate que ses lèvres forment une saillie plus ou moins considérable suivant les espèces. Tantôt ces deux lèvres sont également proéminentes, et c'est ce qui a lieu chez beaucoup d'Oxyures, tantôt, et VO. hydroi nous en fournit un exemple, l'une est plus développée que l'autre ; chez ce Nématode, on voit en effet la lèvre antérieure se prolonger en une sorte d'éperon et recouvrir la lèvre postérieure qui est beau- coup moins élevée (voy. pi. XXV, fig. 1, k). C'est surtout chez rO. Kûnckeli que nous avons le mieux étudié la structure de la région vulvaire ; ce qui va suivre se rapporte donc plus ^spécialement à cet animal. Les lèvres que l'on voit sont de • Ed. Perrier, Iqc. cit., pi. II, fig. 24. 330 OSMAN GALEB. nature chitineiisc. On peut aussi constater facilement, h l'inté- rieur de la vulve, d'autres proéminences chitineuses autour des- quelles s'attache le vagin. C'est aussi sur ces dernières que viennent s'insérer deux groupes de fibres musculaires. L'un, antérieur, part de la saillie vulvaire interne et se porte directement en avant : il se confond alors avec les muscles du corps et vient s'insérer à la surface interne de la peau ; l'autre, ou faisceau postérieur, fixé à la saillie postéro-interne de la vulve, se dirige en arrière et se" termine comme le premier. Ces deux groupes de fibres musculaires constituent en quelque sorte un muscle dilatateur de la vulve. Le vagin, de forme tubulaire, se compose d'une cuticule externe ou tunique propre excessivement mince, et d'un système de muscles très développé. Ce système est formé par deux couches de fibres intriquées, les unes longitudinales, les autres circulaires, faciles à observer, surtout si l'on emploie des réactifs colorants après avoir traité l'animal par l'alcool absolu. Ces fibres rappellent, par leur dis- position, les muscles lisses de l'intestin des vertébrés, et l'analogie se poursuit dans leur mode de fonctionnement. En effet, si on observe une femelle vivante, dont les voies génitales ne sont pas obscurcies par l'abondance des œufs, on constate un mouvement continuel de va-et-vient, péristaltique et antipéristaltique, déterminé dans le vagin par les muscles en question. Le vagin est tapissé intérieurement par un épithéiium pavimenteux à grosses cellules pourvues de noyaux. 11 ne frotte pas librement dans la cavité générale, mais des fibres appartenant au tissu spongieux, viennent s'insérer à sa surface, parti- culièrement dans le voisinage des lèvres chitineuses internes de la vulve, et le maintiennent en place. L'utérus, qui fait suite au vagin, présente d'ordinaire un diamètre plus considérable ; celui de VO. blatticola (pi. XX, fig. 4) se fait remar- quer par son aspect piriforme. A l'endroit où il se distingue du vagin, on observe un rétrécissement muni d'une sorte de sphincter, qui peut par sa contraction, isoler complètement les deux cavités de l'utérus et du vagin. On observe avec la plus grande netteté cette disposition chez l'O. Kûnckeli (pi. XXIV, fig. 1, v). Chez tous les Oxyures, il n'y a qu'un utérus, bien que Bûtschli en ait décrit deux chez VO. blaltx. L'erreur de cet auteur vient proba- blement de ce qu'il n'apuobserverle point exact et fort difficile avoir, où le vagin s'unit à l'utérus. Pour se rendre compte de la différence de forme et de structure de ces deux parties, il suffira d'examiner la ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 331 planche XXIV, fig. 1, où nous représentons l'appareil reproducteur d'un 0. Kûnckeli femelle. Cette figure fait voir que le vagin est cons- titué par un tube d'un calibre uniforme, suivi d'un autre plus large, qui est l'utérus. La structure de l'utérus, comme d'ailleurs celle des trompes, est la même que celle du vagin. Il est cependant difficile d'y reconnaître des muscles ; mais on ne saurait nier leur existence quand on a vu les mouvements propres dont est doué un segment quelconque de cet organe. Suivant l'état de contraction ou de relâchement du tube génital, les cellules épithéliales qui le revêtent éprouvent dans leur forme des modifications considérables, qui se font même sentir sur le noyau de ces cellules. Chez VO. blatlicola la surface de l'utérus est couverte d'une mul- titude de petites glandes monocellulaires piriformes qui doivent sécréter probablement une substance ayant pour fonction de faci- liter le glissement des œufs, et par suite la ponte. Les trompes ne se continuent pas sans transition avec les ovaires ; elles offrent d'abord une dilatation, puis un rétrécissement. La dila- ,y^ tation, que nous avons observée chez tous nos Entozoaires, a été étu- diée pour la première fois par M. le professeur PerrierS dans VH. armata. Elle renferme des œufs, les uns ayant déjà leur coque, les autres ne la possédant pas encore, et contient souvent aussi des pro- ductions qui ressemblent à des Diatomées, sur la nature desquelles les naturalistes ne sont pas encore fixés. C'est dans cette partie dilatée que se rencontrent les spermato- zoïdes. Nous pourrons donc, à juste titre, considérer cette région de l'ovaire comme un véritable réservoir séminal (pi. XXI, fig. 2, rs). Entre cette dilatation et l'ovaire on voit, avons-nous dit, une partie rétrécie dont la longueur est assez variable. Les auteurs la confondent habituellement avec le réservoir spermatique, parce que par moments, on y trouve un grand nombre de spermatozoïdes; mais comme ces derniers sont bien plus abondants à l'intérieur de la por- tion dilatée que nous venons de signaler, nous conserverons pour cette dernière, à l'exemple de M. Perrier, le nom de « réservoir séminal. » D'ailleurs, on peut trouver des spermatozoïdes non seulement dans ce réservoir et dans la portion rétrécie des trompes que nous appelle- rons simplement tube intermédiaire, mais même aussi dans le com- 1 Ed. Perrier, loc cit., p. 49. 332 OSMAN GALEB. mencement de l'ovaire, comme je l'ai observé parfois chez VO. blat- ticola par exemple. La structure du tube intermédiaire est très simple : ce tube se compose d'une tunique propre, tapissée intérieurement d'une assise de cellules épithéliales. (pi. XXI, fig. 2, tl). On ne distingue au pre- mier abord, sur toute sa longueur, que deux colonnes de cellules étroi- tement juxtaposées; mais, sur une coupe optique transversale, on constate que la lumière du tube est circonscrite par quatre cellules. Le tube est donc en réalité tapissé intérieurement d'une couche de cellules disposées en quatre colonnes. En parlant du vagin, nous avons décrit un système de faisceaux fibrillaires, s'insérant d'une part sur le corps du vagin, et de l'autre se confondant avec le tissu spongieux et enserrant l'organe dans une sorte de réseau qui l'empêche de flotter librement. On observe la même disposition pour l'utérus, les trompes et les ovaires, mais les fibres du réticulum, relativement fortes et résistantes au niveau du vagin, et surtout au voisinage de la vulve, deviennent, autour de l'utérus et des trompes d'une délicatesse et d'une fragilité ex- trêmes. L'ovaire présente ordinairement l'apparence d'un cône très allongé dont le sommet serait tronqué et terminé en csecum, et dont la base se continuerait avec la trompe. Cette forme du tube ovarien est en rapport avec les phénomènes dont il est le siège ; car les germes, en progressant dans cet organe, doivent occuper, à mesure qu'ils gros- sissent, un espace de plus en plus large. Les ovaires sont constitués par une tunique propre anhiste et excessivement fine, tapissée intéiieurement d'un épithélium très dif- ficile à voir chez les vieilles femelles. La tunique s'épaissit quelquefois considérablement, au niveau du cul-de-sac ovarien. Le carmin, quia la propriété de colorer l'épithélium et les germes, permet de distin- guer facilement la tunique propre sur un ovaire traité par cette ma- tière colorante. L'épithélium de l'ovaire est pavimenteux et formé d'une seule couche de cellules à noyaux nucléoles. On le voit assez nettement chez les jeunes femelles, lorsque les œufs sont en voie de pro- gression pour s'empiler dans la longueur de l'ovaire (pi. XXVI, fig. 3 et 4). Chez les femelles avancées en âge au contraire, l'épithélium cesse d'être visible ; les œufs, remplissant complètement sa capacité, le dépriment, pour ainsi dire, et le rendent inaccessible au regard de ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 333 l'observateur. Dans la partie de l'ovaire qui fait suite aux trompes, on peut le distinguer assez bien; mais nous le répétons, dans l'extrémité en caecum, surtout chez les femelles qui ont déjà fait plusieurs pontes, il est bien moins facile à découvrir. Sur les figures 3 et 4 de la planche XXVI, on voit nettement le con- tour de ces cellules épithéliales dans l'ovaire d'un 0. Panesthix, mais seulement aune certaine distance du ceecum. Une particularité qu'on remarque chez les femelles, même avant le complet développement des organes sexuels, c'est la présence, à l'extrémité des CEecums ovariens, d'une grosse cellule munie d'un noyau (pi. XVIII, lig. 2, co, et pi. XXVI, fig. 4). Les cellules voisines tandissont beaucoup plus petites et mesurent seulement de 55 à 90 [j-, que le diamètre de la grosse cellule est plus que double. Plus on se rapproche des trompes, plus les germes s'agrandissent, et, bien que l'ovaire s'élargisse dans la môme région, il arrive un moment oii les germes, devenus énormes par le progrès du dévelop- pement, ne pouvant plus tenir deux à la fois à la même hauteur, passent l'un sur l'autre et s'empilent ainsi dans le reste de l'ovaire. Cet arrangement des œufs « en pile » a été observé chez un grand nombre de Nématodes. Ces œufs, qui ne sont pas encore parfaits, achèveront de mûrir pendant le temps qu'ils emploieront à par- courir le trajet qui les sépare de la vulve, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils soient pondus. Description de l'œuf. — La forme fondamentale de l'œuf mûr est à peu près la même chez tous les Entozoaires des insectes que nous avons eu l'occasion d'examiner. Chez les parasites des Blattides, l'œuf est exactement ovoïde, l'un des pôles étant toujours plus étroit que l'autre. Chez les 0. Diesingi, Kiinckeli, œgyptiaca, et autres espèces trouvées dans des Blattides exotiques, sa forme est celle que nous venons d'indiquer. Chez les 0. hlattœ, blatticola, etc., l'œuf s'éloigne de la forme fondamentale en ce qu'il est aplati sur un de ses côtés. Chez les Oxyures des Hydrophilides, les deux pôles de l'œuf sont égaux ; celui-ci ressemble alors à une ellipse allongée et régulière (pi. XXV, fig. 5 et 6). L'œuf des Oxyures des insectes, arrivé à maturité, c'est-à-dire tel qu'on le rencontre dans l'oviducte, l'utérus et le vagin de ces ani- maux, se compose essentiellement des parties suivantes : V un vitel- lus granuleux, qui présente en un point variable de sa masse une vésicule germinative; 2° une matière fluide, comparable seulement, 334 OSMAN GALEB. par son aspect et sa position, à l'albumine de l'œuf des oiseaux; 3° une membrane vitelline; 4° unchorion ou coque. Le vitellus de l'œuf mûr se présente généralement, au milieu de lasubstance périvitelline, sous la forme d'une masse arrondie et trouble. 11 se compose de petits granules réfringents, colorés en jaune brun et agglutinés les uns aux autres par une substance transparente. A l'intérieur du vitellus, généralement au centre, on trouve la vésicule germinative, qu'on aperçoit surtout très nettement dans les œufs non encore revêtus de leur coque et dans ceux qui la possè- dent lorsque le vitellus n'a pas encore subi son retrait. Son contour est bien arrondi, quoiqu'il ne paraisse pas limité par une membrane propre ; sa substance est seulement plus dense à la périphérie. La tache germinative est également très facile à voir dans les germes incomplè- tement développés; mais, dans les œufs arrivés à maturité, on ne voit plus que difficilement la vésicule germinative et la tache. En nous occupant du développement de l'œuf, nous aurons occasion d'expliquer la cause de ce phénomène. La substance hyaline, qui remplit l'espace compris entre le vitellus et la membrane vitelline, varie en quantité suivant les espèces. Chez les Oxyures parasites des Blattides, elle remplit les deux tiers de la coque, tandis que, chez les Oxyures des Hydrophilides, elle est très réduite. On sait d'ailleurs que, chez les Ascarides, elle est aussi très peu abondante (A. rigida), et que, chez le Cucullanus e/egans, on la distingue à peine, parce qu'elle est intimement mêlée à la substance vitelline. Le môme fait s'observe aussi dans l'œuf de VO. vermicularis. Ordinairement transparente et incolore, cette substance acquiert dans l'œuf mûr de VO. KûnckeU, une coloration d'un jaune verdâtre. On pourrait croire que cette couleur est celle de la coque; mais si, par un procédé quelconque, on parvient à déchirer le chorion et la membrane vitelline, le liquide qui tient le vitellus en suspension s'écoule au dehors, et il est alors facile de constater que cette teinte spéciale disparaît en même temps. Peut-être faudrait-il attribuer à une coloration du même genre les teintes qu'on attribue générale- ment à la coque. La membrane vitelline est transparente et anhiste. Elle est très élastique et revient sur elle-même quand, par une cause quelconque, dans le cours du développement par exemple, le liquide périvitellin vient à diminuer de quantité dans l'œuf. On considère généralement la membrane vitelline comme formée aux dépens de la couche la ORGANISATION ET DÉVELOPPEiMENT DES OXYURIDÉS. ^^3V^ plus externe du protoplasma ovulaire, à un moment où le liquide pcrivitellin n'est pas 'encore séparé de la masse vitelline. La coque, ou chorion, existe chez nos Oxyures comme chez tous les Nématodes dont le développement embryonnaire se fait, au moins en partie, à l'état de liberté. Vue au microscope, elle présente un double contour, et, parla pression, on peut quelquefois la séparer en trois feuillets, par exemple chez VO. blalticoJa (pi. XXII, fig. 11). La sm'face extérieure du chorion est généralement unie et lisse chez nos Oxyures ; mais on y trouve cependant, chez certaines espèces, des appendices remarquables. Chez VO. Kûnckeli, c'est une crête élevée quioccupetoutelalongueurdel'œuf (pl.XXIV,fig. 4 et 5); chez les parasites des Hydrophilides, l'œuf est entouré d'un filament en spirale, dont les tours contigus forment un second chorion exté- rieur au premier. Ce fdament se déroule au moment de la ponte, et joue un rôle des plus importants; il sert à fixer l'œuf aux plantes aquatiques (voir le chapitre de la Propagation). La coque est formée tantôt d'une seule pièce, comme chez VO. Kïmckeli et les Nématodes des Hydrophilides, tantôt de deux pièces qui, en s'appliquant l'une sur l'autre par leurs bords, donnent au chorion l'aspect d'une boîte à savonnette (pi. XVIII, fig. 6, et pi. XXI, fig. 5). Ce dernier fait se rencontre chez les 0. Diesingi, blattx, blatti- cola, xgyptiaca, et d'autres espèces exotiques. La coque est traversée d'une multitude de canaux poreux, qui se montrent surtout avec évidence sur des œufs traités par l'eau aci- dulée. Elle se compose, au point de vue chimique, de deux substances principales : l'une calcaire, l'autre chitineuse. En traitant l'œuf par l'acide acétique très-étendu, la matière calcaire se dissout, et on peut alors apprécier que le chorion est doué d'une élasticité considérable. Dans cet état, les matières colorantes pénètrent facilement dans l'intérieur de l'œuf et colorent le vitellus. DÉVELOPPEMENT DES ORGANES GÉNITAUX. Avant Schneider, les naturalistes n'avaient point étudié le dévelop- pement des organes génitaux, mais déjà depuis longtemps ils s'étaient occupés de la formation de l'œuf dans l'ovaire de la femelle adulte. Il nous paraît intéressant de résumer ici la manière de voir des diffé- rents auteurs pour montrer les phases par lesquelles a passé la question. 336 OSMAN GALEB. En 1837, Sicbold ' constata dans l'extrémité aveugle des tubes ova- riens la présence d'une masse claire, vésiculeuse, dans laquelle s'amassent plus loin des granulations vitellines ; il vit aussi ces gra- nules former, par leur réunion, de petites masses arrondies, conte- nant chacune une vésicule et une tache germinative ; mais il ne chercha pas à expliquer le rôle de cette substance vésiculeuse. Reichert ^ décrivit avec plus de détails et d'exactitude les phéno- mènes qu'il avait observés dans le ceecum ovarien et considéra les cellules de cette partie de l'ovaire comme des cellules complètes, pourvues chacune d'une enveloppe et d'un noyau ; selon lui, ces cellules se multiplieraient par division endogène et donneraient nais- sance aux œufs. Suivant Nelson^ des noyaux libres se détachent de la paroi du cae- cum ovarien; ces noyaux commencent par être des granulations et deviennent, en se développant, des vésicules germinatives ; ces vési- cules s'entourent alors de vitellus et constituent les œufs. Meissner^ reprit la question et décrivit dans le cul-de-sac ovarien du Merinis alblcam des cellules complètes qui se succèdent de façon à former un chapelet dans Taxe de l'ovaire. Suivant le même auteur, chacune de ces u cellules mères » donne naissance, par bourgeonne- ment périphérique, à des a cellules filles» qui lui forment une cou- ronne. Les cellules mères, superposées par leur succession, consti- tuent un « rachis », chargé de fournir les éléments vitellins aux cellules filles qui deviendront les œufs. Chaque œuf, en se détachant du rachis, garde au niveau de son insertion une ouverture, qui est le micropyle. Allen Thompson ' décrit dans le fond de l'ovaire des noyaux qui s'entourent bientôt d'une masse granuleuse sombre. Suivant que ces masses s'entoureront ou non d'une membrane d'enveloppe, elles de- viendront les cellules mères des spermatozoïdes ou des œufs. 1 SiEËOLD, Helminlhulogische Beiirage, Archiv. fur Nat. von Wiegmann, Bd. III, 1836, p. 105; Bd.. 1837, p. GO. - Beichert, lieilrage zur Enlwickelungsgeschichte der samenkurperchen, bei den Nematoden (MuUer's Archiv., 1847, p. 88 et suiv., pi. VI). 3 Nelson, Ihe Reproduction of the Ascaris myslax. {rhilosophical Transactions of tlie lioyal Society, 18o2, p. 57â, pi. XXVli, fig 39). *Meissner, beiirage z-ur Atialomieund Pliysiologie von Mermis alhïcans {Zeitschr. fur wiss. ZuoL, Bd. V, dcc. 1853, p. 207 et suiv., pi. XIV, lig. 28). •^ Allen Thompson, Ueber die Samenkôrperclien, die Eier und die Befruchtung der Ascaris myslax. {Zeitschrift fUr wiss. ZooL, Bd. VIII, 1857, p. 428 et suiv.) ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYUKIDÉS. 337 Claparède ' a reconnu dans le cœcum ovarien l'existence d'une substance homogène pourvue de noyaux nucléoles, et c'est de cette substance que les œufs tirent leur origine. M. Ferez-, dans son remarquable travail sur l'Anguillule terrestre, semble incliner vers les idées de Nelson, sans vouloir cependant faire jouer aucun rôle aux parois de l'ovaire dans la genèse des germes ; il considère les vésicules germinatives comme provenant de granula- tions nées par génération spontanée, qui s'accroîtraient et se nour- riraient aux dépens de la matière protoplasmatique que renferme le fond de l'ovaire. Voici d'ailleurs l'exposé textuel des idées de M. Ferez : « Le fond de l'ovaire est constamment rempli de noyaux arrondis ou sphéroïdes, très brillants, ayant un diamètre de 0°"",003 à 0""",035. Une substance d'apparence gélatineuse est interposée à ces noyaux et les maintient adhérents les uns aux autres... cette substance inter- posée est peu abondante. Sécrétée par le fond du cul de-sac ovarien, elle engendre à son tour les noyaux. Ceux-ci commencent à apparaître dans sa masse sous forme de granulations vagues et mal définies, qui acquièrent bientôt en grossissant des contours plus arrêtés et une réfringence plus prononcée... La paroi de l'ovaire n'intervient donc point directement dans la formation des noyaux; elle est con- stamment libre de toute adhérence avec ces corpuscules. Le fond du tube ovarien produit simplement, par une sorte d'exsudation, une matière amorphe, et celle-ci une fois formée donne naissance aux noyaux. » Flus tard, cette substance amorphe devient moins abon- dante à mesure que les noyaux progressent vers l'oviducte, et alors, ajoute M. Ferez, «le noyau qui s'était développé et accru à l'aide et aux dépens de cette gangue génératrice, ne se nourrira plus que par imbibition, au milieu d'un liquide très-peu abondant sécrété par le tube ovarien. » Pour Ed. van Beneden^ le contenu du caecum ovarien est formé de noyaux nucléoles séparés les uns des autres par un liquide vis- queux, finement granuleux et contractile, et ces noyaux sont bien certainement les jeunes vésicules germinatives. Il nous reste maintenant à parler des travaux de Schneider*; ils 1 Ed. Glaparède, De la formation et de la fécondation des œufs chez les vers Né~ malades, p. 38. 2 J. Ferez, loc. cit., p. 80 et 82. 3 Ed. Van Bexeden, Recherches sur la composition et la signification de l'œuf [Mem. de VAcad. des se. et lett. de Bruxelles, p. 87.) * Ant. Schneider, Monographie der Nematoden, p. 2G3 et suiv. AHCn. DE ZOOL. EXP. ET GKX. — T. VTI. 1878. 22 338 OSMAN GALEB. appartiennent à la série des publications où il est parle du dévelop- pement des organes reproducteurs avant celui de l'œuf. Suivant cet auteur, les organes génitaux se développent aux dépens d'une simple cellule que l'on observe facilement chez les jeunes em- bryons, et qu'on retrouve même pendant quelque temps dans la suite du développement embryonnaire. Déjà pendant cette période, cette cellule s'allonge en boyau, son contenu augmente en même temps de volume pendant que son noyau se divise et se subdivise, et, au lieu d'un noyau, on finit par en trouver plusieurs. Le contenu de cette cellule multinucléaire se sépare alors en deux couches, l'une externe ou stroma, l'autre interne ou colonne germinative {Keimsaûle), for- mant une sorte de cordon qui traverse l'axe du stroma. A l'extré- mité qui correspondra au csecum ovarien, une portion de la colonne germinative, munie d'un noyau, rarement de plusieurs, ne tarde pas à se différencier pour constituer la « cellule terminale. » [Ter- minalzelle) immédiatement sous-jacente à la membrane d'enveloppe. Le stroma formera plus tard les cellules épithélialcs de la trompe et de l'utérus. La colonne germinative est constituée primitive- ment par une substance à peu près hyaline, qui renferme un grand nombre de noyaux. Mais, peu de temps après la différenciation, cette substance internucléaire se divise, et en se contractant forme autour de chaque noyau une petite masse sphérique. Cette division ne s'é- tendant pas jusqu'à l'axe, il en résulte que les petites sphères restent attachées à une colonne centrale ou « rachis » qui s'arrête à la cellule terminale. Les petites masses qui se sont formées de cette manière aux dépens de la colonne germinative , peuvent être considérées comme des cellules dont chacune deviendra un œuf. Les œufs sont d'autant plus gros qu'on se rapproche davantage de la trompe. Par la suite du développement, leur contenu, d'abord hyalin, s'infiltre de granulations vitellines. Enfin quand l'œuf a acquis sa grosseur défi- nitive, il se détache du rachis, conservant au point par où il était at- taché une ouverture, qui estlemicropyle. Quand la colonne germina- tive a épuisé ses facultés prolifiques, c'est la cellule terminale qui donne naissance à de nouveaux germes. M. Marion* nous dit qu'il est très facile de suivre le développement de l'appareil génital femelle chez la plupart- des espèces de Néma- toïdes non parasites marins; il a vu d'abord se former contre la pa- 1 F. Marion, loc. cit., p. 73 et suiv. ' ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. ^39 roi du coi'ps, vers la région moyenne et à la face anale, une cellule hyaline, dont les éléments sont fournis par le liquide nutritif de la cavité générale; mais il lui a été impossible de déterminer exactement le mode de formation de cette cellule. Celle-ci s'étire ensuite en un boyau, dont les deux extrémités aveugles forment les cœcums ova- riens; plus tard, un bourgeon adventif se développe aux dépens de la région médiane du boyau et va se greffer au tégument, pour former le vagin et l'ouverture vulvaire. En un mot, pour résumer les idées de M. le professeur Marion, c'est une cellule unique qui for- merait les organes génitaux par simple allongement sans pro- lifération, et c'est le contenu de cette cellule allongée qui s'organi- serait en cellules épithéliales et en œufs. L'enveloppe de la cellule génitale formera en s'allongeant la tunique propre des organes génitaux. D'après M. le professeur Balbiani, les premiers rudiments des or- ganes génitaux se formeraient aux dépens d'une cellule ; cette cellule primitive, enfouie alors dans une gaine cellulaire, se dédoublerait. Les deux cellules qui résulteraient de ce dédoublement seraient, d'après lui, les cellules ovigères du fond de l'ovaire ; chez les femelles adultes, tous les œufs tireraient leur origine de ces cellules mères. M. Balbiani n'a jamais vu la cellule primitive s'allonger en long boyau, comme l'ont indiqué MM. Schneider et Marion '. Maintenant que nous avons rapporté, sans les commenter, les observations des divers auteurs, nous allons exposer le résultat de nos propres recherches. Chez les Oxyures que nous avons observés, le premier rudiment des organes génitaux ne commence à se montrer qu'après le développe- ment complet des organes de la vie végétative. Chez ces Helminthes, et surtout les Oxyun's blattse et blatticola que j'ai plus spécialement étudiés sous ce rapport, je n'ai jamais vu l'ap- pareil sexuel provenir d'une cellule qui s'allonge en boyau, compa- rable à celle décrite par MM. Schneider et Marion. J'ai toujours constaté que le point de départ de cet appareil est une cellule en- fouie dans l'épaisseur du champ abdominal, peut-être une des cellules qui appartiennent au système tégumentaire. Cette cellule, en proliférant, donne naissance à un bourgeon que 1 M. Baîbiani, professeur au Collège de France, a mis une obligeance extrême à me donner des conseils et des renseignements ; qu'il me permette de lui adresser mes meilleurs remerciements. 340 OSMAN GALEB. j'appellerai bourgeun primitif. 11 est composé d'un nombre de cellules plus ou moins considérable suivant l'époque à laquelle on l'observe. Au bout d'un certain temps, ce bourgeon se bifurque (pi. XVII, fig. 4 et 5) ; chacune de ses branches ou bourgeons secondaires, for- mera plus tard une trompe et un^ ovaire, tandis que le bourgeon pri- mitif formera le vagin et l'utérus. Il n'est guère besoin d'ajouter que chez les espèces à ovaire unique, le bourgeon primitif ne se bifurque pas. Les bourgeons secondaires sont primitivement pleins. Ils sont con- stitués par un amas de cellules à contour net, étroitement juxtapo- sées, dont la substance est finement granuleuse et pourvue au centre d'un noyau. A mesure qu'on se dirige vers l'extrémité de ces bour- geons, le protoplasma cellulaire devient de plus en plus granuleux et paraît par suite acquérir une vitalité plus grande; les cellules de- viennent aussi plus volumineuses; de sorte que celles de l'extrémité, et surtout la dernière, sont les plus sombres et les plus grosses de toutes. A cette période du développement, les organes génitaux n'ont pas encore de tunique propre. La fente vulvaire n'est pas encore for- mée, et sa place n'est indiquée que par l'insertion du bourgeon pri- mitif. Dans les bourgeons secondaires, en voie de prolifération rapide, on ne distingue ni cellule ovigère ni colonne germinative, dans le sens que Schneider attache à ces dénominations ce qui frappe le plus l'ob- servateur, c'est la présence d'une grosse cellule qui termine chaque bourgeon génital. Enfin l'achèvement du développement des organes génitaux se fait par l'apparition de la tunique propre qui est, avons- nous dit, transparente et sans structure appréciable. En ce moment alors il se passe, dans les cellules terminales des bourgeons secondai- res, des phénomènes de prolifération rapide, de sorte que les caecums ovariens, dont le développement vient à peine d'être achevé, se trouvent remplis d'une masse de cellules nues ou gymnocelles, off'rant l'aspect d'une substance transparente dans laquelle sont enchâssés les noyaux. Cette sorte de gelée est facile à reconnaître dans les femelles d'Oxyures encore jeunes. Les noyaux de ces cellules mères deviendront les véritables vésicules germinatives, et le protoplasma qui entoure chacun d'eux, une fois développé et rempli de granules, formera le vitellus proprement dit. Les premiers œufs des Oxyures ne se développent donc pas aux dé- pens d'une colonne germinative, et nous pensons qu'il en est de même pour tous les Nématodes sans rachis. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 341 Il nous reste maintenant, pour compléter cet exposé, à parler de la grosse cellule, lacellule terminale (pi. XXVI, fig. 4) que nous avons souvent rencontrée, mais pas constamment, au fond de l'ovaire des femelles adultes, et à laquelle certains auteurs modernes attribuent un rôle des plus importants. Elle serait, suivant eux, la cellule mère des œufs; M. le professeur Balbiani en est fermement convaincu et croit que cette cellule est la première formée dans les organes génitaux. L'auteur qui s'est le plus occupé de cette cellule chez les vers est Claparède. « Nous ne pouvons pas, rapporte cet observateur', dire si cette cellule est liée par un rapport génétique avec les vésicules germinatives, si elle les engendre, en un mot. En tout cas, elle paraît appartenir bien décidément à la paroi du tube générateur, et ne doit être considérée que comme le nucléus d'une cellule épithéliale peu distincte. » La manière de voir de cet auteur ne nous paraît pas complètement justifiée; car, dans certains cas, lorsque le cœcum ovarien (pi. XVIII, flg. 2, co) a été pénétré par l'eau, on voit cette cellule, ainsi que les autres, s'éloigner de la paroi ; elle a son noyau nucléole parfaitement défmi, et est entourée d'une substance protoplasmatique périphérique. En un mot, la position et l'aspect qu'elle prend dans un cœcum distendu par l'eau montrent claire- ment qu'elle n'appartient pas au système de l'épithélium ovarien ; je ne crois pas non plus, à l'exemple de beaucoup d'auteurs, que cette cellule soit la mère unique de tous les germes, mais je ne lui dénie pas cependant la faculté d'en produire. Gomme toutes les gymno- celles qui l'entourent donnent naissance à des germes, rien ne nous autorise à lui refuser la même propriété poussée peut-être à un très haut degré ; nous lui refuserons seulement, jusqu'à plus ample infor- mé, le monopole de cette production , en avouant toutefois que si, chez l'O. blatticola, nous avons pu observer fréquemment les gym- nocelles en voie de prolifération pour donner naissance à déjeunes ovules, il ne nous a jamais été donné de voir cette grosse cellule subir le même processus. Cependant tout fait supposer qu'elle doit avoir un rôle très important dans l'ovogénie des Nématodes.Du reste, ses fonctions paraissent aujourd'hui bien définies chez les Articulés. Claparède- et van Beneden^ ont vu, chez le CucuUanus elegans, les 1 Ed. Claparède, De la formation et de la fécondation des œufs cliez les vers AV- matodes {Mdm. de la Soc. de phys. et des se. nal. de Genève, XV, 1859-60, p. 45). 2 Ed. Claparède, loc. cit., p. 42, pi. IV, fig. 5 et 6, a, 3 Ed. V. Beneden, loç. cit., p. 93. 342 OSMAN GALEB. jeunes ovules se multiplier par division. Biitschli a observé le même fait chez VO. Diesingi, et nous-même avons pu vérifier cette observa- tion. Van Beneden fait d'ailleurs remarquer que chez les Trématodes cette multiplication des ovules par division se voit très-fréquem- ment. Aucun œuf ne se développe donc chez nos vers aux dépens d'une, colonne germinative ; tous les œufs proviennent du fond de l'ovaire et sont une transformation directe des gymnocelles qui remplissent le cœcum de cet organe, dont nous avons montré l'origine. D'ailleurs, s'il pouvait rester un doute à cet égard, il suffirait d'examiner les figures 3 et 4 de la planche XXVI, qui représente les caecums ovariens incomplètement développés d'un 0. Panesthiœ. On reconnaît par ces figures que les premiers œufs sont déjà en voie de progression dans la lumière de l'ovaire, dont ils paraissent déterminer la formation par leur acheminement. A mesure que les germes s'avancent dans l'ovaire, ils augmentent de volume ; comme, d'autre part, le volume du tube ovarien ne s'accroît pas en proportion du développement de l'œuf, il en résulte que sur une coupe transversale, en admettant qu'elle fût praticable, on trouverait un nombre d'ovules d'autant plus faible qu'on ferait cette coupe plus près de l'oviducte. A un certain niveau du ceecum ovarien deux ovules suffisent à obstruer la cavité de l'ovaire ; plus bas, ils chevauchent l'un sur l'autre; enfin ils se super- posent et leur diamètre est alors égal à celui du tube (pi. XXIV, fig.3). En résumé, les observations que j'ai faites sur de jeunes femelles d'O. blattkola et blattx démontrent évidemment que les germes, sans exception, viennent du fond de l'ovaire. Il nous reste à parler maintenant de l'origine du vitellus ; mais comme, dans ce qui suit, nous ferons un fréquent usage du mot rachis, il importe de rappeler en quelques mots le sens que les hel- minthologistes attachent à ce nom. Chez beaucoup de Nématodes, par exemple les Filaria hœmatica, rytipleurites , papillosa et beaucoup d'autres vers, si on observe une coupe transversale de l'ovaire pratiquée en un point peu éloigné du caecum de l'organe, on voit que les germes sont disposés autour d'un point central auquel ils sont attachés. Ce point représente la section d'un axe qu'on a appelé rachis. Le rachis n'est pas toujours central, il peut aussi être latéral {T)-ichocep/ialus , Trichosoma, Trichina) ou périphérique [Eustrongylus). Le rachis, découvert chez les Néma- ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYUKIDÉS. 3',3 todes en 1848 par Eschricht', a été étudié depuis avec beaucoup de soin. Il n'existe pas dans toutes les espèces ; les Oxyures, entre autres, en sont dépourvus. Claparède admet, il est vrai, qu'il existe toujours, au moins virtuellement, et, partant de cette idée, il divise les Nématodes en deux sections : la première renferme ceux qui ont un rachis visible et défini, la seconde comprend ceux qui ont un rachis diffus et invisible. Dans l'étal actuel de la science, la théorie de Claparède est complètement inadmissible, et tous les observateurs s'accordent aujourd'hui à reconnaître l'absence totale de rachis dans beaucoup de Nématodes. C'est ainsi que M. Perez-, signalant dans le même genre Ascaris des espèces pourvues de rachis et d'au- tres qui en sont privées, se range à l'avis de Nelson, Heichert et Allen Thompson, qui attribuent la formation de celui-ci à l'accumulation et à la pression mutuelle de nombreux ovules réunis au môme niveau; le rachis n'est produit, suivant cet auteur, que par l'enchevêtrement des sommets convergents des ovules ; ce n'est donc pas un organe distinct, mais bien une simple apparence. Ces quelques réflexions, empruntées à M. Perez, me paraissent donner une idée exacte de l'importance et de la signification du rachis chez les Nématodes; et je puis maintenant passer à l'étude de la formation du vitellus. Nelson, Bischoff et Allen Thompson regardent cette substance comme un pro'duit de stratification. Chez VAscains mystax, les cellules épithéliales, pourvues de longs filaments rubanés ou «cônules», au- raient pour fonction, suivant ces auteurs, d'élaborer le vitellus, qui se déposerait, couche par couche, autour de la vésicule germinative. Cette explication, qui n'était fondée sur aucune observation directe, avait pour base l'opinion, admise à cette époque, qu'une cellule ne saurait exister sans membrane d'enveloppe. Ces auteurs, en effet, ne regardaient pas l'ovule comme une cellule, mais bien comme un noyau qui, suivant eux, s'entourerait plus tard d'un protoplasma cel- lulaire, le vitellus, sécrété par l'épithélium ovarien, et en dernier lieu d'une membrane vitelline. Claparède, Munk et Perez n'admettent pas ce mode de formation du vitellus, ils invoquent à l'appui qu'on ne trouve jamais, au niveau des germes qui commencent à se charger de vitellus, les cellules épi- théliales infiltrées de granulations vitellines, et s'il en était ainsi, on 1 EscHRicHT, Forciep's mue Nolizen, 1848, N. 318. » J. Pehez, ioc. cil., p. 87 et 88. 344 OSMAN GALEB. devrait rencontrer des granules libres entre la paroi de l'ovaire et les jeunes ovules. Bien que ces conclusions de Nelson, Bischoff et Allen Thompson aient été adoptées par Waldeyer, je ne saurais, pour ma part, les accepter, malgré la grande autorité de ce dernier auteur, car l'observation directe en démontre l'inexactitude ; en effet, j'ai con- staté que les cellules épitliéliales s'atrophient dès que les premiers germes se sont rangés en pile dans la longueur du tube ovarien. Claparède', observant qu'à une époque le rachis était plus chargé de granulations vitellines que les ovules eux-mêmes, fut conduit à déclarer que ces granules devaient se former dans le rachis et passer de là dans les œufs. C'est donc le rachis qui, d'après lui, forme le vitellus. Et comme on n'aurait pas manqué de lui objecter que, chez beaucoup de Nématodes, le rachis fait complètement défaut, il ima- gina sa théorie du rachis diffus que Perez^ a réfutée, selon nous, d'une manière très concluante. La théorie de Claparède n'est, en somme, qu'une modification de celle de Meissner. C'est, en effet, Meissner qui, le premier, émit l'idée que le vitellus était sécrété par le rachis central. Les « cellules mères », dont nous avons déjà parlé en exposant les travaux de cet auteur, auraient donc le double rôle de donner naissance aux œufs et de les nourrir. Elles élaboreraient dans leur intérieur les granules vitellins, qui plus tard pénétreraient dans l'œuf en franchissant le pédicule d'attache. Claparède, ayant en outre observé que les granulations vitellines apparaissent, dans certains cas, avant la formation du rachis, crut devoir admettre qu'au début ces granulations se développent aux dé- pens de la masse protjDplasmatique primordiale du cul-de-sac ovarien, et que plus tard seulement, leur production se localise dans le rachis. Les idées de cet auteur ne sauraient être admises : nous le répétons, le rachis n'existe pas toujours, et d'ailleurs les travaux de Schneider, de Munk et de van Beneden ont démontré qu'on ne saurait lui at- tribuer la propriété de produire le vitellus, bien qu'on puisse rencon- trer dans sa masse des granulations vitellines en abondance. Enfin, chez beaucoup de Nématodes, le rachis a déjà disparu, quand l'œuf commence à s'emplir de vitellus. Van Beneden 3 assigne au vitellus un autre lieu de formation. Ne trouvant dans le cxcum ovarien que fort peu de granulations vitel- ' Ed. Clavarède, loc. cit., p. 35 et suiv. 2 J. Ferez, loc. cit., p. 87. 3 Ed.V. Beneden, loc, ci(., p. 92. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 343 lines, il admet que cette portion de l'ovaire sert exclusivement à la formation et à la multiplication des germes, et il lui donne le nom de germiçjène. Il appelle alors vitellogène le reste de l'ovaire. « C'est, dit-il, dans une région déterminée du tube sexuel ovarien que les germes élaborent les éléments nutritifs du vitellus ; dans cette région, ils agissent à la manière de cellules sécrétoires ordinaires, en puisant dans le liquide nourricier qui les baigne les éléments nécessaires pour la fabrication de ce produit spécial. » Ainsi, pour Ed. van Beneden, l'ovaire des Nématodes est formé de deux parties à fonctions essentiellement différentes : dans la pre- mière s'accomplissent les phénomènes de production et de multipli- cation des germes; dans la seconde s'élabore le vitellus. Quelque séduisante que puisse sembler cette théorie, il faut bien cependant reconnaître qu'elle n'est point d'accord avec la réalité. Elle résulte simplement de ce que cet auteur, avec Bischoff et Nelson, considère le germe comme primitivement constitué par une vésicule germina- Live à laquelle il manque un vitellus et une membrane vitelline. Mais nous avons montré précédemment que l'ovule est, dès son origine, représenté par une cellule nue, dans la constitution de laquelle entrent un noyau nucléole et un protoplasma homogène. C'est ce protoplasma qui, dans l'ovule plus développé, portera le nom de vitellus quand il sera chargé de granules. « Remarquons, dit Perez', que de même que la vie génétique de l'œuf ne se compose pas uniquement de deux phénomènes (naissance du germe et production du vitellus), on ne saurait se borner à distin- guer dans le tube ovarien un germigène et un vitellogène. Et d'ail- leurs, reconnaissons que, s'il est exact d'affirmer qu'une région spé- ciale de ce tube est affectée à la production des germes ovulaires, on ne saurait localiser de même les autres phases du développement de l'œuf. Ces phénomènes ne sont point sous la dépendance de telle ou telle région du tube; ils sont subordonnés plus particulièrement à l'activité propre de l'ovule. » Herbert Ludwig ^ pense également que cette division de l'ovaire en germigène et en vitellogène est purement hypothétique et ne repose sur aucune observation morphologique ou physiologique. Pour nous, le protoplasma de l'ovule est primitivement clair et ' J. Perez, loc. cit., p. 92. 2 Herbert Ludwig, Veber die Eibildwig ein Thierreiche, Wurzburg, 1874. p. 46. 346 OSMAN GALEB. homogène ; l'apparition de granulations à son intérieur est due à un simple phénomène de nutrition. Ces granulations, d'abord à peine ap- parentes et peu nombreuses, augmentent de nombre et de volume à mesure que l'ovule grossit et mûrit, et il est permis de penser que leur multiplication se fait par un processus analogue, sinon identique à celui qui s'observe chez les oiseaux. Quand on traite par l'alcool absolu la partie de l'ovaire qui contient les germes empilés les uns sur les autres, l'observation microscopique montre alors, si l'on examine les germes, que le vitellus de chacun d'eux est formé de deux parties constituantes, une partie centrale obscure et une périphérique ayant plus d'extension que la précédente, mais à granules raréfiés. Quand on a observé ce fait à la suite de l'ac- tion de l'alcool, on peut le reconnaître, mais avec quelque difficul- tés sur les germes frais n'ayant pas subi l'action des réactifs. Je recom- mande les Oxyures des Hydrophilides pour faire cette observation, quoique nous l'ayons représentée pour VO. blatticola (pl.XXI,fig.2,o). ORGANES GÉNITAUX DU MALE. La partie essentielle de l'appareil de la reproduction dans le mâle des Oxyures est le testicule ; le spicule pénial et les papilles qui l'entourent, peuvent être regardés comme des organes accessoires. Le testicule (pi. XX, fig. 2, /) est un tube aveugle, dont la longueur est à peu près égale à celle des deux tiers du corps. Il n'offre jamais de circonvolutions, et suit dans la cavité du corps une direction lon- gitudinale, de sorte que son extrémité fermée, ou cœcum, atteint le voisinage du bulbe dentaire ; l'autre extrémité vient s'ouvrir dans une sorte de cloaque, dont nous avons parlé en décrivant l'appareil digestif. On peut distinguer dans le testicule deux régions : la première, représentée par la moitié antérieure du tube, est l'endroit oii se forme la semence : c'est, pour nous, le testicule proprement dit. Il se compose d'une tunique propre, de nature cuticulaire, tapissée d'une couche épithéliale. Son extrémité caîcale est remplie d'une multitude de petites cellules nues, qui constituent la masse proto- plasmatique à noyaux des auteurs. Bien que cette portion du tube testiculaire ait pour fonction spéciale la production du sperme, on ne peut pas toujours distinguer une limite tranchée entre elle et la seconde moitié du tube génital. Chez VO. blatticola, un étranglement permet souvent d'établir des limites tranchées. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 347 Cette seconde région, qu'on peut regarder comme un canal éjacu- lateur, ne diffère de' la première, au point de vue hislologique, que par la grosseur des cellules qui forment son revêtement cpithélial, grosseur telle, que souvent la largeur du tube n'en laisse voir que deux ou trois, tandis que, dans le testicule proprement dit, les cel- lules épithéliales sont d'une dimension moindre et deviennent invisi- bles quand il est rempli de sperme. Le spicule pénial unique chez nos vers est un stylet, renflé h la base et vers le milieu, et pourvu, dans le sens longitudinal, d'une gouttière qui sert évidemment à conduire la semence. Par sa forme, le pénis (pi. XIX, fig. 5, sp) offre une certaine analo- gie avec les crochets de la tête des tsenias. Van Beneden distingue dans chacun de ces crochets, qu'il compare à des poignards, une lame, une garde et un manche ; cette comparaison est de tout point applicable au pénis des Oxyures. A l'état de repos, l'extrémité pointue du spicule pénial fait légè- rement saillie hors de l'orifice du cloaque ; mais nous n'avons pu dé- couvrir la manière dont il s'attache aux parties avoisinantes, et par suite vérifler les détails que Butschli donne à ce sujet. Suivant cet au- teur, le fourreau du spicule, chez VO. Diesingi, se terminerait par deux appendices en forme de glands, correspondant à deux fibres musculaires suivant la région dorsale du Nématode et s'avançant jus- qu'à la base de l'organe copulateur. Ferez' a d'ailleurs observe quel- que chose de semblable chez l'Anguillule terrestre; il l'a même repré- senté. Le spicule pénial des Oxyures est de nature chitineuse et peut être regardé comme une dépendance de la cuticule. Les papilles (pi. XIX, fig. 5,;ja) sont de petites éminences, en forme de tubercules coniques, au nombre de six, disposées par paires sur trois lignes transversales, autour du cloaque qui vient s'ouvrir entre les deux paires antérieure et médiane. Les deux papilles de la der- nière paire, très rapprochées l'une de l'autre et paraissant se confon- dre en une seule, se voient à la base de l'appendice caudal. En examinant la région anale chez des Oxyures de différentes espèces, on constate que la dimension relative des papilles et leurs distances respectives varient beaucoup d'une espèce à l'autre, et pour- raient fournir à la rigueur des caractères pour la détermination spé- cifique des mâles. 1 J. Ferez, loc. cit., p. 70, et pi. X, (ig-, 79. 3i8 OSMAN GÂLEB. Beaucoup de Nématodes mâles sont pourvus de papilles, mais les auteurs qui les ont décrites ne s'accordent pas sur le rôle qu'on doit attribuer à ces appendices dans la copulation. Biitschlii les a figurés pour les Oxyures de la Blatte orientale, mais il ne dit rien de leurs fonctions. Pour Claparède^ ce sont de véritables glandes, dont le produit de sécrétion assure l'adhérence du mâle avec la femelle, pen- dant le coït. Mais Ferez, qui les a observées chez l'Anguillule terrestre, les regarde comme des organes excitateurs, dont les titillations, en exaltant la sensibilité de la vulve, la forcent à s'ouvrir pour recevoir l'organe mâle. D'après nos observations sur la Filaria hœmadcœ ces papilles paraissent remplir l'office de ventouses. 11 est vrai que, pen- dant la copulation, le mâle est attaché à la femelle par une sécrétion spéciale; mais je crois que celle-ci provient plutôt de la femelle. Le sperme est un liquide peu abondant, tenant en suspension de nombreux spermatozoïdes ; chez certains Nématodes {Anguillula tri- iici)^ ces éléments gardent la forme cellulaire classique, mais chez les Oxyures, le zoosperme, arrivé au terme de son développement, se compose d'une partie renflée ou tête, pourvue d'un noyau, et d'une partie effilée, qui est la queue (pi. XX, flg. 12). Chez les Nématodes que j'ai étudiés, les seuls mouvements dont soient doués les sper- matozoïdes sont des mouvements amiboïdes; j'ai eu très souvent l'occasion de les constater. Ils sont particulièrement accentués chez les zoospermes recueillis dans le testicule; mais ils n'atteignent leur maximum d'intensité qu'aussitôt après l'éjaculation dans les organes génitaux de la femelle. Là, les mouvements amiboïdes s'affaiblis- sent, et il devient bientôt impossible de les suivre. Dans les moments où ils sont les plus actifs, ils donnent à l'élément séminal les aspects les plus variés et les plus instables ; les dessins de sperma- tozoïdes donnés par Claparède^ peuvent rendre une idée de ces changements d'aspect. Schneider* prétend que, dans les organes génitaux du mâle, les spermatozoïdes ont l'aspect d'une cellule ordinaire, et qu'ils n'achè- vent de se développer, pour acquérir leur forme définitive, que dans l'utérus de la femelle. Cependant Reichert, chez V Ascaris acuminata, Glaparède, chez V Ascaris lumbricoïdes, ont vu la transformation ca- » 0. BuTSCHLi, loc. Cit., pi. XXII, flg. 19, p. 6o6. ' Schneider, loc. cit., p. 272. 3 Claparède, loc. cit., p. 24, pi. Il, lig'. 'î. * Glaparède, ioc. cil., pi. V. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 349 ractéristique de ces éléments se produire dans le canal déférent, mais Schneider regarde ces faits comme exceptionnels. Dans les nom- breuses espèces d'Oxyures que nous avons étudiées, nous avons tou- jours vu les spermatozoïdes acquérir leur forme défmitive dans le canal déférent. Une fois arrivés dans le réservoir séminal de la femelle, ils éprouvent, il est vrai, une augmentation de volume, mais leur forme reste la même. Nous avons parlé, en donnant la description des organes génitaux femelles, de productions particulières, offrant une certaine analogie d'aspect avec certaines Diatomées. Perez' en a décrit de semblables chez le mâle de l'Anguillule terrestre. Davaine en a trouvé également dansTAnguillule du blé niellé. Enfin Glaus a vu des productions de ce genre dans les organes génitaux de V Anguillula bi^evispina. J'en ai moi-même observé très souvent dans les organes génitaux de VO. blat- ticola, mais beaucoup plus rarement chez les autres espèces. Ces corps singuliers se trouvent transportés avec le sperme dans les or- ganes génitaux de la femelle, et même jusqu'au réservoir séminal, où nous les avons dessinés (pi. XXI, fig. 2, i's)\ c'est, en effet, le mâle qui les transmet à celle-ci ; mais, comme nous l'avons dit précédem- ment, on ignore leur véritable nature et leur mode de formation dans le testicule du mâle. Développement des organes mâles de la reproduction et formation des spermatozoïdes. Schneider, le premier auteur qui ait étudié avec soin le dévelop- pement des organes génitaux chez les Nématodes, a donné sur cette question des détails très complets, que nous devons résumer ici. Suivant cet auteur^, le développement des organes mâles ne diffère pas essentiellement de celui des organes femelles ; la seule divergence qu'on puisse remarquer, c'est que le stroma, dont la partie postérieure doit former le canal déférent, est beaucoup plus apparent chez le mâle que chez la femelle. Plus tard, après la formation du canal défé- rent, la portion de la «colonne germinative » qui le remplissait ne tarde pas à être résorbée. A part cette petite particularité, on ne peut, suivant Schneider, ob- 1 Ferez, toc. cit., p. 134. 2 Schneider, loc. cit., p. 264. JaO OSMAN GALEB. server aucune différence entre les mâles et les femelles jusqu'au mo- ment de la maturité sexuelle, ou, s'il y en a une, elle tient simplement à ce que les germes sont un peu plus petits chez les premiers que chez les secondes. Il est cependant des cas où, chez le mâle, le rachis est assez com- pliqué. Et ici Schneider cite l'observation d'Eberth, qui a vu, chez le Strongylus strialus et le S. commutatus, la colonne germinative s'aplatir, s'enrouler en gouttière, et se diviser longitudinalement en formant ainsi deux rachis distincts. Schneider ajoute qu'il croit avoir observé le même fait chez le Sti^ongylus armatiis; il a d'ailleurs re- connu, ainsi que Munk, chez V Ascaris niegalocephala et V Ascaris mys- tax, l'existence de plusieurs rachis réunis les uns aux autres, et con- stituant ainsi une sorte de réticulum. Quand les cellules attachées au rachis, comme le sont les ovules dans les organes de la femelle, arrivent au terme de leur croissance, elles se remplissent de granulations opaques, mais leurs noyaux res- tent toujours plus petits que ceux des ovules. Alors, suivant Schnei- der, il se passe dans leur substance un phénomène qui les distingue des œufs : elles subissent plusieurs divisions, et, chez le Filaria papillosa, ce processus s'accomplit avant que les cellules se détachent ; toutes les cellules formées ainsi par division sont également granuleuses. Mais, d'après les observations de Reichert sur VAsca7'is acumlnata et le Strongylus auricularis, de Meissner sur les Ascaris niystax et nie- galocephala, enfin de Claparède et de Munk sur les Nématodes en général \ on verrait dans la cellule mère des granulations sombres se détacher de la substance fondamentale hyaline, se concentrer autour du noyau en un point voisin de sa périphérie et prendre en môme temps une disposition rayonnée. Puis, avant le commencement de la division, les granulations se disposeraient dans l'intérieur de la cellule mère en autant de groupes qu'il y aura de cellules filles. Quoi qu'il en soit, ces cellules filles donneront naissance aux sperma- tozoïdes. En quittant le testicule, l'élément séminal pénétrerait dans le canal déférent, où il demeurerait jusqu'à ce qu'il soit transporté dans l'utérus de la femelle. Dans le travail remarquable qu'il a publié sur les Nématodes ma- rins vivant en liberté, M. Marion a décrit les phénomènes de déve- 1 M. Munk, Ueber Ei, und Samen Bildimg und Befruchung Oei den Nematoden (Zeitsch. f. wiss. Xool., Bd IX, 1858, p. 305). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 3".! loppcment du testicule, à peu près comme l'a fait Schneider. C'est, selon lui^ aux dépens d'une vésicule hyaline ovoïde, qui apparaît par génération spontanée vers l'extrémité postérieure du corps, que se développent les organes génitaux du mâle. Cette vésicule, en s'allongeant progressivement, finirait par constituer le tube génital. Voici maintenant de quelle manière, suivant M. Marion, se forme- raient les spermatozoïdes. Les éléments qui leur donneront naissance sont d'abord de petits noyaux hyalins qui ne tardent pas à acquérir une membrane d'enveloppe. Les vésicules nucléolées ainsi consti- tuées se chargent bientôt devitellus. Au bout d'un certain temps, ces noyaux, que le professeur de Marseille regarde comme des cellules, disparaissent et le vitellus qui leur a été ajouté subit une segmenta- tion multiple. Les cellules qui résultent de cette segmentation seront plus tard des spermatozoïdes. Nous regrettons vivement de n'avoir pas à rapporter d'observations personnelles sur le développement des organes génitaux chez le mâle des Oxyures, et de ne pouvoir par conséquent discuter les diverses théories émises sur cette question par les auteurs qui s'en sont occu- pés. Toutefois, comme ces observateurs ont signalé une grande ana- logie dans le développement des organes génitaux entre le mâle et la femelle, et il doit en être ainsi, il nous est permis de supposer que chez les Oxyures le tube testiculaire se forme, comme l'appareil géni- tal delà femelle, aux dépens d'une cellule primitive, qui par une suite de proliférations donnera naissance à un bourgeon d'où déri- vera le testicule. Nos recherch'es nous permettent de donner des renseignements précis sur la formation des spermatozoïdes. Comme le fond de l'ovaire, l'extrémité fermée du testicule con- tient, avons-nous dit, des cellules nues, formées chacune d'un noyau nucléole, entouré d'un protoplasma transparent où l'on n'aperçoit pas encore de granulations vitellines (pi. XX, fîg. 6). Ces cellules proviennent-elles de la grosse cellule que nous avons pu observer quelquefois au fond du csecum testiculaire ou résultent- elles de la multiplication des cellules qui forment l'extrémité du bourgeon testiculaire? C'est ce que nous ne pouvons pas décider. Par le progrès du développement, ces cellules, que nous regardons comme les cellules mères des spermatozoïdes, s'accroissent, et la . » Marion, loc. cil., p. 81-82. 332 OSMAN GALEB. masse qui entoure leur noyau se remplit, par un phénomène de nu- trition, de granules vitellins (pi. XX, fig. 7 et 8). Au bout d'un cer- tain temps, elles acquièrent une membrane d'enveloppe, en même temps que leur contenu se segmente d'abord en deux parties, puis en quatre, et ainsi de suite. Les jeunes cellules qui résultent de cette segmentation viennent s'appliquer contre la face interne de la mem- brane qui enveloppe la cellule mère, et commencent à subir les trans- formations qui doivent en faire de véritables spermatozoïdes (pi. XX, fig. 9). Bientôt, en effet, on les voit émettre chacune vers le centre de la sphère qu'elles circonscrivent un étroit prolongement (pi. XX, fig. 10 et 11) ; une fois arrivé au terme de son accroissement, cet ap- pendice sera la queue du spermatozoïde, tandis que la masse arron- die accolée à la membrane de la cellule mère constituera la tète de l'élément fécondateur. Quand les spermatozoïdes sont complètement formés, ils affectent par conséquent une disposition rayonnée autour du centre de la cellule mère. L'enveloppe de cette cellule venant à se rompre, ils se trouvent mis en liberté. Ils acquièrent, nous le répétons, leur forme définitive avant l'accouplement; ils ont alors l'aspect représenté planche XX, fig. 12. Dans toutes les espèces que nous avons étudiées, les spermatozoïdes se forment comme nous venons de l'expliquer, mais c'est surtout chez VO. blatticola et les deux Oxyures de la Blatte orientale que nous avons bien observé leur développement. Nous pouvons donc affirmer avec certitude que les zoospermes, chez les Oxyuris Diesingl et blaitse, comme chez les autres Oxyures, résultent d'une multipli- cation endogène des cellules mères, et que Biitschli s'est trompé en attribuant la formation des spermatozoïdes à une prolifération externe des mômes cellules. COPULATION. L'accouplement, que j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'observer, el qui est représenté planche XIX, fig. 3, dure fort longtemps, et le mâle transmet ainsi à la femelle une quantité de sperme considé- rable. L'acte de la copulation peut même être si long, que les œufs, qui se recouvrent d'une coque, et quittent le réservoir séminal au fur et à mesure de la fécondation, ont le temps de venir remplir complètement l'utérus et les trompes avant que le mâle ait quitté la femelle. Il n'est pas rare, dans ce cas, de voir des œufs tenus, pour ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYUIUDÉS. 353 ainsi dire, en suspension au milieu d'une masse de sperme récem- ment éjaculé, que les contractions du tube génital tendent à trans- porter dans le réservoir séminal. Que les spermatozoïdes soient déjà doues de mouvements dans le canal déférent, comme l'affirment certains auteurs, ou qu'ils n'en ac- quièrent qu'après être arrivés dans l'utérus de la femelle, comme d'autres le prétendent, leurs mouvements amiboïdes, les seuls que nous ayons observés, sont, en tous cas, trop lents pour les transpor- ter jusque dans le réservoir séminal. On est donc en droit de se de- mander par quel mécanisme les spermatozoïdes arrivent dans cet organe. M. le professeur Perrier' a eu recours, pour tâcher de donner la solution de ce problème, à deux hypothèses : ou bien la copulation se produit lorsque l'utérus est encore très peu développé, et par suite peu allongé, le jet de sperme pouvant ainsi pénétrer directement jus- qu'au réservoir séminal; ou bien les mouvements des spermatozoïdes, malgré leur extrême lenteur, les conduisent jusque dans le réservoir spermatique. Ce ne sont là que des hypothèses, et M. Perrier ajoute : « C'est à l'observation seule de décider. » Nos propres recherches nous permettent de résoudre la question dans un sens tout ditférent. En effet, nous avons déjà parlé des mou- vements péristaltiques et antipéristaltiques dont l'utérus et les ovi- ductes sont le siège : or, si l'on a occasion d'observer ces organes au moment môme de la copulation, on peut constater alors que ces con- tractions deviennent beaucoup plus énergiques, et que le mouvement péristaltique l'emporte en intensité sur le mouvement inverse. Cette série de contractions, partant de l'orifice vulvaire, pour se propager le long du vagin, de l'utérus et des trompes, a donc pour résultat de transporter rapidement le sperme jusqu'au réservoir séminal, où il doit attendre le passage des ovules pour les féconder, et c'est ce que nous avons eu plusieurs fois l'occasion de constater. La fécondation a lieu ordinairement dans le réservoir séminal (pi. XXI, fig. 2, rs). Cette portion de l'appareil génital est presque constamment remplie de spermatozoïdes ; mais, chez les femelles âgées, dont les trompes et l'utérus sont gorgés d'œufs et entourés déjà d'une coque, il est rare d'en trouver. Pour arriver dans cette région, les œufs, venant de l'ovaire, doivent 1 Perrier, loc. cit., p. 31 et suiv. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. —T. VII. 187S. 23 354 OSMAN GÂLEB. traverser le tube intermédiaire. J'ai souvent assisté à leur passage, et j'ai pu constater que ceux-ci, ayant un diamètre supérieur à celui du tube, sont forcés, en le traversant, de subir des changements notables dans leur forme; on les voit alors s'étirer, comme des globules san- guins traversant des capillaires d'un diamètre plus petit que le leur: la coque n'existant pas encore, ils peuvent, grâce à leur élasticité, changer de forme, sans qu'il reste trace de ce changement, après que l'obstacle est franchi. La progression des œufs dans l'ovaire et le tube intermédiaire, comme d'ailleurs dans le reste des organes génitaux, est due surtout aux contractions des parois de l'appareil lui-même; mais les ovules qui s'accumulent incessamment dans la région ovarienne, exercent évidemment une certaine pression sur ceux qui sont empilés au-des- sous et, par suite, tendent à les expulser hors de l'ovaire. Nous avons dit qu'on trouvait dans le réservoir séminal des sper- matozoïdes en abondance. Habituellement, ils semblent ne pas aller plus loin; je dois cependant noter que plusieurs fois, dans le courant de mes observations, il m'a semblé en rencontrer dans la région de l'ovaire voisine de l'oviducte. Fécondation. — On vient de voir comment le spermatozoïde arrive en présence de l'œuf. Que se passe-t-il alors, et comment s'accomplit le phénomène essentiel de la fécondation ? Sur cette question impor- tante, les nombreux observateurs qui ont étudié les Nématodes sont loin de s'accorder. Nelson et Meissner prétendent, comme nous l'avons déjà dit, que l'œuf des Nématodes possède, dès son origine, une membrane vitel- line, et que celle-ci est pourvue d'un micropyle, par lequel le sperma- tozoïde pénètre dans le vitellus. (OBservations sur V Ascaris myslax.) Schneider ' affirme aussi que l'œuf, détaché du rachis, possède un micropyle, et cela tant qu'il n'a pas été fécondé ; il assure qu'il s'en est convaincu à plusieurs reprises sur V Ascaris megalocephala. Le même auteur ajoute que sur les œufs non fécondés, ayant séjourné quelques temps dans les trompes, le micropyle est toujours bouché par une gouttelette d'une substance hyaline provenant de l'intérieur de l'œuf. Il se ferme après la fécondation, et l'on n'en trouve plus alors la moindre trace; mais il reste toujours béant sur les œufs non fé- condés, qui ne tardent pas à se détruire. Suivant Schneider, l'œuf du 1 ScnNEîDEu, loc. cit., p. 271 et 282. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 3S5 Cucullanus elegans est pourvu d'un micropyle excessivement étroit, et dans cette espèce, le vitellus peut éprouver un commencement de segmentation, même sans avoir subi l'imprégnation spermatique. Ed. van Beneden*, qui a étudié avec beaucoup de soin l'œuf des Nématodes, n'est pas d'accord avec Schneider, et refuse d'admettre l'existence du micropyle, qu'il n'a pu découvrir. Il n'admet pas non plus la pénétration du spermatozoïde dans l'ovule; mais, suivant lui, ces deux éléments se comporteraient entre eux comme deux goutte- lettes visqueuses, qui s'attirent et bientôt se fusionnent. Il résulte également des observations de Munk et de Leuckart que le spermatozoïde s'accole d'abord à la surface de l'œuf, et que sa sub- stance finit par se confondre avec le protoplasma de celui-ci. Le con- tact du spermatozoïde ne se produit pas sur un point déterminé de la surface de l'ovule, comme cela devrait avoir lieu s'il y avait un micropyle, mais se fait en un point quelconque. Claparède- et Ferez ^ semblent partager la manière de voir de ces deux derniers auteurs : « Il est fort possible, dit Claparède, que dans certains cas ce soit, non pas le zoosperme lui-même, mais une substance é.manée de lui, qui opère directement la fécondation. » Certaines recherches de Biitschli sur la question qui m'occupe, ne me sont connues que par la Bévue bibliographique de M. R. Blan- chard *, ces recherches tendent à montrer que Biitschli, à la suite d'ob- servations très concluantes, partage une opinion semblable à celle de Leuckart, Claparède, Perez et van Beneden. Biitschli a pu voir, en effet, sur l'œuf dn C ucullanus elegans, le spermatozoïde implanté à la sur- face du vitellus. 11 reste quelque temps visible, mais il finit par dispa- raître; des phénomènes de développement peuvent alors se produire. Chez VAngnillula rigida, Biitschli a vu le spermatozoïde se coller à l'œuf, au moment où celui-ci, descendant de l'ovaire, vient à le tou- cher. A mesure que l'œuf progresse, le spermatozoïde se fusionne avec lui ; au bout d'un certain temps, des granulations très réfrin- gentes indiquent seules, sur la périphérie de l'ovule, le point de fu- sion, et à l'arrivée de l'œuf dans l'utérus on ne soupçonne plus la présence du spermatozoïde. Biitschli n'admet donc point la pénétra- ' Ed. V. Ben'eden, Recherches sur la composition et la signification de l'œuf, 2 Claparède, De la formation et de la fécondation des œufs chez les Vei's néma- todes, p. 63. 3 J. Ferez, Recherches sur l'Anguillule terrestre, p. 93 et suiv. * R. BlancharDj la Fécondation dans la série animale [Journ. de l'Anat. et de la Phys., 1878). 3d6 OSMAN GALEB. tion du zoosperme dans l'ovule, mais plutôt une sorte d'absorption exercée par ce dernier sur la substance du spermatozoïde. On voit, par ces quelques citations que nous venons de faire, que d'une façon générale les auteurs qui ont décrit le phénomène de la fécondation, peuvent se partager en deux camps : les uns, admettant la formation de la membrane vitelline avant la fécondation, sont con- duits à supposer dans celle-ci l'existence d'un micropyle par lequel les zoospermes pénètrent dans l'intérieur de l'œuf; les autres, niant l'existence d'une membrane vitelline avant la fécondation, et par con- séquent Texistencc du micropyle, déclarent n'avoir observé qu'un simple fusionnement du spermatozoïde avec l'ovule. D'après mes observations, je me rangerai à ce dernier avis : j'ai vu, en effet, le spermatozoïde, qui, dans le réservoir séminal, semble presque immobile, s'accoler à l'ovule et se fusionner avec sa couche la plus superficielle ; à ce moment les contractions du germe pour- raient avoir pour objet de distribuer la substance spermatique dans toute la masse vitelline. N'y aurait-il pas là un phénomène de con- jugaison comparable, jusqu'à un certain point, à celui qu'on observe au moment de la reproduction dans les plantes inférieures et les ani- maux inférieurs? Formation de la membrane vitelline et formation de la coque. Nous allons montrer maintenant que la membrane vitelline ne se forme qu'après la fécondation, et, par suite, que le micropyle imaginé par certains auteurs pour expliquer la pénétration du zoosperme dans le vitellus, n'existe pas; mais il importe auparavant de com- pléter le court exposé bibliographique que nous avons donné plus haut sur ce sujet intéressant. Ferez ', comme Meissner, admet l'existence de la membrane vitelline dès l'origine ; malgré cela, il n'admet pas le micropyle. Pour lui, cette membrane est le a premier corps vésiculaire qui se montre dans l'ovule, et cette vésicule, une fois formée, produit, par la transformation de son noyau, la vésicule de Purkinge et la tache de Wagner; et, par la transformation du liquide qu'elle contient, le vi- tellus lui-même, dont elle puise les cléments au dehors, par voie d'endosmose. » En parlant ainsi, M. Ferez semble s'être laissé entraî- ' Perez, loc. cit., p. 88. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. A61 ner par cette opinion, alors en faveur dans la science, qu'il n'y a pas de cellule sans enveloppe et, par conséquent, d'ovule sans membrane vitelline. M. Marion semble accepter toutes les conclusions du profes- seur de Bordeaux. M. Ferez fait aussi observer que si la membrane ^ vitelline se formait après le vitellus ou après la maturité de l'ovule, il faudrait reconnaître, dans la formation de celui-ci, l'intervention simultanée de deux procédés opposés, ce qui serait contre nature. Mais on peut donner à ce fait une tout autre interprétation : si la membrane vitelline ne prend naissance qu'après le vitellus, ne pour- rait-on pas considérer sa formation comme une simple continuation du développement de l'ovule ? Les auteurs, bien plus nombreux, d'ailleurs, qui n'ont pas reconnu de micropyle dans l'œuf des Nématodes, sont d'avis que la mem- brane vitelline ne se produit qu'après la fécondation. C'est aussi notre opinion, et nous allons exposer les faits qui nous déterminent à adopter cette manière de voir. Le simple examen des ovules contenus dans l'ovaire ne permet pas de découvrir autour d'eux la moindre trace de membrane vi- telline ; mais si l'on vient à dilacérer un ovaire dans l'eau, une observation attentive des lovules permet d'apercevoir une fine mem- brane qui entoure chacun d'eux (pi. XXT, fîg. 3 et 4), qu'ils soient ou non chargés de granules vitellins. Bientôt l'eau agit par endos- mose ; le volume de la masse centrale ne change pas ; la membrane, au contraire, se distend et finit par se rompre. Le contenu s'échappe peu à peu et se mêle alors au liquide ambiant. Mais, d'autre part, l'eau ayant la propriété de faire apparaître des membranes autour de cer- tains éléments anatomiques qui, dans leur état naturel, en sont dépourvus, n'est-on pas en droit de se demander s'il ne se passe pas ici un phénomène du môme genre, et si la membrane, dont nous constatons la présence autour des germes soumis à l'action de l'eau, n'est pas un produit artificiel ? Je crois avoir résolu cette question par une expérience concluante : au lieu de dilacérer l'ovaire dans l'eau, je lui fais subir la même opération dans du sérum. En examinant l'elfet produit par ce der- nier liquide, je constate que les germes n'éprouvent aucun chan- gement d'aspect ; les germes provenant du fond de l'ovaire se présentent sous l'aspect de cellules nues, entourées de leur proto- plasma transparent; ceux qui viennent de la région moyenne de l'ovaire, à une petite distance, offrent des granulations vitellines. 358 OSMAN GALEB. Mais aucun de ces germes n'est environné d'une membrane ; les œufs, plus avancés en développement et prêts à s'engager dans l'ovi- ducte, en paraissent également dépourvus. Je dois conclure de cette expérience que les germes n'ont pas de membrane vitelline avant la fécondation, et l'erreur des naturalistes qui admettent son existence dès l'origine, s'explique donc par ce fait qu'ils ont traité les ovules par l'eau, et pris pour une membrane vitelline la pellicule qui se forme sous l'influence de ce liquide. De même que la membrane vitelline, la coque se forme après la fé- condation ; mais les auteurs diffèrent d'avis sur la manière dont elle prend naissance. Les uns, comme Meissner, Ed. van Beneden, admettent qu'elle est sécrétée par les cellules épitbéliales ; les autres, comme Glaparède et Schneider, pensent qu'elle se forme aux dé- pens de l'œuf lui-même. Mais, avant de discuter ces deux théories, nous devons faire re- marquer que la formation de la coque, bien qu'elle ait lieu après la fécondation, ne dépend nullement de l'accomplissement de cet acte, comme certains auteurs le prétendent. Leuckart l'a d'ailleurs démontré chez plusieurs espèces de Nématodes. On se trouve iici en présence d'un phénomène analogue à celui qui se produit chez tous les animaux ovipares : chez ceux-ci, en effet, la coque se forme tou- jours, que l'œuf ait été ou non fécondé. Van Beneden pense que la coque se forme aux dépens des cellules épitbéliales de l'oviducte et de l'utérus. Ces cellules donneraient, sui- vant lui, une sécrétion liquide contenant certaines substances qui, en se précipitant, viendraient entourer l'œuf pour former la coque. Pour Schneider', la coque ou chorion serait formée par l'œuf lui- même ; ce serait alors une seconde membrane vitelline. Il dit, à l'appui de son assertion, que, si on extrait de l'oviductej pour les mettre dans l'eau, des œufs de l'Ascaris megalocephala, dépourvus de coque, celle-ci se forme, bien que, dans ce cas, les cellules de l'ovi- ducte ne lui fournissent pas de matériaux. Je n'ai point eu à ma disposition à' Ascaris megalocephala depuis que j'étudie les Entozoaires des Insectes ; je n'ai pu, par conséquent, vérifier l'exactitude du pro- cessus décrit par Schneider ; mais j'ai répété ses expériences avec des œufs d'Oxyure, appartenant h. un très grand nombre d'espèces. Je sé- parais l'oviducte, sur une femelle fécondée ; par une légère pression, » Schneider, loc. cil,, p. 284. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 359 je faisais sortir des tubes génitaux une partie des œufs qui l'engor- geaient, tandis que les autres y restaient renfermés. En les conser- vant dans un liquide indifférent, j'ai vu que les œufs libres n'éprou- vaient, quant à l'apparilion de la coque, aucune modification, quelle que fût la durée de l'expérience : s'ils étaient primitivement dépourvus de coque, ils n'en acquéraient point ; si leur coque avait commencé à se produire, sa formation devenait stationnaire. Au con- traire, les œufs restés dans le fragment d'oviducte m'ont paru s'en- tourer d'une coque ; elle se formait, évidemment, beaucoup moins vite que chez l'animal vivant, et sa consistance était moindre ; mais je n'en dois pas moins conclure que, malgré l'opinion de Schneider, la coque est un produit de sécrétion des cellules de l'oviducte. D'ailleurs, Schneider, pour que sa théorie fût admissible, aurait dû supposer que la coque se forme avant la membrane vitelline : en effet, si celle-ci est formée avant la coque, il est difficile de compren- dre comment une nouvelle enveloppe peut se constituer, à l'exté- rieur de la première, aux dépens du protoplasma vitellin. En préparant, par dilacération, un oviducte rempli d'œufs dont la coque n'est pas encore formée, on voit sortir un liquide visqueux, tenant en suspension un nombre considérable de vésicules, dont les unes sont hyalines, les autres chargées de granulations ; les œufs, mis en liberté de cette manière, laissent voir à leur surface ces petits éléments vésiculaires, adhérents à la membrane vitelline, qu'ils en- tourent d'une couche plus ou moins épaisse. Ces cellules, qui con- tiennent elles-mêmes d'autres vésicules plus petites, proviennent, sans doute, par prolifération, des cellules épithéliales de la trompe et de l'utérus. Ce sont elles qui forment la coque. Nous avons ob- servé, d'ailleurs, chez VO. hydroi, que les trompes, au moment du passage de l'œuf, forment, par la contraction de leurs parois, une série de cavités, séparées par des étranglements et contenant cha- cune- un œuf ; dans ces cavités, l'œuf est entouré des cellules et des vésicules granuleuses que nous venons de décrire. La paroi de ces cellules et de ces vésicules venant à se rompre, leur contenu donne naissance, par précipitation, aux principes constituants de la coque. Mes observations ne m'ont rien appris de précis sur la formation du filament spirale qui entoure le chorion de l'œuf des parasites des Hydrophilides, et de l'arête longitudinale qu'on remarque sur l'œuf de VO. Kûnckeli. J'ai pu constater, néanmoins, que le filament 360 OSMAN GALEB. apparaît quand le chorion est complètement développé, sous l'aspect d'une accumulation de fins granules, coïncidant avec le début de la segmentation. C'est probablement dans l'épaisseur de cette couche granuleuse que s'organise le lil enroulé en spirale. De la Ponte, Parmi les Oxyures des Insectes, les parasites des Blattidcs pondent généralement des œufs non segmentés, tandis que ceux des Hydro- philides expulsent des œufs dans lesquels les embryons sont entière- ment formés. Certaines espèces appartenant au premier groupe conme les Oxyuris A'ûnckeli, blattœ, Dlesùigl, etc., pondent leurs œufs immédiatement après la formation du chorion: d'autres, comme les 0. œgyptiaca et blati.lcola déposent des œufs dont la segmentation est commencée. Le milieu où se fait la ponte dépend du genre d'insecte qui nourrit le parasite. Les Oxyures des Blattides pondent leurs œufs dans l'intestin terminal de ces Orthoptères, et ces œufs se trouvent expulsés au dehors, avec les excréments de l'insecte. Les œufs des Oxyures para- sites des Hydrophilides, après leur expulsion, se trouvent, au con- traire, par suite de la vie aquatique de leurs hôtes, plongés au milieu de l'eau, oii ils se fixent aux plantes. Pendant la ponte les femelles ne restent pas immobiles; elles exécu- tent au contraire, de curieux mouvements de contorsion, qui détermi- nent l'expulsion des œufs. L'animal s'incurve tout entier de manière à former une sorte d'anneau ; mais à peine s'est-il enroulé dans un sens, qu'il se détend pour s'enrouler dans l'autre. La vulve se trouve donc alternativement sur la concavité et sur la convexité de la courbe formée par le corps. Pendant le premier mouvement, les œufs sont amenés des parties profondes, c'est-à-dire de l'utérus et des trompes, vers l'ouverture vulvaire; pendant le second, ils s'échappent au de- hors, l'un après l'autre, avec une grande rapidité. A ces deux alternatives correspondent des mouvements de la vulve, déterminés par des muscles spéciaux, que nous avons décrits comme dilatateurs. En effet, au moment où les œufs doivent sortir du corps, ces muscles se contractent et séparent les lèvres de la vulve ; puis ils se relâchent au moment où l'enroulement du corps change de sens, et, la vulve se refermant, les œufs refluent vers l'utérus. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 361 De la Segmentation. Que la ponte ait lieu après la formation de l'embryon, que l'œuf soit pondu après avoir éprouvé une segmentation partielle ou qu'il soit mis en liberté avant la segmentation, dans toutes les espèces que nous avons étudiées, les phénomènes qui s'accomplissent à partir de la fécondation sont essentiellement les mômes. Mais cela ne veut pas dire que les divers auteurs qui ont étudié les Nématodes soient entiè- rement d'accord sur ces phénomènes ; il y a, au contraire, dans leurs descriptions, que nous allons résumer, des divergences notables. Claparède* et Leuckart^ ont observé, dans certains Nématodes [Ascaris nigrovenosa, Oxyuris vennicularis), que la vésicule germi- native ne disparaît point après la fécondation, mais qu'elle per- siste et se divise directement, ses deux moitiés devenant alors les noyaux des deux premières sphères de segmentation. Schneider ^ a vu la vésicule germinative disparaître après la fécondation, mais il ne sait si elle a cessé d'exister ou si elle se trouve seulement mas- quée. Avant la formation des deux premières sphères de segmen- tation, on voit apparaître deux nouveaux noyaux ; mais quelquefois ceux-ci, comme Reichert l'a observé chez le Strorgylus aurïcularis, ne se voient qu'après la première segmentation. Schneider ajoute que, n'ayant pu observer la formation de ces noyaux, il ne peut décider s'ils proviennent de la première vésicule germinative, devenue invi- sible, ou s'ils sont de nouvelle formation. VanBeneden^ n'admet point la disparition de la vésicule germina- tive. Il fait remarquer que chez certaines espèces, la transparence de " l'œuf permettant d'observer la persistance de la vésicule germinative et sa division, il est très rationnel de supposer que, chez les autres, elle est simplement dissimulée par les modifications qu'éprouve le vitellus après la fécondation. M. Villot, dans sa Monographie des Dragonneaux 5, admet également la persistance de la vésicule germinative. Pagenstecker a observé la persistance de la vésicule germinative et sa division chez les Trichines. 1 Claparède, loc. cit., p. 84. * ZjEuckart, Die menschlichen Parasilen. Bd. II, Leipzig, 1867^ p. 322 et suiv. ' Schneider, loc. Ci7., p. 290. * Ed. van Beneden, loc. cit., p. 101. s A. Villot [Archiv.de zooL expérim.. t. III, ISl.'i, p, 203). 362 OSMAN GALEB. Enfin, dans lo même ordre d'idées, nous rapporterons, d'après M. 11. Blanchard \ les observations de E. Brandt. D'après le professeur de Saint-Pétersbourg, la vésicule germinative, dans l'œuf de l'Ascaris nigrovenosa, se présente sous les aspects les plus divers, et, en raison de ces aspects, elle apparaît avec une netteté variable. Ses mouve- ments amiboïdcs la divisent parfois en lobules qui peuvent se séparer complètement, mais ne tardent pas à se réunir; on la voit aussi quel- quefois sortir du vitellus , venir toucher l'enveloppe, puis rentrer bientôt après. Enfin, elle cesse d'être visible par suite du fractionne- ment que produisent ses mouvements amiboïdes ; mais, d'après cet auteur, les deux noyaux, qu'on voit apparaître un peu plus tard, ne sont que ses descendants et résultent de la concentration de sa sub- stance fragmentée. Ces deux noyaux, doués de mouvements ami- boïdes, poussent des prolongements qui tendent à les rapprocher l'un de l'autre ; le rapprochement est facilité par les contractions dont le vitellus est le siège. Les noyaux finissent par se rencontrer vers le centre et par se fusionner. La vésicule germinative, ainsi re- constituée, se divise de nouveau, et alors commence la première segmentation du vitellus. Brandt n'admet donc ni la disparition de la vésicule germinative, ni son expulsion du vitellus. Biitschli et Auerbach pensent que la vésicule germinative est ex- pulsée du vitellus après la fécondation. Chez le Rhabditis dollchura, Biitschli ^ aurait vu disparaître la vésicule germinative ; il ignore si cette vésicule est devenue simplement invisible ou si elle a été ex- pulsée du vitellus, comme Ollacher semble l'admettre pour les Ver- tébrés. Toutefois, il aurait remarqué l'apparition d'une première vésicule claire sur le pôle tourné du côté du vagin, puis d'une se- conde vésicule située à une certaine distance. Ces deux vésicules acquerraient un noyau; mais les contractions du vitellus, qui tendent à les ramener vers le centre, cessant, elles sembleraient se fusionner, ou plutôt s'accoler. Ce phénomène est bientôt suivi de la division et de la segmentation du vitellus. Auerbach^ a étudié surtout, au point de vue qui nous occupe, Y Ascaris nigrovenosa et le Strongylus auricularis ; il a vu la vésicule * R. Blanchard, loc. cit., p. 19. 2 BuTSCHLi, Zur Kenntniss der freilebenden Nematoden {Nov. Act. Acad. Leopold Carol., Bd. XXXVI, i873, p. 115 et 116. Taf. xxvi). s AuERBACHj Organologische sludien, Breslau, 1874. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 363 germinativo disparaître; il se formerait, d'après lui, dans la couche superficielle de la masse vitelline, deux espaces clairs placés aux deux pôles de l'œuf ; mais qui ne tarderaient pas, en grossissant lente- ment, à se rejoindre et à se juxtaposer dans la région centrale. La fusion de ces noyaux s'opérerait, suivant cet auteur, d'une manière très complexe; mais nous ne reproduirons pas les détails minutieux qu'il en donne. D'après mes observations, le fait qui, dans l'œuf fécondé, succède à la formation de la coque, est le retrait du vitellus. Cette sorte de con- densation de la masse protoplasmatique de l'œuf s'accompagne de l'excrétion par celle-ci d'un liquide clair et transparent qui vient rem- plir l'espace laissé libre entre la coque et le vitellus condensé . Ce liquide périvitellin est comparable par sa position à l'albumine de l'œuf des oiseaux. Comme elle, il diminue à mesure que l'embryon grandit. La quantité relative de ce liquide, et, par conséquent, le degré de rétraction du vitellus, varient suivant l'espèce que l'on considère. Chez les Oxyures des Blattides, le vitellus, après sa condensation, ne remplit plus que le tiers de la capacité de l'œuf, le reste est occupé par le liquide périvitellin. Chez les Oxyuris spirotheca, hythophili et hydroi, ce retrait est au contraire peu marqué, comme cela se voit pour l'œuf de l'Oxyure vermiculaire, de sorte que la quantité de liquide périvitellin est pour ainsi dire insignifiante. Je ferai remarquer à ce propos que le retrait du vitellus n'est pas plus prononcé chez les espèces dont l'œuf est entouré d'une coque très mince ; bien au contraire, nous voyons ce retrait se produire avec beaucoup d'activité chez les Oxyures des Blattides, dont l'œuf est entouré d'une coque très épaisse. Chez VO. Kioickeli, l'œuf demeure transparent, même après l'ex- crétion du liquide périvitellin, dont la coloration jaune verdàtre ne se manifeste que tardivement ; la coque et sa crête revêtent en même temps la teinte brune qui les caractérisent. La température a sur la marche du développement une influence considérable. Pendant les grandes chaleurs de l'été, la segmentation se fait en quelques heures. En hiver, au contraire, ou lorsque l'œuf est placé dans un milieu à basse température, ce processus ne s'ef- fectue qu'au bout de plusieurs jours. Toutefois, les phénomènes sont les mêmes et diffèrent uniquement par la rapidité de leur évolution. Avant le retrait du vitellus il est facile de distinguer dans l'épais- seur de celui-ci la vésicule germinative ; mais, dans beaucoup d'es- 304 OSMAN GALEB. pèces, elle n'est plus visible après que le reirait s'est produit. A quoi tient ce phénomène ? La vésicule a-t-elle disparu, ou bien est-elle simplement masquée parles granulations vitellines? C'est cette der- nière opinion que je suis forcé d'adopter. J'ai, en effet, constaté la persistance de la vésicule germinative dans l'œuf des Oxyures des Insectes. Chez les parasites des Hydrophi- lides, elle est très volumineuse, et, malgré les granulations qui la dissimulent, un peu d'attention permet de la découvrir. Chez VO. Biesingi, il m'a même été donné d'observer quelquefois sa division d'une façon très-nette. Chez les espèces dont l'œuf est obscurci par le retrait vitellin porté à un très haut degré, il suffit souvent de comprimer, avec grande précaution, il est vrai, le vitellus, pour découvrir à son centre la vé- sicule germinative ; sa fragilité est telle alors qu'elle peut être facile- ment détruite. Quand la contraction vitellinc est arrivée à son maxi- mum, on voit bientôt des mouvements lents s'établir dans la masse du vitellus et s'accentuer de plus en plus ; on les suit sans difficulté, parce que les granulations vitellines paraissent obéir à un courant diiigé suivant le grand axe de l'œuf. Ces mouvements s'accentuent davantage; il se forme alors deux zones dans la masse vitelline : l'une périphérique, dépourvue de granulations; l'autre centrale, conte- nant toutes les granulations. Le vitellus présente bientôt après des étranglements superficiels, pousse lentement et de tous côtés des expansions hyalines (pi. XIX, flg. 6), qui se rétractent ensuite avec la même lenteur, tandis que d'autres font saillie en des points diffé- rents de la surface. Les prolongements qu'on voit se former de cette manière sont hyalins, parce qu'ils appartiennent à la zone périphérique du vitellus dépourvue de granulations, celles-ci ayant été attirées vers le centre par une sorte de force centripète. 11 n'y a quelquefois qu'un ou deux prolongements, qui peuvent être régulièrement arrondis ; ils simu- lent sous cet aspect ce que les auteurs ont décrit sous le nom de globules polaires. Les expansions deviennent de plus en plus rares et finissent même par disparaître complètement. Alors le centre du vitellus s'éclaircit, et dans les espèces où il est très granuleux, et par suite très obscur, on peut distinguer la vésicule germinative, mais elle est partagée en deux (pi. XVII, flg. 6). Si l'étude de la persistance de la vésicule germinative offre cer- taines difficultés chez la plupart des espèces, il n'en est pas de même ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 36S chez VO. blatticola; en effet, quand on observe avec attention les tubes génitaux d'une femelle adulte, on trouve des œufs, déjà cou- verts de leur coque, à tous les degrés de développement : les uns ayant leur vitellus parsemé de vésicules transparentes et possédant une vésicule germinative vers un de ses pôles ; ce sont les œufs non segmentés (pi. XXII, fig. 1) ; les autres ayant leur vésicule germinative allongée en forme de biscuit et en voie de division (pi. XXII, fig. 2). Après s'être ainsi allongée, la vésicule germinative se partage, et l'on voit alors dans la masse vitelline deux taches claires vaguement ar- rondies (pi. XXII, fig. 3). La segmentation se fait très rapidement, et il faut beaucoup de vigilance pour surprendre le phénomène. Les deux moitiés de la vésicule germinative s'éloignent alors l'une de l'autre, se rapprochant ainsi des pôles de l'œuf; l'une conserve la position primitive qu'occupe la vésicule avant sa division, l'autre émigré vers l'autre pôle (pi. XXII, fig. 4); les granulations, obéissant à une sorte d'attraction, se groupent autour des nouvelles vésicules, et ces deux noyaux sont bientôt entourés chacun d'un amas de gra- nules; ce sont les deux premiers blastomères. A la première moitié correspond le plus petit blastomère, à la seconde correspond le plus volumineux. La division se fait suivant un plan voisin de l'équateur. Avant d'aller plus loin, nous devons parler d'un phénomène qui, suivant beaucoup d'auteurs, se manifesterait dans l'œuf au moment de la segmentation ; ce phénomène, observé chez beaucoup de Ver- tébrés, et surtout d'Invertébrés, consiste dans un arrangement par- ticulier des granulations vitellines autour de la vésicule germinative. Dans cet état, les granulations affectent une disposition radiée qui donne à l'ensemble un aspect étoile, l'aspect d'un soleil, suivant l'ex- pression consacrée. On a vu les mêmes faits se reproduire quand les blastomères se segmentent pour donner naissance aux premières cellules embryonnaires. J'avais observé ce phénomène dans des œufs de Vertébrés et d'Invertébrés et je m'attendais à le voir également chez les Oxyures des Insectes; mais, dans toutes mes recherches, je n'ai jamais réussi à le constater. Doit-on conclure de ce fait que le phénomène de radiation vitelline ou de soleil n'est pas général? Je serais porté à croire que l'apparition des soleils est dissimulée dans l'œuf de nos Helminthes par la pré- sence des vésicules graisseuses transparentes qui remplissent encore la masse vitelline au moment de la segmentation, si toutefois leur production n'est pas déterminée par l'emploi des réactifs. Plusieurs 366 OSMAN GALEB. fois j'ai pu, sur l'œuf de VO. Kïmckeli, constater que les cellules du blastoderme extrait de la coque laissaient voir dans leur intérieur des granulations disposées en rayons partant d'un centre commun, et ce centre était le noyau de la cellule; mais c'était toujours à la suite de l'emploi des réactifs. Pour expliquer l'inégalité de volume 'des deux premiers blasto- mères, Schneider ^ fait remarquer qu'il a pu découvrir chez certaines espèces de Nématodes que la vésicule germinative se divise en quatre ou huit parties, qui se répartiraient inégalement entre les deux hé- misphères du vitellus. Celui de ces hémisphères qui en renfermerait le plus grand nombre deviendrait, au moment de la segmentation, le plus gros des blaslomères. Nous n'avons pas observé ce fait chez nos Vers, mais nous avons fait la remarque que le plus gros blastomère contient toujours le plus gros noyau. L'inégalité des deux premières sphères de segmentation pourrait donc être attribuée à l'inégalité des segments de la vésicule germinative ; chaque portion de celle-ci exer- çant probablement, sur les granulations vitellines, une force attrac- tive proportionnelle à son volume. Dans les segmentations subséquentes, les phénomènes que nous venons de décrire se reproduisent de la même façon pour chaque blastomère ; cependant, il est alors beaucoup plus facile d'observer la division des noyaux, et Ton peut constater que cette division précède toujours la segmentation de la sphère vitelline correspondante. Nous venons d'expliquer avec détail ce qu'on observe dans l'œuf jusqu'à la formation des deux premiers blastomères, c'est-à-dire jus- qu'au stade 2. A partir de ce moment, les phénomènes de la segmen- tation ne m'ont pas toujours paru se succéder de la même manière chez lesfparasites des Blattides et chez ceux des Hydrophilides, Chez les Oxyures des Blattides, l'œuf présente toujours le type de la segmentation régulière, et l'on voit les deux blastomères se diviser simultanément : c'est le stade 4. Cette division se reproduisant pour chacun des nouveaux blastomères qui se segmentent tous en même temps, on a successivement les stades 8, 16, 32. Dans l'œut des Oxyures parasites des Hydrophilides, nous avons vu souvent les deux premiers segments du vitellus accolés l'un à l'autre et offrant par leur réunion l'aspect d'une Grégarine. 11 arrive quelquefois que les segments de l'œuf de ces derniers * Schneider, ilonographie der ^ematoden, p. 290. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. M67 Oxyures ne se divisent pas simultanément; le plus gros se partage seul, stade 3 ; mais sa division est immédiatement suivie de celle de l'autre sphère primitive, stade 4. Le même processus se répétant dans les segmentations subséquentes, on obtiendrait donc des stades 5, 6, 7,8, etc. Mais ces stades intermédiaires, et en quelque sorte anormaux, n'ont qu'une durée très éphémère. A peine l'un d'eux est-il constitué que le suivant prend naissance; aussi faut-il une attention soutenue pour les observer. Au contraire, quand l'œuf est parvenu à des stades par lesquels il aurait dû passer dans une segmentation régulière, il semble se reposer, de sorte qu'il est beaucoup plus facile de consta- ter les stades normaux 2, 4, 8, etc., que les stades transitoires 3, 5, 6, 7, etc. Claparède a fait une observation analogue chez V Hedruris androphora. Schneider', qui a constaté le même phénomène dans les œufs de y Ascaris megalocephala, le regarde comme une modification du pro- cessus ordinaire, due à des influences extérieures. Nous nous range- rons à son avis. Leuckart a dessiné des phénomènes semblables s'effectuant dans l'œuf de YO. vermicularis 2. Dans les premiers stades de développement, on voit nettement que la masse de chacun des blastomères est douée de mouvements ami- boïdes très lents ; ces blastomères poussent aussi, comme le vitellus primitif, de nombreux prolongements hyalins et dépourvus de gra- nules. Il se passe ici pour chaque blastomère exactement les mêmes modifications que nous avons décrites en parlant des premiers phéno- mènes qui s'accomplissent dans le vitellus : formation de deux zones, l'une périphérique et hyaline, l'autre centrale granuleuse. A mesure que'la segmentation se continue et que les sphères vitellines, par suite du fractionnement, diminuent de volume, les mouvements amiboïdes deviennent de moins en moins visibles, à cause sans doute de la fai- ble dimension des blastomères, et finissent même par cesser d'être perceptibles. Quand la segmentation est achevée, les blastomères, entassés les uns sur les autres, circonscrivent une petite cavité, très peu appa- rente, correspondant au centre de l'œuf. Le vitellus présente alors l'aspect d'une mûre ou d'une framboise (pi. XXII, fig. 8) ; c'est ce qu'on appelle, en Embryologie, Vétat mimforms. » Schneider, loc. cit., p. 291, * Leuckart, loc. cit., p. 322. 368 OSMAN GALEB. Mais, par le progrès du développement, l'amas des blastomères ne tarde pas à changer d'aspect. La petite cavité formée au milieu d'eux est d'abord à peine visible, mais elle s'agrandit peu à peu sous la pres- sion d'un liquide qui, en augmentant de quantité, refoule les blasto- mères vers la périphérie. Ceux-ci, qui, dans l'état mûriforme, étaient entassés les uns sur les autres, se trouvent alors répartis sur une surface plus grande ; ils se sont écartés en continuant à circonscrire la cavité centrale, et forment autour d'elle une couche de plus en plus régulière. Il arrive un moment où ces blastomères ne sont plus su- perposés, et où chacun d'eux trouve à se placer sans chevaucher l'un sur l'autre (pi. XXII, fig. 9, et pi. XXV, iig. 5). La couche unique de cellules ainsi formée constitue le blasto- derme ; celui-ci, formé d'une seule couche, donne bientôt naissance par division ou délamination à un feuillet interne. La formation de ce second feuillet se voit très nettement dans l'œuf des parasites des Hydrophilides ; le blastoderme se compose alors de deux couches con- centriques au milieu desquelles se trouve la cavité centrale. Par la multiplication de ses cellules, le blastoderme s'allonge dans le sens du grand axe de l'œuf; c'est dire que la cavité blastodermique augmente de longueur pendant qu'elle diminue de largeur. Du côté de l'extrémité la plus grosse de la coque on voit se former la rangée de cellules qui doit produire l'appendice caudal. En même temps l'autre extrémité de l'embryon s'allonge pour former la partie anté- rieure du corps. Il me paraît utile de rappeler les résultats auxquels Biitschli * est arrivé à propos de la formation du blastoderme et de ses feuillets chez le Cucullanus elegans. Selon cet auteur, quand les premières cel- lules sont arrivées à constituer le sac blastodermique, fermé de toute part, dont nous venons de décrire la formation chez nos Vers, les parois du sac se rapprochent pour constituer un corps allongé à deux assises de cellules. Ce corps, d'abord droit, s'incurve de telle sorte que ses extrémités finissent par se rapprocher, en laissant entre elles un espace libre : nous avons alors la forme Gastrula tant recherchée aujourd'hui dans les premières phases du développement; l'espace libre représente l'ouverture du Gastrula. Plus tard, ce Gastrula s'allonge et donne naissance à l'embryon proprement dit ; l'ouver- 1 BûTscHLi, Zur Enttvicklungsgeschichte des Cucullanus elegans, in Zeitsch. f. iviss. Zool., Bd. XXVI, 1870, p. 103. Taf. v. ORGANISATION ET DÉVELOPPEiMENT DES OXYURIDKS. 369 ture anale du CucuUanus se formera du côte de la bouche du Gas- trula, tandis que la bouche de l'Helminthe se constituera du côté opposé. Hallez* a pu observer sur l'œuf de V Anguillula aceti des phé- nomènes semblables; seulement, pour cet auteur, la bouche de l'An- guillule s'ouvrira du côté où se trouve la bouche du Gastrula, tandis que l'anus prendra naissance du côté opposé. En résumé, le blasto- derme est d'abord formé d'une seule et unique couche de cellules; plus tard, par sa transformation en Gastrula, une de ses moitiés con- stituera le feuillet externe, tandis que l'autre moitié formera, par une sorte d'invagination, le feuillet interne qui chez nos Oxyures est, au contraire, un résultat de division ou de délaniination du feuillet principal. Gomme nous avons eu soin, en décrivant les différents appareils de nos Helminthes, de parler de leur développement, nous n'y revien- drons pas dans ce chapitre. Mais nous exposerons le résultat d'une série d'expériences que nous avons faites sur la durée du développe- ment, en renvoyant au chapitre suivant pour le détail des procédés qui nous ont permis d'observer depuis le commencement jusqu'à la fin la série des phénomènes embryologiques. La température exerce, avons-nous dit, sur la durée du développe- ment une influence considérable. En été, les œufs des Oxyures de la Blatte orientale et de la Blatte américaine, mis en incubation, ren- ferment, au bout de trois ou quatre jours, des embryons entièrement formés. Dans la même saison, l'embryon de VO. blatticol.a, espèce qui pond des œufs déjà segmentés, se forme encore plus vite. En hiver, il ne faut pas moins de dix jours pour que l'embryon soit constitué, si on laisse, bien entendu, les œufs dans un endroit non chauffé. A cette question de la durée du développement s'en rattache une autre, que mes expériences m'ont permis de résoudre. On admet gé- néralement qu'il est impossible de reconnaître dans le jeune âge si un Helminthe devient un mâle ou une femelle; le fait peut être exact pour les Nématodes à migrations, mais il est invraisemblable pour les Vers qui nous occupent. Biitschli, par exemple, a émis l'idée que primitivement les mâles et les femelles se ressemblent absolument, et que dans les jeunes formes il est impossible de les distinguer. Suivant le même auteur, les jeunes, qui deviendront des mâles, subiraient » Hallez, Sur le développement de l'Anguillula aceti, in Rev. se, nat. de Montpel- lier, t. V, 1877, p. 454. 1 pi. ARCH. DE ZOOL. F.XP. ET GÉN. — T. VU. 1878. 24 :370 OSMAN GALEB. un arrêt dans leur évolution, tandis que les autres, continuant à se développer, produiraient des femelles^ J'ai partagé cette manière de voir jusqu'au jour oh, pratiquant des expériences d'incubation, il m'a été permis de constater que, dans l'œuf même, on peut distin- guer des mâles et des femelles. En examinant des œufs soumis depuis trois jours à une chaleur tempérée, je vis qu'un petit nombre d'entre eux contenaient des embryons bien formés, et entièrement semblables à ceux que j'avais observé jusqu'alors ; mais les autres œufs n'avaient pas subi la moin- dre segmentation; celle-ci finit pourtant par avoir lieu, et au bout de douze jours je constatais que ces œufs retardataires contenaient tous des embryons entièrement différents des premiers (pi. XVIII, fig. 5). En répétant plusieurs fois cette observation, j'ai pu me convaincre que les embryons qui donnent naissance à des femelles se dévelop- pent bien plus rapidement que ceux qui produisent des mâles. Seraient-ce les œufs des premières pontes qui produisent des mâles? Cela est fort probable. Ce seraient donc les œufs pondus par de jeunes femelles qui donneraient naissance à des Oxyures mâles. 11 n'est pas facile, il est vrai, de savoir si une femelle a fait ou non plusieurs pontes ; mais nous ferons remarquer que chez nos Néma- toïdes, et surtout chez les 0. blatticola et hydroi, les mâles font leur apparition dans l'intestin des insectes avant les femelles, et très souvent, au milieu de nombreux mâles adultes, on rencontre un petit nombre de femelles relativement jeunes. Nous avons d'ail- leurs invoqué cette particularité d'apparition anticipée, pour expli- quer la rareté des mâles à un moment oiiles femelles adultes sont très nombreuses. Ne pourrait-on pas rapprocher ce fait de ce qu'on observe chez les insectes? En effet, chez ceux-ci l'apparition du mâle précède constamment celle des femelles. Celles-ci disparaissent à leur tour les dernières. Pt'opagation. Leuckart^ a fait d'intéressantes recherches sur la propagation des Oxyurides, parasites des Vertébrés, et particulièrement sur l'Oxyure vermiculaire. J'ai entrepris des recherches du même genre sur les Oxyures des Insectes, et je vais en exposer les résultats. 1 0. BuTSCUU, Unlersuchimgcn iiber die beiden Nemaloden der Peri^hanela (Blatta) orientalis [Zeitsch. fiir wiss. Zool. Bd,. XXI, p. 290.) 2 Leuckart, loc. cit., p. 322-330. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 371 Au moment de leur expulsion avec les excréments de la Blatte ou de l'Hydrophile, les œul's des parasites sont plus ou moins déve- loppés. Ceux des Oxyures qui vivent dans le Periplaneta orientalis n'ont encore subi aucun développement; ceux de VO. blatticola ont déjà franchi les premiers stades de la segmentation ; enfin, chez les parasites des Hydrophilidcs, l'embryon est tout formé. Quelle que soit celle de ces espèces que l'on considère, l'Oxyure qui sortira de l'œuf, devant passer sa vie dans l'intestin d'une espèce particulière deBtattide ou d'Hydrophilide, n'achèvera de se dévelop- per qu'à une condition : c'est d'être ingéré en temps opportun par un insecte de l'espèce qui doit l'héberger dans son intestin. Les œufs des Oxyures sont donc confiés au hasard. Dans certains cas, la température propice du milieu ambiant et l'humidité de la matière fécale qui les environne peuvent les conser- ver pendant quelque temps; mais il arrive fatalement qu'un grand nombre d'entre eux périssent et se détruisent ; souvent aussi la phase favorable à l'évolution embryonnaire n'a pas été atteinte ou s'est écoulée lorsque les œufs sont ingérés. L'espèce serait menacée de dis- paraître, si les femelles, comme c'est d'ailleurs la règle pour tous les animaux dont les œufs sont exposés à de nombreuses causes de des- truction, ne jouissaient d'une fécondité remarquable. Nous avons, en effet, observé que chaque femelle pond un nombre considérable d'œufs. Il est facile de concevoir que, sur une pareille quantité, il y a bien des chances pour que plusieurs œufs soient avalés et placés dans des milieux favorables. Mais si le hasard joue un grand rôle dans le phénomène de la trans- mission des parasites, et si l'ingestion de chaque œuf n'est pas assurée d'une manière inévitable, il est des causes adjuvantes bien capables, comme on le verra plus loin, d'atténuer les risques de destruction que les œufs ont à courir. Quelles sont ces causes, et comment l'Oxyure arrive-t-il dans l'in- testin de l'Insecte qui doit l'héberger? Avant de répondre à ces ques- tions, nous croyons indispensable de rappeler, dans ses traits les plus essentiels, le genre de vie des animaux qui nourrissent ces Helmin- thes, c'est-à-dire des Blaltides et des Hydrophilidcs. Les Blattides ont l'habitude de se réunir en bandes nombreuses, qui restent cantonnées dans le même endroit, tant qu'elles y trou- vent de la nourriture. On observe cette habitude, à des degrés divers, dans toutes les espèces de cette nombreuse famille, soit qu'elles 372 OSMAN GALEB. vivent dans le voisinage de l'homme, comme la Blatte orientale qui infeste les cuisines, soit qu'elles se tiennent loin des habitations, comme ces Blattides exotiques qui, au rapport des voyageurs, se réu- nissent par milliers dans les creux des vieux arbres. Une autre particularité, qu'on retrouve chez toutes les Blattides, c'est l'étonnante voracité de ces animaux et la facilité avec laquelle ils s'accommodent de tous les régimes. Les substances d'origine vé- gétale ou animale, et à défaut la terre imprégnées d'humus; les ca- davres de leurs congénères et môme les étoffes, tout convient à leur insatiable appétit. Ce genre de vie assure complètement la propaga- tion des parasites. En effet, il ne peut manquer d'arriver que ces in- sectes, réunis en grand nombre dans un espace restreint, souillent de leurs excréments des substances qui seront bientôt avalées par leurs compagnons ou par eux-mêmes, et comme les œufs des para- sites sont enveloppés dans ces excréments, on conçoit que, dans ces conditions, ils aient de grandes chances d'être ingérés. Les Hydrophilides ont des mœurs bien différentes. Ils se trouvent ordinairement dans l'eau, et pullulent beaucoup moins que les Blat- tes; mais, bien qu'ils ne forment pas, comme celles-ci, des légions nombreuses, ils se groupent en colonies. D'ailleurs, au point de vue de la voracité, ils peuvent être, jusqu'à un certain point, comparés aux Blattides. On les voit, en effet, dévorer des plantes aquatiques très variées et en absorber des quantités considérables. Quoi qu'il en soit, comme les Hydrophilides se tiennent habituelle- ment dans l'eau, on pourrait croire que les œufs de leurs parasites, après la dilution, par le liquide ambiant, de l'excrément qui les en- veloppe, vont couler à fond et se mêler au sable ou à la vase, per- dant ainsi toute chance d'être avalés par un autre Hydrophilide. C'est cependant ce qui arriverait, si l'œuf des Oxyures qui vivent dans les insectes aquatiques ne présentait une disposition spéciale, que nous avons décrite dans un des précédents chapitres. 11 s'agit du filament roulé en hélice, qui, avons-nous dit, entoure l'œuf, par le rapprochement des tours de la spire, d'un chorion supplémentaire. Tant que l'œuf est renfermé dans les organes génitaux de la femelle, ce fil reste enroulé autour de la coque. Nous ne saurions décider si c'est la paroi de l'organe génital qui, par sa pression, le maintient dans cet état, ou s'il ne reste ainsi que faute d'avoir l'élasticité néces- saire pour se dérouler : il pourrait se faire d'ailleurs que les différents tours soient maintenus en place par une substance agglutina tive qui. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 373 en se dissolvant dans l'eau, leur laisserait toute liberté de s'étendre. Toujours est-il que, môme après l'expulsion de l'œuf avec les excré- ments de l'Hydrophile, le filament peut rester enroulé. Mais, aussitôt que les matières fécales ont été désagrégées par l'eau, le filament se déroule, et comme il est extrêmement long, il ne peut manquer de s'accrocher aux objets voisins, et surtout aux plantes aquatiques submergées. Ces plantes servant de nourriture exclusive à l'Hydrophile, celui-ci est exposé h avaler fréquemment des œufs du parasite. D'ailleurs, il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer que si les Hydrophilides, comme, par exemple, les Hydrophilia proprement dits, peuvent parcourir, en nageant, d'assez grandes distances, ils vivent presque toujours en famille ; il en est d'autres, tels que les Hy- di'obius, qui nagent assez rarement et ne quittent guère les plantes qui les nourrissent ; on les voit môme se réunir en petites troupes. Au point de vue de la propagation des parasites, nous trouvons donc chez ces espèces les mêmes conditions que chez les Blattides, sauf la différence de milieu ; mais nous venons de voir comment les obstacles que pourrait susciter cette différence sont efficacement combattus par la structure singulière du petit œuf. Dans les deux familles naturelles d'Insectes, Blattides ou Hydrophi- lides, dont nous avons étudié les parasites, répoc|ue de Finfestation n'est pas la même. En effet, les Blattides sont des Insectes à métamorphose incom- plète, dont le genre de vie est le même à l'état larvaire et à l'état adulte. Les Blattes, aussitôt après l'éclosion, se mettent à courir par tout, en quête de nourriture, et sont par conséquent exposées dès ce moment à ingérer des œufs d'Oxyuridés ; l'infestation chez les Blattides peut donc avoir lieu de très bonne heure ; et l'examen de larves fort jeunes fait découvrir dans leur intestin des Nématodes nouvellement éclos et appelés à grandir et à se développer en même temps que leurs hôtes. Par contre, la larve de VHydrop/ulus picem, que nous avons main- tes fois disséquée, ne nous a jamais offert d'Oxyures parasites; et cela n'a rien qui puisse surprendre, étant donné le régime exclusivement carnassier de cette larve. Elle n'est pas exposée, en effet, comme l'in- secte adulte, à avaler des œufs d'Oxyures, puisque ces œufs sont rete- nus au milieu des végétaux de la manière que l'on sait ; et s'il lui arrivait, par hasard, d'en absorber, les embryons ainsi ingérés ne 374 OSMAN GALEB. trouvant pas, dans l'intestin de cette larve carnassière, les mêmes conditions de milieu et de nourriture que dans celui de l'Hydrophile adulte, ne tarderaient pas à périr, si toutefois l'cclosion avait lieu. C'est donc seulement à l'état parfait que les Hydrophilides peuvent nourrir des Oxyures parasites. La facilité que nous avons eue de nous procurer des Blattes en abondance nous a déterminé à entreprendre des expériences d'édu- cation. L'heureux succès de ces tentatives nous ayant permis de sui- vre pas à pas la série des phénomènes embryogéniques et d'étudier les conditions de la propagation des Oxyures, nous croyons utile de décrire nos procédés d'expérimentation. On se procure des œufs en disséquant une femelle adulte dans un verre de montre, au fond duquel on a préalablement versé quelques gouttes d'eau ; les œufs se trouvent ainsi placés dans le milieu hu- mide qui leur convient'. Pour empêcher Tévaporation et, par suite, le dessèchement de ces œufs, on dépose le verre de montre sur un linge mouillé, placé lui-même dans une soucoupe, et l'on recouvre le tout d'une cloche. En conservant cet appareil dans un milieu à douce température, on ne tarde pas h obtenir des embryons. La rapi- dité de leur formation dépend alors de l'élévation de la température ambiante. Dans ces conditions, si on observe pendant l'été des œufs d'Oxyu- res i)rovenant de la Blatte orientale ou de la Blatte américaine, l'ap- pareil ayant la même température que l'air ambiant, on constate que trois jours suffisent au développement complet des embryons. Ce ré- sultat montre évidemment que Biitschli, qui, dans ses expériences sur les œufs des Oxyures de la Blatte orientale, n'est pas parvenu à élever des embryons, a dû employer une méthode défectueuse, puis- qu'il déclare « avoir laissé pendant plus d'un mois des œufs en incu- bation, sans avoir vu leur segmentation dépasser l'état mùriforme. » Si l'on répète la même expérience pendant l'hiver, en tenant encore notre appareil à incubation à la température de l'air extérieur, il faut attendre au moins dix jours pour obtenir des embryons. Les embryons obtenus par ce procédé de culture sont éminemment aptes à se développer dans l'intestin des Insectes ; pour s'en convain- cre, il suffit d'infester des Blattes dépourvues d'Oxyures ; c'est la Blatte germanique qui convient le mieux pour cette expérience, parce qu'elle supporte assez bien la captivité. 11 arrive très souvent que des Orthoptères pris dans une localité ne ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 37S contiennent pas un'seul Helminthe, tandis que des Blattes de la môme espèce, mais recueillies dans une autre localité, en renferment con- stamment. On examine donc un certain nombre de ces insectes pris au hasard, et, s'ils n'ont pas de parasites, on les enferme dans un bocal très vaste et bien couvert. Il faut évidemment reléguer ce bocal dans un endroit sombre, afm de procurer aux Blattides les conditions bio- logiques qui leur sont le plus favorables, — on les soumet alors à un jeûne de deux ou trois jours. Au bout de ce temps, on leur donne de la salade hachée menu ou de la mie de pain auxquels on a mélangé le mieux possible des œufs contenant des embryons d'Oxyures. Les Blattes, en mangeant ces aliments, avalent en même temps les em- bryons, et quelques jours après on peut constater que des parasites vivent et prospèrent dans l'intestin des insectes, devenus leurs hôtes. Pour donner plus de certitude à mes expériences, je me suis servi de jeunes Blattes {Bialta gennanica) que je faisais éclore moi-même, et qui se trouvaient, par conséquent, sans parasites; je lésai infes- tées avec la plus grande facilité. Je n'ai pas répété la même expérience avec les parasites des Hydro- philides ; mais," plus d'une fois, en examinant les plantes aquatiques déposées dans l'aquarium de petites dimensions où je conservais des Hydrophiles infestés de Nématodes, j'ai pu contater la pré- sence de petits o^ufs d'Oxyures, attachés à ces plantes par leur fi- lament. Enfm, j'ai à signaler une observation d'un autre genre, que j'ai faite sur VO. hydroi. M'étant procuré des Hydrous caraboïdes non infestés, je les mis dans un bocal, en compagnie d'insectes de la môme espèce qui renfermaient des Vers. Au bout de quelques jours, je disséquai mes Hydrous, et je pus me convaincre qu'ils avaient tous de jeunes Nématodes venant d'éclore dans leur intestin. Il est un dernier fait sur lequel je dois appeler l'attention. Conduit par la nature de mes recherches à pratiquer des dissections multi- pliées de Blattides et d'Hydrophilides, j'ai été souvent surpris du nombre prodigieux d'Oxyures qu'on peut rencontrer dans l'intestin d'un seul de ces insectes. Il m'est arrivé parfois, par exemple, de trouver dans un Hydrophilus piceus près de cent Nématodes. Etant données les conditions auxquelles est soumise la transmis- sion des Oxyures chez les Hydrophilides, est-il permis d'admettre que tous ces parasites proviennent d'œufs ingérés par l'insecte ? J'ai beau- 376 OSMAN GALEB. coup de peine à le croire, et il me semble qu'on peut donner de ce l'ait une explication plus vraisemblable. Après sa dernière métamorphose, l'Hydrophile avale, avec les plantes aquatiques, les œufs d'Oxyures qui s'y trouvent suspendus. Ces œufs renferment, comme nous le savons, des embryons tout formés; ils écloscnt bientôt, et les Nématodes, une fois libres, s'éta- blissent dans la région de l'intestin qui convient, exclusivement à toute autre, à la période active de leur existence. L'Hydrophile ac- quiert donc ses premiers parasites en avalant les œ.ufs qui les con- tiennent, et cette ingestion peut seule expliquer la première appari- tion des Oxyures dans son intestin. Les Nématodes ainsi introduits atteignent le terme de leur déve- loppement, et les femelles ne tardent pas à pondre. La plupart de leurs œufs sont bientôt expulsés au dehors avec les excréments de l'insecte. Mais, si le filament spiral d'un certain nombre d'entre eux vient à se dérouler avant leur expulsion, l'œuf est bientôt arrêté par l'algue parasite qui encombre souvent chez l'Hydrophile cette partie du tube digestif, et, à moins que l'algue ne soit elle-même arrachée et entraînée au dehors, ceux-ci restent dans l'intestin et ne tardent pas à éclore; les Nématodes qui en sortent se développent donc sur place. Le même fait venant à se reproduire plusieurs fois, les parasites finissent par s'accumuler en grand nombre dans l'intestin de l'insecte. Les choses se passant comme nous venons de l'indiquer, l'algue parasite doit être d'autant plus abondante que les Oxyures sont eux- mêmes plus nombreux, et c'est ce que nos observations nous ont per- mis maintes fois de constater. La durée de la maladie vermineuse produite par l'Oxyure vermicu- laire dans l'intestin de l'homme et la prodigieuse multiplication de cet Helminthe trouveraient donc leur explication dans un fait analogue. Un certain nombre d'œufs arrêtés par les replis de la muqueuse intesti- nale, trouvant là une chaleur et une humidité convenables, se déve- lopperaient sur place. Les recherches de Leuckart et du docteur Heller ont d'ailleurs montré que le développement de l'Oxyure vermiculaire s'effectue en très peu de temps. n est une assertion de Vix qui mérite d'être discutée. Cet auteur suppose qu'après l'éclosion les embryons de VOxyvris vermicularis se déplacent et remontent dans la partie supérieure de l'intestin pour y achever leur développement, pour redescendre ensuite vers la région ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 377 inférieure ou gros intestin. Or, il résulte de nos observations sur les Oxyures des Insectes que ces Nématodes accomplissent toutes les phases de leur évolution dans la région terminale de l'intestin, c'est- à-dire dans la partie du tube digestif des Insectes qui correspond au cœcum des Vertébrés. L'assertion deVix me paraît donc fort douteuse. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. De l'ensemble des faits que nous venons d'exposer, on peut tirer une série de déductions, dont il me paraît nécessaire de faire ressor- tir l'importance. Je ferai remarquer tout d'abord que l'organisation des Nématodes étudiés par nous s'adapte admirablement aux mœurs de leurs hôtes, soit qu'il s'agisse des espèces qui vivent dans la famille des Blattides, soit que l'on considère les espèces qui habitent la famille naturelle des Hydrophilides. Tous nos Helminthes appartiennent à un seul genre, au genre naturel Oxyuris, qui nous paraît être même le plus répandu, s'il n'est pas le seul qui habite la région terminale de l'intes- tin des Insectes. C'est, en effet, dans le genre Oxyuris que nous croyons devoir classer toutes les espèces nouvelles d'Entozoaires dont la découverte nous est due. L'étude des mœurs, de l'organisation, du développement nous a conduit à une telle conclusion. Certains au- teurs auraient été certainement tentés d'établir de nouvelles coupes génériques, mais je n'ai pas voulu céder à un sentiment d'amour- propre; de la discussion des faits il ressortira, je crois, la conviction que les caractères sur lesquels on serait tenté de s'appuyer, si l'on avait sous les yeux seulement quelques espèces, perdent toute valeur lorsque l'on peut examiner, ainsi que je l'ai fait, un nombre considé- rable d'espèces, un noml)re immense d'individus. Chez les parasites des Blattides, par exemple, on compte généralement trois petites lè- vres autour de la bouche, tandis que chez les parasites des Hydro- philidesonen aperçoit six, mais cette particularité, prise en consi- dération toute seule, devient vraiment très secondaire. La cuticule présente souvent des expansions que nous avons appelées bourre- lets et ailes latérales; ces appendices varient peu de forme et de dimension et ne peuvent fournir que des caractères spécifiques; ils manquent absolument chez les mâles. Le mot Oxyure indique que les Nématodes appartenant au genre 378 OSMAN GALEB. ainsi nommé, ont un appendice caudal effilé. Ne serait-on pas en ■ droit de supposer que les variations de forme de cet appendice peu- vent fournir des caractères permettant d'établir des subdivisions? Il n'en est rien ; la queue peut affecter des dispositions variables chez les espèces qui se rapprochent par des caractères bien plus impor- tants, et présente un aspect tout différent chez le mâle et la femelle. Chez certains Oxyures, l'œsophage est court et pyriforme; chez d'autres, il est cylindrique et allongé ; mais, si l'on examine compa- rativement le tube digestif de toutes nos espèces, on peut passer d'une forme à l'autre par degrés insensibles. Les 0. blatticola [eX œgyptiaca offrent la particularité de n'avoir qu'un seul ovaire ; mais l'ensemble de leurs caractères les rappro- che si étroitement des autres espèces, que nous ne regardons pas cette particularité comme suffisante pour les séparer génériquement. La situation de l'orifice vulvaire est très variable, chez nos diffé- rentes espèces d'Oxyures; nous avons vu, en effet, qu'il peut occuper, sur la face ventrale, toutes les positions, depuis le voisinage de la bouche jusqu'auprès de l'ouverture anale et on ne saurait réellement en tirer que des caractères spécifiques. Les Oxyures des Hydrophilides pondent leurs œufs quand l'em- bryon est déjà formé ; l'œuf des espèces parasites des Blattides n'a subi, au moment de la ponte, aucun développement. Mais cette diffé- rence ne permet certainement pas d'établir de grandes divisions dans notre groupe naturel des Oxyures, puisque les œufs de quel- ques espèces parasites des Blattides subissent, avant d'être pondus, une segmentation partielle, et établissent ainsi une sorte de tran- sition. En résumé, je crois pouvoir conclure que tous les Nématodes para- sites de l'intestin des Blattides et des Hydrophilides appartiennent à un seul et même genre, le genre Oxyuris ; tous ses représentants ont, je le répète, les mêmes mœurs, la même organisation, et ils se déve- loppent tous de la même manière. Créer de nouveaux genres serait donc s'exposer à rompre les affinités les plus naturelles. Tout au plus pourrait-on créer une simple subdivision aux dépens des Oxyures qui vivent chez tous les représentants de la grande famille naturelle des Hydrophilides ; ces Helminthes étant seuls à présenter une particula- rité organique fort importante, en rapport avec les conditions biolo- giques de leur développement : l'œuf de ces animaux, étant destiné à être pondu dans l'eau, possède un fdament spirale qui lui permet de ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 379 s'attacher aux plantes aquatiques et qui assure la propagation ainsi que la conservation de l'espèce. Je pense qu'il faut accorder à l'exis- tence de ce filament une grande valeur, car il est l'expression d'une remarquable adaptation. J'ai cru, pour ces motifs, qu'il était possible de créer un sous-genre, sous le nom diHelicotrix. (Voir le chapitre consacré à la description des espèces.) Lorsque j'ai conçu l'idée d'étudier l'organisation des Oxyures, trois espèces étaient seulement connues et avaient été l'objet de quelques observations ; j'ai découvert plus de quarante espèces, et vingt-cinq ont plus particulièrement servi à mes investigations. On conçoit, d'après cela, que j'ai pu observer les mœurs de beaucoup d'espèces nouvelles, reconnaître des faits particuliers, ou donner aux faits déjà étudiés un caractère de généralité. J'ai reconnu qu'un insecte nourrissait généralement une seule ' espèce de parasite : mais j'ai remarqué qu'on trouvait quelquefois deux espèces d'Oxyures vivant côte à côte (comme chez les Pen'pla- neta orientalis, Polyphaga pegyptiaca, Panesthia de la Nouvelle-Guinée, certains Blabera). Il s'établit, entre les habitants d'un même intestin, une lutte pour l'existence des plus curieuses : l'une des espèces pros- père au détriment de l'autre, en s'emparant de toute la nourriture; je ne saurais mieux comparer ce fait qu'à celui que l'on observe lorsque deux plantes rivales se disputent le même coin de terre. De même qu'une des plantes cède forcément le sol et disparaît, de même un des deux Nématodes abandonne la lutte et disparaît. II est juste maintenant de se demander comment il se fait que tous les représentants de deux familles naturelles d'Insectes, celle des Blattides et celle des Hydrophilides, possèdent des Nématodes con- génères, mais d'espèces variées. Deux hypothèses s'offrent à l'esprit : suivant la doctrine qui admet la fixité de l'espèce, chaque espèce d'Insecte a son parasite d'espèce fixe et invariable comme lui-même ; d'après la théorie de l'évolution ou de la descendance, la famille des Blattides et celle des Hydro- philides seraient sorties chacune d'une souche propre, et les Oxyu- ridés qui habitent leur tube digestif auraient également un seul et unique ancêtre. Les deux familles d'Orthoptères et de Coléoptères, pour donner naissance à tous les genres, à toutes les espèces dont les zoologistes font l'énumération et le groupement, auraient subi des transformations particulières; par exemple, la dispersion des représentants primitifs de la famille des Blattides sur les différents H80 OSMAN GALEB. points du globe aurait déterminé des variations inattendues dans les formes extérieures et l'organisation, en rapport avec le milieu où ils ont été contraints de vivre : quelques-uns se sont trouvés portés vers un climat chaud, d'autres vers un climat glacial ; ceux-ci se sont répandus dans les forêts ; ceux-là ont suivi le sort de l'homme et ont été confinés dans les habitations. Chacun de ces représentants du type Blatta, porté dans un lieu différent, aurait donc été condamné à s'adapter à des conditions nouvelles. Entraînés forcément à suivre le sort de leurs hôtes, nos Helminthes, eux aussi, auraient été forcés de s'adapter à ces conditions nouvelles. A moins d'admettre que chaque espèce de Nématode a été créée avec l'Insecte qui la nourrit, il faut croire qu'à mesure que la souche de chacune de ces deux familles des Blattides et des Hydrophilides s'est ramifiée, pour donner naissance "aux espèces actuelles, la souche originaire de leurs Entozoaires a fourni aussi des rameaux adaptés à des conditions nouvelles d'exis- tence et formé les diverses espèces que nous trouvons différenciées aujourd'hui. Il ne m'appartient pas de trancher une question qui divise passionnément les partisans de l'ancienne et ceux de la nouvelle école ; j'ai cru devoir me borner à une simple exposition des faits. Nous avons signalé les particularités que présente l'enveloppe té- gumentaire dans les différentes espèces; mais, en comparant sous ce rapport tous les Oxyures que nous avons décrits, on peut se con- vaincre que leurs téguments ont une structure et une disposition identiques. Ils se développent aux dépens de la couche externe ou . primitive du blastoderme, qui sera représentée chez l'animal adulte par la couche vaginale. Schneider, se basant sur la disposition du système musculaire, a divisé les Nématodes en Polymyaires, Méromyaires et Holomyaires; d'après nos recherches, nous croyons que cette classification, utile sans doute, ne présente pas une rigueur absolue; car nous avons constaté chez les Oxyures des Insectes tous les passages entre les Poly- myaires et les Méromyaires. Par la disposition du système musculaire, la plupart de nos espèces appartiennent au groupe des Méromyaires. Il y a généralement quatre bandes musculaires, formées chacune de deux colonnes de cellules rhomboïdales placées bout à bout. Un tissu spécial remplit les intervalles des bandes musculaires (champ dorsal, champ abdominal, aires latérales), formant ainsi avec elles une cou- che continue, située immédiatement au dedans de l'enveloppe tégu- menlaire. C'est aux dépens du second feuillet blastodermique, ou ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 381 feuillet dérivé, que se développent les muscles et le tissu des bandes longitudinales, comme nous l'avons fait voir au chapitre consacré à l'étude du système musculaire. L'appareil excréteur offre dans toutes les espèces une composition uniforme : il consiste en quatre tubes ou vaisseaux, deux antérieurs et deux postérieurs, venant s'ouvrir dans un saccule situé à la région ■ventrale. Certains rapports d'organisation avec les vers marins étudiés par M. le professeur Marion nous avaient laissé supposer que nous décou- vririons un appareil de la sensibilité analogue à celui qu'il a repré- senté. Malgré tous nos efforts, nous n'avons pas pu reconnaître chez nos Nématodes, d'une taille si exiguë, l'existence d'un système ner- veux. L'existence du système nerveux chez la plupart des Nématodes reste donc toujours problématique. Le tube digestif nous a présenté quelques particularités sur les- quelles nous croyons devoir insister. Le bulbe dentaire, formé des mêmes éléments que l'œsophage, contient dans sa cavité un appareil de mastication très complexe. Biitschli l'a décrit et figuré, mais des- cription et figure sont très défectueuses ; nous avons donné une idée plus exacte de sa curieuse disposition. Réduit à ses parties essen- tielles, il se compose de trois plaques cannelées, dénature chitineuse : l'une des plaques dentaires est fixe, les deux autres sont mobiles, et par leur mouvement de va-et-vient broient les aliments sur la dent fixe. Enfin il existe à la partie postérieure du bulbe dentaire un as- semblage de pièces chitineuses qui pénètrent dans la cavité de l'intes- tin. D'après leur disposition et leurs mouvements, il est permis de supposer qu'elles constituent un appareil ayant pour but de s'oppo- ser au reflux des matières alimentaires. L'intestin est formé réellement de trois couches dont la plus importante est la couche cellulaire in- terposée aux deux cuticules externe et interne. Cette couche n'est nullement granuleuse, comme l'ont prétendu certains auteurs, elle est cellulaire dans tous les Nématodes. Dans la région rectale, j'ai constaté l'existence de nombreuses fibres musculaires qui consti- tuent à cet endroit un puissant muscle dilatateur de l'anus et du rectum. Nous avons établi avec certitude que le tube digestif se développe aux dépens de deux bourgeons qui vont à la rencontre l'un de l'autre et finissent par se toucher. Le bourgeon antérieur, qui apparaît le premier, est le plus important, car il fournit l'œsophage, le bulbe 382 OSMAN GALEB. dcnlairc et la première portion de l'intestin. Quand les deux bour- geons sont en conlact, il s'établit entre eux une communication, mais leur point de jonction reste longtemps distinct; c'est en ce point que s'accroît en longueur le tube digestif tant que l'animal s'allonge. Les organes génitaux des femelles se composent généralement de deux ovaires, communiquant par l'intermédiaire de deux trompes avec un utérus commun, dont la partie terminale se différencie pour former le conduit vaginal. Par des observations multipliées, j'ai pu me convaincre que les organes génitaux de la femelle se développent aux dépens d'une cellule enfouie dans l'épaisseur du champ abdominal au voisinage de l'intestin. Elle ne s'allonge pas en boyau, comme l'ont observé Schneider et Marion sur les types qu'ils ont examinés, mais elle prolifère et donne ainsi naissance à un bourgeon primitif qui se bifurque bientôt pour former les deux bourgeons ovariens. Plus tard, les cellules terminales de ces bourgeons, cellules les plus grosses de toutes, engendrent par prolifération d'autres cellules nues plus petites qui, par les progrès du développement, deviendront les œufs. La cellule terminale du fond de l'ovaire, que nous avons quel- quefois observée, ne nous paraît pas être indifférente à la produc- tion des ovules. Tous les germes viennent du fond de l'ovaire, la colonne germinative n'existant pas. Mes études ne me permettent pas d'admettre la manière de voir de van Beneden sur l'existence d'un germigène et d'un vitel- logène. J'ai constaté chez tous mes Nématodes la présence d'un véritable réservoir séminal, dont j'ai reconnu les attributions. Nos observations originales ont porté principalement sur les phé- nomènes de développement; nous nous sommes attaché à étudier la formation des spermatozoïdes, aussi bien que la genèse et l'évolution des œufs. Les spermatozoïdes se forment à l'intérieur d'une cellule mère par division du contenu ; ce sont d'abord de petites masses ar- rondies, occupant toute la cavité de la cellule mère, mais appli- quées plus tard contre la membrane d'enveloppe de chacune de ces cellules mères ; la queue apparaît bientôt sous l'apparence d'un pro- longement dirigé vers le centre de la cellule. Par la rupture de l'en- veloppe, les spermatozoïdes se trouvent mis en liberté; ils ont acquis leurs caractères définitifs. Leurs mouvements sont uniquement des mouvements amiboïdes, qui, après l'cjaculation, ne peuvent les trans- ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXVURIDÉS. 383 porter jusqu'au réseA'oir séminal, où ils doivent attendre le passage des ovules pour les féconder ; j'ai reconnu que les contractions dont les organes génitaux de la femelle sont le siège pendant l'accouple- ment, déterminent leur ascension. Les œufs des Entozoaires des Lilattidcs et des Hydrophilides, par leur grande transparence, sont éminemment favorables aux recher- ches embryologiques. D'après nos observations personnelles, les ovules n'ont pas de mem- brane vitelline avant la fécondation ; ils ne l'acquièrent que plus tard. Je n'ai pu constater aucune pénétration des spermatozoïdes dans l'œuf; je suis porté à admettre qu'il y a plutôt fusion du zoo- sperme et de la masse vitelline. Depuis ces derniers temps, on a beaucoup parlé de certains phéno- mènes qui s'accomplissent dans l'œuf avant la segmentation : il s'a- git de l'apparition de formes radiées ou de soleils. Je ne lésai pas ob- servés dans l'œuf de mes Nématodes : les vésicules graisseuses qui remplissent encore le vitellus au moment où se passent les premiers phénomènes de segmentation masquant probablement le phéno- mène. On admet généralement, comme chacun le sait , que la vésicule germinative disparaît au moment de la segmentation. Or, j'ai pu établir que dans les œufs des vers que j'ai étudiés les choses se pas- saient tout autrement. On voit la vésicule germinative s'allonger et se segmenter d'abord avant le vitellus ; c'est seulement quand sa seg- mentation est complète que le vitellus commence la sienne. Les blas- tomères, une fois formés, se rangent autour d'une sorte de cavité centrale et constituent le blastoderme, qui se compose d'abord d'une seule couche et acquerra le second feuillet par division. L'œuf du Nématode qui vit dans l'intestin terminal du Blatta germanica se prête surtout à l'observation. Contrairement à ce qui a été prétendu, on distingue déjà dans l'œuf le mâle de la femelle; et, comme on l'observe chez les Insectes, les œufs des premières pontes dorment naissance aux mâles. La durée de l'évolution des œufs mâles est beaucoup plus longue que celle des œufs femelles. Leuckart a fait connaître le mode de transmission de \'0. ver- micularis de l'homme; je me suis attaché à rechercher quels sont les moyens que la nature emploie pour assurer la propagation des Oxyures des Insectes. Guidé par l'observation, j'ai eu recours à l'expérience, 384 OSMAN GÂLEB, qui m'a donné des résultats très certains ; j'ai pu ainsi établir quels étaient les artifices divers qui déterminaient l'introduction dans les milieux favorables des œufs de nos Helminthes. J'ai étudié avec autant de soin qu'il m'a été possible les parasites des représentants de deux familles d'Articulés appartenant à des or- dres bien différents, les parasites de deux familles d'Insectes ayant les mœurs les plus opposées. Les Blattides ne sont-ils pas des animaux essentiellement terrestres, les Hydrophilides des insectes admirable- ment conformés pour la vie aquatique? Cependant je dois recon- naître que je n'ai fait que commencer une étude, car le nombre des Helminthes qui vivent chez les Animaux articulés doit être immense; quant à moi, je m'estime heureux d'avoir montré aux naturalistes une voie féconde en découvertes zoologiques, d'avoir ouvert aux ana- tomistes un vaste champ d'études. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÊS. 38:J EXPLICATION DES PLANCHES. INDEX GENERAL. a, anus; 6, bouche; bd, bulbe rieiitaire; br, point de jonction des deux par- ties constituantes de l'intestin; cd, canal déférent ; g, canaux de l'appareil excréteur ; gr, glandes rectales; i, intestin ; k, vulve ; md, muscle dilatateur du rectum; ml, membrane latérale; 0, ovaire; œ, œsophage; pa, papilles; rs, réservoir séminal; s, saccule; sp, spicule pénial; t, trompe ; te, testicule ; ic, utérus; V, vagin. PLANCHE XVir. FiG. i. Oxyurishlattœ, femelle, vue par la face ventrale et portant sur tout le corps des poils serrés ; j, poche additionnelle., faisant fonction de jabot. Grossissement, 'lo diamètres. 2, La même, encore jeune, avec jabot rudimentaire , montrant distincte- ment l'appareil excréteur ou gastro-vasculaire. Gross., CO. .3. 0. Mails, mâle, Gross., 100 environ. 4 et 5. Organes génitaux femelles, en voie de développement. Gross., 170. C, 7, 8 et 9. OEufs de l'O. Diesingi, dans lesquels on observe la division de la vésicule germinative et sa persistance. Dans la figure 6 on peut voir que la vésicule germinative est partagée avant le vitellus Gross., 220. 10. Portion du tégument montrant la cuticule et la couche vaginale. Gross., 170. PLANCHE XVIU. FiG. 1. Extrémité postérieure de l'O. blatta^, permettant de voir les fibres mus- culaires qui se distribuent sur le rectum et la partie postérieure de l'in- testin. Grossissement, 170. 2. Ovaire et trompe de l'O. hlaltœ ; co, caecum ovarien. Gross., 170. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GKN. — T, VII. 1878. 23 :î8fi OSMAN GALEB. FiG. 3. OEuf de VO. Uatlx, contenant un embryon femelle tout formé. Gross., 400 environ. 4. OEuf de VO. Diesingi, renfermant un embryon femelle replié en deux, ce qui est rare ; car, en général, les embryons des 0. blattœ, Diesingi et des para- sites des Blattides en général se ressemblent par leur position dans l'œuf. Gross., 400 environ. 5. OEuf de VO. Diesingi, contenant un embryon mâle, Gross., 400 environ. 6. OEuf de VO. Diesingi, contenant un embryon mort et rétracté, cet œuf n'ayant pas été introduit à temps dans le canal digestif d'une Blatte. Gros., 400 environ. PLANCHE XIX. FiG. 1. 0. Diesingi, femelle. Grossissement, 60. 2. 0. Diesingi, mâle. Gross., 150 environ. 3. Accouplement de VO. Diesingi. Gross., 60. 4. Partie antérieure de VO. Diesingi. bp, baguettes pharyngiennes. Gross., 170. 5. E.Ytrémité postérieure du mâle et parties accessoires des organes génitaux. Gross., 400 environ. G. OEuf du même O.xyure. Avant la segmentation, on voit les corps hyalins, qui couvrent en ce moment la surface du vitcllus. Gross., 220 environ. 7. Embryon de VO. Diesingi, inclus dans l'œuf. On voit qu'il possède mani- festement, en outre de son tube digestif tout formé, deux couches de cellules qui forment par leur transformation les téguments et les muscles. Gross., 220 environ. 8. Trois jeunes 0. Diesingi après l'éclosion. Gross., 100 environ. PLANCHE XX. FiG. 1. 0. blaUicola, femelle. Grossissement, 60 environ. 2. 0. Uallicola, mâle. Gross., 150 environ. 3. Partie antérieure de VO. blatlicola,q\i\ présente sur les côtés de l'œsophage un amas cellulaire è très développé. Dans le bulbe dentaire bd, nous n'avons représenté, pour plus de clarté, qu'une seule plaque mobile. Les bandes musculaires sont figurées de manière Ti montrer leur relation avec les fibrilles provenant des corps cellulaires du tissu spongieux. L'appareil excréteur est vu de profil. Gross., 150 environ. 4. l'extrémité postérieure du même Oxyure. On voit ici manifestement les cel- lules polygonales de l'intestin et le muscle dilatateur du rectum. Le vagin et l'utérus sont couverts de glandes monocellulaires qui leur donnent un aspect velouté. Gross., 100 environ. 5. Extrémité postérieure du même Oxyure, vu par la face ventrale; la vulve se présente sous l'aspect d'une boutonnière. Gross., 100 environ. 6. 7, 8, 9, 10, 11 et 12. Développements des spermatozoïdes cliez le mâle de VO. blaUicola. Gross., 400 environ. 13. Infusoire qui se rencontre avec VO. blaUicola dfjns l'intestin terminal des Blatta germanica,laponica et livida. Gross., 80 environ. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. :W7 PLANCHE XXI. FiG. 1. Tissu des bandes longitudinales. Grossissement, 'fOO environ. 2. Ovaire et trompe de VO. hlallicola. Dans les germes empilés traités par l'al- cool absolu, on peut distinguer que le vitellus est formé de deux zones : l'une péripliérique claire, l'autre centrale obscure. La trompe se dilate en un renflement rs qui est le réservoir séminal où s'accomplit la féconda- tion. Chez les femelles adultes, cette portion est toujours remplie de spermatozoïdes mêlés de Raphides que nous représentons dans la figure. Gross., 170. 3. Deux germes ovariens ayant acquis chacun, au contact de l'eau, une pelli- cule. Le gonflement par osmose, qui se fait ensuite, donne à ces germes l'apparence d'ovule ayant acquis leur membrane vitelline. (0. hlallicola.) Gross., 400 environ. 4. Fond de l'ovaire de VO. hlallicola dont toutes les cellules qui formeront les germes ont acquis au contact de l'eau une membrane d'enveloppe et se gonflent comme dans le cas précédent. Gross., 400 environ. 5. Embryon du même Oxyure, vu de profil. Gross., 220 environ. 6. Le même, vu de dos. Gross., 220 environ. 7. Embryon au sortir de l'œuf. L'intestin est formé de deux bourgeons qui ont marché à la rencontre l'un de l'autre et se sont soudés vers l'extré- mité caudale de l'animal. Gross., 600 environ. 8. Jeune du même Oxyure plus développé. Gross., 220 environ. PLANCHE XXII. PiG. i, 2, 3, 4,5, 6,7, 8 et 9. Difîérentes phases par lesquelles passe le vitellus pour former le blastoderme. Gross., 220 environ. Dans la fig. 1, le vitellus parsemé de vésicules hyalines remplit toute la cavité de l'œuf; la vésicule germinative qui, dans les germes empilés de l'ovaire, occupait le centre, a émigré vers un des pôles. Dans la fig. 2, cette même vésicule germinative s'est allongée en forme de bis- cuit rétréci par le milieu. Dans la fig. 3, la vésicule est entièrement partagée en deux. Dans la fig. ^4, les deux moitiés résultant de cette division de la vésicule se sont éloignées; le vitellus commence alors à se segmenter. Dans la fig. 5, les deux premiers blastoiiières sont entièrement formés; le contenu des vésicules hyalines a été expulsé pour former le liquide péri- vitellin. L'un de ces blastomères est quatre fois plus gros que l'autre; c'est le plus gros qui se segmentera en trois : on aura alors les quatre blastomères qu'on voit dans la fig. 6. Dans la fig. 7, les blastomères prolifèrent et augmentent en nombre. Dans la fig. 8, en même temps qu'ils deviennent nombreux, ils commencent à se grouper pour former le blastoderme; mais celui-ci n'est parfaitement caractérisé que dans la fig. 9, qui représente un stade plus avancé du développement. 388 OSMAN GALEB. Fin. 10. Phase plus avancée du développement où l'on voit la couche primitivement simple du blastoderme doublé, d'une seconde couche. On voit également au milieu les cellules aux dépens desquelles se constituera l'appareil digestif. Cette figure montre aussi les différentes couches qui forment la coque de l'œuf. Sous l'action de l'acide acétique la couche la plus externe s'est détachée et a pris des dimensions considérables. Ce fait paradoxal et inexplicable s'est offert plusieurs fois à notre observation. Gross., 220 environ. 11. Coque écrasée, montrant les trois couches constituantes. Au milieu, la ligne de suture suivant laquelle s'ouvre l'œuf. Gross., 220 environ. PLANCHE XXIII. FiG. 1. 0. Kunckeli, femelle. Grossissement, 60. 2. id. mâle. Gross., 150. 3. Extrémité antérieure de la femelle. L'œsophage ce et ses tractus muscu- laires sont indiqués avec netteté, mt, membranes latérales. Gross., 170. 4. Cuticule interne de l'œsophage et ses épaississements. Gross., 170. 5. 6 et 7. OEuf, vu dans différentes positions, pour montrer le blastoderme qui ne possède encore qu'une seule couche. Gross., 170 environ. 8. Jeune 0. Kunckeli. A cet état, il est impossible de le distinguer de l'O. Uatticola. On voit en br le point de jonction des deux bourgeons consti- tutifs de l'appareil digestif. Gross., 150. PLANCHE XXIV. FiG. 1, Organes génitaux de l'O. Kunckeli, dessinés par parties raccordées ensuite pour donner une vue d'enseznble. Les trompes sont en réalité plus longues que nous ne les avons représentées. Le réservoir séminal est ici très accentué. Grossissement, 170. 2. Fond de l'ovaire dont les germes sont dilatés après avoir acquis une mem- brane ou pellicule par suite de l'action de l'eau. Dans chaque cellule on voit un noyau très visible. Gross., 400 environ. 3. Portion de l'ovaire voisine du caecum ovarien. Les germes venant du fond de l'ovaire sont en voie de développement et d'arrangement; marchant d'abord parallèlement, ils chevauchent ensuite l'un sur l'autre et finissent par se superposer. Gross., 400. 4. OEuf de l'O. Kunckeli avant la segmentation. On voit la crête saillante de la coque. Gross., 60. 5. Embryon du même animal inclus dans l'œuf. Gross., 400 environ, 6. Embryon extrait de l'œuf. Gross., 400 environ. 7. Bulbe dentaire de l'O. hydrophili. Ici l'on voit les tractus musculaires qui entrent dans la stucture de la paroi du bulbe ; les gros noyaux ne se voient que par écrasement. Dans l'intérieur du bulbe, les pièces de l'appareil dentaire sont au nombre de trois et disposées sur deux plans : une tran- versale fixe forme à elle seule un plan, et deux mobiles, plus petites que la précédente, forment le second plan. A la partie postérieure du bulbe un prolongement chitineux porte quatre tigelles x qui constituent une ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DES OXYURIDÉS. 389 sorte de soupape fermant le bulbe et empêchant les aliments de refluer. Gross., 290. PLANCHE XXV. FiG. 1. 0. hydroi, femelle. L'appareil digestif seul a été dessiné. Grossissement^ 30 environ . 2. Extrémité postérieure du mâle. Gross., 60, 3. Extrémité postérieure d'une femelle, montrant la disposition des tubercules chitineux latéraux du tégument d'où partent des sillons transversaux se- condaires. Gross., 100 environ. 4. Deux cellules musculaires juxtaposées dans leur position naturelle. Gross. 400 environ. 5. OEuf du même Oxyure. La spire servant à attaclier l'œuf aux plantes aqua- tiques est en partie déroulée. Le blastoderme n'est encore formé que d'une seule couche, la couche primitive. Gross., 220. 6. OEuf du même Oxyure, contenant un embryon tout formé et dessiné dans la position naturelle qu'il occupe dans la trompe; la spire n'est pas alors déroulée. Gross., 220. 7. Infusoire qui vit avec VO, hydroi dans l'intestin de VHydrous caraboïdes . Gross., 400. 8. 0. spirotheca, femelle. On voit nettement les bourrelets qui entourent élé- gamment la partie antérieure de l'animal. Gross., 100. 9. 0. spir otheca, ieuïie. Gross., 100. 10, 0. hydrophilijfemeUe.Gvoss., 100. PLANCHE XXVL FiG. 1. 0. œgypliaca, femelle. Grossissement, 60. 2. Extrémité postérieure du mâle. Gross., 60. 3 et 4. Deux caecums ovariens de VO. panesthise; les œufs, qui viennent tous du fond de l'ovaire, sont en voie de formation et se suivent dans la lumière du tube ovarien. Dans la fig, 3, on aperçoit un des germes en voie de division. Gross., 170. 5. 0. panesthiœ, femelle du même helminthe. Gross., 60. 6. Extrémité antérieure. On remarque la dilatation postérieure de l'œso- phage et un amas cellulaire s. Le col du bulbe dentaire est très allongé. Gross., 60. 7. Extrémité postérieure du mâle. Gross., 100. 8. Extrémité antérieure d'un Oxyure qui vit dans le Poliphaga œgyptiaca, en compagnie de VO. segyptiaca. Gross., 60. 9. Extrémité postérieure de l'Oxyure femelle qui vit dans VHetcrogamia c/rgyptiaca. Gross., 60. ERRATA. Page 288, ligne 12, au lieu de : D'csingi, lisez : Diesingi. 291, ligne 12, au lieu de : au-dessus, lisez : au-dessous. 293, ligne G, au lieu de : 2 millimètres, lisez : 1 millimètre. 293, ligne 16, au lieu de : sépare, lisez : que. 293, ligne 31, «m lieu de : 2 Ç, lisez ; 1 Ç. 294, ligne 5, au lieu de : i II 2,5, lisez : 1 à 1,5. 294, ligne 37, au lieu de: pi. XXV, lisez : pi. XXVI. 296, ligne 1, au lieu de : candaule, lisez : caudale. 296, ligne 2, au lieu de : provenant, lisez : ; elles provenaient. 297, ligne 6, au lieu de : pi. XX, lisez : pi. XXV. 298, ligne 20, aw lieu de : multiplication leurs œufs, lisez : multiplication; leurs œufs. 309, ligne 14, au lieu de : joignent. Usez : rapprochent. 315, ligne 17, au lieu de: pi. XXV, lisez : pi. XXVI. 318, ligne 19, au lieu de : flg. 5, lisez : fig. 3. 318, ligne 20, au lieu de : fig. 4, lisez : flg. 7. 321, ligne 6, au lieu de : fig. 1 r, lisez : fig. 1 ai. 333, ligne 12, au lieu de : tandis sont, lisez .-sont. 333, ligne 13, au lieu de : que, Usez : tandis que. 340, ligne 22, aulieude : dénominations ce qui, lisez : dénominations; ce qui. 340, ligne 33, au lieu de: cellules-mères, lisez : cellules nues. 351, ligne 3, supprimez : par génération spontanée. LA DIGESTION DES MATIÈRES ALBUMINOIDES CHEZ QUELQUES INVERTÉBRÉS PAR LE DOCTEUR LÉON FREDERIGQ. Pendant un court séjour que je fis à Strasbourg au mois de juillet 1877, M. le professeur Hoppe-Seyler, directeur du laboratoire de chimie physiologique, m'engagea à entreprendre quelques recher- ches sur les phénomènes de la digestion chez les invertébrés. A cette époque, cette étude n'avait été faite que pour les animaux articulés' et l'on ne possédait aucun travail spécial sur le chimisme de la diges- tion chez les autres groupes d'invertébrés -. Cependant l'on pouvait légitimement espérer d'arriver à des résul- tats concluants, rien qu'en appliquant aux invertébrés les méthodes déjà usitées dans l'étude de la digestion des animaux supérieurs. J'ex- périmentai, sous la direction de M. le professeur Hoppe-Seyler, l'ac- tion des sucs digestifs delà limace rouge {Arion rufus) et du lombric [Lumbricus terreslris) ; j'essayai ensuite de retrouver chez eux les acides et les pigments biliaires des vertébrés. Le résultat de ces re- cherches a été brièvement cité dans Hoppe-Seyler [Physiologische Chemie. Berlin, 1878, t, II, p. 248, note). Krukenberg a depuis publié un travail sur la digestion chez quelques mollusques, quelques ar- ticulés et le ver de terrée Les conclusions auxquelles il est arrivé 1 Voir Hoppe-Seyler, Arch. f. d. ges. Phijs., Bd XIV, p. 394.— F. Plateau, Dif- férents mémoires sur la digestion chez les Insectes, les Arachnides et les My- riapodes dans les publications de l'Académie des sciences de Belgique de 1874 à 1878. — JousSET DE Bellesme, Recherches expêrimenlales sur la digestion des Insectes et en particulier de la Blatte, 1875. - On trouvera quelques données sur les phénomènes de la digestion chez plusieurs invertébrés dans: Cl. Bernard, Mémoire sur le pancréas, 183G. — Id. Ann. des se. nat., 3e série. Zoologie, t. XIX, 1833, p. 331. — Schlemm, De hepate ac bile, etc., Dis- sertatio. Berolini, 1844. — Lindner, NonnuUa de hepate, etc. Dissertalio. Berolini, 1844. — P. Bert, Physiologie de la seiche. — Richet, Recherches sur le suc gastri- que, 1878. * Krukenberg, Vergl. physiol. Beilr. z. Kent. d. Verdauungsvorgange. Unters. aus d.physiol. Inst. in Heidetberg, 1878. 392 LÉON FREDERICQ, s'écartent assez notablement des miennes ; c'est ce qui m'engage à ne pas différer plus longtemps la publication des expériences que j'ai faites à Strasbourg. J'y joins une série d'essais exécutés depuis au laboratoire de physiologie de l'Université de Gand sur la digestion de quelques autres invertébrés pris dans les principales divisions du règne animal. Chez les vertébrés, on se procure ordinairement les sucs digestifs naturels par l'établissement de fistules permanentes ou temporaires, ou bien on sacrifie un animal en digestion et l'on recueille les liquides qui se trouvent dans les cavités digestives. Je ne pouvais songer à uti- liser le premier de ces procédés; le second peut être appliqué dans quelques cas exceptionnels, chez les limaces, par exemple, dont le tube digestif renferme souvent de grandes quantités de sucs. Il est en général plus commode de faire ce que l'on appelle un suc artificiel, c'est-à-dire un extrait aqueux (alcalinisé ou acidulé, suivant les cas) de la glande digestive. L'expérience a montré que ces liquides agissaient de la même façon que les sucs naturels. Cette mé- thode est excellente quand il s'agit d'animaux dont les glandes di- gestives offrent un volume suffisant ; je l'ai appliquée avec succès aux caecums glandulaires des astéries, aux foies et aux glandes salivaires des limaces. Mais chez les animaux de très petite taille, dont les glandes diges- tives s'isolent difficilement, il vaut mieux procéder autrement. Je cherche alors à extraire les ferments digestifs, comme s'il s'agissait d'un vertébré en employant les méthodes usitées pour la préparation de la pepsine, de la thrypsine, etc., mais en opérant sur un grand nombre d'individus réunis. Je les hache en entier et je les broie au besoin avec du sable; je traite la masse ainsi obtenue par une grande quantité d'alcool ou par un mélange d'alcool et d'éther ; les sels so- lubles, un grand nombre de substances organiques cristallisables et de matières colorantes passent dans la solution alcoolique et peuvent y être recherchées ultérieurement. Le résidu insoluble dans l'alcool contient les matières albuminoïdes coagulées et les ferments diges- tifs. Je dessèche ce résidu à l'air pour en chasser l'alcool et j'en ex- trais ensuite les ferments en traitant la masse pulvérisée soit par l'eau pure, soit par l'eau contenant un peu d'acide chlorhydrique (de A h 12 centimètres cubes d'acide fumant pour un litre d'eau), soit par l'eau alcalinisée par le carbonate de sodium (23 centimètres cubes d'une solution saturée de carbonate de sodium pour un Utre d'eau). LA DIGESTION DES MATIÈRES ALBUMINOIDES. 393 La présence de la pepsine se reconnaîtra dans ces extraits à ce que la fibrine s'y dissoudra, mais seulement dans la solution acide ; un flocon de fibrine porté dans le liquide s'y gonflera, deviendra trans- parent, puis fondra peu à peu par les bords. La solution obtenue donnera au bout d'un certain temps la réaction des peptones (colora- tion rose à froid par la potasse et le sulfate de cuivre). Si les extraits contiennent de la thrypsine (ferment du pancréas) ils digéreront rapidement la fibrine en solution alcaline, un peu moins bien en solution neutre, mal ou pas du tout en solution acide. La fi- brine n'y gonflera pas, mais se résoudra en fragments, puis en un dé- tritus finement granuleux. La solution donnera également la réaction des peptones. Pour rechercher le ferment diastatique, il suffira d'ajouter aux li- quides un peu d'empois d'amidon et de constater sa transformation en glycose. Le liquide ne bleuira plus par l'iode, il réduira à l'ébulli- tion le sulfate de cuivre en présence de la potasse avec précipita- tion d'oxyde cuivreux rouge, il réduira de la même façon le nitrate de bismuth avec précipité noir, etc. Ces difi'érents essais sur la force digestive des extraits obtenus, s'ef- fectuent fort bien dans des tubes à réaction : on peut suivre à la vue les changements qu'offre le flocon de fibrine' qu'on y place, surtout quand on opère sur des liquides peu colorés et filtrés au préalable. Si l'on ne dispose que d'une très petite quantité de liquide, il vaut mieux opérer dans un verre de montre que l'on recouvre d'un second verre'pour éviter l'évaporation. On les maintient appliqués l'un contre l'autre à l'aide d'un petit ressort. La digestion s'efl'ectue normalement chez tous les invertébrés à une température voisine de celle de l'air. Cependant une température plus élevée favorise en général l'action des ferments digestifs^ On obtiendra, par conséquent, des résultats beaucoup plus nets en effectuant les digestions artificielles dans une étuve échauffée par une petite flamme entre -4- 40° et -+- 45° '. La méthode que je viens de décrire n'oblige pas à opérer sur des animaux frais, elle permet d'utiliser des échantillons conservés dans l'alcool depuis longtemps. Je l'ai appliquée à trois espèces d'anné- < La fibrine employée dans ces expériences provient, du sang de porc. Elle est con- servée dans la glycérine : on la lave au moment de s'en servir et on l'emploie crue ou bouillie au préalable. * La température exerce une influence considérable sur la rapidité d'action de la pepsine. Cette action est beaucoup moins marquée pour la thrypsine. 39i LÉON FREDERICQ. licles, un ver cestoïde, un mollusque gastéropode, deux mollusques lamellibranches, des ascidies simples et composées, unbi"yozoaire,un cchinoderme, un cœlentéré et des spongiaires. LUMBRICUS TERRESTRIS. Environ 200 grammes de lombrics hachés sont traités par une grande quantité d'alcool fort. On laisse agir l'alcool pendant plusieurs heures en ayant soin d'agiter de temps en temps, puis on le décante et on le met de côté. Cet extrait alcoolique servira plus tard à la re- cherche des acides biliaires, etc. Le résidu insoluble dans l'alcool est exprimé entre plusieurs doubles de papier à filtre, séché à l'air et pulvérisé dans un mortier. On y recherche la pepsine, la thrypsine et la diastase. A cet effet, on en prépare un extrait aqueux, un extrait al- calin et différents extraits acides, en laissant macérer pendant vingt- quatre heures différentes portions de cette poudre avec de l'eau, de l'eau alcalinisée et avec de l'eau acidulée par l'acide chlorhydrique (à différents degrés de concentration : de 6 à 12 centimètres cubes d'acide chlorhydrique fumant pour un litre d'eau). On place dans des tubes à réaction des quantités égales de ces différents liquides filtrés et l'on suspend dans chacun d'eux un flocon de fibrine. Le tout est placé dans l'étuve chauffée à environ + 40 degrés. Au bout d'un temps assez court (une à deux heures au plus) la fibrine qui baigne dans le liquide alcalin a disparu presque entièrement, ne laissant après elle qu'une petite quantité d'un détritus finement granifleux. Le liquide donne la réaction des peptones. L'extrait neutre se comporte de la même façon ; seulement la fi- brine s'y dissout un peu plus lentement : il faut jusqu'à cinq et six heures pour que la digestion soit complète. Le liquide obtenu con- tient également des peptones. Au contraire, le suc acide le plus con- centré paraît sans action sur la fibrine qui gonfle, mais s'y maintient intacte pendant plusieurs jours. La fibrine finit en général par se dis- soudre plus ou moins complètement dans les liquides acides les plus dilués, mais seulement au bout d'un temps fort long (36 heures, 48 heures, etc.). Le ferment qui chez le lombric dissout la fibrine agit donc bien en solution neutre, mieux en solution alcaline, mal ou pas du tout en solution acide ; ces propriétés le rapprochent entièrement de la thryp- sine ou ferment du pancréas. LA DIGESTION DES MATIÈRES ALBUMINOIDES. IWà L'action du liquide neutre fut essayée sur l'empois d'amidon. Au bout de peu de temps le liquide ne bleuit plus par l'iode et montre très nettement les réactions de la glycose. L'extrait aqueux contient donc une substance agissant à la façon de la diastase. Pour m'assurer que le ferment diastatique et le ferment qui dis- sout la fibrine appartiennent bien au tissu du lombric et qu'ils n'ont pas été introduits du dehors à l'intérieur de son tube digestif, j'opérai comme précédemment, mais avec des lombrics disséqués sous l'eau et dont l'intestin avait été soigneusement vidé. En expérimen- tant sur différentes portions du tube digestif, je pus m'assurer que les parties fortement colorées en jaune commençant au second quart de sa longueur fournissent surtout un liquide actif. 11 suffît d'isoler ces portions sur quelques individus frais de grande taille, de les piler avec un peu d'eau pour obtenir un suc légèrement alcalin qui digère par- faitement la fibrine. Une alcalinité faible m'a semblé être la règle pour le tube digestif des lombrics. Les dénominations de bile et de foie ont été employées à tort et à travers par un grand nombre de ceux qui se sont occupés de l'ana- tomie des invertébrés. Cependant les principes caractéristiques de la bile (pigments et acides biliaires) n'ont jamais été déterminés avec certitude que chez les vertébrés crâniens. Ce fait n'a rien qui doive surprendre, puisqu'il est établi que les matières colorantes de la bile sont les dérivés immédiats de l'un des produits de décomposition de l'hémoglobine (probablement l'hémochromogène), substance qui ne se rencontre qu'exceptionnellement chez les invertébrés. Le Lombric est un de ces animaux riches en hémoglobine chez lesquels on pouvait espérer de retrouver les pigments ou les acides biliaires. J'utilisai pour cette recherche la solution alcoolique jau- nâtre dans laquelle le hachis de lombrics avait macéré en premier lieu. Elle se décolora assez rapidement par l'exposition au grand jour ; mais à côté de la matière colorante sensible à la lumière, elle con- tenait encore des traces de chlorophylle (provenant sans doute des aliments) comme le montra l'examen spectroscopique. Cette solution alcoolique fut évaporée à sec au bain-marie, puis reprise par l'éther. La solution éthérée fut mise à part. Le résidu insoluble dans l'éther fut dissous dans un peu d'eau. La solution aqueuse filtrée servit à la recherche des acides biliaires parla réaction de Pettenkofer (sucre et acide sulfurique.) L'essai donna un résultat absolument négatif. La réaction de Tiedemann et Gmelin, destinée à déceler la pré- 306 LEON FREDERIGQ. sence des pigments biliaires, fut appliquée, sans plus de succès, aux organes et au suc frais des Lombrics ainsi qu'à l'extrait alcoolique (dont l'alcool avait été chassé au préalable). L'extrait éthéré obtenu précédemment laissa déposer par évapora- tion des cristaux de cholestérine et des gouttelettes graisseuses. La cholestérine put en être isolée par saponification des graines (ébulli- tion de la masse avec une solution alcoolique de potasse, évapora- tion à sec, extraction du résidu par l'éther anhydre, évaporation de la solution éthérée filtrée). NEREIS PELAGICA. (Espèce marine.) Les échantillons employés provenaient de Philippine (près de Ter- neuzen), où l'espèce se trouve abondamment dans la vase argileuse que chaque marée met à découvert. Une soixantaine d'individus conservés dans l'alcool depuis six mois furent essuyés, séchés, pulvérisés, puis traités comme les Lombrics par des solutions aqueuses, respectivement neutre, alcaline et acide. La fibrine se dissout en quelques minutes dans la solution alcaline, au bout d'un temps un peu plus long dans la solution neutre et reste intacte pendant plusieurs jours dans la solution acide. Le liquide provenant de la digestion donne nettement la réaction des peptones par le sulfate de cuivre et la potasse. La même expérience, répétée avec des néréis récemment capturées, conduisit aux mêmes résultats. La force digestive du liquide alcalin est considérable ; il peut di- gérer en moins de deux heures une quantité de fibrine représentant le podis total des néréis employées à faire l'extrait. ILEMOPIS VORAX. (llirudinée d'eau douce.) Une douzaine de ces sangsues servirent pareillement à faire deux extraits, l'un acide, l'autre alcalin. La fibrine fut digérée au bout de douze heures dans le liquide alcalin ; elle se maintint intacte pen- dant plusieurs jours dans le liquide acide. Chez ces trois vers, la digestion se rapproche donc de la digestion pancréatique des vertébrés. L'action de leurs sucs digestifs est la même sur la fibrine cuite, quoique un peu plus lente que sur la fibrine crue. LA DIGESTION DES MATIÈRES ALBUMINOIDES. 397 T^NIA SERRATA. (Ver cestoïde parasite de l'intestin grêle du chien.) Trois Txnia serrata, trouvés dans l'intestin grêle d'un chien tué par le chloroforme, furent lavés à grande eau, puis soigneusement nettoyés à leur surface à l'aide d'un pinceau. On les coupa en petits fragments et on les laissa macérer jusqu'au lendemain dans une grande quantité d'alcool pur. Les différents extraits qu'on en fit se montrèrent complètement inactifs au point de vue de la digestion. La fibrine s'y maintint intacte pendant plusieurs jours. Ces extraits aqueux offraient une apparence de lait due à une fluorescence intense, ce qui fît immédiatement songer à la présence du glycogène. En effet, le liquide brunit fortement par l'eau iodée, il précipite par l'alcool, il dissout le sulfate de cuivre précipité par la potasse. Enfin l'addition de salive fait disparaître l'opalescence au bout d'un certain temps ; en même temps le liquide devient riche en glycose, comme le prouve l'essai par la liqueur de Fehling^ Ces taenias ne contenaient donc pas de traces de ferments digestifs, ni pepsine, ni thrypsine, ni ferment diastatique. Les sucs de l'intestin grêle dans lesquels ils vivent sont cependant riches en ferment. Les ferments, corps peu diffusibles, ne parviennent sans doute pas à fran- chir la barrière que leur offre le tégument externe de ces entozoaires. C'est ce que semble indiquer l'expérience suivante. Des Ascaris mm'- ginata provenant de l'intestin grêle du même chien furent plongés les uns intacts, les autres- coupés en plusieurs fragments dans un sac pancréatique artificiel (extrait aqueux d'un pancréas de chien durci dans l'alcool). Les premiers purent y séjourner pendant plu- sieurs jours sans changements apparents, les seconds furent digérés presque intégralement, ne laissant d'eux que leur tégument corné, hyalin. Ce tégument ne paraît pas être formé de chitine, car il est ra- pidement attaqué par une lessive de potasse bouillante. AfilON RUFUS^ Deux catégories de glandes importantes versent leur sécrétion dans le tube digestif des limaces : on les a appelées respectivement glandes salivaires et foie. Les glandes salivaires ne paraissent pas contenir de ferments diges- 1 La présence du glycogène a déjà été signalée dans le tégument des Nt'ma- todes. 2 J'avais réuni îi Strasbourg des Hélix pomalia pour en étudier les sucs diges- 398 LÉON FREDERICQ. tifs. Le suc que l'on oblienlen broyant les glandes d'un grand nombre d'individus se montre inactif vis-à-vis des albuminoïdes et des fécu- lents. Plusieurs glandes salivaires de vertébrés étant dans le même cas, il n'y a, me semble -t-il, aucun inconvénient à leur conserver provisoirement le nom de glandes salivaires. Le produit de sécrétion du foie est un liquide brun ; en se mélan- geant avec la matière verte provenant des aliments végétaux, il forme un suc d'un brun verdàtre très légèrement acide (acidité due probablement aux aliments) dont on peut recueillir d'assez grandes quantités en sacrifiant un grand nombre de limaces fraîchement cap- turées. Il suffit de les fendre en long, d'extraire le paquet de viscères et de recueillir le liquide qui s'écoule par le bout coupé de l'intestin. La fibrine ne s'y dissout qu'au bout d'un temps assez long (vingt- quatre heures). Si l'on y ajoute un peu de carbonate de soude, on obtient un liquide beaucoup plus actif, dissolvant la fibrine en quel- ques heures (la solution de carbonate de sodium seule n'a aucune action sur la fibrine). En solution acide, le ferment se montre inactif; il suffit d'ajouter un peu d'eau acidulée au suc digestif de la limace pour arrêter complètement la digestion de la fibrine. Le liquide que l'on obtient en pilant les foies d'un certain nombre de limaces, soit frais, soit durcis dans l'alcool, se montre également plus actif lorsqu'on y ajoute un peu de carbonate de sodium. L'addi- tion d'une petite quantité d'acide abolit, au contraire, ses propriétés digestives vis-à-vis de la fibrine. Enfin le foie et son produit de sécrétion fournissent un ferment diastatique transformant la fécule en glycose. Le prétendu foie de limace est donc une glande digestive que l'on ne pourrait mieux comparer qu'au pancréas des vertébrés. Il ne con- tient ni pigments, ni acides biliaires, comme je m'en suis assuré en traitant les glandes provenant de plusieurs individus de la même façon que les lombrics dont il a été question plus haut. Si l'on songe que le foie des vertébrés n'est pas une glande digestive dans le sens propre du mot, puisque ni la bile, ni l'infusion du tissu hépatique ne con- tiennent de ferments digestifs, on en conclura que la dénomination de foie ne convient nullement pour désigner la glande digestive des mollusques gastéropodes. tifs, mais je n'eus pas le temps de terminer ces expériences. C'est doue par erreur que H. pomaiia est indiquée dans la note de la page 248 du Traité de chimie physio- logique de Iloppe-yeyler. LA DIGESTION DES MATIÈRES ALBUMINOIDES. 399 MYA ARENARIA ET MYTULUS EDULIS. (Mollusques lamellibranches .) Les liquides digestifs préparés en employant le paquet de viscères (foie, intestin, etc.) d'une douzaine de Mya conservées dans l'alcool, digèrent assez bien la fibrine en solution acide, mieux peut-être qu'en solution neutre ou alcaline. 11 en est de môme du liquide que l'on obtient en employant ces organes à l'état frais. Les essais exé- cutés de la môme façon sur la moule commune conduisirent aux mômes résultats. Ces liquides étaient riches en glycogène. Le contenu du tube digestif est fortement acide, au moins chez la Mya, ce dont on peut s'assurer facilement en extrayant, sur un exemplaire frais, la tige cristalline et en la plaçant sur un papier de tournesol bleu : elle y laissera une empreinte franchement rouge. Le ferment qui chez ces deux mollusques lamellibranches digère la fdjrinc s'écarte donc notablement du ferment trouvé chez la limace ^ Cette différence radicale observée chez les animaux d'un même em- branchement zoologique est de nature à nous prémunir contre la ten- dance aux idées de généralisation prématurée, alors qu'il s'agit d'un sujet sur lequel on ne possède qu'un petit nombre de données isolées. Des essais analogues tentés sur plusieurs ascidies simples et com- posées [Anourella roscoviana, Ascidia sanguinolenfa, Cynthia rustica, Botryllus, Amarœcium, Fragarium) de Roscoff conservées dans l'alcool et sur un bryozoaire frais d'Ostende {Halodactylus hirsutm) fournirent des extraits entièrement dépourvus de propriétés digestives. L'alcool dans lequel étaient conservées les ascidies de Roscoff était peut-être trop faible ; et les halodactyles d'Ostende pouvaient bien être morts depuis quelque temps. ASTERACANTHION RUBENS. Les cœcums glandulaires de plusieurs astéries durcis dans l'alcool, puis traités comme précédemment par l'eau, l'eau acidulée, l'eau alcalinisée fournirent des liquides qui se comportèroit également comme des solutions de ferment pancréatique, digérant la fibrine cuite et la fibrine crue en solution alcaline, moins bien en solution neutre et mal ou pas du tout en solution acide. Ils contiennent éga- lement un ferment diastatique. L'action de ces deux ferments est 1 Peut-être y aurait-il lieu de recourir ici ;i l'hypotlièse de Krukcnberg sur la fré- quence de l'existence simultanée de deux ferments, l'un agissant en solution neutre ou alcaline, l'autre en solution acide. 400 LÉON FREDERICQ. bien moins énergique que chez les annélides dont il a été question. Les mêmes résultats furent obtenus avec des liquides digestifs pré- parés en pilant les organes frais avec de l'eau, etc. Le contenu et les parois de la cavité digestive des astéries paraissent ne pas contenir des ferments digestifs. ACTINIE. Une vingtaine de petites actinies grises d'Ostende furent plongées vivantes dans l'alcool et servirent au bout de quelques jours à faire des extraits de ferments digestifs. Leur pouvoir digestif (assez faible) pour la fibrine ne se manifesta qu'en solution neutre ou alcaline. Le ferment qui digère les albuminoïdes paraît donc également se rapprocher ici de la thrypsine. ÉPONGES. (Espèce indéterminée de Cœlentéré d'Ostende.) Un certain nombre d'Epongés (d'espèces indéterminées) de Ros- coff, conservées dans l'alcool depuis près de deux ans, servirent à la recherche des ferments digestifs. Le liquide alcalin qu'elles fournirent digéra assez bien la. fibrine, le liquide acide se montra inactif. Ces éponges paraissent donc également contenir un ferment analogue à la thrypsine. Il existe cependant ici une cause d'erreur assez difficile à éviter. Ces éponges, masses éminemment poreuses, contenaient peut-être dans leurs cavités d'autres petits animaux (crustacés ou autres) dont les ferments digestifs devaient passer dans la solution. Si l'on rapproche les résultats obtenus par Hoppe-Seyler et Plateau, chez les articulés, de ceux acquis par le présent travail pour d'autres groupes d'invertébrés, on pourra formuler les conclusions suivantes : Le mécanisme de la digestion paraît être le même dans toute la série animale. Partout la transformation des aliments s'effectue par l'intermédiaire de substances offrant la plus grande analogie avec les ferments digestifs des vertébrés (solubilité dans l'eau, précipitation par l'alcool). Ainsi les méthodes qui servent à extraire ces ferments des glandes digestives des vertébrés réussissent pleinement quand on les applique à des animaux appartenant aux groupes les plus variés d'invertébrés. Enfin les produits de la digestion sont les mêmes. Contrairement à une opinion émise plus d'une fois, la digestion par un ferment peptique paraît fort peu répandue chez les invertébrés. Un ferment analogue à la thrypsine se retrouverait, au contraire, chez les animaux appartenant aux différents embranchements. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE INTIME ET LES FONCTIONS DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES PAR EMILE YUNG, Préparateur à l'Université de Genève, Si le développement incessant des sciences biologiques et le nombre toujours croissant de leurs adeptes sont certainement des causes de joie pour le philosophe, elles deviennent en même temps, il faut l'avouer, des sources d'inquiétude pour le commençant. Devant cette masse imposante de connaissances acquises et de résultats obtenus, il semble, au premier abord, qu'il soit difficile, à l'heure qu'il est, de trouver un champ libre pour des recherches nouvelles. C'est là une impression générale. Il s'est passé, dans la poursuite de la vérité, une sélection analogue à celle que nous offre la nature, sélection en vertu de laquelle les faits les plus simples et les plus aisés à percevoir ont été les premiers mis au jour, tandis que les détails minutieux sont demeurés dans l'obscurité. Ceci est vrai pour quelques branches de nos connaissances ; mais cette apparence ne se trouve pas toujours confirmée par un examen ultérieur, et, en étudiant les choses de plus près, on flnit par se con- vaincre que, quelque grande que soit la somme des faits positifs acquis à la science, elle est bien petite encore par rapport à celle des faits douteux ou inconnus. La physiologie des animaux inférieurs, pour en citer un exemple, est presque encore tout entière à écrire. Nous ne possédons que des faits isolés, des renseignements épars sur les fonctions vitales chez les Invertébrés. Il y a là une voie très large ouverte, dans laquelle ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VII. 1878. 26 402 EMILE YUNG. quel(iiies esprits dislingués se sont élancés avec ardeur et ont fait quelques bonnes récoltes. Nous avons été tenté par leur exemple, et nous avons entrepris, l'année dernière, dans le laboratoire de Roscoff, quelques expériences sur la physiologie du système nerveux chez les Crustacés supérieurs. Mais h peine avions-nous commencé nos vivi- sections sur les crabes et les Homards, si abondants et si faciles à se procurer à Roscoff, que nous nous aperçûmes combien une saine physiologie doit absolument reposer sur une connaissance approfon- die de lanatomie. C'est ce qui nous conduisit à étudier d'une manière détaillée l'histologie des centres nerveux des Décapodes sur lesquels nous avions l'intention d'opérer. Nous fûmes d'autant plus encouragé dans cette voie que nous ren- contrâmes, dans le laboratoire de Roscoff, tous les instruments et les réactifs nécessaires à un travail aussi minutieux. Ce n'est pas une petite fortune, pour un jeune naturaliste, que d'être admis sous ce toit hospitalier de Roscoff, où, en face d'une na- ture abondante qui vous attire sans cesse par de nouvelles merveilles, et au milieu de charmants collègues, dans le commerce desquels on se sent constamment stimulé, on peut poursuivre librement des re- cherches originales, pour lesquelles chaque travailleur rencontre les ressources qu'exige l'état actuel de la science. Aussi est-ce un doux devoir pour nous que d'exprimer à l'éminent directeur du laboratoire de Roscoff, M. le professeur de Lacaze-Du- thiers, toute la reconnaissance que nous lui conservons pour la libé- ralité avec laquelle il nous a admis dans son précieux établissement et pour les excellents conseils qu'il nous a prodigués. Nous ne nous dissimulons pas tout ce que notre travail a encore d'incorrect et d'incomplet. C'est en le rédigeant que nous nous sommes aperçu combien de questions nouvelles ont surgi comme conséquence des connaissances que nous avions acquises. C'est la marche ordinaire du travail scientifique : la solution d'un problème appelle un pro- blème nouveau. Quoi qu'il en soit, nous espérons ne pas avoir fait des efforts inu- tiles en appelant l'attention des naturalistes sur un champ trop peu cultivé et en leur faisant part, dès maintenant, des résultats obtenus dans une direction où nous avons l'intention de poursuivre des re- cherches de plus longue haleine. La nature môme de ce travail sur l'anatomie et la physiologie du système nerveux nous a engagé à le donner en trois chapitres, dont SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 403 l'un comprendra l'exposé de la structure intime, le second les fonc- tions, et le troisième un résumé des faits qu'il nous a été donné d'ob- server sur la composition chimique du tissu nerveux. I COMPOSITION niSTOLOGIQUE DE LA CHAINE GANGLIONNAIRE CHEZ LES CRUSTACÉS SUPÉRIEURS. Chacun sait que, depuis fort longtemps, on s'est assuré que les éléments que nous nommons les nerfs ne sont pas des masses com- pactes et homogènes, mais que l'examen microscopique a fait décou- vrir dans le tissu nerveux deux sortes d'éléments : des cellules localisées dans les centres et -des fibres périphériques auxquelles Leuwenhoeck avait donné le nom de tubes nerveux, à cause du double contour qu'elles présentent. Il ne semble pas que l'illustre Hollandais se soit attaché à l'étude de ces éléments chez les animaux invertébrés, et ce n'est que dans notre siècle qu'une pareille étude aét^ entreprise d'une façon systé- matique. Mais, avant d'entrer dans le détail de la structure intime, il nous semble utile de rappeler brièvement la disposition générale du système nerveux chez les Crustacés, disposition sur laquelle il faut remonter jusqu'à Willis pour avoir les premières notions. Rœsel, qui le premier donna une description de la chaîne abdo- minale chez l'Ecrevisse, s'y trompa de telle manière qu'il la prit pour un vaisseau sanguin. Peu après, Swammerdam, dans sa Bible de la nature, donne quelques détails bien incomplets sur le système ner- veux central du Bernard-1 'Ermite. Il faut arriver jusqu'à Cuvier pour trouver quelques notions précises sur le point qui nous occupe. Dans ses Leçons d'anatomie comparée, il décrit d'une manière exacte, mais abrégée, le système nerveiLX du Carcin, de l'Ecrevisse, du Cloporte, et il fournit par là une base pour des recherches ultérieures. Ces recherches furent celles d'Audoin et Milne-Edwards, dont le travail célèbre parut en 18:28 dans les Annales des sciences naturelles. Plus tard, le second de ces auteurs donna, dans son Histoire naturelle des Crustacés, quelques vues d'ensemble, résultant de la comparaison du système nerveux dans les difl'érents ordres de cette classe, et il établit d'une manière générale l'anatomie comparée de ce système. Nous renvoyons le lecteur à ce travail et aux Leçons sur l'anatomie et 404 EMILE YUNG. la physiologie comparée du même auteur, pour de plus amples dé- tails sur cette histoire^ Chez tous les Crustacés, le système nerveux central est constitué par une chaîne ganglionnaire courant, le long de la ligne médiane, sur la face ventrale du corps. Cette chaîne commence par être com- posée de deux moitiés qui, chez les groupes inférieurs, demeurent distinctes pendant toute la vie, chaque ganglion étant relié à son voisin par une commissure transversale (cette disposition est très vi- sible chez l'Apus, le Talitre, etc.), et qui, chez les supérieurs, se soudent en s'accolantplus ou moins intimement l'une contre l'autre dans le sens transversal après la phase embryonnaire. Gomme nous le verrons plus tard, il n'en est.aucun dont la soudure des deux cordons médullaires primitifs soit complètement effectuée, et même chez les Homards, Langoustes et autres types très supérieurs, une lamelle de tissu conjonctif persiste au milieu de la chaîne, et la divise, sur une coupe horizontale, en deux parties bien distinctes. En outre, il est toujours différents points, sur la longueur de la chaîne abdominale, où la soudure des deux portions de la chaîne n'a pu s'effectuer à cause du passage d'autres organes. C'est ainsi qu'entre le premier et le second ganglion les connectifs qui les unissent sont tenus à distance par le passage de l'œsophage. De la même manière, d'autres portions de la chaîne peuvent être per- cées pour laisser passer l'artère sternale. Cette concentration des masses nerveuses dans le sens transversal trouve son analogue dans le sens longitudinal. Si primitivement la chaîne ganglionnaire est composée d'un nombre de ganglions corres- pondant au nombre de segments du corps, il peut se faire que, par un rapprochement et un raccourcissement considérables des con- nectifs reliant entre eux ces différents ganglions, ils se fusionnent plus ou moins intimement en un nombre de masses nerveuses plus ou moins considérable. Chez les types inférieurs, nous trouvons les divers ganglions de la chaîne abdominale tous à peu près situés à des distances égales; mais, si nous remontons l'échelle, nous constaterons une réduction du nombre total et un rapprochement des ganglions dans certaines régions. ' H. Milne-Edwardib, fJisloire nalurelle des Crustacés, i. I, p. 'jâO, Paris, 1834. — Id., Leçons sur la physiologie et l'anatotnie comparée, t. XI, p. 169, Paris, 1874. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 40S Cette tendance à^la centralisation apparaîtra d'une manière trè« nette si, comme l'a fait le premier M. Milne-Edwards, nous compa- rons entre elles les chaînes ganglionnaires du Homard et du Palé- mon. Chez le dernier de ces animaux, la concentration des gangUons est très manifeste dans la région thoracique, tandis qu'ils sont encore hien distincts chez le premier. Chez la Langouste, que nous avons également étudiée, tous les noyaux médullaires du thorax sont soudés pour ne former qu'une seule masse. Ces faits nous aident à com- prendre ce qui se passe chez les Crabes, où la centralisation est poussée à son plus haut degré dans cet énorme ganglion thoracique percé en son miheu, chez la plupart des espèces, pour livrer passage à l'artère sternale. Il faut bien remarquer que les différents ordres de la classe des Crustacés nous présentent à peu près toutes les formes de passage et que les recherches embryologiques confirment encore la justesse de ces relations. Nous verrons plus loin combien il est important de tenir compte de cette centralisation du système nerveux central dans l'interpré- tation de la structure histologique, où nous devrons reconnaître une grande analogie chez les divers Crustacés, malgré les différences qui apparaissent à première vue. Dans la description générale qui va suivre, nous ne nous occupe- rons que des Malacostracés décapodes, les seuls sur lesquels aient porté nos observations. Ils ont été divisés en trois groupes : les Macroures les Anomoures et les Brachyures. Nous ne nous sommes occupé que du premier et du troisième de ces groupes, et parmi les genres qui les composent nous avons limité notre choix à un ou deux types, quitte, comme nous l'indiquerons plus loin, à demander des rensei- gnements à d'autres espèces, lorsque nous eûmes reconnu que ces espèces présentaient quelque avantage pour éclairer une question en litige. Parmi les Macroures, nous avons plus particulièrement choisi comme objet d'étude le Homard [Homarus vidgaris), la Crevette ou Pa~ lémon [Palœmon serratiis) et notre Ecrevisse d'eau douce [Astacus fluiu'a- tilis). Quant aux Brachyures, ce sont surtout le Crabe ordinaire [Cancer menas), l'Etrille ou Crabe espagnol [Portunus puber), l'Araignée de mer [Maia sqiimado) et le Tourteau [Cancer paragus) qui en ont fait les frais. Chez les premiers, la chaîne ganglionnaire commence sur la face 406 EMILE YUNG. frontale, un peu en arrière des yeux, par un gros ganglion facile à découvrir. Sa forme est celle d'un ovale plus ou moins déformé par le départ des nerfs qui y prennent naissance. Sa face inférieure est généralement bosselée ou aplatie, comme chez la Langouste, l'an- térieure verticale, la supérieure plus ou moins oblique, en sorte qu'une coupe sagittale a une forme assez irrégulière, qui rappelle de loin celle d'un triangle. Quoiqu'il résulte, comme M. Milne-Edwards l'a fait voir, de l'union de trois masses nerveuses, on lui donne géné- ralement le simple nom de ganglion sus-œsophagien ou cerveau. « A raison de la multiplicité des nerfs qui en partent et de diverses consi- dérations théoriques, dit l'illustre auteur que nous venons de citer, je n'hésite pas à regarder ce foyer nerveux, auquel on applique sou- vent le nom de cerveau, comme étant formé de trois paires de gan- glions primordiaux, savoir : une paire dépendant de l'anneau ophthal- mique et donnant naissance aux nerfs optiques, ainsi qu'aux nerfs moteurs des tiges oculaires ; une paire dépendant de l'anneau anten- nulaire, et une paire dépendant de l'anneau antennaire ^ » Quoi qu'il en soit, 'ce ganglion donne naissance à sept paires de nerfs, dont Owsjannikow^ a donné une description. Ces paires sont les suivantes : 1° Les nerfs des organes frontaux ; 2° Les nerfs optiques, qui sont relativement volumineux et qui partent du bord antérieur et supérieur du ganglion ; 3° Les nerfs oculo-moteurs, beaucoup plus grêles que les précé- dents et prenant naissance un peu au-dessous ; 4° Les nerfs des antennes internes, partant du bord antérieur et inférieurjdu ganglion ; 5° Les nerfs des antennes externes, partant des faces latérales du cerveau ; G" Une paire de nerfs assez volumineux, qui se divisent en nom- breux rameaux difficiles à suivre. La plus grande partie de ces rami- fications se rendent certainement dans les téguments de la partie antérieure du corps. Il résulte toutefois de nos observations' qu'une autre partie des fibres qui en partent se rendent aux muscles des antennes externes. Gomme l'indique le titre de ce travail, nous avons ' Voir MiLNE-EnwARDs, Leçons, etc., t. XI, p. 177. * OwsjANNiKOw, Ueher die feinere Slruclur des Kopfsganglions bei den Krebsen, n Mémoires de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, 7» série. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 407 surtout en vue la structure du système nerveux central. Nous abré- gerons par conséquent tout ce qui concerne les nerfs périphériques. Les détails de leur élude trouveront place dans un autre mémoire. 1° Enfin, un peu au-dessus des nerfs pour les antennes internes, on voit partir une petite paire de nerfs qu'on peut poursuivre jusque dans les muscles de ces mêmes antennes. Ils en seraient les nerfs moteurs par excellence. Les nerfs que nous avons mentionnés comme constituant la qua- trième paire sont probablement des nerfs mixtes, et le nom de nerfs auditifs, que Leydig et quelques autres auteurs leur avaient donné, est très vraisemblablement juste, car on peut poursuivre un petit filet de ces nerfs jusque dans le voisinage de l'organe de l'ouie, situé à la base de l'antenne interne, tandis que la plus forte portion conti- nue vers les extrémités, où ils servent sans doute à quelque sensa- tion tactile ^ De chaque côté de la région postérieure du ganglion céphalique part un gros cordon nerveux qui aboutit au côté correspondant du premier ganglion thoracique. Ces cordons, séparés le long de leur parcours par l'œsophage, ont reçu le nom à'anneau œsophagien. Cet anneau est très caractéristique en ce sens qu'il existe chez la plupart des Arthropodes et des Mollusques supérieurs. Sa longueur est assez considérable chez le Homard et la Langouste, beaucoup moindre chez le Palémon. Dans son trajet et un peu en avant de l'œsophage, se remarque, de chaque côté, un petit renflement donnant naissance à un nerf dit stomato-gastrique, qui va se ramifier^dans différents organes. Ce nerf paraît jouer un rôle considérable dans le fonctionnement des organes de la vie organique, et il a donné lieu à des discussions et à des rapprochements' que nous devons rappeler. On se souvient sans doute comment Lyonnet, dans sa fameuse ylwa- tomie de la Chenille du saule [Cossus ligm'perda), décrivit, sous le nom de brides épinières, de petits noyaux et des fdets nerveux qu'il distin- gua au-dessus de la moelle abdominale. Ce sont ces éléments nerveux qui furent retrouvés plus tard par Newport chez le Sphynx du troëne [Sphynx ligustri), et, depuis cet observateur célèbre, ils sont connus sous le nom de système stirajouté. Enfin, ce sont eux que M. Blan- 1 Voir E. Berger, Untersuchungen iiber den Bau des Gehirns und der Retina der Arthropoden, \n Arbeiter aus dem Zool. Inst. der Universitœt Wieti, H. II, 1878. 408 EMILE YUNG. chard * retrouva chez la plupart des Insectes et qu'il considéra, en même temps que quelques autres auteurs, comme l'homologue du grand sympathique des animaux vertéhrés. Ils constituent, au-dessus de la chaîne abdominale, une couche nerveuse émettant, de chaque côté du corps, des filets nerveux, dont une partie va se fusionner avec les nerfs émanant des ganglions abdominaux, et une autre partie se ramifie dans les muscles des orifices respiratoires. On a cherché à établir Thomologie de ce système grand sympa- thique chez tous les animaux articulés, mais chez les Crustacés il n'y a rien qui puisse lui être comparé. Il est vrai que certains au- teurs ont voulu considérer les fibres qui s'étalent dans la partie su- périeure de chaque ganglion chez le Homard et l'Ecrevisse comme un reste du système surajouté des Insectes, mais cette opinion a été définitivement réfutée. Toutefois, si un homologue du grand sympathique n'existe pas, cela ne signifie pas que les Crustacés soient dépourvus de nerfs spé- ciaux pour les organes de la vie organique. C'est précisément au point où nous en sommes de l'anneau œsophagien que naissent les nerfs dont Succow ^ nous a le premier donné une description et qui, depuis les travaux de MM. Milne-Edwards^ Brandt ^ et surtout Lemoine^ ont acquis une importance incontestable. Sans entrer dans les détails que l'on trouvera dans le mémoire de ce dernier auteur, nous rappellerons seulement que ce savant a mon- tré les relations qui existent entre le nerf irradiant de la commissure œsophagienne et d'autres ganghons ayant deux ou peut-être trois origines diverses : 1° Une origine cérébrale antérieure ; 2» Une origine postérieure, qui a pour point de départ un petit gan- glion spécial surajouté au dernier ganglion abdominal. « Cette portion postérieure, qui, à notre connaissance, dit l'auteur, n'a pas encore été décrite chez les Crustacés, correspondrait aux ' Blanchard, Du grand sympathique chez les animaux articulés, in Ann. des se. nat., 4» série, t. X, p. 5. ' Succow, Recherches sur les Crustacés, 1818. Nous n'avons pas réussi à nous pro- curer ce travail. — Cuvier {Anaiomie comparée, t. III, p. 328) mentionne ces nerfs et indique une partie de leur parcours. 3 Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, L I,p. 136. * Brandt, Ann. des se. nat., 1830, p. 88. * Lemoine, Ann. des se nat., 5« série, t. IX, 1868, p. 204. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 409 nerfs génito-splanchliiques découverts par M. Faivre chez les Insectes. » 3° Enfin quelques filaments partant de la quatrième paire ganglion- naire et se rendant à l'artère sternale. Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans la description de ces di- verses connexions, qui ne nous ont occupé qu'accessoirement. Nous avons tenu à les mentionner pour être complet et pour dire que nous les avons attentivement poursuivies chez le Homard, où nous avons pu nous convaincre de l'exactitude de la description qu'en a donnée Lemoine chez l'Ecrevisse. Elles ont cette importance-ci qu'elles mon- trent chez les Crustacés l'existence d'un système nerveux compliqué qu'on peut au point de vue de ses relations avec les organes compa- rer au grand sympatique des Insectes, quoi qu'il ne lui soit pas ho- mologue. Nous aurons du reste l'occasion de revenir sur l'une des origines dont nous venons de rappeler l'existence en décrivant le dernier ganglion de la chaîne abdominale. Immédiatement en arrière de l'œsophage et en partie accolée contre sa paroi inférieure, il existe une commissure transversale si- gnalée pour la première fois en 1828 par Audoin et Milne-Edwards, et que l'on peut considérer comme ayant pour but d'unir les deux ren- flements que nous avons mentionnés. Quant aux ganglions thoraciques, ils sont rarement très distincts. Le premier résulte généralement, comme nous le verrons plus loin, de la réunion de plusieurs paires. 11 envoie des nerfs aux muscles des mandibules, à la première et à la deuxième paire de mâchoires, aux deux paires de pattes mâchoires, aux muscles et aux téguments du corps, enfin aux muscles du thorax. Nous conserverons dans tout ce qui suivra le nom de commissure pour l'ensemble' des fibres transversales qui réunissent les masses ganglionnaires de gauche à droite et vice versa, et le nom de con- nectif T^onv les fibres qui opèrent cette union des ganglions dans le sens longitudinal. Entre les ganglions, le long desconnectifs, part de chaque côté sur le même niveau un petit filet nerveux qui se rend directement en. haut et se ramifie dans les muscles du thorax. Les autres ganglions thoraciques envoient leurs nerfs aux pattes locomotrices. Les ganglions abdominaux sont en général plus petits que les pré- cédents, ils fournissent chacun deux paires de nerfs dont l'une se 410 EMILE YUNG. rend dans les pattes correspondantes et l'autre aux muscles de l'ab- domen. Le dernier ganglion donne naissance à quatre paires de nerfs qui se ramifient dans les muscles des diverses palettes caudales et dans ceux du dernier anneau abdominal. Les connectifs des ganglions abdominaux sont extérieurement sim- ples, (juoiqu'ils portent la trace de leur division primitive. Chacun d'eux donne naissance à peu près dans le milieu de sa longueur à deux petits filets nerveux qui se ramifient dans les muscles de la par- tie médiane et supérieure de l'abdomen. Chez le Homard et l'Ecrevisse on compte un ganglion cérébroide, six ganglions thoraciques et six ganglions abdominaux. Chez le Palé- mon les ganglions thoraciques sont ramassés en une longue masse ovalaire. En résumé, dans son ensemble, la chaîne ganglionnaire des Ma- croures peut être comparée à la chaîne nerveuse centrale des Verté- brés, mais elle s'en distingue par sa composition histologique et par quelques-unes de ses fonctions. Chez les Brachyures la concentration du système nerveux atteint son plus haut degré. Il n'est plus composé que de deux masses : l'une frontale, correspondant au ganglion cérébroïdc des Macroures ; l'autre thoracique, résultant de l'agglomération et de la soudure intime des différents ganglions thoraciques. Le ganglion céphalique est rectangulaire, convexe sur sa face supé- rieure (Cancer menas), plan ou légèrement convexe (Maia) sur sa face inférieure. Chez ce dernier, la convexité de la face inférieure est tou- jours moins prononcée que celle de la face supérieure. Il donne naissance à sept paires nerveuses comme chez le Homard (nous n'avons pas réussi à mettre en évidence la septième paire chez le Cancer menas). Ces nerfs sont d'épaisseur variable et se ren- dent dans les mêmes parties, comme nous l'avons indiqué chez le Homard. Le ganglion cérébroïde est également réuni au ganglion thora- cique au moyen de deux forts cordons nerveux qui constituent l'an- •neau œsophagien, à propos duquel nous pourrions répéter tout ce que nous en avons dit chez les Macroures. « Les deux cordons ner- veux, dit M. Milne-Edwards, qui naissent du bord postérieur du gan- glion céphalique et qui l'unissent à la masse médullaire du thorax fournissent des nerfs qui se distribuent aux muscles des mandibules et aux parois de l'estomac. L'un de ceux-ci est remarquable, car en SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. A\\ se réunissant avec celui du côté opposé, au-devant de l'estomac, il présente nn petit renflement ganglionnaire d'où part un long nerf récurrent impair qui se porte sur la face supérieure du tube digestif. Cette disposition rappelle celle du système nerveux de certains in- sectes où il existe au-dessus de l'estomac une petite chaîne formée par la réunion de deux nerfs récurrents. » Gomme chez les Macroures, on rencontre en arrière de l'œsophage une commissure transversale. La masse nerveuse thoracique est beaucoup plus considérable que celle du cerveau ; elle résulte de la fusion poussée à un très haut degré de toutes les masses ganglionnaires du thorax et de l'abdomen. Elle est généralement percée ( sauf chez le Maia ) en son milieu, pour donner passage à l'artère sternale. C'est de cette masse nerveuse que partent les nerfs du thorax et de l'abdomen, au nombre de neuf paires. Ils se ramifient, peu après leur point de départ, dans toutes les direc- tions, et vont se rendre aux mandibules, aux mâchoires proprement dites, aux pattes mâchoires, aux téguments, aux pattes locomotrices et aux muscles de l'abdomen. Un nerf impair descend de la partie inférieure du ganglion thora- cique, le long de la ligne médiane, et se ramifie dans l'abdomen. Malgré les grandes différences apparentes qui existent dans l'en- semble du système nerveux entre les Macroures et les Brachyures, elles ne sont dues, nous le répétons, qu'à un tassement, pour ainsi dire, de la chaîne ganglionnaire dans le sens transversal. Après ce rapide coup d'oeil sur l'ensemble du système nerveux dans les deux groupes dont nous nous sommes surtout occupé, nous allons exposer nos recherches sur la structure intime du tissu nerveux. Historique. — Parmi les nombreux travaux dont l'histologie du système nerveux des Invertébrés a été l'objet, nous ne rappellerons que ceux qui renferment des notions sur les Crustacés. En 18.36, Ehrenberg * mentionne les tubes nerveux de la chaîne abdominale, et les considère comme renfermant une substance ana- logue à celle contenue dans leurs homologues chez les Vertébrés, la substance médullaire. ï Ehrenberg, Beobachiung einer bisher inerkannten Structur der Seelesorganes, Berlin, 1836. 412 EMILE YUNa. Six ans plus tard, Helmholtz \ dans sadissertationinaugurale, traite delà structure du système nerveux des Invertébrés d'une manière plus détaillée. Nous ne connaissons son travail que parle résumé qu'en a donné von Siebol dans les Archives de Millier, en 1844. L'auteur nie absolument toute ramification des fibres nerveuses primitives, et combat l'opinion émise par Newport, que certaines de ces fibres peuvent passer dans un ganglion sans s'y arrêter, se contentant de passer au-dessus pour atteindre d'autres ganglions plus éloignés. Il faut arriver à l'année 1843 pour trouver un travail spécial sur l'histologie des nerfs chez un Grustacé. Il est dû à Remak^ et c'est l'Ecrevisse d'eau douce qui en fut l'objet. Dans ce mémoire, l'auteur décrit fort bien les tubes nerveux de la chaîne abdominale, et appuie particulièrement sur la présence, à l'intérieur des plus gros de ces tubes, d'une substance finement striée dans le sens longitudinal. Ce qui fait surtout l'importance de ce mémoire, ce sont les ressemblances que Remak croit pouvoir établir entre les éléments nerveux de l'Ecre- visse et ceux des animaux vertébrés. En 1837, Hpeckel ^ reprend la même étude, et entre dans des détails en général exacts. Il indique les modifications que présentent les élé- ments nerveux sous l'action de certains réactifs, et il explique par là beaucoup d'erreurs qui s'étaient glissées dans la science, à la suite de recherches trop hâtives. Il cherche en outre à reconnaître les rapports qui doivent exister entre les cellules d'un ganglion et celles des gan- glions voisins. Il affirme enfin d'une manière positive que les fibres nerveuses ne sont pas simples dans toute leur longueur, mais qu'elles peuvent se ramifier. Ces ramifications s'effectuent surtout dans les points d'émergence des nerfs. Quelques années plus tard, Owsjannikow* pubha ses études sur le système nerveux du Homard. Nous aurons à les mentionner à plu- sieurs reprises, en exposant nos propres recherches. On rencontre^ pour la première fois dans cette étude un essai de description topo- graphique des masses ganglionnaires, 'et principalement des ganglions abdominaux. 1 Helmholtz, De fabrica sysiematis nervosi cverlebratorum, Berlin, 1842. 2 Remak, Ueber den Inhall der Nerven primitivrohren, in MuUer's Archiv, 1843. p. 197. ' H^CKEL, Ueber die Geivebe des FlUsskrebses, in Mûller's Archiv, p. 469. * OwsjANNiKOw, Recherches sur la structure intime du système neroeux des Crusta- cés et principalement du homard., inMém. del'Acad. dessc.de Saint-Pélersbourff,[iQ'i, t. XI, et Ann. des se. nat., 4« série, 1861. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 413 Enfin Victor Lemoine ', en 1868, pousse plus loin qu'aucun de ses prédécesseurs l'étude minutieuse du système nerveux chez TEcre- visse. C'est à notre connaissance le travail le plus complet que nous possédions, et il nous a surtout servi de base pour nos recherches. Depuis cette époque, il a paru en Allemagne un assez grand nombre de travaux sur la structure du cerveau chez les Arthropodes. Quel- ques-uns d'entre eux ont une importance réelle, mais ont porté en général sur le cerveau des Insectes, et sortent par conséquent du cadre que nous nous sommes tracé. Toutefois on trouve dans le travail de DietP, qui remonte à l'année 1876, quelques indications sur le cerveau de l'Ecrevisse, et, dans un tout récent mémoire d'Emile Berger '', des figures concernant le cerveau de la Langouste. Nous avons utilisé ces différents travaux, et nous y reviendrons avec plus de détails en par- lant du cerveau. Technique. — La méthode de recherches aune importance primor- diale en histologie, et nous devons avouer que nous nous sommes si souvent induit en erreur dans le cours de ces recherches, que nous pensons nécessaire de faire profiter nos successeurs des observations que nous avons pu faire sur les causes de ces erreurs. En règle générale, elles sont toujours dues au fait que les histo- logistes se sont trop souvent permis des descriptions d'éléments re- tirés de tissus morts ou traitéspar des réactifs divers. Rien n'est moins étonnant que les discussions qu'ont entre eux ces savants, si l'on réfiéchit aux difficultés qu'éprouvent deux observateurs à se placer exactement dans les mêmes conditions d'examen. Afin d'obvier à ces désagréments, nous avons toujours eu soin d'étudier les tissus tout à fait frais, retirés immédiatement de l'animal vivant et portés sous le microscope dans un liquide ne pouvant avoir aucune action sur eux. Nous avons recouru pour cela au sang de l'animal lui-même. C'est dans le sang que nous opérions la dilacération aussi rapidement que possible et que nous conservions les éléments pendant l'observation. Pour obtenir du sang d'un Crabe ou d'un Homard il suffit de lui casser une pince ou une patte : il s'écoule bientôt de la blessure une certaine quantité de liquide que l'on recueille dans un petit flacon * Lemoine, loc. cit. 2 DiETL, Die Organisation des Arthropodengehirns, in Zeiischr. fur wiss. Zool., t. XXVII, p. 488. 3 Berger, loc. cit. l\i ÉiMILE YUNG. fermé à l'ém^ri, dont le bouchon porte un prolongement de verre. On peut encore blesser l'animal sur la face dorsale, au-dessus du cœur : on obtiendra de cette manière une plus grande quantité de sang; mais il faut avoir soin, dans ce dernier cas, de bien essuyer la carapace, afin que le sang, en s écoulant, ne se mélange pas au litpiide qui la mouille ordinairement. Dans le cas où, la recherche étant pro- longée, le sang ferait défaut, on peut sans inconvénient prendre un autre liquide animal, tel que la salive. C'est ainsi que les tubes ner- veux du Homard se maintiennent parfaitement intacts et transparents dans l'humeur aqueuse des yeux de poisson. Nous l'avons expérimenté avec les énormes yeux de VOrthagoriscus mola. Dans le cas où on récolte une forte provision de cette humeur, on peut la conserver et s'en servir pendant quelques jours, à condition de la tenir dans un flacon bien fermé et laissant flotter dessus un petit morceau de camphre. L'iodsérum est également un liquide qui peut rendre de bons services ; mais nous lui avons généralement préféré, comme liquide conservateur, l'alcool au tiers, préconisé par M. Ranvier'. Il est bien plus avantageux, comme l'indique ce savant histologiste, que le chlo- roforme, le collodion et autres liquides semblables. La plupart des auteurs décrivent le contenu des tubes nerveux des Crustacés comme constitué par une masse tenant en suspension une substance finement granuleuse. Nous le tînmes nous-môme pour tel jusqu'à ce que nous nous aperçûmes que ces granulations ne sont pas normales et ne se manifestent qu'à la suite de phénomènes osrao- tiques à travers la paroi du tube. C'est ainsi qu'elles apparaissent après un séjour très court du tube dans un liquide moins dense que celui qui le remplit, l'eau par exemple. A cet égard, l'eau distillée est très active, et donne rapidement un aspect nuageux au contenu du tube ; il en est de môme de Icau ordi- naire et de l'eau de mer. Toutefois cette dernière, plus dense que les deux premières, retarde l'apparition des granulalions ; elle devra donc être préférée à l'eau distillée pour les éléments nerveux des Crabes, Homards et autres (knistacés marins. Nous devons rapprocher cette observation sur l'action de l'eau de celles de M. Ranvier, qui a montré comment des fibres nerveuses, plongées dans une solution de sel à 1 pour 200, conservent leurs pro- * Ranvier, Traité technique d'histologie, p. 722. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 415 priétés physiologiques beaucoup plus longtemps (après vingt minutes) que celles plongées dans l'eau pure '. En général, le passage de l'eau à travers les parois du tube augmente le volume de son contenu, et le fait déborder par les deux extrémités coupées, où il apparaît comme des gouttelettes revêtant des formes très diverses et présentant elles-mêmes un aspect granuleux. Elles sont souvent parfaitement sphériques, d'autres fois ovalaires, et ren- ferment, comme Hœckel l'a déjà dessiné, des gouttelettes plus pe- tites, irrégulièrement distribuées dans leur intérieur. Il faut mentionner ici que ces gouttelettes apparaissent quelquefois sur les parois du tube nerveux, en sorte qu'on pourrait supposer l'existence en ces points de fissures dans l'épaisseur de la gaîne. Ces apparences avaient un intérêt particulier depuis les travaux de Schmidt, Lantermann et F, Boll, sur les incisures de la gaîne de Schwann des nerfs de Vertébrés. Aussi avons-nous apporté à leur étude un soin tout particulier, et devons-nous dire que les résultats de cette recherche sont purement négatifs. Nous n'avons pas pu con- stater dune manière permanente sur la gaîne des tubes nerveux des Invertébrés des incisures analogues à celles figurées par les auteurs précités. La sortie de la substance nerveuse à travers les parois du tube était évidemment due à des blessures de cette enveloppe pendant la dilacération, et n'avait rien de normal. L'alcool ordinaire a une action assez analogue à celle de l'eau distillée; seulement, elle est beaucoup plus rapide, et les granulations qui en résultent ressemblent davantage à un coagulum. Il n'en est pas de même de l'alcool absolu, qui en vertu de son affinité pour l'eau dessèche le tube ; sa gaîne prend un aspect frisé et son contenu se ratatine contre les parois à peu près comme après l'action de la glycérine. L'usage de l'alcool comme durcissant doit suivre celui de l'acide osmique qui doit au préalable fixer les éléments dans leur forme normale. Tous les acides altèrent les éléments nerveux etproduisentl'aspect granuleux. L'acide nitrique y fait apparaître de fines stries longitu- dinales, sur lesquelles nous aurons à revenir. L'acide chromique les durcit et les ratatine en les colorant en jaune. Son emploi pour le durcissement doit être bien régularisé. On ne doit utiliser à cet effet que des solutions très faibles. Nous nous sommes servi de celle à 1 Ranvier, Leçons sur l'histologie du système nerveux, t. I, p. 2Gj et suiv. A] G EMILE YUNG. 1 pour 100 ; plus concentré, cet acide rend le tissu tellement cassant, qu'il n'est plus possible d'en retirer de fines tranches entières, celles- ci se pulvérisent sur la lame du rasoir. L'acide picrique peut être utilisé pour immerger le tissu pendant la dilacération, lorsqu'on a l'intention de colorer ensuite avec le picro-carminate d'ammoniaque. Quant à l'acide acétique dilué, il n'est pas d'un grand emploi, car les fibres nerveuses sont si peu adhérentes chez les Crustacés, il est si aisé de les dissocier directement, qu'il n'est pas nécessaire de recourir h ce réactif pour ramollir le tissu conjoiictif. Il pourra servir pour rendre plus apparents les noyaux des cellules. Nous devons donner une place à part à l'acide osmique. Il est réellement un des réactifs les plus précieux, en ce sens qu'il fixe les éléments dans leur forme normale et d'une manière telle qu'on peut ensuite les observer dans des substances avides d'eau, comme la glycérine, ce qui permet de les conserver en préparations. Cet acide communique une teinte verdàtre aux nerfs, mais ne les noircit pas complètement. La solution la plus employée est celle à 1 pour 100. Selon Hseckel, le sublimé corrosif et l'acide arsénieux produi- raient une granulation prononcée dans le plasma des tubes. Les alcalis éclaircissent considérablement les éléments nerveux et finissent par les dissoudre après un temps très court, selon le degré de leur concentration. Histologie . — Ce qui frappe tout d 'abord lorsqu'on entreprend l'étude du tissu nerveux chez les Arthropodes en général, mais particulière- ment chez les Crustacés, ce sont la grandeur extraordinaire des élé- ments qui les composent etlafacilitéavec laquelle on peut lesdilacérer. Le tissu mou et peu adhérent qui unit ces éléments est facilement déchiré par l'aiguille, ce qui permet un isolement rapide. Il faut cependant signaler h cet égard d'assez notables différences selon les animaux, et ce qui est vrai pour l'Kcrevisse, le Homard, le Cancer menas, etc., ne l'est plus au même degré pour le Palémon par exemple, (^jhez ces derniers, c'est môme un travail pénible que de poursuivre des fibres nerveuses dans la chaîne ganglionnaire. Un second point que nous pouvons noter dès maintenant, consiste dans la grande ressemblance qui existe entre les éléments du système nerveux chez les Macroures et les Brachyures, ressemblance telle qu'il ne nous est pas possible d'indiquer entre eux le moindre trait distinctif. SYSTÈME NEKVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 417 On peut aisément découvrir la corde abdominale chez (tes animaux : chez le Homard, par exemple, il suffit de couper longitudinalement et des deux côtés du corps les anneaux calcaires de la face inférieure et la peau qui les unit ; puis, en soulevant avec une pince la région la plus rapprochée de l'anus, on la détache peu à peu d'arrière en avant en coupantles faisceaux musculaires de chaque anneau. Ce travail est un peu plus délicat dans la région thoracique, par le fait du partage delà chaîne ganglionnaire dans les arcades calcaires qui la protègent, formations sur lesquelles nous n'avons pas à nous arrêter ici et dont on trouvera la description détaillée dans le tome I" de V Histoire natu- relle des Crustacés de Milne-Edwards. Après avoir détaché un fragment plus ou moins long de la chaîne ainsi mise à nu, on le transporte sur une lame de verre où l'on a préalablement recueilli une certaine quantité du sang de l'animal sacrifié. On. peut, avant de commencer la dilacération, se rendre compte sous un faible grossissement de la disposition générale des parties que l'on a ainsi retirées. Chez le Homard, l'épaisseur de la chaîne rend cette observation difficile et il faudra la faire sur déjeunes animaux. Chez les petites Ecrevisses la transparence du ganglion est parfois telle qu'on peut se rendre compte, dans cet examen préalable, du trajet des fibres dans le ganglion. On peut dès lors se convaincre chez ce-dernier animal que la chaîne ganglionnaire, au moins dans sa région postérieure, est composée de deux gros cordons nerveux très rapprochés et assez intimement unis en une seule masse par du tissu conjonctif. Sous une faible pression on réussit quelquefois à écarter ces cordons et à rendre leur exis- tence distincte bien évidente. L'union des deux cordons est un peu plus avancée chez le Homard et la Langouste dans la région que nous venons de mentionner. Chacun de ces eordons peut être considéré comme un tube à double paroi, dans lequel sont tendus une quan- tité d'autres tubes beaucoup plus minces à. simple ou double paroi et généralement parallèles. Ce paralléhsme n'est pas constant, mais il n'y a jamais de croisement régulier. Quant aux ganglions, on peut remarquer sous ce môme faible grossissement deux masses plus foncées, séparées par un espace plus clair et enveloppées par une membrane également plus transparente. Lorsqu'on les plonge pendant quelques minutes dans une solution de picro-carminate d'ammoniaque à 1 pour 100, la région la plus claire se colore en rouge et la plus foncée en jaune, en sorte que ces ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VU. 1878. 27 MS ÉAIILE YUNG. deux régions se délimitent parfaitement. La coloration disparaît au bout de quelques heures dans la glycérine si l'immersion du tissu dans la matière colorante a été de courte durée. La forme des ganglions varie selon la région de la chaîne que l'on examine. Dans la portion abdominale ils sont elliptiques, le grand côté de l'ellipse est longitudinal. Au centre de l'ellipse, s'aperçoivent les deux masses arrondies dont nous avons parlé. Les dimensions varient beaucoup selon les animaux. Les ganglions thoraciques ont une structure compliquée sur la- quelle nous aurons à revenir avec détails. En général ils sont plus gros, plus allongés et plus anguleux que ceux de l'abdomen. Quant au ganglion cérébro'ide nous l'avons soumis à une étude spéciale, dont nous rendrons compte en exposant la topographie des éléments histologiques dans les ganglions. Nous avons déjà dit comment les ganglions donnent naissance à un certain nombre de nerfs symétriques. Il ne faudrait pas prendre pour tels chez les Macroures deux prolongements conjonctifs, qu'il arrive fréquemment de déchirer en préparant le ganglion pour l'examen, et qui, sous un faible grossissement, ont une certaine appa- rence nerveuse. Le picro-carminate d'ammoniaque les colore rapi- dement en rouge, tandis que les nerfs le sont en jaune. Nous diviserons les éléments du système nerveux en trois groupes : 1° Les tubes nerveux. 2° Les cellules nerveuses. 3" Le tissu conjonctif enveloppant les nerfs. Tubes nerveux. — Ces éléments sont répandus dans tous les nerfs périphériques, dans les commissures transversales et dans les con- nectifs longitudinaux jusqu'aux ganglions oîi ils prennent naissance. Ils constituent avec les cellules ganglionnaires la partie essentielle du tissu nerveux. On peut les considérer comme des homologues (au point de vue morphologique) des fibres nerveuses sans myéline ou fibres de Re- mak du grand sympathique des animaux vertébrés et des fibres très voisines qui constituent le nerf olfactif chez ces animaux. Toutefois, ils présentent, dans leur structure intime, quelques différences qui ressortiront de leur description. Pour les étudier à l'état frais, le mieux est d'enlever sur l'animal encore vivant un fragment dé la chaîne abdominale compris entre deux ganglions. Après avoir enlevé la gaîne conjonctive qui les SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 419 entoure, le névrilèmê, ondilacère au moyen de fines aiguilles le fais- ceau nerveux. Il n'est pas nécessaire de pousser très loin la dilacé- ration pour obtenir un grand nombre de tubes de dimensions diverses, propres à l'observation. Ces tubes sont cylindriques, entourés d'une enveloppe élastique contre les parois de laquelle sont appuyés des noyaux ovalaires de formes et de dimensions diverses, et qui est remplie par une substance visqueuse parfaitement claire et homogène. Il n'y a point de gaîne médullaire, et les bords du tube sont exactement définis. La paroi de ces fibres primitives est simple dans les tubes les plus minces, et les noyaux semblent directement accolés à sa face interne. Elle parait double, au contraire, dans les tubes larges, et cette double paroi s'élargit dans les points où se rencontrent les noyaux*. Enfin dans quelques fibres de moyen diamètre les parois sont simples dans les espaces intermédiaires et deviennent doubles au niveau des noyaux. Dans tous les cas elles ressortent très distinc- tement du tissu conjonctif à larges mailles qui les entoure. L'épaisseur de la paroi varie de 0,5 à 2 \x. La paroi est très ferme, très élastique, et lorsqu'on l'a déformée par une légère pression, elle revient rapidement sur elle-même. Les liquides étrangers, et l'eau distillée en particulier, altèrent rapidement cette élasticité, si bien qu'elle est complètement perdue après un séjour de quelques minutes dans ces liquides et qu'alors il est difficile de rencontrer des fibres qui ne soient pasplissées dans différents sens. Les noyaux ont toujours un aspect granuleux, comme le représen- tent les figures 3, a, et 8, a, b, c, pi. XXYII, provenant de tubes de Ho- mard et de Maia squinado, dessinés à l'état frais. Les granulations ne sont pas régulières, quelques-unes sont assez grosses et ressemblent à des Vacuoles ; mais rien, ni dans leurs dimensions, ni dans leur posi- tion, n'étant constant, nous ne pensons pas qu'on puisse les considérer comme des nucléoles. Quelquefois elles sont resserrées par un espace clair (fig. 8, c, pi. XXVII). La longueur des noyaux varie de 8 à 15 i^. ; quant à leur épaisseur, elle est très variable et l'on ne peut guère l'exprimer par des chiffres. En général, ils sont plus minces et plus allongés dans les fibres étroites que dans les larges et l'aspect gra- nulé y est moins .prononcé. Ils ont une grande analogie, comme 1 Voir pi. XXVIl, fig. 6. 4-20 EMILE YUNG. Hseckel l'a déjà remarqué, avec les noyaux du tissu conjonctif, tou- tefois leur position à la surface du tube nerveux et leurs dimensions les en distinguent nettement. Dans l'observation ils peuvent se pré- senter de profil ou de face ; dans le premier cas il faudra tenir compte de leur position dans l'appréciation de leur forme, car en général c'est de profil qu'ils se montrent. Il n'y a rien 'de régulier dans la distribution des noyaux le long de la fibre et l'on pourrait à leur égard répéter exactement ce que dit Ranvier des noyaux des fibres de Remak chez les Vertébrés'. La distance qui les sépare varie beaucoup. Parfois ils sont très distants et l'on pcutpoursuivre longtemps un même tube sans'en rencontrer ; d'autres fois ils sont très rapprochés, comme les représentent les dessins (fig. 3, 4, 5, 6, pi. XXVII). Le picro-carminate et le rouge d'aniline les colorent plus rapide- ment que les tubes, ils prennent également une teinte plus foncée sous l'action de l'acide osmique. On doit les considérer comme appartenant à la gaîne du tube dont ils font partie intégrante. Quant au contenu du tube, nous sommes d'accord avec Helmholtz pour le considérer comme semi-liquide. Un peut facilement s'en convaincre en comprimant progressivement sous la lamelle quelques fibres fraîchement dilacérées. On voit sortir par les extrémités des gouttelettes réfringentes, constituées par une substance visqueuse très transparente. Ces gouttelettes deviennent rapidement granu- leuses par l'action de l'eau et peuvent alors simuler des noyaux qui se seraient détachés de la paroi du tube. Si on les reçoit dans une solution d'acide chromique à 1 pour 1 000, elles se coagulent en zones concentriques que Hœckel compare à celles des Oignons (fig. 9, b, pi. XXVII). L'acide acétique les gonfle beaucoup, leur fait prendre les formes les plus bizarres, et elles finissent par disparaître au sein du liquide environnant, en se résolvant en une multitude de petits gra- nules. Après un séjour de quelques heures dans un des hquides con- servateurs signalés plus haut, le contenu du tube se prend lui-môme en gouttelettes de dimensions diverses (fig. 9, b, pi. XXVII), que Haîckel a fort bien décrites ; elles renferment chacune des goutte- lettes plus petites qui donnent à l'ensemble l'aspect d'œufs en frac- tionnement. 1 Voir Ranvier, Leçons sur le système nerveux, t. I, p. 142. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 42i Quel que soit le procédé qui donne la coagulation, elle est tou- jours la conséquence d'une séparation de la substance nerveuse en une portion plus épaisse et une portion plus claire ; les granu- lations que nous venons de mentionner flottent en effet dans un liquide. Il est probable toutefois que ce liquide est en grande partie celui du réactif dont on s'est servi, qui, étant moins dense que le contenu du tube, a traversé sa paroi par endosmose, et lorsqu'on obtient l'aspectgranulé, lorsque le tube est entouré de sang, comme le mentionne Hœckel, mais comme nous ne l'avons jamais observé, il faut l'attribuer à une altération chimique du sang lui-même, dont une portion plus liquide filtre à travers les parois. La coagula- tion est toujours plus rapide dans les tubes étroits que dans les larges. La manière dont se. comportent les tubes nerveux vis-à-vis des réactifs est un peu différente chez les Palémons ; cependant nous ne pensons pas qu'il faille attribuer à ces différences une valeur aussi grande que le fait Hseckel. Il est parfaitement vrai que le contenu des tubes nerveux de ces Crustacés est beaucoup moins coagulable que celui des autres Macroures et des Brachyures, mais la formation de vacuoles telles que celles que nous avons décrites plus haut s'y fait de la même manière. La différence réside dans l'inaptitude du plasma de ces tubes à prendre l'aspect granuleux. Il y a là l'indication de propriétés physiques un peu différentes , quoique les substan- ces colorantes agissent sur eux comme sur les autres tubes ner- veux. Nous avons insisté sur ce fait, que le contenu du tube est parfai- tement homogène. Il y a cependant une restriction à faire pour les tubes très larges qui se rencontrent dans la chaîne abdominale de TEcrevisse, du Homard et dans le nerf impair partant du ganglion thoracique des Brachyures. Leur portion interne présente quelque- fois, même à l'état tout à fait frais, un espace nébuleux qui a déjà été mentionné par les anciens observateurs et particulièrement par Remak. Ce dernier auteur décrit même cette nébulosité comme résultant de l'agglomération d'une grande quantité de petites fibrilles extrêmement minces, et qui, défaites par la pression, se résoudraient en granulations. « Ces fibrilles, dit-il, sont lisses et très délicates, parallèles entre elles, sans ramifications ou anastomoses visibles. Un faisceau paraît être composé de plusieurs centaines de fibrilles. Si le tube a été blessé, on voit parfois le faisceau intérieur faire des cour- 422 EMILE YUNG. hures plus fortes dans l'intérieur du tube et les flbres conservent leur parallélisme ' . » Remak n'est pas loin de considérer ce faisceau comme l'homo- logue du cylindre-axe des nerfs des Vertébrés, dans lequel il venait également de démontrer la structure flbrillaire, et il faut dire que cette homologie n'aurait rien que de très naturel si son observation se trouvait vérifiée. Mais nous devons dire que nous n'avons jamais pu constater la structure flbrillaire à l'intérieur des tubes nerveux frais. Une seule fois il nous fut donné de la voir très distinctement sur une fibre très large de la chaîne ganglionnaire du Homard et nous pûmes la montrer h plusieurs naturalistes qui y reconnurent immé- diatement un cylindre-axe ; mais il faut ajouter que cette fibre avait auparavant été traitée par l'hématoxyline et préparée dans la glycé- rine. Nous ne croyons donc pas à la présence d'un véritable cylindre- axe dans aucun des tubes nerveux de Crustacés, mais il nous semble par contre indéniable qu'il se présente chez quelques-uns un com- mencement de différenciation, qui s'accuse par un épaississement du protoplasma dans le centre du tube, épaississement dont l'aspect nébuleux est la conséquence. Ce serait une tendance à la formation d'un cylindre-axe tel qu'on l'observe dans les nerfs des jeunes Pétro- myzontes. Nous devons revenir un instant sur l'action de la glycérine : elle est très instructive. Une solution, même très faible, de cette substance suffit pour ratatiner le plasma qui emplit le tube nerveux. L'enve- loppe se plisse légèrement, mais son élasticité tend toujours à lui conserver sa forme, tandis que le contenu se contracte vers l'inté- rieur. Tantôt il se sépare d'un côté seulement, comme l'indique la figures, a, pi. XXVII ; tantôt il quitte les deux bords de lagaîne (fig. S, b). Dans ce dernier cas, il peut simuler, à l'intérieur du tube, un cylindre- axe. En employant des solutions de glycérine plus concentrées, il se courbe et prend un aspect en spirale. On peut de cette manière se convaincre de la présence réelle d'une enveloppe dans chaque tube nerveux. Ce procédé pourra de même être employé pour démontrer l'enveloppe des cellules nerveuses ; il rend compte de l'apparence d'un cylindre-axe. Quant à la question de savoir si les tubes nerveux se ramifient ou 1 Voir Remak, Ueber den Inhalt der NervenprimidvrÔhren, in Arch. de Miiller, 1843, p. 197. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 423 non, les auteurs ne sont pas d'accord. Helmholtz nie toute ramifica- tion des fibres élémentaires, Hœckel les admet, Remak n'en parle pas. Il ne nous est jamais arrivé de constater des fibres ramifiées dans la chaîne abdominale, mais il nous semble difficile de méconnaître l'existence de pareilles ramifications aux points de départ des nerfs périphériques, et surtout après la pénétration de ceux-ci dans les tissus. Au point de départ d'un petit nerf s'éloignant du tronc prin- cipal, on peut observer la bifurcation de fibres simples en deux branches, dont l'une continue dans le tronc et dont l'autre fait partie du nouveau nerf. Une fois qu'il a atteint les muscles, ce nerf se di- chotomise un grand nombre de fois en branches de plus en plus minces, jusqu'à ce que ces rameaux atteignent la petite capsule ou le prisme triangulaire où ils se terminent. Les auteurs ont distingué les tubes nerveux des Invertébrés en tubes larges et en tubes étroits. Il faut avouer que l'on pourrait augmen- ter considérablement ces subdivisions, car le diamètre varie beau- coup selon les points du système nerveux que l'on étudie. Nous nous contenterons d'indiquer les chiffres extrêmes que nous avons notés. Dans la chaîne abdominale d'une Langouste, nous avons observé une fibre dont la largeur atteignait 150 \h, tandis que, dans les nerfs pé- riphériques du même individu, certaines fibres ne dépassaient pas 10 à 20 [JL. Entre ces deux largeurs, il y a de la marge. On peut aussi se procurer de très gros tubes dans l'anneau œsophagien du Maia squinado de grande taille. Cellules nerveuses.— ^o\\% en arrivons maintenant aux^cellules gan- glionnaires. Elles sont répandues dans toutes les masses ganglion- naires, et elles ont indistinctement dans toutes les mêmes caractères généraux, qui les rapprochent des cellules des centres sympathiques chez les Vertébrés. Partout elles se présentent sous forme d'une va- cuole ronde, ovale, pyriforme, etc., comprenant une membrane par- fois tellement mince qu'elle est très difficile à reconnaître et qu'on a souvent discuté sur son existence réelle, et d'un contenu liquide ab- solument identique à celui des tubes nerveux à l'état frais. Les gra- nulations se produisent rapidement dans ce contenu , à la suite de l'addition de solutions aqueuses de faibles densités. Au milieu de la vacuole flotte un nucléus assez gros (rarement deux), renfermant lui-même un ou plusieurs nucléoles, très distincts par leur grande réfringence. La membrane de la cellule, beaucoup plus mince encore que celle 424 EMILIi YUNG. du liil)e, est moins élastique et ne présente jamais un double contour sur les cellules moyennes et les petites cellules ; elle peut devenir elle-même granuleuse, ce qui empêche de la distinguer de son con- tenu. Elle se détruit facilement, et se déchire presque toujours pen- dant la dilacération dans les très grandes cellules. On peut quelque- fois la reconnaître, dans ce dernier cas, par les lambeaux qui demeurent attachés au plasma. Après une action prolongée de l'eau légèrement glycérinée, le contenu se contracte, et alors la membrane apparaît très distinctement (flg. 2, b, pi XXVII). L'acide picrique et l'acide nitrique y font apparaître des striations longitudinales, surtout faciles à mettre en évidence sur les cellules géantes (fig. 10, pi. XXVII). C'est dans ces dernières qu'un examen plus attentif nous a permis de reconnaître que les striations longitudinales n'appartiennent point à l'enveloppe, mais seulement à son contenu, comme cela ressortira de la description que nous en donnons plus loin. Nous n'avons jamais observé de noyaux analogues à ceux de lagaîne des tubes nerveux. 'C'est la seule différence qu'on puisse signaler entre ces deux enveloppes. Nous ne la croyons pas suffisante pour se re- fuser à considérer ces membranes comme une seule et même for- mation. Imaginons un tube nerveux fermé et gonflé à son extrémité, ou bien que, sur son parcours, il se soit produit, par une surabon- dance de plasma, une dilatation de la gaîne : ces ampoules imaginaires auraient absolument l'aspect de la cellule ganglionnaire. Au fond, cette cellule se présente comme un élargissement terminal ( cellule monopolaire), ou comme l'élargissement d'un point de la fibre ner- veuse (cellules bipolaires), et ce qui la caractérise est le noyau na- geant au sein du plasma. Le contenu de la cellule est le même, avons-nous dit, que celui du tube ; il présente les mêmes réactions et les mêmes phénomènes osmotiques que nous avons décrits dans ce dernier. Il est visqueux et se coagule rapidement. Il faut remarquer que la coagulation com- mence en général sur les bords immédiats du noyau , et, lorsqu'elle est terminée, les granulations qui en sont le résultat sont plus serrées dans les mêmes points. Cela indique une condensation plus grande du plasma autour du noyau, et ce fait est encore confirmé par l'ac- tion des matières colorantes, qui se' concentrent dans le même voisi- nage. Comme cela a lieu pour les tubes nerveux, certains acides, tels que l'acide picrique et lacide azotique, coagulent le plasma de la cellule SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 425 d'une façon sing^ulièl'e, en y faisant apparaître de fines striations lon- gitudinales. Nous avons essayé de rendre cet aspect dans la figure 10 de la planche XXVII, représentant une cellule géante du ganglion thora- cique du Crabe tourteau [Cancer paragus), traité par l'acide azotique concentré. M. Cadiat a appelé dernièrement l'attention des histolo- gistes sur l'action de ce dernier acide ; elle est effectivement très nette, et parle encore en faveur de l'identité de la substance nerveuse à l'intérieur du tube et des cellules ^ Quant au noyau, il n'a évidemment pas d'enveloppe propre. Il ar- rive fréquemment, après une dilacération d'un ganglion de la chaîne abdominale, d'en rencontrer une grande quantié dans le liquide; ils proviennent probablement des grandes cellules, dont les parois ont été déchirées pendant la dilacération. Leur contour est granuleux, et, nous le répétons, nous n'y avons jamais constaté d'enveloppe, ni à simple ni à double contour, comme le dit Hseckel. Le noyau est sphérique ou ovoïde ; sa position est généralement excentrique, et, lorsque la cellule possède un prolongement, il est opposé au point de départ de celui-ci (flg. 7, pi. XXVII.) Il se distingue par sa réfringence et par une aptitude spéciale à se colorer en rouge par le picro-car- minate d'ammoniaque ; la plus petite quantité de ce liquide suffit pour le rendre très apparent au bout d'un crtain temps. Il nous est parfois arrivé de rencontrer, dans le ganglion céré- broïde de différentes espèces de Crabes, des cellules à deux noyaux; dans ce cas, ils étaient tous deux excentriques et fort éloignés l'un de l'autre. Le nucléus renferme un ou plusieurs nucléoles très distincts qui apparaissent comme de petites gouttelettes à bords bien nets. Le nu- cléole est généralement double dans les grandes cellules ; il peut manquer dans les petites (fig. 7, c, pi. XXVII). Il renferme quelquefois un ou plusieurs nucléolules, comme nous l'avons observé dans les cellules du ganglion thoracique du Tourteau. Avec un fort grossisse- ment (Hartnack, immers. 10), ils apparaissent comme des amas de granulations. La forme des cellules varie selon le nombre de leurs prolonge- ments. Il y a des cellules apolaires (fig. 1, 2, 7, pi. XXVII) sur l'existence desquelles on a beaucoup discuté. La plupart des auteurs attribuent J Voir Comptes rendus de V Académie des sciences, 3 juin 1878, p. 1420, 426 EMILE YUNG. l'absence de prolongement chez elles à un accident de manipulation; ils pensent que les prolongements ont^été cassés pendant la dilacé- ration et nient par conséquent l'existence des cellules apolaires comme individualités histologiques. Nous ne pouvons nous joindre à cette manière de voir. Le nombre des cellules apolaires est si con- sidérable et leur présence dans les ganglions si constante, qu'il nous semble difficile d'admettre un si grand nombre d'accidents. En se- cond lieu, il faut remarquer qu'on ne voit jamais à leur surface de traces de cette brisure supposée, et qu'il serait pour le moins éton- nant qu'elle ait toujours lieu sur le bord môme de la cellule, alors que nous savons parfaitement qu'il n'y a là ni rétrécissement, ni articulation quelconque. Enfin, on pourrait nier par un pareil rai- sonnement l'existence de cellules unipolaires et ne considérer ces dernières que comme des cellules bipolaires ayant accidentellement perdu un de leurs prolongements. Les cellules apolaires sont surtout répandues dans le ganglion cérébroide. Nos connaissances sur le mécanisme physiologique des cellules nerveuses sont trop peu avancées pour qu'on puisse considérer les cellules apolaires comme inutiles. Les cellules unipolaires (fig. 1 et 2, b, pi. XXVII) sont ovalaires et pyriformes ; elles abondent dans tous les ganglions. Les cellules bipolaires fusiformes sont plus rares. Les tubes ner- veux auxquels elles donnent naissance n'ont pas toujours le même diamètre, comme le montrent les figures 1 et 2, c, pi. XXVII. Enfin, il peut se rencontrer des cellules à trois prolongements. Celle que nous avons représentée (fig. H, pi. XXVII) provient du cerveau d'un Maia. Ces cellules ont une forme triangulaire, de chaque angle part un prolongement dont la couleur a le même aspect que celui de la cellule. Pour ce qui concerne les dimensions des cellules, nous pouvons ré- péter ce que nous disions à propos des tubes, c'est-à-dire que ces dimensions sont extrêmement variables. Les cellules géantes du cerveau et des ganglions thoraciques peuvent atteindre jusqu'à 200 ]i. de diamètre. C'est la plus grande dimension que nous ayons mesurée. Haîckel cite une cellule qu'il a trouvée dans le premier ganglion abdominal d'un gros Homard, qui avait un diamètre de 2o0 p-; son nucléus mesurait 50 [x et son nucléole 12 [x. Celle que nous repré- sentons figure 10, pi. XXVII, provient de la face inférieure du ganglion SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 427 thoracique d'un Tourteau de taille moyenne. Elle mesurait 200 \j., c'est-à-dire qu'elle était visible à l'œil nu. Nous lui avons conservé dans la figure sa gaîne conjonctive c. On remarquera que le tube qui en part est loin de compter parmi les plus larges; il faudrait donc admettre pour ces derniers des cellules encore plus géantes si nous ne savions qu'il n'existe pas de relation constante entre le diamètre du tube et la grosseur de la cellule. Une cellule de taille moyenne peut donner naissance à un tube plus large que telle autre cellule géante. Les petites cellules ont de 30 à 60 [j.. La figure 7, planche XXVII, montre un groupe de cellules apolaires et monopolaires, tel qu'il s'est rencontré à la suite de la dilacération d'un ganglion abdominal du Homard. On voit que leurs dimensions sont bien diverses. Elles sont toutes enveloppées d'une capsule fort épaisse de tissu conjonctif. Chez aucun Crustacé, nous n'avons rencontré de cellules multi- polaires analogues à celles de la substance grise des Vertébrés supé- rieurs. Quant à la manière dont les tubes sont unis aux cellules, de grandes discussions se sont élevées parmi les auteurs. Nous renvoyons, pour leur histoire,au travail de Hœckel {loc. c^7.). Aujourd'hui, nous devons considérer les tubes nerveux des Crustacés comme de simples pro- longements cellulaires, prolongements qui ne se distinguent de leur point de départ que par l'épaisseur plus grande de leur gaîne et la présence de noyaux dans cette gaîne. Il est faux que le contenu de la cellule soit toujours granuleux à l'état frais^; on peut le voir dans les cellules de la figure 7, où il est parfaitement homogène. De làla nullité de ces descriptions dans lesquelles quelques auteurs indiquent un espace limitant au point d'insertion de la fibre et de la cellule. Nous n'avons jamais rien vu de semblable. Tissu conjonctif. — La chaîne abdominale est enveloppée tout en- tière par une double membrane conjonctive. Au premier abord, cette espèce de gaîne paraît constituée par un tissu brillant, compacte et ré- sistant. Elle se déchire facilement dans le sens longitudinal, mais non dans le sens transversal. On peut aisément constater qu'elle n'est pas simple, mais composée d'une couche externe lisse et compacte et d'une couche interne beaucoup plus molle et se rapprochant par sa texture du tissu conjonctif diffus de Ranvier. Le Homard est l'ani- mal qui se prête le mieux à l'étude de cette double paroi. Chez les Palémons et les Brachyures, ces deux couches sont beau- 428 EMILE YUNG. coup plus iutiineuit'-nt unies, et il est fort difficile de les distinguer. Du reste, leur épaisseur varie beaucoup selon l'espèce et l'âge de l'animal que l'on étudie. Sur les coupes transversales, elles forment autour du tube nerveux un anneau très distinct qui se colore vivement par le carmin et qui envoie des prolongements entre les faisceaux nerveux. Examiné à l'état frais, le tissu conjonctif se distingue de la masse nerveuse in- térieure par sa plus grande pâleur. Sur les coupes longitudinales, les enveloppes, et particulièrement l'enveloppe externe, forment de chaque côté de la masse des tubes nerveux une zone dont l'épaisseur, au dire d'Owsjannikow, est égale à la moitié correspondante de l'axe nerveux. L'enveloppe extérieure ou név^Hlème exlerne, détachée de la chaîne abdominale du Homard, parfaitement fraîche, colorée au picro-car- minate et préparée dans la glycérine, se présente comme une mem- brane très finement striée dans le sens longitudinal et irrégulière- ment tapissée de nombreux noyaux. Chez les Écrevisses, elle est beaucoup plus mince, mais elle existe sans aucun doute, ainsi qu'on peut s'en convaincre en comprimant un ganglion sous une lamelle. La figure \, pi. XXVIII, représente le névrilème externe du Homard traité comme nous venons de l'indiquer. Le fond est finement granu- leux, parsemé de petits noyaux ovales ou arrondis, irrégulièrement distribués. La striation longitudinale est nettement indiquée. On dis tingue en outre des fibres élastiques également longitudinales; leur présence explique le mode de déchirure dont nous avons parlé. Nous n'avons pas réussi à distinguer des fibres transversales et circulaires, comme l'admet Lemoine. Les fibres élastiques se colorent facilement, et leur teinte, ainsi que celle des noyaux, est plus intense que dans le reste de la préparation. Il faut mentionner que nous avons constaté la présence de cellules pigmentaires étoilées dansle névrilème externe du Palemon serratus. Ces cellules ont une coloration brun violacé ou brun rougeâtre. Nous les avons représentées figure 8, planche XXVIII, et les avons retrou- vées dans la chaîne abdominale d'un petit Grustacé isopode, la Ligia oceam'ca (fig. 7, pi. XXVIII). Nous n'avons pas l'intention d'entrer dans de plus longs détails sur la structure de cette gaîne, elle nécessite de nouvelles recherches. Nous ajouterons cependant qu'examinée sur des coupes transver- SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 429 sales avec de puissants objectifs, on découvre dans son épaisseur une structure compliquée ; ce sont cohime de nombreuses cloisons irré- gulièrement disposées, qui indiquent une analogie remarquable entre elle et la gaîne lamellaire qui entoure les faisceaux nerveux chez les Vertébrés, et qui a été si minutieusement étudiée par M. Ranvier. Son épaisseur varie un peu selon les points que l'on considère; elle est en général plus grande du côté ventral que du côté dorsal, sur- tout dans la région abdominale, ce qui peut s'expliquer par le fait que dans cette région la chaîne est moins protégée que le long du thorax. Elle ne fait qu'envelopper extérieurement et ne pénètre pas entre les faisceaux nerveux. Le tissu conjonctifsous-jacent se rapproche de celui que M. Ran- vier distingue chez les Vertébrés sous la dénomination de tissu intra- fasciculaire. Il est mou et lâche. Il abonde surtout chez les jeunes ani- maux et se trouve en plus grande quantité chez les Brachyures que chez les Macroures. C'est lui qui, chez les Palémons, demeure sou- vent adhérent aux tubes nerveux, si bien qu'il est difficile de s'en dé- faire pendant la dilacération. Il est essentiellement composé de lamelles, de fibres et de noyaux. Les lamelles partent de la face la plus interne de l'enveloppe extérieure, dont elles ne sont, pour ainsi dire, qu'un prolongement ; elles se poursuivent à travers les tubes nerveux, constituant par places un réseau épais qui délimite ces der- niers en régions distinctes. L'acide acétique gonfle beaucoup ces la- melles, ainsi que la face interne de la gaîne lamelleuse. On peut con- stater cette action sur des coupes transversales fraîches tenues pendant quelques instants dans l'acide dilué. Les fibres sont extrêmement minces, droites et molles, jamais nous ne les avons vues se ramifier. C'est entre elles que se montrent une grande quantité de noyaux granuleux de forme ovale se colorant en rouge par le picro-carminate. C'est dans la portion externe de la gaîne molle que courent les vaisseaux sanguins, comme on peut le constater en injectant une solution colorée. Nous ne saurions mieux faire à ce propos que de rapporter ce que dit Lemoine sur le lacet vasculaire de la chaîne nerveuse : « Si l'on opère convenablement l'injection, on assiste à un spec- tacle des plus curieux, car on peut pour ainsi dire préciser le mo- ment où le liquide injecté arrive au système nerveux ; l'animal est alors pris de spasmes, de convulsions tout à fait caractéristiques, et 430 EMILE YUNG. il ne tarde pas à tomber dans une immobilité finale. En examinant la chaîne, nous avons pu trouver la disposition suivante : « Au niveau des parties interganglionnaires, on trouve trois vais- seaux longitudinaux, un central et deux périphériques. u Ces vaisseaux sont reliés entre eux par de nombreuses anasto- moses. Si nous les suivons jusqu'au niveau du ganglion, nous -les voyons alors se bifurquer ou même chacun se trifurquer. « Les branches résultant de ces divisions forment en s'anastomo- sant à la surface du ganglion un riche réseau à mailles plus ou moins quadrilatères, entre lesquelles on aperçoit plus profondément les éléments nerveux. a Sur les côtés du ganglion, au point d'émergence des nerfs, on voit se détacher du réseau des rameaux qui suivent les nerfs en question. « La face supérieure ou postérieure du cerveau nous a présenté une disposition analogue. Chaque moitié '.est en effet couverte d'un lacet à mailles irrégulières et assez larges. Ce lacet envoie en dedans des anastomoses qui l'unissent aux vaisseaux de l'autre moitié. « Ces anastomoses constituent, sur la partie médiane du cerveau, une sorte de triangle à sommet supérieur, où arrivent deux artères qui suivent les pédoncules cérébraux. Une autre artériole se dirige vers l'origine cérébrale supérieure du système nerveux de la vie or- ganique. v< Cette artériole se met sans doute en communication avec une branche vasculaire que des recherches ultérieures nous ont permis de reconnaître, et qui, partant de l'artère ophthalmique, aboutit à la face supérieure du cerveau. « Enfin, sur les bords de la masse cérébrale, on peut noter trois vaisseaux assez considérables : l'un suivant le nerf optique, un autre le nerf qui se porte au tégument de l'extrémité antérieure de la cara- pace, le troisième le nerf de l'antenne externe'.» Le névrilème interne pénètre entre les masses de la chaîne ganghonnaire et envoie même parfois de légers faisceaux conjonctifs entre les tubes d'un nerf. Leydig 2, dans ses études sur la structure intime des tissus des In- * Voir Lemoine, ioo. c«7., p. lOG. * Voir Leydig, Traité d'histologie comparée, trad. par Lahillonne, Paris^ li p. 205. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 431 vertébi^és, signale les deux couches névrilématiques dont nous ve- nons de parler, chez plusieurs Insectes, et, guidé par leurs rapports, aussi bien que par des considérations théoriques, il admet que le névrilème externe est le produit de sécrétion du névrilème interne. Owsjannikow les compare aux enveloppes de la moelle épinière chez les animaux supérieurs. C'est là encore un exemple de cette tendance des premiers anatomistes qui se sont occupés de la struc- ture du tissu nerveux des Invertébrés, à vouloir la comparer en tous points à celle du même tissu chez les Vertébrés. Pour l'histologiste russe que nous venons de citer, l'enveloppe externe, dure, élastique et brillante, serait l'homologue de la dure-mère de la moelle épinière, tandis que Fenveloppe interne, molle et vasculaire, correspondrait à la pie-mère^ Malheureusement, cette comparaison demeure encore sujette à caution. La structure intime des deux gaines, telle que nous venons de l'es- quisser rapidement, nous empêche de l'adopter, et nous voyons plutôt dans le névrilème externe et le névrilène interne de la chaîne des Crustacés les homologues de la gaine lamellaire et du tissu intra- fasciculaire des nerfs des Vertébrés. Nous voyons, en effet, et ce sera là la conclusion de cette étude histologique, que par l'ensemble de ses caractères la chaîne abdo- minale dans ses espaces interganglionnaires n'a rien qui la distingue des nerfs auxquels elle donne naissance. C'est d'elle dont on peut dire en toute vérité qu'elle est le plus gros des nerfs du corps; elle n'en diffère que par l'interposition des masses ganglionnaires, et, si on veut lui trouver un homologue dans le système nerveux des Ver- tébrés, ce serait le grand sympathique qu'il faudrait citer. Outre les éléments dont nous venons de donner la description, on rencontre fréquemment dans les centres nerveux des Crustacés des corpuscules ovalaires à zones concentriques, qui ressemblent aux grains d'amidon (fig. 9, a, pi. XXVII). Ils sont très réfringents et leur nombre augmente considérablement avec la décomposition du tissu nerveux. On doit les rapprocher des corpuscules amyloïdes du cerveau humain et de ceux décrits par Zenker dans le tissu nerveux du Nym- phon gracile et du Pycnogomum littorale -. Comme le dit ce dernier ' Owsjannikow, Recherches sur la structure intime du système nerveux des CruS' lacés, in Ann. des se. nat., 4^ série, t. XV, 1861, p. 132. 2 Zenker, Unlersmhungen uber die Pycnogoniden, in Arch. de MUller, 18o2, p. 379. r.ii EMILE YUNG. auteur, ils possèdent, outre les zones concentriques, un petit noyau polaire. Ils sont ovales et de dimensions diverses. Nous les considé- rons comme un produit de décomposition des cellules nerveuses, car ils n'existent pas dans les ganglions tout à fait frais. Nous passons maintenant à la description de la disposition des élé- ments dans les diverses régions du système nerveux central, et, afin de procéder du simple au composé, nous traiterons d'abord de l'ar- rangement des fibres primitives dans les nerfs et les connectifs, puis des cellules et des fibres dans les ganglions abdominaux, les gan- glions thoraciques, pour finir avec le ganglion sus-œsophagien, qui est le plus compliqué. Ne)-fs et connectifs de la chaîne abdominale. — Nous avons eu recours dans cette étude à la méthode des coupes, et nous avons utilisé les procédés les plus récents. Il faut avouer cependant que, en ce qui concerne les tubes nerveux, nous n'avons pas réussi à conserver leur contenu dans toute son intégrité. La nécessité d'opérer sur des élé- ments soumis à l'action des réactifs durcissants fait toujours que le plasma nerveux qui remplit les tubes se ratatine et devient si cassant que non seulement il n'occupe plus entièrement l'espace qui lui est réservé, mais encore que dans la plupart des cas il tombe ou se dés- agrège, et qu'on n'en rencontre plus de trace, comme l'indiquent quelques-unes des figures qui accompagnent ce travail. Les acides chromique et osmique nous ont servi dans presque tous les cas. Le tissu nerveux était plongé pendant vingt-quatre heures dans une solution à 1 pour 1 000 du premier de ces acides, puis pendant trois à cinq jours, selon la dimension des pièces, dans une solution à 3 pour 1000. Retiré de l'acide, il était plongé pendant quelques heures dans de l'alcool à 90 pour 100, et enfin conservé dans l'alcool absolu jusqu'au moment de faire la coupe. Il est important de ne pas laisser l'acide agir trop longtemps: letissuy devient, dans ce cas, tellement cassant, qu'il se pulvérise sur la lame du rasoir. Il faut tenir compte également ici de ce que nous avons indiqué plus haut sur l'action de cet acide sur les tubes nerveux fraîchement dilacérés. Quant à l'acide osmique, c'est la solution h. 1 pour 100 qui rend les meilleurs services. Il faut, avant d'y plonger une chaîne abdomi- nale, la découper en fragments, afin que le réactif agisse régulière- ment et à peu près en même temps sur tous les éléments. La gaîne externe offre un certain obstacle à sa pénétration ; celle-ci se fait SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. «3 siiiiout par les extrémités coupées, et il est avantageux de lui en oifrir le plus grand nombre })Ossible. Ordinairement, nous divisions la chaîne en autant de fragments qu'il y a de segments intergan- glionnaires. Dans ce cas un séjour d'un quart d'heure à une demi- heure est suffisant. Nous nous sommes toujours avantageusement servi pour les coupes du petit microtome à main de Ranvier, le plus simple et le plus pra- tique des instruments de ce genre. Pour tenir l'objet en position, nous avons emphn'é une méthode due à M. le professeur Denis Monnier, de l'Université de Genève. Après avoir fendu longitudinalemeht et sur la moitié de son diamètre une baguette de bonne moelle de sureau, on détache une des moitiés, puis», sur la face plane restante, on dépose quelques gouttes de coUo- dion qu'on laisse évaporer jusqu'à consistance sirupeuse. On appli- que alors l'objet à découper et on le recouvre complètement de col- lodion jusqu'à ce qu'il y soit entièrement inclus. On laisse sécher pendant quelques minutes, le coUodion se durcit et l'on peut alors en détacher des lamelles extrêmement fines comprenant en même temps l'objet inclus. Si, après avoir déposé le collodion, on ne peut en temps voulu procéder à la coupe de l'objet, il faut plonger le frag- ment de moelle sur lequel il est accolé dans de l'alcool absolu, où le collodion se durcit sans se dessécher complètement, ce qui rendrait les coupes impraticables. Cette méthode a sur celle au savon glycérine (que nous avons utilisée également) l'avantage d'être beaucoup plus expéditive, et, si l'objet est durci ad hoc, elle donne d'excellents résultats. Mais il est nécessaire que cette dernière condition soit remplie, car le collodion n'est pas une masse pénétrante et dès lors les éléments peuvent être aisément dérangés de leur position respective. Avec quelque habi- tude, on parvient à s'en servir à coup sûr. Un second procédé, qui nous a quelquefois donné de bons résul- tats, est dû à Selenka. Gomme il est nouveau et peu connu en France, nous le décrirons ici : Il consiste à plonger l'objet tout à fait frais, ou préalablement coloré, dans du blanc d'oeuf bien battu et à le laisser s'imbiber d'albumine pendant un temps qui varie selon son épaisseur (vingt- quatre heures suffisent pour un cerveau de Homard). Puis on trans- porte l'objet ainsi pénétré dans une petite cassette oblongue formée avec du papier compact et solide, et remplie d'albumine. On peut ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VII. 1878. 28 43-i EMILE YUNG. le fixer dans la position voulue par quelques épingles à insectes. Les cassettes chargées de l'objet sont exposées à la chaleur. On les met pour cela dans une capsule en verre, recouverte d'une plaque de verre, qu'on dépose sur un treillis en métal au-dessus d'un bain-marie porté à l'ébullition. Au bout de vingt ou trente minutes l'albumine est coagulée autour de l'objet. On jette alors les cassettes dans de l'esprit de vin fort, que Ton change une ou deux fois pendant quelques jours, et à la fin on les met dans l'alcool absolu. Par ce traitement, l'albumine durcit de telle manière qu'elle se coupe comme du cartilage et, comme elle a pénétré entre les éléments du tissu, ceux-ci conservent admirablement leur position. Si l'on a perdu l'objet de vue et qu'on veuille s'assurer de nouveau de sa position, il suffit de plonger le morceau d'albumine coagulée qui le renferme dans de l'essence de girofle ou de térébenthine, où il devient transparent comme de l'ambre *. Les coupes sont traitées à la manière ordinaire et conservées dans du baume de Canada. Si l'on n'a pas procédé auparavant à la colora- tion de l'objet en masse, on peut le faire après sur les coupes. Cepen- dant il faut dire que la coloration est alors plus lente que par les autres méthodes connues. Ce procédé nous a donné de bons résultats pour les connectifs et les ganglions abdominaux. Pour ceux dont la structure est plus com- pliquée, il nous a paru voiler un peu les détails. Quant à l'inclusion dans le savon glycérine, cette méthode est trop connue pour que nous y revenions ici ; elle n'a qu'un désavan- tage, c'est de prendre beaucoup de temps. Quoi qu'il en soit de ces divers procédés, il faut reconnaître que l'étude des ganglions à l'état frais peut être avantageuse à certains points de vue. Nous n'irons cependant pas jusqu'à dire, avec M. Le- moine, que ce mode d'étude est le seul aux résultats duquel on doive accorder confiance. Si nous nous en sommes servi, ce n'est qu'à titre d'auxiliaire, tant il nous paraît évident que le maniement des tissus frais les altère beaucoup plus que quelque méthode de coupe que ce soit. Nous avons déjà dit que la dilacération ne montre dans les nerfs irradiant de la moelle et dans les connectifs que des tubes nerveux que l'on réussit avec quelque patience à suivre du nerf dans la moelle » Voir C.\nij:^j Anzeiger, IS7S, n° 6, p. 130. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 43S ou vice versa. Une coupe transversale du nerf ne montrera, par con- séquent, que les lumières des tubes nerveux, c'est-à-dire la gaîne de ces tubes enveloppée de la double couche conjonctive que nous avons décrite. Il en sera de mémo pour les connectifs, comme cela ressort de la comparaison des fiii;ures 2, 3 et 4, pi. XXVIII, dans lesquelles nous avons représenté une coupe transversale de l'une des branches de l'anneau œsophagien du Homard et une coupe analogue du con- nectif entre le huitième et le neuvième ganglion abdominal du môme animal. La seule différence consiste en ce que, dans la seconde de ces coupes, on distingue deux régions séparées entre elles par un faisceau lamelleux de tissu conjonctif. Ce faisceau est plus épais par rapport au diamètre total chez les jeunes animaux que chez les adultes. Il indique que la suture entre les deux portions longitudinales de la chaîne est plus apparente que réelle. Nulle part, en effet, les tubes de la partie droite ne sont mélangés avec ceux de la partie gauche. La cloison est toujours complète, au moins dans les connectifs ; nous verrons que cela n'est pas vrai au même degré pour les ganglions. La coupe représentée figure 2 montre distinctement que le névrilème externe ne contribue pas à la forma- tion de la cloison et que cette dernière n'est qu'un repli de la gaîne interne, ce que nous pouvions déduire déjà de l'étude à l'état frais. L'épaisseur de la couche enveloppant les connectifs est considé- rable chez la Langouste et le Homard, elle égale chez ces animaux à peu près le quart du diamètre de l'axe nerveux. Par contre, elle est beaucoup plus faible chez les petits Macroures, tels que l'Écrevisse et le Palémon. Dans un point où un nerf se sépare de la chaîne, les enveloppes continuent autour de lui par simple prolongement en se dichotomi- sant. (Voir pi. XXVIH, fig. 5.) (Juant aux tubes nerveux qui remplissent l'intérieur de la coupe, ils sont de diamètre variable. Grâce à son élasticité, l'enveloppe du tube a conservé une forme à peu près circulaire. Cependant, dans la figure 4, représentant une coupe transversale de la chaîne abdominale de l'Écrevisse, on voit encore çà et là des traces de ce contenu ratatiné contre les parois du tube, coloré en rose par un court séjour dans le carmin et présentant plus ou moins l'aspect granuleux. L'enveloppe élastique est simple dans les petits tubes et double dans les grands, ce qui confirme ce que nous avons dit sur la duplicité de cette enveloppe, en parlant des noyaux. 436 EMILE YUNG. 11 n'est pas possible de noter une régularité quelconque dans la disLribution de ces tubes à l'intérieur de la gaîne, ils sont très "entre- mêlés et les tubes larges sont tout aussi répandus à la face inférieure qu'à la face supérieure. Nous appuyons dès maintenant sur ce fait, que la chaîne des Crustacés est constituée dans toute sa masse par des fibres de même nature et qu'alors même que la distinction que Neujjort et d'autres auteurs ont cherché à établir physiologïquement, entre la face supérieure et la face inférieure de cette chaîne, serait vraie {ce qui ii'est pas le cas, comme nous le démontrerons plus loin), elle ne repose sur aucune différenciation morphologique. La coupe des connectifs chez le Homard est à peu près circulaire ; chez l'Écrevisse, elle est généralement ovalaire, le grand axe de l'ovale dirigé de gauche à droite. La figure 4, qui a été défigurée dans la préparation, exagère l'ovale. Du reste, ces caractères n'ont pas grande importance. Les tubes nerveux de chaque côté de la chaîne relient entre eux les ganglions correspondants les plus voisins. Une question anciennement débattue est celle de savoir si toutes les libres d'un connectif se rendent dans les ganghons les plus rappro- chés, ou bien si une partie peut passer au-dessus ou au-dessous sans y pénétrer. Les coupes transversales tranchent immédiatement la question. On ne voit jamais de tubes nerveux en dehors de l'enve- loppe conjonctive des ganghons, à moins que ce ne soient des nerfs irradiant du ganglion et qui, dans la préparation, se seraient accolés sur l'une ou l'autre de ses faces ; le rasoir les aurait alors rencontrés plus ou moins obliquement. Toutes les fibres se rendent par consé- quent dans le ganglion (sauf naturellement celles qui se séparent de la chaîne pour constituer les faisceaux nerveux interganglionnaires) ; mais elles ne s'y arrêtent pas toutes, comme nous allons le constater plus loin. Si maintenant' nous poursuivons nos coupes transversales d'arrière en avant dans les ganglions, l'aspect des choses change notablement. Ganglions abdominaux. — Owsjannikow avait comparé avec quel- que raison les connectifs avec la substance blanche de la moelle épinière des Vertébrés, en ce sens que, comme cette dernière, ils sont essentiellement fibreux. Dans les ganglions, nous voyons inter- venir l'élément cellulaire, caractéristique chez les Vertébrés de la substance nerveuse grise. Ce que nous allons dire concerne surtout les ganglions du Homard SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 437 et de l'Écrevisse. Quant au Palémon, nous ne l'avons pas soumis à des coupes méthodiques ; toutefois, ce que nous avons pu en voir à 1 "état frais indique une grande ressemblance avec les premiers. Une dilacération soignée, ainsi que des coupes transversales paral- lèles aux segments du corps, nous indiquent que les cellules ner- veuses sont cantonnées, dans le ganglion, principalement en deux points, sur la face inférieure et sur les faces latérales (pi. XXVIII, fig. 6, ce). Ces cellules sont très-mélangées selon leurs dimensions, et c'est, à coup sur, sous l'influence d'idées théoriques que certains auteurs, tels que Lemoine etOwsjannikow, prétendent que la partie inférieure du ganglion renferme les grandes cellules, tandis que celles de plus petite taille seraient accumulées sur ses faces latérales seulement. Parmi ces cellules, le plus grand nombre sont unipolaires, quel- ques-unes sont bipolaires. Tel est le résultat de l'observation. Nous devons nous en tenir là et renoncer à suivre Owsjannikow dans la voie hypothétique qui le conduit à admettre des cellules normales devant avoir quatre pro- longements, dont le premier monterait au cerveau, le second se diri- gerait vers le côté opposé, et les deux autres se rendraient aux racines périphériques. Nous ne pouvons, comme lui considérer toutes les autres formes cellulaires comme des produits défectueux de la pré- paration. Nous n'avons jamais constaté la présence de cellules à plus de trois prolongements et nous devons reconnaître que les dessins d "Owsjan- nikow nous engagent à considérer les prolongements qu'il représente comme dus à l'action des réactifs. Le plasma des cellules, se contrac- tant, comme nous l'avons dit, sous l'influence des réactifs durcissants^ peut prendre parfois l'aspect étoile simulant le commencement de prolongements. Si, au lieu d'acide chromique, le savant russe s"était servi d'acide osmique — qui, à l'époque de son travail, n'était, il est vrai, pas encore en usage parmi les histologistes — il ne serait cer- tainement pas tombé dans cette erreur. La division médiane du ganglion en deux moitiés, correspondant à celle des connectifs, est indiquée par un faible faisceau conjonctif interrompu sur la face supérieure du ganglion pour laisser passer des fibres nerveuses transversales. Les masses cellulaires d'un côté du ganglion sont réunies en effet aux masses cellulaires du côté opposé par des commissures qui éta- blissent ainsi une solidarité entre les deux moitiés du ganglion. 438 EMILE YUNG. Des coupes dirigées dans différents sens montrent, en outre, que le ganglion est traversé par des faisceaux de fibres longitudinales qui ne s'y arrêtent pas, car on peut les poursuivre à travers tout le ganglion. Ces fibres cheminent sur sa face supérieure et passent directement dans le connectif suivant sans rencontrer de cellules. Elles sont très- mélangées et il n'est pas non plus possible d'y distinguer un groupe- ment quelconque en fibres larges et fibres étroites. Ces fibres longitudinales se rencontrent dans tous les ganglions (fig. 6, t, pi. XXVIII) ; elles sont moins abondantes dans les ganglions postérieurs que dans les antérieurs, et moins abondantes chez ces derniers que dans les ganglions thoraciques. Selon Owsjannikow, leur nombre serait quatre fois plus grand entre le premier et le second ganglion thoracique qu'entre l'avant-dernicr et le dernier ganglion abdominal. Ces rapports sont exacts, ils donnent à penser que les fibres remontent toutes vers le cerveau, qui serai tleur point de départ. Au niveau de chaque ganglion, un fascicule de ces fibres se déta- cherait du faisceau principal, s'inchnerait vers la face extérieure du ganglion et mêlerait ses fibres à celles qui prennent naissance dans le ganglion même et constituent en grande partie les nerfs latéraux. On pourrait se rendre compte de cette manière de la double influence du ganglion cérébroïde et des ganglions abdominaux sur l'activité des nerfs périphériques. En outre, certaines coupes montrent sur la face interne des deux moitiés ganglionnaires des espaces arrondis ayant un aspect granu- leux et qu'un plus fort grossissement montre rempHs par les lumières de fibres très étroites. Ces fibres s'arrêtent certainement dans le gan- glion, car les espaces arrondis ne se retrouvent pas dans toute sa longueur. Nous avons vu, il y a un instant, qu'une partie des fibres consti- tuant la racine d'un nerf périphérique pénétraient dans le ganghon, se mêlaient aux fibres longitudinales de sa face supérieure, en aug- mentaient le nombre et se dirigeaient avec ces dernières vers le cerveau. Ce n'est certainement qu'une petite partie des fibres qui suivent un trajet aussi direct; il nous reste avoir ce que deviennent les autres. Après avoir pénétré dans le ganglion, elles se séparent en plusieurs faisceaux qui, après s'être inclinés en dedans, vont s'épanouir contre es parois cellulaires internes du ganglion. Il faut noter qu'auparavant ces fibres ont eu une tendance à se SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 430 concentrer, tendance qui s'exprime, sur un nerf examiné à l'état frais, par une espèce d'étranglement ou de rétrécissement à son point d'émergence. Des coupes transversales dans cette région du nerf ne nous apprennent rien sur la manière dont se fait cet étran- glement. Un peu en arrière, et sur le nerf inférieur seulement, s'aperçoit quelquefois une petite nodosité, du reste peu sensible, et que M. Longet avait autrefois considérée comme homologue du gan- glion de la racine postérieure des Vertébrés. Nous nous sommes assuré qu'elle n'est pas constante, et que, lorsqu'elle existe, elle n'est que le résultat d'un épaississement de la gaîne conjonctive. Nous n'y avons jamais rencontré de cellules. Revenons maintenant au voyage des fibres dans le ganglion. Il est très difficile de s'orienter sur les coupes pratiquées dans diverses directions. Nous ne prétendons pas y avoir complètement réussi et nous avouons que bien des doutes nous restent encore sur leur mode de distribution. Toutefois il semble qu'on peut distinguer trois faisceaux principaux. Le premier se rend vers la partie supérieure et moyenne de la moitié correspondante du ganglion. En ce point, il se bifurque en deux branches qui, s'infléchissant légèrement vers les faces latérales antérieure et postérieure, vont unir leurs fibres aux cellules qui s'y rencontrent. Nous avons déjà mentionné ces cellules comme étant de dimensions diverses ; il faut dire ici que, sur le coin interne et antérieur, il y a toujours une petite accumulation de grandes cellules. Ne serait-ce qu'à ces grandes cellules que viendraient s'unir les fibres du premier faisceau? C'est possible, mais nous ne l'avons jamais observé d'une manière certaine. Le second faisceau, un peu inférieur au premier, s'infléchit en arrière sur une large surface pour rejoindre les cellules des faces latérale et inférieure de la partie correspondante. Il y a là entre- croisement de fibres, quelques-unes d'entre elles semblent se fusion- ner au faisceau des commissures transversales et se continuer jusque dans la moitié opposée du ganglion. Le troisième faisceau suit une marche analogue, mais inverse à celle du premier, c'est-à-dire qu'il s'infléchit en avant pour s'étaler sur les parties latérale et inférieure de la portion antérieure du gan- glion. Il y a également une relation entre quelques-unes de ses fibres et la commissure transversale antérieure. 4-40 EMILE VUNG. Outre ces trois faisceaux, t[uclques fibres s'arrêtent à la surface même du ganglion au point d'émergence du nerf. Elles y rencontrent immédiatement une petite masse de cellules, queLemoine a signalée chez l'Ecrevisse. Si on se rappelle maintenant que de chaque moitié du ganglion partent deux nerfs, dont l'un se rend aux pattes correspondantes et l'autre aux muscles de l'abdomen, et que les fibres composant ces deux nerfs se divisent en faisceaux, tels que ceux que nous venons de décrire, on comprendra la grande complication des origines ner- veuses dans ces ganglions. Et si l'on réfléchit aux chances d'altération que le maniement du ganglion pendant le temps de sa préparation peut exercer sur leur distribution, on nous excusera de n'être pas parvenu à une connaissance plus complète sur leur compte. Avant de terminer ce qui concerne les ganglions abdominaux, il nous faut revenir sur les commissures transversales que nous n'avons fait que mentionner jusqu'à présent : Elles sont au nombre de trois (f/, h, a, fig. 6, pi. XXVIII), l'une supé- rieure, l'autre moyenne, la troisième inférieure. Lemoine a essayé d'en donner une description ; mais cet auteur, n'ayant pas pratiqué de coupes méthodiques, est tombé dans quelques erreurs. C'est ainsi qu'il en admet tantôt deux, tantôt trois, sans indiquer à quoi est due cette variabilité. Il est vrai qu'il l'admet dans la structure des gan- glions selon les individus, et cette variabilité s'étendrait jusqu'à la disposition des cellules'. Quant à nous, nous croyons que les éléments nerveux sont disposés selon des lois fixes et bien définies. Nous pensons que ces lois sont invariables chez les divers individus d'une môme espèce, et nous attri- buons les différences apparentes à des altérations mécaniques sur- venues pendant la préparation. S'il n'en est pas ainsi, à quoi bon étudier une pareille structure ? Les trois commissures sont composées de fibres parallèles, unissant les cellules de la couche corticale d'un côté aux cellules de la couche correspondante du côté opposé. Elles ont à peu près la même épais- seur sur toute leur longueur de gauche à droite. Mais elles sont un peu plus larges d'avant en arrière sur les deux faces extérieures du ganglion, leurs fibres s'épanouissent donc sur ces faces pour rejoindre les cellules. Dans la partie moyenne elles n'ont pas la même largeur ' Lii:MOiMi, \oc. cit., ]i. 1 13, SYSTÈiME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. U\ et la commissure intermédiaire est la plus étroite. On peut se con- vaincre de ce fait, en suivant une série de coupes verticales d'arrière en avant. Les premières coupes et les dernières ne présentent que deux commissures, la supérieure et l'inférieure. L'intermédiaire n'ap- paraît que dans la région moyenne, ce qui explique l'assertion de Lemoine qu'il y en a tantôt deux, tantôt trois. Ce dernier chiffre est le seul exact et nous l'avons rencontré lorsque nous avons fait des séries régulières de coupes. S'il est vrai, comme nous l'avons provisoirement admis plus haut, que des fibres provenant des racines des nerfs périphériques d'un côté se rendent directement aux cellules du côté opposé, les com- missures devraient les renfermer. Nous pouvons ajouter dès mainte- nant qu'il est probable que notre observation anatomique est sur ce point erronée ; car, si des nerfs du côté droit du ganglion, par exem- ple, envoyaient une partie de leurs fibres aux cellules de la couche périphérique du côté gauche, la blessure ou la destruction de cette couche devrait produire une altération dans les mouvements ou la sensibilité des membres du premier côté. Nos expériences physiolo- giques nous ont appris qu'il n'en était pas ainsi, et nous devons pour le moment rester dans le doute sur cette question. Quelques mots enfin sur le dernier gangUon, auquel, à cause de son voisinage de l'anus, nous donnerons le nom de ganglion anal. Nous avons mentionné dans notre introduction que Lemoine avait découvert dans ce ganglion chez l'Ecrevisse une racine pour un nerf de la vie organique. D'après cet auteur, le nerf se rendrait aux parois de l'intestin et se ramifierait jusqu'aux organes génitaux. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, c'est la présence, chez le Ho- mard, d'une petite masse ganglionnaire surajoutée à la face posté- rieure du ganglion anal. Cette masse se présente sous forme d'un renflement d'où partent selon Lemoine les branches intestinales. Tout en renvoyant, pour les détails, au mémoire de Lemoine S nous appelons l'attention sur un homologue de ce petit ganghon chez l'Ecrevisse, où l'anatomiste français n'a pas pu le reconnaître, n'ayant pas employé la méthode des coupes. Nous avons constaté sous un faible grossissement et à l'état frais que le ganglion anal de l'Ecrevisse possède à sa partie postérieure une espèce de petit mamelon ovalaire, qui, sur des coupes transver- ' Lemoine, toc. cit., p, 218. U2 EMILE YUNG. sales, se montre composé par une masse de grandes cellules dont nous donnons le dessin (pi. XXX, fig. 4). Ces cellules envoient des prolongements dans les nerfs décrits par Lemoine, elles reposent sur la ligne médiane de la face inférieure du ganglion ; nul doute qu'elles représentent l'homologue du ren- flement signalé chez les Homards, et nous pouvons les considérer comme une masse ganglionnaire ayant une fonction spéciale dans le ganglion anal. Cette fonction intéresse sans doute des organes importants, car les marins qui font la pêche du Homard et qui rélèvent dans les viviers, racontent combien ces animaux sont sen- sibles sous la queue ; ils prétendent qu'un choc ou une légère égra- tignure dans le voisinage de l'anus ou sur les palettes caudales suffit pour faire périr l'animal. Au vivier de RoscofF, ^tous les Homards achetés vivants aux pêcheurs par l'administration sont soigneusement examinés en ce point. Nous verrons, du reste, que ces faits se trouvent confirmés par les expériences physiologiques. En résumé, les ganglions abdominaux renferment des masses cellulaires disposées à leur surface. Les cellules sont à un ou plusieurs prolongements. Il y en a tou- jours quelques-unes apolaires, et, sans qu'il soit possible actuelle- ment de dire quel rôle elles jouent dans la physiologie des centres nerveux, nous ne pouvons pas nier leur existence. Les prolongements constituent par leur groupement les fibres nerveuses, destinées en partie à sortir par différentes voies du gan- glion, pour donner naissance aux nerfs périphériques, en partie à rester dans le ganglion pour former trois commissures transversales qui semblent unir les cellules des deux côtés opposés. Les ganglions renferment en outre, dans leur partie supérieure, des fibres longitudinales, qui proviennent probablement toutes du cerveau, et qui, se ramifiant en partie dans chaque nerf, établissent une solidarité entre le ganglion cérébroïde et toutes les parties du corps, solidarité qui est prouvée du reste parles expériences physio- logiques. Rien, ni dans la structure, ni dans la distribution des éléments nerveux, ne nous autorise à y voir une distinction anatomique entre ceux qui servent au mouvement et ceux qui transmettent les sensa- tions, ainsi que certains auteurs l'ont laissé entendre. Ganglions, thoraclques. — Nous serons très bref sur les ganglions thoraciques des Macroures, car ils ne sont que le résultat du grou- SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. U3 pement de ganglions abdominaux très rapprochés dans le sens lon- gitudinal, en sorte qu'une série de coupes transversales nous donne des résultats analogues à ceux que nous venons d'exposer. Toutefois, comme la distance qui sépare les masses ganglionnaires est plus grande dans le sens transversal que chez les ganglions abdomi- naux, il s'ensuit qu'ils paraissent plus larges et que les fibres com- missurales sont plus longues et plus compliquées dans leur dis- position. Quoi qu'il en soit, les traits généraux de l'organisation restent les mêmes. Quant au gros ganglion thoracique des Brachyures, il résume à lui seul tous les ganglions abdominaux et thoraciques des Macroures. Nous l'avons étudié chez le Cancer menas et le Cancer paragns. Sa structure est compliquée par le fait de la fusion plus ou moins intime des divers ganglions. Sur des coupes de la région postérieure, on voit que des faisceaux conjonctifs très prononcés séparent encore distinctement ces gan- glions ; mais, à mesure qu'on avance, les parois de séparation tendent à s'effacer et à disparaître complètement, si bien que la substance médullaire ne forme plus qu'une masse unissant quelques cellules accumulées à la naissance des nerfs venant de l'anneau œsophagien, des mâchoires, des membres et de l'abdomen. Le trait général qui est ressorti de l'étude des ganglions abdomi- naux chez les Macroures, c'est-à-dire la disposition des cellules à la surface du ganglion, se présente également chez les Brachyures ; tou- tefois, cette disposition n'est pas toujours facile à constater, par le fait que l'accolement des différents ganglions primitifs [introduit fréquemment une couche cellulaire à l'intérieur de la masse fi- breuse. Imaginons, par exemple, que deux ganglions A et B viennent à s'accoler dans le sens transversal; il pourra se présenter le cas oii la fusion entre les deux sera assez intime pour que la couche intermé- diaire de cellules c, située au point de rencontre des deux ganglions, soit complètement refoulée sur les bords supérieur et inférieur, de manière à ne donner qu'une seule masse telle que D. Mais si, au contraire, la fusion est incomplète, on retrouvera entre les fibres quelques cellules ce, E, qui, sur des coupes frontales, indiquent par leur présence le point où les deux ganglions primitivement séparés se sont soudés l'un à l'autre. 4i4 EMILE YUNG. On peut s'ussiu'cr comme cela que la fusion des ganglicms est plus avancée chez le Cancer menas que chez le Cancer paragus, car chez le premier il est rare de rencontrer ainsi des restes de la masse cellu- laire interposée entre deux masses médullaires constituant primiti- vement deux ganglions distincts. Sur des coupes verticales dirigées d'arrière en avant, lorsque la lame du rasoir rencontre déjà le névrilème du bord postérieur du ganglion, elle coupe un peu au-dessous les nerfs abdominaux. Dans ces premières coupes, nous aurons par conséquent deux masses, l'une supérieure provenant du ganglion, l'autre inférieure touchant encore les nerfs postérieurs, ce qui nous montre que ces derniers ne vont pas s'insérer exactement sur le bord postérieur du ganglion, mais bien à sa face inférieure dans la région postérieure. Les fibres qui constituent le gros nerf abdominal (voir Milne-Ed- wards, pi. II, fig. 7, e, et 8, h, Histoire naturelle des Crustacés), pour- suivies jusque dans le ganglion, ne s'y unissent pas toutes à des masses cellulaires, mais quelques-unes le traversent complètement pour se poursuivre dans les connectifs de l'anneau œsophagien. Il en est certainement de même pour un certain nombre de fibres de chacun des nerfs irradiant de ce ganglion, en sorte que la soli- darité entre les nerfs qui du ganglion thoracique se rendent dans les membres et la plupart des parties du corps est établie par les fibres de l'anneau œsophagien avec le ganghon sus-œsophagien. Décrire le trajet des fibres de chaque nerf, les relations qui exis- tent entre elles et les masses cellulaires contenues dans le ganglion sera une étude de longue haleine que nous poursuivrons avec tous les détails qu'elle comporte dans un prochain travail. Pour le mo- ment, nous ne faisons qu'ébaucher le sujet et il est certainement in- téressant de voir dès maintenant comment l'histologie pourra deve- nir d'un certain secours pour l'anatomie comparée. Puisque nous touchons à ce point, nous ferons remarquer qu'une monographie histologique du système nerveux chez un groupe tel que celui des Brachyures ne pourra jamais être bien claire et com- plète tant qu'elle ne reposera pas sur une connaissance suffisante de l'évolution du système nerveux chez ces animaux. Or, l'embryogénie est très peu avancée à cet égard. Si nous continuons l'étude des coupes dans le sens que nous avons indicjué, nous constaterons que l'écorce cellulaire n'existe que dans les parties antérieure et postérieure du ganglion; elle fait défaut, ou SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 445 bien est réduite à quelques cellules seulement, dans la partie moyenne. C'est dans cette dernière région que la structure semble la plus sim- ple, mais où en réalité elle est la plus énigmatique. D'abord la coupe est séparée en deux régions latérales par un espace vide. Cet es- pace livrait passage à l'artère sternale. (Le Maia squinado, qui ne possède pas de pareil orifice, pourra être avantageusement choisi pour une étude monographique de ce ganglion.) Les deux parties pleines présentent l'aspect finement réticulé et sont divisées en ré- gions de formes irrégulières dans le genre du corps médullaire dont il sera question plus loin à propos du cerveau. En avant de cette région, lorsqu'on a franchi l'espace libre central du ganglion, les coupes reprennent l'aspect qu'elles avaient dans la région postérieure. Il faut mentionner encore, entre les points de départ des connectifs œsophagiens, un groupe de grandes cellules qui paraissent envoyer leurs prolongements dans ces connectifs. Enfin, on doit noter la disposition parfaitement symétrique des deux parties du'ganglion (pi: XXIX, fig. 3). Cette symétrie n'entraîne pas toujours une égalité de volume de la masse e.xtérieure de chaque côté. Tous les anatomistes qui ont disséqué des Crabes ont dû con- stater qu'il est rare que les deux portions droite et gauche aient le même volume exactement, et cela sans qu'on puisse dire que la dif- férence porte toujours sur le même côté. Les masses ganglionnaires sont réunies par des fibres commissu- rales analogues à celles décrites chez les Macroures. Cerveau. — Nous voici arrivé au ganglion sus-œsophagien, auquel nous conservons le nom de cerveau, parce qu'il est le plus court, et non pour préjuger de ses propriétés physiologiques, qui, comme nous le verrons plus loin, ne concordent pas en tous points avec celles de l'organe qui porte ce nom chez les animaux supérieurs. Son étude histologique présente un intérêt incontestable, non seu- lement en elle-même, mais encore par le fait que des travaux récents permettent d'établir des comparaisons avec le cerveau d'autres Ar- thropodes. Depuis quelques années, en effet, la structure de cet organe chez les Insectes a attiré l'attention des naturalistes et la litté- rature scientifique possède actuellement sur ce sujet quelques tra- vaux dus pour la plupart aux savants allemands. Comme ces travaux sont peu connus parmi nous et que nous les avons souvent utilisés pour l'interprétation de nos propres recherches, nous les résumerons 4i6 EMILE VUNG. brièvement en appuyant surtout sur le plus récent et le plus complet, celui de Flœgel K Le cerveau des Insectes est la plus grosse masse ganglionnaire de leur chaîne nerveuse. Déjà Tréviranus avait été frappé de cette parti- cularité chez l'Abeille, et il l'expliquait par le développement énorme des bulbes oculaires. Dujardin, en 1850, publia les résultats de ses re- cherches sur le cerveau de quelques Hyménoptères et il décrivit avec soin les apparences de circonvolutions qui ornent la surface du gan- glion cérébroïde chez les Abeilles, Fourmis, etc. On était alors dans de grandes discussions sur les rapports entre le nombre et la profon- neur des circonvolutions du cerveau humain avec le degré d'intelli- gence; aussi le naturaliste français remarque-t-il avec intérêt que les nodosités n'apparaissent à la surface du cerveau que chez les In- sectes les plus industrieux et témoignant par là du plus haut degré d'intelligence. Il les considéra dès lors comme le siège de ces fa- cultés intellectuelles. Dujardin fut le premier qui distingua sur le cerveau des Insectes les enveloppes corticales et une substance gra- nuleuse qui, comme nous le verrons bientôt, en est un élément ca- ractéristique, mais il ne poussa pas bien loin l'étude histologique de ces formations. Il faut arriver aux travaux de Leydig, Walter, Dietl, Flœgel, etc., pour se convaincre de la grande complication de texture de l'organe en question. Tous ces travaux sont, nous le répétons, de date récente et nous ne devons les considérer que comme dos essais propres à établir la topographie du ganglion cérébroïde. Les auteurs ne s'en sont pas tenus à l'examen d'un seul type, mais ils ont passé en revue un certain nombre d'espèces de chaque ordre. L'un d'entre eux a étudié également quelques Crustacés, et en particulier l'Ecrevisse. Pour donner une idée des résultats de leurs recherches, nous expo- serons ici la structure du cerveau telle qu'elle se présente chez la Blattaorientalà, où elle a été étudiée par Flœgel. En général, on peut dire que le cerveau est plus compliqué chez les Hyménoptères que chez les Coléoptères et les Lépidoptères. Ces deux derniers ordres occupent à ce point de vue le bas de l'échelle. Les Orthoptères tiennent le milieu entre ces groupes extrêmes; c'est pourquoi nous choisissons la Blatte, qui en fait partie, comme type moyen. • Flœgel, Veher den einheillichen Dau des Gehirns in den verschiedenen Insekien ord- nungen, in Zeilschr. f. w. ZooL, 1878, 30 Bd., suppl., p. 556. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. AAl Sur une coupe miiTce, transversale, pratiquée vers le milieu du cerveau de la Blatte, on distingue nettement, d'après Flœgel, cinq parties, dont l'une est impaire et les quatre autres paires et groupées symétriquement autour du corps central. Les auteurs allemands ont donné à ces cinq parties des noms spé- ciaux qui rappellent soit leur forme, soit leur position. Nous adopte- rons ici les dénominations de Flœgel. he corps contrai {Cent7'alkœrpe7-), impKïv est fibreux; il a une forme elliptique, légèrement voûtée à sa face supérieure et un peu plus aplatie sur sa face inférieure. Cette forme est à peu près la môme sur des coupes horizontales que sur des coupes frontales, ce qui indique qu'il est formé par une masse ellipsoïdale plus ou moins régulière. Dans de bonnes préparations on voit qu'il est formé par deux moi- tiés, dont l'une supérieure est plus volumineuse que l'inférieure. Le corps central est immédiatement entouré de couches fibreuses qui relient en partie les deux hémisphères de gauche à droite, et pour une autre partie les faces extrêmes d'un même hémisphère d'arrière en avant. Quelques-unes de ces fibres semblent pénétrer dans le corps central. Leydig a découvert le corps central chez la fourmi, mais il l'a considéré comme appartenant au système des commissures. Dietl, qui l'a décrit chez l'Abeille, le désigne sous le nom de corps en forme d'éventail (ffecherformig Gebilde). Le corps central ne renferme ja- mais de cellules ganglionnaires. Viennent ensuite les poutres [Balken), deux masses fibrillaires si- tuées un peu au-dessus du corps central, auquel elles servent d'assise. Elles sont constituées par des fibres extrêmement minces, droites et pa- rallèles, entremêlées de fibres courbes tournant leur face concave sur le corps central. Sur leur bord extérieur, les poutres se dichotomi- sent pour envoyer en avant et en haut une branche qui a reçu le nom de cotiie antérieure à cause de sa forme. A son point de départ, elle est presque aussi grosse qiie la poutre. Sur des coupes frontales, sa structure est nettement fibrillaire, tandis que sur des coupes hori- zontales elle apparaît comme composée d'une infinité de petits points. Flœgel n'a pas réussi à constater une relation entre ces fibres et les cellules ganglionnaires. Quant à la branche postérieure, elle se bifur- que elle-même et les fibres qui la constituent s'étalent dans la masse nerveuse sous forme de pinceaux. On rencontre sur les bords externes du cerveau, et de chaque côté, deux masses médullaires, auxquelles les auteurs ont donné bien des 448 . EMILE YUNG. noms divers (disques, proéminences médullaires, corps en forme de tète de champignon, etc., etc.). Flœgel les nomme gobelets (Bêcher). On peut distinguer un gobelet externe placé en arrière et un go- belet interne placé en avant, de telle sorte que sur une suite de cou- pes frontales ce dernier apparaîtra plus tôt et finira de même que le premier. Sur de pareilles coupes, la forme des gobelets rappelle celle d'un fer à cheval. Leurs parois sont composées de deux substances différentes. Quant à leur contenu, il est composé de très petites cel- lules dont on n'aperçoit sur les coupes que les noyaux et de petits faisceaux de fibres extrêmement minces. Quelques-unes des cellules envoient leurs fibres sur les bords du gobelet, les autres sur la bran- che postérieure que nous avons mentionnée comme provenant des poutres. D'après l'appréciation de Flœgel, le nombre des cellules pour un seul gobelet monterait à 17000. Et comme le cerveau renferme qua- tre de ces formations, on arriverait pour leur ensemble à un total de 68000 cellules. Autour de ces formations principales, se voient des masses fibreu- ses enveloppantes qu'on peut, selon le même auteur, diviser de la manière suivante : a. Voisinage immédiat du corps central. b. Espace compris entre la corne antérieure et la branche posté- rieure. c. Région en avant du corps central jusqu'à la face antérieure du cerveau. d. Région au-delà des cornes jusqu'aux lobes optiques et olfactifs. e. Région basale au-dessous des poutres. /'. Face postérieure du cerveau. l'our les détails de ces formations, Flœgel renvoie à un travail dé- taillé qui doit paraître prochainement. De même que pour les fibres, on peut distinguer plusieurs régions dains la couche corticale du cerveau, qui est formée de cellules gan- glionnaires : a. Les environs immédiats du sulcus longitudinalis, c'est-à-dire du faisceau conjonctif qui établit la séparation du cerveau en deux moi- tiés. Ils sont occupés par de grandes cellules qui s'étendent presque jusqu'au corps central et envoient des prolongements dan^ son fais- ceau de fibres enveloppantes. b. Une région au-dessous des gobelets, sur la face antérieure, qui SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 449 est occupée également par de grosses cellules disposées symétri- quement. c. Une masse de cellules ganglionnaires en dehors des cornes an- térieures.! d. Une autre masse au-dessous de la paroi du gobelet externe. e. Une région à la face postérieure au-dessous des cellules des go- belets; elle est limitée latéralement par les lobes optiques. /. Les cellules basales situées au-dessous des poutres. Quant au lobe optique, il faut l'étudier sur des coupes frontales et sagittales ; les fibres qui le composent ont une disposition nucléée, mentionnée d'abord par Leydig et soigneusement étudiée par Berger*. Le lobe olfactif est enveloppé de petites cellules ganglionnaires, et son contenu présente de petites nodosités arrondies, auxquelles Flœgel adonné le nom de corps olfactifs. Ces nodosités ne renferment pas de noyaux, mais sous de forts grossissements les corps olfactifs présentent un aspect réticulé et sont unis entre eux par des fibrilles extrêmement ténues. Flœgel évalue leur nombre de 100 à 150 dans chaque lobe. Enfin, sur la face inférieure du cerveau, se voient deux petits gan- glions uniquement constitués par des cellules. Ils sont réunis au cerveau par des styles fibreux et seraient en relations, selon Kiipfer, avec les glandes salivaires, sur les fonctions desquelles ils auraient de l'influence. Le cerveau de la Blatte est entouré d'un névrilème très tendre et très délicat, pourvu d'une couche de noyaux disséminés. Nous n'avons pas fait de recherches personnelles sur le cerveau des Insectes et ce que nous venons d'en dire est dû uniquement aux ana- tomistes allemands. On voit, en résumé, que le cerveau chez ces ani- maux est composé de deux moitiés symétriques séparées par une masse fibreuse impaire, le corps central, autour duquel se groupent avec ordre divers systèmes de fibres et de cellules. Chez les Crustacés décapodes, nous retrouvons ces traits caracté- ristiques avec un degré de complication un peu moindre, ce à quoi nous pouvions du reste nous attendre, l'ensemble de l'organisation des Crustacés étant inférieur à celle des Insectes. Les différences qui distinguent le cerveau dans ces deux classes consistent princi- ' E. Berger, loc. cit. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VU. 1878. 39 4b0 EMILE VaNG. paiement dans les rapports de positi(3n des éléments. Il est bien cer- tain que le défaut de données sur l'histogenèse du tissu nerveux cen- tral et en particulier du tissu ganglionnaire nous empêchera encore longtemps de bien comprendre ces rapports et de leur assigner leur vraie signification. Nous ne faisons que commencer dans ce sens des recherches qui promettent une riche moisson de faits intéressants pour la physiologie comparée. Nous avons choisi comme objets d'étude l'Écrevisse et le Homard parmi les Macroures, et surtout le Cancer menas parmi les Bra- chyures. Ce que nous allons en dire pourra cependant être consi- déré comme applicable aux autres espèces des mêmes groupes. On comprendra qu'il nous ait été absolument nécessaire de nous restreindre à des types bien répandus et faciles à se procurer en tout temps. Cependant il nous a été donné de pouvoir examiner, pendant notre séjour à RoscofJ", un assez grand nombre de types se rapportant aux deux ordres précités, et nous avons pu nous con- vaincre de la grande uniformité qui règne dans le plan général de l'organisation du cerveau chez ces animaux. C'est en vertu de ce fait que nous recommandons aux naturalistes qui voudraient obtenir de jolies préparations démontrant la structure de cet organe, de le faire sur le cerveau des Homards, Langoustes, etc., qui, étant rela- tivement gros, procure des coupes s'interprétantplus facilement que celles provenant de l'Écrevisse ou du Palémon. Le cerveau de ces derniers pourra au contraire servir à prendre de bonnes vues d'en- semble. . Les différentes régions du cerveau de l'Écrevisse, par exemple, sont très-apparentes sous un faible grossissement, tandis que chez le Homard elles se confondent sous l'enveloppe conjonctive plus opaque. Pour enlever le cerveau, qui est toujours d'une délicatesse extrême, il est nécessaire de prendre certaines précautions que nous allons brièvement indiquer. Et d'abord, il est bon de le retirer d'un animal vivant. Après avoir chloroformisé l'Écrevisse, par exemple, on fait sauter le rostre d'un coup de ciseau, puis, introduisant la pointe de fins ciseaux bien trempés dans la fente ainsi pratiquée, on détache la carapace sur toute la région céphalo-thoracique. De cette manière, on a mis à nu l'estomac, le cœur, etc. On fixe alors la partie anté- rieure de l'animal sur une plaque de liège et ou continue la dissec- tion sous l'eau. Il faut maintenant détacher la partie antérieure du SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 451 canal digestif et découvrir de cette façon le cerveau et la commissure œsophagienne. Une fois cette opération terminée, on coupe délica- tement un à un tous les points d'attache du ganglion cérébroïde et on sectionne les nerfs qui en partent, aussi loin que possible de leur racine. Avec un peu d'habitude, on parvient très bien à retirer de cette manière le cerveau, que l'on reçoit dans un verre de montre et qu'on peut observer sur un faible objectif, s'il provient d'un individu jeune et de petite taille. Il faut éviter toute traction trop forte, qui a pour résultat d'altérer la symétrie des éléments ; ce n'est qu'à force de délicatesse que l'on arrive à des résultats comparables. Si le cerveau n'est pas assez transparent, on peut le laisser séjour- ner quelques minutes dans une solution de picro-carminate, jusqu'à ce qu'd ait acquis une teinte rosée, puis le monter dans une forte cellule avec de l'eau glycérinée. A la lumière directe, le cerveau de l'Ecrevisse se présente sous une forme quadrangulaire un peu plus large que haute et limitée partout par des lignes courbes. La masse est bombée en différents points sur sa face inférieure et régulièrement convexe sur la supé- rieure. On y distingue quatre nodosités opaques qui tranchent sur l'en- semble de la masse par leur grande blancheur. A la lumière transmise, et lorsqu'on a légèrement comprimé le cerveau sous une lamelle de verre, il semble renfermer huit mame- lons opaques, plus sombres que le reste de la masse ganglionnaire, et qui ne sont que les quatre nodosités déjà mentionnées. Elles se trouvent dédoublées comme l'indique la figure 2, pi. XXX, de sorte qu'on en voit plus ou moins distinctement deux aux faces antérieure et postérieure [ma et mp) et deux contre les faces latéra- les {ml). Ces massées ne sont jamais très distinctes et confluent le plus sou- vent l'une sur l'autre. Le mamelon antérieur [ma) comprend deux nodosités d'où partent les nerfs optiques, ce qui leur a valu le nom de ganglions optiques. Elles sont légèrement ovo'ïdes, le grand axe étant dirigé un peu en dehors, selon la direction des nerfs optiques. A leur point d'origine , les fibres qui constituent ces derniers forment un chiasma que nous avons figuré on 5, pi. XXX, fig. 5, donnant une coupe demi-schématique 'du cerveau de l'Ecrevisse". (Nous avons 452 EMILE YUNG. emprunté cette figure au mémoire de Dietl comme représentant bien la disposition générale des éléments dans le cerveau.) (Vest également de ces masses que partent les nerfs oculo-moteurs et les nerfs frontaux. Les nodosités de ce mamelon, examiné par sa face supérieure, sont très rapprochées, en sorte qu'elles paraissent souvent ne former qu'une masse telle que celle indiquée par Walter'. Les nodosités correspondantes dans le mamelon postérieur sont plus irrégulières, quoique leur contour soit limité par des lignes courbes. Elles donnent apparemment naissance aux fibres de la commissure œsophagienne, et peut-être en partie à celles des nerfs des antennes externes. Quant aux mamelons latéraux, les nodosités qui les constituent sont plus grosses que dans les mamelons antérieur et postérieur, et cela est surtout vrai pour la nodosité postérieure, comme le montre la figure 3, pi. XXX. Ils donnent apparemment naissance aux nerfs des antennes internes, aussi bien sensitifs (olfactifs) que moteurs, et à la plus grande partie des fibres composant les nerfs des antennes exter- nes. Nous verrons qu'un faisceau de fibres composant le chiasma des nerfs optiques y prend également naissance (c, fig. o, pi. XXX). Sous un grossissement plus fort, ces diverses nodosités se mon- trent légèrement fibrilleuses et leur surface est divisée en régions rectangulaires simulant un jeu de pelots ; mais les rectangles n'ont rien de régulier. Leur structure histologique est restée obscure, jus- qu'à ce qu'on ait pratiqué des coupes méthodiques dans diverses directions. Dietl, le premier, est entré dans cette voie; mais son tra- vail, «iirigé surtout sur le cerveau des Insectes, est très-bref sur celui des Crustacés. Outre les portions que nous venons de décrire, on peut encore reconnaître, dans les parties les plus claires du cerveau, des fibres commissurales, qui constituent, pour la plus grande partie, la masse de remplissage entre ces diverses portions. Jusque dans ces derniers temps, on admettait que les nodosités étaient des masses cellulaires dans lesquelles les nerfs cérébraux prenaient naissance, et, en effet, si on poursuit les fibres d'un de ces nerfs jusque dans la masse cérébrale, on les voit aboutir à des cellules mono ou bipolaires. Mais nous savons maintenant, en outre, que 1 W^LTER, Mikrosk. Studien uber dus Nervensystem Wirbellosethiereg Bonn, 18G3, SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 453 ces cellules peuvent paraître plus évidentes en certains points ; c'est ainsi qu'on en trouve une petite accumulation très visible entre les deux nerfs optiques près de leur point d'origine dans les mame- lons antérieurs, de même qu'entre les deux connectifs de lanneau œsophagien. Quant aux nodosités elles-mêmes, des coupes fines nous appren- nent qu'elles ne sont pas entièrement cellulaires, et qu'elles renfer- ment une substance compacte, divisée en cubes ou en lamelles rectangulaires. Nous conserverons à cette substance le nom de sub- stance méduUnire que lui a donné Dietl. Elle est entourée extérieu- rement par une couche de noyaux cellulaires serrés les uns contre les autres, qui se colorent vivement dans le picro-carminate, et sur lesquels nous reviendrons bientôt en parlant de la masse médullaire des mamelons latéraux. Ces deux gros mamelons sont les plus importants au point de vue physiologique. Ils résultent, en effet, d'un complexus de fibres et de substance médullaire que dans ces derniers temps Bellonci', qui les a retrouvés et décrits chez, la 5*7(«'//a mmitis, a comparé aux grands lobes du cerveau chez les animaux supérieurs. Nous devons par con- séquent entrer dans quelques détails à leur propos. Si l'on jette les yeux sur la figure schématique du cerveau de l'Ecre- visse (fig. 5, pi. XXX), on voit en a, b les deux masses latérales dont il est question, entourées d'une couche de cellules ganglionnaires [g k), qui sur la coupe se présente avec une forme triangulaire. La masse elle-même est constituée par de la substance médullaire. L'étude histologique de cette dernière est assez difficile, en ce sens qu'elle n'a pas de structure bien définie. Elle est dense, compacte, finement et irrégulièrement granuleuse ; par-ci par-là, on y aperçoit les mailles d'un tissu finement réticulé. Une lamelle de tissu con- jonctif l'enveloppe et envoie des prolongements à l'intérieur de la masse, de manière à la diviser en plaques carrées ou rectangulaires plus foncées dans le centre que sur les bords, et que nous avons essayé de représenter fig. 1, pi. XXX; d'autres fois, les limites sont des lignes courbes (fig. 2, pi. XXLX). Comme cesdivisions se retrouvent sur les coupes sagittales et horizontales, on est porté à considérer la substance médullaire comme étant divisée en espèces de cubes par ces lamelles conjonctives. 1 G. Bellonci, Morfologia del sislema nervoso délia Squilla mantis, in Annali de museo civico di sloria naturale di Genova, 1878, p. 518. 4M EMILE YUNG. La substance médullaire se distingue des autres portions du tissu nerveux par la coloration plus intense qu'elle prend sous l'action de l'acide osmique, coloration sur laquelle Dietl a déjà appelé l'at- tention. Elle est traversée par des faisceaux de fibres qui proviennent pro- bablement de la masse des noyaux ganglionnaires et qui la sillon- nent en différents sens pour se réunir en un gros tronc (5, fig. 2, pi. XXIX), dirigé sur l'intérieur du ganglion. Le trajet ultérieur de ces fibres est très difficile à indiquer. Nous mentionnerons spéciale- ment un faisceau qui s'en détache et qui, s'inclinant vers la face anté- rieure du cerveau, y va mêler ses fibres à celles du chiasma des nerfs optiques. Nos coupes nous ont bien montré cette disposition, qui se trouve indiquée dans la figure schématique {c, fig. 5). Le nerf op- tique prendrait donc naissance en partie dans la masse médullaire qui est, à son origine, en partie dans la masse latérale. Berger\ dans un travail récent, s'élève contre cette double ori- gine et il cite une observation de Rabl-Ruckart relative à cette ques- tion. Cet habile anatoraiste a montré en effet que les corps en gobe- let, c'est-à-dire précisément les mamelons latéraux dont nous nous occupons, étaient parfaitement et normalement développés chez les fourmis aveugles du genre Typhlopoma, d'où il conclut qu'il ji'existe pas de relations entre ces mamelons et le nerf visuel chez les Insec- tes. Quoi qu'il en soit, nous répétons que, sans vouloir considérer les mamelons latéraux comme le lobe optique par excellence, nous te- nons de leur observation qu'ils fournissent quelques fibres au nerf optique. Du reste, l'argument de Rabl-Ruckart repris par Berger n'a pas en réalité une grande valeur. L'absence absolue d'organes visuels périphériques chez les Typhlopomes est probablement due à une ré- trogradation par voie d'adaptation, rétrogradation qui peut ne pas avoir encore atteint l'organe central, le ganglion. Nous ajouterons encore, à propos de la couche cellulaire qui enve- loppe les mamelons, qu'elle apparaît sur les coupes comme une masse de noyaux très rapprochés, sans qu'il soit possible d'y reconnaître d'enveloppe cellulaire. Ces noyaux sont à peu près tous de même taille, mais ils sont plus ou moins altérés dans leur forme par la préparation. Comme on les retrouve toujours autour des masses mé- 1 Berger, Nacftfrag' zu den Arbeilen aus dem Zool. Inst. der Universitàt Wien, 1878, III Ileft. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 48b dullaires, il est bien évident qu'ils jouent un rôle principal dans la physiologie, mais leur histologie réclame de nouvelles études. Le cerveau des Crabes est constitué absolument sur le même plan, comme on peut le constater en examinant la figure l,pl. XXIX, qui représente une coupe verticale du cerveau du ('ancer menas dans sa partie postérieure. On y voit les mêmes éléments disposés symétri- quement de chaque côté d'une manière analogue à celle que nous venons de décrire chez l'Ecrevisse. Les masses médullaires des mamelons latéraux sont divisées en avant et en arrière en une masse supérieure et ime masse inférieure, mais dans la partie moyenne ces deux masses sont réunies en une seule présentant la forme d'une tête de champignon et traversée par des fibres provenant de la couche à noyaux (fig. 2, pi. XXIX). En outre, des masses de même nature se rencontrent sur la face supérieure du cerveau de chaque côté de la ligné médiane, à la naissance des nerfs de l'anneau œsophagien et sur la même face de la partie anté- rieure, à la naissance des nerfs optiques. Ces derniers forment un chiasma, comme chez les Macroures. Chaque nerf irradiant du cerveau prend naissance dans un groupe de cellules ganglionnaires grandes et petites irrégulièrement mélan- gées, sauf entre les racines des nerfs de l'anneau œsophagien et celles des nerfs opMques, où les grandes cellules sont particulièrement ascendantes. Il n'y a pas de corps central comme chez les Insectes, mais trois systèmes de fibres commissurales, l'un supérieur, le second moyen, le troisième inférieur, analogues à ceux déjà décrits pour les autres ganglions. Ces fibres passent à travers une épaisse cloison de tissu conjonctif qui sépare le cerveau en deux régions, droite et gauche. Si maintenant nous comparons l'organisation générale du ganglion cérébro'ide à celle que nous avons appris à connaître dans les autres ganglions de la chaîne abdominale, nous trouvons entre eux une remarquable unité de composition. La complication plus grande de cet organe est due à la même cause que celle du ganglion thoracique chez les Brachyures, c'est-à-dire à un fusionnement de ganglions primitivement simples. Il résulte de ce que nous venons d'en dire que le cerveau comprend trois paires de ganglions, correspondant à la masse médullaire qui se trouve à la base des nerfs optiques, à celle qui constitue les mamelons latéraux, et enfin à la masse médul- laire d'où partent les nerfs de l'anneau œsophagien. 456 EMILE YUNG. Nous ne devons pas nous dissimuler combien est imparfaite encore notre connaissance de ce ganglion ; ce n'est que par une étude très détaillée, poussée dans toutes les directions, que nous pourrons éclaircir complètement sa structure si compliquée. Nous ne pouvons pour le moment qu'en indiquer les traits principaux. Nous résumerons dans les propositions suivantes les faits acquis jusqu'à présent dans ce travail : 4. Le système nerveux des Crustacés décapodes présente la même composition élémentaire que celui des animaux vertébrés. 2. Les éléments sont des tubes ou fibres primitives et des cellules. 3. Les tubes nerveux sont répandus dans les nerfs périphériques, les commissures transversales et les connectifs longitudinaux. 4. Etudiés à l'état frais dans du sang de l'animal dont ils provien- nent ou d'autres liquides neutres (salive, humeur aqueuse, etc.), ils présentent une enveloppe et un contenu. o. L'enveloppe est ferme, élastique, résistante et tapissée de noyaux irrégulièrement distribués ; elle est simple dans les tubes les plus étroits et double dans les plus larges. Dans les; tubes de dia- mètre moyen, on constate que l'enveloppe simple se dédouble au niveau des noyaux. 6. L'épaisseur de l'enveloppe varie de 0,5 à 2 \j.. 7. Le contenu des tubes est semi-liquide, visqueux, toujours par- faitement clair et homogène. 8. L'eau distillée et la plupart des réactifs employés en histologie coagulent le contenu des tubes nerveux et y font apparaître des gra- nulations considérées comme normales par les premiers observa- teurs. Ces granulations n'existent jamais à l'état "frais. 9. Dans les tubes très larges on peut bien noter une concentra- tion plus grande du plasma nerveux dans le milieu du tube, qui se trahit par un aspect nuageux dans cette région; mais, contrairement à l'opinion de Remak, nous n'y avons jamais rencontré de faisceaux fibrillaires qui puissent être homologués avec le cylindre-axe des nerfs des Vertébrés. La structure fibrillaire n'apparaît qu'après [l'ac- tion des réactifs. 10. Les tubes nerveux se dichotomisent distinctement au point de départ des nerfs périphériques et dans les points de ramification de ces derniers. 11. La distinction des tubes nerveux en tubes étroits et tubes lar- SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. ib7 ges ne peut s'établir d\Tne manière rigoureuse, en ce sens qu'on en rencontre de toutes les dimensions dans les différents points de la chaîne ganglionnaire. Les plus gros atteignent un diamètre de 150 [x, les plus minces de 10 \>.. 12. Les cellules sont répandues dans toutes les masses ganglion- naires et elles ont dans toutes les mêmes caractères généraux. 13. Elles sont ovalaires. pyriformes, fusiformes. On y distingue comme dans les tubes une enveloppe et un contenu. 1-4. Lenveloppe est parfois si fine qu'il est difficile de la mettre en évidence. Elle ne présente jamais de noyaux comme celle des tubes et jamais un double contour. 15. Le contenu est en tous points semblable à celui des tubes. 16. Il y flotte un nucléus (quelquefois deux) renfermant un ou plusieurs nucléoles qui peuvent à leur tour renfermer de très petits nucléolules. Ces derniers ne sont que des amas de granulations. 17. Le nucléus ne possède pas d'enveloppe ; il est sphérique ou ovoïde. Sa position dans le corps cellulaire est généralement excen- trique. 18. Les cellules sont apolaires, monopolaires, bipolaires. Quelque- fois on en rencontre à trois prolongements. I 19. Les dimensions varient autant que celles des tubes. Nous en avons mesuré de 30 ;x et de 200 [x. 20. Il n'y a pas de rapport constant entre le diamètre des cellules et celui des tubes qui en partent. 21. Les cellules sont généralement entourées, outre leur enveloppe propre, d'une épaisse gaîne conjonctive. 22. Elles se comportent vis-à-vis des réactifs de la même manière que les tubes et ces derniers ne sont bien en réalité que de simples prolongements cellulaires. L'acide azotique et l'acide picrique font apparaître sur ces deux éléments des striations longitudinales très caractéristiques, qui parlent en faveur de leur identité. 23. L'absence de myéline et de cylindre-axe différencié dans les tubes nerveux des Crustacés, la forme et la composition des cellules, rapprochent ces éléments de ceux du système grand sympathique chez les Vertébrés ; ils n'en diffèrent que par leurs grandes dimensions. 24. Les éléments nerveux groupés dans les connectifs et les gan- glions sont entourés d'une double enveloppe conjonctive, un névri- lème interne et un névrilème externe. 25. Le névrilème externe est résistant, compact, brillant. Il est fi- 4S8 EMILE YUNG. nemont strié longitudinalement, renferme des noyaux, des fibres élastiques et quelquefois des cellules pigmentaires étoilées. L'en- semble de sa structure rappelle celle delà gatne lamellaire de M. Ran- vier, enveloppant les faisceaux nerveux chez les Vertébrés. 26. Le névrilème interne est mou et lâche. Il abonde surtout chez les jeunes animaux, où il est essentiellement composé de lamelles, de fibres et de noyaux. Il se rapproche par sa structure du tissu in- trafasciculaire de M. Ranvier. De même que ce dernier tissu, il pé- nètre entre les faisceaux nerveux; c'est lui en particulier qui constitue la cloison médiane qui divise la chaîne abdominale en deux moitiés longitudinales. Il est en outre parcouru par des vaisseaux sanguins. 27. Des coupes transversales nous apprennent que les connectifs de la chaîne ne sont composés que de tubes nerveux irrégulière- ment distribués. Il n'y existe nulle part de séparation entre les fibres larges et les fibres étroites. 28. Les tubes de la région droite du connectif se rendent dans la portion droite du ganglion suivant, sauf ceux qui s'en détachent pour constituer les nerfs latéraux. Il n'y a jamais entrecroisement des fibres. 29. Les cellules des ganglions sont en général distribuées à leur surface. Dans les ganglions abdominaux elles abondent surtout à la face supérieure et sur les faci3s latérales. 30. Il n'y a pas de séparation régulière entre les grandes et les petites cellules. Elles sont toujours mélangées. 31. La face supérieure du ganglion est occupée par des faisceaux de fibres longitudinales qui le traversent sans s'y arrêter. Ces fibres montent probablement toutes dans le cerveau et établissent de cette manière une solidarité entre cet organe et les autres ganglions de la chaîne. 32. Il existe, dans chaque ganglion, trois faisceaux de fibres com- missurales qui unissent les deux parties latérales d'un même gan- glion. 33. Les ganglions thoraciques des Macroures ont une structure analogue à celle des ganglions abdominaux, sauf de petites diffé- rences résultant du rapprochement de plusieurs masses ganglion- naires en une seule. Ces différences s'accusent davantage dans l'unique ganglion thoracique des Brachyures. 3i. Le ganglion cérébroïde ou cerveau est constitué sur le même plan chez les Macroures et les Brachyures. SYSTÈiME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 4S9 35. Ce plan est analogue à celui décrit par les auteurs pour le cer- veau des Insectes. 36. On peut distinguer dans le cerveau des Crustacés des mame- lons antérieurs, latéraux et postérieurs. 37. Les mamelons sont constitués par une substance médullaire compacte, linement ponctuée, divisée en masses plus ou moins cubiques par de flnes lamelles conjonctives. Elle se distingue du reste de la masse nerveuse en prenant une coloration plus vive sous l'action de l'acide osmique. 38. La substance médullaire est recouverte d'une couche de noyaux, autour desquels il n'est pas possible de distinguer une enve- loppe cellulaire. 39. Les nerfs des sens spéciaux prennent leur origine dans des cellules à la surface des mamelons. Il est difficile, actuellement, d'assigner la place d'origine ou le groupe cellulaire d'où provient chaque nerf en particulier. 40. L'étude histologique du cerveau confirme les vues théoriques anciennement émises par M. Milne-Edwards, qui le conduisaient à considérer cet organe comme formé de trois paires de ganglions. "^ II PHYSIOLOGIE DE LA CHAINE GANGLIONNAIRE CHEZ LES CRUSTACÉS. « Le sujet du système nerveux des Articulés, dit M. Vulpian dans ses belles Leçons sur la physiologie du système nerveux, est un sujet qui n'a encore été qu'effleuré jusqu'ici, et avant d'établir une géné- ralisation, il nous faut attendre que la physiologie ait enregistré une série importante de faits expérimentaux*. >^ Depuis l'époque oii ces lignes ont été écrites, quelques travaux ont paru, qui ont apporté quelques éléments pour la solution de l'intéressant problème des fonctions du système nerveux des Invertébrés, dont nous devons dire quelques mots. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas eu d'autre prétention que d'aider dans la mesure de nos moyens à la connaissance de ces fonctions, et cela en nous hmitant au groupe des Crustacés supérieurs. L'ère des généralisations n'est pas encore venue, nous voulons seulement apporter quelques pierres à l'édifice. • Vulpian, Leçons sur la physiologie du système nerveux, p. 145. 4G0 KMILE YUNG. Outre le célèbre travail de M. Faivre sur les fonctions de la chaîne ganglionnaire chez le Dytique, la science possède encore quelques observations relatives à d'autres Arthropodes, mais elles se trouvent disséminées dans des ouvrages généraux ou des mémoires relatifs à Tanatomie. Pour ce qui concerne les Insectes, on trouvera un bref résumé des faits connus dans les mémoires de M. Faivre et dans les Leçons de M. Vulpian. Tréviranus, Burmeister, Rengger, Dugès, Walckenaer et Dujardin, mentionnent chacun, dans leurs travaux anatomiques sur les Arthro- podes, quelques observations physiologiciues qui ne manquent pas d'intérêt en elles-mêmes, mais qui, jusqu'aux observateurs plus modernes, n'avaient pas été soumises à une appréciation métho- dique. L'on est généralement d'accord pour considérer les mémoires de Yersin * et de Faivre comme les premières tentatives qui nous aient donné des connaissances vraiment scientifiques sur le rôle des centres nerveux chez les Invertébrés. Claude Bernard 2, dans ses Leçons sur le système nerveux, ne fait mention que des résultats obtenus par ces deux habiles expérimentateurs. Quant aux Crustacés spécialement, nous trouvons quelques don- nées sur les fonctions de la chaîne nerveuse, mais elles sont dissé- minées dans plusieurs ouvrages, et il n'existe à leur égard aucun travail d'ensemble ^ ■ A la suite des mémorables découvertes de Gh. Bell et de Magendie sur les fonctions spéciales des racines nerveuses chez les Vertébrés, quelques savants, éblouis, pour ainsi dire, par l'éclat de ces décou- vertes, tentèrent des recherches analogues sur des Invertébrés et ne manquèrent naturellement pas d'y retrouver tout ce que les deux grands physiologistes que nous venons de citer avaient eux-mêmes découvert chez les animaux supérieurs. C'est ainsi qu'à la suite de leurs expériences, Newport, Valentin, Longet, etc., admirent, chez les Crustacés comme chez les Vertébrés, deux ordres de racines nerveuses, les unes présidant au mouvement, les autres à la sensibilité. Voici ce que dit à ce propos M. Vulpian [Leçons, p. 140) : « Ce n'est que vers 1833 que, sur l'invitation do * Yersin, Recherches sur les fonctions du système nerveux des animaux articulés, in Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles, t. V, p. 119, 1856. 2 Claude Bernard, Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux, 27e leçon, p. 505, 1858. 3 "Voir les ouvrages cités de Miine-Edwards, Vulpian, Lemoine, etc. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. -461 Ch. Bell, G. Newporf s'occupa du système nerveux des Crustacés. Ses études portèrent d'abord sur la chaîne ganglionnaire du Homard et montrèrent que cette chaîne consiste de chaque côté en deux cordons superposés et longitudinaux. Sur le trajet du cordon supé- rieur existent des ganglions ; le faisceau supérieur n'en présente point ; les deux cordons supérieur et inférieur ne se réunissent par aucun filament nerveux, ils sont simplement superposés. De chacun de ces cordons partiraient des racines nerveuses, les unes du cordon supérieur, les autres des ganglions du cordon inférieur. Ces deux racines, du reste, ne tarderaient pas à se réunir en un seul nerf. Cette disposition inspira à Newport une assimilation que vous com- prenez déjà. Pour ce physiologiste, le cordon supérieur donne nais- sance à des racines motrices qui sont les analogues des racines anté- rieures, le cordon inférieur ganglionnaire donne naissance à des racines sensitives. « Il constata bientôt une disposition analogue chez les Arach- nides {Sco}Y)W europgea), chez les Myriapodes, tels que le Scolopendra morsitans, et chez des Insectes {Carabus, Sphynx ligustri). « Valentin fit sur l'Ecrevisse des recherches anatomiques qui con- firmèrent celles de Newport, et il tenta même quelques expériences. Plus tard, des .recherches du même genre furent entreprises par M. Longet sur la Langouste. M. Longet dit avoir reconnu l'exacti- tude des descriptions anatomiques données par Newport et Valentin. Il s'attacha surtout, d'ailleurs, à instituer des expériences propres à fournir une détermination précise du siège de la sensibilité et de la motricité dans le système nerveux. Il fendait supérieurement l'en- veloppe calcaire, et mettait ainsi à nu la chaîne ganglionnaire dans sa portion abdominale ; puis il irritait successivement les racines nerveuses, les cordons interganglionnaires et les ganglions. « Trois racines sortent, de chaque côté, d'un ganglion ou d'un cordon interganglionnaire. M. Longet fit d'abord porter son excita- tion sur celle qui sortait visiblement du faisceau supérieur. L'animal ne donna aucun signe de douleur, maiâ des contractions locales très violentes éclatèrent; l'excitation des deux autres racines ne pro- duisit que fort peu de contractions, tandis que l'animal donna des signes manifestes de douleur. Cependant, M. Longet n'attribue pas à cette expérience une importance capitale et décisive. Il nous avertit qu'il n'y a peut-être que coïncidence entre l'excitation des deux racines et une souffrance éprouvée par l'animal mutilé. Toute- 402 EMILE YUNG. fois, un fait analomique rendrait, d'après M. Longet, ce résultat expérimental plus significatif, c'est l'existence d'un petit renflement sur l'une des deux dernières racines, renflement qui pourrait èlre assimilé au ganglion spécial des Vertébrés. « Portant ensuite l'excitation sur des cordons interganglionnaires et sur les ganglions, M. Longet a constaté que l'excitation méca- nique d'un des ganglions avec la pointe d'une lancette détermine une vive douleur, qui se traduit par les efforts que fait l'animal pour échapper. La section des faisceaux interganglionnaires, de manière à former un bout caudal et un bout céphalique, a aussi fait bondir l'animal. Mais le phénomène sur lequel M. Longet appelle surtout l'attention, c'est la paralysie de toute la région du corps qui se trou- vait en arrière de la section : cette paralysie semblerait prouver, dit M. Longet, que chez les Invertébrés chaque ganglion ne travaille pas isolément, comme beaucoup de physiologistes l'admettent, mais que la force nerveuse s'y propage, comme chez les animaux supé- rieurs, dans un sens centrifuge. Enfin, l'excitation de la face supé- rieure du bout caudal donna lieu à quelques contractions, tandis que l'excitation de la face inférieure ou ganglionnaire ne produisit aucune contraction. Il résulte, selon M. Longet, de ces expériences, que, chez les Annelés comme chez les Vertébrés, il existe un appa- reil nerveux sensitif et un appareil nerveux moteur distincts, qui conduiraient, comme chez les animaux supérieurs, l'action nerveuse dans un sens inverse. » M. Vulpian a voulu lui-même vérifier ces faits, et son exemple a été suivi par M. Lemoine dans son important mémoire sur l'Ecre- visse. Ni l'un ni l'autre de ces deux auteurs n'a pu obtenir, en répé- tant les expériences précitées, les résultats indiqués par M. Longet, et tous deux sont d'accord pour considérer les différences fonction- nelles attribuées aux racines nerveuses partant de la chaîne gan- glionnaire, aussi bien qu'aux faces supérieure et inférieure de cette dernière, comme purement illusoires. Nous verrons bientôt que nos propres recherches nous dnt conduit à la môme conviction. Nous devons encore indiquer, comme se rattachant à notre sujet, un mémoire de Dogiel sur les fonctions du cœur chez les Crustacés, et le récent travail de M. Félix Plateau sur l'innervation du cœur chez les mêmes animaux. La première partie de ce travail, que le savant professeur de Oand a eu l'obligeance de nous adresser, com- prend l'élude du cœur chez l'Ecrevissc et le Cancer menas. C'est SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 463 avec un sensible plaisir que nous avons pu constater que quelques- unes de nos observations concordaient en tous points avec celles contenues dans ce mémoire. Tel est le résumé des principaux travaux que nous avons pu uti- liser avec fruit et que nous nous réservons de faire mieux connaître en exposant nos recherches personnelles. Pour ce qui nous concerne, nous avons spécialement porté notre attention sur la physiologie de la chaîne ganglionnaire, de ses gan- glions et de leurs connectifs. Nous avons procédé en détruisant ou altérant, soit mécaniquement, soit chimiquement, les différents points dont nous voulions étudier la fonction, et il nous faut à cet égard présenter quelques observations générales. Toute blessure, quel que soit son siège, pratiquée sur un Grustacé, a pour premier effet de produire une perte de sang plus ou moins prolongée qui affaiblit l'animal. Aussi est-il nécessaire, lorsqu'on tient à obtenir des résultats précis, délimiter la perte de sang en bouchant l'orifice de la blessure avec de la cire molle ou simplement de la mie de pain pétrie avec un corps gras. Certains Crustacés, comme les Crabes par exemple, se guérissent facilement de pareilles bles- sures ; aussi nous sommes-nous donné pour règle, lorsque nous opérions sur ces animaux, de les préparer pour ainsi dire, avant de tenter l'expérience, en mettant à nu le ganglion utile, puis les lais- sant se rétablir par un repos de quelques jours. On ne peut mettre à nu le cerveau d'un Cancer menas' sans lui faire perdre beaucoup de sang, il ne meurt cependant que très rarement. Le lendemain déjà il recommence à manger, et si on n'a lésé aucun organe impor- tant, il reprend bientôt ses allures ordinaires, tout en conservant son cerveau découvert et, par ce fait, facilement accessible. Une pareille guérison est beaucoup plus rare chez les Ecrevisses, les Homards, et surtout les Palémons. Ce dernier animal, très délicat, succombe rapidement à la suite d'une telle blessure, et ce n'est guère que dans les expériences relatives aux ganghons de la région abdominale qu'il peut être utilisé ^ Nous citons ces faits pour les rapprocher de ce qui se passe dans les mêmes circonstances chez les Insectes. M. Faivre a remarqué sur plusieurs Dytiques qu'il avait opérés, comme s'il avait voulu faire 1 Le Palémoii a un avantage sur les autres animaux de son groupe, qu'il doit à la transparence relative de ses téguments. On peut voir le cœur battre au travers, et par conséquent étudier ses altérations sous l'influence des poisons sans mutiler l'animal. 4Gi EMILE YUNG. l'ablation de leur cerveau, sans toutefois toucher à celui-ci, que lorsqu'on les remettait dans l'eau, ils se trouvaient déjà, après vingt- quatre heures, dans la presque impossibilité de nager. Dans tous les cas, le cerveau mis au contact de l'eau s'était promptement altéré et avait cessé d'accomplir ses fonctions. Il y a là une différence avec les Crabes que nous avons pensé utile de relever; elle est due, soit à une imperméabilité plus grande du névrilème chez ces derniers, soit au fait de l'eau douce, qui, comme nous le savons, a sur les élé- ments nerveux une action destructive plus énergique que l'eau salée. Il faut dans chaque expérience observer quelque temps l'animal préparé, afin de tenir compte des altérations qui| sont la suite natu- relle de l'opération. D'autres considérations de cet ordre nous ont conduit à établir des expériences comparatives, et comme les res- sources du laboratoire de Roscoff nous offraient tous les avantages désirables, nous en avons profité dans une large mesure et avons répété toutes nos expériences sur un grand nombre d'animaux. Ces expériences, en effet, présentent des difficultés qu'il est aisé de comprendre. Les petites dimensions des animaux, la ténuité et la délicatesse de leurs nerfs, la lenteur de leurs mouvements, rendent les phénomènes aussi difficiles à percevoir qu'à provoquer, et ce n'est souvent qu'après plusieurs tentatives, dont la plupart sont infruc- tueuses, qu'on obtient quelques résultats certains. Une des condi- tions indispensables pour l'expérimentation consiste dans la con- naissance exacte, non seulement de la structure propre du système nerveux (ce dont nous nous sommes occupé dans la première partie de ce mémoire), mais encore de ses relations de position avec les organes qu'il innerve, et sur lesquels doivent porter les observations. Nous énumérerons ces relations en exposant nos expériences. Ce n'est que par ses deux propriétés spéciales, la motricité et la sensi- bilité, que nous pouvons juger des altérations du système nerveux; il s'agit par conséquent que l'animal soit normal à ce point de vue, pour accorder de la valeur aux résultats qu'il procure '. En prenant ces précautions, nous avons pu nous convaincre que les » Nous citerons à cet égard l'exemple suivant : Nous fûmes longtemps à nous demander la cause des grandes différences que nous notions dans le degré de sen- sibilité chez les divers individus d'une même espèce. Finalement, après avoir éli- miné diverses hypothèses, nous nous aperçûmes que les animau.x les moins sensi- bles étaient précisément ceux que nous avions gardés le plus longtemps dans nos SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 463 expériences physiologiques étaient -comparables, qu'elles aient eu les Macroures ou lesBrachyures pour objet. Les diflerences qui se mani- festent dans certains cas sont plus apparentes que réelles et peuvent rentrer dans des règles générales. Il nous aura suffi de montrer que les fonctions du système nerveux des Crustacés sont analogues à celles que les travaux de M. Faivre nous ont appris à connaître chez les Insectes et de compléter de cette manière dans une certaine mesure la connaissance des fonctions du système nerveux dans l'em- branchement des Arthropodes. Nous avons étudié successivement les fonctions de la chaîne ner- veuse dans les régions abdominale, thoracique et cérébrale, et c'est en suivant cet ordre que nous relaterons nos observations ; mais auparavant il nous semble nécessaire de rendre compte des pro- priétés générales du système nerveux. Propriétés générales du système nerveux central. — Il existe une analogie complète entre les propriétés générales des éléments nerveux chez les Crustacés et celles que nous connaissons chez les Vertébrés. Les nerfs des Crustacés ne sont pas contractiles comme certains auteurs l'ont énoncé, et si nous mentionnons ce fait, c'est pour rap- peler que la contractilité n'est, dans aucun cas, une propriété du tissu nerveux. S'il paraît contractile dans la chaîne abdominale de quelques Annélides, c'est parce que, ainsi que l'a démontré Leydig, le névrilème qui entoure la chaîne de ces animaux renferme une certaine quantité de fibres musculaires qui jouent un rôle dans les variations d'allongement et de raccourcissement du corps chez ces animaux. Aucun fait de cette nature n'a jamais, à notre connais- sance, été mentionné chez les Crustacés, et, pour notre part, nous n'avons jamais rencontré le moindre indice semblable. L'excitabilité peut être provoquée chez eux par les mêmes circon- stances que chez les Vertébrés. Nous pouvons nous servir d'exci- tants artificiels, mécaniques, physiques et chimiques, selon les convenances propres à chaque cas. Nous relaterons à ce propos une expérience qui nous dispensera d'entrer dans de plus amples détails : cuvettes sans en renouveler l'eau. L'accumulation de l'acide carbonique dans Teau conduit par conséquent à un commencement d'anestjiésie dont il faut se préserver en conservant les animau.\ dans un aquarium bien aéré. L'abstinence prolongée pendantplusieurs jours nous a paru au contraire exciter la sensibilité. Il faut nourrir les animaux dans les mêmes conditions. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. YIl. 1878. 30 466 EMILE YUNG. Expérience 1. — Nous découvrons la chaîne nerveuse dans la région abdominale sur trois Homards fraîchement sortis de l'aquarium, où l'eau est constamment renouvelée. Les animaux deviennent telle- ment irritables que le moindre attouchement provoque de violentes contractions dans la queue. Ils demeurent quelques minutes fixés sur le dos. Un choc sur la table suffit pour produire plusieurs con- tractions qui se répètent rapidement jusqu'à ce que l'animal semble épuisé de fatigue. Une portion de la chaîne est délicatement déta- chée, et l'on glisse au-dessous une fine lamelle de verre rectangu- laire. Après un quart d'heure, les trois Homards sont à peu près immobiles et ne secouent plus la queue lorsqu'on la pince sur les palettes natatoires. C'est alors qu'on applique sur chacun d'eux, dans le point de la chaîne qui repose sur la lamelle, l'irritant spécial : a. Le Homard est chatouillé avec la pointe d'un scalpel. Mouve- ments généraux indiquant de la douleur. La queue se contracte légèrement, sans se replier complètement sous l'abdomen. Si, au lieu d'un simple frottement, on pince légèrement la même portion de la chaîne, on obtient les mêmes résultats avec plus d'intensité. Deux heures après l'opération, le chatouillement ne produit plus aucun efi'et, tandis qu'un pincement, même léger, suscite encore quelques mouvements. L'animal demeure dans cet état jusqu'au soir, hors de l'eau, et dix heures après qu'il y a été mis, le pincement est encore suivi d'effets. Le lendemain matin toute excitabilité a disparu. b. On dépose sur la chaîne du second animal une goutte d'acide acétique crislallisable, dilué. Contractions peu violentes dans les pattes, les antennes et la queue. Les éléments nerveux ainsi excités ne sont pas immédiatement détruits par l'acide, car on peut, une fois que le repos est rétabli, recommencer l'expérience jusqu'à trois reprises. De l'acide acétique concentré agit très violemment; l'expé- rience ne peut pas être répétée dans le point où l'acide a agi une première fois. c. On irrite la moelle avec un faible courant d'induction. (L'appa- reil dont nous nous sommes servi est une petite bobine de Dubois- lleymond, alimentée par une pile au bichromate de potasse et à l'acide sulfuriquc. Il appartient au laboratoire de Roscoff.) lAIanifes- tation de vives douleurs dans tout le corps. Deux heures plus tard le même courant ne provoque plus aucun mouvement, mais ceux-ci \ SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 467 reviennoiit si on rapproche les bobines. Cet excitant agit plus fort qu'aucun autre. Cette expérience, qui a été répétée sous bien des formes diverses, nous apprend que toute excitation portée sur la chaîne ganglion- naire produit des mouvements généraux dans les diverses parties du corps, quelle que soit la nature des agents qui servent à la produire. Nous avons essayé plusieurs acides et alcalis; les uns et les autres agissent dans le même sens, mais à des degrés divers. L'eau distillée est un excitant modéré, mais bien net ; fait qui prend un intérêt particulier si nous nous rappelons l'action de ce liquide sur les tubes nerveux et la rapidité avec laquelle il provoque l'apparition de granulations dans leur plasma^ Une solution concentrée de sel marin, qui agit comme excitant sur les nerfs des Vertébrés, comme on le sait depuis les observations d'Eckhard, nous a paru exercer une action moins vive chez les Crus- tacés marins que chez l'Ecrevisse d'eau douce. D'autres sels, tels que le bichlorure de mercure, le perchlorure de fer, etc., agissent de la même manière. La glycérine est également un bon excitant. La chaleur enfin agit d'une manière énergique et l'on peut provo- quer des mouvements intenses en approchant de la chaîne une ai- guille chauffée au rouge. En ce qui concerne l'électricité, nous devons ajouter qu'elle agit aussi bien sous forme de courant continu que sous celle de courant d'induction, et appuyer sur ce fait, qu'elle est l'agent de beaucoup le plus puissant, et comme en même temps c'est celui qui se règle le plus facilement, nous l'avons souvent employé. Les excitants que nous venons d'énumérer agissent aussi bien sur les nerfs que sur la chaîne abdominale ; on peut s'en convaincre sur ceux qui, partant du ganglion anal, se rendent dans les palettes caudales. L'irritabilité augmente pendant quelques minutes après une opé- ration quelconque ; mais dans l'expérience que nous venons de rela- ter, et dans laquelle la chaîne abdominale avait été découverte sur toute sa longueur, elle s'est perdue relativement vite, c'est-à-dire que huit heures après l'opération cette portion de la chaîne ne pro- voquait plus aucun mouvement, alors même qu'on l'excitait avec un fort courant électrique et alors que le cœur situé dorsalement bat- 1 Voir la première partie de ce mémoire. 468 EMILE YUNG. tait encore. En dehors de ce dernier mouvement, l'animal paraissait tout à fait mort. Expérience II. — La chaîne nerveuse est découverte dans toute sa région abdominale chez un Homard de petite taille. Après l'avoir excitée par différents agents, l'animal est replongé dans l'aquarium. Le lendemain il paraît affaibli, cependant il jouit de tous ses mou- vements et se promène au fond de l'aquarium. Lorsqu'on le chicane, il donne encore quelques coups de queue. Le surlendemain, qua- rante-huit heures après l'opération, il est trouvé mort, sans qu'il ait touché à la nourriture qu'on lui avait off'erte. On voit par cette expérience, répétée également sur des Ecrevisses, que le contact de l'eau est plus favorable que celui de l'air à la con- servation des propriétés physiologiques de la chaîne. Toutetois, le maximum de temps pendant lequel nous avons réussi à conserver vivants des animaux aussi largement blessés a été deux jours pour l'Écrevisse et trois jours pour le Homard. Il en est autrement si l'on ne découvre la chaîne que sur une petite longueur, l'animal survit ordinairement à l'opération et reprend appétit. Action des poisons. — Il nous a paru intéressant de savoir, à propos des propriétés générales du système nerveux des Crustacés, com- ment il se comportait vis-à-vis des différents poisons dont l'action •chez les Vertébrés est la mieux connue. Nous avons successivement expérimenté le curare, la strychnine, le sulfate d'atropine, la digitaline et la nicotine. Nous devons à cet égard de bien sincères remerciements à M. Schœfer, professeur à University-Gollege de Londres, pour l'obli- geance avec laquelle il nous a adressé la plupart de ces poisons. Deux poisons, le curare et la strychnine, ont déjà été étudiés, mais dune manière fort incomplète et avec desrésultats contradictoires ou peu précis que l'on trouvera exposés dans \e,s Leçons de M. Vulpian. Curare. — Nous avons employé un curare provenant du laboratoire de physiologie d'University Collège à Londres ; il est renfermé dans un petit tube et se présente sous forme de fragments brunâtres. On en fait une solution saturée à la température de 25 degrés centi- grades dans l'eau distillée et nous l'essayons simultanément sur trois Tritons et un Congre {Conger commun/s). Chacun de ces animaux en reçoit sous la peau un demi-centimètre cube. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 409 Le Congre est complètement paralysé après une demi-heure ; les nageoires pectorales sont les premières atteintes, les mouvements de la queue persistent plus longtemps, et après un violent effort, qui lui fait faire le tour de l'aquarium, il tombe pour ne plus se relever. Le premier Triton est immobilisé après cinq minutes, avec tous les phénomènes connus; le second après un quart d'heure ; le troi- sième après vingt minutes. Le curare, sans être très énergique, est cependant efficace dans tous les cas. C'est après ces essais préalables que nous pratiquons les expé- riences suivantes : Expérience I. — Injecté 1 centimètre cube de la solution sur un gros Portuniis puber par une petite ouverture pratiquée à la partie supérieure de la carapace, en arrière des yeux. L'injection a lieu à dix heures du matin. L'animal est remis dans l'eau après dix minu- tes. A trois heures après midi, aucun résultat appréciable ne s'étant manifesté, l'animal reçoit une seconde dose de 1 centimètre cube ; cette fois, l'injection est poussée sous l'abdomen. A sept heures on remarque une immobilité relative, c'est-à-dire que les antennes ne battent l'eau que lorsqu'on les pince fortement. On provoque éga- lement de cette manière des mouvements dans les pattes. Le lende- main matin le Crabe ne donne plus aucun signe de vie, la carapace est enlevée sans provoquer le moindre mouvement. Le cœur est ar- rêté en systole, mais il donne quelques contractions à la suite d'une excitation électrique. Les membres ne répondent plus à la même excitation sur le gan- glion thoracique. Un Cancer menas sur lequel on a, dans les mômes conditions, admi- nistré les mêmes doses à titre d'expérience comparative, a donné les mêmes résultats. Expérience II. — Injecté à trois heures, sur un Portunus puber et \mCancer menas, 1 centimètre cube de la solution par l'ouverture des organes génitaux. Ils sont remis dans l'eau après dix minutes et ne semblent pas souffrir. A sept heures ils ne donnent que des mouve- ments très lents, et cela seulement lorsqu'on les provoque. Le len- demain matin ils sont tous deux vivants et semblent avoir éliminé le poison, car ils sont redevenus très alertes. Expérience III. — Injecté à deux heures 1 centimètre cube de la so- lution sous la carapace d'un gros Cancer menas. Vers le soir il y a 470 EMILE YUNG. une diminution très sensible dans la force dos mouvements. L'ani- mal ne fait guère de résistance lorsqu'on s'apprête à le saisir, il frappe ses antennes internes. Si on vient à lui piquer ou à lui pincer la patte, il la retire, mais avec paresse. Le lendemain matin il est mort. Expérience IV. — Injecté à dix heures du matin 2 centimètres cubes de la solution sous l'abdomen d'un Portumts puber. Après cinq minutes l'animal est remis dans l'eau. Il demeure tranquille, ramassé sur lui-même, dans un coin de l'aquarium. A deux heures on peut noter un très sensible engourdissement dans tous les mouvements. On peut le saisir sans qu'il se défende (il faut se rappeler que le For- tune est peut-être le Crabe le plus irascible). Il y a évidemment là un affaiblissement remarquable du pouvoir locomoteur. A dix heures du soir l'animal vit encore, mais il refuse de la viande qui lui est offerte. Le lendemain matin il est mort. Expérience V. — Un petit Homard en bonne santé reçoit à huit heures et demie 2 centimètres cubes de la solution. Au moment de l'injection qui est poussée sous l'abdomen, les pattes se raidissent ; mais elles reprennent bientôt leur mobilité et l'animal se met à mar- cher sur la table. Dix minutes plus tard il est replacé dans l'aqua- rium. Il va immédiatement se blottir dans un coin, d'où il ne bouge pas de toute la journée. Excité, il ne répond que mollement et avec peine. Le lendemain matin il est mort ; la chaîne abdomi- nale mise à nu et excitée par le courant d'induction (bobine fermée) ne provoque plus aucune contraction dans les muscles. Expérience VI. — Injecté à cinq heures l centimètre cube sous l'abdomen d'un petit Homard. L'animal, remis dans l'aquarium, reste couché sur le dos pendant environ cinq minutes ; puis il se relève, marche un peu et se blottit dans un coin. Le lendemain matin il paraît en bonne santé. A sept heures il reçoit une nouvelle injection de 2 centimètres cubes. L'action cette fois est plus énergique. Il y a quelques tremblements dans la queue. L'animal, remis dans l'eau après dix minutes, tombe sur le dos et de- meure comme paralyse. Il y acependant encore quelques mouvements • dans les pattcs-màchoires. Ces derniers mouvements s'éteignent bientôt et une demi-heure après l'injection l'animal ne répond par des nionvemcnls à aucune provocation. La carapace lui est enlevée sans qu'il manifeste la moindre douleur. Le cœur donne 20 pul- sations à la minute. La pince électrique, apposée sur le ganglion sus- SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. Al\ œsophagien, ne produit rien de remarquable. Le cœur séparé du corps se contracte encore pendant une demi-minute. ExpérienceVII. — Un Homard de taille moyenne reçoit à sept heu- res 4 centimètres cubes de la solution ; il paraît abattu pendant en- viron une heure et demie. Il se remet pourtant sur les pattes. Dès lors il ne produit plus de mouvements volontaires, m^ais répond ce- pendant lorsqu'on l'excite. A huit heures, on lui injecte de nouveau 2 centimètres cubes, en sorte qu'il a reçu un total de 6 centimètres cubes. Les effets sont les mêmes, mais plus prononcés que dans les expériences précédentes. L'animal ne se meut pas spontanément, ne peut plus serrer un ob- jet placé entre ses pinces. Celles-ci se referment une fois qu'on les a écartées, mais le Homard ne les meut plus volontairement. Les pat- tes seules donnent quelques mouvements lorsqu'on les pince forte- ment. A midi la paralysie est complète et à cinq heures du soir la carapace est enlevée sans provoquer de mouvements. Le cœur donne encore de rares pulsations. Expérience VIII. — Injecté en différents points du corps des doses de 2 à 6 centimètres cubes de la solution sur trois Homards. Les ré- sultats sont les mêmes, soit qu'on conserve l'animal à sec, soit qu'on le replonge dans l'eau. La mort apparente ne se manifeste que plus de dix heures après l'injection. On peut, chez tous les trois, constater un ralentissement et une gêne dans les mouvements, gène qui em- pêche les animaux de se mouvoir volontairement, mais qui n'aboutit, dans aucun cas, à une paralysie complète. Nous rapprochons de ces expériences la suivante relatée par M. Vulpian*: « Le 21 juin on introduit une goutte de forte solution de curare au-dessous de la peau d'une Écrevisse, par une petite plaie faite dans l'intervalle des anneaux de l'abdomen à la face inférieure du corps. Au bout d'une demi-heure, il n'y a aucun effet. On introduit alors deux gouttes au moins de la même solution dans un autre point de la face inférieure de l'abdomen. On laisse l'animal à sec pendant quelques instants, cinq minutes environ, comme on l'avait fait la première fois. Après ce temps, l'Écrevisse paraît très affaiblie. On la remet alors dans l'eau. Elle n'est pas encore morte une demi-heure après l'expérience. Il y a des mouvements comme rhythmiques des 1 VuLPiAN, Leçons, p. 202. 472 • ÉMILK YUNG. doux premières i)aii'Os de pattes aml)ulatuires. Le lendemain l'Kcre- visse nestpas encore morte, mais elle ne fait des mouvements des pattes que lorsqu'on la touche. » Il résulte de toutes ces expériences, que nous avons variées et répétées encore sur d'autres espèces de Crabes etsurdes Lani;oustes, que, sans être très sensibles ;\ l'action du curare, les Crusta('és en subissent cependant une intoxication manifeste. Cette intoxication atteint, comme c'est le cas chez les Vertébrés, les nerfs nudeurs, sans qu'il soit possible, chez des animaux se prêtant si mal aux expériences physiologiques, de donner une démonstration de la con- servation de la sensibilité après la perte du mouvement. Nous ne pouvons que la supposer par analogie. Il faut remarquer du reste que la paralysie complète n'a été que rarement obtenue, et cela à la suite seulement de très fortes doses de curare. Nos résultats méritent une certaine attention, en ce sens qu'ils indiquent que le curare agit chez les Crustacés, mais que son action est très lente et nécessite une dose de poison beaucoup plus forte que pour les Vertébrés qui sont généralement employés dans les recherches physiologiques. Nous rappellerons que ces conclusions se rapprochent de celles de M. Vulpian relatives à quelques expériences entreprises sur des Mollusques. « Ainsi chez des Escargots, dit-il, je n'ai observé aucun effet, en introduisant une goutte de solution concentrée de curare dans une plaie faite à la région céphalique ; il n'y a même eu aucun effet, après que, chez les mêmes animaux, on a eu introduit une goutte de la même solution dans la cavité pulmonaire. Je n'ai observé des effets manifestes que lorsqu'on a fait pénétrer dans la cavité générale du corps, chez l'un de ces animaux, deux gouttes de la même solution. Encore l'animal présentait-il quelques mouvements réflexes au bout de deux heures, lorsqu'on le touchait un peu forte- ment au fond de sa coquille. Le lendemain, il était mort. Est-ce bien l'action du curare qui l'avait tué' ? » M. le professeur de Lacazc-Duthiers a eu l'obligeance de nous communiquer qu'ayant injecté du curare surdos Mollusques marins, dans le but de les immobiliser rapidement, il n'avait jamais obtenu que des résultats négatifs. Strychnine. — Nous nous sommes servi de strychnine pure, dont 1 VuLPUN, Leçom, p. 203. i SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. . 473 la solution aqueuse était facilitée par radjonction de quelques gouttes d'acide sulfurique. Nous en avons fait deux solutions : Solution 1. — Elle renferme 5 centigrammes de strychnine cris- tallisée dans 23 centimètres cubes d'eau distillée. Après trois heures, la substance n'étant pas entièrement dissoute, on ajoute deux gouttes d'acide sulfurique, qui achèvela dissolution. Chaque centimètre cube de cette solution renferme par conséquent 2 milligrammes de strychnine. Solution II. — Elle est faite dans les mômes conditions que la pre- mière, avec cette différence qu'elle renferme une quantité double de strychnine, soit 4 milligrammes par centimètre cube. M. Vulpian, le seul auteur qui, à notre connaissance, ait étudié l'action de ce poison sur les Crustacés, avait d'abord obtenu des résultats négatifs en employant de la strychnine pure. Plus tard, cependant, il constata que le poison employé à l'état de sulfate produit la mort chez l'Ecrevisse. Comme il n'indique pas la propor- tion dont il s'est servi et que nos résultats sont contraires aux siens, nous croyons devoir rappeler le passage suivant, dans lequel il expose ces derniers : « Les effets de la strychnine sont bien plus prononcés lorsqu'on emploie un sel soluble, le sulfate par exemple. Si l'on introduit une assez grande quantité de ce sel dans une plaie faite à la face inférieure du corps, dans l'intervalle de deux des anneaux de l'abdomen, l'Ecrevisse restant hors de l'eau, la mort apparente se produit au bout de dix à vingt minutes. L'animal ne tarde pas d'ailleurs à mourir tout à fait. Mais ce qu'il faut bien remarquer, c'est qu'il y a affaiblissement progressif, sans pétn'ode d'excitabilité tétanique, fait important dans la comparaison des propriétés des éléme)its des gan- glions nerveux de ces animaux à ceux de la moelle épinière des Ver- tébrés *. 1) Voici maintenant le récit de nos expériences : Expérience I. — Injecté 1 centimètre cube de la solution I sous labdomen d'un Cancer menas de taille moyenne. L'animal est comme foudroyé à la suite de l'injection. Remis dans l'eau après deux mi- nutes, il ne donne plus aucun mouvement des pattes, mais seule- ment quelques tremblements des yeux et des antennes externes. Les antennes internes, d'abord repliées dans leur cavité, en sont vio- lemment rejetées après quelques instants, et demeurent raidies sans ' Cette dernière phrase n'est pas en caractères italiques dans le texte original. 474 EMILE YUNG. donner le moindre signe de sensibilité lorsqu'on les pince. Les an- tennes externes et les membres sont également insensibles. Un quart d'heure après l'injection, l'animal paraît mort. Le cœur bat assez fort. Expérience II. — Injecté 1 centimètre cube de la solution I sous l'abdomen d'un gros /^o?t?^nMsp?/èer. Les résultats sontanaloguesàceux de l'expérience précédente. Il n'y aplus de mouvements dansles pattes, qui demeurent raidies. Seulement les pièces de lamâchoire, paralysées chez le Cancer menas dans la première expérience, sont mobiles ici. Placé dans l'eau, couché sur le dos, l'animal y demeure sans autres mouvements que ceux des pièces masticatrices, des yeux et des antennes externes. Ces derniers mouvements ont un caractère auto- matique et paraissent involontaires, car on ne réussit pas à les arrêter. Si on place un morceau de viande sur les pattes mâchoires, leurs mouvements continuent avec la môme régularité, sans coordination et sans que l'animal ait conscience de la présence de la viande. Vingt-quatre heures après l'injection, l'animal est mort. Expérience lll. — Deux Poriunus puber reçoivent à trois heures 1 centimètre cube de la solution I injecté sous l'abdomen. L'action est extrêmement rapide. L'animal, remis dans l'eau après une mi- nute, ne donne que des mouvements tétaniques, qui ne durent que pendant deux minutes ; l'animal semble alors épuisé, tout mouvement a cessé, et il y a mort apparente. Cependant, quinze minutes plus tard, des mouvements automatiques des pièces masticatrices re- prennent comme dans l'expérience II, et se continuent jusqu'au soir. Le lendemain matin, ces derniers mouvements sont complètement arrêtés. L'animal paraît mort. Le cœur est découvert, il bat encore faiblement pendant deux heures. Expérience IV. — Injecté un demi-centimètre cube de la solution I, c'est-à-dire 1 milligramme de strychnine, sur quatre Crabes dansdiffé- rentesrégions (partie inférieure de l'abdomen, articulation des pattes, sous la carapace par une petite fenêtre pratiquée en avant sur le rostre, au-dessus du cerveau et un peu en arrière des yeux, enfin par une fente directement au-dessus du cœur). Chez les quatre Cra])cs, les résultats sont identiques. Malgré la petite quantité du poison, l'action est très prompte. Les mouvements tétaniques ne peuvent pas tou- jours être notés, tant ils sont passagers et tant l'épuisement muscu- laire est rapide. Les muscles des pièces masticatrices, qui normale- ment sont presque constamment en mouvement, sont aussi ceux SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 175 dont les mouvements persistent le plus longtemps. Le lendemain, les mouvements sont complètement éteints dans tous les membres ; le cœur mis, à découvert, bat encore chez les quatre animaux. La strychnine agit donc avec une extrême rapidité et beaucoup de force sur les Crabes. Nous avons pratiqué plus de trente injections analogues à celles que nous venons de rapporter, et cela en variant le lieu et la dose des injections. Nous avons toujours obtenu les mêmes résultats : raidissement des membres, quelquefois tremble- ments tétaniques très passagers. Les pattes masticatrices et les an- tennes (surtout les internes, où le tétanos est plus sensible) con- servent leurs mouvements plus longtemps que les pattes locomotrices; toutefois, si la dose de strychnine dépasse 3 milligrammes, elles sont également et rapidement atteintes. Au contraire, si la dose du poison estréduite à une fraction de milligramme, l'action, tout en con- servant les mêmes caractères, est moins sensible, et après un temps qui varie selon la dose, l'animal réussit à éliminer le poison, recouvre ses mouvements et reprend ses allures ordinaires. Lors de la reprise des mouvements, et lorsque, par exemple, couché sur le dos, il re- commence à frapper l'eau avec ses pattes, on peut constater dans ces dernières quelques mouvements tétaniques très manifestes. Ainsi rétabli, un même Crabe peut supporter une nouvelle dose qui le fait retomber dans le njême état, dont il revient comme la première • fois. On peut de cette manière faire une série d'expériences sur un même individu, à condition, bien entendu, que la dose ne dépasse pas 7 à 8 dixièmes de milligramme. De gros Tourteaux peuvent sup- porter jusqu'à 1 miUigramme. Pendant la période d'épuisement, alors que l'animal paraît mort, on peut provoquer des mouvements brusques, saccadés, dans les membres, en appliquant la pince électrique sur la face inférieure de la carapace au niveau du ganglion thoracique. On peut également, pendant la même période, pincer et couper les pattes, sans que l'ani- mal réussisse à les retirer. Il semble cependant qu'il éprouve une sensation de douleur, car il agite alors beaucoup plus vivement ses mâchoires et ses antennes demeurées mobiles. Expérience V. — Injecté sur une Crevette [Paleinon serratus) de belle taille un demi-centimètre cube de la solution I. L'injection est poussée entre les anneaux de face inférieure de l'abdomen. L'ani- mal, replacé immédiatement dans l'eau, donne deux vigoureux coups de queue, puis tombe au fond de l'aquarium, parfaitement immo- 476 EMILE YUNG. bile, sans qu'il ait été possible de noter de tétanos. Quoique le cœur batte encore sous la carapace, l'animal paraît mort. Un faible cou- rant d'induction provoque des contractions de la queue. Six heures après l'injection, la Crevette est tout à fait morte, sans qu'elle ait reproduit le moindre mouvement des membres. Le cœur est arrêté et le courant électrique n'excite plus la chaîne nerveuse. Dans cette expérience, la dose a été évidemment beaucoup trop forte, de là des résultats aussi prompts et intenses. Expérience VI. — Injecté sous l'abdomen de deux Palémons deux gouttes de la solution I. Immédiatement remis dans l'eau, ils y nagent normalement pendant une minute, puis ils sont pris de con- vulsions tétaniques extrêmement fortes et bien visibles sur tous les membres, mais particulièrement sur les vraies pattes. Ce tétanos, très net (que plusieurs personnes présentes pendant l'expérience purent parfaitement constater), ne dura qu'une heure environ, mais en s'affaiblissant beaucoup après les premières minutes. Les deux animaux vécurent jusqu'au lendemain sans reprendre des mouve- ments aussi réguliers qu'à l'état normal. Leur mort, arrivée environ trente heures après l'injection, est peut-être due à d'autres causes. Expérience VU. — Un Homard de petite taille, et frappant violem- ment de la queue sur la planchette où on l'a fixé, reçoit sous l'abdo- men 2 centimètres cubes de la solution II, ^oit 8 milligrammes de strychnine. Immédiatement après l'injection, il y a des mouvements désordonnés des pattes. L'animal ne fait plus d'efforts pour se déta- cher. Après une minute, on peut constater un violent tétanos dans les palettes caudales et dans quelques-unes des fausses pattes. Les mouvements tétaniques se propagent un peu dans la partie anté- rieure du corps. Ils durent environ cinq minutes, puis une immo- bilité parfaite leur succède. Si à ce moment on vient à pincer les palettes caudales, on réveille le tétanos dans toute la queue. Un choc sur la table ne provoque rien. L'animal est remis dans l'eau, il n'y fait aucun mouvement et demeure couché sur le dos. Une demi- heure plus tard, il se trouve dans le même état et la même position. On le retire alors, la carapace est enlevée, le cœur donne 33 pulsa- tions à la minute, pour s'arrêter complètement une demi-heure plus tard. Des injections de la même solution ont été pratiquées à des doses diverses sur dix Homards et nous avons constamment obtenu les mêmes résultats. Les mouvements tétaniques se sont toujours mani- SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 477 festés, quelquefois avec une grande violence. Certains individus tremblent plus facilement et plus longtemps que d'autres. Les trem- blements intéressent la partie antérieure du corps aussi bien que sa partie postérieure. Si on injecte le poison sous la carapace, à la hauteur du cœur, le tétanos se manifeste rapidement dans les an- tennes ; au contraire, si l'injection a été poussée sous l'abdomen, ce sont les fausses pattes et les palettes caudales qui sont les premières atteintes. Si on opère sur de gros individus, il faut faire agir des doses plus fortes. Une dose de 2 ou 3 milligrammes, toujours mor- telle pour un Crabe ou un Palémon, peut être supportée par un Homard. Dans toutes ces expériences, nous avions établi des témoins, c'est- à-dire que nous n'opérions jamais sur un animal isolé, mais au moins sur deux à la fois dans les mêmes conditions. Dans ces expé- riences comparatives, nous nous sommes assuré que l'eau douce, et, en particulier, l'eau distillée, injectée sous l'abdomen, agit comme irritant, et nous devons tenir compte de son action dans l'apprécia- tion des résultats. Disons tout de suite, qu'à la dose où on l'emploie comme dissolvant du poison, l'eau n'est jamais pernicieuse et ne provoque que des mouvements d'irritation très restreints et jamais comparables à un mouvement tétanique. Expérience VIII, expérience comparative. — Injecté sous la peau du dos d'un Poulpe {Octopus vulgaris) de taille moyenne 1 centi- mètre cube de la solution L L'animal ne parait pas en souffrir. La respiration est sensiblement activée. Remis dans l'eau, l'animal vide sa poche à encre, fait plusieurs fois le tour de l'aquarium, puis reprend son état normal. L'absorption doit être extrêmement lente, si toute- fois elle a lieu ; l'œdème produit sous la peau par la masse injectée ne diminue pas de volume. L'animal est alors plongé dans un bocal renfermant 2 litres d'eau de mer, à laquelle on a ajouté 24 milligrammes de strychnine. A peine y est-il introduit, qu'il pâlit complètement et devient tout à fait blanc ; il est pris de convulsions et fait des efforts pour sortir du vase. L'action est, dans ce cas, extrêmement rapide. Après une minute, on transporte l'animal dans un grand baquet d'eau. Il tremble de tout le corps, ses bras s'agitent convulsivement ; les mouve- ments respiratoires, d'abord activés, diminuent bientôt et s'arrêtent complètement après trois ou quatre minutes. On peut cependant les réveiller encore quelques temps en chatouillant l'intérieur de la 478 EMILE YUNG. cavité branchiale. L'action des muscles cutanés persiste un peu plus longtemps, car l'animal recouvre ses couleurs et devient même beaucoup plus foncé qu'à l'état normal. Après un quart d'heure, tous les muscles sont rigides, les tentacules tendus en avant, les ventouses ne happent plus, et quelques minutes plus tard, c'est-à- dire une demi-heure après l'injection, l'animal est mort et le cœur ne bat plus. L'absorption par les surfaces branchiales est donc très-puissante, et il suffit, comme M. P. BerL l'a d'ailleurs montré, de quelques traces de strychnine dans l'eau pour amener l'empoisonnement. L'absorption sous-cutanée est, par contre, extrêmement lente, car, sur un autre Poulpe servant de témoin, 1 centimètre cube de la même solution, injecté sous la peau du dos, n'a pas produit d'empoi- sonnement, même après plusieurs heures. Cette expérience nous a conduit à faire la suivante sur des Crustacés: Expérience IX. — Un Palémon et un Cancer menas sont plongés à deux heures après-midi dans un litre d'eau bien aérée, renfermant 24 milligrammes de strychnine. Les animaux ne manifestent aucun trouble et supportent fort bien ce milieu. A sept heures, ils sont par- faitement alertes et paraissent bien portants. Il en est de même le lendemain, ils mangent les aliments qu'on leur olfre et nous les con- servons ainsi en bonne santé pendant trois jours dans la môme eau empoisormée ; d'où nous pouvons conclure que, quoique circulant constamment autour des lamelles branchiales, la strychnine n'est pas absorbée et ne passe pas dans le sang. En résumé, nous pouvons dire que la strychnine agit sur les Crus- tacés en donnant lieu aux mêmes symptômes d'empoisonnement que chez les Vertébrés, à condition qu'elle soit injectée dans leur système lacunaire ; que, contrairement à ce que professe M. Vulpian dans le passage de ses Leçons que nous avons rapporté, l'atfaibhssement de l'animal est, en général, extrêmement rapide, qu'il suit immédia- tement l'injection si celle-ci a été un peu forte ; et que, quoiqu'elle soit souvent très passagère, il existe chez ces animaux une période de convulsions tétaniques qui, dans les cas favorables, s'observe très nettement et d'une façon signilicative sur les membres, principale- ment chez les Macroures '. Sulfate d'atropine. — Nous faisons une solution de 10 centi- i Claude Bernard avait lui-même essayé l'action de la strychnine sur récrcvisse, SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 479 grammes de ce sel dans 20 centimètres cubes d'eau, soit 5 milli- grammes par centimètre cube. Il se dissout rapidement. La solution est parfaitement incolore. Expérience. — Injecté 2 centimètres cubes de cette solution sous l'abdomen d'un Homard. Il ne se passe tout d'abord rien de remar- quable. Après dix minutes, l'animal est remis dans l'eau ; c'est alors que se manifestent des tremblements très-nets dans les fausses pattes et dans les pinces terminales des deux premières paires de pattes. On peut également constater des mouvements alternatifs d'ouverture et de fermeture de l'anus. L'animal ne donne pas de signes de douleur lorsqu'on pince ses antennes. Il demeure assez longtemps couché sur le dos, la queue ramenée sous l'abdomen. Il fait des mouvements désordonnés pour se redresser ; mais ces mou- vements, infructueux tout d'abord, le fatiguent rapidement et il doit alors prendre un repos pendant lequel il demeure parfaitement immobile. Une heure après ces phénomènes, le Homard se redresse et il reprend alors son allure ordinaire. Nous avons augmenté beaucoup la dose dans différentes expé- riences, et l'avons à plusieurs reprises renouvelée dans de courts intervalles ; nous n'avons jamais réussi à produire la mort de l'animal. L'effet se résumait dans un abattement dont la durée variait avec l'intensité de la dose, quelques tremblements, etc. Nous n'avons pas fait d'expériences spéciales sur l'action de ce poison sur le cœur, toutefois la paresse et l'abattement dont nous venons de parler nous porteraient à croire qu'il y a ralentissement dans les battements du cœur. Voici, du reste, ce que dit M. Plateau à ce sujet, dans le travail cité : « L'injection de 5 milligrammes de sulfate d'atropine dans le système lacunaire de l'Ecrevisse amène un ralentissement considérable des mouvements du cœur. Dans une de mes expériences, ce ralentissement fut de près de la moitié, de 120 pulsations par minute à 74. » Digitaline. — Nous avons dissous o centigrammes de digitaline dans 20 centimètres cubes d'eau, ce qui nous donne une solution dont chaque centimètre cube renferme 25 milligrammes, de poison. La dissolution demande quelques heures pour être complète. mais il n'obtint aucun résultat significatif. — Voir Leçons sur les substances toxi' ques et médicamenteuses, p. 3C4. 480 EMILE YUNG. L'action générale de ce poison est assez difficile à élucider, et les résultats que nous avons obtenus sont contradictoires en plusieurs points. De nouvelles expériences sont par conséquent nécessaires. Nous relaterons seulement ici celles relatives à l'action de la digi- taline sur le cœur, les seules qui nous aient donné des résultats précis. Expérie.nce 1. — Injecté 1 centimètre cube de la solution sous l'ab- domen d'un Homard de petite taille, préalablement préparé pour voir le cœur. Au moment de l'injection, l'animal, qui est lîxé sur une planchette, se débat vivement, comme s'il ressentait de la dou- leur. Le cœur, qui donnait, au début de l'injection, 45 pulsations par minute, monte en ce moment à 52 pulsations et se maintient à ce chitl're pendant quelques minutes. Cinq minutes après la première injection, l'animal reçoit de nou- veau 2 centimètres cubes de la solution. La marche du cœur devient alors très irrégulière, les pulsations tombent à 6 dans un quart de minute, pour remonter à 3 dans le quart qui termine la minute. On administre de nouveau cinq minutes plus tard 2 centimètres cubes, ce qui élève la dose de digitaline introduite à 12 milligrammes et demi. Il y a quelques mouvements convulsifs dans les muscles qui attachent le premier anneau abdominal au thorax. Les pulsa- tions tombent à 30 par minute, puis à 20 deux minutes plus tard. Elles sont non seulement ralenties, mais très affaiblies. Elles diminuent peu à peu, pour s'éteindre complètement dix minutes après la dernière injection, sans que l'application de la pince élec- trique puisse les réveiller. La chaîne ganglionnaire a conservé toute son excitabilité. Expérience II. — Injecté directement sous l'abdomen d'un Homard 4 centimètres cubes de la solution (soit 10 milligrammes de digitaline). Le cœur, mis à découvert, donne 50 pulsations par minute au moment de l'injection. Deux minutes plus tard, ilmonte à 58 pul- sations , mais ce nombre diminue bientôt jusqu'à la moitié, 30 pulsations, chiffre qu'il atteint huit minutes après l'injection. Le nombre des pulsations diminue progressivement pendant vingt- cinq minutes, puis le cœur s'arrête complètement sans que la pince électrique y réveille des mouvements. Expérience 111. — Injecté à dix heures du matin 2 centimètres cubes SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 481 de la solution '(soit 5 milligrammes) sous l'abdomen d'un petit Homard. L'animal téinoigne de la douleur et se débat vivement. Cinq minutes plus tard, il reçoit la même dose. Il raidit les mem- bres au moment de l'injection, et nous notons quelques mouvements irréguliers de l'anus. Après un quart d'heure, il est replacé dans l'aquarium. Il ramène la queue sous l'abdomen et demeure immo- bile (il y a cependant des mouvements des palpes buccaux). A onze heures, il est toujours couché sur le dos, les mouvements des palpes sont ralentis. Le soir il n'est pas encore redressé sur ses pattes. Il exécute quelques mouvements des fausses pattes. Ces mouvements, quoique faibles, fatiguent évidemment vite l'animal. Le lendemain matin le Homard a éliminé le poison, il est sur ses pattes et a repris son attitude normale. Expérience I F.— Dans les mêmes conditions et avec les mêmes doses de digitahne que dans l'expérience précédente, un petit Homard pa- raît mort une heure après la dernière injection. Le cœur mis à dé- couvert, est arrêté en systole. Il semble donc qu'il peut exister des différences individuelles qui font que certains individus, tels que celui qui a servi dans l'expé- rience III, peuvent supporter des doses de digitaline qui en tuent d'autres. L'animal de l'expérience III s'est montré longtemps très affaibli. La circulation était évidemment ralentie, mais le cœur ne s'est pas arrêté, puisque l'animal a réussi à éliminer le poison. M. F. Plateau, dans l'intéressant travail dont nous ne connaissons que les prémisses, a aussi étudié l'action de la digitaUne sur le cœur. Le savant professeur de Gand utilise la méthode graphique pour en- registrer les altérations des mouvements du cœur et il arrive natu- rellement à des résultats très précis. Nous sommes heureux de con- stater que ses premiers résultats s'accordent sur le point important c'est-à-dire le ralentissement et la cessation des mouvements du cœur, avec les nôtres. M. Plateau a opéré chez l'Écrevisse, et il a vu que chez cet animal <( une injection de 5 milligrammes de digitaline rend après un temps variable le tracé du cœur irrégulier, puis ce tracé indique un ralentissement notable qui n'est pas suivi d'accélé- ration. Le cœur finit par s'arrêter en systole et l'on ne parvient plus à y réveiller des mouvements. » Ce dernier point concorde parfaitement avec tout ce que nous avons dit de 1 inefficacité de la pince électrique pour réveiller les mouvements une fois qu'ils sont éteints, ARCH. DE ZOOL. LXP. ET GÉN. — T. YII. 1878, 31 i82 EMILE YUNG. Nous atlcndons avec intérêt le complément des recherches de M. Plateau et nous signalons à son attention l'accélération notable des mouvements immédiatement après l'injection, accélération que nous avons constatée dans nos expériences I et II et qui précède le ralentissement. Nicotine. — La nicotine que nous avons employée provient du laboratoire d'University-GoUege à Londres. Elle est sirupeuse, noi- râtre, extrêmement active. Nous en dissolvons 40 centigrammes dans 20 centimètres cubes d'eau, soit 20 milligrammes par centimètre cube. C'est avec cette solution que nous procédons aux expériences suivantes, qui montrent avec quelle énergie ce poison agit chez les Oustacés. Expérience 1. — Injecté 1 centimètre cube de la solution sous l'abdo- men d'un petit Homard. L'animal est pris de mouvements convulsifs au moment même de l'injection. Toutes les pattes se crispent subi- tement sur la face inférieure du corps. Des excréments sont violem- ment expulsés par l'anus et celui-ci est pris de mouvements alterna- tifs d'ouverture et de fermeture. Les grandes pinces sont fermées et fortement contractées, si bien qu'il faut un assez grand effort pour les écarter et qu'elles se referment immédiatement après. L'inverse a lieu pour les petites pinces qui terminent les pattes suivantes, elles demeurent ouvertes et leur muscle extenseur est tellement contracté qu'on a peine à les fermer. Après deux minutes, comme l'animal ne donne plus aucun signe de vie, il est remis dans l'eau, où il demeure un quart d'heure, sans produire le moindre mouvement. Le cœur est mis à découvert; il bat très violemment et d'une manière irrégulière, qu'il serait très intéressant d'étudier avec la méthode graphique. 72 pulsations à la minute. Expérience II. — Injecté sur plusieurs Crabes des doses diverses de la solution, depuis! centimètre cube jusqu'à une simple goutte, et nous avons toujours obtenu une mort très rapide. Chez les gros Tourteaux l'action est aussi vive que chez les petits Cancer menas ; toutefois chez les premiers nous n'avons pas pu con- stater le raidissement des membres , pour la bonne raison que ceux-ci se détachent complètement du corps et tombent pendant l'injection. Les convulsions ont lieu chez les Crabes, mais sont beaucoup moins nellcs que chez les Homards. SYSTEME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 483 L'immobilité et la rigidité des muscles des membres, qui sont le phénomène apparent le plus remarquable, ne se propagent pas aux muscles du cœur. Ce dernier, au contraire, se montre toujours très actif au moment où on le découvre et le nombre de ses pulsations est ordinairement beaucoup plus grand qu'à l'état normal. Expérience III. — Injecté deux gouttes de la solution sous l'abdo- men d'un Palémun. L'animal, immédiatement remis dans l'eau, s'y agite d'une manière tellement violente qu'il réussit d'un coup de queue à sauter hors de l'aquarium. Au bout d'une minute l'immo- bilité et la rigidité musculaires sont complètes. Les fausses pattes sont les dernières à produire quelques mouvements. Une heure après le cœur bat encore. Action sur le cœur. — Expérience IV. Un Homard bien vivace est fixé sur la planchette, le cœur est mis à découvert, il donne 56 pulsations à la minute. On injecte alors sous l'abdomen un demi-centimètre cube de la solution de nicotine. Tous les muscles du corps tremblent et se raidissent, les pinces très rigides sont portées en avant. Deux minutes après l'injection le nombre des pulsations est monté à 90. Elles sont très intenses et se maintiennent à ce chiffre pendant dix minutes, puis s'affaiblissent lentement. Deux heures plus tard il y a encore 15 pulsations. Expérience V. — Injecté trois gouttes de la solution sous l'abdomen d'un petit Homard dont le cœur mis à découvert donnait 50 pulsa- tions. Ce nombre monte en trois minutes jusqu'à 74, maximum à partir duquel il recommence à diminuer après s'y être maintenu en- viron dix minutes. Deux heures plus tard, arrêt complet. Expéi'ience VI, expérience comparative. — Injecté sous la peau du flanc d'un Congre, mesurant 70 centimètres de longueur, 1 centimètre cube de la solution. A l'instant même de l'injection, l'animal éprouve une si forte commotion qu'il faut sortir la canule de la se- ringue, en sorte qu'une partie seulement du liquide a pu pénétrer. Replacé immédiatement dans l'eau, l'animal est pris de convul- sions épouvantables. Il fait plusieurs fois le tour de l'aquarium en tremblant de la tête à la queue. Il pâlit beaucoup sur les flancs, se raidit, puis se contourne sur lui-même en se tordant convulsive- ment; la bouche est largement ouverte. Entre la troisième et la qua- trième minute, l'animal se pbe en arc de cercle, la tète et la queue se touchant, puis il tombe mort dans cette position au fond de l'aqua- rium. Dix minutes plus tard, l'animal est encore très raide. Le cœur 484 ■ EMILE YUNG. se meut encore rapidement et continue à battre pendant une demi- heure. Ces expériences nous indiquent que la nicotine est un des plus violents poisons pour les Crustacés, et si nous rapprochons ses efl'ets de ceux obtenus par les physiologistes ^ sur les Vertébrés, nous se- rons frappés par leur similitude. « La nicotine, dit Claude Bernard, quelle que soit la voie par laquelle on l'administre, tue en produisant des convulsions extrêmement violentes. » L'illustre physiologiste signale l'action accélératrice qu'elle exerce sur les mouvements de la respiration et ceux du cœur et il montre comment cette action se produit par l'intermédiaire des nerfs pneumogastriques chez le chien. Il serait intéressant de répéter nos expériences sur les Homards après avoir coupé les nerfs qui se rendent au cœur ; mais de pareilles expériences sont très difficiles chez des animaux si peu propres aux vivisections. Quant à l'action spéciale de la nicotine sur les vaisseaux capillaires, il va sans dire que nous ne pouvons rien constater de semblable chez les aqimaux dont nous nous occupons dans ce travail. Telles sont les notions que nous avons acquises par l'expérience sur l'action des principaux poisons sur le système nerveux des Crus- tacés. Nous rappellerons encore que le chloroforme et l'éther agis- sent chez eux de la même manière que chez les Vertébrés, ou du moins que le résultat final, l'anesthésie, est le même. Il y a donc similitude sur les principaux points entre les pro- priétés générales du tissu nerveux chez les Crustacés et chez les Vertébrés. Fonction de la région abdominale de la chaîne ganglionnaire. — La position de cette portion de la chaîne nerveuse chez les Arthro- podes la rend facilement accessible et aide par conséquent aux re- cherches physiologiques. Pour la découvrir, il suffit, comme nous l'avons indiqué dans la partie de ce mémoire qui se rapporte à l'ana- tomie, de détacher avec soin la peau qui recouvre la face inférieure du corps depuis le voisinage immédiat des palettes caudales jusqu'à 1 Voit- Claude Bernarb, Leçons sur les substances toxiques et médicamenteuses, Paris, 1857, p. 397 et suiv. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. iSH la hauteur des ganglions thoraciques, en coupant les masses muscu- laires qui les réunissent. Les Macroures se prêtent seuls à une pa- reille étude, car chez eux seulement la chaîne abdominale a conservé tout son développement. Parmi eux, ce sont les Homards et les Lan- goustes qui sont le plus propices, h cause de leur taille, ;\ des expéri- mentations significatives. Toutefois, la plupart des faits que nous allons mentionner peuvent se vérifier sur TÉcrevisse d'eau douce, qui est en général plus à la portée des physiologistes. L'expérience doit être faite aussitôt après que la chaîne a été dé- couverte, car l'animal s'affaiblit rapidement et les résultats perdent bientôt de leur netteté. Il s'agit de fixer l'individu sur lequel on opère, afin de se garantir de ses soubresauts et de ses mouvements de défense. Pour cela, nous l'attachons, couché sur le dos, sur une planchette percée de trous par lesquels passent des ficelles, qui, ramenées sur l'animal, le tien- nent fixé en trois points : à la partie antérieure entre la première et la seconde paire de pattes, à la partie moyenne à la naissance de l'abdomen, et à la partie postérieure à la naissance des palettes cau- dales. Ainsi fixé, les antennes, les pattes et les palettes caudales de- meurant libres dans une certaine mesure nous rendent témoins des effets de l'opération. Expérience 1. — Découvert la chaîne abdominale d'un jeune Homard, L'animal manifeste de la douleur pendant l'opération ; mais, une fois qu'elle est terminée, il redevient parfaitement immobile. H y a des mouvements de douleur lorsqu'on excite mécaniquement avec la pointe d'un scalpel la surface d'un ganglion ou des connectifs inter- ganglionnaires. Le ganglion paraît plus sensible que le connectif, mais nous ne pouvons noter aucune différence entre l'excitation de la face supérieure et celle de la face inférieure sur le ganglion comme sur le connectif. L'excitation des ganglions postérieurs, et particulièrement du gan- glion anal, provoque des mouvements de l'intestin et l'expulsion d'excréments par l'anus. Ce dernier répond également à l'excita- tion du ganglion anal par des mouvements alternatifs d'ouverture et de fermeture. On coupe la chaîne à la hauteur du troisième anneau abdominal ; au moment de la fermeture des ciseaux, vive douleur, soubresauts et mouvements dans tous les appendices. L'excitation du bout coupé postérieur produit de violentes contrac- 486 EMILE YUNG. tions dans la région postérieure du corps et des mouvements de l'anus. Le bout coupé est ramené sur une fine lamelle de verre, de telle manière qu'il est plus facile d'atteindre les faces supérieure et infé- rieure de la chaîne et de les exciter séparément. Dans ce cas, l'effet produit est toujours le même, la face inférieure est aussi sensible que la supérieure, et réciproquement. On détache peu à peu la portion postérieure de la chaîne. A chaque fois que l'on tranche les nerfs partant d'un ganglion, il se manifeste des mouvements dans le segment correspondant. Les deux nerfs qui se détachent de la chaîne au niveau même de chaque ganglion sont à la fois sensibles et moteurs. Arrivé au dernier ganglion, on peut remarquer une accélération dans les mouvements de l'anus pendant les minutes qui suivent la séparation de ce ganglion. Ces mouvements reprennent leurrhythme et le conservent pendant une heure, temps pendant lequel dura l'ob- servation. M. Vulpian, qui a également constaté dans ses expériences sur la chaîne ganglionnaire de l'Ecrevisse le fait de la persistance des mou- vements d'ouverture et de fermeture de l'anus, après la séparation de toutes ses relations avec le ganglion anal, suppose l'existence de cen- tres moteurs spéciaux pour l'anus. Nous n'avons rien constaté dans les dilacérations et les coupes après traitement au chlorure d'or auxquelles nous avons soumis les parois de l'anus, qui pût servir de base à une pareille hypothèse. On peut admettre que les mouvements de l'anus sont la consé- quence des mouvements généraux de l'intestin. Cette dernière ma- nière de voir est appuyée sur le fait que les mouvements cessent une fois qu'on a complètement séparé l'anus de l'intestin. Une compa- raison de ces mouvements avec ceux du cœur séparé du corps ne peut dès lors plus être admise. Quant à l'extrémité antérieure de la chaîne abdominale, les mêmes excitations produisent les mômes effets dans la partie antérieure du corps, et là encore il n'y a aucune différence entre l'excitation de la face supérieure et celle de la face inférieure de la chaîne. Les pat- tes, pinces et antennes sont mises en mouvement si l'irritation est violente ; au contraire, ces mouvements sont localisés dans les seg- ments les plus voisins lorsque l'excitation est modérée. La sensibilité est plus vive dans ce moment que lors de l'excitation de l'extrémité SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 487 postérieure. Le contact de l'air semble momentanément aiguiser cette sensibilité. Les résultats sont les mômes si, au lieu d'une excitation mécanique, on procède avec la pince électrique ; mais les résultats sont plus nets dans le premier cas, la dérivation du courant les rend douteux dans le second. Expérience II. — Un H(mîard bien vif étant: préparé comme dans l'expérience précédente, on met en évidence les nerfs qui partent du second ganglion abdominal du côté droit. Ces nerfs sont simples dès leur origine, comme MM. Vulpian et Le- moine l'ont parfaitement constaté, contrairement aux assertions de Longet. Il n'est pas possible de signaler sur aucun d'eux un renfle- ment homologue au renflement de la racine postérieure des nerfs rachidiens des Vertébrés. Ils vont se rendre séparément dans les organes, où ils se terminent sans s'être réunis en aucun point. C'est là un fait important, car il éloigne la pensée d'une spécialisation de l'ac- tion motrice ou sensitive. Ces nerfs partent du ganglion de deux points très rapprochés dont l'un est situé un peu au-dessus de l'autre. L'excitation de ces deux nerfs donne des résultats identiques quant à la production de mou- vements dans les fausses pattes correspondantes oîi se rend en partie du moins le nerf inférieur et dans les muscles de l'abdomen où se ramifie le nerf supérieur. L'excitation mécanique [de ces deux nerfs produit absolument les mêmes effets, et nous ne pouvons pas indiquer une difl'érence entre eux. Ils sont tous deux sensibles et tous deux moteurs. M. Vulpian a déjà constaté ce fait sur les nerfs de l'Ecrevisse, Mais s'il est démontré que les nerfs irradiant de la chaîne abdomi-- nale sont simples dès leur sortie de la masse ganglionnaire, il pour- rait se faire qu'une distinction fonctionnelle s'établisse dans les con- nectifs de la chaîne. Cette supposition n'est pas appuyée par ce que nous avons dit de la distribution des tubes nerveux dans les connectifs, ni par les résultats de l'expérience I, et elle est anéantie par l'expérience suivante. Expérience III. — Après avoir mis à nu la chaîne nerveuse chez un Ho- mard de taille moyenne, nous introduisons à travers le connectif, entre* le second et le troisième ganglion abdominal, une fine aiguille à cataracte très tranchante, de manière à diviser en ce point la chaîne en une portion supérieure ou dorsale et une portion inférieure ou 488 EMILE YUNG.- ventrale. On coupe alors la partie de la chaîne au-dessus de la lame de l'aiguille, de telle sorte que la portion antérieure de la chaîne ne se trouve plus en relation avec la portion postérieure que parle faisceau fibreux courant à la face supérieure du connectif. Si l'opinion de Newport, Valentin etLonget était vraie, les impres- sions sensitives qui, selon ces auteurs, se trouveraient localisées dans la région inférieure de la chaîne ganglionnaire, devraient non pas être anéanties complètement, puisque nos expériences anté- rieures nous ont appris que chaque ganglion abdominal est un centre moteur et sensitif. mais ne plus pouvoir se transmettre de la partie postérieure à la partie antérieure du corps. Or, il ne se montre rien de semblable et les impressions douloureuses portées sur les palettes de la queue ou les fausses pattes en arrière de la blessure sont par- faitement ressenties dans tout le corps, ce que l'animal manifeste par de violents mouvements des pattes et des antennes. On obtient des résultats absolument identiques si, au lieu de tran- cher la face inférieure, on s'adresse à la face supérieure du connectif. Dans ce dernier cas, les mouvements des membres postérieurs sont provoqués lorsqu'on excite un point quelconque de la partie anté- rieure du corps, les actions réflexes se manifestent dans les deux sens. Nous sommes donc en droit de conclure de ces expériences que les élé- ments nerveux centripètes et centrifuges sont mélangés dans la chaîne abdominale du Homard de telle façon qu'il n'est pas possible, contraire- ment à l'opinion de certains auteurs, d'y distinguer une région motrice et une région sensible. M. Lemoine indique une cause d'erreur dans les expériences de ses prédécesseurs. «Dans nos expériences, dit-il, sur la chaîne ganglionnaire mise à nu par sa face inférieure, il nous est plusieurs fois arrivé de constater qu'alors que l'excitation de la face inférieure d'un ganglion n'ame- nait de mouvement que dans les parties qui en recevaient directe- ment leurs nerfs, l'excitation de la face supérieure produisait des mouvements beaucoup plus multipliés. «L'explication toute naturelle dece fait, à ce qu'il nous a paru, était •que la face inférieure mise à découvert et privée par suite du contact du liquide ambiant se trouvait dans des circonstances bien moins favorables que l'autre face pour la conservation de ses diverses pro- priétés. Et, en effet, que de fois il nous a été donné de constater sur SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 489 deux ganglions voisins les résultats les plus dissemblables par ce seul fait que l'un se trouvait depuis quelque temps à découvert, tandis que l'autre n'avait perdu aucun de ses moyens de protection. « Les différences apparentes que nous signalions entre les deux faces d'un même ganglion sont inverses de celles indiquées par les auteurs ; aussi rappellerons-nous que leur mode d'expérimentation consistant à découvrir la portion de la chaîne abdominale par sa face supérieure laissait la face inférieure dans les circonstances les plus favorables à la généralisation des mouvements, c'est-à-dire à l'expres- sion de la sensibilité. » Nous ne pouvons qu'adhérer à ces justes remarques et faire remar- quer, en outre, qu'une foule de petites causes peuvent influer sur les résultats, et ce n'est qu'après plusieurs tentatives que nous nous sommes rendu à l'évidence des faits. Cette expérience a été répétée en plusieurs points de la chaîne gan- ghonnaire avec les mêmes résultats, et, puisque nous traitons de cette question de la non-localisation de la motricité et de la sensibi- lité en des points particuliers, nous dirons tout de suite que les gan- glions et connectifs thoraciques se comportent absolument de la même manière que les abdominaux. C'est le premier ganglion thora- cique, ou ganglion sous-œsophagien, qni a été Tobjet de l'expérience ; nous n'y avons jamais trouvé de séparation entre les éléments moteurs et les éléments sensibles. Ce dernier point présente un intérêt particulier en ce sens que M. Faivre est arrivé à des résultats diamétralement opposés en opérant sur un insecte, le Dytique [Dytiscus marginalis) . Nous croyons devoir rappeler brièvement son observation : (( Si l'on pique légèrement, à l'aide d'une aiguille, la face infé- rieure du ganglion prothoracique chez le Dytisque, sans pénétrer dans la substance nerveuse, on obtient d'abord de petits mouvements dans les pattes correspondantes, puis bientôt des mouvements géné- raux dans les diverses pièces du corps de l'animal ; ces mouvements se produisent lors même que la lésion est pratiquée sur un point très local de la surface du ganglion, à droite par exemple. « Si l'on irrite comparativement de la même manière la face supé- rieure, les effets sont très différents ; l'insecte ne donne aucun signe de douleur; il meut seulement partiellement et avec intermittence la patte qui correspond au côté du ganglion lésé, mais les mouvements généraux ne se manifestent pas. » 490 EMILE YUNG. Ces faits conduisirent M. Faivre à l'idée d'établir dans le ganglion la distinction des propriétés motrices et sensitives, et il y réussit dans l'expérience suivante : Il enfonça dans la région latérale de la face supérieure du ganglion, en se rapprochant un peu du point d'émergence du nerf, une fine aiguille. à cataracte, sans la faire pénétrer très profondément. Pen- dant l'opération, la patte correspondant au ganglion exécute des mouvements de torsion et d'extension caractéristiques, sans que l'insecte présente d'ailleurs des signes de douleur générale. Lorsque l'opération est terminée, la patte a perdu ses |)ropriétés motrices. Si l'insecte marche, elle ne concourt pas à la progression ; si on la pince, elle ne se retire pas ; si on pince la patte correspondante avec les autres membres, elle demeure immobile. Cependant cette patte n'a pas perdu sa sensibilité : si on la pince, elle provoque des mouvements réflexes dans la patte correspondante, dans les autres pattes, dans les antennes, dans les pièces buccales. Inversement, M. Faivre a obtenu la perte de la sensibilité en opé- rant sur la face inférieure du ganglion. Si on agit sur la moitié droite du ganglion, on paralyse la sensibilité de la patte droite; en agissant sur la moitié gauche, on paralyse, de la même manière, la patte gauche. Pour ce qui concerne les connectifs, les expériences n'ont pas donné des résultats très nets; toutefois, elles ont montré que la sen- sibilité est plus marquée à la face inférieure du ganglion qu'à la face supérieure. Enfin les nerfs, qui sont simples dès leur origine, sont à la fois moteurs et sensitifs. Ces faits et beaucoup d'autres semblables, pour l'exposé desquels nous renvoyons au mémoire de l'auteur, ont conduit M. Faivre aux conclusions suivantes : « 1" La sensibilité et l'excitabilité sont distinctes dans les centres nerveux des Dytisques ; la face inférieure du ganglion est le siège plus spécial de la sensibilité, la face supérieure est le siège spécial de l'ex- citabilité. a 2° En agissant sur la face supérieure, on peut déterminer dans la patte correspondant au côté lésé une paralysie du mouvement avec conservation de la sensibilité. « 3° En agissant superficiellement et latéralement par la face infé- rieure, on peut déterminer une paralysie de la sensibilité avec conser- vation du mouvement. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 491 « A" En déterminant une double paralysie, on n'abolit pas les pro- priétés conductrices du ganglion * . » Les résultats auxquels Longet était arrivé à la suite de ses expé- riences sur le Pollnurus qundricornis se rapprochent de ces derniers. Les nôtres, au contraire, montrent que les Crustacés sont bien infé- rieurs aux Insectes sous le rapport de la délimitation des fonctions motrices et sensitives. Lorsqu'un ganglion est découvert, il perd partiellement son excita- bilité au bout d^m certain temps. C'est ainsi qu'après une demi-heure ou trois quarts d'heure, l'excitation d'un ganglion qui, au début, pro- voquait des mouvements de douleur dans toutes les parties du corps n'intéresse plus que les régions les plus voisines, et, un peu plus tard, ces mouvements sont entièrement localisés dans les appendices qui reçoivent directement leurs nerfs du ganglion en expérience. On peut, d'après Lemoine, expliquer ce fait en admettant que parmi les différentes propriétés de la chaîne ganglionnaire la sensibilité in- diquée par des contractions générales serait celle qui s'affaiblirait et disparaîtrait la première, tandis que les propriétés motrices seraient plus longtemps conservées. «Or, dit cet anatomiste, ces propriétés s'exerceraient de deux: fa- çons : tout d'abord sur les nerfs partant du ganglion lui-même, cette action étant la plus marquée et la plus durable ; en outre, le ganglion aurait une certaine influence sur les ganglions suivants et notamment sur la partie postérieure de la chaîne. » Cette action des ganglions les uns sur les autres est très évidente ; elle ressort, du reste, des expériences suivantes, qu'il nous reste à exposer. Expérience IV. — Une petite fente transversale est pratiquée entre le premier et le second ganglion abdominal, dans le tégument de la face inférieure du corps, sur un Palaemon serratus. On y introduit les pointes de fins ciseaux jusqu'à ce qu'ils viennent rencontrer les connectifs, puis on coupe. Au moment de la fermeture des ciseaux, il y a un vif soubresaut, la queue est vivement ramenée en avant, puis rejetée en arrière. L'animal remis dans Teau tombe au fond de l'aquarium, oti il marche traînant après lui la portion du corps postérieure à la * Faivre, Recherches sur la distinction de la sensibilité et de Vexcitàbilité dans les di- verses parties du système nerveux du Dytisque, in Ann. des se. nat., 5» série, t. I, p. 89, 1864. 492 EMILE YUNG. blessure. Cette portion semble inerte, cependant ses mouvements se réveillent à la moindre excitation mécanique. On y observe bien de temps à autre quelques mouvements en apparence spontanés dans les fausses pattes abdominales, mais ces mouvements répondent cer- tainement par acte réflexe à une irritation dont la cause n'est pas toujours appréciable. Les ganglions postérieurs ont conservé leur pouvoir locomoteur et sensitif, mais ils jouent le rôle de centres nerveux indépendants, dont l'activité n'est plus coordonnée avec celle des ganglions anté- rieurs et nécessite une excitation venue du dehors. Lorsqu'on vient à exciter l'animal dans la région postérieure, il donne de violents coups de queue qui réussissent à le faire progresser en arrière, et qui se répètent par action réflexe à chaque excitation nouvelle. Les mouvements de la queue ne sont plus soumis à la vo- lonté, en sorte que cet organe est devenu pour ainsi dire inutile à l'animal, il ne peut plus s'en servir pour nager. Plusieurs Palémons auxquels nous avons pratiqué des lésions de la chaîne dans la région abdominale et que nous avions eu l'impru- dence de replacer dans un grand aquarium en compagnie de quel- ques Crabes furent atteints par ces derniers, beaucoup plus agiles à la course, et presque complètement dévorés dans l'espace d'une nuit. 11 faut noter que les mouvements des fausses pattes sont d'autant plus réguliers dans l'action réflexe que l'on a coupé la chaîne plus avant. Si on sépare tous les ganglions abdominaux, en coupant leur con- nectif, on ne peut plus parler de régularité. Chaque segment travaille pour son compte, sous l'influence du ganglion demeuré intact. Les appendices correspondants ont conservé mouvement et sensibilité, ils se retirent lorsqu'on les pince et paraissent même parfois très sensibles ; mais quelles que soient les excitations portées sur un seg- ment du corps, les segments voisins n'en sont plus avertis et leurs mouvements n'en sont plus influencés. L'action réflexe est tout à fait localisée. Expérience V. — Nous constatons les mêmes faits sur les Homards et les Ecrevisses. Un Homard auquel on a coupé la chaîne ganglionnaire à la hauteur du connectif qui unit le premier au second ganglion abdominal ne donne plus de coups de queue volontaires et on peut le prendre en toute sécurité ; mais si on vient à le pincer dans la région postérieure du corps, il y a des mouvements réflexes très violents. 11 ne SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 493 se montre pas plus que dans l'expérience précédente de coordination dans les mouvements de la partie antérieure et de la partie posté- rieure du corps*. En résumé, on peut conclure, des faits que nous venons d'exposer, que : 1° Les ganglions et les connectifs qui constituent la chaîne abdo- minale sont à la fois moteurs et sensitifs ; 2° Chaque ganglion agit comme centre moteur et sensitif dans le segment auquel il appartient et y préside aux actions réflexes; 3° L'excitant physiologique auquel on donne le nom de volonté a sa source en dehors de la région abdominale de la chaîne nerveuse ; 4* Il n'y a pas de siège particulier dans cette région pour le mou- vement et la sensibilité. Cela ne veut pas dire cependant qu'il n'y ait pas en réalité des éléments nerveux distincts pour les actions cen- trifuges et centripètes; mais, s'ils existent, ils ne sont pas localisés sur des points particuliers et déterminés, tels que les faces supérieure et inférieure ; 5° Les appendices situés en arrière de la coupure ne se meuvent plus volontairement, mais répondent parfois régulièrement à des ex- citations extérieures. Fonctions de la région thoragique de la chaîne nerveuse. — A. Macroures. — La portion thoracique de la chaîne est beau- coup plus difficile à atteindre que la portion abdominale. Elle occupe, en effet, une position moins superficielle, et elle est, chez tous les Macroures, protégée par des pièces calcaires dépendant du sternum, qui lui constituent un étui solide, dont il faut préalable- ' M. Milne-Edwards dit à ce propos, dans ses Leçons de physiologie et d'anale- mie comparée, t. XIII, 1" partie, 1878-79, p. 125, note 1 : « Quelques expériences que j'ai eu l'occasion de faire en 1827 sur les Squillesme paraissent prouver que chez les Crustacés les mouvements de la région abdominale du corps sont dus a des actions réflexes seulement lorsque les communications or- ganiques entre les ganglions thoraciques et les ganglions céphaliques ont été inter- rompues. A cette époque, l'attention des physiologistes n'était pas fixée sur les distinctions qu'il convient d'établir entre la sensibilité proprement dite et les impres- sions sentitives inconscientes, en sorte que je considérais alors tous les mouve- ments induits provocables dans la portion abdominale du corps des animaux soumis à ces vivisections comme étant des indices de l'existence de la faculté de sentir dans cette région, et j'interprétais de la même manière les phénomènes analogues que nous avions observés, Audoin et moi, chez des Homards; mais je suis disposé à croire maintenant qu'ils étaient dus en partie à des actions réflexes. » .494 EMILE YUNG. ment se débarrasser lorsqu'on veut léser directement les ganglions. Dans nos expériences, nous avons toujours découvert la chaîne par la face inférieure, d'où elle est beaucoup plus accessible que par la face supérieure. Il s'agit pour cela de faire sauter au moyen de ciseaux solides les pièces sternales qui surplombent en dehors sur la face inférieure, puis les apodèmes qui constituent les faces laté- rales du canal calcaire. Il faut, dans cette opération, user des plus grandes précautions, afin de ne pas léser la substance nerveuse, ni couper les faisceaux qui se rendent dans les membres qui doivent servir de réactifs moteurs et sensibles dans les expériences. Nous procédions généralement en faisant sauter de très petites esquilles que nous retirions les unes après les autres avec les pinces, les dé- tachant de leurs adhérences au moyen du scalpel. C'est à la hauteur des grandes pinces que l'on rencontre le plus de difficultés à cause de l'étroitesse de la face inférieure du canal en ce point. Il faut, au préalable, solidement fixer l'animal, dont les plus faibles mouvements pourraient gêner l'opérateur. Avec un peu d'habitude on parvient après un temps assez court à découvrir complètement la chaîne dans cette région. Nous avons spécialement opéré sur le ganglion sous-œsophagien et indistinctement sur les autres ganglions thoraciques. Parlons d'abord de ces derniers. Si nous faisons pour le moment abstraction du premier ganglion, il nous reste à considérer cinq paires ganglionnaires donnant cha- cune naissance à deux nerfs de chaque côté. Les expériences auxquelles nous avons soumis ces ganglions nous ont donné des résultats analogues à ceux obtenus sur les ganglions abdominaux. Ils sont à la fois sensitifs et moteurs, sans qu'il soit possible de signaler à ce sujet la moindre distinction entre les dif- férentes faces du ganglion. C'est ici le lieu de relater l'expérience dont nous avons déjà cité le résultat, lorsque nous discutions la question de la séparation des deux pouvoirs dans les gangUons ab- dominaux;. Expérience I. — On met à nu la portion thoracique de la chaîne ganglionnaire d'un jeune Homard en bonne santé, en ayant soin de ne pas détruire les relations avec les membres correspondants. Il y a une forte perte de sang que l'on étanche avec une fine éponge, afin d'avoir la chaîne aussi nette que possible. Une fois que l'animal ne fait plus aucun mouvement, on pique SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 49S légèrement, à l'aîde d'une aiguille, la face inférieure du deuxième ganglion, qui, par le fait de sa distance de celui qui le précède et de celui qui le suit, est le plus propre à l'expérience. 11 se produit des mouvements dans la paire de pattes correspondante, ces mouvements se propagent aux paires de pattes voisines et finissent par intéresser tout le corps une fois que la piqûre est plus violente, et qu'on a enfoncé la pointe de l'aiguille dans la substance nerveuse elle-même. Il y a donc sensibilité, et douleur ressentie; du moins, c'est ce que semble témoigner l'animal en se débattant fortement. Les mou- vements sont brusques, ta chaque piqûre nouvelle il fait des efforts pour plier la queue sous l'abdomen, ce qui lui réussit lorsqu'on laisse cette dernière libre. Mais il y a en même temps motricité, car, au début de l'expérience, on n'obtenait que des mouvements loca- lisés. Ainsi, lorsqu'on piquait le côté droit du ganglion, la jambe droite seule répondait par de légers mouvements, qui pouvaient de- venir plus amples lorsqu'on augmentait l'excitation, et se commu- niquaient tout d'abord à la jambe située directement en arrière, avant même que la jambe de l'autre côté eût bougé. Si, au contraire, on s'adressait au côté gauche du ganglion, les mêmes phénomènes se produisaient dans la patte gauche corres- pondante. La face inférieure semble par conséquent sensible et motrice. Il en est de même de la face supérieure. Afin de l'atteindre, il faut se munir d'une aiguille extrêmement fine et d'une grande pa- tience, car on ne réussit pas du premier coup à soulever la chaîne sans la détériorer, de manière à passer l'aiguille sur la face supé- rieure du ganglion, qui est l'inférieure dans la position qu'occupe l'animal. Dans les cas favorables, on peut se convaincre que la face supérieure est sensible et motrice. On peut répéter cette expérience chez l'Écrevisse. Expérience //, — Découvert la chaîne thoracique d'un jeune Ho- mard. On plonge dans le second ganglion thoracique, le même sur lequel a porté l'expérience précédente, une aiguille à cataracte fine et tranchante, de manière à entamer le ganglion à peu près dans le milieu de son épaisseur. L'introduction de l'aiguille parallèlement aux faces du ganglion nest pas aussi facile que pour les ganglions abdominaux, par le fait que les pattes empêchent de lui donner une bonne direction. Il faut introduire l'aiguille entre les pattes et la glisser un peu obliquement après avoir soulevé les régions .496 EMILE YUNG voisines sur de très-fins tubes de verre. On ne réussit généralement qu'à entamer la portion la plus superficielle. Au moment de l'introduction de l'aiguille, l'animal manifeste une très vive douleur. Une fois qu'elle est introduite dans le ganglion, on retourne l'ai- guille en la soulevant brusquement de manière à déchirer les élé- ments de la face inférieure de la chaîne. Dans ce cas, on obtient les mêmes résultats que cenx mentionnés à l'occasion de la même opération sur les connectifs et les ganglions abdominaux, c'est-à-dire qu'on obtient des mouvements en avant du ganglion opéré, lorsqu'on pince la queue par exemple, et que cette dernière bat vivement si on pince les antennes, les pattes mâ- choires, etc. Il y a mouvements de défense et sensation douloureuse dans toutes les parties du corps. En outre, si on interroge la paire de pattes correspondantes, on trouve qu'elle a conservé sa sensibilité aussi bien que ses mouve- ments, quoique ces derniers soient difficiles à provoquer. Le meil- leur moyen pour y parvenir est de pincer fortement les pattes voi- sines. Nous devons avouer n'avoir jamais réussi à réaliser la contre- partie de cette expérience, c'est-à-dire à détruire la face supérieure du ganglion tout en conservant intacte sa face inférieure. Des difficultés inhérentes à la disposition des pièces protectrices de cette portion de la chaîne nous en ont empêché. Nul doute cependant que les résultats n'eussent concordé avec la première partie de l'expé- rience et n'eussent conduit à la même conclusion. Il nous reste à parler du premier ganglion ou ganglion sous-œso- phagien. Nous avons tenu à lui donner une place à part dans cet exposé, parce que les expériences pratiquées sur son homologue chez le Dytique par M. Faivre ont établi qu'au point de vue fonc- tionnel il partage quelques-unes des propriétés de l'encéphale des Vertébrés , c'est-à-dire l'excitabilité et la coordination des mouve- ments. Il est très difficile à découvrir chez le Homard à cause de sa po- sition au-dessous des dernières pattes mâchoires. On ne peut guère y atteindre directement sans détacher celles-ci. Aussi est-ce indirecte- ment, en plongeant une aigiiille à cataracte depuis le niveau des grandes pinces, qu'on réussit à le détruire sans toucher aux pièces de la mâchoire. De cette façon, on ne peut garantir de n'avoir pas altéré SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 497 les organes situés au-dessous, et de là les doutes qu'il est permis de conserver sur l'ensemble de ses fonctions. Nul mieux que nous n'apprécie combien de nouvelles recherches seront nécessaires pour élucider complètement le rôle qu'il remplit dans la chaîne ganglion- naire. Quoi qu'il en soit, voici les résultats bruts de nos expériences: Expérience I. — Un Homard de petite taille est préparé de manière à permettre l'introduction d'une aiguille dans la masse du ganglion sous-œsophagien. Au moment de la pénétration de l'aiguille dans la masse nerveuse, on a peine à maintenir l'animal en position, tant la douleur est vive et la contraction violente. Si immédiatement après l'opération on le replonge dans l'eau, il donne un violent coup de queue en pénétrant dans le liquide, puis il descend la tête la première au fond de l'aqua- rium, conservant pendant un moment une position inclinée, la partie postérieure du corps demeurant la plus élevée. Les pattes et les fausses pattes ne sont point paralysées, mais ne répondent plus que par action réflexe aux excitations Parfois môme on saisit quelques mouvements en apparence spontanés, mais sans aucune régularité ni coordination. Les palettes caudales sont large- ment étalées et la queue étendue. Si l'on vient à toucher cette der- nière, elle est ramenée sous l'abdomen, et alors les palettes caudales se rapprochent. Mouvements alternatifs d'ouverture et de fermeture de l'anus. L,a partie antérieure du corps est plus fortement atteinte. Toutes les pièces de la mâchoire et les pattes mâchoires sont paralysées. On ne réussit pas à y provoquer le moindre mouvement. Les palpes qui président au renouvellement de l'eau dans la chambre branchiale sont également immobiles. De plus, la sensibilité est éteinte dans toutes ces pièces. On peut les couper, les pincer, sans que l'animal manifeste la moindre douleur. Il ne manifeste rien non plus lorsqu'on approche un morceau de viande de ces appendices. Les yeux et les antennes ont conservé leur mobilité et leur sensi- bilité, contrairement à une observation de Lemoine sur l'iicrevisse. Le Homard, couché sur le dos, ne fait aucun effort pour se relever, à condition cependant qu'on n'excite pas sa partie postérieure. Dans ce cas, il se peut qu'il reprenne sa position par un coup de queue ré- flexe. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VU. 1878. 32 498 EMILE YUNG. Lorsqu'on introduit un corps étranger entre les grandes pinces, celles-ci le serrent sans beaucoup de force; mais si on touche aux yeux ou aux antennes, on ne voit aucun mouvement de défense. Expérience II. — Pratiquée sur un Palémon. Chez cet animal les ganglions thoraciques sont tellement rapprochés qu'ils ne constituent plus qu'une seule masse allongée dont les différentes pièces sont à peine distinctes. Cependant, si on introduit à travers la carapace une aiguille au niveau de la portion antérieure de cette masse nerveuse et qu'on l'y agite rapidement en différents sens, l'animal manifeste de vives dou- leurs. Les pièces masticatrices sont paralysées et anesthésiées. Remis dans l'eau, il donne un ou deux coups de queue, puis il tombe au fond de l'aquarium, oîi il ne tarde pas à mourir, ne répondant plus à aucune excitation. La coloration de l'animal a pâli à la suite de l'opération. Expérience III.— Réi^été les expériences précédentes sur l'Ecrevisse en suivant pour la technique les observations de Lemoine. Les résul- tats concordent avec ceux énoncés plus haut. Ils diffèrent de ceux énoncés par Lemoine en ce qu'après la destruction du ganglion en question, les appendices céphaliques nous ont toujours paru avoir conservé leur sensibilité aussi bien que, leur pouvoir moteur. Lors- qu'on pince une de leurs antennes internes, l'antenne opposée se met abattre violemment. Il y a encore des mouvements volontaires comme avant l'opération. Le même auteur nous apprend que dans cette vivisection l'Ecre- visse meurt au milieu de mouvements convulsifs. Nous n'avons jamais rien noté de semblable chez nos animaux. Expérience IV. — On peut arriver à détruire un des côtés seulement du ganglion sous-œsophagien. C'est ce qui nous a réussi chez un Homard, qui avait alors complètement conservé son mouvement et sa sensibilité dans les pièces de la mâchoire du côté non lésé. Dans cette expérience, l'aiguille avait atteint le côté droit. Tous les appendices situés au-dessous de la blessure furent altérés dans leurs mouvements, tandis que ces derniers restèrent normaux dans les membres du côté opposé. De là un défaut de coordination entre les mouvements des membres de la partie droite et de la partie gauche du corps et pré- dominance des mouvements de la partie non lésée. Delà un mouve- vement selon une ligne courbe du genre de ceux que nous aurons à décrire plus loin en parlant du cerveau. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 499 Il faut ajouter que si on pince une patte du côté lésé en arrière de la blessure, non seulement elle répond, mais elle suscite encore des mouvements de douleur dans les membres voisins et jusque dans les appendices céphaliques. La conductibilité sensitive se fait par conséquent au cerveau, centre moteur des antennes et des yeux, à travers la portion gauche du ganglion thoracique, ce qu'on peut s'expliquer si on se rappelle les faisceaux fibreux qui établissent une commissure entre les deux moitiés de chaque ganglion. En résumé, on peut dire que le ganglion sous-œsophagien se con- duit à la manière des autres masses ganglionnaires de la région thoraci- que, qu'il joue le rôle de centre moteur pour les pièces de l'appareil masticateur et que sa destruction abolit tout mouvement volontaire dans les appendices de la région postérieure du corps. B. Brachyures. — Nous avons opéré sur un grand nombre de Crabes d'espèces voisines : Cancer menas, Portunuspuber, Cancer parag us, etc. Nous savons que, chez ces animaux, les ganglions thoraciques ne constituent qu'une seule masse annulaire située sur la face ventrale de la cavité thoracique, que cette masse est percée d'un orifice par lequel peut passer l'artère sternale, en sorte qu'il n'est pas possible de détruire les ganglions sans déchirer cette dernière, ce qui rend ces animaux peu propres aux expériences physiologiques sur ce ganglion. Du reste, il faut pratiquer des lésions considérables pour le décou- vrir, en sorte que nous nous sommes contenté de l'atteindre du dehors au moyen d'une forte aiguille, après avoir exactement noté sa posi- tion par rapport à la face inférieure de la carapace. Expérience I. — Plongé une aiguille à travers la carapace à la hau- teur du ganglion thoracique. Vive douleur. L'aiguille est agitée dans différentes directions. A ce moment, les pattes se détendent brusque- ment et demeurent paralysées dans une position à peu près horizon- tale. Les pièces masticatrices et les pattes mâchoires sont également atteintes. La sensibilité a aussi disparu, car on peut pincer ou cou- per les pattes en petits morceaux, sans qu'il y ait de mouvements, ni dans les appendices céphaliques, ni dans l'abdomen. Les appendices céphaliques sont normaux, les antennes internes frappent l'eau; si on réussit à en saisir une au bout de la pince, l'autre se rétracte aussitôt; il en est de même pour les yeux. Le phénomène est moins sen.sible pour les antennes externes, dont les mouvements sont plus res- treints. 500 EMILE YUNG. Lorsqu'on ouvre l'abdomen, il se replie aussitôt sous le thorax, tandis que les pattes paralysées demeurent dans la position qu'on leur a donnée. Il est rare d'arriver du premier coup à détruire complètement le ganglion, et lorsque l'aiguille n'en a atteint qu'une partie, diverses pièces de la mâchoire et certaines pattes peuvent conserver leur mo- bilité. Afin de nous assurer des parties touchées par l'aiguille, nous enle- vions toujours le ganglion après la mort de l'animal et l'examinions soigneusement à la loupe. Dans les cas où la partie droite du ganglion avait été détruite et où la partie gauche était demeurée intacte, on obtenait des mouvements de rotation, mouvements analogues à ceux observés chez le Ho- mard. Après la lésion partielle du ganglion sous-œsophagien, ce mouvement rotatoire est évidemment dû à un défaut d'équilibre qui est la conséquence de l'altération des mouvements volontaires dans l'un des côtés du corps ou même de l'abolition absolue des mouve- ments de ce côté. 11 faut bien remarquer, en effet, que lorsque la destruction de la substance nerveuse est complète d'un côté du ganglion, les mouve- ments des membres du même côté se trouvent par ce fait complète- ment abolis et qu'on n'y obtient plus de mouvements réflexes. Ce n'est que dans des cas de destruction incomplète que cer- tains membres pouvaient encore répondre à des excitations périphé- riques. Expérience IL — Un gros Cancer paragus meurt dans l'aquarium pendant la nuit. Le lendemain matin on découvre son ganglion thoracique en ayant soin de conserver les relations avec les mem- bres. Les nerfs sont encore irritables. En posant la pince électrique sur le ganglion, on provoque des mouvements dans tous les appendices, aussi bien les pièces buccales que les pattes. Si le courant est fort (bobine fermée), on réussit même à provoquer des mouvements dans les antennes, par une dérivation du courant sur le cerveau à travers les connectifs de l'anneau œsophagien. Avec un très faible courant, on peut localiser, au contraire, l'excitation et produire des mouve- ments dans les pattes et les pièces de la mâchoire d'un seul côté. L'excitation d'un nerf ne suscite de mouvements que dans le lieu où il se rend. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DECAPODES. 501 Nous ajouterons ici que chez les Crabes morts naturellement, l'excitabilité nerveuse peut se conserver parfois pendant vingt-quatre heures et même davantage. Expérience III. — Si on plonge l'aiguille verticalement dans la masse thoracique, sans dilacérer le ganglion, on réussit parfois à obtenir la paralysie d'un membre seulement. C'est ce qui est arrivé à deux re- prises chez un Cancer menas et un Portunus puber. Nous pouvons conclure de ce fait qu'il existe bien réellement un rapprochement intime des divers ganglions et non une confusion complète de leurs éléments. On peut varier ces expériences, en débarrassant la place occupée par les ganglions de l'enveloppe calcaire qui la recouvre et en agis- sant alors sur la substance nerveuse avec une aiguille chauffée au rouge. Somme toute, nous voyons que le gros ganglion composé des Bra- chyures se comporte de la même manière que les ganglions plus distancés des Macroures. L'anatomie comparée pouvait nous faire prévoir ce résultat. Fonctions du ganglion sus-cesophagienou cérébroideet des connectifs DE l'anneau cesophagien. — La position de ce ganglion sur la face dorsale de l'œsophage, son développement considérable, l'importance des organes auxquels se rendent les nerfs qui y prennent naissance, la complication de structure que nous avons fait ressortir dans la première partie de ce mémoire, donnaient un intérêt tout particulier à son étude physiologique. Nous ne connaissons, à propos des fonctions de cet organe chez les Crustacés, que les recherches déjà souvent citées de Lemoine sur l'Ecrevisse. Quant aux Crustacés brachyures, que nous avons fréquemment employés, parce qu'ils se prêtent fort bien à de pareilles études, nous ne connaissons aucun travail physiologique sur leur cerveau. A. Macroures. Nous avons expérimenté sur le Homard, le Palémon et l'Ecrevisse. Pour atteindre le cerveau, nous avons surtout suivi les indications minutieuses dans lesquelles Lemoine est entré en décri- vant les pièces protectrices de cet organe . Nous avons appliqué les connaissances ainsi acquises sur l'Ecrevisse aux autres Macroures, après avoir procédé à une étude spéciale de la position du cerveau 502 EMILE YUNG. par rapport aux pièces environnantes. Nous attaquions toujours l'animal vivant et non chloroformé. Il nous faut avouer que ce n'est qu'après bien des essais infruc- tueux que nous sommes parvenu ;\ opérer en toute connaissance de cause ; c'est pourquoi nous croyons devoir résumer ici quelques notions indispensables pour comprendre le mode d'opération, ren- voyant le lecteur, pour plus de détails, au travail cité plus haut. Ce que nous allons dire peut s'appliquer en général aux trois espèces qui nous ont servi. La masse cérébrale est renfermée dans une espèce de boîte cal- caire. Les pièces qui la constituent présentent à leur point d'union de légères saillies ou des dépressions qui deviennent d'un grand secours comme points de repaire correspondant à telle ou telle région du cer- veau. Le cerveau occupe une position moyenne au niveau du second anneau céphalique. Pour l'atteindre de la face inférieure, il fau- dra enlever la pièce sternale de cet anneau, ce qui n'est guère possible sans enlever en même temps les antennes internes auxquelles cette pièce est directement accolée, ou bien percer cette pièce au moyen d'une forte aiguille, après l'avoir préalablement amincie avec un scalpel. Dans le premier cas, on produit une mutilation qui affaiblit beau- coup l'animal, en lui faisant perdre une grande quantité de sang, et l'on se prive des antennes internes qui peuvent être utiles comme réactif physiologique. La pièce sternale dont il s'agit est triangulaire chez le Homard, son angle antérieur vient s'appliquer contre la base des antennes internes. Il existe en ce point un intervalle membraneux à travers lequel il est encore possible d'atteindre le cerveau, en y passant convenablement une aiguille au moyen de laquelle on pourra, selon les cas, simple- ment piquer ou bien dilacérer et détruire complètement le cerveau. Si l'on veut atteindre le bord supérieur ou le bord inférieur, il faudra recourir à une aiguille courbe introduite convenablement dans cet intervalle. On peut encore se servir, à la place d'aiguille, d'une fine canule en platine au moyen de laquelle on fait pénétrer dans la substance ner- veuse divers réactifs (acides, glycérine, etc.). En opérant par l'intervalle membraneux dont nous venons de SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 503 signaler l'existence, on a l'avantage de ne pas faire perdre de sang à l'animal ; par contre, il faut bien des tâtonnements afin d'agir d'une manière certaine, et pour certaines questions l'ablation des antennes sera préférable. Lorsqu'on veut isoler le cerveau de ses relations postérieures en coupant les connectifs de l'anneau œsophagien, il faudra agir sur la saillie losangique qui fait suite à la plaque sternale et qui est le résultat de la suture de la seconde avec la troisième pièce cépha- lique. Pour la marche à suivre, nous rapporterons ce que Lemoine en dit chez l'Ecrevisse ; on peut presque en tous points l'appliquer chez le Homard : « Les deux côtés antérieurs du losange sont les plus prononcés. Les deux côtés postérieurs, dirigés vers la dépression de la carapace qui précède l'orifice buccal, sont beaucoup moins prononcés, ainsi que l'angle qui les unit. u Une aiguille enfoncée directement en haut, au niveau de l'angle antérieur du losange, vient s'insinuer entre les deux pédoncules cé- rébraux (lisez : les connectifs de l'anneau œsophagien), immédiate- ment à leur point de départ de la masse cérébrale... « Ces pédoncules sont assez profondément situés et séparés de la partie correspondante de la carapace par une artère qui va se rendre à la face antérieure du cerveau. « Il n'est donc guère possible, pour arriver aux pédoncules, de ne pas entamer ce vaisseau; aussi en résulte-t-il une hémorrhagie qui a le double inconvénient de masquer la vue des parties profondes et d'af- faiblir l'animal. « Il faut donc agir rapidement, et par une méthode telle que l'on n'ait pas besoin de s'aider de la vue. (( Voici le procédé qui nous a le mieux réussi : « Avec la pointe d'un assez fort scalpel enfoncée obliquement sur l'un des côtés antérieurs de l'éminence losangique, ou fait sauter la plaque correspondante. « On enfonce alors directement en haut, en s'appuyant contre la dépression correspondant à l'angle antérieur, la lame mince d'un petit scalpel à extrémité mousse, le dos de la lame dirigé en avant. (' On doit prendre le plus grand soin pour que la lame conserve la position parfaitement verticale, de telle sorte qu'elle s'introduise tout naturellement entre les deux pédoncules. En effet, la moindre dévia- bOi EMILE VUNG. tion suffit pour la diriger soit au niveau d'un des pédoncules, qui est alors plus ou moins contus et éloigné de sa position primitive, soit môme en dehors de ces cordons nerveux, u Ouand on a évité cette cause d'erreur et que la lame paraît placée entre les deux pédoncules, on glisse sur l'une de ses faces les pointes entr'ouvertes d'une paire de ciseaux très fins, et l'on sectionne, soit l'un des pédoncules, soit les deux, en agissant de même sur l'autre côté de la lame du scalpel. « Aussitôt après l'opération, on essuie les bords de la plaie, pour permettre l'adhérence d'un petit fragment de cire légèrement échauffée entre les doigts, et l'on remet l'animal dans l'eau. « On peut également, par l'orifice pratiqué au niveau du tubercule losangique, appliquer divers excitants sur les pédoncules laissés intacts. » Outre ces procédés, nous avons tenté d'atteindre le cerveau par sa face supérieure. Cette méthode est difficile, mais non impossible. Si d'un côté elle affaiblit beaucoup l'animal, elle permet de se rendre compte de visu des différentes régions du cerveau et de pro- céder avec plus de certitude. Nous nous en sommes surtout servi pour contrôler et vérifier certains faits que les méthodes précédentes nous avaient appris. Pour cela, on fait sauter le rostre, qui, chez le Homard et le Palémon, est fort prolongé en avant, puis on introduit dans la fente qui en résulte de fins ciseaux que l'on dirige délicatement, de ma- nière à découper dans les parties les plus superficielles un espace rectangulaire d'où l'on détache ce fragment de carapace avec un scalpel. On arrive ainsi sur les membranes, dont on se débarrasse avec la pince et le scalpel jusqu'au point où le cerveau se montre à décou- vert. Si l'on agit rapidement, l'animal est encore parfaitement vivace et il ne nous est jamais arrivé d'en voir mourir pendant l'opération. Cependant, il s'épuise après un temps qui varie beaucoup d'un in- dividu à l'autre, mais qui est en général suffisant pour pratiquer l'ex- périence. Si on replace l'animal dans l'eau, dans cet état, et sans agir sur le cerveau, il reprend ses allures ordinaires et survit une heure ou deux, quelquefois davantage... C'est ainsi qu'un Homard opéré comme nous venons de le dire, à quatre heures après midi, le 19 août, se SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 505 trouvait encore en vie le lendemain matin à dix heures, heure à la- quelle il fut soumis à une expérience. Ces notions acquises, voyons quels ont été les résultats obtenus. Expérience I. — Le cerveau d'un Palémonde grande taille est mis à nu par sa face inférieure. Pendant l'opération, mouvements généraux de douleur. L'animal, tenu jusqu'alors dans la main, est fixé sur une légère planchette et l'on attend qu'il ait recouvré le repos. On approche alors la pointe d'une fine aiguille de la face décou- verte et l'on suit sous la loupe les mouvements donriés à cette pointe. Au moment où elle est appliquée sur le cerveau, il se manifeste des mouvements de sensibilité générale, le bout de la queue demeuré libre se redresse brusquement, les pattes antérieures éprouvent un léger tremblement. Si on presse la pointe un peu fortement, les mou- vements deviennent plus intenses, ils sont surtout sensibles dans les antennes externes et les yeux. (Nous ne pouvons parler des antennes internes qui ont été blessées pendant l'opération.) On substitue à l'aiguille la pointe d'un scalpel chauffé au rouge, et on l'applique sur la face cérébrale, en ayant soin de ne pas l'enfoncer. Vive douleur, tremblement des pattes antérieures, les fausses pattes frappent l'air avec rapidité. L'animal semble un moment épuisé, et, à la suite de la brûlure, l'attouchement avec la pointe de l'aiguille semble le laisser insensible. Cependant, si on fait pénétrer légèrement l'aiguille dans la sub- stance nerveuse, on obtient des mouvements dans les appendices an- térieurs. Ces mouvements sont localisés, ils n'intéressent que l'antenne ex- terne et l'œil correspondant au côté piqué dans le cerveau. Des mouvements analogues peuvent se manifester en arrière, dans les pièces de la mâchoire, les pinces, les pattes et les fausses pattes de la moitié du corps correspondant au côté du ganglion atteint par l'aiguille. Mais ces mouvements s'éteignent bien avant ceux de l'an- tenne et de l'œil. Ils ont même si complètement disparu que, dans les tentatives que nous faisons pour les réveiller, en opérant toujours sur la même portion du cerveau, l'animal donne un violent coup de queue sans qu'aucune des pattes ait bougé. Comme nous essayions d'atteindre la face supérieure du cerveau, l'animal réussit à se détacher, et s'affaiblit tellement qu'il ne nous paraît plus propre à la continuation de l'expérience. 506 EMILE YUNG. Expérience 11. — Le cerveau d'un Palémon est mis à découvert par sa face inférieure. L'animal est fixé. On applique sur le ganglion une petite goutte d'eau acidulée avec de l'acide chlorhydrique ^ Mouvements généraux de douleur qui durent environ une minute. L'animal, une fois calmé, est excité mé- caniquement avec la pointe d'une aiguille. Mouvements locaux dans les appendices correspondant;au côté blessé. Le cerveau est alors com- plètement écrasé entre les mors d'une petite pince; mouvements et soubresauts dans tout le corps. L'animal est aussitôt détaché et re- placé dans l'aquarium ; il tombe au fond, sans plus exécuter le moin- dre mouvement. Retiré une minute plus tard, on obtient des réflexes dans les fausses pattes, en pinçant fortement les palettes caudales. Le cœur, mis à découvert, bat rapidement, et ses mouvements se continuent, en se ralentissant progressivement pendant vingt minutes. Expérience 111. — Découvert le cerveau d'un Homard par sa face inférieure. Son excitation mécanique produit les mêmes effets que dans l'expérience L Les mouvements généraux disparaissent bientôt, par suite de l'affaiblissement, et l'animal rentre en repos. On réussit à glisser une fme aiguille courbe sur la face supérieure du ganglion, et on obtient les mêmes mouvements généraux de dou- leur que sur la face inférieure, alors que celle-ci n'en éveille plus. Ce fait n'a rien d'étonnant, et il faudrait se garder d'en conclure que la face supérieure est plus sensible que l'inférieure. On doit re- marquer en effet que cette dernière, découverte depuis quelques in- stants, a pu perdre son excitabilité au contact de l'air, tandis que la supérieure, tenue à l'abri de cet élément par le liquide ambiant, l'a conservée à peu près normale. E xj)érience IV . — Découvert le cerveau d'un petit Homard par sa face supérieure. L'animal, replacé un moment dans l'eau, à la suite de l'opération, ne présente rien de particulier. H est fixé sur une plan- chette, et l'on répète sur lui les mêmes expériences que précédem- ment. Les résultats sont d'une netteté remarquable, et toujours dans le môme sens que ceux obtenus en expérimentant sur la face infé- rieure du ganglion. 1 Dans d'autres expériences qu'il est inutile de relater ici, nous avons obtenu les mêmes résultats avec l'alcool, la glycérine, l'ammoniaquCj le biclilorure de mercure^ l'acide picrique, l'acide chromique, etc. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 507 On peut donc en conclure que les faces supérieure et inférieure du cerveau se comportent de la même manière vis-à-vis des excitants. Sur le môme animal, nous détruisons, par dilacération à l'aide d'une aiguille, le lobe droit. La dilacération est accompagnée d'un violent coup de queue et de mouvements des pattes droites. (11 faut noter que l'animal est affaibli par les essais précédents.) Remis immédiatement dans l'eau, il donne un coup de queue qui l'envoie frapper contre la paroi de l'aquarium, puis il marche à recu- lons avec les pattes gauches ; les pattes droites exécutent bien des mouvements locomoteurs, mais ils sont désordonnés. De cette ma- nière il parcourt une ligne courbe, jusqu'à ce que, rencontrant un angle de l'aquarium, il s'y arrête et y demeure tranquille pendant vingt minutes, sans exécuter de mouvements volontaires. Après ce temps, il est retiré de l'eau. Le pincement des fausses pattes provoque des mouvements dans les pattes voisines des deux côtés. L'œil et les antennes du côté droit sont insensibles et immobiles. L'œil gauche se retire lorsqu'on le touche ; si on pince l'antenne in- terne du même côté, l'externe se meut, et réciproquement, mais on peut les couper sans éveiller de mouvements généraux. Deux heures après, l'animal ne donne plus aucun signe de vie. (L'expérience a duré une demi-heure.) Le cœur, découvert, donne encore quelques rares pulsations. Expérience V. — Détruit complètement le cerveau sur un Palémon au moyen d'une aiguille chauffée au rouge, plongée par un petit orifice pratiqué sur la face supérieure de cet organe. L'animal remis dans l'eau tombe au fond sur le dos sans faire Je moindre mouvement. Nous l'y laissons environ cinq minutes, essayant, mais sans y réussir, de provoquer chez lui quelques mou- vements en le taquinant avec une baguette de verre. Il est alors ressorti et l'on peut s'assurer que la chaîne ganglionnaire est très- excitable ; si l'on applique au-dessus, sans la découvrir, la pince électrique, la queue se contracte violemment et tous les membres frappent l'air. Mais il n'est plus possible d'y saisir le moindre mouvement volontaire , et l'animal abandonné demeure tout à fait immobile. Expérience VI. — Répété la même expérience (destruction totale du cerveau) sur un Homard de taille moyenne. A l'instant où il est rerais dans l'eau, il donne un coup de queue (action réflexe due o08 EMILE YUNG. au contact de l'eau) ; puis il tombe au fond de l'aquarium, où il de- meure parfaitement immobile. On peut pincer ou exciter de toute autre manière les antennes ou les yeux, on n'obtient pas de mou- vements. Au contraire, si on lui pince la queue en la prenant par la face supérieure, il agite violemment les fausses pattes et même les pattes d'une manière irrégulière. Si on introduit entre les pinces une baguette de bois ou tout autre objet, il est serré, et même assez fortement pour qu'on puisse sou- lever de cette manière l'animal hors de l'eau ou pour qu'on ressente une douleur notable si on y glisse un doigt. Les mouvements réflexes se manifestent encore, mais très affai- blis, une heure après l'opération. Expérience VII. — On détruit le cerveau sur une Écrevisse en l'at- teignant par la face supérieure. L'animal remis dans l'eau exécute un mouvement de culbute d'avant en arrière, la tête la première. Puis il demeure immobile au fond du verre. Il répond aux excitations mécaniques comme dans les cas précédents. Le mouvement de cul- bute que nous venons de mentionner s'est reproduit dans une autre de nos expériences pratiquée sur un Palémon. Nous aurons à citer plus loin de pareils mouvements chez les Crabes. Expérience VIII. — Coupé sur un Homard, le connectif qui unit lo cerveau au ganglion sous-œsophagien du côté gauche. Le connectif est sensible, au moment de la fermeture des ciseaux il y a des mouvements généraux de douleur. L'animal remis dans l'eau tombe au fond du vase du côté gauche. Si on l'excite, il fait des efforts pour se relever ; mais il n'y a plus de coordination des mouvements, et il tombe du côté droit, puis sur le dos. On voit alors les pattes et les fausses pattes du côté droit battre régulière- ment l'eau, mais sans résultat. Il y a bien aussi des mouvements dans les pattes du côté gauche; mais ces mouvements ne présentent aucune régularité, aucun ensemble. Si on pince l'animal à la queue, il se montre des mouvements généraux dans tout le côté droit, tandis que du côté gauche ce ne sont que les pattes les plus voisines qui répondent. Les grandes pinces agissent des deux côtés et se referment sur un objet introduit entre leurs deux branches. La contraction est plus forte du côté droit que du côté gauche. Un morceau de viande placé au-devant de la bouche suscite des mouvements dans les pièces masticatrices des deux côtés, mais ces SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 509 mouvements sont désordonnés, et l'animal ne réussit pas à saisir la viande. Les antennes du côté gauche se retirent lorsqu'on les pince, aussi bien que celles du côté droit. 11 en est de même pour les yeux. La sensibilité des appendices céphaliques est parfaitement intacte, et ils produisent des mouvements volontaires. Expérience IX. — Coupé sur un Homard et une Écrevisse le connectif de l'anneau œsophagien du côté droit. On obtient les mêmes résul- tats que dans l'expérience précédente, seulement en sens inverse, c'est-à-dire que les altérations et la perte du mouvement volontaire se font sentir du côté lésé. Expérience X. — On met à nu le cerveau par la face inférieure sur une Écrevisse, puis on le traverse verticalement de la face inférieure vers la supérieure avec une aiguille chauffée au rouge, à la racine du nerf optique gauche. L'œil correspondant a perdu sa sensibilité, en ce sens qu'on peut le couper sans que l'animal manifeste de la douleur et sans qu'il retire le tronçon. L'antenne interne est dans le même état, mais l'externe a conservé sa sensibilité. On peut parvenir avec une fine aiguille employée à froid à limiter l'anesthésie et la paralysie à un seul œil, tout en- conservant intactes les deux antennes correspondantes. Cette expérience est intéressante en ce qu'elle montre bien comment les centres moteurs et sensitifs des différents appendices céphaliques sont bien localisés dans le cerveau. Expérience XI. — Mis à nu le cerveau d'une Écrevisse par sa face inférieure. On plonge l'aiguille verticalement dans les mamelons latéraux sur leur face antérieure. Les résultats ne sont pas toujours comparables par le fait qu'il est difficile de toucher dans tous les cas exactement le même point. En général, on obtient des altérations dans la sensibilité et le mouvement dans les antennes interne et ex- terne et dans l'œil du côté correspondant. Quelquefois le mouvement est paralysé dans l'un ou l'autre de ces organes, alors que la sensi- bilité est conservée. Nous n'avons pas, à cet égard, de résultats bien tranchés. Toutefois nous croyons pouvoir appeler l'attention sur les altérations des mouvements de l'œil, alors même qu'on a pris des précautions pour ne pas détruire les mamelons antérieurs du cer- veau, car ils peuvent s'expliquer par le fait anatomique que nous avons signalé que des fibres partant de la masse médullaire consti- tuant les mamelons latéraux se rendent dans le lobe optique. Expérience XII. — Après avoir mis à nu le cerveau de l'Ecrevisse blO EMILE YUNG. par sa face infcrieiirc, nous le fendons transversalement de gauche à droite, à peu près à égale distance de ses bords antérieur et pos- térieur. Les mouvements de douleur sont lents à se calmer. Voici les résultats bruts que nous trouvons dans notre cahier de notes : Conservation de la sensibilité et du mouvement dans les deux yeux, perte de la sensibilité dans les antennes externes. Les antennes in- ternes ont été détruites dans l'opération. Dans la partie postérieure du corps, aucun mouvement volontaire n'est manifesté, mais tous les mouvements réflexes auxquels nous sommes habitués. Les résultats sont un peu différents dans d'autres expériences. Parfois les antennes externes avaient conservé leur sensibilité, ou bien on pouvait constater des mouvements dans les membres, etc. Ces différences sont dues assurément à la difficulté que l'on ren- contre, vu la petitesse de l'organe, à diriger toujours le scalpel exac- tement dans la même direction et à la même hauteur. Elles montrent en général cependant que l'intégrité du cerveau est nécessaire pour l'élaboration des actes volontaires. Dans aucun cas nous n'avons vu se produire ces derniers mouve- ments chez des animaux dont le cerveau avait été détruit ou profon- dément altéré. Nous avons encore tenté quelques expériences sur le centre des perceptions auditives. Nous produisions à cet effet des sons auprès de l'anim^il après avoir détruit certaines régions du cerveau, mais nous n'avons pas obtenu de résultats assez nets et significatifs pour être rapportés ici. B. Brachyures. — \\ était intéressant de vérifier chez les Brachyures les faits dont nous venions d'être témoin chez les Macroures. Nous y avons procédé dans une large mesure à Roscoff, où l'abondance des Crabes est extrême. Nous avons procédé surtout sur trois espèces. Cancer menas, Cancer paragus ei Portunus puber. Ce dernier Crabe est celui qui se prête le mieux à ces expériences, soit à cause de l'agilité de ses mouvements et de son extrême irrita- bilité, de la facilité avec laquelle il supporte les plus graves mutila- tions, soit enfin à cause de la mollesse relative de sa carapace, qui se laisse aisément entamer. Aussi avons-nous répété sur lui presque toutes nos expériences et est-ce lui que nous proposons aux physiolo- SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 5H gistes pour répéter de pareilles recherches et pour en donner la démonstration dans un cours. Pour découvrir le cerveau, on glisse les pointes d'une paire de ciseaux sur les faces latérales de la petite saillie qui termine en avant le rostre de la carapace et qui borde les points d'insertion des antennes internes. Il faut avoir soin de ne pas léser ces dernières. La carapace ainsi détachée de ses adhérences inférieures, on glisse la lame d'un scalpel ou de fins ciseaux sur le bord supérieur des articles basilaires des antennes internes et l'on pénètre de cette façon sur la face supérieure de la carapace, que l'on sectionne de manière à pratiquer une petite fenêtre au-dessus du cerveau. Il y a une grande perte de sang, l'animal est affaibli, il faut le laisser reposer. Le lendemain, on le trouve plus alerte, il paraît remis de l'opération, il mange de la viande. On peut le conserver ainsi pen- dant plusieurs jours. Nous avons eu pendant dix jours dans nos vases à Roscoff un Fortune opéré de cette manière; il s'était complètement rétabli, et quoique portant une fenêtre de 6 millimètres de côté dans la portion antérieure de la carapace, il se comportait comme un Crabe normal. Fixer un Crabe sur une planchette au moyen d'une ficelle est une opération peu commode; l'épingler par ses pattes est inutile, attendu qu'il laisse tomber ces dernières, si ce n'est immédiatement, au moins pendant l'expérience (le Tourteau est surtout remarquable pour la facilité avec laquelle il se débarrasse de ses membres). Nous nous sommes contenté pendant l'opération d'envelopper l'animal tout entier dans un linge, dont on lui avait fait pincer quelques plis, puis d'opérer avec la main droite, pendant que de la gauche on tient tous les membres appliqués contre le corps. De cette manière on l'immo- bilise complètement. Un instant avant l'expérience sur un Crabe préparé comme nous l'avons dit, il s'agit encore de rendre visible le cerveau en enlevant les membranes qui le recouvrent. De la délicatesse est absolument nécessaire dans cette opération. Nous n'avons opéré que par la face supérieure du cerveau, mais nous nous sommes assuré avec l'aiguille courbe que la face inférieure était également sensible. E XTpérience XU l . — Sur un Cancer paragus de taille moyenne pré- paré depuis la veille, on détruit le cerveau en promenant dans sa ré- gion une aiguille en différents sens. Si2 EMILE YUNG. Signes de douleur, mouvements généraux. Immédiatement après l'opération les antennes et les yeux sont complètement insensibles. Les pattes exécutent des mouvements désordonnés qui durent long- temps. L'abdomen, ordinairement ramené sous le thorax, est étendu, et les fausses pattes exécutent également quelques mouve- ments. L'animal est remis dans l'eau, il incline en avant et, se poussant vi- vement avec les pattes postérieures, il exécute une culbute complète et repose sur le dos. Redressé dans sa position normale, il culbute de nouveau, et cela plusieurs fois de suite. On doit attribuer ce défaut d'équilibre à la prédominance des mou- vements des pattes postérieures et à la perte de la sensibilité dans les appendices antérieurs. Le lendemain, vingt-quatre heures après l'opération, l'animal pa- rait mort au fond du bocal ; cependant les pattes-mâchoires répondent encore lorsqu'on les pince. Fait singulier : l'œil et l'antenne externe du côté gauche, qui la veille paraissaient complètement insensibles, ont recouvré leur sen- sibilité et leur mouvement, car l'animal peut sortir l'œil de sa fos- sette après qu'on l'y a fait rentrer en le pinçant. Les mêmes organes du côté droit sont toujours complètement pa- ralysés. La sensibilité provient bien évidemment d'une destruction incom- plète du cerveau dans la région gauche, et, en effet, si on promène de nouveau Taiguille dans cette région, on abolit complètement ce res- tant de sensibilité et de mouvement. A ce moment, l'animal saisit encore le doigt introduit entre ses pinces, mais d'une manière très faible et insuffisante pour s'y soutenir hors de l'eau. Un morceau de viande appliqué contre les pièces masticatrices y provoque de légers mouvements réflexes. Deux jours après l'opération, l'animal est tout à fait mort, le cœur ne bat plus, et on n'y réveille pas de mouvements par une excitation mécanique. Expérience XIV. — Coupé sur un Cancer menas, préparé quelques heures auparavant, le connectif de l'anneau œsophagien du côté droit. L'animal est très sensible, et, au moment de la fermeture des ciseaux, il y a des mouvements de douleur. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 513 Immédiatement remis clans l'eau, on note sur l'animal les altéra- tions suivantes : Inclinaison de tout le corps du côté droit. Mouvements désordonnés des membres de ce côté et prédominance des mouvements du côté opposé, ce qui fait décrire à l'animal un mouvement circulaire de droite à gauche. Ce mouvement de rotation est plus sensible lorsqu'on sort l'animal de l'eau et qu'on le fait mar- cher sur la table. L'abdomen demeure replié sous le thorax dans sa position nor- male. L'œil et les antennes du côté droit sont tendus en avant, l'antenne interne complètement raidie, mais ces organes ont conservé leur mobilité et leur sensibilité. lisse retirent lorsqu'on les pince. Les mêmes organes du côté gauche ne présentent rien de particu- lier, l'antenne interne frappe l'eau comme à l'ordinaire. L'animal parait rétabli une heure après l'opération, mais il incline toujours du côté droit. C'est alors que l'on coupe l'autre connectif du côté gauche, près de son point de départ du cerveau. L'animal relâché immédiatement exécute cinq ou six culbutes en tournant cette fois tète arrière, à retour de l'axe transversal du corps, puis il demeure immobile sur le dos. Lorsqu'on l'excite, il répond par action réflexe. Les appendices antérieurs sur la tête paraissent avoir conservé le mouvement volon- taire ; mais ces mouvements sont de courte durée, et deux heures après le Crabe paraît mort, le cœur ne bat plus. Expérience XV.— Sur un Fortune préparé delà veille et aujourd'hui très alerte on détruit complètement le cerveau en le pinçant entre des pinces dentelées. Mouvements désordonnés des membres, cul- butes en avant provenant de la prédominance des mouvements des pattes postérieures ; pendant la culbute le Crabe tient ses pinces ra- menées sous le thorax et n'essaye pas d'y trouver un point d'appui. Paralysie et anesthésie complètes des différents appendices cépha- liques (yeux, antennes internes et externes). On peut écraser l'œil entre de fortes pinces sans que l'animal témoigne de la moindre douleur. Renversé sur le dos, les pattes, et principalement les pattes mâ- choires, s'agitent d'une manière automatique. On peut même noter quelques tremblements des pattes, surtout des pattes postérieures. ARCH. DE ZOOL. tXP. ET GÉN. — ï. YII. 1878. 33 514 EMILE YUxNG. Les poils qui recouvrent ces dernières, et qui sont très développés chez le Portune, sont encore sensibles, car lorsqu'on les pince ou simplement qu'on les frôle avec un corps dur, l'animal retire la patte. Les membres semblent pouvoir encore exécuter des mouvements dans un but déterminé ; c'est ainsi que lorsqu'on pique l'animal sur le sternum ou qu'on pince la pointe de l'abdomen, il sait très bien amener ses pattes sur le point lésé afm d'en éloigner l'objet; ces mou- vements sont des réflexes analogues à ceux qu'exécute la grenouille privée de cerveau, lorsqu'on dépose sur son dos une goutte d'a- cide, etc. C'est un cas de sensibilité inconsciente. Tous les mouvements en apparence volontaires sont en réalité des réflexes. C'est ainsi qu'il semble au premier abord, lorsque l'animal est couché sur le dos, qu'il fait des efforts pour se relever, parce qu'on voit ses membres s'agiter. Si on analyse ces mouvements, on aperçoit bientôt que chaque membre travaille pour son compte, sans coordination suivie avec les mouvements des membres voisins, et en effet un Crabe privé de cerveau ne réussit pas à se redresser sur ses pattes. Le lendemain matin l'animal est toujours couché sur le dos, ses membres sont crispés sous l'abdomen, le premier article formant un angle aigu sur le second et celui-ci un même angle avec le troisième. Il y a encore quelques mouvements réflexes, mais très faibles. Le cœur bat lentement. Expérience XVI. — Piqué le cerveau d'un Portune du côté droit avec une aiguille à cataracte dirigée verticalement. Mouvements géné- raux de douleur. Peu après les pattes de ce même côté se raidissent et demeurent dans cet état, dirigées en bas. Leurs mouvements se ré- veillent de temps en temps, mais sont très irréguliers. Placé sur une table, l'animal exécute des mouvements de manège de droite à gauche ; les pattes gauches, dont les mouvements sont normaux, atti- rent, les pattes droites ne font que pousser ou bien se laissent tramer. L'animal est fortement incliné du côté droit. Les antennes et l'œil droit sont paralysés et anesthésiés. Un objet placé entre les pinces du côté droit est saisi, l'animal y demeure accroché hors de l'eau pendant une minute ou deux, mais moins longtemps qu'avec la pince gauche. Couché sur le dos, l'animal fait des efforts pour se redresser et parfois y réussit. 11 commence alors à décrire le mouvement de ma- nège. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 515 Nous avons eu roccasion de répéter ces expériences sur un gros Maia squinado et avons obtenu des résultats identiques. Expérience XF//. —Découvert le cerveau d'un Maia squinado par la face supérieure. Lorsqu'on approche une aiguille chauffée au rouge, mouvements de douleur. Idem, avec l'aiguille appliquée à froid sans pénétrer dans la substance nerveuse. Si on laisse tomber à la surface du cerveau une goutte d'acide sul- furique ordinaire, les effets sont réellement effrayants. Ce sont des soubresauts dans tout le corps, des tremblements dans les yeux, les antennes. L'animal abandonné sur la table se met à courir rapide- ment, mais tombe au bout d'une demi-minute complètement immo- bilisé. On a assisté dans ce cas à la destruction progressive de la sub- stance de l'organe. On peut encore pendant environ une heure obtenir des réflexes analogues à ceux mentionnés dans les expériences précédentes, en excitant les membres. C'est ainsi que ces derniers se meuvent tous lorsqu'après avoir déplié l'abdomen on excite mécaniquement les environs de l'anus. Il nous faut rendre compte maintenant de quelques observations relatives au temps pendant lequel peuvent durer les mouvements réflexes dans les membres, après l'ablation totale du cerveau. En général, on peut dire que ce temps varie énormément d'un individu à l'autre. Chez certaines Écrevisses, nous avons obtenu des mouve- ments réflexes dans la queue plus de vingt-quatre heures après l'opé- ration. Chez des Fortunes, ils persistent plus longtemps et se pro- longent pendant deux ou trois jours. Les animaux se conservent mieux à ce point de vue hors de l'eau que dans ce liquide. Lemoine cite l'observation d'une Écrevisse, chez laquelle il avait complètement découvert les organes contenus dans la cavité cé- phalo-thoracique. Toute manifestation vitale semblait avoir disparu dans l'après-midi. Toutefois, le lendemain des mouvements spon- tanés réapparurent dans la portion postérieure du corps, alors que toute la portion céphalique et l'estomac étaient desséchés, que les antennes se brisaient, etc. Ces mouvements disparurent progressive- ment de la partie antérieure vers la partie postérieure, et l'observateur put suivre leur disparition d'un ganglion vers le ganglion suivant. Il remarque, en outre, que l'excitation par la pince électrique per- siste encore, alors que tout mouvement produit par d'aulres moyens a disparu depuis assez longtemps. Nous avons pu vérifier cette observation sur des Ecrevisses, des •il 6 ÉiMILE YUNG. Homards, des Crevettes, etc. Il faut remarquer qu'alors même qu'on a détruit le cerveau, c'est également sur les fausses pattes du dernier seg- ment que les mouvements réflexes se manifestent le plus longtemps. Nous pouvons conclure des observations dont nous venons de rendre compte, et dont les résultats concordent chez les Macroures et les'Brachyures, que : r Le cerveau des Crustacés, contrairement à ce qui a lieu chez les animaux vertébrés, est sensible sur tout son pourtour, aussi bien à la face supérieure qu'à la face inférieure et sur les côtés. Son excitation provoque des mouvements généraux de douleur. 2° Il joue le rôle de centre moteur et sensitif pour les appendices céphaliques, les yeux et les antennes. Sa destruction entraîne la paralysie et l'anesthésie dans ces organes. 3° Chaque appendice semble y posséder son centre moteur et sensitif propre. Ces centres y sont disposés de chaque côté de la ligne médiane d'une manière symétrique, et agissent directement sur les appendices correspondants, de telle manière qu'on peut pa- ralyser et anesthésier le côté droit en conservant intact le côté gauche, et réciproquement. 4" Aucun fait ne permet de supposer un entrecroisement de fibres dans le cerveau. 5° Le cerveau est la source des mouvements volontaires. Les mouvements en apparence spontanés, que l'on perçoit dans difl'é- rentes régions du corps^après son ablation, et qui durent quelquefois assez longtemps, peuvent s'expliquer par des excitations venues du dehors. 6° L'ablation totale de cet organe détermine des mouvements de culbute en avant provenant du défaut d'équilibre qui résulte de l'insensibilité des appendices céphaliques et la prédominance très marquée des mouvements des pattes postérieures. 7" L'ablation ou la destruction par dilacération de l'un des lobes du cerveau influe sur l'ensemble des mouvements et la direction du corps. Celui-ci s'incline du côté lésé et l'animal se met à tourner en sens inverse, c'est à-dire du côté non altérée Ces mouvements de manège peuvent s'expliquer par les altérations survenues dans les mouve- ments des pattes. > Quelqud'ois, comme M. Faivre l'a vu chez le Dylisque, le mouvement est in- verse, sans qu'on puisse dire en vertu de quel motif. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. ISH 8° On obtient à peu près le même résultat si l'on coupe l'un des connectifs qui constituent l'anneau œsophagien, La différence réside dans le fait que le mouvement et la sensibilité dans ce dernier cas demeurent intacts dans les appendices céphaliques, ce qui n'a jamais lieu à la suite de la destruction des lobes. 9° Le cerveau est le centre coordinateur des mouvements. Après sa destruction, les mouvements des membres ne sont pour ainsi dire qu'accidentellement coordonnés. Ces résultats s'accordent, en général, avec ceux obtenus par M. Yersin sur le cerveau des Orthoptères, et par M. Faivre sur le cerveau des Coléoptères. Cependant, il y a entre eux quelques diffé- rences que nous croyons devoir faire ressortir. Ainsi, pour ce qui concerne la sensibilité, M. Faivre* a fait voir que chez le Dytisque le ganglion sus-œsophagien est insensible. Voici ce que dit cet auteur à ce propos : « Le ganglion sus-œsophagien ne paraît sensible ni à sa face supé- rieure, ni à sa face inférieure ; on peut le pincer, le dilacérer partiel- lement sur ces deux faces sans que l'insecte donne des signes mani- festes de douleur. « Si l'on traverse la substance du ganglion dans la région voisine de l'origine d'un des nerfs antennaires, on obtient des mouvements convulsifs dans l'antenne correspondante. « Ainsi, le ganglion sus-œsophagien se distingue des autres centres par son insensibilité. Sous ce rapport, il offre une singulière ressemblance avec les propriétés du cerveau proprement dit chez les animaux supé- rieurs. » Chez les Crustacés, il n'existe rien de semblable, et c'est là une différence notable au point de vue des propriétés physiologiques entre le cerveau chez ces deux classes d'Arthropodes. Une seconde différence réside dans l'ensemble des fonctions des ganglions sus et sous-œsophagien. M. Yersin, en opérant sur un Orthoptère, le Grillon, avait constaté des troubles dans les mouvements de l'animal après l'ablation du ganglion sus -œsophagien. Le grillon ainsi mutilé ne possède plus le même équilibre dans ses mouvements de marche, par exemple. M. Faivre reprend et étend beaucoup ces expériences chez le Dytisque et il montre que chez cet animal : ' Faivre, Annales des sciences val., 5« série, t. I, p. 97. Si 8 EMILE YUNG. « La locomotion et la natation sont très affaiblies après l'ablation du cerveau. « La natation est toujours beaucoup plus facile que la marche dans 1er premiers instants. « Si les sections sont faites d'une manière égale, l'animal se dirige toujours en avant; cependant, au lieu de marcher en avant, il arrive parfois que l'insecte privé de ses deux lobes recule, mais il cesse tou- jours de se diriger. » Biirmeister, cité par M. Vulpian, avait autrefois constaté sur le même Colcoptère, privé de cerveau, l'abolition de tout mouvement lorsqu'il est dans son attitude normale hors de l'eau, tandis qu'il agi- tait ses pattes lorsqu'on le tournait sur le dos, et qu'il se mettait à nager lorsqu'on le plongeait dans l'eau. De pareils mouvements, selon nous, sont des actes réflexes, et ils ne diffèrent de ceux que nous avons constatés chez les Crustacés privés de cerveau que parce qu'ils se sont montrés plus prolongés et plus constamment coordonnés. Ce dernier point est important. Nous avons vu que chez les Crabes, les Homards, etc., il n'y a jamais plus coordination des mouvements des membres après l'ablation totale du cerveau; que ces mouvements n'ont en général rien de régulier, si ce n'est, dans les premiers moments qui suivent l'opéra- tion, ceux qui conduisent l'animal à culbuter selon l'axe horizontal de gauche à droite. Selon M. Faivre, ce serait au ganglion sous-œsophagien que reviendrait ce pouvoir coordinateur des mouvements chez l'Insecte, en même temps que, contrairement au ganglion sus-œsophagien, il jouirait d'une extrême sensibilité. « Au moment oh l'on enlève le ganghon sous-œsophagien, dit-il, les Insectes donnent la marque de la douleur la plus vive, ils agitent leurs pattes et cherchent à se dérober à la main. « Dès que l'opération est terminée, si on les met sur le sol, on constate qu'ils sont dans l'impossibilité de marcher. Cette impossi- bilité de progression ne tient pas à la paralysie du mouvement de l'une ou de l'autre patte, car chaque membre se meut spontanément et se retire si on le pince. Elle tient h ce que la puissance qui excite la locomotion et coordonne tous les membres pour cette fm est abolie. « Quand nous disons que l'insecte ne marche pas, nous ne vou- lons pas dire qu'il soit sans mouvement. Loin delà, les mouvements spontanés se manifestent partout et les pattes natatoires et arabula- SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 519 toires se meuvent et s'efforcent, si on peut le dire, de contribuer à la marche; mais tous ces efforts sont vains parce qu'ils ne sont pas coor- donnés en vue d'un acte unique. L'animal s'agite, mais il ne se dé- place pas. Il se meut, mais il ne marche pas. Si parfois les Insectes auxquels on a ôté le cerveau inférieur se déplacent de quelque centi- mètres, c'est par un mouvement de recul que nous avons fréquem- ment observé. Les deux paires de pattes antérieures se raidissent, élèvent l'insecte en haut et en arrière, et le font un peu reculer. » Cette description se rapproche beaucoup de celle que nous avons donnée des effets produits par l'ablation du cerveau chez les Crus- tacés. Il est vrai qu'on les obtient déjà chez ces animaux après la destruc- tion du ganglion sous-œsophagien, non pas comme conséquence de l'altération de ce ganglion lui-même, mais parce qu'on a rompu, dans cette opération, les relations qui unissent la partie postérieure de la chaîne ganglionnaire au cerveau. Il ressort donc de cette comparaison que l'activité du cerveau chez les Insectes et les Crustacés diffère en ce que, chez les derniers, le cerveau serait à la fois centre de volition et de coordination, tandis que chez les premiers la coordination des mouvements serait échue au ganglion sous-œsophagien. Influence du système nerveux central sur le cceur. — Malgré quel- ques travaux intéressants, tels que ceux de Lemoine^ et de DogieP, la physiologie de l'innervation du cœur chez les Crustacés est encore assez obscure. Nous n'avons pas continué de recherches spéciales sur ce sujet de- puis notre retour de Roscoff, ayant appris qu'un maître en physio- logie des Invertébrés, M. Félix Plateau, avait entrepris un travail de longue haleine sur ce sujet. Nous rendrons compte seulement ici des quelques observations que nous avons recueillies à Roscoff touchant l'influence de la chaîne ganglionnaire sur le cœur. Le cœur des Crustacés est situé sur la face dorsale de la cavité céphalo-thoracique, dans sa partie postérieure. Il consiste en un muscle enveloppé d'une double couche de tissu conjonctif qui lui ■ 1 Lemoine, loc. cit. ■2 DoGiEL, structure et fonctions du cœur des Crustacés., in Arch. de physiologie de Brown-Sequard, 1877. 520 ÉMILK VUNG. constitue un endocarde et un péricarde. 11 ne comprend qu'une seule cavité. Pour le mettre à nu, il suffit de détacher un fragment de la carapace au niveau qu'il occupe et d'enlever les téguments qui le recouvrent. On pourra dès lors facilement l'observer. Le cœur reçoit un nerf du ganglion stomato-gastrique, découvert parLemoineen 1868. Ce nerf, auquel cet auteur donne le nom de nerf cardiaque, est impair. Il prend naissance à l'extrémité posté- rieure du ganglion stomato-gastrique, d'où il émerge par cinq ou six faisceaux qui n'en constituent bientôt qu'un seul et présentent à ce niveau un léger renflement fusiforme. Le nerf qui en résulte est simple sur une certaine partie de son trajet, court le long de l'artère ophthalmique, à laquelle il est si étroitement accolé que sa dissection présente les plus grandes difficultés. Il s'j'' ramifie à deux reprises et, selon Lemoine, le tronc principal aboutit au cœur. (( Arrivé à l'angle antérieur du cœur, le nerf cardiaque nous a paru s'élargir, puis émettre une branche, enfin se bifurquer. « Une de ces branches de bifurcation, suivie plus loin, finirait par se terminer en éventail ; ses filaments constitutifs se répandaient en divers sens et s'entremêlaient aux fibres musculaires du cœur, » Dogiel, en 1876, décrit une autre origine pour des nerfs du cœur et la place chez la Langouste dans le ganglion thoracique situé entre la deuxième et la troisième paire de pattes : « De ce point, dit-il, il part des fibres nerveuses qui se dirigent en haut et en dehors, puis viennent se diviser en partie dans les muscles voisins du péricarde et s'unissent ensuite avec les muscles de celui-ci. Partout où les fibres nerveuses se divisent, il se forme des renflements triangulaires très visibles. » Le cœur reçoit donc des nerfs de deux origines, qui, toutes deux, peuvent avoir une action directe sur lui. Lemoine a vu que l'irritation du nerf cardiaque provoque des mou- vements dans le cœur éteint : « Lorsque les battements du cœur pa- raissaient avoir cessé ou bien être devenus très faibles et très rares, il nous est arrivé plusieurs fois, d'une façon très nette, de les reproduire ou de les multiplier en électrisant soit la face inférieure de l'artère ophthalmique, soit le ganglion stomato-gastrique, soit enfin les origines pédonculaires de cette portion du système nerveux de la vie organique. » Les deux expériences suivantes viennent confirmer cette assertion', quoiqu'elles n'aient pas porté sur le nerf cardiaque proprement dit : SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 521 Expérience I. — Un Homard bien vif est préparé de telle manière que le cœur d'un côté, et les connectifs de l'anneau œsophagien de l'autre, soient mis à découvert et qu'on puisse les atteindre. Immé- diatement après l'opération, le cœur bat seulement 5 pulsations dans la minute, le Homard est considérablement affaibli. Le nombre des pulsations remonte à 40 au bout d'une minute. Si à ce moment on pose la pince électrique sur l'un ou l'autre des connectifs de l'anneau dans le voisinage des mamelons d'origine des nerfs de la vie organique, les pulsations montent subitement à 66, pour redescendre à 18 deux minutes après qu'on a éloigné la pince. Quarante-cinq minutes après, le cœur est complètement arrêté. Si l'on excite mécaniquement les mamelons sur l'anneau œsophagien, il ne se passe rien de particulier, tandis qu'on ramène quelques contractions lorsqu'on y applique la pince électrique. Cette action n'a pas lieu par une dérivation du courant dans les ganglions sus et sous- œsophagien, car elle se continue de même une fois qu'on a coupé les deux connectifs dans le voisinage de ces ganglions. Nous verrons du reste plus loin que le cerveau n'a pas d'action directe sur le cœur, et que les ganglions thoraciques ont un pouvoir modérateur et non excitateur sur cet organe, en sorte que l'excitation ne peut provenir que d'une dérivation du courant depuis les mamelons de l'anneau œsophagien sur le ganglion storaato- gastrique de Brandt, auquel ils sont reliés, comme l'a fait voir Lemoine, et d'où il agit alors directe- ment à travers le nerf cardiaque. Expérience IL — Un gros Crabe, Cancer paragus, est préparé comme le Homard précédent. Le cœur, très lent et faible à la suite de l'opé- ration, remonte peu après à 22 pulsations par minute. L'application de la pince électrique sur l'anneau œsophagien porte ce nombre à 40 pulsations; mais lorsqu'on l'éloigné, les pulsations redescendent à 16 ou 18 très irrégulières. Sur le même animal, on électrise le cer- veau sans obtenir aucune action spéciale sur le cœur. Les mouve- ments de ce dernier sont tout à fait éteints après un quart d'heure (l'animal a été gravement mutilé par l'opération) ; cependant ils se réveillent si on applique la pince sur l'estomac, et cela à un moment où elle n'a plus d'action, appliquée sur l'anneau œsophagien. Le cœur séparé du corps ne bat plus, l'excitation électrique le fait con- tracter à la manière d'un muscle ordinaire, mais n'y réveille pas de contractions rhythmiques. Nous n'avons pas agi directement sur le nerf cardiaque; mais si S22 EMILE YUNG. nous nous reportons au passage cité plus haut, de Lemoine, il nous paraît difficile de ne pas admettre que c'est à son action que sont dus les résultats obtenus, cela d'autant plus que les faits cités par Le- moine ont été confirmés dernièrement par M. Plateau. Nous trouvons, en effet, dans la notice provisoire publiée par cet auteur sur cette question, que (d'excitation mécanique ou chimique du nerf cardiaque, même loin du cœur, augmente la rapidité des pulsations et souvent leur amplitude, qui peut devenir double, la courbe tracée par le cœur devenant deux fois plus haute » . Nous avons dit plus haut que le cerveau ne paraissait pas avoir d'action particulière sur les mouvements du cœur. Ce fait résulte de huit observations portant sur différents Crustacés, et qui toutes ont donné des résultats dans le même sens. Nous en extrayons une de nos notes. Expérience III. — Un Homard de petite taille est fixé sur la plan- chette. On enlève avec précaution la portion de la carapace qui recouvre le cœur. Ce dernier donne 38 pulsations. Puis on procède à la mise h découvert du cerveau. Cette opération dure environ cinq minutes, au bout desquelles le cœur ne donne plus que 18 pulsa- tions. On applique la pince électrique sur le cerveau : bobine ouverte , 18 pulsations ; bobine demi-fermée, 17 pulsations ; bobine fermée , 18 pulsations. L'excitation électrique du ganglion cérébroïde ne retentit pas jusque sur le cœur. Du reste, si l'on coupe les connectifs de l'anneau œsophagien en arrière du cerveau, on n'obtient pas de variations ré- gulières dans les mouvements du cœur . . . Quant aux ganglions thoraciques, ils ont évidemment une action modératrice sur les mouvements du cœur. Leur excitation électrique a pour premier effet de ralentir considérablement ses mouvements. En voici quelques exemples : Expérience IV. — Mis à découvert les ganglions thoraciques et le cieur sur un Homard. Cœur lent après l'opération. Ses mouvements se relèvent peu après jusqu'à 36 pulsations, et se maintiennent h ce chiffre pendant quelques minutes. On applique alors la pince de manière fi ce que l'une des branches repose sur le second ganglion thoracique et l'autre branche sur le connectif interganglionnaire (bol)inc demi-fermée). Le nombre des pulsations tombe h 16. En même temps, leur intensité semble affaiblie. Ce nombre augmente SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 523. jusqu'à 20 lorsqu'on éloigne la pinre, mais il ne s'y maintient pas longtemps, et le cœur s'affaiblit alors rapidement. Une fois qu'il ne donne plus que quelques rares pulsations, on applique la pince sur l'estomac en avant du cœur; il est pris alors de soubresauts, et donne plusieurs pulsations très rapides, mais si irrégulières qu'il n'est pas possible de les compter. Du reste, elles ne durent pas plus d'une minute, et le cœur s'arrête en systole. Expérience V. — Sur un Homard préparé comme dans l'expérience précédente, le cœur se fixe à 42 pulsations, après l'opération. On détruit avec une forte aiguille toute la masse des ganglions thora- ciques. L'animal est pris de convulsions, à la fin desquelles le cœur marque encore 38 pulsations. La destruction des ganglions ne semble donc pas l'avoir beaucoup influencé, tandis que leur excitation les ralentit, comme l'indique nettement l'expérience précédente. Expérience F/.— Faite sur unPortunus puber.Le cœur donne 58 pul- sations après la préparation de l'animal. L'excitation électrique des ganglions thoraciques fait tomber ce nombre à 24, et il ne se relève pas lorsqu'on éloigne la pince. Au contraire, il remonte à 46 lorsqu'on applique cette dernière sur l'estomac (bobine fermée), pour s'arrêter subitement en systole lorsqu'on augmente la force du courant en rapprochant complètement la bobine induite de la bobine inductrice. Ces expériences physiologiques confirment par conséquent les re- lations anatomiques indiquées par Dogiel, que nous avons rappelées plus haut. Du reste, cet auteur a trouvé qu'on peut provoquer l'arrêt du cœur en diastole en irritant directement la chaîne ganglionnaire par l'électricité, ce que nous n'avons pas réalisé dans nos expériences. Tout ce que nous avons obtenu se résume dans un ralentissement quelquefois très accentué. Il y aurait par conséquent un antagonisme accusé entre le nerf car- diaque prenant son origine dans le ganglion stomato-gastrique et ceux originaires de la portion thoracique de la chaîne nerveuse. M. Plateau cite à ce propos l'expérience suivante : « Chez une Ecre- visse, un premier tracé du cœur, à l'état normal, accuse 61 pulsations régulières par minute. On excite mécaniquement la chaîne nerveuse thoracique, en y enfonçant une aiguille entre la deuxième et la troi- sième paire de pattes ; le nombre des pulsations tombe à 36, et elles sont beaucoup plus amples. A ce moment, on excite le nerf cardiaque par quelques gouttes d'une solution concentrée de sel marin ; le 524 EMILE YUNG. nombre des pulsations remonte à 61, et elles affectent de nouveau à très peu près la forme normale.» Outre ces deux sources d'action nerveuse, le cœur en possède une troisième qui réside dans ses propres parois. En effet, Emile Berger ', en s'aidant de l'acide osmique et du chlorure d'or, a réussi à mettre en évidence des cellules nerveuses dans les parois de la région posté- rieure du cœur de l'Ecrevisse. Ces cellules correspondent pour la taille aux cellules ganglionnaires de moyenne grandeur. Elles pa- raissent être du reste peu nombreuses, et sont interposées entre les fibres musculaires. La présence de ces cellules dans les parois du cœur explique comment il se fait que cet organe puisse battre quelque temps alors qu'il est séparé du corps. Leur situation permet de se rendre compte pourquoi, lorsqu'on divise le cœur en deux régions, en le coupant transversalement, la région postérieure continue seule à battre, et pourquoi, comme l'a fait voir M. Plateau, c'est de cette même région que l'onde cardiaque prend son origine. Résumé. — Nous pouvons résumer de la manière suivante les ré- sultats de nos expériences. i. Les propriétés générales du tissu nerveux chez les Crustacés sont analogues à celles du même tissu chez les Vertébrés. 2. La chaîne ganglionnaire et les nerfs chez ces animaux répon- dent aux excitations mécaniques, physiques et chimiques. 3. Les principaux poisons agissent sur eux dans le même sens que chez les Vertébrés. A. Le curare produit, dans tous les cas, une gêne dans les mou- vements du corps et des membres, gène qui peut aller à la paralysie complète si la dose de poison est très forte. Son action est toujours très lente. 5. La strychnine, au contraire, agit avec une extrême violence, provoquant un très fort tétanos, qui, par le fait de son intensité même, est toujours très passager. L'épuisement musculaire est plus prompt que chez les Vertébrés. 6. Quelle que soit la dose à laquelle nous ayons employé le sul- fate d'atropine, nous n'avons jamais obtenu la mort de l'animal. Celui-ci (Crabe, Homard, etc.) élimine le poison après une période * E. Berger, Uber das Vorkommen von Ganglienzellen im Herzen vom Fliisskrebs^ in Sitz. der K. Akad. der Wissensch., oct.j Heft, Jalirg. 1876. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 52o d'abattement plus ou moins longue, précédée quelquefois de trem- blements très nets dans les membres. 7. La digitaline agit d'une façon spéciale sur les mouvements du cœur ; elle les ralentit notablement; ce ralentissement est, en général, précédé d'une accélération de courte durée. 8. L'action de la nicotine est caractérisée par son extrême rapi- dité, la rigidité musculaire et la paralysie. Ce poison exerce, en outre, une accélération prononcée sur les mouvements du cœur. 9. Les masses ganglionnaires et les connectifs qui les unissent sont manifestement sensibles sur toute la longueur de la chaîne abdominale. 10. La sensibilité est la même sur les faces supérieure, inférieure et latérales. 11. Les racines des nerfs irradiant de la chaîne ventrale sont à la fois motrices et sensitives. 12. Chaque ganglion est tun centre de sensibilité et de mouve- ment pour le segment du corps auquel il appartient ; mais la sensi- bilité est inconsciente et les mouvements réflexes, lorsque le gan- glion est séparé de ceux qui le précèdent. 13. L'excitant physiologique auquel on donne le nom de volonté, a son siège en dehors de la portion abdominale de la chaîne ner- veuse. 14. L'opinion classique que la face inférieure de la chaîne est sensitive, tandis que sa face supérieure serait motrice, est infirmée par nos expériences. 13. Les ganglions thoraciques se comportent comme les ganglions abdominaux pour les membres de leur segment respectif. Leur destruction entraîne l'abohtion des mouvements volontaires dans les appendices situés en arrière. 16. Le ganglion sous-œsophagien est le centre moteur et sensitif pour toutes les pièces masticatrices et les pattes mâchoires. 17. Le cerveau ou ganglion sus-œsopagien est sensible sur toutes ses faces comme les autres ganglions de la chaîne nerveuse, et con- trairement à ce qui a lieu chez les Insectes , chez lesquels , selon M. Faivre, le cerveau est insensible. 18. 11 joue le rôle de centre moteur et sensitif pour les appendices céphaliques (yeux, antennes). 19. Chaque moitié droite et gauche du cerveau agit sur la partie correspondante du corps. 526 EMILE YUNG. i20. Chaque portion de la chaîne agit également d'une manière directe sur le côté du corps qui lui correspond. Il n'y a pas d'entrecroisement dans le parcours des fibres nerveuses. 21. L'ablation du cerveau détermine des mouvements de culbute en avant qui proviennent d'un défaut d'équilibre résultant de l'in- sensibilité des appendices céphaliques et de la prédominance des mouvements des membres postérieurs. 22. Les mouvements qui persistent après l'ablation du cerveau, et qui dans certains cas ont un caractère de spontanéité, ne sont jamais coordonnés. 23. La lésion de l'un des lobes du cerveau provoque des mouve- ments de manège, du côté lésé vers le côté sain. 24. Le cerveau est le siège de la volonté et de la coordination des mouvements. 25. Le cerveau n'a pas d'action directe sur les mouvements du cœur. 26. Le cœur est innervé par un nerf simple (nerf de Lemoine) pro- venant du ganglion stomato-gaslrique et par des libres ne^^'euses (fibres de Dogiel) provenant des ganglions thoraciques. 27. Les mouvements du cœur sont accélérés par une excitation électrique portée sur les connectifs de l'anneau œsophagien, d'où le courant dérive sur le ganglion stomato-gastrique et le nerf cardiaque. 28. Ces mouvements sont retardés par l'excitation électrique des ganglions thoraciques. 29. Le cœur possède en outre des cellules nerveuses dans l'épais- seur de ses parois, ce qui explique comment cet organe peut conti- nuer à battre isolément. III COMPOSITION CHIMIQUE DU SYSTÈME NERVEUX CHEZ LE HOMARD. La chimie physiologique ne possède pas à notre connaissance de travaux sur la composition chimique du système nerveux des Arthro- podes. Les données que nous avons acquises dans cette étude sont assurément très incomplètes. Elles ont été commencées à Roscoff et continuées à Genève. Nous devons des remerciements très particuliers à notre collègue et ami M. Walter, préparateur de chimie biologique à l'Université, pour l'aide qu'il nous a donnée dans les analyses. Le Homard est l'animal qui par sa taille se prête le mieux à des SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 527 recherches de ce genre, aussi est-ce à lui que nous les avons limitées' La chaîne abdominale est très facile à découvrir entièrement dans un temps très court. Il faut cependant quelques soins en la séparant, pour ne pas entraîner avec elle des fragments des tissus environnants ni la briser en morceaux, ce qui augmente les chances d'erreur. Avec un peu d'habitude on réussit à l'enlever d'un seul trait depuis le gan- glion anal jusqu'au cerveau. Nous avons toujours coupé les nerfs irradiants aussi près que pos- sible de leur racine, en sorte que les chiffres qui suivent ne concer- nent que la chaîne ganglionnaire proprement dite. ; Nous reproduisons nos notes dans tous leurs détails. Poids de la chaîne ganglionnaire chez le Homard. — L Six Homards vivants sont rapportés du vivier ; ils sont séchés et pesés. Les poids sont : 350 grammes, 355 grammes, 352 grammes, 330 grammes, 346 grammes, 350 grammes, ce qui donne un poids moyen de 347^, 16. On leur coupe tous les membres, pattes, pinces, etc., et deux heu- res plus tard ils sont immobiles et apparemment morts à la suite de la perte de sang. Le cœur bat cependant encore. La chaîne ganglion- naire est rapidement enlevée et portée sur un verre de montre dans une chambre humide jusqu'au moment de la pesée. Première pesée faite sur trois chaînes ganglionnaires. Poids du verre de montre et des trois chaînes 8e,800 — — sec 6 ,700 Différence indiquant le poids de la chaîne pour 3 Homards. l^^^GOO Soit pour chaque Homard 0g,6333. Seconde pesée sur trois autres chaînes. Poids du verre de montre avec les trois chaînes 8^,910 — — sec 7 ,040 Différence donnant le poids de la chaîne pour 3 Homards, 1^,870 Soit pour chaque Homard 0^,6203. Ce qui nous donne : Moyenne du poids de la chaîne pour les six Homards, 08,6333 + 0s,6203 = 0s,6268. Poids de la chaîne ganglionnaire par rapport au poids du corps des six Homards — '■ — ■=■ 554. Of,G2G 528 EMILE yUNG. D'où nous concluons que le poids du système nerveux central par rap- port au poids total est chez le Homard comme 1 : Soi. II. Nous reprenons les mêmes pesées sur six autres Homards pe- sant respectivement 320 grammes, 300 grammes, 350 grammes, 320 grammes, 335 grammes, 350 grammes. Total, \ 975 grammes. Moyenne du poids pour un individu, 3298,16. Nous ne faisons qu'une seule pesée comprenant les six chaînes ner- veuses dans un même verre de montre. Poids du verre de montre avec les six chaînes nerveuses. 10^,100 — — sec 6 ,526 Différence indiquant le poids total des six cliaînes. . . 38,575 Soit pour chaque Homard Os,5959. Ce qui donne : Poids de la chaîne ganglionnaire par rapport au poids total du corps, _!!ML= 552, c'est-à-dire que pour chaque Homard le poids du système nerveux central par rapport au poids du corps est comme \ : 552. Ces deux résultats concordent d'une manière remarquable, toute- fois nous ne devons pas leur accorder une trop grande valeur absolue et il serait dangereux de les généraliser, car dans quelques pesées isolées, qu'il est superflu de rapporter ici, le rapport n'est pas de- meuré le même. C'est ainsi qu'il s'est trouvé de \ à 583 chez un gros Homard du poids de 840 grammes. Il est bien évident qu'une foule de causes, parmi lesquelles il faut citer le temps écoulé depuis la dernière mue, doivent influer sur ces rapports. Quoiqu'il en soit, il nous semble qu'on peut dire que chez les Ho- mords le poids du système nerveux central par rapport au poids du corps est de -^ à— sans préjudice de ce qu'il est chez les autres Crustacés, où les variations doivent être très grandes. Il est probable, par exemple, que chez les Brachyures la fraction qui exprime ce rap- port est beaucoup plus grande et que le poids du système nerveux central d'un gros Tourteau par rapport au poids de son corps est moindre que chez le Homard. Nous n'avons pas pratiqué de pesées spéciales du cerveau chez le Homard ; nous rappelons cependant à ce propos que M. Faivre, dans le cours de ses recherches physiologiques sur le Dytisque, a trouvé que chez cet insecte le cerveau pèse Os, 005 et que le poids de cet organe par rapport au poids de son corps est comme 1 à 360 ; SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 329 chiffre dans tous les cas beaucoup plus élevé qu'il ne le serait chez le Homard '. Dosage de l'eau. — La chaîne ganglionnaire du Homard renferme plus de quatre cinquièmes de son poids d'eau. Ce fait ressort de plu- sieurs pesées, dont nous citerons la suivante à titre d'exemple : La chaîne ganglionnaire est enlevée sur trois Homards de petite taille. Elle est reçue dans un verrs de montre sous une chambre hu- mide. Après les pesées, le verre de montre est transporté dans une étuve dont la température n'excède pas 70 degrés et où il demeure quarante-huit heures. Puis on le laisse encore trois jours dansl'exsic- cateur. Il ne perd pas de son poids. Poids du verre de montre el de la substance humide. . . 88,910 — — — desséchée.. 7 ,356 Différence indiquant le poids de l'eau 1^,554 La substance nerveuse humide pesait 1^,870 Poids de Feau 1 ,554 Poids de la substance desséchée O'^/flO Ce qui, ramené à [gramme de substance, ^onne 0=, 831 d'eau, Yé' sultat exactement confirmé par plusieurs pesées faites sur différentes doses de substance nerveuse. Dosages des substances solubles dans l'alcool et l'étlier, — Nous avons suivi dans ce dosage la méthode enseignée par Hoppe-Seyler. lg,90 de substance nerveuse fraîche est découpé en petits frag- ments et introduit dans environ 100 centimètres cubes d'un mé- lange d'alcool et d'éther à égale portion. H se produit d'abord un léger trouble dû probablement à la précipitation de la substance albuminoïde du sang, dont on ne peut jamais débarrasser complète- ment la chaîne ganglionnaire. Après un séjour de quarante-huit heu- res, pendant lequel le flacon est fréquemment agité, on filtre le liquide, qui est reçu dans un petit vase à analyse exactement pesé, puis on l'évaporé dans une étuve à une température de 40 à 50 degrés. Lors- que tout le dissolvant est évaporé, il reste au fond du vase une sub- stance brunâtre, épaisse, d'apparence grasse , sur laquelle nous reviendrons bientôt. Nous donnons ici les chiffres de l'analyse : Poids du vase sec 23^,290 — — après évaporation 23 ,308 Différence 0«;078 * Faivre, Ann. des se. nat., 4^ série, t. IX, 1838, p. 2i;. ARCH. DE ZOOL EXP. ET GÉN. — T. VU. 1878. 34 53Ô EMILE YUNG. chiffre indiquant la quantité de substances solubles dans l'alcool et l'éther pour l-,90 de substance nerveuse, ce qui donne 41 milligram- mes pour 1 gramme. Dans une autre analyse portant sur 38,573 de substance nerveuse, nous avons obtenu un résultat sensiblement plus élevé, c'est-à-dire Ad milligrammes par gramme. La valeur de ces chiffres n'est par con- séquent qu'approximative et demande vérification. Substances insolubles.— he résidu insoluble dans le mélange d'alcool et d'éther est soigneusement lavé à l'eau distillée, puis desséché dans l'étuve et dans l'exsiccateur, jusqu'à poids constant. On opère sur Oe,4386 de substance ' ; elle est incinérée dans un creuset de platine. Pendant l'incinération, il se dégage une forte odeur de corne brûlée, due à la combustion de la matière organique. Il reste 0^,0114 de cendres. Le poids des substances protéiques insolubles dans l'alcool et l'éther est par conséquent de 0^,4272. Les acides qui ont été constatés dans les cendres sont : acide phos- phorique, acide carbonique et des traces d'acide sulfurique. Les alcalis étaient : la chaux et la magnésie, en principale propor- tion, et de petites quantités de potasse, de soude et de fer. Nous pouvons résumer de la manière suivante la composition chi- mique de la substance nerveuse. Elle renferme sur 1000 parties ^: Eau 831 Substances solubles clans l'alcool et l'éther 41 — protéiques insolubles 124 Cendres 4 1000 Le résidu de l'évaporation du mélange d'alcool et d'éther est une substance brunâtre, se présentant sous forme de gouttelettes vis- queuses, quelquefois indistinctement cristallisées. Sous le micro- scope, ces gouttelettes montrent quelquefois un double contour, et se colorent en noir ou brun foncé sous l'action de l'acide osmique. Nous n'avons pas eu à notre disposition une quantité de substance suffisante pour l'étudier d'une manière détaillée. C'est en vain que nous y avons cherché de la cholestérine ; par contre, la réaction phosphorée de la Iccithine a été obtenue distinctement. • Celte analyse est due ii M. Walter, - Nous ne donnons ces cliiffrcs que comme approximatifs. Des analyses portant sur de plus grandes quantités de substance nerveuse devront les vérifier. SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. b31 En terminant ce travail, je tiens à adresser mes sincères remercie- ments à mes savants amis M. le docteur Léon Frédéricq, préparateur à l'Université de Gand, et M. A . de Korotneff, agrégé à l'Université de Moscou, pour la complaisance qu'ils ont mise à m'aider de leurs con- seils pendant leur séjour à Roscolf. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXVn. FiG. 1. a. Trois cellules apolaires et monopolaire provenant du ganglion thora- cique du Maia squinado examinées dans l'eau distillée. b. Cellule monopolaire, régulièrement ovoïde, du ganglion tlioracique du Portunus puber. c. Cellule bipolaire du cerveau de Cancer menas. 2. a,b, c. Cellules du ganglion cérébroïde du Cancer menas. Leur noyau est légèrement coloré en rose après un court séjour dans une faible solution de picro-carminate d'ammoniaque. Ou peut constater que les deux pro- longements de la cellule c ne sont pas d'égal diamètre. 3. Large fibre nerveuse provenant de l;i chaîne abdominale du Homard. Elle est représentée en a à l'état frais dans le sang de l'animal, son contenu est parfaitement homogène; en b, il est devenu complètement granuleux à la suite d'addition d'eau distillée ; n, noyaux granuleux ; p, plis légers de Tenveloppe du tube. 4. Fibre étroite de la chaîne abdominale du Homard, dessinée à l'état frais. 5. B'ibres provenant de l'un des nerfs de l'anneau œsophagien du Maia squi- nado, observées dans de l'eau légèrement glycérinée. Le protoplasma s'est contracté par l'action de la glycérine, ce qui met bien en évidence l'enveloppe du tube nerveux à laquelle restent attachés les noyaux. En a, la substance nerveuse s'est régulièrement contractée et pourrait simuler un large cylindre-axe ; en b, elle ne s'est séparée de l'enveloppe que d'un côté. 6. Fibre étroite à double contour, prise dans un nerf de l'anneau œsophagien du Cancer menas. 7. Groupe de cellules ganglionnaires provenant du onzième ganglion du Homard, dessiné à l'état frais. On y voit des grandes et des petites cel- lules, des cellules mono et apolaires. Chaque cellule est entourée d'une gaîne conjonctive épaisse. Schieck. Oc. 0. Obj. 8. 8. Différentes formes des noyaux de tubes nerveux provenant de l'anneau œsophagien du Maia squinado. En c, on voit dans la substance du noyau un espace ovalaire réfringent. Hartnack. Oc. 1, Obj. 10 imm. 9. a. Corpuscules amylacés observés dans le cerveau du Cancer menas. b. Gouttelettes de substance nerveuse, sorties d'un tube à la suite d'une pression mécanique. Observées dans l'eau. Schieck. Oc. 0. Obj. 7. 10. Cellule géante du ganglion thoracJque du Tourteau {Cancer paragus) ; elle est nettement striée longitudinalement. c, étui conjonctif ; e, enveloppe 532 EMILE YUNG. delà cellule; g, contenu granuleux ;n, nucléus; n', nucléole. Hartnack. Oc, 1. Obj. 10 imm. FiG. 11. Cellule tripolaire du cerveau de Maia squinado -,6, enveloppe ; }}, nucléus; n', nucléoles multiples. Schieck. Oc. 0. Obj. 4. PLANCHE XXVIII. FiG. 1. Tissu conjonctif du névrilème externe de la chaîne abdominaie du Homard, t, tissu amorphe finement granuleux et strié longitudinalement. Il est parcouru par des fibres élastiques /'se colorant fortement dans le picro- carminate d'ammoniaque, et il s'y montre des noyaux n irrégulièrement distribués. Schieck. Oc. 0. Obj 7. 2. Coupe transversale de la chaîne abdominale du Homard, ne, névrilème externe, solide et compact ; ni, névrilème interne, lâche ; c, lame de tissu conjonctif divisant la moelle en deux moitiés égales ; /., coupe des tubes nerveux étroits à simple contour ; /', tubes nerveux larges à double con- tour. Schieck. Oc. 0. Obj. 4. 3. Coupe transversale de l'un des faisceaux de l'anneau œsophagien du Homard, ne, névrilème externe ; ni, névrilème interne ; c, contenu de fibres nerveuses larges et étroites, irrégulièrement mélangées. Schieck. Oc. 0. Obj. 4. 4. Coupe transversale de la chaîne abdominale de l'Ecrevisse entre le troi- sième et le quatrième ganglion abdominal. On y remarque une disposi- tion analogue à celle du Homard; le faisceau conjonctif qui la sépare en deux moitiés est très épais. Les tubes nerveux sont aplatis de haut en bas par suite du mode de préparation. Plusieurs ont conservé leur con- tenu, qui s'est ratatiné pendant le durcissement ; on l'aperçoit coloré en rose par le picro-carminate d'ammoniaque c. Schieck. Oc. 0. Obj. 4. 5. Coupe longitudinale du nerf de l'anneau œsophagien au point où s'en dé- tache le nerf stomato-gastrique. Le névrilème se continue directement sur le nerf irradiant sans pénétrer dans la masse des tubes nerveux. Schieck. Oc. 0. Obj. 7. 6. Coupe transversale d'un ganglion abdominal de ['Ecrevisse. /, face inférieure. S, face supérieure. n, névrilème; ce, couche cellulaire; f, coupe des tubes nerveux passant sur la face supérieure sans s'arrêter dans le ganglion ; d, fibres de la com- missure inférieure; 6, commissure moyenne; ???,, commissure supérieure. Schieck. Oc. 0. Obj. 4. 7. Cellules pigmentairea étoilées du névrilème externe de la chaîne abdo- minale de la Ligia oceanica. 8. Cellules pigmentaires du névrilème externe de la chaîne abdominale du Palemon serra lus. Ces cellules sont naturellement colorées en brun violacé. PLANCHE XXIX. FlG. 1 . Coupe frontale et postérieure du cerveau de Cancer menas. Schieck. Oc. 0. Obj. 2. ne, névrilème externe. ni, nerf des antennes externes coupé longitudinalement. cg, couche de noyaux ganglionnaires. Cette masse, observée sous un plus fort grossissement, se montre composée de noyaux se colorant fortement par le carmin {Kernlager dos auteurs allemands). SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. b']."] cm, masse Supérieure de la substance médullaire. Cette masse est simple dans sa partie centrale, comme le montre la figure 2, dessinée d'après une coupe plus antérieure. cm', masse inférieure de la substance médullaire. p, faisceau fibreux bomologue de la poutre (Balken) du cerveau des In- sectes. es, commissure supérieure. ci, commissure intermédiaire. Cl', commissure inférieure. f, faisceau oonjonctif divisant le cerveau en deux moitiés symétriques. 0, masse de cellules ganglionnaires reposant sur la base du cerveau. g, grandes cellules ganglionnaires occupant le bord supérieur interne de la masse médullaire supérieure. p', masse médullaire de forme ovoïde située à la racine des nerfs de la commissure œsophagienne. FiG. 2. Le corps médullaire et la couche de noyaux ganglionnaires tels qu'ils se présentent sur une coupe verticaie de la région moyenne du cerveau de Cancer menas. m, masse médullaire réniforme. cg, couche de noyaux ganglionnaires. g, grandes cellules ganglionnaires sur le bord interne de la masse médul- laire. c, lamelle conjonctive enveloppant la substance médullaire et envoyant des prolongements dans son intérieur. f, faisceaux fibreux prenant naissance probablement dans la couche de noyaux ganglionnaires et se réunissant en un gros faisceau s après avoir traversé dans tous les sens la masse médullaire. 3. Coupe verticale et postérieure du ganglion thoracique chez Cancer para- gu$. Schieck. Oc. 8. Obj. 2. /, face inférieure. S, face supérieure. gg', grandes cellules ganglionnaires accumulées sur les faces inférieure et supérieure, aux points de fusion des ganglions primitivement distincts. cg, couche externe de grandes cellules ganglionnaires, i, coupe des tubes nerveux très minces se prolongeant dans la masse gan- glionnaire. 7ie, névrilème externe. ni, névrilème interne. cm, commissure moyenne. ci, commissure inférieure. PLANCHE XXX. FiG. 1. Coupe verticale et frontale du cerveau de Cancer menas, montrant, sous un fort grossissement, la structure du corps médullaire et de la couche de noyaux ganglionnaires. cm, corps médullaire. cg, couche de noyaux ganglionnaires (Kernlager). g, grandes cellules ganglionnaires sur le bord interne de la substance médullaire. nae, nerf des antennes externes coupé longitudinalement. 534 EMILE YUNG. c, lamelle conjonctive enveloppant la masse médullaire et envoyant dans son intérieur des prolongements qui la divisent en portions cubiques. ne, névrilème externe. ni, névrilème interne. FiG. 2. Cerveau de l'Êcrevme vu par sa face supérieure dans de l'eau légèrement glycérinée. ma, mamelon antérieur; sa division en deux nodosités est légèrement in- diquée. m'p, mamelon postérieur. ml, mamelons latéraux. no, nerfs optiques. nai, nerfs des antennes internes. nae, nerfs des antennes externes. ae, nerfs de l'anneau œsophagien. 3. Cerveau de VEcrevisse vu par sa face inférieure ; les mamelons sont beau- coup plus accusés que sur la face supérieure. ma, mamelons antérieurs. ml, mamelons latéraux. no, nerfs optiques. nai, nei'fs des antennes internes. nae, nerfs des antennes externes. ae, nerfs de l'anneau œsophagien. 4. Coupe verticale delà région postérieure et inférieure du ganglion anal de VEcrevisse, montrant la masse des grandes cellules ganglionnaires ali- mentant le nerf de Lemoine. c, grandes cellules ganglionnaires sur la ligne médiane du ganglion. 5. Coupe horizontale du cerveau de VEcrevisse. Dessin schématique em- prunté au mémoire cité de Dietl (voir ce mémoire, pi. XXVII, fig. 24). Hartnack. Oc. 3. Obj. 2. Bo, nodosité antennaire avec sa couche médullaire. na, nerf antennaire. ac, nerf acoustique. opt, nerf optique. a, masse médullaire supérieure située dans le mamelon latéral. b, masse médullaire inférieure située dans le même mamelon. gk, couche de noyaux ganglionnaires (Kernlager). c, faisceau de fibres sortant de la nodosité latérale. se, nerfs de l'anneau œsophagien. 1, pont de substance conjonctive dans le cerveau. 2, couche de cellules ganglionnaires à la partie antérieure du cerveau. i, faisceau de fibres nerveuses dans le nerf optique, branche antérieure du chiasma. 4, couche médullaire située à l'origine du nerf optique. 5, chiasma. 6, couche médiane de cellules nerveuses à l'origine des nerfs de l'anneau œsophagien. 7, couche située latéralement de l'anneau œsophagien. i I RECHERCHES SUR LA PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN (OGTOPUS VULGARIS) LE DOCTEUR LÉON FREDERICQ, Préparateur à l'Université de Gand. INTRODUCTION. Grâce aux nombreux et sérieux travaux de plusieurs générations d'anatomistes, l'organisation des animaux invertébrés commence à nous être assez bien connue, au moins dans ses traits principaux. Mais si la disposition et la structure des organes ont été étudiées avec soin, le mécanisme de leur fonctionnement a été négligé pres- que complètement. La physiologie des Invertébrés est presque tout entière à l'état de desideratum. C'est une région inexplorée*; aussi les premiers qui s'y engageront seront richement récompensés par une ample moisson de faits nouveaux. Il s'agit simplement d'appli- quer aux Invertébrés les méthodes si variées et si ingénieuses qu'a créées la physiologie moderne des Vertébrés. Les recherches que je publie sur la physiologie du Poulpe ont été exécutées à Roscoff, pendant les mois de juillet et d'août 1878. M. le professeur de Lacaze-Duthiers, qui avait bien voulu m'admettre pour la seconde fois dans son laboratoire de zoologie expérimen- tale , m'avait permis d'user encore de toutes les ressources dont il dispose : instruments de dissection , appareils de physiologie, aquariums, engins de pêche ; en un mot, tous les matériaux néces- saires à mes études ont été mis à ma disposition avec la plus grande libéralité. Logé dans l'établisse^ment, ayant toujours mes sujets 1 Cette expression n'est pas exacte pour les Céphalopodes, puisque nous possé- dons un travail de M. Paul Bert sur la physiologie de la Seiche. \ 536 LÉON FREDERIGQ. d'expérience sous les yeux, pouvant consulter à toute heure la bi- bliothèque, j'étais placé dans des circonstances exceptionnellement favorables à mes études. J'ai vivement senti le prix de tous les avan- tages de l'organisation que présente la station de Roscolf, et je prie M. le professeur de Lacaze-Duthiers de recevoir ici l'expression de ma reconnaissance. Je tiens également à remercier tout le personnel du laboratoire dans lequel j'ai trouvé, comme les années précé- dentes, toujours le même dévouement à faire prospérer l'établis- sement fondé par M. de Lacaze-Duthiers. Pendant toute la durée de mes études, les Poulpes ont été parti- culièrement communs, tant à la grève de Roscoff que sur tous les îlots avoisinants, malgré la chasse acharnée que leur font les pê- cheurs, qui les recherchent comme appât. J'en ai pris jusque sous les fenêtres du laboratoire entre Roscoff et l'île Verte; mais nulle part, je ne les ai trouvés aussi abondants qu'à Beclen, où les rochers couverts de Moules servent de refuge à d'innombrables Poulpes. Sauf pendant la morte-eau, je pouvais m'en procurer à toutes les marées. Il suffisait d'explorer attentivement les flaques d'eau de la grève à marée basse. Le Poulpe se tient caché pendant le jour (au moins à marée basse) sous de grosses pierres, dans une espèce de trou dont l'entrée est tapissée de débris plus petits de rochers. Une fois, j'en ai rencontré plusieurs nageant à découvert: c'était dans les ruisseaux d'eau de mer de la grève de Penpoul, par une grande marée de nouvelle lune. Le Poulpe vit seul. L'habitude qu'il a de rejeter tout autour de sa retraite les résidus de ses repas, le trahit de loin. Quand on ren- contre éparses çà et là des carapaces de Crabes, des coquilles vides (Tapes, Vénus, ïellina, Solen), à valves adhérentes, encore munies de leur ligament, on peut être à peu près certain qu'il y a un Poulpe dans le voisinage. Le réduit découvert, l'animal doit en être extrait de force. Les pêcheurs se servent, dans ce but, d'une tige de fer terminée par un crochet; je ne pouvais songer à ce procédé, qui déchire toujours l'animal, et parfois le ramène tout en lambeaux. Quand on ne peut retourner la pierre sous laquelle il se trouve, c'est à la main qu'il faut arracher le Poulpe de sa retraite. Comme il se cramponne énergiquement, il faut souvent déployer une assez grande force pour rompre l'adhérence de ses ventouses. Au moment où on le saisit, l'animal lance fréquemment un vigoureux jet d'eau mélangé d'encre. Le bec ne lui sert guère à se défendre dans ces circonstances. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. S37 J'en ai manié un grand nombre et n'ai été mordu qu'une seule fois, ce qui d'ailleurs ne produisit qu'une égratignure insignifiante. Comme c'est un animal à respiration active, le Poulpe ne peut vivre que peu de temps hors de l'eau. J'étais donc obligé, à mesure qu'on les capturait, de les plonger dans des seaux et des baquets pleins d'eau de mer, au fond desquels ils allaient immédiatement se blottir. Pour les conserver en vie, je ne pouvais placer dans chacun de ces vaisseaux qu'un petit nombre d'individus. Soit que le retour au laboratoire s'effectuât à pied ou en bateau, j'avais toujours soin, pendant le trajet, de renouveler fréquemment l'eau de mes baquets. Dès mon arrivée à l'aquarium, les Poulpes étaient immédiatement jetés dans des réservoirs pourvus d'eau bien aérée. Celle-ci devait, en général, être changée au bout de quelques instants, la plupart des nouveaux pensionnaires commençant par y lancer leur noir, et transformant ainsi leur prison en un immense réservoir d'encre. Lorsque l'aquarium est suffisamment spacieux, les Poulpes s'y maintiennent en bonne santé ; ils supportent parfaitement la capti- vité et ne cherchent pas à s'échapper. On peut les nourrir avec des Crustacés, avec des Moules ou d'autres bivalves, qu'ils ouvrent fort proprement sans endommager le ligament. § I. Sang. BIBLIOGRAPHIE. R. Wagner, Beitrâge sur vergleichenden Physiologie des Blutes, p. 19 et 23, 1, 1833, Leipzig. Lebert et Robin, MuUer's Archiv, 1846, p. 122. Harless (et Bibra), Ueber das Blut einiger wirbellosen Thiere und dessen Kupfer- gehall, in MuHer's Arrhiv, 1847. Williams, On ihe Blood-proper and Chylaqueous fluid of Invertebrate A^iimals, in Philos. Transactions 1852, p. 593, pL XXXIV, fig. 80. Hugh. Miller, My Schools and Schoolmasters, 1854, p. 447, cité par Owon, Anat. comp. ScHLOSSBERGER, Uebev das Blut der Cephalopoden, in Ann. der Chem. und Pharm., 102, 1857, p. 86-91. Keferstein, Bronn's Klassen und Ordnungen des Thierreichs. Malacozoa. Paul Bert, Mémoire sur la physiologie de la Seiche, p. 54. Rabuteau et Papillon, Observations sur quelques liquides de l'organisme des Pois- sons, des Crustacés et des Céphalopodes, p. 137, in Comptes rendus, vol. 77. 14 juillet 1873. Fr. BoLL, Beilràge zur vergleichenden Hisiiologie des MoUuskenlypus, Bonn, 1869, p. 13. Supplément aux Arch. de SchuUze. Les données que nous trouvons dans les auteurs sur le sang des 538 LÉON FREDERICQ. Céphalopodes sont fort incomplètes et souvent erronées. Ainsi, Wagner attribue aux globules de leur sang une teinte violette, et pour Williams ils sont bleu clair, alors qu'en réalité ils sont com- plètement incolores. Pour Hugh Miller, le sang du Loligo est jaune; d'après Harless, celui de l'Elédone serait incolore, mais bleuirait au contact de l'acide carbonique. Harless crut avoir isolé la matière colorante bleue et la considéra comme analogue aux substances extrac- tives du foie de beaucoup d'Invei^tébrés. Paul Bert reconnut que le sang de la Seiche est un liquide blanc ti'ès légèrement bleuâtre. Exposé à l'air, il bleuit jusqu'à prendre une belle couleur outremer; l'action de l'air se inanifeste même à ti'avers les parois des vaisseaux sanguins, et lorsqu'une Seiche a été ouverte au contact de l'air, on voit au bout de quelques minutes les gros vaisseaux des branchies se colorer d'une manière manifeste. A l'état normal même, et dans l'eau, on aperçoit une légère différence de teinte entre le liquide des veines efférentes branchiales et celui des artèi^es afférentes '... // me paraît impossible de douter que le changement de couleur ci-dessus décrit ne soit dû à l'absorption de Voxygène de l'air. Paul Bert soupçonne qu'il y a là probablement quelque principe immédiat analogue à riié- mato-cristalline des VeiHébrés... La coloration bleue apparaît même dans le sang étendu d'eau et soumis à Vébullition. Enfin, Rabuteau et Papillon constatèrent que le sang du Poulpe bleuit légèrement à l'air, et perd sa teinte bleue lorsqu'on y fait passer un courant d'acide carbonique. Ils admettent que le sang du Poulpe et le sang du Crabe contiennent la même substance albumi- noïde coagulable par l'acide nitrique, ce qui conduit également à cette conclusion, que la coloration bleue du sang de Poulpe n'est pas due à cette substance albuminoïde, puisque le sang de crabe n'est pas bleu. Harless et Bibra, Schlossberger, puis Bert, publièrent pour le sang de l'Elédone, de la Seiche et du Poulpe, des analyses comprenant la quantité d'eau, de résidu solide, de sels, de substances organi- ques, etc. On trouvera plus loin ces chiffres sous forme de tableau. Harless et Bibra, Schlossberger, indiquèrent la présence du cuivre dans le sang des Céphalopodes, sans spécifier dans quel état de com- binaison ce métal s'y trouvait. Cette assertion a rencontré peu de crédit. (Voir Keferstein, loc. cit., p. 1208.) ' Ces observations de P. Bert me semblent avoir été faites sur des animaux malades. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 539 Voici commentje me suis procuré le sang qui a servi à mes recher- ches. Je fixe le Poulpe vivant sur une planchette de bois rectangu- laire, à l'aide de clous enfoncés dans les bras, de telle sorte que leur face orale, garnie de ventouses, regarde la planchette et que le sac viscéral, recouvert du manteau, soit libre de ses mouvements. Cette façon d'immobiliser l'animal en le clouant, pourra paraître barbare et primitive, mais c'est la seule qui soit réellement pratique. On porte immédiatement la planchette avec le Poulpe dans un baquet rempli d'eau de mer bien aérée, '^où on l'immerge horizontalement à quelques centimètres au-dessous de la surface de l'eau. Les dimensions de la planchette sont telles qu'elle correspond exactement à l'ouverture du baquet : elle y glisse à frottement; on peut donc l'y assujettir à la profondeur voulue. Au moment où on le cloue, l'animal fait de violents efforts pour s'échapper, ses bras armés de ventouses s'amarrent solidement aux objets environnants, et il exerce parleur moyen des tractions éner- giques; en même temps,, tout son corps se raidit, ses papilles se hérissent et sa peau prend les teintes les plus foncées. Dès qu'il est fixé complètement et plongé dans l'eau, il semble reconnaître l'inu- tilité de ses efforts, il se tient tranquille et respire régulièrement. L'animal, ainsi immobilisé, présente naturellement la face dorsale du manteau. A l'aide de ciseaux mousses, on fait sur la ligne mé- diane une incision longitudinale ne comprenant que la peau, com- mençant derrière la tête et s 'étendant sur les deux tiers de la région dorsale du manteau. Les lèvres de la plaie s'écartent immédiatement et font apparaître le sac musculeux du manteau ; on y fait une in- cision parallèle à la première, ou mieux, on enlève un lambeau longitudinal en forme de lanière. On tombe ainsi dans l'espace, en forme de fente, qui sépare le sac viscéral du manteau et qui fait communiquer en arrière la cavité branchiale droite avec celle de gauche. Déjà à ce moment on peut apercevoir, par transparence, à travers les parois du sac viscéral sur la ligne médiane, l'œsophage accom- pagné de la grosse artère, débordés de chaque côté par le tissu plus brun du foie. On fait une troisième incision parallèle aux deux pre- mières, divisant la paroi du sac viscéral au niveau de l'œsophage. On pénètre ainsi dans le sinus veineux où flottent librement l'œsophage et l'artère. Cette dernière, du diamètre d'une carotide de Lapin, se reconnaît immédiatement à la couleur bleu foncé du sang qu'elle tiiO LÉON FREDERICQ. renferme et à ses battements, qu'on perçoit surtout en la compri- mant entre les doigts. On isole l'artère sur une certaine étendue, on lie le bout périphé- rique, on place une pince à pression sur le bout central, enfin on introduit une canule de verre avec les précautions ordinaires comme s'il s'agissait d'une artère de Mammifère. Il faut éviter le contact de l'eau de mer avec la canule; à cet effet, il est bon d'opérer près de la surface de l'eau et de retirer hors de l'eau le bout de vaisseau au moment de l'inciser, pour y introduire le tube de verre dont l'extrémité recourbée plonge dans le gobelet où l'on recueille le sang. Lorsque tout est prêt et que la canule a été fixée à l'aide d'un fll, on lève la pince à pression et l'on obtient immédiatement un jet sac- cadé de sang. A mesure que l'hémorrhagie épuise l'animal, les bat- tements du cœur s'affaiblissent et deviennent de plus en plus rares. Cependant, même après un quart d'heure d'attente, la canule donne encore de temps en temps quelques gouttes de liquide. On obtient de cette façon un poids de sang représentant environ le trentième du poids de l'animal employé. Ainsi : Un poulpe de 299 gr. fournit 10 gr. de sang soit — — 417 — 15 426 — 13 1 176 — 45 29.9 1 27.8 1 32.79 1 26 Ceci est loin de représenter la totalité du sang contenu dans le corps de l'animal; cependant, je crois que la somme ne doit pas dépasser 1 du poids du corps. La méthode colorimétrique de Wel- cker ne fournirait ici que des résultats fort inexacts, carie sang de Poulpe offre un pouvoir colorant très faible, se prêtant mal à la comparaison quand il est dilué. Les Invertébrés contiennent, en général, de beaucoup plus grandes quantités de liquides nourriciers que les Vertébrés ; sous ce rapport, les Poulpes se rapprochent des Vertébrés. Voici quelques chiffres qui pourront servir de termes de comparaison : Chez les Mammifères, le poids du sang varie du ^ au - du poids i 1 du corps*. D'après VS^elcker^, chez les Oiseaux, il représente Jq ^ [3 * GscHEiDLEN, Pkysiologische Methodik, 1877, p. 337. 2 WELCKun, Bestbnmumien dcr Meiu/e des Kôrperblutes iind der Blutfarlekraft, in Zeitschrifl fur rali. Meduin,m, Ruilic. Bd. IV, 1858, p. 147. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. U\ du poids du corps; chez les Grenouilles, .-„ à — ; chez les Poissons, i X ' 13 20 — à — . Parmi les Invertébrés, V Hélix poniatia contient près du sixième de son poids de sang*. Une chenille de Sphinx Ëupkorbise, pesant -4 grammes, donna 60 centigrammes de sang. Le sang que l'on obtient ainsi est un liquide bleu, très légèrement alcalin, d'une saveur salée rappelant celle de l'eau de mer, mais moins amère. Examiné au microscope (300 à -400 diamètres), il montre un grand nombre de globules incolores, plus ou moins ar- rondis, granuleux, offrant un très gros noyau de forme irrégulière, visible surtout par addition d'acide acétique. La plupart des globules ont de 5 [j- à 7 \}. de diamètre, et rappellent les leucocytes du sang des Vertébrés. Il est probable qu'on y trouverait, comme dans les leucocytes, une ou plusieurs substances albuminoïdes, de la nu- cléine, lécithine, cérébrine, cholestérine, du giycogène, etc. Ces globules ne tardent pas à s'agglutiner en un petit caillot blan- châtre, peu de temps après que le sang a été tiré par l'artère. Si l'on cherche à suivre ce phénomène au microscope, il semble que les globules émettent des prolongements hnéaires et divergents, mais non amibo'ides, qui, en se rencontrant mutuellement, les font adhé* rer ensemble. Les solutions salines concentrées (NaGl, Mg S04), dont la présence empêche la coagulation de la fibrine dans le plasma du sang des Vertébrés*, paraissent n'avoir aucune action prohibitive sur la coagulation des globules du sang de Poulpe ^. Je ne crois pas qu'il y ait là une substance analogue à la fibrine. Le petit caillot qui se forme dans le sang de Poulpe va au fond du vase et ne représente qu'une bien minime partie du liquide. Sec, il n'équivaudrait certainement pas à la millième partie du sang dans lequel il s'est formé. La partie hquide du sang offre une importance beaucoup plus considérable. La densité d'un mélange de sang provenant de quatre Poulpes, prise à +2i degrés à l'aide du picnomètre, fut trouvée de 1047 (17.991 centimètres cubes de sang, pesaient 188,846). Ce chiffre est bien supérieur à celui du poids spécifique du sérum du sang de ■ Erma-NN, Wahrnehmungen liber clas Blal einiger Mollusken, in Abhandl. Akad. Berlin, 1816-1817. B GscHEiDLEN, PliysioloQ. MelhodUc, 1877, p. 322. 3 Léon Fredericq, Recherches sur la coagulation du sang, m Bulletin de l'Aca- démie des sciences de Belgique. Juillet 1877, 542 LÉON FREDERICQ. l'Homme, qui est de 1027 à 1029 d'après Berzelius', ou du sérum de chien, 1025 d'après Pflûger^ Le sang en totalité, c'est-à-dire pourvu de ses globules rouges, a une densité de 1050 à 1060. Je trouve, dans le mémoire de Paul Bert, la densité du sang de sei- che évaluée à 1010, ce qui est sans doute une faute d'impression, puisque la densité de l'eau de mer est déjà de 1027. La densité du sang de Poulpe s'explique par la proportion considé- rable de matériaux solides qu'il contient. Dans deux analyses, je trou- vai respectivement 13.689 et 13.245 pour 100 de matériaux solides, et par conséquent 86.311 et 86.755 d'eau. D'après Garl Schmidt^, la par- tie liquide du sang des mammifères contient 90.151 d'eau et seule- ment 9.849 de matériaux solides. Le sang de Poulpe est donc un li- quide beaucoup plus concentré que le sérum ou le plasma du sang des mammifères. La première analyse du sang de Poulpe fut faite à Roscoff, la se- conde à Gand, au laboratoire de physiologie de l'Université. Si je m'étends avec quelques détails sur les procédés d'analyse que j'ai suivis, c'est que j'estime queles chiffres, dans ces sortes de recherches, n'ont de signification que si l'on connaît en même temps les mé- thodes à l'aide desquelles ils ont été obtenus. J'ai en général suivi la marche indiquée dans Hoppe-Seyler : Handbuch der physwlogtsch und pathologisch-chemischen Analyse, à l'article: Analyse des liquides SÉREUX. Première analyse. — 5^,990 de sang de Poulpe furent pesés dans une petite capsule tarée, desséchés au bain-marie, puis pendant une dizaine d'heures dans une étuve chauffée à plus de 100 degrés. Les 5e, 99 de sang fournirent 0^,820 de résidu solide, soit 13.689 pour 100. Les pesées furent chaque fois effectuées après refroidissement complet dans l'exsiccateur, et l'on n'admit comme vrai le chiffre du poids que lorsqu'il ne diminua plus entre deux pesées successives. Le résidu desséché de l'opération précédente servit à déterminer la proportion de substances organiques et de sels. On le pulvérisa et la substance ainsi divisée fut de nouveau séchée et pesée; -il s'en était perdu 0,025 milhgrammes, de sorte que les 0^,820 se réduisirent > Berzelius, Lehrh. der Chemic, trad. Wôhler. Bd IX, p. 9G, 1840. " Pfluqek, Ueber die Ursache der Alhembeweguiigen, in P/iiiger's Arc/iiv. Bd I, p. 75,1868. 8 Cari SciiMiDT. P.HYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 543 à 0.793. Ces 0^,795 de matière furent incinérés dans un petit creuset de porcelaine taré, chauffé par une grande flamme de lampe à l'al- cool. Dès que la substanceiut entièrement réduite à l'état d'un char- bon poreux, on la traita par l'eau distillée chaude, pour extraire les sels solubles ; les liquides furent passés à travers un très petit filtre de papier de Suède, puis évaporés au bain-marie dans une petite capsule tarée, enfln soumis pendant quelques instants à la forte chaleur de la flamme de l'alcool. Le résidu ainsi obtenu était d'une blancheur par- faite et pesait 0^,140, soit (tout calcul fait) 2.414 pour 100 de cendres solubles. Le petit filtre et le résidu insoluble furent remis dans le creuset et chauffés jusqu'à incinération complète, ils laissèrent 0^,033 de cen- dres insolubles, soit 0.602 pour 100. Le sang de cette première analyse contenait donc en tout 3.016 pour 100 de cendres; et les 13.689 de matériaux solides se répartissent donc en 3.016 pour 100 de sels et 10.672 de substances organiques. La plus grande partie de ces 10.671 pour 100 de matériaux organi- ques se compose de substances albuminoïdes, comme le montre le dosage suivant effectué sur un autre échantillon de sang. 17^,083 de sang furent additionnés de trois à quatre fois leur vo- lume d'alcool ; on laissa reposer jusqu'au lendemain, puis on reçut le coagulum qui s'était formé sur un petit filtre taré au préalable entre deux verres de montre maintenus par un ressort. Le précipité fut lavé à l'eau, à l'alcool et à l'éther, enfin desséché à -4-110 degrés dans l'étuvc; il pesait 18,523, soit 8,9 pour 100 de substances coagulées par l'alcool. Seconde analyse. — Cette seconde analyse fut faite au laboratoire de physiologie de Gand, avec plus de soins et d'après une méthode plus parfaite, sur un échantillon de sang de Poulpe conservé dans l'al- cool, que M. Yung, de Genève, avait eu l'obligeance de recueillir à mon intention. 19 grammes de sang de Poulpe avaient été précipités par un égal volume d'alcool absolu. Le coagulum fut mélangé avec plusieurs volumes d'alcool ; on laissa le tout jusqu'au lendemain. On filtra sur un filtre de papier de Suède (ne laissant pas de cendres) taré, on lava soigneusement à l'alcool, à l'alcool absolu bouillant, à l'alcool et l'éther, finalement à l'eau chaude. En opérant de cette façon, il ne doit rester sur le filtre que des substances albuminoïdes coagulées et des sels insolubles. Ui LÉON FREDEIUCQ. Le coagulum sur le filtre fut lavé avec un peu d'alcool pour éloigner l'eau, puis séché pendant longtemps au bain d'air, finalement chauffé à 120 degrés. On laissa refroidir dans l'exsiccateur et l'on pesa avec les précautions habituelles, on trouva ls,776. Le filtre et le précipité furent calcinés dans une petite capsule de porcelaine tarée et la cen- dre pesée avec les mêmes précautions. Les 19 grammes de sang de Poulpe fournirent O',03o de cendre insoluble et 18,776—06,035 =:ls, 741 de substances albuminoïdcs, soit pour 100 0.184 de sels insolubles et 9.163 de substances albuminoïdcs. Les extraits alcooUques, alcoolico-éthéré et aqueux obtenus pré- cédemment servirent à déterminer les proportions de substances organiques et salines solubles respectivement dans l'alcool, l'éther, l'eau. A cet effet, l'extrait alcoolique fut évaporé au bain-marie, le résidu fut additionné du second extrait alcoolico-éthéré ; le tout fut passé à travers un petit filtre taré, lavé à l'alcool absolu, puis à l'éther; enfin l'extrait aqueux obtenu précédemment fut passé à travers le même filtre, mais reçu dans un autre gobelet; on lava encore plusieurs fois à l'eau distillée. Le résidu insoluble obtenu ici appartenait encore aux substances albuminoïdcs et aux sels insolubles. Il fut séché et in- cinéré en même temps que la portion principale dont il a déjà été question et figure dans le chiffre de 1.776 donné précédemment. L'extrait aqueux contient toutes les substances solubles dans l'eau, mais insolubles dans l'alcool et l'éther. On l'évapora dans une petite capsule au bain-marie, puis on le dessécha à 110 degrés, on le laissa refroidir et le pesa, puis on l'incinéra à une température peu élevée et l'on pesa la cendre. L'extrait aqueux contenait 0^.032 de substances organiques et 0.290 de sels solubles, soit pour 100 0^.273 de sub- stances organiques et 1.527 de sels. L'extrait alcoolique et éthéré fut évaporé à sec au bain-marie, puis épuisé par l'éther. La solution éthérée filtrée fut évaporée à sec et pesée. On obtint 0^,021 d'extrait éthéré, soit 0.110 pour 100. La portion insoluble dans l'éther fut dissoute dans l'eau reçue dans une petite capsule, évaporée, desséchée, pesée, puis calcinée et re- pesée. L'extrait alcoolique renfermait 0^,137 de substances organi- ques et 0.240 de sels, soit pour 100 0.726 de substances organiques et 1.263 de sels. Les substances contenues dans ces différents extraits se -répartis- sent donc de la façon suivante : PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 545 Extrait aqueux. . . '. 0.273 \ — alcoolique 0.726> 1.100 de subst. organiques solublcs. — éthéré O.Mo) Substance albuminoïdes 9.163 Sels solubles 2.789 ]'- , , , „ } ^.973 de substances minérales. — insolubles 0.184 Total 13.245 de matériaux solides. 86.735 d'eau par différence. Analyse qualitative. — Une autre portion de sang de Poulpe (40 grammes environ) fut traitée de la même façon, mais les diffé- rents extraits au lieu d'être pesés, servirent à faire quelques essais, dont voici les résultats : Les cendres solubles furent dissoutes dans l'eau. Le nitrate d'argent y produit un précipité blanc, caillebotté, inso- luble dans l'acide nitrique, soluble dans l'ammoniaque, dénotant la présence de Vacide clilor hydrique. La présence de Vacide sulfarique y fut démontrée par le précipité de sulfate de baryum qui se produisit par l'addition de chlorure de baryum et d'acide chlorhydrique. Le li- quide ne contenait pas d'acide phosphorique, il ne précipita ni par le molybdate d'ammoniaque, ni par l'addition de chlorhydrate d'am- moniaque et d'ammoniaque (le liquide contenait du magnésium), quoiqu'on attendît pendant vingt-quatre heures le dépôt du pré- cipité. Le liquide contenait du sodium, du potassium, du magnésium et du calcium, comme le prouvèrent les essais suivants : Le liquide évaporé avait laissé déposer une abondante cristallisa- tion de chlorure de sodium reconnaissable à sa forme cristalline, à sa saveur, etc., et à la coloration jaune qu'il communiqua à la flamme d'un brûleur de Bunsen; àonc présence du sodium. Une portion du liquide concentré par évaporation fut addition- née d'alcool, puis d'une goutte de HCl et de quelques gouttes de chlorure de platine. Au bout d'un certain temps il se forme un précipité peu abondant, dénotant la présence d'une petite quantité de potassium. Enfin une portion fut additionnée de chlorhydrate d'ammoniaque, d'ammoniaque et de phosphate de soude. Au bout de peu de temps, il se forme un précipité de phosphate ammoniaco-magnésien indi- quant la présence du magnésium. L'essai par l'oxalate d'ammoniaque indiqua une petite quantité de calcium. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VII. 1878, 35 546 LÉON FREDERICQ. Les sels solubles renfermaient donc des sulfates et des chlorures de sodium, de potassium, de magnésium et de calcium. Les sels insolubles contenaient du cuivre, comme on le verra plus loin. L'extrait alcoolique pouvait contenir de l'urée, de la glycose, etc. Une portion fut évaporée à sec, reprise par l'alcool absolu, la solu- tion alcoolique fdtrée et évaporée fut additionnée d'une goutte d'acide nitrique ; il ne se forma pas de précipité cristallin de nitrate d'urée. Absence d'urée. Une autre portion fut bouillie avec de l'eau additionnée de quel- ques gouttes de liqueur de Fehling. Il se produisit un précipité peu abondant d'oxyde cuivreux rouge. L'extrait alcoolique contient donc une petite quantité d'une substance réduisant la liqueur cupro-po- tassique. Cette substance peut être de la glycose. La quantité d'extrait éthéré était si petite, qu'aucun essai ne fut tenté avec cette portion. Le tableau suivant permettra de comparer les chiffres de mes ana- lyses avec ceux de Harless, de Schlossberger et de Paul Bert. Tous les chiffres ont été rapportés à 100 de sang. Harless Paul • et BiBRA. Bert. Eledone. Sepia. Matériaux solides.. . . 7.23 10.9 Sels 2.63 — solubles 1.975 — insolubles 0.655 Subt. albuminoïdes. . . 3.4 Subst. organiq. autres. D'après Harless et Bibra, les cendres du sang de l'Eledone contien- nent pour 100 : chlorure de sodium, 73.1 ; sulfate de soude, 2.0; phos- phate de soude, traces ; phosphate de cuivre et de calcium, 24.9. L'inspection du tableau précédent nous montre que le sang des Céphalopodes contient environ 3 pour 100 de sels. C'est trois à quatre fois plus que n'en contient le sang des Mammifères. (D'après Cari Schmidt, 100 parties de globules rouges contiennent 0.728, et 100 parties de plasma, 0.851 de sels.) C'est un exemple remarquable de l'influence que le milieu exerce sur la composition chimique du liquide nourricier. La proportion des sels contenus dans le sang do Poulpe se rapproche de celle de l'eau Schlossberger, Léon Fr EDERICO, Sepia. Octopus. Octopus. Octopus 18.20 12.0 13.689 13.245 3.2 2.2 3.016 2.973 2.79 1.9 2.414 2.789 0.41 0.28 0.184 8.9 9.163 1.109 PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 547 de mer. Il en est'de même de leur composition chimique : sous ce rapport la présence du calcium et du maj^nésium dans les cendres solubles du sang de Poulpe est des plus remarquables. La coloration bleue du sang de Poulpe mérite toute notre atten- tion; elle est due, comme l'ont admis P. Bert, Rabuteau et Papillon, à l'action de l'oxygène de l'air. Cette coloration disparaît, en effet, quand on enlève l'oxygène. Le moyen le plus simple de priver un liquide organique de son oxygène consiste à le conserver pendant une ou deux fois vingt-quatre heures à l'abri de l'air; on sait que, dans ces conditions l'oxyhémoglobine se réduit complètement. Du sang de Poulpe fut renfermé dans des tubes de verre scellés à la lampe; au bout d'un ou deux jours il était devenu à peu près incolore. Je cassai la pointe des tubes et fis sortir le sang; exposé à l'air, ce liquide reprit sa teinte bleue. Renfermé de nouveau à l'abri de l'air, il se décolora. J'avais rapporté à Gand plusieurs échantillons de sang de Poulpe saturé de chloruré de sodium (dans un liut de conservation). Après quelques jours, la surface seule était bleue, les parties profondes du liquide s'étaient réduites. L'agitation à l'air rétablit l'oxydation et la couleur bleue. Enfin, une portion de ce liquide bleu fut renfermée dans un tube chauffé à l'eau chaude et soumis au vide de la pompe à mercure de Gréhant. La combinaison oxygénée se dissocia rapi- dement, il se produisit un dégagement gazeux et le liquide se déco- lora complètement. D'autres portions du même liquide bleu furent respectivement soumises à un courant de H^S, de GO^, et se déco- lorèrent également. Le sang du Poulpe contient donc une substance incolore qui forme, avec l'oxygène, une combinaison bleue peu stable, que le vide suffit à dissocier. La respiration se faisant chez les animaux supérieurs par l'inter- médiaire d'une substance qui offre des propriétés analogues, l'hémo- globine, il était naturel de supposer ici quelque chose de pareil. Il est facile de constater que, chez le Poulpe, la substance bleue sert également d'intermédiaire, de véhicule, entre l'oxygène de l'eau et les tissus qui en sont avides ; que le sang artériel du Poulpe est bleu et le sang veineux incolore. Fixons un Poulpe sur la planchette dont il a été question au début, et plaçons-le dans le baquet rempli d'eau de mer. Maintenons le sac viscéral et le manteau dans une position telle, que la face ventrale soit tournée vers nous, et prati- quons une fenêtre dans, la moitié inférieure de cette face ventrale ; 848 LÉON FREDERICQ. enlevons à cet effet un lambeau rectangulaire, comprenant la peau et les parois du manteau et donnant, par conséquent, accès dans les deux cavités respiratoires. L'animal, après avoir exécuté quelques expirations forcées, reprend le rythme habituel de ses mouvements respiratoires. On aperçoit, de chaque côté, la branchie et le vaisseau pulsatile afférent rempli d'un sang bleu foncé qui, à en juger par la teinte, doit être saturé d'oxj^gène. Il en est de même, comme on l'a vu, pour l'artère céphalique. Tous les vaisseaux qui conduisent le sang à la branchie sont, au contraire, remplis d'un liquide incolore. Il suffit de soulever la bran- chie avec une pince pour apercevoir le vaisseau efférent pâle qui vient du cœur branchial. On peut constater le même fait pour la veine cave, les tubes péritonéaux de Milne-Edwards et les vaisseaux veineux garnis d'appendices glanduliformes. Il faut, pour les mettre à nu, diviser la mince paroi des cellules péritonéales. C'est bien au fait de la respiration qu'est dû ce changement de coloration du sang veineux dans la branchie du Poulpe. Pour le prouver, on peut faire sur le Poulpe une expérience calquée sur celle qui servit à Bichat à démontrer que, chez les mammifères, les diffé- rences de colorations du sang artériel et veineux sont dues à la res- piration. Il mit à nu la carotide et la trachée, et introduisit dans cette dernière une large canule munie d'un robinet. Chaque fois qu'il empêchait l'accès de l'air dans les poumons en fermant le robi- net, la carotide ne fournissait que du sang veineux foncé ; dès qu'il rouvrait le robinet, le sang dans la carotide reprenait sa belle cou- leur vermeille. Sur un Poulpe fixé et plongé dans l'eau, je mets à nu la grosse artère, comme s'il s'agissait de lui faire une saignée. Tant que l'ani- mal respire librement, l'artère est d'un bleu foncé ; retirons-le de l'eau, de façon qu'il ne puisse respirer utilement, le sang pâlit immé- diatement dans l'artère; au bout d'un petit nombre de secondes, il est devenu presque incolore. L'animal est remis dans l'eau où il respire vigoureusement; en peu d'instants, le sang est redevenu bleu dans l'artère. On peut reproduire à volonté ces alternatives de colo- ration et de décoloration. On obtient le môme résultat sans sortir l'animal de l'eau, rien qu'en empêchant l'effet des mouvements respiratoires; il suffit d'introduire, de chaque côté, les doigts dans la cavité palléale, de façon à arrêter le renouvellement de l'eau, pour PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. r)49 voir l'artère ne charrier que du sang incolore tant que dure l'obstacle à la respiration. Naturellement, le Poulpe exécute de violents mou- vements d'expiration. Enfin, si l'on coupe les nerfs palléaux, l'ani- mal s'asphyxie par paralysie des muscles respiratoires, et le sang prend également dans l'artère une teinte asphyxique. La substance bleue a donc bien, chez le Poulpe, la même signifi- cation, la même fonction respiratoire que la substance rouge du sang des Vertébrés, Mais là ne s'arrête pas l'analogie. La substance bleue appartient, comme l'hémoglobine, au groupe des substances albuminoïdes ou plutôt des Protéides, « corps susceptibles de fournir par dédouble- ment une substance albuminoïde à côté d'autres produits de décom- position ». (Hoppe-Seyler, p. 231, Handbuch der physiologisch und patlioloyisch chemïschen Analyse, 4** Auflage.) Si l'hémoglobine con- tient du fer, la substance bleue contient du cuivre, et la façon dont elle se dédouble, sous l'influence des acides, est entièrement calquée sur la réaction analogue que présente l'hémoglobine. Enfin, on trou- vera plus loin une méthode qui permet de préparer la substance bleue à l'état de pureté. C'est donc un corps nouveau, à propriétés et à compositions chimiques tout à fait caractéristiques ; son impor- tance est assez grande pour mériter une dénomination spéciale. Je propose de l'appeler hémocyanine {de oi.\.\m, sang, et 'Auavoç, bleu, terme rappelant la parenté étroite avec l'hémoglobine du sang des Vertébrés. La combinaison avec l'oxygène serait naturellement l'OXYHÉMOC YANINE . Reprenons ces divers points avec quelques détails. On peut s'as- surer de la façon suivante que l'hémocyanine est une substance col- loïde, coagulable par l'alcool et la chaleur, et qu'elle appartient par conséquent au groupe des albuminoïdes. Si l'on verse goutte à goutte du sang artériel de Poulpe dans de l'eau en pleine ébullition, les matières albuminoïdes se coagulent par la chaleur, sous forme de "grumeaux nageant dans le liquide. Ce liquide est parfaitement Hmpide et incolore, tandis que le coagulum est bleuâtre; cette teinte bleue s'accentue si l'on dessèche le coa- gulum. Si l'on verse goutte à goutte du sang artériel de Poulpe dans de l'alcool, on obtient également un coagulum bleu et un liquide tout à fait incolore. Environ 10 grammes de sang artériel de Poulpe furent enfermés mO LÉON FREDERIGQ. dans lin dialyseur, formé d'im boyau de papier parchemin, que l'on suspendit dans l'eau distillée ^ L'eau fut changée plusieurs fois par jour. Au bout de quatre jours, le liquide intérieur fut examiné. L'hé- mocyanine s'y trouvait encore, tandis que les sels solubles avaient diffusé vers l'extérieur. Le coagulum formé par l'ébuUition et par l'alcool n'est-il pas un mélange de plusieurs substances albuminoïdes? En d'autres termes, l'hémocyanine est-elle la seule substance de ce groupe que con- tienne le sang de Poulpe? Pour résoudre cette question, nous dispo- sons de la méthode des coagulations successives par la chaleur, qui est basée sur ce fait, que chaque substance albuminoïde offre un point de coagulation qui lui est spécial. La façon la plus commode de chauffer graduellement un liquide consiste à le renfermer dans un tube à parois minces, bien bouché, et à plonger ce tube dans un gobelet de verre rempli d'eau distillée, à placer le tout sur un bain-marie rempli d'eau chaude. Un ou plusieurs thermomètres plongés dans le gobelet et dans le tube indi- quent la marche de la température. Si l'on remplit le tube mince de sang de Poulpe et si l'on élève graduellement la température du bain-marie, on observe qu'au-delà de -h 65 degrés le hquide devient opalescent, sans perdre ni sa transparence ni sa fluidité. Cette opa- lescence va en augmentant, à mesure que la température monte. A 73 degrés, elle est à son maximum ; cependant le liquide n'est pas encore coagulé. Ce n'est qu'à •+■ 74 degrés qu'il se prend en une masse compacte. On ne peut guère songer, dans ces conditions, à en exprimer du liquide pour voir s'il contient encore une autre substance albumi- noïde. Voici comment il convient d'opérer : 10 centimètres cubes de sang saturé de NaCl furent dilués avec 23 centimètres cubes d'eau distillée, de façon que le mélange renfermait à peu près 10 pour 100 de NaCl. Ce liquide chauffé au bain d'eau devint opalescent vers + 68 degrés et se coagula vers -h 69 degrés. Le coagulum se pré- sentait sous forme de grumeaux, de sorte que le liquide surnageant put être décanté et infdtré. Ce liquide, fdtré parfaitement clair, fut replacé dans le tube mince et l'on continua à élever la température du bain d'eau; privé de l'hémocyanine qui s'était coagulé à + 69 de- ' Ces boyaux artificiels so trouvent dans le commerce ; ils servent en Alle- magne pour la fabrication des saucissons. C'est M. le professeur Kùhne, de Heidel- berg, qui m'a indiqué ce procédé. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. S51 grés, il ne fut plus susceptible d'offrir une seconde coagulation par la chaleur; on put le porter à 1 ebuUition sans y produire de trouble appréciable. La méthode des coagulations successives semble donc indiquer qu'il n'y a dans le sang de Poulpe qu'une seule substance albuminoïde, Vhémocyanme. Pour plus de certitude, j'ai imaginé, pour le cas qui nous occupe, la méthode des précipitations fractionnées par l'alcool. Si, à du sang de Poulpe dilué au préalable, j'ajoute de l'alcool par petites portions, chaque goutte d'alcool y produit un précipité de sub- stances albuminoïdes, mais ce caillot se redissout immédiatement à condition que l'on ait soin d'agiter le liquide.' Si l'on continue à verser de nouvelles portions d'alcool, il arrive un moment où la limite d'insolubilité de la matière albuminoïde bleue, dans un mé- lange d'alcool et d'eau, se trouve dépassée; le précipité ne se redis- sout plus. Si je filtre à ce moment, et si au liquide filtré j'ajoute de nouvelles portions d'alcool, il ne se forme plus de précipité. Le liquide filtré ne contient donc plus de substance albuminoïde coagu- lable par l'alcool. Toute la matière albuminoïde du sang de Poulpe se précipite en une fois, ce qui n'aurait pas lieu si elle était formée par un mélange de plusieurs substances albuminoïdes. Je m'étais déjà assuré que le sang de Poulpe ne contient aucune substance albuminoïde appartenant au groupe des globulines, et cela de la façon suivante : 5 centimètres cubes de sang de Poulpe furent dilués avec environ 13 fois leur volume d'eau distillée, puis addi- tionnés goutte à goutte d'acide acétique dilué. Le liquide resta par- faitement clair. D'autres portions de sang furent respectivement saturées à froid de chlorure de sodium, de sulfate de sodium, de sul- fate de magnésium, sans qu'il y eût formation d'un précipité de sub- stances albuminoïdes. A présent que nous conurnssons quelques-unes des propriétés de la substance albuminoïde bleue et les conditions dans lesquelles elle se trouve dans le sang du Poulpe, il nous sera facile d'imaginer un procédé pour l'isoler, pour l'obtenir à l'état de pureté. Nous appli- querons au sang de Poulpe filtré la méthode de la dialyse, qui sert à extraire l'albumine du sérum sanguin chez les Mammifères. Comme l'hémocyanine est la seule substance non diffusible que ren- ferme le sang de Poulpe, il suffit de placer ce liquide dans un dialy- seur pendant trois à quatre jours, de renouveler fréquemment l'eau extérieure, jusqu'à ce que tous les sels, toutes les substances cris- bo2 LÉON FREDERICQ. talloïdes aient diffusé vers l'extérieur, pour obtenir une solution aqueuse de la matière bleue. On obtient ainsi un liquide légèrement jaunâtre avec un peu de fluorescence bleue, et qui prend au contact de l'air une couleur bleu foncé. C'est un bleu fort peu saturé, presque noirâtre, comme on peut s'en assurer par l'examen spectroscopique. Tout le spectre se trouve fortement absorbé, sans qu'il y ait de véritables bandes d'ab- sorption. Il suffit d'évaporer ce liquide à une basse température pour obtenir une substance d'un beau bleu presque noir, offrant un éclat particulier et rappelant l'aspect de la gélatine. L'hémocyanine peut dans cet état se conserver indéfiniment, à condition qu'on la préserve de l'humidité, mais elle m'a semblé perdre en partie sa solubilité dans l'eau. Si l'on essaye de conserver le sang de Poulpe dans des tubes de verre fermés, on réussira assez bien, à condition que les tubes soient petits et aient été récemment étirés dans la lampe. Je conserve de cette façon du sang de Poulpe depuis deux mois. Les échantillons que j'a- vais renfermés dans des tubes plus larges (1 centimètre de diamètre intérieur, 25 à 30 de long) se sont, au contraire, rapidement putré- fiés, quoique les tubes eussent été remplis de liquide presque com- plètement, et qu'il ne restât qu'une minime bulle d'air à la partie supérieure. L'hémocyanine n'est donc pas imputrescible comme l'hémoglobine conservée à l'abri de l'air. L'hémocyanine donne les réactions caractéristiques des substances albuminoïdes avec le ferrocyanure de potassium et l'acide acétique, avec le réactif de Millon, avec l'acide nitrique et l'ammoniaque. Elle est coagulée par la chaleur, par l'alcool, par l'éther, par les acides minéraux, par l'acide acétique glacial. Si à une solution d'hé- mocyanine on ajoute avec précaution et goutte à goutte de l'acide acétique glacial, on obtient une belle gelée hyaline insoluble dans l'eau. Le tannin et la plupart des sels des métaux pesants précipitent l'hémocyanine de ses dissolutions : le nitrate d'argent, le subhmé, l'acétate neutre et l'acétate basique de plomb, le sulfate de cuivre. Il est facile de constater que l'hémocyanine renferme du cuivre en assez grande quantité ^ * L'existence du cuivre avait été signalée depuis longtemps dans le sang de plu- sieurs Mollusques, mais on ignorait dans quel état ce métal s'y trouve. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 553 Si l'on recueille les grumeaux bleuâtres obtenus en coagulant la substance bleue par l'alcool, ou par l'ébullition, si on les lave à l'eau chaude, puis à l'alcool, si on les dessèche et les calcine dans un petit creuset dans la flamme de la lampe à alcool, on obtient une petite quantité de cendre grise. Cette cendre contient du cuivre en quantité notable, comme on peut s'en assurer par un simple essai au chalu- meau. On obtient, en prenant quelques parcelles de cette cendre avec le borax sur le fil de platine, une perle verte à chaud, bleue à froid, au feu d'oxydation. La solution chlorhydrique de cette cendre se colore en brun marron par le ferro-cyanure de potassium, en bleu très pâle par l'ammoniaque. Cette recherche a été conduite en entier en évitant soigneusement de se servir de vases ou d'ustensiles de cuivre*. L'hémocyanine semble avoir une constitution chimique calquée sur celle de l'hémoglobine. L'oxyhémoglobine se dédouble facilement, comme on sait (par les acides), en une substance albuminoïde qui no contient pas de fer, et une substance ferrifère (l'hématine). De même si l'on traite une solution d'hémocyanine par quelques gouttes d'acide nitrique ou d'acide chlorhydrique, on obtient une substance albumi- noïde coagulée, dont la cendre ne contient pas trace de cuivre, et un liquide, dont la cendre est de l'oxyde de cuivre. La substance cuprifère qui résulte ainsi du dédoublement de l'hémocyanine paraît former avec l'acide chlorhydique une combinaison se présentant sous formes d'aiguilles cristallines incolores. Avec l'acide nitrique on obtient de petits cristaux prismatiques. Ces cristaux furent obtenus en évapo- rant presque à sec le liquide d'où l'acide nitrique et l'acide chlorhy- drique avaient décomposé l'hémocyanine (purifiée par une longue dialyse). La solution d'hémocyanine pure, desséchée dans l'exsicca- teur, ne laisse déposer aucun cristal par évaporation. La combinaison de l'hémoglobine avec l'oxygène semble liée à la présence du fer dans cette substance ; en effet, les quantités respec- tives de fer qu'elle contient et celles d'oxygène auquelles elle se com- bine, sont dans un rapport très simple avec les poids atomiques res- pectifs du fer et de l'oxygène. Il ne me paraît pas improbable que le cuivre n'ait ici la même signification, et que les quantités de cuivre et 1 Dans beaucoup de reclierclies ayant abouti à la constatation de petites quan- tités de cuivre, il faut, d'après Niklès et Losson, faire la part au cuivre qui peut provenir de la lampe de Bunsen, du bain-marie ou d'autres ustensiles en cuivre. {Journal de -pharmacie, 1866.) 554 LÉON FREDERICQ. d'oxygène combinés ne soient dans les mômes proportions atomiques que dans l'hémoglobine. Malheureusement, les faibles quantités de sang de Poulpe, dont je disposais à mon retour à Gand, ne me permirent pas de déterminer ces chiffres d'oxygène et de cuivre. J'en suis donc réduit à ce sujet à de pures conjectures. Si l'hémocyanine était réellement de l'hémo- globine, où 1 atome de fer est remplacé par 1 atome de cuivre, l'hé- mocyanine devrait contenir pour 100, ^^^^~ =0.476 de cuivre ^ Le poids moléculaire minimum de l'hémocyanine serait 13341.5, celui de l'hémoglobine étant 13333. En restant dans le même ordre d'idées, 1 gramme d'hémocyanine se combinerait à peu près à autant d'oxy- gène que 1 gramme d'hémoglobine, soit à envron 1",3 d'O. Je n'in- siste pas sur la grande importance que présente, au point de vue de la physiologie générale de la respiration, la découverte de l'hémocya- nine. Je me bornerai à la remarque suivante : le sang de Poulpe ne contenant qu'une seule espèce d'albuminoïde, il s'ensuit qu'ici les deux grandes fonctions du sang, la respiration et la nutrition des tis- sus, reposent sur une seule et môme substance chimique, l'hémo- cyanine. Dans le sang des Vertébrés, au contraire, il s'est établi sous ce rap- port une véritable division du travail physiologue. La fonction respi- ratoire appartient exclusivement à l'hémoglobine des globules, la fonction nutritive aux substances albuminoïdes du plasma. § IL CIRCULATION. Les mouvements des organes centraux de la circulation s'étudient parfaitement sur un Poulpe fixé sous l'eau, chez lequel on a pratiqué une fenôtre dans la paroi centrale du manteau et du sac viscéral. Chaque pulsation se compose d'une série assez complexe de phéno- mènes, dont Paul Sert a parfaitement indiqué le rythme chez la Seiche. Les tubes péritonéaux et la veine cave se contractent d'abord, puis la contraction vermiculaire gagne de proche en proche les deux branches de bifurcation de la veine cave garnie d appendices glan- dulaires; immédiatement après vient la contraction simultanée des deux cœurs veineux situés à la base des branchies, puis celle des deux > 63..'> = poids atomique du cuivre j 56 = poids atomique du fer; et 0.42 = quan- lité de fer contenue dans 100 d'iiémoglobine. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. S55 vaisseaux efférents ou oreillettes ; enfin la contraction du ventricule artériel ou cœur proprement dit. On compte chez le Poulpe environ 35 pulsations par minute ; et comme la durée totale des différentes phases successives d'une pul- sation est de plus d'un trente-cinquième de minute, il s'ensuit que chaque pulsation empiète de plus en plus sur ses voisines. Le pre- mier temps de chaque pulsation (contraction des tubes péritonéaux) s'exécute en général au moment où le mouvement ondulaire de la pulsation précédente envahit le vaisseau efiférent de la branchie, par conséquent avant qu'il ait atteint le cœur artériel. Le vaisseau effé- rent bat donc en même temps que les tubes péritonéaux. Le cours régulier du sang se trouve favorisé par un système de valvules déjà décrites (au moins en partie) par Cuvier. La cause qui préside aux pulsations du cœur et des gros vaisseaux ne doit pas être cherchée dans une influence émanant des centres nerveux périœsophagiens. L'ablation de ces ganglions, la section des nerfs palléaux, l'extirpation des ganglions palléaux qui abolissent les mouvements de la respiration, n'arrêtent nullement les pulsations du cœur. Ceux-ci possèdent en eux-mêmes les éléments de leurs mou- vements rythmiques. On peut extraire du corps les grosses veines garnies d'appendices glanduliformes ; elles continuent à battre, comme le ferait un cœur de Grenouille placé dans les mêmes condi- tions. De même sur l'animal vivant, on peut, à l'aide de deux liga- tures, fortement serrées, isoler un bout de ces veines ; elle n'en continuera pas moins à battre, mais ses pulsations ne seront plus iso- chrones avec celles des autres parties des centres circulatoires. Enfm les pulsations du cœur peuvent persister pendant longtemps chez un Poulpe extrait de l'eau alors que les centres nerveux principaux sont déjà morts et que l'animal n'exécute plus aucun mouvement. Ces battements rythmiques et spontanés peuvent être accélérés par l'emploi de différents genres d'excitants. Le contact de l'air, l'ex- citation mécanique par froissement, mais surtout l'excitation élec- trique, ont pour effet d'augmenter notablement le nombre des pulsa- tions cardiaques. Je me suis servi dans mes expériences de la pince électrique et du chariot de du Bois-Reymond (petit modèle de Gaiffe), qui donne, comme on sait, des séries de chocs d'induction dont on peut gra- duer l'intensité. Avec un courant faible ou d'intensité moyenne, l'application de la pince électrique à la surface des appendices glan- mf) LÉON FllEDERICQ. dulaircs des veines a pour effet d'accélérer notablement leurs pulsa- tions. Un courant très fort ne produit pas un vrai tétanos, mais plu- tôt une série de pulsations convulsives encore distinctes à la vue. Le nombre de ces pulsations est toujours de beaucoup inférieur à celui des interruptions du courant électrique. Enfin on peut à l'aide du courant électrique ranimer les pulsations alors qu'elles ont cessé spontanément. Si les centres nerveux qui constituent le collier œsophagien ne pré- sident pas aux mouvements de l'appareil circulatoire, les nerfs qui en partent n'en ont pas moins une influence considérable sur ce phénomène. J'ai été conduit à y distinguer des nerfs accélérateurs et des nerfs modérateurs des mouvements du cœur. Le ou les nerfs accélérateurs suivent le trajet de la grande veine cave : il suffit de porter l'excitation électrique à sa surface pour aug- menter immédiatement le chiffre des pulsations i. L'effet produit est en rapport avec l'intensité du courant employé. Les fibres nerveuses modératrices sont contenues dans le tronc des nerfs viscéraux. Leur action, analogue à celle que le pneumogastrique exerce sur le cœur chez les Vertébrés, a été découverte par Paul Bert chez la Seiche. Chez le Poulpe, le nerf viscéral naît à droite et à gauche de la par- tie postérieure de la masse nerveuse sous-œsophagienne. Dans la ré- gion du cœur et des gros vaisseaux, on le cherchera de chaque côté de la veine cave, chez la femelle à droite, entre l'intestin et l'oviducte, à gauche entre la veine cave et l'oviducte; chez le mâle, à droite en dehors de l'intestin terminal, à gauche entre le canal déférent et la veine cave. Il quitte de chaque côté à ce niveau le foie, à la surface duquel il était appliqué, pour courir dans l'épaisseur de la paroi an- térieure de la cellule péritonéale ; il se dirige vers l'extérieur à la base de la branchie en décrivant une large courbe à concavité supérieure, passe dans le voisinage (au-dessus) du pore péritonéal, et va gagner le cœur veineux et la base de la branchie, oii il offre une série de ganglions. Gomme pour le pneumogastrique des Vertébrés, la section d'un seul nerf viscéral a pour effet d'augmenter le nombre des pulsations du cœur et des gros vaisseaux ; son excitation faible diminue ce nom- » Peut-êlre, dans cette expérience, l'accélération des pulsations doit-elle être rap- portée plutôt à l'excitation directe de la veine cave qu'à une action sur des fibres nerveuses accélératrices. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. bbl bre ; l'excitation forte produit un arrêt complet en diastole. L'action de chaque nerf viscéral s'exerce sur la totalité des centres circulatoires sans que l'on remarque de différence entre les contractions de vais- seaux situés dans la moitié du corps où l'on opère et ceux de l'autre côté. La section ou l'excitation simultanée des nerfs viscéraux a na- turellement une action plus énergique que lorsqu'il s'agit d'un seul. Voici les détails d'une expérience destinée à mettre en lumière l'action des nerfs accélérateurs et modérateurs des centres circula- toires du Poulpe : Poulpe de taille moyenne fixé sur la planchette et plongé dans l'eau à une très petite profondeur. Le sac viscéral et le manteau sont placés de façon que la face pâle du manteau (face ven- trale) regarde en haut. On introduit les doigts de la main gauche dans les deux cavités respiratoires, de façon à comprendre la cloison in- terrespiratoire entre l'indicateur et le médius. On divise cette cloison à l'aide de ciseaux mousses. On divise également largement la paroi du sac respiratoire par une incision médiane et longitudinale, partant de son bord libre et se prolongeant jusqu'à l'endroit où le sac res- piratoire adhère au sac viscéral, c'est-à-dire au fond du sac respira- toire. Les deux lambeaux, droit et gauche, ainsi formés se rabattent naturellement latéralement, ce qui n'empêche pas l'animal de con- tinuer à respirer. A ce moment le nombre des pulsations est de 33 par minute. Quelques instants se perdent à mettre en état la pile et les accessoires. Entre ce temps le nombre des pulsations tombe à 24-26 par minute. Les appendices glandulaires des veines battent donc six fois à six fois et demie par quart de minute. Ce chiffre se maintenant pendant quelques minutes, est annoté. On porte l'exci- tation électrique sur le nerf viscéral gauche : à cet effet on saisit avec les mors d'une pince une partie de la paroi de la cellule préritonéale voisine du nerf, et l'on exerce une traction suffisante pour attirer hors de l'eau la portion du nerf que l'on veut soumettre à l'excitation. Le nombre des pulsations baisse immédiatement de moitié (3 et demie au quart). On attend un instant, les pulsations reprennent bientôt leur rythnle primitif. On porte les mors de la pince électrique sur la^veine cave assez haut, de façon à exciter les fibres nerveuses accé- lératrices. On obtient jusqu'à 13 pulsations au quart de minute. On attend de nouveau que le chiffre primitif de 6 au quart soit rétabli, et l'on pratique la section du nerf viscéral de droite. Le nombre des pulsations monte à 8 au quart. On pratique la section du nerf viscé- ral gauche, pulsations : 9 au quart. 558 LÉON FREDEHICQ. Les gros vaisseaux et le cœur ne sont pas les seules parties de l'ap- pareil circulatoire qui présentent chez le Poulpe des pulsations rythmiques. Le même phénomène s'observe sur toutes les veines, jusque dans leurs plus- petites ramifications. On peut déjà s'assurer de ce fait en examinant à la loupe la branchie d'un Poulpe vivant, ouvert dans l'eau, mais les veines des bras se prêtent mieux encore à cette étude. Comme le sang veineux qui les remplit est incolore, il est bon d'injecter au préalable un liquide coloré peu irritant (eau de mer dans laquelle on a délayé le noir de la poche à encre, ou simplement eau de mer avec bleu de Prusse). Cette injection se fait très facilement par la grande veine cave. Si l'on écorche avec soin un bras de Poulpe ainsi injecté, on aper- çoit sous la peau deux grandes veines, une de chaque côté, qui ré- gnent sur toute la longueur du bras ; ces veines, qui s'anastomosent fréquemment, sont en rapport avec tout un système de veinules sous- cutanées, aux ramifications les plus déUées. Tous ces vaisseaux su- bissent des mouvements alternatifs d'expansion, puis de resserre- ment. Des ondes de contraction les parcourent suivant la longueur. Le phénomène, pris dans son ensemble, n'a rien de bien régulier et rappelle les mouvements vermiculaires de l'intestin. Cependant, sur chaque portion de vaisseau considérée isolément, les contractions se succèdent d'une façon assez régulière et rythmée. Ces battements paraissent entièrement indépendants du système nerveux central, puisqu'ils continuent pendant des heures entières sur des bras de Poulpe coupés. Plus d'une fois, j'ai pu observer au microscope ces contractions rythmiques sur de petits lambeaux de peau étalés à la surface d'un porte-objet, complètement séparés du corps de l'animal. Les contractions des veinules y sont extrêmement énergiques, la lumière du vaisseau semble chaque fois s'effacer com- plètement. La systole est brusque et très courte, la diastole beau- coup plus longue. Il n'est pas nécessaire d'injecter les vaisseaux, ni même de léser la peau, pour observer chez le Poulpe les contractions vemiiculaires des deux grosses veines du bras. Il suffit de regarder attentivement la surface humide et lisse du bras, en ayant soin de se placer de façon qu'elle réfléchisse un objet vivement éclairé. Les changements de position du reflet lumineux, à chaque contraction du vaisseau sous- jacent, s'observent alors facilement. Je me suis demandé si le système nerveux central n'exerce aucune PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 559 action sur ces phénomènes; j'avais, sur un bras de Poulpe isolé dont les vaisseaux avaient été injectés à l'eau de mer et au bleu de Prusse, mis à nu le gros cordon nerveux central pour le soumettre à une excitation électrique. L'expérience donna un résultat douteux. Le réseau des veinules est recouvert par un mince plan musculeux. Ces muscles se contractent à chaque excitation du cordon nerveux et empêchent complètement de se rendre compte de l'effet produit sur les vaisseaux. L'appareil circulatoire entier du Poulpe est donc animé de pulsa- tions rythmiques, mais le travail mécanique ainsi produit est fort dissemblable dans les différents départements vasculaires. La résis- tance que les grosses veines rencontrent dans la propulsion du sang, de la part de leurs propres parois et de la part du réseau capillaire de la branchie, est bien faible; aussi, la pression y est-elle peu élevée. Chez un Poulpe fraîchement capturé, fixé dans le baquet d'opé- ration, je pratiquai une fenêtre au côté gauche du sac respiratoire, de façon à tomber immédiatement sur la branchie et sur le cœur veineux; j'incisai le vaisseau branchial afférent et, parla bouton- nière ainsi produite, j'introduisis jusque dans le cœur veineux l'ex- trémité horizontale, effilée, en forme de canule d'un tube en L coudé à angle droit. Une ligature servit à assujettir cette courte branche. La longue branche verticale devait faire fonction de manomètre et indiquer la pression à l'intérieur du cœur veineux, par la hauteur à laquelle le sang s'élèverait. La colonne de sang n'y monta qu'à une hauteur de 7 à 8 centimètres (liquide de 1047 de densité) ; elle offrit des oscillations de 1 centimètre de hauteur environ, dont les points les plus élevés coïncidaient naturellement avec la systole des cœurs veineux et alternaient, par conséquent, avec les contractions du cœur artériel. La pression dans le système artériel est au contraire énorme ; et le cœur artériel du Poulpe doit être considéré comme un moteur puis- sant. La pression fut prise chez quatre Poulpes dans l'artère céphali- que à l'aide d'un tube enL, dont la courte branche était pareillement étirée en forme de canule et dont la branche verticale mesurait plus de 1 mètre. On obtint respectivement comme maximum de pression: 78, 78, 62, et 65 c. de sang (densité 1047 environ). Le sang monta par saccades et se maintint ensuite à un certain niveau en exécutant des oscillations très faibles ne dépassant guère 1 centimèfre et cor- 560 LÉON FREDERICQ. respondant aux pulsations cardiaques. Tout effort avait pour effet de faire monter la colonne bleue. Les mouvements respiratoires paru- rent avoir une action analogue. Dans ces conditions la circulation est profondément troublée, puis- que l'introduction dans le bout coupé de l'artère a pour effet d'obli- térer la voie par laquelle doit passer la presque totalité du sang arté- riel destiné aux organes. J'ai remédié à cet inconvénient en employant une canule en T et en reliant le manomètre à la branche droite duT, tandis que les deux extrémités de la branche couchée du T étaient liées dans les deux bouts de l'artère coupée en travers. Je pus prendre ainsi la pression latérale sans troubler notablement la circu- lation. Chez un gros Poulpe bien vigoureux, la colonne de sang atteignit la hauteur énorme de 103 centimètres. En admettant le chiffre de 1047 comme représentant la densité de ce liquide, on trouve que la pression dans la grande artère de ce Poulpe était d'environ 8 centi- mètres de mercure. Cette pression est donc supérieure à celle que Légerot et Jolyet {Comptes rendus de la Société de biologie, 1,872, p. 131 et p. 234) ont trouvée pour les Vertébrés à sang froid (30 à 30 milli- mètres de mercure chez Testudo grxca ; 70 millimètres chez Co- lubei' natrix ; 30 millimètres chez une Tortue d'eau douce ; 63 à 70 millimètres chez les anguilles). La quantité de sang que le cœur artériel verse à chaque systole dans le système artériel a été trouvée dans deux expériences, respec- tivement de 32 et de 33 centigrammes. Le premier chiffre se rapporte à un Poulpe de taille moyenne qui fournit par une canule introduite dans l'artère 3^,69 de sang en 7 pulsations. Le second Poulpe, plus petit, fournit 3^,33 en 10 pulsations. Les recherches de Milne-Edwards et de Langer* ont montré que chez le Poulpe le passage des artérioles aux veinules se fait partout par l'intermédiaire de réseaux capillaires. Le système de lacunes, si développé chez les autres groupes de Mollusques, fait entièrement défaut ici. Un vaste sinus veineux se trouve cependant intercalé dans ' H. Milne-Edwahds et Valenciennes, Ann. des se. naturelles, 1845, p. 307-315. — H. Milne-Edwards,, Ann. des se. nat., appareil circulatoire du Poulpe, 1845, p. 341-353, pi. XIII-XVI (3e série;. — Mém. de l'Acad. des se, XX, Paris, 1849, p. 443-483. — C. Langer, Ueber das capillare Blulgefdssystem drr Cephalopoden. Taf. XI, p. 488-492, SUzimgsber. der mat. naturw. Cl.der K. Akad. d. Wiss. su Wien, 1850, V. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 561 les voies que le sang veineux parcourt pour se rendre aux branchies. Ce sinus veineux contient, comme on sait, chez le Poulpe, toute la partie du tube digestif comprise entre le pharynx et l'intestin terminal, puis la grosse artère céphalique, les deux canaux excréteurs du foie, les glandes salivaires, etc. C'est ici le lieu de nous occuper d'une question qui a été résolue dans différents sens par les anatomistes i. Existe-t-il chez les Céphalopodes comme chez d'autres Mollusques, des communications directes entre l'eau extérieure et l'appareil cir- culatoire? Y a-t-il mélange entre le sang et l'eau ? L'étude attentive que j'ai faite de cette question me permet d'y répondre négativement. La densité élevée du sang de Poulpe, la proportion énorme de ma- tériaux solides qu'il contient nous indiquent déjà que nous n'avons pas affaire à un liquide physiologique dilué par l'eau de mer. La pression énorme dans les artères, mais avant tout l'étude anatomique du système circulatoire du Poulpe, prouvent que ce système est com- plètement clos et que le sinus veineux dont il a été question plus haut ne communique pas avec les cellules péritonéales, comme l'ad- mettait Krohn. J'ai poussé différentes masses à injection, dans le système artériel et dans le système veineux, tantôt par les vaisseaux afférents ou efférents des branchies, tantôt par la périphérie, notam- ment en introduisant directement la canule dans le sinus viscéral dorsal. Jamais dans ces conditions la matière à injection ne pénètre dans les cellules péritonéales, jamais elle ne se montre à l'extérieur. Enfin j'ai plus d'une fois injecté la cavité des cellules péritonéales en introduisant la canule de la seringue dans le pore péritonéal. On s'aperçoit alors que les cellules péritonéales s'étendent jusque sur la face dorsale de l'animal, beaucoup plus loin qu'on ne l'aurait cru de prime abord; mais jamais la masse à injection ne pénètre dans le sinus veineux, jamais elle n'entre dans les vaisseaux. On pourra s'as- surer également que la cellule droite ne communique pas avec la gauche ; il suffît de les injecter avec des liquides différemment colorés. Mais la disposition et les rapports des cellules péritonéales avec le sinus veineux s'étudieront surtout avec fruit sur des Poulpes dont les organes ont macéré pendant quelques jours dans l'acide nitrique 1 KrOhN;, Arch. f. Anat. u. Physiol., 1839, p. 3oG. — P.-J. Van Beneden, Sur la circulation dans les animaux inférieurs. Comptes rendus, XX, 1845, p. 516. — Milne- Edwards, Ann. des se. naU, 1845, III. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VII, 1878. 86 562 LÉON FREDERICQ. dilué (au dixième ou au quinzième). Comme je l'ai montré dans un travail précédent \ l'action de l'acide nitrique est ici comparable ?i celle de l'acide chronique^ ; elle est éminemment favorable à l'étude des organes creux, qui se trouvent ainsi fixés dans leurs rapports, et dont les cavités restent béantes, même après qu'on a pénétré dans leur intérieur avec les instruments de dissection. Sur un Poulpe traité par l'acide nitrique on verra clairement que la cloison transversale, qui sépare le sinus veineux postérieur des cellules péritonéales, est complète et n'offre aucune fente communi- quant avec la cavité des cellules péritonéales. Cette cloison est seu- lement perforée de deux ouvertures livrant passage, l'une à l'intestin au moment où il se rend du compartiment ou sinus postérieur dans la cellule péritonéale antérieure droite, l'autre à l'artère aorte qui suit une marche inverse. En outre cette cavité veineuse postérieure se continue à droite et à gauche en un tube veineux (tubes périto- néaux de Milne-Edwards) qui se jette de chaque côté dans une des deux branches de division de la veine cave. La cellule péritonéale gauche contient chez le Poulpe la moitié gauche du coeur aortique, de la veine cave et des autres gros vais- seaux; les appendices glanduliformes y flottent librement. La cellule péritonéale droite contient la moitié droite des mêmes parties, plus une portion de l'artère aorte, et toute l'étendue de l'intestin comprise entre le caecum et l'anus. La branchie étant située à l'exté- rieur des cellules péritonéales, librement étalée à droite et à gauche dans la cavité palléale, il s'ensuit que les vaisseaux branchiaux affé- rents et efférents sont en partie situés à l'intérieur et en partie à l'ex- térieur de la cellule péritonéale dont ils doivent traverser la paroi. Les cœurs veineux sont situés en dehors des cellules péritonéales. De chaque cœur veineux part un organe d'usage énigmatique. C'est un tube membraneux et musculeux situé dans la cellule péritonéale, à la paroi antérieure de laquelle il se trouve appliqué ; il part du cœur veineux auquel il adhère pour se diriger transversalement jusqu'auprès du pore péritonéal où il se termine, en s'atténuant, par un orifice béant ouvert dans la cavité de la cellule péritonéale. Son autre extrémité élargie semble se continuer avec l'enveloppe du cœur veineux, comme le montrent les résultats d'injections co- 1 Léon pREDERicQ, Contributions à l'étude des Echinides, in Arch. de zoologie expérimentale. 2 llis, Ueber l'râparate sum Situs viscerum. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 563 lorées poussées par l'orifice libre du tube en question. Cet organe énigmatique ne semble guère avoir attiré l'attention des nombreux anatomistes qui ont disséqué le Poulpe. Le procédé de la macération dans l'acide nitrique offre dans le cas présent un avantage spécial : il permet d'étudier complètement le mode de distribution du sang dans les divers organes au moment de la mort de l'animal ; le sang se trouve coagulé sur place par l'acide nitrique. On peut s'assurer de cette façon que le sinus veineux dorsal contient une grande quantité de sang, mais seulement dans sa partie inférieure. On trouve de volumineux caillots moulés sur le cfecum et sur l'estomac. La portion de ce sinus qui est appliquée à la face postérieure du foie et qui contient l'œsophage, le jabot et l'artère aorte, renferme à peine des traces de sang. On retrouve quelques petits caillots dans sa portion supérieure entre les glandes salivaires, Contrairement à ce qui a lieu pour les Vertébrés, le cœur et les artères sont remplis de sang. § in. URINE. Les caecums péritonéaux dont il a été question au chapitre précé- dent sont ordinairement remplis d'un liquide clair, parfois filant, tenant en suspension un grand nombre de corpuscules solides de nature variable : granulations brunes, globules de carbonate de cal- cium à structure cristalline radiée, cellules épithéliales, parasites {Dicysema), etc. On les a fréquemment considérés comme représen- tant un système aquifère, et le liquide dont ils sont remplis, comme de l'eau de mer, destinée à se mélanger au sang ou seulement à baigner les vaisseaux. C'est une erreur; l'eau de mer ne pénètre jamais à l'intérieur des cellules péritonéales dont les orifices sont ordinairement fermés ; le liquide qui les remplit est un produit de sécrétion des appendices glanduliformes des veines et est destiné à être rejeté à l'extérieur, comme l'urine des Vertébrés. Quiconque ouvrira un certain nombre de Poulpes vivants aura l'occasion de vérifier ce fait: les pores péritonéaux, qui d'ordinaire sont fermés, se relâchent parfois et le liquide contenu dans les cellules péritonéales est expulsé au dehors ; il y a ici une véritable miction intermit- tente. Dès 1835, le liquide des cœcums péritonéaux fut considéré par 5fi.i LÉON FREDERICQ. Mayer* comme de l'urine et les appendices glanduliformes des veines comme jouant le rôle de reins ; von Sicbold ^ y trouva des groupes de cristaux rhomboédriques de couleur cramoisie. Krohn ^ les rencontra constamment chez la Seiche, mais les chercha vaine- ment chez le Poulpe et le Calmar. E. Harless'* y démontra l'existence de l'acide urique par la réaction de la murexide. P. Bert confirma le fait en ce qui regarde la Seiche ; tandis que chez le Nautile l'acide urique fut à diverses reprises recherché sans résultat. Huxley^ déclare que les concrétions terreuses de l'urine des Cépha- lopodes sont principalement composées de phosphate de calcium, mais qu'elles ne contiennent pas de traces d'acide urique. D'après Paul Bert, l'urine de la Seiche ne contient pas d'urée, mais le procédé qu'il a suivi était plutôt de nature à détruire l'urée, s'il s'en était trouvé, qu'à déceler sa présence. {Le liquide urinaire filtré^ additionné d'un peu d'acide nitrique et évaporé avec soin, ne donne aucun cristal que Von puisse rapporter au nitrate d'wée. Paul Bert, p. 59, loc. cit.) La composition chimique de l'urine n'est donc pas la même chez les différentes espèces de Céphalopodes. Chez le Poulpe je n'ai trouvé ni acide urique ni urée, mais de la guanine. Voici comment j'ai opéré : environ 18 grammes d'urine recueillie dans les caecums péri- tonéaux de plusieurs Poulpes (liquide d'une densité de 1.033) furent mélangés avec plusieurs volumes d'alcool fort. Il se forma un pré- cipité composé en majeure partie de substances albuminoïdes. Le liquide filtré fut évaporé d'abord à feu nu, puis au bain-marie. Le résidu qu'il laissa avait une saveur franchement salée, il fut repris par une petite quantité d'alcool absolu. Cette solution alcoolique filtrée fut évaporée au bain-marie à un très petit volume : elle laissa déposer des gouttelettes réfringentes. Elle fut additionnée de quel- ques gouttes d'acide nitrique. Il se produisit une très légère effer- vescence, puis, au bout de quelque temps, le hquide laissa déposer 1 Mayer, Analecten f. vergl. Anatomie. Bonn_, 1835. Zur Anatomie der Sepien, p. 2-63. ^ Von Siebold^ Anatomie comparée, trad. Spring- et Lacordaire. ' Krohn, Ueber dus Voricommen von E?iiozoen vnd Kystallab'.agerungen in den schwammigen Venenanhangen der Cephalopoden. Frorieps N. Notizen, Bd XI, 1839, no234, p. 213-216. * E. Harless, Ueber die Niere der Sepia. Arch. f. Nalurgeschichle, 1H47, I, p. t 8. Taf. I. ■5 Huxley, The Anatomy of Invertebrale Animais, 1877, p. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. S6S quelques aiguilles cristallines réunies en houppes, et un petit nombre de prismes droits à quatre pans, terminés par des faces horizontales ; aucune de ces formes cristallines ne put être rapportée au nitrate d'urée. Ces cristaux chauffés sur la lame de platine laissèrent un résidu blanc qui parut être un composé de magnésium. Le liquide urinaire du Poulpe ne contient donc pas d'urée. Le précipité obtenu par l'alcool dans l'opération précédente fut réuni au résidu insoluble dans l'alcool absolu, puis bouilli avec plu- sieurs portions d'eau distillée. La solution aqueuse filtrée fut évaporée à un très petit volume, versée dans un verre de montre et additionnée d'acide azotique ; il se produisit vm précipité floconneux dans lequel l'examen microsco- pique ne fît découvrir aucune trace de cristallisation même après vingt-quatre heures d'attente. On évapora àsec etl'on soumit le résidu à l'épreuve de la murexide. Le résultat fut négatif: l'ébullition, en présence de l'acide nitrique, donna un résidu brun grisâtre, qui par l'ammoniaque ou la soude ne changea pas notablement de couleur. L'urine du Poulpe ne contient donc pas d'acide urique. Les concrétions pierreuses qui se trouvent à la surface des appen- dices glanduliformes des veines furent également soumises à l'épreuve de la murexide : elles se dissolvèrent dans l'acide nitrique chaud avec une légère effervescence. La solution nitrique fut soumise à l'ébullition et l'acide nitrique chassé. On obtint de cette façon non pas un résidu rouge, mais un enduit brillant d'un beau jaune-citron. L'addition d'ammoniaque n'y produisit pas la belle couleur de la mu- rexide, mais l'addition d'une goutte de lessive de potasse colora la masse en rouge. La coloration rouge devint d'un beau violet par la chaleur. Les concrétions ne donnent donc pas la réaction de l'acide urique, mais celle de la guanine (ou de la xanthine). On s'assura qu'il ne s'agissait pas d'une coloration produite par des substances albu- minoïdes, en répétant l'essai avec un fragment du tissu de la veine : le résultat fut négatif. On essaya de la même façon un échantillon de guanine pure, puis un échantillon de xanthine pure et l'on obtint la même succession de teintes identiques : jaune, rouge, violet. Le peu de matière dont je disposais ne me permit pas de faire d'autres essais. S66 LÉON FREDERIGQ. § IV. RESPIRATION. Les mouvements respiratoires des Céphalopodes consistent, comme l'on sait, dans l'expansion et le resserrement alternatif et rythmé du manteau musculeux qui entoure la cavité respiratoire. L'entonnoir et ses valvules latérales jouent également un rôle actif dans les mou- vements respiratoires. Les nerfs de toutes ces parties émanent du bord et des angles pos- térieurs de la masse sous-œsophagienne. Cest dans la partie posté- rieure de cette masse nerveuse que Paul Bert place le centre physio^ logique des mouvements respiratoires chez la Seiche. Les expériences que j'ai faites sur le Poulpe s'accordent pleine- ment avec cette manière de voir. Ainsi, la section de la tête abolit sur-le-champ tout mouvement respiratoire, tandis que l'ablation de la masse sus-œsophagienne seule ne les arrête pas. C'est donc dans la masse sous-œsophagienne qu'il faut chercher leur centre. Les nerfs des muscles respiratoires sont mixtes ; le nerf palléal qui forme le ganglion palléal anime tous les muscles du manteau, et c'est à lui qu'est due la sensibilité de la peau qui recouvre le man- teau à l'extérieur et de la muqueuse qui tapisse sa surface interne respiratoire. Ainsi, la section d'un seul nerf palléal abolit complète- ment la sensibilité et la motilité dans la moitié correspondante du manteau. Cependant, les mouvements de l'autre moitié peuvent suppléer plus ou moins à cette paralysie unilatérale, et l'animal continuera à vivre. La section des deux nerfs palléaux abolit com- plètement les mouvements respiratoires du manteau et est nécessai- rement mortelle, car les ganglions palléaux ne sont pas des centres de mouvements respiratoires. Cette section est une opération des plus simples, il n'est même pas indispensable de fixer le Poulpe. Le nerf palléal, pour se rendre du sac viscéral au manteau, suit un petit pont de substance muscu- laire qui relie, de chaque côté, la partie supérieure du manteau au corps de l'animal. Il faut introduire le doigt indicateur dans la cavité respiratoire, accrocher ce pont musculeux et l'amener au dehors; on aperçoit immédiatement, sous la muqueuse, le nerf viscéral, le ganglion viscéral ou étoile et les filets nerveux divcrgeiits qui en partent. Une plaie insignifiante suffît pour couper le nerf. Si l'on excite le bout périphérique du nerf palléal (mécanique- ^ PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 567 ment ou par l'électricité) ou, ce qui revient au même, si l'on porte directement l'excitation sur le ganglion palléal, on obtient une con- traction énergique, un mouvement d'inspiration de la moitié corres- pondante du manteau. L'excitation du bout central provoque de la douleur; l'animal change de couleur, se hérisse, fait des cfi'orts con- vulsifs pour s'échapper et exécute des mouvements énergiques d'ex- piration (de l'autre côté du manteau naturellement). La section des deux nerfs palléaux paralyse le sac respiratoire, mais n'abolit pas les autres mouvements de la respiration. L'entonnoir et les valvules continuent, pendant un certain temps, à exécuter leurs mouvements rythmiques. S'il faut considérer les mouvements respiratoires du Poulpe comme des mouvements réflexes, les nerfs palléaux ne pré- sentent dans l'arc nerveux réflexe de Marshall-Hall que le cordon moteur, centrifuge. Le cordon sensitif, celui qui transmet les impressions que le centre respiratoire transforme en incitations motrices, ce cordon sensitif doit être cherché ailleurs. Je fus un jour fort étonné, en ouvrant un Poulpe (fixé sous l'eau), de trouver ses pulsations cardiaques exactement isochromes avec les mouvements de la respiration. La contraction du cœur artériel correspondait chaque fois au sommet de l'inspiration, la contraction du vaisseau efférent de la branchie, au milieu de l'expiration. Le Poulpe s'étant affaibli, ses pulsations devinrent intermittentes; mais chaque fois que le cœur s'arrêtait, la respiration s'arrêtait égale- ment; chaque fois que les pulsations reprenaient, les mouvements respiratoires reprenaient également. Il y avait là plus qu'une simple coïncidence. La voie par laquelle les mouvements de la circulation retentissaient sur ceux de la respiration, me sembla devoir être cherchée dans les nerfs viscéraux; je les coupai tous deux, la respi- ration s'arrêta brusquement, quoique les pulsations cardiaques eus- sent repris de plus belle. L'excitation du bout central d'un nerf viscéral coupé parut causer une violente douleur; l'animal donna tous les signes d'une vive agitation, mais cette excitation du nerf viscéral provoqua également, par voie réflexe, des mouvements res- piratoires énergiques. Ce synchronisme des mouvements respiratoires et des battements du cœur n'existe pas d'ordinaire chez le Poulpe. Les effets de la sec- tion ou de l'excitation des nerfs viscéraux m'ont, au contraire, paru constants. J'ai coupé les nerfs viscéraux chez plusieurs Poulpes et j'ai, en 568 LÉON FREDERICQ. général, oMenu un arrêt immédiat des mouvements respiratoires. L'excitation passagère du bout central du nerf viscéral faisait réap- paraître les mouvements respiratoires, parfois pendant plusieurs minutes. Si l'excitation est faible, on n'obtient rien, mais en augmentant graduellement l'excitation on arrive à un moment où elle est suffi- sante pour provoquer l'acte réflexe. Un fait digne d'être noté, c'est qu'il est impossible, en graduant l'excitation, d'en trouver une qui ne donne naissance qu'à un seul mouvement respiratoire. L'exci- tation du nerf viscéral est toujours suivie par voie réflexe d'une série de mouvements respiratoires rythmiques. L'arc nerveux réflexe qui préside à la respiration, chez le Poulpe, se trouve ainsi complété. Le nerf viscéral y représente la portion centripète, la masse nerveuse sous-œsophagienne est le centre réflexe, et le nerf palléal la portion centrifuge \ Les nerfs viscéraux donnent la sensibilité à une grande partie de la muqueuse qui revêt la face viscérale de la cavité respiratoire ; ils animent la tunique musculaire qui revêt la masse viscérale ; enfin, ils fournissent des nerfs aux gros vaisseaux, au cœur, aux pores péritonéaux et aux branchies. Quelles sont, dans le nerf viscéral, les fibres qui provoquent le réflexe respiratoire? Sont-ce celles qui proviennent du cœur, ou celles qui donnent la sensibilité à la branchie? Il est assez difficile de répondre à cette question, parce que l'ablation des branchies ne peut se faire sans altérer profondément la circulation. L'ablation des deux branchies, pratiquée en liant les vaisseaux, fut, dans un cas, suivie d'un arrêt delà respiration. Dans un second cas, les mouvements respiratoires se ralentirent seulement, ils tom- bèrent de 32 à 19 par minute. Je coupai les nerfs viscéraux, la respi- ration s'arrêta. Cette action du nerf viscéral sur le réflexe respiratoire est un second point de ressemblance que ce nerf offre avec le pneumogas- trique des Vertébrés. L'expérience suivante prouve que les nerfs viscéraux ne sont pas les seuls cordons nerveux périphériques qui, par les impressions ^ Le mécanisme de l'iiinervalion respiratoire serait donc ici sensiblement différent de celui des vertébrés supérieurs. Chez l'îlomme et les Mammifères, les mouvements respiratoires sont sous la dépendance d'un centre nerveux automatique, le nœud vital, qui semble capable de fonctionner en l'absence de toute excitation centripète. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. S69 qu'ils transmettent aux centres nerveux, peuvent provoquer le réflexe respiratoire. On coupe chez un Poulpe lesMeux nerfs viscéraux, aussitôt la res- piration s'arrête. Il suffit alors, pour provoquer une série de mouve- ments respiratoires, d'exciter fortement un nerf périphérique quel- conque, de pincer ou d'électriser la peau des bras, de la tête, de blesser les paupières, etc. Mais ces mouvements respiratoires provo- qués s'arrêtent bientôt; le Poulpe oublie de respirer quand les im- pressions sensitives ne viennent pas exciter son centre respiratoire sous-œsophagien. Quoi qu'il en soit, l'intégrité des nerfs viscéraux, des masses sous- œsophagiennes et des nerfs palléaux, paraît seule indispensable à la production normale des mouvements respiratoires. J'ai pu couper tous les bras à leur base, enlever le ganglion sus-œsophagien, sans arrêter les mouvements de la respiration. Chez les Mammifères, la composition chimique du sang qui baigne le nœud vital paraît avoir une influence considérable sur le rythme des mouvements respiratoires. En est-il de même chez le Poulpe? Les quelques expériences que j'ai instituées, dans le but de résoudre cette question, m'ont conduit à des résultats assez inattendus. Ainsi, l'interruption de la circulation céphalique, loin d'accélérer les mouvements respiratoires, les ralentit. La compression tempo- raire (entre les doigts) de l'artère céphalique ou sa ligature a con- stamment pour effet de diminuer le nombre des mouvements respi- ratoires. Expérience. — Poulpe de taille moyenne respirant 28 à 29 fois par minute dans l'aquarium. On le fixe sur la planche et le plonge dans le baquet d'opération. On met à nu l'artère céphalique. L'animal ofi're à présent 34 à 35 mouvements respiratoires à la minute. Ce chifl're se maintient pendant plusieurs minutes. On comprime l'ar- tère entre les doigts, de façon à intercepter complètement l'arrivée du sang veineux aux centres nerveux. La respiration tombe à 26 et 27 par minute. On supprime la compression pendant une minute : 33 R. pendant cette minute. On comprime de nouveau l'artère : première minute de compression, 30 R.; deuxième minute, 27 R.; troisième minute, 24 R. Chez un autre Poulpe, l'artère fut liée. Le nombre des mouve- ments respiratoires tomba successivement de 31 à 25, 18, 20, 18, 10 1/2 enfin 8 à 9 R. par minute dans l'espace de vingt-cinq minutes. 870 - LÉON FREDERICQ. De même, le séjom' dans une eau peu aérée (eau de mer bouillie) fait en général baisser le nombre des respirations. Enfin, si l'on retire un Poulpe de l'eau et si, après l'avoir laissé à l'air pendant plusieurs minutes, on le replace ensuite dans son élément, il n'accélère pas ses mouvements respiratoires pour réparerjle déficit d'oxygène. Ses mouvements respiratoires seront au contraire plus lents. Un Poulpe que l'on retire de l'eau restera souvent pendant plu- sieurs secondes sans bouger, puis il exécutera de petits mouvements respiratoires lents. A mesure que le séjour hors de l'eau se prolonge, la respiration devient de moins en moins fréquente. Il est fort singulier que le nombre des respirations baisse quand l'hématose est en souffrance, quand l'animal est exposé à l'air par exemple. Il éprouve cependant, dans ce cas, un sentiment de malaise évident, comme le montre l'observation suivante : les Poulpes, dans mes aquariums, se tenaient ordinairement assez paisiblement, ne cherchaient jamais h fuir en quittant leur prison, comme il leur eût été facile de le faire. Chaque aquarium offrait, au milieu de son fond, un orifice ordinairement fermé. Si l'on retirait le bouchon, l'eau s'écoulait rapidement et les Poulpes se trouvaient bientôt à sec. Aussitôt, ils entraient dans une grande agitation, parcouraient en rampant le fond de l'aquarium, puis se mettaient en mesure d'escalader les parois verticales de leur prison, grâce à leurs bras garnis de ventouses. Ils y parvenaient en quelques instants et fran- chissaient le rebord, pour aller tomber à terre, oh ils seraient morts asphyxiés, si l'on n'était venu à leur secours. A côté de ces influences qui diminuent le nombre des mouvements respiratoires, on peut en placer une autre dont l'eff'ct est diamétrale- ment opposé. Quand on excite fortement un Poulpe, qu'on cherche à le tourmenter, à le saisir, on voit ordinairement ses mouvements respiratoires s'accélérer pendant quelque temps. On a vu, au chapitre du sang, en quoi consistent les phénomènes chimiques de la respiration. D'après Jolyet etRegnard\ l'aclivilé respiratoire du Poulpe est notablement supérieure à celle des Mol- lusques lamellibranches, mais en général inférieure à celle des Crustacés et des Poissons, comme le montre le tableau suivant. Les chiffres indiquent, en centimètres cubes, le volume d'oxygène ab- sorbé par heure et par kilogramme d'animal : 1 Félix Jolyet et Paul Regnaud, Recherches sur la respiration des animaux aqua- tiques. Paris, 1877. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 571 Poissons 54,0 ù 171,0 Crustacés 44,2 à 125,0 Poulpes 44,2 et 43,5 Huîtres, Moules 13,4 et 12,2 Astéries 32,0 Il serait intéressant de faire des analyses de gaz de sang veineux et artériel de Poulpe; l'opération n'est pas entourée de bien grandes difficultés auatomiques. 11 est malheureusement difficile d'avoir, au bord de la mer, une pompe à mercure, et l'installation compliquée inhérente aux méthodes gazométriques. § V. FONCTION CHROMATIQUE. BIBLIOGRAPHIE. San Gtovant, Des divers ordres de couleur des globules chromatophores chez plu- sieurs Mollusques céphalopodes. Ann. des se. nat., 1829;ire série, t. XVI, p. 308 et 315. Delle Chiaje, Memorie, t. IV, p. 63. — Descriz. t. I, p. 14. Napoli, 1829. Carus, Icônes sepiarum. A'ov. act. Acad. Cœs. Leop. 1824, XII, 1, p. 319. Rud. Wagner, Uebei- das Farbenspiel, den Ban der Chromatophoren und dus Alhmen der Cephalopoden. Oken's Isis, 1833, p. 159. — Ueber die merkwurdige Bewegung der Farbenzellen der Cephalnpoden. Archiv f. Naturgeschichie, 1841, VII, 1^ p. 35. — Icônes Zontomicœ, 1841, Taf. XXIX, fig. 8-13. KÔLLiKER, Entwicklungsyeschichle der Cephalopoden, 1844, p. 71. E. Harless, Untersncliungen iiber die Chromatophoren bei Loligo. Arch. f. Naturge- schichte, 1846, p. 34-44, pi. Brucke, Vergleichende Bemerkungen iiber Farben und Farbenwehsel bei den Cephalo- poden. Sitzungsberichte d. Wiener Akad. malh. naturwiss. KL, 1852, VIII, p. 196- 200. Fr. Leydig, Ueber den durch Chromatophoren bedinglen Farbenwechsel. Silzungsber. der Nat. Ver. d. preus. Rhein. Westf., 33 Jahrg., p. 122. H. MûLLER, Zeitsr.hrifl. wiss. ZooL, 1853, IV, p. 337. Fr. Boll, Beitràge zur vergleichenden Histiologie des Molluskenlypus. Bonn, 1869, p. 62-72, fig. 36-43. Supplément aux Archives de Max Schultze. Keferstein, Bronn's Klassen und Ordnungen des Thierreichs, Dd III, 2, p. 1324. Harting, Les chromatophores des embryons de Loligo vulgaris. Niederlandisches Archiv fur Zoologie, Bd II, Heft 3, avec planche, 1874, p. 8-23. Voir également : P. Bert, Physiologie de la Seiche. Verany, Ferussac et d'Orbigny, Aristote, etc. Pour la couche des paillettes [Flilternschicht], outre les mémoires cités plus haut de M. Millier, Brucke et Boll, consulter : Hensen, Ueber das Auge der Cephalopoden. Zeilsch. f. wiss. Zoologie, 1865, XV, p. 164. Les Céphalopodes jouissent, comme on sait, du pouvoir de modi- fier à chaque instant la couleur de leur peau. Cette remarquable pro- priété était connue d'Aristote : Pour allraper les poissons., il (le 572 LÉON FKEDERICQ. Polype) change de couleur et prend celle des pierres entre lesquelles il s'appi'oche. La peur opère en lui un pareil changement de couleur^. On ignora longtemps le mécanisme de cet étrange phénomène ; ce n'est que depuis une cinquantaine d'années que la lumière a com- mencé à se faire. R. Wagner montra que ces changements de cou- leur sont dus à l'expansion et au retrait successif d'une infinité de cellules à pigment (chromatophores), dont la peau des Céphalopodes est parsemée. KoHiker découvrit les fibres musculaires radiées qui s'attachent à la membrane du chromatophore, et dont la contraction produit l'expansion de la cellule à pigment par une espèce d'étire- ment de la membrane. La phase de retrait de la cellule est passive ; elle est due au relâchement des fibres musculaires radiées et à l'élasticité de l'enveloppe du chromatophore qui revient sur lui- même. Harless, Briicke, H. Mliller, Fr. Boll, Keferstein, confirmè- rent entièrement cette manière de voir, qui est devenue classique. Briicke découvrit, en outre, que sous la couche des chromato- phores s'en trouve une parsemée de lamelles miroitantes {FI. it- ternschicht). C'est cette couche de paillettes qui donne à la peau de certains Céphalopodes ces admirables reflets irisés, dont la peinture ne pourra jamais donner qu'une image affaiblie. Il y a peu de faits, en physiologie, dont l'explication soit plus claire et plus rationnelle que celle de ces changements de colora- tion. Harting a cependant cherché à renverser les idées régnantes sur la matière, et à y substituer une hypothèse tout inverse. Se basant sur quelques observations faites chez des embryons de Loligo, il suppose que les libres radiaires des chromatophores ne sont pas des fibres musculaires, mais peut-être un appareil nerveux terminal. Le chromatophore ne serait aucunement un corps passif, mais serait au contraire le siège actif des divers mouvements qui lui font adopter tantôt la figure d'un globule^ tantôt celle d'une lamelle très mince. L'état de contraction du chromatophore serait, dans cet ordre d'idées, sa phase active; l'état d'expansion correspondrait au repos. Les fibres radiaires sont, dans cette hypothèse, destituées de leur rôle, et sont considérées non comme des fibres musculaires, mais peut-être comme un appareil nerveux terminal. Comme on le verra plus loin, les résultats de mes expériences de section et d'excitation des nerfs, qui se rendent aux muscles des » Histoire des animaux, d'Aristote. Trad. Camus. Paris, 1783, liv. IV, ch. xxxvii, p. 595. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 573 chromatophores, ne peuvent s'expliquer qu'en admettant les idées de Kôlliker, de Harless et de Boll, et sont en contradiction flagrante avec l'hypothèse de Harting. La phase de retrait du chromatophore (teinte claire de l'animal) représente bien l'état passif; la phase d'ex- pansion (coloration foncée de l'animal) correspond à la contraction active des muscles radiés. Les Céphalopodes ne sont pas les seuls êtres dont la peau change ainsi de coloration. Le Caméléon, beaucoup de Batraciens, de Pois- sons et de Crustacés, présentent des phénomènes analogues. En général, chez les Poissons, les changements de coloration ont pour résultat d'harmoniser le ton de l'animal avec celui du fond sur lequel il vit. C'est un cas de mimétisme K Il n'y a aucun doute que les changements de coloration que pré- sentent les Céphalopodes n'aient fréquemment cette signification. Sous ce rapport, je n'ai guère eu l'occasion de faire des expériences sur les Poulpes, n'ayant pas eu à ma disposition de bassins suffi- samment vastes. Il m'a semblé cependant qu'un Poulpe que l'on place sur un fond de sable clair, prend assez souvent lui-même une teinte claire, surtout lorsqu'il est exposé au soleil. Ordinairement, il ne se sent pas en sûreté à découvert; il rampe sur le fond à l'aide de ses longs bras ou bien il nage par saccades à reculons, jusqu'à ce qu'il ait trouvé quelque réduit obscur, touffe de varechs ou anfrac- tuosité sous une pierre, où il puisse se cacher ; il reprend alors sa teinte foncée habituelle. Les Sépioles présentent un fait de mimétisme plus remarquable. On peut les observer en assez grand nombre à marée basse sur les grèves sablonneuses de la pointe E. de l'île de Batz; j'en ai trouvé également à Roléa. Ces gracieux petits animaux nagent de préfé- rence sur les fonds de sable vivement éclairés du soleil, là où l'eau est peu profonde et chaude. Ils fuient à reculons et par saccades. Leur corps offre exactement la teinte du fond de sable, de sorte qu'on les distinguerait souvent avec peine si leur ombre, projetée sur le fond, ne les trahissait. Quand on les poursuit, ils lancent fré- quemment leur encre sous forme d'un petit nuage noir, qui reste suspendu dans l'eau sans se délayer. Avant de lancer leur encre, ils changent brusquement de couleur, deviennent presque noirs, puis reprennent immédiatement leur teinte grise, après avoir aban- 1 G. PoucHET, Des changements de colorations sous l'influence des nerfs, ISlôj iil Journal de Vanatomic et de la physiologie, 1876; p. 1-9 et 115'165. 574 LÉON FREDERICQ. donné derrière eux un nuage noir ayant à peu près les dimensions de leur corps. Celui qui les voit pour la première fois, pourra se laisser prendre à ce stratagème, lâchera la proie pour l'ombre et saisira vivement le nuage d'encre alors que la Sépiole est déjà loin. D'autres fois, les Sépioles, après avoir lancé leur encre, vont vive- ment s'enterrer dans le sable. Les yeux et la petite portion du corps qui reste à découvert se confondent alors, à s'y méprendre, avec le fond. Malgré ces petites ruses, les Sépioles se prennent assez facile- ment, même à la main. Chez le Poulpe, les variations de coloration me paraissent avoir, en général, une autre signification que je comparerai volontiers à celle des changements produits par les vaso-moteurs du visage humain. Gomme Aristote le remarquait déjà, ils expriment les diverses émotions, surtout la colère, l'irritation ou la peur. Un Poulpe qui respire paisiblement dans l'aquarium a souvent une couleur assez claire et la peau du manteau presque lisse. Il suffit d'approcher à travers la glace le poing fermé dans la direction de l'animal, pour voir immédiatement les chromatophores de la peau qui entoure l'œil entrer en action, principalement ceux qui sont situés dans la direction de la longueur de la pupille : une tache foncée, presque noire, apparaît instantanément aux deux extrémités de la pupille qui se dilate. Le phénomène disparaît presque aussi vite qu'il est apparu. L'ex- périence peut être répétée un certain nombre de fois avec le même résultat jusqu'au moment où l'animal, fatigué d'être inquiété, quitte la place pour aller chercher le repos à l'autre extrémité de l'aqua- rium. Si on le poursuit à l'aide d'une baguette, si on l'excite plus fort, si par exemple on tente d'introduire la baguette dans la cavité respiratoire, il entre dans une grande fureur, ses bras battent l'eau, cherchent à saisir ou à repousser le corps vulnérant; tout son corps prend une teinte très foncée et les papilles qui couvrent son dos se hérissent. Dans cet état, il doit faire sur ses ennemis une impression particulière. Souvent il fuit à reculons en lançant un vigoureux jet d'eau par un brusque mouvement d'expiration. Souvent aussi il lance son encre. Ces changements de coloration sont sous la dépendance du sys- tème nerveux central. Il suffit de la section du nerf qui se rend aux muscles des chromatophores pour paralyser ces derniers, pour amener la phase passive, de retrait des chromatophores. Toute la PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 573 partie de la peau innervée par le nerf pâlit immédiatement et pré- sente alors le minimum de coloration. L'excitation du bout périphé- rique du nerf coupé a précisément l'effet contraire. Dans ce cas, tous les chromatophores qui se trouvent sous sa dépendance sont amenés à l'état d'expansion par suite de la contraction des muscles radiés, et la partie correspondante de la peau présente le maximum de coloration *. Grâce à leur situation superficielle et à leur distribution étendue, les nerfs palléaux se prêtent étonnamment bien à la démonstration de ces faits. Chacun de ces nerfs, après avoir formé le ganglion étoile, s'épanouit en un grand nombre de rameaux qui président ù, la sensibilité et à la motilité dans la moitié correspondante du manteau ou sac respiratoire, et tiennent également sous leur dépen- dance les changements des chromatophores de cette moitié du manteau. Il suffit de couper un nerf palléal pour paralyser les muscles de la respiration de ce côté et pour abolir complètement le jeu des chro- matophores de ce côté. La moitié du manteau pâUt immédiatement, et il n'est plus au pouvoir de l'animal de changer la teinte claire et uniforme qui se produit alors et qui tranche vivement avec le ton foncé de l'autre côté du manteau. Si, au contraire, l'on excite, à laide de la pince électrique, le bout périphérique du nerf palléal coupé ou le ganghon étoile, ou, ce qui revient au même, si on les froisse entre les mors d'une pince, toute la région correspondante du manteau reprend sa teinte foncée, par suite de l'expansion des chromatophores. Il n'y a pas d'expérience physiologique dont les résultats soient plus clairs et plus constants. Cette innervation spéciale pour chaque moitié du manteau se traduit souvent chez l'animal vivant parfaitement intact. Si l'on exa- mine attentivement un certain nombre de Poulpes nageant dans l'aquarium, on ne tardera pas à en trouver quelques-uns chez les- quels le manteau sera, au point de vue de la coloration, nettement divisé en deux moitiés : droite et gauche, dont l'une sera plus foncée que l'autre, la ligne de séparation suivant exactement la ligne mé- diane dorsale du corps. Cette différence de teinte est tout à fait pas- sagère. ■ 1 J'apprends par M. Bert que Pelvet {Soc. de biologie, année 1867, p. Gi) était ar- rivé à des résultats identiques. Je n'ai malheureusement pas eu le travail de l^elvet à ma disposition. 576 LÉON FREDERICQ. Les nerfs de l'entonnoir, les gros cordons nerveux des bras se comportent de la même façon vis-à-vis des organes auxquels ils se rendent. A l'état normal, les Poulpes présentent généralement une teinte d'intensité moyenne ; les muscles dilatateurs de leurs chromato- phores sont dans un état de tonus, de demi-tension perpétuelle (ou bien une partie de leurs chromatophores sont dans un état de dila- tation permanente). Cet état de tonus fait place à la paralysie des muscles ; dès que l'on sectionne les nerfs, ceux-ci transmettent donc continuellement à la périphérie une certaine somme d'influx ner- veux émanant des centres nerveux. Le centre anatomique et phy- siologique de ces mouvements des muscles des chromatophores réside dans la masse nerveuse sous-œsophagienne, car l'ablation de la masse sus-œsophagienne ne produit pas la décoloration de l'animal. La débilité causée par le manque de nourriture ou par l'aération insuffisante de l'eau se traduisent généralement, chez le Poulpe, par un relâchement des muscles des chromatophores ; la pâleur de la peau indique souvent un état maladif de l'animal. Mais la contractilité des muscles dilatateurs des chromatophores peut aussi être mise en jeu, autrement que par l'intermédiaire du système nerveux; ces muscles sont directement excitables. On peut, dans ce cas, pour être certain d'exclure l'influence du système ner- veux, supprimer les connexions avec les centres nerveux, sectionner au préalable les nerfs qui se rendent à la région sur laquelle on opère. Il est encore plus simple d'employer des animaux morts depuis quelque temps, dont le système nerveux a perdu son exci- tabilité. Il suffit de porter l'excitation électrique sur un endroit quelconque de la peau du manteau (que les nerfs aient été coupés ou non, que l'animal soit mort depuis peu de temps, ou qu'il ait été extrait vivant de l'eau) pour voir immédiatement cette partie prendre une teinte foncée et la garder quelque temps. On peut, en se plaçant dans des circonstances favorables, tracer des lignes ou des lettres à l'aide de la pince électrique à la surface de la peau, et produire des dessins noirs qui persistent pendant plusieurs minutes. Si l'on prend un Poulpe mort, ayant séjourné dans l'eau pendant quelque temps, on verra que l'animal est en général tout décoloré, les muscles des chromatophores étant relâchés. Que l'on emploie un courant élec- PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 577 trique fort et qu'à l'aide de la pince électrique on trace un signe quelconque, une croix, un cercle sur le manteau de l'animal, on verra immédiatement celui-ci prendre une teinte foncée sur une certaine étendue voisine de l'endroit excité. Si l'on cesse l'excitation, les chromatopliores qui n'ont pas été immédiatement en contact avec la pince reviendront au repos; mais ceux sur lesquels la pince aura passé resteront dilatés pendant assez longtemps, et la croix, le cercle persisteront en noir pendant plusieurs minutes*. Les muscles des chromatopliores se contractent également sous l'influence d'excitants thermiques. Si l'on approche un corps chaud, un cigare allumé à une certaine distance de la peau d'un Poulpe mort récemment on verra immédiatement s'y dessiner une tache foncée. Paul Bert avait déjà remarqué qu'une Seiche plongée dans l'eau chaude ou dans l'eau douce noircit immédiatement. Les muscles de tous les chromatophores sont dans ce cas atteints de rigidité ca- davérique. Enfin, les excitants chimiques, les acides notamment, agissent énergiquement dans le même sens que la chaleur ou l'électricité. Une goutte d'acide nitrique au dixième, projetée sur la peau du Poulpe, y produit une tache noire. Les jeux de couleur des chromatophores que présente la peau des Céphalopodes longtemps après leur mort, me paraissent dus à un mécanisme du même genre, à l'action irritante du contact de l'air et de la dessiccation, car on ne l'observe guère sur les animaux morts dans l'eau et qu'on y laisse séjourner. Le retrait et l'expansion des chromatophores s'étudient fort bien au microscope sur des lambeaux de peau isolés que l'on a déposés sur une plaque porte-objet. On voit tous les chromatophores de la préparation s'étaler en forme de plaque avec la rapidité de l'éclair, puis retourner à leur phase de retrait avec une vitesse presque égale, et ces changements se produisent souvent pendant des heures sans cause appréciable. De même que la circulation du sang dans le poumon de la Grenouille, et la contraction spontanée des fibres musculaires d'articulés, le jeu des chromatophores compte parmi 1 L'excitation électrique de la peau produit donc la phase colorée, foncée chez le poulpe. Ce fait avait déjà été constaté par Brùcke {toc. cit.) et par Darwin. — Chez le Caméléon, c'est la phase de décoloration qui représente l'état actif: l'excitation électrique fait pâlir la peau. C'est là une nouvelle preuve de l'inexactitude de la théorie de Harting. AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VU. 1878. 37 578 LÉON FREDERIGQ. les spectacles les plus attachants qu'il soit donné d'observer au microscope. L'action d'une lumière très vive paraît avoir la propriété curieuse de paralyser momentanément les muscles dilatateurs des chromato- phores et d'amener le retrait de ceux-ci. Si, à l'aide d'une lentille, on concentre les rayons du soleil sous forme d'un cercle fortement lumineux que l'on projette sur la peau de la face supérieure de la tête d'un l^nilpc, et si l'on prolonge cette action pendant quelques instants, on voit apparaître, en retirant la lentille, une tache circu- laire claire à l'endroit où les rayons lumineux ont agi. Cette tache persiste pendant quelque temps. Cette expérience a été répétée plu- sieurs fois avec un égal succès. § VI. DIGESTION. Chez les Vertébrés, on se procure ordinairement les sucs digestifs naturels par l'établissement de fistules permanentes ou temporaires, ou bien on sacrifie un animal en digestion et l'on recueille les liquides qui se trouvent dans ses cavités digestives. Le premier de ces procédés serait assez difficile à appliquer chez le Poulpe ; le second est excellent. On trouve dans le jabot, l'estomac et le cœ- cum une assez grande quantité d'un liquide acide, brunâtre, qui peut servir à faire des digestions artilicielles. Le contenu de l'intestin a, d'ailleurs, partout une réaction fran- chement acide. Il en est de même du produit de sécrétion des deux paires de glandes salivaires et de la glande volumineuse à laquelle on donne le nom de foie. Le tissu de ces glandes est lui-même for- tement acide, comme l'avait déjà observé Bert. Il est, en général, commode, pour ces expériences, de faire ce que l'on appelle un sac artificiel, c'est-à-dire un extrait aqueux (alca- linisé ou acidulé, suivant les cas) des glandes digestives. Il vaut encore mieux chercher à extraire les ferments digestifs, en em- ployant les méthodes usitées pour la préparation de la pepsine, de la trypsine, etc. La glande digestive est pilée ou hachée, et la masse ainsi obtenue est traitée par une grande quantité d'alcool; les sels solubles, un grand nombre de substances organiques cristallisables et de matières colorantes passent dans la solution alcoolique et peuvent y être recherchées ultérieurement. Le résidu insoluble dans l'alcool contient les matières albumino'ides coagulées et les ferments digestifs. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. 579 Je laisse sécher ce résidu à l'air, pour en chasser l'alcool, et j'en extrais ensuite les ferments en traitant la masse pulvérisée, soit par l'eau pure, soit par l'eau contenant un peu d'acide chlorhydriquc (de 4 à 12 centimètres cubes d'acide fumant pour 1 litre d'eau), soit par l'eau alcaliniséepar le carbonate de sodium (25 centimètres cubes d'une solution saturée de carbonate de sodium pour 1 litre d'eau). La présence de la pepsine se reconnaîtra dans ces extraits à ce que la fibrine s'y dissoudra, mais seulement dans la solution acide ; un llocon de fibrine porté dans le hquide s'y gonllera, deviendra transparent, puis fondra peu à peu par les bords. La solution obte- nue donnera, au bout d'un certain temps, la réaction des peptones (coloration rose à froid par la potasse et le sulfate de cuivre). Si les extraits contiennent de la trypsine (ferment du pancréas), ils digéreront rapidement la fibrine en solution alcaline, un peu moins bien en solution neutre, mal ou pas du tout en solution acide. La fibrine n'y gonflera pas, mais se résoudra en fragments, puis en un détritus finement granuleux. La solution donnera également la réaction des peptones. Pour rechercher le ferment diastatique, il suffira d'ajouter au liquide un peu d'empois d'amidon et de constater sa transformation en glycose. Le liquide ne bleuira plus par l'iode, il réduira à l'ébul- lition le sulfate de cuivre en présence de la potasse avec précipitation d'oxyde cuivreux rouge, il réduira de la même façon le nitrate de bismuth avec précipité noir, etc. Ces essais sur la force digestive des extraits obtenus s'effectuent fort bien dans des tubes à réaction; on peut suivre à la vue les chan- gements qu'offre le flocon de fibrine » qu'on y place, surtout quand on opère sur des liquides peu colorés et filtrés au préalable. La digestion s'effectue normalement chez tous les Invertébrés à une température voisine de celle de l'air. Cependant, une tempéra- ture plus élevée favorise en général l'action des ferments digestifs ^ On obtient, par conséquent, des résultats beaucoup plus nets en efl'ectuant les digestions artificielles dans une étuve chauffée par une petite flamme vers ~\- 40 degrés. 1 La fibrine employée dans ces expériences provient du sang de porc. Elle est conservée dans la glycérine : on la lave au moment de s'en servir et on l'emploie crue ou bouillie au préalable. - La température exerce une influence considérable sur la rapidité d'action de la pepsine. Celte action est beaucoup moins marquée pour la trypsine. 580 LÉON FREDERICQ. Celte méthode que je viens de décrire n'oblige pas à opérer sur des animaux frais, elle permet d'utiliser des échantillons conservés dans l'alcool depuis longtemps. Les glandes salivaires, traitées comme il a été dit précédemment, ne fournirent aucune trace de ferments digestifs. Leur infusion aqueuse (acidifiée ou alcalinisée) est sans action sur la fibrine, sans action sur l'amidon. Au contraire, l'infusion du tissu hépathique digère la fibrine en solution acide et en solution alcaline et transforme l'amidon en glycose. Il y a donc là un ferment s'adressant aux albuminoïdes, et qui n'est ni la pepsine ni la trypsine^ et un ferment dias- tatique. Je répéterai ici ce que j'ai dit du foie de la Limace ^ : Le prétendu foie du Poulpe est une glande digestive que l'un ne pourrait mieux comparer qu'au pancréas des Vertébrés. D'ailleurs^ le foie du Poulpe ne contient pas de traces d'acides biliaires, ni de pigments biliaires. Cette recherche, je lai faite avec toutes les précautions usuelles, en opérant sur de grandes quantités d'extrait alcoolique de foie; elle donna un résultat absolument négatif. L'extrait alcoolique laissa un abondant dépôt qui parut formé surtout de lécithine. Faudra-t-il enlever, à la glande digestive des Mollusques, la déno- mination de foie et la remplacer par une autre, celle de pancréas, par exemple? Je crois qu'une telle tentative serait prématurée, tant que le problème des fonctions du foie des Vertébrés et celui des usages de la bile n'aura pas été élucidé. Nous n'avons pas la moin- dre notion de la signification physiologique des acides biliaires de la bile des Vertébrés; ces acides, il est vrai, ne se rencontrent pas dans le liquide sécrété par le foie des Mollusques. Mais rien ne nous dit que ces acides n'y sont pas remplacés par d'autres substances.de même signification. N'avons-nous pas dans l'urine du Poulpe l'exem- ple d'un liquide qui ne contient ni urée, ni acide urique, et que cependant personne n'hésitera à considérer comme l'analogue phy- siologique de l'urine des Vertébrés? Il n'est donc pas impossible que le foie des Mollusques ne cumule * Khukenberg, Versuche zur vergleichenden Physiologie der VerAanung. Unters. aus dem physiol. Inslilute der Univ. Heidelberg, 1878, Bd. I, Ileft 1, 4, p. 327. ^ Léon Fredericq, Sur la digestion des albuminoïdes chez quelques Invertébrés. Bul- letin de l'Académie des sciences de Belgique, Juillet 1878. Archives de Zoologie expéri- mentale. VII, [). 'i'JH. J878. PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. S81 les fonctions du pancréas et du foie des Vertébrés, comme le veut Krukenberg, et l'on fera sagement de s'abstenir provisoirement de changer à la légère une dénomination consacrée par un long usage. § VII. SYSTÈME NERVEUX ET MUSCLES. Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit sur les fonctions des nerfs et des ganglions palléaux, des nerfs viscéraux, etc., aux chapitres de la respiration et de la circulation. En ce qui concerne le système nerveux central, l'anneau œsopha- gien, je rappellerai que les masses sous-œsophagiennes contiennent les centres des mouvements respiratoires, et ceux des mouvements des muscles des chromatophores, enfin des centres réflexes pour les mouvements des différents muscles du corps, tandis que les masses sus-œsophagiennes sont le siège des processus psychiques et doivent être comparées aux hémisphères cérébraux des Vertébrés. Le Poulpe, privé de son ganglion sus-œsophagien, se comporte à peu près comme un Pigeon à qui l'on a extirpé les hémisphères cérébraux. Il n'est nullement paralysé : la respiration, la circulation et la plupart des fonctions continuent à s'exercer normalement. Il réagit encore aux impressions venues du dehors, mais ses mouvements sont tous ou bien automatiques ou réflexes. C'est devenu un être complète- ment passif, incapable de mouvements spontanés ou volontaires, restant immobile tant qu'une impression, venue du dehors, ne vient l'arracher à sa torpeur. Paul Bert a signalé le même fait chez la Seiche. Colasanti* a publié récemment quelques expériences sur la physio- logie et l'anatomie des bras de VEledone moschata , Céphalopode très voisin de l'Octopus, dont il se distingue surtout parce que ses bras n'ofi'rent qu'une seule rangée de ventouses. Sans avoir eu connaissance du travail de Golasanti, j'ai fait sur les bras du Poulpe un certain nombre d'expériences dont les résul- tats concordent pleinement avec ceux du physiologiste italien et en sont une confirmation éclatante. J'ai constaté que le cordon nerveux qui suit l'axe de chacun des bras du Poulpe a, dans toute sa longueur, la signification de cen- ' Golasanti, Archiv. far Anatomic und Physiologie, 1877. 582 LÉON FREDERICQ. 1res nerveux réflexes, absolument comme la moelle épinière chez les Vertébrés. Sous ce rapport, je ne puis mieux comparer un bras coupé de Céphalopode qu'à une Anguille ou à un Serpent décapité. Les mouvements spontanés, réellement volontaires, font défaut, mais les mouvements réflexes s'en manifestent d'autant pins énergi- quement. Au moment oii on le sépare du corps, le bras du Poulpe présente une agitation convulsive : il prend la teinte foncée de la colère, il se tord, il exécute des mouvements de reptation parfaite- ment coordonnés au moyen de ses ventouses. Mais bientôt tout revient au repos; seul, le jeu des chromatophores persiste pendant des heures, parfois des journées entières (à condition que les bras restent exposés à l'air). Il suffit alors d'irriter la peau, d'en approcher un corps chaud, d'y déposer une goutte d'acide, d'y faire passer un courant électrique ou de la froisser entre les mors d'une pince à dissection, pour pro- voquer immédiatement d'énergiques mouvements réflexes de toute la musculature des bras. Ces mouvements (comme chez la Gre- nouille décapitée) ont le caractère de mouvements de protection ou de défense; les ventouses cherchent à saisir la pince, l'agent vulné- rant, le bras entier exécute des contorsions pour fuir; enfin, tous les chromatophores se dilatent. L'excitation directe du tronc nerveux central, mis à nu, provoque également des mouvements des ventouses, des mouvements dans les muscles des bras et la dilatation des chromatophores. Je n'avais pas songé à expérimenter sur des ventouses isolées, comme l'a fait Golasanti. Pour ce qui est des muscles, je serai fort bref, mon travail ayant été interrompu au moment oii j'entamai ce chapitre. La composition chimique des muscles du Poulpe m'a semblé se rapprocher de celle des muscles des Vertébrés : une ou plusieurs substances albumi- noïdes insolubles dans l'eau et dans les solutions salines, une ou plusieurs albumines solubles dans l'eau, une globuline insoluble dans l'eau, soluble dans les solutions diluées de chlorure de sodium, précipitablc par un excès de NaCl, peut-être analogue à la myosine. L'extrait aqueux du muscle ne paraît guère contenir de glycogène, il est surtout remarquable par les quantités réellement colossales de taurine qu'il contient. Il m'a suffl de faire bouillir, avec de l'eau, des muscles de Poulpes hachés, de passer à travers un linge, de filtrer et d'évap(n'cr à un petit volume, puis d'abaudonner le li(|uide PHYSIOLOGIE DU POULPE COMMUN. o83 jaunâtre ainsi obtenu pourvoir, au bout de peu de temi)s, se former un abondant dépôt de gros prismes, offrant les caraetères cristallo- graphiques, physiques et chimiques de la taurine^. L'expérience de la contraction, dite kUo-iausculaire, réussit fort bien sur les muscles du manteau du Poulpe. î J'ignorais à ce moment que la taurine eût déjà été indiquée dans les muscles des Mollusques, ^oir Recherches sur la composilion des œufs et des musc/es^ dans la série des animaux, par A. Valenciennes et Fremy. Annales de chimie el de physique, 3« série, t. L, p. 129. MONOBIA CONPLUENS NOUVELLE MONÈRE M. AIMÉ SCHNEIDER, Professeur à la Faculté des sciences de Poitiers. Je présente ici la description d'une nouvelle Monère qui me paraît offrir un certain intérêt. Le nom que je lui donne fait allusion à la communauté de vie qui s'établit entre les différents individus d'un même groupe, les différents membres d'une colonie, comme on le verra par la suite. C'est dans l'eau douce et peut-être aussi dans la terre humide que vit le Monobia confluens. Je l'ai rencontré, pour la première fois, en juin 1878; j'en ai eu des représentants vivants, pendant huit jours environ, dans une chambre humide sous mon microscope. Ils ont donné lieu aux observations suivantes : Sous sa forme la plus simple, à l'état de repos, le Monobia con- fluens est une petite masse à peu près sphérique d'un sarcode fine- ment granuleux, paraissant bleuâtre à la lumière transmise, sans nucléus, sans vacuole. De ce corps homogène rayonnent en tous sens des pseudopodes extrêmement ténus, si longs qu'ils dépassent quatre fois la longueur du corps, si minces et si transparents qu'on ne les suit guère qu'à la faveur des petits renflements en manière de nœuds, qui sont échelonnés de distance en distance sur leur trajet et qui réfractent plus vivement la lumière. Ces pseudopodes sont rectilignes, lents à se mouvoir, coalescents, et par l'ensemble de cqs particularités rappellent vivement ceux des Foraminifères. Quand le petit être, ainsi constitué, entre en activité, il quitte la forme sphérique et s'étend plus ou moins dans un sens par une contraction générale de son corps. La physionomie qu'il affecte alors varie moins, bien moins que dans d'autres Protozoaires; elle est le plus ordinairement celle d'un biscuit à la cuiller, renflée aux extrémités, légèrement rétrécie au milieu, les extrémités renflées étant le siège d'émission des pseudopodes. (PI. XXXI, fig. i.) 586 AIMÉ SCHNEIDER. Quelquefois le corps devient trigone, avec pseudopodes rayonnant autour de chacune des têtes; plus rarement, il est tout à fait irré- gulier avec pseudopodes naissant de tous les petits angles saillants qui se dessinent sur ses contours. (Fig. 3 et o.) C'est évidemment sous ces aspects que le Monobia mange et se nourrit. Je n'ai pas été témoin de la préhension des aliments, et je ne saurais dire le rôle que les pseudopodes y prennent. Ce qu'il y a de certain, c'est que des corps étrangers, souvent en assez grand nombre, se voient dans la masse du corps, quelquefois contenus chacun dans une vacuole qui résulte de leur liquéfaction et repré- sente le produit de leur digestion non encore mélangé au tout. Les pseudopodes ne me paraissent pas enclins à digérer sur place, c'est au moins ce qui résulte de ce que jamais je ne les ai vus empâter des corps étrangers. J'ai dit plus haut que le Monobia était dépourvu de vacuoles, j'en- tends par là de vacuoles contractiles, car on vient de voir qu'il s'en forme en rapport avec la digestion, comme dans les Amibes. Dès que le Monobia a profité jusqu'à doubler de volume ou envi- ron, il se reproduit d'après l'immuable loi que la reproduction est le trop-plein de la nutrition. On le voit alors s'allonger en se contractant et s'étirant fortement au milieu, jusqu'à offrir l'image de deux sphères reliées par une bande de sarcode. Cette bande peut s'amincir jusqu'à n'avoir plus que l'épaisseur d'un pseudopode ordinaire ; ce fdament peut céder à son tour, et l'on a alors deux individus au lieu d'un. Mais le plus ordinairement, ce n'est pas ainsi que les choses se passent, et les deux fractions de la 'division, tout en agissant chacune à sa guise, continuent à se tenir par la main comme deux sœurs. Non seule- ment elles ne rompent pas le trait plus ou moins effdé qui reste interposé entre elles, mais encore il arrive, j'en fus souvent le témoin, que deux de leurs pseudopodes se rencontrant, se fusion- nent l'un avec l'autre et viennent établir un second pont de commu- nication parallèle au premier. Chaque fois que deux pseudopodes émanant ainsi de deux centres différents se rencontrent, et qu'on le veut de part et d'autre, >I y a soudure des pseudopodes. La soudure faite, le trait d'ujiion s'élargit plus ou moins par afflux de plasma, et la communication entre les deux territoires sarc^odiques est largement ouverte, les granules d(> l'un i)ouvanl passer dans l'autre. Ce mécanisme explique les aspects MONOBI CONFLUENS. 587 si variés et se traits formant, d'un joui- à l'autre, sous lesquels une môme colonie se présente. Partant d'un individu, nous venons de voir comment on arrivait à deux, qui tantôt se séparent, tantôt demeurent en relation. J'ai dit que ce dernier cas était la rèi^Ie, Chacun des deux nouveaux indi- vidus, se comportant au bout d'un certain temps comme le premier, on arrive à quatre, tous unis entre eux comme les anneaux d'une chaîne. J'en ai compté jusqu'à huit ainsi associés, et leur file s'éten- dait sur une grande longueur, décrivant une courbe légère. (Fig. 7.) Le lendemain, ce n'était plus cela. Chaque membre de la colonie avait tiré sur la corde commune, et une nouvelle résultante était née de ces caprices contraires. Mes Monères étaient maintenant groupées comme le montre la figure 8, un quadrilatère surmonté d'un triangle, surmonté lui-même d'une flèche. Il avait suffi de quelques pseudopodes, tendus d'un individu à l'autre et soudés, pour substituer cet aspect au premier. Un peu plus tard, la même cause avait engendré un spectacle différent, et, plus vivante image de la société qu'aucune autre, cette mobile colonie n'était jamais à la fin du jour ce qu'elle avait été à son lever. Je ne m'arrêterai pas à décrire ici la série de ces fluctuations ; on se doute bien aussi que le nombre des membres augmenta par la division de quelques colons, mais certains membres aussi se séparèrent pour vivre à part, au moins momentanément. On ne saurait évidemment ne pas accor- der que des individus séparés ne puissent rentrer en relation avec une colonie, ou deux colonies se rattacher l'une à l'autre en une confédération plus vaste, après ce que nous avons dit sur la facilité avec laquelle se mariaient et divorçaient les membres d'une môme chapelle. Ici, s'arrêtent les observations. Le mode de reproduction que je viens de décrire, la multiplication par fissiparité est-elle la seule dont jouisse cette espèce? C'est une question que je n'oserais décider; il ne faut pas hypothéquer l'avenir et s'il est exact qu'on ne connaisse pas d'autre moyen de propa- gation que celui-là dans certains genres [Protamœ/ja, Myxodictyum), il n'en est pas moins vrai que notre ignorance, à cet égard, peut être le simple effet de circonstances contraires. On peut pourtant faire remarquer que dans les Monères qui s'enkystent pour se repro- duire {VampyreUa, Protomyxa, etc.), on voit rarement l'espèce jouir en outre, durant sa période d'existence libre, d'une fissiparité active. 588 AIMÉ SCHNEIDER. et cette considération peut faire admettre Tidée qu'il sagit bien ici d'un organisme simple n'ayant, en partage, que le mode le plus simple et le plus rudimen taire de tous de multiplication, la division sans préambule, à ciel ouvert. Que notre Monobia confluens soit une Monère, après ce qui vient d'être dit, c'est ce qu'on ne saurait guère contester. Pourrait-il s'agir là d'une phase évolutive d'un organisme plus élevé? Je ne vois aucune raison de le supposer, et l'analogie est contraire à ce soupçon. Ainsi que le Myxodictyum sociale, cette Monère pourrait être con- sidérée, avec Clans, comme un Foraminifère nu, si on ne savait que les derniers travaux sur les Foraminifères tendent à démontrer la gé- néralité de l'existence d'un noyau dans les représentants de ce groupe. Il me paraît donc nécessaire de conserver l'ordre des Monères tel que Haeckel l'a institué, jusqu'à ce que nos connaissances sur les re- lations mutuelles des Protozoaires soient devenues plus complètes. TABLE ALPHAEÉTIQUE DES MTIÈRES TOME VII Amphihiologie ("Voir Knauer). Blasloderme (Voir Bobretzky). hobrelzky. Sur la formation du blasto- derme et des feuillets chez les insec- tes, N. et R., anal, par M. Maupas, ]>. XXV. Uraun. Sur le développement embryon- naire des Mollusques d'eau douce, N. et R., anal, par M. L. Joliet,^.XL\i. Brisinga (Voir Ludivig). Gaprelle (Voir Al. Gamroth). Carus {Victor}. L'indicateur zoologique, N. et R., par M. Schneider. Cellules (Voir Klein). Challenger. Sur l'état d'avancement des publications de l'expédition du Chal- lenger, anal, par M. Maupas, N. et R., p. XXXV. Claus. Traité de zoologie conforme à l'état présent de la zoologie (traduc- tion française de M. le prof. Moquin- Tandon.), N. et R., p. viii. Contractilité (Voir Engelmann). Crustacés décapodes (Voir Yung). Darwin. Les récifs de corail, leur struc- ture et leur distribution, N. et R., an- nonce., p. XLI. Développement des Mollusques d'eau douce (Voir Braun). Digestion (Voir Fredericq). Engelmann [Wilh.]. Contractilité et dou- ble réfraction, N. et R., anal., par M. Maupas, p. xui. Entozoairesdes insectes(Voir Os. Galeb). Eponges (Développement et anatomie des) (Voir F.-E. Schulze). Eivart (Voir Geddes et Ewarl). Fécondation (Voir Hertwig). Ferments (Voir Krukenberg). Fredericq (Le docteur Léon). La diges- tion des matières albumiuoïdes chez quelques invertébrés, p. 391. Fredericq. Recherches sur la physiologie du Poulpe connu, p. 535. Galeb (Le docteur Osman). Recherches sur les entozoaires des Insectes. Orga- nisation et développement des Oxyu- ridés, p. 283. Gamroth [Aloïs). Contribution à l'étude des Caprelles, N. et R., anal." par M. Maupas, p. xxxtii. Geddes (Voir Sorokin). Geddes et Eivart. Sur la morphologie des vibrions {Spirillum),N.etR.,p.xvn. Gloidium (Voir Sorokin). Hertwig [Oscar). Contribution à l'histoire de la formation, de la fécondation et de la segmentation de l'œuf animal, N. et R., p. I, résumé par M. Schneider. Influence des milieux physiques sur les êtres vivants (Voir Yung). Insectes (Voir Blastoderme]. — (Voir Oxyures). — (Voir Os. Galeb). Invertébrés (Voir Digestion). Joliet (Lucien) (Voir Braun). — (Voir Walers). Klein. Observations sur la structure des cellules et des nucléus, anal, par M. E. Maupas, N. et R., p. xxix. Knauer. Histoire naturelle des Amphi- biens, N. et R., annonce, p. xxxv. Krukenberg. Recherches sur les fer- ments digestifs chez les Invertébrés, anal, par M. Patrick Geddes, N. et R., p. XXXI. Ludwig (D' Hubert). Sur le genre Brisinga, N. et R., p. xx, anal, par M. Maupas. Maupas (Voir Studer). — (Voir Ludwig). — (Voir Fr.-Eil. Schulze). — (Voir Bobretsky). — (Voir [Gamroth). TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. b90 Maupas (Voir SlerJd). — (Voir ChaVenger). — (Voir Schulze). Monobia (Voir Schneider). Moquin- Tandon (Voir Claus). Nucléus (Voir Klàn). OEuf (Voir Hertwig). Oxylrichinos (Voir Sterki). Oxyuridés (Voir {Osman Galeb). Poulpe (Voir Frédéric). Profondeurs de la mer (Voir Sluder). Protistes (Voir Sorokin). Récifs de corail (Voir Darwin). Sagilella (Voir Uljanin). Schœlfer [Edv. AL). Observation sur le système nerveux de V Aurélia aurita, ana!., N. et R., p. xxvii. Schneider (Voir Hertwig). — Monohia confluens, p. 583. Schuize {F. -EU.). Recberches sur l'ana- tomie et le développement des Epon- ges. Les métamorplioses du Sycandra raphanus, N. et R., p. xxi; anal., par M. E. Maupas. Schuize [Eithard). Spongicola fistiilaris. Un Hydraire habitant une Eponge, not. anal, de M.Puirier, N. et R., p. ix. Segmentation (Voir Hertwig (Ose). Siphonophores (Voir S^luder). Sorokin. Sur le Gloïdium quadrifldum, nouveau genre de Protistis, N. etR., anal, par M. Geddes, p. xlvii. Spirillum. (Voir Geddes et Etvart). Stellérides (Voir Viguier). Slerki. Contribution à la morphologie des Oxytrichines, N. et R., anal, par M. Maupas, p. xxxviii. Sluder (Th.). Sur les Siphonophores des profondeurs de la mer, N. et R., p. xiir, anal, de M. Maupas. Sycandra raphanus (Voir Ei. Schuize). Système nerveux central des Crustacés décapodes (Voir Yung). Uljanin. Sur le genre Sagilella, p.l. Vibrions. (Voir Geddes et. Ewart). Viguier. Anatomie comparée du squelette des Stellérides, p. 33. Watef's [A.-W.). Sur l'usage des oper- cules pour la détermination des chei- lostomes, N. et R., anal, par M. J. Jo- liet, p. xLvi. Y'ung [Emilf.). Contributions à l'histoire de l'influence des milieux physiques sur les êtres vivants, p. 251. — Recherches sur la structure intime et les fonctions du système nerveux central chez les Crustacés décapodes, p. 401. Zoologie (Traité de) (Voir Claus). TABLE DES PLANCHES TOME VII. Planches I, II, III, IV, Sagifella. Planches V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, Squelette des Slellérides. Planches Wm, XVII, XVIII, XIX, XX, XXI, XXII, XXIII, XXIV, XXV, XXVI, Oxyures des insecles. Planches XXVII, XXVIII, XXIX, XXX, Histologie du système nerveux central des Décapodes. Planche XXXI, Monohia confluens. PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYEK, RUE d'aRCET, 7. Arch de Zool,Exp\Vët &en^^ Vol VII PI 1 / À. \î / i^'^A \ ^ . } .^ llftutàt ttd na( tte{ /n>/> Ch rhiirdon .une Paru SAGtTELLA Libi'airie Reinwali r,.rir .™y,^ Arch de Zool Exp"^' et Gen'-^ YolVII PL II m- V de- »\»R1>V\?^^"''""''' oem dr . 12 13 15 / L^ iy-^ Vt CZfanùi aJ nat.Uei Imp C/i C/urJon auxé Parur SAGiTELLA Librairie ReirLVv/-ald Pierre j-cufy> Arct de ZooLExpl^et Gen^^ Vol.VII PL III 20 I- - fil'! ' i i ! 7.9 F /' ^ 1 m 1 % 11 -^ --i 1/ Pierre .rctt/p ArcliàeZoolEV.'^etGen^^ 23 ^ •# 32 Vol VII PL IV 2S 26 2.^ 30 k }b 29 %^'^ "je P>i°\ -h m 2 b t 28 IinpCh.Chardonaùié Farts SAGITELLi^. 1 4^^-„ :.i,~;» RBTm»7aTrl Pierrr ttailp Arch.de ZooI.Exp^.'elGen^' Vol. VJJ, FL.V. v-^ I ^ ^' 0 6 d ^ *2s. CViqnier ad aat.del. Jmp.Becquet i_io. Astenas glacialis ( O.F.M.)_ii, 12. Pycnopodia helianthoides (Stinip.j_13,l4. StichasterauraTitiacus ( E.Pj Litrairie C.Tlemwald. m « ft Arcl^. de Zoûi. Exp^.^ et Gen^.^ 1 Vol. VII. PL. VI. «I ^im KarmaTiski lith. C.ViameradTiat.del. Imp .BecqaeL. i_j. Stichaster aurantiaciis ( E.?)_4_ii. Heliaster TTiicrobrachia (XaTiius.)_i2. H. heliantlius (Gray.) litrairie C.Tveinwald. Arcli. de Zool.Exp^' et G en' M Vol, VII. PL. Vil. i_7. Echmaster sepositus ( î\ 16-20. Milhrodia împ. M. T.) .8-1. clavigera .5. Cribrella — ' E.P. ^ oc Karmansl OUlata l Pûrl)es.) ArclideZool.Exp^.'etGrâ^.^ i Vol. VII. PL. VIII. C . Viquier ad Tiat. del iînp Becquet Karmanski litK. i_6. Solasterpapposus (Forbes.)_7. S. endeca ("For'bes. 8_i2. AcantKaster echimtes (E.P. ) ^^: ïï Aich.d,', Zool.Lxp'.'cl Gcn^ Vol. Vf[.P],.l> CV'iquier ad na( aei. /mp. BeCijueL. Karmanr.lt i htt 1^-;. Ophidiaster pyramidaliLS ( Gray.)_8-15. Scjtaster Novct-CaledonicT. i K.R)_14,15. V'alvaster stnatus (K.P. ) Libraiiie C.Remwald. ^ Arch.clcZooJ,Jixp'.^--.l Cieu}^ Vol. VU. PL. X C -Viquier ad iiai.dei. Imp Becqnei . Karmanaki li1h 1.6. Lmckia nuliaris ( v. Ma^t.)_7. .L.diplax ( iuik.)^8-i3. Cliœtasler loiigipes (Sars.) .i4_i9.>romia milleporella ( GTaj.j_20_25. Penlagonasler acU-ûlo^lJOrUm ( E.P. ) I^bra.neC Remwald. Aivh ,1,. ;/,-,ol K\p-S^! G.^r \ùl.\[l. H,,XJ, i j_.3. Anthenea articulata ( E.P. )_4_6. Pentâceros reticulatus ( Lmck ) Li.braiTie C.Reinwalil /\ccfi.tle. /,()(.){. l'/vD . cl (jeu Voi. \ll. PL. XII. 1 ,2. Aiilhenea articulata (E.P.).^u,4. 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